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1734, 05, 06, vol. 1-2
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MERCURE
DE FRANCE ,
DEDIE AU ROT
MA Y. 1734.
RICOLLIGIT
SPARGIT
Papillar
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER.
ruë S. Jacques.
Chez LA VEUVE PISSOT , Quay
de Conty , à la descente du Pont- Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais.
M. DCC. XXXIV.
Avec Approbation & Privilege du Roy.
THE NEW YORIT
PUBLIC LIBRARY
ASTOR,
005
و
AVIS.
TILDEN BUNDAS ESSE generale est à
Monfieur MOREAU , Commis au
Mercure vis - à - vis la Comedie Frangoife
, à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets cachetez
aux Libraires qui vendent le Mercure,
à Paris , peuventſe ſervir de cette voye
pour lesfaire tenir.
On prie très- inftamment , quand on adreffe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , ..fin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non -feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrage mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardé
de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de la premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreffes à M. Moreau ,
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps , & de les faire porter fur
T'heure à la Pofte, on aux Meffageries qu'on
lui indiquera.
PRIX XXX. SOLS.
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT.
M A Y.
1734.
***********************
PIECES
S
FUGITIVES ,
en Vers et en Prose .
MEDE.
CANTATE.
"
UR un affreux Rocher que la Mer
irritée ,
Battoit de tous côtez de ses flots
écumeux ,
Andromede, étoit enchaînée :
Victime du courroux des Dieux ,
:
Pour expier l'orgueil d'une More insensée ,
A périr sous les coups d'un Monstre furicux ,
A ij
L'Ora
SH.P
836
MERCURE
DE
FRANCE
:
L'Oracle l'avoit condamnée :
Jeune , pleine d'attraits , fille d'un Roy puissane
Sur le point d'allumer les feux de l'himenée ,
Par un revers terrible , elle est en un instant
Seule , proscrite , abandonnée ;
Envain l'air retentit de ses gémissemens ;
Le Ciel s'est déclaré contre elle ;
Rien ne peut adoucir ses Arrêts violents :
En vain par ces tristes accents ,
7
Bile exprime l'excès de sa douleur mortelle ;
Vains attraits , funeste Beauté ,
Objet d'une jalouse envie ,
Qui faisoit ma félicité ,.
Tu fais le malheur de ma vie
C'en est fait , ces traits séduisants ,
Qui bruloient des plus vives flammes
Les coeurs d'une foule d'A
N'ont plus de pouvoir sur leurs ames
Grands Dieux ! quel affreux changement !
Tout me fuit , que dis- je! Phinée ,
Peu touché de ma destinée ,
N'est plus qu'un lâche , un inconstant,
Tandis que sa douleur profonde ,
Porte ses plaintes jusqu'aux Cieux ,
L'air s'obscurcit , la foudre gronde ,
Les vents souflent , le Ciel brille de mille feux ,
La
MAY: 1734 7837
La Mer s'agite, un flot avec force s'élance ,
S'abbaisse tout à coup , vers le Rocher s'avance ,
Et vomit le Monstre à ses yeux .
Déja vers l'aimable Princesse ,
Il marche à pas précipité ,
Il atteint le Rocher ; sa fureur vengeresse ,
Est prête à dévorer cette jeune Beauté ;
Ne craignez ' rien , Princesse infortunée ,
L'Amour s'interesse à vos jours ;
Ce Dieu vous amene Persée ;
Esperez tout avec de tels secours ,
Cet Amant génereux , mieux que l'ingrat Phi
née ,*
Sçaura de vos malheurs faire finir le cours ;
Persée à cet instant s'avance vers la Roche
L'aspect de tant d'appas redouble sa valeur ;
Furieux , du Monstre il s'approche ,
Il l'arrête , et d'un trait il lui perce le cour
Le'Monstre fait des résistances vaines ;
Il perd son sang , il tombe , il meurt ;
Cependant cet Amant vainqueur ,
D'Andromede brise les chaînes ,
Et lui fait un aveu de sa secrette ardeur ;
La Belle ne fut pas insensible à ses peines ,
Un service si grand parloit en sa faveur
L'Amour se mit d'intelligence ;
Une tendre reconnoissance |
La fit ceder bien- tôt à son Liberateur ;
3
A iij Amans ,
838 MERCURE DE FRANCE
Amans , les froideurs de vos Belles ,
Ne doivent point vous dégager
Les plus ficres , les plus cruelles ,
Peuvent en un instant changer.
Soyez tendres , soyez fidelles ,
Et ne vous relâchez jamais ,
Le moindre service pour elles ,
A toûjours de puissants attraits.
Un amour de reconnoissance
Chez le Sexe naît aisément ;
Et souvent plus loin qu'il ne pense ,
Il porte cet engagement.
V. D. G.
1 [
LETTRE de M. L *** Ch . et S.
d'Auxerre , aux Auteurs du Mercure de
France , touchant la Sépulture de saint
Agnan , Evêque d'Orleans.
Lya , Messieurs , plus de trente ans
leans , nommé M. le Brun , avoit composé
une ample Dissertation sur la Sépulture
de S. Agnan , dont on vous a envoyé
un Extrait , que vous avez publié
dans
MAY
839

1734
dans le Mercure de Septembre dernier .
Ainsi je ne croi pas que celui de qui vous
tenez cet Extrair , se fasse honneur de
la Dissertation. Je la conserve écrite de
la main de l'Auteur , avec la copie d'une
Lettre que M. Baillet lui écrivit en conséquence
de la communication qu'il lui
en donna. Certe Piece servit aussi à Orleans
à détromper tous ceux qui voulurent
en prendre communication . Je
suis bien aise que vous en ayez publié
l'essentiel.
C'est en effet une erreur grossiere de
croire que S. Agnan ait été inhumé dans
l'Eglise de S Laurent , qui est située à
l'Occident de la Ville d'Orleans . Outre
Is témoignages tirez du Testament de
eodebode , de la Vie de S. Mémin , de
celle de S. Euspice , que M. le Brun a
fait valoir , il s'en présente encore un
plus formel , qui n'est pas venu à sa
connoissance , et dont on ne peut éluder
la force , quelque antiquité qu'on s'avise
de donner à la Tranflation prétenduë
du Saint Corps d'une Eglise de S Laurent
, bâtie à l'Occident d'Orleans , en
celle de S. Pierre , bâtie à l'Orient. Cette
Tranflation doit passer pour chimerique,
dès-là qu'on lit dans une Vie authentique
de S. Agnan , qu'après son décès
A iiij un
842 MERCURE DE FRANCE
de S. Laurent à l'Occid.nt d'Orleans ,
laquelle est appellée S. Laurent des Orge
rils ,mais je me croi assez fondé pour soutenir
qu'il y en a eu une autre du nom
du même Saint , du côté Oriental. Si
dans Orleans il a existé jusqu'à cinq ou
six Eglises du nom de Saint Pierre ,
deux sous le titre de Saint Jean , et deux
sous celui de S. Germain d'Auxerre ;
quelle impossibilité y a-t'il qu'il n'y ait
aussi existé deux Eglises du nom de saint
Laurent N'y a- t'il pas eû de- même à
Paris deux Eglises du nom de S. Vincent,
Martyr d'Espagne ? Combien de Villes
où il y a plus d'une Eglise du titre de
S. Martin ou de quelqu'autre Saint célebre
?
Une preuve qu'il y a eu pendant quelques
siecles une Eglise ou Oratoire de
S. Laurent dans le Champ de Tétrade à
l'Orient d'Orleans et sur le Territoire de
l'Eglise qui a porté depuis le nom de
S. Agnan , est , que la memoire de ce saint
Martyr est distinguée de temps immémorial
de celle des autres Saints étrangers
, dans l'Eglise de S. Agnan même.
Dans le Catalogue des dix- neuf Autels
que l'on y érigea lorsque le Roy Robert
fit rebâtir à neuf cette Eglise , on voit
qu'après l'Autel principal sous l'invoca
tion
MAY. 1734.
843
tion de S. Pierre et S. Paul , celui de
S. Benoît et celui de S. Euverte , c'est
celui de S. Laurent qui suit immédiate
ment , par distinction au dessus de ceux
qui portoient le nom de S. Sauveur , de
Notre- Dame , de S. Jean , de S. Michel,
qui ne sont nommez qu'après. Je ne
prétens point qu'il y ait eu dans l'étenduë
du Champ de Tétrade , ni autour
de l'Eglise de S. Pierre , dite depuis saint
Agnan , autant d'Eglises qu'on érigea
d'Autels dans le nouvel Edifice achevé
l'an 1029. mais au moins y en avoit- il
eu d'érigez sous l'invocation de ceux qui
y sont nommez les premiers avant Notre
-Seigneur et la Sainte Vierge .
Helgaud , Moine de Fleury , ne parlet'il
pas d'une Eglise de S. Martin comme
existante sous le Roy Robert , laquelle
étoit une Chapelle à l'extremité du Cloftre
de S. Agnan , et qui n'existe plus ? Il
ne faut donc pasjuger des siecles passez par
les choses qui subsistent de nos jours , ni
croire qu'il n'y a jamais eu à Orleans
qu'une seule Eglise de S. Laurent , parce
qu'on n'en voit qu'une aujourd'hui . Il
doit y en avoir existé une autre à l'Orient
de la Cité ; et c'est cette Eglise aujourd'ui
inconnue et dans l'oubli , qui
sert de fondement à la Tradition d'Or-
A vj leans
844 MERCURE DE FRANCE
leans , que le Corps de S. Agnan a été
transferé de l'Eglise de S. Laurent en celle
qui a depuis porté son nom.
Lorsque le Corps de ce saint Evêque furt
remué pour la premiere fois , il a pû se
faire qu'il reposoit alors dans un Oratoire
ou petite Eglise de S. Laurent , bâtie
dans le Champ de Tétrade , et que
de- là , vû le peu d'éloignement , le Tombeau
tel qu'il étoit , ait été transporté dans
l'Eglise de S. Pierre , qui étoit le principal
Edifice entre ceux de ce Champ . La
petite Eglise de S. Laurent ayant ensuite
été détruite comme inutile , ou étant tombée
de vétusté , il sera arrivé depuis , lorsqu'on
parloit de la Tranflation du Corps.
de S. Agnan , que le Peuple aura attribué
à l'Eglise de S. Laurent des Orgerils ,
ce qui ne convenoit , dans la verité , qu'à
P'Oratoire de S. Laurent , qui avoit été
situé dans la partie toute opposée . Ainsi
se forment souvent les Traditions populaires.
On attribuë à l'objet existant , ce
qui n'avoit été dit ou écrit que de l'objet
détruit ou anéanti ; et pendant que personne
ne produit des preuves de la méprise
, l'erreur prend racine , elle s'autorise
ensuite de son antiquité , trouve
des Protecteurs dans les Habitans du Lieu
qu le nom se conserve , et il faur user
après
MAY. 1734 845
après cela de mille ménagemens pour les
faire revenir de la bévûe où la simplicité
de leurs prédécesseurs les avoit jettez.
M. Baillet n'a pas voulu adopter la nouvelle
Tradition de S. Laurent au Fauxbourg
Occidental d'Orleans . Le Pere de
Longueval , Jesuite , ne déterminant
point la situation de l'Eglise de S. Laurent
, a évité de la favoriser ouvertement.
Quoique la Tranflation du Corps de
S. Agnan du premier lieu de sa Sépulture
dans le lieu qui portoit le nom de
Basilique de S. Pierre , n'eût pas été d'un
grand trajet , et qu'elle n'ait peut- être
été que d'un jet de pierre , elle a cependant
été écrite dans les anciens Martyrologes
et Calendriers , parce qu'elle a été
assez remarquable pour ces temps - là où
les remuemens des Corps des Saints ne
se faisoient gueres que lorsqu'une Eglise
menaçoit ruine ou qu'elle étoit trop petite
pour le concours qui se faisoit à leurs
Tombeaux. On la croit du commencement
du septiéme siecle. L'Ombre de
M. Thiers auroit pû l'ajouter aux exemples
de Tranflations de Saints Confesseurs
qui autorisent sa rétractation * sur celle
de S. Firmin le Confès d'Amiens , outre
1
Cette rétractation est imprimée dans le Mersure:
de Juin x7.3.1 IĮ. volume.
celles
846 MERCURE DE FRANCE
celles de S. Vaast d'Arras , qui fut faite
dans le même siecle par S. Aubert , l'un
de ses Successeurs , et celle de S. Maximin
, Evêque de Tréves , faite aussi alors
par S. Hidulfe , Corevêque de ce Siege.
Je ne parle pas de quelques autres plus
anciennes , telle que celle des Saints Evêques
de Verdun , prédecesseurs de S. Airy
, faite par lui -même au sixiéme siecle ,
ni de celle de S. Gatien , premier Evêque
de Tours , faite par S. Martin.
On doit compter parmi les Martyrologes
où la premiere Tranfiation du Corps
de S. Agnan se trouve , outre celui de
Bede , deux autres qui ont été publiez
par Dom Martene , l'un au troisiéme vofume
de ses Anecdotes , page 1556. où
on lit Aurelianis Translatio S. Aniani ;
l'autre au sixième tome de son ample Col
lection , page 708. où se lit ce qui suit :
In civitate Aurelianis Tranflatio Corporis
S. Aniani Episcopi , et liberatio civitatis
ipsius à Hunnis. Les deux premiers sont
anterieurs au Roy Robert. Le troisiéme
a été écrit de son temps ; mais il copie
le fait de la premiére Transflation , et
non pas celle qui fut faite sous son Regne
l'an 1029. M. de Tillemont s'étonnoit
en 1697. que dans le Breviaire d'Orleans
, publié en 1693 , par M. de Coiſlin ,
l'on
MAY. 1734. 847
l'on ne parlât au XIV. Juin , que de la
Tranflation faite sous le Roy Robert :
et sa surprise étoit bien fondée . Il auroit
fallu en effet parler en ce jour d'abord
de la délivrance de la Ville d'Orleans
des mains des Huns , qui est le premier
Evenement remarquable , par rapport à
ce qui regarde S. Agnan . Puisque la Tradition
étoit il y a neuf cent ans ou mille
ans , que cette délivrance étoit arrivée
le 14. Juin , il étoit bon d'en conserver
la memoire à ce jour et de ne la pas porter
au 17. de Novembre , jour de la mort
du saint Evêque , comme on m'a assuré
qu'elle y a été portée avec son ancien
nom de Fête du Miracle. Secondement ,
il étoit à propos d'y inserer le souvenir
de la premiere Tranflation , au moins
d'une maniere generale ; puisque c'est
elle probablement qui a été la cause pour
laquelle on choisit en 1029. le 14 , et le
Is. Juin faire la seconde et pour
pour
proceder à la Dédicace de la nouvelle
Basilique , dont il ne reste plus aujourd'hui
que les Souterrains.
Ce sont autant de corrections qu'on
auroit pû faire dans la nouvelle Edition
du Breviaire d'Orleans de l'an 1731. mais
au lieu de cela , les Réviseurs ont mieux
aimé rétablir dans la Legende de S. Agnan
l'expres
848 MERCURE DE FRANCE
l'expression , qui avoit fait naître ancien
nement l'erreur populaire , que M. le
Brun des Marettes a combattuë et queje
combats après lui par un texte dont
on aura de la peine à éluder la force.
Ce deffaut d'exactitude dans les Légendes
locales , se trouve aussi accompagné
du retranchement de l'Office de plusieurs
Saints Locaux . Je me contenterai pour
le présent de nommer S. Aunaire , fameux
Evêque , né au VI . siecle dans la
Ville d'Orleans , mort le 25. Septembre ,
et d'y ajoûter une Fête que les Auteurs
du IX. siecle qualifioient de celebre dans
toutes les Eglises des Gaules au 1. Octobre,
laquelle étoit en memoire d'un Saint ,
qui en passant par Orleans au V.- siecle ,
y avoit operé deux Miracles rapportez
dans les Manuscrits de la Cathédrale
même. Tant que les Calendriers des nouveaux
Breviaires particuliers , ne seront
pas fondez sur les Histoires locales , les
imperfections y seront inévitables .
Il est temps maintenant de vous donner
la Lettre que M. Baillet écrivoit
le 16. Décembre 1703. à M. le Brun ,
duquel je vous ai parlé ; les plus petites
Productions de la plume des grands
Hommes , sont toujours bonnes à recueillir..
»Ja
MAY. 1734. 849
t
it
es
To
33
» Je suis fâché , M. que le mois de
» Novembre soit achevé pour la réim-
» pression , car je me serois fait un plai-
» sir et un devoir de profiter de ce que
» vous remarquez au sujet du lieu de la
Sépulture de S. Agnan , et de l'emploi
qu'il eut à S. Laurent avant son Epis-
» copat ; et je n'aurois point fait difficul-
» té de changer le titre équivoque d'A-
» bé , quoique l'on pût l'entendre d'un
» Superieur ou Pasteur de Paroisse , sans
prétendre qu'il y eût des Moines. Il
>> me paroît que les autres endroits sur
»quoi tombent vos Remarques , peuvent
» s'expliquer favorablement et subsister
»comme je les ai mis sans préjudice de
la verité des faits , autant qu'on peut
» faire foy sur l'autorité humaine. Je
n suis , &c .

2
Ce 17. Novembre 1733 .

RE'PONSE à M. Servin , par Mlle de
Malcrais de la Vigne , sur son Apothéose
anticipée , qu'il a donnée dans le
Mercure de Mars.
EN lisant les apprets flateurs
De la future Apothéose ,
Dopt
850 MERCURE DE FRANCE
Dont tu veux m'assurer dans tes Vers enchanteurs
>
Je n'ai pu m'empêcher de sentir quelque chose
De ces doux mouvemens qui chatouillent les
coeurs.
Je tremble pourtant et je n'ose
M'y laisser trop aller ; je crains qu'un tel honneur
,
Contre une Muse encor naissante ,
Ne mette de mauvaise humeur
La Troupe jalouse et sçavante ,
Par qui sur l'Hélicon sont formez les Concerts
Dont les brillants accords charment tout l'U
nivers.
Poëte ingenieux je rends grace à ton zele i
Mais si je vole à l'immortalité ,
Ce ne peut être que sur Paîle
De tes Vers obligeans , dont la posterité ,
Loüera le tour et la beauté.
LET:
MAY . 851 1734.
j j j j j j š į į į jį į į į į į į į į į į
LETTRE du R. P. Dom Jacques
Alexandre , Benedictin de la Congrégation
de S. Maur , au sujet de son Traité
general des Horloges , imprimé à Paris
, chez Hypolite- Louis Guerin
rue S. Jacques , vol. in 8. 1734.
I
L est vrai , Monsieur , que le Public
souhaitoit depuis long tems d'avoir
un Ouvrage entier sur les Horloges . J'ai
tâché de satisfaire à ce désir ; vous jugerez
si j'ai réussi par l'exposé que je vais
yous faire de mon Livre. Je le commence
par deux Articles Préliminaires.
Le premier marque la maniere dont les
'Anciens distinguoient les Années , et les
partageoient en Mois , Jours et Heures ,
et fait voir par la Description du Déluge
que Moïse a faite dans la Genese , que
l'année étoit composée de douze Mois
comme elle l'est encore aujourd'hui.
Le second Article contient une Histoire
generale des Horloges , depuis leur
commencement jusqu'au temps présent..
La plus ancienne Horloge est le Cadran
d'Achaz. Anaximandre fit ensuite des
Cadrans dans la Grece , lesquels furent
aussi
$54 MERCURE DE FRANCE
>
par le moyen d'un tambour qui descendant
pendant 24 ou 3 h ures peut
marquer distinctement toutes le. heures;
c'est dequoi je donne une explication
dans ce Chapitre par le moyen de la
huitiéme Planche.
Dans le troisiéme Chapirre il est parlé
des Horloges à roues de gros volume ;
d'abord on donne un abregé des termes
les plus ordinaires qui sont en usage chez
les Horlogers , et une neuviéme Planche
est destinée à représenter les Piéces qui
sont marquées par ces termes. On donne
ensuite la Méthode pour avoir la longueur
d'un Pendule et des vibrations que
l'on souhaite ; et pour s'épargner la peine.
des opérations qu'i faudroit faire , on
donne aussi une Table particuliére depuis
une vibration par heure usqu'à cinq vibracions
par heure , dont la longueur du
Pendule est d'un pouces lignes & points,
. Comme le P /ndule peut avoir quelque
petite irrégularité par rapport à la diver
sité de la température de l'air , on donne
pour y remedier la maniere de faire un
Pendule Isocrone , dont les , vibrations
sont d'une parfaire égalité de durée jet
qui sert à faire des Horloges , qui peu
vent marquer le moyen mouvement du'
Soleil & c. La Planché o représente en-
8
suite
MAY 1734.
755
suite la construction d'une grosse Horloge
, et les Planches 11 ct 12 font voir
la figure des roües.
Le Chapitre IV. traite des Horloges à
mouvement apparent. Quelque perfection
qu'on ait pû donner aux Horloges
les plus achevées , ce n'a été que pour
leur faire suivre le mouvement moyen
du Soleil , mais je crois avoir été plus
loin ; car dès l'année 1698. je representai
à Mrs de l'Académie Royale des Sciences
un projet qui fut aprouvé , pour faire des
Horloges qui suivroient le mouvement
aparent et vrai du Soleil . L'explication
est dans ce même Chapitre IV . qui contient
sur ce sujet trois Planches entieres.
>
sa
Dans le Chapitre V. on parle du mouvement
des Planetes, On trouve dans le
premier Article un précis de ce qui regarde
chaque Planete en particulier , son
diamétre , le temps de sa révolution
distance du Soleil &c. et une seizième
Planche qui contient le systême des Planetes
selon Copernic . Le second article
est pour le Soleil en particulier , lequel
fait une révolution en 365 jours heures
49 m. Dans toutes les Horloges qu'on a
faites jusqu'à présent , on a mis une roue
qui fait un tour en un an on n'y a employé
qu'une role qui fait le tour en 365.
jours ,
3
856 MERCURE DE FRANCE
jours ; c'est un mouvement qui est trop
court environ de 6 heures , et on n'a vù
encore personne qui ait travaillé à faire
une roue qui fasse un tour en 365 jours
S heures 49 , minutes car cela est impossible
en ne mettant que des roues dont
le nombre des dents soit moindre que
100. Mais puisque cela n'est pas possible,
du moins devroit - on tâcher d'en aprocher
autant que cela se pouvoit . C'est ce
que j'ai fait , et je donne ici une roue qui
fait un tour en 365 jours 5 heures 48 m.
58 secondes , de secondes qui est le
mouvement le plus aprochant quon ait
pû trouver jusqu'à présent. En voici le
Roüage. La roue de Cadran fait un tour
en 12 heures. - 7.50 7.69. 8 .
83.

2
38
4
-
On trouve en même tems toutes les
opérations qu'il a fallu faire pour arriver
à cette précision. Viennent ensuite plusieurs
roues faisant un tour conforme aux
révolutions de chaque Planete &c. Le
Lecteur consultera pour tout ce détail
les Planches 17. 18. et 19. et les Mecanistes
auront lieu d'être satisfaits en particulier
d'une Aiguille qui montre le lieu de
la Planete dans le Zodiaque, aiguille dont
les mouvements son fort différents , et
qui tire cependant toutes ces inégalitez
d'un
MAY. 1734.
857
d'un mouvement circulaire et uniforme
de l'Horloge.
Le Chapitre VI. destiné aux Horloges
de moyen volume , est accompagné de
la Planche 21. qui représente une Horloge
de cette espece , où l'on voit l'arangement
et la disposition des roües avec
une seconde et troisiéme figure pour la
Montre ou Cadran et pour la Cycloide .
Le détail de tout ce qui appartient à ce
Chapitre est contenu dans neuf Articles
différens , et représenté en diverses figures
de la Planche vingtiéme .

Les Horloges de petit volume ou les
Montres font la matiere du VII. Chapitre.
L'instrument le plus nécessaire aux
Horlogeurs de petit volume, est la Plateforme
, qui sert à marquer sur les roiies
le nombre des dents qu'on leur veut
donner . On explique d'abord la construction
de cette Piéce. Dans l'article suivant
on explique pareillement l'usage du Balancier
qui modére le mouvement des
Montres. On n'avoit point autrefois d'autre
moyen pour regler les Montres , que
de faire ce Balancier moins ou plus pesant
mais depuis que l'Abbé de Hautefeüille
a trouvé le secret important de
modérer ce Balancier par un petit ressort
droit , qui dans la suite a été changé en
B ressort
858 MERCURE DE FRANCE
ressort spiral par M. Hugens , les Montres
ont acquis un tel point de perfection,
que celles où on a mis ce ressort ont pris
le nom de Montres à Fendules , à cause
de leur justesse. On trouve dans l'article
troisiéme une Table où sont les rouages
ordinaires que l'on employe pour les
Montres ; et la Planche 22. représente la
structure entiere d'une Montre. Un article
entier qui est le huitième contient de
bons avis pour le choix des Montres.
Le Chapitre VIII . est pour la répetition
, et pour l'instrument à fendre les
roües. Dans le premier article se trouve
la Planche 23 , où son : gravées les principales
Piéces de la répetition , le Limaçon
et la détente graduée , qui fait sonmer
autant de coups qu'il est descendu
de dents de cette détente. Dans l'article
second on traite de l'Instrument à diviser
et fendre les roües et Pignons avec autant
de facilité que de justesse , ce qui
fait gagner aux Ouvriers beaucoup de
tems. La Planche 23 représente cette
Machine, dont la Piéce fondamentale est
la Plateforme on verra dans le Livre
l'explication de cette Machine qui seroit
trop longue ici pour une Lettre.
On donne ensuite les Quadratures des
repétitions qu'on employe aux Pendules
MAY. 1734. 859
et aux Montres de poche. On a mis dans
la Planche 24. les Piéces pour une repétition
de Pendule , et dans la Planche 25.
sont figurées les Piéces d'une repétition
de Montre de poche. L'explication en
seroit ici inutile ; car la bien compourn
prendre il faut avoir devant soi les figures
gravées.
Le Chapitre IX. et dernier , contient
une Bibliographic ou un Catalogue des
Auteurs , qui ont écrit sur les Horloges ,
avec une Analise des principaux Ouvrages
qui sont venus à ma connoissance.
Le premier article de ce Chapitre est, pour
les Cadrans où je me contente de mettre
le titre des Livres , le nom de l'Auteur
et l'Edition ; l'article second est
pour les Horloges de Sable et d'Eau
Le troisiéme est destiné aux Horloges à
roües. On trouve dans cet article non
seulement le titre des Livres , mais en-t
core des Extraits très amples de ces mêmes
Livres , avec quelques Réfléxions qui
ont paru nécessaires , et qui ne peuvent
offenser personne. Enfin le quatriéme article
est des Auteurs qui sont citez dans
l'Ouvrage.
J'ai tâché, au reste, d'écrire avec simplicité,
avec ordre et briéveté , les Curieux
trouveront ce Livre bien imprimé , et les
Bij 27
860 MERCURE DE FRANCE
27 Planches qui y entrent fort proprement
gravées. Je suis , Monsieur , &c.
A Orleans le 24 Mars 1734
***************
L
A.
LE COQ
ET LE LIMACON ,
S
FABLE,
Par M. Richer.
UN jeune Coq ambitieux
Et le mieux hupé da village,
Pour chanter ses exploits et montrer son pla
mage ,
Prétendoit se percher sur un Pin sourcilleux,
Enflé d'une telle espérance >
Il prend sa volée ; il s'élance ;
Mais quoique notre Oiseau ne fut pas des plus
lourds ,
Il fit de yains efforts , et retomba toujours.
Les Poules s'en railloient. Șa honte étoit extrê
me ;
Quand au sommet de l'arbre même ,
Qu'il ne pouvoit atteindre , il voit un Limaçon .
Pour un Oiseau şi fier quel surcroît de disgrace
!
India
MAY. 17347 361
Indigné que dans cette place
Ce méprisable insecte eut porté sa maison ,
Eh ! qui t'a mis si haut? lui dit - il en furie ,
Sçais-tu fendre les airst non , mais je sçais ram
per ,
Repart le Limaçon : avec cette industrie
Est-il sommet si haut qu'on ne puisse atraper è
LETTRE de M. *** à Mlle ***
sur l'Origine de la Musique.
V
Ous m'avez souvent demandé ce
que je pensois sur les différentes
sortes de Musique , en personne qui n'a
pas decidé quel est son gout , qui n'ose
s'y fier, et qui reste dans l'incertitude ; les
différentes opinions n'ont pas la force
de vous entraîner mais bien celle de
suspendre l'impression du sentiment auquel
vous n'osez vous livrer : voici votre
excuse.
"
د
Votre coeur n'a jamais été touché,vous
ne connoissez point l'amour, vos Amants
ont voulu vainement vous le faire connoître
vous n'avez connu que vos
Amants , les uns emportez et grossiers ne
vouloient que vous corrompre , ils vous
ont inspiré de l'horreur , d'autres ayant
Bilj le
852 MERCURE DE FRANCE
le même projet l'ont dissimulé , les uns
se sont donnez pour Philosophes uniquement
charmez de vos vertus , la plûpart
se disoient séduits par les graces de
votre esprit , ce même esprit qu'ils vantoient
vous a servi à connoître la fausseté
de leur caractere , les voilà démasquez er
méprisez ; d'autres encore ont essayé de
vous plaire par les discours flatteurs , les
coquetteries et les gentillesses frivoles
qui séduisent presque toutes les femmes ;
cet art , ce manége vous a paru plat¸
et tous les Amans vous ont paru dangereux
et incapables de satisfaire vôtre esprit
et de toucher votre coeur.
Il m'a paru nécessaire de débroüiller
en vous les idées fausses que vous avez de
l'amour avant que de vous parler de lui .
Ne croyez pas que j'entreprenne de vous
le faire connoître autrement que par la
simple théorie,peut-être un jour l'Amant
qu'il vous a destiné vous fera sentir quel
il est.
amours
On a distingué il y a longtems deux
l'un sous le nom d'Eros et
l'autre d'Anteros , c'est du premier dont
je veux vous parler , c'est lui qui aima
Psiché , cet amour tendre , pur , vrai ,
vif , constant , fidele , ne pouvoit aimer
que Psiché, il vouloit être aimé de même;
1
pour
MAY . 1734 863
"
>
pour cela il lui falloit une ame toute entiere
, il trouvoit dans toutes les femmes
les deffauts et les dégouts que Psiché
trouvoit dans tous les hommes , rien ne
pouvoit plaire à Psiché et n'étoit digne
d'elle que l'Amour lui - même , la Fable
vous a apris tous ses malheurs, la curiosité
et la vanité les causerent , elle y joignit
la défiance , crime pour l'amitié
mais affreux et irrémissible aux yeux du
véritable Amour , vous êtes étonnée de
m'entendre dire aux yeux du véritable
Amour:Oui à ces yeux: celui là n'est point
aveugle, ilest clairvoyant,mais silentieux ;
il parle peu , simplement, évite les frases
et les tours affectez , son langage est vif ;
plein de naiveté et d'expressions , tout
parle en lui rien n'étoit perdu pour
Psiché, une ame n'a pas besoin de grands
discours pour entendre toute la force et
toute la grace d'une pensée, encore moins
lorsque ces pensées viennent du sentiment.
Après toutes les peines que les défauts
de Psiché lui avoient causées , après
qu'elle eut expié ses crimes , en se livrant
entierement a l'Amour , il l'épousa ; les
Dieux approuvérent ce mariage, ils étoient
seuls dans l'univers faits l'un pour l'autte;
de ce couple charmant naquit la volup
té , cette Deésse étoit digne de son ori-
و
Bilij gine ,
864 MERCURE DE FRANCE

gine , elle ne se sépara jamais de son pere
et de sa mere , elle enfaisoit les délices
sans parler les différens idiomes , elle se faisoit
entendre à toutesles nations , il suffisoit
pour cela d'avoir une ame ou de l'amour
, tout ce qui étoit privé de l'un ou
de l'autre ne l'entendoit point , tout ce
qui suivoit les étendarts d'Anteros étois
sourd pour sa voix délicate et gracieuse ;
vous sçavez qu'Anteros , le faux amour
vint s'établir sur la terre , qu'il subjugua
presque tous les mortels , il les blessoit
avec des fléches empoisonnées, il trainoit
après lui la jalousie , la fraude , la trahil'inconstance
, l'indiscretion ; delà
vinrent des guerres et des meurtres sans
nombre ; pour les séduire , il menoit avec
lui une fausse volupté qui ne ressembloit
en rien à la fille de Psiché ; elle ne don- .
noit que
des plaisirs grossiers qui ne flattant
les sens que pour des instants, les détruisoient
en peu de temps ; la fille de
Psiché un jour en badinant essaya
d'imiter
les soupirs d'amour sur un instrument
qu'elle fit avec un roseau ; sur ce même
instrument elle trouva le moyen de peindre
par des sons les differentes agitations
d'un coeur amoureux : langueurs, larmes,
délices , joye douce et naïve ; son pere et
sa mere sentoient augmenter leurs plaisirs
son ,
pac
MAY. 1734. `865
par les sons touchans qui les représentoient
; la volupté ne s'en tint pas à ce
coup d'essay , elle inventa plusieurs instrumens
, ayant tous des beautez particulieres
et propres à caractériser et à peindre
tous les differents mouvements de
l'ame au point de les faire ressentir à ceux
qui en étoient susceptibles : les Oyseaux
habitans des bocages du pays fortuné ou
ces Dieux charmans avoient choisi leur
retraite , apprirent bien- tôt à former des
sons mélodieux et agréables ; les Bergers
soupiroient sur la flutte & animoient
leurs danses , par le son de la Musette et
du Tambourin . Un jour un Rosignol
s'étant éloigné de sa demeure ordinaire ,
fut surpris par un amour folâtre qui voltigeoit
près de l'isle fortunée , son chant
lui parut nouveau ; il porta l'Oyseau à
Venus comme un présent rare et digne
d'elle , elle en connut tout le prix , et sur
le champ ayant fait atteler son Char, elle
ordonna au Rossignol de voler devant
ses Pigeons et de la conduire dans les
climats , inconnus jusqu'alors , où les
Oyseaux avoient un ramage si tendre ,
il obeït , elle part et arrive , son Char
resta suspendu dans les airs enveloppé
d'un nuage ; elle vouloit vor sans être
apperçue , ses yeux furent frappez du
>
B v plus
866 MERCURE DE FRANCE
plus agréable spectacle qui fut jamais
son fils et Psiché sur un Trône de gazon
et de fleurs dans le lieu le plus délicieux
de l'univers. Je n'en ferai point la description
, l'Amour l'avoit choisi pour
sa demeure , et sa fille l'avoit orné , à la
tête des Nimphes et de leur cour elle
leur donnoit une Fête champêtre , elles
dansoient sur le gazon , les Zephirs legers
dansoient avec elles , les Bergers et les
Bergeres danserent quelques Entrées de
ce Ballet ; les Graces de la suite de Psiché
en danserent aussi; ces Graces ne ressemblent
point à celles qui accompagnent
Venus , elles sont aussi modestes, naïves et
touchantes , que les dernieres sont effrontées
et minaudieres , toute la Musique du
Ballet étoit caractérisée, les yeux fermez,
on pouvoit deviner quels étoient lesDanseurs
et se représenter à peu près les différentes
figures du Ballet , tant la même
expression regnoit et dans le Chant et
dans la Danse ; il sembloit que la nature
seule eut produit l'une et l'autre ; et sans
que l'on s'en apperçut , on ressentoit les
plus délicates nuances des douces passions
exprimées par les Sons. Lorsque les jeux
furent terminez , Venus regagna Cichére
plus jalouse que jamais de la beauté et
du bonheur de Psiché , il n'étoit plus en
1
son
MA Y. 867
1734
son pouvoir de le troubler , elle voulut
du moins essayer de joüir du même plaisir
, et si les spectacles qu'elle donneroit
à Cithére n'avoient pas les mêmes charmes
, les surpasser du moins en magnificence
; elle fit construire un Theatre dont
les ornemens étoient chargez d'or et de
Pierres précieuses , les Décorations et les
Prespectives tâcherent d'imiter ce beau
Paysage qu'elle venoit de voir , un nombre
prodigieux d'Instrumens furent fabriquez
, Venus promit des dons et des
faveurs à tous ceux qui travailleroient
avec succès pour son Théatre ; tous les
hommes croyant avoir besoin de la protection
de Venus ont recours à elle
comme à une Divinité bienfaisante ; ils
ignorent que
d'elle et de ses enfans viennent
les peines dont ils gémissent , tous
travaillent à l'envi à composer de la
Musique , chacun vantoit son travail et.
la peine qu'il s'étoit donnée , les Grométres
même s'en mêlerent , ils loüoient les
calculs immenses qu'ils avoient fait pour
trouver moyen de parcourir dans les Airs
de violons toutes les differentes combinaisons
d'un ré ou d'un mi , avec les au
tres Notes; il est vrai que cet Air n'avoit
point de chant , et dans cette Musique
contrainte et si pénible à composer , rien
B vj
>
ne
868 MERCURE DE FRANCE

2
que
ne couloit de source , nul génie ne les
animoit , ils fuioient la nature et le sentiment
, l'art n'auroit dû servir qu'à chercher
l'un et l'autre pour les orner et les
mettre dans leur plus beau jour : quand
celui où l'on devoit exécuter sur leThéatre
deCithére ce Ballet tant vanté,fut arrivé,
la plus part des Spectateurs s'écriérent
les Instrumens étoient faux , leurs
Sons faisoient peine aux oreilles les moins
délicates on leur déclara dogmatiquement
que c'étoit des dissonnances faites
exprès et le chef- d'oeuvre de l'Art , les
Chats originaires de Cithére ont transmis
jusqu'à nous quelques tons de cette harmonie,
comme lesRosignols nous en font
entendre quelqu'uns de celle qu'ils ont
entendue dans l'isle de l'Amour.
Le Ballet fut dansé par les Nimphes de
la suite deVenus , Danses indécentes où
se mêloient des Athlettes de la suite de
Mars , les Graces faisoient des sauts et des
tours de force la confusion regnoit ,
la Musique n'avoit de raport à la Danse
que par le mouvement plus ou moins
vif , point de pensée par conséquent ,
point d'expression; on parcouroit tous les
tours avec rapidité , les dissonances prodiguées
sans cesses quelquefois on s'obsti
noit à rebattre deux Notes pendant un
quart
M/ACY. 1734. 369
quart d'heure , beaucoup de bruit , force
fredons ; et lorsque par hazard il se rencontroit
deux mesures qui pouvoient
faire un Chant agréable , l'on changeoit
bien vîte de ton , de mode et de mesure,
toujours de la tristesse au lieu de tendresse,
le singulier étoit du barocque , la fureur
du tintamare; au licu de gayeté, du turbulant,
et jamais de gentillesse, ni rien qui
put aller au coeur ; vous en sçavez à présent
autant que moi , faite votre choix
l'une des deux Musiques vient de Cithére,
l'autre de la fille de l'Amour et de Psiché ,
ne croyez pas qu'une nation s'en soit
proprié, l'une à l'exclusion de l'autre ; les
deux Musiques se sont répandues dans
toutes les nations , vôtre coeur et vôtre
gout vous feront démêler quelle est leur
origine. K
ap-
Vous trouverez peut- être que j'avance
sans preuve que les Chats sont originaires
de Cithere , ils en conservent encore
les inclinations et les manieres , remplis
de gentillesses dans leurs badinages , un
cruels
trompeurs, féroces, sans amitié ; lorsque
l'Amour les rend heureux, leur indiscrétion
l'aprend au voisinage par leurs clameurs
ils sont légers et volages comme
les Cupidons , le Rosignol amoureux
air doux
plein de dissinmitié
,
I
Venu
870 MERCURE DE FRANCE
venu de l'Ifle fortunée ne chante que
pour toucher sa Maîtresse ; est - il heureux
? il se tait et ne chante plus. Content
de sa bonne fortune , il la goute
en silence.
************** : *
REPONSE à l'Epitre de M. Néricant
Destouches , de l'Académie Françoise
, insérée dans le Mercure du mois de
Février dernier , page 219. Par Mlle de
Malcrais de la Vigne , du Croisic en
Bretagne.
LE
10
E triomphant Auteur qu'adopta Melpomene,
Qu'Erato siempressa d'alaiter au bérceau ,
Daigna me couronner du Laurier le plus beau.
Celui par qui Thalie aujourd'hui sur la Scene ,
Sçait de nos passions exposer le Tableau ,
Vient d'honorer mes Vers d'un suffrage nouveau .
Voltaire , Esprit divin , dont la Verve hardie
Dans ses poëtiques transports ,
De Sophocle et d'Homere , égale les efforts ,
Néricaut , facile génie ,
را
Du délicat Térence , adroit ImitateurgetAl
Partagez entre yous mon coeur. }
Ne vous offensez pas, beaux Seigneurs, du partage
D'uncoeur queje voudrois vous pouvoir à chacun
Donner
MAY. 871
?
1734.
Donner tout entier ; mais l'usage ,
Cet usage charmant prétend qu'on n'en ait qu'un
Tel est mon sort , et l'on dit même
Qu'un coeur double est trompeur et ne vaut ja
mais rien ,
Et qu'en vous jurant qu'il vous aime ,
Il sçait cacher aux yeux dans un tendre entretien,
Sous l'écorce d'un doux maintien ,
Une ame traitresse et sauvage.
Grands Dieux
avantage ,
préservez- moi d'un si triste
N'ayons qu'un coeur , mais qu'il soit bon ,
Qu'une candeur de lait , que la simple franchise
L'accompagne en tout tems et le caractérise
Dieux que revére l'Hélicon ,
Si de mon coeur que je divise ,
Vous n'êtes point contens , agréez l'humble don
D'une estime qui vous est duë.
Je la puis entre vous partager librement ,
Et dans toute son étenduë
Yous la donner également.
SUITE
872 MERCURE DE FRANCE
SUITE de la Réponse de M. de Saint-
Aubin , au Problême sur l'Essence de
la Matiere.
' Ay affaire aujourd'hui à trois Géometres , à
deux Anonymes et au P. Castel. Le premier
des Anonymes croit que , suivant mon aveu ,
toute la solidité de la Géométrie réside dans le
Problême sur l'Essence de la Matiere , dont il se
déclare l'Auteur ; et il me fait dire en propres
termes , que la Géométrie n'est pas plus solide ,
quoique je n'aye comparé le Problème qu'aux
écueils de raisonnement , que la plupart des Géométres
n'ont pas évitez . C'est ce qu'il est facile
de voir dans la premiere Partie de ma Réponse.
L'Analise de l'Infini se propose de pousser toujours
en avant son Calcul , sans se soucier des
absurditez. Suivant ce Principe , elle considere
les quantitez positives et les négatives , les possibles
et les imaginaires , les vrayes et les absurdes .
Ces distinctions sont si bien établies , que les termes
de nul , d'imaginaire et d'absurde , sont propres
à la science et affectez à differentes quantitez
Algebriques. Elle tire de l'infini des solutions
plus courtes , des vûës plus étenduës , une analogie
et des expressions plus generales .
Mais les écueils du raisonnement qu'elle rencontre
sur sa route , elle ne doit les considerer
que comme des ecueils ; ce qui est compris dans
le Calcul , ne devant pas toujours passer dans le
raisonnement. Et c'est encore un avantage de
l'infini , d'avertir quand il se présente dans une
anaMAY.
1734. 873
analogie, que la supposition cesse d'être possible .
L'Auteur du Problême , au contraire , veut
guider le raisonnement par des opérations qui
ne sont propres qu'au Calcul . Il prétend trouver
par le Calcul , que le mouvement infini est égal
au repos ; et partant de cette conclusion absurde ,
il detruit toutes les propriétez de la Matiere ; il
la réduit à une simple possibilité , ce qui est nier
son existence ; et il soutient qu'un corps peut
être à la fois dans tous les lieux de l'Univers.
Mais , dira- t'on , le Calcul est donc imparfait
et trompeur , puisqu'il a donné à l'Auteur du
Problême cette premiere conclusion de l'égalité
du mouvement infini et du repos.
0 .
Je réponds que l'Auteur du Problême a dû
s'appercevoir que le Calcul lui donnoit les deux
contradictoires , sçavoir , moe , et mo
Car il est évidemment contradictoire que e ,
quantité de mouvement finie , soit égale à o
nullité de mouvement. Il n'y a rien de plus opposé
à la précision du Calcul , que d'en inferer
qu'une quantité de mouvement soit en mêmesemps
réelle et déterminée , et qu'elle soit nulle.
Toute grandeur , multipliée par zero, est égale
à zéro ; et si d'une grandeur multipliée par zéro,
il résulte un produit réel , c'est une marque infail
lible que cette grandeur est absurde.
Est - ce la faute du Calcul ? Ce ne l'est en aucune
maniere. Sa charge est autre que celle du raisonnement.
Suivant le raisonnement , à une demande
absurde point de réponse; suivant le calcul
, à une demande absurde , réponse absurde.
Vous interrogez le calcul par l'infini , grandeur
absurde en Géométrie , que vous supposez
séelie ; le calcul vous répond une absurdité , qui
est une confirmation de l'absurdité de l'infini
géométriques
La
874 MERCURE DE FRANCE
La Géométrie transcendante considere comme
point de rencontre un point , qui par la supposition
ne peut rencontrer . Elle examine aussi dans
la réunion des deux points , les rapports qu'auroient
ces deux points séparez . C'est - là tout le
mystere de l'infini , auquel rien ne manque du
côté du Calcul , et auquel il ne manque du côté
du raisonnement , que d'employer des mots qui
Bussent de la justesse et qui parussent moins merveilleux
; ce qui seroit facile.Voilà quels sont les
vrais principes de la Géométrie de l'infini ; et
quoiqu'ils n'ayent été expliquez nulle part , je ne
crains pas qu'ils soient désavouez par les plus
sçavans Géométres . C'est deffendre cette Géométrie
que de montrer qu'elle n'a aucune part
au Scepticisme et aux inclusions inconcevables ,
que l'Auteur du Problême a voulu y introduire.
Dans le même Mercure de Janvier , un autre
Géométre s'est imaginé que j'attaquois la Géométrie
, en tant que ses Elements , qui sont des
points , des lignes , des surfaces , ne sont que des
abstractions de l'entendement sans réalité. C'est
l'ancienne objection des Sceptiques , renouvellée
par Bayle. Les Géométres ont raison de ne s'y
pas arrêter. Quoique la précision géométrique
ne puisse être executée réellement et dans la matiere,
c'est un objet très- digne de l'entendement,
et qui conduit à la plus grande exactitude réelle
qui soit possible . Mais cette question n'étoit
qu'indirecte ; il s'agissoit de sçavoir si le passage
du fini à l'infini peut se faire par l'exaltation
du point à la ligne , de la ligne à la surface , &c.
et j'ay soutenu que les Infinitaires ne l'entendent
ni ne le peuvent entendre ainsi ; car une infinité
de surfaces n'est point un solide.
Le P. Castel est depuis survenu dans le Mercu
MAY. 1734- 875
re de Février. Il ne touche pas la plupart des
questions principales , sçavoir si , en Géométrie ,
on peut expliquer le passage du fini à l'infini ; si
la matiere n'est qu'une simple possibilité ; si c'est
une chose concevable que l'Etre absorbé dans le
néant ; si le plusqu'infini , les differens ordres
d'infinis et le simple infini géométrique actuelle
ment subsistant , sont des objets réels de l'entendement
ou des contradictions.
Le P. Castel se renferme dans la question de
la divisibilité à l'infini , si souvent debattuë et qui
appartient plus à la Physique qu'à la Géométrie.
Les Points , dit-il , que j'admets , sont de vrais
Points Physiques , autant que géométriques. Il admet
donc de vrais atomes , en même- temps qu'il
soutient l'infini géométrique , les differens ordres
d'infinis et le plusqu'infini .
Il vient de dire que le Point,qu'il admet; est Phy-
Bique , c'est à-dire , qu'il est matériel ou qu'il
est un corps et pour faire entendre qu'en suivant
le sentiment de la divisibilité à l'infini , il a été
dans l'erreur , il dit aussi- tôt après : le Point que
je concevois étoit un corps ; c'est- à - dire, que le
Point qu'il conçoit aujourd'hui , n'est pas un
corps , ou que le Point qu'il admet , n'est pas un
Point Physique.
Il nous donne ensuite des exemples sensibles.
Un point suspendu en l'air n'a qu'un aspect. Oui ,
un point Mathématique conçû en l'air,et qui n'est
qu'une abstraction de l'entendement ; mais si
c'est telle portion qu'on voudra de matiere , elle
aura toujours differents aspects relatifs à tout ce
qui l'environne. Je puis considerer l'angle d'une
fortification , en tant qu'il est saillant ; mais la
matiere qui compose cet angle , a nécessairement
an côté opposé et qui regarde la Place,
Le
876 MERCURE DE FRANCE
Le P. Castel m'impute une contre supposition
secrette , parce que j'ai dit que la plus petite por
tion de matiere ne cesse point , par la division
d'être matiere elle - même ; que la portion de matiere
la plus divisée qu'on puisse imaginer , étant
mise sur un plan , le touchera toujours par une de
ses parties , et ne le touchera pas par celle qui est
au-dessus, Il n'y a aucune contre- supposition ni expresse
ni secrette dans cette hypotèse . La portion
de matiere , la plus petite et la plus divisée qu'on
puisse imaginer, est encore divisible, parce que l'imagination
est finie, et que la divisibilité est infinie.
Ou si ces expressions de la portion de la
Matiere la plus petite et la plus divisée qu'on
puisse imaginer, déplaisent au P. Castel , il n'y
a qu'à dire qu'une portion de matiere , quelque
petite et quelque divisée qu'on la suppose , étant
mise sur un plan, le touchera toujours par une de
ses parties , et ne le touchera pas par celle qui est
au-dessus.
Le P. Castel continuë ainsi : Le point, la ligne,
la surface , appartiennent à l'étendue , sont dans
P'étendue indépendamment de notre entendement.
Je répons qu'au contraire le point , la ligne , la
surface , n'appartiennent en aucune maniere à
l'étendue et n'y sont point ni dépendamment ni
indépendamment de notre entendement. L'esprit
les considere abstractivement, mais ils ne peuvent
être réellement dans l'étendue . Tout ce qui est.
étendu et matériel , a nécessairement longueur ,
largeur et profondeur .
Ya-t'il rien de plus réel , dh le P. Castel , que
les bornes qui terminent quelque chose ? Non, sans
doute , mais si je ne fais attention en elles qu'à
cette qualité terminative , pour ainsi - dire , c'est
ane abstraction de l'entendement , Si je considere
MAY . 1734. 877
les bornes telles que réellement elles existent , si
je les considere comme des corps ou des portions
de corps , elles ne peuvent cesser d'avoir un côté
interieur joint à un exterieur , et d'être composées
de parties. Car toute portion d'un corps est
matér! elle , et elle - même est un corps.
Quoi ! je puis , dit le P. Castel , par une operation
aussi grassiere que l'est le toucher , faire le discernement
de la surface et du corps , toucher la surface,
longueur et largeur , sans toucher la profondeur , et
vous me direz que ces choses -là ne sont pas réellement
distinctes , et qu'elles ne le sont que par une
operation de l'esprit , tandis qu'elles le sont par
une operation de l'oeil et même de la main? Car
absolument ce que je vois et ce que je touche , n'a
point de profondeur. Au - dessous je sçais bien qu'il
ya une profondeur , mais elle appartient au corps
e non à la surface.
être
Ces paroles renferment la démonstration la
plus forte de la divisibilité à l'infini et l'exclusion
la plus formelle des atomes , puisque , de l'aveu
du P. Castel , la profondeur est réellement distincte
de la longueur , et que l'une ne peut
sans l'autre, Donc tout ce qui est Physique est
composé de parties réellement distinctes ; donc
il ne peut y avoir de point physique , le point
étant un, simple et sans parties ; donc la plus petite
portion de matiere qu'on puisse imaginer ,
peut encore devenir plus petite et ne peut cesser
d'être divisible ; C. Q. F. D.
Je puis me promener sur une Montagne sans
descendre dans une Vallée. Le P. Castel voudroit-
il en conclure qu'une Montagne peut être
sans vallée Une portion de matiere ne peut pas
être davantage sans longueur , largeur et profon
deur , disons plus, sans une multiplicité de partiog
878 MERCURE DE FRANCE
ties et d'aspects qui répondent à tous les corps
qui l'environnent , qu'une montagne peut être
sans vallée .
Mais je suppose que le Systême des atomes
soit soutenable : ces atomes , au moins , ne peuvent
être inégaux. Car leur difference seroit une
multiplicité de parties , et le plus gros pourroit
par un retranchement être rendu égal au plus
petit. Les atomes inégaux du P. Castel reviennent
au même que les points naissants et évanouissants
, auxquels Newton attribue differens
rapports entr'eux . L'inégalité des points Mathématiques
, quoique soutenue par ces deux Auteurs
celebres , n'en est pas moins contradictoire,
Après avoir rapporté la démonstration suivante
du P. Castel ; Dans un quarré qui à sa
diagonale , les lignes qui coupent ce quarré
parallelement à l'autre côté , coupent la diagonale
en autant de points , ni plus ni moins ; or la diagonale
est plus grande que le côté; donc les points d'in
tersection sont plus grands , ce qu'il falloit démontrer.
J'ai pleinement réfuté ce raisonnement
que le P. Castel dit que je n'ai pas jugé à propos
d'entamer , et je l'ai réfuté de la maniere la
plus directe , en faisant voir qu'il ne résulte autre
chose de l'hypothèse , sinon que les intervalles
d'intersection sont plus grands dans la dia
gonale que dans le côté du quarré.
C'est une pétition de principe, de prétendre que
le point est plus grand dans un plus grand cercle
: Euclide a bien sûrement pensé le contraire ,
lorsqu'il a démontré que dans tout cercle on ne
peut tirer qu'une tangente au même point. Les
objections qu'on peut faire sur le point de contact
d'un plus grand cercle , se rapportent au
cercle matériel , où il ne peut y avoir de point
MaMAY.
1734. 879
Mathématique et dans lequel la précision géométrique
ne peut se rencontrer,
pour
Quant à ce que le P. Castel donne l'expression
simple d'une chose bien sublime ,
xo1 ; il me permettra de dire que je n'y
trouve aucune sublimité ; et les principes que j'ai
expliquez , ne m'y laissent appercevoir qu'une
double impossibilité , dont les deux parties se
detruisent par la division et la multiplication.
Il est temps de finir une Dissertation aussi
abstraite. La Géométrie qui va rigoureusement
à la précision du vrai , est fort éloignée de l'esprit
de dispute. Ne donnons pas lieu aux Dialec
ticiens et aux Physiciens de prétendre que cett
science soit , comme les leurs , sujette aux contrarietez
d'opinions.
LA NATURE ET L'ART .
FABLE.
A Mile de N **
ENAé de ses progrès et fier de sés appas ;
On dit qu'un jour à la Nature ,
L'Art voulut disputer le pas ;
Qui de nous deux ( dit- il ) a de l'Architecture , ]
De l'ingénieuse Peinture
Et de l'agreable Sculpture ,
Reglé les operations.
C'est l'Art , sa science féconde
Do
380 MERCURE DE FRANCE
De nouvelles productions ,
Chaque jour enrichit le Monde.
Au corps le plus matériel ,
L'Art donne un air leger et d'agréables formes
Qu'on s'en tienne au contraire au simple naturel !
Que de confusion et que d'objets informes,
Que l'Art les mette en oeuvre : à peine ils son
polis
Que nous les trouvons embellis.
En un mot , sans cet Art en Beautez si fertile
Tout ce que parmi vous la Nature produit ,
Mortels , deviendroit inutile.
Ton amour propre te séduit ,
Dit la Nature ; ch ! quelle est ta folic,
De vouloir me donner la Loy ?
Mais , là , parlons de bonne foi ,
Ces chef- d'oeuvres fameux que ton orgueil public
Sçais -tu bien qu'ils ne sont jamais de bon alloi
Qu'autant qu'ils approchent de moi
Cette simplicite que ton affecterie ,
Contre moi tourne en raillerie ,
Mon cher , ne va pas t'y tromper ,
Il te faut du travail pour pouvoir l'attraper
Et souvent ta main l'estropie .
Je ris quand je vois l'Art me traiter en Rival ,
Il me semble voir la Copie ,
Se mocquer de l'Original .
ENMAY:
888 1734
ENVO r.
Vous, qui par un noble partage ,
Faites éclater à nos yeux
Le rare et brillant assemblage ,,
Des talens les plus précieux ;
Daignez , charmante Iris , en lisant cette Fable ,
L'honorer d'un regard affable ,
Jadis par ses naïvetez , }
Pleines de graces nouvelles ,
D'instructions et de beautez ,
La Fontaine auprès des Belles
S'ouvrit un favorable accès ;
Je travaille pour vous , comme il rimoit pour
elles ,
Peut-être , je l'avoue , avec moins de succès ,
Vous avez bien reçû des dons de la Nature ;
Mais il n'en est aucun ( tout en vous m'en assure)
Que l'Art n'ait aussi cultivé ;
Un petit differend entre eux s'est élevé ,
La Nature vous fit ce qui dépendit d'elle,
Et l'Art , de son côté , vous favorisa fort ;
Je vous fais aujourd'hui Juge de leur querelle ,
C'est le moyen, je croi , qu'ils soient bien- tôt
d'accord .
Pesselier, de la Ferté sous-Foüars .
C LET
882 MERCURE DE FRANCE
StJbstJust:StJt- fbbfbfbst
LETTRE de M. Capperon , ancien
Doyen de S. Maxent , à M. D. L. R.
sur des Champignons formez dans l'esi
tomach d'une Femme,
J
E vous écris aujourd'hui , Monsieur ;
sur un effet assez singulier de la Nature
, et qui mérite bien , à mon avis ,
d'être rendu public , tant à cause de la
rareté du fait , que par les consequences
qu'on en peut tirer, Une Femme d'honneur
et incapable de me tromper , âgét
d'environ soixante et dix ans , d'un temperament
flegmatique , me vint trouver
ces jours passez fort allarmée de ce qui
4ui étoit arrivé , pour m'en faire le récit,
et pour sçavoir ce que je pouvois penser
sur une chose aussi extraordinaire. Elle
me dit que depuis quelque temps elle
s'étoit trouvée fort incommodée de ventositez
, qui lui sortolent fréquemment
parhaut et par bas; qu'enfin lassée du mal
que
JIA
celá lui causoit , elle qrut que prenant
un peu d'eau - de- vie , cette liqueur
pourroit la soulager ; comme en effet, elle
ne l'eut pas plutôt avalée , qu'il lui prit
un grand vomissement , par le moyen
duquel
MAY. 1734
883
duquel elle rendit quantité de matieres
glaireuses , où il paroissoit plusieurs petits
corps bruns , diversement figurez ,
confondus et mêlez parmi ces glaires .
Revenue de la peine que ce vomissement
lui avoit causée , elle fut curieuse
de voir ce que c'étoit que ces petits corps
ainsi dispersez dans ce qu'elle avoit vomi
, et les ayant tirez les uns après les
autres , elle fut bien surprise de voir que
c'étoient quinze ou seize petits Champignons
, aussi exactement formez que
ceux qui croissent sur la terre ; les
les ayant
rangez sur un petit plat , elle me les fit
apporter un moment après qu'elle fut
venue chez moi. Quelques jours après
elle en jetta encore d'autres , qui me furent
pareillement apportez par la même
personne qui les lui avoit vû vomir.
Les ayant examinez à loisir et avec toute
l'attention possible , j'y en ai trouvé
particulierement un , dont la tête parfaitement
épanouie , a au moins un bon
pouce de largeur , et dont le pédicule
est long de dix lignes ; quelques autres
également épanouis , dont les têtes sont.
larges de dix à onze lignes , posées sur
des pédicules longs de cinq à six lignes ;
d'autres tant soit peu plus petits , dont
les uns sont ouverts et d'autres encore
Cij fer884
MERCURE DE FRANCE
fermez , ayant tous leurs têtes et leurs
pédicules. Il y en a un qui n'a même
que cinq lignes de hauteur , et dont
la tête ronde est fermée n'est large
que d'environ trois lignes , de couleur
plus noire que les autres ; car il est à
observer , que loin d'avoir la moindre
blancheur , ils sont tous très - bruns et
d'une contexture très - tendre. Je les ai
tous mis dans l'eau de vie , où je les conserve
pour les faire voir à ceux qui en
sont curieux .
Après cet exposé , Monsieur , il s'agit
de sçavoir d'où sont provenus ces Champignons
dans l'estomach de cette femme ;
comment ils ont pû y germer , y vege
ter et y croître . Pour bien connoître
cela , je lui demandai d'abord si dans la
la maison où elle demeure on n'y mangeoit
pas souvent des Champignons , et
si elle n'en avoit pas mangé comme les
autres , soit dans les ragoûts ou autrement
? Si elle n'avoit pas coûtume de
boire quelquefois de l'eau pendant le
jour ? Elle me répondit qu'il étoit vrai
qu'elle avoit mangé des Champignons
comme les autres ; que pendant le jour
elle buvoit quelquefois de l'eau avec
un peu de vin , et quelquefois même de
l'eau pure.
DeMAY.
1734 885
De- là j'ai conclu , que suivant toute
apparence , s'étant trouvé quelques graines
de Champignons dans l'eau qu'on
lui avoit donnée à boire , pour être res
tées imperceptibles dans quelque perit
endroit des vaisseaux où on les avoit
lavez , et que s'étant répandues ensuite
dans l'eau plus claire qu'on avoit mise
dans ces vaisseaux , c'étoit sans doute de
cette eau qu'on lui avoit donnée pour
boire , et où ces graines s'étoient trouvées
, et avec laquelle elles étoient tombées
dans son estomach. Je dis qu'il y
a plus lieu de croire que ça été par le
moyen de cette eau , plutôt qu'en mangeant
les Champignons mêmes cuits , apprêtez
et mêlangez dans des ragoûts et
des sausses ; la cuisson et le mêlange du
beure ou de graisse , ayant dû leur
ôter la disposition convenable qui leur
est nécessaire pour germer et vegeter.
On ne peut pas dire que cette Dame
a pû les manger et les avaler tels qu'ils
se sont trouvez dans son vomissement ;
car outre qu'on n'apprête pas les Champignons
pour les manger et pour les met
tre dans les ragouts avec leurs têtes toutes
épanouies , les pédicules y restant
attachez dans tout leur entier , c'est que
cette Dame n'auroit pas avalé ces Cham-
C iij pignons
886 MERCURE DE FRANCE
pignons ainsi entiers , sans leur avoir auparavant
donné le moindre coup de dent;
il faudroit pour cela qu'elle fût extrê
mement vorace , ce qui n'est pas.
Disons donc d'abord que dans l'estomach
, il se trouve une liqueur mucilagineuse
, qui s'y filtre par des ouvertures
qui représentent des especes de mamelons
, laquelle sert pour empêcher que
les choses trop âcres , trop picquantes et
trop corrosives qu'on peut avaler , n'irritent
fortement ce viscere ; et c'est cette.
liqueur mucilagineuse qui enduit le fond
de l'estomach , plus ou moins , selon que
le sang se trouve plus ou moins grossier
et visqueux dans certaines personnes.
Cela étant , il n'est pas surprenant que
des graines de Champignons, ayant été
avalées , elles se soient attachées à cette
matiere visqueuse , d'autant plus abon
dante dans l'estomach de cette Dame ;
qu'elle est d'un temperamment flegmatique
, dont le sang doit avoir moins de
volatilité à cause de son grand âge ; et
ces graines ainsi attachées et incorporées
dans cette matiere glaireuse , aidées par
la douce chaleur de l'estomach , s'y sont
suffisamment dilatées pour y pousser de
légeres racines et y vegeter de la manie
re dont on les voit.
C'est
MAY. 1734
887
-
C'est même ce qui n'est pas nouveau ,
puisqu'on voit dans les Observations de
Physique , imprimées en 1717. qu'un
Soldat à Coppenhague , ayant mangé
quelques grains d'avoine , ces grains lui
demeurerent pendant plusieurs mois dans
l'estomach , où ils lui causerent differentes
douleurs , jusqu'à ce qu'ayant pris
un remede vomitif , cela lui fit jetter
ces grains , lesquels avoient pris racine
et avoient germé comme en pleine terre,
ayant même poussé des feuilles , quoique
sans grains. C'est par le même moyen
qu'on a vû souvent des personnes vomir de
petites Grenouilles et d'autres Insectes ;
ce qu'on attribuoit souvent à sortilege ;
mais cela ne venoit que pour avoir bû
de quelque eau dormante , où s'étoient
trouvez des germes de ces animaux , lesquels
attachez aux matieres glaireuses
de l'estomach , et y ayant reçû l'impres
sion de la douce chaleur qui s'y trouve
accompagnée des parties salines et ter
restres de ces viscositez , avoient été di
latez , nourris et formez comme s'ils
avoient été dans l'eau ou dans la terre.
Enfin la conséquence naturelle qu'on
"S
* Ce Fait est rapporté par M. Bayle , dans ses
Nouvelles de la République des Lettres , mois de
Septembre 1685. page 1005.
C iiij peut
888 MERCURE DE FRANCE
peut tirer de l'état où ces Champignons
se sont trouvez à la sortie de l'estomach
où ils s'étoient formez , c'est de conclure
qu'ayant été trouvez entiers avec leurs
têtes et leurs pédicules qui y étoient attachez
, aussi tendres et aussi délicats
qu'ils sont , c'est une preuve certaine que
la digestion des aliments ne se fait pas
par la trituration causée par le simple
mouvement de l'estomach ; puisqu'il auroit
été impossible que ces petites plantes
eussent pû se former , s'étendre et
croître jusqu'au point où elles sont , sans
se trouver à la fin rompuës par pieces et
brisées , à cause de leur contexture si tendre
et si délicate . Je suis , Monsieur , & c..
A la Ville d'Eu le 14.
Avril
1734
***************
> REPONSE de M. de Claville
Pingenieux Poëme intitulé : Le Manteau
Bleu du sienr Ferré , Brigadier des Fermes
au Croisic. Par Mlle de Malcrais ,
et inseré dans le Mercure de Janvier
dernier.
A Minerve Malcrais vient de donner le reste,
En comptant tous les fils du plus vieux des Manteaux
,
Blen
MAY. 889 1734.
Bleu pâle , bleu turquin , bleu changeant , blen
celeste >
Tout autre que Ferré moins sage , moins mos
deste ,
Pourroit bien faire le gros dos.
Une loüange délicate ,
Honore plus que l'écarlate ,
Et n'est jamais mise à l'Index.
Les couleurs sont pour ceux que la fortune berne,
Et de notre Sapho moderne ,
L'Encre teint mieux que le murex.
Rengorge-toi , Ferré, plus pimpant qu'un Chanoine
,
Ton Manteau te couvre d'honneur ,
Et jusqu'au moindre fil , tout prouve en ta faveur
Que l'habit ne fait pas le Moine .
Un fripon seroit mieux vétu ;
Le drap d'or est souvent l'enveloppe du vice ;
Et ta miserable Pélisse ,
Fait l'éloge de ta Vertu.
Sois content du peu qu'on t'accorde ;
Près d'un Fleuve qui se déborde , *
Pense aux dangers de ceux qui regorgent de bien
*Le Croisic est auprès de l'embouchure de la Loire.
C v Que
890 MERCURE DE FRANCE
Que ton Manteau ne vaille rien ,
Mais que ta probité ne montre pas la corde.
Nous faisons tous des voeux pour ton avance
ment ; .9
Réjouis toi du moins de cet amusement.
Je voudrois pouvoir davantage ;
N'est- ce rien après tout de gagner le suffrage
De la Bretonne et du Normand ?
De la Sirenne de la Loire
Un Triton de la Seine admire tous les Chants
Qu'ils sont harmonieux , naturels et touchants
Sa Lire est d'or , et la mienne est d'yvoire.-
Enfin de ce Manteau bel et bien baloté ,
Qui pique des Sçavans la curiosité ,
Voici d'après Malcrais ce que dira l'Histoire !
Si des Vers ont flétri sa gloire ,
S'ils l'ont haché menu comme chair à pâté ,
D'autres Vers l'ont ressuscité,
Et vont l'éterniser au Temple de Memoire.
LET
MAY. 17347
LETTRE du R. P. Dom Augustin
Calmet , Abbé de Senones , au sujet de
la Prophétie attribuée au Roy David, & c.
MoxONSIEUR ,
J'ai reçu avec reconnoissance les deux
volumes de votre Journal , dans lesquels
sont deux Lettres , l'une de vous , Monsieur
, et l'autre du R. P. Tournemine ,
sur ces paroles du Pseaume XCV v. 19.
Dicite in gentibus, quia Dominus regnavis
&c. Il est question de sçavoir si ces mots:
regnavit à ligno , que l'on explique du
Regne de J. C. par sa Croix , sçavoir
dis-je , si ces mots à ligno étoient originairement
au moins dans quelques.
Exemplaires du texte Hebreu ,si les Septante
interprêtes les y ont lûs , et les ont
inserez dans leur version ,, si c'est delà
qu'ils sont passez dans les anciennes Editions
latines , où la plûpart des anciens
Peres Latins , jusqu'au neuvième siècle
les ont lûs , ou si c'est une addition faite
après coup par quelques Chrétiens dans
certains Exemplaires grecs , d'où elle seroit
passée dans les Bibles latines , ou au

C vj
con-
ا ه س
892 MERCURE DE FRANCE
contraire , si ces mots ayant d'abord été
mis dans quelques Exemplaires latins
seroient passez dans quelques Exemplaires
grecs des Septante ; vous m'avez fait
l'honneur , Monsieur , de me citer dans
la Lettre que vous avez écrite sur ce sujet
, imprimée dans le Mercure d'Août
du mois dernier , et vous souhaitez que
je vous dise mon sentiment sur la Réponse
du R P. Tournemine , inserée dans
votre mois de Septembre suivant.
J'ai reçu tant de marques de bienveillance
du R. P. Tournemine pendant mon
séjour à Paris , il a annoncé mes Ouvrages
dans ses Journaux d'une maniere si
honnête et si polie , que je ne puis me
résoudre à entrer avec lui dans aucune
contestation . Si donc vous jugez à propos
de faire quelque usage de ce que j'ai
l'honneur de vous écrire , je vous prie de
le lui communiquer auparavant et de
lui déclarer que je le rends absolument
le maître de tout. Avec cette condition ,.
je vais vous exposer ce que je pense sur
le sujet en question.
Le R. P. T. dit qu'il est certain que le
Texte des Septante sur lequel l'ancienne
Version italique a été faite , version qui est
sûrement du premier siècle de l'Eglise , consenoit
de que l'Auteur de la version a traduit
MAY. 1734.
893
duit , à ligno ; pour le prouver il dit
1° . Que ces termes à ligno , se lisoient
dans l'ancienne version italique , 2 °. Que
S. Justin les lisoit dans ses Exemplaires
des LXX. 3 °. Que Cassiodore
soutient
la même leçon par l'autorité des L X X.
4°. Que S. Ephrem les lisoit aussi dans
la version Siriaque , faite dès les premiers
siécles de l'Eglise sur celle des LXX.
5°. Qu'Origene
ayant un Texte Hebreu
pareil à celui que nous avons aujourd'hui
,
crut qu'il falloit corriger le Texte des
LXX. sur ce Texte , et sur les autres
versions grecques ; et que S. Jerôme embrassa
le sentiment d'Origene , et eût de
la peine à le faire passer dans les Eglises
d'Occident. Examinons toutes ces preuves
.
1º. Est- il bien certain que l'ancienne
version des Septante contenoit ces mots ,
à ligno ? quelle raison en apporte-t'on !
on ne connoît ni Edition ni Manuscrit
qui les porte , le Manuscrit grec Alexandrin
, imprimé à Oxfort en 1707. qui
passe pour un des plus anciens qui soient
dans le monde,et où l'on voit les Obéles
et les Asterisques d'Origene, ne le marque
point , quoique dans le même verset dont
nous parlons , on ait marqué d'un obéle
la particule quia ri , qui n'est pas
dans
l'he
894 MERCURE DE FRANCE
l'hebreu. On ne le voit point non plus
dans ceux de Rome , qu'a suivi Nobilius
, ni dans ceux d'Alde , ni dans ceux
sur lesquels ont travaillé le P. Morin et
M. Bos , et dont ils raportent les Variantesdans
lesEditions qu'ils ont donnéesde
la version desSeptante.
Seroit- il possible que ces termes si favorables
au Christianisme , eussent été
effacez si universellement de tous les
Exemplairesqu'il n'en restât aucun vestige
, ni dans les Manuscrits les plus anciens
, ni dans les Peres ? Qu'Origene
Saint Clement d'Alexandrie ,Saint Irenée,
Eusebe de Cesarée , Saint Athanase , Saint
Chrysostome , les Chaînes grecques sur
les P'seaumes, n'eussent pas fait mention
de cette varieté ? On n'en voit rien dans
la nouvelle Edition d'Origene , dans laquelle
on a ramassé avec soin tout ce
qu'on a trouvé de lui épars en differens
endroits.
Les anciens Traducteurs grecs, Aquilay
Symmaque , et Theodotion , ne l'ont pas
fu , non plus que le Paraphraste Chaldéen,
ni l'ancienne Version Siriaque faite
sur l'hebreu ; ni les Apôtres , ni les hom
mes Apostoliques , n'ont point cité ce
passage avec l'addition , à ligno , quoique
si propre à convaincre les Juifs et les
Payens
MAY. 1734 855
Payens . Enfin les Eglises d'Orient ne
l'ont jamais lû dans leur Office ; d'où je
crois avoir lieu de conclure qu'il n'étoit
originairement, ni dans le Texte hebreu,
ni dans laVersion des Septante.
" 2º. J'avoue que ces termes à ligno
se lisoient dans l'ancienne Version italique
, que plusieurs Peres Latins les ont
lûs dans leurs Exemplaites , et que malgré
la réforme de Saint Jerôme , ont les
a chantés dans lesEglises latines pendant
près de neuf siécles , et encore les chantet'on
aujourd'hui dans l'Hymne Vexilla
Regis mais cela ne me persuade pas que,
ni l'hebreu , ni le grec des Septante ait
porté à ligno : je soupçonnerois bien plutôt
que quelque Chrétien du premier
siécle par une fraude pieuse , auroit inseré
ces termes dans quelque Pseautier Grec,
ou dans le Latin ; comme on a composé
dans le même tems le quatriéme Livre
d'Esdras , le Testament des douze Patriarches
, l'Evangile de l'Enfance de J. C.
et peut-être le fameux Passage de Joseph,
où il est parlé du Sauveur , et tant d'autres
Monuments anciens dont la supposition
est aujourd'hui reconnuë et avouée.
3 °. On soutient que Saint Justin le
Martyr lisoit l'addition à ligno , dans ses
Exemplaires des Septante. Če Saint accusoir
896 MERCURE DE FRANCE
soit hautement les Juifs de l'avoir retranché
de leurs Exemplaires hebreux , en
haine de J. C. et des Chrétiens. Tryphon
son Interlocuteur , qui étoit Juif , soutient
ce retranchement incroyable , sans
s'expliquer davantage ; ni lui ni Saint
Justin n'avoient pas en main les Exemplaires
ni grecs ni hebreux , pour les confronter.
Or dans ces sortes de disputes il faut
avoir piéces en main ; l'un avance , l'autre
nie , à qui croire ? Saint Justin ne
sçavoit pas l'hebreu , ni aparemment
Tryphon , ils n'étoient point à portée
des Bibliotéques , disputants à la campagne
et sur le bord de la Mer ; or il auroit
fallu pour décider la question consulter
plusieurs Exemplaires en l'une et en l'autre
Langu , et les comparer l'un à l'autre.
Saint Justin avance hardiment que les
Septante avoient lû à ligno : comme la
chose importoit peu à Tryphon , il n'en
demande point de preuves , mais il nie
que les Juifs ayent retranché ces termes
de leur Texte , sans en donner non plus
aucune raison ; d'ailleurs il paroît que
Saint Justin n'étoit nullement Critique ,
et si l'on exigeoit de lui des preuves de
tout ce qu'il avance principalement contre
les Juifs , il lui seroit certainement
malMAY
. 1734. 897
malaisé d'en donner ; il est tout aussi
croyable que les termes à ligno soient
passez du latin dans quelques Exemplaires
grecs , que non pas qu'ils soient passez
du Grec dans le Latin.
4°. Cassiodore sur le Pseaume XCV.
V. 10. lit Dominus regnavit : à ligno , et il
ajoûte à ligno : alii quidem non habent .
interpretes , sed nobis sufficit quod L X X.
Interpretum autoritate firmatum est : voilà
qui est précis et décisif : mais qui croira .
sur l'autorité de Cassiodore , qu'au sixième
siécle où il vivoit , le Texte des Septante
eut communément porté à ligno , pendant
que tous les Peres Grecs qui avoient.
écrit avant lui , ne lisoient point cette
addition , et qu'aucun de nos Exemplaires
grecs d'aujourd'hui , qui sont copiez
sur ceux de son temps , ne le porte.
5°. On dit que Saint Ephrem lisoit :
à ligno, dans les Exemplaires Syriaques de
son Eglise , puisqu'il le cite ainsi dans
son Sermon de la Croix. Il est vrai que
ce Saint lit : Dominus regnavit à ligno :
dans l'Edition latine du Sermon qu'on
cite ; mais on ne lit pas à ligno dans
l'Edition grecque d'Angleterre . De plus
ce Sermon de la Croix ne se trouve point
parmi ceux que M. Assemani a vûs en
Sy98
MERCURE DE FRANCE
Syriaque et en Arabe , et qu'il cite dans
le premier Tomè de sa Bibliothéque
Orientale , comme indubitablement de
Saint Ephrem .
On dit de plus que la Version Syriaque
est faite sur le Texte des Septante , qu'elle
est aussi ancienne que l'Eglise , et que les
Versions postérieures n'ont pas la même autorité.
Il est vrai qu'il y a uneVersion Syriaque
faite sur le Grec des Septante , mais elle
est moderne ; Masius en cite une faite
l'an 615. de J. C. je ne sçai si elle est
differente de celle d'un nommé Mar-
Abba mais tout cela est bien éloigné
des premiers siècles de l'Eglise. Cette
Traduction , faité sur le Grec , n'a ja̸ż
mais été imprimée , et est bien posté→
rieure et de moindre autorité que l'an
cienne Version Syriaque faite sur l'hebreu.
dès le premier siécle de l'Eglise , et imprimée
dans les Bibles Poliglottes de
M.le Jay à Paris en 1545. et ensuite réimprimées
à Londres par Walton avec
l'addition de quelques nouveaux Livres
de l'Ecriture, qui n'avoient pas paru dans
l'Edition de Paris ; je puis assurer que
l'addition à ligno n'est dans aucun Pseautier
Syriaque de ceux qui ont paru jusqu'ici
, je ne puis dire la même chose de
,
ceux
MA Y. 1734. 895
teux qui n'ont pas paru , et qui ne sont
pas venus à nôtre connoissance. Toujours
est- il vrai que Saint Ephrem n'a pas να
ces derniers , puisqu'ils sont plus récents
que lui : ainsi , soit qu'ils portent à lignoz
ou non, on nen peut rien inferer ni pour
ni contre ce Saint,de sorte que sans beaucoup
hazarder ; on peut avancer que ces
Versions ne portent point à ligno : puisqu'au
temps où elles ont été faites , ces
expressions ne se lisoient plus dans les
Septante.
6º. Enfin , Monsieur , puisque la derniere
réfléxion du R. P. Tournemine est
une pure conjecture empruntée de Sala
meron et d'Agellius , qui n'est fondée
sur aucun fait historique , ni sur aucun
témoignage des Anciens , ni sur aucun
Texte , ni sur aucun Manuscrit ; on peut
la laisser dans son être de conjecture ,
sans se donner la peine de la refuter ; on
peut
la nier tout net comme chose non
prouvée et improbable.
En effet quelle aparence que du temps
d'Origene il y eût des Exemplaires
hebreux
, quoiqu'en assez petit nombre ,
qui portassent Mihez yyo à ligno ; pendant
que le plus grand nombre lisoit aph
utique comme portent aujourd'hui
tous nos Exemplaires , et qu'on ne trou-
VO
800195
Joo MERCURE DE FRANCE
>
ve ni dans Origene , ni dans S. Jerôme
aucun vestige de cette ancienne leçon
pas même pour la rejetter ou pour la refuter.
Quelle aparence que la seule autorité
d'Origene ait pû d'un trait de plume
faire disparoître à ligno: de tous les Exemplaires
Grecs et Hebreux où il étoit ,
pendant que S. Jerôme apuyé de toute
l'autorité d'Origene et de celle de tous
les Manuscrits Grecs et Hebreux , d'où
l'on avoit retranché ces termes , n'a pû
réussir à les faire ôter des Textes latins
où ils étoient demeurez ?
Je ne m'étends pas ici à relever l'im
possibilité qu'il y a à corriger les anciens
Exemplaires grecs ni hebreux , et les corriger
de telle maniere que depuis tant de
siècles il ne paroisse aucun vestige de
l'ancienne leçon , ni dans les Manuscrits
ni dans les imprimez. Que les Juifs ayent
eû assez de malice pour l'ôter de tous
leurs livres ; cela est déja très difficile , les
Juifs convertis au Christianisme auroient
crié à la falsification . Mais que les Grecs
l'ayent voulu retrancher des leurs , cette
leçon se trouvant , dit- on , autorisée par
quelques Exemplaires hebreux , cela paroît
bien plus impossible , et plus incompréhensible
, le Christianisme ayant autant
d'interêt à la conserver pour convaincre
les
MAY.
901 1734:
les Juifs d'incredulité et de falsifica- ›
tion .
Voilà , Monsieur , quelles sont mes
réfléxions sur cette matiere . Je suis tou
jours & c.
Q
A Senones le 2 Janvier 1734;
STANCES.
Ui peut donc m'inspirer cette horreu
pour le Crime
Que sens- je ? quels remords viennent m'épou
vanter ?
Et qui m'arrête ainsi sur le bord de l'abîme
Où j'allois me précipiter ?
C'est toi même , ô mon Dieu ! c'est l'effort de
ta grace ,
Qui vient de mettre un terme à mon impieté.
Tout pêcheur que je suis , ta justice fait place
Aux sentimens de ta bonté .
Quand ton juste couroux m'auroit pris pour
victime ,
Je n'aurois point eu lieu de me plaindre de toi ,
Mais plus en m'égarant j'allois de crime em
crime ,'
Et plas tu t'aprochois de moi.
Non, tu ne conçois point une haine implacable
A perdre tes enfans tu ne peux consentir,
Tu
02 MERCURE DE FRANCE
Tu nous aimes toujours, et la mort du coupa
ble ,
Te plaît moins que son repentir.
O Divine tendresse ! ô bonté paternelle !
Qui pouroit résister à tes empressemens !
Je te céde et mon ame à ta grace fidelle
Gémit sur ses égaremens.
Malheureux que j'étois, le monde avec ses char
mes ,
Eblouissoit mes yeux et possedoit mon coeur ;
Et toutefois sans cesse inquiet, plein d'allarmes
Je détestois ce fier vainqueur.
Combien de fois, hélas ! dans ma douleur amére,
Tentai-je vainement de m'élancer vers toi !
D'invisibles liens m'attachoient à la terre ,
Et m'y retenoient malgré moi.
Envain j'en repoussois la dangereuse amorce ;
Je secouois envain un joug si rigoureux ,
Mes efforts redoublez en redoubloient la force ;
Et me rendoient plus malheureux.
Tu parois,ô mon Dieu ! ta grace triomphante
Me dégage du monde et brise mes liens ;
Je ne suis plus qu'à toi , tout ce qui me con
1
tente ,
Est d'être admis parmi les tiens .
D'aujourd'hui seulement je commence de vivre ,
D'aujourd'hui seulement je suis vrayement Chré
tien
Je
MAY
1734 ༡༠༡
Je l'étois , mais hélas ? j'ignorois qu'à
Consiste le souverain bien.
suivre
Mes yeux ne s'ouvrent plus à d'inutiles larmes
Ta bonté pour jamais en à tari le cours ,
Que ta grace a d'attraits ! que ton joug a de
charmes
Heureux qui le porte toujours.
F. J. Procureur au Parlement.
DISSERTATION dans laquelle
on expose les differences et les raisons des
differences des trois Systêmes Chronolo➡
giques de Calon , de Verrius-Flaccus , on
des Fastes on Marbres Capitolins , et de
Varron , tant par rapport aux années de
la Fondation de Rome , que par rapport
à celles d'avant J. G. et où l'on démontre
La verité du Systême de Caton,
L
PREMIERE PARTIE .
Exposition des trois Systêmes.
A véritable cause des differences qui
se trouvent entre Caton , Verrius
et Varron , tant par rapport aux années
de la Fondation de Rome , que par rap
port à celles de la Période Julienne
des
904 MERCURE DE FRANCE
des Olympiades , ou d'avant J. C. vient
1º. de ce que les Fastes ne donnent aux
sept Rois de Rome que 243. ans de durée
jusqu'au premier Consulat , qu'ils
mettent l'an de Rome 244. au lieu que
Caton et Varron , faisant durer ces Rois
244. ans pleins , placent par conséquent
le Consulat de Brutus et de Collatinus
l'an 245-
2º. Varron et les Fastes confondent
la troisième année du Decemvirat 305.
de Rome avec le Consulat de Valerius
et d'Horatius , que Caton distingue et
sépare de cette troisiéme année , et qu'il
met l'année suivante 306. R.
3°. Le même Varron et lesdits Fastes
inserent use premiere dictature de Papirius-
Cursor entre le Consulat de Camillus
et de Brutus Scéva 430. R. et celui
de Sulpicius Longus , et d'Æmilius-
Céretanus; une seconde dictature du même
Papirius , entre les Consulats de Mareius-
Rutilus et de Fabius - Rullianus. 2 ° .
444. R. et de Fabius Rullianus , 3 ° . et
Decius-Mus 445. enfin encore une dictature
de Valerius , entre les Consuls Livius-
Denter ou Dento et Æmilius -Paulus
451. et les Consuls Valerius- Corvus
ou Corvinus et Apuleius - Pansa 452.
De-là plusieurs contrarietez entre Var
ron
MA Y. 1734 . 909
ton , les Fastes et Caton , par rapport à
la supputation des années , quand on les
compte , soit depuis la Fondation de Rome
, soit dans la Période Julienne ou
avant J. C.
Et d'abord jusqu'à 243. de Rome inclusivement
, les trois Systêmes s'accordent ,
ou plutôt ne sont qu'un seul et même
Systême pour les années depuis la Fondation
de Rome ; mais les Fastes ont un
an et Varon deux ans plus que Caton
pour les années avant J. C. de sorte , par
exemple , que la premiere année de cette
Fondation étant , selon Caton , la 751.
elle est , selon les Fastes , la 752. et selon
Varron , le 753. La 243. étant la 509.
selon le même Caton , elle est la 510. ou
511. selon les deux autres Auteurs .
Mais en second lieu , la 2 44. derniere
de ces Rois ou de Tarquin le Superbe ,
selon Caton et Varron , est supprimée
par les Fastes ; ce qui est cause que jusqu'à
la 305. derniere année des Decemvirs
les Fastes comptent une année
de la Ville de Rome moins que Caton et
Varron , et des années avant J. C. deux
plus que Caton et tout autant que Varron
. Ainsi la 245. qui est celle de l'établissement
du Consulat , étant la 507.
avant J. C. selon Caton , est aussi la 245 .
D selon
306 MERCURE DE FRANCE
selon Varron ; la 244. seulement selon les
Fastes , mais elle est la 509. avant J. C.
tant selon les Fastes que selon Varron. La
même diversité entre les trois calculs subsiste
jusqu'à l'an 305. de Rome , ou la
suppression du Consulat de Valerius et
d'Horatius ( que les Fastes et Varron mettent
dans la même année 305. avec la
3. année du Decemvirat ) fait naître une
nouvelle difference .
Troisiémement donc , Varron à cette
année 305. perd uncannée de la Ville de
Rome , et les Fastes en perdent une seconde
année , mais ils gagnent chacun
une année avant J. C. je veux dire que
Varron compte un an moins que Caton
de la Fondation de Rome et trois ans
avant J. C. plus que lui , les Fastes
comptent des années depuis la Fondation,
deux moins que Caton et une moins
que Varrons et des années avant J. C.
trois toutes entieres comme Varron .
de plus que Caton . Par consequent voici
comme on doit arranger et calculer les
125. années suivantes jusqu'à la 430 .
,
Caton. Varron. Fastes.
R. A.C. R. A.C. R. A.C.
306. 446.
3.07. 445.
305. 449.
306. 448 .
304. 449.
305. 448;
Les
MAY. 1734 907
7
}
Les trois dictatures de 430. 444.´
451. supprimées par Caton , ou identifiées
avec les Consulats précedens , font
d'un côté croître les années de Rome >
et de l'autre diminuer les années avant
J. C. de trois années entieres dans la
Chronologie de Varron , et dans celle des
Fastes , ensorte qu'après cette augmentation
et cette diminution , tous les trois
Systêmes ont les mêmes années avant J.C.
et ne different que d'une ou deux années
pour celles de la Fondation de Rome depuis
cette année 451. au lieu qu'avan
l'année 244. ils étoient les mêmes quant
aux années de Rome et differoient sculemena
d'un ou deux ans , quant à celles
d'avant J. C.
En un mot , pour reprendre en abregé
tout ce que nous venons de dire , les trois
calculs de Varron , des Fastes et de Caton ,
sont, pour ainsi parler, accordants, quant
aux années de Rome , et discordants d'un
ou deux ans quant aux années d'avant
J. C. et cela depuis la premiere année de
Rome jusqu'à la 243. inclusivement ; ils
sont au contraire discordants d'un ou
deux ans , quant aux années de Rome
et accordants quant aux années d'avant
J. C. et cela depuis la 451. de Rome , selon
Caton , 452. années selon les Fastes ,
Dij es
908 MERCURE DE FRANCE
er 453. selon Varron , 301. avant J. C.
selon tous les trois , jusqu'à Auguste et
jusqu'à la fin des Consulats.
Depuis l'année 244. jusqu'à la 305.
inclusivement , Caton continuë à s'accorder
avec Varron pour le calcul des années
de Rome , et à differer de lui de
deux ans pour les années d'avant J. C.
mais il commence à compter un an de
plus que les Fastes , quant aux premieres ,
et deux ans de moins , quant aux dernic.
res. Les Fastes s'accordent aussi avec Varron
, quant à celles - cy , et ont un an de
inoins lui que quant à celle- là.
Depuis l'an 306. jusqu'à la 430. inclusivement
, Caton compte un an de plus
que Varron et deux plus que les Fastes
pour les années de Rome , mais il compte
trois ans moins que l'un et l'autre par
années d'avant J. C.
les
Depuis l'an 430. inclusivement jusqu'à
l'an 444. aussi inclusivement , Caton
compte autant d'années que Varron , et
une seulement plus que les Fastes pour
les années de Rome , et deux de moins
que l'un et l'autre pour les années d'a
vant J. C.
Depuis l'an 444. jusqu'à l'an 451. il
compte une année de moins que Varron
et autant que les Fastes , par rapport aux
années
MAY. 1734 909
années de Rome , et il compte aussi une
année de moins qu'eux deux par rapport.
aux années d'avant J. C.
Enfin depuis l'an 45 I. on voit regner
la même difference pour toute la suite ,
c'est- à- dire que , selon les trois Systêmes,
on compte toujours les mêmes années
avant J. C. et que Caton compte toujours
d'une maniere uniforme un an de Rome
moins que les Fastes et deux moins que
Varron.
Je n'ai si fort insisté sur cette explication
longue et détaillée des trois Systêmes
Chronologiques des années de la
Fondation deRome , que parce que les plus
Cavans, commeLenglet etDodwel même,
(qui nous a donné si au long et année par
année , une Table de Chronologie Romaine
dans le Denis d'Halicarnasse de Londres)
se sont trompez très -lourdement en
appliquant aux 45o. premieres années de
Rome la même difference qui se trouve
entre les 300. dernieres. Dans une matiere
aussi épineuse et aussi nécessaire pour
ceux qui se mêlent de Chronologie et
d'Histoire Komaine , j'ai pensé que la
longueur et la répétition étoient une vertu
plutôt qu'un deffaut , quand elles servoient
, comme ici , à éviter l'obscurité ,
la confusion et l'erreur .
Diij Afin
910 MERCURE DE FRANCE
Afin donc qu'on n'y retombe plus , je
ne ferai point difficulté de mettre sous les
yeux du dans la Table suivante , ce
que dans les Refléxions précedentes j'ai
exposé aux yeux de l'esprit.
corps
TABLE des Années de Rome ( R ) es
d'avant Jesus- Christ ( J. C. ) selon les
trois differentes supputations , de Caton ;
des Fastes et de Varron.
Caton .
R. J.C.
Fastes .
R. J. C.
Varron .
R. J.C.
I.
751 .
I.
752.
I. 753.
101. 651 .
ΙΟΙ IOI. 652. 101. 653.
201.
SSI .
201. 552. 201. 553.
243. 509. 243. Sio. 243. SII.
244. 508. 243 * SIO. 244. SIO.
305. 447. 304. 449. 305. 449.
306. 446.
406. 346.
304 449. 305 * 449:
404. 349. 405. 349.
430. 322. 428. 325. 429. 325.
430 * 322 . 429. 324. 430. 324.
444. 308. 443 . 310. 444 310.
444 * 308.
444. 309 . 445. 309.
451. 301. 45 !. 302. 452. 302.
451
*
301. 452 . 301. 453. 301.
551.
201 .
552.
201 . $53. 201 .
651 . ICI . 652. ΙΟΙ . 653. 101.
751 . I.
752.
I. 753. I.
752. 1.
753. I. 754.
La suite pout le prochain Mercure.
MAY. . 1734"" 911
ENIGM E.
Qu'ai -je fait aux Mortels pour en être traité
Avec si grande dureté ?
Loin de leur faire aucune peine
Je leur cause mille plaisirs ;
Et cependant tous leurs désirs ,
Vont à me démembrer . Une joye inhumaine ,
Pour comble de malheur , fait encor couronner
Celui qui le dernier a sçû me détrôner .
JE
Hélas tous les ans on m'accable
De cette façon déplorable ,
Sans qu'aucun Prince ou Potentat
Prenne pitié de mon état .
AUTR E.
E marche sans changer de place ,
Et suis sans cesse en mouvement ,
Sans pour cela que je me lasse ,
Et je vais toujours rondement.
Tantôt legere et tantôt plus pesante ,
Suivant que j'ai le corps plus grand ou plus petit;
Il est certains lieux où je chante ,
Ailleurs je marche à petit bruit.
Sans parler je me fais entendre ,
Et fais mouvoir tous les humains ,
D iiij Je
12 MERCURE DE FRANCE
Je les conduis sans jamais les attendre ,
Reglant presque tous leurs desseins.
Partout où je suis je domine ,
Afin de mieux les commander;"
Là , tel par mon ordre chemine ,
Qui bien tôt va se reposer.
Un autre ici se met à table ,
Que je forcerai d'en sortir ;
Pour tel devoir indispensable ,
Dont je le ferai souvenir .
Sujets de l'amoureux Empire ,
Près de vous j'ai mon agrémentt ;
Plus d'un coeur après moi soupire ,
Comme maîtresse du moment
Où son tendre désir aspire ,
Et par la j'ai plus d'un Amant.
Là , c'est un Criminel qui tremble ;
Je puis précipiter son sort.
Un Peuple nombreux qui s'assemble ,
N'attend que moi pour
voir sa mort.
Ma démarche , Lecteur , est imprudente ou sage
Selon que l'on me fait aller ;
Mais c'est à toi de me regler ,
Puisque je suis ton propre ouvrage.
LO
MAY.
1734. 913
XXXXXXXXXXX XXXXXXXX *X*
A
LOGOGRYPHE.
Vec les quatre pieds qui font tout mon
partage ,
Je vous nomme un saint Personnage.
Prenez encor mon tout , mais d'une autre façon;
Je forme au bout du Vers un agréable son.
Rognez; j'ouvre à vos yeux une Scêne tragique ,
Sur qui maint Voyageur éprouve un triste sort.
Remettez - moi comme j'étois d'abord ;
T'offre sans rien changer deux Notes de Musique
A. X. H.
AUTR E.
Voici mon tout ; tête , pieds et deux cous
La tête aux pieds , et les pieds à la tête.
Vous qui croyez que je suis une bête ,
Peut-être aussi.vous- mêmes l'êtes- vous.
AUTR E.
On tout de quatre pieds , forme un vil
Manimal ,
Qui ne se plaît que dans l'ordure ;
En combinant , dans ma structure ,
On trouve un excellent métal ,
Qui des autres sur tout par son grand prix differeg
D v Un
914 MERCURE DE FRANCE
Un autre corps solide engendré de la terre
Un noble Instrument de Chasseur ,
>
Et pour finir, Lecteur, je nomme encor le Fleuve,
Où subit un Cocher une fatale épreuve .
L'Enigme du mois dernier a dû s'expliquer
par le Poisson d'Avril ; et les
Logogryphes par Broche , Bourse , Grange.
On trouve dans le premier , Broc , Roch ,
Roc , Bec , Echo , & c. Dans le deuxième ,
Ourse , Ours , Or , Buse et Ruse. Dans le
troisième , Gange , Ange , Age , Gage
Rage.
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS , &c.
NSTRUCTION sur le Jubilé de l'E
Iglise Primatiale de S. Jean de Lyon ,
à l'occasion du concours de la Fête- Dieu
avec celle de la Nativité de S. Jean- Baptiste
, qui arrive le 24. de Juin de cette
année 1734. imprimée par ordre de
M. l'Archevêque. A Lyon , chez Pierre
Valfray , in 12. de 161. pages , et se trouve
à Paris , chez Antoine Chippier , Libraire
, rue du Foin.
LE
-M A Y. 1734.
915
LE JARDINIER SOLITAIRE , contenant
la Méthode de faire et cultiver un Jar-,
din Fruitier et Potager ; et plusieurs Experiences
nouvelles , avec des Refléxions
sur la culture des Arbres , cinquième
Edition , augmentée . Rue S. Jacques ,
chez le Mercier , fils , in 12. avec figu
res , 2. livres.
LA PHILOSOPHIE MODERNE , par Demandes
et par Réponses ; avec un Traité
de l'Art de persuader. Par M. de Lelevel
, Chez le même , 3. volumes in 12 .
4. livres ro. sols .
TRAITE DE PERSPECTIVE , où sont
contenus les fondemens de la Peinture ,
par le Pere Lamy , de l'Oratoire. Chez
le même , in 8. avec figures , 5. livres .
LES VIES DES SAINTS PERES DES DESERTS
, et de quelques Saintes , écrites
par des Peres de l'Eglise et autres anciens
Auteurs Ecclesiastiques , Grecs et
Latins. Traduites en François par M. Arnauld
d'Andilly. Nouv lle Edition . Chez
Louis Josse , rue S. Jacques , 1733. in 8 .
3. volumes .
LETTRES EDIFIANTES ET CURIEUSES ,
écrites
916 MERCURE DE FRANCE
&
écrites des Missions Etrangeres , par quel
ques Missionnaires de la Compagnie de
Jesus. XXIe Recueil , 1734. in 12. Chez
Nicolas le Clerc , rue de la vieille Bouclerie
, et chez le Mercier , ruë S. Jacques.
TRAITE' de la Communauté entre
Mary et Femme , avec un Traité des
Communautez ou Societez tacites ; par
Maître Denis le Brun , Avocat au Parlement
, Ouvrage posthume , donné d'abord
au Public par les soins de Louis
Hideux , Avocat au Parlement. Nouvelle
Edition , augmentée considerablement
de nouvelles Décisions et de Notes Critiques
, par Me .... et M .... Avocats
au Parlement. A Paris , chez Claude Robustel
, rue S. Jacques , 1733. in folio de
648. pages pour le Traité de la Communauté
entre Mary et Femme , et 58 .
pages pour le Traité des Communautez
ou Societez tacites .
LES VIES DES SAINTS pour tous les
jours de l'année , avec l'Histoire des Mysteres
de N. S. Nouvelle Edition , augmentée
à la fin de chaque Vie , de differentes
Pratiques et Prieres , tirées des
principales actions des Saints. Chez Lotin ;
rue S. Jacques , et Dessaint , ruë S. Jean
de Beauvais. 2. vol. in 4.
LES
MAY 1734 917
LES AMOURS de Clitophon et de Leucippe
, Traduction libre du Grec d'Achilles
Tatius, avec des Notes . Par le sieur
D.... D .... A Paris , rue de la Harpe ,
chez André- François le Breton , in 12.
J
PLAIDOYERS DE M. ERARD , Avocat
au Parlement , avec les Arrêts du Parlement
donnez en interpretation des Articles
282. et 283. de la Coûtume de
Paris , touchant les avantages indirects
faits par l'un des Conjoints à l'autre , et
un Extrait du Testament de la Dame
Marquise de Torcy , contenant un Legs
universel au profit de la Dame de la Tour,
Mere de son Mary , et les Factums de
M. Erard , pour les Heritiers de ladite
Dame de Torcy , qui ont obtenu cet
Arrêt. Seconde Edition . Chez Mesnier ,
ruë S. Severin et au Palais , au Soleil
d'or , 1734. in 8.
HISTOIRE des Conquêtes et Découverres
des Portuguais dans le nouveau Monde
, avec des figures en taille - douce . Par
le R. P. J. F. Lafitau , de la Compagnie
de Jesus. A Paris , chez Saugrain , Pere ,
Quay des Augustins , et J. B. Coignard .
fils , rue S. Jacques , 1733. Grande Edition
, in 4. 2. volumes ; petite, in 12
4. volumes.
18 MERCURE DE FRANCE
LE PHENIX CONJUGAL , Nouvelle
du Temps . A Paris , Quay des Augus→
tins , chez le Breton , fils , 1734. brochure
in 12. de 94. pages .
TRAITE DE CHIMIE , contenant l'a
maniere de préparer les Remedes qui
sont les plus en usage dans la pratique
de la Médecine. Par M. Malouin , Docteur-
Regent de la Faculté de Medecine
de Paris . Chez G. Cavelier , ruë S. Jacques
, an Lys d'or , 1734. in 12.
, LE PAYSAN PARVENU ou les Memoires
de M ... Par M. de Marivaux. Chez
Prault , pere , Quay de Gêvres , $ 734. in 12 .
HISTOIRE NATURELLE de l'Univers
, dans laquelle on raporte des raisons
Physiques des effets les plus extraordinaires
et les plus merveilleux de la
Nature. Enrichie de Figures en Tailledouce
. Par M. Colonne Gentilhomme
Romain , dédiée à M. le Duc de Richelieu.
A Paris , chez André Cailleau , Quay
des Augustins , à S. André 1734 .
,
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Paris
au sujet de ce Livre .
L'Ouvrage dont le titre seul a piqué
vôtre curiosité et que vous voulez que je
Vous
MAY. 1734. 919
vous fasse connoître particulierement
est divisé en deux volumes in 12. dont le
premier est de 404. pages , sans l'Epître
I'Avertissement et la Préface ; et le second
de 522 pages , chaque volume est subdivisé
en plusieurs Parties et les Parties
en Chapitres .
Dans la premiere Partie l'Auteur commence
par l'Histoire de ce qu'on a remarqué
jusques à présent de plus curieux
et de plus extraordinaire dans le Ciel ,
c'est- à dire la grandeur des Planetes, leurs
taches , leurs figures , leur éloignement
de la Terre, leurs mouvements différents ,
soit sur leur axe , soit autour du Soleil
et en combien de tems ces révolutions
arrivent . A tout cela est jointe une Table
d'observations , où l'on peut voir en un
coup d'oeil toutes celles qui ont été faites
par les plus habiles Astronomes de l'Europe
depuis près d'un siècle. On y parle
aussi des Etoiles fixes , et des changements
qui sont arrivez parmi ces Astres . On
traite dans le second Chapitre des Cometes
. Dans le troisiéme , des espaces lumineux
sans Etoiles. Dans le quatrième ,
´des Parelies , de l'Aurore Septentrionale,
et enfin dans cette premiere Partie , on
ajoute une Relation exacte de tout ce
qu'on a pû remarquer de plus curieux
dans le Ciel et dans l'Atmosphere .
920 MERCURE DE FRANCE
Seconde Partie. L'Auteur considere
d'abord le Globe de la Terre en general
les et sa composition . Il examine ce que
Anciens en connoissoient . S'ils avoient
quelque notion de l'Amerique, et si cette
nouvelle Partie du monde a quelque raport
à l'Isle Atlantique dont Platon a
parlé. Il fait ensuite la Description des
Pays nouvellement découverts , fixant le
temps de ces découvertes , et nommant .
les Personnes qui les ont faites. Il parle
dans le second Chapitre des Inégalitez de
la Terre ou des Montagnes : il examine
si elles ont été formées dès le commencement
du Monde , ou si elles croissent
par la végetation , comme son systême le
supose . C'est ce qu'il démontre par
expériences certaines , et sur des observations
que d'habiles Philosophes ont
faites avec toute l'exactitude possible . Il
fait encore historiquement la Description
des Montagnes les plus considerables
donnant la hauteur des plus élevées , et
parlant de la singularité de quelques - unes
par raport aux figures qu'elles représentent
, ou aux effets qu'elles produisent.
و
Dans le Chapitre 3. Il est parlé des
Plaines , et des Deserts sablonneux , ou
arides . Dans le Chapitre qui suit l'Auteur
fait voir qu'on ne peut pas connoître
CCBe
MA Y. 1734. 921
certains effets qui arrivent sur la superficie
de la terre , sans sçavoir auparavant
J'eau. Il
prouve que
son intérieur est rempli de feu et
d'eau . Il prouve que la Terre contient
beaucoup de feux dans ses entrailles , par
la quantité connuë de tous les Volcans
qui jettent du feu , dont il fait l'histoire .
Il ajoute à l'Historique , la cause et la
raison Physique de la continuation et de
la conservation de ces feux souterrains
et il prouve par des faits historiques
qu'ils sont la cause des Tremblements de
Terre.
>
>
Le Chapitre cinquiéme contient l'Histoire
des Eaux chaudes et leurs vertus.
La pénétration de l'Eau dans le sein de la
Terre , et la circulation de cet Element
font la matiere du Chapitre 6 , où il
prouve historiquement son systême par
fa quantité d'Eau qu'on trouve dans les
Mines les plus profondes , par les Lacs
les Fleuves et les Fontaines , qui se perdent
et qui reparoissent en d'autres endroits
dont il fait un dénombrement cu
rieux , auquel il ajoute la relation de plusieurs
Villes abimées par des Tremblements
de Terre , à la place desquelles
ont paru des Lacs très- considérables .
Dans le Chapitre 7 , il parle des differentes
Terres dont le Globe Terrestre est
com
22 MERCURE DE FRANCE
composé , et des propriétez singulieres
de quelques - unes. Le Chapitre 8. contient
différentes observations sur la fermentation
du Globe Terrestre , et particulierement
sur la Mer. Les changemens qui
arrivent ou qui sont arrivez au Globe de
la Terre , et de la Terre même avec les
Astres , fait le sujet du dernier Chapitre
de cette Partie.
La principale cause du changement qui
arrive dans les differentes Parties de ce
Globe , vient , selon l'Auteur , de ce que
les lieux secs deviennent insensiblement
l'eau oc- acqueux et que les endroits que
cupoit auparavant restent à sec ; ce qu'il
prouve par plusieurs endroits de la Terre,
où l'on voit visiblement aujourd'hui
que
l'eau de la Mer gagne peu à peu et en
même tems découvre , et laisse d'autres
Terres à sec , n'y ayant sur la Terre
qu'une certaine quantité d'eau pour couvrir
une certaine étenduë de Terre.
Troisiéme Partie. Avant que d'entrer
en matiere l'Auteur explique sommairement
la Fable Mystique de Jupiter
Neptune et Pluton , qui avoient divisé
entr'eux l'Empire de l'Univers . Il prétend
que les Anciens ont entendu par ces
trois Noms , le Regne Animal , où le
feu domine , le Regne Vegetal , où l'hu ♣
midité
MAY. 1734.
923
midité prédomine sur le feu ; et le Regne
Minéral , dans lequel le sel ou la Terrestreïté
l'emporte sur les autres Elements .
Suivant cette division il commence par
examiner le Royaume de Pluton , qui est
le Minéral , ou celui des corps qui ne
donnent aucun signe de vie , comme les
Pierres , les Métaux , & c.
>
Dans le premier Chapitre , où il a pour
objet le sel , soit de la Mer , soit de la
Terre , il parle d'abord de la maniere
qu'il se forme dans la Mer aussi bien
que tous les autres differents sels qui sont
produits par la nature en divers endroits.
Il parle ensuite de la génération du Nitre
ou Salpêtre. Il fait enfin une curieuse
Description des Mers , des Montagnes ,
des Terres et des Rivieres où les differents
sels se produisent.
Dans le Chapitre suivant il parle du
Sable. Il en examine la génération , et
après avoir fait la Description historique
de plusieurs sortes de Sables de couleurs
differentes , qui viennent en differents
lieux , il conclud par un examen
Physique de la maniere dont cela se peut
faire .
Chapitre 3. et 4. l'Auteur parle des
Pierres opaques et transparentes ; il fait
une narration curieuse des Pays et des
Mi924
MERCURE DE FRANCE
Mines d'où on les tire , et de quelle façon
les unes et les autres peuvent se produire.
Il raporte plusieurs particularitez
singulieres sur les Pierres opaques , telles
que sont les vertus attribuées à quelquesunes
pour la guerison de certaines Maladies
, ou pour produire certains effets &c.
L'Auteur fait aussi mention de certaines
Pierres , où la nature a peint des figures
d'Animaux , de Plantes &c. et il enseigne
comment on peut distinguer les naturelles
d'avec les artificielles , ou qui ont reçu
certaines empreintes par quelque accident.
Le Chapitre 5. renferme le systême de
l'Auteur sur l'Ayman ; ce systême a de
quoi satisfaire et doit engager à apuyer
ceux qui aiment la simplicité en matiere.
de systême. Il parle dans le Chapitre qui
suit du Magnetisme de plusieurs autres
Corps , qui produisent des effets extra
ordinaires.
La Génération avec l'histoire particu
liere des Metaux , finit cette troisiéme
Partie et le second volume . Non - seulement
l'Auteur fait voir de quelle maniere
ils se produisent et quels sont leurs principes
prochains avec la raison de leurs
differences; mais il raporte aussi des
ves de leur végetation , et beaucoup
proud'au
MAY.
17 34 925
d'autres particularitez curieuses qui regardent
le genre Métallique.
,
Comme le même Libraire donnera incessamment
la quatrième , cinquième
sixième et derniere Partie de cet Ouvrage
, en voici par avance un leger crayon.
Dans le quatrième , l'Auteur parle du
Flux et Reflux de la Mer en general , et
de celui de l'Euripe en particulier , il
parle aussi des Tempêtes , des Meteores
et des courants de la Mer , des Pluyes
ordinaires et extraordinaires ; on y trouve
aussi l'Histoire des Lacs , des Fontaines
et des Rivieres , qui ont quelque proprieté
extraordinaire , ce qui est suivi de
la génération des Vegetaux et de l'Histoire
des Plantes les plus rares et les plus curieuses
.
La cinquiéme Partie renferme la Génération
et l'Histoire des Animaux Qua--
drupedes, Volatiles et Aquatiques, l'Histoire
des Insectes et des petits Animaux
qui ne sont visibles que par le secours du
Microscope. Enfin après avoir parlé de
l'instinct , du discernement et du sentiment
des Animaux , cette cinquième
Partie finit par un Traité de l'Homme
consideré comme Animal et comme raisonnable.
Dans la sixième et derniere Partie
on
926 MERCURE DE FRANCE
و
on trouvera un systême general sur les
Vents,avec des observations particulieres
sur certains Vents tels
que sont ceux
qu'on nomme Alisez , Moussons, et autres.
qui souflent communément en certaines
Mers, et régulierement en certains .
Temps de l'Année.
·
Vous serez aussi bien aise de sçavoir
qu'on trouvera du même Auteur et chez
le même Libraire deux autres Livres curieux
, intitulés l'un les Principes de la
nature , suivant l'opinion des Anciens
Philosophes , avec un Abregé de leurs.
sentiments sur la composition des Corps,,
où l'on fait voir que toutes leurs opinions
sur ces Principes, peuvent se réduire aux
deux Sectes des Atomistes et des Académiciens
, deux volumes in 12. dont le
1 x est des livres , l'autre a pour titre
les Principes de la Nature , ou de la Génération
des Vegetaux , Animaux et Mineraux
un vol. in 12. 2 livres 10 sols ,
on peut y ajourer : Le nouveau Miroir de
la Fortune , ou Abregé de la Geomance ,
pour la récréation des personnes curieuses
de cette science , in 12. 1 liv . 4 sols.
,
CAUSES CELEBRES et interessantes , avec
les jugemens qui les ont décidées , recueillies
par M .... Avocat au Parlement
tom.
MA Y. 1734
927
tomes III . et IV. in 12. de 480. pages
chacun . A Paris , ruë S. Jacques , chez
la Veuve de Laune et Guill. Cavelier , et
au Palais chez Théodore le Gras et Jean de
Neuilly. M. DCC. XXXIV .
L'Auteur de ce Livre encouragé par le
succès qu'ont eu les deux premiers volumes
, vient d'en donner au Public un
troisième et un quatrième . Il n'a rien oublié
pour exciter la curiosité , soit par le
choix des causes , soit en sacrifiant le fatras
de la Procedure pour préserver de
l'ennui , soit en rappellant d'autres matieres
curieuses à propos des sujets qu'il
traite. On peut dire que c'est par- là qu'il
a réüssi à faire lire par les Dames même
un Livre de Jurisprudence ; car il y a telle
cause dans ce Livre , laquelle , quoique
conforme à la verité, est plus belle qu'e
belle Fable. Ainsi cet Ouvrage instruit et
divertit tout ensemble , l'Auteur ayant
toujours eu soin de joindre l'agréable à
Putile.
L'affaire toute extraordinaire de la Piwardiere
, celle de Beau - Sergent et de
Madelaine Jollivet , de la Belle Epiciere ,
de le Brun ou de l'Innocent Condamné ,
et plusieurs Testamens singuliers, font là
matiere du troiséme tome.
Le quatriéme contient l'Histoire Tragique
$
928 MERCURE DE FRANCE
gique de Madame Tiquet et les Causes "
suivantes ; la Legataire présumée indigne,
les Juges de Mante , ou les Juges Prévaricataires
punis, la Cause de Dieu , ou Societé
contractée avec Dieu , par un Marchand
, executée ; Injures et Voyes de
fait , ou Insulte faite par la Marquise de
T. à la Dame de L. punie ; le Mariage
mal assorti , le Mariage avorté , les Faux
Hermaphrodites , Different entre un Bailly
et le Procureur du Roi du même Siege ,'
et l'Innocent Condamné , autre que le
Brun.
LA PHISIQUE SACRE'E , ou Histoire na
nurelle de la Bible , traduite de M. Jean-
Jacques Scheuchzer , Docteur en Medecine
, Professeur en Mathematiques à Zurich
, et Membre de la Societé Royale
d'Angleterre , et des Académies de Vien
ne et de Berlin , enrichie de plus de 700 .
figures en tailles- douces , par les soins de
Jean André Pfeffel Graveur de Sa Majesté
Imperiale, divisée en huit volumes.
A Amsterdam , chez Mortier , & c . et se
vend àParis , Quay des Augustins , chez
Rollin Fils.
-
HISTOIRE DES ROIS DE POLOGNE , et du
Gouvernement de ce Royaume , où l'on
trouve
M A Y. 929 1734.
trouve un détail très circonstancié de tout ,
ce qui s'est passé de plus remarquable
sous le regne de Frederic Auguste, et pendant
les deux derniers Interregnes , par
M *** A Amfterdam , chez François
PHonoré 1733. in 12. 4. vol . et se trouve
à Paris , chez Giffey , ruë de la Vieille
Bouclerie , et Ofmont ruë S. Jacques.
LES VERITES CAPITALES DE LA RELIGION ,
établies par la raison et pat l'Ecriture
Sainte , avec un abregé des Loix Morales
en forme de Catechisme ; Par Jacques
- Plantier , 1733. in 8. A Geneve , & c. et
se vend à Paris , chez Chaubert .
FRAGMENS des Poësies de Sapho ;
et les éloges qu'en ont fait les Auteurs
anciens Grecs et Latins , avec les notes
de divers Sçavans . Edition nouvelle , par
M. Jean Christien Volff, Professeur au
College de Hambourg , augmentée par
l'Editeur de la vie de Sappho et de trois
tables. A Hambourg , sous l'indication
de Londres , chez Abraham Vandenhoek ,
1733. in 4. 253. pages , sans la Preface
la vie de Sapho et les tables. Cet Ou
vrage eft en Latin,
L'ART DE MONTER A CHEVAL , ON Des-
E cription
930 MERCURE DE FRANCE
cription du Manége moderne dans sa perfection
, expliqué par les leçons necessaires
, et representé par des figures exactes
depuis l'assiete de l'homme à cheval jusqu'à
l'arrêt , accompagné aussi de divers
mords pour bien brider les chevaux ;
écrit et dessiné par le Baron d'Eisemberg
et gravé par B. Picard: A la Haye , chez
Pierre Gosse,et J. Neaulme 1733 , in fol.56 .
pages , avec pareil nombre de Planches .
NOUVELLES DECOUVERTES EN MEDECINE,
ou ancienne Medecine developpée , par
M.de Marconnay, Docteur en Medecine;
nouvelle édition , avec une methode pour
guerir les malades par les voyes de la
transpiration et de l'évacuation. A la
Haye , chez Pierre Gosse , & J: Neaulme Į
1734. in 12, environ 300. pages,
HISTOIRE CRITIQUE de Manichée et du
Manicheisme , par M. de Beaufobre ., 1 ,
vol . in 4. A Amsterdam , chez J. Frederia
Bernard M. DCC. XXXIV. pp. 594. sans
la Préface et la Table, Ce livre se trouve
chez Montalan , Libraire , Quay des Augustins
, avec quelques autres livres nou¬
veaux dont voici les titres.
J. LAUNOII Opera omnia X. vol. fol.
Geneva 1733.
H;
MAY. 1734. 931
H. NORISII Cardinalis opera IV. vol.
fol. Verone 1732.
*
CEREMONIES Religieuses des Peuples
Idolâtres de Picart XLV. vol . fol. à
Amsterdam , 1733 .

REMARQUES de Tindal sur l'Histoire
d'Angleterre de Rapin Toyras , II . vol.
in 4. La Haye , 1733 .
LES AVANTAGES des Ecoles publiques
sur les particulieres , démontrés dans une
Lettre par Ottavio Piceno. A Florence et
à Palerme , chez Falicella & Gramignani¸
1728. in 12 de 138. pagss.
Cet Ouvrage est en Italien , et comme
hors de la portée de la plûpart des Lecteurs
, par l'éloignement des lieux où il a
été imprimé ; nous en indiquons un bon
Extrait dans les Memoires de Trévoux
du mois de Mars , page 413 .
• NOUVELLE CLASSE DES MALADIES , dans
un ordre semblable à celui des Botanistes,
comprenant les genres et especes
de toutes
les Maladies , avec leurs signes et leurs
indications. Par Sauvages de la Croix ,
Docteur en Medecine de la Faculté dé
Montpellier et correspondant de la
Societé Royale des Sciences. A Avignon ,
che7 B. d'Avanville , Imprimeur , près la

E ij Place
932 MERCURE DE FRANCE
Place S. Didier , 1733. vol. in 12 ,pp . 450 .
REMERCIEMENT de M. de Caville
à M. de Boissé
Q
Uoi ! dans vos amusemens ,
Vous prêtez des agrémens
A mon traité du merite ?
J'aime fort votre eau benite ,
Plus encor vos sentimens.
Mais Boissé
votre suffrage
En honorant mon Ouvrage
Lui fait perdre son crédit .
Quand j'écrirois mieux qu'un autre
Peut- on goûter mon esprit
Dès qu'on a connu le vôtre ?
Sur le Traité du vrai merite.
Voici de ce traité le fidele tableau ,
L'esprit brille à chaque page ,
La raison conduit l'Ouvrage
La Renommée y met le sceau.
Par. M. de B ***
La treiziéme et la quatorziéme Partie de Cent
Nouvelles Nouvelles de Madame de Gomez paroissent
chez Mauduit, Quay des Auguftins.
La quinziéme paroîtra au commencement du
mois prochain.
L'on distribue à Paris chez les principaux Libraires
des Souscriptions pour la Traduction.
Faançois
MA Y. 1734; 933
Françoise de l'Histoire Universelle de M. de Thou,
qui se publiera incessamment à Londres , en seize
volumes in 4. les Exemplaires seront livrés au
mois de Juillet prochain , francs de port. Quoique
l'on connoisse le merite de cet Ouvrage qui
n'a jamais paru entier en François , il ne sera
pas inutile de dire que cette nouvelle Traduction
contiendra toutes les singularités , les illustrations
et les preuves qui rendent si recommandable l'Edition
latine, qui vient aussi d'être publiée à Londres
.
*
Le Recueil des Lettres de Mad. la Marquise de
Sevigné à Mad . la Comtesse de Grignant sa Fille,
avec son Portrait en taille - douce, se vend actuellement
chez Simart Libraire , rae S. Jacques , au
Dauphin , 4. vol . in 12. 1734.
:
L'impression de ces Lettres a été faite avec beaucoup
de soin ; l'ordre des dattes y est exactement
observé, en sorte que lesfaits se répondent les uns
aux autres. Dans la Préface on a montré par
des preuves incontestables le peu de cas qu'on
doit faire de la miserable compilation publiée
sous ce titre Lettres de Mad. Rabutin- Chantal,
Marquise de Sevigné , &c. quoiqu'elle ait été
réimprimée en bien des endroits , on s'est contenté
d'indiquer les Editions faites à Rouen et à
la Haye en 1726. parce que celles qui ont paru
ensuite ne sont que de mauvaises copies de ces
deux là. Afin
que le public ne coure plus risque
d'être trompé , nous croyons devoir l'avertir
que l'Edition publiée en 1733. sans nom de
Ville ni d'Imprimeur , 3. vol . in 12. est encore
plus defectueuse que les autres , et qu'on y a encore
plus brouillé l'ordre des Lettres si necessaire
pour l'intelligence des faits . Cet avis n'est
E iij pas
-
934 MERCURE DE FRANCE
pas inutile , puisque cette monstrueuse Edition
a été vendue comme étant le recueil que nous
annonçons dans cet article.
Le Mercredi 5. Mai l'Académie Royale des
Sciences tint son Assemblée publique , à laquelle
IAbbé Bignon présida.
M. de Fontenelle ouvrit la séance par la lecture
du Jugement de l'Académie , sur les Piéces
envoyées pour le Prix double de cette année qui
étoit de sooo. livres , à cause qu'il ne fut point
donné en 1732. Il déclara que ce Prix avoit été
accordé par égale portion à deux Piéces dont les
Auteurs sont M. Jean Bernoulli , Professeur de
Mathematiques à Bafle , et M. Nicolas Bernoulli
son Fils ,qui vient de quitter la place de Professeur
de Mathematiques de Petersbourg.
Ensuite M. d'Onz- en- Brai- lut la Description
et les usages d'une Machine qui marque continuellement
sur un papier ; non - seulement les
vents qu'il a fait , et à quelle heure chacun a
commencé et fini , mais aussi leurs differentes.
vitesses, ou forces relatives .
M. de Reaumur lut après cela un Memoire sur
les congellations.
M. Morand lut une Dissertation sur les pores
de toutes les parties interieures du corps humain ..
M. Duhamel finit la séance par la lecture d'un
Memoire qui contient les differentes tentatives
qu'il a faites , et un de ses Amis , aussi - bien que
M. Grosse , chacun separément , pour découvrir
une liqueur que les Chimistes appellent liqueur
Etherée ; il finit ce Memoire en rapportant plusieurs
manieres sûres dont M. Grosse se sert
pour trouver cette liqueur.
On donnera des Extraits de tous ces Memoires.
L&
MAY 1734.
935
Le Vendredi 7. Mai l'Académie Royale des
Inscriptions et des BellesLettres,tint aussi une Assemblée
publique ; M. le Cardinal de Polignac y
présida. M. de Boze, Secretaire perpetuel , décla
ra d'abord que la Piéce composée par l'Abbé le
Boeuf, sur le Sujet proposé par l'Académie dans
l'Assemblée du 14. d'Avril 1733. avoit remporté
le Prix . Cet Abbé present à l'Assemblée s'avança
et eut l'honneur de recevoir des mains de S. É .
une très - belle Medaille d'or , de la valeur de 400.
livres . La Tête du Roi couronnée de Laurier ,
avec la Legende ordinaire : LUDOVICUS REX
CHRISTIANISSIMUS , paroît d'un côté sur cette
Medaille , et sur le Revers on lit cette Inscription
dans une Couronne de Laurier : PRÆMIUM
IN REGIA INSCRIPTIONUM ET HUMANIORUM
LITTERARUM ACADEMIA CONSTITUTUM. ANNO
M. DCC. XXXIII.
>
M. l'Abbé le Boeuf qui a remporté ce Prix
étoit déja connu des Gens de Lettres par plusieurs
Ecrits sur les Antiquités , la Géographie , et
P'Histoire de France , et par la grande connoissance
qu'il a des anciens Monumens.
M. de Boze ouvrit la séance par un très-bel
éloge de feu M. de Gondrin Dantin , Evêque et
Duc de Langres , Académicien honoraire .
M. l'Abbé Banier lut ensuite une Dissertation
sur l'étude de fa Mythologie.
M. l'Abbé Sallier lut un Discours Historique
et Critique sur les Poësies de Charles Duc d'Orleans
, sous le Regne du Roi Charles VII . dont
le Recueil est manuscrit dans la Bibliotheque de
S. M.
M. Fourmont l'aîné parla ensuite sur les Annales
Chinoises , de leur ancienneté , de leur autenticité,
et de leur conservation.
E iiij M.
936
MERCURE DE FRANCE
M. l'Abbé Souchay termina la séance par la
lecture qu'il fit de ses recherches Historiques sur
Mecenas.
Un peu avant l'ouverture on avoit distribué
le Programe suivant.
PRIX LITTERAIRE fondé dans l'Académie
Royale des Inscriptions et Belles Lettres..
E Sujet que l'Académie Royale des Inscrip-
Ltions et Belles Lettres donne à traiter , pour
le concours au Prix qu'elle distribuera l'année prochaine
1735. est de fçavoir jusqu'où les Anciens
avoient porté leurs
connoissances Géographiques
, au tems de la mort d'Alexandre le Grand.
Le Prix sera toujours une Médaille d'Or , de la
valeur de quatre cent livres.
Toutes personnes , de quelques pays et condition
qu'elles soient , excepté celles qui composent ladite
Académie , seront admises à concourir pour ce prix,
et leurs Ouvrages pourront être êtrits en François
ou en Latin à leur choix. Ilfaudra seulement les
borner à une heure de lecture au plus.´
3
Les Auteurs mettront simplement une Devised
leurs Ouvrages ; mais pour se faire connoître , ils y
joindront , dans un papier cacheté et écrit de leur
propre main , leurs noms , demeure et qualités ,
ce papier ne sera ouvert qu'après
l'adjudication du
Prix.
et .
Les Piéces ,
affranchies de tous ports , feront remises
entre les mains du Secretaire de l'Académie
avant le premier
Decembre 1734.
On déclarera dans
l'Assemblée publique d'après
Pâques la Piéce qui aura remporté le Prix , et ony
indiquera ensuite le sujet que
l'Académie aura déterminépour
le concours de l'année suivante.
Le
MAY . 937 8734.
Le 30. Mars dernier , on soutint dans les Ecoles
de la Faculté de Medecine , une These de Chirurgie
, dont la Question étoit t An dubio in
hepatis abcessu , pramittenda incidendi loci perforatio
? Sçavoir , si lorsqu'on soupçonne un abcès au
foye , il faut y faire la ponction avant que de
l'ouvrir.
La These étoit dédiée à M. Chicoineau , Premier
Medecin du Roy , qui assista à l'Acte en
Robbe de Conseiller d'Etat. Il fut complimenté
par M. le Thieullier , qui en étoit le Président
et M. le P. Medecin répondit par un Discours
fort éloquent. Il y eut un grand concours, plusieurs
personnes de qualité s'y trouverent , et
l'Assemblée fut aussi illustre que nombreuse .
Le départ du Comte de Clermont pour l'Armée
, ne lui ayant pas permis d'indiquer à la
Societé des Arts , un jour pour la Rentrée publique
, S. A. S. a souhaité que cette Rentrée fût
differée jusques après son retour . Pour se conformer
à ses intentions , la Societé a remis cette
premiere Rentrée publique au Dimanche d'après
la S. Martin de la presente année 1734.
Comme la Societé des Arts n'a reçû aucun
nouveau Mémoire pour concourir aux Prix depuis
son dernier Avertissement , inseré dans le
Mercure du mois de Janvier dernier , elle se
trouve forcée à differer la distribution de ces mêmes
Prix jusqu'après la S. Martin . Elle recevra
les Mémoires qui lui seront addressez jusqu'à
la fin du mois de Juillet prochain. Les Auteurs
pourront choisir où l'un des cinq Sujets proposez
par le Programine publié en l'année 1733 .
ou tel autre Sujet qu'ils jugeront à propos , pourvû
qu'ils tendent à la perfection des Arts , des
E v Ma38
MERCURE DE FRANCE
Manufactures ou de quelque Métier. Si les Mémoires
, pour être entendus , ont besoin du secours
de quelques figures , les Auteurs y en joindront
qui soient exactement dessinées . Ils ne mettront
point leurs noms au bas des Memoires ,
mais seulement une marque , une devise ou un
cachet qui puisse les distinguer et les faire reconnoître.
Ils adresseront les Paquets qui renfermeront
leurs Memoires à M. Hynault , Avocat
en Parlement , Secretaire de la Societé des Arts ,
rue des Postes , proche l'ancienne Estrapade ; et les
ports des Paquets seront acquittez jusqu'à Paris ..
On apprend de Madrid , que le 16. du
mois dernier , les Académiciens de l'Académie
Royale Espagnole , ayant à leur tête le
Marquis de Villena , Directeur de leur Compagnie
, eurent Audience de Leurs Majestez , à qui
ils présenterent le quatriéme Tome du Dictionnaire
de la Langue Castillane. La même Académie
fut admise le lendemain à l'Audience du
Frince et de la Princesse des Asturies , et à celles,
des Infans Don Philippe et Don Louis , et des
Infantes Dona Marie - Thereze et Dona Marie-
Antoinette Ferdinande..
On écrit de Rome , qu'on a commencé sur la
fin du moir dernier , à distribuer le 8e Tome du
Bullaire Romain ce Volume contient 208..
Constitutions du feu Pape Innocent XI.
;
Sa Sainteté a fait achever la celebre Statuë du
Gladiateur , qui étoit dans le Palais de la Prinaesse
de Piombino , morte il y a quelque temps ;;
le Pape doit la faire placer dans le Capitole ..
M.Bronod , Avocat au Conseil , Sous- Doyen
de
MAY. 1734. 939
"
de sa Compagnie , est mort à Paris le 4. Avril
1734. âgé de 83. ans. C'étoit un homme celebre,
recommandable par ses talens , respectable par
ses vertus . Toute sa vie a été partagée entre les
devoirs de son état et le culte qu'il devoit à Dieu .
Rempli de ces deux objets , il sçut toujours mépriser
les vains et stériles amusemens du Monde.
Il chercha et il trouva ses plaisirs dans l'innocence
de ses moeurs , dans le continuel exercice
de sa Profession , dans l'éducation de ses enfans ;
sources uniques et presque ignorées , du veritable
bonheur. Il a joui de la récompense attachée à
une conduite si pure et si chrétienne . Il a été
honoré et respecté du Public. Sa Famille estimée
et avantageusement établie , a fait l'ornement et
les délices de sa vieillesse. Il est mort enfin regretté
de tous les honnêtes gens , et comblé de
tous les Eloges que peuvent mériter les Talens
soutenus des moeurs.
Le 3. de ce mois, le sieur de Grovembroeck ,
de l'Académie Royale de Peinture , présenta au
Roy un petit Tableau de sa composition , sur
cuivre , de 12. pouces de large sur 9. de haut ,
réprésentant l'Evacuation du Château.de Milan.
On y voit la Garnison Allemande marcher entre
deux files des Gardes du Roy de Sardaigne , er
une très - grande quantité d'autres figures de tout
âge et de tout sexe , qui dans leur petitesse , nonseulement
ne se confondent point , mais on distingue
dans chaque tête son vrai caractere . Ce
petit espace paroît très vaste et sans la moindre
confusion ; la perspective , la gradation des differens
plans , les jours et les ombres y sont ema
ployez très - heureusement. Le Roi , qui , comme
Pon sçait a beaucoup de goût et d'amour pour
Evj; les>
940 MERCURE DE FRANCE
les Beaux - Art , reçût très- favorablement ce Tableau
, et S. M. en parut si contente qu'elle l'a
fait placer dans son Cabinet.
M. Grevenbroeck, natif de Milan et originaire
de Roterdam , issu d'une Famille noble et distinguée
en Hollande, qui y a possedé de grands biens,
s'est adonné dès sa jeunesse à la Peinture , et il
y a fait de grands progrès , son principal talent
est pour les Marines et vûës de Païsages , dans la
maniere du Breugle de Velours.
teau ,
Le sieur Cochin , de l'Académie Royale de
Peinture, vient de graver deux Tableaux de Watdes
plus terminez qu'il ait faits , l'un représente
l'Amour au Théatre François , et l'autre ,
l'Amour au Théatre Italien , du Cabinet de M. de
Rosnel . Ils sont gravez de la même grandeur des
Originaux er au miroir , pour que toutes les actions
soient à droite , comme dans les Tableaux ,
Ces Estampes se vendent à Paris , chez la veuve
Chereau , sue S. Jacques , et chez Gautrot ,
Quay de la Mégisserie.
Il paroît deux nouvelles Estampes , gravées par
le sieur Moyreau , d'après Wauvermans , la premiere
intitulée , la Buvette des Chasseurs , où l'on
voit dans un beau Paysage , un Equipage de
Chasse , des Chevaux et des Chiens dans l'eau ,
&c. Cette Estampe est de la même grandeur du
Tableau Original , qui a 19. pouces de large sur
15. de haut.
La deuxième Estampe, intitulée la Fontaine des
Chasseurs , est moins grande , mais d'une composition
plus heureuse et plus picquante. Ce charmant
Tableau est dans le fameux Cabinet de la
Comtesse de Verrue , et il est bien digne d'y
être.
MAY. 1734 941
.
Ces Estampes se veadent chez le Graveur , rue
Galande , vis - à - vis S. Blaise . Ces deux derniers
Morceaux terminent une suite de 12. Pieces, gra.
vées par le même Auteur, d'après le même Maître.
Il paroît aussi depuis peu deux nouvelles Estampes
, gravées par le sieur Filloul , chez lequel
elles se vendent , ruë Bordet à l'Hôtel de Vendosme
, près sainte Geneviève. Elles sont faites
d'après deux Tableaux du sieur Pater , qui a traité
deux Sujets tirez de la Fontaine , les Voeux
indiscrets et la Courtisanne Amoureuse.
Le même Auteur à gravé au trait seulement
d'après les Desseins Originaux de Watteau , une
suite de 27. Planches , qu'on vend chez lui sous
ce titre : Livre de differens caracteres de têtes , ¿c.
Le sieur Joullain , vient de mettre au jour deux
Chasses qu'il a gravées , l'une de Loup et l'autre
de Sanglier , d'après M. Desportes , dont les Tableaux
Originaux sont dans le Château de Virginie
, appartenant à M. Glucq , à qui ces Estampes
sont dédiées ; l'Auteur les donne au
Public en conséquence du Privilege qu'il en a obtenu
.
Le même Auteur a aussi gravé un fort beau
Portrait de M. Desportes en Chasseur , six figures
de la Comédie Italienne , d'après feu M. Gillot
, 84 autres figures de Théatre , d'après le
même ; trois Estampes intitulées , les Agrémens
de la Campagne ; le Concert Pastoral , et la Récréation
Champêtre , d'après M. Lancret. Le tout
se vend chez le sieur Gautrot , Marchands d'Estampes
, sur le Quay de la Mégisserie , à la Ville
de Rome , où l'on trouve aussi toutes sortes
d'i sta npes anciennes et modernes.
Il
942 MERCURE DE FRANCE
Il paroît encore une très -belle Estampe , gra
vée en hauteur par M. Larmessin , d'après un
Portrait en pied du sieur Vanloo , Peintre de
l'Académie Royale de Peinture . On lit au bas ,
à côté des Ecussons accolez . CATHERINE OPALINSKA
, REINE DE POLOGNE.
Cette Estampe se vend chez N. de Larmessin , Gra
veur du Roy , ruë des Noyers .
AVIS aux Personnes curieuses d'excellens
Tableaux , & c.
Il y en a un actuellement à vendre au petit Hôtel
de S. Poüange , ruë neuve des Petits Champt ,
Original de Vendick , représentant un sujet de pieté,
composé de treize fignres grandes comme Nature..
Cette Piece a dix pieds de haut sur sept et demi delarge
, et a été trouvée admirable partous les Connoisseurs
qui l'ont déja vûë.
Le sieur Porlier , de la Societé des Arts , demeure
présentement au Caffé qui fait le coin de la rue
des Nonaindieres , au bout du Pont Marie à Paris.
Il continue avec succès les Broderies de Constanti
nople , et blanchit , par un secret à lui particulier ;
toutes les Etoffes brodées , brochées en or , argent et
en Soye , auxquelles il conserve les couleurs , fausse
ou fine. Il ne se sert point de Calendre; on peut
avoir recours à lui pour toutes ces sortes d'Etoffes
qui auront été mal blanchies Il dessine aussi pour
toute sorte de Broderie dans le goût des Indes.
L'altération qui vient aux dents , selon le sieur
Durand , ne procede que de la carie on de l'ébranlement.
La premiere entame et fait une perforation
douloureuse , qui jette dans la nécessité de les faire
arrar
MAY. 173 . 943
arracher ; l'autre moins sensible , mais d'un plus
grand progrès , est engendrée par l'exhalaison des
mauvais levains de l'estomach . Cette vapeur qui
s'éleve et qui se condense , fait le tartre qui attaque
Les dents par le pied et prend peu à pen la place des
gencives qui sont leurs bases . Il ne faut point s'étonner
si la négligence ou l'inattention fait que les
personnes , quoique fort jeunes , perdent leurs dents.
Quand elles branlent et que la gencive est rangée,
on est obligé de les faire tirer ; et en effet si elles
sont sorties de leurs alveoles , il n'y a plus de remede,
mais hors ce cas, le sieur Durand, reçû à S.Côme, a
joint à son experience et à sa dexterité pour tout ce
qui concerne son Art,la découverte d'un Opiat trèssalutaire
, puisqu'en rendant et conservant l'émail
des dents , elle produit la régeneration des gencives
et les deffend contre le tartre , entretenant leur blancheur,
leur beauté et leur assiette naturelle . Il n'y a
dit- il, ni abscès ni chancres qui résistent à la vertu
de cet Opiat ; il dissout même le sang grossier , dont
Les gencives sont souvent.abreuvées et qui cause
d'ordinaire de petits abscès entre deux dents ; ensorte
qu'on croit avoir une dent gâtée , on la fait tirer
at au lieu d'une on en perd deux , comme ledit sieur
Durand l'a vu arriver plusieurs fois . D'ailleurs cet
Opiat nourrit la gencive et l'empêche de se retirer ,
fortifiant la dent la plus vacillante , il est aussi un
préservatif des maux de dents et empêche que l'on
ne sente de la bouche.
Les Pots d'Opiat rouge , dit des Sultannes , sont
de trois livres et de six livres , il se transporte dans .
les Provinces les plus éloignées ; on donne par écrit
la maniere de s'en servir. Le sieur Durand sort le:
matin , et l'après midi on le trouve chez lui , rue
S. Honoré, vis-à- vis la Croix du Traboir , à la
Coupe d'or , avec Tableau..
CHAN944
MERCURE DE FRANCE
XXXX ************** : *
CHANSO N.
Foin de la Paix , s'écrioit en courroux ;
Une Fillette de Nanterre ;
Nos Amans devenoient Epoux
De crainte d'aller à la guerre.
Vive la Paix , dit une autre à son tour ;
Pour un Amant j'en aurons douze ;
C'est avec eux qu'on fait l'amour ;
Mais il est fait quand on épouse .
M. Autreau.
LE SAGE DU TEMP S.
DU
Par M. D. R. A. A. P.
U sçavoir , je me défie ,
J'en suis peu jaloux ;
Histoire , Philosophie ,
Je ne pense point à vous ;
Entre Bacchus et l'Amour ,
Je partage le jour.
M
Ces Dieux à mes voeux propices ,
Font mes seuls plaisirs ,
Et

THE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY.
ASTOR,
LENOX
AND >
TILDEN
FOUNDATIONS
MAY.
1734 945
Et par d'heureux artifices ,
Enchainent tous mes desirs ,
Entre Bacchus , &c .

Si la tristesse m'obsede ,
Par son noir venin ,
Je cours vîte à mon remede ,
Ma Philis et de bon vin :
Entre Bacchus , &c.
Loin de moi , sombre sagesse ;
Es - tu de saison ?
Plein de vin et de tendresse ,
Puis -je écouter la raison ?
.
Entre Bacchus , &c.
Par un aimable mensongé ,
L'avenir séduit :
Le passé n'est plus qu'un'songe ,
Le present seul me suffit.
Entre Bacchus , & c ..
M
Tout ici pour moi conspire
Beaux yeux , vin flatéur ;
O l'agréable délire !
Vou
946 MERCURE DE FRANCE
Voudrois - je garder mon coeur ?
Entre Bacchus , &c .
Quand je tiens Philis à table ,
Que je suis content !
Oui , la Parque pitoyable
Y file plus lentement.
Entre Bacchus , &c.
M
Amis , celebrez ma gloire
Par maintes Chansons ;
Je sçais aimer , je sçais boire ,
Comme un autre Anacréon .
Entre Bacchus et l'Amour
Je partage le jour .

SPECTACLE S...
Ldiens François firent l'ouverture de
leur Theatre , après trois semaines de vacances,
par la Representation d'une Tragédie
nouvelle sous le titre de Marie
Stuard , qui fut fort bien reçûë du public.
Nous en parlerons plus au long.
E Lundy, 3 de ce mois , les Comé-
Avant qu'on commençat la Piéce , le
Sr
MAY. 1734. 947
Sr d'Angeville fit ce compliment au Public
, et il fut fort aplaudi .
,
Ne craignez pas , Messieurs , que j'abuse
aujourd'hui de l'extrême bonté que vous
m'avés témoignée àla clôture de notreTheatre.
Je ne m'ingererai point de vous faire des
dissertations sur les Piéces nouvelles que nous
vous préparons ; je vous dirai simplement
que malgré la juste envie que nous avons de
varier vos amusemens Thalie n'a pas été
aussifavorable à nos voeux que Melpomene.
Je vous annonce , Messieurs , un Poëte Tragique
qui ne cherche d'autre prix de ses travaux
que l'honneur de vos suffrages et qui
nous cache son nom en nous faisant un don
que nous avons trouvé digne d'être partagé
avec vous. Cet Auteur instruit du poids
et de la justesse de vos décisions , ne peut
manquer d'obtenir votre estime ; nous esperons
, Messieurs , que vous accorderez des
louanges sinceres à son Ouvrage , mais vous
ne pouvez vous dispenser d'en donner déja
à sa modestie ; elle fait l'éloge de votre discernement.
Le craindre , c'est en connoître l'étendue
la mesure de la défiance d'un Auteur
est souvent celle de son mérite et toujours
celle du respect qu'il a pour vos jugemens .
Je ne vous répeterai point ici , Messieurs,
L'Auteur de Marie Stuart,
€6
948 MERCURE DE FRANCE
{
1
ce que l'on vous a dit centfois de la finesse
de votregout et de la terreur judicieuse qu'il
inspire aux talens qui lui sont soumis . Fe
scais que nous ne pouvons offrir trop d'encens
à votre équité ; que nous ne pouvons trop célébrer
vos lumieres , mais aussi je réfléchis
avec douleur que nous ne pouvons jamais
complimenterle Public que sur de bonnes qualitez
ou parfaites connoissances qui causent
quelquefois notre ruine. Permettez moi , Messieurs
, de vous rappeller uniquement les
pressantes sollicitations que j'ai pris la liberté
de vous faire pour moi même ; la critique a
condamné ma démarche et vous l'avez iustifiée
; ainsi j'ose implorer une seconde juis votre
indulgence, une pareille récidive est excusable-
Le Magistrat le plus severe pardonne
les redites à un malheureux Plaideur; et jamais
on n'a condamné un Client pour avoir
présenté trop de Placets à son Juge.
LA GRONDEUSE , Comédie
nouvelle , représentée par les Comédiens
François, le Jendy 11.Fév.1734.Extrait .
ACTEURS.
Aminte , veuve ,
Cléante
la Dlle Quinault.
Amant d'Aminte , le sieur
Grandval.
Dorine , Suivante d'Aminte , la Dlle
Dangeville.
M.
MAY. 1734. 949
M. Oronte , beau- frere d'Aminte , le sieur
Duchemin.
Dartimont , Voyageur , autre beau-frere,
le sieur Armand.
Le Candidat , jeune Medecin , fils d'O- ›
le sieur Dangeville: ronte ,
Crispin, Valet de Cleante , le Sr Poisson .
M. Double- Croche , Musicien , le sieur
le Grand.
La Scêne est dans la Maison d'Aminte.
Cette Piece , qui est de l'Auteur du
Rendez - vous , n'a pas eû le sort qu'elle
méritoit ; mais malgré son peu de réus
site , es Connoisseurs lui ont rendu justice
. L'Auteur y a soutenu , autant qu'il
est possible , le caractere principal ; il
est vrai que ce même caractere a parû
avec tant d'avantage dans le premier
Acte du Grondeur de M. Palapra , qu'il
étoit difficile d'y ajoûter de nouveaux
traits.. On a fait à sa Comédie le même
reproche qu'on fait encore tous les jours
aux deux derniers Actes du Grondeur ,
dont nous venons de parler ; c'est de
n'avoir pas toujours fourni à son principal
Acteur des occasions de gronder
injustement ; on verra le méme inconvenient
dans l'Extrait que nous allons
donner de la Grondeuse. Au reste pour
ne
950 MERCURE DE FRANCE
ne point enfraindre la loi que nous nous
les
sommes prescrite , nous ne serons que
échos des jugemens que le Public a portez
sur cet ingenieux Ouvrage.
pour
Oronte , beau- frere d'Aminte , ouvre la
Scêne avec Cleante , Amant de cette Veuve
. Elle est encore aimable et jeune , mais
par malheur Cléante elle a un défaut;
c'est d'être grondeuse. Oronte a beau
lui dire qu'il lui a dit cent fois lui - même
que les défauts qui ne sont que des
vices d'humeur , doivent se pardonner ;
il soutient toûjours qu'il y a quelque
chose de plus dans le coeur d'Aminte et
que sa mauvaise humeur part d'un fond
d'indifference et de mépris qu'elle a conçus
pour lui. L'Auteur a pris soin d'établir
dans cette premiere Scêne à quel
coin doit être marqué le veritable caractere
de Grondeur ou de Grondeuse ; on
le voit par ce fragment . C'est Oronte
qui parle.
Ce qu'il y a de certain , c'est que vous
•prenez pour mépris et indifference , une humeur
altiere et mutine qu'elle a eûë toute
sa vie. Cléante.
J'y suis trop interessé pour pouvoir m'y
tromper.
Oronte.
Enfin vous l'avez vûë et aimée avant
qu'elle
MAY. 1734.
951
2
qu'elle fut mariée à feu mon frere ; ne grondoit-
elle pas alors ?
Cleante .
Assurément on forçoit son inclination .
Oronte.
Mariée , tout le monde sçait ....
Cléante.
Peut-on vivre en paix avec un homme
qu'on épouse ?
Oronte.
Mais depuis qu'elle est veuve !
Cléante.
Ah ! le veuvage est un état si triste.
Oronte.
Il a réponse à tout.
Cléante.
Vous ne la verrez tranquille et contente
que quand l'ingrate sera unie à quelqu'un
qui lui plaise. Je m'étois flatté d'être ce
quelqu'un , mais les traitemens que j'ai reçûs
m'ont assez prouvé le contraire,
L'Auteur fait bien voir par ce morceau
de Dialogue , que sí le caractere dominant
de sa Piece n'est pas à la rigueur tel
qu'il devroit être , ce n'est pas faute de
l'avoir bien connu ; passons à l'action .
Oronte fait entendre à Cléante qu'il
veut absolument le réconcilier avec
Aminte ; il lui dit qu'en qualité de parent
du deffunt , il doit la presser
de se
remarier
952 MERCURE DE FRANCE
le
remarier avantageusement ; qu'il doit la
voir pour lui en faire la proposition ,
accompagné de son frere , vieux Voyaguur
, et de son fils le Candidat ; une
petite difficulté l'arrête ; c'est que par
Testament de son frere , Mary d'Aminte
, il est obligé de faire dix mille francs
de rente à Aminte , tant qu'elle ne se
remariera pas , et qu'en lui insinuant de
se marier , il lui deviendra suspect d'interêt.
Cléante lui répond qu'il n'a qu'à
lui offrir de lui continuer cette rente ,
même en se mariant , et que par un Acte
secret il s'engagera , lui Cléante , à lui
en tenir compte. Cette premiere difficulté
étant levée , Oronte s'en va pour
mettre en execution ce qu'il vient de
promettre à Cléante.
Crispin , Valet de Cléante , vient lui
dire qu'Aminte , chez qui il l'avoit envoyé
pour sçavoir si elle étoit visible ,
ne veut pas le voir. Dorine , vient lui confirmer
ce prétendu refus , en lui disant
pourtant qu'il peut entrer s'il veut ; mais
qu'il feroit mieux de revenir dans une
demie heure, parce que sa Maîtresse lui a
parû surprise qu'on vint chez elle si matin.
Cléante picqué , se retire.
Crispin s'amuse quelque temps avec
Dorine , qu'il plaint d'être au service.
d'une
MAY. 1734. 953.
d'une Maîtresse dont l'humeur est si difficile
Dorinc lui répond qu'il y a des
dédommagemens , et que si sa Maîtresse
gronde , elle paye bien et récompense
encore mieux ; elle le prie de se retirer ,
attendu qu'Aminte est intraitable sur
tout ce qui a l'air de galanterie et de rendez-
vous .
Aminte vient et demande à Dorine
d'un ton grondeur , pourquoi Cléante
ne paroît point; Dorine lui répond qu'elle
lui a dit de sa part de revenir dans un
autre temps ; de ma part ! lui dit sa Maîtresse
; la pauvre Suivante n'ose la contredire
absolument , et la laisse s'exhaler
en reproches par cette tirade : Ce sont
tous les jours nouvelles sottises. Sans juges
ment, sans adresse , sans sçavoir ; dans tout
ce qu'elle fait et dans tout ce qu'elle dit , il
semble qu'elle prenne plaisir à me desesperer.
J'excuse sans cesse ; sans cesse je pardonne
, et l'on me regarde encore comme une
femme difficile à contenter. Renvoyer Cléante!
me soutenir que c'est par mon ordre ! a
t'on jamais fait une plus lourde faute ? Et
après l'avoirfaite , l'a- t'on jamais appuyée
d'une plus grande effronterie ? Oh ! je vous
avoue qu'ilfaut bien prendre sur soi pour
souffrir sans rien dire de pareilles bévues.
Si toutes les Scénes de cette Piece,
F avoient
954 MERCURE DE FRANCE
avoient la valeur intrinseque de celle
cy , on ne pourroit pas disconvenir que
le caractere de Grondeuse ne fût parfaitement
rempli ; c'est là gronder veritablement
, quand on n'en a pas lieu ; puisque
Dorine n'a fait qu'executer ses ordres
en renvoyant son Amant , on pourroit
dire qu'elle nie d'avoir donné un
pareil ordre , et que sur ce fondement
elle a raison de gronder ; mais ne seroitce
pas llaa rreennddrree' trop déraisonnable que
de lui faire avouer qu'elle ne gronde
que pour le plaisir de gronder ; il est dif
ficile de tenir un juste milieu entre deux
extrémitez également vicieuses. Crispin
sort pour aller faire revenir son Maître ;
en l'attendant Aminte continuë à quereller
Dorine d'une maniere assez analogue
au caractere que l'Auteur lui a
donné .
Cléante revient ; il essuye de temps en
temps quelques traits de la mauvaise humeur
où Dorine a mis sa Maîtresse ; pour
achever de chagriner Aminte, M. Double-
Croche , son Maître à chanter , arrive ;
elle trouve très- mauvais qu'il ait si mal
pris son temps ; Cléante , pour appuyer
le reproche qu'elle fait au Musicien , lui
dit de se retirer ; Aminte est très choquée
de l'air d'autorité que Cléante ose
prendre
MAY. 1734. 955
prendre chez elle . Cléante voyant qu'il
commence à lui déplaire , prend congé
d'elles où allez- vous donc ? lui dit- elle ,
vous prenez un travers ; Cleante lui dit en
se retirant qu'il vient de se souvenir d'avoir
donné une parole qui l'oblige à la
quitter.
La Scéne suivante qui se passe entre
Aminte et son Maître à chanter est des
plus plaisantes ; il veut chanter malgré
elle , fondé sur le droit que sa Profession
lui donne ; elle ne veut ni chanter ni
l'entendre chanter ; il ne lais e pas d'aller
son train ; chaque mot qu'il chante est
accompagné d'une injure qui lui sert ,
pour ainsi dire , de basse - continuë ;
Double - Croche , se retire aussi mécontent
de son Ecoliere , qu'elle l'est de son
Maître.
·
Enfin , pour achever de pousser à bout
la patience d'Aminte , Oronte vient , suivi
de son frere et de son fils ; cette Scéne .
a parû d'autant moins à sa place , que
la Grondeuse y est la femme du monde
la plus patiente ; on pousse le désagrément
de cette Scéne délibérative , jusqu'à
citer des passages Latins pour appuyer
ce qu'on veut prouver , comme
Aminte s'est long- temps contrainte , elle
lâche la bonde à sa colere avec plus
Fij d'im
956 MERCURE DE FRANCE
d'impétuosité et dit à ces fastidieux harangueurs
: Ah ! je ne puis plus tenir à tant
d'impertinences ; non , non , c'est trop me
contraindre , je suis bien bonne d'écouter les
rêveries d'un radoteur , d'un imbécile et
d'un Invalide. Elle se retire après avoir
lâché ces obligeantes épithetes .
que
Cléante vient , Oronte lui dit qu'il
avoit bien raison, quand il lui soutenoit
que sa belle- soeur n'avoit pour lui qu'in
difference et que mépris ; les trois Orateurs
disgraciez s'en vont ; Cléante ne
doute plus des dispositions d'Aminte à
son égard. Pour le confirmer dans cette
croyance , Dorine vient lui dire qu'elle
n'a jamais vû sa Maîtresse dans une si
grande colere , l'indignation , ajoûte - t'elle,
peinte sur son visage , elle a mis la main
à la plume , et au milieu des plaintes et des
invectives , elle a tracé ce Billet qu'elle m'a
chargée de vous remettre, Cléante ne veut
pas recevoir le Billet , il le croit trop outrageant
pour son amour ; Crispin le reçoit
pour lui , en disant : je pourrois m'en
servir auprès de mon Maître , son amour a
quelque chose de périodique. Son Maître
étoit déja sorti quand il dir cela à Dorine ;
ils sont bien surpris tous deux de le voir
revenir avec Aminte , qui ne sçait pourquoi
il l'évite ; Cléante lui fait des re
proches
MAY . 1734.
957
proches auxquels elle ne comprend rien ,
après le Billet obligeant qu'elle vient de
lui faire remettre par Dorine ; elle lui
demande s'il a lû ce qu'elle lui a écrits
il lui dit qu'il n'a eû garde de lire des
injures ; Crispin dit à part : auroit- elle fait
le Billet tendre exprès pour se ménager une
occasion de gronder. Il donne ce Billet à
Cléante , qui y lit ce qui suit :
La proposition que l'on m'a faite de me
continuer ma pension me donne un soupçon
bien extraordinaire. Si ce que j'imagine est
vrai , vous ne méritez guere l'estime et l'in
clination qu'on a pour vous . Ceux qui m'ont
parlé sur ee ton ont trop peu de generosité ,
pour que je ne voye pas les arrangemens que
vous avez pris avec eux. Comment osezvous
me croire interessée , moi qui vous sacrifierois
tous les biens ? D'où partent des
sentimens si bizares après les assurances
que vous avez de mon coeur , et après m'avoir
déterminée à un second hymen, qui me
seroit odieux avec tout autre qu'avec vous ?
Cléante se jette à ses pieds pour lui
demander pardon ; mais l'Auteur lui fait
reprendre ici son caractere ; elle veut continuer
d'être fâchée ; elle lui dit en le
quittant qu'elle avoit pris soin de mander
le Notaire chez elle ; mais qu'elle
veut lui laisser le temps de refléchir sur
Fiij
ce
958 MERCURE DE FRANCE
ce qu'il doit faire ; Cléante la suit et ne
balance plus à l'épouser; J'aime, dit- il , et
je suis aimé , il faut ceder à ma destinée ,
quand il m'en cotteroit un peu de
repos...
Au reste , tous les Connoisseurs conviennent
que cette petite Comédie est
remplie de traits ingénieux , et l'on peut
juger de l'élegance du stile par les petits
morceaux que nous avons citez .
Le 18 de ce mois , on remit au Theatre
François la petite Comédie du feu sieur
le Grand , Comédien , intitulée la Nouveauté
, laquelle fit beaucoup de plaisir.
On y voit une Scéne très originale et très
bien exécutée , entre le Sr Dufresne et la
Dile Quinaut sa soeur. C'est un essai pour
le projet d'un Opera sans paroles ; dans
le fragment dont il s'agit ici , on exprime
le sujet par l'action et le chant , en nom
mant seulement toutes les notes . Nous
avons parlé de cette Piéce au mois de
Janvier 17.7. pag. 14c.
Le 19 , on représenta la Tragédie de
Britannicus et les Folies amoureuses .LaDlle
Conel , jeune personne fort bien faite
pleine d'agremens , qui a déja joué quantité
de Rôles en Bourgeoisie , mais qui
n'étoit jamais montée sur aucun Theatre
public , fut fort aplaudie dans le rôle de
Junie et dans celui d'Agathe.
MAY. 1734. 959
Ĺë 20 , on joù la Comédie du Philo
sophe marié,dont le Sr de Montmenil templit
le principal rôle avec aplaudissement,
à la place du Sr Quinaut , qui a de nouveau
quitté la Comédie."
Le 24 la nouvelle Actrice fut encore
fort aplaudie dans la Tragédie d'Iphigenie
et dans la Comédie du Florentin. Elle oüa
dans la premiere le rôle d'Iphigenie, cesse
dans l'autre celui d'Hortense.
Le 4 May , l'Académie Royale de Musique
fit l'ouverture du Theatre par la
Pastoraled' Issé,qu'on revoit toujours avec
plaisir.
Le 13 ,
on donna par extraordinaire
pour la capitation
des Acteurs , l'Opéra
d'Ophale
, qu'on avoit repris l'année
dernière au mois de Janv.er. Cette Piéce
fut suivie d'une des Entrées du Billet des
Sens , qui a pour titre la Vue , dans la
quelle les Dlies le Maure et Petitpas
joüerent les rôles de l'Amour et de Zephire
avec beaucoup
d'aplaudissement
.
Après quelques Représentations d'Hy
polite et Arici , on remit au Theatre la
Jeudi 27 de ce mois , le Ballet des Elemens
de la composition de M. Destouches . Le
Poëme est de M. Roy. Il fut très aplaudi .
Fiiij
Le
so MERCURE DE FRANCE
Le 3 May , les Comédiens Italiens firent
l'ouverture de leur Theatre par la
Comédie de Timon le Misantrope , ornéc
de Chants et de Danses . Cette Piéce fut
précédée du compliment qu'on fait ordinairement
à la Rentrée du Théatre , qui
fut prononcé avec aplaudissement par le
Sr Thomassin dont le public aime le
badinage.

EXTRAIT de la Comédie de l'Apolo
gie du siècle , on Momus corrigé , représenté
au Theatre Italien le premier
Avril.
Tout le monde convient que l'ironie
n'a jamais été employée avec plus de fidans
cette Piéce ; en voici les
nesse que
Acteurs.
Momus ,
Une Actrice ;
Philinte
L'indifferent ;
Le Génie du siécle,
Terpsicore

le sieur Romagnesi.
la Dlle Belmont.
le sieur Ricoboni.
le sieur Dominique.
la Dlle Silvia.
la Dlle Roland.
Momus ouvre la Scéne , un bouquet à
la main , au lieu de Marote : une Actrice
le suit , et lui témoigne la surprise où son
nouvel attribut la jette ; et comme ce censeur
des Hommes & des Dieux lui dit
qu'il
MAY. 1734. 961
qu'il est corrigé et qu'au lieu de tout
blâmer , il veut tout loüer , elle lui répond
:
Allons , Seigneur ; vous vous mocquez de moi ;
On sçait que vous aimez à rire ;
Et l'encens de Momus est un trait de Satyre.
Momus persiste dans son hipocrisie
on le peut voir dans cette tirade , qui
lui tient lieu d'attestation.
Depuis qu'en bien tout le monde est changé ,
Scachez que je suis corrigé ;
De la douceur que je respire ,
Ces fleurs sont un garant qu'on ne peut contre
dire :
La Critique est hors de saison
Et le siécle vit de façon ,
Qu'il ne convient plus d'en médire
Il fait voir tant d'esprit , de candeur , de raison,
Qu'en dépit qu'on en ait il faut bien qu'on l'ad
mire.
Plein de sagesse , exemt d'abus ,
De ridicules , d'injustices
Il m'oblige à changer d'humeur & d'attributs
A l'avenir je ne dois plus
Faire la Satyre des vices
Que par l'éloge de vertus .
Cette résolution de Momus fait trembler
l'Actrice , et l'oblige à lui répondre.
FV
Mais
262 MERCURE DE FRANCES
Mais jamais au panegirique
Ces lieux ne furent consacrez ;
Et de tout temps sur la Critique
Nos revenus sont assurez ;
Sans elle serviteur au Theatre italique.
A cette Actrice succede Philinte , lo
plus mordicant de tous les hommes.
Momus le blâme malignement de l'implacable
haine qu'il a concuë contre tout
le genre humain ; pour prouver la mali
gnité de Momus , il n'y a qu'à jetter les
yeux sur ce fragment de Dialogue :
Philinte .
Pour m'enseigner cet art où vous semblez primer
Apprenez moi d'abord comment je dois nommer
Une frippone , une coquette ,
Dont la bouche me jure un amour sans égal
Et qui l'instant d'après me trahit en cachette
Et favorise mon Rival &
Momus.
Mais on l'appelle une femme ordinaire &
Philinte .
Et l'Ami déloyal qui m'enleve la Belle ;
Et qui m'emprunte mon argent
Pour triompher de l'infidelle ,
Comment l'appelle- t'ondans ce siécle charmane
MoMA
Ÿ . 1734. 963
Momus.
Un Ami foible et que l'amour emporte ;
On doit avoir pitié d'un homme de la sorte,
Philinte.
Momus est bien compatissant.
Et de quelle façon est - ce qu'il qualifie
Un Procureur avide et qui sans modestie
De toutes mains reçoit double valeur
Et qui me vend à ma Partie ?
Momus.
Mais , je l'appelle un Procureur.
Après avoir fait passer en revûë plu
sieurs autres professions , voici par quel
trait Momus finit ses prétendus correctifss
Philinte .
Pour finir en un mot : comment est- ce qu'om
nomme
L'animal vicieux , esclave des plaisiss
Qui manque
à tous ses devoirs.
Momus.
Phomme & c.
Cet Extrait passeroit les bornes que
nous nous sommes pre crites , si nous
mettions tous les traits aillants qui ‹ ortent
de cette Piece. Nous finirons par
F vj que34
MERCURE DE FRANCE
quelques traits des deux plus bellesScenes ,
la premiere est entre Momus et un Indifferent
de profession , qui ne veut ni blamer
, ni admirer . Voici comme il parle à
la fin de sa Scene :
Que l'on possede un mince , ou bien un grand.
génie ,
Je ne méprise pas , mais je n'admire point.
Un malheureux , à qui la nature cruelle
A même refusé sa plus simple faveur ,
En est assez puni par la douleur mortelle
Que lui cause en secret cet excès de rigueur
Qui l'avilit à ses yeux, même
Sans que j'aille ajouter encor à son maiheur,
En l'accablant du poids de mon mépris extrême,
En le perçant d'un ris mocqueur.
Un triomphe si bas et qu'on obtient sans peine
Deshonore l'esprit et fair outrage au coeur
Alors , plus la victoire est pleine ,
Plus son éclat honteux dégrade le vainqueur
Quant à celui sur qui le sort propice
A liberalement versé
Tous les dons séducteurs qu'accorde son caprice
N'en est - il pas assez recompensé ,
Par ces mêmes présents de son étoile heureuse
Et la comparaison fatteuse
Qu'il fait de son mérite avec celui d'autrui ?
Il ne le sent que trop ce mérite suprême ,
Et nous pouvons nous reposer sur lui
Du
MAY.
964
1734.
Du soin de s'applaudir lui même.
La derniere Scene dont on vient de
parler , est entre le Génie du siécle & Momus
; voici le portrait que ce Génie fait
de lui-même :
Du siécle en moi vous voyez le Génie ;
Remplissant l'Univers de nouvelles clartez,
J'ai des vieux préjugez banni la tyrannic ,
De nos Ayeux bornez corrigé les abus
D'une constance ridicule
Affranchi les Amours qui ne soupirent plus ,
Degagé l'amitié des devoirs superflus ,
La probité du poids d'un vain scrupule
Et j'ai créé d'autres vertus .
Momus lui répond d'un ton ironique a
Cette reforme est des plus belles
On fait tout ce qu'on veut , quand on a de l'èsprit
;
Mais les vieilles vertus n'ont donc plus de crédits
Le Génie.
Non ; j'ai sur leur rüine établi les nouvelles
Ces controleuses éternelles ,
Etoient dures à vivre et d'un sot entretien.
Momus.
De m'avertir vous faites bien ;
Car j'aurois dans mon ignorance ,
Loüié
966 MERCURE DE FRANCE
Loué bêtement la constance :
La candeur , la fi lelité ,
La modestie et la franchise
La bonne foi , l'integrité
Le Génie.
Vous auriez fait une insigne méprise.
Apprenez qu'aujourd'hui la candeur est sottise
La constance fadeur , ou défaut d'agréments ,
La modestie un vice des plus grands ,
Qui par la crainte qu'elle excite ;
Ote la grace , étouffe les talents ,
Et fait souvent un sot d'un homme de merite
La bonne foi produit les plus petits Esprits,
Qui n'osant s'écarter de la marche commune ,
Ne font jamais un pas vers la fortune ;
L'integrité , des Gens durs , impolis ,
Sur qui ne peuvent rien les Parens , les Amis ,
Et qui refusent tout aux Dames ;
La franchise des Etourdis ,
Et la fidelité fait les plus sottes femmes..
Il fiur avouer que l'Auteur a tour
Isprit du monde ; mais il est quelque
fois dangereux d'n trop voir et tout
le monde convient que le siécle dont il
prétend fire l'apo ogie , n'est pas mieux
traité dans cette Piéce qui dans Srprise
de la haine ; le Lecteur en pourra juger
en
MAY. 1734. 967
en examinant certe derniere tirade. Voici
le Vaudeville qui termine l'Ouvrage :
Regardons en beau le Monde ,
Trop poli pour qu'on le fronde
Approuvons également :
Qu'on pardonne , ou qu'on se vange
L'un est juste , et l'autre est grand
Tout est digne de loüange.
Qu'à sa guise chacun aime ;
Ne b'âmons aucun systême ,
On doit suivre son penchant ;
C'est sagesse , quand on change .
Vertu , quand on est constant,
Tout est digne de loüange.
Cette Piéce qui est de la composition de
M. de Boissy, a été reçûe très favorablement
du Public ; elle est parfaitement
bien représentée.
NOU
968 MERCURE DE FRANCE
****:***:****: *
NOUVELLES ETRANGERES.
L
RUSSIE.
E Roy de Suede a chargé son Ministre à la
Cour de Petersbourg , de déclarer à la Czarine
, qui lui avoit fait témoigner quelque inquiétude
au sujet de la Flore qu'il fait équiper ,
que toutes les Puissances du Nord préparant des
Armements considerables , il s'est cru dans la
necessité de suivre leur exemple , et qu'il est résolu
de soutenir la liberté du commerce dans la
Mer Baltique contre tous ceux qui entrepren
dront d'y mettre obstacle.
La plupart des Seigneurs et des Gentilshommes
qui possedent des Terres dans les Provinces
cedées par la Suede au feu Czar Pierre I. ont
demandé à Sa Majesté Czarienne la permission
de se rendre à Stokholm , pour y assister à l'Assemblée
des Etats du Royaume de Suede..
POLOGNE.
Elon diverses Lettres de Dantzick , les Enne.
S mis ont attaqué le poste du Obre que le Ga-
"'
pitaine Fraissinet gardoit avec soo Soldats de la
Garnison et ils s'en sont emparez après avoir
perdu 600 homines , du nombre desquels sont
un Colonel , un Lieutenant Colonel et & autres
Officiers . Le Capitaine Fraissinet reçut en cette
occasion plusieurs blessures dont il est mort
deux jours après à Dantzick , étant également
regretté du Roy , des Troupes et de tous les ha
bitants-
>
Le
MAY 1734: 959
"
Le Comte de Munich a fait faire de nouvelles
propositions aux habitants de cette Ville , pour
les engager à se soumettre aux volontez de la
Czarine , et à abandonner le parti du Roy pour
suivre celui de l'Electeur de Saxe mais ils les
ont rejettées avec toute la fermeté qu'on avoit
lieu d'attendre de leur zele pour Sa Majesté , et
de leur attachement pour l'honneur de la liberté
de la Nation ; ils montrent même toujours plus
d'ardeur à se défendre jusqu'à la derniere extremité
, et à tout sacrifier pour éviter le joug auquel
on veut les asservir.
Nouvelles menaces furent encore reçûes à Dantzick
le27du mois dernier, apportées par unOfficier
et contenuës dans une Lettre adressée aux Magistrats
par le Comte de Munich , portant que cc
General a ordre de la Czarine de commencer
le bombardement de la Ville aussi-tôt que l'artillerie
qu'on attend sera arrivée , et de ne le
cesser que lorsque les habitants se seront rendus
à discretion , ou que la Ville aura été emportée
d'assaut , et que les Etrangers , Négociants ou
autres qui se trouvent dans la Ville , et qui vou
dront se garantir du peril dont elle est menaçée,
auront jusqu'à un certain tems la liberté d'en
sortir et de se retirer , soit par eau à Elbing
soit par terre au Camp des Assiegeants , pour se
rendre où ils jugeront à propos.
Le General Moscovite ajoute dans cette Lettre
que si quelques Troupes Etrangeres tentent un
débarquement pour venir au secours de la Ville,
il fera raser non seulement les Fauxbourgs , mais
encore toutes les habitations qui se trouvent dans
les environs ,afin d'ôter à ces Troupes les moyens.
de s'y établir. Toutes ces menaces de la pars
des Ennemis n'ont pas fait plus d'impression sur.
975 MERCURE DE FRANCE
Les habitants que les autres moyens auxquels le
Comte de Munich a eû recours pour ébranler
leur filelité , et pour les engiger à reconnoître
P'Electeur de Saxe.
Le premier May , un Détachement de la Gar
nison fit un: sortie , et attaqua avec tant de valeur
le poste de Schiedlitz , occupé par les Enne
mis , qu'on s'en seroit rendu maître , si le Comte
de Munich n'eût porté ses principales forces de
ce côté pour obliger les Polonois de se retirer . Les
Moscovites ont Р rda en cette occasion quelques
Officiers de distinction , du nombre desquels est
M Hrmann , M. Brown , Major General dans
leurs Troupes , y a reçu une blessure dange▾
reuse .
Les dernieres Lettres de Dantzick dattées du
10 de ce mois , marquent que la nuit précedente
les Moscovites avoint tenté d'emporter par esca
la de le Fort de Hagelsberg , mais qu'ils n'avoient
pû réussir dans ce dessein, les troupes qui étoient
dans ce Fort s'étant défenduës avec beaucoup de
valeur. Ces Lettres ajoûtent que le Roy de Pologne
ayant été averti de l'attaque de ce Fort, avoit
fait sortir de la Ville des Troupes pour charger
les Assiégeans qui furent obligez de prendre la
fuite après un combat de cinq heures , dans lequel
ils ont perdu beaucoup de monde , et plusieurs
de leurs principaux Officiers. On a apris par
quelques Lettres venues en même temps , que les
Troupes Françoises étoient arrivées à Dantzick,
et que le ro elles avoient commencé à débar◄
quer.
ALLEMAGNE.
'Empereur , en conséquence de la résolution
prise dans la Diette de Ratisbonne , à la
Pluralité des voix , d'unir les forces de l'Empire
MAY. 1734. 971
,
à celles de S. M. I. contre les Rois de France es
de Sardaigne , a fait publier un Decret par lequel
il est ordonné à tous les sujets de l'Empire , qui
servent dans les Troupes Françoises et l'iémontoises
, de retourner incessamment en Allemagne
, sous peine de perare leurs biens , et même
d'être punis de mort , s'ils sont pris en portant
les armes . S. M. I. ajoute dans ce Decret que
tous les Electeurs , Princes et autres Etats de
l'Empire , qui refuseront de concourir à la défence
commune , qui fourniront aux Puissances
avec lesquelles on est en Guerre , des recrues ,
des Chevaux , des munitions , ou d'autres se-
Cours ou qui affoibliront les forces de l'Empire
en attaquant quelque Electeur ou Prince d'Allemagne
pour faire diversion , seront traitez comme
Ennemis , qu'on procedera contr'eux selon toute
la rigueur des Constitutions , et qu'is seront
privez de tous les Fiefs qu'ils tiennent de l'Empire
, ou des Benefices qu'ils y possedent ; que
les Seigneurs , les Gentilshommes et autres qui
contreviendront au présent Decret , seront déclarez
traîtres à la Patrie , et poursuivis comme
tels par les Tribunaux dont ils seront justiciables;
que s'ils sont absents , ils seront exécutez en effigie
, que leurs descendants ne pourront porter les
Armes de leurs familles ni jouir d'aucun droit
de la Noblesse , et qu'ils seront incapables de
posseder des terres , des charges et des Benefices
de l'Empire qu'il ne sera permis à qui que ce
soit de faire sortir d'Allemagne des grains , des
Chevaux , ni aucune autre marchandise , ni d'y
en faire entrer aucune qui vienne des Pays de la
Domination des Rois de France et de Sardaigne;
que tout commerce avec ces Pays sera interrompu
; qu'aucune personnel, née sujette des Souverains
$72 MERCURE DE FRANCE
7
rains qui font la Guerre à l'Empire , ne pourra
être reçue dans les Convents ou Communautez
ni dans aucun autre Maison sous quelque prétexte
qu'on puisse alléguer et de quelque sexe
qu'elle soit , et que celles qui se trouvent actuel
lement en Allemagne seront obligées d'en sortir
dans un terme prescrit.
EXTRAIT du Protocole de la Diete
de l'Empire , contenant les raisons alleguées
par les Ministres de Baviere ,
pour s'opposer à la Déclaration de
guerre contre la France.
Velque déplorable que soit la Guerre actuelle
Y
ment allumée entre Sa Majesté Imperiale et l'a
Couronne de France , il est néanmoins évident
même par la Déclaration qu'il a plû à S. M. Imp.
de faire à l'Empire au commencement de son Deeret
de Commission , ainsi que par la Piece intitulée,
Motifs de Résolution du Roy , jointe audit De
eret , que la présente Guerre survenue entre ces deux
Hautes-Puissances, prénd sa source dans l'affaire de
Election d'un Roy de Pologne, mais que quelque
soit l'affaire de cette Election , et quelque fondé et
incontestable qne puisse être tout ce qu'on a publié
touchant les intrigues pratiquées à ce sujet , ( car il
ne s'agit pas ici d'entrer dans aucune discussion par
rapport à l'agresseur , ni dans aucun examen par
rapport aux Traitez précedemment faits à l'insc
de l'Empire , avec des Puissances Etrangeres ) il
est toujours certain que l'Empire n'ayant ni allian.
ce ni engagement special avec le Royaume de Pologne
, doit regarder cette affaire én quelque façon
comme étrangere, et à laquelle il n'est point oblige
de prendre part. Il s'agit donc présentement de dé
liberer
MAY. 1734. 973
liberer si , vu les motifs representez par S. M. Im.
ala Diete , l'Empire doit generalement consentirà
une Déclaration de Guerre contre la France.
Les Loix de l'Empire établissent suffisamment
ce qu'il convient de faire pour sa deffense , en cas
de quelque attaque ennemie , personne ne l'ignore ;
mais comme le Saint Empire Romain est en paix
avec toutes les Puissances étrangeres , et que la
Couronne de France même, après s'être emparée du ..
Fort de Kell , afait déclarer par écrit le 14. Octobre
dernier à tous les Electeurs , Frinces et Etats
du Saint Empire Romain , par M. Blondel , son
Ministre,ainsi qu'il paroît par la Piece annexée au
Decret Imperial de Commission , qu'elle n'a rien
plus à coeur que de maintenir la Paix avec l'Empire
et d'observer les Traitez , sans vouloirfaire des
conquêtes , promettant en consequence de rendre ce
Fort de Kell ; on ne voit pas que l'Empire puisse
avoir aucune raison suffisante d'entrer en guerre ;
d'ailleurs c'est une chose notoire aux Electeurs ,
Princes et Etats , que pendant le peu d'années de
Paix dont on a joui , l'Empire , et en particulier les
Cercles , qui durant la derniere Guerre et tant d'au
tres qui l'ont précedée , se sont trouvez les plus èxposez
aux attaques ennemies , et n'ont pû éviter les
degâts et la destruction qui accompagnent toujours
les Armes , ne se sont pas encore assez bien rétablis
des pertes qu'ils ont soufertes , pour qu'on les expose
de nouveau aux mêmes inconveniens , et cela pour
une affaire étrangere à laquelle ils n'ont aucune
part , et pour qu'on exige d'eux qu'ils contribuent
aux frais d'une guerre qui durera peut -être plu
sieurs années ; car si l'on considere avec attention
les suites onereuses d'une rupture , on trouvera ,
l'experience nous le montre, que lorsqu'elle est entamée,
il est bien difficile d'en prévoir les évenemens et
dejuger de sa durée.
"
et
Après
974 MERCURE DE FRANCE
>
Apr's cela quelqu'heureuse que pût être cette
Guerre , et quand meme on pourroit obliger la Partie
adverse à consentir à une Paix durable et avantageuse
, la méme experience nous fait voir que
toute l'utilité qui en resultera aux Etats du Saint
Empire Romain , sera qu'on leur rende leurs Pays
mais désolez , et dans un état plus triste encore que
celui où leurs Sujets et leurs Pays se trouvent actuellement
sans pouvoir esperer aucun agrandissement
, puisqu'on a vu que tous les efforts qu'on a
faits jusqu'à pretent pour cela , ont toujours été infructueux.
C'est pourquoi , et dautant S. M. I.
par son Decret de Commission , a non seulement recommandé
le fait aux Etats , mais que méme elle
demande gracieusement leur conseil et avis , ilparoit
qu'on doit murement déliberer si avant que de
parler d'aucune Déclaration de Guerre , il ne seroit
pas con enable la Diette songeat aux moyens
d'éviter un aussigrand mal qu'est une Guerre offensive
; il paroit que c'est l'unique moyen de conserver
la tranquillitéparmi les Etats de l'Empire et de
les mettre en état de mieux servir S. MI. et la
Patrie
que
que
que
>
Aussi-tôt S. A. E. de Baviere comme
Membre du Cercle de Suabe, en vertu des Terres et
Seigneuries qu'elle y possede , eût appris que ce Cercle
et les autres Cercles associez devoient s'assembler
, elle donna ordre de leur representer la necessité
qu'il y avoit de mettre promptement leurs Pays
dans un état convenable de deffense , sans préjudice
de qui que ce fut.
C'est un pareil état de deffense conformement aux
résolutions prises dans l'Assemblée desdits Cercles
que S. A. E. souhaite de la part des Electeurs
Princes et Etats de l'Empire , et elle le regarde
comme un point si necessaire et si important dans la
circons
MAY 1724. 975
sirconstance présente des affaires , que bien loin de
vouloir s'en élo gner iant soit peu , elle est disposée ,
en conformité de sa Naissance et ae son devoir ,
contribuer de tout son pouvoir à tout ce qui peut
tendre à la conservation du Sant Empire Romain
en general, et de chaqueEtat en particulier,mais elle
croit qu'il faut éviter toute offense et qu'il est bien
piur convenable de songer un quement à la defense
et à la conservation dudit Saint Empire Romain et
de ses Etass particuliers .
I •. Parce que toute personne qui voudra se donner
la peine d'examiner sans partialité et sans prévention
la source et la cause de la presente Guerre
, verra facilement en consequence des raisons al.
leguées ci- dessus , qu'elle ne peut originairement regarder
en aucune maniere le Saint Empire Romain,
puisque les Hautes Parties Belligerantes ont pour
principal motif le soin de vanger reciproquement leur
honneur qu'elles croyent offensé.
·
>
2 Farce qu'on ne sçauroit conseiller ni approuver
que pour une cause étrangere , à laquelle le
Saint Empire Romain n'a aucune part , on veüil-
Le prizer de la douce Paix rétablie en dernier lieu
et acquise aux dépens de tant de sang répandu , et
qu'on cherche à l'engager dans une nouvelle Guerre
onereuse , dont l'is në et la durée sont si incertaines
et dont tout le poids tomberoit sur ces Cercles , qui
par leur situation se trouvent les plus exposés au danger
, et par consequent à une ruine inévitable sans
Pavoir meritée Les Pactes entre la très - Illustre
Maison Archiducale de l'Empereur et la Couronne
de Pologne , subsistent depuis plusieurs années ,
ayant été établis sous le gouvernement de l'Archiduc
Albert et du Roi Casimir , et confirmés dernie➡
rement par 1 En pereur Leopold,de glorieuse memoi-
Fe ; ils ont pour objet la défense mutuelle de leurs
Royaumes ,
976 MERCURE DE FRANCE
Royaumes , ainsi que de leur Commerce ; mais ce
n'est pas en qualité d'Empereurs et du consentement
de l'Empire , que les Princes de la Maison d'Autriche
ont contracté ces Alliances ; ils ne l'ontfait
que pour leur propre interêt , et à cause de la proximité
de leurs Terres et Provinces , par consequent
Le Saint Empire. Romain n'y a aucune part.
3°. Comme Sa Majeste Imperiale , pendant son
glorieux Regne , a donnéplusieurs preuves éclatantes
du desir qu'elle a de maintenir et de conserver
le repos et le salut du Saint Empire Romain , et
que de tout tems on a regardé la tranquillité genevale
comme le bien le plus desirable , Elle peut d'autant
moins trouver mauvais que les Etats se
mettent simplement dans un état de défense , qu'elle
a tout lieu d'avoir une entiere confiance dans le
Saint Empire Romain , et qu'elle n'ignore pas les
tristes suites que la Guerre entraîne après elle . Il est
d'ailleurs à remarquer que d'autres Puissances
quoiqu'étroitement unies et alliées avec Š. M. I.
auxquelles on aura sans doute communiqué tout ce
qui s'est passé dans l'affaire de Pologne , et qui par
consequent n'ignorent pas laquelle des deux Hautes
Parties doit être considerée comme l'Agresseur dans
la presente Guerre , n'ont pas encore jusqu'à present
jugé à propos de se déclarer contre la France ,
soit par le desir de conserver quelques uns de leurs
Etats et Sujets , ou pour d'autres raisons , quoique
quelques unes de ces Puissances se mettent sur
leurs gardes , ce n'est apparemment que pour mieux
maintenir et conserver la tranquillité.
Si le Saint Empire Romain se trouvoit frustré de
Passistance de ces Puissances, le poids de la presente
Guerre lui seroit difficile à supporter , et le danger
plus grand et plus évident sur tout si S. M. I.
alloit retirer en tout ou en partie , les Troupes qu'elle
a fur
MAY. 1734
977
vaisur
le Rhin pour les envoyer à la défense de ses
autres Etatt et qu'elle laissat aux Cercles le soin de
la défense de l'Empire. Cette crainte n'est pas
neni chimerique , elle est fondée sur l'experience de
se qui s'est passé pendant la derniere Guerre , où
P'on a vu les Troupes Imperiales quitter le Rhin , et
les Cercles seuls obligés de défendre leurs Terres ,
leur grand préjudice , et à la ruine de leurs Pays.
Deplus , les Actes de l'Empire font foi que d'un
côté les Etats ne voulurent pas dans la derniere
Guerre s'engager avant que les deux Puissances
Maritimes se fussent alliés avec Sa Majesté Imperiale
; et que d'un autre côté , aussi- tôt que lesdites
Puissances se furent separées de la grande Alliance
, les mêmes Etats jugerent à propos d'accepter
les conditions du Traité de Rastadt , donnant
par-1
-là clairement à connoître combien il leur étoit
impossible de continuer la Guerre sans la concurrence
des Puissances Maritimes. C'est pourquoi le
Saint Empire Romain , et en particulier les Cercles
les plus exposés , qui certainement ne se sont pas encore
rétablis des pertes souffertes , feroient bien de
senger à épargner et ménager leurs forces chancellantes
pour des occasions plus importantes qui pourroient
survenir , et qui dépendent de la viciffitude
des choses , sans quoi on pourroit bien s'en repentir ,
mais peut-être trop tard.
4°. La Couronnede France ne peut trouver mau
vais que l'Empire employe pour sa défense tous les
moyens necessaires et conformes au droit naturel ;
puisque dans la Déclaration qu'elle a fait faire par
son Ministre , et qui se trouve attachée au Decret
Imperial de Commission ci - desus mentionné , Elle
promet solemnellement sous la Foi publique qu'elle
se prêtera à tout ce qui peut maintenir la tranquil-
Jité du SaintEmpire Romain : Or , rien n'y pens
G plus
978 MERCURE DE FRANCE
plus contribuer qu'un Etat convenable de défense ?
d'ailleurs cette même Couronne У déclare qu'elle
fera bonifier , si cela n'a étéfait , les Contributions
qu'elle a été obligée d'exiger sur les Terres de l'Empire
, et qu'elle fera restituer le Fort de Kehl dont
elle s'est emparée , ou qu'elle le fera garder par des
Troupes Neutres jusqu'à la Paix , afin que le Saint
Empire Romain n'en prenne aucun ombrage.

Pour toutes les raisons alleguées ci- dessus , S. A.
E. quelque affectionnée et fidele qu'elle soit à S. M.
I. ne sçauroit conformément à son devoir conseiller
que le Saint Empire Remain doive s'engager
dans une Guerre generale si dangereuse et si ruineuse
, qui occasionnera dans la suite l'effusion de
tant de sang Chrétien et la désolation des Terres
qui pourront être foulées autant par les Troupes qui
viendront à son secours que par celles des Ennemis.
Elle espere au contraire , que S. M. I. qui a donné
tant de preuves de son amour pour la Justice et la
Paix , voudra bien en consequence de cet amour
et vú les presentes circonstances dangereuses approuver,
ainsi qu'on vient de le proposer , que le Saint
Empire Romain se mette dans un état naturel et
convenable de défense , et qu'elle regardera d'un
oil favorable tout ce qui a été allegué à ce sujet ,
comme provenant d'un coeur sincere et affectionné
pour le bien de la Patrie. S. A. E. souhaite de
plus , conformément aux Loix établies par la Paix
de Vestphalie , que les Etats de l'Empire , avani
que de prendre les Armes , tentent les voyes d'ac
commodement au moyen d'une mediation generale
du Saint Empire Romain , ainsi que cela s'est pratiqué
ci-devant , sous le Regne des Predecesseurs de
S. M. I. et en particulier en l'année 1673. on
pourroit peut-être par ce moyen terminer le tout à
Pamiable. Mais si cette proposition , quoique fondée
5267
MAY. 1734. 9-9
ser les Loix fondamental es du Traité de Paix n'est
point acceptée , S. A. E. de Baviere persiste toujours
dans son opinion , que dans la situation presente
des affaires il ne convient pas au Saint Empire
Romain de donner occasion à de nouvelles hostilités
de la part de la France ; et quoiqu'on doive
s'attendre que cette Couronne maintiendra la déclaration
faite par M. Blondel , son Miniftre , et
que conformément à ses promesses , Elle ne troublera
pas la paix et la tranquillité de l'Empire , à
moins qu'elle n'y soit provoquée. S. A. E. croit
néanmoins que le Saint Empire en general et chaque
Etat en particulier , doivent conformement à ce
qui a été résolu dans l'Assemblée des Cercles associés
, se mettre en bon état de se défendre , sans préjudice
de qui que ce soit. Ulteriora reservando.
ITALIE.
Le 9. Avril , le Comte Zaluschi , Ministre da
Roi de Pologne à Rome , eut Audience du Pape ,
à qui il demanda de la part de Sa Majesté Polonoise
, qu'on procedât contre les quatre Théologiens
qui ont approuvé et signé le faux Bref que
les Partisans de l'Electeur de Saxe avoient fait
répandre dans la Pologne , avant la prétendue
Election de ce Prince , et par lequel le Pape étoit
supposé délier les Evêques Polonois du serment
qu'ils avoient fait dans la Diete generale de Convocation
.
Le bruit court que le Pape a cité par un Bref
l'Evêque de Cracovie pour venir rendre compte
à Rome de sa conduite , au sujet de la prétendue
Election et du Couronnement de l'Electeur de
Saxe , mais on ne sçait pas encore les résolutions
que SaSainteté a prises par rapport aux quatre
Gij Théo980
MERCURE DE FRANCE
Théologiens , sur le procedé desquels le Roi de ·
Pologne demande satisfaction.
Il est défendu à Rome,sous des peines très- rigoureuses
par un Edit qu'on y a publié depuis peu , à
toutes personnes de quelque condition qu'elles
soient, de parler peu respectueusement d'aucun
Prince à l'occasion de la Guerre , et de former
des Assemblées tumultueuses.
On écrit de Genes que le Gouvernement a
donné ordre de faire de nouvelles levées qu'il destine
pour l'Ile de Corse , où on a été obligé d'envoyer
depuis peu un renfort de 3000. hommes
pour s'opposer aux progrès des Rebelles , dont
le nombre augmente tous les jours , et d'où on a
reçû avis que la Garnison de Corse , étant convenue
avec leurs Chefs de leur rendre cette Place
, si elle n'étoit pas secouruë dans un tems prescrit
, en étoit sortie après ce terme expiré; que le
Commandant et quatre autres Officiers avoient
eu seuls la liberté d'emporter leurs armes , et
qu'ils avoient été conduits , ainsi que le reste de
la Garnison , à San - Pelegrino,
L
Nouvelles de Naples et de Sicile.
'Infant Don Carlos a fait publier et afficher
sur les frontieres du Royaume de Naples le
Decret suivant.
DON CARLOS , Par la grace de Dieu , Infant
d'Espagne , Duc de Parme , de Plaisance et
de Castro , &c. Grand Prince de Toscane et Generalissime
des Armées de Sa Majesté Catholi
que en Italie.
Le Roi , mon très- cher et honoré Pere , par
sa Lettre du 27. Fevrier dernier , écrite dans le
Palais Royal du Pardo , me mande ce qui suit,
ΜΟΝ
MAY.
981 1734.
MON CHER ET BIEN AIME' FILS.

>
Vos interêts inséparables de la dignité de ma
Couronne , et ceux de mes fideles Alliez , m'ont déterminez
à envoyer des Troupes dans la Lombardie
afin d'executer de concert avec leurs Armées
les justes Entreprises ausquelles on les a destinées
; mais dautant qu'à l'occasion de la presente
Guerre , les clameurs des Peuplet de Naples et de Sicile
, excessivement violentés , opprimés et tirannisés
depuis tant d'années par
le gouvernement Allemand
, ont pénetré mon coeur Royal , et que j'ai
toujours eu pour ces Peuples un amour Paternel
me ressouvenant fort bien de leurs démonstration's
de joye et de leurs acclamattons unanimées lorsqu'is
me reçûrent autrefois à Naples , et qu'ils consenti
rent à admettre mes Troupes en Sicile. Excité par
une compassion si naturelle , j'ai préferé à toute autre
expedition celle de délivrer de leurs maux insupportables
ces Peuples opprimés , en employant
avecgenerosité , pour leur prompt soulagement , les
forces qu'il a plu à Dieu de me confier , d'autant
plus que je considere qu'avant que leurs volontés
fussent en quelque façon captivées , leur zele répondoit
parfaitement à mes desirs et que ce n'a été
qu'après avoir été séduits ou par des insinuations
trompeuses , ou par des esperances chimeriques , ou
par la crainie des menaces violentes , qu'ils ont tous
été contraints de dissimuler leur propre inclination
en adoptant des operations très - contraires
leur fidelité. Dans cette persuasion j'ai toujours regardé
avec mépris , et comme des actes involontaires
ou forcés , tout ce qu'ils ont fait , soit en general
, soit en particulier , puisqu'ils y ont été excités
par mes ennemis , et je l'ai mis en oubli comme
s'il ne s'étoitjamais rien passé à ce sujet , ne dou-
Giij tant
>
>
982 MERCURE DE FRANCE
tant point qu'aussi- tôt qu'ils se verront en état Pagir
librement selon leurs desirs , ils ne me donnent
les mêmes preuves de leur parfait devoüement , da
leur loyauté , et de leur zele qu'ils m'ont donné cidevant.
Incité par de si justes motifs , j'ai pris là
resolution de vous y envoyer en personne , et en
qualité de Generalissime de mes Armées , pour recouvrer
ces Royaumes , malgré le risque où pourroit
être votre précieuse santé dans un si long voyage
, afin que par votre Royale et aimable présence,
vous puissiez confirmer en mon nom l'Amnistie et le
Pardon general ou particulier , que mon amour Paternel
m'engage à accorder à un chacun , de quelque
Nation qui soit , et donner à tous en mêmetems
les sûretés les plus authentiques . Vous confirmerez
en outre, vous étendre et augmenterêz , nonseulement
les Privileges dont ces Peuples jouissent a
present , mais encore vous les déchargere de toutes
sortes d'Impôts , et particulierement de ceux qui ne
doivent leur invention et leur établissement qu'à l'avidité
insatialle du Gouvernement Allemand ; et
tout cela afin que le monde soit convaincu que mon
juste et unique but est de rétablir deux Illustres
Royaumes, qui ont si bien merité de la Monarchie,
et de les faire encore jouir de leur ancienne felicité ,
réputation et dignité , et qu'on ne croye pas que ce
soit pas aucun autre interêt que j'ai entrepris de recouvrer
ces Royaumes . Et afin que le contenu de la
Presente soit notoire à tous je vous ordonne de le
rendre Public et Manifeste , dans la forme que vous
jugerez la plus convenable Dieu vous conserve
mon cher et bien aimé Fils , aussi long- tems que je
le desire. Moi le Roi , DON JOSEPH PATINO .
En vertu du pouvoir qu'il a plu à Sa Majesté,
par un effet de son amour Paternel de me donner,
ct
MAY. 1734. 983
et afin que les Sujets ci- dessus mentionnés des
deux Royaumes de Naples et de Sicile ,ces Peuples
si cheris du Roi mon Pere , et dont Sa Majesté
s'est toujours les souvenue avec tant d'estime et
d'affection , en soient dûëment et amplement informés
, je leur déclare ,et je les assûre tous et un
chacun , que l'Indult et le Pardon general et particulier
que Sa Majesté m'a ordonné d'accorder ,
et que j'accorde sur l'assûrance de son sacré et
souverain Nom , comprend toutes sortes de délits
, motifs ou démonstrations sans aucune restriction
, le tout restant enseveli dans un éternel
oubli, que la confirmation de leurs Privileges
comprend et s'étend aux Loix et aux Coutumes
tant Civiles que Criminelles , et même aux
Ecclesiastiques , sans qu'il soit permis d'y établir
aucun nouveau Tribunal , ou Procedures.
Que la louable et juste pratique de conferer les
Benefices et les Pensions sera continuée dans la
forme qui s'y observe ,actuellement ; et que toutes
les impositions et Charges établies par le
Gouvernement tyrannique des Allemands seront
abolis dès à present , lesquelles graces seront
conformes au clement et benin coeur de Sa Majesté
Et afin que ceci soit notoire , j'ai ordonné
qu'on expedie en Langue Espagnole et Italienne
la Présente signée de notre main , scellée
de notre sceau Royal , et contresignée par notre
Secretaire d'Etat , et qu'on l'affiche aux lieux ordinaires.
Fait à Civita Castellana le 14. Mars
1734. CHARLES , Don Joseph-Joachin de Montealegre.
:
Les divers avis du Royaume de Naples portent,
que l'infant Don Carlos , qui est toujours
Aversa , avoit détaché le Marquis de Las - Minas
G iiij
er
1984 MERCURE DE FRANCE
et le Duc de Castro Pignano , avec 34. Compa
gnies de Grenadiers et 2300. hommes de Cavalerie
, du nombre desquels sont les Carabiniers,
pour suivre le Viceroi , lequel accompagné du
Prince Caraffe , Grand Maréchal du Royaume ,
et du Prince de Belmonte Pignatelli , General de
la Cavalerie, s'est retiré dans la Poüille avec près
de sooo . hommes . Ces avis ajoûtent que le Com
te de Charni avoit le Commandement des Troupes
qui assiegent les Châteaux de Naples ; que
le Comte de Marsillac avoit marché pour s'emparer
de celui de Baya , et qu'on formoit en même-
tems le Siege de Gaëtte et de Capouë .
Les quatre Galeres que l'Empereur avoit fait .
équiper dans le Port de Naples , sont sorties de
ce Port, et se sont sauvés à la faveur d'un grand
calme qui a empêché l'Escadre Espagnole des'opposer
à leur fuite.
Les Lettres de la fin d'Avril marquent , que
l'Infant Don Carlos avoit continué le Juge de la
Cour de la Vicairerie à Naples , et l'Elû du Peuple
dans l'exercice de leurs Emplois, et qu'il avoit
laissé aux Habitans le soin de garder la Ville.
Ces mêmes Lettres portent que ce Prince a fait
signifier aux Troupes qui sont dans les Châteaux,
et aux Garnisons de Gaette , et de Capouë, qu'on
ne leur donnoit pour se rendre qu'un petit nom →
bre de jours , après lesquels il ne leur sera accordé
aucune Capitulation.
Ces Lettres ajoutent que le nouveau Vaisseau
de Guerre que le Comte Visconti, ci - devant Vi
ceroi du Royaume , avoit fait construire par or
dre de l'Empereur , étant sorti du Port le 19. du
mois passé pour faire voile vers la Sicile , avoit
été attaqué par quelques vaisseaux de l'Escadre
Espagnole qui l'avoient coulé à fond.
L'Infans
MAY. 1734. 985
et
L'Infant Don Carlos a déclaré le Comte de
Charny , Lieutenant General du Royaume ; il a
nommé en même- tems VicairesGeneraux le Prince
de la Rochella ,pour la Calabre Ulterieure , le
Marquis de Forcardi, pour la Calabre Citerieure;
le Duc d'Andria,pour la Principauté de Bari ,
pour la Capitanate et le Comté de Melfi , le
Marquis Doria , pour la Principauté de Lezze ;
le Duc de Sentiti , pour la Bazilicate ; le Frince
de Monte-Mileto , pour la Principauté Ulterieure
; le Duc Lorenzano , pour la Citerieure , le
Duc de Sora , pour l'Abruzze Ulterieure , et le
Prince d'Isciscane pour l'autre partie de l'Abruze.
Le 24. du mois passé la Garnison du Châreau
S. Elme demanda à capîtuler , mais comme
elle ne s'est point rendue dans le tems qui
lui avoit été prescrit , les Officiers et les Soldats
qui la composoient ont été faits prisonniers de
Guerre ; celle du Château Neuf , qui ne peut tenir
encore long-tems , subira le même sort.
On a reçû avis de Baye que le Comte Marsil
lae , aprés un Siege qui n'avoit duré que quelques
jours s'en étoit emparé , et que la Garnison
et les Habitans s'étoient rendus à discretion
Les Troupes qu'on avoit envoyées pour suivre
le Comte Visconti l'ont joint dans les environs
d'Otrante , et elles n'ont pu encore l'attaquer
parce qu'il s'est retiré dans des bois où il est dif
ficile de le forcer ; mais on croit qu'il ne pourra
pas y demeurer long-tems , et qu'il sera obligé
de sortir du Royaume.
On a appris par des Lettres de Messine , qu'on
voit vû passer à la hauteur de Salerne à les
quatre Galeres Imperiales qui sortirent ily
quelque temps du Port de Naples , dont on viene
Gy
D
986 MERCURE DE FRANCE
de parler , et on conjecture qu'elles sont allées
à Messine.
On écrit de Sicile , que les Habitans ont refusé
de payer un subside de 13c0000. ducats
que le Comte de Sastago , Viceroy de cette Isle ,
leur a demandé de la part de l'Empereur , et que
les menaces qu'il leur a faites de les contraindre à
payer cette somme , y ont excité un soulevement
presque general.
L'ouverture de la breche faite par une batterie
de 8. Canons et de 2. Mortiers , qu'on avoit
dressée contre le Château de l'Euf , se trouva le
premier de ce mois , au matin , assez grande pour
que 30 hommes pussent y passer de front , et
le Commandant de ce Château , voyant qu'on se
disposoit à l'emporter d'assaut , fit battre la chamade
, mais on n'a voulu lui accorder aucune caputulation
, et il a été fait prisonnier de guerre ,
ainsi que la Garnison , qui étoit composée de
300. hommes.
Les Villes de Gaëtte et de Capoüe sont tou
jours bloquées , et l'on n'attend que l'arrivée de
la grosse Artillerie pour ouvrir la Tranchée
devant ces deux Places. Cinq Vaisseaux de
l'Escadre Epagnole , qui croisent sur les Côtes de
Naples , sont allez dans la Mer Adriatique, pour
empêcher le transport des Troupes que l'Empereur
pourroit envoyer ici de Trieste.
Le Comte Visconti ayant été joint par quel
ques Troupes que le Viceroy de Sicile lui a envoyées
, s'est jetté dans Otrante , et le Duc de
Castro Pignano a demandé un renfort d'Infanterie
pour l'y assieger.
5oo . des Soldats Imperiaux , qui ont été faits
prisonniers de guerre , ont pris parti dans les
Troupes de S. M. Catholique , et l'Infant Don
Carl
MAY. 1734. 987
"
Carlos leur a fait distribuer de l'argent.
Les derniers avis de Naples , portent qu'une
partie du Détachement des Troupes Espagnoles
qui avoit suivi le Comte Visconti dans la Pouille,
avoit enveloppé 300. Soldats Imperiaux , qui
n'avoient pu faire assez de diligence pour entrer
avec lui dans Otrante , et qu'ils avoient été faits
prisonniers de guerre.
Selon les mêmes avis , le Prince Della Torella
a fait lever dans ses Terres 800. hommes de Milice
pour le Service de S. M. Catholique .
L
ESPAGNE.
E Gouvernement a ordonné qu'on retint
cent mille Piastres outre l'Indult ordinaire
sur l'argent qui est venu à bord du Vaisseau l'Incendie.
On a commencé le 1o . du mois passé à
distribuer les sommes que ce Bâtiment a apportées
, à ceux à qui elles appartiennent.
Par le Courrier dépêché au Roy par Dom
Carlos , on a reçû avis de la Prise du Fort de
Baye et de celle du Château Saint Elme ; la
que
Garnison de Baye , qui s'est renduë à discretion ,
étoit composée d'environ 400. hommes, et qu'on
a fait dans le Château Saint Elme 250. prisonniers
de guerre , sans compter le Commandant
ér les Officiers.
L
HOLLANDE , PAYS - BAS.
E 7. de ce mois , à dix heures du matin , Ic
Prince et la Princesse d'Orange arriverent devant
la Ville de Rotterdam , à bord du Yacht le
Fubbs , et ils furent saluez par une décharge gémerale
de l'Artillerie de la Ville et de celle de tous
les Vaisseaux qui étoient sur la Riviere , Les Ma-
Gvi gistrat,
988 MERCURE DE FRANCE
3
gistrats allerent complimenter le Prince et la
Princesse , qui passerent le reste du jour et la
nuit suivante dans leur Yacht , et qui n'en descendirent
le lendemain que pour prendre la route
de Delft et se rendre de- là à Amsterdam ; ils y
arriverent le même jour à cinq heures du soir,
et ils en partirent sur le champ pour la Frise.
GRANDE BRETAGNE.
2
E 22. du mois dernier , la Populace s'étant
Lassemblée cumultueusement dans divers en
droits de Londres , aliuma des feux dans les ruës
pour témoigner sa joye de ce que l'année derniere
à pareil jour , la Chambre des Communes
rejetta le Bill pour augmenter les droits sur les
Boissons fortes , et pour établir une nouvelle maniere
de les percevoir. Elle cassa les vitres de
P'Hôtel du Lord- Maire et de toutes les maisons,
de ceux qui refuserent de mettre des lumieres sur
leurs fenêtres , et les efforts que firent les Officiers
chargez de la Police , pour faire cesser le désor
dre , furent inutiles.
Le 27. Avril , à 3. heures après midy , le Roy
se rendit à la Chambre des Pairs avec les ceremonies
accoutumées , et S. M. ayant mandé la
Chambre des Communes , donna son consentement
à divers Bills , et fit ensuite le Discours
suivant.
MY LORDS ET MESSIEURS.
>
Je vous remercie d'avoir dépêché si promptement
les affaires publiques , et de la confiance que vous
avez prise en moi pour l'honneur et la seureté de mon
Royaume. Une Session si courte terminée avec
tant d'unanimité et de si justes égards pour le veritable
interêt de la Nation dans une conjoncture si dé-
"
licate
MAY. 7734-
34
licate , donnera beaucoup de poids et de crédit à tou
tes nos démarches , et assurera au Parlement le respect
et la confiance si nécessaires pour maintenir
Phonneur et l'interêt de la Grande-Bretagne , tant
au dedans qu'en dehors.
MESSIEURS DE LA CHAMBRE DES COMMUNES
Je dois reconnoître d'une maniere particuliere le Zele
et la promptitude que vous avez montrez dans ce
qui concerna la levée des subsides nécessaires pour le
service de cette année . L'attention que vous avez
eue d'assigner des fonds pour acquitter une grande
partie des dettes de la Marine , dettes qu'on a été
nécessairement et inévitablement obligé de contracter
, et qui portant un interêt plus fort que les anciennes
dettes de la Nation , et étant sujettes à un
décomte , augmentoient la dépense dans tous les
Contracts pour la Flote et pour l'avituaillement ,
doit certainement être regardée comme un servicê
essentiel rendu au Public.
MYLORDS ET MESSIEURS ,
Le temps limitépour l'expiration de ce Parlemens
étant prochain , j'ai resolu de faire publier une Proclamation
pour le dissoudre et pour convoquer un
nouveau Parlement, afin de mettre fin aussi -tôt qu'il
sera possible aux inconveniens qui sont les suites inévitables
d'une Election generale , mais je me croirois
inexcusable si je quittois ce Parlement sans lui
faire la justice de reconnoître toutes les preuves écla
tantes que durant le cours de 7 années il a donné
de son fidele attachement pour ma Personne et pour
mon Gouvernement et de ses égards constants pour
le veritable interêt de la Patrie. La prosperité et
La gloire de mon Regne dépendent de l'affection et
du bonheur de mon Peuple , et le bonheur de mon
Peuple
990 MERCURE DE FRANCE
Peuple dépend de la conservation de tous ses legitimes
droits et Privileges , tels qu'ils sont assurez par
l'établissement présent de la Couronne dans la Ligne
Protestante. L'exacte observation et la juste
execution des Loix sont la meilleure et l'unique sireté,
tant pour le Souverain que pour les Sujets ;
leur interêt est mutuel et indivisible , et par consequent
leurs efforts pour se soutenir mutuellement doivent
être égaux et réciproques ; toute usurpation des
droits du Roy ou de ceux du Peuple , est une diminution
du pouvoir de l'un et de l'autre, qui étant tenu
des deux parts dans ses justes bornes ,fait la balance
qui est si nécessaire pour l'honneur et la dignité
de la Couronne et pour la prosperité du Peuple.
J'observerai religieusement pout cet effet tout ce qui
dépendra de moi , ne doutant point d'un juste retour
de soumission et de reconnoissance de mes Sujeis . Je
dois vous recommander particulierement , et j'attends
cette marque de votre affection si connue , de
faire tous vos efforts pour faire cesser les malheu
reuses divisions de cette Nation , et pour concilier
les esprits de tous ceux qui souhaitent sincerement
la sûreté et la prosperité du Royaume. Ce me seroit
une très-grande satisfaction de voir une parfaite
harmonie rétablie parmi ceux qui n'ont et ne doi→
vent avoir à coeur qu'un même objet , afin qu'il n'y
ait plus de distinction qu'entre ceux qui souhaitent
le maintien de notre heureux établissement présent
dans l'Eglise et dans l'Etat , et ceux qui voudroient
renverser l'une et l'autre ; c'est la seule distinction
qui devroit être remarquée dans un pays où l'interêt
du Roy et du Peuple est le même. Si dans aucun
temps les Droits de la Religion , de la liberté
et de la proprieté , n'ont été maintenus avec plus
d'ardeur de la part du Gouvernement , et si jamais
le Peuple n'en ajoui plus pleinement , qu'on ne met
te doac
MAY. 1734. 991
że donc plus en usage ces noms sacrez comme des
prétextes artificieux etplausibles pour renverser l'établissement
présent sous lequel elles sont à couvert.
Je n'ai rien à souhaiter si non que mon Peuple ne
se laisse point surprendre. J'en appelle à sa conscience
pour ma conduite et j'espere que la Providence
divine le dirigera dans le choix de Deputez
dignes , que le soin et la conservation de la Religion
Protestante , de l'établissement présent et de
tous les Droits Religieux et Civils de la Grande-
Bretagne leur soient confiez .
Le Duc de Buckingham , à qui le Roy a permis
de servir dans l'Armée Françoise , sur le
Rhin , en qualité d'Ayde de Camp du Maréchal
de Berwick , partit le 28. du mois dernier pour
s'y rendre .
Le 3. de ce mois , le Prince et la Princesse
d'Orange, s'étant rendus en Chaises à Porteurs à
Whitehall , s'embarquerent sur une des Berges
du Roy , et descendirent la Tamise jusqu'à Lambeth
, pour y prendre les Carosses du Roy , qui
les ont conduits à Gravesend , d'où le Yacht le
Fubbs doit les transporter en Hollande , sous
l'escorte de cinq Vaisseaux de Guerre.
On apprend en dernier lieu de Londres , qu'il
y a déja 350. Membres du Parlement élûs , ét
dans ce nombre on en compte plus de 200. qui
étoient du dernier Parlement. Plusieurs Habitans
de Douvres ont été accusez d'avoir reçû des
sommes considerables pour donner leurs voix à
certaines personnes dans l'Election qu'ils ont faite
dernierement de leurs Députez au Parlement ,
les Magistrats doivent les poursuivre juridiquemont
, en execution de l'Acte du Parlement contre
ceux qui se laissent corrompre.
AR992
MERCURE DE FRANCE
AR ME'E D'ALLEMAGNE.
E Maréchal Duc de Berwick , qui avoit
Lquitté avec une partie de l'armée le Carne
de Spire pour se raprocher du Fort - Louis , y
ayant été joint par le corps de troupes qui étoit
sous les ordres du Duc de Noailles , il fit passer
le Rhin à son Armée au Fort-Louis et au Fort
de Kehl.
Le 4 de ce mois vers les 6 heures du matin ,
le Duc de Noailles qui avoit été détaché avec ri
Bataillons , deux Regiments de Dragons , et 100
Carabiniers de la Maison du Roy , attaqua les
Lignes d'Ettlingen , par la Montagne , et il força
les Ennemis dans leurs retranchements .
L'après midy le Prince de Tingry , que lè
Maréchal de Berwick avoit fait avancer à une
portée de mousquet des Lignes vis - à- vis d'Ettlingen
, s'empara d'un Fort qui les couvroit dans
cette partie, et il y entra avec 10Bataillons composez
de la Brigade des Gardes et de celle de la
Marine , et il fut suivi des cinq Bataillons de l'a
Brigade de Gondrin et des sept Escadrons qui
avoient marché sous les ordres de M. de la Billarderie
, Lieutenant General .
Le même jour , le Marquis d'Asfeldt avec-les
30 Bataillons qu'il commande passa le Rhin à
l'Isle de Neckerau ..
Les le Maréchal de Berwick marcha avec 6
Bataillons ,.et 42 Escadrons à Mulberg , où toute
son Armée s'est rassemblée .
Le Prince Eugene , qui étoit arrivé au Camp
près de Philisbourg le 27 du mois dernier, s'étoit
avancé à Mulberg , et il y étoit encore le 4 de
ce mois , mais aussi- tôt qu'il eut été informé
que les Lignes d'Ettl ingen avoiene été forcées et
que
MAY.
1734 993
que le Marquis d'Asfeldt qui étoit dans l'Isle de
Neckerau se dispósoit à passer le petit bras qui
sépare cette Isle de la Plaine de Manheim , il
prit le parti de faire marcher une partie de son
Armée vers Phortsheim , et l'autre à Hailbron,
Le 7 , le Maréchal de Berwick fut camper
Graben.
Il y a eû à l'attaque des Lignes d'Ettlingen ;
environ 60 Soldats tuez ou blessez ; M. de
Chenelette Brigadier et Lieutenant Colonel du
Regiment de Piémont y a été blessé ; et M. Du
bois , Lieutenant Colonel du Regiment de Boulonois
, très dangereusement.
1
Le Maréchal de Berwick , après avoir laissé
un Corps de Troupes à Graben et à Roussen ,
pour la sureté du Pont et pour conserver la communication
avec l'Alsace , alla camper le 10 , la
droite à Obstatt , et la gauche à Bruchsall.
Le Marquis d'Asfeldt , y arriva le lendemain
avec les Troupes qu'il commandoit. Il est venu
joindre l'Armée du Maréchal de Berwick par le
Spirback et par le Pont de Roussen et il a
brulé en passant un magazin de fourages que les
Ennemis avoient auprès de Philisbourg .
>
Le 12 , M. de Quadt , Lieutenant General a
été détaché avec 6 Bataillons et 12 Escadrons
pour aller soumettre le Wirtemberg à la contribution.
Le Prince Eugene , qui avoit décampé d'Obsratt
le 7. pour prendre la route de Sintzen, étoit
le II à Hailbron ; mais il en est parti le lendemain
, et il a marché vers Rottembourg.
Le Comte de Belleisle ; qui étoit resté près de
Traërbach depuis la prise du Château , a dû marcher
le 16 avec les Troupes qui sont sous ses
ordres , pour se rendre à Landau , d'où il ira
joindre le Maréchal de Berwick.
994 MERCURE DE FRANCE
PRISE DE TRAERBACK.
Artillerie nécessaire pour faire le Siége du
Chateau de Tracerback tant arrivée de Sarre-
Louis le 24 du mois dernier , le Comte de Belleisle
la fit placer sur le champ dans les Batteries
qu'il avoit fait préparer et le lendemain au soir
il fit ouvrir la tranchée par le Comte d'Aubigné,
Maréchal de Camp , par M. de Mainville Brigadier
, et par le Marquis de Croissy , Colonel du
Regiment Royal , avec quatre Compagnies de
Grenadiers, trois Piquets de so hommes chacun,
et un détachement de 100 Dragons , lequel sous
les ordres du Chevalier de Belleisle , Brigadier ,
fut placé à la droite de l'attaque vers les hauteurs
du Château .
Le 27 et les jours suivants la Tranchée fut re-
Jevée avec un pareil nombre de Troupes.
Le premier de ce inois , le Comte d'Aubigné ,
et le Duc de Luxembourg , Brigadier , étant de
tranchée , on attaqua un Ouvrage avancé que les
Grenadiers du Regiment de la Couronne empor
terent et au moyen du feu continuel qu'on fit sur
P'enceinte crenclée qui soutenoit cet ouvrage , on
s'y logea .
Le 2 , les Ennemis s'étant apperçu qu'on avoit
attaché le Mineur à un Ouvrage qui couvroit le
corps du Donjon , demanderent à capituler , et ils
obtintent les honneurs de la Guerre.
La Garnison qui sortit le 4 pour se retirer à
Coblentz n'étoit plus composée que de 14 Officiers
, d'environ 300 Soldats , y en ayant eû so
de tuez ou de blessez . Les assiegeants ont eû s
Officiers blessez , 24 hommes de tuez et 80 de
blessez.
A TMA
Y.. 1734- 995
ATTAQUE des Lignes d'Ettlingen ,
forcées par l'Armée du Roy , le 4 May.
L
>
E Maréchal Duc de Berwick ayant quitté
son Camp de Spire, où il laissa une grande partie
de ses Troupes , aux ordres du Marquis d'Asfeld
, arriva au Fort - Louis le premier May
toutes celles qui le suivoient ou qui étoient répandues
en differents endroits de l'Alsace , y vinrent
canfper le même jour , et le Duc de Noailles s'y
rendit aussi avec le Corps qu'il commandoit du
côté de Hombourg , et de Keserlouter pour couvrir
le Siége de Traerback.
Le lendemain toute l'Armée passa le Rhin sur
un Pont qu'on avoit achevé pendant la nuit. Le
Maréchal de Berwick détacha le Duc de Noailles
avec 15 Compagnies de Grenadiers , 100 Carabiniers
des Gardes du Corps , et 2 Regiments de
Dragons d'Orleans , et de Vitry . Le Comte de
Saxe , Maréchal de Camp fut commandé avec
lui , l'Armée alla camper la droite à Iretzheim,
et la gauche à Santwir.
Le 3 , le Duc de Noailles se mit en marche par
Te grand Chemin qui va de Rastat à Dourlach ,
et qui passe au milleu des Lignes . Il plaça sa
gauche à la hauteur du Village de Mursch , et sa
droite à une grosse Cense , où il posta ses Grenadiers
; cette Cense située dans une Plaine , à
une petite demie lieue d'un bois , nous séparoit
des Lignes et en déroboit une bonne partie à
notre vûë .
Avant que d'arriver en cet endroit on fit plu
sieurs fois alte en Bataille , pour donner à la tête
de l'Armée le temps d'y déboucher et de le soutenir
; en cas qu'on fut attaqué par des Troupes
que
995 MERCURE DE FRANCE
que les Ennemis auroient dû naturellement faire
sortir pour reconnoître les nôtres.
Comme ils nous laissoient avancer tranquillement
jusqu'à une demie licüe de leurs Lignes ,
on auroit pû croire ou qu'elles étoient abandonnées
, ou qu'elles le seroient bien - tôt , mais le
Duc de Noailles ayant envoyé battre les bois par
une trentaine de Hussarts , soutenus de quelques
petits détachements de Dragons , on découvrit
que les Ennemis ne songeoient à rien moins qu'à
les quitter , et qu'au contraire ils se préparoient
à les deffendre , car on las vit travailler en chemise
à faire des embrazures , et mettre leurs Pa-
Tapets en état.
Ce fut dans cette occasion que nos Hussards
prirent environ 900 moutons qui passoient auprès
d'une redoute ; les Ennemis tirerent quel
ques coups de fusil et 3 coups de Canon qui ne
blessérent personne , et qui n'empêcherent pas les
Hussarts d'emmener leur proye.
Il suffisoit d'envisager la force et la bonté des
Lignes , pour juger que les Ennemis ne les abandonneroient
pas sans coup ferir , jamais ouvra
ge de cette nature ne fut construit avec plus de
soin , ni disposé avec plus d'art ; on sçait qu'ils
y ont employé près de 6 mois , tant d'appareil
annonçoit leur confiance , et montroit qu'ils se
flattoient de nous fermer l'entrée de l'Allemagne,
par une Barriere qu'ils regardoient comme insurmontable.
Ces Lignes qui prennent leur nom d'Ettlingen,
petite Ville dépendante du Prince de Bade Baden,
étoient appuyées par un bout à la montagne de
Keppelensberg , d'où après avoir serpenté tantôt
sur la crête , tantôt sur la croupe de plusieurs autres
Montagnes noires , elles descendoient dans
la
MAY 1734. 997
la Plaine qui s'étend au pied du Sommerberg , et
finissoient au bord du Rhin , dans le voisinage
de Taxelande , ainsi en comptant leurs sinuosités
, elles avoient au moins 10 lieues de longueur.
La partie qui regnoit depuis la Montagne de
Keppelensberg jusqu'au conmencement de la
Plaine étoit un retranchement à la Turque , les
Ennemis donnent à cette espece d'Ouvrage le nom
de Palanques ; ce sont de gros arbres posez en
Echiquier et entrelassez les uns dans les autres
avec leurs branches ; tout cela formoit un rempart
d'environs toises d'épaisseur , qui paroissoit
presqu'impénétrable.
L'autre partie qui couvroit la Plaine , étoit un
Prrapet avec sa Banquete et son fossé , on y avoit
pratiqué en differents endroits plusieurs inondations
qui venoient de la Riviere d'Albe , et d'un
ruisseau qui baigne le village de Malsche. Enfin
le long de ce vaste retranchement on trouvoit des
places d'Armes , des Redoutes , des demi- Lunes,
une queue d'Aronde et un ouvrage à corne.
Le Duc de Noailles après avoir attentivement
observé le fort et le foible des Lignes , en alla
rendre compte vers les 4 heures après midy au
Maréchal de Berwick, Il fut résolu de les attaquer
par les hauteurs , et le Duc de Noailles char
gé de l'exécution , se rendit dans le Village de
Malsche , situé au pied des Montagnes noires , et
pendant qu'il faisoit ses premieres dispositions ,
il envoya reconnoître les chemins par où il pourroit
prendre sa route ; le Comte de Saxe qui
connoit beaucoup le Pays, alla d'un côté et M. Galeau
, Partisan alla d'un autre ,
Le lendemain dès la pointe du jour le Duc de
Noailles partit avec 100 Carabiniers des Gardes
du Corps , et les deux Regiments de Dragons
d'or998
MERCURE DE FRANCE
d'Orleans et de Vitry ; pendant qu'il prenoit sa
route sur la droite par un chemin bordé de bois
et de précipices , le Comte de Saxe conduisoit sur
la gauche par un autre sentier la Colonne de
l'Infanterie , à la tête de laquelle marchoient tous
les Grenadiers , commandez par le Chevalier de
Marcieux , et les Piquets soutenus de la Brigade
de Piémont ; ensuite venoit celle des Vaisseaux ,
commandée par M. d'Herouville , Maréchal de
Camp , toutes ces Troupes composoient 11 Bataillons
et 6 Escadrons , non compris les 100 Carabiniers
des Gardes du Corps.
Les 2 Colonnes arriverent en même tems sur.
le sommet de la Montagne , où l'on trouva une
petite Plaine pour se mettre en Bataille , nous y
essuyâmes un orage ' qni dura plus de deux heures
, et qui fut suivi d'un brouillard si épais ,
qu'à peine pouvoit - on se voir à quatre pas ; dès
qu'il fut dissipé on alla encore reconnoître les
Ennemis et voir si leurs retranchements avoient
des fossez pour donner ordre à dies fascines ; lorsqu'on
fut assuré qu'il n'en falloit pas , le Duc de
Noailles fit sa disposition pour l'attaquer.
Il mit 6 Compagnies de Grenadiers de front ,
soutenues par s autres , après lesquelles marchoient
les Piquets dans le même ordre ,suivis des
11 Bataillons qui soutenoient cette tête , et marchoient
en Colonnes à une distance raisonnable
pour éviter la confusion.
Sur la droite et sur la gauche de l'Infanterie
marchoieut les 100 Carabiniers des Gardes du
Corps et les Dragons ; cette disposition fut generalement
approuvée. Comme nous passions au
travers d'un Bois de haute fataye , les Ennemis
ne nous apperçûrent qu'au débouché qui n'étoit
qu'environ à fco pas des retranchements. Le Duc
MAY. 1734 999
de Noailles qui marchoit à la tête du premier
Bataillon de Piémont , fit battre la charge , les
Soldats se mirent à crier vive le Roy , et l'action
commença.
:
Les Imperiaux avoient à leur tête un Officier
qui témoigna beaucoup de sang froid ; on entendit
distinctement ces paroles : Mes Enfans ne
vous étonnez point , Dieu sera pour nous . Ils nous
laissérent approcher , et firent sur nous presque
à bout touchant trois décharges ; le feu fut fort
vif de part et d'autre enfin nos Grenadiers montérent
sur le retranchement ; alors les Ennemis
prirent la fuite , et se jetterent dans un Bois situé
auprès ; leur retraite nous laissa entierement les
maîtres des Lignes ; on travailla aussi - tôt à y
faire les ouvertures nécessaires pour donner un
passage libre à la Cavalerie et au reste des Troupes
; nous n'avons eû dans cette occasion que 75
hommes cant tuez que blessez ; les Allemans en
ont moins perdu, parce que leurs retranchements
les mettoient à couvert.
Pour deffendre cette partie des Lignes , les En
nemis qui ne s'attendoient pas qu'on put les y
attaquer , n'avoient qu'environ 5 à 600 hommes,
soutenus d'une centaine de Cavaliers ; le reste de
leurs Troupes dont le nombre approchoit de
10000 hommes , se trouvoit répandû et dispersé
sur tout dans les principaux Ouvrages ; aussi - tôt
qu'ils apprirent que nous avions forcé leurs retranchements
, ils ne penserent plus qu'à la re
traite et dès les 4 heures après midy ils prirent
le parti d'abandonner entieremenr leurs Lignes,
quoiqu'ils eussent des Ouvrages très forts et dont
on ne pouvoit se rendre maître qu'avec du Canon.
Le Prince Eugene dînoit ce jour - là dans les
Lignes
tooo MERCURE DE FRANCE
Lignes à Carlesrouch . Maison de Plaisance du
Prince de Dourlach , où il attendoit la plus grande
partie de ses Troupes ; il y avoit déja en marche
pour s'y rendre 14. Baraillons et 7. Regimens
de Cavalerie qui font plus de 42. Escadrons;
on vint lui annoncer que nous avions forcé les
retranchemens les hauteurs des Montagnes
par
Noires.
A l'instant même il envoya l'ordre de se reti
rer , et contremanda les Troupes qui venoient
le joindre , ainsi nous demeurâmes les Maîtres
absolus de toutes ces Lignes que les Imperiaux
avoient construits avec tant de soin , et sur les
quelles ils fondoient tant d'esperance.
On doit cet avantage à la prudence du Maréchal
de Berwich , jamais projet ne fut concerté
avec plus d'art , ni executé avec plus de conduiie ;
car pendant qu'il faisoit attaquer les Lignes par
les hauteurs , et qu'il étendoit son Armée dans
la Plaine pour les attaquer de front , le Marquis
d'Asfeldt passoit le Rhin dans le même instant
par son ordre à l'Isle de Nekerlau , auprès de,
Manheim , avec 32. Bataillons et 40. Escadrons;
ainsi les Imperiaux se voyoient pressés de toutes
parts , et les mesures que le General avoit
prises pour les deposter , ne pouvoient manquer
d'avoir leur effet. A l'égard de l'attaque
particuliere dont le Duc de Noailles été charde
sang
gé , on peut dire qu'il a montré autant
froid dans le péril , que de prévoyance et d'activité
dans les dispositions ; son fils le Comte de
Noailles s'est fort distingué , ainsi que plusieurs
autres jeunes Seigneurs , qui sont aydes de Camp
du Duc de Noailles , comme le Duc de Caumont
, le Comte de Lauzun , le Maiquis de Montmirel
&c.*
>
Le
MAY. 1734. Icof
Le Comte de Saxe ne doit pas être oublié dans
ce Memoire , ayant eu beaucoup de part au succès
de cette expedition , de même que le Chevalier
de Marcieux , M.d'Herouville et plusieurs
autres Officiers, qu'il seroit trop long de nommer
ici , et en general toutes les Troupes , ont mar
qué autant de zele que de valeur.
ARMEE
ON
D'ITALIE ,
N apprend du Camp de Gazolo , que la
nuit du premier au deux de ce mois lès ennemis
jetterent deux Ponts sur le Po , vis - à - vis
de Portiolo,entre Borgo - Forte et San Benedetto ,
is trouverent devant eux le Regiment Royal Piémont
Cavalerie , qui ayant fait quelques Prison-.
niers , et prévoyant qu'il ne pourroit tenir contre
le grand nombre , se retira sans perte du côté
de Guastalla .
Le Marquis de Coigni , qui étoit campé à Mirásola
avec six Bataillons et quatre Regimens de
Dragons , ayant été averti du passage des Enneinis
, envoya les reconnoître , et ayant sçû qu'ils
étoient postés trop avantageusement pour qu'il
lui fût possible de les attaquer , il prit le parti de
marcher du côté de Guastalla ,où toutes les Troupes,
qui avoient été distribuées dans differens pos.
tes à la droite du Po , se trouverent rassemblées,
à l'exception de 20. Escadrons et d'un Bataillon
du Regiment du Maine qui étoient à Revere , et
dans d'autres postes avancés , sous les ordres du
Marquis de Maillebois et du Comte de Chatillon
, et qui n'ont réjoint que deux jours après..
Le le Maréchal de Villars 3. , qui avoit appris
à Colorno le passage des Ennemis , alla coucher
à Bozolo,où le Roi de Sardaigne se rendit le
H len
1002 MERCURE DE FRANCE
lendemain à la pointe du jour ; on y rassembla ce
qu'il y avoit de Troupes à portée , consistant
en 18. Bataillons et 19 Escadrons , du nombre
desquels étoient le Regiment des Gardes , et un
Regiment de Dragons des Troupes du Roi de
Sardaigne. Ces Troupes passerent l'Oglio sur
trois colones par les Fonts de Marcaria et de Ga
zolo , et elles marcherent vers le Seraglio pour
se rendre à la tête du Pont des Ennemis , et être
en état de les attaquer .
La premiere colonne alla à Curtaton , où les Ennemis
avoient un poste de 200. hommes qui fut
emporté sur le champ par M. de Rattski Brigadier
; les Ennemis y perdirent 100. hommes , et
' on leur fit 60. prisonniers , parmi lesquels il y
a des Officiers de distinction.
La seconde colonne à la tête de laquelle étoient
le Roi de Sardaigne et le Maréchal de Villars ,
marcha au Village de Martinara.
Le Roi de Sardaigne et le Maréchal de Villars ,
s'étant éloignés à quelque distance de l'Infanterie
, et n'ayant avec eux qu'un détachement de
80. Grenadiers et les Gardes du Corps du Roi ,
rencontrerent un parti de zoo. hommes qui firent
feu sur eux ; les Gardes du Corps s'avancerent
pour soutenir les Grenadiers , et quelques
corps de Cavalerie s'étant joints à eux les Ennemis
abandonnerent le terrain , après avoir eu
30. hommes de tués et quelques uns de prisonniers.
La troisiéme colonne qui n'étoit composée que
de Cavalerie , attaqua Borgo Forte , que les Cuirassiers
de l'Empereur abandonnerent, après avoir
perdu assez de monde.
Les trois colonnes des Troupes s'étant réjointes
ce jour - là à Borgo- Forte , le Marquis de l'Isle,
MaMAY.
1734. 1003
Maréchal de Camp , fut détaché le lendema.n
avec les Grenadiers pour aller à l'endroit où les
Ennemis avoient jetté leurs Ponts , et il trouva
qu'ils les avoient fait descendre vis - à- vis de
San-Benedetto.
On apprend par les Lettres du 10. Mai que
les Ennemis ,qui après avoir passé le Po , s'étoient
avancés jusqu'à Luzara , n'ont fait depuis aucun
mouvement pour penetrer dans le Pays , qu'ils
se sont raprochés de San - Benedetto , et que leur
Pont est actuellement près de Gouvernolo audelà
du Mincio.
Une partie des Troupes du Roi, et de celles du
Roi de Sardaigne , est campée au - delà du Po ,
la droite du côté deParme et la gauche au Po , sur
lequel notre Armée à deux Ponts à Casal Maggior
, et un troisième à Crémone , et la tête de
ces Ponts est soutenue par des Camps retranchés , "
l'autre partie de l'Armée est campée sur l'Oglio,
d'où elle est en état de communiquer avec les
Troupes qui sont de l'autre côté du Po .
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
M
Onseigneur le Dauphin se trouva
incommodé le 3. de ce mois
et on reconnut le lendemain au soir que
sa maladie étoit la Rougeole. L'éruption,
quoique très- abondante , s'est faite fort
heureusement , et les accidens de fievre et
Hij d'agita1004
MERCURE DE FRANCE
d'agitation qui accompagnent toujours
cette maladie , étant entierement cessés
Monseigneur le Dauphin commença
à se
mieux porter le 7. et quelques jours après
sa santé fut entierement rétablie.
Les de ce mois au matin le Chevalier
de Bellisle arriva à Rambouillet, et appor
ta au Roi la nouvelle de la prise du Château
de Traerback , devant lequel le Comte
de Bellisle avoit fait ouvrir la tranchée
la nuit du 25. au 26. du mois dernier,
Le Roi a donné le Gouvernement de
Bergue au Comte de Broglio , Lieutenant
General des Armées de Sa Majesté , et
Gouverneur de Montdauphin.
Antoine Arnaud de la Briffe , Seigneur
d'Amilly , nommé par le Roi au mois
de Mai 1734. premier President du Par
lement de Bretagne , est né à Paris le
4. Janvier 1699. et fut reçû Conseiller au
Parlement de Paris à la quatriéme Chambre
des Enquêtes , le 16. Decembre 1718 .
puis Maître des Requêtes ordinaires de
l'Hôtel en 1724. Il est fils de feu Arnaud
de la Briffe , Marquis de Ferriere , Seigneur
de Passy , Brion , les Bernardieres,
&c. et en dernier lieu Procureur General
au Parlement de Paris , mort le 24. Septembre
M A Ý .
1734 1005
tembre 1700. âgé de 51. ans , et de Bonne
Barillon d'Amoncour , sa seconde femme
, morte en son Château d'Amilly aut
mois de Fevrier 1733. dans la 66. année
de son âge. Il a été marié le 12. Mars
1719 avec Marie Charlotte Quantin de
Richebourg , fille de Charles Bonnaventute
Quantin , Seigneur de Richebourg,
Maître des Requêtes ordinaire de l'Hồ-
tel du Roi , ci - devant Intendant à Rouen
et à Poitiers , et de Catherine Jeanne de
Ragaruë.
Le 25 de ce mois le Sieur Petit ,Chirur
gien de S. Cosme, Demonstrateur et Censeur
Royal, et des Académies Royales de
Paris et de Londres, est arriyé d'Espagne,
où il étoit allé faire l'Opération au Prince
des Asturies ; la guérison de ce Prince
a causé une joye universelle. Le Roi , la
Reine , le Prince et la Princesse des Asturies
, ont honoré le Sieur petit de leur estime
, et l'ont comblé de marques de bienveillance
; ils lui ont fait des presens considerables.
Le Roi d'Espagne lui a fait
donner 40000. liv. outre 8000. liv. qu'il
avoit reçû en partant de Paris ; la Reine
une Montre d'or à repetition , garnie de
diamans et de deux beaux cachets ; le
Prince , d'une autre Montre d'or , qui re-
Giij pete
IcoбMERCURE DE FRANCE
pete les heures , les quarts et les minutes,
à la chaîne de laquelle étoit un diamant
brillant estimé 12000. livres ; et un cachet
d'une belle cornaline , sur laquelle est
gravée une Tête antique ; et la Princesse
des Asturies une canne à pomme d'or
garnie de diamans , et d'un ruban auquel
étoit attaché un brillant pareillement es
timé 12000. livres.
BENEFICES DONNEZ
par le Roy , le 23. Mai.
L'
'Evêché de Langres à M. de Montmorin
de Saint Herem Evêque
d'Aire.
,
L'Evêché de Blois à l'Abbé de Pontchartrain
, Grand- Vicaire de Bourges .
L'Evêché de Die à l'Abbé Cosnac ,
Grand-Vicaire de Paris , et Maître de
l'Oratoire du Roi .
L'Abbaye de Saint Benoit sur Loire,
Ordre de S. Benoit , Diocèse d'Orleans,
au même Abbé de Cosnac.
Celle de Lyre , Diocèse d'Evreux , Ordre
de S. Benoit , au Frince Constantin
de Rohan .
Celle de Long- Pont , Ordre de Cîteaux ,
Diocèse de Soissons , à l'Abbé de Rosset
de Rocozel.
Celle de Conques Seculiere , Diocèse
de
MAY. 1734. 1007
de Rodez , à l'Abbé de Durefort d'Eyme.
Celle de Bonrepos , Ordre de Cîteaux ,
Diocèse de Quimper,à l'Abbé de Menou ,
Grand- Vicaire de Nantes.
L'Abbaye d'Aiguebelle , Ordre de Citeaux
, Diocèse de S. Paul- Trois Châteaux
, àl'Abbé Gallet de Coulanges ,
Grand Vicaire de ce Diocèse .
>
, Celle de Candeil , Ordre de Citeaux
Diocèse d'Alby , à l'Abbé de Toulouze
de Lautrec.
Celle de S. Thiers de Laon , Ordre de
S. Augustin , Diocèse de Valence à
l'Abbé de Castelane , Chanoine de Grignan
Celle de Font, Douce , Ordre de S. Be-.
noit , Diocèse de Xaintes , à l'Abbé de
Bonyoust.

Celle de la Caze- Dieu , Ordre de Prémontré,
Diocèse d'Auch , à l'Abbé Palerne
, Chanoine de S. Just de Lyon.
,
Celle de Fenieres , Ordre de S. Benoit,
Diocèse de Poitiers , à l'Abbé de Montaigu.
L'Abbaye Reguliere de la Charmoye ,
Ordre de Cîteaux , Diocèse de Châlons
sur Marne , à Dom le Masson , Prieur
de Tyronneau.
Hiiij MA1008
MERCURE DE FRANCE
Maréchaux de Camp de la Promotion du
20. Février.
N.... de Maillane , Marquis de S. Sernin ,
il fut fait Mestre de Camp d'un Régiment do
Dragons , par commission du 23. Avril 1702 .
réformé en 1714. après la Paix d'Utrecht , et
créé Brigadier le 29. Mars 1710.
Conrad Alexandre , Comte de Rottembourg ;
Seigneur de Moissevaux , de Rougemont , de
Keivenheim , de Seintein et d'Orderbruck. Il a
été d'abord Capitaine dans le Régiment de Cavalerie
Allemande du Comte de Rosen Son On
cle , sur la démission duquel il en fut fait Mestre
de Camp par Commission du 22. Mars 1709.
Il fut créé Brigadier des Armées du Roy le 20 .
Octobre 1716. et reçû Conseiller et Chevalier
d'honneur d'Epée au Conseil Souverain d'Alsace,
le 27. Août 1717. et Chevalier des Ordres de
N. D. du Montcarmel et de S. Lazare de Jerusale
25. Février 1731. Il a été aussi successio
vement EnvoyéExtraordinaire auprès du Roy de
Prusse , Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire
au Congrès de Cambray ; Ministre Plénipotentiaire
en Espagne en 1727. et nommé en
dernier lieu au mois d'Octobre 1730. Ambassadeur
Extraordinaire en la même Cour , où il réside
actuellement en cette qualité. Le Roy la
proposa le premier Janvier 1732. pour être Chevalier
de ses Ordres , et l'admit le 13. May
suivant.
Jem,
Paul- Hippolite de Beauvillier , Duc de Saint
Aignan , Pair de France ; il fut fait Mestre de
Camp d'un Régiment de Cavalerie par Commis
sion du 5. Novembre 1706. et le Duc de Beauvillier,
MAY. 1734. 1009
2. Dé- villier , son frere , lui ceda son Duché le
cembre suivant . Il demeura prisonnier au Combat
d'Oudenarde , le 11. Juillet 1708. fut blessé à
la Bataille de Malplaquet le 11. Septembre 1709.
prêta serment et prit séance au Parlement de Paris
, en qualité de Pair de France , le 22. Janvier
1711. fut fait Premier Gentilhomme de la Chambre
du Duc de Berry , au mois de Mars suivant .
Fut nommé en 1714. pour aller complimenter
la Reine d'Espagne à son passage en France , l'accompagna
jusqu'à Madrid , où il fut fait en
1715. Ambassadeur Extraordinaire ; tint en cette
qualité sur les Fonts de Baptême au nom du Roy
D. Philippe , Infant d'Espagne , le 25. Août
1716 il fut fait Brigadier des Armées du Roy, le
premier Juillet 1717. avec permission de vendre
son Régiment , dont il envoya sa démission aut
mois d'Octobre suivant ; fut nommé au mois de
Juillet 1718. Plénipotentiaire pour négocier latranquillité
de l'Europe , étant arrivé d'Espagne
à Paris le 6. Janvier 1719. il fut déclaré Conseiller
au Conseil de Régence et y prit séance le 22 .
du même mois ; reçut la Croix de l'Ordre de
S. Louis , le 14. May suivant , prêta serment pour
le Gouvernement du Havre le 23. Septembre de
la même année ; fut fait Chevalier des Ordres
du Roy le 3. Juin 1724 et reçû l'un des 40. de '
l'Académie Françoise le 16. Janvier 1727. et a
été nommé en dernier lieu au mois d'Octobre
1730. Ambassadeur Extraordinaire à Rome , ou
il est arrivé le 13. Mars 1632:
N.... Machet de Soleure , Capitaine d'une Com--
pagnie , et Lieutenant Colonel du Régiment des
Gardes Suisses, et Chevalier de S.Louis , Brigadier
d'Infanterie du premier Février 1719. Il eut la¹
Lieutenance Colonelle au mois de Septem. 17265 .
H.y. N..
1010 MERCURE DE FRANCE
1
N.... d'Erlach de Fribourg , Capitaine au
Régiment des Gardes Suisses , Chevalier de saint
Louis , créé Brigadier d'Infanterie le premier
Fevrier 1719.
Philippe - Claude de Montboisier de Canillac , appellé
le Marquis de Montboissier. Il fut d'abord
Capitaine de Cavalerie , puis successivement Colonel
d'un Régiment d'Infanterie , par Commission
du 16. Janvier 1702. et du Régiment de
Condé , au mois d'Avril 1710. Il fut fait au .
mois de Mars 1712. Cornette de la seconde
Compagnie des Mousquetaires de la Garde du
Roy , dont étant Sous- Lieutenant il fut créé Brigadier
des Armées du Roy , le premier Février
1719.Il fut nommé le 10 Avril 1729.à la Charge
de Capitaine- Lieutenant de la même Compagnie,
à la tête de laquelle il fut reçû par le Roy le 19.
May suivant.
N.... Baron d'Eltz , étant Capitaine dans le
Régiment de Sillery , cy - devant Catinat , il eut
une Commission de Colonel d'Infanterie après
le Siege de Bonn , et fut depuis réformé à la suite
du Régiment de Saxe Allemand , fait Brigadier
le premier Février 1719. et depuis Commandeur
de l'Ordre Militaire de S. Louis.
N.... de la Cassagne, de S. Pau, successivemen
Exempt , Enseigne et Lieutenant des Gardes du
Corps du Roy , ayant eu Brevet de Mestre de
Camp dès le mois de Février 1702. fut fait Brigadier
le premier Février 1719.
Jean-Hector de Fay , Marquis de laTour Maubourg,
Seigneur de Fay , sainte Sigolaine , Labatie
, Clessy , Chassy , &c. il fut fait en 1706.
Colonel du Régiment de Ponthieu , et le 15 .
May 1718. Inspecteur General d'Infanterie ,
ayant eu la permission de se défaire de son Régiment
MAY. 1734. IOII
giment , il obtint sa réforme dans le Régiment
de la Marine , et il fut fait Brigadier le premier
Février 1719.
N.... de Berniere , de Louvigny , il fut fait
Colonel d'un Régiment d'Infanterie par Commission
du 14. May 1702. ce Régiment ayant
été réformé en 1714. il eut celui de Lannoy
auparavant Crussol , S. Sulpice , et, il fut déclaré
Brigadier le premier Février 1719 .
Charles-François , Comte de Froulay et de Montfaux
, Lieutenant de Roy en la Province du
Maine et Comté de Laval . Il fut d'abord Major
du Régiment de Dragons de Senneterre , puis
Colonel d'un Régiment d'Infanterie par Commis
sion du 21. May 1702. et ensuite du Régiment
Royal Comtois , et fait Brigadier le premier Février
1719. il fut nommé au mois de Décembre
1732. Ambassadeur Ordinaire à Venise , où ilarriva
le 25. Novembre 1733.
N .... Baron de Bezenval , de Soleure , cydevant
Major du Régiment des Gardes Suisses ,
Brigadier d'Infanterie du premier Février 1719.
Chevalier de S. Louis , il fut fait Colonel d'un Régiment
de sa Nation , cy - devant Hemel , le 15 .
de May 1729.
N .... de Biados , Marquis de Casteja , Gouverneur
de la Ville de Toul . Il fut fait Colonel
d'un Régiment d'Infanterie , par Commission du
3 Septembre 1702. puis du Régiment de Tournesis
, au mois de Février 1705. et créé Brigadier
le premier Février 1719. Il est frere aîné du
Comte de Casteja , Ministre Plénipotentiaire en
Suede , qui vient d'être fait Brigadier.
Charles , Marquis de Houdetot, Il fut fait Co- ,
lonel d'un Régiment d'Infanterie , par Commission
du 10. Décembre 1702. et fut réformé dans
Hvj le
1012 MERCURE DE FRANCE
le Régiment de Pons en 1714. il fut créé Briga
dier le premier Février 1719. et pourvû de la
Charge de Lieutenant de Roy en Picardie au Dé- .
partement du Boulonnois et Pays reconquis , lé
25. Juillet suivant. Il eut le 11. du mois d'Août
1726, le Régiment d'Artois , vacant par la mort
de Louis- Pietre , Comte de Houdetot , son frere
puisné.
Scipion Comte de Bozelli , Italien. Il fut fait
Mestre de Camp d'un Régiment de Dragons ,
par Commission du 15. May 1702. réformé
dans Sommery en 1714. et créé Brigadier le pre
mier Février 1719,.
N .... d'Haremberg , Premier Lieutenant-
Colonel du Régiment Royal Allemand , Cavalerie
, Mestre de Camp par Brevet du 16. Avril
1704. Chevalier de S. Louis en 1705. et Briga
dier d'Armée du premier Février 1719.
N .... Magon de Terlay. Il entra dans le Régiment
des Gardes Françoises en 1694 où il fue
successivement Enseigne , Sous- Lieutenant, Lieutenant
en 1698. et enfin Capitaine en 1703. il
fut créé Brigadier le premier Février 1719 .
N .... de Gensac Loumagne. Il fut fait le 11.
de Novembre 1703. Colonel d'un nouveau Régiment
d'Infanterie , dont il étoit Capitaine do
Grenadiers , et qui étoit vacant par la mort de
son frere , tué au Siege de Landau le 2. du mê
me mois. Il eut depuis un ancien Régiment d'In->
fanterie , qu'avoit cy - devant le Marquis de Mirabeau
, eut le poignet cassé à la déroute des En-:
nemis à Denain le 24. Juillet 1712. et il fut fait
Brigadier le premier Février 1719 ..
Jean- Baptiste Comte de Polastron , Gouverneurs
de Castillon de Castillonet en Périgord. Il fut
Colonel du Régiment de Forêt , Infanterie , le
400
MAY 1734. 1013'
4. Février 1704. et ensuite de celui de la Couron
ne au mois de Février 1712 et Inspecteur General
d'Infanterie le 25. de Septembre 1714. à la
prise de Barcelone , il fut blessé à l'attaque du
Bastion de sainte Claire , et fut fait Brigadier lo
premier Février 1719.
N.... Magon de la Gervasais , Colonel du
Régiment de Berry , Infanterie par Commission
du 17. Eévrier 1704. puis d'un autre plus ancien
, vacant par la mort du Marquis de Gondrin
, au mois de Février 1712. et Brigadier du
premier Février 1719.
Jacques - Antoine de Ricoüart d'Hérouville , fait
Colonel du Régiment de Vosges au mois de
Mars 1704. à la tête duquel il reçut une grande.
blessure au Combat de Castiglione , dans le Mantouan
, le 9. Septembre 1706, fut réformé à la
suite du Régiment de Champagne , en 1714. depuis
fut fait Chevalier de S. Louis , et Brigadier
le premier Février 1719. Il eut le 17. de Septembre
1728. le Régiment de Bourgogne , Infanterie
, comme plus ancien Colonel à remplacer..
Jacques de Chabannes , Marquis de Curton ,.
Comte de Rochefort. Il fut fait Mestre de Camp
du Régiment d'Anjou , Cavalerie , par Commission
du 11..May 1704. puis du Régiment Royali
des Cravates en 1707. et Brigadier le premier Fé-.
wrier, 1719. Il commanda la même année la Cavalerie
dans l'Armée du Roy en Roussillon , et ,
sé défit de son Régiment au mois de Septembre
1720.
Paul Edouard Colbert , Comte de Creilly , Baron
de la Luthumiere , Seigneur d'Hérouville , a.
été d'abord Capitaine dans le Régiment de Cham +
pagne , puis Mestre de Camp du Régiment Royal
Dragons , par Commission. du 12. May 1794
et
1014 MERCURE DE FRANCE
et fait Brigadier le premier Février 1719.
Melchior - Esprit de la Baume 13e Comte de
la Monrevel. Il fut fait Mestre de Camp d'un
nouveau Régiment de Cavalerie , sur la démission
du Chevalier de Montrevel , son oncle , par
Commission du 3. Juin 1704. réformé en 1714.
et fait Brigadier et Mestre de Camp d'un Régiment
de Cavalerie , conservé , cy- devant Marcillac
, le premier Février 1719 .
Louis Marie-Victoire , Comte de Béthune , de la
Branche de Selles , neveu de feu Marie Casimire
de la Grange d'Arquien , Reine de Pologne. Il
eut un Brevet de Mestre de Camp de Cavalerie
en 1704. et fut fait Chevalier de S. Louis , Brigadier
des Armées du Roy , le premier Février
1719. et Mestre de Camp d'un Régiment de Cas
valerie,vacant par la mort du Marquis de Cour
cillon , au mois de Septembre suivant.
Etienne le Menestrel de Hauguel , Seigneur dé
Luteaux , frere de la Maréchale de Besons , et de
la Marquise de Neufchelles. Il fut d'abord Capitaine
de Cavalerie , puis le 20. de Juillet 1704.
Colonel du Régiment de Beaujolois , Infanterie ,
vacant par la mort de Jacques le Menestrel de
Huguel , des Granges , son frere , tué d'un coup
de Mousquet le 2. du même mois au Siege de
Verceil en Piemont. Il a été nommé Brigadier le
premier Février 1719. et Chevalier de S. Louis.
Alexandre - Maximilien - Balthasar Dominique
Villain de Gand , de Merode et de Montmorency ,
Comte de Middelbourg , frere puîné du Prince
d'Isenghien . Il fut fait Colonel du Régiment
Infanterie des Landes le 3. d'Août 1704. et de
celui de la Marine en 1716. Brigadier le premier
Février 1719. et Gouverneur de la Ville de Bouchain
en Hainaut , en 1724. On a rapporté son
3
mariage
MAY . 17 : 4
1015
mariage avec une Dlle de la Rochefoucault de
Roye , dans le Mercure d'Août 1735. P. 197 .
Charles- Gabriel de Belsunce , Marquis de Cas
telmoron , Seigneur de Montpont. Il fut nommé
le 17. Septembre 1704. Colonel d'un Régiment
d'Infanterie , cy-devant Livry , fait Capitaine-
Lieutenant de la Compagnie des Gendarmes
Bourguignons le 18. Avril 1714. Sénéchal et
Gouverneur des Sénéchaussées d'Agenois et Condomois
en 1717. Chevalier de S. Louis , Brigadier
de Cavalerie le premier Février 1719. et
Inspecteur de la Gendarmerie le 11. Octobre
1730.
N.... Phelippes , d'abord Capitaine de Cavalerie
, puis Colonel d'un nouveau Régiment d'Infanterie
, cy - devant d'Aubigné le 14. Janvier .
1705. eut depuis celui de Limosin , et fut fait
Brigadier le premier Février 1719. Il est fils de
feu Nicolas Phelippes de la Houssaye , Lioutenant
de Roy , au Gouvernement de Thionville ,
et Commandant dans les Villes et Citadelles de
Mesieres et de Charleville , mort en 1694. et de
Marie Pajot.
Henry Louis de Choiseul , Marquis de Meuse
fut fait Colonel du Régiment d'Agenois en 1705.
fut blessé dangereusement au combat de Denain,
le 24. Juillet 1712. eut au mois d'Août suivant,
un ancien Régiment d'Infanterie , vacant par la
mort du Marquis de Tourville , tué dans le mê -
me Combat, et fut créé Brigadier le premier Février
1719.
N...... de Cherisey , Exempt des Gardes
Corps du Roy, et Mestre de Camp par brevet
du 12 Mars 1705 . ensuite Mestre de Camp d'un
Regiment de Cavalerie , ci - devant d'Ourches ,
pus Enseigne des Gardes du Corps au mois de
May
1016 MERCURE DE FRANCE
le May 1711. Brigadier des Armées du Roy ,
premier Fevrier 1719. monta depuis à une Lieutenance
des Gardes,
Jean- François de Creil , Seigneur de Soisy et de
Chémault , Marquis de Nancré. Il fut fait Colonel'du
Regiment de Bassigny , par commission
du 15. Mars 1705. Brigadier d'Infanterie
le premier Fevrier 1719. et Capitaine Lieutenant
de la Compagnie desGrenadiers àCheval du Roy,
le 17 Septembre 1730 .
Jean- Charles de Senacterre , Comte de S Victour
, Seigneur de la Touche , Brisillac , Usson ,
& c. et connu sous le nom de Comte de Senecterre.
Il fut fait Colonel d'un nouveau Regiment
d'Infanterie ci- devant Eaval , au mois d'Avril
1705. reformé après la Paix en 1714. et créé
Brigadier le premier Fevrier 1719. Il fut fait
Colonel du Regiment de la Marche par la démission
du Marquis de la Ferté- la - Carte en
1730.
N..... Dauger , appellé le Chevalier Dauger
, étant Exempt des Gardes du Corps du Roy,
eut un brevet de Mestre de Camp de Cavalerie
au mois de May 1705. et fut fait Brigadier le
premier Fevrier 1719. Enseigne au mois d'Août
1720. et depuis Lieutenant des Gardes.
Charles-Theodore des Forges , Seigneur de Germinon
, Pringy , Villenaux , &c . fait Mestre de
Camp d'un Regiment de Cavalerie , ci - devant de
Vienne , par commission du 7 Septembre 1705 ,
et Brigadier le premier Février 1719. obtint au
mois d'Octobre 1723. le Regiment Royal Piémont
Cavalerie , dont il se défit avec permission
au mois d'Avril 1725 .
Louis- Charles . Comte de la Mothe Houdancourt,
Bé le 21 Decembre 1637 , fait Mestre de Camp
MAY. 1734 1917
d'un Regiment de Cavalerie , par commission
du premier Novembre 1705. reformé en 1714.
après la Paix , créé. Brigadier le premier Fevrier
1719. obtint au mois de Novembre 1723.le Regiment
de Cavalerie , vacant par la mort du Duc
d'Aumont , et le 27 Mars 1728. le Gouverne
ment de la Ville et Citadelle de Mezieres en
Champagne.
Jean Joachim Rouault , Marquis de Cayeu . Il
fut fait Capitaine d'une Compagnie de Cavalerie
dans le Regiment Royal des Cravates , au mois
de Juin 1704 , et Mestre de Camp d'un Regiment
de Cavalerie , par commission du 20 Novembre
170f. eut au mois de May 1711. un autre Regiment
de Cavalerie , ci devant de Cherisey , qui
fut reformé en 1714, fut nommé Brigadier le
premier Fevrier 1719. et obtint en même temps
le Regiment de Cavalerie , ci - devant d'Aubusson.
Jean-Nicolas de Montmorency , Seigneur de
Chasteaubrun, de la Branche de Fosseux , reçu
Chevalier des Ordres de N. D. de Montcarmel ,
et de S. Lazare de Jerusalem , le 25 Mars 1697>
Il fut successivement Mousquetaire du Roy
Cornette dans le Regiment , Commissaire General
de la Cavalerie , Capitaine d'une Gompagnie
de Chevaux , qu'il leva et qui fut incorporée dans
le Regiment de Duras , Mestre de Camp à la
suite de ce Regiment depuis Villequier , par brevet
du 22 Novembre 1705. Chevalier de S.Louis,
fait Mestre de Camp du Regiment du Maine
Cavalerie en 1712. Brigadier du premier Fevrier
1719.
Gaspard-Magdelon - Hubert de Vintimille , des
Comtes de Marseille , Marquis du Luc et de la
Marthe , né le 9 Mars 1687. servit d'abord dans
les
to18 MERCURE DE FRANCE
les Mousquetaires du Roy , Puis fut Capitaine de
Cavalerie dans le Regiment de Montrevel , reçut
2 grandes blessures à la Bataille d'Hochstet en
1704. eut le 22 Novembre 1705. la commission
de Mestre de Camp d'un Regiment de Cavalerie
reformé en 1714. fut nommé Brigadier le premier
Fevrier 1719. et obtint au mois de Fevrier
1725. un Regiment de Cavalerie , vacant par là
mort du Comte de Roye , et depuis le Gouver
nement des Isles de Porquerolles , par la démission
du Comte du Luc , son pere.
François Bernardin du Chastelet Comte de Clés
mont , Marquis d'Aubigny , Baron de Thons ;
Gouverneur du Château de Vincennes. Il eut le
22 Novembre 1705. un Regiment de Cavalerie,
reformé en 1714. Il fut fait Brigadier le premier
Fevrier 1719. et le Regiment de Cavalerie vacant
par la mort du Marquis d'Urfé lui fut donné au
mois de Janvier 1734 .
N....de Montfrain , Marquis de Fournez ,
Mestre de Camp , Lieutenant du Regiment du
Roy Cavalerie , par commission du 24 Novembre
170r. et Brigadier du premier Fevrier 1719.
François d'Espinay , Marquis de Boisgueroult
Espinay , Comte de Rosendal , Seigneur et Patron
de S. Paët , Châtelain de Toubleville , Seigneur
haut-Justicier de Franvilliers , Bulton & c . Mestre
de Camp d'un Regiment de Dragons , par commission
du 26 Novembre 1705. et d'un autre
ancien ci- devant Vassé au mois de May 1710.
créé Brigadier le premier Fevrier 1719. et nommé
Inspecteur General de Cavalerie , et de Dra.
gons , le 21 May 1732 .
N....d'Armand de Laurencin , Marquis de
Mison , Colonel du Regiment de Flandres Infanterie
, par commission du 6 Decembre 1705. fait
BriMAY.
1734. 1019
Brigadier le premier Fevrier 1719. et depuis aussi
Inspecteur General d'Infanterie.
N.... Beulkley , Irlandois , frere de la Maréchale
Duchesse de Berwick , ayant été dépêché
par le Duc de Berwick pour porter au Roy le
détail de la capitulation du Château de Nice , il
eut un brevet de Colonel , au mois de Janvier
1706. Il fut encore dépêché par le Maréchal de
Berwick pour porter au Roy le détail de la Bataille
d'Almansa , et étant arrivé à la Cour le 8
May 1707. le Roy lui donna un Regiment d'Infanterie
de la création de 1702. vacant la
promotion du Chevalier de Tessé à celui de la
Couronne. Il fut reformé à la suite de celui de
Berwick en 1714. et fait Brigadier le premier
Fevrier 1719. et eut au mois de Septembre 1733 .
un Regiment d'Ifanterie de sa nation , vacant par
la démission du Lieutenant General de Lée.
par
Charles- François d'Estaing , Marquis de Saillans
, appellé le Marquis d'Estaing , fait Colonel
d'un Regiment d'Infanterie , par commission du
4 Fevrier 1706. eut depuis un ancien Regiment
ci-devant Charost , et fut fait Brigadier le premier
Fevrier 1719 .
Louis - Benigue de Beauffremont , Marquis de
Clairvaulx , Comte de Poligny , Randunes , Baron
de Traves , Ressin , Montsogeon & c. Il fut
fait Capitaine de Dragons dans le Regiment de
Listenay en 1704 Enseigne de la Compagnie des
Gensdarmes de Bourgogne , le 6 Fevrier 1706.
avec un brevet de Mestre de Camp de Cavalerie,
Sous- Lieutenant de celle des Gendarmes Bourguignons
, le 23. du même mois de Fevrier 1706 .
et enfin Mestre de Camp d'un Regiment de Diagons
par commission du premier Novembre 1710 .
ce Regiment étant devenu vacant par la mort de
Jac
1020 MERCURE DE FRANCE
Jacques- Antoine de Bauffremont , Marquis de
Listenay son frere aîné , tué le 23 Octobre précedent
au Siége d'Aire le Roy d'Espagne le
nomma Chevalier de l'Ordre de la Toison d'Or,
au mois de Fevrier 1711. et il fut declaré Brigadier
des Armées du Roy au mois de Juillet 17 19.
avec rang du premier Fevrier précedent.
Jean-Henri de Mainville , Comte dudit lieu ,
fait Sous- Lieutenant de la Compagnie des Gendarmes
d'Orleans , et Mestre de Camp de Cavalerie
au mois d'Avril 1706. Brigadier d'Armée
le premier Fevrier 1719. et Capitaine Lieutenant
des Chevaux Legers d'Orleans , le 15 Octobre
1725.
Pierre Gaspard , Marquis de Clermont Galle
rande , Seigneur de Loudon , de Meru & c . 11 fut
successivement Mestre de Camp d'un nouveau
Regiment de Dragons , ci- devant Brossia , en
1706. Capitaine des Gardes de feu Charles de
France , Duc de Berii , par lettres du 27 Janvier
1711. Chevalier de S. Louis , reformé à la suite
du Regiment Royal Dragons en 1714. Brigadier
à la promotion du premier Fevrier 1719.
Capitaine des Gardes de Louis d'Orleans , Duc
de Chartres , Gouverneur du Dauphiné, en la
même année 1719. reçu Chevalier des Ordres de
N. D. du Mont- Carmel et de S. Lazare , de Jerusalem
le 22 Mars 1722. institué Bailli de
Dole au mois de May suivant , premier Ecuyer
du Duc d'Orleans , au mois de Decembre 1723 .
reçu Chevalier des Ordres du Roy le 3 Juin 1714.
et enfin Mestre. de Camp Lieutenant du Regiment
de Dragons d'Orleans , au mois de Juillet
.172.6.
>
Joseph Lamoureulx , Seigneur de la Javelliere ,
et la Roulliere , Colonel d'Infanterie reformé à la
suite
MA Y. 1734.
1021
suite du Regiment de Gensac , créé Brigadier
d'Armée le premier Fevrier 1719. depuis Commandeur
de l'Ordre Militaire de S. Louis , et
Major General des Armées du Roy.
Nicolas-Joseph-Baltazart de Langlade,Marquis
du Chayla , fait Cornette de la Compagnie des
Chevaux Legers de la Garde du Roy , au mois
d'Avril 1705. Mestre de Camp par brevet du 8
Avril 1706. Brigadier le premier Fevrier 1719.
et depuis Mestre de Camp , Lieutenant du Regiment
de Conti , dont après la mort du Prince de
ce nom , il fut fait Mestte de Camp en chef le
premier Juin 1727 .
N.... de Marnais de S. André de la Bastie
Gouverneur de Die , Lieutenant Colonel du Regiment
Dauphin Cavalerie, fut fait Maréchal des
Logis de la Cavalerie de l'Armée d'Italie en 1705.
et Mestre de Camp par brevet du mois de Fevrier
1706. puis Brigadier des Armées du Roy le premier
Fevrier 1719. Inspecteur General de Cavalerie
le 9 Septembre 1729. et Lieutenant de Roy
de l'Hôtel Royal des Invalides , le premier Juin
1730.
Louis Comte de Grammont, frere du Duc de ce
nom , il fut reçu Enseigne dans la Compagnie
Colonelle du Regiment des Gardes Françoises ,
le 13 May 1705. eut au mois de May 1706. un
Regiment de Dragons , vacant par la mort du
Comte d'Aubigné , tué à la Bataille de Ramilies,
et fut fait Colonel du Regiment de Bourbonnois
au mois de Janvier 1709. Brigadier d'Infanterie
le premier Fevrier 1719. et Gouverneur de Ham
au mois de May 1721. par la mort du Comté
de Serignan , dont il étoit Survivancier , il fut
reçu Chevalier des Ordres du Roy le 2 Fevrier
1728, et s'étant démis au mois de Juin 1727.
da
1022 MERCURE DE FRANCE
du Regiment de Bourbonnois , il fut fait Colonel
de celui de Vermandois au mois d'Août
1733.
N.... Comte de Vaudrey , Mestre de Camp
d'un Regiment de Cavalerie , ci-devant Sully ,
par commission du 6 Juin 1706. et Brigadier
des Armées du Roy de la promotion du premier
Fevrier 1719.
,

N..... de Vassal Chevalier de Montviel
frere de celui qui vient d'être fait Lieutenant General
. Il fut d'abord Capitaine et ensuite Major
• du Regiment de la vieille Mafine aussi Major
General de l'Armée en Lombardie , puis Colonel
da Regiment de Dauphiné , par commission du
5 Septembre 1706. Inspecteur General d'Infanterie
, le 25 May 1716. et Brigadier d'Armée le
premier Fevrier 1719 .
> François de Baschis de Saussan appellé le
Marquis du Caila , Il eut le 22 Septembre 1706.
le Regiment de la Reine Cavalerie vacant par
la mort de Jean- Louis de- Baschis de Pignan du
Caila son frere , tué le 9 du mois au combat de
Castiglione dans le Mantoüan . Il fut fait Brigadier
le premier Fevrier 1719.
Henry-François , Marquis de Segur. Il fut Colonel
d'un Regiment d'Infanterie en 1706. puis
Guidon de la Compagnie des Gendarmes Anglois
en 1709. et Mestre de Camp de Cavalerie ,
par brevet du 26 Septembre de la même année ,
obtint le 11 Septembre 1718. le Gouvernement
de la Province de Foix et la Lieutenance generale
au Gouvernement de Champagne , en Survivance
de son pere , et fut fait Brigadier le premier Février
1719. et Mestre de Camp Lieutenant du
Regiment d'Orleans Cavalerie , le 6 Mars suivant.
Louis
MAY.
1523 1734.
Louis de Fretat , Comte de Boissieux , fut fait
Colonel d'un Regiment d'Infanterie ci - devant de
Tarnault , par commission du 16 Fevrier 1707.
reformé en 1714.eut le Regiment des Landes en
1716. et fut nommé Brigadier d'Infanterie le
premier Fevrier 1719. Il fut fait Mestre de Camp
du Regiment de la Saarre par commission du
19 Septembre 1730. puis Colonel par autre du
15 Decembre suivant , après l'extinction de la
Charge de Colonel General de l'Infanterie . Il est
neveu par sa mere du Maréchal Duc de Villars .
Louis de Bannes , Comte d'Avejan , Baron de
Fereirolles , Seigneur de Langerolles , Montjardin
, &c. Il fut successivement Enseigne , Sous-
Lieutenant , Lieutenant au mois de May 1705 .
et enfin Capitaine au Regiment des Gardes Françoises
, au mois de Septembre 1707. puis second
Sous - Lieutenant de la premiere Compagnie des
Mousquetaires de la Garde du Roy , au mois de,
Mars 1716. et Brigadier de ses Armées le premier
Fevrier 1719. devint premier Sous - Lieutenant
de la premiere Compagnie des Mousquetaires
, au mois de Septembre 1722. et fut nommé
Capitaine Lieutenant Commandant le 5 Janvier
1729. et fut reçu en cette qualité par le Roy à la
tête de la Compagnie le 15 Mars suivant .
Emanuel-François -Joseph , Comte de Baviere ,
Grand d'Espagne , dignité dont il prit possession
à Madrid , le 14 Mars 1733. Il fut fait Colonel
d'unRegiment d'Infanterie appelléRoyal Baviere,
par commission du premier Janvier 1709. et
nommé Brigadier au mois de Juillet 1719. avec
rang du premier Fevrier précédent .
N..... de la Rerye , Ingénieur , Brigadier
d'Armée du 29 Juillet 1710.
N....de Boislogé , Lieutenant General d'Artillerie
To24 MERCURE DE FRANCE
tillerie , Brigadier des Armées du Roy , du 31
Janvier 1713.
****************
MORTS ET MARIAGES.
E 18 Avril dernier , Marc- Antoine Bosc du
>
LBoucher, Maitre des Requêtes Honoraire
de l'Hôtel du Roy , ci-devant Sur - Intendant
General de la Maison , Finances , Domaines et
Affaires de feuë Madame la Dauphine , Mere du
Roy , et Intendant en la Generalité de Limoges
mourut à Paris dans la 63 année de son âge
étant né le 24 Septembre 1671. Il avoit d'abord
été reçu Procureur General aux Requêtes de
l'Hôtel le 16 Juin 1695. puis Maître des Requêtes
le 7 Septembre 1696. et nommé au mois
de Mars 1710. à l'Intendance de Limoges , d'où
il fut rappellé la même année. Il obtint des Lettres
de Maître des Requêtes Honoraire , le 23
Decembre 1711. Il étoit fils de Laurent Bosc
en son vivant Conseiller au Parlement de Toulouse
, et de Françoise de Marc de la Calmette ,
sa premiere femme , et il avoit épousé le premier
Juin 1702. Dame Grace Angelique - Françoise
Arazola d'Ognate , veuve d'Armand Nompar
de Caumont la Force , Marquis de Montpouillan
, premier Gentilhomme de la Chambre
du Roy d'Angleterre Guillaume III. Lieutenant
General des Armées des Etats Generaux de
Hollande et Gouverneur d'Arnheim , et fille de
Jean Arazola d'Ognate , Seigneur de Gaumont ,
en son vivant Intendant pour le Roy d'Espagne,
des Provinces de Flandres et Haynault, et d'Anne'
Isabelle de Cordes. Il en laisse Jeanne Grace
Bosc
MAY.
1734. 1025
Bose , née le 17 Fevrier . 1703. et deux autres
enfans.
Le 19 , Dame Marie- Gabrielle le Clerc , veuve
depuis le 9 Juin 8713. de Messire François
Baillet , Chevalier Marquis de Vaugrenant , Seigneur
du Duesne , &c. qu'elle avoit épousé le
13 Fevrier 1679. mourut à Paris , sans posterité,
dans la 78 année de son âge , étant née le 14
Août 1656. elle étoit fille de Gabriel le Clerc ,
Seigneur du Buisson , Commis au Greffe de la
Chambre des Comptes de Paris , mort le 2 Avril
1663. et de Jeanne Royer sa femme , décédée le
3 Octobre 1687. elle avoit eu pour Soeur aînée
Jeanne- Françoise le Clerc , qui avoit été mariée
le 15 Septembre 1610. avec Jacques le Picart ,
Seigneur des Marchais ; feu le Marquis de Vaugrenant
étoit fis de Claude Baillet , Seigneur de
Vaugrenant , Président en la premiere Chambre
des Requêtes du Palais au Parlement de Paris
mort le 2 Fevrier 1694. âgé de 75 ans.
Le 20 , Dame Claude Douet , femme de François
Boucot , Conseiller du Roy en ses Conseils
, Sécretaire de S. M. Maison Couronne de
France, et Garde des Rôiles des Offices de France,
mourut à Paris , sans laisser d'enfans .
Le 21 , D. Louis le Roy , General de l'Ordre
des Feuillants , mourut à Paris en la Maison de
son Ordre , dans la 67 année de son âge , ayant
été baptisé en la Paroisse S. Gervais à Paris ;
le 4 Septembre 1667. Il étoit fils de feu Georges
le Roy , Avocat au Parlement et ès Conseils du
Roy , mort le 16 Fevrier 1702. âgé de 73 ans ,
et de Louise Rousseau sa femme , et frere de
Georges le Roy, et de Pierre le Roy de Valieres,
ancien Avocat au Parlement de Paris, et ès Conseils
du Roy , Sécretaire de S. M. Maison Couronne
de France et de ses Finances. I
1026 MERCURE DE FRANCE
Le Jeudy Saint 22 Avril 1734. Nicolas de
Neufville , Duc de Villeroy , Fair de France >
Marquis d'Alincourt , Seigneur de Magny , &c.
Chevalier des Ordres du Roy , Capitaine de la
premiere Compagnie Françoise des Gardes du
Corps de S.M. Lieutenant General de ses Armées,
Gouverneur et Lieutenant General des Provin
ces de Lionnois , Forez et Beaujolois , mourut à
Paris subitement d'une attaque d'Apoplexie , en
sortant de l'Office , entre 11 heures et midy, dans
la 71 année de son âge , ayant été baptisé le 25
Decembre 1663. Ce Seigneur qui s'étoit rendu
digne de vénération par sa bonté naturelle , son
affabilité et sa grande probité , est genéralement
regretté. Il avoit d'abord été connu sous le titre
de Marquis d'Alincourt ; et étant encore fort jeune
il fut fait au mois d'Avril 1680. Lieutenant General
des Provinces de Lionnois , Forez et Beaujolois,
en Survivance de l'Archevêque de Lyon ,
son grand Oncle. Il fut ensuite Colonel du Re
giment Lionnois , et fait Brigadier d'Infanterie
le 30 Mars 1693. servit la même année au Siége
de Charleroy , fut nommé Maréchal de Camp
le 3 Janvier 1696. et le Maréchal son pere s'étant
démis en sa faveur de son Duché , il prêta serment
et prit séance au Parlement en qualité de
Pair de France , le 11 Avril de la même année
1696. Il se trouva le 15 Août 1702. à la Bataille
de Luzara en Italie ; et ayant été depêché
en France par le Duc de Vendôme pour porter
au Roy la nouvelle de cette Victoire , S. M. le
déclara le 13 Septembre Lieutenant General de
ses Armées , le fit Chevalier de l'Ordre Militaire
de S. Louis , le 20 Janvier 1703. et le nomma au
mois de Fevrier suivant pour servir dans son Armée
en Flandres . Il se· trouva le 30 Juin de la
même
MAY. 1734 1027
même année au combat d'Eckeren , où les Hollandois
furent battus par leMaréchal de Boufflers.
Il servit aussi à la Bataille de Ramillies le 23
May 1706. le Maréchal de Villeroy son pere
s'étant démis en sa faveur de la Charge de Capitaine
des Gardes du Corps , il en prêta serment
de fidelité entre les mains du Roy , le 14 Janvier
1708. et obtint au mois d'Octobre 1712. la
Survivance du Gouvernement du Lionnois . Il fit
au Sacre du Roy en 1722 , la fonction de Capitaine
de la Garde Ecossoise en l'Absence du Duc
de Noailles , et il commanda aussi le Corps de
Troupes , qui campa près de la Ville de Reims ,
pendant le séjour du Roy. Enfin il fut reçu Chevalier
des Ordres de S. M. le 3 Juin 1724. Il
étoit veuf de Marguerite le Tellier de Louvois ,
morte le 23 Avril 1711. Il avoit eu d'elle quatre
enfans qui sont 1. Louis François -Anne de Neufville
, Marquis , puis Duc de Villeroy , Pair de
France , connu jusqu'à présent sous le nom de
Duc de Retz , né au mois d'Octobre 1695. fait
Lieutenant General au Gouvernement des Provinces
de Lionnois , Forez et Beaujolois , en Sur
vivance de son pere au mois d'Octobre 1712.
Colonel du Regiment de Lionnois , par commission
du 27 Fevrier 1714. et nommé Capitaine
des Gardes du Corps du Roy , en Survivance le
12 Decembre 1716. Il a prêté serment et pris
séance au Parlement en qualité de Pair de France
le 9 Fevrier 1722. a été fait Brigadier d'Infanterie
à la Promotion du 20 Fevrier dernier , et .
vient d'obtenir le Gouvernement des Provinces
de Lionnois , Forez et Beaujolois , et celui de la
Ville de Lyon , vacant par la mort du Duc son
pere. Il n'a point d'enfans de Marie Renée de
Moutmorency- Luxembourg , qu'il a épousée le
I ij 15
1028 MERCURE DE FRANCE
15 Avril 1716. 2. Marguerite- Louise - Sophie de
Neuville-Villeroy , mariée le 14 Janvier 1716.
avec François , Duc a'Harcourt , Pair de France ,
Capitaine des Gardes du Corps du Roy, et moste
le 4 Juin suivant , dans la 18 année de son âge,
3. François Camille de Neufville , Duc d'Alin-
Court dont on va parler , et 4. Madeleine- Angelique
de Neufville de Villeroy , née au mois.
Octobre 1707. et mariée le 16 Septembre 1721.
avec Joseph Marie , Duc de Boffers , Pair de
France , Gouverneur de la Flandre Françoise et
du Haynault , et des Ville et Citadelles de Lille ,
Grand Baillet Gouverneur et héréditaire de
Beauvais et du Beauvoisis , Colonel d'un Regiment
d'Infanterie , elle a été nommée au mois
de Janvier dernier Dame du Palais de la Reine ,
au lieu et place de la Duchesse d'Alincourt sa
Belle- Soeur , qui avoit demandé la permission
de se retirer.
>
François Camille de Neufville- Villeroy , Marquis
, puis Duc d'Alincourt , Baron de Marais
et de S. Marc , fait Lieutenant de Roy au Gouvernement
des Provinces de Lionnois , Forez et
Beaujolois , au mois d'Octobre 1712. fit la Campagne
de Hongrie en 1717. et alla ensuîte voïager
en Italie. Il fut fait Mestre de Camp du Regiment
de Cavalerie de Villeroy , par commission
du Is Mars 1718. et obtint un brevet de Duc le
20 Septembre 1729. I mourut de la petite vérole
à Paris , le 26 Decembre 1732. dans la 33 année
de son âge. Il avoit été marié le 4 Septembre
1720. avec Marie- Joseph de Boufflers , nommée
Dame du Palais de la Reine , le 27 Juin 1716.
fille puinée de feu Louis François , Duc de Bouf-
Alers , Pair et Maréchal de France , General des
Armées du Roy , Chevalier de ses Ordres , Gou
verneur
MAY. TO29 1734.
:
>
verneur de la Flandre Françoise &c . et de Dame
Catherine - Charlotre de Gramont > sa veuve
Dame d'honneur de la Reine de ce mariage
sont sortis.. de Neufville -Villeroy , élé
25 Août 1723. appellé d'abord le Comte de Sault,
puis en 1729. le Marquis d'Alincourt , mort au
College de Clermont à Paris , le 24 Decembre
1730. agé de 7 ans 4 mois ; Charles- Nicolas-
Joseph de Neufville - Villeroy , né le 28 Fevrier
1729. appellé le Marquis d'Alincourt , mort le
4 Juin 1731. et Gabriël - Louis de Neufville
Villeroy , né le 8 Octobre 1731. appellé le Marquis
de Villeroy , le seul enfant qui reste de cette
Maison , et auquel lé Roy vient d'accorder la
Charge de Lieutenant General au Gouvernement
du Lionnois , Forez et Beaujolois , dont le Duc
de Retz son Oncle avoit la Survivance .
Le 24 Avril , Amable Baisle , Auvergnat ,
Prêtre , Chapelain Ordinaire de la Chapelle et
Oratoire du Roy , Chanoine honoraire de Saint
Germain l'Auxerrois , mourut à Paris chez son
frere, Chanoine de S. Honoré , à l'âge de 94 ans .
Jean- Joseph Baisle son neveu , Chanoine de Saint
Germain l'Auxerrois , lui succede dans la Charge
de Chapelain ordinaire de la Chapelle et Oratoire
du Roy , dont il avoit la Survivance .
Le 27 , la Dlle Noblet de Romery , 2 me fille
de feu Jean Antoine Noblet, Seigneur de Romery
Conseiller au Parlement de Paris , mort le 9 Avril
1728. et de Dame Louise - Catherine de la Salle ,
sa veuve , mourut de la petite vérole , le s jour
de sa maladie , âgée d'environ 18 ans ; la Soonr
aînée de la deffunte a été mariée le 7 Decembre
1730. avec Claude- Olivier Boucher , Conseiller
au Parlement de Faris .
Le Comte de Vertillac , du surnom de la
I iij Brousse
1030 MERCURE DE FRANCE
Brousse , mourut en Perigord au mois d'Avril
1734. âge de 85 ans , laissant des enfans , qui
sont le Comte de Vertillac , Gouverneur et Sénéchal
de Périgord , qui est marié , et le Chevalier
de Vertillac , Capitaine dans le Regiment du
Maine.
La Dame le Boulanger , femme de M. le Boulanger
, Maître ordinaire de la Chambre des
Comptes de Paris , mourut en couches d'une
fille , son premier enfant , au commencement
de ce mois ; elle avoit été mariée le 7 Juillet
1733. et étoit fille de Jean Gaschier , Maître
ordinaire en la Chambre des Comptes de Paris ,
ancien Echevin , et ci - devant Notaite au Châtelet
de Paris.
Les de ce mois, mourut à Paris Dame Anne
Angelique de la Barre , veuve de Nicolas Char
py , Ecuyer , Seigneur de Chartrettes , Roqua.
mont , la Forest , &c . qu'elie avoit épousé le 19
Août 1710. elle étoit fille de Jean de la Barre ,
Ecuyer , Sr de Gomerville , Sécretaire du Conseil
, et Intendant des Maisons , Domaines et
Finances de Philippe Fils de France , Duc d'Or
leans , et d'Anne le Noir , et elle étoit dans la
52 année de son âge.
Le même jour , François - Theodore des Vignes
, Chevalier , Seigneur de Chutfort en Nivernois
, Gentilhomme de la Chambre du Roy
de Pologne , Stanislas I. et fils aîné de Jacques
des Vignes , Seigneur de Chuffort , et de Marie
Carpentier de Crecy , mourut en son Château de
Chuffort , âgé d'environ 71 ans . Il s'étoit marié
en Pologne avec Marie Anne- Claude de Croisy,
originaire de France , d'une Famille Noble da
Duché de Bourgogne. Il a laissé d'elle Louis-,
Benedict des Vignes , Seigneur de Chuffort , et
Dlic
MAY. 1734. 1031
Dlle Jeanne- Louise des Vignes , tous deux nés
en Pologne , et présentement établis dans la
Province de Nivernois . La Famille des Vignes ,
d'une ancienne Noblesse , porte écartelé au premier
et 4. d'argent à une fasce de Gueules
chargée de 3 Besans d'or , et accompagnée de
7-Merlettes de gueules , 4 en chef et 3 en pointe,
à un Lambel às pendans d'azur , qui est des
Vignes , et au 2 et 3 d'azur à une Etoile d'or
accompagnée de 3 Croissans d'argent 2 en chef
et un en pointe , qui est de Carpentier , accollé
des Armes de Choisy , qui sont de Gueules à une
Croix d'argent , chargée des Coquilles de sable.
Le 7. Dame Jeanne Gallon , veuve d'Antoine-
François Phelypeaux, Chevalier, Seigneur d'Her
bault , Intendant General de la Marine , et des
Armées Navales du Roy , mort à Malaga le 10
Octobre 1704. d'une blessure qu'il avoit reçue le
24 Août précédent sur le vaisseau Amiral , dans
un combat Naval sur les côtes d'Espagne , mourut
à Paris ; elle étoit fille de feu Georges Gallon,
de la Ville de Lyon , Ecuyer , et de Susanne Rigioli
, et avoit été mariée les May 1695, elle
laisse pour enfans Georges Phelypeaux, Seigneur
d'Herbault , qui fut receu Conseiller au Parlement
de Paris , le 31 Mars 1719. puis Lieutenant
de Roy en la Province du Blaisois, Charge pour
laquelle il prêta serment entre les mains du Roy.
Je 2 Mars 1727. et Marie - Anne Phelypeaux
d'Herbault , mariée le 17 Juillet 1725. avec Gabriël
Bertrand du Guesclin , Seigneur de Beaucé.
Le même jour , Pierre Paulmier de la Bu
caille , Seigneur de Prestreval , mourut à Rouen,
laissant de Dame Geneviève Marette sa femme ,
deux filles , qui sont Genevieve Paulmier de la
Bucaille , épouse de Jean- Baptiste Hélie Camus
Liiija do
1032 MERCURE DE FRANCE
de Pontcarré Seigneur de Viarme , Maître des
Requêtes ordinaire de l'Hôtel du Roy , et auparavant
veuve de Charles- Etienne Maignart , Seigneur
de la Vaupalliere , de Hauville &c. Conseiller
au Parlement de Normandie , et Charlotte
Paulmier de la Bucaille , qui a été mariée le 15
Septembre de l'année derniere avec Pierre-
Jacques- Louis de Becdelievre , Marquis de Quévilly
, jeune homme sortant de l'Académie .
>
Le 9. Mai Charles Eugene de Levis , Duc de
Levis , Pair de France , Comte de Charius et de
Saignes , Baron de Monjouvent , Seigneur de S.
Nizier,&c . et Chevalier des ordres du Roi, Lieutenant
General de ses Armées et au Gouvernement
de la Province du Bourbonnois , Commandant
en chef pour S. M. dans le Comté de Bourgogne
, Gouverneur de Bergue S. Vinox , modrut
à Paris dans la 65. année de son âge. Il commença
à servir en 1688. et suivit le Dauphin
aycul du Roi , aux sieges de Philisbourg , de
Manheim er de Frankendal ; eut ensuite un Regiment
de Cavalerie , à la tête duquel il se trouva
aux Batailles de Fleurus en 1690. de Stinkerque
en 1692. et de Nerwingue en 1693.de même
qu'aux Sieges de Mons,de Namur,et de Charleroi,
et dans d'autres occasions jusqu'à la paix de Riswick
en 1697. fut fait Brigadier le 29. Janvier
1702 eut le Commandement de la Cavalerie dans
l'Armée qui alla joindre l'Electeur de Baviere
en Allemagne en 1703. se distingua à la premiere
Bataille d'hocshtet ; la même année fut nominé
Marechal de Camp le 10. Fevrier 1704. et servit
en cette qualité les années suivantes . Le Roi
le fit seul par distinction Lieutenant General
de ses Armées le 18. Fevrier 1708. et le nomma
en même tems pour servir en cette qualité
auprès
MAY. 1734. 1033
auprès du corps de Troupes qui étoit destiné
pour passer en Ecosse ; mais la descente n'ayant
pû avoir lieu , et le Vaisseau sur lequel il étoit
ayant été obligé de se rendre aux Anglois le 25.
Mars , il fut fait prisonnier. Après avoir re-
Couvert sa liberté , il continua de servir jusqu'à
la paix d'Utrecht. Le Gouvernement des Villes
et Gitadelles de Mezieres ee de Charleville lui
fut donné au mois de Novembre 1713. Il fut
fait du Conseil de Guerre établi au mois de
Septembre mil sept cent quinze , et après la
suppression de ce Conseil , il eut le Commandement
en chef dans le Comté de Bourgogne. II
obtint l'érection de ses Terres et Seigneuries de
Lurcy le Sauvage , de Poligny , la Braudiere ,
Champroux , et autres situés en Bourbonnois ,
en titre de Duché et Pairie , sous le nom de Levis
, par Lettres du mois de Fevrier 1723. après
la verification desquelles il prêta serment et prit
séance au Parlement le 22. du même mois , le
Roi y séancen son Lit de Justice pour la déclaration
de sa majorité . Le Gouvernement de Bergue
S. Vinox lui fut accordé le 27. Mars 1728 .
et il fut reçû Chevalier des Ordres du Roi le z .
Fevrier 1732. Il étoit Fils de Charles de Levis ,
Comte de Charlus , Marquis de Poligny , Lieutenant
General pour le Roi en Bourbonnois ,
mort fort âgé le 22. Avril 1719. et de Françoise
de Bethisy de Mezieres , morte le 30. Janvier
1719, âgée de 82. ans ; et il avoit été marié le
26. Janvier 1698. avec Marie Françoise d'Albert
, fille de Charles Honoré d'Albert , Duc de
Chevreuse et de Luynes , Pair de France , Chevalier
des Ordres du Roi , et de Jeanne - Marie
Colbert . Il en avoit eu Charles de Levis , Comte
de Charlus , Mestre de Camp d'un Regiment de
Cavas I v
1034 MERCURE DE FRANCE
Cavalerie , mort le 10. Decembre 1724. dans la
26. année de son âge , sans avoir été marié. François
Honoré Marquis de Levis , faic Mestre de
Camp du Regiment de Cavalerie , vacant par la
mort de son Frere au mois de Decembre 1724.
et mort le 24. Fevrier 1727. dans la 21. année
de son âge , sans avoir été marié ; Gui- Antoine
de Levis , imort le 4. Juin 1725. âgé de 10. ans;
et Marie-Françoise de Levis , mariée le 12. Janvier
1722. avec Joseph- François de la Croix ,
Marquis de Castries , Baron de Castelnau , de
Gourdieges et des Etats de Languedoc , Lieutenant
de Roi dans la même Province , Marechal de
Camp et Armées du Roi , Gouverneur des Vil
le , Citadelle et Diocése de Montpellier , Gouverneur
de la Ville et Port de Cette , et Fort en
dépendant , Chevalier des Ordres de S. M. et
Chevalier d'honneur de la Duchesse d'Orleans ',
duquel elle resta veuve le 24. Juin 1728. elle
mourut le 2. Decembre suivant , âgée de 30. ans,
laissant trois fils en bas âge.
Le Duc de Levis , n'ayant plus de garçons ,
son Duché est éteint par sa mort.
Le Gouvernement de Bergues S. Vinox, vacant
par sa mort, a été donné à François Marie de Broglio,
Comte deBuhy, et de Revel, Baron de Ferrieres,
appellé le Comte de Broglio, né le 11. Janvier
1671. Lieutenant General des Armées du Roi, du
29. Mars 1710. Gouverneur de Mondauphin en
Dauphiné , depuis le mois de Fevrier 1712. Directeur
General de la Cavalerie et Dragons , du
mois de Mai 1719. Ambassadeur en Angleterre
depuis l'année 1724. et reçu Chevalier des Ordres
du Roi , le 31. Mai 1731. servant actuellement
dans l'Armée d'Italie.
Le 1o. Mai Philippe Langlois , Seigneur de Po
meusca
MAY . 1734. 1035
meuse , Guerard et Raisy , Conseiller du Roi en
ses Conseils , et Grand- Audiancier de France ,
ci-devant Receveur General des Finances à Montauban,
oncle de Robert Langlois , Seigneur de la
Fortelle, President en la Chambre des Comptes de
Paris , mourut âgé d'environ 73. ans. Il avoit
épousé en premieres noces au mois de Mars
1701. Louise Sandrier , fille de Jacques Sandrier,
Secretaire du Roi , et d'Agnés Billart , et étant
resté veufd'elle le 3. Octobre 1715. il s'étoit remarié
au mois de Mars 1718. avec Charlotte de
Ricoüart , fille de Jacques de Ricouart , Seigneur
du Martray , et de Charlotte Huguet de
Semonville. Il laisse trois fils de la premiere.
Le Jeudi 13. de ce mois Françoise le Tellier,
veuve de Pierre Vallée , Marchand Mercier , a
été inhumée dans la 95. année de son âge.
Le 14. Mai Noel Falconnet, celebre Docteur en
Medecine , et Doyen du College des Medecins de
Lyon, Medecin Adjugeant et Consultant pour la
personne du Roi, et Medecin de la petite Ecurie de
S. M.mourut dans la 90. année de son âge, étant
né au mois de Juillet 1644.Il laisse un fils , Camille
Falconet ,Docteur, Regent enla Faculté de Medeci
ne deParis ,de l'Académie des Inscriptions et Belles
Lettres,qui lui succede dans les Charges de Medecin
Consultant pour la personne du Roi , et de
Medecin de la petite Ecurie , dont il avoit la survivance.
· Le 15. Mai , Jules -Louis Jean - Claude de la
Marck , seul fils de Louis Engilbert , Comte de
la Marck et de Schleiden , Baron de Lumain, Seigneur
de Kerpen , Comte du S. Empire , Marquis
de Vardes, Colonel d'un Regiment d'Infanterie
Allemand au service du Roi , et de deffunte
Dame Marie-Anne-Hyacinthe Visdelou , Daine
Ivj
Com-
1
1035 MERCURE DE FRANCE
Comtesse de Bienassis en Bretagne , mourut à
Paris , âgé de 2. ans 7. mois 1. jour , étant né le
14. Octobre 1731 .

Le même jour, Dame Anne- Victoire de S. Chamant
, épouse depuis le 2. Juin 1729. de Robert
de Pierrepont , Chevalier , Marquis de Pierrepont
, Baron de Lievray , Seigneur , Patron de
S. Nicolas de Pierrepont , Escoileville , Baudreville
, Ourville , Beauchamp , & c . et fille de feu
François de S. Chamant , Marquis de Mery sur
Seine , Seigneur de Miriel, de Saucourt,de Montubois
, & c . et de Dame Bonne de Chastellus , sa
veuve mourur d'une fluxion de poitrine à Paris,
âgée de 38. ans , et sans avoir eu d'enfant . Elle
étoit soeur puînée de Dame Judith de S. Chamant
, mariée le 6. Mars 1719. avec Henri de
Barres , Seigneur , Baron de Cossigny , Montor,
Prissey , Moux , &c . Chevalier de S. Louis , ancien
Capitaine de Cavalerie , et de Dame Pauline-
Felicité de S. Chamant , mariée le 10. Août
1720 avec Samuel Bernard , Chevalier de l'Ordre
du Roi , Secretaire de S. M. Maison Couronne
de France et de ses Finances , Comte de
Coubert , dont elle est la seconde femme. Voyez
le Mercure de Juin 1729. V. 1. pag. 1470. où le
mariage de la defunte est rapporté.
Le 20. Mai , Anne François Joseph ,Marquis de
Bassompierre , ci - devant Capitaine dans le Regiment
du Roi Infanterie,fils de feu Anne François-
Joseph Marquis de Bassompiere, Seigneur du Châteler,
et de Dame Catherine- Dianne de Beauvau,
sa veuve actuellement vivante , et remariée en troisiémes
noces avec Eugene Comte de Rouerke ,
mourut à Paris en sa maison au fond du Faubourg
S.Antoine , âgé d'environ 48. ans . Il vivoit
fort retiré du monde dans la grande devoti on, et
pratie
MAY. 17'4. 1037
pratiquant de grandes austeritez . Il s'étoit marié
le 3. Juin de l'année derniere 1733. avec Marie-
Eleonor d'Oglethorp , Angloise de Nation , soeur
d'Eleonor d'Oglethorp , veuve d'Eugene - Marie
de Bechisy, Marquis de Mezieres , Lieutenant General
des Armées du Roi, Gouverneur d'Amiens,
et fille de feu Théophile d'Oglethorp , Chevalier,
Baronnet , Seigneur de Westbrook et Deanhold
en Godalming dans le Comté de Surry , grand
Ecuyer des Rois d'Angleterre Charles II . et Jacques
II. Major General de leurs Armées , et de
feue Eleonore Wal de Rathkenny , il n'en laisse
point d'enfans , ainsi ses herieicres sont ses deux
soeurs , qui sont Charlotte - Elizabeth de Bassompierre
, femme de François - Joseph de Choiseuil,
Envoyé extraordinaire du Duc de Lorraine en
France , et Louise- Lucie de Bassompierre , qui a
épousé François - Emmanuel de Ligny du Plessis,
ci-devant Enseigne des Gendarmes d'Orleans . Il
leur avoit fait ci - devant une donation entre - vifs
de tous ses biens.
Mademoiselle de Beaujolois , Princesse du Sang,
mourut de la petite verole à Bagnolet près de cetre
Ville , le 21. de ce mois à une heure après
midi , âgée de 19. ans , cinq mois et trois jours;
elle avoit reçu le matin ses Sacremens avec la pieté
qui accompagnoit en elle les qualités du coeur
et de l'esprit , les plus propres à former le caractere
d'une Princesse. Mademoiselle de Baujolois
née à Versailles le 18. Decembre 1714. se
nommoit Philippe - Elizabeth d'Orleans , et étoit
fille de feu Monsieur le Duc d'Orleans , petit
Fils de France , Regent du Royaume , mort le
2. Decembre 1723. et de Son Altesse Royale.
La maladie dont Mademoiselle de Beaujolois esc
morte n'ayant pas permis de lui rendre les honneurs
1038 MERCURE DE FRANCE
deson
neurs funebres convenables aux personnes
rang , son corps fut porté la nuit du 21. au 22.
sans aucune ceremonie , à l'Abbaye Royale du
Val- de- Grace , où il fut mis dans le caveau de
la Chapelle de la Reine Anne d'Autriche. 11 fut
presenté par l'Abbé Ragon , qui prononça le
Discours suivant.
MADAM ES,
Nous avons l'honneur de vous presenter le Corps
de Son Altesse Sereniffime Très - Haute , Très-
Puissante et Très-Excellente Princesse P. E. d'Orleans
, fille de feu Son Altesse Royale Très Haut,
Très-Puissant et Très-Excellent Prince Monseigneur
Philippe d'Orleans Petit- Fils de France et de
Son Altesse Royale Très - Haute , Très-Puissante et
Très - Excellente Princesse Marie - Françoise de
Bourbon. Les larmes que vous voyez ici répandre ,
et dont je puis à peine me défendre moi- même , attestent
ouvertement les qualités et les vertus éminentes
de celle qui les fait couler ; elles disent , mais
avec une éloquence où l'Orateur le plus disert ne
fçauroit atteindre, combien est grande la perte qu'un
chacun de nous ou plutôt que la France entiere
vient defaire . L'Illustre Princesse que nous pleurons
paroissoit néepar les charmes de sa personne,pour être
Pornement de son siecle, et par ses inclinations,bienfaisantes
pour en être les délices. Une mort prématu
rée l'a fait disparoître subitement à nos regards; mais
cette mort toute prématurée qu'elle soit n'a point été
imprévûë pour elle . Toujours elle fut pénétrée des
sentimens les plus vifs de la Religion,ainsi elle a eu
soin de prévenir ses derniers momens par les actes
les plus marqués de la pieté la plus sincere et la plus
fervente. De pareilles preuves nous donnent lieu de
présumer que le Cielretentit actuellement de Cantiques
'MAY. 1734. 1039
ques d'allegresse , tandis que la terre est plongée
dans la douleur : Cependant comme nous ignorons
à quel point la Justice Divine s'exerce sur les Ames
mêmes que nous croyons les plus épurées , nous vous
prions , Madame , d'unir vos fuffrages et ceux de
votre Sainte Communauté, aux prieres que P'Eglise
ne manquera pas d'adresser en sa faveur au Dien.
des misericordes.
Le 28. Avril , Louis de Guillier de la Platiere ,
Seigneur de Toussieu , fils de feu Jacques- Joseph
de Guillet , Seigneur de la Platiere , du Bouchet,
Moidieres , Toussieu et la Verriere , Lieutenant
Colonel du Regiment de Gatinois , et de Sibille
Piechon sa veuve , épousa Dlle Benoît du Sauzey,
petite-fille de Marc- Antoine du Sauzey , Seigneur
de Jarnosse et de la Moliere , Prévôt des
Marchands de la Ville de Lyon en 1662.
La nuit du 6. au 7. Avril 1724. a été celebré
au Château de Montjeu en Bourgogne , le mariage
de Louis - François- Armand de Vignerot du
Plessis , Duc de Richelieu et de Fronsac , Pair de
France , Chevalier des Ordres du Roi , Colonel
d'un Regiment d'Infanterie petit vieux Corps, et
Brigadier des armeés de S. M. de la derniere Promotion
, et veuf de Dame Anne Catherine de
Noailles, morte sans enfans le 7. Novembre 1716.
avec la seconde fille d'Anne- Marie- Joseph de
Lorraine , Prince de Guise , Comte d'Harcourt ,
et de Dame Marie - Louise - Christine de Castille
de Monjeu , son épouse .
La nuit du 7. au 8. du même mois, Louis Marquis
de Cambray , né le 16. Juin 1713. qui a
fait la Campagne derniere en Italie , auprès du
Prince Charles de Lorraine , Grand - Ecuyer de
France , en qualité de Page du Roi , et qui depuis
son retour a été fait Officier au Regiment des
Gardes
1040 MERCURE DE FRANCE
>
?
Gardes Françoises , seul fils de François Nicolas,
Seigneur, Marquis de Chambray sur Iton , Diocese
d'Evreux , ci- devant Colonel d'un Regiment
d'Infanterie de son nom et de Dame Marie-
Louise de Folleville de Manancourt , son épouse,
a été marié à Paris avec Dlle Marie-Elizabeth-
Françoise de Bonigalle , née le 9., Mars 1722 .
fille unique et seule heritiere de feu Simon -Charles
de Bonigalle , Conseiller du Roi , Maître ordinaire
en sa Chambre des Comptes de Paris ,
mort le 26. Juin 1728. âgé de 47. ans , et de
Dame Marie Elizabeth de Vigni sa veuve, fille de
feu Jean- Baptiste de Vigni , Seigneur de Cour
quetaine , Marechal de Camp des Armées du
Roi, Lieutenant General d'Artillerie , Colonel et
Capitaine General des Bombardiers de France . ,
et Chevalier de S. Louis. Le marié est neveu de
Jacques de Cambrai , Chevalier , Grand- Croix
de l'Ordre de S. Jean de Jerusalem , Lieutenant
General , commandant les Vaisseaux de Malte ,
Commandeur de la Commanderie Magistrale de
Metz , et de celle de Virecourt , qui s'est acquis
une grande réputation dans les Mers du Levant,
par ses combats , et par les differentes prises qu'il
a faites sur les Turcs ..
Dame Eleonor Gabriel- Lauise- Françoise de
Crux , épouse de Louis - Victor de Rochechouart,
Comte de Mortemart , Colonel du Regiment de
Dauphiné , accoucha le 21. Mai d'un Fils , qui a
été tenu sur les Fonts , et nommé Victor - Ga◄
briel par Armand - Gabriel , Marquis de Crux,
de Montaigu , & c . et par D. Anne Colbert , veuve
de Louis de Rochechouart , Duc de Mortemart
, Pair de France , Prince de Tonnay Charente
, General des Galeres et Lieutenant Ge-
2
neral
MAY. 1734: 1041
neral des Armées Navales de France .
Dame Marie- Victoire- Antoine de Gontaut de
Biron , épouse de Louis- Claude Scipion de Grimouard
, Comte du Roure , premier Enseigne de
la premiere Compagnie des Mousquetaires du
Roi , accoucha le 28. Mai d'un Fils , qui a été
nommé Melchior Scipion Louis , par S. E. M.
Melchior de Polignac , Cardinal , Prêtre de la
Sainte Eglise Romaine , Commandeur des Ordres
du Roi , Grand- Maître de l'Ordre Hospi
talier du 5. Esprit de Montpellier , Archevêque
d'Auch , Primat d'Aquitaine , de la Novempo
pulaire et du Royaume de Navarre , Abbé Comte
de Corbie , et par D. Louise de Nointel , épouse
d'Artus Thimoleon de Cossé , Duc de Brissac
Pair de France.
*** ************
ARRESTS NOTABLES.
RDONNANCE DU ROY , du 10.
·
ches de la Marine par lequel S. M. ordonne qu'il
soit passé aux Capitaines dont les Compagnies.
seront complettes au premier Mars prochain
trois mois de paye pour chacun desdits Soldats ,
Outre et par dessus les vingt livres portées
par l'Ordonnance du 14. Décembre 1733.-
Sa Majesté ayant aussi égard à ce que les Capi
taines dont les Compagnies ont ordre de marcher
dans le courant de ce mois pour aller relever
celles qui sont dans les autres Ports ou Départe
mens , ne pourront les rendre complettes au.
premier Mars prochain ; elle accorde auxdits .
Capitaines un délai d'un mois après leur arrivée
dans le Port ou Département de leur nouvelle .
desti1042
MERCURE DE FRANCE
destination , voulant que ceux qui seront com
plets dans ledit temps , jouissent pareillement de
trois mois de paye de gratification.
AUTRE du 16. Février , portant deffenses
aux Capitaines de Bâtimens qui vont faire la Pêche
aux Côtes de l'Ile de Terre- neuve , et autres
embarquez sur lesdits Bâtimens , de traiter aucunes
Armies , munitions ni ferremens , avec les
Sauvages Esquimaux ,
ARREST du même jour , qui ordonne que
les Préposez par les sieurs Commissaires départis
pour le recouvrement du Dixiéme , seront tenus
de faire leurs diligences contre les dénommez
dans les Rôles , et d'en payer le montant de
tier en quartier , à peine d'y être contraints en
leur nom.
quar
Et que lesdits Préposez , durant leur gestion ,
seront taxez d'office sans pouvoir être augmentez
et exempts de Collecte , Tutelle , Curatelle ,
nomination à icelle, de la solidité et de la milice,
tant pour eux , que pour un de leurs enfans.
que
AUTRE du même jour , qui ordonne les
Détempteurs d'héritages chargez de rentes , se
ront tenus d'en déclarer le revenu er d'en payer
le Dixiéme , au moyen de quoi ils retiendront
le Dixiéme desdites rentes à leur profit ; et que.
les Détempteurs des Maisons deCampagne qu'ils
habitent et qui sont chargez de rentes , sans leur
procurer aucun revenu , retiendront aussi le Di
ziéme desdites rentes , qui sera payé à S. M.
EDIT DU ROY , portant réunion de la Ju
risdiction de la Prévôté de la Ville du Mans , à
celle
MAY. 1043 1724.
celle de la Sénechaussée de cette Ville. Donné à
Marly au mois de Janvier 1734. Registré en
Parlement le 3. Mars , par lequel S. M. ordonne
l'execution des 22. Articles contenus dans ledit
Edit , &c .
ORDONNANCE DU ROY , du 10. Mars ,
concernant le logement des Troupes de la Mai-
Son de Sa Majesté , par laquelle S. M. ordonne
ce qui suit :
ARTICLE PREMIER
Lorsque les quatre Compagnies des Gardes du
Corps de S. M. celles des Gendarmes , Chevaux-
Legers et les deux Compagnies des Mousquetai
res de sa Garde ordinaire , ainsi que les Régimens
des Gardes Françoises et Suisses , marcheront
à la suite de S. M. lorsqu'elle ira dans ses
Maisons Royales ou dans les autres voyages
qu'Elle pourroit faire, quelque cause que ce puisse
être , lesdites Troupes seront logées sous les ordres
du Grand- Maréchal des Logis , sur la route
de S. M. et dans les quartiers qui leur seront assignez
dans le lieu de sa résidence , ou aux environs
et l'assiette et distribution desdits logemens
sera faite par les Maréchaux et Fouriers desdits
logemens sera faite par les Maréchaux et Fourriers
des Logis de S. M. et au cas qu'il ne se
trouve pas de Maréchaux ou Fourriers des Logis
esdits quartiers , l'assiette et distribution des.
logemens sera faite par les Maires et Echevins .
II. Lorsque lesdites Troupes marcheront par
une autre route que celle du Roy , et qu'elle ne
sera cependant pas éloignéé de plus de quatre
lieues de celles de S. M. elles seront également
logées sous les odrres du Grand- Maréchal des
Logis
2044 MERCURE DE FRANCE
Logis , et la distribution des logemens sera faite
en la forme prescrite par l'Article cy - dessus ;
mais lorsque lesdites Troupes marcheront par
une route è.o.gnée de celle de S. M. de plus de
quatre lieues , elles seront logées par les Maires
et Echevins des Villes et Lieux , jusqu'à - ce qu'el
les soient arrivées aux quartiers qui leur aurant
été assignez par un Grand- Maréchal des Logis ,
dans le lieu de la résidence de . S. M. ou aux environs.
III. Lorsque lesdites Troupes de la Maison
de S. M. marcheront à sa suite , elles seront logées
, soit dans les routes qu'elles feront , soit
dans leurs quartiers , chez les personnes exemp
tes ou non exemptes , privilegiées ou non privi
• legiées ; en observant neanmoins de n'asseoir de
logemens chez les personnes exemptes et privile
giées , qu'autant qu'il ne s'en trouveroit pas as
sez de convenables chez les personnes non exemptes.
Veut et entend S. M. que les Ecclesiastiques
et Gentilshommes ne soient sujets au logement
desdites Troupes , pour les maisons qu'ils occu
pent personnellement , que dans le cas d'une né
cessité indispensable , et où il survien roit quel
que contestation sur le fait desdits logemens ,
soit de la part des Troupes de la Maison de S. M.
soit des Particuliers chez le quels elles seront lo
gées , elles seront portées au Grand- Maréchal
des Logis , lorsque le logement aura été fait sous
ses ordres , pour en être rendu compte à S. M.
ORDONNANCE de Police ; du 15. May ,
qui enjoint de faire creuser les Puits qui manquent
d'eau , par laquelle il est ordonné que dans
quinze jours il sera fait visite par les Commissaires
du Châtelet , chacun dans leur Quartier

accomMAY.
1731. 1045
accompagnez d'un Architecte , de tous les Puits
des Maisons étant dans leur Quartier , à l'effet
de connoître s'il y a de l'eau dans lesdits Puits ,
et en cas qu'il ne s'en trouve point , ils en dresse
ront procès verbal , et en consequence feront as
signer pardevant le Lieutenant General de Police
lesdits Proprietaires , pour y être pourvû ainsi
qu'il appartiendra ; si mieux n'aiment lesdits
Proprietaires donner leur soumission au Com.
missaire de faire creuser leursdits . Puits jusqu'à
P'eau , dans l'espace d'un mois , & c.
ARREST du 16. Mars , qui ordonne qu'en
payant par les Magistrats des Chefs Colleges des
Villes et Chastelienies de la Flandre Maritime , la
somme de 13oooo. livres par chacune année ,
tant et si long-temps que le Dixiéme aura lieu
les biens et revenus situez dans la Flandre Mari
time seront exempts de la levée de cette im
position.
AUTRE du 16. Mars , en faveur des Habitans
de la Ville d'Avignon et du Comtat Venaissin ,
par lequel S. M. ordonne l'execution des neuf
Articles contenus audit Arrêt.
AUTRE du 20. Mars , en interprétation de
celui du 17. Mars 1733. portant reglement sur
Marchandises en Pacotille , qui réduit à six pour
Ent la reteauë qui avoit été fixée à quatorze
pour
cent par ledit Arrêt du 17. Mars,
AUTRE du 23. Mars qui regle les droits qui
seront à l'avenir perçus à l'entrée du Royaume,
sur les Lins ' de toate qualité venant du Pays
Ettanger.
AU
1046 MERCURE DE FRANCE
AUTRE du même jour , qui ordonne qu'en
payant par les Magistrats des Villes de Valencien
nes , le Quesnoy , Maubeuge , Bavay , Landrecy,
Avesnes, Givet , Philippeville , Mariembourg
et Condé , la somme de 14000c . livres par chacune
année , tant et si long-temps que le Dixiéme
aura lieu , les biens et revenus situez dans la
Province du Hainaut seront exempts de la levée
de cette imposition.
LETTRES PATENTES qui approuvent et
confirment les Déliberations du Clergé des 27.
Février et 12. Mars 1734. et lui permettent
d'emprunter à constitution de rente au denier
vingt , douze millions de livres. Données à Versailles
le 23. Mars 1734. Registrées en Parlement
le 30 .
On donnera le mois prochain deux Volumes du
Mercure de France , pour pouvoir employer diverses
Pieces qui méritent l'impression et qui n'ont point
pú trouver place dans le cours des six premiers mois
de cette année.
P
TABLE
838
Ieces Fugitives. Andromede , Cantate , 835
Lettre sur la Sépulture de S. Agnan ,
Réponse à l'Apothéose de Mlle de Malcrais , 849
Lettre sur les Horloges ,
Le Cocq et le Limaçon , Fable ,
Lettre sur l'origine de la Musique ,
851
860
861.
Réponse à 'Epitre de M. Destouches , par
Mlle de Malcrais ,
870
Réponse
Réponse de M. de S. Aubin , sur l'Essence de la
Matiere ,
La Nature et l'Art , Fable ,
872
879
882
Lettre de M. Capperon , sur des Champignons
formez dans l'estomach d'une femme ,
Réponse sur le Manteau bleu de M. Ferré , 888
Lettre de D. Calmet , sur la Prophetie attribuée
au Roy David ,
Stances ,
891
991
Dissertation sur les differences des trois Systêmes
Chronologiques , & c.
Enigmes , Logogryphes , & c.
903
911
NOUVELLES LITTERAIRES des Beaux Arts ,
&c.
914
918
926
931
Histoire Naturelle de l'Univers , &c.
Causes celebres et interessantes ,
Les Avantages des Ecoles publiques , & c.
Traité du Mérite , Remerciement en Vers , 932
Lettres de la Marquise de Sévigné , &c.
Assemblées publiques des Académies des Sciences
et Belles-Lettres ,
933
934
Programme pour le Prix de l'Académie des Belles
Lettres ,
These de Chirurgie ,
Prix de la Societé des Arts ,
Morts d'Hommes Illustres ,
936
937
ibid.
938
Le Château de Milan , Tableau présenté au
Roy , 939
Estampes nouvelles , 940
Chansons.notées , 944
Le Sage du Temps , Vaudeville , ibid.
Spectacles , Discours , & c.
946
La Grondeuse , Comédie , Extrait ,
948 La Nouveauté , Comédie , 958
Nouvelle Actrice ,
L'Apologie du Siecle ou Momus corrigé , Exibid.
trait ,
960
Nouvelles Etraugeres , de Russie et Pologne , 968
D'Allemagne. Protocole de la Diette de l'Empire
, &c. Kaisons des Ministres de Baviere ,
&c .
D'Italie , de Naples et Sicile , &c.
Lettre du Roy d'Espagne à Don Carlos ,
972
979
981
D'Espagne , Hollande et Pays- Bas , 987
"Grande Bretagne , Discours , &C. 988
'Armée d'Allemagne. , &c. 992
Prise de Traerback , &c.
994
Attaque des Lignes d'Etlinghen , 995
Armée d'Italie 1001
France, Nouvelles de la Cour, de Paris, &c. 1003
Benefices donnez , 1006
Maréchaux de Camp , '&c. 1008
Morts , Mariages , &c .
1024
Mort de Mlle de Beaujolois , Discours , 1037
Arrêts Notables , 1041
(
Errata d'Avril.
PAge 686. ligne 20. Description , lisez Inscription.
Fautes à corriger dans ce Livre.
PAge 883. ligne 17. jette , lisø%, rendit.
P.
884. 1. 4. est , 1. et.
1. ou.
P. 895. 1. 10. ont ,
P.
905. 1. 16. le l. la.
P. 938. 1. 29. achever , l. acheter.
l. P. 956. 1. 24 pourrois , . pourrai .
P. 969. 1. 8. de la , l, et la .
P. 996. l. 16. passoient , 1. paissoient.
La Chanson notée doit regarder la page
944
MERCURE
DE
FRANCE ,
DEDIE
AU
ROT.
AV
JUIN.
1734.
PREMIER
VOLUME.
Papilul
A
PARIS ,
GUILLAUME
CAVELIER,
ruë S. Jacques.
Chez LA VEUVE PISSOT , Quay de
Conty , à la descente du Pont- Neuf.
JEAN DE NULLY, au Palais
M. DCC. XXXIV.
Avec Approbation & Privilege du Roy:
L
و
A VIS.
,
ADRESSE generale eft à
Monfieur MOREAU Commis au
Mercure vis- à - vis la Comedie Françoife
, à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets cachetez
aux Libraires qui vendent le Mercure,
à Paris , peuventfe fervir de cette voye
pour les faire tenir.
On prie très-inftamment , quand on adreffe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toûjours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non -feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardė
de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de la premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreffes à M. Moreau
qui aura foin de faire leurs Paquets fansperte
de temps , & de les faire porter fur
T'heure à la Pofte , ou aux Meffageries qu'on
lui indiquera.
PRIX XXX. SOLS.
MERCURE
DE
FRANCÈ ,
DÉDIÉ AU
ROT.
JUIN.
1734.
PIECES
FUGITIVES ,
en Vers et en Prose.
L'EN VI E.
OD E.
Uels sont ces bords où la Nature
Languit et paroît expirer ;
Au fond d'une Caverne obscure ,
J'entens gémir et soupirer ;
Des Serpens en gardent l'entrée ,
Dans cette demeure abhorrée ,
L'Eclair me précede et me suit ,
I. Vol. A ij
La
1048 MERCURE DE FRANCE
La Foudre gronde , je frissonne ;
Ciel , quel jour affreux m'environne
Ah ! rendez- moi plutôt la nuit.
Un Autel dressé par les crimes ,
D'abord épouvente mes yeux;
Le sang des plus nobles Victimes ,
Est l'encens qui fume en ces Lieux ;
L'horrible Envie est la Déesse ,
A qui cet hommage s'adresse ;
C'est ici son fatal séjour ;
Sur son front habitent les craintes ,
L'erreur sur ses levres éteintes
Et son sein nourrit un Vautour.

Ses Sujets partagent sa peine ,
Aux mêmes tourmens condamnez ,
Devant cette superbe Reine
Ils sont à regret prosternez ;
La pâle langueur les consume ,
Soit que l'Astre du jour s'allume ,
Ou soit qu'il éteigne ses feux ,
Ils vivent en proye aux allarmes ;
L'abondance excite leurs larmes ;
>
La joye est un tourment pour eux.

C'est par les désordres du monde
E
I. Vol.
Qu'on
JUIN. 1049 1734.
Qu'on peut compter tes attentats ,
Furie en cruautez féconde ,
Les ravages marquent tes pas ;
En des lieux où l'horreur réside ,
Où l'affreuse Hécate préside ,
Ta rage aux Enfers a recours ,
Et dans son aveugle folie ,
Des charmes de la Thessalie
Elle emprunte les noirs secours.
Elle arme la haine cruelle
'Au pied d'un funeste Tombeau ,
La Discorde au regard rebelle ,
Lui prête un sinistre flambeau ;
Dans une Coupe séduisante ,
Ici , la trahison présente ,
Les Poisons par toi préparez ,
Le masque de l'hypocrisie
Là , déguise ta frénesic ,
Et rend tes coups plus assurez.
La Cour est le fameux Théatre
De tes ambitieux projets ;
D'un rang plus haut , vile idolâtre ,
Tu le brigues par des forfaits ;
Tu l'obtiens sous de noirs auspices ;
Victime de tes artifices ,
1. Vol
A iij
Le
Togo MERCURE DE FRANCE
Le mérite n'a point d'appui ;
Tu t'applaudis quand il succombe ;
Mais sur toi quelquefois retombe]
Le Trait qu'on lançoit contre lui.. De
SK
Eh quoi les Peuples les plus sages ,
A tes soupçons ouvrent leurs coeurs ;
Athênes sur des bords sauvages ,
Relegue ses Enfans vainqueurs ;
Miltiade , peut - on le croire ?
Des Grecs n'a cherché que la gloire
Et meurt dans les fers à Paros ,
Quand ton injustice décide ,
L'éclat d'une valeur rapide
Est un crime pour un Héros.
Il rend le fils suspect au Père , (a)
Surena vainqueur à son Roy , (b)
L'Epoux d'Aprippine à Tibere , (c)
Qu'avilit la honteuse Loy ;
Atteint de ton poison funeste
Uu Sexe dont le front modeste
Ne respire que la douceur ,
Contre une Rivale trop belle
(a ) Nicomede à Prusias .
(b) Surena , Favori d'Orode , Roy des Parthes.
(c ) Germanicus.
I. Vol. Porte
JUIN.
1734 TOSI
Porte sa vengeance immortelle ,
Jusqu'à la barbare fareus.
Qu'entends-je , quels Oiseaux funebres
Par d'odieux croassemens ,
Vont insulter les Morts celebres
Dans le repos des Monumens !
Cessez vos éternels murmures ;
Loin de ces lieux , Races impures ;
Vos cris se perdent dans les Airs ;
Les Homeres et les Virgiles ,
Sont malgré l'effort des Zoïles ,
Les délices de l'Univers.
Faut-il que du sacré Permesse ,
L'Envie ose infecter les Eaux ›
Faut-il qu'une lâche foiblesse ,
Flétrisse d'illustres Rivaux ?
Mais que peuvent toutes ces ligues ,
Ces complots secrets , ces intrigues ,
Ce sont des Torrens dans leurs cours ;
Leurs flots grossis bien - tôt décroissent ,
Les Censeurs jaloux disparoissent ;
Et le beau triomphe toujours.
Cherchons des Athletes insignes.
Plus la victoire suit leurs pas ,
1. I. Vol. A iiij
Plus
1052 MERCURE DE FRANCE
Plus de nos efforts ils sont dignes ;
Leur gloire ennoblit nos Combats ,
C'est par des chef- d'oeuvres durables ,
Et non par des Ecrits coupables ,
Que nous devons la disputer ;
Jamais les Triomphes des autres
Ne pourront obscurcir les nôtres ,
Si nous sçavons en mériter.

>,
L'émulation est permise ;
Elle sert au progrès des Arts ,
Soutient une noble entreprise ,
Nous anime dans les hazards ;
On lui doit les plus grands courages
On lui doit ces rares Ouvrages
Que respecteront nos neveux ;
L'ardeur de vaincre est légitime ;
Mais elle fait regner l'estime
Sur des Concurrens genereux.
Rentre dans l'infernal Empire ;
Monstre digne de son horreur ;
Ta fuite , au jour que je respire ,
Rendra sa premiere splendeur ;
Traîne sur les bords du Cocyte
Ta haine pour le vrai mérite ,
Tes chagrins , ta honte , tes fers ,
I. Vol.
JUIN. 1053
1734-
Et voy la Vertu orissante
Braver ta fureur impuissante ,
Dans les Cieux qui lui sont ouverts.
Ah pereat livor dum´scandit ad athera virtus .
Par M. l'Abbé Poncy de Neuville.
SUITE de la Dissersation sur les trois
Systêmes Chronologiques &c.
SECONDE PARTIE.
Preuves de la verité du Systême de Caton :
E dis donc d'abord que l'autorité de
Caton , en cette matiere de Chronologie
Romaine , me paroît de beaucoup
préferable à celle de Varron , soit parce
que Caton est de plus de cent ans plus
ancien que Varron , soit parce qu'au raport
de Cornelius - Nepos , il avoit composé
des Livres d'Histoires , où il recherchoit
soigneusement et en détail l'Antiquité
et les origines de chaque Républi-
J en catre
: Varron au contraire étoit plus moderne
, et par conséquent plus éloigné
des sources , où l'on peut puiser ces sortes
de connoissances ; et s'il étoit le plus
Sçavant desRomains,c'étoit dans un autre
genre, comme dans la Grammaire et dans
IVol A v la
1054 MERCURE DE FRANCE
la Philosophie , plutôt que dans l'Histoire;
et les 50 volumes qu'on dit avoir été
composez par lui sur ces Sciences , ne forment
pas un trop heureux préjugé en faveur
de son exactitude.
Ajoutez pour seconde raison que l'au
torité de Caton est suivie , appuyée et
extrémement fortifiée par celle de Tite-
Live , de Polybe qui étoit à peu près du
même tems que Caton et de celle de Denis
d'Halicarnasse , qui passe avec raison pour
le plus judicieux , le plus exact Ecrivain ,
et pour le plus curieux , le plus fidele et
le plus détailléChronologiste de l'Histoire
Romaine.
Une troisiéme raison , c'est que les Auteurs
qui ont suivi Varron , l'ont fait par
la bonne opinion et la grande idée qu'ils
s'étoient formée de lui et de sa science ,
plutôt que par aucune raison solide. Le
P. Petau , qu'on regarde comme le Prince
des Chronologistes modernes , ne dir- il
pas , ( Rat. part. 3. 3. 2. ) qu'il est difficile
de décider laquelle des deux opinions
deVarron ou de Vesrius est la plus véritable
? et néanmoins sans séulement mettre
celle deCaton en parallele avec elles , etsans
apporter la moindre raison , ne se déclaret-
il
pas ouvertement pour Varronensuite
par une manifeste petition de prin-
I Vol.
cipe ,
JUIN. 1734. - 1055
pe , et en supposant par tout que cet
Auteur qu'il lui a plu d'adopter , est infaillible
, ne fait- il pas le procès aux plus
grands Historiens de l'Antiquité , aux
Polybes et aux Denis d'Halicarnasse , et
ne les condamne- t- il pas , comme on dit,
sur l'étiquette du sac , et se contentant de
mettre à la marge ( part. 3.11 . 3. ) erreur
de Polybe et de Denis d'Halicarnasse ,
sans se soucier de le prouver dans le texte?
Une quatrième preuve de la verité du
calcul de Caton , et par conséquent de la
fausseté de celui de Varron , preuve qui
ne me paroît pas à rejetter , c'est que
Caton ne suppose que des faits certains
et attestez par tous les Auteurs , quand
il marque les années de Rome par les
Consuls , les Tribuns consulaires & c :
Varron au contraire est le premier des
Anciens qui ait ainsi compté des Dictatures
pour desannées séparées : il en est le seul
créateur , elles sont de sa pure invention,
et il les a controuvées au besoin pour appuyer
le sentiment de son bon ami , le
faiseur d'Horoscopes, TarritiusFitmianus,
qu'il avoit chargé et prié de rechercher
exactement le jour précis où Rome fut
fondée . Celui - ci , plutôt que de demeurer
court en si beau chemin , d'avouer
l'insuffisance et la vanité de son Art , sur
1. Vol. A vj tout
1056 MERCURE DE FRANCE
tout pour une pareille recherche, crut au
contraire devoir saisir l'occasion de se distinguer
et de se faire valoir en s'élevant
au- dessus de tous les autres Sçavans qui
l'avoient precedé.
Il tira donc l'horoscope de Rome , et
assura que l'année de sa fondation répondoit
à la troisième année de la sixième
Olympiade ; et pour jetter du merveilleux
dans cette époque , non content de l'éclipse
de Soleil , que plusieurs Auteurs
très dignes de foi rapportent être arrivée
vers le temps de la mort de Romulus
et qu'on trouve dans les Tables Astronomiques
, il en marque encore deux autres
de son autorité privée , l'une au moment
de la naissance de Romulus , l'autre à
celui de la fondation de Rome et apparemment
lorsqu'on mettoit la premiere
pierre. Mais comme il étoit plus Astrologue
qu'Astronome il n'a pas eu le
bonheur de rencontrer juste ; et le calcul
Astronomique n'a point encore fait découvrir
ces deux éclipses de la création
de Tarrutius.
"
C'est pourtant pour donner la vogue
à cette opinion , que Varron s'est vû oblid'ajoûter
deux années au nombre de
celles que comptoit Caton. Mais Varron
voyant qu'il étoit regardé comme un Sça-
I. Vol. vant
JUIN. 1734.
1057
vant du premier ordre,n'a pas voulu faire
regner Romulus ou quelqu'un des autres
Rois deux ans de plus qu'ils n'ont regné :
il auroit été refuté trop facilement par le
témoignage constant et unanime des Historiens.
Il s'est aussi bien donné de garde
d'augmenter de deux Consulats la liste des
Consuls : cette supercherie eut été grossiere
et n'auroit induit personne en erreur .
Taillant donc en pleine étoffe , pour ainsi
parler , et espérant se cacher dans l'obscurité
des années chargées d'évenemens
il a choisi la 305º de Rome , la 3 * du Décemvirat
et les 430 , 444 et 451 : et comme
il ne lui falloit que deux ans pour remplir
son systême , chose assez singuliere ,
et qui fait peu d'honneur à son jugement!
dans la même année 305 la plus remplie
de faits , il a confondu le Consulat d'Horatius
et de Valerius avec le Décemvirat
d'Appius et des neuf autres Décemvirs
et n'a ainsi donné à ces deux illustres
Protecteurs du peuple opprimé qu'un petit
reste d'année contre toute verité et
toute vraisemblance , tandis qu'il a libéralement
accordé des années entieres à des
Dictateurs qu'on ne créoit souvent que
pour un tems très- court et jamais pour
plus de six mois.
La Dictature même étoit une Magistra-
1. Vol. ture
1058 MERCURE DE FRANCE
ture extraordinaire , qui bien que supérieure
aux autres ne les anéantissoit pas,
et n'empêchoit pas la création des autres
Magistratures annuelles et ordinaires
comme il paroît évidemment par lesDictatures
de Sylla et de César , pendant la
durée desquelles il y eut toujours à Rome
des Consuls nommés même dans lesFastes
Capitolins.
Je conclus donc cette preuve , sur laquelle
j'ai cru devoir m'étendre un peu
plus que sur les autres , et je dis que Varron
,sans exemple , et contre toutes les coutumes
des Romains et le témoignage de
tous les Historiens qui assurent le con-
,traire , a placé de son chef trois Dictatures
entre des Consulats , dont il les a séparées
sans aucune raison .
Voilà assez de preuves tirées de l'autorité
et du témoignage des Auteurs dignes
de toute créance : il est temps présente
ment de passer aux démonstrations puisées
dans les principes de l'Astronomie . Elles
prouvent avec encore plus d'évidence et
de certitude , que Caton et ceux qui le
suivent ont raison et qu'au contraire
Varron et ses Sectateurs ont tort. Pour
ne pas ennuyer et accabler mes Lecteurs,
je réduirai à un petit nombre ces sortes
de démonstrations.
و
1. Vol.
La
14. 1754° 1039
"
La premiete qui se présente et qui est
des plus simples et des plus claires , se prend
de l'année de la mort de Romulus marquée
par une éclipse de Soleil ,que le Pere
Petau ( 3. 3. 186. ) rapporte au 26 May
715. avant J. C. or selon tous les Historiens
et selon Varon même et les Fastes
ainsi que nous l'avons démontré dans la
premiere partie de cette Dissertation , l'année
de cette mort de Romulus est la 37
de la fondation de Rome : car il n'y a
personne qui ne fasse commencer le regne
de Romulus au moment de cette fonda-
-
tion , et qui le prolonge au delà de 37
ans. Tout le monde convient donc que
l'année 37. de Rome est la derniere de
Romulus on dispute seulement si la
premiere année de cette fondation est la
3 de la 6 Olympiade , 753 avant . J. C.
comme le veut Varron , ou la 4 de cette
6 Olympiade , 752 avant J. C. comme
le marquent les Fastes ou les Marbres
Capitolins et Verrius Flaccus ; ou enfin
si elle est la premiere année de la 7Olympiade
, 751 avant J. C. comme le soutiennent
Caton , Polybe , Titc- Live Tite- Live ,
Denis d'Halicarnasse et nous aussi avec
ces illustres Auteurs. Une petite addition
qui est de toutes les opérations d'Arithmétique
la plus facile et la moins composée ,
I. Vol.
va
1060 MERCURE DE FRANCE
va vuider la question et terminer cette
importante dispute. Ajoûtez 36 à l'an
715 avant J. C. qui correspond à la 37.
de la fondation de Rome , et vous aurez
pour la premiere année de Rome non pas
753 avant J. C. comme Varron , ni 752
comme les Fastes , mais 751 comme Caton.
Une seconde preuve de même genre
que celle-ci , se tire de la comparaison de
deux éclipses , l'une de Soleil dont on
vient de parler , arrivée le 26 May 715.
avant J. C. l'autre de Lune marquée aussi
par le même Pere Petau , ( 3. 2. 175. ) et
arrivée le 22 Juin 168. la veille du jour
de la Bataille , où le Consul Paul Emile
défit Persée dernier Roy de Macédoine.
Cette année 168. avant J. C. est selon
Caton 84 de Rome , selon les Fastes
585 et selon Varron 586 : de sorte que
de l'une à l'autre éclipse , c'est-à- dire depuis
168. jusqu'à 715. avant J. C. il y a
547 ans. Mais selon Varron depuis l'année
37 de Rome jusqu'à la 586. il y a 549
ans , deux de trop selon les Fastes , jusqu'à
l'an 585. il y en a 548. un plus qu'il
ne faut ; selon Caton jusqu'à la 584. il y
en a 547 tout juste. C'est donc le systême
de Caton qui est le seul véritable , puisqu'il
s'accorde parfaitement avec le cal-
I. Vol. cul
JUIN. 1734 1061
cul Astronomique qui est sûr et invariable
3 et tous les autres systêmes sont faux
puisqu'ils sont contraires au mouvement
des Astres si certain , si reglé et si familier
à nos Astronomes , qu'à une minute
près ils nous prédisent d'avance les éclipses
de Soleil et de Lune pour tous les siecles
suivans , et que pour tous les précédens
ils nous les calculent avec une entiere
exactitude en rétrogradant.
:
Je pourrois,si je n'appréhendois d'être
trop long , me servir encore des éclipses
tant de Soleil que de Lune des années 217.
190. 104. 63. 51. 5o . et autres années
avant J. C. et en former des démonstrations
pareilles à celles que je viens d'apporter
mais je finis et je me contente de
tirer de tous les principes que j'ai établis
quelques conséquences de pratique , qui
serviront à ne se point tromper en lisant
les Auteurs qui ont suivi les faux systêmes
de Varron et des Fastes ou d'autres encore
plus mauvais , et à trouver sans peine
f'année véritable avant J. C. à laquelle
répondent les différentes supputations des
années de Rome.
,
Premiere conséquence ' ; le systême de
Caton étant le seul vrai ainsi que nous
l'avons démontré , il est clair que pour
avoir l'année véritable avant J. C. qui
I. Vol. ré1062.
MERCURE DE FRANCE
répond à la Catonienne , il ne faut que
prendre le nombre , qui ajouté à celui de
Caton fasse la somme de 752. Je veux
sçavoir, par exemple , combien d'années
avant J. C. est la 245. de Rome , pre-
- miere année du Consulat, je prends 507.
qui ajouté à 245. fait 752. ainsi ce nombre
507. marque l'année d'avant J. C.
qui répond à la 245 de Rome.
La deuxième conséquence qui est encore
plus importante que la premiere
c'est que pour rectifier les années Varroniennes
et avoir l'année d'avant J. C.
qui leur réponde dans la verité , on doit
leur ajouter un nombre , qui depuis la
premiere jusqu'à la 305. fasse 752. depuis
la même année 305. jusqu'à la 429. fasse
751. depuis la 430. jusqu'à la 444. fasse
752. depuis la 445 jusqu'à la 452. fasse
753. enfin depuis la 453. jusqu'à la fin
fasse 754. Voilà pour les années de Varron
. Quant à celles des Fastes , ajoutez un
nombre , qui jusqu'à 243. donne 752.
depuis 243. donne 751. depuis 304 donne
750. depuis 429. donne 751. depuis 444 .
donne 752. enfin depuis 452. donne 753 .
Je rends ceci sensible et palpable par
quelques exemples.
On demande la véritable année d'avant
J. C. qui réponde à la 364. de Rome
I Vol. qui
JUIN. 1734.
1063
qui est celle de la prise de Rome selon
Varron . Comme cette année 364. est entre
305. et 429. je n'ajoute que 387. qui
avec 364. fait 751. et ce nombre 387.
marque l'année juste et précise avant J.
C. où Rome a été prise . La raison de ceci
est évidente , puisque Varron ayant manqué
mal - à-propos de compter l'année
306. qui est celle du Consulat d'Horace
et Valere , et n'en ayant fait qu'une même
année avec la 3. du Décemvirat , il doit
avoir dans la suite sur les années de la
fondation de Rome une unité de moins
que Caton , jusqu'à ce qu'en 430. en insérant
la Dictature de Papirius , et corrigeant
cette erreur par une autre erreur
contraire , il revienne à l'égalité du nombre
des années de Rome avec Caton . Dans
cc: entre-deux il faut donc , pour corriger
l'expression des années Varroniennes ,
leur ajouter , 1 ° . Cette unité qu'elles ont
de moins que les Catoniennes, afin de les
leur égaler ; 2 ° .. Un nombre qui avec
elles augmentées ainsi de l'unité , fasse
752. ou , ce qui revient au même , ajouter
seulement un nombre , qui joint à
elles ne donne que 751.
·
Par cette regle on trouve que Varron
met la prise de Rome par les Gaulois trois
ans plûtôt qu'il ne faut, en la plaçant l'an
I Vol. 364.
1664 MERCURE DE FRANCE
>
364. de Rome , qui selon lui est la 390
avant J. C. Polybe au contraire qui
étoit cent ans environ plus proche de ce
temps- là que Varron , qui d'ailleurs est
un Ecrivain tout autrement exact et bien
plus croyable que lui en matiere d'Histoire
, et dont enfin le poids et le témoignage
mis dans une juste balance , l'em-,
porte de beaucoup sur celui de Varron ;
Polybe , dis-je , marque cette année de la
prise de Rome par des caractéres si précis
et si distinctifs , ( la 22. année de la
98. Olympiade ; la 19. après la défaite des
Athéniens par Lysandre , 405. avant J.
C. la 16 avant la Bataille de Leuctres
371. avant J. C. ) qu'il faut absolument
vouloir se tromper et ne voir goute en
plein midi , pour ne pas reconnoître ici
l'an 387. avant J. C. A la marge donc de
l'endroit du Rationarium, cité plus haut à
la fin de la troisiéme preuve , mettez en
lettres italiques ce titre- ci : Erreur de Varron
et du Pere Petau , au lieu de celui - ci
qu'on y trouve ; Erreur de Polybe et de
Denis d'Halicarnasse. Cette remarque peut
très - bien être placée au nombre des preuves
du premier ou du second genre que
nous avons alleguées plus haut.
Encore un exemple et je finis . A quelle
année avant J.C. doit-on rapporter la 243
1Vol. de
JUIN. 1734 1965
de Rome selon les Fastes ? il faut distinguer
si c'est la 143 et derniere des Rois ,
elle a rapport à la 509. avant J. C. qui
avec elle fait 752. mais si c'est la 243 et
premiere du Consulat , elle ne se rapporte
qu'à la 508.qui jointe à 243. ne donne
751.Voïez.en la régle et la raison plushaut.
que
LAURE A PETRARQUE ,
ELEGI E.
EN vain vous combattez un progrès salutaire;
Petrarque , c'en est fait , rien ne peut m'en distraire
;
Si je vous aimois moins , je ne vous fuirois pas ;
Hymen, je l'avouerai , n'a pour moi nul appas ,
' est le tombeau fatal de l'ardeur le plus tendre;
.. peine quelques feux renaissent de sa cendre;
L'Amant le plus soumis et le plus empressé
1.poux , devient un Maître, imperieux , glacé ,
Jaloux sans amour même , esclave du caprice
Dont le front inquiet sans cesse se herisse ,
Et qui lassé d'un bien dont il est possesseur ,
Souvent d'un vil objet injuste adorateur ,
Laisse une Epouse aimable aux pleurs abandonnée ;
* Laure se retira du monde et exhorta son Amant
à faire de même , il se fit Ecclesiastique : In vitâ
Petrarcha autore Savellio .
I Vol.
Accu1066
MERCURE DE FRANCE
Accuser en secret sa triste destinée ;
Vous me jurez , Petrarque, une constaute foi ;
Mais l'homme est si leger, si vous changiez pour
moi...
Ah ! je m'en fais d'avance une image cruelle ,
Oui, je craindrois toujours de vous voir infidelle,"
Et je cherche uu Amant qui ne change jamais
D'ailleurs le temps jaloux effacera mes traits ;
Vous ne trouverez plus en moi les mêmes char
mes ,
Vous faites mon bonheur , vous causeriez mes
larmes ;
Mais pourquoi m'arrêter à ces motifs humains
Elevons-nous par eux à de plus hauts desseins
Qu'un feu plus pur succede à de terrestres flammes
;
De l'Empire des sens affranchiffons nos ames ;
Dieu m'appelle , sa voix excite mes remords ,
Je fais pour les calmer d'inutiles efforts ;
Dès mes plus tendres ans je lui fus consacrée
Trop long-tems loin de lui je me suis égarée ;
Il a versé sur nous ses plus rares présens ,
Vous devez à sa gloire employer vos talens ,
Et c'est moi contre lui qui vous prête des armes;
De ma foible beauté vous celebrez les charmes
J'ai troublé le repos de votre heureux séjour ,
Mes yeux vous ont appris à connoître l'amour ;
Cet amour vous arrache à votre solitude ,
Vous ne pensez qu'à moi ; la sagesse et l'étude
I. Vol. N'ont
JUIN.
1734 1067
N'ont pour vous aujourd'hui que de tristes plaisirs
;
Vous seul êtes l'objet de mes tendres desirs ;
La vertu , dites-vous , regle notre tendresse ,
La plus pure amitié tous deux nous interesse ;
Ne nous engageons pas dans un combat douteux
;
Des amis tels que nous sout toujours dangereux ;
Cette ardeur délicate est une idolâtrie
Sous des traits vertueux dans notre ame nourrie ;
Elle sait la séduire en cachant le poison ,
Dont la douceur perfide enyvre la raison.
Le Dieu que nous servons ne veut point de partage
;
Ne dites point qu'en moi vous aimez son Image ;
it au fond des coeurs ; cessons de nous tromper
;
A ces regards perçans rien ne peut échaper 3
Gardons-nous d'alleguer d'invincibles obstacles;
Son bras n'interrompt point le cours de ses miracles.
Sur un penchant fatal l'homme s'excuse envain
Aussi tendres que nous , Madeleine , Augustin,
Cherchant le vrai bonheur et lassés dans leur
course "
N'en ont trouvé qu'en Dieu l'inépuisable source,
Comine eux nous le cherchons , il nous fuit ; "
mais helas !
Peut-on le rencontrer où Dieu ne regne pas ?
I. Vol. Et
1e68 MERCURE DE FRANCE
Et regne t'il , Petrarque , où triomphent les cri
mes ?
D'un monde séducteur déplorables victimes
Nous avons trop suivi ses pompes et ses jeux ›
Il amusa nos sens , a- t'il rempli nos voeux ?
Aspirons l'un et l'autre à des biens plus solides;
Que la raison , la foi , la grace soient nos gui
des ;
C'est Dieu seul qui sur vous l'emporte dans mon
coeur ;
Vous pouvez avoüer un si noble vainqueur ;
Mais ce n'est point assez, il faut nous interdire
La douceur de nous voir , celle de nous écrire ;
Au danger qui nous plaît imprudemment s'of
frir ,
Est- ce combattre ? non , c'est chercher à périr.
Par M. Poncy de Neuville .
XXXXXXXXXXXXXXX
LETTRE du R. P. Tournemine à M. de
la Roque.
Ous m'avez , Monsieur , donné un
Adversaire redoutable ; mais j'ai
depuis long- tems l'honneur d'être ami
du R. P. Dom Calmet , et nous ne combattrons
que de civilité.
Mon sçavant Adversaire m'accorde que
I. Vol. ces
JUIN. 1734 1069
ces deux mots à ligno étoient dans la Ver
sion Italique , aussi ancienne que l'Eglise
; que plusieurs Peres Latins en differentes
Contrées les ont lûs dans leurs Exemplaires
; que l'Eglise Latine les a retenuës
dans ses Offices , même après avoir admis
generalement la Vulgate , où ils ne
sont pas peut- on supposer que le Traducteur
qui a donné aux premiers Chrétiens
la premiere Version Latine , qu'on
appelle Italique , ne les lisoit pas dans les
Exemplaires Grecs qu'il traduisoit ? Peuton
supposer que dans cette multitude de
Papes , d'Evêques , qui ont recû et proposé
cette Version à leurs Peuples pen ?
dant plusieurs siecles , aucun n'ait con
sulté les Exemplaires Grecs , ou qu'on les
ait examinés sans s'appercevoir de l'infidelité
du Traducteur ? Le Critique le
plus outré n'accorderoit pas à cette conjecture
le moindre degré de vraisemblance.
Voilà donc plusieurs Exemplaires
Grecs très anciens répandus en divers
Pays , où ces deux mots se trouvoient ,
il falloit que leur nombre et que leur antiquité
fit une grande impression sur les
esprits , pour balancer l'autorité de saint
Jerôme. Cassiodore à qui on n'osesoit refuser
la qualité d'habile et judicieux Critique
, Cassiodore qui avoit pris tant de
1.Vol. B soin
·
1070 MERCURE DE FRANCE
soin pour rassembler les Exemplaires les
plus corrects des Saintes Ecritures , s'exprime
en termes et clairs et décisifs sur
notre question , le R. P. Dom Calmet
les a rapportés , je les repete , ils doivent
être d'un grand poids : A ligno alii quidem
non habent interpretes. sed nobis sufficit
quod septuaginta Interpretum, autoritate firmatum
est. » Ces deux mots à ligno ne sont
» pas dans d'autres Versions , mais pour
» nous l'autorité des Septante nous suffit¸«<
Soupçonnera- t on ? est- il permis de soupçonner
que Cassiodore parloit ainsi , sans
avoir sous les yeux des Exemplaires Grecs
où il lisoit ces deux mots ?
و
Mon Sçavant Adversaire convient en- ,
core que S. Justin assure qu'ils étoient
dans les Exemplaires Grecs , que les Juifs
les avoient ôtés de l'Hebreu . Il convient
que Triphon , Juif habile , qui dispute
avec Saint Justin , reconnoît que ces mots
sont dans les Exemplaires Grecs et se
retranche à justifier les Juifs de la prévarication
dont Saint Justin les accuse. Il
est vrai que le Docte Abbé de Senone ne
marque pas une grande estime pour Saint
Justin ; en ce point nous pensons fort differemment.
Saint Justin me paroît un
des plus Sçavans hommes de son siecle ,
également versé dans les Disciplines Sa-
I. Vol.
crées
JUIN. 1734 1071
crées et profanes . Nos Critiques pointilleux
lui font quelques reproches ; mais
si quelques- uns sont fondés , d'autres ne
sont que de mauvaises chicanes , et si
l'on réunissoit les voix des connoisseurs,
je doute que le Saint Docteur perdit sa
cause. Indépendamment de la science de
Saint Justin et de Triphon , à qui persuadera
t- on que de leur tems les deux
mots en question n'étoient pas dans les
Exemplaires Grecs ? Si on ne les lisoit pas
dans plusieurs Manuscrits , l'objection de
Saint Justin étoit pitoyable , et Triphon
en auroit fait sentir la foiblesse . Quoi !
eut-il dit , vous reprochez aux Juifs d'a -
voir rétranché de l'Hebreu deux mots
qui ne sont pas dans le Grec dont vous
vous servez. Voilà donc en Orient et en-
Occident des Manuscrits Grecs dans lesquels
on lisoit les deux mots.
Je conviens à mon tour que la citation
de Saint Ephrem peut être contestée.
Dans la Traduction Latine du Sermon
de la Croix on lit à ligno , ces deux
mots ne sont point dans le Grec imprimé
en Angleterre , je l'avoue. J'ai cependant
de la peine à croire que leTraducteur
Latin les eût mis dans sa Version , s'ils n'étoient
pás dans le Manuscrit Grec ; quel
interêt l'auroit obligé à cette falsification ,
J.Vola Bij dans
172 MERCURE DE FRANCE
--
dans un tems où la Vulgate en laquelle
ces deux mots ne sont point , étoit reçûë
par toute l'Eglise ? On m'objecte encore
que M.Assemanni *n'a point vû enOrient
de Manuscrit de cette Homelie ; cela démontre-
t-il qu'il n'y en a point ? Je sçais
que les Versions Syriaques imprimées ne
sont ni fort anciennes , ni fort autorisées:
j'ai n'ai parlé que de la Version Syriaque
dont se servoit S. Ephrem, et avec laquelle
avoit été formée l'Eglise de Syrie ; il est
aussi probable qu'on y lisoit àligno , qu'il
est improbable que le Traducteur Latin
les ait inserés dans sa Version sans les
avoir lûs dans le Grec , et que le Traduc
teur Grec ne les ait pas lûs dans le Syria
que.
Venons à la conjecture ingenieuse de
Salmeron et d'Agellius. La réputation de
ces Sçavans et judicieux Critiques lui donne
une grande force , mais je n'en ai pas
besoin mon sentiment ne porte point
sur des conjectures , il n'est fondé que
sur un fait . Ces deux mots à ligno se li
soient dans les Manuscrits des Septante .
sur lesquels a été faite la premiere Version
Latine , aussi ancienne que l'Eglise
* Sçavant Maronite , aujourd'hui Garde de la
Bibliotheque du Vatican
I. Vol. dans
JUIN. 1734. 1073
dans les Manuscrits de S.Justin et de Triphon,
dans les Manuscrits de Cassiodore.
Le sentiment de mon Illustre Adversaire
n'est appuyé que sur des conjectures
. Premiere conjecture. Ces mots ont
passé du Latin dans le Grec , je demande
par quelle machine s'est fait ce transport
? semble- t- il possible ? en citera - t on
un seul exemple ?
Seconde conjecture . C'est la pieuse
fraude de quelque Chrétien . Le respect
que les Chrétiens avoient pour l'Ecriture
me défend de le penser . Quoi ! n'auroit-
on pas reclamé en Orient et en Occident
contre cette falsification ?
Je dirai à l'occasion de ces pieuses fraudes
, qu'on a grand tort de les imputer
aux premiers Chrétiens. Les plus habiles
Critiques attribuent aux Juifs Alexandrins
et aux Heretiques ces Ecrits supposés.
On n'a aucune preuve qu'un seul
Catholique , pendant cinq siccles , se soit
rendu coupable de ces suppositions . Cette
manoeuvre indigne de la sincerité Chrétienne
ne convient qu'aux Heretiques ,
et ils en ont été convaincus dans tous les
siecles. Qu'on ne me dise pas qu'un Prêstre
Disciple de Saint Paul , étoit Auteur
des faux Actes de Sainte Tecle ; je n'ai
garde de mettre au rang des Catholiques
1.Vol. B iij
UE
1074 MERCURE DE FRANCE
un Ecrivain dont l'Ouvrage est rempli
d'erreurs grossieres, qui faisoit baptiset un
Lion . Au reste , Monsieur , je suis fort
éloigné d'accorder que la supposition du
fameux Passage de Joseph soit reconnuë
et avoüéè ; au contraire je suis prêt de
montrer que la raison et l'autorité prouvent
également qu'il est legitime.
Concluons : Ces mots à ligno ont été
certainement dans la Version des Septante.
Imitons donc la sage circonspection
de l'Eglise , qui même après avoir reçû
la Vulgate , les retient dans ses Offices .
La raison solide qui a déterminé l'Eglise ,
c'est que pendant les premiers et les plus
beaux siecles de la même Eglise , ils ont
fait une petite partie de l'Ecriture Sainte
qui étoit en usage. Je suis , Monsieur , & c.
A Paris le 6. Mai 1734.
EPITRE
A M.... sur le danger de produire
ses Ouvrages.
D Onneurs d'avis sont toujours indiscrets ,
Et sur ce ton l'on prône sans succès ;
Mais ne m'en chaut , et sans craindre votre ire
I. Vol. Vous
JUIN. 1075 1734.
Vous dirai net que faites mal , beau Sire ,
De vous livrer à l'attrait séducteur ,
Que vous présente un dangereux honneur.
Du bel esprit la brillante carriere ,
Vous éblouit ; un jeune témeraire ,
De gloire avide , affronteur de dangers ,
Jà d'Hélicon moissonnez les Lauriers ;
Puis tout d'un trait , près d'Ovide et d'Horace ,
Modestement assignez votre place.
Moi , direz- vous , quoi ! d'un projet si vain .. ↓
Je vous entends , ne disputons en vain .
Eh bien ! je veux , que content de la gloire ,
Qui suit l'aveu des Filles de mémoire ,
N'ayez pour but que de vous faire un nom ;
Et de loger sur le penchant de Mont.
C'est sur ce plan que consentez d'écrire ;
Mais vous voulez que toujours on admire ;
Ou qu'on se taise ? ami , ne croyez point
Que le Public vous accorde ce point.
Oui , le Public , ce Juge si severe ,
Qui rit par fois du siflet du Parterre ,
A sa balance ajustant vos Ecrits ,
'Verra vos soins peut - être avec mépris.
Si ne craignez un revers si funeste ,
Craignez du moins la dangereuse peste
Des Calotins , qui par monts et par vaux ,
S'en vont semant leurs quolibets brutaux
Sur tout Auteur qui n'a l'art de leur plaire ;
1. Vol. B iiij Trou076
MERCURE DE FRANCE
Troupe félonne , engeance de Vipere ,
Sont le poison plus caustique et plus noir
Alambiqué dans leur obscur manoir ,
A la Vertu , non moins qu'à la Science ,
A tant de fois fait sentir sa puissance.
Heureux encor si n'aviez pour Censeurs
Que cet amas d'intraitables Rimeurs !
Mais par méchef si d'humeur satyrique ,
Quelque Sçavant , à vous tancer s'applique ,
( Car il en est qui traitent en Rival ,
Quiconque a l'heur d'écrire un peu moins mal
Que le commun , ) lors verrez , pauvre haire ,
Tantôt traité d'indigne plagiaire ,
De mince Auteur d'antithèse cousu
Tantôt taxé de style morfondu ,
Vuide de sens , abondant en paroles ,
Farci sans goût de flasques hyperboles ,
Bref , piece à piece épluché , contredit , ;
Ce que l'on gagne à produire un Ecrit .
Vous aurez beau crier à l'injustice ,
Moins écouté qu'en Chapitre un Novice ,
Serez réduit à ronger votre frein ;
Lors des Grimauds le fanatique Essain ,
Tombant sur vous avec brusque incartade ,
Vous portera mainte et mainte estocade .
Quel Ecrivain ! diront - ils à l'instant ;
Concevez- vous rien de plus rebutant ?
Informe amas de preuves surannées ,
I. Vol.
Tant
JUIN. 1734. 1977
Tant bien que mal au sujet aménées ;
Exorde sec , dessein embarassé :
Le pauvre Auteur , pour fuir le ton glacé ,
Sans cesse court après la métaphore ,
Prêt à changer Méduse en Terpsicore
Puis , remarquez de ces transitions ,
Le peu d'adresse , et des refléxions ,
Le vuide affreux . Voila pour votre Prose.
Venons aux Vers , verrez bien autre chose.
Oh ! pour le coup eussiez - vous d'Apollon ,
Surpris la Lyre et saisi le vrai ton ,
Tout d'une voix la Troupe pédantesque ,
Vous renverroit par un Arrêt burlesque ;
Pour n'avoir pris la route de Breboeuf ,
A vous louer aux Chantres du Pont-Neuf.
Eh ? d'où nous vient cet énervé Poëte ?
Onc sur le Pinde on n'a vû tel Athlete ,
De ces Gloseurs c'est le commun Roller ;
Mais ne sçavez peut - être le sujet ,
Qui de fureur contre vous les anime ?
'De traits malins s'accomode la Rime.
Ecoutez-les dans le pressant danger ,
C'est fait de nous , si, lents à nous venger ,
Nous attendons que sa verve insolente ,
A nous pincer en secret se tourmente ,
Ou si gardant un silence niais ,
De son Essai couronnons le succès.
Qu'ainsi ne soit , avares de loüange ,
I. Vol
BV Quand
1078 MEKUUKE DE FRANCE
Quand un Auteur , jusqu'aux rives du Gange →
Auroit porté la gloire de son nom ,

Ne craignons point de flétrir son renom .
Sur tout aux Vers faisons mortelle guerre ;
Car d'un Rimeur dangereuse est la serre :
Si que par fois le croyez déconfit,
Honni , berné , tandis qu'en son réduit ,
Il vous asséne riant dans son ame ,
Couplet mordant ou traitresse Epigramme
Puis les Rieurs désertant vos Drapeaux ,
Vous font payer les frais de vos bons mots.
Allons , amis , sauvons notre Guirlande ;
A ce Rimeur donnons la sarabande
Tant que lassé d'essuyer nos rebuts
Force lui soit de ne rimailler plus.
Pour ce ne faut que matiere à critique
Si peu que rien , un Vers qui soit étique
Nous suffira . Bon un , deux , quatre ,
C'en est assez , le reste est encor pis.
Nulle cadence , ici vrai pleonasme ;
Froide épithete , aucun entousiasme ;
2 2 ..
Par tout où trouve un sens entortillé ,
Et pas un Vers qui ne soit chevillé .
Mais , direz vous , craindrai je le murmure
Des Idiots ? Eh , que peut leur censure è
Vit- on jamais un Ouvrage applaudi
Des gens de goût demeurer dans l'oubli
Par les clameurs de ces esprits obliques ?
I. Vol
Mais
JUIN. 1734. 1079
Bien plus craindrois leurs éloges rustiques
S'ils en donnoient. Qu'ils jasent , j'y consens.
Pour le Public , qui , toujours des Sçavans
Prend le ton , soit , vous avourai sans peine ,
Que sa rigueur engourdiroit ma veine ,
Si ne sçavois , qu'ami de l'équité ,
Jamais du bon il ne fut irrité.
Heureux , qui peut meriter le suffrage
D'un Tribunal si respecté , si sage!
C'est-là le point. Noble est votre projet :
Mais , entre nous , êtes- vous un sujet
Propre à remplir son immense étendue ?
Tenez , lisez , la liste est répanduë .
Tout bel esprit , sera Grammairien ,
Bon Orateur , Poëte , Historien.
Item , sçaura les calculs de l'Algébre
pour compasser une Oraison Funebre.
Item , dita de chaque région
Les qualités , moeurs et Religion.
Item , il doit user du télescope ,
Pour au besoin tirer une horoscope.
Item , sera nouveau Physicien ,
Sans ignorer nul systême ancien,
Item , sera sçavant Chronologiste ,
Bon Géographe , Antiquaire , Chimiste:
Item , des loix percera le cahos
Pour policer les Auteurs Ostrogots,
Item , sçaura Fable , Mythologie ,
I.Vol. B vj Pour
1080 MERCURE DE FRANCE
Pour dévoiler d'Homere la Magie.
Item , sçaura le Grec et le Latin ,
L'Hebreu bien plus que n'en sçût Calepin .'
Enfin sçaura de tout Art et Science
Le vrai , le fin , telle est notre ordonnance.
La tâche est bonne , Ami, qu'en pensez- vous
Et si pourtant sans entrer en couroux ,
Dût cet avis vous glacer vous abattre ,
Tenez pour sûr , qu'on n'en veut rien rabattre
A rire d'eux , comme vous , je suis prêt ,
Et cependant concluez de l'arrêt ,
Que telles gens , toujours sur le qui vive ;
Pour vos Ecrits n'auront , quoiqu'il arrive ,
Que du dégoût. Soyez loyal et franc ,
Juste , pieux , genereux , complaisant ;
De douces moeurs , ami tendre et sincere ,
Officieux , d'aimable caractere ;
Diront , soit fait , sans trop vous chicanner.
Mais , pour l'esprit , il y faut renoncer.
Et la raison ? La voici très- solide.
Hors leur cerveau , le bon sens ne reside:
Aussi voyons , sans cesse , à leur tripot ,
Que tout Auteur est inepte et fallot .
Et ne prenez ceci pour badinage.
Qui dit jaloux , dit pis qu'Antropophage.
Or il n'est rien qui fasse des jaloux ,
Plus furieux , plus forcenés , plus foux ,
Que de briguer la faveur de Minerve .
I. Vol.
JUIN. 1734. 108 1
Or sus , Ami , réprimez votre verve ,
Ou bien comptez , si pouvez , les brocards
Qui vont pleuvoir sur vous de toutes parts.
Je ne dis rien de tant d'autres Illustres ,
Si reverés depuis plus de dix lustres ,
Que , maintenant , on proscrit sans pudeur ;
L'allusion vous feroit trop d'honneur.
Qu'esperez- vous , d'un goût si difficile ,
Qui , pour un rien , dégraderoit Virgile ?
Non , qu'après tout le nouveau goût si fin ;
A nos neveux ne paroisse mutin ;
Mais toujours. Quoi ? faut- il donc vous le direș
Pour n'être lû , n'est la peine d'écrire.
88888888888
のののの
LETTRE de M. **** à M..
l'Abbé✶✶✶ Chanoine de l'Eglise de......
au sujet d'une Legende déclarée fausse ct
digne de suppression par plusieurs Docteurs
de Sorbonne.
V
Ous êtes très- occupé , Monsieur ;
à revoir le Breviaire de l'Eglise
de *** et vous voulez le purger de
quantité de Fables qui se sont glissées
dans les Legendes . C'est aussi par où l'on
doit commencer lorsqu'on procede à la
reformation de ces sortes d'Ouvrages La
1. Vol. close
TO82 MERCURE DE FRANCE
chose a été recommandée dans tant de
Conciles , que j'ai été surpris qu'on eût
attendu si long-tems. Je ne sçai , au reste, si
vous y aurez beaucoup de satisfaction.
Outre que cette étude est assez seche ,
elle est sujette quelquefois à certaines
traverses ; la lumiere ne peut souvent se
faire place dans les tenebres sans quelque
coup d'éclat il y a des assauts à essuyer
et quelquefois même des injures. Je veux
vous divertir à cette occasion d'une Histoire
arrivée il y a quinze ans dans une
Ville que vous connoissez particuliere-
Ment. La premiere atteinte qu'un des
Membres qui composent le Chapitre , osa
donner à un Breviaire qui y servoit depuis
48. ans fut d'attaquer la Legende
d'une Sainte Helene. Ayant proposé en
yain la supposition de cette Legende , il
demanda l'avis à d'habiles Docteurs de
Sorbonne , et leur envoya la Legende
avec l'énoncé des choses dites publiquement
en consequence de la proposition .
Je vous fais part de la feuille trouvée en
Original dans les papiers d'un Curieux,
qui contient la Legende et la resolution
du cas . Ce cas vous frappera par sa singularités
mais quand l'obstination est singuliere
, il semble qu'il faut aussi employer
des remedes singuliers.
,
I. Vol. Copie
JUIN. 1734. 1083
Copie d'une feuille signée par cinq Doc
teurs de Sorbonne l'an 1718.
cùm
Sancta Helena Virginis, illuftri in gratia
genere,nata quanta sanctionis vita integritas
futura esset , apparuit. Episcopus enim matrem
invisens , nescio quid cygneum vicina
jam morte cecinisse fertur , et ventrem ejus
acervum tritici liliis vallatum appellasse ; et
prolata ad latus manu lilii florem videns,
dixisse , sicut lilium inter spinas , sic amica
mea inter filias. In ipso vero partu
mater ad congugem ire juberetur, ex utero vox
filia matrem ire prohibentis audita est.
Emisso partu Episcopus multa secundis om
nibus prastans , Helenam , id est lampadem,
merito dictamsignificavit . Cum populus pluviamjam
sex mensibus optaret , infantulam
incunis sub dio jacere præcipiens totâ nocte
cum populo Dominum precatus , sic pluviam
obtinuit , ut intactas cunas miratus sit. Plebs
tanto miraculo commota , in ipso cunarum
loco
præeunte Episcopo , Ecclefiam certantibus
omnium stu liis brevi construxit , et cujus
bonori dedicaretur ambigentibus , Helenagracili
voce exu'nis matris Maria Virgini
dedicandam esse respondit. Ipso die
Pentecostes jam septennem lustratibus undis
abluente Episcopo , columba toto spectante
I. Vol.
popula
1084 MERCURE DE FRANCE
populo qui confluxerat , annulum aureum
Helene digito inseruit.
Multis aliis miraculis Dominus Helenam
sibi despondisse testatus est. Ipso Palmarum
die , cum de more ramum gestans processisset
, ramus ex floribus mala punica
produxisse stupentibus turbis visus est et
grana puniceo colore rubentia populus universus
cum stupore vidit , deglutiit : quibus
surdi , muti , claudi et alii compluribus
morbis debilitati recuperatâ sanitate gratias
Christo reddiderunt. Prater patrem gravissimo
dentium dolore cruciatum , plures alios
sadem rabie furentes imposito capitis velo sanavit.
Quarto Nonas Maii quibus ad coelestem
sponsum commigravit , tantus liliorum.
atque rosarum imber de coelo in urbem in
qua obierat cecidit , ut Athenas etiam licet
dissitas odore suavissimo compleret. Tanta
Virginis corpus adhuc incorruptum ex Gra
cis circa annum 1209. advectum Ecclesia
Trescensis conservat ; ad cujus cultum singulari
pietate motus ex tota Dioecesi aliisque
locis populi concursus singulis annis fieri
solet.
>
Le Souchantre de l'Eglise où on lit
cette Legende , voyant que l'Evêque du
lieu l'a supprimée par tout le Diocèse ,
l'Evêque de l'Eglise où est le Corps appellé
de Sainte Helene , l'a fait aussi re-
I. Vgl.
tran
JUIN. 1734 1085
que
trancher du Breviaire de cette Eglise , et
les Vicaires Generaux de la Metropole
, dont l'une et l'autre Eglise sont suffragantes
, trouvent fort mauvais que l'on
continue à la lire dans la Cathedrale , lur
donnant même des qualifications quifont
de la peine à entendre , a proposé aux
Chapitres Generaux d'imiter l'exemple de
M. l'Evêque et de la retrancher de la lecture
publique. Mais quoiqu'il fût sûr que
la plupart des Chanoines la trouvoient
insupportable , voire même impudente' ,
il n'a pas réussi , parce qu'on n'a pas voulu
recevoir sa proposition; et ce qui a empêché
de faire opiner du fond , est qu'un
Docteur de Sorbonne et quelques Docteurs
de ..... ont dit , que si on ôtoit
cette Legende,ce ne seroit jamais fait , et
que tous les jours on trouveroit de pareils
défauts dans le Breviaire. Le Docteur
de Sorbonne a même ouvert la voye
d'une excellente défaite . Car quoique le
Souchantre n'eût allegué dans sa proposition
que l'autorité des personnes qui rejettent
cette Legende , et les periodes du
commencement qui blessent les oreilles
chastes , ce Docteur s'étendit fort au long
pour prouver que l'argument negatif est
de peu de poids, et que c'est celui dont se
servent les Calvinistes pour prouver que
I. Vol.
le
1086 MERCURE DE FRANCE
le culte des Images n'avoit pas lieu dans
les premiers siecles . Il ajoûta même , et
en cela il fut appuyé par un Docteur de....
que
5
si l'on retranchoit cette Legende , il
faudroit retrancher par la même raison le
Cantique des Cantiques et tous les endroits
de l'Ecriture , où il est parlé de generation
. Un autre ajoûta ces paroles
comme de la Genese : Et non cognovit
eam , et dit qu'il ne les faudroit plus lire
à l'Eglise si on ôtoit celles de la Legende.
On a donc continué de la dire encore cette
année ; mais le Prêtre qui la lisoit le fit
si rapidement , qu'à peine put - on l'entendre
, ne voulant pas rendre intelligibles
des paroles si indignes de l'Eglise.
Ce qu'il y a de fort étrange dans le
procedé du Docteur qui mene une bonne
partie de cette Compagnie , c'est que
justement c'est lui même qui deux ans auparavant
a empêché par la force de l'argument
negatif, qu'on n'admit pour Reliques
un corps venu de Catacombes de
Rome,à cause que la Legende qui se trouva
dans le coffre envoyé de Rome paroissoit
fabuleuse , n'étant aucunement appuyée
, ni par les Historiens , ni par les
Martyrologes. Cette Sainte Helene est
dans le même cas : Elle vient des Cimetieres
de la Grece , mais elle est incon-
I. Vol. nuë
JUIN. 1734. 1087
nue dans tous les Menées et les Meneloges.
La difference qu'il y a , est que son
culte est reçû depuis cinq cens ans , et
qu'elle a eu le malheur d'avoir des Historieus
peu chastes et peu modestes , au
lieu que la Sainte Alexandra , apportée
depuis peu de Rome , n'a point encore
eu de culte , quoique la Legende qu'on
lui a fabriquée n'ait rien de scandaleux.
Resolution du Cas.
Le Conseil soussigné , qui a vû l'exposé
ci- dessus , est d'avis que la Legengende
ci dessus rapportée n'étant nullelement
autorisée , et paroissant fabriquée
à plaisir par un Legendaire , doit être retranchée
de l'Office de l'Eglise en question
; que l'Evêque a très bien fait de la
supprimer,que le Souchantre fait son devoir
en empêchant qu'elle ne soit lûë
dans l'Eglise , et que ceux qui persistent
à la soutenir sont des rebelles ou des ignorans.
Déliberé à Paris ce 13. Juillet 1718.
Signé , Du Pin , Docteur de Sorbonne.
La décision du mois de Septembre
suivant est dans les mêmes termes , sinon
que quelqu'un des quatre Docteurs qui
se joignirent à M. Du Pin , raya le dernier
membre de la déliberation . De sorte
qu'elle est conçûë en ces peu de mots .
I.Vol.
Le
1088 MERCURE DE FRANCE
Le Conseil soussigné qui a vû l'exposé
ci dessus , est d'avis que la Legende
ci - dessus rapportée n'étant nullement autorisée
, et paroissant fabriquée à plaisir
par quelque Legendaire , doit être retranchée
de l'Office en question ; que l'Evêque
a très- bien fait de la supprimer ; que
le Souchantre fait son devoir en empêchant
qu'elle ne soit lûe dans l'Eglise.....
Déliberé à Paris le 9. Septembre 1718.
Signé , Hideux , Sindic , Lambert , Quinot
, L. Ellies du Pin , Auvray.
Vous avec vû , M. bien des questions
historiques traitées dans le cas de M. de
Sainte-Beuve ; mais je suis persuadé que
vous n'en avez jamais vû une semblable.
Celle-ci est originale en son genre. Je
vous divertirois bien davantage, si je vous
rapportois les scénes qui se passerent lorsqu'on
commença à impugner les paroles
d'une Messe de Notre- Dame des Neiges ,
qui est uniquement dans un Graduel écrit
à la main , et qui n'a jamais eu place dans
le Missel. L'Introïte commençoit ainsi :
Placuit divina providentia et le Pseaume
de cet Introïte étoit : Contra naturam temporis
aër nimiafrigoris congelatione constringitur
: et tanta nubium conftipatione dempsatur.
Jugez de la piece par l'échantillon .
Il étoit besoin le jour que cela se chantoit,
I. Vol.
que
JUIN, 1734 1089
que les Choristes s'armassent du serieux
le plus glaçant , pour ne pas blesser la
modestie en prononçant de si beaux textes.
On m'a appris depuis que la confection
d'un nouveau Breviaire a fait retrancher
tout cela , et qu'il n'y a plus de fables
dans l'Office de cette Eglise. Mais
que ceux qui ont travaillé à expulser toutes
les simplicités et tous les mensonges ,
n'ont pas été les maîtres de conserver des
anciens rites tout ce qu'il étoit à propos
de conserver. Je souhaite qu'on puisse dire
bien-tôt de celle pour laquelle vous
travaillez , que non - seulement vous y
avez retabli la verité et la sincerité dans
les Legendes , mais aussi la pureté et l'antiquité
dans les rites . Je suis , &c.
****
A Madlle de Malerais de la Vigne , par
M. de Claville , Trésorier de France à
Rouen ; en lui envoyant son Traité du
vrai Merite , qu'il vient de donner an
Public , qui s'imprime chez Sangrin , à
Paris.
LA fine fleur des beaux esprits ;
Dont les talens divins font honneur au Parnasse,
De qui les sublimes Ecrits ,
Vol. Plei
roso MERCURE DE FRANCE
Pleins de force , de feu , de justesse et de grace ,
Ont enlevé la Cour , la Province et Paris ;
Enfin cette Sapho qui fait revivre Horace ,
Trouvera t'elle un jour , c'est trop dire , un mo
ment ,
A vouloir s'amuser de mon amusement ?
Je lui dois , et je m'acquitte ;
Non un respect hypocrite
Pour m'en faire préconiser ;
Prétens-je m'immortaliser
Le sot orgueil n'est pas ma vertu favorite ;
Et sur ce qui me manque on doit bien m'excu
ser .
Loin du Croisic peut- on puiser
A la source du vrai merite
Vîte donc , parlez mon Traité .
Sans espoir, sans timidité ,
Montrez-vous à Malcrais d'un air modeste er
sage ;
Vous recevrez pour prix d'un tendre hommage
Du moins des marques de bonté ;
Mais ne volez pas son suffrage ,
On me soupçouneroit de trop de vanité.
REPONSE de Mlle de Malcrais
de la Vigne.
DAns l'utile Traité dont tu m'as fait un don
Claville j'ai trouvé des leçons bien sensées.
Un sel paisé dans Ciceron
I.Vol.
Ex
JUIN 1734.
1091
niveau de l'exacte raison ,
En assaisonne les pensées.
Par elles au
Je vois finement redressées
Les moeurs du genre humain, diversement tortų
So crate n'eût pas mieux instruit à la vertu
Le jeune , le brillant , l'aimable Alcibiade ,
Que tu fais ton cher nourrisson.
Ta puissante doctrine éclaire et persuade ,
Si son coeur fut docile à prendre ta façon ,
Il a du vrai merite atteint le plus haut grade.
Pour moi je n'ai point merité
Les éloges flatteurs dont m'honore ta muses
Ton Ouvrage me desabuse ,
Et m'ôte toute vanité.
Comme on sort d'un sermon dont la morale est
pzze ,
Pathétique , éloquent , entraînant sous sa loi
La revolte des sens trompés par la nature ,
Ainsi de ton Ouvrage en quittant la lecture
Je suis très- contente de toi ,
Mais très-mécontente de moi,
1. Vol
L'INS092
MERCURE DE FRANCE
XXX:XXXXXXXXX: ***
L'INSTALLATION du Comte d'Albon
, Prince d'Yvetot , dans la Charge
de Lieutenant de Roi de la Province de
Foretz.
L
A Maison d'Albon est connue pour
une des plus anciennes du Royaume ,
et ceux qui connoissent particulierement
M. le Comte d'Albon avoue que ses qualités
personnelles sont encore au- dessus
de sa naissance . Le Roi vient de lui accorder
des Provisions pour la Lieutenan
ce de Roi de la Proviuce de Foretz , va
cante par le décès du Comte de Verdun .
La Ville de Roanne , Capitale de la pe
tite Province de Roannois , qui fait partie
du Foretz , se felicite d'avoir vû naître
le Comte d'Albon , qui s'y rendit au
commencement de l'hyver dernier , et
voyant la Noblesse et les Corps disposés
à lui rendre les honneurs dûs à la Digni
té pour laquelle il venoit de prêter serment
entre les mains de Sa Majesté , sa
modestie lui fit differer de les recevoir
jusqu'après son installation ; cependant
il donna aux Dames pendant le Carna
val plusieurs Fêtes galantes, dont la der-
1. Vola
niere
JUIN. €734- 1079 ,
niere fut distinguée par l'abondance et la
somptuosité. Cent dix- huit personnes invitées
à un grand répas , furent servies
avec autant d'ordre et de propreté, que de
délicatesse et de goût .
Les R. P. Jesuites , pour contribuer à
la joye publique , firent représenter par
leurs Ecoliers la Tragedie du Sacrificce
d'Abraham , de la composition du P. Brumoy.
Les Acteurs surpasserent les talens
ordinaires des Enfans de leur âge , par l'intelligence
et la précision de leur déclamation
, et cette Représentation procura à
M. le Comte d'Albon les premiers complimens
publics. Ces mêmes Peres prépa -1
rent actuellement un jeune Ecolier à soutenir
une These publique de Litterature
qui lui sera dédiée, et qui terminera tout
ce qui se sera passé à cette occasion .
s ,
Dès les premiers jours d'Avril le Comte
d'Albon ayant fait sçavoir à la Ville
de Monbrison le jour qu'il y arrivercit
pour l'enregistremsnt de ses Provisions
et pour prendre possession de sa nouvelle
Dignité, il partit de Roinne, accompagné
de la plus grande partie de la Noblesse de
la Ville et du voisinage , de la Maréchaussée
, de ses Gardes , et d'un grand nombre
d'Officiers et de Domestiques de sa
Maison ; la Bourgeoise des petites Villes
I. Vol.
qiu
C
1994 MERCURE DE FRANCE
qui sont sur la route vint à cheval audevant
de lui , le complimenta et l'accompagna
de Ville en Ville.
Il alla coucher de Roanne à Leigneux ,
Maison et Chapitre de Chanoinesses de
la premiere distinction ; il fut reçû avec
les marques du plus vif empressement ,
complimenté par le Chapitre et par la Noblesse
du voisinage qui s'y étoient rendus
en grand concours . Il en partit le lende
main avec le même cortege , et la Noblesse
qui l'avoit accompagné de Roanne ,
se trouva encore augmentée par celle
qui s'étoit rendue à Leigneux. Le Lieutenant
du Prévôt de la Maréchaussée de.
Monbrison, à la tête de ses Brigades, vint
jusques près de Leigneux, le complimenta
, et l'accompagna jusqu'à Monbrison .
Sur les limites de la banlieuë de cette
Ville , le Lieutenant General du Bailliage
avec la Noblesse de la Ville et des environs
, plusieurs Officiers de ce Siege ,
de l'Election , et des autres Corps vinrent
à cheval au devant de lui .
A son entrée dans la Ville , on fit une
décharge de Fauconneaux et de Boëtes ,
dans le tems que les Echevins firent leur
compliment. La Milice Bourgeoise sous
les Armes , Tambours battans , Enseignes
déployées , formant une double haye de-
1. Vol.
puis
JUIN.
1095
1734.
puis les Portes de la Ville jusqu'à l'Hôtel
qui lui avoit été préparé . Il s'y rendit aux
acclamations du Peuple et au bruit de la
mousqueterie , entouré de huit Drapeaux
de la Bourgeoisie , les Dames magnifiquement
parées étant aux fenêtres. Il trouva
à son Hôtel une infinité de personnes de
distinction , que l'âge ou les infirmités
empêchoient de donner des marques plus
vives de leur zele. Le soir on alluma des
feux dans les rues et dans les Places
bliques , et presque toutes les maisons curent
des illuminations ; on y vit sur tout
quantité de lanternes ingenieusement
faites et peintes aux Armes de la Maison
d'Albon .
pu-
Le lendemain la Milice Bourgeoise se
mit en double haye depuis l'Hôtel du
Comte d'Albon jusqu'au Palais . Les Echovins
, en habit de ceremonie , avec les
Officiets de la Ville , le vinrent prendre;
il étoit précedé dans sa marche par une
Compagnie Franche de 30. hommes d'élite
, en habits uniformes , d'un grand
nombre de Gentilshommes , d'Officiers
Militaires, et d'une infinité de personnes
disringuées ; ses Gardes marchoient immediatement
devant lui , et les Echevins
à ses côtés. La marche étoit fermée par
un nombre égal de trente hommes de la
I. Vol. Cij même
1096 MERCURE DE FRANCE
même Compagnie Franche ;, il fut ainsi
conduit au bruit des Fauconneaux , des
Boëtes , de la Mousqueterie et des Tambours
.A la Porte duPalais il reçut un compliment
du Doyen du Bailliage , qui l'ac
compagna jusqu'au fauteuil qui lui étoit
préparé au milieu du Parquet , et dans
lequel il se plaça , ayant à ses côtés les
Echevins et les Officiers de Ville sur des
chaises ordinaires. La salle d'Audiance
étoit extrêmément ornée , les Dames richement
parées , et beaucoup de personnes
s'y étoient rendues pour assister à la
ceremonie.
L'Huissier Audiancier ayant donné le
signal , le Sieur de Pomerolle , celcbre
Avocat, prononça un três - beau Discours
sur le sujet de la Séance ; il s'étendit sur
l'ancienne origine de la Maison d'Albon
, que l'Histoire assûre être sortie des
Dauphins de Viennois , sur le nombre des
Illustres personnages qu'elle a donnés à
l'Eglise de Lyon depuis l'onziéme siecle.
L'éloge de M. l'Abbé Comte d'Albon
qui est le quatriéme Archidiacre de cette
Eglise de son nom , ne fut point oublié;
ses grandes qualités le rapprochent si fort
de M. son Frere, qu'il semble ne lui ceder
que par la seule circonstance d'être son
puîné.
3
I. Vol. L'OraJUIN.
1734. 1097
L'Orateur rappella la memoire du fameux
Antoine d'Albon , Archevêque de
Lyon , et Commandant pour le Roi dan's
le Gouvernement ; il fit mention de tous
ceux de cette Maison qui avoient rempli
les Dignités de cette Eglise , ainsi que
des quatorze Abbés de Savigny , de plusieurs
Chevaliers et Commandeurs de
Malthe , de deux Gouverneurs du Lyonnois
, Jean et Jacques d'Albon ;, ce dernier
étoit Chevalier des Ordres du Roi
et de la Jarretiere, Favori des trois Rois ;
et si connu dans l'Histoire sous le nom
de Maréchal de Saint André. Il parla de
plusieurs autres Illustres Guerriers , et cafin
du fameux Gosselin d'Albon , Marquis
de Saint Forgeux , duquel M. le Comte
d'Albon décend de Pere en Fils , lequel
se rendit si recommandable dans les premieres
Croizades , et qui rapporta de la
Tetre Sainte le Corps de S. Antoine
dont il fit present à l'Abbaye de cet Ordre.
Il parla aussi de la Transaction faire
entre Jean d'Albon et Humbert Dauphin
de Viennois , qui regle la legitime du premier
. Et en retraçant les differentes Alliances
de cette Maison , il finit par celle
de Camille d'Albon , Marquis de S. Forgeux
, avec Françoise - Julie de Crévant ,
qui a fait entrer dans cette Maison la Prin-
1. Vol. Ciij cipauté
1098 MERCURE DE FRANCE
cipauté Souveraine d'Yvetot en Normandie.
L'Orateur fut particulierement applaudi
lorsqu'il parla des qualités personnelles
de M.le Comte d'Albon , c'est-a- dire
, sa generosité , sa magnificence ,sa pieté,
sa charité, qui lui a merité le titre précieux
de Pere des Pauvres , sa douceur,
son équité , sa politesse , son esprit de
paix qui lerend arbitre des differens , & c.
Ce Discours fut suivi de celui de M.
Thoynet , Procureur du Roi , qui ne
parla pas avec moins d'Eloquence et de
dignité sur le même sujet , et plut infiniment
par sa netteté et par sa précision .
Ensuite M. Demaux , Lieutenant General
, ayant recueilli les voix , prononça
l'enregistrement des Lettres et de l'Acte
d'Installation .
M. le Comte d'Albon s'étant levé et
ayant salué la Compagnie , se remit en
marche dans le même ordre. Le Peuple
fut regalé de plusieurs tonneaux de vin
qui coulerent avec profusion .
Arrivé chez lui il reçût les complimens
de tous les Députés des Corps de la Ville
de Monbrison , et des autres Corps du
département de Forez , ausquels il répondit
avec l'esprit et la politesse qui lui
sont si naturels , et sur tout avec une bonté
de coeur que personne ne se lasse d'admirer.
PenJUIN.
1734 1099
Pendant cinq jours que le Comte d'Albon
a passés à Monbrison , il a tenu deux
tables de vingt- cinq couverts chacune
servies avec la même magnificence , le
même ordre et la même profusion , ce qui
ne l'a pas empêché de faire sentir aux malheureux
que sa generosité et sa charité
étoient inépuisables . Les accommodemens
qu'il a faits ont annoncé que la paix
et l'union ont été ses premieres vûës dans
l'exercice de sa Charge.
Avant son départ les Officiers de Monbrison
lui donnerent uneFête magnifique.
Son retout à Roanne fut celebré par les
mêmes honneurs ; les principales Dames ,
très- parées , allerent dans leurs carosses
au devant de lui à plus d'une lieuë. Une
troupe de plus de cinquante Cavaliers formée
par les principaux de la Ville , propre
ment vêtus et très - bien montés sur des
chevaux richement harnachés , avoit précedé
le carosse des Dames , et étoient
allés à plus de trois lieuës au- devant du
nouveau Lieutenant de Roi . Un Trompette
marchoit à la tête de la Troupe ;
celui qui la commandoit le salua de Fépée
, et lui fit un compliment militaire
qui fut très- goûté et parfaitement bien
reçû.
Le Lieutenant de la Maréchaussée de
1. Vol. Ciiij Roanne
1100 MERCURE DE FRANCE
Roanne fut aussi à la tête de ses Brigades
à quatre ou cinq lieuës au devant de lui;
mais ce qui parut le plus remarquable fut
uneCompagnie de douze jeunes Demoiselles
des plus distinguées et des plus brillantes
, une Dame à leur tête , toutes en habit
d'Amazones , escortées par un pareil
nombre de jeunes Cavaliers , parfaitement
bien montés , qui furent aussi audevant
de lui à près de deux lieuës ; et
après le compliment que lui fit la Dame
qui les conduisoit , elles lui firent cortege
jusqu'a son Hôtel . Son arrivée à Roanne
fut annoncée comme à Monbrison ,
par le bruit des boëtes , de la Mousqueteric
, des Tambours , & c.
La Bourgeoisie sous les Armes forme
une double haye depuis l'entrée de la Ville
jusques chez lui , où il reçût le compli
ment des Echevins et des Officiers du
Corps de la Ville . Il reçut ensuite les
complimens de tous les Corps Ecclesiastiques
, Seculiers et Reguliers , des Officiers
du Bailliage , de l'Election , et des
autres Compagnies .
Les Jesuites y conduisirent un nombre
chosi de leurs Ecoliers , qui firent leurs
complimens en Prose et en Vers François
, en Latin et en Grec. Il retint plus
de soixante personnes à souper ; il y eut
I. Vol. trois
JUIN. 1734. ΙΙΟΙ
trois tables de vingt couverts chacune
servies avec la même magnificence et le
même ordre.
Le lendemain une troupe de jeunes
Garçons de distinction , de l'âge de sept
à huit ans , un des Fils du Lieutenant general
du Baillage à leur tête , et portant la
parole , lui vint faire un compliment en
vers qui lui plut beaucoup. Ce Seigneur
eut la bonté de lui faire present et de le
ceindre d'une magnifique épée, en répondant
à son compliment avec la derniere
politesse.Le jeune Enfant sensible au-delà
de l'expression à l'honneur qu'il avoit
reçû , pressa vivement M. son Pere de
lui composer un remerciement qu'il apprit
toute la nuit , et qu'il alla reciter le
endemain.
Le surlendemain le Comte d'Albon fit
inviter à dîner tous les Corps , au nombre
de plus de 60. personnes , ainsi que
les Officiers Militaires ; la même délicatesse
et la même abondance s'y firent
remarquer.
Une partie des jeunes Cavaliers et des
Amazones qui allerent au devant de lui,
pour terminer toutes ces fêtes parun spectacle
vif et brillant,a fait dresser un Théâtre
magnifique dans le jeu de Palme de
la Ville , sur lequel ils ont represent la
I. Vol. Cy Tra1102
MERCURE DE FRANCE
Tragedie d'Andromaque , suivie de la petite
Piece des Vendanges de Surenne , avec
tous les ornemens , mêlés de danses. Les
Acteurs ont passé l'attente desSpectateus ;
et le Marquis de C .... qui s'est chargé
de les exercer , doit s'applaudir de ses
soins , encore plus de ses talens pour la
déclamation .
On peut dire que dans toutes ces Fêtes
rien n'a manqué de la part de la Province,
pour prouver à M. le Comte d'Albon
combien les coeurs lui sont dévoüés ; et
de la part de ce Seigneur , combien il a
été sensible aux empressemens qu'on lui
a témoignés.
Voici le compliment du Fils de M. Huť
de la Curée , Lieutenant General au
Bailliage de Roanne.
SEigneur , les jeux , les ris , les fêtes , l'allo
gresse ,
Ont été de tout tems amis de la jeunesse ;
Permets donc qu'Apollon secondant nos transports ,
Pour les mieux exprimer nous prête ses accords.
› Ta Noblesse, ton Sang , ton coeur ton caractere
T'acquirent de tout tems le doux talent de plaire ;
Et de tes qualités sincere admirateur ,
Chacun t'ofre à l'envi l'hommage de son creur.
Nos braves Citoyens par leur ardeur guerriere ,
I. Vol.
Sem17'
4. 1103
Semblent aux champs de Mars s'ouvrir une car◄
riere ;
Au bruit de leurs Tambours , au son de leurs Clairons
"
¿
On voit à chaque instant grossir leurs Bataillons
Et d'une double file honorant ton passage,
De leur filelité leur ardeur est le gage ,
Empressés de prouver que sous tes étendarts
Leur valeur défendra leurs antiques remparts.
Des Echevins zelés à leur devoir dociles ,
T'ofrent les clefs des coeurs avec celles des Villes.
Et vientnent t'assûrer de leur attachement ,
Par la solemnité d'un auguste serment ;
De toute part l'écho de la voix populaire ,
Benit l'heureux instant où tu vis la lumiere.
Mille et mille soukaits portés jusques aux Cieux
pour toi des jours sains et nom- Leur demandent
breux .
Resterons- nous muets, tandis que tout s'anime ?
Non , non >
nous allons tous d'une voix unanime
Crier dans nos transports longissimè vivat ;
Voilà nos voeux , Seigneur , Deus exaudiat.
Suit le Remerciement du même jeune
Homme , sur l'épée dont M.d'Albon
lui a fait present.
SEigneur , mon coeur reçoit avec reconnoissance
Ce present que je dois à ta magnificence .
1.Vol. Cvj Tu
1104 MERCURE DE FRANCE
Tu m'armes Chevalier : Ceux des siecles passés
Vont voir par mes exploits tous les leurs effacés..
Je sens avec mon sang circuler le courage ,
Et mon ardeur prévient les forces de mon âge ;
Les Renauds , les Rollands , et les deux Amadis,
Instruits de mes projets en feroient interdits.
Le trait n'est point Gascon ; car aux ames bien
nées
La valeur n'atsend pas le nombre des années ;
Et quand par toi , Seigneur , on voit armer son
bras,
On brave les périls et l'horreur du trépas.
Paroissez , fier Germain , paroissez , Moscovite,
Je fçaurai vous dompter , vous réduire à lafuite
J'enjure par ce fer que j'ai reçû de toi ,
Par lafidelité que je dois à mon Roi,
Par l'amour paternel , par celui de la gloire ,
Enfin par le désir de vivre dans l'histoire.
Mais ce fer me seroit encor plus précieux
Si pour toi je pouvois l'employer à tes yeux.
XX.XXXXXXXX XXXXXXXXXXX
TROISIEME PARTIE de la
comparaison des Philosophies de Descartes
et de Newton. Par M. de S. Aubin .
L
Es Newtoniens prétendent ( Prafat. editor. in
Nevvt. ) que l'attraction peut être une qualité
de la matière aussi primitive que la mobilité.
Les Cartésiens répondent que la mobilité et les
I. Vol. autres
JUIN. 1734. 17057
autres qualités primitives de la matiere , comme
l'étendue , l'impénétrabilité , sont fort differentes
de l'attraction ; que ces proprietés sont trèssimples
, au lieu que l'attraction est une qualité
composée , qui consiste en l'action d'un corps
sur un autre corps. Que ce n'est pas parler en
Physicien , que de dire qu'une attraction pénétre.
tous les centres , sans sçavoir pourquoi , et qu'elle
fait tout dans la nature , sans dire comment.
L'attraction est même contraire à l'experience.
Qu'on suspende deux cubes d'acier d'un pouce
de diamétre chacun à deux fils , ( Harsoëk
rec. de piec. Phys . ) en sorte que les deux cubes se
touchent presque par un de leurs côtés , ils ne
s'approchent pas dans un lieu où l'air n'a aucune
agitation qui rompe son équilibre ; et l'attraction
n'agit pas davantage sur eux dans le vuide
pneumatique , quoique le moindre choc, la moindre
impulsion les fasse changer de place . Cepen--
dant si ces deux cubes ne faisoient qu'un seul
parallélepipéde d'un pouce d'épaiseur , une force
de plus de cent mille livres ne les sépareroit pas.
Suivant l'experience de Guericke faite à Magdebourg
, ( M. de Mairan , Tr. de l'Aur. Bor. )
deux plans polis de deux pouces trois quarts de
diametre , s'unissoient si bien ensemble , par la
juxta- position , et frotés seulement de quelque
matiere un peu grasse , qu'ils soutenoient , sans
attaché au
se separer , un poids de 80. livres ,
plan inferieur. Il faut donc qu'il y ait quelque
autre cause de cette forte union des parcelles d'un
corps , que la prétendue attraction mutuelle de
Newton , à moins qu'on n'y ajoûte la cohesion
et la juxta- position , autres qualités occultes : au
Heu qu'il est très - vrai - semblable , que
la cause
de cette forte union est la pression du plein , suiyant
l'hypothese des Cartesiens.
Mait .
TIC MERCURE DE FRANCE
Mais il y a plus. Ce qui est inconcevable ,
comme une cause naturelle , c'est une attraction
qui opere au-delà du vuide. Le P. Castel ( Tr. de
Phys. sur lapesant. ) est surpris , avec raison , que
Newton at allié le vuide avec le sys.ê.ne d'une
pesanteur universelle . Newton compare ( Princ.
Mith. p. 3. ) tout mouvement circulaire à celui
d'une pierre , que la force du bras fait tourner
dans une fronde. Y auroit - il quelque apparence
à supposer qu'il se feroit simplement une attrac
tion de la pierre par le bras , sans fronde et au
travers d'un milieu vuide ? La Physique ne peut
admettre ( Leibn. Théod. ) l'action immediate
d'un corps sur un autre corps éloigné : Il y a
même de la contradiction dans les termes.
Sur les fondemens ruineux de l'attraction et du
vuide , Newton éleve ses prétendues démonstrations
. Il ne place point le centre de l'Univers
dans un mobile actif , comme le Soleil , ni dans
aucune autre Planete , mais dans un espace vuide
, duquel il nous assure ( Princ. Math.p. 374 )
que le Soleil ne s'éloigne jamais beaucoup . II
donne donc au So eil , non - seulement un mouvement
de révolution sur son axe , mais encore
un mouvement de transport d'un heu à un autre
; et toutes les Ellipses des Planetes doivent varier
en même tems , puisqu'elles ont toujours le
Soleil à un de leurs foyers.
Newton allegue de mauvaises raisons pour détruire
les tourbilions . Les revo utions des Planetes
, dit-il , ( p.354 ) sont élipiques , et les aires
qu'elles décrivent par leurs mouvemens autour
du Soleil , sont proportionnelles aux tems : Il
suppose plusi urs Cercles excentriques - les uns
dans les autres et prétend que les loix Astronomiques
et les mécaniques ne peuvent se conci-
I. Vol.
lier
JUIN. 1107
י734
lier , en supposant un fluide de matiere étherée,
parce que dans le tems que l'aphélie demandera
un mouvement plus tardir, un passage plus étroit
demandera un mouvement plus prompt , ou au
contraire. Rien n'est plus foible que cette objection.
Quand il se trouve dans la nature que que
Concurience entre deux contraires , le plus fort
l'emporte , et les loix du mouvement ont bientôt
décidé entr'eux.
Il n'y a pas plus de solidité à l'objection , que
fluide , qui environne la terre , doit ête d'une
densité égale à celle du Globe. Voici en quoi
consiste cette objection . » Si le fluide dans lequel
» le Globe terrestre nage, dit Newton , ( p. 353. )
est plus ou moins dense , le Globe , au lieu de
» revenir au point d'où il est parti , décrira une
spirale dans sa révolution , en approchant du
» centre ou de la circonference . Si la densité est
égale , les parties lu so ide seront en équilibre
e avec les parties du fluide , et le Globe alors pour-
" ra occuper toutes les places du tourbillon , aussi
bien que le centre . Il est isé de répondre ; premierement
, qu'il ne faut pas considerer une lanete
, comme un mobile plongé dans un fluide ,
mais qu'on doit se représenter un fluide qui participe
aux mouvemens du Globe, comme une portion
de la matière étherée entraînée par lui , et qui
l'environne également de toute part . Le Globe
doit être en équilibre avec son ciel , avec la couche
du tourbillon Solaire où il fait sa révolution ,
mais il n'a pas besoin d'équilibre dans son tourbillon
paticulier , ille forme , et il y donne la loi.
Secondement il n'y a aucun inconvenient qu'un
Globe et le fluide où il nâge , soient d'une égale
densité. Le Globe ne cesse pas pour cela d'ê re solide
, et son atmosphere ne perd pas sa fluidité . Il
Реце
tro MERCURE DE FRANCE
peut y avoir une densité égale entre des particu
les , dont les unes sont accrochées entre elles , et
les autres ne le sont pas : de même qu'un morceau
de bois, qui est un solide , à une égale densité
et est en équilibre avec le volume d'eau qui
l'entraîne.
L'objection tirée du passage des Cométes en
tout sens au travers du tourbillon , a été refutée
dans la seconde partie de cette dissertation. Venons
aux effets de l'attraction universelle, New
ton suppose qu'un mouvement direct d'Occident
en Orient a été imprimé dès le commencement,
par le Créateur , à toutes les Planetes , et que l'attraction
des centres de leurs révolutions les détourne
continuellement de leur tendance à cemouvement
rectiligne , ce qui leur fait décrire
des ellipses. Il se fût épargné bien des calculs
, s'il eût dit tout d'un coup , que le Créateur
, dès le commencement a imprimé aux Planetes
des mouvemens elliptiques . C'est la gravitation
réciproque du Soleil et des Planetes , dit - il ,
( P.374. ) qui les fait tourner autour de leur centre
commun , à des distances plus ou moins éloignées ,
et dans des orbites elliptiques. Tout le systême
roule sur ces deux principes ; premierement , que
les forces de l'attraction mutuelle sont en raison
inverse des quarrés des distances ; c'est - à dire ,
que le corps étant deux fois plus éloigné , la
force centrale agit sur lui quatre fois plus foiblement
, que l'éloignement étant quatre fois plus
gran 1 , la force est seize fois plus foible , & c . Secondement
, que les corps s'attirent en raison directe
de leurs masses, ou de la quantité de leur matiere.
L'essai du systême se fait uniquement sur la
Lune Remontons aux principes . Quand deux
forces , l'une horizontale , l'autre perpendiculai
I.Vo!.
re
JUIN. 1734. 1109
re , poussent également un corps , il décrit la
diagonale d'un quarré . Newton , partant de cette
premiere conclusion , décompose , pour ainsi
dire , la courbe décrite par le mouvement de la
Luue.Connoissant les proportions de son orbite,
et les tems de sa révolution , il calcule les degrés
de la force directe et de la force centrale ,
qui agissant à la fois sur la Lune , produisent
son mouvement elliptique . Il trouve que si
la Lune venoit à perdre sa force directe , ensorte
qu'elle obéit uniquement à l'attraction centrale ,
elle tomberoit de quinze piés dans la premiere
minute. Newton prétend aussi que les corps ,
dont nous connoissons la chûte, avancent de cinquante
quatre mille piés en une minute que si
les corps commençoient à tomber de la hauteur
de la Lune , ou d'une hauteur de soixante demidiametres
de la terre , leur pesanteur diminuant
en raison inverse du quarré de cette distance , leur
chûte seroit de quinze piés dans la premiere minute
, comme la chute de la Lune ; et que la Lune
arrivant à la surface de la terre , décriroit dans
la derniere minute cinquante quatre mille piés ,
de même que les corps graves , près de la surface
de la terre , avancent en tombant de quinze
piés dans la premiere seconde , et de cinquante
quatre mille piés dans toute la minute. Le quarré
de soixante multiplié par quinze , donne cinquante
quatre mille , et Newton en conclut
qu'un même principe , une même force agit sur
la Lune et sur les corps dont nous connoissons
la chûte , suivant la loi qu'il a établie de la raison
inverse des quarrés des distances . Il attribuë,
en conséquence , une gravitation generale et mutuelle
à tous les corps Celestes , dans la même
proportion. Mais cette attraction , refutée déja
I. Vol.
са
TH10 MERCURE DE FRANCE
en qualité de cause , n'est pas plus soutenable
par ses effets.
Premierement , les expériences de la chûte
des corps , près de la surface de la terre , c'estâ
- dire , des hauteurs quelconques qui sont à
notre portée , comme Tours , Montagnes , &c .
ne peuvent se faire que sur des corps dont la
masse a un rapport très - inegal à la masse du
Globe lunaire ; en sorte que si l'attraction agit
avec une force égale sur des masses , dont la quanrité
de matiere est si disproportionnée , un des
fondemens du systême Newtonien tombe en ruine
, sçavoir que l'attraction agit en raison directe
des masses. Secondement , je soutiens que l'at
mosphere , qui environne la terre , étant fort
épaisse , au lieu que la région de la Lune est vuide,
suivant Newton , et la difference causée par l'épaisseur
d'un fluide étant telle encore suivant
Newton , que sans la résistance de l'air grossier,
le corps le plus poreux , comme une éponge , se
précipiteroit avec autant de vitesse qu'un Globe
de plomb , une des démontrations de Newton
étant même , qu'un mobile qui traverse un fluide
de pareille pesanteur spécifique , en quelque sens
que ce soit , et quelque soit la vitesse qu'on lui
donne d'abord , doit perdre la moitié de sa vîtesavant
que d'avoir parcouru trois de ses diametres
: il s'ensuit incontestablement de ses principes,
que si l'attraction centrale agit dans un milieu
vuide , à la hauteur de la Lune , en raison
inverse du quarré de la distance , par rapport à
une attraction qui agit dans un fluide fort dense,
auprès de la surface de la terre , ces deux attrac
tions ne peuvent être semblables .
se ,
Troisiémement il est certain que les masses
des Planetes ne changent point , et que leurs dis-
I. Vol. tanoes
JUIN. 1734 IIII
tances varient , d'où il résulte par une conséquence
invincible que les Planettes dans leurs
périhélies , bien plus puissamment attirées par
le Soleil , devroient tomber sur ce centre , comme
Aristote disoit , que s'il y avoit une autre
terre , elle tomberoit sur celle - ci . Car le moindre
dérangement dans l'équilibre entraîne tout - àfait
un corps , parce que l'excès qui a précedé ,
augmente continuellement l'excès qui suit . Or
tout Astronome convient des absides ou variations
des distances des Planetes . L'équilibre doit
alors être rompu par leur éloignement ou leur
proximité. Elles doivent s'attirer quelquefois
beaucoup plus fortement. La Lune , par exemple,
dans la conjonction , devroit abandonner la
Terre et aller se joindre au Soleil , sur tout la
Terre étant dans le périhélie ; il arriveroit encore
que les deux attractions du Soleil et de la
Terre sur la Lune agissant du même côté
dans l'opposition de la Lune , au lieu que dans
sa conjonction ces deux forces se combattent . la
Lune dans l'opposition tomberoit sur la Terre .
Il est impossible que deux attractions si inégales
et dans ces situations de la Lune si contraires ,
produisent le même effet de la retenir dans l'écliptique.
Il faut aussi dans les absides et conjonctions
des autres Planetes , non-seulement
supposer une qualité occulte , telle que l'attraction
, mais il faut la supposer variable et de maniere
qu'elle se proportionne toujours au besoin
qu'on a d'elle.
Lorsqu'une Planete dans le périhélie , s'est approchée
du centre , l'attraction centrale étant
augmentée , il est impossible , en suivant les loix
du Systême Newtonien , que cette Planete retourne
à sa distance moyenne , et à plus forte
I. Vol.
raison
1112 MERCURE DE FRANCE
raison à l'aphélie . On prétend que quand Jupiter
et Saturne sont dans leur plus grande
proximité, qui est de cent soixante cinq millions
de lieues , suivant les derniers Astronomes , leurs
mouvemens ne sont plus de la même régularité ,
ce que les Newtoniens attribuent à une attraction
plus forte. Puisque le cours de Saturne est dérangé
, il faut donc que l'attraction centrale, qui devroit
agir plus puissammene sur Saturne à une
moindre distance, vienne à se relâcher , sans cause
, pour rendre à Saturne sa régularité . Le Systê
me est autant dénué de causes physiques , qu'il
est abondant en calculs.
Dans les grandes conjonctions des Planetes ,
plusieurs forces centrales réunies dans une ligne
perpendiculaire , devroient agir beaucoup plus
puissamment. Jupiter est plus massif que Saturne
, car Jupiter a plus de densité , suivant New-
Fon ( p. 372. ) il est aussi plus gros suivant tous
les Astronomes , Saturne est donc fortement attiré
par Jupiter , et quand ils se trouvent en con
jonction , la force passagere de Jupiter jointe à
la gravitation continuelle du Soleil , et aturant
Saturne du même côté , doit l'obliger de sortir
de son orbite ; et comme nous l'avons observé ,
le Systême ne fournit aucun moyen de l'y faire
rentrer. Au contraire , l'attraction augmentant
toujours à mesure que la distance diminuera , Saturne
décrira une ligne spirale , puis parabolique
et enfin presque perpendiculaire ; et venant de la
Région la plus éloignée se réunir au Soleil , quels
désordres ne fera t'il point en traversant irrégu
lierement, avec ses satellites , tout ce Monde New.
tonien , où il y a autant de principes de destruction
, que de centres de gravité.
Si l'on répond que l'excès de la vitesse de la
·
I. Vol. Planetę
JUIN. 1734 TII
Planété la soutient contre un excès d'attraction ,
Le Systême Newtonien est donc défectueux , et
c'est une nécessité indispensable d'y ajoûter un
troisiéme principe de la vitesse , qui moderé et
concilie les deux autres . Mais les Géometres auroient
un beau champ pour démontrer par des
calculs réels , fondez sur la regle de Kepler, admise
par Newton , et sur les Observations Astronomiques,
que les rapports réciproques des distances ,
des masses et des vitesses n'étant pas les mêmes en
tout temps , toute la théorie Newtoniene ne peut
avoir aucune solidité , puisque l'équilibre venant
à être rompu dans quelque partie de l'Univers ,
par la moindre inégalité d'attraction d'une Planete
ou d'un Satellite dans les absides , l'équilibre
seroit rompu en même - temps par tout , et
l'Univers aussi - tôt détruit , tous les Globes tombant
les uns sur les autres ; le Soleil même
suivant Newton , s'écarteroit de son centre à
quelque distance et précipiteroit encore la chute
des Planetes dans leurs conjonctions , la force de
la gravitation étant telle dans ce Systême , que
lorsqu'une Planete s'approche du Soleil , elle oblige
le Soleil de s'avancer un peu vers elle , s'il n'est
retenu par une attraction contraire. Ainsi tout le
Systême , au lieu d'avoir un rapport précis avec
les Phénomenes ( qui est le seul moyen de le faire
valoir ) est perpétuellement en contradiction avec
les faits établis par l'Astronomie .
Newton dit qu'il ne fait point d'hypothese ;
cependant tirer mille conséquences du même
principe d'une attraction generale et mutuelle ,
établir que les forces de cette attraction sont en
raison directe des masses , et en raison inverse des
quarrez des distances ; que suivant cette proposition
constante , le Soleil attire les Planetes , et
Je Vol.
дис
11 MERCURE DE FRANCE
ter , que s'il étoit dans le Ciel de Jupiter , maïs
sans être entré dans son tourbillon , il tomberoit
sur le Soleil , à moins qu'il ne vint à rencontrer
pendant sa chute le tourbillon particulier de
quelque Planete. Ainsi il y a lieu de faire sur ce
bouler des conjectures fort differentes de celles
de Newton , qui d'ailleurs ne pourroit tirer de
cette comparaison aucun avantage , puisqu'en
supposant le mouvement elliptique du boulet autour
de la Terre , ce seroit toujours une explication
plus physique de l'attribuer à l'impulsion
du fluide , qu'à une attraction centrale .
Newton finit ( p . 484. ) par reconnoître
qu'une matiere imperceptible penetre tous les
corps , et qu'elle est le principe de leurs attractiens
à de moyennes distances ; comme si la
nécessité d'un mouvement d'impulsion n'étoit
pas encore plus indispensable à l'égard des disrances
éloignées . Le Systême Newtonien ne
seroit soutenable , qu'en supposant les Planetes
sans absides et tous les corps celestes , sans
aucune variation de distance ; ce qui est bien
éloigné de la théorie des Cieux ; et ce Systême ne
nous apprendroit toujours rien , puisqu'il roule
sur un principe inconnu à l'Auteur , de son
aveu, et qui n'a mené jusqu'ici à aucune découverte.
L'Optique de Newton , qui est restée imparfaite,
n'a pas procuré plus d'utilité . Cette invention
si vantée des couleurs élementaires peut paroître
un peu suspecte , plusieurs personnes ayant
tenté inutilement cette experience ; Mariotte, dont
la sagacité en ce genre étoit connue, n'a pû réüssir
à la trouver , et M. Rizzetti a conclu des experiences
qu'il a faites , que tous les rayons sont
également refrangibles .
A l'égard de la Géometrie de l'infini, Newton
I. Vol.
se
JUIN. 1734. 1117
se sert de la Méthode qu'il appelle p. 32. ) des
points naissants et évanouissants , Méthode qui
renferme les mêmes contradictions que celle des
infiniment petits , Il n'est pas besoin de se jetter
dans des discussions métaphysiques , pour con
noître avec la plus entiere certitude , que la divisibilité
à l'infini ne peut s'allier avec les indi-
I visibles. Examinons quelles sont les veritables
défectuositez du Systême Cartésien , et s'il est
possible d'y remedier.
La fin dans le second volume de Juin.
************** : *
LES
URNE'S ,
Ou la cause de la diversité des Esprits.
Au Reverend Pere d ...... Jefuite.
Q
>
Uel est ce feu Divin qui m'échauffe et m'éclaire
,
Qui dirige mes pas sur ce vaste hemisphere ,
Qui mesure du Ciel l'incroyable grandeur
Et sonde des Enfers l'affreuse profondeur !
Plus vite que éclair qui partage la nuë ,
Sur mille objets divers l'Esprit porte sa vûë >
Rien ne peut l'arrêter et jusque sur les Dieux
Il ose promener ses regards curieux .
Seroit-ce une matiere ou vapeur étherée ?
Est-ce le feu du Ciel surpris par Promethée ›
D'atomes un amas fortuit , ou medité?
Ou quelque écoulement de la Divinité ?
1. Vob D
Ah !
1118 MERCURE DE FRANCE
8
Ah ! c'est une substance en tout spirituelle , a
Toujours indivisible et partant immortelle.
Mais d'où vient trouve- t'on dans ce vaste Univers
Tant d'espris differens ? tant de talens divers a
En est - il des Esprits ainsi que des visages ?
Chaque Esprit a ses traits, ses dons, et ses usages ;
Tous les Esprits enfin que l'on trouve ici bas ,
Faits de la même main , ne se ressemblent pas
L'un éleve son vol vers la plaine azurée , N
L'autre vole plus bas d'une aîle mesurée
Chez Pun regne un bon sens, simple et sans or
nement ;
L'autre dans ses discours répand un sel charg
mant ;
De la naïveté l'un a le caractere
1:2
Et l'autre sçait railler d'une façon legere ;
L'un est grave , profond , savant , misterieux
L'autre toujours badin , aimable , ingenieux :
Je sens que je m'égare ; oui , plus je m'évertuë ,
Moins de ces dons divers la source m'est connuë,
Je raisonnois ainsi , quand je vis Apollon
Laissant les doctes Soeurs et le sacré vallon.
Ce Dieu vint me trouver , pour dissiper mon
doute ; I
Viens vers moi , me dit- il , et suis moi dans ma
route ,
Ecarte de tes yeux le bandeau qui te nuit ,
Et montant dans les Cieux , sois par toi - même
instruit ›
Apollon part alors , il prend un vol rapide;
I. Vel. Mor
JUIN. 1734. TII
Mon corp's devient leger, le Dieu me sert de guide,
Je franchis avec lui les espaces des airs
Et laisse sous mes pieds et la Terre et les Mers ;
Nous arrivons tous deux à la Celeste Sphere ,
Sejour des Immortels que l'Univers revere ;
Là , mille objets charmans frapent mes yeux surpris
,
De les representer que ne m'est- il permis
Sept Dieux s'offrent à moi , chacun d'eux
tient une Urne ,
Mars , Jupiter , Venus , et Mercure et Saturne
Et le brillant Phoebus , et Diane sa Soeur ,
Chaque Urne transparente enferme une liqueur,.
Et toutes ces liqueurs different en essence ;
L'une à l'amour et l'autre à la vengeance , porte
L'une nous rend subtils , l'autre tardifs , pesans
Jupiter nous départ ses nobles sentimens
Les Rayons de Phoebus rendent l'ame brillante
Et Diane produit une humeur inconstante .
Sur un trône est assis l'imperieux Destin ,
Il regle notre sort , et la Parque soudain
Plonge dans ces liqueurs de plus d'une maniere
Chaque ame qui du jour entre dans la carriere ;
Des celestes liqueurs , dotés differemment ,
Nous apportons ici divers temperamens ,
Diverses qualités et diverse nature ;
L'un est Saturnien , l'autre tient de Mercure ,
L'un a de Jupiter le vol ambitieux ,
I.Vol. Dij
Et
120 MERCURE DE FRANCE
Et l'autre de Veuus les talens gracieux ;
Souvent un même Esprit deux qualités rassemble,
On y trouve Mercure et Jupiter ensemble ;
Ici , c'est le Dieu Mars adouci par Venus;
Là,le triste Saturne animé par Phoebus.
Plus des saintes liqueurs nos ames furent teintés
Plus elles ont des Dieux les qualités empreintes ;
Comme de l'alphabet les foibles élemens
Dans leurs nombres bornez et vuiles de tout sens
Par des combinaisons et par des assemblages
Forment differens mots , diferentes images ,
Et peuvent exprimer par mille divers sons
Des Etres d'ici bas la nature et les noms ;
Ainsi de ces liqueurs la diverse teinture
Forme de nos talens l'aimable bigarrure ;
De- là naît des Esprits l'ample diversité ,
Du Destin seul dépend cette varieté ;
Il en donne la trempe ou forte , ou bien legere,
Et choisit des liqueurs pour chaque caractere ;
Ses mélanges enfin nuancés et parfaits ,
Sont toujours variés par cent differens traits ;
Des Esprits differens la source est découverte ,
Un autre dira mieux et la route est ouverte.
D ....... Vous lirez ces vers rimés pour vous
Et des tristes Censeurs vous parerez les coups ;
Aux Urnes accordez un gracieux suffrage
Ami, vous leur devez mille fois davantage,
Pierre Defrasnoy.
.
I. Vol
RE
JUI N. 1734
II27
N
REFLEXIONS.
'hil veritas erubescit , nisi solummo
To abscondi.
Il y a à la Cour quatre bonnes Meres ,
qui ont quatre fort mauvais enfans ; sçavoir
, la Verité , qui engendre la haine s
la Prosperité , qui engendre , l'orgueil 3
la Séverité , qui engendre le périls et la
Familiarité qui engendre le mépris .
Amant veritatem lucentem , non redar
gueniem.
Le salaire des menteurs est de n'être
point crûs quand ils disent la verité.
Mendaci etiam verum dicenti non creditur.
Phédre.
Les raisons simples et foibles de ceux
qui deffendent la verité , font souvent
un meilleur effet que de plus fortes et
plus recherchées , en découvrant à quelles
extremitez sont réduits ceux qui veulent
la combattre . Il faut avouer cependant
qu'on fait quelquefois tort à la veẻ
par la maniere de la deffendre .
I. Vol. D iij
rité
Une
1122 MERCURE DE FRANCE
Une trop grande confiance d'avoir
trouvé la verité, et la persuasion qu'on en
a , empêchent souvent de la trouver en
effet.
Il faut proportionner les veritez
Saintes à l'intelligence humaine ; il est
de la prudence de ne pas exposer le
langage divin à l'insulte des prophanes ,
et au mépris de ceux qui condamnent
et blasphement tout ce qu'ils ignorent,
et qui , devenus semblables à des animaux
sans raison , corrompent tellement
leur esprit , qu'ils ne connoissent rien
que par le seul interêt de la Nature.
C'est souvent rendre la verité douteuse
et en prophaner la simplicité , que d'em
ployer trop d'éloquence pour l'établir.
Dans les Narrations , un Auteur qui
veut être crû , doit moins s'appliquer à
dire la verité , qu'à rendre croyable co
qu'il dit.
Les gens de bien ne disent rien de
vrai mollement , ni de faux hardiment.
Nequid falsi dicere audeat , nequid veri
non audeat.
Il n'y a rien de si aigu qui ne rebrousse
contre le bouclier de la verité.
I. Vol. Veritati
JUI N. 1734: 1123
Veritati præscribere nemo potest , non spas
tium temporum , non patrocinia personarum
, non privilegium nationum . Tertul.
Les Vertus chrétiennes n'étant pas
apposées entr'elles , la charité qu'on doit
à son prochain ne doit pas arrêter la
justice qu'on se doit à soi- même.
L'art de la dépravation ne se doit apprendre
nulle part. Les loix de l'honnêteté
doivent être scrupuleusement gar
dées par tout. Il ne faut point imprimer
de dangereuses pensées dans les esprits ,
sous prétexte de rendre le vice plus abominable
, ni les remplir de honteuses.
idées , lorsqu'il n'est question que de les
animer à la recherche de la gloire , en leur
représentant les plus éminentes vertus.
Quand on ne veut faire que ce qui
est permis , il est permis de faire tout
ce qu'on veut.
Le comble de la vertu c'est d'élever
son esprit au -dessus des promesses et des
menaces de la fortune.
On est parvenu à une extrême , vertu
quand on pardonne tout aux autres ,
D iiij comme I. Vol
1124 MERCURE DE FRANCE
comme si on faisoit tous les jours des
fautes, et qu'on s'abstint d'en faire, comme
si on ne pardonnoit rien à personne.
C'est un grand Art dans certaines occasions
, que de sçavoir soutenir la vertu
sans offenser ceux qui l'attaquent.
Combien de choses sont l'effet du dégoût
, de la bienséance ou de l'amour
de la santé , dont on fait honneur à la
Vertu .
On n'a que trop de penchant à fonder
son opposition à la pratique des vertus
chrétiennes sur l'impossibilité d'ar
teindre à la perfection des Saints ; et
l'on s'autorise à ne pas les imiter quand
leurs actions paroissent trop au dessus
des efforts ordinaires de la Nature .
On ne manque jamais d'occasion de
pratiquer la vertu . Nunquam potest nom
esse virtuti locus. Seneq. Medee.
Pour juger de la vertu d'un homme ,"
il faudroit lire dans le fond de son coeur
pour y découvrir les causes qui le font
agir , car ce sont les causes qui font la
vertu , et non pas les actions exterieures.
1. Vol.
Souvent
"
JUIN. 1734
1125
Souvent les plus grandes vertus des
Hommes ne sont que le triomphe d'une
passion moins criminelle sur une passion
plus criminelle ; ensorte que ceux
qu'on croit si vertueux , ne different des
autres que par le choix de certains deffauts
qui sont moins condamnez dans
le Monde.
De- même qu'il est plus aisé de pren
dre la maladie d'un autre , que de lui
donner la santé dont nous jouissons , nous
avons plus de facilité à contracter les
vices d'autrui , qu'à communiquer notre
vertu. Facilius est vitium contrahere quam
virtutem impertiri : quem admodum facilius
est morbo alieno infici , quàm sanitatem lar:
giri. S. Greg. de Nazianze.
La pauvreté n'ête pas les vertus , et les
riches ses ne les donnent point.
Avec de la vertu , de la capacité et
une bonne conduite , on peut être insupportable;
les manieres que l'on néglige
comme de petites choses , sont souvent
ce qui fait que les hommes décident
de nous en bien ou en mal. Une
legere attention à les avoir douces et
polies , prévient leurs jugemens. Il ne
I. Vol.
faut D v
116 MERCURE DE FRANCE
faut presque rien pour être crû fier , incivil
, méprisant , désobligeant. I fiut
encore moins pour être estimé tout le
con raire.
C'est une vertu bien legere que celle
qui n'a jamais été à l'épreuve.,
Il est beaucoup plus aisé de conserver
toute sa vertu , que de revenir à
elle , dès que nous avons fait un pas
qui nous en éloigne.
Ceux qui prétendent s'attirer des dé
ferences par de fausses vertus , se mocquent
de ceux de qui ils les prétendent ;
et ceux- cy , à leur tour , se mocquent
de ceux- là en leur rendant des respects
apparens , au lieu des véritables qu'ils
esperent.
le
La haute vertu imprime dans tous
les coeurs certains caracteres de veneration
que temps n'efface jamais . On
admirera toujours l'action de Camille ,
qui renvoya aux Siliques , leur Maître
d'Ecole , fouetté par la Jeunesse de leur
Ville qu'il avoit voulu livrer ; et celle
de Fabrice , qui avertit Pyrrhus , son Ennemi
, que son Medecin offroit de l'empoisonner.
I. Vol La
JUIN. 1734. 1127
La plupart des hommes ont mons
d'empressement à être vertueux , qu'à ,
le paroître.
Tanto major fama satis est , quàm
Virtutis : quis enim virtutem amplectitur ipsam ;
Pramia si tollas ? Juven. Sat 10. ,
Les vertus mêmes sont quelquefois dangereuses
dans un homme sans jugement.
Quand on conseille la vertu aux au
tres , on augmente les raisons que l'on
a de la pratiquer..
Dicta , factis de facientibus erubescunt.
Il est bien plus difficile de se soutenir
dans la perfection , que d'y atteindre.
peu
Il y a bien
de vertu de bon aloy;
parmi les plus sinceres
il y a toujours
un certain
exterieur
sévere et rebutant
, très utile à la vertu.
Il en est de la veritable vertu comme
des bons Parfums , qui n'ont jamais plus
d'odeur que quand on les pile ou qu'on
les brule. La vertu a besoin d'épreuve .
Marcet sine adversario virtus. Seneque .
La vertu, doit être sans excès , et la
La Vol D vj per116
MERCURE DE FRANCE
faut rien presque pour être crû fier , incivil
, méprisant , désobligeant. I fiue
encore moins pour être estimé tout le
con raire.
C'est une vertu bien legere que celle
qui n'a jamais été à l'épreuve.,
Il est beaucoup plus aisé de conserver
toute sa vertu , que de revenir à
elle , dès que nous avons fait un pas
qui nous en éloigne .
Ceux qui prétendent s'attirer des dé
ferences par de fausses vertus , se mocquent
de ceux de qui ils les prétendent s
et ceux - cy , à leur tour , se mocquent
de ceux - là en leur rendant des respects
apparens , au lieu des véritables qu'ils
esperent.
La haute vertu imprime dans tous
les coeurs certains caracteres de veneration
que le temps
n'efface jamais. On
admirera toujours l'action de Camille ,
qui renvoya aux Saliques , leur Maître
d'Ecole , fouetté par la Jeunesse de leur
Ville qu'il avoit voulu livrer ; et celle
de Fabrice , qui avertit Pyrrhus , son Ennemi
, que son Medecin offroit de l'empoisonner.
I. Vol
La
JUIN. 1734. 1127
La plupart des hommes ont mons
d'empressement à être vertueux , qu'à,
le paroître.
Tanto major fama satis est , quàm
Virtutis : quis enim virtutem amplectitur ipsam ;
Pramia si tollas ? Juven. Sat 10 .
Les vertus mêmes sont quelquefois dangereuses
dans un homme sans jugement.
Quand on conseille la vertu aux au
tses , on augmente les raisons que l'on
a de la pratiquer..
Dicta , factis de facientibus erubescunt.
Il est bien plus difficile de se soutenir
dans la perfection , que d'y atteindre .
Il y a bien peu de vertu de bon aloy;
parmi les plus sinceres il y a toujours
un certain exterieur sévere et rebutant,
très utile à la vertu.
Fl en est de la veritable vertu comme
des bons Parfums , qui n'ont jamais plus
d'odeur que quand on les pile ou qu'on
les brule. La vertu a besoin d'épreuve .
Marcet sine adversario virtus . Seneque .
La vertu doit être sans excès , et la
L Vol D vj per1128
MERCURE DE FRANCE
perfection même doit avoir ses bornes.
Oportet sapere usque ad sobrietatem. S. Paul.
Les richesses sont à la vertu ce que
le bagage est à une armée , qui quelque
fois l'empêche d'avancer , et d'autres fois
la fait aller bien loin. Bacon.
L'amour de la gloire et la crainte du
blâme , sont presque toujours les vrais
motifs de la vertu .
Non basta la Fortuna per ingrandire
gl'homini , senon vi concorre la virtùs ed è
vana la virtù dove manca la fortuna .
Il vitio non è sicuro , nemeno nel mez
delle virtù , per che contamina la virtù.
Statutat
AVR P. GRESSET , de la Compagnie
de Jesus , Professeur de Réthorique au
· College de Rouen , Auteur des Poësies
qui paroissent sous le nom de M. G.
O
T
Toi , dont la Musette tendre ;
Se fait admirer sur ces bords ,
Heureux Berger , ne puis- je apprendre
Le doux pouvoir de tes accords ?
1. Vol Quel
·
JUI N.
1120
1734.
Quel charme , Dieux , quelle harmonie
Résulte de tes sons touchans !
Chez toi les Airs du Berger d'Italie
Trouvent encor de nouveaux agrémens
Venez , Déesses d'Hypocresne ,
Venez , que vos regards surpris
Trouvent aux Rives de la Seine ,
Théocrite et Virgile en un seul réunis.
Voyez un Berger plein de charmes ,
Entouré des Ris et des Jeux :
Voyez l'Amour verser des larmes
De ne pouvoir se mêler avec eux.
Mais quel est ce profond silence !
Tout est sensible à ses accens ;
Les arbres même en marquent la cadence
Par d'heureux mouvemens.
Fuyez ô stupide vulgaire ,
Fuyez et respectez ce B rger desormais
Ses sons pour vous sont un mystere
Que vous ne comprendrez jamais.
Fuyez. Que vois- je ? Euterpe et Polymnie
Ont déjà couronné son front ,
Et la Troupe sçavante à l'instant réunie ,
Part , disparoît , revole au double Mont,
I. Vol. Berges
1130 MERCURE DE FRANCE
Berger , jouis d'une Couronne
Que jamais la faveur ne nous fit remporter
Quand les neuf Soeurs , quand Phébus nous la
donne
En vain voudroit- on nous l'ôter.
Je sçai que contre toi milie sots du Parnasse ,
Se sont élevez dans ces Lieux ;
Mais après tout , qu'a produit cette audace ?
Leurs propres traits se sont tournez contre eux.
L'Abbé Debecdelievre, ,
son Ecolier.
LETTRE de M. Pierre le Roy ,
Horloger , à M. de .... pour servir de
Réponse à la Lettre de M. Thiout ,
insérée dans le Mercure de France ,
Décembre 1733. page 2668 .
Vsieur,de la Lettre que vous avez
Ous êtes sans doute surpris , Monlûe
dans le Mercure , au sujet de la Pendule
que j'ai annoncée dans le même
Journal au mois de Septembre dernier.-
Les commoditez et les avantages que
vous y avez trouvé et que M. 1 hiout
n'y veut pas reconnoître , font , sans
doute , le sujet des explications plus par
I. Vol. ticulieres.
JUIN. 1734 7134
>
ticulieres que vous me demandez.
Ma Pendule marque les minutes du
tems vrai sur un cercle mobile autour
du Cadran , et le mouvement de ce cercle
se regle en mettant sous un Index le
quantiéme du mois marqué sur ce cercle.
Vous ne vous attendiez pas que M.
Thiout feroit au Public , et même aux
personnes intelligentes, l'injustice de leur
refuser assez de connoissance pour met
tre le quantiéme du mois sous un Index ,
et pour s'approcher du Cadran jusqu'à
une distance convenable toutes les fois
que l'on veut voir l'heure du tems vrai,
Ma Pendule n'a point d'autre défaut
que les autres dans cette partie ; et quoique
les minutes du tems vrai ne conviennent
point avec celles du tems moyen
le cercle mobile où elles sont marquées
étant blanc , et les chifres étant noirs et
gros , il est très- facile de les remarquer au
moins d'aussi loin qu'on peut voir l'aiguille
des minutes : Or depuis qu'il n'y
a point de difficulté pour remarquer
la
minute à laquelle répond l'aiguille , on
y peut trouver l'avantage que je m'étois.
proposé.
Si j'avois mis une détente ordinaire à
ma Pendule , elle n'auroit sonné les
que
heures du tems moyen , et par
J. Vol.
consequent
1132 MERCURE DE FRANCE
quent la sonnerie auroit pû retarder et
avancer d'un quart d'heure sur le tems
vrai auquel on se regle. Pour éviter cet
inconvenient , j'ai imaginé une détente
qui ne la fait sonner que quand l'éguille
Est à 60. minutes du rems vrai .
M. Thiout avoue que ma détente est in
genicuse ; mais pour en diminuer le merite
il dit que M. Enderlin en a imaginé
une autre , où il évite les talus qui sont à
la mienne, ce qui la rend plus parfaite et
plus facile à executer, M. Thiout devoit
donner la description de cette détente
pour qu'on pût en faire la comparaison et
remarquer les avantages de l'une sur l'autre.
Pour vous faire sentir , M. combien
ma détente est au dessus de celle de M.
Enderlin , il faut les décrire toutes deux.
Lorsqu'on fait tourner le Cadran du
tems vrai dans ma Pendule , ce Cadran
emporte avec lui au- dedans de la cadrature
un levier , à l'extrêmité duquel est
un cercle concentrique , à la rouë des minutes,
et qui peut se mouvoir perpendiculairement
au plan du Cadran , dont la
circonference répond toujours à la détente
de la sonnerie , ensorte que ce cercle ne
sçauroit se mouvoir sans faire lever la
détente . Ce cercle qu'on peut appeller
levée circulaire , a deux plans inclinés de
1. Vol. champ,
JUIN. 1734- 3133
champ' , et chaque plan incliné en occupe
la moitié ; ensurte que ce cercle ressemble
à une rouë de rencontre qui n'auroit
que deux dents : l'un des plans inclinés
répond toujours à 60. minutes du Cadran
mobile , et l'autre à trente minutes.
La roue des minutes , au lieu de cheville
, porte un plan incliné , sur lequel
les plans inclinés du cercle concentrique
reposent toujours , ainsi la rouë des minutes
en tournant , fait mouvoir ce cercle
perpendiculairement au plan du Cadran:
et leve la détente de la sonnerie , quand
le plan incliné de la rouë de minutes est
arrivé au sommet du plan incliné qui répond
à 6c. minutes ou à 30 minutes du
Cadran mobile , le plan incliné du cercle
concentrique qui étoit engagé , se dé
gage. Ce cercle reprend sa situation na
turelle , la détente retombe et permet à
la Pendule de sonner.
ainsi
Vous voyez par ce détail , M. que ma:
détente a deux avantages sur les déten
tes mêmes ordinaires. 1 ° . Il y a toujours
un plan incliné de la levée qui répose
sur le plan incliné de la chaussée
la resistance que le mouvement trouve
est toujours uniforme , au lieu que dans
lęs Pendules ordinaires la levée ne porte
sur la cheville qu'environ un quart d'heu-
I.Vol.
,
134 MERCURE DE FRANCE
re avant l'heure ou la demie , par consequent
le mouvement ne trouve pas toujours
une resistance égale. La cheville
dans l'opération qu'elle fait , n'agit pas
toujours sous ce même angle , et sa force
n'est pas ménagée comme dans ma Penduke
.
>
la
2º. Puisque chaque plan incliné de
ma détente occupe un demi cercle
rouë de minutes employe une demie heure
entiere à lever la détente , au lieu que
cette opération se fait dans un quart
d'heure dans les Pendules ordinaires , et
comme leurs forces sont en raison renversée
des tems employés à surmonter une
même resistance , ma rouë de minutes ne
doit employer pour lever ma détente ,
que la moitié de la force qui se trouve
employée pour lever les détentes ordinai-
ECS.
M. Thiout n'avoit pas , sans doute , fait
ces reflexions , quand il a mis ma détente
au- dessous de celle de M. Enderlin
qui , comme on va le faire voir , demande
beaucoup plus de force que les détentes
ordinaires ; car pour la détente de M.
Enderlin , il y a au centre de la quadrature
un rochet porté sur une virole fixée
à la platine , au travers de laquelle passe
la tige qui porte la rouë de minute ;
I. Vol.
он
JUIN. 1734. 1135
ou rouë dechaussée . Ce rochet à un bras
qui est toujours engagé dans la levée de
la détente , ensorte qu'il ne sçauroit être
mû sans mouvoir cette levée . Le Cadran
mobile des minutes porte aussi une au
tre levée mobile sur une cheville dont
le bout répond toujours à 60. minutes du
Cadran mobile des minutes , et cette levée
porte à son extrêmité un cliquet pous
sé par un ressort qui peut s'engager dans
les dents du rochet dont j'ai parlé.
La chaussée porte deux chevilles , l'une
pour l'heure , et l'autre pour la demie.
Chaque cheville prend à son tour le bout
de cette derniere lévée , la pousse et fait
engager le cliquet dans une dent du rochet.
Ce cliquet , ou pour mieux dire la
Jevée , ( parce que le cliquet ne sert à la
levée que de point d'appui dans la dent
du rochet , ) fait tourner le rochet , qui
en tournant fait lever la détente par le
moyen de son bras qui est engagé dans
la levée ; et quand la cheville de la rouë
de minutes est dégagée , la détente reprend
sa place et la Pendule sonne.
Examinons presentement cette détente
, et voyons si elle peut ésre mise
en parallele avec la mienne. D'abord il
faut plus de force pour mouvoir la levée
qui tient au Cadran mobile que pour le-
I. Vol. Ver
1136 MERCURE DE FRANCE
ver celle des Pendules ordinaires , parce
qu'il faut vaincre la resistance d'un ressort
, qui doit non -seulement renvoyer
la levée , mais qui doit encore dégager le
cliquet qui est engagé et poussé dans le
rochet par un ressort . Outre cela il est évident
que le mouvement qu'il faut donner
au rochet et à la détente de la sonnerie
, oppose de nouvelles resistances
qui ne se trouvent point ailleurs . La détente
de M. Enderlin a donc trois défiuts.
1. L'operation pour lever la détente
se fait dans un demi quart d'heure
ou environ , et dès-là la résistance que
fait la premiere levée à la cheville qui la
pousse est plus que double de celle des
levées ordinaires . 2. Cetre premiere le
vée qui porte le cliquer , doit faire tour
ner le rochet, et ce rochet doit reprendre
sa situation . Il faut donc un ressort à ce
rochet pour le ramener , et par consequent
voilà une resistance nouvelle , qui
seule est beaucoup plus considerable que
toutes celles qui se trouvent dans ma
pendule et dans les Pendules ordinaires :
Un examen plus severe feroit encore voir
un inconvenient dans la virole sur laquelle
tourne le rochet , car cette virole
étant grosse , le mouvement du rochet
ne sçauroit se faire sans beaucoup de
frottement. 3
JUIN. 1734. 1137
3°. A l'endroit où le bras au rochet est
engagé avec la levée de la détente , il
se fait encore un nouveau fottement que
le mouvement de la Pendule doit vaincre.
>
Enfin , puisque c'est la cheville de la
rouë de minute qui doit faire faire toutes
ces operation xausquelles elle employe une
grande partie de sa force , qu'eile les fait
dans un demi quart d heure ou environ
sous des angles continuellement variés ,
et qu'elle est libre le reste du tems. Personne
ne sera surpris si la Pendule dont
M. ,Thiout vante tant la détente , n'a pas
toute la regularité qu'on exige d'une
bonne Pendule .
A l'égard de l'éxecution de ces deux détentes,
il est visible que celle de la mienne
est beaucoup plus facile que celle de
l'autre. Premierement , en ce que ma levée
circulaire n'a pas besoin d'autre précision
que d'être à peu près concentrée à
la rouë de minutes , et d'être partagée en
deux parties égales par les deux plans inclinés
, au lieu que la détente de M. Enderlin
demande que la levée qui porte
le cliquet soit parfaitement concentrée
, autrement le cliquet pourroit bien
manquer. Le rochet , ou du moins le
bout de cette levée , étant plus ou moins
J. Vol. proche
138 MERCURE DE FRANCE
proche du centre se dégagetoit plus tard
ou plûtôt de la cheville , et la Pendule
ne sonneroit pas précisement à 60. minutes
, ni à 30. minutes. Secondement , il
n'y a dans ma Pendule que la levée circulaire
à mouvoir pour faire lever la détente.
de la sonnerie , ainsi il n'y a qu'une piece
qui peut demander quelque regularité .
Dans la Pendule de M. Enderlin , la levée
qui porte le cliquet demande au moins
autant de regularité que ma levée circulaire
; le cliquet que porte cette levée demande
aussi de la regularité ; le bras qui
reçoit dans sa fente la cheville de la levée
de la sonnerie , demande encore de la
sujetion , sans compter le rochet qui doit
être bienfait et bien libre sur sa virole.
Enfin toutes les pieces à mouvoir consommant
une trop grande partie de la force
de la Pendule la pourroient faire arrêter si
elle étoit mal faite , cu construite par une
main moins habile que celle de M. Enderlin
. Je conclus donc ; M. que ma détente
est beaucoup plus aisée à executer,
plus solide , moins fatiguante pour le
mouvement , et par consequent préferable
à la sienne ; et je suis même étonné
que M. Enderlin , qui avoit beaucoup
de genie , et qui avoit vû ma détente
quatre ans ayant d'imaginer la sienne ,
L.Vol.
l'ait
JUI N. 1734. 1139
l'ait faite si défectueuse et si contraire aux
principes de la bonne horlogerie.
Ma Pendule marque aussi le quantiéme
du mois d'une maniere plus simple
qu'on ne le fait ordinairement. M.Thiout
me rend justice , en disant qu'il ne croit
pas que mon dessein soit d'en imposer ,
quand j'ai dit que les quantiémes ordinai
res se marquoient par le moyen de trois
roues et deux pignons. Il est vrai que
c'est une faute qui s'est glissée , mais j'ai
voulu dire trois rouleaux , deux rouës et
un pignon , au lieu que dans ma Pendule
je ne mets que trois chevilles sur le barillet
de sonnerie qui fait son tour en trois
jours qui prend chaque jour à minuit
une dent de la roue du quantiéme. J'avols
regardé cette façon de faire marquer
le jour du mois comme une idée qui peut
venir à tout le monde , c'est pourquoi
je n'en avois pas donné la description
dans la Lettre où j'ai annoncé ma Pendule
et je ne la donne aujourd'hui que
pour vous faire voir , Monsieur , que je
n'ajoute à ma Pendule qu'une seule rouë
pour lui faire marquer le quantiéme au
lieu de trois rouleaux , deux roues et un
pignon qui sont enployées dans les Pendules
ordinaires pour la même operation .
A restepourle Mercure prochain.
,
SON
# 140 MERCURE DE FRANCE
SONNE T.
Sur le bonheur de la Solitude.
N'Appliq *Applique, ambitieux, tes soins et ton étude,
Qu'à briguer quelque Charge , où tu sois respecté
;
Pour moi foulant aux pieds , et rang et dignité,
J'aime à vivre inconnu dans une Solitude ,
Là , content de mon sort , rien ne m'y` paroît
rude ;
J'y pense
à mon salut en toute liberté ,
Convaincu qu'ici bas tout n'est que
vanité ;
J'attens la mort sans peine et sans inquietude,
Cer objet , quoiqu'affreux , ne cause de terreur
Qu'à celui qui charmé de ce monde trompeur
Fait son souverain bien d'une vaine chimere.
Celui qui , retiré , sert Dieu fidelement ,
Lui donne tout son coeur , ne cherche qu'à lui
plaire ,
Loin de craindre la mort, la desire ardemment.
I.Vol. IX.
JUIN. 1734. 1148
EXTRAIT du Mémoire lû par
M. d'Onsenbray , à la rentrée de l'Académie
, dus May dernier.
D'Onsenbray a lû un Memoire
M. touchant la Description et les usages
d'une Machine qui marque continuellement
sur le papier non seulement
les vents qu'il a fait , et à quelle heure
chacun a commencé et fini , mais aussi
leurs differentes vitesses ou forces relatives.
Après avoir exposé brièvement les
avantages qu'on retireroit de la connoissance
des impulsions du vent tant pour
la navigation que pour les Moulins ;
M. d'Onsenbray ajoute , que le plus sûr
moyen qui lui ait paru pour parvenir à
cette connoissance , étoit d'imaginer des
Machines propres à faire toutes les expériences
nécessaires sur les vents.
Entre cinq Machines differentes que
M.d'Onsenbray a imaginées et fait exécuter
pour déterminer les forces absoluës et
relatives des vents , et connoître toutes
- leurs varietez , il s'est contenté d'annoncer
les quatre premieres , se réservant
d'en donner les Descriptions dans les as-
. 1Vol. I E sem1142.
MERCURE DE FRANCE
semblez particulieres de l'Académie pour
ne décrire que la cinquiéme Machine
comme la plus complette , et à laquelle il
a donné le nom d'Anemometre à Pendule.
"
Entre plusieurs Auteurs qui ont travaillé
et écrit sur les vents , M. d'Onsenbray
parle de deux Anemometres décrits
par M. Wolf et par Georges Leutman
il ajoute que le Chancelier Bacon a fait
connoître dans son Histoire des vents les
avantages qu'on retireroit d'avoir des observations
et des expériences suivies sur
les varietez des vents et faires par diffe-
Lens observateurs dans differens pays ;
Enfin il cite à cette occasion plusieurs autres
Auteurs qui ont écrit sur les vents
et entre autres la dissertation du Pere
Sarrabat Jesuite , sur les causes et les variations
des vents , ouvrage qui a remporté
le prix de l'Académie de Bordeaux
en 1730.
,
L'Anemometre décrit par M. d'Onsenbray
est nommé à Pendule , étant composé
de deux parties principales qui sont
menées par la roue des heures d'une Pendule
placée entre les deux ; chaque partie
devide sur des bobines une bande de
papier.
M. d'Onsenbray distingue trois moteurs
pour
faire aller toute la Machine ; le pre-
1 Vol, mier
JUIN. 1734 1143
mier est la Pendule dont nous venons de
parler , le second est l'action du vent sur
une girouette dont le bas de la tige porte
un Čilindre qui a 32 pointes placez en
forme d'Helice pour les 32 rumbs ou airs
de vent. Ces pointes servent de crayon et
marquent par des traits sur le papier de
la partie à droite de la Pendule les vents
qui ont regné et leur durée. Le troisiéme
Moteur est l'action du vent sur les îles
d'un Moulin horisontal dont le nombre
des tours se trouve marqué par des points
de 400 en 400. tours sur le papier de la
partie à gauche de la Machine ; ainsi on
connoît sur cette partie les differentes viresses
ou forces relatives des vents par le
plus ou le moins de tours du Moulin
pendant chaque quart d'heure.
Enfin nous ajouterons seulement encore
car il n'est pas possible de faire sentir
tout leMechanisme de cette Machine sans
figure , ) que les papiers des deux parties
se trouvent divisez par des points de
quart d'heure en quart d'heure , pour
connoître l'heure des changements de
direction et de force du vent.
Ce qu'il y a de plus singulier à cet Anemometre
, c'est qu'on n'a pas besoin de
se tenir auprès pour observer , et qu'on
trouvera marqué sur les papiers tous les
I Vol.
E ij
chan
1144 MERCURE DE FRANCE

changements qui seront arrivez pendant
les 24 heures , soit de direction , soit de
vitesse du vent , l'heure de ces changements
et la durée de chaque vent ; on
verra, par exemple,à quelle heure un vent
a commencé à souffler son nom ou sa
direction , sa vitesse relative , combien il
aura continué , et combien se sera passé
de temps sans qu'il y ait eu de vent.
,
M. d'Onsenbray a tâché dans la construction
de son Anemometre de le rendre
tel , qu'il instruise de tout ce qu'on
peut avoir besoin et envie de sçavoir par
raport aux vents ; il se placera dans une
Chambre ou un Cabinet où il fera ornement,
sans qu'on soit obligé de le tenir à
l'air , en conduisant comme aux Cadrans
à vent ordinaires la tige de la Giroüete et
le cordon du Moulin le long du mur
le toît .
pour gagner
aller
శ్రీ శ్రీ శ్రీ
RONDE A U.
Voir un Phenix'n'est pas chose ordinaire ↓
Maint grand Auteur en a pourtant écrit ;
Mais en ce point il paroît tant d'esprit ,
Que le Portrait m'en semble imaginaire.
Į Vol.
Pour
JUIN:
1141 1734.
Pour moi j'irois de Paris jusqu'au Caire ,
Du Monde entier je ferois le circuit
Si je croyois de mes soins pour tout fruit ,
Dans ces climâts nouveau Missionaire ,
Voir un Phénix .
Mais parlons mieux : sous ce rare animal ,
Ces anciens Clercs qui ne pensoient pas mal ,
Ont , selon moi , peint une femme sage .
Et c'est raison ; car qui sur Terre a vû
Femme fidelle et chaste en son ménage ,
Peut , à bon droit , se vanter d'avoir pû
Voir un Phénix .
O
*:*:
N apprend de Chambery , que
Mre Michel- Gabriel de Roussillon
de Bernex , Evêque et Prince de Genêve ,
Suffragant de l'Archevêché de Vienne ,
auparavant Chanoine Régulier de Saint
Augustin , de l'Ordre de saint Antoine
, mourut dans son Diocèse en odeur
de sainteté le 23. Avril dernier . Le Public
verra peut- être avec plaisir quelques
circonstances de la Vie et de la
Mort de ce pieux Prélat , contenues dans
a Lettre qu'on va lire .
J. Vol.
Bij LET
1146 MERCURE DE FRANCE
LETTRE de MeN. Gasparini , General
de l'Ordre de S. Antoine , à tous les
Superieurs et Commandeurs de son Ordre
en France , en Italie , en Espagne et en
Allemagne , sur la Mort du dernier
Evêque de Genève.
MONON REVEREND PERE
La mort vient d'enlever à l'Eglise un
saint et illustre Prélat , et à nous un cher
et respectable Confrere , que nous regardons
, à juste titre , comme un des
plus grands ornemens que notre Ordre
ait jamais cû. Vous comprencz , sans doute
, que je veux vous parler de Mre Michel
Gabriel de Roussillon de Bernex ,
Evêque et Prince de Genêve. Il est decedé
dans son Diocèse à Annessi , le jour du
Vendredy- Saint 23. du mois d'Avril ,
entre midi et une heure , dans la 77 .
année de son âge.
Issu d'une des plus anciennes et des
plus illustres Maisons de Savoye , il méprisa
dans un âge encore tendre toutes
les grandeurs auxquelles il pouvoit naturellement
aspirer dans le siècle, et chercha
dans notre Ordre un azile pour s'y
consacrer entierement au service du Sei-
I. Vol gneur
JUI N. 1734 1147
gneur. Il y prit l'habit le 17. Novembre
de l'année 1672. et fic Profession le 21 .
du même mois de l'année suivante ; il
s'y est rendu recommandable par sa pieté
, par l'austere régularité de ses murs
et par son amour pour les Sciences ; les
progrès qu'il y fit et sa profonde érudi
tion , engagerent les Supérieurs à le charger
d'enseigner la Théologie à Toulouse,
employ dont il s'acquitta avec autant
d'applaudissement que de succès .
Après le décès de M. Antoine Pain
la Jasse , un de nos Prédécesseurs , il
fut choisi pour faire la Harangue au Chapitre
Géneral qui s'assembla au mois de
Mars 1688 pour l'Election de son Successeur.
On admira alors et on admi
rera toujours dans cette Piece la force
de son éloquence et cette genereuse liberté
qu'inspire la verité et l'amour du
bien public. Dans ce Chapitre , où il exerça
les pénibles fonctions de Secretaire
et dans le suivant , il fut unanimement
élu Superieur de la Maison de notre Ordre
à Toulouse. Il la gouverna six ans en
cette qualité avec cette sagesse , cette
prudence qui regloit toutes ses démarches
; il y fit construire ce superbe Edifice
, qui fait un des plus beaux ornemens
de cette Ville , sans interrompre
I. Vol. E j
pour
1148 , MERCURE DE FRANCE
pour cela ses travaux pour l'Eglise dans
le ministere de la Chaire et la direction
des ames , ni les études qu'il chérissoit
singulierement et qu'il fit fleurir dans sa
Communauté. Ces fameuses Thèses de
Droit Civil et Canonique qu'il fit soutenir
avec tant d'éclat et de succès devant
le Chapitre General de l'année 1691 .
montrent qu'il ne se bornoit pas
à un
seul genre de science et qu'il ne négligeoit
aucune de celles qui pouvoient
rendre ses Confreres utiles à l'Eglise.
La réputation de ce grand homme ne
pouvoit être long- temps renfermée dans
notre Ordre. Elle éclata dans la Cour
du Roy de Sardaigne Victor Amedée, de
glorieuse memoire ; ce grand Prince , juste
estimateur du mérite , et dont le vaste
génie s'est fait admirer dans toute l'Europe
, nomma le Réverend Pere de Bernex
à l'Evêché de Genêve , pour lequel
il fut sacré le 6. Octobre de l'année 1697.
dès lors cet illustre Prélat se proposa pour
modele le grand S. François de Sales , son
Prédecesseur. L'on peut assurer avec justice
qu'il en a été le parfair imitateur par
sa dévotion tendre et affectueuse , par
son amour empressé pour les Pauvres ,
par son zele ardent pour la réunion des
Héretiques , par le bon ordre qu'il main-
1. Vol. tint
JUIN, 1734. 1149
tint dans son Clergé , par ses travaux
et ses fatigues immenses dans les visites
de son Diocèse , par sa modestie dans
ses habits , la frugalité de sa table , sa
simplicité vrayement Apostolique , dans
ses meubles et dans son train , par sa
profonde humilité , enfin par toutes ces
vertus épiscopales dignes des Pasteurs des
premiers siecles ; aussi n'entreprenoit- il
rien sans avoir prié long- temps au Tom
beau de ce grand Saint , qu'il regardoit
toujours comme l'Evêque de Genêve , et
dont il disoit n'être que le Vicaire.
Son élevation ne lui fit point perdre
T'attachement sincere qu'il avoit pour
notre Ordre , il en a souvent donné des
témoignages publics , et vous n'ignorez
pas avec quelle affection , quelle joye ,
quelle effusion de coeur , quels tendres
sentimens il recevoit ceux d'entre nous
qui l'alloient visiter , il les appelloit tou
jours ses meilleurs amis , ses chers Confreres
, et il observoit religieusement de
celebrer , suivaut nos Statuts, le S. Sacrifice
pour ceux dont on lui apprenoit
la mort.
Mes occupations ne me permettent
pas d'entrer aujourd'ui dans un plus
grand détail , je me propose pour l'édi-
Sication des fidelles , pour l'honneur de
fo Febr
Ev tour
1150 MERCURE DE FRANCE
tout l'Ordre Canonique et , du nôtre en
particulier , de donner au Public l'histoire
d'une vie si sainte. J'invite tous
ceux de mes Confreres qui ont eû le
bonheur d'être ses Disciples et d'admirer
de près ses éminentes vertus , de
m'envoyer pour cet effet des Memoires
détaillez et dans la plus grande exactitude.
Je me contenterai de vous dire ,
pour le présent , qu'il a enfin terminé
sa course et ses travaux apostoliques par
une mort prétieuse. Vita discessit, non solum
juvenibus , sed et universa genti , memoriam
mortis sua ad exemplum virtutis et
fortitudinis derelinquens . C'est ce que dit
l'Ecriture du vénerable Eléasar.
Quoique je ne doute point que le
Seigneur n'ait déja couronné les vertus
de ce saint Prélat , nous devons pourtant
nous empresser de joindre nos suffrages
à tous ceux de son Diocèse ; c'est
pourquoi je vous donne avis qu'après.
en avoir conferé avec les RR. PP . Grand-
Prieur et Définiteurs et de leur Conseil ,
mon intention est que vous ordonniez
incessamment dans votre Maison pour
le repos de son ame , les mêmes suffrages
et prieres qui sont prescrites par nos
Statuts pour les Abbez Generaux de notre
Ordre , et c'est ce que je vais faire
C
1. Vol.
exccute
1 TIST JUIN. 1734.
exécuter dans cette Abbaye avec le plus
de pompe et de solemnité qu'il me sera
possible . Je suis avec une parfaite estime
, &c.
A S. Antoine en Dauphiné , le 5. May
1734.
P.S. J'apprens dans ce moment que ce
saint Prélat est universellement pleuré
et regretté de son Clergé et de son Peuple
, qu'on a été oblige, pour satisfaire
la dévotion publique , de le laisser exposé
pendant cinq jours et de lui mettre
trois fois de nouveaux habits; la confiance
qu'on a en ses vertus , ayant porté le
Peuple à se partager les premiers.On m'ajoute
même qu'il s'est déja operé plusieurs
Miracles par son intercession , mais
nous ne prétendons point, en vous instruisant,
prévenir le Jugement de l't glise . Il
a été enterré , ainsi qu'il l'avoit ordonné
, dans l'Eglise du premier Monastere
de la Visitation de la Ville d'Annessi
où le Corps de S. François de Sales est
exposé à la véneration publique.
Les Enigmes du mois de May doivent
s'expliquer par l'Oye qu'on tire à Paris ,
E vj et I. Vol.
1152 MERCURE DE FRANCE
et l'Horloge ; et les Logogryphes par Remi,
qui contient Rime , Mer , Ré , Mi ; et
Coucou , et Porc.
******** :: *******
ENIGM E.
J' Ay la tête pesante et dure ,
Je suis fort peu subtil ; cependant l'Univers
Admire , avec raison , mes ouvrages divers ,
Où l'Art surpasse la Nature ;
Mais s'il n'est presque rien dont je ne vienne
à bout ,
Je puis aussi détruire tout.
AUTRE.
L
Ecteur , Ecteur , il est bon d'avertir
Que cette Enigme est une Enigme double ,
Afin que ton effort redouble ,
Si pour me deviner tu veux te divertir ,
Peut-on s'imaginer plus plaisante Famille ?
Il s'agit de sçavoir qui peut être la Filke ,
Le récit n'est point fabuleux ,,
Qu'on a vue épouser sa Mere ?
Cette Mere étoit mâle et n'eut jamais de Pere,
Devine , Lecteur , si tu peux,
1. Vala LOJUIN.
1734: 1153
P
LOGOGRYPHE.
Our deviner ce que je suis ,
Lecteur , sur du papier , arrange
1 2 3 4 5 et 6 .
Et ne va pas trouver étrange
La façon dont je te conduis ,
Elle est bonne à present , pose , mets une lettre
Sous chaque chifre , mais avant que de la mettre
Songe que le tout fasse un mot
Qui dénote sur tout , qu'au Sage ,
Je suis d'un nécessaire usage ,
Que c'est par mon secours qu'il découvre aussi
-tôt
Qu'il desire de le connoître ,
Si sa caisse est en ordre ou si mieux pourroit
P'être.
Sĩ mon nom t'est connu , profites - en , Lecteur ,
Car c'est par moi qu'Auteur Logoguphique:
S'explique , et c'est par moi qu'à son tour on
l'explique.
Cinq , trois , un ,
deux et six , un celebre Rimeur
Dir qu'avec moi sans sagesse on est sage ,
Qu'on a sans le sçavoir la science en partage ;
Enfin il dit qu'avec moi l'on est tout.
Un , deux , trois , six et cinq , je l'ai fait dans,
ma vie
Lion Voli Biens
154 MERCURE DE FRANCE
Bien des fois , mais jamais je n'ai voulu debour
L'entreprendre , je me défie
De mon habileté , je laisse un si beau
coup
A quiconque a la peau d'un endroit endurcie,
Quatre , trois , six et cinq , de sot
Est à mon sens le parfait Synonyme.
Ah ! s'il étoit permis d'en dire un petit mot,.
Que j'en sçai dont les noms enrichiroient me
rime !
Quatre, cinq, trois , un', deux et six ,
A souvent vu de deux coeurs attendris
Finir la peine et naître les délices :
Trois , cinq et six , est le plus grand des vices ;
Quatre , trois , un , deux , six , je suis utile au jeug
Un, trois, cinq, six, quand on me met au fer
On fait de moi tout ce que l'on veut faire :
Dans mon tout pris de diverse maniere ,
On peut s'étendre encor, car je n'ai pas tout dit,
Mais , serviteur , je vais m'étendre dans mon lis
V. J. A. Le
P
AUTR E.
Ar mon emploi j'embellis dès ouvrages
Qui servent à divers usages ,
Je forme encore en me bouleversant
Un angle et fais paroítre l'écriture ,,
l'arrête même un Bâtiment ;
1. Vol
LE
JUIN
T155 1734:
Le Créateur à l'humaine nature ,
M'a posé pour cacher le lieu du Jugement ,
Contre l'ardeur et la bruiure ,
Je suis d'un grand soulagement ;
En veux - tu sçavoir davantage ,
D'un de mes pieds fais l'amputation ,
Qu'il m'en reste deux moins qu'il n'en faut em
voyage ,
Ensuite fais refléxion
A chaque permutation ;
Je sers à lever ou descendre ,
Je puis contre les chiens t'aider à te deffendre ,,
On me met dessus un panier ,
Dans le Pays de Normandie ,
Les terres qu'on amodie ,
Par moi se comptent au fermier
Je nomme des Rois l'origine ;
Un animal aquatique et commun ,
Dont le milieu, si l'on devine,
Quand il arrive , alors chacun
En dit beaucoup plus qu'il ne pense
Mais c'en est trop , restons dans le silence ,
Puisque tu trouveras enfin
Du fameux Amilcar la veritable fin ,
Laquelle changeant de structure ,
D'Iris emprunte la figure.
4. Vole NOU:
1157 MERCURE DE FRANCE
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS , &c.
T
3
RAITE DU VRAI MERITE
DE L'HOMME considéré dans
tous les âges et dans toutes les conditions,
avec les principes d'éducation propres à
former les jeunes gens à la vertu. A Paris,
grande Sale du Palais , chez Saugrain
1734. in 12. de 514. pages .
DEUX LETTRES DE S. AUGUSTIN,
nouvellement trouvées en Allemagne
accompagniées des Notes Critiques
Historiques & Chronologiques , et imprimées
dans la même forme و etavec
le même soin que la derniere Edition de
tous les Ouvrages du Saint Docteur , la
quelle est le fruit du travail des Peres Benedictins
de la Congrégation de Saint
Maur. Par D. *** Prêtre de la même
Congrégation . A Paris , chez la veuve d'e
Raymond Mazieres et Jean- Baptiste Garnier
Brochure in fol . de 30 pages , sans
compter l'Epître dédicatoire , la Préface
et la Table. L'Ouvrage est en Latin..
L'ESPION DANS LES COURSE
DES PRINCES CHRE' TIENS
>
ou!
Lit. Volo
ket
JUIN. 1734. 7157
Lettres et Memoires d'un Envoyé secret
de la Porte dans les Cours de l'Europe
où l'on voit les Découvertes qu'il a faites
dans toutes les Cours où il s'est trouvé
avec une Dissertation curieuse de
leurs Forces , Politique et Religion , par
M. *** Nouvelle Edition , augmentée
'dans le corps de l'Ouvrage , enrichies de
Figures et de Planches en Taille- douce
rue Saint Jacques , chez le Mercier , 1732 .
6 vol. in 12. prix 15 liv.
,
LES OEUVRES de l'Abbé de Saint
REAL, chez le même 1732.5 volumes in I 2 .
LA CONSTANCE DES PROPRES
AMOURS, avec le jouet de l'Amour . A Paris
chez Nyon fils, Quay de Conti 1733. in 12 .
LES AVANTURES DE CLAMADE'S
et de Clarmende , in 12. chez le même.
LES MILLE ET UNE HEURE
Contes Peruviens. Chez Huart et Clousier,
2 vol. in 12 .
CARACTERES DES HOMMES , de leurs
moeurs , de leurs opinions et des siècles
differens ; ou divers Traitez de Morale .
Par Mylord Aslhei Cooper , Marquis de
Shasterburysec. A Londres, &c . cinquiéme
Edition . Cet Ouvrage est en Anglois et
generalement approuvé.
1158 MERCURE DE FRANCE
·
>
LES POESIE s de M.G. I. vol. in 12 .
A Blois chez Philbert Joseph Masson
M. DCC.XXXIV. et à Paris chez Rollin,
Quay des Augustins , à S. Athanase , de
200 pag.
Les Poësies qui entrent dans ce Recueil,
quoiqu'imprimées à Blois , ont été composées
à Paris , suivant un Avis qui est à
la tête du Livre. Il est dédié au Roy par
une belle Ode sur la Guere présente.
On trouvera ensuite une Ode à Virgile
sur la Poësie Champêtre , et une Idylle
sur le siécle Pastoral. Suivant les dix
Eglogues de Virgile en vers François . Cet
Ouvrage , dit l'Auteur , dans un court
Avertissement
Traduction qu'une Imitation hardie des
Eglogues de Virgile , fondé en cela sur
ce précepte d'Horace. Nec verbum verbo
curabis reddere. Le Recueil finit par plusieurs
Odes dont la premiere est sur l'Amour
de la Patrie. Quelques unes de ces
Piéces avoient déja paru dans le Mercure,
et y ont paru avec succès.
>
>
est moins une exacte
EPHEMERIDES DES MOUVEMENS
CELESTES
pour les années 1735 .
jusqu'en 1745. où l'on trouve les mouvements
diurnes des Planétes en longitudes
, leurs latitudes , aspects et média-
I. Vol.
tions
JUIN. 1734.
1199
" tions ; celles des Etoiles , leur lever
coucher , apparitions et occultations ;
les immersions et émersions du premier
Satellite de Jupiter pour les mêmes années.
Avec la situation de plusieurs lieux
dont la longitude et la latitude ont été
observées par plusieurs habiles Astronomes
et plusieurs problêmes Geographiques.
Pour le Méridien de la Ville de
Paris. Par M. Desplaces. Tom. III, ch.
Jacques Colombat , rue S. Jacques 1734.
in 4.
LETTRE de M.... sur la Continuation
des Memoires du R. P. Niceron.
J'ai à vous parler ici , Monsieur , du
XXIII. et du XXIV. volumes des Memoires
pour servir à l'Histoire des Hommes
Illustres dans la République des Lettres que
le Sr Briasson , Libraire rue S. Jacques ',
continuë de publier avec succè . Voici
les noms des Scavans dont il est parlé
dans le premier de ces deux Volumes.
Rodolphe Agricola , Jean- Louis Guez
de Balzac, François Bernier, Jean Bernier,
Jerome Bignon , Henri Blount , Denis de
Salvaing de Boissieu , Thomas Brovvne le
Médecin , Thomas Brovvne le Théologien,
Guillaume Camden , Marc- Antoine Ca-
1 Vol.
pelli
1160 MERCURE DE FRANCE
pelli , Thomas Corneille , Robert Creyghton,
Cristophe Davenport , Louis Duret , Ubo
Emmius,Guillaume Estius, Gabriel Fano,
Nicolas Faret, Pierre Gilles , George- Henri
Goetze , Louise Labé , Adam Littleton
Nicolas Lloyd , Olivier Maillard , Jean
Maldonat ,Pierre - Martyr d'Anghiera
Pierre- Martyr Vermilio , Etienne Pavillon,
Alexandre Piccolomini , François Piccolo
mini , Jean Price , Jules - Cesar Scaliger ;
Joseph-Juste Scaliger , Jean- Ginés de Sepulveda
, Antoine Sherley , Thomas Sher-
Ley , et André Thevet.
Entre tous ces Sçavants je n'en trouve
aucun de plus distingué et de plus Illustre
, que notre célébre Jerôme Bignon,
dont l'article par conséquent soit et plus
curieux & plus agréable à lire. Vous nie
sçaurez sans doute bon gré de l'avoir
choisi par préférence , et de le voir ici
tel qu'on le trouve dans nôtre Auteur,
JEROME BIGNon.
Jerôme Bignon , nâquit à Paris , l'an
1590. de Rolland Bignon , Avocat au
Parlement , d'une ancienne Famille originaire
d'Anjou , et de Marie Ogier ,
fille de Christophe Ogier aussi Avocat au
Parlement.
Rolland Bignon , qui est mal appellé
t
1
I Vol.
JcJUIN.
1734- 1161
Jerôme dans les opuscules de Loysel
page 582. né au mois de Fevrier de l'an
15. fut un des plus Sçavans hommes
de son siècle. Il avoit été Disciple de
Mrs Roaldés et Maran , fameux Jurisconsultes
de l'Université de Toulouze ;
et lorsque le premier se retira dans celle
de Cahors il laissa sa Chaire de Professeur
en Droit à Rolland Bignon, qui , comme
cetteProfession étoit alors très honorable,
y enseigna publiquement pendant une
année , et dicta d'excellents Paratitles sur
les 5 Livres des Décretales ; étant ensuite
venu à Paris il exerça avec beaucoup
de réputation la Profession d'Avocat ,
laquelle se bornoient alors plusieurs personnes
de naissance et de merite , qui
conservoient la modération des anciennes
Moeurs , et qui étoient prévenus d'une
espece d'aversion contre la validité des
charges introduite depuis peu . Après
avoir brillé dans le Bareau il devint celébre
dans les Consultations, et fut generalement
estimé comme un homme d'une
rare suffisance, etd'une probité singuliere .
Persuadé qu'il étoit plus redevable à
son fils qu'à tout autre il ne voulut confier
son éducation qu'à lui - même. Jerôme
Bignon n'eût pas besoin d'aller chercher
une autre Ecole pour aprendre les Lan
1Vol.
gues
1162 MERCURE DE FRANCE
gues , les Humanitez , l'Eloquence , la
Philosophie , les Mathematiques , l'Histoire
, la Jurisprudence , & la Theologie .
Il aprit sous un si excellent Maître toutes
ces Sciences avec une rapidité extraordinaire
, et se vit presque à la fin de ses
Etudes dans un âge où l'on ne commence.
gueres qu'à délibérer sur les
faire étudier les Enfans .
V
moyens
dev
Dès l'âge de dix ans il donna au Public
un essai de son Erudition qui lui fit dèslors
mériter la qualité d'Auteur . C'est
une Chorographie on Description de la Terre
Sainte , qui fût une preuve des conroissances
qu'il avoit déja acquises dans l'Histoire
, la Geographie et l'Ecriture Sainte,
il n'en demeura pas là , et on fût encore
surpris de voir trois ans après paroître
deux autres Ouvrages de sa composition ,
Ouvrages qui le firent connoître à tout
ce qu'il y avoit de personnes habiles et
considerables dans la France .
Le Roy Henry IV. ayant entendu
patler de lui voulut le voir , et le choisit
pour être en qualité d'Enfant d'Honneur
auprès du Dauphin qui fut depuis
le Roy Louis XIII .
Le jeune Bignon parût à la Cour avec
des manieres tout à fait aisées et polies.
L'austerité d'une Etude assidue n'avoit
I Vol. point
JUIN 1734.
1163
" 2
point obscurci les dispositions naturelles
qu'il avoit pour paroître dans le grand
monde , et le Tumulte et les Engagements
de la Cour ne fû ent point capables
d'affoiblir l'inclination qu'il se sentoit
pour les Sciences.
Il composa en ce tems- là un Traité de
l'Excellence des Rois et du Royaume de
France , pour prouver que les Rois de
France doivent avoir la préséance sur
tous les autres Rois , qui lui attira bien
des aplaudissements. Il le dédia au Roy
Henry IV. qui l'engagea par ordre exprès
à pousser plus loin ses recherches
sur cette matiere .
Mais la Mort funeste de ce Prince arrivée
peu de tems après interrompit ce.
Projet , et détermina même M.Bignon à se
retirer de la Cour. Ce ne fut pas cependant
pour long tems , il y fut bien tôt
rapellé à la sollicitation de Nicolas le
Fevre , nouveau Précepteur du Roy Louis
XIII. et ne put se défendre d'y demeufer
jusqu'à la mort de cet ami, Il travailla
dans cet intervale à l'Edition des Formules
de Marculphe.
En 1614. il fir un voyage en Italie ;
et y visita par tout les plus Illustres d'entre
les Sçavants , qu'il convainquit par
sa présence de ce que la Renommée leur
1. Vol. avoit
1164 MERCURE DE FRANCE
avoit apris de plus incroyable en sa faveur.
Le Pape Paul V. lui donna des marques
singulieres de son estime ; le Cardinal
de Sainte Suzanne , qui n'étoit alors
qne Sécretaire des Brefs , établit avec lui
un commerce d'amitié très étroit , et le
célébre Fra - Paolo charmé de sa conver
sation , l'arrêta quelque tems à Venise
pour en profiter.
Au retour de ce voyage M. Bignon se
donna tout entier aux exercices du Barreau
, où ses premieres actions eûrent un
grand succès .
Son pere le fit pourvoir en 16 20. d'une
Charge d'Avocat General au Grand Conseil
, dans les fonctions de laquelle il surpassa
tout ce qu'on pouvoit attendre de
lui , et il s'acquit une si grande réputation
, que le Roy quelque tems après lo
nomma Conseiller d'Etat , et enfin Avocat
General au Parlement à la place de
M. Servin sur la fin de l'année 1625 .
3
Tout le monde aplaudit à ce choix . Le
Clergé même qui avoit nommé des Députez
pour prier le Roy de faire revivre
en sa faveur l'Ancien Droit , suivant lequel
un des Avocats Generaux devoit
être Clerc , ayant sçû le choix que le
Roy avoit fait de M. Bignon , ne se
I Vol.
conJUIN.
1734. 1165
Contenta pas de renoncer à ses prétentions
on faveur de cet Illustre Magistrat , mais
députa encore vers Sa Majesté pour lui
en faire des remerciments, et vers M. Bignon
pour l'en féliciter.
En effet jamais cette importante place
n'avoit été remplie plus dignement 3 car
sans parler de ses talents naturels qu'on y
vit briller dans toute leur étendue, il signala
en mille occasions sa vigueur à soutenir
les interêts du Parlement , son zele inviolable
pour la justice et sa fermeté inébranlable
contre toutes les attaques de la
faveur. Vertus dont ses envieux entrepri
rent de lui faire des crimes ; après la harangue
sincere , quoique respectueuse
qu'il prononça devant le Roy Louis XIII.
séant en son Lit de Juftice pour la vérification
de quelques Edits . Mais ce Prince
justement prévenu en sa faveur , oposa
la parfaite connoissance qu'il avoit de ses
bonnes intentions aux complots et à l'avidité
des gens d'affaires déchaînez contre
sa trop grande probité.
En 1641. résolu de ne plus vaquer
qu'aux Emplois qu'il occupoit dans le
Conseil d'Etat , il céda sa Chargé d'Avocat
General à M. Briquet son Gendre .
L'année suivante le Cardinal de Richelieu
, quoiqu'assez mal intentionné à son
égard
1. Vol. F
1165 MERCURE DE FRANCE
que
égard , le fit nommer Grand- Maître de
la Bibliothéque duRoy , dans la persuasion
le Public le destinoit par avance à
cette Charge , et seroit choqué qu'elle
fut remplie par un autre. L'amour que
M. Bignon avoit pour les Lettres la lui
fit accepter , et son désinteressement lui
fit refuser dans la suite celle de Sur - Intendant
des Finances.
M. Briquet son Gendre étant mort en
1645. il fut obligé de reprendre sa Charge
pour la conserver à son fils , et continua
de l'exercer jusqu'à sa mort , quoique
de Premier Avocat General,il fut des
venu le second.
Il fut outre cela employé à d'autres
Affaires importantes pour l'Etat ; on sçait
combien il eût de part à l'Ordonnance
de 1639. et avec combien d'équité il
exerça les Commissions de l'Arriereban ,
des Amortissemens et du Domaine , qui
lui furent confiées en differents temps.
La Reine Anne d'Autriche l'apella pen
dant sa Regence aux Conseils les plus
importants.
Ce fut lui qui accommoda, les differends
de Mrs d'Avau et Servien , Plenipotentiaires
à Munster , et qui travailla
avec Mrs de Brienne et d'Emery au
Traité d'Alliance avec la Hollande en
IVol. 1649.
JUIN 1734. 1167
1649. Il fut aussi choisi en l'année 1651 .
pour regler la grande Affaire de la Succession
de Mantoüe , et en 1654. pour
conclure le Traité avec les Villes Anseatiques.
Enfin ce grand Homme qui avoit
toujours fait servir la pieté de baze aux
autres vertus qu'il avoit constamment
pratiqué , finit par une mort précieuse
devant Dieu , le cours d'une vie si glo-.
rieuse aux yeux des hommes. Il mourut
le 7 Avril 1656. d'un Asthme dont il
avoit été attaqué dès l'Automne précédent
, mais qui ne lui fit point cesser
ses fonctions ordinaires . Il étoit alors dans
sa 67, année. Il fut enterré à S. Nicolas
du Chardonnet , où vous avez vû son
Buste de Marbre , fait de la main de Gi
rardon , avec une longue Epitaphe qui
^ commence par ces mots : Hieronimus Bignon
,sui sæculi Amor , Decus , Exemplum,
Miraculum & c.
Iln'avoitjamais voulu permettre qu'on
fit son portrait , mais on le tira pendant
qu'il portoit la parole à la grand- Chambre
; c'est pour cela que Lochon qui l'a
gravé , a mis au bas ces mots. R. Lochon
ad vivumfurtim delineavit.
Voici le Catalogue de ses Ouvrages.
1. Chorographie on Description de la
Terre Sainte, Paris 1600. Cette Description-
A. 1 Vol. Fij . qu'il
1168 MERCURE DE FRANCE
qu'il publia à l'âge de 10 ans , est plus
exacte que toutes celles qui avoient paru
auparavant.
2. Discours de la Ville de Rome Prin
cipales Antiquitez , et singularitez d'icelle.
Paris 1604. in 8. Livre peu commun , dit
l'Abbé Lenglet , et qui vient d'une personne
qui joignoit à un grand goût une
extrême exactitude.
3. Traité Sommaire de l'Election des Pa
pes. Plus le Plan du Conclave. Paris 1605,
in 8. Il y a bien de l'érudition dans ce
petit Ouvrage.
4. De l'Excellence des Rois et du Royaume
de France , traitant de la Preséance et des
Prérogatives des Rois de France par dessus
tous les autres , et des causes d'icelles.
Paris 161c . in 8. Cet Ouvrage a été fait
pour refuter celui que Diego Valdès Con
seiller de la Chambre
Royale de Grenade
,
avoit publié pour soutenir
la Preséance
des Rois d'Espagne
, sous ce Titre : de
Dignitate
Regum Hispania. Granata 1602 . in fol
5. Marculfi Monachi Formula ex Biblioteca
Regia Hier. Bignonius edidit , es
Notis illustravit . Paris 1613. in 8.Idem Are.
gentorati.1655 in 4.Id. Editio.auctior. Accessit
Liber Legis Salica, a. f. R. Pithao , et
calem BignonisNotis illustratus.Paris 1666,
I Vol.
ink
JUIN. 1734- 1189
in 4. Cette seconde Edition qui est con
sidérablement augmentée , a paru par les
soins de ses Fils . Les Notes de M.Bignon
sont si remplies d'érudition et si justes
qu'elles font encore l'admiration des
Sçavants cependant il n'avoit que 23
ans lorsqu'il les donna pour la premiere
fois.
6.Voyage de François Pyrard de Laval,
contenant sa navigation aux Indes Orien
tales , Maldives , Moluques et au Brezil
Paris 1615. in 8. Id. nouvelle Edition augmentée
de divers Traitez. Paris 1679.in 8.
C'est à Jerôme Bignon que nous sommes
redevables de la publication de ce Voyage.
Les Découvertes de Pyrard , homme de
bon sens, mais incapable de s'énoncer par
écrit , seroient demeurées ensevelies dans
l'oubli , si M. Bignon ne l'eût attiré chez
lui , l'invitant même à sa table , et n'eût
pris soin de mettre tous les soirs sur le
papier , ce qu'il tiroit à différentes reprises
de ses entretiens.
Ubbo Emmius , Sçavant Hollandois du
XVI. siécle , fait encore une très bonne
figure dans ce 23. vol. desMem . du P.Niceron,
et l'article mérite d'être lû avec attention
. Il mourut à Groningue le 9 Decem
. 1625. dans sa 79 année. Il a composé
plusieurs bons Ouvrages , dont le plus
Fiij im- I. Vol.
170 MERCURE DE FRANCE
important est celui qui concerne l'An
cienne Grece , et dont voici le titre Vetus
Gracia illustrata complectens Descriptionem
Gracia , res gestas Græcorum, statum Rerumpublicarum
Græcarum. Lugd. Bat. Elzevir.
1626. 3. vol. 8.
>
, Emmius , dit l'Auteur des Memoires ,
qui vit commencer et peut- être finir cette
Edition mit écrit le 6 Decembre
par
1625. trois jours avant sa mort ce qu'il
en pensoit. L'Imprimeur , dit- il , a fait
deux fautes. 1. İl a mis mon Ouvrage
in 8. contre la promesse qu'il m'avoit
faite de l'imprimer in folio , et a rendu
ainsi inutiles des Tables Chorographiques
que j'avois dressées avec beaucoup de soin
en cette forme , pour y être inserées et
dont le Livre a indispensablement besoin,
2º. Il a fait traîner si fort en longueur
l'impression , que le chagrin qui m'est
survenu par la mort de mon fils Egbert,
et ensuite mes infirmitez m'ont empêché
de travailler à une ample Préface que
j'avois dessein de composer lorsque le
Livre seroit prêt à paroître , et dans laquelle
j'aurois fait une comparaison entre
les anciennes Republiques Grecques [ et
celles d'à- présent , montrant ce qu'il y a
* Ce Fils mourut à Orleans
Epitaphe que son Pere lui fit &c.
et on rapporte
1Vol. de
JUIN. 1734 7171
de bon et de mauvais dans les unes et
les autres.
L'Ouvrage d'Emmius a été inseré dans
les Antiquitez Grecques de Gronovius ,
tome 4. page 85. avec des additions
Anecdotes de sa façon . Le troisiéme tome
qui contient l'Etat des principales Republiques
de la Grece , a été imprimé séparement
l'an 1632. à Leyde , chez Elzevir
en 2 vol. in 24. pour être joint au corps
des petites Républiques .
Quand ce Sçavant Homme mourut il
travailloit à l'Histoire de Philippe Roy
de Macédoine et son dessein étoit d'y
montrer pour l'usage des Provinces unies,
par quels moyens ce Prince avoit opprimé
la liberté de la Grece. Il avoit déja
conduit l'Histoire jusqu'à la 15. année du
Regne de ce Monarque.
Au reste on doit sçavoir gré au P. Niceron
d'avoir donné à cet Auteur une/
place dans ces Memoires ; car je trouve
que malgré tout son mérite il n'est guere
connu du commun des Gens de Lettres ,
sur tout dans les Provinces. L'Auteur de
la * Dissertation Historique sur l'ancienne
* Cette Dissertation est dans le Recueil des
Piéces présentées à l'Académie de Marseille pour le
Prix de l'année 1727. avec les Distours prononcez
&c. A Marseille chez Jean- Baptiste Boy , e.
$727. Fiij Aca→
172 MERCURE DE FRANCE
Académie de Marseille, n'avoit sans doute
jamais rien vû par lui même de notre
Ubbe Emmins , puisqu'en le citant il fait
du même homme deux Auteurs différents.
C'est dans la même citation que du Boulay
en latin Bullaus , Auteur de l'Histoire Latine
de l'Université de Paris , est nommé
Bouilland , par une assez plaisante méprise.
>
Passons au XXIV. Tome des Memoires.
De trente-sept Articles de Sçavans
qui le composent , je ne vous nommerai
que ceux pour lesquels je prévois que vous
vous interesserez , tels sont Juste Lipse
Pierre Belon , Pierre Patrix on Patris de
Caën , Provençal d'origine , Honorat de
Beuil de Racan , Nicolas Boileau Despreaux
et Jean Baptiste- Henri du Trousset de Valincourt.
Les autres Articles ont aussi le
mérite d'instruire agréablement , et par
conséquent leur utilité .
J'avois dessein d'insérer ici celui de
Pierre Belon du Mans , le plus grand et
le plus curieux voyageur de son temps ,
mais j'aurois excedé les bornes d'une Lettre.
Deux ou trois Remarques que je ferai
sur son sujet suffiront ici. Belon étoit
grand Physicien , bon Médecin et habile
Botaniste mais il faut convenir qu'il
n'étoit ni Geographe ni Antiquaire , ni
I Vol.
bon
JUIN. 1734. 1173**
bon Critique , cela paroît par les differentes
méprises dans lesquelles il est tombé
à cet égard, et dont j'ai donné des preuve
ailleurs , dans le Livre de ses Observations
de plusieurs singularitez et choses memorables
trouvées en Grece , Asie , Judée ,
Egypte , Arabie et autres Pays étrangers
redigees en trois Livres , avec des Figures ,
imprimé pour la premiere fois à Paris
1553. in 4. C'est cependant un bon Livre
P'exactitude de l'Auteur et par sa capacité
dans tout ce qui concerne l'Histoire
naturelle des Pays qu'il a parcourus. Il a
été traduit en latin par Charles Clusius
d'Arras et imprimé à Anvers.en 1589 .
1. vol. 8 .
par
Belon étoit l'Eleve de Pierre Gilles
attaché au Cardinal d'Armagnac , lequel
a fait deux beauxOuvrages sur le Bosphore
de Thrace , et sur la Ville de Constantinople
, mais on prétend qu'il avoit
péu profité sous un si bon Maître pour
les autres connoissances qui lui manquoient.
De retour de ses voyages , il se
retira à l'Abbaye de S. Germain des Prez,
dont étoit alors Abbé le Cardinal de
Tournon , à qui il étoit fort étroitement
* P. Gilles a aussi écrit sur d'autres sujets . Son
Article est curieux dans le XXIII . T. des Memoires
p. 403.
: I. Vol. Fv attaché
174 MERCURE DE FRANCE
attaché. Suivant les Memoires du P. Niceron
, Belon fut assassiné près de Paris)
par un de ses ennemis , l'an 1564. étant
âgé d'environ 47. ans .
Outre son Voyage du Levant , sous
le nom d'Observations , & c. nous avons
du même Auteur plusieurs autres bons
Ouvrages sur differens sujets de l'Histoire
Naturelle , qui ont été publiés de son
vivant , les uns en Latin , les autres en
François.
RITUEL DU DIOCESE DE CLERMONT :
renouvellé et augmenté par Monseigneur
Illustrissime et Reverendissime Jean-
Baptiste Massillon , Evêque de Clermont,
et publié par son ordre . A Clermont, chez
Boutandon , Imprimeur du Roi , et de Mona
seigneur l'Evêque , 2. vol . in- 4.
Ce Rituel est aussi curieux , qu'utile
et necessaire aux Curés.
LA MALADIE ANGLOISE , ou Traité
des Maladies des Nerfs de toute espece ,
comme le mal de Rate , les Vapeurs
l'Abattement , les maladies Hypocondriaques
et Hysteriques , &c. Par M. Georges
Cheyne , Docteur en Medecine , membre
du College des Medecins d'Edimbourg,
et de la Societé Royale. A Londres , chez
1. Vol. Straban
JUFN. 1734- 1175
Strahan et J. Leake 1733. in- 8 . l'Ouvrage
est en Anglois.
HISTOIRE d'ESPAGNE , divisée en z3oǝ.
Livres , par le Pere Jean Mariana , de la
Compagnie de Jesus , avec la continuation,
par le R.P.Joseph- Emmanuel Miniana
, de l'Ordre de la très- Sainte Trinité
de la Redemption des Captifs , en 10.
Livres , fol . 4. vol . A la Haye , chez
Pierre Hondt 1733. pages 428. 439. 378 .
416. sans la Table generale , et à Paris ,
chez Mercier , rue S. Jacques : l'Ouvrage
est en Latin
BIBLIOTHEQUE GERMANIQUE , & c. Année
M. DCC . XXIX . Tome XVII . et
XVIII. 1. vol . 12. A Amsterdam , chez
Pierre Humbert M. DCC . XXIX .
On trouve dans le III . Article du premier
de ces deux Tomes , dequoi se dedommager
de la secheresse et du peu d'interêts
qui règne dans la plupart des autres
Articles . On y rend compte d'un Livre
Allemand , dont le Titre rendu François
, est RELATION d'un Enfant extraordinairement
avancé pour son âge , &c. vol.
in 4. A Leipsic , 1728. Cette Relation
contient aussi d'autres exemples d'Enfans
extraordinaires et distingués par leur sça-
F vj voit 1Vol.
T176 MERCURE DE FRANCE
voir , et des observations utiles et inte
ressantes sur le même sujet.
Jean - Philippe Baratier , Fils de M. Baratier
, Pasteur de la R. P. R. de Schwabach
, dans le Marquisat d'Anspach , est
le principal sujet de la Relation dont le
Pere même est l'Auteur ; mais comme
il a déja été parlé de cet Enfant dans notre
Mercure , nous passerons à un autre
qui paroîtra encore plus extraordinaire.
,
C'est Chrétien Henri Heinecken , fils
d'un Peintre de Lubeck , lequel nâquit
dans cette Ville- là le 6. Fevrier 1721.et
mourut le 27. Juin 1725. Dans ce court
espace de quatre ans et près de cinq mois ,
il donna des preuves si extraordinaires de
son esprit et de sa memoire , qu'on ne
pourroit presque se resoudre à les croire
si elles n'étoient pas attestées par unghd
nombre de témoins éclairés qui ont
eux-mêmes vû et admiré cet Enfant. Ce
fut à dix mois qu'il commença à parler ,
et cela à l'occasion de diverses figures
dont il parut souhaiter l'explication ; on
la lui donna , et tout d'un coup on remarqua
qu'il observoit avec une attention
fixe les mouvemens des levres de ceux
qui lui parloient , et il vint à bout , non
sans effort , de prononcer syllabe après
syllabe ce qu'on lui disoit. Ces progrès
IVol.
furent
JUI N. 1734 1177
furent depuis ce tems - là très- rapides ,
puisqu'à un an il sçavoit les principaux
évenemens du Pentateuque; à treize mois,
l'Histoire de l'Ancien Testament ,
quatorze celle du Nouveau .
et à
Au mois de Septembre 1723. le petit
Heinecken avoit acquis une connoissance
si exacte de l'Histoire ancienne et moderne
, et de la Géographie , qu'il répondoit
pertinemment aux questions qu'on lui
faisoit sur des sujets diversifiés. Il chargea
aussi sa memoire d'une grande quantité de
mots Latins , de sorte qu'il parvint à parler
cette Langue avec facilité , et il apprit
parcoeur en cette Langue les Institutes de
Justinien. Quelque tems après il apprit
aussi passablement le François , et avant
sa quatrième année il étoit bien avancé
dal connoissance de la Genealogie des
principales Maisons de l'Europe. Jamais
onne vit plus d'ardeur à acquerir de nouvelles
connoissances , et cela même est une
preuve du genie de cet Enfant. L'Auteur
de sa vie rapporte d'ailleurs un assez bon
nombre de traits qui marquent et de l'esprit
et du jugement ; l'un et l'autre paroissent
sur tout dans l'application qu'il
faisoit des Sentences et des Passages de
Ecriture Sainte qu'il avoit appris , aux
diverses circonstances où il se trouvoit.
1. Vol. Une
1178 MERCURE DE FRANCE
Une bonne partie de sa quatrième année
fut employée au voyage de Danemarck,
où il fut admiré de toute la Cour ; il harangua
de fort bonne grace le Roi et les
Princes du Sang . De retour à Lubeck il
y apprit à écrire en fort peu de tems ,
quoiqu'il eût à peine la force de tenir sa
plume. Enfin après avoir langui quelques
mois il mourut dans le tems marqué cidessus.
C'est une chose remarquable que cet
Enfant si extraordinaire , par rapport aux
talens de son esprit , fût en même - tems
d'une complexion très - délicate. Il est
d'autant plus étonnant qu'il sçût tant de
choses que des maladies très-fâcheuses qui
se suivirent de près , lui auroient dû ,
ce semble , ôter presque tout moyen de
bien apprendre. L'Auteur de sa vie attri
bue ses infirmités presque continuelles
et sa mort prématurée à sa délicatesse natutelle
, et aux passions de sa Nourrice ,
qui eurent plus d'influences sur lui qu'elles
n'en auroient eu sur un autre , parce
qu'il ne fut sevré que quelques mois avant
sa mort , ayant témoigné beaucoup de répugnance
pour toutes sortes d'alimens
excepté le lait , et en particulier celui
de cette Nourrice . Cette repugnance fut
cause qu'il ne mâchoit qu'avec une extrê
me difficulté. Au
JUIN. 1734
1179
Au reste , la maniere sage et chrétienne
dont le petit Heincken envisagea la
mort , est à proportion aussi extraordi
naire pour son âge , que le sont les connoissances
qu'il avoit acquises pendant sa
vie.
Extrait des Nouvelles Litteraires
du XVII. Tome.
fille
De Strasbourg. Madame Linck
et femme de deux Professeurs en Droit
de cette Ville , a publié une Traduction
du Polyeucte de Corneille , en vers Allemands.
De Nuremberg. On débite une Brochu
re en forme de Dictionnaire , qui contient
la liste de tous les Bains et des Eaux
Minerales , sous le titre de Bibliotheca
cum Lexico Hydrologico.
M. Frederic Bothscholtz a formé le
projet de rassembler en deux Volumes in
folio , tous les Ouvrages qui traitent de
la Librairie et de l'Imprimerie. Chacun
paroîtra tel qu'il est , et même dans la
Langue où il a été imprimé , ou si c'est
un Ouvrage Manuscrit , dans celle où il
aura été composé.
D'Altorf.M. le Professeur Koehler, publie
toutes les semaines une Feuille qui
contient, l'explication et le dessein de
I. Vol. quel1180MERCURE
DE FRANCE
quelque Medaille. C'est à Nuremberg
que s'imprime ce nouvel Ouvrage Periodique
en Allemand .
De Goettingen. M. le Docteur Heumaun ,
Inspecteur du College de cette Ville , publiera
incessamment l'Ouvrage de Charlemagne
contre le second Concile de Nicée
, sur l'Edition que Jean du Tillet Evêque
de Meaux publia à Paris en 1549.
sans nom d'Auteur , et sans marquer le
lieu de l'impression . Cette Edition étoit
devenue extrêmement rare . M. Heumaun
joindra ses propres remarques aux corrections
de du Tillet et de Goldstat , et le
tout sera précedé d'une Dissertation dont
le dessein est de prouver que ce Traité
est de Charlemagne , et contient ses veritables
sentimens , tout au moins de la même
maniere que la Confession d'Ausbourg
doit être attribuée aux Princes qui la fignerent.
De Leipsic DISSERTATIO Epistolica ad
Eminentissimam atque Reverendissimum
Dominum Christianum Wormium , Diaceseos
Sialandica in Danuâ Episcopum, &c.
de scriptis quibusdam integris , fragmentisque
hactenus ineditis , que in itinere Gallico-
Anglico, atque Germanico reperire contigit et
nunc in lucem publicam edenda parat, virosque
eruditos insimul ad conferendas symbolas
IVol. humanisJUIN.
1734: 1181
humanissimè invitat Magnus Crusius Sles-
Wicensis V. D. M.
C'est le titre d'une Brochure de neuf
feuilles que
Gleditsch a imprimé . On
voit par ce titre que M. Crusius , ci- devant
Chapelain de l'Ambassade Danoise
en France et connu par la vie de Duplessis
Mornay qu'il a mis au jour sous ce titre:
Memorabilia Plessiaca , a ramassé de bons
materiaux dans ces voyages , et qu'il a
dessein de les communiquer au Public.
Le détail de ses acquisitions et de ses projets
se trouve dans la Lettre même . Il y
parle , entr'autres , d'une continuation
du Spicilegium Patrum de Grabe ; d'une
nouvelle Edition de S. Irenée , recommandable
par plusieurs Pieces , non imprimées
, de cet ancien Docteur , et par
des Remarques nouvelles de Thomas Aisler
, d'Edouard Bernard , de François du
Jon ou Junius , de Daniel Heinsius , et
de quelques autres Sçavans. M. Crusius
nous promet encore une Edition beaucoup
plus ample que les précedentes , des
Annales de Nicetas Choniate ; une Edition
d'Arnobe contre les Gentils , avec
'des notes de plusieurs Sçavans , lesquelles
n'ont point encore vû le jour ; et une
Histoire du Lutheranisme en France .
De Dresde. M. Mathieu Daniel Poep-
I. Vol.
pelmaun
1182 MERCURE DE FRANCE
pelmaun , Architecte du Roi de Pologne
, a publié une Description de divers
Bâtimens magnifiques de cette Ville et
des environs appartenans à Sa Majesté .
La Description est en Allemand et en
François , accompagnée de quantité de
figures qui font le principal de cet Ouvrage.
On y voit aussi le dessein de la
grande Cuve qu'on a placée depuis peu
à Koenigstein , et qui tient environ deux
cens Bariques de plus que celle de Heidelberg.
>
De Crossen. M. Samuel Ledel , Docteur
en Medecine , travaille à une Histoire de
Monstres. Il a aussi considerablement augmenté
la Centauriologia curiosa Ouvrage
que feu M. son Pere fit imprimer en
1694. à Francfort sur le Mein , et il a
dessein d'en publier une nouvelle Edition
,
On apprend de Venise , que J. B. Pasqualini
, a achevé d'imprimer la nouvelle
Edition de l'Histoire Bizantine , en 22 .
vol. in -fol. et qu'il commence à debiter
le 23. vol. de cet ample Recueil .
On écrit de Londres , que Guillaume
Bowyer y a imprimé le Supplement aux
Marbres d' Arundel ou d'Oxfort , que M.
Maittaire a publié depuis peu sous ce ti-
· I. Vol. tre,
JUIN. 1734. 1183
tre : Appendix ad Marmora Academia
Oxionensis , sive graca trium Marmorum
recens repertorum Inscriptiones , cum Latina
Versione et Notis 1733 .
On a fait depuis peu à Londres une
Edition complette de Pieces de Theatre
de Shakespear, avec des Notes de M.
7heobald , en 7. vol . in 8. en Anglois.
PRIX proposé par l'Académie Royale
des Sciences pour l'année 1736.
Eu M. Rouillé de Melay , ancien Conseiller
Fu Marement de Paris , ayant no
au Parlement de Paris , ayant conçu le noble
dessein de contribuer au progrès des Sciences
, et à l'utilité que le Public en pouvoit reti
ter, a legué à l'Académie Royale des Sciences
un fonds pour deux Prix , qui seront distribucz
à ceux qui , au jugement de cette Compagnie
auront le mieux réussi sur deux differentes sorrés
de Sujets , qu'il a indiquez dans son Testament
, et dont il a donné des exemples.
Les Sujets du premier Prix regardent le Syste
me general du Monde; et l'Astronomie Physique.
Ce Prix devroit être de 2000. livres , aux termes
du Testament , et se distribuer tous les ans,
Mais la diminution des Rentes a obligé de ne
le donner que tous les deux ans , afin de le rendre
plus considerable , et il sera de 1500. livres.
Les Sujets du second Prix regardent la Navigation
et le Commerce .
Il ne se donnera que tous les deux ans , et scra
de 2000. livres .
L'Académie , lorsqu'elle proposa la question
sur l'Inclinaison des Plans des Orbites des Pla-
1. Vol. netes
1184 MERCURE DE FRANCE
netes , en désiroit la solution plus qu'elle ne l'est
peroit ; aucun des ouvrages qui lui furent envoyez
ne lui parut mériter le Prix de l'annéc
1732. et elle laissa encore pour deux ans la même
matiere proposée aux recherches des Sçavans
avec un Prix double . L'Académie voit aujourd'hui
le succès de son délai ; parmi les Pieces
qu'elle a reçûës , elle en a trouvé deux qui méritent
le Prix et qui , par des beautez differentes ,
lui ont paru chacune y avoir un droit égal .
Dans ce cas , où l'égalité ne permet pas de
choisir , et semble d'elle - même établir la loi
de récompenser également des mérites égaux
l'Académie est encore authorisée par l'Arrêt du
Parlement qui a expliqué le Testament de M.de
Meflay ; elle a donc jugé que le Prix double de
cette année seroit partagé également entre les
deux Auteurs des Pieces dont les ' numeros sont
19. et 20. * la Devise de celle- cy est ,
Felices anima quibus hac cognoscere primùm.
Inque domos superas scandere cura fuit.
Et celle de la Piece 19. Virtutum pretium in ipais
est , et rectè facti merces est, fecisse.
Cependant l'Académie avant que de prononcer
son jugement avoit ré olu de renouveller dans
cette occasion un avertissement qu'elle à déja
fait autrefois : Comme elle ne restraint à aucun
Sistême les explications qu'elle demande des Phénomenes
, le suffrage aussi qu'elle donne à ces explications
n'est point une adoption des principes sur
lesquels elles sont fondées , ni de toutes les conséquences
qu'on en tire.
Les trois Pieces qui ont le plus approché du
* Les Numeros marquent seulement l'ordre dans
lequel les Pieces ont été reçûës.
I. Vol.
Prix
JUIN, 1714. 1185.
Prix , sont la Piece 26. dont la Devise est , Deus
autem noster in coelo omnia quacumque voluit , fecit
, la Piece 17. dont la Devise est , Emendantur
priora posterioribus , et la Piece 28 dont la Devise
inclinavit cælos , et descendit , et caligo sub
est ,
pedibus ejus.
M. Jean Bernoulli , Professeur en Mathématique
à Bâle , et M. Daniel Bernoulli , son fils ,
qui l'a été à Petersbourg , ont remporté le Prix
de 1734-
L'Académie se conformant aux vûës et aux
intentions du Testateur , propose pour sujet du
premier Prix qui tombe dans l'année 1736 .
Comment se fait la Propagation de la Lumiere.
Les Sçavans de toutes les Nations sont invitez
à travailler sur ces Sajets , et même les Associez
Etrangers de l'Académie. Elle s'est fait la Loi
d'exclure les Académiciens regnicoles de piétendre
aux Prix .
Ceux qui composeront sont invitez à écrire en
François ou en Latin , mais sans aucune obligation.
Ils pourront écrire en telle Langue qu'ils
voudront , et l'Académie fera traduire leurs Ou
vrages .
On les prie que leurs Ecrits soient fort lisibles,
sur tout quand il y aura des Calculs d'Algebre .
Ils ne mettront point leurs noms à leurs Onvrages
, mais seulement une Sentence ou Devise.
Ils pourront , s'ils veulent , attacher à leur Ecrit
un Billet séparé et cacheté par eux , où seront ,
avec cette même Sentence, leur nom , leurs qualitez
et leur adresse ; et ce Billet ne sera ouvert
par l'Académie , qu'en cas que la Piece ait remporté
le Prix.
Ceux qui travailleront pour le Prix , adresseront
leurs Ouvrages à Paris au Secretaire perpe-
I. Vol. tuel
1186 MERCURE DE FRANCE
ruel de l'Académie , ou les lui feront remettre
entre les mains. Dans ce second cas le Secretaire
en donnera en même- temps à celui qui les fui`
aura remis son Récepissé , où sera marquée la
Sentence de l'Ouvrage et son numero selon l'ordre
ou le temps dans lequel il aura été reçû.
Les Ouvrages ne seront reçûs que jusqu'au premier
Septembre 1735. exclusivement.
L'Académie à son Assemblée publique d'après
Pâques 1736.proclamera la Piece qui aura ce Prix.
S'il y a un Récepissé du Secretaire pour la
Piece qui aura remporté le Prix , le Trésorier de
l'Académie délivrera la somme du Prix à celui
qui lui rapportera ce Récepissé. Il n'y aura à ce
la nulle autre formalité.
S'il n'y a pas de Récepissé du Secretaire , le
Trésorier ne délivrera le Prix qu'à l'Auteur même
, qui se fera connoître , ou au Porteur d'une
Procuration de sa part.
M. de Laubriere , Evêque de Soissons , dont
on connoît l'amour pour les Lettres , ayant établi
un Prix pour l'Académie de Soissons , on
avertit le Public dans un Programme imprimé ,
que l'année prochaine 1735. le Lundi d'après le
Dimanche de Quasimodo , cette Académie adjugera
un Prix proposé par ce Prélat , lequel sera
une Médaille d'or de la valeur de 300. livres , 2
'une Dissertation Historique d'une demie heure
de lecture ou de trois quarts d'heure au plus , sur
l'Etat des anciens Habitans du Soissonnois avant
la conquête des Gaules par les Francs , la situation
et l'étendue du Pays qu'ils habitoient , le nom et
L'antiquité de leurs Villes et Châteaux , leurs forces
et les Armes dont ils se servoient , leurs moeurs
leur Gouvernement et leur Religion.
1
1
1. Vol. Dans
JUIN. 1734.
1187
Dans l'examen qu'on fera des Ouvrages , selon
le Programme , on aura égard , tant au nombre
et à l'étendue des recherches , qu'à la beauté du
stile et à la pureté du langage.
Les Auteurs sont avertis de mettre à la marge
ou à la suite de leur Ouvrage , les preuves des
faits qu'ils auront avancez , et les sources où ils
les auront prises.
Les Ouvrages seront adressez francs de port ,
à M. le President de Beyne , Secretaire perpetuel de
l'Académie de Soissons , et ils ne seront reçûs que
jusqu'au premier Février de l'année prochaine.
Le 12. Avril mourut à Paris Thomas Fantel
de Lagny , Avocat en Parlement , Pensionnaire .
veteran de l'Académie Royale des Sciences de
Paris pour la Géométrie , reçû en/1696. Membre
de la Societé Royale de Londres , et Commis à
la Bibliotheque du Roy pour la recherche des
Livres de Mathématique , connu par plusieurs
Ouvrages de Mathématiques , dont les titres sont
rapportez dans la Liste Chronologique de l'Aca
démie des Sciences de Paris , p. 374. tom. 2. de
l'Histoire de cette Académie.
On a appris de Londres , que le Chevalier
Thomas Thornhill , le meilleur Peintre d'Histoire
que l'Angleterre ait produit , mourut le
15. du mois dernier à sa Terre dans le Comté
de Dorset , âgé d'environ 57. ans.
M. Campion , Professeur- Maître de Théorbe
et de Guitare , de l'Académie Royale de Musique
, a mis cy devant au jour la Regle de l'Octave
, Sistême generalement reçû , non- seulement
des Eleves , mais encore des Maîtres , qui , gué-
I. Vol. ris
1188 MERCURE DE FRANCE
ris de la prévention de leurs anciennes conjectures
, veulent promptement donner une idée génerale
de la Musique vocale et instrumentale
pour l'accompagnement et la composition en
deux lignes , puisque par son Traité il fait voir
clairement que tout le mystere et l'abregé de la
Musique est conçu par le ton majeur et le ton
mineur ; et que toutes les autres Octaves , comprises
dans le Tableau de son Trané , ne sont
que des répliques , lesquelles il faut pratiquer sur
les Instrumens d'harmonie une à une. C'est par
cette étude que l'on parvient à connoître la Note
favorite ou sensible de chaque Octave , qui fait
dans toute sorte de Musique entrer et sortir de
l'une à l'autre.
Cet Auteur , toujours rempli de sa Regle ,.
dont il donne la pratique en six mois sur le
Théorbe et sur la Guitare , par un Systême particulier
qu'il a donné dans l'Addition à son Traité
, vient de donner son cinquiéme OEuvre , qui ,
est un second Recueil d'Airs , au commencement
duquel il a affecté de placer deux petits Airs qui
sont les modeles ou les catégories des tons mineur
et majeur .
La transposition de ces deux Airs dans les autres
Octaves , est absolument necessaire pour
l'intelligence generale de l'harmonie , ont la
pratique nourrit et dirige l'oreille au point de la
rendre immanquable.
Sous le troisiéme Air est compris un point
d'Orgue de Basse- continue , pour apprendre les
accords extraordinaires qui se mettent par élegance
dans le courant d'une Musique , laquelle
ne suit pas toujours la simplicité de la regle de
l'Octave renfermée dans les deux premiers Airs.
Il y a une ample explication de l'endroit de
SL Vol. l'acJUIN.
1189 1724.
POctave , où ces accords extraordinaires se trouvent,
et de quoi on doit les accompagner.
Ces Oeuvres se vendent chez l'Auteur , ruë des
Fossez Montmartre , à la Croix d'Or , ruë du
Roule , et à la Regle d'or , rue S. Honoré , 1734.
prix 5. livres.
Le sieur Hecquet , Graveur et Marchand Imainformé
ger , que plusieurs personnes , soit Professeurs
de College , ou Marchands d'Estampes
de Province , sont souvent embarrassez pour les
Sujets de Theses , ne sçachant à qui s'adresser à
Paris pour en avoir qui soient convenables et
bien conditionnées ; il croit devoir leur donner
avis qu'il est actuellement très bien assorti d'un
très- grand nombre de Planches de toutes sortes
de grandeurs et d'une très - belle execution pour
les Sujets propres aux Theses , tirez de l'Histoire
de l'Ancien et du Nouveau Testament , qu'il est
aussi en état de fournir quantité de Passe - partout
pour les Dédicaces , accompagnez d'ornemens
des plus gracieux.
Il vient de mettre au jour une Planche en ce
genre , qui a été generalement applaudie à la
Cour et à Paris ; c'est une Dédicace au Roy ,
dont voici la description : le Portrait de Sa
Majesté , très - ressemblant , gravé d'après le
Tableau de M. Vanloo , par M , Dautlé , occupe
le milieu de la composition . Il est environné des
principales Vertus qui caracterisent ce Monarque.
La Prévoyance, reconnoissab e par son Sceptre
, surmonté d'un oeil ouvert , paroît descendre
du Ciel pour soutenir le Portrait ; la Force le
supporte aussi , et cette Vertu est accompagnée
de la Sagesse et suivie de l'Abondance. Du côté
opposé l'on voit la Justice , la Temperance et la
I. Vol G Renom1190
MERCURE DE FRANCE
Renommée , publiant les grandes actions du Prin
ce ; son amour pour les Lettres et les Beaux-
Arts , est exprimé par des Livres et des Instru
mens , qui sont répandus à terre.
Le sieur Hecquer , offre d'envoyer à ceux qui
s'adresseront à lui , des épreuves de ces Sujets ,
avec les prix de chacun ; il croit pouvoir se flater
que l'on sera content pour le choix et pour
Pexecution . Il donnera toute l'attention possible
aux fournitures qu'on lui demandera. Son adresse
est à l'Image S. Maur , sur la Place de Cambray,
proche la Fontaine 6. Benoit , à Paris.
Le sieur Moyreau , qui travaille continuelle
ment à graver l'OEuvre de Wauvermans , vient
de mettre au jour la 13 ° Estampe qu'il a gravée
d'après cet excellent Peintre , c'est un Paysage
en large , sous le titre de la petite Chasse du
Cerf, dont le Tableau est dans le Cabinet de la
Comtesse de Verrue. Le sieur Moyreau , grave
actuellement son Pendant. Toutes ces Estampes
se vendent chez l'Auteur , rue Galande , vis- via
S. Blaise.
Le sieur Bibiena , Italien , demeurant à Paris .
rue des Prouvaires , prés S. Eustache , chez la
veuve Saliere , à la Croix blanche , donne avis au
Public , qu'il y professe depuis plus d'un an avec
succès , la qualité de Maître de Langues; il montre
l'Italienne aux François , et la Françoise aux
Italiens et aux Etrangers qui veulent apprendre
Pune et l'autre , le tout par des principes nous
courts et faciles .
veaux ,
Le sieur Neilson , Ecossois , reçû à S. Côme ,
Expert pour la guérison des Hernies ou Des
1. Vol.
centes ,
THE NEW YORK
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR, LENOX AND
TILDEN FOUNDATIONS
TIL
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND. TILDEN
FOUNDATIONS
.
JUIN. 1734 Y191
entes , demeurant au Coq d'or , rue Dauphine
à Paris , traite ces sortes de Maladies d'une façon
particuliere et sans que le Malade soit empêché
de vacquer à ses affaires :
Il donne aussi son avis et ses Remedes à ceux
qui sont dans les Provinces , soulage les Hernies
les plus inveterées , rend cette incommodité supportable
et en empêche les mauvaises suites .
Il a aussi inventé de nouveaux Bendages pour
Fun et l'autre sexe , d'une façon et méchanique
toute singuliere et la plus propre pour retenir
les Parties et en faciliter la guérison , sans embarras
ni incommodité , tant ils sont légers ,
minces et aisez à porter, Et même sans avoir de
Descentes , toutes personnes qui font des exercices
violens , comme de courir la poste à cheval
ou en Chaise , d'aller à la Chasse , &c . auroient
besoin de ces Bandages pour se garantir
de pareils accidents . Ceux qui en auront besoin
dans les Provinces , pourront envoyer leur mèsure.
Il faut la prendre précisément au dessus
de l'os Pubis , et s'ils ont des Hernies ou Descentes
, marquer de quel côté , et s'ils l'ont des
deux côtez, indiquer celui qui est le plus malade .
Il ne reçoit point de Lettres sans que le port
en soit payé.
1
AIR.
Clell quel orage affreux ! quel horrible Ton-
L'Onde s'unit aux vents pour ravager la Terre ..
Quel péril menaçant ! les Cieux fond.nt en eau.
1 Vol,
Gi
Prêt
1192 MERCURE DE FRANCE
Prête à nous écraser, dans l'Air la Foudre gronde.
Tremblez , Mortels , tremblez , un Déluge nouveau
,
Dans l'éternelle nuit ensevelit le Monde.
Mais je crains peu sa rage , Amis , dans mon
Caveau ,
Four le braver ,je veux que Bacchus me seconde;
Je veux , quand j'aurai fait de mon ventre un
tonneau
?
Que l'Aquilon le berce et qu'il flote sur l'Onde.
XXX:XXXXXXXXX; XXX
SPECTACLES.
SVRF
Ur les plaintes qu'on a faites , de n'avoir
fait qu'annoncer la Tragedie
d'Adelaide de M. de Voltaire , après
avoir promis d'en parler plus au long :
nous avons composé l'Extrait qu'on va
lire , avec le plus de soin qu'il nous a été
possible.
Adelaïde du Guesclin , niéce du Conétable
de ce nom , est l'Heroine de ce Poëme.
L'époque de l'action Theatrale , est
le tems des guerres de Charles VII . contre
les Anglois , et la Ville de Lille est
le lieu de la Scene .
.
Adelaide commence la Piece avec le
1. Vol -Sire
JUIN. 1734. 1193
-
Sire de Coucy , Seigneur François . Ce der
nier a aimé Adelaïde avant qu'elle fût
aimée du Duc de Vendôme ; son amitié
pour ce Prince du Sang des Bourbons le
porte non seulement à sacrifier son
amour , mais encore à parler en faveur
de son Rival . Quelques Critiques auroient
souhaité que son amitié ne fut pas allée
plus loin , et jusqu'à lui fire prendre les
armes contre son Maître legitime. Adelaïde
lui fait presser.tir qu'elle ne sçauroit
donner ni son coeur , ni sa main au
Duc de Vendôme , et le prie de détourner
son Ami d'une passion qui le rendroit
malheureux ; Coucy se refuse à ce
bon office , sous prétexte
, sous prétexte qu'il ne veut
pas affliger Vendôme.
Adelaïde allarmée d'un faux bruit qui
court sur la mort du Duc de Nemours ,
Frere du Duc de Vendôme , fait connoî
tre par sa frayeur qu'elle aime Nemours,
elle l'avoue même à Jaise d'Aglure , sa
confidente.
Vendôme vient , il parle d'amour à
Adelaide ; elle lui demande si Coucy ne
lui a point parlé ; le nom de Nemours
lui échappe elle n'en dit pas davantage
, ou plutôt elle pallie ce demi aveu
par une feinte ingenieuse , en lui disant
que le bruit de la mort d'un frere si cher
1.Vol.
Giij ne
194 MERCURE DE FRANCE
ne lui permet pas de parler d'Hymen .
Heureusement pour elle Coucy vient annoncer
à Vendôme que les Troupes du
Dauphin s'avancent à grand pas . Vendôme
est obligé de partir incertain de son
sort.
Adelaïde , ayant appris dans la Scene
précedente , que non- seulement son cher
Nemours n'est pas mort , mais qu'il est
à la tête des Troupes qui s'avancent vers
Lille , flotte entre l'esperance et la crainte .
Vendôme et Coucy ouvrent la Scene
du II . Acre , et font entendre que les
Assiegeans ont été repoussez vigoureusement.
Vendôme rend justice à la valeur
d'un de leurs Chefs qu'il n'a fait prisonnier
qu'après l'avoir blessé ; il dit même
qu'en le combattant il a senti des mouvemens
de pitié qu'il attribuë à l'amour
qu'il sent pour Adelaide , qui ne lui permet
plus cette ferocité qu'il avoit autrefois
dans les combats .
On amene le Prisonnier blessé , c'est
Nemours lui même;Vendôme court l'embrasser
; Nemours se refuse à ses caresses ;
il lui reproche sa rebellion contre son
Prince , et son union avec les Ennemis.
de sa Patrie ; Vendôme ne peut entendre
ces reproches sans colere , et prie son Frere
de les lui épargner ; il l'invite à la fêre
I. Vol.
qui ..
JUIN. 1734.
1195
qui se prépare pour son Hymen avec Ade
laïde. Nemours lui reproche son amour
comme violent et même effrené ; Vendô
me lui répond que la vûë de cet aimable
objet va suffire pour justifier la violence
de sa passion : Il ordonne qu'on fasse venir
Adelaïde.
A la vûë d'Adelaïde , la blessure de
Nemours se rouvre , Vendôme en est allarmé
, il suit ce malheureux Frere qu'on
em porte.
Adelaïde se plaint au Ciel de ce qu'il
ne lui rend son Amant que pour le lui
faire perdre une seconde fois .
Vendôme revient , Adelaïde lui demande
avec empressement des nouvelles de
Nemours ; il lui répond qu'il a arrêté son
sang et Ini reparle d'Amour et d'Hymen.
Adelaïde lui répond fierement
qu'elle ne donnera jamais ni sa main , ni
son coeur à un Prince armé contre son
Roi Vendôme éclate de colere contre
elle. Adelaide le quitte avec une noble
intrépidité , et en l'assurant qu'elle sera
toujours la même. Vendôme ne sçait à
quoi attribuer la resolution d'Adelaïde ,
il en soupçonne quelque secrette inclination;
le silense que Coucy a gardé depuis
qu'il l'a prié de disposer le coeur d'Adelaïde
en sa faveur , lui fait croire qu'il est
I. Vol.
Giljson
1198 MERCURE DE FRANCE
sa parole , il ne peut la suivre sans se deshonorer
; elle lui dit tendrement que la
fortune jalouse lui a toujours envié le nom
de son Epouse ; Nemours lui dir que la
foi qu'il a donnée n'a pas besoin de l'appareil
pompeux qui ne sert qu'à la rendre
plus éclatante sans la rendre plus sûre`s
il atteste les Manes des Rois ses Ayeux ,
et l'ombre du Grand - du Guesclin
dont la cendre repose avec celle de ses
Maîtres ; et c'est sur de si Illustres Garans
qu'il lui jure une foi immortelle.
Adelaide rassurée par de si augustes sermens
, se resout à partir d'un lieu qui
peut lui devenir fatal...
>
Vendôme entre sur le champ , et il
ordonne à ses Gardes de saisir Nemours : *
c'est alors que Nemours croit n'avoir plus
rien à dissimuler ; il brave la colere de
son Frere , le traite d'infidele à son Roi
et à sa Patrie ; Vendôme ordonne à ses
Gardes de le conduire en lien de sûreté
Nemours continuëà le braver , et renouvellant
son serment à Adélaïde , il dit fiement
à leur commun Tyran , qu'il l'en
rend témoin malgré lui. Adelaïde en
pleurs n'oublie rien pour desarmer son fu
bon
que
Vendo
* Les Critiques ne trouvent pas
me ne dise rien aux Spectateurs , de ce qu'il a appris
dans l'entr Acte.
1. Vel. rieux
JUIN. 1734 1199
rieux Amant ; il lui répond que la grace
de Nemours est à l'Autel , et que si elle
balance à l'y suivre , c'est fait de ce trop
heureux Rival.
Un Officier lui vient annoncer qu'on
le trahit , et que c'est le Duc de Nemours
qui est l'Auteur de la trahison
Coucy vient l'inviter à se défendre , il
répond à Coucy qu'il n'est présentement
Occupé que de sa vengeance contre son
Rival , et que dès qu'il l'aura remplie ',
il ira chercher la mort parmi ses ennemis ;
Coucy fremit de cette resolution ; Vendôme
lui dit qu'il n'attend pas ce service
de sa main , et qu'il en trouvera de plus
sûres ; Coucy craignant d'être prévenu
lui promet de lui donner des preuves de
sou zele dont il n'aura plus à douter .
Vendôme le reconnoît pour son veritable
Ami , et lui dit de l'avertir par un
coup de canon de l'execution de sa promesse.
Au V. Acte , Vendôme , tout plein de
sa vengeance dont il n'a pas voulu se reposer
sur un Ami aussi vertueux que
Coucy , demande à un de ses gardes si le
Soldat qu'il a choisi pour tuer Nemours
est prêt à executer ses ordres ; ce Garde
lui répond qu'il n'en doit point douterjet
qu'on a vû ce Soldat s'avancer vers
1. Vol.
G vj la
1200 MERCURE DE FRANCE
la prison ; Vendôme ordonne qu'on se
retire .
C'est ici le premier moment où la nature
lui fait sentir des remords , il flotte assez
long tems entre la haine et l'amitié. Il
se détermine enfin en faveur du sang ; il
appelle ses Gardes, un Officier vient; Vendôme
lui ordonne d'aller faire revoquer
l'ordre sanglant qu'il a donné contre son
Frere ; cet Officier lui fait connoître qu'il
craint qu'ikn'en soit plus tems , et qu'on
vient de transporter un Cadavre de la
Prison par l'ordre de Coucy. Vendôme
ne doute point que Coucy ne l'ait trop
bien servi ; un coup de canon qu'il entend
, ou qu'il croit entendre ne lui permet
plus de douter de l'assassinat ; il se
livre tout entier aux plus vifs remords .
Adelaïde , qui ignore ce qui peut s'être
passé , vient le trouver prête à le suivre à
'Autel , puisque la vie de son Amant
est à ce prix ; Vendôme ne lui répond que
par des gemissemens , et lui dit enfin que
Nemours n'est plus . Adelaide l'accable
de reproches et d'injures ; il veut se donner
la mort ; Coucy arrive et lui retient
le bras ; Vendôme lui reproche d'avoir
exccuté un Arrêt dicté par la jalousie s
Coucy lui répond que le crime n'en auroit
pas été moins commis , puisqu'une
1. Vola autre
JUIN. 1734. 1201
autre main en alloit être chargée. Adelaide
fait des reproches très touchans à
Coucy , dont elle n'auroit jamais soupçonné
qu'un coup si funeste pût partir.
Coucy se justifie enfin envers tous les
il déclare que le corps qu'on a vû
deux ,
sortir de la Prison est celui du Soldat qui
avoit déja le bras levé pour le poignarder
, et qui auroit achevé le crime s'il
n'avoit pas été poignardé lui même . Il ordonne
qu'on fasse venir Nemours ; ce
Prince vient , son Frere le reçoit à bras
ouverts ; il se punit des ordres cruels
qu'il avoit donnés , en se privant d'Adelaïde
, et se reconcilie avec son Frere , en
lui cedant cet objet de son Amour. La
Tragedie finit par une ferme resolution
que Vendôme fait de faire oublier ses égaremens
à force de vertus ; il consent à
rentrer sous l'obéissance de son Maître.
La fin de cette Piece à paru très- touchante.
Les principaux Roles qui sont celui
de Vendôme , d'Adelaïde , de Nemours,
et de Coucy , ont été patfaitement bien
remplis , par le sieur du Frêne , la Dlle
Gossin , le sieur Grandval , et le sieur le
Grand.
La Dlle Conel , nouvelle Actrice , dont
on a parlé dans le dernier Mercure , a re-
I. Vol. paru
1202 MERCURE DE FRANCE

paru sur la Scene au commencement de
cc mois et a rempli avec succès les
Rôles d'Agnés , dans l'Ecole des Femmes ;
d'Agathe, dans les Folies Amoureuses ; de
Monime , dans Mithridate ; d'Isabelle
dans l'Ecole des Maris ; d'Andromaque ,
dans la Tragedie de ce nom ; d'Aricie ,
dans le Phedre ; d'Agathe , dans Attendezmoi
sous l'Orme ; d'Irene , dans Andronic
, et de Chimene , dans le Cid.
On a donné le Lundi 21. de ce mois, la
premiereReprésention d'Enée et de Didon,
Tragedie que le Puplic a reçûë avec de
très grands applaudissemens ; nous en
parlerons plus au long.
On doit donner sur le même Théatre
une petite Comédie en Prose , en un Acte ,
intitulée , La Pupile , dont nous rendrons
compte.
MADRIGAL.
POUR Mlle P .... qui joua le Role de
Teglis dans la Tragedie de Pyrrhus et
Teglis , représentée à l'Arsenal.
Uand sous l'habit de Melpomene ,
Attirant tous les coeurs à vous ,
L'Amour vous , voit verser des larmes sur la
Scene ;
Il vous croit tendre , et tombe à vos genoux ,
>
I. Vol.
Yous
JUIN. $ 734. 1203
Vous entretenir de sa peine ;
Mais bien loin deflater son amoureux tourment ,
Voyant qu'on ne veut pas l'écouter seulement ;
Ah ! dit ce petit Dieu , fondant en pleurs luimême
,
Vous feignez de pleurer , charmant objet que
j'aime ,
Et je pleure sincerement.
Mlle Malcrais de la Vigne.
L'Académie Royale de Musique , continue
toujours avec succès les Représentations
du Ballet des Elemens ; c'est le même
qui fut dansé par le Roi en son Château
des Thuilleries au mois de Decembre
1721. Nous avons déja donné un Extrait
du Poëme , de la composition de
M.Roy, qu'on peut voir dans le Mercure
de Janvier 1722. Ce Ballet qui fut remis
ensuite au Theatre de l'Opera en Mai
1625. et en Fevrier 1727. est toujours
composé d'un Prologue , dont le sujet est.
·le Cabos, et de quatre differentes Entrées ,
l'Air , le Feu , l'Eau , et laTerre . Les Dlles
Antier , le Maure et Petitpas remplissent
parfaitement bien les principaux Rôles
les Sieurs Dun ,
que
Tribou et Jeliot. Le Ballet composé par le
Sr. Blondi , fait beaucoup de plaisir , et
les danses en particulier sont très- bien cade
même
I. Vol.
Chassé ,
racte1204
MERCURE DE FRANCE
racterisées , distribuées avec art et parfaitement
executées par les meilleurs Sujets
de l'Académie.Cet Opera a un fort grand
succès , la Musique est de M. Destouches .
Les Comediens Italiens préparent une
Comedie nouvelle , sous le titre du Petit
Maître Amoureux , dont on parlera en
son tems.
NOUVELLES ETRANGERES.
O
POLOGNE.
N apprend de Dantzick que la nuit du 7.
au 3.
au 8. Mai , les- Moscovites pousserent leurs
approches jusqu'à une petite distance du Fort de
Wechselmunde , et qu'ils avoient commencé une
parallele pour ôter à ce Fort toute communication
du côté de la terre ; mais le 8. et les jouts
suivans on fit un si grand feu sur les travaux
qu'on en ruina la plus grande partie , en sorte
que leurs Travailleurs et les Troupes qui les soutenoient
furent obligés d'abandonner leur entreprise.
Le 8. le Comte de Munich , le General Lesci
et le Major General Biron , à la tête d'un détachement
de Cosaques , s'avancerent à la portée
du fusil , de la Montagne de Hahelsberg , afin de
reconnoître le Fort et les autres Ouvrages qui sont
construits sur la hauteur , et dont les Assicgeans
avoient formé le dessein de s'emparer.
1
I. Vo! Le
JUIN. I - 34. 1205
Le General Moscovite ayant trouvé que le côté
droit de la Montagne étoit très - escarpé , et presque
inaccessible , que d'ailleurs il étoit défendu
par un Ouvrage à Corne regulier , avec un Ravelin
et une Contrescarpe qui couvroit le principal
Rempart et le Ravelin jusqu'au Parapet , et que
toutes ces fortifications étoient pallissadées et
munies d'un grand nombre de pieces de canon ,
il se détermina à faire son attaque par le côté
gauche , dont les fortifications , qui ne sont que
de terre , n'ont ni chemins couverts , ni contrescarpe
, et ne sont environnées que d'un Fossé
sec.
Les Ennemis firent le lendemain toutes les dispositions
necessaires pour executer leur projet ,
et à 10. heures du soir 3000. hommes que le
Comte de Munich avoit commandés pour attaquer
l'Ouvrage qu'il avoit jugé le plus facile à
eimporter, s'assemblerent près de Siganskenberg,
où ils prirent leurs facines et leurs échelles , mar
chant sur trois colones ; et pour faciliter la veritable
attaque , ils en firent trois en même- tems,
P'une du côté de Schiedlitz , l'autre de celui du
Bissehapsberg , et la troisiéme de l'autre côté de
la Vistule ; mais ayant été repoussés de toutes
parts , ils réunirent leurs forces du côté qu'ils
avoient resolu d'attaquer ; et après avoir arraché
les premieres Pallissades et avoir passé le
Fossé , ils monterent à l'assaut , et se rendirent
maîtres d'une Batterie de six pieces de canon ;
mais les Troupes qui défendoient ce poste , chargerent
les Ennemis si à propos et avec tant de
valeur , qu'elles les contraignirent bientôt de l'abandonner.
Les Moscovites , malgré ce mauvais succès , se
préparoient à donner un second assaut , lorsqu'ils
1. Vol furcat
1206 MERCURE DE FRANCE
furent attaqués en flanc par un corps de Troupes
que le Roi avoit fait sortir de la Ville. Ils soutinrent
pendant quelque tems le feu qu'ils avoient
à essuyer de deux côtés , et ils ne prirent le parti de
se retirer qu'après que tous les Officiers qui le
commandoient eurent été tués .
La perte que les Assiegeans ont faite en cette
occasion , et qui monte à 1000. hommes , est
d'autant plus considerable que leur entreprise a
couté la vie à la plupart de leurs Officiers les plus
distingués , par le rang ou par la, bravoure , et à
tous leurs Ingenieurs .
Des Lettres de Dantzick , sur la fin du mois
dernier , marquent qu'une partie des Troupes
que le Roi de France y envoye étoit arrivée le
10. à la Rade de cette Ville , et que le même jour
on avoit commencé le débarquement , mais on
a appris depuis que ces Troupes n'étant pas en
assez grand nombre pour aller attaquer les Moscovites
, et pour pouvoir penetrer dans la Ville ,
étoient retournées à la Rade de Coppenhague ,
où elles avoient trouvé un nouveau corps de
Troupes Françoises , que les vents contraires ý
avoient retenu. D'autres Lettres, marquent que
toutes ces Troupes étoient parties de Coppenhague
le 21. Mai , sous l'escorte de cinq Vaisseaux
de Guerre pour se rendre à Dantzick , et que le
Comte de Plelo , Ambassadeur du Roi de France
, auprès du Roi de Dannemarck' , s'étoit embarqué
avec ces Troupes. :
Le Comte de Munich ayant été averti du pre
mier débarquement , fit marcher la plus grande
partie de son Armée pour être en état d'empêcher
ces Troupes de penetrer dans la Ville .La nuit suivante
les Ennemis travaillerent à perfectionner la
parallele qu'ils avoient commencé , dans le des
I.Vol.
Scin
JUIN. 1734. 1207
-
sein d'oter au Fort de Wechselmunde toute communication
du côté de la terre , et le feu continuel
qu'ils eurent à essuyer ne les empêcha pas
de continuer leurs travaux , qui se trouverent le
lendemain fort avancés.
Le 11. le Comte de Murich ordonna qu'on
augmentât le nombre des Travailleurs employés
à interrompre la navigation de la Vistule, et qu'on
tendît des cables de distance en distance , afin de
fermer le passage aux petits Bâtimens.
Les Assiegeans commencerent le 12. à élever
deux redoutes aux extremités de la parallele ,
qu'ils avoient tracée près du Fort de Wechselmunde
, et ils en perfectionnerent deux autres , ausquels
ils travailloient depuis plusieurs jours sur
le bord de la mer.
Le 13. les Troupes Françoises se rembarquerent
pour Coppenhague , comme on vient de le dire.
Les Ennemis emporterent le 14. quelques Ouvrages
peu considerables près de Stoltzemberg ,
et après s'y être établis , ils commencerent une
ligne de communication entre ce poste et celui
de Schiellitz.
Le Regiment de Bello Cher , qui vient de
Varsovie , arriva le même jour dans leur Camp.
Les Assiegeans acheverent le 17. le retranchement
qu'ils ont fait pour enfermer une partie du
Fort de Wechselmunde , et qui est couvert de
de plusieurs redoutes , et fortifié par divers épaulemens
depuis la Vistule jusqu'à la Mer. Ils construisirent
aussi une redoute en deçà de la Riviere ,
vis - à- vis le Winsterschantz , et ils tirerent une
ligne pour communiquer de cette redoute au Canal
de Botsmantslache. Le soir le Roi fit mettre
le feu à quelques maisons qui étoient bâties sur
le Stoltzemberg , et qui pouvoient fa , riser les
approches des ennemis. On
1208 MERCURE DE FRANCE
On apprend par les Lettres du commencement
de ce mois , que l'Escadre avec les Troupes Françoises
partie de Coppenhague le 21. Mai , étoit
arrivée le 23. au matin à la Rade de Dantzick ,
sous l'escomte de 5. Vaisseaux de guerre ; que
' ces Troupes avoient débarqué sans opposition ,
et qu'elles étoient campées au Fahrwasser ,
le canon du Fort de Wechselmunde ,
sous
Le Comte de Munich jugeant que ces Troupes
attaqueroient les Assiegeans et les retranchemens
qu'ils ont faits pour enfermer le Fort , donna
ordre au Major General Vrushof de s'avancer
vers Nehrung avec trois Regimens de Dragons ,
et il renforça les postes qui étoient les plus exposés
.
Le 27. Mai les Troupes Françoises , après
avoir donné les signaux pour avertir la Garnison
de Dantzick , de favoriser l'attaque à laquelle
elles se disposoisnt , sortirent de leur Camp,
et ayant marché sur trois colones , elles attaquerent
les retranchemens des Moscovites. Les François
arracherent les Pallissades et forcerent la
Barriere ; mais les Troupes qui défendoient ce
retranchement , leur étant fort superieures en
nombre , ils furent obligés de se retirer dans leur
Camp.
Le Major General Vrushofa, aussitôt après leur
retraite, marcha avec les trois Regimens de Dragons
qu'il commandoit , contre les Troupes qui
étoient sorties de la Ville pour attaquer le même
retranchement , et qui ayant à combattre plusieurs
détachemens que le Comte de Munich
avoit fait avancer pour soutenir les Moscovites,
prirent le parti de rentrer dans la Ville.
Le Comte de Plelo a été tué à l'attaque de ce
retranchement , et les François y ont perdu 60.
hommes. Le
JUIN. 1724. 1209
Le Corps des Troupes Saxones , que commande
le Duc de Saxe Wesseinfels , et qui est composé
de 8. Bataillons et 22 Escadrons , arriva le
25. et le 26. à Langefurt , où l'Electeur de Saxe
a envoyé plusieurs pieces de canon , et quelques
Ingenieurs destinez à servir dans le Camp des
Assiegeans..
Le Roia quitté le Palais qu'il occupoit , pour
aller demeurer dans la maison de M. Ossalinski ,
Grand Tresorier de la Couronne , située dans
le quartier de Lang- Carten , et Sa Majesté qui
continue de jouir d'une parfaite santé , visite regulierement
tous les jours les principaux postes,
er anime les Troupes par son empressement à se
transporter dans tous les lieux où leur presence
est necessaire .
Pendant les deux jours qu'a duré une suspension
d'armes dont on étoit convenu avec les Ennemis,
les Magistrats de Dantzick ont fait nettoyer la
Ville , et renouvelier le fumier avec lequel on
avoit couvert les maisons. Ils ont eu aussi pendant
ce tems plusieurs conferences avec M. de
Brand , Ministre du Roi de Prusse , qui étoit
venu leur faire quelques propositions de la part
de S M Prussienne
Les Ennemis ont ajouté deux re loutes au retranchement
qui enferme la plus grande partie
du Fort de Wechselmunde , et ils l'ont fortifié de
plusieurs épaulemens défendus par de fortes Palissades.
La batterie sur le Vinsterschantz fait un feu'
continuel sur la redoute qu'ils ont construite en
deçà de la Riviere , vis à - vis de ce poste , et sur
la ligne de communication qu'ils ont tracée depais
cette redoute jusqu'au Canal de Bostmantslache
, et l'on a détruit une partie des travaux
qu'ils avoient fait de ce côté.
Le 3.
1210 MERCURE DE FRANCE
Le
3.
de ce mois, le Roi fit sortir de Dantzick
un détachement considerable de la Garnison , lequel
ayant attaqué les Ouvrages que les Moscovites
ont construits vis - à - vis de Hagelsberg
ruina une partie de leurs fravaux , encloua deux
pieces de canon et un mortier , tua un grand
nombre de ceux qui défendoient ces Ouvrages ,
et fit plusieurs Prisonniers de guerre.
On croit que les Troupes Françoises qui sont
toujours campées sous le canon du Fort de Wechselmunde
, se disposent à faire une nouvelle
tentative pour forcer les retranchemens des Assiegeans
, et pour penetrer dans la Ville , dont
les Habitans marquent toujours tant de zele
pour le Roi et pour les interêts de la Nation
que la pluspart de ceux qui sont en état de porter
les Armes , ont demandé la permission desuivre
à l'avenir tous les Détachemens qui feroient
des sorties.
Le Comte Potocki , Régimentaire de la Couronne
, est arrivé au commencement de ce mois
dans la Prusse Polonoise , et l'Armée qu'il commande
ayant été renforcée par les differens
Corps que le Palatin de Lublin , le Palatin de Lubelski
, et le Staroste Rudzinski , ont sous leurs
ordres , est composé d'environ 40000. hommes.
Ce General s'est mis en état , par les postes qu'il
occupe , d'empêcher le Corps de Troupes Moscovites
, qui est parti de Varsovie , d'arriver au
Camp des Ennemis ; et comme il n'aura besoin
que de la moindre partie de ses forces pour empêcher
ces Troupes de se joindre aux Assiegeans,
on compte qu'il marchera avec le reste de son
Armée pour attaquer les Ennemis.
Le Comee de Munich , allarmé de l'approche
des Troupes Polonoises , a donné ordre au Ge-
1. Vol. neral
JUIN. 1734. 1211
neral Lesci , de faire augmenter les retranchements
du quartier où il commande , et il a fait
revenir à son Camp les Troupes qu'il avoit mises
en garnison dans Thorn et dans Elbing.
L
ALLEMAGNE.
>
E Prince Louis de Wirtemberg , qui commande
par interim l'Armée. que l'Empereur a
en Italie , a écrit à S.M. Imperiale, que les Troupes
Allemandes, lorsquelles avoient passé le Po , étoient
disposées dans l'ordrde suivant : la premiere colonne
composée de 26. Bataillons , trois de
Guido - Staremberg , trois de Harrach , deux de
Lirengstein , trois de Firstenbusch trois de
Hildbourghaussen , un de Wallis , deux de Palfi ,
trois de Daun , un d'Oglivi , trois de Maximilien
Staremberg , et deux de Wachtendoncsk ;
de 28. Escadrons , sept de Saxe Gotha , sept de
Mercy , sept de Palfi , et sept de Jorger ;
et de
20. Compagnies de Grenadiers , ayant à la tête
le Baron de Lanthieri , le Prince de Livengstein ,
les Comtes de Diesbach , et de Saint- Amour ,
Lieutenants Generaux.
La seconde colonne de 17. Bataillons , un de
Welsech , deux de Culmbach , trois de Seckendorf
, rois du Grand - Maître de l'Ordre Teutonique
, deux de Ligneville , deux de Wallis , et
trois de Konigseg , de 24. Escadrons , 7. de
Lichteinstein , 6. de Veterani , 6. d'Hamilton , et
5. de Frederic de Wirtemberg , et de 14. Compagnies
de Grenadiers , sous les ordres des Comtes
de Culmbach et de Valperoso.
Dans le Conseil d'Etat que l'Empereur tint à
Vienne le 16. du mois dernier , il fut résolu
d'assembler les Milices du Royaume de Boheme
et des Provinces de Silesie et de Moravie ,
. I. Vol.
et de
faire
1212 MERCURE DE FRANCE
faire marcher à l'Armée la dixième partie des
Habitans de la Basse- Autriche qui sont en état de
porter les armes . Le bruit court qu'on a déliberé ·
dans le même Conseil si l'on obligeroic la Noblesse
de la Haute Autriche de lever et d'entretenir
à ses dépens un Corps de 10000. homines.
On apprend de Ratisbonne , que la Diete a
reglé que
e les Princes et les Cercles ne fourniroien
que les trois cinquièmes des subsides que
S. M. Imp . avoit demandé pour l'entretien des
Troupes de l'Empire , et que la Caisse Militaire
seroit établie à Francfort.
Les Régimens ie Hager , du Prince Alexandre
de Wirtemberg , de Veles , de Carolis , de Seer
et de Palfi , qui s'étoient mis en marche pour se
rendre à l'Armée sur le Rhin ont reçû ordre de
s'arrêter dans les environs de Passaw ; on croit
qu'elles y formeront un Camp ,
et que les Milices
qu'on leve dans la Basse- Autriche iront les
y joindre.
Sur l'avis qu'on a reçû d'une irruption qu'un
corps de Troupes Polonoises , composé d'environ
4000. hommes , a faite en Silesie , où il a
ravage plusieurs terres consi terables , particulierement
celles du Comte de Henkel , S. M. Imp.
a pris la résolution d'envoyer un Détachement
de Cavalerie et d'Infanterie dans cette Province,
et une partie du Régiment de Chauveray est
déja partie pour renforcer quelques postes de la
Frontiere. On assure que le Camp qu'on y doit
former , sera composé du Régiment du Prince
Alexandre de Wittemberg , de ceux de Weles ,
du Comte Louis de Palfi , de Seer , d'Ogilvi , de
Welsech , du Régiment de Grenadiers de Lorraine,
d'une partie de celui de Chauvirey , et de
ICOo homines des Milices de Transilvanie , ces
I. Vol. Troupes
JUIN. 1734. 1213
par
Troupes doivent être commandées le Baron .
de Damnitz , Feld- Maréchal , qui aura sous ses
ordres le Comte de Jorger.
Le Conseil de Guerre a ordonné à quelques
Régimens qui sont en Italie , d'en revenir, et
l'on compte qu'ils seront envoyez sur les Frontieres
de l'Electorat de Baviere , avec le nouveau
Corps des Milices qu'on leve dans le Tirol .
On a fait prendre les Armes aux Habitans de
Vienne qui sont en état de les porter , et on a
nommé des Officiers pour les commander et leur
apprendre les Exercices Militaires.
pas
L'Empereur a fait publier un Edit , portant
que tous les Particuliers qui n'auroht donné
une déclaration de leurs biens avant le temp ;
dans lequel on doit commencer à lever le Dixiéme
sur tous les revenus , seront condamnez à
payer une Taxe proportionnée à leurs facultez.
Le Marquis de Rubi , Conseiller du Conseil
Privé , et que l'Empereur a nommé Feldt Maréchal
de ses Armées , vient d'étre déclaré Viceroi
de Sicile , à la place du Comte de Sastago.
O
IT A LIE.
N a appris de Rome , que la nuit du 5. au
6. May, quelques Enfans ayant mis le feu
à un amas de paille , les flammes gagnerent un
Chantier voisin , et que le vent violent qui regnoit
cette nuit , fut cause que malgré le prompt
secours qu'on apporta , plus de 80. maisons ' , du
nombre desquelles est le Palais della Penna , appartenant
au Prince Borghese , furent entierement
brulces, et qu'il fallut en at a re plusieurs à
coups de Canon pour arrêter l'incendie.
Les difficultez qui empêchoient la Chambre
Apostolique d'accepter les sûretez offertes par le
I. Vol.
H Car
1216 MERCURE DE FRANCE
son Entrée solemnelle au bruit des acclamations
réiterées du Peuple et de plusieurs salves de
l'Artillerie des Remparts et des Châteaux , et de
la Mousqueterie de la Bourgeoisie qui étoit sous
les aimes
Il descendit à la Cathédrale , à la porte de laquelle
il fut reçû par le Cardinal Archevêque à la
tête du Chapitre , et après avoir assisté au Te
Deum , qui fut chanté à plusieurs Choeurs de
Musique , il alla faire sa Priere devant la Relique
du Sang de S. Janvier , Patron du Royaume;
et il mit à la Châsse dans laquelle il est conservé
une attache de treize Diamants , et de
six Rubis d'un grand prix.
L'Infant se rendit ensuite au Palais , où il admit
la Noblesse et les Tribunaux à lui baiser la
main. Les rues par lesquelles ce Prince passa
étoient magnifiquement ornées, et l'on avoit éle
vé en plusieurs endroits des Arcs de triomphe
chargez de Devises et d'Inscriptions,
Le 15. May , un Courrier dépêché de Madrid
apporta à l'Infant Don Carlos le Diplôme par
lequel le Roy d'Espagne le déclare Roy de Naples
, et enjoint à tous les Seigneurs , Barons et
autres Habitans du Royaume , de le reconnoître
en cette qualité , et aux Magistrats des Villes
qui n'ont pas encore nommé des Députez pour
lui prêter serment de fidelité de lui en envoyer
incessamment , sous peine d'être regardez comme
rebelles et traitez selon toutes les rigueurs de
la guerre.
Ce Diplôme fut affiché et publié le même jour ,
et tous les Tribunaux en corps allerent rendre
hommage à leur nouveau Souverain qui fit ou
vrir les prisons , accorda la grace aux Criminels
2
I. Vol.
et
JUIN. 1734.: 1217
er ordonna qu'on distribuât de l'argent au
Peuple.
On chanta le Te Deum ; le soir il y eut des
Feux et des Illuminations dans toutes les rues ,
et les Habitans donnerent les plus grandes démonstrations
de joye.
Le Gouvernement a donné ordre qu'on frappât
de la Monnoye d'or et d'argent pour des
sommes considerables , au coin du nouveau Roy
de Naples.
Sa Majesté , qui étoit allée le 27. May dîner
à Baye , y reçut par le Marquis de Castellar ,
que le Comte de Montemar a dépêché au Roy
d'Espagne , la premiere nouvelle de la victoire
remportée le à Bitonto dans la Pouille , par
les Troupes Espagnoles sur celles de l'Empereur ,
commandées par le Comte de Viscomti.
*
25.
Le Roy revint aussi - tôt à Naples , où il trouva
un grand concours de Peuple qui cherchoit à lui,
marquer par ses acclamations , la part qu'il prenoit
à cet évenement, S M fit chanter ce jour là
le Te Deum dans sa Chapelle , et le lendemain il
alla en ceremonie à l'Eglise de S. Janvier , où il
fit rendre à Dieu de solemnelles actions de graces
de cette victoire , à l'occasion de laquelle il
y a cû dans la Ville pendant trois jours des Illu
minations et d'autres marques de réjouissance.
DEFAITE des Troupes Imperiales ,
commandées
par
le Comte Viscomti.
Elon les Lettres du Royaume de Naples , ce
Corps de Troupes , composé de 7000, hommes
d'Infanterie , de 2000. de Cavalerie , et de
40c . Hussarts , avoit marché de Bari à Bitonto,
où il s'etoit posté dans un Camp aussi avanta-
I.-Vol. geux , H iij
1218 MERCURE DE FRANCE
geux , tant par sa situation , que par les retran→
chemens qui le défendoient.
Le Comte de Montemar étant arrivé avec les
Troupes Espagnoles à la vue de ce Camp le 24
du mois dernier , attaqua les Ennemis le lende
main matin , il força leurs retranchemens et se
rendit maître de leur Camp , dans lequel ils ont
été obligez de laisser les Tentes et la plus grande
partie des Equipages.
Malgré la vivacité de cette Action , qui a duré
trois heures , on ne sçait pas encore si les Impe -
riaux ont cû grand nombre de Soldats de tuez
mais on a fait dans le Camp 1400. prisonniers
sans compter 1200. hommes d'Infanterie , qui
s'étant réfugiez dans les Convents de Bitonto ,
ont éte pris avec leurs Officiers . Le reste de l'Infanterie
est bloqué dans differens endroits. La
Cavalerie voyant le Camp forcé , a pris la fuite
et s'est dispersée , &c . On a appris depuis , le dé➡
tail suivant de l'Action .
Le Comte de Montemar , qui avoit été envoyé
par le Roy pour se mettre à la tête des Troupes
détachées pour suivre les Imperiaux , ayant été
informé que le Comte de Viscomti avoit déja
reçû quelques secours , et qu'il en attendoit encore
de nouveaux , prit le parti de marcher aux
Ennemis qui avoient quitté Tarente , où ils s'étoient
d'abord retirez , et qui s'étoient répandus
dans la Pouille pour en tirer des contributions .
Ce General regla sa marche sur les differens
mouvemens des Ennemis , et songeant principa
lement à leur ôter le moyen d'executer le dessein
dans lequel ils étoient de se ménager une retraite
du côté de la Mer , il marcha à Bary où il les
croyoit.
Les Imperiaux en étoient partis , et ils s'étoien
I. Vol. *avance z
JUIN. 1734- 1219
avancez à Bitonto , où ils roient campez dans
un poste aussi avantageux r sa situation ,
qu'impraticable pour la Cavaleri .
Le Comte de Montemar , qui n'étoit qu'à neuf
mille de Bitonto , détacha quelques Corps de
Cavalerie pour aller reconnoître les Ennemis , et
sur ce qu'on lui rapporta que leur Infanterie et
Jeur Cavalerie y étoient déja arrivées , il prit le
parti de marcher à eux avec toutes ses Trou
pes. Il les distribua en sept colonnes , com
mandées , la premiere par le Marquis de Pozo
blanco , la seconde par le Duc de Liria , la troisiéme
par le Duc de Castro Pignano , la quatrié
me par le Marquis de Bay , la cinquième par le
Marquis de Châteaufort , la sixiéme par le Com
te de Maceda , et la septième par le Marquis de
La Mina.
Ce Corps de Troupes étoit composé des six
Bataillons des Régimens des Gardes Espagnoles
et Vallones , des deux Bataillons du Régiment de
Lombardie , des deux de celui de la Couronne ,
des deux Bataillons du Régiment Suisse de Bet-
Jer , et de 20. Compagnies de Grenadiers de differens
Régimens.
Le Comte de Montemar , outre cette Infanterie
, avoit sous ses ordres 600. Carabiniers
Royaux, 150. Grenadieis Royaux , les 12. Escadrons
des Régimens de Bourbon , d'Estramadoure
, de Milan , de Malte , de Flandres et
d'Andalousie , les 4. Escadrons des Régimens de
Dragons de Pavie et de France , les Compagnies
des Grenadiers à Cheval des Regimens de Tarragone
et de Batavia , jo . Dragons de ces deux
Regimens , et un Détachement d'Artillerie de
150. hommes .
Le Comte de Montemar fit marcher toutes ces
I. Vol. Hj Trou
1220 MERCURE DE FRANCE
Troupes par differens chemins , afin de choisir
P'endroit le plus convenable pour attaquer les
Ennemis , et il fit avancer quelques Détachemens
de Cavalerie qui battirent les Hussarts qu'ils rencontrerent.
Les Imperiaux s'étant résolus à demeurer dans.
leurs retranchemens, Conite de Montemar s'en
approcha assez près pour reconnoître leurs dis.
positions sur lesquelles il se détermina à changer
la sienne , et à faire passer de la droite à la gau
che la plus grande partie de sa Cavalerie .
L'attaque commença par le centre de la colon.
ne , à la tête de laquelle étoit le Comte d'Uceda,
et qui étoit composée de trois Bataillons du Régiment
des Gardes Vallonnes , des deux Bataillons
du Régiment Suisses de Betler , et de huit
Compagnies de Grenadiers . Ces Troupes , quoique
plus foibles que celles que les Imperiaux leut
opposerent dans cet endroit de l'attaque , entrerent
dans les retranchemens avec tant de valeur ,
que les Ennemis , après une longue résistance ,
furent mis en déroute. Le Comte de Montemar
s'en étant apperçû , fit avancer toutes ces Troupes
qui mirent en fuite ce qui se présenta devant
elles , sans être arrêtées par les murailles et par
les fossez qui couvroient le Camp des Ennemis
et qui paroissoient le rendre inaccessible.
Le Comte de Montemar ayant penetré dans
Jeur Camp , détacha quelque Cavalerie pour suivre
celle des Imperiaux , qui dans le premier
moment de l'attaque avoit quitté le Camp , et
avoit pris la fuite avec un grand désordre .
Il fit ensuite attaquer differents postes dans
lesquels les Imperiaux qui s'y étoient retirez ,
furent faits prisonniers. Le General Rodeski ,
General de l'Infanterie se sauva dans Bitonto
66
I. Vol. qui
JUIN. 1734. 122 I
qui est entouré de murailles , et il s'y deffendit
jusqu'à la nuit , mais il fut obligé le lendemain
de se rendre.
La Cavalerie se sépara dans sa fuite en plusieurs
corps qui étant poursuivis par la Cavalerie
Espagnole , furent presque détruits . Le plus
considerable , après avoir perdu beaucoup de
monde , se refugia dans Bary où le Comte de
Monteinar ayant marché le 26 , le bloqua , et
obligea le Prince de Belmonte qui le commandoit
de se rendre.
Les Troupes Imperiales consistoient selon
l'état qu'on en a trouvé , en 6500 hommes d'Infanterie
, 1500 hommes de Cavalerie et 400
Hussarts , desquels 200 se sont sauvez dans les
Montagnes de la Calabre.

On a pris aux Ennemis 15 Drapeaux , 24
Etendarts , et deux paires de Timballes , leurs
Tentes , les vivres , les munitions de Gnerre et
la plus grande partie des équipages .

Les Espagnols n'ont pas eû un grand nombre
'de Soldats tuez ou blessez , mais ils y ont perdu
le Comte de Briard , et le Comte de Bonamour
, Capitaines au Regiment des Gardes Va.
lónnes , Don Louis de Porte Maréchal de
Camp , y a été blessé dangereusement. Il est
Capitaine des Grenadiers de ce Regiment , qui ,
ayant penetré le premier dans les retranchements
malgré la vigoureuse résistance des Ennemis , a
cû la plus grande part à cette victoire.
Le Détachement de Cavalerie que le Comte ,
de Montemar , après avoir forcé le Camp du
Comte Viscomti , avoit envoié à la poursuite
des Hussarts , qui dans le premier moment
de l'attaque avoient pris la fuite , n'a pû joindre
qu'au commencement de ce mois ceux qui
1. Vol.
HY s'é-
/
1222 MERCURE DE FRANCE
s'étoient sauvez dans la Calabre , et il les a entierement
défaits .
Le Comte de Viscomti qui s'étoit retiré à
Brindisi , s'y est embarqué dans une Felouque
avec une partie de ses Domestiques , mais on ne
sçait pas encore quelle route il a prise .
Le Roy a suprimé plusieurs Charges qui
avoient été accordées sous le précedent Gouvernement
, tant aux Napolitains , qu'à des Espagnols
, et dont les apointemens se montoient
par an à 900000 Ducats.
Le 27 May , il arriva dans ce Port sous
Pescorte de quatre Vaisserux de Guerre Espagnols
, plusieurs Bâtimens chargez d'une partie
des Troupes que le Roy d'Espagne envoye pour
renforcer celles qui sont dans le Royaume de
Naples , et l'on en attend incessamment de Livourne
quelques autres qui doivent apporter ici
des munitions de Guerre , et une somme considérable
d'argent.
Le Comte de Charny , Lieutenant General
du Royaume , a déja reçu au nom du Roy
T'hominage de la plus grande partie des Deputez
des Villes , et des Barons de cet Etat.
Sa Majesté a nommédes Commissaires pour
faire conjointement avec le Conseil Collateral
l'estimation des dommages que les Troupes Espagnoles
ont causez dans les lieux où elles ont
passé , et elle a fait expédier des ordres pour
qu'ils soient payez avec l'exactitude la plus ri
goureuse.
O
GRANDE BRETAGNE.
Na appris par une Lettre du Gouverneur
de la Jamaïque , datée du 31. Mars dernier,
qu'un nombre considerable de Negres s'étoit ré
J
IVol. volié
JUIN 1734% 7223

volté ; qu'après avoir enlevé dans les Magasins et
dans les Vaisseaux qui étoient à la Rade , un
grande quantité d'armes et de munitions de guerre
, ils s'étoient retirez au Nord de l'Isle du côté
de Port Antonio , où ils avoient détruit la plupart
des Plantations et commis beaucoup d'autres
désordres , et qu'il y avoit peu d'habitations
d'où il ne s'échapât tous les jours plusieurs Negres.
Le Gouverneur ajoute qu'il avoit ordonné
tous les Habitans de prendre les armes et de
marcher contre les Rebelles ; mais qu'il avoit
lieu de craindre , s'il ne recevoit promptement:
du secours , de ne pouvoir appaiser la Révolte
dont les suites sont d'autant plus à redouter ,
qu'il y a dans cette Isle 80000. Negres , et qu'on
n'y compte qu'environ 9000. Blancs .
37
Le feu prit le 25. du mois dernier chez M Cantillon
, dont la maison fut entierement brûlée , et
qui périt lui - même dans les flâmes ; on a arrêté
deux hommes et une femme de ses domestiques
qu'on soupçonne d'avoir tué et volé leur Maître
et d'avoir mis ensuite le feu à sa Maison.
ARME'E D'ITALI E. #
Troupes du Roy et celles du Roy de Sar
Ldaigne , occupoient encore à la fin du mois
dernier , les differens postes dans lesquels elles
étoient distribuées ; une partie étoit campée sur
la gauche du Po depuis Casal Maggior_jusqu'à
P'Oglio , l'autre partie le long de cette Riviereet
le reste dans les retranchements formez à la
tête des Ponts de Sacca , pour assurer la communication
avec le Parmesan .
Le Marquis de Cadrieu , Lieutenant General,,
a été envoyé à Parme pour mettre cette Place en
I Vol. Hvi Sú
1224 MERCURE DE FRANCE
sûreté , et le Marquis d'Epinay , Maréchal de
Camp , à Plaisance , dans la même vuë.
Les Ennemis ont fait quelques mouvements
et ils ont remonté le Fo jusqu'à Torricella à la
hauteur de Borgoforte. Ils ont fait avancer en
même tems quelques Détachements à Luzara , et
jusques sur le Crostolo , mais il y a apparence
qu'ils n'ont eu pour objet que de donner de l'in
quiétude , et de pouvoir former avec plus de sûreté
un Camp retranché de l'autre côté de la Secchia
près de son embouchure.
Selon les Lettres du 30 May , ils ont fait avan
cer au- delà de la Lenza , un Corps de 14000
hommes qui est campé , la droite au Pont de
Sorbolo et la gauche à celui qui est vviiss--à-vis
du Village de Fressina . Ils ont un Détachement
de 6000 hommes à Guastalla , un autre Détachement
de 7 à 8000 à San Benedetto
surplus de leur Armée est dans le Seraglio .
› et le
J
Le Maréchal Duc de Villars étant obligé par
raport à sa santé de retourner en France , et en
ayant obtenu la permission du Roy , il partit
du Camp de Bozolo le 27 du mois dernier. Le
Marquis de Coigny , Lieutenant General , commande
les Troupes Françoises depuis le départ
du Maréchal de Villars.
ATTAQUES du Château et du Bourg
de Colorno & c.
L >
Es Ennemis voulant déguiser leur marche
vers la Lenza envoyérent le 25 du mois
passé un Détachement de 200 Dragons ou Hussarts
vers le Village de Colorno ; ce Détachement
ayant attaqué le Château , une Compagnie
de Grenadiers qui y étoit postée le défendit ,
IVol.
JUIN. 1734. 1225
et donna le tems au Marquis de Maillebois qui
commande le Camp de Sacca , d'arriver à Colorno
avec quatre Compagnies de Grenadiers ; it
mit en déroute le Détachement des Ennemis qui
ont eû dans cette occasion 15 Dragons ou Hussarts
de tuez ou de blessez .
Le lendemain le Marquis de Ligneville , General
Major des Troupes Imperiales , fut détaché
avec 800 Grenadiers et un pareil nombre
de Cuirassiers ou Hussarts, pour s'emparer de ce
poste que le Marquis de Maillebois avoit renforcé
de 400 hommes , et dans lequel il avoit laissé
le Marquis de Fimarcon , Colonel du Regimeut
de Bourbon ; l'avantgarde du Détachement des
Ennemis qui étoit de 100 hommés de Cavalerie
fut attaquée dans sa marche par un parti de 30
Dragons et de 30 Hussarts François , commandé
par M. Daniel , Capitaine de Hussarts . 11
chargea les Ennemis , les battit , fit 20 prisonniers
et il les poursuivit jusqu'à la tête de leur
Camp , mais y ayant trouvé tout le Détachement
il fut obligé de se retirer après avoir perdu
20 Dragons ou Hussarts , et conservé seulement
4 des prisonniers qu'il avoit faits.
Le Détachement des Ennemis s'avança à Colorno
, où il resta pendant plus de deux heures
autour du Village , et du Château sans pouvoir
y pénétrer.
Les Grenadiers qui étoient derriere les murs
des terrasses du Jardin firent deux décharges sur
les Cuirassiers dont il en est resté 12 sur la place,
indépendamment de ceux qui ont été blessez .
Le premier de ce mois , les Ennemis marcherent
avec 4000 hommes d'Infanterie
Cuirassiers ou Hussarts et 6 piéces de canon pour
attaquer ce poste.
I Vol.
2 1200
M.
12.6 MERCURE DE FRANCE
1
M. de Contade , fils du Lieutenant General
Colonel du Regiment de Flandres , qui étoit détaché
dans le Château avec M. Coninghan ,
Lieutenant Colonel du Regiment Dauphin Infanterie
, et 400 hommes , ayant apperçu les
Ennemis à l'extremité des allées qui aboutissent
au Jardin du Château , il en fit avertir le Marquis
de Maillebois , qui commandoit le Camp
de Sacca .
Les Ennemis marcherent au Château dans lequel
M. de Contade se défendit si bien , que
malgré trois décharges de leur artillerie ils fûrent
plus d'une heure sans pouvoir s'en approcher
, et y perdirent beaucoup de monde par le
grand feu qu'ils essuyerent.
Le Marquis de Maillebois qui sur le premier
avis de l'attaque du Château de Colorno , s'étoit
avancé avec io Compagnies de Grenadiers et de
Piquets de son Camp , jugeant que le Pont qui
pouvoit favoriser la retraite de M. de Contade
alloit être forcé , et ne se trouvant pas assez fort
pour engager une affaire , envoya dire à M. de
Contade de le venir joindre , ce qu'il fit avec un
très grand ordre , sans avoir eû un seul homme
de tué ni de blessé.
M. Darsy , Capitaine au Regiment de Picardie
, qui étoit du Détachement , resta avec 30
hommes dans une Tour du Château , il s'y défendit
encore depuis la retraite de M. de Contade
, et il fit sa capitulation .
Les Ennemis suivirent jusqu'à une portée de
mousquet du retranchement de Sacca , le Marquis
de Maillebois , qui n'eût que 10 Grenadiers
blessez , et qui se retira en si bon ordre , que les
Ennemis n'oserent l'attaquer.
Ils ont perdu dans cette occasion 4.0 hommes,
I Vol.
JUI N. 1734. 1227
ét 300 à l'attaque du Château de Colorno . On
dit que le Marquis de Ligneville et le Comte de
Tarno , Generaux Majors , y ont été tucz.
Le 3 , les Troupes du Roy et celles du Roy
de Sardaigne passerent le Po , et vinrent camper
entre Sacca et Colorno .
Le lendemain le Marquis de Maillebois à la
tête de 20 Compagnies de Grenadiers et de 20
Piquets , et ayant sous ses ordres M. d'Affry es
le Marquis de l'Isle , Maréchaux de Camp ,
M. Thomé Brigadier , le Duc de la Tremouille,
Colonel du Regiment de Champagne , et M. de
Souillac , Lieutenant Colonel du Regiment de
Picardie , s'avança à Colorno .
Ces Troupes entrerent par trois differents endroits
dans la partie de ce Bourg qui est en deçà
de la Parma , elles pénétrérent de maison en
maison , elles en chassérent les Ennemis , et elles
s'étendirent par la droite et par la gauche le long
de la chausse sur le bord de la Riviere , afin de
masquer le Pont de Colorno , et d'occuper plus.
sûrement le Pont de pierres qui est sur Lorno..
M. Thomé attaqua ce dernier Pont avec son
Détachement et il renversa les Ennemis , lesquels
en se retirant essayérent tout le feu des Grenadiers
qui étoit au centre avec le Marquis de Maillebois.
,
Ce fut dans ce moment que toute l'Infanterie
des Ennemis , qui s'étoit postée de l'autre côté
de la Riviere , commença son feu qui fut très
vif pendant trois heures tant des maisons et
jardins qui étoient de l'autre côté de la Riviere,
que des petits épaulements qu'ils avoient le long
de la chaussée , mais celui de nos Troupes qui
étoient dans les premiers étages des maisons étant
superieur , les Ennemis prirent le parti de se re-
I Vol Liren
*
1228 MERCURE DE FRANCE
tirer dans le Château et dans le Jardin qui étoit
sur la droite , d'où ils continuérent à tirer jusqu'à
la nuit.
Pendant ce tems - là le Marquis de Maillebois
fit établir deux Ponts sur Lorno à une très petite
distance du Château ; l'Infanterie et la Cavalerie
y passérent et allérent camper vis - à-vis
la Parma en s'étendant jusques vers Sant Andrea
et tirant vers Parme.
Les au matin , les Ennemis au nombre de
2000 hommes se présenterent hors de leurs retranchements
vis - à - vis les deux Ponts qui
étoient sur Lorno , et laissant toujours la Parma
entre deux , mais le feu continuel que l'on fit sur
eux les ayant forcé de se retirer , 10 Compagnies
de Grenadiers , et les Piquets d'Infanterie et de
Cavalerie se disposoient à passer la Parma audessus
de Colorno en remontant , lorsqu'on aprit
que les Ennemis abandonnoient Colorno.
·
Le Marquis de Pezé , Maréchal de Camp
fut détaché aussi - tôt avec M. de Valcourt
commandant une Brigade de Carabiniers
200 Grenadiers et 500 Chevaux pour suivre les
Ennemis dans leur retraite. Il ne put les joindre
et il raporta qu'il avoit vû leur derniere colonne
prendre le chemin de Sorbolo .
Le Roy de Sardaigne et le Marquis de Coigny
entrérent le soir dans Colorno , où les Ennemis
ont eû plus de 700 hommes de tuez .
Nous avons perdu en cette action 50
et il y en a eû 120 de blessez.
Soldats ,
Le Comte de Clermont, Colonel du Regiment
d'Auvergne , qui sans être commandé étoit allé
poster o hommes sur la Parma , y reçut un
coup de mousquet dont il est mort le 6. M. de
Montlaur , Lieutenant d'Artillerie , ayant voulu
I.Vol.
charJUIN.
1229 1734.
> charger une piéce de.. canon en fut brulé , et it
mourut deux heures après.
M. Thomé a été blessé à la jambe. M. de
Squillac au genouil , et le Duc de la Tremoüille
a cû une contusion à la cuisse : il y a eû quatre
Officiers de tuez et 15 de blessez , du nombre
desquels sont trois Officiers d'Artillerie.
On a apris en dernier lieu que les Ennemis
après avoir été forcez d'abandonner le Château
de Colorno , étoient restez en deçà de la Lenza
que le 13 de ce mois le Comte de Mercy avoit
passé cette Riviere avec toute son Infanterie
sur le Pont de Sorbolo , que le lendemain au
soir il avoit remonté la même Riviere , et qu'il
l'avoit repassé à Pontedi Lama pour joindre sa
Cavalerie à San Prospero , entre Parme et la
Lenza. Ces Lettres ajoutent que le Roy de Sardaigne
et le Marquis de Coigny , informez de
cette marche des Ennemis , avoient fait avancer
leurs Troupes , et qu'ils étoient allez camper le
17 , leur droite à un mille de Parme , et la gau
che à Sant Andrea.
J
ARME'E D'ALLEMAGNE.
15
E Maréchal Duc de Berwick qui étoit resté
depuis le 10 May dans le Camp de Bruchsall
, vint camper le à Kisloek , sans que
les Ennemis qui avoient à Epingen un Détachement
d'Infanterie et de Cavalerie , ayent osé inquiéter
l'arrieregarde de l'Armée.
Le Prince Eugene , qui ayant fait avancer quelques
Troupes vers Rottembourg le 12 , paroissoit
vouloir marcher de ce côté-là , est toujours
dans le Camp d'Hailbron .
Le Duc de Noailles , que le Maréchal de Ber-
IVol.
wick
1210 MERCURE DE FRANCE

wick avoit fait partir du Camp de Bruchsall le
16 avec le Marquis de Nangis , pour aller avec
1650 hommes d'infanterie , et 1200 de Cavalerie
, reconnoître le pays du côté de Guelzheim
et d'Epingen , rejoignit l'Armée à Bruchsall le
20.
M. de Quade , Lieutenant General , qui avoit
été chargé d'aller soumettre le Wirtemberg à
la contribution est revenu de Phortzeim à Graben
avec les Troupes qu'il coinmande , dont il
a laissé quelques Détachements à Dourlack et
dans d'autres postes.
Le Comte de Beileisle , qui étoit parti le 26
May,du Camp de Traërbach " avec 13 Bataillons
et 14scadrons , arriva à Spire le 26 du
même mois.
SIEGE
72 1
DE PHILISBOURG.
Luvis
E Marquis d'Asfelde qui fur détaché le 23 du
mois dernier du Camp de Bruchsalt , aveci
32 Bataillons et 2 Regiments de Dragons , a in
vesti Philisbourg , et il a établi deux Ponts sur
le Rhin , l'un à Gnaudenheim, et l'autre à Oberhauzen
. Il fait travailler aux Lignes de circonvallation
et à tout ce qui doit préceder le Siége.
Le 224 au soir , le Chevalier de Marcieux
s'empara d'une redoute qui n'est qu'à cinq cens
toises de la Place ; dont les Lignes étant d'une
très grande étenduë n'ont pû être finies aussi
tôt qu'on l'avoit compté.
}
Le 27 May , on commença à débarquer et à
conduire au Camp l'artillerie et les munitions
de Guerre qui étoient arrivées de Strasbourg au
Pont du Haut- Rhin et on continua les jours ?
suivans les préparatifs nécessaires pour le
Siége.
Le
JUIN. 1724. 1221
Le 2 de ce mois , le Maréchal de Berwick
quitta le Camp de Kislock , il marcha avec
toute son Armée pour se rendre devant Philis
bonrg , et il fit entrer la plus grande partie de
P'Infanterie dans les Lignes où il y a 14 Brigades,
faisant 52 Bataillons.
Le Maréchal de Berwick a un corps de réser
ye de 29 Bataillons , et de 19 Escadrons.
L
Une partie de la Cavalerie est campée à la
droite , depuis le Haut Rhin jusqu'au ruisseau
de Saltz , et à la gauche , depuis le Bas - Rhin
jusqu'au même ruisseau .
Le reste de la Cavalerie a été partagé en deux
Corps ; le premier est sur le Spireback , sous
les ordres du Duc de Noailles , et le second
Graben , sous les ordres de M. de Quadr.
Le 3. de ce mois au soir , le Maréchal de Ber
wick fit ouvrir la tranchée devant la Place par
les quatre Bataillons du Regiment des Gardes
Françoises , sous les ordres du Marquis d'As
feldt , Lieutenant General , et du Marquis de
Gassion , Maréchal de Camp ; on y a employé
2400 travailleurs , et on n'a pas perdu un seul
homme , parce que les assiégez ne s'étant pas
apperçus de l'ouverture de la tranchée n'ont point
tiré , le 4 au matin on a perfectionné les tra
vaux , et élargi la tranchée.
Le Comte de Belleisle qui avoit été chargé de
l'attaque du Foit du Pont de Philisbourg , y fie.
ouvrir la tranchée le premier de ce mois , et les Troupes
du Roy , qui s'étoient
logées le 3 au
matin sur l'angle
saillant
du chemin
couvert
de
ce Fort , ayant reconnu
que les Ennemis
l'avoient abandonné
, y entrerent
; il n'y a cû que 4
Soldats
de tuez et 8 de blessez
à l'attaque
de ce poste qui sera très utile pour prendre
des revers
sur la Place.
1232 MERCURE DE FRANCE
->
Le 3 Juin , le Maréchal de Berwick étant
allé vers les 8 heures du soir avec le Comte
de Clermont , le Prince de Conty , le Prince
de Dombes et le Comte d'Eu , reconnoître
l'endroit dans lequel on devoit former la premiere
attaque de Philisbourg , la tranchée y fut
ouverte le soir par le Marquis d'Asfeldt , et le
Marquis de Gassion avec les Bataillons des
Gardes Françoises et 2400 travailleurs .
Le 4 , la tranchée fut relevée par le Duc de
Noailles , Lieutenant General , et le Comte de
Laval Montmorency , Maréchal de Camp , avec
Je Regiment de Piémont , et ceux d'Ouroy et de
Haynaut , et 900 travailleurs .
On continua la parallele qui avoit été commencée
la veille , on ouvrit quelques boyaux
de communication avec la seconde parallele , et
on travailla à établir deux batteries de 5 pieces
de canon chacune sur le front de la grande
attaque vis- à - vis du Marais de Staremberg.
Le Prince de Tingry , Lieutenant General
et le Comte d'Aubigné . Maréchal de Camp ,
montérent la tranchée les avec les trois Bataillons
du Regiment de Navarre, les deux premiers
du Regiment d'Alsace , et 6 Compagnies de Grenadiers.
Pendant la nuit on perfectionna les paralleles
sur toute la longueur de la creste du rideau qui
fait face au corps de la Place , et on finit les
boyaux de communication entre les paralleles ,
lesquelles s'étendent par la droite jusqu'à la redoute
des Capucins , et par la ganche jusqu'au
Moulin brulé.
Le 6 , la tranchée fut relevée par le Marquis
de Guerchy , Lieutenant General , et par le Marquis
de Balincourt , Maréchal de Camp avec
,
I Vol. trois
JUIN 1233
UI N.. 1734.
trois Bataillons du Regiment de Normandie ,le
troisiéme de celui d'Alsace , le Regiment de
Xaintonge , et 300 travailleurs .
On forma pendant la même nuit une nou
velle attaque avec 1200 travailleurs , soutenus
par trois Bataillons du Regiment de la Marine,
et on ouvrit une paralleie dont la droite fut
portée jusqu'au Rhin , et la gauche à la chaussée
des Capucins , et on poussa les tranchées en face
de l'avant fossé de l'ouvrage à corne ; on fit près
de 1500 toises d'ouvrage sans que les Ennemis
ayent fait un feu capable d'interrompre ces trayaux
.
Les deux batteries qui avoient été établies sur
le front de la grande attaque , et deux autres de
10 piéces de canon et de six mortiers qui avoient
été mises dans le Fort du Pont de Philisbourg ,
ont commencé à tirer le 7 au matin .
>
Le même jour , le Marquis de Dreux , Lieu
tenant General , et le Duc de Bethune , Maréchal
de Camp montérent la tranchée avec les
3 Bataillons du Regiment Royal des Vaisseaux,
2 Bataillons de celui de Bourbonnois , et les
Regiments de Languedoc et d'Angoumois,
Les Ennemis au nombre de 100 , étant sortis
d'une redoute qui étoit sur l'avant fossé , furent
repoussez par deux Compagnies de Grenadiers.
du Regiment de Bourbonnois qui s'emparérent
de la redoute ; on leur a fait 10 prisonniers , du
nombre desquels est un Lieutenant , ils ont eût
6 Soldats de tuez , et le reste s'est sauvé par le
Marais , ou plusieurs ont péri . Nous avons perdu
dans cette action un Officier du Regiment
de Balkley , et 2 Grenadiers du Regiment de
Bourbonnois.
Le Prince d'Isenghien , Lieutenant General ,
LVol. le
1234 MERCURE DE FRANCE
}
le Marquis de Clermont , Maréchal de Camp ,
et M. Darros , Brigadier , montérent la tranchée
le 10 de ce mois avec les Regiments de
Pons , du Perche , de Mortemar , de Soissonnois
, de Lenck er de Santerre.

On continua pendant la nuit à la droite de
Pattaque du Bas- Rhin , les travaux commencez
la veille pour faire écouler les eaux du Marais
qui couvre l'ouvrage à corne , et ils furent perfectionnez
avec tant de succès , qu'il ne resta
dans le Marais qu'un demi pied d'eau sur un
espace de quatre à cinq pieds. On acheva dans
la même nuit la parallele qui s'étend le long
du Marais.
Le 11 la Tranchée fut relevée par le Duc de
Duras , Lieutenant General , le Chevalier de Rocozel
, Marechal de Camp , le Comte de Berenger
, Brigadier , avec le Regiment Royal , ceux
d'Artois , de Nice , de Beauce et de Conti , et 8 .
Compagnies de Grenadiers. Le Prince de Conti
monta la Tranchée à la tête de son Regiment.
On fit avancer une Compagnie de Grenadiers du
Regiment de Richelieu , pour reconnoître une
redoute qui est sur le bord du Rhin , d'où les Ennemis
firent un grand feu. M. de Gasque , Capitaine
de cette Compagnie , fu blessé , ainsi
que sept Grenadiers , et il y en eut deux de tués.
vers les sept heures du matin , le Ma-
Le 12.
rechal
de Bervick
> accompagné
de Milord
Edouard
son Fils , de Mi ord Clare , et de plusieurs
Officiers
, alla visiter
les travaux
de la
Tranchée
, il voulut
juger par lui -même de l'état
d'une Sap qui avoit été com nencée
dans la nuit,
et s'étant
trop exposé
, malgré
les representations
que son intrepidité
l'empêcha
d'écouter
, il fut
tué d'un coup de Canon
; le Duc de Duras
qui
I. Vol. étoit
JU.IN. 1734. 1235
étoit à côté du Marechal de Berwick , fut blessé
en même tems par un piquet d'un gabion que le
boulet avoit peicé.
>
Le même jour 12 le Prince de Robec , Lieutenant
General , le Comte de Montboissier, Marechal
de Camp et le Marquis a'Harbouville
Brigadier , releverent la Tranchée avec les Regimens
de Lyonnois , de Routigue , de la Marex,
de Vivarois et d'Agenois , et six Compagnies de
Grenadiers. Malgié le feu des Ennemis qui fut
très- considerable jusqu'à neuf heures du soir
on avança beaucoup les travaux de l'attaque du
Bas Rhin . M. de Vivier , Capitaine des Grenadiers
dans le Regiment de Lyonnois , le Lieutenant
de la méme Compagnie , et six Soldats ,
furent tués pendant la nuit . M. du Vivier , Ingenieur
y fut bl‹ ssé .
3
Le Prince de Carignan , Lieutenant General ,
Je Baron d'Eltz , Marechal de Camp, et le Comte
de Roucy, Brigadier , monterent la Tranchée le
13. avec les Regimens de Gondrin , de Bourgo
gne , de Toulouze , de Ponthieu et de Berwick ,
et le même nombre de Grenadiers que le jour
precedent. On y poussa les travaux jusqu'à six
toises de l'angle saillant de l'avant chemin couvert
de l'Ouvrage à Corne , et il n'y cut que
deux homn.es de tués et deux de blessés .
Le 14, le Marquis de Leuville , Lieutenant General
, M. de Terlaye , Marechal de Camp , le
Chevalier de S. Valier , Brigadier , monterent
la Tranchée avec les Regimens de Touraine
Royal la Marine , de Guyenne , de la Valiere , de
Bulkeley , le premier Bataillon de Royal Bavicte
, et huit Compagnies de Grenadiers .
On travailla à embrasser l'angle saillant de l'avant
chemin couvert , et à former une nouvellë
A. Vol.
paral1236
MERCURE DE FRANCE
parallele depuis cette sape jusqu'à celle qui debouche
au - delà de l'ancienne flaque d'eau par la
chaussée du redant gazonné. t
Le 15. la Tranchée ayant été relevée par le
Comte de Belleifle , Lieutenant General , le Comte
de Polastron , Marechal de Camp , et M. de
Princé, Brigadier, avec les Regimens de Noailles,
de Vermandois , de torraine , de Montmorency,
des Landes , et le second Bataillon du Regiment
de Baviere , et six Compagnies de Grenadiers ,
on s'est logé à la gauche de Pattaque du Bas
Rhin , sur la creste du chemin couvert de l'angle
saillant de l'Ouvrage à Corne , et à la droite
de la même attaque , on a fait un logement sur
l'avant chemin couvert , et on a achevé une parallele
qui établit la communication entre ces
deux logemens. Il y a eu pendant eette nuit 45.
Grenadiers tués ou blessés ; M. de Breval , Ingenieur
, deux autres Ingenieurs , et M. de Langle
, Capitaine dans le Regiment de Xaintonge,
ont été blessés .
Le Marquis de Flavacourt , Lieutenant Gene
ral M. d'Herouville , Marechal de Camp , et
M. de la Ravoye , Brigadier , monterent le 16.
la Trancheé .
Les Regimens de Limozin , de Boulonoîs , et
de Hainaut furent commandés pour l'attaque de
Bas Rhin , et les Regimens de Saxe et de Routh
le furent pour la premiere attaque en face du
Marais de Staremberg ; M. du Bourg , Capitai
ne de Grenadiers dans le Regiment de Linozin,
fut tué d'un coup de Canon .
Le Corps de Troupes composé de 29.Bataillons
et de 21. Escadrons , que le Marechal de Berwick
n'avoit point fait entrer dans les Lignes ,
ests toujours campé à Rhinausen.
I.Vol. FRANCE.
JUIN 1734. - 1237
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
L
E 12. de ce mois , veille de la fête de
la Pentecôte , le Roi revêtu du Grand
Collier de l'Ordre du Saint - Esprit, se rendit
dans la Chapelle du Château , où
5. M. communia par les mains de l'Abbé
dé Suze , Aumônier du Roi en quartier .
Le Roi toucha ensuite un grand nombre
de malades .
L'après midi , Leurs Majestés assisterent
aux premieres Vêpres qui furent
chantées par la Musique , et ausquelles
' Archevêque de Narbonne , Prelat Commandeur
de l'Ordre du Saint- Esprit , officia
pontificalement .
Le 13. jour de la Pentecôte , fut tenu à
Versailles dans le Cabinet du Roi un
Chapitre de l'Ordre du Saint- Esprit ,
dans lequel furent proposés pour être reçus
Chevaliers de cet Ordre ,
Charles Louis - Auguste Fouquet , appellé
le Comte de Belleifle , Comte de
Gisors , Andely , Vernon , Lihous , & c.
qui fut fait en 1705. Mestre de Camp
I. Vol.
' 1 d'un
1238 MERCURE DE FRANCE
12.
d'un Regiment de Dragons , ci - devant
d'Estrades , à la tête duquel il se trouva
à l'attaque des Lignes de Turin , le 7 Sep
tembre 1706. Brigadier le 14 Novembre
1708. Mestre General des Dragons le 5 .
Juillet 1709, Maréchal de Camp le 8.
Mars 1718. Gouverneur de Huningue
le 31. Mars 1719. Commandant en chef
dans les trois Evêchés de Metz , Toul et
Verdun , Lieutenant General des Armées
du Roi , le 23. Decembre 1731. et Gou
verneur de la Ville et Citadelle de Metz
et du Pays Messin , au mois de Mars
1733. Il a été chargé au commencement
de la Campagne de faire le Siege du Châ
teau de Traërbach , qu'il a pris après 7 .
jours de Tranchée ouverte. Il est Fils de
Louis Fouquet , Marquis de Belleifle
Baron de Villars , Seigneur de Pomay , et
de feuë Dame Catherine Agnés de Levi,
Charlus , morte le 12. Juin 1729. et pe
tit- fils de Nicolas Fouquet , Vicomte de
Vaux et de Melun , Marquis de Belleisle,
Procureur General au Parlement de Paris,
et Surintendant des Finances.
Et Jean Hercules de Rosset de Rocozel
de Ceilles , Marquis de Perignan
Gouverneur premierement de Lodéve
puis de Sommieres au mois d'Avril 1729.
et ensuite d'Aiguesmortes au mois de Sep-
1. Vol
tembre
JUIN. 1734. 1279
tembre de la même année. Il est fils de
feu Bernardin de Rosset de Rocozel , Seigneur
de Ceilles , de Rocozel , de Bouloc
et de la Vernede , et de feuë D. Marie de
Fleury , Soeur d'André Hercules de Fleury
, Cardinal , ancien Evêque de Frejus ,
Ministre d'Etat , Grand- Aumônier de la
Reine , & c.
Le Comte de Sennectere , qui a été
nommé au mois dernier Ambassadeur du
Roi , auprès du Roi de Sardaigne , est
Jean - Charles de Senneetere , Comte de
Saint Victour , Marechal de Camp de la
Promotion du 20. Fevrier dernier ,
qui avoit été nommé en certe qualité dans
Armée d'Allemagne . Voyez le Mercure
de Mai dernier , p . 1016.
,
Le Marquis de Vaugrenant, du surnom
de Villers - la- Faye , que le Comte de Sennectere
va remplacer , a été nommé à
l'Ambassade d'Espagne. Il est parlé de lui
à l'occasion de la mort de la Dame son
Epouse , dans le Mercure de Decembre
1733. vol. 2. p. 2933 .
*
Le Roi a accordé au Marquis de Clermont
Tonnere , Marechal de Camp , et
Commissaire General de la Cavalerie , la
Gouvernement de Mont- Dauphin .
1 ij S. M. L. Vol:
1240 MERCURE DE FRANCE
S. M. a donné le Regiment de Cavalerie
, dont le Prince de Lixin étoit Mestre
de Camp , au Baron de Lordat , Mestre
de Camp , et Lieutenant Colonel de
ce Regiment.
C
Le 1s de ce mois le Roi a fait Marechaux
de France , le Marquis d'Asfeld
qui commande l'Armée de S. M. en Allemagne
, et le Duc de Noailles.
Claude François Bidal , Marquis d'Asfeld
et d'Alicante au Royaume de Valance
, Commandeur de l'Ordre Militaire
de Saint Louis , Chevalier de l'Ordre
de la Toison d'Or , Lieutenant General
des Armées du Roi , Gouverneur du Châ
teau Trompette à Bourdeaux , et Direc
teur General des Fortifications de France.
Etant Mestre de Camp d'un Regiment
de Dragons , il fut fait Brigadier le 28.
1694. et nommé en même tems pour ser
vir en cette qualité dans l'Armée de Flandres.
Il fut fait Marechal de Camp le 23 .
Decembre 1702. et Chevalier de l'Or
dre de Saint Louis le 20. Janvier 170 3 .
fut nommé au mois de Decembre suivant
pour aller servir en Espagne , fut
fait Lieutenant General le 26. Octobre
1704, se trouva au Siege de Barcelonne en
1706. obtint le Grand Cordon de l'Ordre
1. Vol,
de
JU IN. 1734- 1241
4000. de Saint Louis , avec la pension de
livres le 19. Septembre 1707. ayant fait
la même année la Campagne en Espagne
, où il continua de servir les années
suivantes. Etant de retour en France , il
fit en 1713. la Campagne en Allemagre,
commanda le 20. Septembre une des attaques
du Camp retranché des Imperiaux
près de Fribourg , servit ensuite au
Siege de cette Place , dont le Commandement
lui fut donné après sa reduction .
L'année suivante il servit sous le Marechal
de Berwick, au Siege de Barcelonne ,
et après la prise de cette Place il fut établi
Commandant en Catalogne . Il fut
chargé en 1715 de l'expedition de l'Ile de
Mayorque , qu'il fit rentrer le 3. Juillet
sous l'obéissance du Roi d'Espagne , sans
tirer un coup de canon , n'ayant débarqué
dans cette Isle que le 15. Juin precedent.
Le Roi Catholique , pour recompenser
ses services , le fit Marquis d'Alicante , et
lui donna le Colier de la Toison d'Or .
A son retour en France , il fut fait au
mois de Novembre de la même année
Directeur General des Fortifications , et
Conseiller aux Conseils de Guerre et de
Marine nouvellement établis. Il fur choisi
au mois d'Avril 1719. pour comman-
1. Vol.
I iij der &
1242 MERCURE DE FRANCE
der en chef dans la Guyenne , pendant
l'absence du Marechal de Berwick , et la
Guerre ayant été déclarée à l'Empereur
en 1733. il fut nommé pour aller faite
la Campagne dans l'Armée d'Italie , et
servir aux Sieges de laForteresse de Gherra
d'Adda sous Pizighitone , er du Château
de Milan. Il fut rappellé d'Italie au
commencement de la presente année pour
se rendre à l'Armée d'Allemagne , dont
il a pris le Commandement en chefaprès
la mort du Marechal de Berwick.
Adrien Maurice , Duc de Noailles ;
Pair de France , Comte d'Ayen et de la
Mothe- Tilly , Marquis de Montelar et
de Maintenon , Grand d'Espagne de la
premiere Classe , Chevalier des Ordres
du Roi et de l'Ordre de la Toison d'Or ,
premier Capitaine des Gardes du Corps
de Sa Majesté , du 29. Mai 17 6. ci deyant
Commandant en chef en Catalo-
Gouverneur et Capitaine General
des Comtés et Vigueries de Roussillon ,
Conflans et Cerdaigne , Gouverneur des
Ville , Château et Citadelle de Perpignan
, Gouverneur et Capitaine des Chasses
de Saint Germain en Laye et de ses dépendances
, né le 29. Septembre 1678 .
On ne rapporte point ici ses services ,
gne
I Vol.
parce
JUIN. 1734.
1243
parce qu'on peut les voir dans l'Histoire
des Grands Officiers de la Couronne à
l'article des Pairs de France , tom . 4. p.
793. où ils sont détaillez depuis 1692 .
qu'il commença à porter les armes.
Le Roy a fait Maréchaux de ses Camps
et Armées , le Comte de Clermont , le
Prince de Conty , le Prince de Dombes
et le Comte d'Eu.
Sa Majesté a accordé au Marquis de
'Isle , Maréchal de Camp, la place d'Inspecteur
d'Infanterie , vacante par la mort
du Comte de Clermont d'Amboise.
Le Roy a nommé Colonel du Regi
ment d'Auvergne M. de Contade , et
le Regiment de Flandres qu'il avoir , a
été donné S. M. à M. de Coninghan,
par
Lieutenant Colonel du Regiment Dau
phin , Infanterie.
Le 25 de ce mois , la Reine entendig
la Messe dans la Chapelle du Château de
Versailles , et S. M. communia par les
mains du Cardinal de Fleury , son Grand
Aumônier.
Le 24 , Fête du S. Sacrement , le Roy,
accompagné de ses principaux Officiers ,
se rendit à l'Eglise de la Paroisse , où Sa
Majesté entendit la Grand'Messe après
ávoir assisté à la Procession qui vint, sui-
1 Vol. I ij
vant
2244
MERCURE
DE FRANCE
!
vant l'usage à la Chapelle du Château
La Reine entendit la Messe dans sa Tribune,
aprés avoir vû passer la Procession .
Monseigneur le Dauphin , et Mesdames
de France la virent passer d'un des Apartements
du Château .
Le ic.May il y eut Concert dans le Salon
de la Reine ; M. Destouches , Sur- Inten .
dant de la Musique du Roy , fit chanter
le Prologue et le premier Acte de l'Opéra
d'Omphale , qui fut continué le 12. et le
17. la Dile Antier fit le rôle d'Argine , le
Sr d'Angerville celui d'Hercule , la Dlle
Lenner et le Sr Petillot ceux d'Omphale
et d'Iphis.
Le 19 , le 24 et le 26 , la Reine entendit
le Ballet des Elemens , executé par
les mêmes sujets , on ajouta le Prologue
des Stratagêmes de l'Amour à l'Acte de la
Terre, pour former le troisiéme Concert.
Le 31 , on chanta le Prologue et le
premier Acte de Semiramis , qu'on con
tinua le 9 et le 16 Juin. Le premier rôle
fut chanté par la Dlle Antier avec aplau
dissement de même que celui d'Amestris,
par la Dlle Pelissier ; les autres rôles furent
très- bien rendus par les Srs d'An
gerville et Petillot.
Le 21 de ce mois on concerta l'Opéra
1 Vol.
de
JUIN. 1734. 1245
de Marthesie , dont le Poëme est de feu
M. de la Moth et la Musique de M. Destouches.
La Dlle Duhamel fit le rôle de
Cybelle au Prologue , et le Sr d'Angerville
et la Dlle Pelissier chantéront ceux
du Roy des Scythes et de Talestris , et
celui de la Prêtresse du Soleil fut rendu
par la Dlle Lenner à la satisfaction de la
Reine et de toute la Cout. Le soin qu'a
pris M. Destouches de réfondre quelques
morceaux de cet Opéra , et d'y ajouter
quelques Airs nouveaux , rendit ce Concert
très varié et très brillant.
"
Le 3 Juin Fête de l'Ascension , le 13
Dimanche de la Pentecote , et le jour de
la Fête- Dieu , il y eut Concert Spirituel
au Château des Thuileries. M. Mouret
y a fait exécuter differents Moters de
M. de la Lande et d'autres Maîtres Modernes
, un , entre autres , de l'Abbé du
Luc , Beneficier de l'Eglise de Paris , qui
est un très beau morceau de Musique .
Les Dlies Erremens , Petitpas et le Sr Jeliot
Fot ont chanté differens petits Motets à
une et à deux voix avec beaucoup de
justesse et de précision , de même que le
Sr Berard , Chanteur de la Comédie Italienne
, qui a chanté deux fois un air Ita-
Tien avec beaucoup d'aplaudissemens,
Vol, I v Tous
1246 MERCURE DE FRANCE
Tous ces Concerts ont toujours été terminez
par un Moter à grand Choeur de
M. de la Lande , et précedez de plusieurs
Piéces de Simphonie exécutées en perfection
par les Sieurs le Clair et Blavet.
9 •
On écrit de Vernon que le Mercredy
de ce mois M. Mordant y fut reçû
Lieutenant General du Bailliage à la place
de feu M, son pere , mort en 1733. Ce
jeune Magistrat n'a que 21 ans , et on
peut assurer qu'il marche déja sur les
traces de ses Ancêtres , qui depuis plus .
de 100 ans ont occupé successivement
cette premiere place . Il prononça un
Discours Latin d'une demie heure qui
fut très- gouté. Il avoit été presenté par
M. de Quenremont , Avocat fameux
qui parla avec éloquence sur le choix
d'un Etat. M. de Bordeaux , Procureur
du Roy , parla aussi d'une maniere convenable
à la dignité de son Ministere.

XXXXXXXXXXXXX *:*
MORTS , NAISSANCES.
L
E Roy ayant pris le deuil pour la mort de
Mademoiselle de Beaujolois le 26 May , Sa
Majesté le quitta le 6 de ce mois.
I. Vol. Од
JUI N.
1247
1734
le
On a fait à Paris differens Services Solemnels
de l'ame de cette Princesse. Le
pour repos
premier fut celebré le 7 de ce mois à l'Abbaye
de Tresnel, et les jours suivans au Val - de- Grace,
à la Paroisse de S. Eustache , à l'Abbaye de Sainte
Geneviève , à S. Honoré , à l'Eglise des Quinze
Vingt , et en dernier lieu à l'Abbaye de Chelles,
dont une Princesse d'Orleans est Abbesse . Tou
tes les Eglises ou ces Services ont été célébrés
ont été tendues en blanc et illuminées extraor
dinairement. Tous les Officiers de S. A. R. ceux
de M. le Duc d'Orleans , et de la Princesse deffunte
y ont assisté, avec quantité de personnes de
distinction de la Cour et de la Ville.
Q
EPITAPHE
Ui que tu sois , arrête , et vois quel est tom
sort ,
La Parque nous ravit une auguste Princesse ;
BEAUJO LOIS meurt, hélas ! rangs , biens,
attraits , jeunesse ,
Tout ,jusqu'à la vertu , doit tribut à la mort.
J. G, Duchasteau , Avocat au Parlement.
Le 16 Mai 1734. Dame Geneviéve Hérault ,
Veuve depuis le 12 Mars 1719. de Henri Bourdon
, Conseiller du Roi , Correcteur ordinaire
en sa Chambre des Comptes de Paris , mourut ,
laissant une fille unique , nommée Barbe Geneviéve
Bourdon , matiée au mois de Juin 1712.
avec Armand- Louis Parent , Conseiller au Parle
ment de Paris , depuis le 16 Mars 1720 .
Le même jour , Gui-Etienne- Alexandre de
1. Vol. I vj Faoucq
1248 MERCURE DE FRANCE
,
Faoucq , Chevalier , Marquis de Garnetot ,
en Normandie , Mestre de Camp de Car
valerie , et Sous- Lieutenant de la Compagnie
des Chevaux Legers de Bretagne mourut à
Strasbourg,dans la 37 année de son âge. L étoit
fils de Gui de Faoucq , Seigneur de Garnetot,
et de Marie - Louise du Houlley , sa femme , e
il avoit été marié le 30 Juin 172 t . avec Charlotte-
Sophie de Sonning , fille de feu André Nicolas
de Sonning Receveur General des Finances
de la Generalité de Paris , et de Louise - Chat.
lotte de Launay , sa veuve. Il en a eu des Enfans.
2.
Le 21 , Frere Elisabeth - René de Froulay de
Tessé , Chevalier de l'Ordre de S. Jean de Jerusalem
, et Lieutenant de Vaisseaux du Roi
deuxième fils de René Mans de Froulay , Comte
de Tessé , Vicomte de Beaumont et de Frenay ,
Marquis de Lavardin et de Lessart, Grand d'Es
pagne , Lieutenant General au Gouvernement du
Pays du Maine , Perche et Comté de Laval
Chevalier des Ordres du Roi , Lieutenant Generai
de ses Armées , et premier Ecuyer de la
Rejne , et de teue Dame Marie- Elisabeth- C aude
Pétionille Bouchu , morte le 9 Dicembre 1733.
mourut au Château de Vernie au Maine dans.
la 23 année de son âge , étant né à Paris, le 17
Août 1711..
>
"
Le 22 , M de la Roque , Chevalier de l'Ordre
Militaire de S. Louis , Enseigne de la premiere
Compagnie des Gardes du Corps du Roi , et Brigadier
de ses Armées , de la Promotion du 20
Fevrier dernier , mourut de maladie au Camp de
Bruchsall en Allemagne..
Le 30 Mai , Pierre- Madelene de Beauvau
Marquis du Rivau , appellé le Comte de Beau-
I., Vals.
vau,
་་་
24
573.40

vau , Chevalier des Ordres du Roi , Lieutenant
General des Armées de S. M. Directeur General
de la Cavalerie , et Gouverneur de la Ville de
Douay , y mourut dans la 71 année de son âge .
fl tur successivement Guidon des Gendarmes .
Anglois au mois de Mars 1680 Enseigne de
cette Compagnie le 7 Septembre 1687 Sous-
Lieutenane de ce le des Gendarmes Flamans le
Premier Novembre 1693. créé Brigadier de Ca
valerie le 23 Decembre 1702 Chevalier de l'Or
dre Militaire de S Louis en 174. Capitaine-
Lieutenant de la Compagnie des Chevaux Legers
de Bourgogne , le 10 Avril 1706. Inspec
teur General de Cavalerie la même année , Ma
recha de Camp le 2. Mais 1709. Lieutenant
General des Armées du Roile 8 Mars 1718.
nommé Commandant en Chef en Dauphiné au
mois d'Avril 1719. et Directeur General de la
Cavalerie au mois de Mai suivant . Il fut un des .
4 Seigneurs , qui accompagnerent et reconduisi
rent la Sainte Ampoule au Sacre du Roi , le 25
Octobre fut 1722. Chevalier des Ordres du reçu
Roi , le 3 Juin 1724. et fut en 1725. Pun des
doux Ambassadeurs extraordinaires pour le Mariage
de S. M. à Strashourg . Enfin le Gouver
nement de Douay lui fut donné au mois de
Mars 1732. Le Comte de Beauvau , frere aîné
de René- François de Beauvau du Rivau , Aiche
vêque de Narbonne , Commandeur des Ordres
du Roi , étoit fils de Jacques de Beauvau, Marquis
du Rivau, Capitaine Colonel des 100 Suisses
de la Garde de Gaston , Duc d'Orleans , Mar.
réchal des Camps et Armées du Roi , mort le
5 Juillet 1702. âgé de 76 ans , et de Diane Marie
du Cimpet de Saugeon sa femme , moite
le 30 Juin de la même année 1702. âgée de 82
1.Vol . ans 2>
$250 MERCURE DE FRANCE
ans , et il avoit été marié le 28 Avril 1711
avec Marie-Therese de Beauvau , sa cousine du
3 au 4 degré , fille de Gabriël- Henri de Beauvau
, Marquis de Montgogier , Comte de Crissé,
Capitaine des Gardes du Corps de feu Philippe ,
fils de France Duc d'Orleans , et de feuë Marie-
Angelique de S.André, sa premiere femme. Il en
a laissé Marie - Anne - Elisabeth de Beauvau , fille
unique , née le 31 Janvier 1712. mariée le 4
Mai 1730, avec Louis - Paul de Rochechouart ,
Duc de Mortemar , Pair de France , appellé le
Duc de Rochechouart , Premier Gentilhomme
de la Chambre du Roi , et Colonel d'un Regiment
d'Infanterie , dont elle est restée veuve
sans enfans , le 4 Decembre 1731 .
Jacques- Henri de Lorraine , Prince de Lixin,
Marquis de Craon et d'Ambleville , Grand
Maître de Lorraine , Chevalier des Ordres du
Roi , Mestre de Camp d'un Regiment de Cavalerie
pour son service , et Brigadier de ses Armées
de la promotion du 20 Fevrier dernier
a été tué le 2 du présent mois de Juin
la tête du Pont de Philisbourg , dans la 37
année de son âge , étant né le 24 Mars 1698 ,
étoit frere puîné de Charles - Louis de Lorraine,
Prince de Pons , Chevalier des Ordres du Roi ,
Colonel d'un Regiment d'Infanterie , et Briga
dier des Armées de S M. de la même promo
tion du 20 Fevrier dernier , et fils de feu Charles
de Lorraine , Comte de Marsan , aussi
Chevalier des Ordres du Roi , mort le 13 No
vembre 1708. et de feuë D. Catherine- Therese
de Matignon , sa deuxième femme , morte le
7 Decembre 1699. laquelle étoit veuve eu premieres
noces de Jean - Baptiste Colbert , Marquis
de Seignelay , Ministre et Sécretaire d'Etat •
I.Vol Come
JUIN. 1734- 1251
Commandeur des Ordres du Roi , mort le 3
Novembre 1690. Le Prince de Lixin avoit été
Chevalier de Malthe , porté le titre de Chevalier
de Lorraine. Il quitta la Croix et se maria le
19. Août 1721 , avec Marguerite - Gabriele de
Beauveau , fille de Marc de eBauveau ; marquis
de Craon , et d'Haroüel , Baron d'Antray de
S. Georges et de Turkestin , Conseiller d'Etat ,
et Grand Ecuyer du Duc de Lorraine , créé Prince
de l'Empire , et de Dame Marguerite de Ligneville
, Dame d'honneur de la Duchesse de
Lorraine. Le feu Duc de Lorraine dernier mort
lui donna en faveur de ce mariage le titee de
Prince de Lixin , et retablit pour lui la Charge
de Grand- Maitre de sa maison; il n'a point laissé
d'enfans.
Le 3. Juin 1734. Jacob Marquis de Montalambert
, Ecuyer de la Princesse de Conti , mourut
à Paris , au petit Hôtel de Conti , âgé de
37. ans.
Le même jour Dame Jeanne - Therese - Antoi
nette Pelletier , femme de Louis- Anne Seguier ,
Conseiller au Parlement de Paris , qu'elle avoit
épousé le 26. Fevrier 1726. et fille unique d'An
toine - Denis Pelletier , Auditeur ordinaire de
la Chambre des Comptes de Paris , et de Dame
Suzanne le Noir , mourut après une longue ma
Jadie à Paris , dans une âge peu avancé , laissant
des enfans.
Le 4 DameMarie - Louise- Charlotte Desvieux,
Epouse de Charles de Montholon , Conseiller au
Parlement de Paris , mourut d'une maladie de
poitrine , n'étant mariée que depuis le 22. Fevrier
dernier , ainsi qu'il a été rapporté dans le
Mercure du mois de Mars , p . 619. elle étoit âgée
17. ans 2. mois'et demi. de
.
1.Vol. Fran
1242 MERCURE DE FRANCE
François de Cormis , fi's de Noble Antoine
de Cormis , Syndic de la Provence , et de Dame
Françoise du Perier , Doyen des Avocats au Patlement
de Provence , recommandable par sa pieté
par sa vie penitente , son desinteressement ,
son amour pour les pauvres , et par une profon
de capacité dans sa profession , mourut à Aix le
4. Jum 1734. après avoir été la veille , jour de
l'Ascension , entendre la Messe , et communier.
Il étoit âgé de 95. ans , étant né le 25. Juillet
1639. Il étoit le dernier survivant de sa Classe à
la Tontine , dont le produit qui étoit dans ces
derniers tems de 57. mille livres a toujours été
affecté en entier pour les Hôpitaux et pour les
Pauvres. Il a institué ses Heritiers par son Testament
les Hôpitaux de la Misericorde et de la
Charité de la Ville d'Aix .
2.
Le Comte de Clermont d'Amboise , Colonel
du Régiment d'Auvergne , Inspecteur general
d'Infanterie , et Brigadier des Armées du Roy ,
de la promotion du 20. Eévrier dernier , qui
mourut au Camp de Sanguina, dans le Parmesan ,
le 6. Juin 1734. d'un coup de mousquet qu'il
avoit reçû e 4. précèdent à Colorno , en allant ,
sans avoir été commandé , poster sc. hommes
sur la Parma , il étoit âgé d'environ 45. ans , et
il se nommon Georges - Jacques de Ciermont ,
Seigneur , Marquis de S. Aignan , de Verdigny,
&c. Il étoit fils de feu Georges- Henry de Clermont
, Seigneur de S. Aignan , Verdigny , &c.
Maréchal de Camp des Armées du Roy , mort
à Mantoue au mois d'Avril 1702. d'une blessure
qu'il avoit reçue dans une sortie pendant le blocus
de cette Place , et de D Marie - Magdeleine
Birault de Chizay , et il avoit été marié le 14
Janvier 1728. avec Louise-Diane- Françoise de
1. Vol Cler
JUIN. 1734. 7253
Clermont , de même Maison que lui , fille de
Pierre Gaspard , Marquis de Cermont Gallerande
, Seigneur de Loudon , de Mera , &c . Che
valier des Ördres du Roy , Maréchal de Camp de
ses Armées , de la promotion du 20. Février
dernier , Bailly de Dole , et premier Ecuyer du
Duc d'Orleans , et de D. Gabrielle- Françoise
d'O , Dame d'Atours de la Duchesse Douairiere
d'Orleans.
Le 7. Jean- Baptiste-Louis Couturier , Prêtre ,
Chanoine honoraire de l'Eglise Royale , Collegiale
et Paroissiale de S. Germain l'Auxerrois
Prédicateur ordinaire du Roy , mourut à Paris,
âgé d'environ 55. ans , après s'être acquis beaucoup
de réputation par ses talens pour la Chaire,
ayant prêché plusieurs fois à la Cour et rempli
les meilleures Chaires de Paris , toujours avec
un grand concours . Il avoit été nommé par
Archevêque de Paris , au mois de Novembre
1730 à la Cure de la Paroisse de S. Sauveur,
mais il ne parut dans cette Eglise que pour en
prendre possession , s'étant démis incontinent
après de cette Cure.
Le 10. Pierre Felicien de Bofflin , Marquis
d'Argenson , Seigneur de Pezigneux , Gentilhomme
de Dauphiné , Commandeur de l'Ordre
Royal et Militaire de S. Louis , Brigadier des.
Armées du Roy , de la promotion du premier
Février 1719. et Gouverneur de Gap mourut
à Paris âgé de 14. ans. Le Gouvernement de
Gap en Dauphiné a été donné au fils aîné du
deffunt .
Le 11. Henry- Hubert d'Estampes , Marquis
de Valençay , Seigneur du Guepeau , mourut à
Paris , âgé de 49. ans , 6. mois 11. jours , et fut
inhumé le lendemain au soir aux Carmes Dé-
1. Vol. chaus
254 MERCURE DE FRANCE
chaussez. Il étoit fils de feu Jean- Hippolité d'Es
tampes , Marquis de Valençay , mort au mois de
Mars 1697. et de Dame Gabrielle - Louise Masso
du Bousquet , et il avoit été marié le 30. Septembre
1715. avec Marie- Philiberte Amelot ,
soeur de Jean-Jacques Amelot, Seigneur de Chail-
Jou , Conseiller d'Etat ordinaire et Intendant des
Finances , l'un des 40. de l'Académie Françoise,
et fille de Denis -Jean Amelot , Seigneur de Chail
lou et de Chastillon sur Indre , Maître des Requêtes
Honoraire de l'Hôtel du Roy , et de feue
Philiberte Barillon d'Amoncourt . Il en laisse des
enfans.
Le 15. D. Marie- Magdelaine Robin de la Peschellerie
, Epouse de Jean - Marie de Vougny ,
Seigneur de Foileny , Conseiller du Roy en ses
Conseils , Secretaire de S. M. et Secretaire ordinaire
du Conseil d'Etat , Direction et Finances ,
avec lequel elle avoit été mariée au mois d'Avril
1733. mourut âgée de 23. 24. ans , après être
accouchée le 12. précédent d'un fils , qu'elle a
laissé vivant. Elle étoit fille unique de M. Robin
de la Peschellerie, reçû Secretaire du Roy en 1732
à
Le 26. May 1734. les Cerémonies du Baptême
furent suppléées parM.Cesar le Blanc , Evêque d'A
vranches , dans l'Eglise de S. Eustache à Paris , à
Bruno- Emanuel- Marie- Esprit de Vassy , né le
25. Mars 1717. au Château de Bressey en Normandie
, et ondoyé le même jour , par permission
de l'Evêque d'Avranches , fils de M. Fran
çois-Marie de Vassy , Chevalier , Seigneur , Mar
quis de Bressey , de Pirou , &c. et de D. Helene
Pelagie Geraldin , son Epouse. Les Parein et Ma.
raine ont été M. Claude-Constance- Esprit Juyenal
d'Harville des Ursins , Marquis de Trai
I Vol.
ncl
JUIN. 1934
8255
·
mel , âgé de 11. ans , et Dlle Claude- Constance-
Esprit Juvenale d'Harville des Ursins de Trainel ,
Frere et Soeur , tofans de feu Esprit- Juvenal
d'Harville des Ursins , Marquis de Trainel, Scigneur
de Doue , Colonel du Régiment de Dragons
d'Orleans , mort le 11. Juillet 1726. etde
D. Louise- Magdeleine le Blanc, sa Veuve , Niece
de l'Evêque d'Avranches.
Ca
La Marquise de la Vieuville accoucha le Dimanche
6. Juin , d'un garçon , qui a été tenu sur
les Fonts de Baptême par le Comte de la Vieuville
, et par la Marquise de Caux ; il a été nome
umé Charles-Jean- Baptiste-Julle.
焼肉た
ARRESTS NOTABLES.
Dde Septentum des Professeurs ez Arts de
ECLARATION du Roy , pour le Droit
l'Université de Rheims , du 24. Mars 1734. Registrée
au Parlement le 5. Avril,
ARREST de la Chambre des Comptes , du 20
Mars , en Interpretation de la Déclaration du
premier Juiller 1710 concernant la reddition des
comptes des Payeurs des Rentes de l'Hôtel de
Ville , et les débets des parties des Rentes viage
res non reclamées .
ARREST du Conseil d'Etat du Roy , du 28.
Mars , qui ordonne la suppression d'un Ecrit
intitulé , Mandement de M. l'Evêque d'Auxerre ,
c. par lequel S. M. ordonne que ledit Imprimé
ayant pour titre , Mandement de M. l'Evêque
d'Auxerre , à l'occasion du Miracle opere dans la
I. Vol. Ville
125 MERCURE DE FRANCE
६.
Ville de Seignelay de ce Diocèse , le 6. Janvier
1733. jour de l'Epiphanie , M. DCC. XXXIV.
sera et demeurera supprimé , comme contraire à
PArrêt du 5. Septembre 1731. et contenant des
principes capables de révolter les esprits contre
Pauthorité légitime , et de troubler la tranquilli
té publique. Enjoint à tous ceux qui en ont des
Exemplaires , de les remettre incessamment au
Greffe du Conseil , pour y être supprimer. Fait
deffenses à tous Inprimeurs , Libraires , Colporteurs
et autres , de quelque état , qualité et con.
dition qu'ils soient , d'en imprimer , vendre , ou
autrement distribuer , à peine de punition exem
plaire.
EDIT DU ROI , donné en Mars 1734. concernant
les Chanoines Reguliers de S. Augustin,
de l'Ordre de S. Antoine ; au sujet des Beneffces
à charge d'ames , ou exigeans résidence. Par
lequel il est dit que les Religieux dudit Ordre de
S. Antoine , actuellement pourvûs ou qui se fe
ront pourvoir à l'avenir des Cures , Vicairies
perpetuelles ou Pricures Cures qui dépendent
dudit Ordre de S. Antoine , ou qui peuvent être
possedés en general par tous Chanoines Reguliers
de l'Ordre de S. Augustin , puissent sans
aucune monition précedente et sans forme ni fi
gure de procès , être revoqués et rappel és de
leurs Benefices et envoyés en des Maisons de leur ,
Ordre par le Chapitre general , ou par l'Abbé Superieur
general , et le Définitoire d'icelui , pour
fautes par eux commises et scan lale connu à l'Evêque
et audit Abbe Superieur General , ou mê
me pour le seul bien et avantage de l'Ordre , s'il
y échet , du consentement toutefois des Archevêques
ou Evêques , dans les Diocèses desquels les
I.Vol.
Benc
JUIN, 1714. 1257
Benefices sont situés et non autrement , et ce
nonobstant la disposition generale de la Déclaration
du mois de Janvier 1686. portant que toutes
les Cures seront à l'avenir desservies par des
Curés ou Vicaires perpetuels en titre , laquelle
disposition ne pourra empêcher la revocabilité
desdits Religieux pourvûs des Benefices ci - dessus
marqués. A l'effet dequoi avons dérogé et déro
geons par ces présentes à ladite Déclaration pour
ce regard seulement ; Voulons en outre et nous
plaît qu'aucun Religieux ou Chanoine Regulier
dudit Ordre de S. Antoine ne puisse accepter la
provision d'une Cure , Vicairie perpetuelle on
Prieuré Cure , ni d'aucun autre Benefice exigeant
résidence , qu'il n'ait fait apparoir à l'Evêque
de l'attestation de vie et moeurs , et du consentement
par écrit de l'Abbé Superieur general , et
du Definitoire dudit Ordre de S. Antome , faute
dequoi le Religieux pourvû demeurera déchû de
tout droit ausdits Benefices : Faisons défenses à
nos Juges d'avoir égard à ses provisions , et permettons
aux Patrons et Collateurs desdits Bene
fices d'y pourvoir. Si donnons , & c.
A
ARREST , concernant la Tontine établie par
Edit du mois de Novembre 1733. par lequel
S. M. ordonné que la premiere classe de ladite
Tontine , sera et demeurera composée de douze
subdivisons ; la deuxième ,de quinze subdivisions;
la troisiéme,de vingt - cinq subdivisions ; la qua
triéme,de trente-une subdivisions , la cinquième,
de quarante- sept subdivisions ; la sixième , de
quaranse-une subdivisions ; et la séptiéme , de
trente- neuf subdivisions ; toutes lesdites subdivisions
de cinq mille livres de rentes chacune ,
Produisant ensemble un million cinquante mille
Į. Vol.
ct
livres
1258 MERCURE DE FRANCE
livres de rente , ainsi qu'il est prescrit par ledit
Edit du mois de Novembre dernier . Veut Sa Majesté
que ceux qui , acquereront ce qui reste des
rentes à lever dans lesdites classes , soient tenus
de remettre leurs fonds ès mains du Garde
du Trésor Royal , avant le 16. Mai prochain ,
afin qu'il y ait un terme suffisant pour l'expedi
tion des contrats , et pour la confection des lis
tes de ladite Tontine , de maniere que l'ouverture
du payement puisse se faire au premier Juillet
suivant , concurremment avec celui des trois
autres Tontines ; au moyen de quoi lesdits acquereurs
jouiront des arrerages , à commencer
du premier Janvier de la presente année.
Le second Volume de ce mois est actuellement
cous presse et paroîtra incessamment : on y trouvera
la Liste des Brigadiers de la derniere Promotion ,
qui par l'abondance des matieres du temps , n'a pas
pú trouver place dans ce Volume.
TABLE
Ieces Fugitives. L'Envie , Ode ,
1047
PDissertation sur les trois Systèmes Chronologiques
,
Lanre à Pétrarque , Elegie ,
Lettre du P. Tournemine à M. de la R.
1053
1065
1068¹
Epitre en Vers , sur le danger de produire des
Ouvrages ,
1074
Lettre au sujet d'une Légende déclarée fausse ,
& c .
1081
Lettre en Vers à Mlle de la Vigne et Réponse ,
1089
I. Vol. Instal,
Installation du Comte d'Albon dans la Charge
de Lieutenant de Roy dans la Province de Fo
retz ,
1092
Comparaison des Philosophies de Descartes et
de Newton , 1104
Les Urnes , ou la cause de la diversité des Esprits
,
Refléxions •
Au R. P. Gr. sur ses Poësies ,
Lettre sur l'Horlogerie ,
1117
1121
1128
1138
Le Bonheur de la Solitude Sonnet , 1140
Extrait d'un Mém. lû à l'Acad . des Sienc. 1141
Rondeau , 1144
Lettre sur la Mort du dernier Evêque de Genêve,
&c.
Enigmes , Logogryphes , & c.
1145
risa
NOUVELLES LITTERAIRES , des Beaux-Arts, 11f6
Les Poësies de M. G.
1158
Memoires du P. Niceron sur les Hommes 11-
lustres , 1159
Bibliotheque Germanique , &c. 1175
Prix de l'Académie des Sciences , 1183'
Prix de l'Acad. de Soissons ,
Nouvelles Estampes ,
1186
1189
Air noté ,
1191
Spectacles , Tragédie d'Adelaïde , & c. 1192
Siege de
1204
1211
Nouvelles Etrangeres , de Pologne ,
Dantzik , & c.
D'Allemagne , d'Italie et Naples ,
Entrée solemnelle de D. Carlos à Naples , 1215
Défaite des Troupes Imperiales dans le Royaume
de Naples ,
Nouvelles d'Angleterre ,
Armée d'Italie ,
Attaques du Château de Colarno , &c.
Armée d'Allemagne ,
Siege de Philisbourg ,
1217
1222
1-12231
1224
1229
1230
France, Nouvelles de la Cour, de Paris, & c . 1237
Cordons Bleus noinmez ,
Maréchaux de France ,
Morts , Naissances ,
Epitaphe de Mademoiselle ,
Arrêts Notables ,
Errata de May.
ibid.
3240
1246
1247
1256
Age 846. ligne 23 à Hunis , lisez , à Chunis.
PAge 23, & P. 1007.1.23 . Fenieres , l . Ferrieres. P. 1014
1. 3. la Montrevel , effacez la . P. 1019. l. 17.
Ifanterie . Infanterie. P. 1c20. 1. 31. 1714. l.
1724. P. 1022. 1. 22. du mois , l . du même mois.
Pro23 . 1. 29. 1733. l. 1723. P. 1024 1. 29 .
Gaumont , L. Ganmont, P. 1025. I. antepenult..
ancien Avocat , L. anciens Avocats . Ajoutez entre
ces 2. mots , et et ès , de Simon Charles le Roy
Avocat au Parlement, et ès Conseils , & c. P. 1028
1. 10.Bofflers, l . Boufflers. P. 1030. 1. 33. Croisy,
1. Choisy. P. 1032. 1. 24. Norvingue, l . Nerwinde.
P. 1035.1 . 20. adjugeant , l . adjudant . P.1036
1. 8. Escolleville , L. Escosseville. P. 1037.1. 13 .
heritiers , I. heritieres. P. 1039. 1. 14. Benoît , l.
Benoîte.Lig. 32. Cambray, I. Chambray.P. 1940
1, 18. l aussi Chambray. P. 1042. Traiter ,
7. l. troquer.
P
1.
Fautes à corriger dans ce Livre.
Page 1072. ligne 9. j'ai , lisex, je. P. 1092 . 1. 8. avoue , l. avouent. P. 1097. 1. 12. des ,
1. de. P. 1105. 1. 27. jux . l . juxta. P. 1127. l . 18 .
utile. l. inutile, P. 1202. 1. 8. le, ôtez cé mot. Ibid.
12. de , ôtez ce mot . P. 1209. l . 15 : leur , l . sa.
I
L'Air noté doit regarder la page 1191
MERCURE
DE
FRANCE ,
DÉDIÉ
AV
ROT.
JUIN. 1734.
SECOND VOLUME.
RECOLLIGIT
SPARCIT
A PARIS ,
IR
GUILLAUME CAVELIEK .
ruë 5. Jacques.
Chez LA VEUVE PISSOT , Quay de
Conty , à la descente du Pont- Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais .
M , DCC. XXXIV .
Avec Approbation & Privilege du Roy.
A VIS.
,
>
'ADRESSE generale eft à
Monfieur MOREAU Commis au
Mercure vis - à - vis la Comedie Frangoife
, à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets cachetez
aux Libraires qui vendent le Mercure,
à Paris
à Paris , peuvent fe fervir de cette voye
pour lesfaire tenir.
On prie très -inftamment , quand on adreffe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non -feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardé
de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de la premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreſſes à M. Moreau ,
qui aura foin de faire leurs Paquets fans.
perte de temps , & de les faire porter fur
T'heure à la Pofte , on aux Meſſageries qu'on
lui indiquera,
K
PRIX XXX. SOLS.
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AV ROY.
JUIN. 1734.
PIECES FUGITIVES ,
en Vers et en Prose.
L'OURSE , LA GUENON,
ET LE HIBOU.
FABL E.
Ar cas fortuit , ou quelqu'autre
aventure ,
Une Ourse , une Guenon ,
societé ;
Du moins on croit la Nature que
N'avoit pas signé le Traité.
11. Vol
firent
A ij Quoi1260
MERCURE DE FRANCE
Quoiqu'il en soit l'un et l'autse ménage ,
Chaque mere ayant ses Petits ,
S'établit en même logis :
Il servoit seul à tout leur tripotage.
L'Ourse y lechoit chaque instant ses Oursons ;
La Guenon folatroit avec ses Nourrissons ,
Et les formoit au badinage ,
Sautant par-cy , sautant par - là ,
Dorlotant celui- cy , baisotant celui-la.
La Comere en rioit et ne pouvoit comprendre
Qu'on pût pour des magots avoir le coeur si
tendre ;
Dame Guenon comprenoit encor moins
La tendresse de l'Ourse. A quoi bon tant de soins;
Disoit- elle à
soi ,
par pour une masse informe ?
Un Ourson est un Monstre , un animal énormez
Il est si laid qu'il en fait peur ,
Un tel objet fait mal au coeur :
Pour le lecher , il faut être bien mere
Ou n'avoir pas beaucoup à faire.
Par malheur elle s'expliqua ,
,
Qu'arriva t'il ? Guenon n'est point discrete ,
Non - plus que femme n'est secrette.
L'Ourse tout de bon s'en choqua ,
Et sur même ton répliqua.
Grand procès , grand débat ; on met en parallele
Les Oursons, les Magots , et l'amour paternelle
Plaide , il faut voir ! au bruit vient un Hibou ,
JI. Vol.
Ayant
JUIN. 1261 734.
Qui près de- là gardoit et son nid et son trou
Ayant oui chaque Partie ,
A chacune il donna le tort.
Yous jugez toutes deux , dit- il , par simpatie ,
Je vais , pour vous mettre d'accord ,
Yous chercher un mignon plus digne de tendresse
,
C'est un bijou de mon espece.
Aussi- tôt il vole à son nid ,
Y prend , en apporte un petit
Joli , Dicu sçait , comme son pere ;
Rechigné comme une Megere ;
Et le montrant d'un air bouru ,
Mais pourtant avec complaisance :
Ourse , Guenon, dit- il , jugez de mon engeance,
Un semblable poupon n'est pas un malotru,
L'Ourse en pensa toute autre chose ,
Et la Guenon ne fut de même avis que lui .
Tous trois jugeoient fort bien dans la cause
d'autrui ,
Et fort mal en leur propre cause,
Aprenez de cette leçon ,
Que le coeur duppe la raison.
L. M. D. C.
II Vol.
A ij
SUI
1262 MERCURE DE FRANCE
*****X * XX** X *XXXX
SUITE de la Lettre de M. P. le Roy
sur l'Horlogerie.
M
R. Thiout s'exprime en ces termes
dans la Lettre sur l'échapement
de ma Pendule .
La justesse des Pendules ne paroissant
pas assez sufisante avec échapement ordinaire
, M. le Roy dit avoir imaginé pour
augmenter cette justesse , un nouvel échapement
qui consiste en une seule palette et deux
Rochets , en arbres , sur ce même axe &c. ›
Je veux bien , à mon tour , rendre à
M. Thiout , la justice de croire qu'il ne
veut point en imposer. J'ai seulement
dit dans ma Lettre que j'avois imaginé
une autre maniere de faire les paletes de
la verge du balancier qui rend les frotemens
des dents de la roue de rencontre
sur ces palettes , beaucoup plus doux
et moins susceptibles de changement et
qui rend la justesse de l'échapement
beaucoup plus durable. Il n'est point
question dans ce que j'ai écrit , du nouvel
échapement , ni d'une seule palette
avec deux roues de rochets sur un même
arbre , mais bien d'un échapement
9
11. Vol.
ordinaire
JUIN. 1734: 1263
ordinaire avec des palettes nouvelles ,
par le soin que j'ai apporté pour rendre
les frotemens plus doux et l'échapement
plus durable.
Vous avez , sans soute , vû , Monsieur,
l'échapement à deux rochets et une
seule palette , dont parle M. Thiout ;
les experiences que nous en avons faites
me mettent en état de faire voir que le
jugement de M. Thiout ne sçauroit se
soutenir.
Bien loin que cet échapement ait un
défaut en ce que l'action du rouage ne
s'exerce qu'une fois sur la palette en
deux vibrations , vous reconnoîtrez sans
peine que c'est en cela même qu'il est
plus parfait , car la vibration qui se fait
sans l'action du rouage , est exempte des
inégalitez que la puissance motrice pourroit
lui communiquer , y donc avec
cet échapement , la moitié des vibrations
, dont rien ne trouble la justesse ,
par consequent la Pendule doit être une
fois plus juste.
La grandeur que M. Thiout reproche
à la palette , et qu'il dit que je suis obligé
de lui donner , pour reparer le défaut
d'action sur la moitié des vibrations ,
pourroit en imposer à ceux qui n'auroient
point vû cet échapement ; mais le
II. Vol. A iiij repro1234
MERCURE DE FRANCE
reproche tombera bien tôt , si l'on en
fait la comparaison , avec l'échapement à
deux verges dont les palettes sont presqu'aussi
longues.
Quoique le rouage n'exerce son action
sur la palette , ou pour mieux dire
sur le Pendule , qu'une fois en deux vibrations
, il lui communique cependant
autant d'action que dans les autres
échapemens ; car s'il ne l'exerce
qu'une fois en deux vibrations , il l'exerce
sur un espace double. De plus ,
comme de deux vivrations il n'y en a
qu'une où le rouage s'oppose au mouvement
qu'il a communiqué à ce Pendule ,
il ne peut lui retrancher que la moitié du
mouvement qu'il lui retranche dans les
échapemens ordinaires , et par consequent
il en reste davantage au Pendule.
La preuve s'en trouve tout naturellement,
en ce que l'on peut avec cet échapement
emplir les lentilles de plomb , pour les
rendre plus pesantes et moins susceptibles
du changement de resistance du milieu
, sans craindre que la Pendule s'arrête
, ce que l'on ne peut pas faire avec les
autres échapemens . De plus ; cet échapement
a moins de frotemens que les
échapemens ordinaires , parce que l'on
peut faire agir la dent du rochet sur la
I Vol.
palette,
JUIN. 1734. 1265
palette , sous les plus petits angles qu'il
est possible , et si on la fait un peu plus
longue , c'est seulement pour que le branle
du Pandule ne devienne pas trop grand.
Je passe donc à M. Thiout , que la palette
est un peu plus longue que celle des
autres échapemens ; mais examinons si
elle empêche la Pendule d'avoir toute la
regularité.
1
Chaque jour qu'on augmente la puis
sance motrice d'un Pendule , les vibrations
deviennent plus grandes , et lorsque
les grandes vibrations sont moins de
tems à se faire que les petites , l'on peut
dire que l'échapement est mauvais , puisqu'il
n'y a point d'autre maniere de rendre
les vibrations isochrones, qu'en changeant
quelque chose à l'échapement.
Lorsque les grandes vibrations sont
plus de tems à se faire que les petites , l'échapement
est toujours bon ; car c'est ainsi
que doivent être les vibrations libres , et
c'est une preuve que les inégalités de la
puissance ne trouble point la regularité
des vibrations : Ce seroit pourtant un défaut
si on ne pouvoit point les rendre
isochrones par une courbe appliquée à la
suspension du Pendule.
L'échapement que M. Thiout desaprouve
est dans le dernier cas , en supprimant
Ay la
I. Vol.
1266 MERCURE DE FRANCE
la courbe qui est à la suspension , lors.
que le ressort est au haut, la pendule retarde,
et elle avance, quand il est au bas. Enfin
les vibrations deviennent isochrones
quand on remet la courbe à sa place . Dans
tout ceci je ne vois rien qu'on ne doive
approuveret même qui n'oblige à donner
la préference à cet échapement. Vous
voyez donc clairement , Monsieur , que
le reproche que fait M.Thiout doit necessairement
tomber.
L'attention qu'il a faite pour reconnoître
la façon dont je m'y prends pour rendre
l'action des grands ressorts plus égala
, ne l'a pas mené au but , du moins
pour la construction ; car la maniere de
la faire , qu'il croit la seule après la fusée,
ne l'est point ; il y en a au moins une seconde.
Celle que soupçonne M. Thiout
a un inconvenient ; car si on fait passer la
roue d'arrêt entre la grande roiie moyenne
et le barillet , ce barillet en devient
plus bas , la puissance morrice diminuë ,
ce qui est toujours un défaut. Si la roue
d'arrêt ne passe point entre le barillet et
la grande roue moyenne , cette role
moyenne devient plus petite , et par
Consequent ses dents trop foibles . Si on
lui veut donner un nombre de dents convenable
pour agir sur un pignon de huit
II. Vol. Ou
J.UIN. 1734. 1267
ou de dix , ou si on veut conserver la force
des dents , on diminue le nombre des
aîles du pignon de longue tige , ce qui
fait un autre défaut. On ne peut pas non
plus noyer la roue d'arrêt dans la roue du
barillet , comme M. Thiout le dit , elle
est trop foible pour cela ; et si l'on vouloit
donner une épaisseur suffisante pour
noyer cette roüe , la force motrice diminueroit
également.
L'attention de M. Thiout a été plus
loin , et ju qu'à nous apprendre qu'en
faisant le premier pignon du mouvement
plus petit qu'à l'ordinaire , et en grossisant
les autres à proportion , on corrige
les inégalités d'action du grand ressort,
mais il n'a pas apparemment pris garde
qu'on ne peut changer que la grosseur
du premier et du second pignon , et que
ce changement n'a aucun rapport avec
l'action du grand ressort , quoiqu'il dise
que plusieurs Horlogers se servent de ce
moyen pour corriger les inégalités des
il me permettra de kur rendre
assez de justice pour ne les pas croire capables
de donner dans de pareilles erreurs .
ressorts ,
A l'égard du bouton dont je me sers
pour tourner le cercle d'équation sans ouvrir
la porte, il faut qu'il y ait long-temps
que je l'ai imaginé , puisque je l'avois
11. Vol. A v avant
128 MERCURE DE FRANCE
avant M. Thiout , et qu'il dit qu'il y a
six ou sept ans qu'il l'a mis en usage.
Quoique ma Lettre soit déja bien longue
, je ne puis la finir , M. sans quelques
reflexions sur les Ouvrages que
M. Thiout a donnés pour être de son invention
. En 1727. il répandit dans le public
un imprimé , qui commence par ces
termes. Thiout , Maître Horloger à Paris,
connu pour avoir imaginé trois differentes
Pendules d'équation , vient d'en finir une
pour le Roy de Portugal , & c.
De ces trois Pendules que M.Thiout dit
avoir imaginées, il n'en a executé qu'une,
et l'on a trouvé qu'il avoit agi sagement;
car les projets des deux autres , qui ne
different que par un petit retranchement,
sont trop embarassés pour pouvoir raisonnablement
en entreprendre l'execution.
Les descriptions de ces deux projets
que l'on trouvera , à ce que je crois ,
dans le R cueil que M. Gallon donne au
Public des machines approuvées par
I'Académie
de Sciences , seront des preuves
suffisances de ce que j'avance. A l'égard
de la troisième , sûr de la réussite , par
des raisons que je dirai ailleurs , il ne ba
lança pas à l'executer , et il a toujours continué
à faire ses Pendules d'équation sur
le principe de celle ci .
II. Vol. La
JUIN. 1734 12Gr
La Pendule de M. Thiout a 5. aiguilles
concentriques ; une pour les secondes,
deux ,
, pour le tems moyen , et deux pour
le tems vral. Comme toutes ces aiguilles
ont des queues pour les mettre en équilibre
, on voit dix rayons qui partent ,
tous du centre du Cadran , et qui font
demander , quelle heure est-il , à ceux
qui regardent cette Pendule.
M. Thiout met deux aiguilles pour le
temps vrai ; l'une , dit- il, pour les heures
vrayes , l'autre pour les minutes et secondes
vrayes : je ne crois pas que M. Thiout
demande que l'on croye que sa Pendule
marque les secondes du tems vrai , comme
nos Pendules à secondes marquent celles
du tems moyen ; il faut seulement entendre
par- là , qu'il a divisé chaque minute
de son Cadran en 6. 10. ou 12. parties ,
pour avoir le tems vrai de 10. en 1o. secondes
, où de 6. en 6. ou de 5. en 5. Ces
aiguilles , dit M. Thiout , retardent ou
avancent uniformement tous les jours de
l'année , d'autant de secondes que fait le
Soleil , suivant présisément l'équation.
M. Thiout ne nous donne pas là une grande
idée de la connoissance qu'il a du mouvement
uniforme ; car si ces aiguilles retardent
et avancent sur celles du tems
vrai , suivant l'équation , le retardement
II. Vol.
et
1170 MERCURE DE FRANCE
et l'avancement qui leur arrive ne se fait
pas uniformement.
Je ne comprends pas non plus que
vous , M. et c'est une question à faire à
M. Thiout , pourquoi il dit que les Pendules
de nouvelle invention , qui ont été
faites jusqu'à present , non point l'utilité
de la sienne ; car sans doute par ces mots,
toutes les Pendules , il comprend toutes les
Pendules à équation . Voici les raisons qui
me font douter qu'il soit convaincu de
ce qu'il dit. 1 ° . Dans toutes les Pendules
à équation , on voit distinctement les
heures et les minutes du tems vrai beaucoup
mieux que dans celle de M. Thiout,
car on ne sçauroit se méprendre aux aiguilles.
2° La Pendule de M. le Prieur de
S. Cernin , qui est faite avant celle de
M. Thiout , marque les heures et les minutes
du tems vrai et du tems moyen par
3. ou 4. aiguilles concentriques ; ainsi
voilà au moins une Pendule qui auroit dû
empêcher M. Thiout de s'avancer si har
diment. Il y a plus , c'est que la Pendule
de M. Thiout n'est qu'une copie de la
Pendule de M. le Prieur de S. Cernin ,
autrefois Vicaire de S. Cyr , comme vous
en allez être convaincu ,
L'équation se fait dans la Pendule du
Prieur de S. Cernin , et dans celle de
II. Vol. M.
JUIN. 1734
1271
M. Thiout , par le moyen d'une cage qui
tandis
tourne dans une heure sur un canon fixe
au centre de la platine. Au pied de ce canon
est un pignon fixe et aussi concentrique
, et ce pignon engraine dans une des
roues qui dépendent de la cage mobile
les nombres sont disposés pour que la
courbe d'équation fasse au dedans de cette
cage un tour ,
que la cage en fait
876. ensorte que la courbe fait 8761 .
tours en 365. jours. Il y a dans ces deux
Pendules un rateau dont le talon repose
toujours sur la courbe , et comme ce ra
teau se meut avec la cage dans laquelle il
est , et qu'il engraine dans la roue de minute
du tems vrai , il fait avancer et retarder
cette roue de minute suivant la
construction de la courbe.
Voilà , Monsieur , l'idée generale que
l'on doit avoir de ces deux Pendules ; comme
elles n'ont aucune difference dans le
principe de leur composition , je ne vois
pas comment M. Thiout peut se dire l'inventeur
de la sienne , à moins qu'il ne se
veuille faire un titre du changement qu'il
a fait dans le nombre des roues et des pignons
, comme de mettre quelques vis
sans fin qui ne sont que des pignons de 1 .
en la place de pignons plus nombrés , que
M. le Prieur a employés ; mais vous m'a-
II.Vol. VOR1172
MERCURE DE FRANCE
voüerez , M. que c'est là se dire Inventeur
à bon marché.
M. Thiout dit que voyant ces Pendules
bien reçûës , il s'est cru obligé , pour
en augmenter la nouveauté et l'utilité .
d'y ajouter les sonneries pour l'heure
vraye;mais M.Thiout n'a aucun merite en
cela , car en mettant la cheville qui doit
lever la détente sur la roue de minute du .
tems vrai , au lieu de la mettre sur celle
du tems moyen , la Pendule sonnera le
tems vrai. Il auroit pû se dispenser de
nous faire
part de cette addition prétenduë
, dont personne n'est l'Inventeur.
>
M. Thiout nous dit que sa Pendule est
plus conforme aux principes de la Phýsique
et de la mécanique qu'aucune autre
, en ce que toute la quadrature qui fait
le sujet de cetre nouvelle construction
ne fait qu'un corps très leger qui est en
équilibre et qui se meut sur un arbre fixe,
ce qui procure au mouvement beaucoup
plus de liberté que si la Pendule étoit simple.
Il n'est point question de Physique
dans la quadrature de M. Thiout ; mais
qui eût jamais cru qu'il eut entrepris de
nous persuader qu'une cage à faire tourner
toutes les heures , procure de la liberté
à une Pendule : Voilà un Paradoxe de
méchanique qui ne nous donne pas un pré-
II. Vol. jugé
JUIN. 9734. 1273
jugé avantageux des lumieres de l'Auteur,
et qui pourroit bien lui faire refuser la
confiance qu'il demande par son imprimé.
Cette cage , dit M. Thiout , est un corps
très- leger , mais c'est pourtant une cage
qui doit être assez solide pour être durable
pour contenir les roües , et une courbe
d'équation as cz épaisse . Cette cage avec
les roues , la courbe et le rateau dont
elle est chargée , ne sont donc pas si legers,
ou n'ontpoint de solidité . M. Thiout
met , dit il, tout en équilibre , c'est une
attention qu'il est obligé de donner à une
construction qui ne lui réussiroit point
sans cela ; ce n'est donc pas un merite dans
sa Pendule , c'est une necessité . Mais exaninons
un peu ce corps en équilibre.
1° . La cage de M. Thiout est rivée à
un canon qui tourne sur un autre canon ,
il faut du jeu pour ce mouvement , sa
cage est toujours poussée d'un côté plus
de l'autre , à cause de l'engrainage
dans le pignon fixe , et par consequent la
cage construite en équilibre n'y est plus
que
dans le mouvement.
2°. Le rateau change toujours de situation
en suivant la courbe avec son talon,
ainsi , à moins que le rateau ne soit luimêmê
en équilibre dans la petite cage
tournante ce qui n'est point , la cage
II. Vol.

1274 MERCURE DE FRANCE
ne sera pas toujours en équilibre. Je
suis , & c.
PSEAUME XLIX.
Dispofition qu'on doit apporter à la Priere,
LE ROI des Cieux et de la terre
Descend au milieu des éclairs ;
Sa voix comme un bruyant tonnerre ,
Se fait entendre dans les airs.
Dieux mortels , c'est vous qu'il appelle ;
11 tient la balance éternelle
Qui doit peser tous les humains
Dans ses yeux la flamme étincelle
Le glave brille entre ses mains.
Ministres de ses Loix augustes ,
Esprits Divins , qui le servez ,
Assemblés la troupe des justes ,
Que les oeuvres ont éprouvés ;
Et de ces serviteurs utiles
Separes les Ames serviles
Dont le zele oisif en sa foi ,
Par des holocaustes steriles
A cru satisfaire à la Loi.
Allez , saintes Intelligences ,
Executer ses volontés ;
;
Tand
JUIN.
1273
1734.
Tandis qu'à servir ses vengeances
Les Cieux et la Terre invités ,
Apprendront à ces miserables ,
Par des Prodiges innombrables ,
Que le jour fatal est venu ,
Qui fera connoître aux coupables
Le Juge qu'ils ont méconnu .
Ecoutez ce Juge severe ,
Hommes charnels , écoutez tous ,
Quand je viendrai dans ma colere
Lancer mes Jugemens sur vous ,
Vous m'alleguerez les Victimes ,
Que sur mes Autels legitimes
Chaque jour vous sacrifiez ;
Mais ne pensez pas que vos crimes
Par-là puissent être expiés.
Que m'inportent vos sacrifices ,
Vos offrandes et vos troupeaux ?
Dieu boit- il le sang des Genisses ?
Mange -t'il la chair des Taureaux ?
Ignorez-vous que son Empire
Embrasse tout ce qui respire
Et sur la Terre et dans les Mers ?
Et que son souffle seul inspire
L'ame à tout ce vaste Univers ?
Offrez , à l'exemple des Anges ,
H. Vol.
*
A
Y176 MERCURE DE FRANCE
A ce Dieu , votre unique appui
Un sacrifice de louanges ,
Le seul qui soit digne de lui.
Chantez d'une voix ferme et sûre
De cet Auteur de la Nature
Les bienfaits toujours renaissans :
Mais sçachez qu'une main impure
Peut souiller le plus pur encens.
Il a dit à l'homme profane :
» Oses-tu , pécheur criminel ,
» D'un Dieu dont la Loi te condamne
» Chanter le pouvoir éternel ?
»Toi , qui courant à ta ruine ,
Fus toujours sourd à ma Doctrine ;
Qui malgré mes secours puissans »
» Rejettant toute discipline ,
» N'as pris conseil que de tes senst
» Si tu voyois un adultere
» C'étoit lui que tu consultois ;
» Tu respirois le caractere
» Du Voleur que tu frequentois ;
» Ta bouche abondoit en malice ,
» Et ton coeur paîtri d'artifice ,
3 Contre ton frere encouragé
» S'applaudissoit du précipice
Où ta fraude l'avoit plongé.
Vol.
Coats
JUIN. 1734 1277
Contre une impieté si noire
Mes foudres furent sans emploi ,
» Et voila ce qui t'a fait croire
Que ton Dieu pensoit comme toi ;
Mais apprens , homme detestable ,
Que ma Justice formidable
Nese laise point prevenir,
Et n'en est pas moins redoutable
» Pour être tardive à punir.
Pensez-y donc , Ames grossieres ,
Commencez par regler vos moeurs ;
Moins de faste dans vos Prieres ;
Plus d'innocence dans vos coeurs,
Sans une ame bien enflamée ,
Sans la pratique confirmée
De mes preceptes immortels ,
Votre encens n'est qu'une fumée
Qui deshonore mes Autels.
II. Vol. EX#
278 MERCURE DE FRANCE
htt
EXTRAIT du Memoire lû par M. de
Reaumur à l'Assemblée publique de l'Académie
Royale des Sciences du 5 May
1734. sur les diférens degrez du froid
qu'on peut produire en mêlant de la Glace
avec diférens Sels ou avec d'autres matieres,
soit solides , soit liquides .
OP
N sçait qu'en mêlant de la glace
pilée avec certains sels , tels que le
Salpêtre et le Sel marin , ou le Sel de table
, on fait naître un plus grand degré
de froid que celui qu'avoit cette Glace ;
qu'au moyen du froid produit par ce mélange
on fait geler de l'eau dans les jours
les plus chauds . C'est même l'expédient
auquel nous devons ces liqueurs glacées
que nous prenons avec plaisir en Eté et
qui paroissent à présent en toutes Saisons
sur les tables somptueuses ; Mais or ne
sçait point encore assez quelle est l'efficacité
de chaque Sel mêlé avec la Glace pour
la production du froid. Quoiqu'on ait
fait beaucoup d'expériences sur la production
de ces froids , qu'on peut nom,
mer artificiels , on ne sçait point encore
de combien le froid qu'un Sel peut produire
est plus grand que celui qui peut
II Vol. être
JUIN. 1734: 1279
Etre produit par un autre Sel , et quelle
est la proportion la plus avantageuse dans
laquelle chaque Sel doit être combiné
avec la Glace. C'est aussi ce qui ne pouvoit
être déterminé avec une sorte de
précision , avant qu'on eut les Thermométres
dont M. de Réaumur a donné la
construction dans les Mémoires de l'Académie
de 1730. Il falloit que les dégrez
de chaud et de froid eussent été réduits à
certaines mesures fixes ; que les dégrez du
Thermométre qui les désignent ne fussent
pas pris arbitrairement comme ils le
sont dans les Thermométres ordinaires.
Dans ceux de M. de Réaumur , ces dégrez
sont des portions connues d'un volume
connu , d'un esprit de vin connu : aussi
plusieurs de ces Thermométres , placez à
côté les uns des autres , s'ils ont été bien
construits , marquent par un même nombre
de dégrez la température de l'air.
On a donc dans ces Thermomètres des
instrumens propres à déterminer les dégrez
du froid en mesures connuës . Les
premiers que M. de Réaumur avoit fait
construire étoient extrémement grands
et par consequent difficiles même à
manier. Il est parvenu à en faire faire
d'aussi petits qu'on les peut souhaiter
, et aussi exacts que les grands. Les
II. Vol. de1280
MERCURE DE FRANCE
dégrez des uns sont proportionnels à ceux
des autres . Les petits n'ont que huic à
dix pouces de hauteur , et moins si l'on
veut. Nous sommes encore obligez de
rapp ller ici qu'il y a sur ces Thermométres
deux suites de dégrez ou de divisions,
l'une qu'on peut appeller celle des dégrez
ascendans ou des dégrez de chaud , et
l'autre des dégrez descendans ou des dégrez
de froid ; le terme , la ligne qui sépare
ces deux suites est marquée par Zero.
Lorsque la liqueur du Thermométre e
à ce terme , elle n'a précisément que le
degré de f oid qui suffit pour geler l'eau
ou pour empêcher la Glace de se fondre.
Les dégrez qui sont au dessous de ce terme
expriment des d'grez de froid de plus
grand en plus grand que celui qui est
simplement capable de geler l'eau.
Le Salpêtre est un des Sels de l'efficacité
duquel on a le plus d'idée pour la
production du froid. C'est à un nitre ou
à un Salpêtre répandu dans l'air qu'on
attribue les plus grands froids : si la Glace
se forme au milieu de l'Eté dans quelques
cavernes souterraines, telles que la Grotte
de Besançon on veut que ce soit parce
que les terres des environs sont impregnées
de Salpêtre . Les expériences de
M. de Réaumur nous font beaucoup ra-7.
,
11 Vol. batJUIN
1734. 1 ·
1281
battre de cette idée qu'on s'étoit faite du
Salpêtre , elles, apprennent que le Salpêtre
bien pur, bien rafiné , étant mêlé avec
la Glace , ne peut faire naîtte qu'un dégré
de froid de trois dégrez et demi plus
grand que celui qui est capable de geler
T'eau.
Si on avoit eu besoin de produite un
grand degré de froid , on ne se seroit pas.
avisé apparemment de préférer le sucre
au Salpêtre ; on l'auroit dû pourtant , puisque
les expériences de M. de Reaumur apprennent
qu'avec du sucre et de la Glace
on fait naître un froid de 5 dégrez au - dessous
de la congellation. Ces expériences
doivent paroître curieuses; mais on auroit
été assez porté à croire qu'elles ne sont
que curieuses, M. de Reaumur à fait voir
qu'elles ont des utilitez qu'on n'en auroit
pas attendues. On a cherché et on a imaginé
bien des moyens et bien des machines
pour éprouver la force de la poudre
à canon , parce qu'il importe extrémement
de pouvoir s'assurer de la qualité des différentes
poudres. Ceux qui sont le plus
au fait de l'Artillerie sçavent cependant
que malgré tous les genres d'épreuves
qu'on a imaginés , il n'y en a pas encore
une bonne qui soit connues on n'a pas
pensé assurémentque la meilleure maniere
I I. Vol. B dé1232
MERCURE DE FRANCE
11
déprouver de la poudre à canon fur déprouver
le degré du froid qu'elle peut
faire naître : c'est pourtant ce qui résul
te très - clairement des expériences de
M. de Reaumur. Le Salpêtre fait la base
de cette poudre , elle est composée de
trois parties de Salpêtre , d'une demie
partie de charbon et d'une demie partie
de souffre , c'est sur tout par la qualité,
du Salpêtre qu'on peut craindre que la
poudre peche . L'opération de purifier ,
de rafiner le Salpêtre se réduit presque à
en séparer un Sel de la nature du Sel marin
où du Sel de table avec lequel il est
mêlé. Le Salpêtre est d'autant plus pur ,
plus parfait , qu'il contient moms de ce
Sel. Or les expériences de M. de Reaumur
lui ont appris que le Sel matin ou
que le Sel qui altére le Salpêtre mêlé avec
la Glace, est capable de produire un trèsgrand
froid , un froid qui surpasse de 15
degrez celui qui suffit pour geler l'eau¸
au lieu que leSalpêtre bien rafiné ne peut
produire qu'un froid de 3 degrez et demi
plus grand que celui de l'eau qui
commence à se geler. Delà il suit que
moins le Salpêtre sera rafiné et plus le
froid qu'il fera naître , étant mêlé avec de
la Glace , sera grand . La plus sûre , la
moins équivoque des épreuves du Salpê-
II. . Vol.
tre
JUIN. 1734 1283
que
tre est donc celle du froid qu'il peut produire
. M. de Reaumur a trouvé qu'il y
a du Salpêtre de la premiere cuite qui fait
naître jusqu'à 11 degrez de froid. Enfin
que d'autre Salpêtre n'en fait naître
9. 8.7. degrez plus ou moins selon qu'il
a été rafiné. On voit bien que l'essai doit
réüssir de même pour la poudre à canon,
sur tout lorsqu'on sçait que le charbon
pilé et le souffre n'augmentent point le
froid de la Glace. Afin pourtant qu'il ne
restât aucun doute sur le succès de cette
épreuve , M. de Reaumur a fait faire de
la poudre à canon avec du Salpêtre bien
rafiné ; mêlé avec la Glace elle a produit
3 degrez et demi de froid ; il a fait faire
d'autres poudres avec d'autres Salpêtres
qui ont donné 7. 8. ou 10. degrez de
froid selon la qualité de Salpêtre qui
étoit entré dans leur composition.
Nous ne sçaurions suivre le détail des
expériences que M. de Reaumur a faites
sur toutes les diférentes especes des Sels ,
mais nous ne pouvons nous dispenser de
dire quelque chose de celles sur les diférens
Sels fixes ou alcalis et sur les cendres
qui fournissent ces Sels , parce que les
resultats de ses expériences peuvent être
utiles à tous ceux qui font des liqueurs
glacées dans les Pays où le Sel marin jest
Bip rare II Vol.
1284 MERCURE DE FRANCE
rare ou cher , et à ceux qui sont obligez
de conserver leurs Glaces pendant des
demie journées. Le Sel de Soude , les diférentes
Soudes elles mêmes , les potasses,
les cendres gravelées , le Tartre , en un
mot , tous les Sels alcalis ou les cendres
chargées de ces Sels sont capables de produire
au moins un aussi grand degré de
froid que le Salpêtre bien rafiné : quel
ques- unes mêmes de ces matieres produisent
de très- grands froids et même
superieurs à celui que le Sel marin peut
produire. La cendre ordinaire , celle qu'on
trouve dans toute cheminée où on a brûlé
du bois neufsuffit pour faire des Glaces
ou liqueurs glacées ; on ne sçauroit désirer
une matiere à meilleur marché ; il est
vrai pourtant qu'avec cette cendre on ne
fera pas des Glaces aussi promptement à
beaucoup près , qu'on les fait avec le Sel
marin , qu'on sera obligé d'y employer
plus de deux heures , mais cet inconvé
nient , qui n'en est un que lorsqu'on est
pressé par le tems , est compensé par un
avantage , c'est que la cendre conserve
bien plus long-tems les Glaces qu'elle a
faites que le Sel marin ne conserve celles
qu'il a produites plus vîte ; c'est de quoi
les raisons sont expliquées dans le Mémoire.
La longueur d'un Extrait ne nous
II. Vol
perJUIN.
1734. 1285
permet pas de parler de toutes les diférentes
matieres qui augmentent le froid
de la Glace avec laquelle on les mêle ; il
y en a pourtant que nous ne pouvons
nous résoudre à passer entierement sous
silence . Il est bien singulier que la chaux
qui s'échauffe si considérablement lorsqu'elle
est humectée par l'eau , augmente
le froid de la Glace avec laquelle on l'a
mêlée. Les Physiciens sçavoient déja que
l'esprit de vin , qui est une liqueur si
inflamable , qui est tout feu
versé sur
la Glace augmente son froid ; mais M. de
Reaumur a trouvé qu'avec la Glace l'Esprit
de vin versé dessus en certaines circonstances
, on peut faire naître un froid
excessif.


Il a cherché aussi à mesurer les degrez
des froids qu'on peut faire naître au
moyen des plus violens esprits acides
comme l'esprit de nitre et l'esprit de Sel :
Ils peuvent produire des froids prodigieux
: Celui que nous avons ressenti à
Paris dans le mémorable hyver de 1709.
n'eut fait descendre la liqueur du Thermométre
qu'un peu au - dessous de 14
degrez , et avec ces esprits et par d'autres
moyens indiquez , M. de Reaumur en
produit des froids capables de faire descendre
la liqueur à 25 ou à 26 degrez .
- II. Vol.
B iij
Si
1286 MERCURE DE FRANCE
Si on affablit de l'Esprit de vin de la
qualité de celui du Thermométre , si on
mêle trois parties de cet Esprit de vin
avec deux parties d'eau cet Esprit de
vin affoibli est encore plus fort que les
meilleures eaux de vie , il ne sçauroit cependant
conserver sa liquidité contre un
froid de 24 degrez , il se géle sur le
champ.
,
>
Les liqueurs inflamables et les liqueurs
qui sont chargées de beaucoup de Sel
sont celles qui se gélent le plus dificilement
; mais M. de Reaumur a fait observer
dans son Memoire, que la nature sçait
composer des liqueurs qui nous semblent
purement aqueuses , qui ne sont point
inflamables qui ne nous paroissent
pas chargées de Sels et qui cependant
sont capables de soutenir de très grands
froids sans perdre leur liquidité : Ce sont
celles qui circulent dans les corps des
insectes de tant d'especes differentes.
M. de Reaumur a fait quantité d'essais
pour connoître les degrez de froid qui
peuvent faire périr les insectes de diverses
especes qui peuvent geler leur sang.Si
les degrez de froid de certains Hyvers
sont supérieurs à ceux que certains insec
tes peuvent soutenir, et qu'ils sont exposez
à soutenir , nous pourrons alors pré-
II. Vol. dire
JUIN. 17345 1287
dire que ces Insectes ne nous incommoderont
pas dans le reste de l'année ; c'est
un détail curieux dont il a reservé la plus
grande partie pour l'Histoire des Insectes.
Il ne parle ici que de quelques especes
de Chenilles , il en a trouvé des especes
qu'un froid de huit degrez fait perir 13
mais malheureusement il y en a une espece
, la plus commune de toutes , et
qu'il a aussi nommée la commune , parce
que le nombre de ses individus surpasse
dans le Royaume en certaines années le
nombre des individus qui fournissent
ensemble plusieurs milliers d'autres especes
; c'est cette espéce dont on voit
des nichées sur les arbres lorsqu'ils ont
perdu leurs feuilles. Ces Chenilles sont
malheureusement constituées de façon
que nous ne pouvons pas esperer qu'aucun
froid nous en délivre ; quoique jeunes et
petites , elles ont soutenu un froid de 18
degrez sans que leur sang se soit gelé et
sans qu'elles ayent péri , c'est - à- dire , un
froid au moins plus grand de quatre degrez
que celui que nous avons eu en
1709.
le
Il n'est pas sûr même qu'un froid de
huit degrez nous délivre de celles dont
sang peut être gelé par ce froid. La nature
a appris à celles qui ne sont pas en
11. Vol.
Biiij état
1288 MERCURE DE FRANCE
état de soutenir les plus grands froids de
s'enfoncer en terre ; quelques-unes y entrent
dès le Printems , d'autres y entrent
en Eté elles s'y métamorphosent en
Crysalides . Sous cette derniere forme elles
restent pendant tout Hyver cachées en
terre,d'où ces Insectes sortent auPrinters
sous la forme de Papillons.
Quand nous étendrions , encore plus
loin cet Extrait, il faudroit toujours nous
résoudre à ne rien dire d'une partie des
faits curieux et utiles dont le Memoire
est rempli dès que nous ne donnerions
pas le Memoire en entier.
*
Nous croyons faire plassir au Public ,
en profitant de cette occasion › pour lui
apprendre que M. l'Abbé Nollet , qui
demeure rue du Mouton près la Gréve ,
vis- à- vis les Pilliers du S. Esprit , s'est
chargé de faire des Thermométres de
toutes grandeurs sur les principes de
M. de Reaumur. Personne n'étoit plus
propre que lui à leur donner toute la
précision qu'ils doivent avoir ; la dexterité
et le génie de M. l'Abbé Nollet sont déja
connus par les Globes d'un pied de
diamétre qu'il a fait graver,et qu'il débite
depuis peu. Outre qu'ils sont les plus
exacts de tous ceux qui ont paru jusques
ici , ils sont vernis avec un goût et une
II Vo!. enJUIN.
1734. 1289
entente qui ne servent pas seulement à
les embellir ; les vernis colorez bien menagez
font paroître les Etoiles sur le
Globe céleste comme elles paroissent dans
le Ciel : les constellations ne s'y trouvent
marquées qu'autant qu'il faut pour ne
pas empêcher de bien voir les positions
des Etoiles. Enfin M. l'Abbé Nollet
exécute avec beaucoup d'art toutes les
Machines et les Instrumens qui peuvent
servir aux plus curieuses expériences de
Physique, comme les Machines Pneumatiques
, les Microscopes &c . Aussi depuis
que M. Pitot est devenu Pensionnaire de
l'Académie , c'est M. l'Abbé Nollet qui
travaille dans le Laboratoire de l'Acadé .
mie aux recherches et aux expériences
qui lui sont prescrites par M. de Reaumur.
Ceux qui aiment la Physique seront
encore bien aíses d'apprendre que M. l'Abbé
Nollet fait chez lui des cours d'expériences
comme on en fait en Angleterre
et en Hollande . Dans 18 à 20 séances il
fait les expériences les plus singulieres et
les plus propres à expliquer les principaux
Phénoménes de la nature . Il commence
un cours pour sept à huit Auditeurs
et il est bien aise de n'en avoir pas
davantage à chaque cours , afin que les
II. Vol.
B v
expé1290
MERCURE DE FRANCE
expériences puissent être mieux vuës et ›
mieux entendues par ceux aux yeux desquels
on les expose.
LA PUISSANCE DE L'AMOUR
ODE
ANACREONTIQUE
Enfin la sagesse m'éclaire ;
Je n'offrirai plus à Cypris ,
Un encens qui n'a pour
Qu'infidelités ou mépris.
salaire
Tel est à peu près le langage ,
Que je tenois contre l'amour ;
Quand la Bergere qui m'engage ,
Parut dans son galant atour.

Quel port ? quel air ? et quelle grace ?
Tout en elle m'a désarmé :
Mon coeur que je croyois de glace
Ne fut jamais plus enflammé.

Dans un doux transport , je lui jure ,
De vivre à jamais sous sa loi ,
Avec tendresse ele m'assure ,
Qu'elle vivra toujours pour moi.
1
Elle a de notre amour extrême ,
II Vei
JUIN. 1734. T291
D'un baiser scelé les sermens ;
Les Dieux dans leur grandeur suprême ;
Goutent des plaisirs moins charmans.”

Envain une morale austere ,
Contre l'amour vient déclamer ;
Il n'est de mortel sur la terre ,
Qui ne céde au plaisir d'aimer.
Par M. de Sommevel.
雨ののね

DISCOURS CRITIQUE ,
sur l'état des Sciences dans l'étendue de
la Monarchie Françoise , sous Charlemagne.
L
"
Es Sciences ont leurs révolutions
aussi bien que les Empires , il est un
tems où elles sont florissantes ce tems
passé , elles ne font plus que languir ;
quelquefois elles se relevent et se soutiennent
avec assez d'honneur ; et quelquefois
aussi elles tombent pour ne se
relever jamais . Elles ont comme le Soleil
leurs solstices et leurs périodes ; elles
aiment à passer de climats en climats
et souvent après avoir éclairé quelques
IL. Vol.
B.vj
Con
و
1292 MERCURE DE FRANCE
contrées , elles se plongent , pour ainst
dire , dans l'abîme , et vont porter leurs
lumieres à des peuples nouveaux. Ainsi
après avoir autrefois parcouru les plus
belles régions de l'Orient où elles prirent
naissance , les vit- on passer dans la Grece
d'où elles se répandirent dans quelques
Provinces de l'Empire Romain ; et par
tout elles éprouverent des changemens
considérables er des alternatives , qui les
firent souvent paroître sous des faces differentes.
Quelle est la cause de ces révolutions a
est- ce l'influence des Astres ? la température
de l'air ou la qualité des esprits ,
dont nos corps sont animés et qui changent
avec les genérations et les aspects
du Soleil ? tout cela peut y contribuer :
mais tout cela n'explique pas d'une maniere
assez sensible la cause de ces fre
quentes vicissitudes ; il en est une plus
simple , et qui servira de baze à tout
ce que je dirai dans ce Discours . La
Science est attachée au gout des peuples
qui la cultivent , c'est le gout qui lui
donne sa qualité , son prix , son excellence
; or le gout se conforme toujours
au génie , le génie se regle ordinairement
sur les maximes , et les maximes changent
avec les circonstances des tems et
11. Vel. des
JUIN. 1734. 1293
des lieux. D'ailleurs , et c'est ici le point
capital , ce gout exquis , ce génie vaste
et sublime , si nécessaires à la perfection
des Sciences , sont des dons que le Ciel ne
répand pas toujours sur la terre , et qu'il
ne communique qu'à un petit nombre
d'hommes privilegiez .
En faut il davantage pour prouver
que la Science doit se ressentir de l'instabilité
propre à toutes les choses humaines
? C'est sur ce plan , que je vais exposer
aujourd'hui l'état où se trouvoient
les Sciences dans l'étendue de la Monarchie
Françoise au tems de Charlemagne .
Le gout pour lors étoit si corrompu , que
jamais on ne put le rectifier , le génie
tenoit beaucoup du barbare , et les maxime
n'avoient rien de noble ni de délicat.
Quel étoit donc l'état où se trouvoient
les Sciences ? Il ne pouvoit guere être
plus pitoyable. Je n'en veux point d'autres
preuves que ce qui nous reste de monumens
de ces tems qu'on peut dire
malheureux . Si ce que je dirai ne fait pas
beaucoup d'honneur au siécle de Charlemagne
, il en fera du moins à la verité ,
et c'est tout ce que je me proposé dans
ce Discours.
Depuis que les Gots, les Bourguignons.
et les Francs s'étoient établis dans les
11 Vol.
Gall
1294 MERCURE DE FRANCE
Gaules , la ferocité de ces peuples barbares
s'étoit communiquée aux naturels du
pays,qui ne firentplus avec leurs nouveaux
maîtres , qu'une même et seule nation .
Nos Gaulois changerent de maximes en
changeant de Souverains , la douceur de
leur génie s'altéra bien - tôt , et du mélange
qui se fit de leur sang avec le -sang
Germanique se forma un génie singulier
plus barbare que poli ; les travaux Militaires
qui furent assez long - tems leur
principal exercice , firent disparoître avec
le peu de politesse qu'on avoit puisé dans
le commerce des Romains , le gout des
Sciences et l'amour de l'étude ; on ne
suspendit ces travaux que pour se jetter
dais le sein de la mollesse ; les esprits
incultes n'étant animez d'aucun noble
motif s'énerverent bien- tôt , et l'on se
plongea dans un assoupissement si profond
, qu'il n'y eut que les désordres affreux
dont les Sarazins d'Espagne inondérent
la France sous Charles Martel et sous
Pepin qui pussent les reveiller ; le besoin
pressant et la necessité les animérent
plutôt qu'une noble émulation ; la gloire
avec tous ses appas ne pouvoit toucher
des hommes à demi barbares ; elle auroit
élevé les esprits en les polissant . On vôla
tout à coup aux armes , on se couvrit de
II. Val. sang
JUIN. 1734 1295
sang et de poussiere dans les champs de
Mars , et personne ou presque personne
ne songcoit à cultiver son esprit ; depuis
l'embouchure du Rhône , jusques à celle
du Rhin , des Alpes aux Pirenées , à peine
pouvoit- on trouver quelques vestiges des
Sciences ; il n'en étoit pas même resté la
moindre trace dans ces belles Provinces
( a ) si fécondes autrefois en Sçavans
Hommes.
"
L'Eglise depuis très-long- tems leur
avoit servi d'azile les Ministres des
Autels étoient devenus les dépositaires
de ces précieux Trésors : mais cette Eglise
étoit elle-même entierement défigurée ;
tout le Clergé croupissoit dans la plus
profonde ignorance. Qu'il me soit permis
d'exposer en peu de mots la triste.
situation où se trouvoit l'Ordre de l'Etat
le plus Saint et le plus éclairé.. Les Chanoines
suivant la regle de Grodegang
leur Réformateur n'étoient obligez qu'à
chanter les louanges de Dieu , et le reste
de leur tems ils devoient le donner au
travail de leurs mains ; c'étoit toute l'occupation
des plus réguliers ; la regle
n'exigeoit rien davantage , et tout nous
porte à croire qu'ils se renfermoient étroitement
dans les bornes de leurs obliga-
( a ) Ly Gaule Aquitanique et la Lyonnoise..
II. Vol. tions.
1296 MERCURE DE FRA CE
tions. Les Moines malgré le premier esprit
de leur Institut , avoient presque
toujours fait profession de cultiver les
Sciences ; ils s'étoient sur ce point conformez
en Occident à la sage pratique
des Orientaux , et leurs maisons étoient
devenuës les Séminaires où se formoient
les plus Saints et les plus Sçavans Ministres
de l'Eglise : mais depuis près d'un
siécle ces saintes retraites étoient , sur
tout en France , le centre de l'oisiveté.
Les Moines loin de s'enrichir des dépoüilles
des Peres , dont ils étoient les
possesseurs , se contentoient de les sçavoir
lire et copier , les plus éclairez parvenoient
jusqu'à les comprendre , aucun
n'osoit prendre l'essor ni marcher sur les
traces de ces grands Modéles ; le respect
m'empêche de parler de l'Episcopat destiné
particulierement à éclairer les peuples
; les Capitulaires de Charlemagne ,
et les Actes des Conciles Provinciaux qui
se tinrent dans ces tems - là ne publient
que trop la honte de ce Corps respectable.
Pour tout dire en deux mots , le sel
de la terre avoit perdu sa force , l'or
s'étoit obscurci , les horreurs de la guerre,
et la mollesse avoient , comme à l'envi ,
porté la désolation dans l'Etat , la corruption
dans les moeurs , et la grossiereté
II. Vol. dars
JUIN 1734. 1297
dans les esprits. Achevons de mettre ce
tableau dans tout son jour . Deux ou trois
traits des plus marquez lui donneront
cet air de ressemblance dont il a besoin
pour être veritable...
Les beaux Arts sont , comme tout le
monde sçait , une partie essentielle de la
Science, ils en sont la baze et l'ornement.
Ces Arts, fondés sur la nature , mais que
la nature n'apprend pas , étoient presque
entierement ignorés ; on ne les enseigna
dans aucun endroit du Royaume avant
Charlemagne , dit une ancienne Cronique
des Rois de France . Ante ipsum enim
Dominum Regem Carolum in Gallia nullibi
studiumfuerat liberalium Artium . Appuions.
un témoignage si fort et si décisif des
preuves les plus autentiques ; elles sont
tirées des ordres réïterés du Prince pour
l'établissement des Ecoles ; je vais les
exposer simplement telles qu'on les lit
dans le Receuil des Conciles de France.
Charlemagne au retour de son troisiéme
Voyage d'Italie l'an787, par une( 1 ) Lettre
circulaire adressée à tous les Evêques et
aux Abbez ( Lettre que je voudrois pou-.
voir rapporter ici toute entiere , mais
que je me contenterai de citer plus d'une
fois ) leur recommande d'établir dans
( 1 ) Tome 2. Conc. Gall. p. 32 .
II. Vol. des
1298 MERCURE DE FRANCE
leurs Chapitres et dans leurs Monasteres
des Ecoles où l'on forme la jeunesse à
l'Etude des Lettres et à la pięté . Et par
le Capitulaire soixante - douzième d'Aixla
Chapelle , il veut que dans ces mêmes
maisons on apprenne aux jeunes gens à
lire , à psalmodier , à écrire , à compter ,
et les regles de la Grammaire. Ut scola
Legentium puerorum fiant psalmos * notas
computum , Grammaticam , per singula Monasteria
et Episcopia discant . Les Conciles
Provinciaux qui se tinrent sous ce même
*
* Notas. Je crois qu'il faut entendre ce terme
de l'Ecriture , pour deux raisons . 1º . Parce qu'il
s'agit dans cet endroit de ce qu'il faut apprendre à
la jeunesse ; il est fait mention de la lecture , de
la psalmodie ou du chant , de la Grammaire ;
pourquoi auroit -on obmis l'Ecriture également nécessaire
à la jeunesse . 2. Ces caractéres nets et
distincts, qui sans jamais changer, diversifient par
leur mélange les differens objets qu'ils représentent,
n'étoient pas alors fort en usage ; ils n'étoient connus
que des Sçavans ; Charlemagne lui- même, si
nous en croyons Eginard, n'apprit que très tard et
presque sans succès à les former. Tentabat scribere .
sed parum prosperè successit labor præposterus
ac sero inchoatus. L'Ecriture commune consistoit
dans de grands traits informes , arbitraires pour la
plupart , et sujets au changement. C'est ce qui paroit
par les anciennes Chartres et par quelques monumens
lapidaires et metalliques , qui sont parvenus
jusqu'à nous sur quoi on peut consulter la Diplo
matique du P. Mabillon .
II Vol.
EmJUIN.
1734. 1299
Empereur, les s'expliquent à peu près dans
les mêmes termes. Les Arts qui sont la
partie des Sciences la plus simple et la
plus facile , n'étoient donc pas enseignési
et par une suite nécessaire , ils étoient
ignorez d'une nation qui n'avoit ni disposition
pour s'y former de soi- même ,
ni la volonté de les apprendre. Que devons-
nous penser des hautes Sciences ,
des Sciences abstraites et difficiles , si celles
qui sont plus aisées , cellesqui sont la baze,
n'étoient pas connus , Encore un nouveau
trait; il achevera de mettre ce que nous
venons de dire dans la derniere évidence.
Les Langues sont l'instrument general
des Sciences , l'organe de l'esprit , l'image
de la pensée , l'interprete du goût , et
le theatre où le genie se développe . La
Langue Teutonique , rude et grossiere
étoit celle de nos nouveaux Maîtres , conforme
à leur genie ; elle n'a rien de cette
douceur ni de cette politesse que demandent
les Sciences. La Grecque ,harmonieuse
, douce et énergique ne me paroît pas
avoir été bien connue au Sçavant Alcuin ,
et j'ai peine à croire sur le seul témoignage
d'Eginard , Charlemagne lait
jamais bien comprise ; toutes les apparencescombattent
l'un et l'autre fair.La Langue
Latine avoit été long - tems dominan-
11. Vol. tc
100 MERCURE DE FRANCE
te dans les Gaules , les Francs l'avoient
adoptée pour les Actes publics ; elle étoit
sur tout destinée aux Ouvrages d'esprit:
mais cette Langue si noble , si polie étoit
devenue la proye du barbarisme , le genie
et le tour de la Teutonique s'étoient glissés
dans l'idiome Romain , et de ce lliage
s'étoit formé un langage dur , sans
cadence , sans pureté , sans ortographe
Il falloit, sans doute, qu'il fut défectueux
au suprême dégré pour blesser les oreilles
de Charlemagne , que l'on ne peut pas
dire avoir été trop délicates.
Ecoutons ce Prince parler dans la Lettre
que nous avons déja citée aux Evêques
et Abbés , c'est -à - dire, aux plus Sçavans
hommes de son Royaume. J'ai reconnu
, leur dit- il , dans la plûpart des
Ecrits que vous m'avez envoyés assez de
justesse dans les sentimens , et beaucoup de
grossiereté dans le langage; et j'ai compris
que pour avoir négligé de vous instruire
Vous avez peine à exprimer les pieus
reflexions que vous avez puisées dans
Meditation . Ce ne fut qu'avec le
>
* Cognovimus in plerisque prafatis conscript
bus vestris eorumdem et sensus rectos et serr.
incultos , quia quod pia devotio interius fidelite
tabat , hoc exterius propter negligentiam dis
lingua inerudita exprimere sine reprehensi: •
alebat.
JUIN. 1734. 1301
cours des Maîtres de Grammaire qui vinrent
d'Italie , qu'on épura la Langue
Latine , et qu'on en banit les expressions
Teutoniques dont elle étoit infectée;
elles se refugierent dans le Romain ou Latin
vulgaire , qui s'étant peu à peu purifié
et poli est devenu depuis une des plus
belle Langue du monde. Mais on ne
réussit pas à rendre à la Langue Latine sa
beauté naturelle , on exprima toujours
grossierement ce que l'on pensoit sans
délicatesse . Il est inutile d'entrer dans un
plus long détail ; ce que nous avons dit
est plus que suffisant pour prouver combien
étoit triste la situation des Sciences
quand Charlemagne entreprit de les rétatablir.
Voyons comment il s'y prit , quels
Maîtres il employa pour seconder son
dessein , quel en fut les succès.
Charles , surnommé le Grand, pour ses
grandes qualités encore plus que pour ses
grandes actions , fut un de ces hommes
rares , que la Nature se plaît de tems en
tems à former et sur qui la fortune ou
pour parler plus juste , la Providence divine,
répand ses faveurs avec complaisan
ce ; genie superieur , hardi , ferme , pénétrant
, il ne lui manqua du côté de l'esprit
que ce que son siecle ne pouvoit lui
donner , je veux dire la politesse et le
II. Vol.
bon
`
1302 MERCURE DE FRANCE
bon goût. Les vertus qui font les veritables
Heros , sembloient nées avec lui ;
la magnanimité , la droiture , là prudence
, la bonté , la Religion faisoient son
caractere , et se déployoient dans toutes
ses actions ; Maître d'une partie considerable
de l'Europe , cheri particulierement
de ses Sujets, admiré de tout l'Univers ,
il songea encore à immortaliser son nom
en banissant l'ignorance de ses Etats ; entreprise
glorieuse et digne du plus grand
Prince qui fût alors au monde , elle auroit
eu, sans doute,un succès entier et par-
' fait , si le mauvais goût n'eût infecté les
Maîtres aussi bien que les Disciples . Il se
presenta des obstacles presques insurmontables
, il ne s'en rebuta pas , il eut recours
à sa prudence, et rien n'étoit au-dessus de
ses lumieres. Non content d'animer ses
Peuples par son exemple et par ses bienfaits
, il se servit encore de son autorité
pour engager ceux qui par leur profession
devoient avoir quelque teinture de Scien-'
ces à les cultiver , et à en faire pare au ;
reste de ses Sujets . Mais comment trouver
dans toute la France des Maîtres capables
de former la jeunesse ? L'ignorance
, la grossiereté avoient , comme nous
avons dit , pénétré jusques dans le Sanctuaire
, les moins ignorans étoient les
II. Vol. seuls
JUI N. 1734 1303
seuls qui pussent passer pour Sçavans ,
Charlemagne y pourvoit , et pour suppléer
àlce deffaut il rassemble de toute
l'Europe ce qu'il pût trouver d'hommes
versés dans les Sciences ; il fait venir d'Italiele
PoëteThéodulphe , Pierre de Pise ,
Grammairien ; Paul Diacre , fameux Historiographe
, le Fape: Adrien lui envoye
deux Maîtres de Chant , deux Antiphoniers
et les sept Arts Liberaux , comme
dit Eginard. Mais de tous les Ecrivains
qu'il reçût dans ses Etats il n'en est aucun
qui puisse être comparé au Sçavant Alcuin
, Anglois de naissance et Saxon d'origine.
Alcuin étoit un de ces Sçavans qui
remplacent par la multitude de leurs connoissances
ce qui leur manque de perfection
et de singularité dans le genie , Grammairien
, Poëte , Rheteur , Dialecticien ,
Historiographe , Astronome , Théologien
, il fut l'oracle de son siecle , et il
merita de l'être ; ce fut lui qui inspira l'amour
des Lettres aux François , et qui
contribua plus que personne à répandre
ces semences précieuses , qui commencerent
bientôt à fructifier. La Cour fut le
premiet théatre où il parut , et il eut la
gloire de voir le Souverain et les Princesses
ses Filles au nombre de ses Disciples.
II. Vol. A
1304 MERCURE DE FRANCE
A leur exemple toute la France pleine
d'admiration pour son merite , conçût
de l'amour pour l'étude , et tâcha de profiter
de ses lumieres ; mais ce vaste genie
n'eut ni assez de force , ni assez de sublimité
pour s'élever au dessus du mauvais
goût de son siecle , il s'y laissa malheureusement
entraîner , il y entretint ses
éleves et par cette raison seule il laissa
son Ouvrage imparfait. Pour le connoître
il ne faut que jetter les yeux sur ses Ecrits,
il s'y est peint lui -même on voit par
tout un esprit fécond , mais âpre et diffùs ,
une grande étendue de connoissances , et
peu

de critiques , plus de subtilité que
de politesse ; son stile n'est assaisonné
d'aucun de ces traits nobles, vifs , et déli→
cats , qui élevent l'esprit et qui le frappent
par l'éclat de leurs lumieres ; il ins
truit sans persuader , il convainc sans
plaire ; le travail paroît en lui avoir surpassé
la nature , et l'art qui le forma
étoit lui même imparfait. On ne sçauroit
cependant lui refuser la loüange qu'il
mérite , d'avoir été par l'étendue de son
sçavoir le Photius des Latins ; moins
poli , moins chatié , moins profond que
le Patriarche Grec il le surpasse de
beaucoup par les belles qualitez qui font
l'honnête homme et par les vertus solides,
II. Vol, .qui
JUIN. 1734 1305
qui font le véritable Chrétien . Ce grand
Personnage après avoir suivi la Cour
pendant quelques années , se retira enfin
à Tours auprès du tombeau de Saint
Martin ; mais cette retraite ne fut pas
lui un lieu de repos ,
pour
il n'enfouit
pas dans une honteuse oisiveté les talens
qui l'avoient fait briller ; il sçavoit ce
qu'il devoir à Dieu et à l'Etat ainsi rapellant
dans cet aimable séjour ce qu'il·
avoit de connoissances , il s'appliqua de
nouveau à former des éleves qui se dispersant
dans plusieurs Monasteres de
T'Empire François , renouvellérent les
Sciences, et répandirent par tout l'esprit
de leur Maître
Je n'entreprens pas de refuter ici l'opinion
de quelques ( a ) Auteurs , qui ont
prétendu qu'Alcuin avoit jetté les fondemens
de l'Université de Paris , devenuë
depuis si fameuse dans toute l'Europe
le silence des Ectivains de ces tems - là
suffit pour en démontrer la fausseté . Ce
qu'il y a de certain , c'est que ce fut à
Tours , à Saint Denis en France , à Corbie
, à Fulde , à Richenou , et dans quelques
autres Monasteres , que l'on commença
dès- lors à enseigner les hautes
Sciences ; on y enseigna aussi Is beaux
( a ) Raban, Simeon, Sigulphe, Amalarius ¿e.
II. Vol. C Arts
1308 MERCURE DE FRANCE
,
Arts , et les Ecoles établies dans chaque
Diocèse conformément aux Statuts des
Conciles Provinciaux , et aux Capitulaires
de Charlemagne concourant à la
même fin ; on vit bien- tôt les Sciences
prendre une face nouvelle dans toute la
Monarchie Françoise. Mais quel en fut
le progrès à quel degré de perfection
arrivérent elles ? c'est ce qui nous restę
à examiner.
?
La suite pour le Mercure prochain.
********:: *******
REMERCIMENT de M. de
Claville à M. de Boissé
Q
MADRIGAL.
Uand dans vos amusements ,
Vous prétez des agreinents
A mon Traité du mérite ?
J'aime fort votre cau benite ,
Plus encor vos sentiments.
Mais , Boissé , votre suffrage ;
En honorant mon ouvrage ,
Lui fait perdre son crédit ;
Quand j'écrirois mieux qu'un autre,
Peut on gouter mon esprit ,
Dès qu'on a connu le votre.
II. Vol. SEJUIN.
1307
1734.
SECOND Remerciment de M. de
Claville à M. de Boissé.
C'Est 'Est trop revenir à la charge ,
Vous me louez en long, vous me loüez en large ;
Votre Monsieur Purgon sera donc bien content,
Si je prends vos douceurs pour de l'argent
comptant. "
Mais il faut avec vous que mon coeur se dé
charge ,
Je les avale en tremblotant ;
Je crains trop l'orgueil ; et partant
Je mettrai, s'il vous plaît, mes deffauts à la marge.
Ah ! je n'ai que trop combatu ;
Tant de parfum de fraîche date ,
Rappelle à mon esprit ce Vers de Tiridate ;
Il est comme à la vie un terme à la vertu ,
tendresse
Vous m'encensez par politesse ;
J'aimerois bien autant que ce fut par
En ce cas nous verrions beau jeu .
Aujourd'hui tout n'est que grimace ;
Quand l'esprit paroît tout de feu ,
Souvent le coeur est tout de glace.
Boissé , je vous crois franc , incapable de fard
J'ai donc à votre estime une petite part ;
Il faut que je vous dédommage ,
Mais vous ferai je un étalage
D'inutiles désirs et de voeux impuissants ?
II Vol C ij HA
1308 MERCURE DE FRANCE
Hé ! vous avez tout en partage,
Un autre point me décourage ;
Quand vous me chatouillez par de si doux accent
Je ne puis démêler dans tout ce que je sens ,
Ce qui me flate davantage ,
De l'Encensoir ou de l'encens.
*****.***: ***************
DERNIERE PARTIE de la
comparaison des Philosophies de Descartes
J
et de Newton .
E ne puis justifier deux excès ( Cartes . Prin
cip. part. 4. ) de la Philosophie de Descartes &
le premier , d'avoir poussé trop loin les effet de
ses corpuscules ; comme d'émouvoir l'imagination
de ceux qui dorment , ou même qui sont
éveillez , en excitant des pensées qui avertissent
des évenemens les pius éloignez , en faisant ressentir
les grandes afflictions, ou les joyes fort vives
d'un intime ami , les mauvais desseins d'un
ennemi , et autres choses semblables . Le second
d'avoir attribué à ses principes une certitude ,
non- seulement morale, comme celle de l'existence
d'une Ville de Rome mais une certitude métaphysique,
fondée sur ce que les notions claires et distinctes
ne peuvent nous tromper . Il est vrai que
j'ai des notions claires et distinctes du systême de
Descartes , mais comme d'une hypothese ingénieuse
et brillante , et non comme d'une réalité .
Descartes a mal raisonné ( Princip. part. 2. )
pour prouver l'infinité du Monde. En quelque
endroit, dit- il , que nous puissions supposer les li
mites de l'Univers , nous imaginons encore au-delà
II. Val des
JUIN. 174. 1309
des espaces , et par conséquent de la matiere , puis
que l'idée de l'étendue ou de l'espace renferme né
cessairement l'idée de la matiere . La réponse est
qu'au - delà des bornes du Monde materiel , il n'y
a ni espace , ni étenduë , ni matiere. A la verité,
nous ne pouvons pas connoître où sont placées
ces bornes de l'Univers , mais nous concevons
très-clairement que l'Univers ne peut être sans
limites ;et comme il est extensible de plus en plus
à l'infini , il ne peut être étendu actuellement à
l'infiai.
Cette regle de mouvement posée par Descartes
Princip. part. 2. ) qu'un corps perd autant de son
mouvement , qu'il en communique , me paroît
insoutenable. Le P. Daniel l'a réfutée ( Voyag. du
Monde de Descart. ) par l'exemple suivant. Une
balle de Mousquet perd peu de mouvement et en
communique beaucoup à l'aîle d'un mouliner
qu'elle frappe , si les autres aîles sont égales , et
Pessieu poli et bien proportionné , au lieu qu'elle
en communique peu et en perd beaucoup , si les
aîles du moulinet sont inégales et l'essieu rouillé
ou trop gros. Il me semble très - vrai semblable
et très-conforme aux experiences , d'établir pour
principe que le mouvement se communiqué suivant
la disposition des corps à se mouvoir à peu
près comme le feu , lequel étant très- foible, cause
de grands embrasemens dans une matiere fort
combustible , au lieu qu'un feu très - ardent ne
fait qu'une médiocre impression sur les matieres .
qui n'ont que très-peu de disposition à s'enflammer
et cette analogie du mouvement et du feu
est d'autant plus naturelle , que le feu consiste
dans le mouvement.
Je ne donne pas une grande confiance à cet autre
axiôme de Descartes ( Princip . part. 2. ) qu'il
II. Vol C iij
1310 MERCURE DE FRANCE
a dans le monde une quantité de mouvement
toujours égale . A la verité , il n'est pas impossi
ble que cela soit ainsi , mais la preuve quil en
apporte , n'a aucune force. Nous ne devons pas ,
dit - il , supposer de changement dans les Ouvrages
de Dieu , de peur de lui attribuer de l'inconstance.
Comme si la diversité admirable qui regne dans
la Nature , qui consiste , selon toutes les apparences
, dans l'augmentation ou dans la diminution
du mouvement , n'étoit pas l'effet d'une provi
dence toujours constante et uniforme , qui a vou
Ju orner la nature par cette varieté. La même
raison nous engageroit à dire qu'il y a toujours
dans le monde une égale quantité de rondeur ,
de couleur et de toutes les autres sortes de formes
et d'accidents ; ce qui n'a aucune vraisemblance.
L'analogie remarquée cy- dessus entre le
mouvement et le feu , est fort contraire à cer
axiome de Descartes ; car il n'est pas probable
que le feu doive diminuer dans une partie de la
matiere , pour augmenter dans une autre.
C'est encore une défectuosité dans le Systême
Cartésien , de supposer ( Princip . part 3. et 4. )
que la Terre , les autres Planetes , et même leurs
Satellites ont été dans leur origine , autant de
Soleils ou d'Etoiles ; mais que le mouvement s'étant
rallenti dans la matiere qui composoit ces
Globes , ils sont devenus opaques , de lumineux
qu'ils étoient ; que leur activité et leurs for,
ces ont été détruites , qu'ils se sont éteints et en
croutez , pour ainsi dire ; et que ne pouvant plus
défendre leurs tourbillons contre la pression des
tourbillons voisins , ils ont été assujettis à suivre
le mouvement de celui où ils sont entrez. Il est
plus digne de la magnificence de l'ouvrage , de
penser qu'il a été conservé tel , qu'il a été pro-
II. Vol. duit
JUIN. 1734: 1311
duit au commencement, qu'il s'est fait differents
amas de matiere compacte , et que ses particules
s'étant liées ensemble les Planetes en ont
été formées dans les régions où elles se sont
mises en équilibre avec les fluides de la matiere
étherée ; que ces Globes ont toujours été opaques
et propres seulement à refléchir la lumière,
parce que leur matiere a admis dans ses interstices
la matiere globuleuse du second élément ,
conjointement avec la matiere subtile du premier,
et que le mouvement rapide de l'une a été calmé
par l'autre , ce qui a empêché dès le commencement
que ces Globes n'ayent été enflammez er
lumineux par eux- mêmes , comme le Soleil.
Descartes , en suivant le même principe qui
lui a fait placer au centre la matiere subtile pour
en composer le Soleil ; ou plutôt en continuant
de s'écarter des principes de son mécanisme general
et des loix du mouvement , par lesquelles
il explique la pesanteur , dit que la matiere celeste
( Princip. part. 3. ) est plus déliée , à mesure
qu'elle approche du Soleil ou du centre , et que
les. Planetes les plus denses et les plus solides en
doivent être les plus éloignées . Il n'y a qu'à
prendre la contre- partie du Systême de Descartes
en ce point, pour lui rendre la régularité , la
justese et l'uniformité.
Il faut se représenter le Soleil comme le plus
vaste de tous les Globes , placé au centre du
tourbillon et composé de la matiere la plus compacte,
penetrée de la matiere subtile , qui remplissant
tous ses interstices , y domine avec assez
de force pour communiquer la rapidité de son
mouvement à toute la masse du Soleil . Ce qui
produit le feu le plus ardent , par la force de
masse jointe à la force de vitesse. Ce feu est en
› II. Vol. Ciiij même131
MERCURE DE FRANCE
même-temps le seul capable de porter le mou→
vement et la fécondité dans tout son tourbillon ,
et la lumiere beaucoup au delà , ainsi qu'il est nécessaire
pour qu'il puisse être apperçu des autres
tourbillons , sous la forme d'une Etoile.
De même que le fer rouge ou le charbon al→
lumé ne s'élancent pas dans l'air par un mouve
ment semblable à celui de la flamme , parce que
Pair qui les environne , conserve la force de sa
pression à l'égard de leurs parties , qui s'y prê–
tent d'autant plus , qu'elles ont plus de masse ou
de solidité , aussi la masse du Globe Solaire est
contenue dans ses limites par la répercussion de
son atmosphere qui le presse de toute part. Ce.
Globe suspendu dans un parfait équilibre , trèsdisposé
à tourner par le mouvement intrinséque
du troisiéme et du premier élement qui le composent
, est encore puissamment déterminé à
une révolution sur son axe , par la répercussion
qu'il éprouve dans toute sa superficie de la part
de son atmosphere, en même- temps qu'il chasse
de tous côtez la matiere globuleuse , et que ses
rayons sont transmis par elle. C'est cette activité
centrale qui fait tourner toutes les Planetes dans
des temps differens en suivant la route de l'écliptique
, du même sens et vers le même côté
que le Soleil tourne sur son axe . Chaque Planete
doit, suivant ce méchanisme , non - seulement décrire
autour du Soleil les orbites dont je viens de
parler , mais encore avoir une révolution sur son
axe , causée par le mouvement intrinseque des
trois élemens qui la composent , et par le mouvement
exterieur du fluide ou de l'atmosphere
qui l'emporte autour du centre commun.
Les taches du Soleil , par leurs divers aspects,
me laissent aucun doute qu'il ne tourne sur son
11. Vol.
axo.
JUIN. 1734 1313
axe. C'est donc ce premier mobile , qui par sa
révolution imprime à tout son tourbillon un
mouvement du même côté ; sçavoir , du Couchant
par le Midy vers l'Orient. Les taches que
les Astronomes observent sur les Planetes , font
conjecturer , avec beaucoup de vrai- semblance ,
que leurs superficies plus denses en certains endroits
et plus rares dans d'autres , sont , en consequence
de cette inégalité,differeminent affectées
de l'impulsion des rayons solaires ; ce qui peut
être regardé comine un principe très- physique
des aphélies et périhélies des Planetes , de l'apogée
et du périgée de la Lune , et de sa latitude
des deux côtez de ses nouds.
Le premier éleinent s'insinue par tout , mais il
ne subsiste point seul , et il se convertit en parties
globuleuses du second élement , ou en parties
branchues du troisiéme . Ainsi aucun des trois
élemens ne peut être épuisé , parce que leur conversibilité
mutuelle répare tout ce qui se dissipe.
L'uniformité de la Nature nous fait conjecturer
que ce qui nous est connu dans le tourbillon de
notre Soleil , est semblable par la construction ,
par le mouvement et par les Phénomenes , à ce
qui se passe dans les tourbillons des Etoiles ou
des autres Soleils garnis de leurs Planetes , comme
le nôtre .
Il nous reste à examiner les difficultez qui
concernent la pesanteur. Descartes l'explique par
l'impulsion du fluide ou de la matiere éthérée.
La chute des corps ne peut venir de ce que
Patmosphere terrestre ( M. Privat de Molieres ,
leçon 4. ) circule plus vite que la Terre . Huguens
a crá que cette atmosphere alloit dix sept fois
plus vite que le Globe , Si cet excès de vêtesse du
fluide circulaire étoit la cause de la pesanteur ,
la chute des corps seroit horizontale , au lieu
II. Vol. Cv d'être
1314 MERCURE DE FRANCE
d'être perpendiculaire. Dailleurs il est très- cer
tain qu'un mobile entraîné par le courant d'un
fluide , doit , à la longue , aller à peu près aussi
vite que le courant qui l'entraîne.
L'explication Cartesienne de la pesanteur a été
attaquée par cette objection très- forte , que les
cercles décrits par le fluide circulaire diminuant
toujours depuis l'équateur jusqu'aux poles , la
force centrifuge , rapportée au mouvement
circulaire du tourbillon , auroit des centres
differens dans les cercles inégaux , et que les
corps y seroient repoussez , non pas perpendicu
lairement au centre de la Terre , mais à des parties
de son axe plus ou moins éloignées du centre
; ce qui est contraire à l'experience , la chute
des corps se faisant toujours dans la ligne du
Zénit , à moins qu'il ne survienne quelque cause
étrangere. Descartes, qui a prévû cette objection ,
a répondu ( Princip. part. 4. ) que quoique le
fluide qui participe aux mouvemens journalier
et annuel de la Terre , ait en general un mouvement
circulaire , on doit neanmoins concevoir
que toutes les parties de ce fluide se balancent et
sont opposées l'une à l'autre , en telle sorte que
leur action s'étend vers tous les côtez et que la
résistance qu'elle éprouve de la part du Globe ,
donne parmi ces mouvemens en tous sens , une
principale direction aux parties du fluide , suivant
des lignes droites tirées du centre . Cette solution
de Descartes n'est pas claire , il ne dit
point de quelle maniere cette résistance de la
part du Globe peut faire tomber les corps massifs
perpendiculairement au centre. Voicy une bypothese
qui me paroît lever la difficulté.
Suivant les loix du mouvement , la matiere
globuleuse et la matiere subtile , qui ont beaucoup
plus de force centrifuge que le troisiéme
II. Vole élement
JUIN. 1734. -1315
Element , s'élancent en tout sens par des lignes
droites ; et au milieu du fluide , dont la révolu
tion en general est circulaire , une grande quantité
de matiere globuleuse et subtile , conserve
toujours un mouvement direct , autant que les
interstices du troisiéme élement peuvent le permettre;
car l'impenetrabilité est une propriété
de la matiere dans tous les Systêmes. La matiere
subtile traverse même les tourbillons par un
mouvement en ligne directe , avec encore plus de
facilité ( Act. erud. Lips. May 1690. P. 232. ) que
la matiere globaleuse qui passe necessairement
d'un tourbillon dans un autre, pour que les Etoiles
ou les Soleils des autres tourbillons puissent
être apperçus de celui où nous sommes . Ce sont
ces mouvemens en ligne droite des matieres globuleuse
et subtile , qui obligent les corps solides
de tomber à plomb et perpendiculairement au
centre de la Terre . Car ces élemens , qui ont
beaucoup plus de mobilité , venant à se traver .
ser et étant opposez en tout sens , ils obligent les
corps solides qu'ils rencontrent de se précipiter
par le côté le plus foible , qui est toujours perpendiculaire
au Clobe , parce que c'est le côté
par où il arrive une beaucoup moindre quantité
de ces matieres globuleuse et subtile . C'est ainsi
que tout l'effort de la poudre à canon se fait par
l'endroit qu'elle trouve le plus foible . Si les trois
élemens qui composent la matiere ethérée ont
differens mouvemens dans cette hypothese , cette
diversité procede des loix même du mouvement.
La pesanteur (M. Privat de Molieres, leçon 4. )
ne consiste qu'en ce que les corps pesants ont
un plus grand nombre de leurs parties en repos,
Le centre n'est point par lui - même une cause
physique . Le nom de force centrifuge ne laisse
pas d'être fort convenable à une plus grande mo-
II. Vol. C vi bilité
1316 MERCURE DE FRANCE
bilité ; car quoiqu'elle soit indépendante du cen
tre , la matiere la plus mobile repousse vers lui
les corps solides.
Bien loin que la force accélératrice doive être
moindre en raison inverse des quarrez des dis
tances , elle doit être plus grande dans les couches
voisines de la circonference , parce que ces
couches sont bien plus rarefiées et qu'une maticre
qui a beaucoup plus de mobilité , y abonde
davantage , tandis que les couches inferieures ou
voisines du centre sont beaucoup plus denses.
Suivant ces principes , l'atmosphere voisine du
Soleil doit etre ( Hartsoëk . rec . de piéc Physiq.
p. 37. ) un fluide plus épais que le vif argent , et
les autres couches du tourbillon à proportion.
Ainsi un corps doit se précipiter avec moins de
vîtesse dans les couches inferieures près du centre
, de même que les experiences journalieres
nous apprennent qu'il se précipite avec beaucoup
moins de vitesse dans l'air grossier que dans le
vuide pneumatique ; beaucoup moins vite dans
l'eau que dans un air grossier ; et si l'on suppose
des fluides extremement épais , comme le vif
argent ou l'or fondu , un corps a besoin d'une
très- grande force pour les traverser.
Quoiqu'un fluide plus dense diminue beaucoup
la force accelerative dans la chute des corps , les
Globes des Planetes doivent y circuler plus vîte ,
comme il arrive dans le périhélie , parce que plus
le fluide est épais , plus son mouvement circulaire
a de force, et que d'ailleurs les Globes des
Planetes , dans leurs périhélies , reçoivent une
impression plus active des rayons du Soleil .
On ne peut rien déterminer sur les forces acceleratives
, soit à cause de cette extrême cifference
des fluides, soit parce qu'il est très - incertain
( Elem. de la Géoné . de l'.nfin. part. 2. §. 8. ) si
II. Vol. ja
JUIN. 1734 1317
la force motrice ne s'applique au corps qui doit
être mû, qu'autant de temps précisement qu'il
en faut pour le choc , ou si cette force s'applique
continuellement au corps , le poursuit dans son
mouvement et renouvelle à chaque instant son
impression sur iui. Il paroît que dans le premier
instant , où la force motrice trouve le corps en
repos eului donne un coup , elle doit lui imprimer
une plus grande vitesse que dans le second
instant , où elle le trouve fuyant devant elle et se
dérobant à son action , C'est neanmoins sur les
principes d'une résistance toujours semblable du
Auide , et d'une acceleration du mouvement uniforme
et toujours proportionnée au temps , qu'est
appuyée la celebre démonstration de Galilée, que
les espaces parcourus sont comme les quarrez des
temps et que la chute des corps graves suit la progression
des nombres impairs , 1. 3. 5.7. 9. &c.
Comine on ne peut sçavoir rien de positif ni de la
qualité des fluides éloignez , ni de la maniere dons
la force motrice continue d'agir sur le corps dont
la chute est commencée , la prétendue démoustration
ne peut avoir de solidité .
J'avoue que plusieurs de ces hypothèses s'accordent
peu avec celles qui ont eu cours jusqu'icy
dans les differens Systêmes . Mais elles
sont vrai - semblables et satisfont à toutes les difficultez
par lesquelles on s'est efforcé de détruire
le Systême de Descartes , qui donne seul des causes
vraiment physiques de tous les Phénomenes ;
qui a l'avantage de présenter l'idée la plus magnifique
de la construction de l'univers , et dont
on peut dire , ce me semble , que non - seulement
il mérite la préférence sur toutes les autres Philosophies
, mais qu'aucune n'est à portée de la
lui disputer. Il y auroit plusieurs réfléxions à
II. Vol. faire
1318 MERCURE DE FRANCE
faire sur les autres parties de la Philosophie de
Descartes , sur sa Métaphysique , sur sa Morale
&c. Mais nous ne nous sommes proposez que
d'examiner son Systême de Physique , et dans la
vûë seulement de le comparer avec la Philosophie
Newtonienne ; car Descartes a encore cer
avantage sur Newton , d'avoir embrassé une Philosophie
generale , au lieu que Newton a borné
la sienne à une explication du Systême du Monde
par l'attraction , et à une Optique qui est res
tée imparfaite.
PARAPHRASE
Sur l'Oraison de Jeremic , chap. V.
Recordare,Domine, quid acciderit nobis &c.
Toy qui lances sur nous les traits de ta jus-
Oy
tice ,
Puissant Dieu , souviens toi de ta bonté propice;
Et n'abandonne pas en ce funeste jour ,
Une Ville autrefois l'objet de ton amour:
Hélas ! fut- il jamais de douleurs plus ameres ,
Notre héritage passe en des mains étrangeres.
Le Ciel dont nous avons allumé le couroux
Nous frappe en même tems de ses plus rudes
coups.
Chassez de nos maisons , bannis de notre Ville ;
Dans nos besoins pressants , nous n'avons point
d'azile.
IIVol.
Dans
JUIN. 1734. 1319
"
Dans un mortel ennui chacun coule ses jours
L'orphelin délaissé cherche en vain du secours
Le Pere voit son fils plongé dans la tristesse ,
Sans pouvoir soulager la douleur qui le presse.
La veuve fond en pleurs , et réduite aux abois,
Appelle en soupirant la mort sourde à sa voix.
Redoublant nos travaux , ainsi que ses menaces
Un barbare vainqueur insulte à nos disgraces ,
Et par le dur refus de quelques gouttes d'eau ,
Précipite nos jours dans la nuit du tombeau :
Enfin pour subsister , le Nil sur son rivage
Nous voit tomber encor dans un rude esclavage;
Nos Peres ne sont plus , et leurs iniquitez ,
Nous font souffrir lesfmaux qu'ils avoient mérités
L'esclave devenu maître de toute chose ,
Nous force d'obéir aux loix qu'il nous impose ,
Et par surcroît de maux il n'est aucune main ,
Qui nous puisse tirer de ce joug inhumain.
Irons nous parcourir les vastes solitudes ?
Le Ciel nous y frapa de ces coups les plus rudes
Quand nos freres tombants sous le fer du vainqueur
,
Subirent de leur sort la derniere rigueur ;
C'en- est- fait de la faim ne pouvant nous deffen
dre ,
2'
Nos corps extenuez vont être mis en cendre :
Les femmes de Sion en ce jour malheureux ,
Oat éteint du Soldat les impudiques feux ,
Et par tout dans Juda , les filles désolées ,
II. Vol. Ele1320
MERCURE DE FRANCE
Elevent jusqu'au Ciel leurs clameurs redoublées,
Veux-tu, Peuple obstiné , par un cruel mépris ,,
Ferm er encor l'oreille aux maux que je prédis :
Si tu suis désormais le panchant qui t'entraîne ,
Ton espoir sera vain , et ta perte certaine ,
Préviens donc tes malheurs par un prompt re
pentir ,
Et le Ciel retiendra ses traits prêts à partir.
M. Blanc , Prêtre Licentié en Theol. Hebdom
de la Cathédrale de Nîmes.
***
REPLIQUE à la Réponse faite par
M. le Gendre de S. Aubin , dans le
Mercure d'Avril dernier , à l'objection
concernant le Flux et Reflux de la Mer;
inserée dans le Mercure de Mars dernier.
I
L suffit de voir à la tête de la Réponse
en question le nom de M. de S. Aubin
pour juger de sa solidité et de l'érudition
dont elle doit estre remplie. Cependant
il me permettra de dire qu'elle ne me
satisfait pas entierement , et que je crois
qu'elle n'est pas une solution pour ma
difficulté.
Il s'agit du mouvement annuel de
la Mer dont j'ai attaqué l'explication , cn
I. Vol.
dia
JUIN. 1734.
8327
disant que la Lune ne répondant pas à
un plus grand cercle de la Terre dans le
tems des Equinoxes , que dans celui des
Solstices , il ne doit pas y avoir de plus
grande Marée dans l'un que dans l'autre
cas .
La solution n'a pas paru difficile à
M. de S. Aubin , et pour le faire voir
il soutient que l'égalité de tous les grands
cercles d'une Sphere n'est d'aucune considération
dans l'espece présente , l'augmentation
du Flux dans les Equinoxes
étant causée par une pression plus perpendiculaire
, au lieu que dans les Solstices
la pression est fort indirecte , et ne
fait que glisser sur les Eaux.
. Il s'agit donc ici de sçavoir si la pres
sion est plus indirecte dans le tems des
Solstices dans celui des Equinoxes,
que
J'avoue d'abord qu'elle l'est fort dans le
tems des Solstices par rapport au plan
de l'Equateur , puisque , comme le remarque
M. de S. Aubin , elle fait un angle
fort aigu avec ce plan , mais je sou
tiens que cette pression n'est pas indirecte
par rapport au plan , où elle se trouve
quand elle répond à l'un des Tropiques,
puisqu'elle répond au centre de la terre ,
comme on en convient ce qui suffit
pour que la pression ne soit pas plus in
II. Vol.
directe
1322 MERCURE DE FRANCE
directe dans le tems des Solstices , que
dans celui des Equinoxes ; et pour qu'il
soit faux que cette pression ne fasse que
glisser sur les Eaux dans le tems des
Solstices , comme le dit l'Auteur de la
Réponse.
"
M. de S. Aubin dit de plus que les
Astronomes regardent la Terre non
comme un Globe exactement rond où
tous les cercles sont égaux , mais comme
un Ellypsoïde allongé vers les poles , ou
comme un Spheroïde rehaussé sur l'Equateur.
Le premier fait est en ma faveur
, puisque le cercle qu'on tirera d'un
Tropique à l'autre sera beaucoup plus
grand que l'Equateur , si la Terre est un
Ellypsoïde allongé : ainsi les Marées seront
même plus fortes dans le tems des
Solstices que dans celui des Equinoxes ,
ce qui est contraire aux observations. Le
second ne me seroit pas si favorable , mais
l'un et l'autre de ces faits sont fort incertains
et on attend pour en être éclairci
qu'on ait fait un voyage qu'on espere
faire l'année prochaine sous l'Equateur ;
ainsi je crois qu'il est inutile quant à
présent de raisonner sur des faits incertains
; je suivrai toujours , en attendanť ,
l'opinion commune que la Terre est un
corps à peu près rond .
de
II Vol. . Quant
JUIN. 1734 1323
Quant au dernier article où l'Auteur
veut établir un nouveau Systême , comme
il ne regarde pas ma difficulté , je me
dispenserai d'en parler ici.
Pour le Perialie dont parle M. de S. Aubin
dans sa Réponse , comme il est commun
aux Equinoxes et aux Solstices , et
qu'il peut arriver en tous tems , il ne fait
rien à l'état présent de la question .
REPONS E de M. Servin , à celle
de Mlle Malcrais de la Vigne , inserés
dans le Mercure de May dernier.
ALCRAIS > pour arriver à l'immar
Mtalité,
Tu commenças ton vol sur les rapides ailes
De tes charmantes Hyrondelles ;
Et dans cet ouvrage enchanté ,
Tu nous fis voir les vives étincelles
Da feu de la Divinité
Qui dispense ses dons aux neuf Soeurs immore
telles ,
Par qui le Pinde est habité :
Depuis , mille brillans ouvrages
T'ont acquis les justes suffrages.
Qu'on s'empresse de te donner
Comme un hommage légitime ;
II Vol.
1324 MERCURE DE FRANCE
Et le Dieu de la double cime ,
A pris soin de te couronner.
Cesse donc , trop aimable Fée ,
De dire que tu crains l'envie et les jalour
Avec tant de Lauriers et la Lyre d'Orphée ,
Tu dois rire de leur courroux.
Ne dis point que mes Vers serviront à ta gloire
C'est trop vanter de si foibles accens ;
Tu ne devras jamais qu'à tes rares talens ,
Le rang qu'on te destine au Temple de Mémoire.
X:XXXXX********* :*
REMARQUE sur ' Origine du Jubilé
de Lyon de la présente année 1734-
N
E
croyez pas , Monsieur , que je
veuille rien contester
sur le Jubilé
de Lyon de la présente année , sur lequel
il paroit un Livre nouveau
. J'ai attendu
pour répondre à votre question , que ce
Jubilé fur ouvert , afin que ni vous ni
ceux à qui vous ferez voir mes pensées ne
m'inputiez
point d'avoir voulu le combattre
ou en diminuer
le concours. J'ai
lû attentivement
le Livre imprimé sur
ce sujet chez Pierre Valfray. On y traite
la matiere dans toute l'étenduë
qu'elle
peut recevoir. Mais j'ai été surpris qu'on
II Vol. n'y
JUIN. 1734-
1325
n'y développât point ce qui peut avoir
fait naître cette dévotion . On bâtissoit
au milieu du quinziéme siécle le devant
de l'Eglise de S. Jean de Lyon . Il falloit
des sommes considérables pour achever
cet édifice. Il fut naturel de recourir
à Rome pour avoir des Indulgences en
forme de Jubilé . On put donc les obrenir
aisément l'an 1450. du Pape Nicolas
V. et si elles furent attachées à la Nativité
de S. Jean , c'est qu'alors on choisissoit
à dessein le tems des plus grands
jours de l'année , afin d'attirer des Pelerins
de plus loin . Or comme les Indulgences
Plenieres en forme de Jubilé
obtenues en 1450. pour l'Eglise de Lyon ,
eurent leur premiere exécution l'an 1451 .
auquels la S. Jean concouroit avec la
Fête- Dieu , les peuples crurent que cette
concurrence , qui est rare , étoit la cause
de l'indulgence , quoiqu'elle n'y eut in-
Alué en aucune maniere et il étoit d'autant
plus facile de se persuader cela , que
S. Jean- Baptiste est Patron de l'Eglise de
Lyon. Ce concours prodigieux arrivé en
1451. se divulgua ensuite dans leRoyaume
:les peres le racontérent à leurs enfants
sans oublier la circonstance de
Poccurrence des deux Fêtes , remarquée
par ceux qui avoient fait le voyage de
1 I. Vol. Lyon,
7326 MERCURE DE FRANCE
Lyon. C'est ce qui donna naissance à la
tradition , qu'on fit revivre en 1546..
lorsqu'il n'y restoit presque plus personne
qui eut vû la premiere solemnité
de 1451 .
Jubilé que
*
Comme ma coutume est de ne rien
aporter sans preuve , je vous ferai partde
la teneur d'une Bulle d'un semblable
le Roy Charles VIII. et sa
Soeur Anne de France obtinrent en 1485.
pour porter les Fidéles à contribuer au
rétablissement d'une Eglise Collégiale du
titre de S. Etienne. Ne vous imaginez
pas que ce fut à la S. Etienne d'Eté , encore
moins à celle d'Hyver que le concours
fut assigné par le Saint Pere , ce
fut à la S. Jean de même qu'à Lyon , et
ce concours devoit durer trois jours.
Omnibus et singulis utriusque sexus
Christi fidelibus verè pænitentibus et confessis
qui Ecclesiam predictam et quatuor altaria
in ea sita per dilectos filios Capitulum
ejusdem specificanda , annis singulis à primis
Vesperis diei Nativitatis S. Joannis
-Baptiste et inclusivè per duos sequentes
dies pro primo usque ad occasum solis devote
visitaverint , et ad præmissum pium ipsius
Ecclesia reparationis et instaurationis opus
manus porrexerint adjutrices , eamdem prorsus
et omnimodam plenariam anni Jubilei
II. Vel. IndulJUI
N. 1734 1327
Indulgentiam et peccatorum remissionem
quam consequerentur, si ad urbem intra annum
Jubilei hujusmodi cum contigerit illud
advenire , personaliter venirent , et Apostolorum
præ lictorum Basilicas ac Lateranensem
et Beata Maria Majoris ejusdem urbis
Ecclesias statutis ad id per predecessores
nostros Romanos Pontifices diebus de vote
visitarent , et alia caritatis et devotionis
opera pro ipsius anni Jubilei Indulgentia
consequenda exerceri solita exercerint , autoritate
Apostolicâ tenore præsentium concedimus
et largimur. Cela est suivi de la
clause pour le pouvoir des Confesseurs
et après le style ordinaire , est la limitation
du tems en ces termes : Presentibus
post triennium à data presentium computandis
minimè valituris.
Il ne vous sera pas difficile , Monsieur ,
de faire vos réflexions sur ce que je viens
de vous raporter , et d'en faire une application
aux Bulles qui ont dû exister pour
Lyon . Je ne sçai si l'Ecrivain de 1666.
ou celui de la présente année ont senti
qu'il pourroit y avoir eû une semblable
limitation dans les Bulles qui avoient
accordé le Jubilé de 1451. Au moins il
est visible qu'elles insistent fort sur la
nouvelle vigueur que le Pape Sixte IV.
leur a donnée en les confirmant ; et
11. Vol.
peut328
MERCURE DE FRANCE
peut- être avoient- elles besoin de cette
formalité.
que
En conséquence de cette confirmation
ou extension , il a été libre à un chacun
cette présente année 1734. d'aller profiter
de l'ouverture faite à Lyon des Trésors
de l'Eglise , et je ne doute pas que
le concours n'ait été encore plus grand
dans les années 1451. 1546. et 1666.
Ĉes sortes de cérémonies vont toujours
en augmentant . Vous en avez une preuve
toute recente dans ce qui vient d'arriver
à Orleans à l'Entrée du nouvel Evêque.
Le nombre des prisonniers délivrez n’alloit
autrefois qu'à cent ou deux cens
et maintenant il passe de beaucoup le
nombre de mille.
"
Quoique l'édifice de l'Eglise de S. Jean
de Lyon ne soit pas d'un entretien aussi
onereux que celui de Nôtre Dame de
Paris , Nôtre- Dame de Chartres , Nôtres
Dame de Reims ou de Roüen , il n'est
pas inutile
que dans chaque
siécle il y ait une année dans laquelle
les Fidéles
puissent
contribuer
comme
par honneur
, à l'entretien
du bâtiment
de cette Eglise
primatiale
des Gaules . Je dis dans chaque siécle en supposant
qu'on
ne touchera point à la réforme
du Calendrier
fite
sous Gregoire
XIII . selon laquelle
l'Au-
11 Vol. teur
JUIN 1734. 13:5
>
teur a préyû chaque année de cette concurrer.
ce jusqu'à - ce que nous ayons
atteint l'an trois mille depuis Jesus-
Christ. Car si on revenoit à l'ancien
calcul usité depuis Jesus - Christ jusqu'à
Gregoire XIII. on seroit quelquefois
247. ans sans voir cette concurrence ,
Au reste il n'y a rien à craindre de la
discussion que j'aurois souhaité qu'on
eut pû faire des Bulles primitives. Selon
le calcul usité aujourd'hui , la Fête- Dieu
n'arrivera le jour de Saint Jean , qu'en
l'an 1886. auquel tems il est sûr que
pas un de ceux qui lisent cette année ma
petite observation ne sera sur terre
très- probable qu'on ne songera guere
à examiner l'origine de la chose , dont
on sera encore plus éloigné de cent
cinquante ans , qu'on ne l'est aujour
d'hui.
A..... le 26 Juin 1734.
, et
XXX:XXXXXXXXX: XXX
PORTRAIT
De Mlle P ...
E Ntreprendre , Iris, ton Portrait ,
N'est-ce point être témeraire ,
JIVol.
a
D Puis1330
MERCURE DE FRANCE
Puisque te rendre trait pour trait ,
N'est pas une petite affaire▸
Toy , qui sçais le grand art de plaire ,
Amour , pour un objet si beau',
La vraye image de ta Mere ,
Anime et condui mon pinceau .
Déja je la vois , elle avance
D'un pas noble et majestueux ,
Et m'impose par sa présence
Un silence respectueux.
Mais bien- tôt ses levres vermeilles ,
Formant un souris gracieux ,
Vont apprêter à mes oreilles
Autant de plaisir qu'à mes yeux .
Tout ce que profere sa bouche ,
Est rempli de grace et d'esprit ;
Je sens dans tout ce qu'elle dit ,
Un je ne sçais quoi qui me touche ;
Son port , sa taille , son maintien ,
Tout me parle à son avantage ,
2
Et l'air doux dont elle prévient ,
Se trouve peint sur son visage.
Des traits dont l'Amour fait un jeu
Un teint, tout de Lys et de Roses ; "
Certains yeux vifs et pleins de feu ,
De ces yeux qui disent cent choses ,
Quand d'autres en disent si peu.
Mais parlons de son caractère ,
II. Vol.
Tout
JUIN. 1734
1334
Tout plein d'honneur et de vertu ;
Parlons du coeur le plus sincere
Que sur la Terre on ait connu .
Sa maxime est de toujours être
De l'humeur dont elle paroît ,
Et telle qu'on la voit paroître ,
C'est ainsi que toujours elle est.
Parmi tout ce qu'on lui voit faire ,
Elle mêle de l'agrément ,
Et par un certain enjoüement
Elle est toujours seure de plaire.
On n'en peut dire assez de bien ,
J'en dirois encore davantage ,
Mais cette Belle n'aime rien ,
Hélas ! n'est - ce pas grand dommage ?
***
D ....
1
QUESTIONS élementaires et pédagogiques
tirées du Livre intitulé : La
Biblio.heque des Enfans , &c. par
M.D. Auteur du Systême Typographique.
N". I. Es Parens ne laissent-ils pas trop
Llong- temps leurs enfans entre les
mains inhabi.es, et légitimement
suspectes
des
Domestiques
Et comment des gens , la plupart
sans éducation
, vicieux , ignorans et mercenai
res , peuvent-ils être chargez pendant si long-
II. Vol.
Dij temps
1332 MERCURE DE FRANCE
temps d'un pareil soin , à moins qu'ils ne soicue
éprouvez et assujettis selon la méthode des Classes
du Bureau Typographique ? D'où vient même
que tant de parens donnent à leurs chevaux ,
à leurs chiens et à leurs oyseaux , les soins et
l'attention qu'ils refusent à l'éducation de leurs
propres enfans ?
N°. 2. Les Domestiques et les Parens même
ne sont ils pas souvent le plus grand obstacle
que rencontre un bon Maître , dans le plan d'une
excellente éducation ? Et la difficulté de trouver
de bons Domestiques et de bons Maîtres en fait
de pédagogie , et sur tout pour enseigner selon
la Méthode du Bureau Typographique , ne prouve-
t'elle pas l'importance du choix que les Parens
doivent faire des Maîtres , bien loin de s'en
rapporter aveuglément à des témoignages suspects
?
N'. 3. Un grand Seigneur ne doit- il pas
chercher pour ses enfans un bon Précepteur laïque
et Philosophe , plutôt qu'un simple Latiniste
Théologien ? Et en voulant , par oeconomie , un-
Précepteur Aumônier , ne risque- t'on pas souvent
de manquer l'un pour avoir l'autre ? Et
d'où vient qu'aux dépens de l'éducation de l'Enfant
, on prodigue pour la danse , pour la musi
que , &c. l'argent qu'on ne donne qu'avec peine
pour l'institution et la formation de la premiere
enfance ?
No. 4. Que penser des Parens qui ne veulent
pas faire pour leurs enfans plus de dépense qu'on
en a fait pour eux- mêmes , et qui craignent
que leurs enfans trop tôt instruits , ne leur deviennent
à charge , ou qu'ils n'oublient trop vite
ce qu'ils auront appris si tôt ? La vie la
plus longue n'est- elle pas trop courte pour ac- II. Vol.
querir
JUIN. 1734 1333
querir quelque perfection dans le moindre des
Arts La diligence , la paresse ou l'indifference
des parens sur cet article , n'influent - elles point
sur la suite des études ? L'éducation donnée de
bonne heure , est- elle plus nuisible à la santé de
l'enfant , que l'indifference en fait d'instruction?
N°. s. L'éducation differée et que l'on peut
appeller tardive et paresseuse , a - t'elle quelque
avantage sur celle que l'on peut nommer au contraire
diligente et hâtée ? L'une ou l'autre suppose-
t'elle du danger pour les Enfans , et laquelle
des deux en a plus ou moins à tous égards ? A
quelque âge que ce soit , sont- ce les plaisirs ou
les études qui tuent , ou la maniere dont on s'y
livre Les amusemens cessent- ils d'être amusemens,
dès qu'ils sont instructifs ? Un Enfant manque-
t'il d'avertir quand les idées , les sensations
et les objets l'incommodent ?
N°. 6. Y a- t'il à craindre pour la santé d'un
Enfant , parce qu'il est enseigné de bonne heure,
quoiqu'avec autant de douceur et de facilité que
si on lui laissoit passer ses premieres années dans
l'ignorance ? L'ignorance et l'oisiveté promettent-
elles plus de vie et de santé aux enfans , que
la culture du corps et de l'esprit , proportionnée
à l'âge , aux forces et à la capacité de l'Enfant ,
selon la Méthode et le Systême du Bureau Typographique
Les idées basses , communes
fausses et populaires , sont- elles plus salutaires
un enfant , que les idées nobles , vrayes et instructives
? L'augmentation reglée des connoissances
est - elle nuisible par elle-même ? Et l'enfant le
plus négligé est - il un seul instant sans en acquerir
?
N°. 7. L'enfant le plus volontaire et le plus
gâté n'aquiert-il pas tous les jours , au hazard ,
Diij 社II. Vol.
de
1234 MERCURE DE FRANCE
de nouvelles idées , de nouvelles sensations et de
nouvelles connoissances à l'occasion des nouveaux
objets ? Et l'enfant peut - il augmenter ses
connoissances que par la curiosité , par l'attention
, par l'intelligence , par la memoire et à mesure
qu'il sent , qu'il voit et qu'il entendè L'enfant
même qui ne parle pas encore , n'est- il pas
affecté , occupé et souvent malgré lui accablé
d'idées et de sensations ? En un mot , l'enfance
vuide et affamée d'idées , n'en fait -elle pas unt
plus grande provision jour par jour, que l'hom
me le plus studieux ?
No. 8. Quand on veut redresser un arbre , ou
dresser et instruire quelque animal , ne profitet'on
pas de leurs premieres années ? Pourquoi
ne feroit- on pas de même à l'égard des enfans ?
Des enfans de trois à quatre ans ne sont - ils pas
plus dociles , et, pour ainsi dire, plus échos pour
repeter , et plus Singes pour imiter , que des enfans
de cinq à six et à sept ans? A quel âge done
peut-on et doit- on en general montrer à un enfans
les premiers élemens des Lettres ? La maniere
de montrer à lire aux enfans est - elle indifferente
, dans la seule idée qu'il suffit que tôt ou
tard un enfant en vienne à bout ? Un enfant de
deux à trois et à quatre ans sera -t'il plus amusé
et mieux instruit avec un petit livre , une touche,
une page pleine de petits caracteres et avec
l'ancienne dénomination des lettres , qu'avec des
cartes pour chaque lettre et pour chaque son
de la Langue , soit qu'il ait un Bureau , soit qu'il
n'en ait point ?

N° 9. L'enfant amusé, touché et instruit par la
varieté des cartes sensibles, sur lesquelles chaque
Lettre sera imprimée , par le jeu du Bureau Typographique,
par l'exercice du petit A. B. C.La
IIVol
JUIN. 1734. 7335
tin et du petit A. B. C. François de la Bibliothe
que des Enfans , et cet enfant , sans alterer sa
santé , ne fera- t'il pas plus de progrès que l'enfant
girotté sur sa petite chaise et les yeux colez
sur son Livre ? L'experience n'est -elle pas encore
assez grande ? Peut- on justifier à présent les
Maîtres d'Ecole indociles , prévenus et entêtez ,
qui ne veulent point quitter l'ancienne et la fausse
dénomination des Lettres , pour faire usage
de la nouvelle et de la veritable ; L'antiquité et
la generalité d'une Méthode quelconque , prout'elle
sa superiorité sur toute autre Méthode
possible ?
N°. 10 L'esprit méthodique et vrayement
philosophique dans un Maître , n'est- il pas préferable
à l'esprit érudit et plein d'éloquence qui ne
sçait guere que parler sans raisonner ? D'où vient
donc qu'il n'y a que les esprits prévenus ou antiphilosophiques
contre le Systême du Bureau Typographyque
? Et que penser des Gouvernantes ,
des Valets de Chambre , et même des Precepteurs
qui craignant que le Systême du Bureau ne lur
enleve une partie de la gloire qu'ils attendent en
suivant la Méthode vulgaire , inspirent à leurs
Enfans du dégoût pour cette ingénieuse Machine?
N° . 11. La faute des éducations manquées ne
vient-elle pas ordinairement des Parens , dès
Domestiques , des Maîtres et des Méthodes plutôt
que des enfans ? D'où vient que les enfans
uniques , les aînez et les enfans les plus chéris ,
sont quelquefois les plus mal élevez ? Un enfant
du commun , élevé par son Pere et sa Mere ,
faute de Domestique , n'a t'il pas souvent le
bonheur d'être préservé des inconveniens et des
vices de l'éducation des enfans riches et de distinction
D'ailleurs les impressions paternelles
II. Vol. Diiijet
1336 MERCURE DE FRANCE
et les impressions de ceux qui donnent à boire
et à manger aux enfans , de ceux qui passent la
journée avec eux ne, sont- elles pas plus fortes que
les impressions des Maîtres externes ?
Nº. 12. D'où vient que les enfans les plus
stupides apprennent sans regle lesLangues vivantes
, plus facilement que les hommes les plus appliquez
n'apprennent par regle les Langues mortes
? Et d'où vient encore qu'il est plus aisé de
rendre un enfant dévot , qu'il n'est aisé de le
rendre sçavant , et pourquoi un enfant perd- il
la pratique de la dévotion plus facilement que
celle des Arts et des Sciences ? La dévotion dispose-
t'elle plus à l'étude des Sciences , que l'étu
de des Sciences ne dispose à la dévotion
A M. de M *** Fermier General ;
pour M. Ferré , Brigadier au Croisic en
Bretagne , sur ce que son Capitaine General
lui a interdit l'exercice de son Employ.
Par Mlle de Malcrais de la Vigne,
G Enereux de M ***
Malcrais , des Muses amie ,
Très-humblement vous supplie ,
D'user de compassion ,
Pour Ferré gentil génie ,
A qui , sans attention ,
On fait interdiction ,
De quoi ? pas moins
que de vie ,
II. Vol.
Gaz
JUIN. 1734-
337
Car, si fortune ennemie
Lui fait altercation ,
Et de sa Commission
Durement le congédie ,
C'est le mettre à l'agonie,
Dautant que l'extrême faim
Si ce qu'on dit est certain ,
Est extrême maladie.
Mal il n'a fait , je parie ,
J'en mettrois mon doigt au feu.
M *** , pensez un peu
Que la Capitainerie ,
En l'attaquant sur son jeu ,
C'est Malcrais qu'elle injurie.
Si Ferré n'eût point été
D'une exacte probité ,
D'une austere prud'hommie ,
Mes Vers auroient-ils chanté
Son fameux Manteau mitté ,
Dont en dépit de l'envie ,
Le mérite illimité
Vole à la posterité ?
La preuve est incontestable ,
Que c'est à travers les trous
De ce Manteau respectable ,
Que la vertu veritable
de tous..
Doit briller aux yeux
Ami zelé du Parnasse
JL. Vol.
Dy M.
1338 MERCURE DE FRANCE
M *** , écoutez - moi , >
Non , vous n'êtes point de glace ,
Je le sens , je le prévoi ,
Vous permettrez qu'on lui rende
L'usage de son emploi.
Ah ! Ciel , quel chagrin pour moi .
S'il faut que mon Héros vende
Pour avoir un peu de pain
Sa celebre Houpelande ;
Combien peut- être un douzain ;
Un Fripier dur et vilain ,
Qu'un cruel profit échauffe ,
Ne s'arrêtant qu'à l'étoffe ,
Ne prisant pas un fétu ,
Scs qualitez admirées ,
Et sa puissante vertu ,
Que mes Vers ont consacrées ;
Proprietez , que jamais
N'auront étoffes dorées ,
Ni les plus fins Vanroba
Dissipez l'affreuse peine ,
Qui me trouble le cerveau .
Grands Dieux ! quelle ame inhumaine
Peut ôter à Diogene ,
Son Ecuelle et son Manteau.
Ce Placet a été répondufavorablement.
II. Vol. PRE
JUIN. 1734. 1339
ThatState
PREMIERES ARMES
présentées à Monseigneur la Dauphin.
L
A Ville de Paris ayant demandé
au Roy la permission de présenter
à Monseigneur le Dauphin ses premieres
Armes , conformément à un ancien usage
interrompu depuis que que temps ,
le Corps de Ville , en Robbe de ceremonie
, se rendit à Versailles le 6. de
ce moi ; et le Duc de Gesvres , Gouverneur
de Paris étant à la tête , il fut
conduit avec lès ceremoni s ordinaires
à l'Audience de Monseigneur le Dauphin
. Le Corps de Ville eut l'honneur
de présenter à ce Prince une Epée , un
Fusil et dux Pistolets d'un travail par
fait . Le Président Turgot , Prévô: des
Mirchinds , porta la prole cr complimenta
Monseigneur le Dauphin , qui
reçut avec beauco 'P de bonté cet e marque
que la Ville d Paris et empressée
de donner à ce Prince de son resp ce
et de son z le
C'est un droit aussi ancien que glorieux
pour la Ville de Paris , de présenter aux
Dauphins France leurs premi res Ar-
D vj mes
II. Vol.
1340 MERCURE DE FRANCE
mes ; soit récompense de son zéle et de
son affection envers ses Princes , soit prérogatives
flateuses pour la Capitale du
Royaume , soit l'un et l'autre ensemble,
elle a toujours joui de ce privilége et a fait
de cet avantage le premier de ses Titres.
Aujourd'hui que dans la joye commune
à toute la France elle voit croître sous
de si heureux auspices Monseigneur le
Dauphin , elle a encore en particulier
celle de lui pouvoir rendre cet hommage,
et elle a crû ne devoir rien oublier pour
s'acquiter d'un devoir aussi flateur et aussi
honorable pour elle.
Tout FOuvrage des Pistolets, est d'acier,
enrichi partie de reliefet de ciselure , dont
tous les fonds sont d'or perlé, partie d'or en
raport et en bosse , dont les fonds sont
d'acier ce qui fait un contraste aussi
agréable qu'il est riche . Les bois sont or
nez de figures en or gravées en Tailledouce
, et de filigrames d'or qui en font
les accompagnements , et laissent à peine
appercevoir les fonds.
Sur l'un des canons de Pistolets on a
representé en ciselure un Point du Jour,
ou un Soleil naissant : c'est un jeune en
fant sur la pente d'une coline , couché
sur un gazon fleuri , au pied d'un arbre
zoefu . Il semble se réveiller et sortir d'un
IL Vola
doux
JUIN. 1734. 1348
doux sommeil . Derriere la coline sort un
Soleil , dont on n'apperçoit encore que
les premiers raïons. Des deux côtez on
voit des Palmes et des Lauriers qui se
joignent , et s'entrelassent à leurs extré
mitez , soutiennent une Couronne de
Dauphin.
"
L'autre canon représente un jeune
Hercule qui écrase , encore au berceau ,
les deux Dragons qui vouloient le dévo
rer. Sa force montre son origine ; des
Lauriers et des Palmes ainsi que sur l'au
tre canon , mais par des contours differens
, vont se mêler ensemble par leurs
sommitez, et sont terminez par une Cou
ronne d'Etoiles. L'immortalité est la récompense
de ses vertus .
La cizelure n'occupe que la moitié des
canons ; le reste est travaillé en or de
rapport on y a representé les quatre
Parties du Monde , que ce Soleil Levant
va parcourir et éclairer dans sa course
brillante , et que ce jeune Héros doit
remplir du bruit de ses exploits et de ses
vertus. Ily a deux symboles de vertus sur
chaque canon. Elles sont assises sur une
Sphere du monde et representées sous les
attributs et avec les caractéres qui leur
sont propres. AAuu--ddeessssuuss , sont deux
cornes d'abondance renversées, qui répan-
11. Vola dent
342 MERCURE DE FRANCE
dent toutes les richesses et les fruits que
produit chacune des Parties de l'Univers
On voit aussi divers animaux selon la
natute de ces diférentes contrées . Du côté
de l'Europe on n'a pas oublié l'oyseau
avant- coureur du Soleil : il tient un Lys
en son bec.
Sur chacune des deux ovales des calottes
, on a representé un jeune Héros
sur l'une il est debout , un arc à la main,
sur lequel il s'appuye ; un Lion et une
massuë d'Hercule à ses pieds ; derriere
lui s'éleve un Palmier dont les branches
se recourbent au - dessus de sa tête , er lui
servent de Couronne . Sur l'autre il est
appuyé sur un casque , et tient un javelot
à la main .
,
2 Autour des calottes des Pistolets
voit Vulcain dans son antre for
geant des armes pour ce jeune Héros ;
le Dieu Mars les lui présente ; Minerve
paroît avec les instruments , et les Symbols
des differents Arts qu'elle met sous
sa protection , et Mercure aîlé , le ca
ducée à la main , est prêt à exécuter ses
or tres . Chacune de ces Divinitez a ses
trophées et ses attribute.
L'un des Porre vis , représente
le jeune Apollon qui tue le Serpent
Pithon Ce monstre déjà percé d'une
$… ]II. Vol. Altche
JUIN. 1734 7343
Béche mortelle , semble se rouler sur
la poussiere , mordant le dard qui l'a
blessé à l'autre on voit Eole , assis sur
un rocher , qui commande aux vents et
aux tempêtes de se calmer ; sous ses pieds
est la caverne où ils sont renfermez.
Les sous gardes sont ornées par deux
Zephirs aîlez qui portent sur leurs têtes
une corbeille de fleurs. Les pontets sont
soutenus d'un côté sur un Dragon aîlé ,
vuidé à jour , dont la queüe va , en se perdant
par dessous , servir à l'autre côté
de soutien et de base . Sur les pontets sont
deux jeunes Cupidons , dont l'un renverse
des cornes d'abondance l'autre
terrasse un Lion qu'il est prêt de percer
d'un javelot. Le reste des sous- gardes est
enrichi de differents trophées de guerre
et autres ornements.
Sur les corps des platines sont deux
Génies guerriers , dont l'un assis sur un
tas de trophées, porte un faisceau d'armes,
l'autre aussi au milieu de plusieurs instru
ments de guerre s'exerce à battre des
timbales .
Sur le canon du fusil paroît un Dauphin
, entouré de cornes d'abondance
et de guirlandes de fleurs qui vont par
differents contours se joindre par le haut
à une Couronne de Laurier et de Chêne
.. II. Vol.
entre344
MERCURE DE FRANCE
entrelassez. Au - dessous est un jeune Achìle
qui court aux armes ; il tient d'une
main une épée , et de l'autre il arrache
un bouclier d'un Palmier où sont attachées
toutes les armes qui lui sont nécessaires
pour combattre ; un riche tro
phée de guerre sert de Couronnement.
Tout cet Ouvrage est en relief ; le fond
en est d'or perlé et occupe environ la
moitié du canon. La visiere est composée
de plusieurs coquilles accolées , la plupart
à jour et attachées les unes aux autres par
des guirlandes de fleurs. Le reste est en or
de raport avec une suite d'ornements et
d'attributs convenables au sujet.
La plaque est à huit oreilles , toutes
terminées par des coquilles de formes
differentes ; sur le devant est un retour
de chasse un jeune Chasseur assis à
Fombre sur le gazon , foulant aux pieds
un Sanglier qu'il a tué , tenant un fuzil
à la main et entouré de ses chiens , se re
pose des fatigues de la chasse . Sous la
plaque on a mis un Dauphin avec des
palmes autour où sont attachées des arnes
, des ancres , des gouvernails , et au
milieu un trident d'où pend une Couronne
rostrale:
La platine représente un Triton sur le
rivage de la mer , un Dauphin attiré par
IL Vel. la
JUIN. 1734. 8343
la douceur du chant , se joue sur les ondes
d'où il semble sortir.
:
Sur chacun des côtez de la crosse dur
fusil est un Dauphin en or , gravé en
Taille - douce , accompagné de quatre
Génies de même ouvrage et de pareille
matiere l'un porte une Couronne de
Dauphin ; l'autre une corbeille des plus
belles fleurs ; le troisiéme , une Palme
ornée de toutes les differentes Couronnes
dont on récompensoit chez les anciens
les differentes vertus ; enfin le dernier lui
présente un gouvernail et un trident
comme des symboles de son Empire.
On n'entre pas dans un plus grand
'détail sur le reste des ornements de ces
précieux Ouvrages , tels que sont les coquillages
, rocailles , feüillages , architectures
, frises &c. qui servent comme d'accompagnements
et de bordures à tous ces
differents tableaux , et qui , outre la ri
chesse et la magnificence de l'ouvrage ,
sont encore nécessaires pour le contour
et la forme des differentes piéces.
Le Sieur Laroche , Armutier du Roy,
demeurant à Paris sur le Pont Marie
est l'Auteur de ces trois morceaux , dont
l'exécution est admirable.
Toute l'épée est d'or et compose dans son
11. Vol
ensem1346
MERCURE DE FRANCE
ensemble , un seul trophée d'armes , sans
que cette idée exactement suivie dans
toutes les differentes parties. de cet Ouvrage
, en change en rien la forme et les
proportions ordinaires.
La Garde est composée de deux Boucliers,
appellez dans l'antiquité, des Pettes,
comme ils étoient d'usage sous le Regne
et dans les Armées d'Alexandre le Grand:
c'est une époque qu'on a crû devoir choisir
entre plusieurs autres ; ces Boucliers
étoient ornez de bas reliefs et représentoient
des fruits heroïques. Ils avoient
pour la plupart des têtes de Lions aux
deux extrémitez ; on en a suivi en tout
exactement la forme et le dessein . Dans
les quatre bas - reliefs on a representé
les vertus attachées à Monseigneur le
Dauphin dès sa naissance.
L'un de ces Boucliers , du côté de la
Lame , représente les vertus heroïques * ;
c'est un Hercule avec sa massue et cɔuvert
de la peau de Lion ; il terrasse sous
ses pieds l'Hydre qu'il a domptée et tient
en sa main trois pommes du jardin
des Hesperides ; à l'entour sont ses differents
trophées et les divers travaux qui
ont exercé sa valeur et illustré son nom.
Sur l'autre Bouclier et du même côté ,
est la gloire des Princes, accompagnée de
II. Vol.
leurs
i 1347 JUIN. 1734.
leurs victoires , et le prix de leurs vertus :
c'est une femme richement vetuë , ayant
ure Couronne d'or sur sa tête et en sa
main droite une Couronne de Laurier ;
elle soutient de la gauche une forte et rithe
piramide ; à ses pieds est un corner
d'abondance , symbole de la magnificence
et de la generosité des grands Princes.
ve ,
et
De l'autre côté et en dedans de l'un
des Boucliers est representé une Miner-
Deèsse des Sciences militaires et des
Beaux Arts , le Compas à la main ; elle
trace et mesure sur un Globe , un terrain
convenable à fortifier une place de
guerre ; à ses pieds paroît sur un rouleau
déployé , un Plan de fortifications
dans le lointain on voit les dehors d'une
forteresse entourée de palissades . Sur l'autre
Bouclier parallele est une Pallas
Deèsse de la guerre : elle tient une lance
d'une main comme sur le point de combattre
et de l'autre son Egide , elle est
entourée de plusieurs instruments de
guerre au - dessus desquels on voit
flotter dans les airs des Drapeaux et des
Etendarts.

A l'endroit où se joignent les deux
Boucliers on a placé un Globe terrestre
qui sera un jour le théatre des vertus et
des exploits de nôtre jeune Prince. Sur
¿ II. Vol. ce
1348 MERCURE DE FRANCE
,
ce Globe , malgré sa petitesse , on a régulierement
tracé en relief les differentes
parties de l'Univers ; ce Globe est surmonté
par une massuë d'Hercule du
bas de laquelle s'éleve un faisceau de
Palmes , qui , en l'entourant jusqu'au
haut et la laissant cependant entrevoir
par les differents jours et les differents
vuides , forme la poignée de l'épée ; ce
qui fait un ouvrage des plus légers et des
plus délicats. Au haut de cette massuë, est
un Casque françois , et c'est ce qui fornic
le pomeau . Ce Casque est enrichi d'un
mufle de Lion et d'autres ornemens
relief ; la visiere en est levée.

Une Palme gracieusement recourbée ,
se détachant par le bas des autres Palmes,
va ensuite en remontant et en s'éloignant
de la poignée , former la branche ; elle
n'en forme cependant que la moitié . De
la pointe sort une fleur de Lys à quatre
faces , production plus belle que toutes
les dattes fleuries dont elle est chargée
ainsi que les autres Palmes. Une autre
Palme qui déscend d'en haut et de dessus
le Casque , vient par un même contour
la rejoindre et s'entrelasser , de telle sorte
que couvrant toute la fleur de Lys , elle
n'en cache rien .
Du bas de la poignée, sort un Dauphin
II. Vol. des
JUIN. 7734
134
و
des mêmes Palmes , au milieu desquelles
il semble se jouer , et forme le tillon dans
le même contour à l'usage des Epées
qui se font à présent. La Lame est aussi
d'or , enrichie de moulures : elle a le
même ressort qu'une Lame d'acier. Le
Fourreau est d'écaille noire, incrustée sur
un fond qui lui donne de la solidité et
arrêté par deux moulures d'or très déli-"
cates ; toute l'écaille est piqué en or d'un
dessein très -riche.
La Chappe , le Crochet et le bout de
l'Epée sont des piéces si petites et qui
la sent si peu de champ ,qu'il n'a pas été
possible de représenter des attributs , ni
rien de symbolique. On a taché par des
petits morceaux d'architectures , des palmettes
des entrelas , des filets des
canneaux de feüillages , et autres ornemens
qui ont raport au sujet, d'y supléer,
et on les a parse mez de plusieurs fleurs
de Lys radieuses et vuidées à jour.
,ر <
Ce beau morceau est de la main de
M. Germain , Orfévre du Roy , si connu
par la perfection de ses Ouvrages et par
la délicatesse de son goût.
II Vol. EP I1350
MERCURE DE FRANCE
******* ****:****
EPITRE A ....
Uoy ? vous croyez , Cloris , que la haute
sagesse ,
Consiste à rebuter les voeux de vos amants !
Vous payez de mépris l'aveu de leur tendresse !
Vous traitez d'insensez tous leurs empresse→
mens !
L'amour ne peut - il pas , quand la raison
l'éclaire ,
Lorsque sa flamme est pure ,
parfait ,
enfin qu'il est
Conserver ,des vertus l'aimable caractére ,
Et n'avoir que l'honneur pour son unique objet?
Non ! ce n'est pas toujours un Dieu traître et
parjure ,
Et quoique d'ordinaire un Amant soit trompeur
,
Son coeur sent quelquefois ce que sa bouche
jure ;
Et peut entretenir une sincere ardeur.
Distinguons dans l'amour differentes especes ;
L'une dont le feu pur montre les vrais amans ;
L'autre qui ne contient que de fausses tendress
s
Que d'infames désirs , de honteux sentimens ;
Le véritable amour est une douce chaîne ,
II Vol.
Oni
JUIN. 1724.
1351
Qui sçait unir les coeurs , et que rien ne détruit
;
Un aimable panchant qui pour sa souveraine ,
Reconnoît la raison qui toujours le conduit ;
Son bonheur , quoique simple , est cependant
extrême
Quel plaisir est plus grand , plus parfait , er
plus beau ,
Que de dire cent fois aimez moi , je vous
aime ;
9
Ma tendresse pour vous ira jusqu'au tombeau
Toujours nouveaux désirs de se voir , de se
plaire ;
> > Voeux serments
, billets doux
douceurs
tendres
discours ,
Regards passionnez , aimable caractére ;
Voilà l'échantillon des sinceres amours.
La fatale discorde , avec la jalousie ,
Ne traverse jamais leur tranquille union ;
Jamais de trahison , jamais de perfidie ;
Rien ne peut altérer leur tendre passion.
L'autre amour au contraire est rempli de cas
prices ;
Honteux , brutal , jaloux , il ne tend qu'aux
plaisirs ;
Plein de faux sentimens et plus encor de
vices ,
2
Même dans son triomphe il éteint les désirs ,
Je vous aime , Cloris , mais de cet amour sage ,
Qui suit de la vertu les augustes leçons ,
I I. Vol. Qui
2352 MERCURE DE FRANCE
Qui considere moins les attrairs d'un visage ,
Que les beautez d'un coeur ornez de mille dons,
Qu'en ma faveur aussi votre coeur se déclare ,
De ce charmant aveu dépend tout mon bonheur
:
Un coeur si vertueux ne peut être barbare :
Non , pour l'être jamais, il a trop de douceur,
j j į į į į į į į į &
RELATION de ce qui s'est passé
à Monaco à l'occasion de l'arrivée de
S. A. Honoré III. Princ: de Monaco ,
et de son Avenement à la Souveraineté,
sous l'Administration de M. le Duc de
Valentinois , Pair de France , son Pere,
M
le Duc de Valentinois ayant mandé
qu'il partiroit de Paris le troisiéme
du mois de May pour se rendre
à Monaco avec M. le Prince son fils ,
M. le Chevalier de Grimaldi , Gouverneur
General de la Principauté , envoya
le 21 May à Cannes , Ville Maritime de
Provence , les deux Chalouppes de S. A.
magnifiquement équippées , avec son
Capitaine des Gardes pour les y recevoir;
il fit embarq er aussi quelques Musiciens
et Symphonistes pour amuser le
I k Vol. jeune
JUIN. 1734 1353
Jeune Prince , pendant le petit trajet de
Mer qu'il avoit à faire pour la premiere
fois.
Le treizième , les Chalouppes ayant
paru à la hauteur de la Place , le Canon
commença à tirer et continua par une
salve de 130 coups , au bruit de laquelle
S. A. entra dans les Appartemens de son
Palais.
Tous les Bâtimens qui se trouverent
dans le Port , firent aussi une décharge
de leur Artillerie, lorsque les Chalouppes
y entrérent.
Le Corps qui compo e le Magistrat
et les Principaux de la Ville , suivis d'un
nombre infini d'autres personnes , accoururent
en foule pour se trouver au débarquement
: il se fit aux acclamations de
tout le Peuple qui marquoit son contentement
par les démonstrations de la joye
la plus parfaite.
A la premiere Barriere de la Ville le
Prince trouva M. de Mongremier , Lieutenant
pour le Roy dans la Place , avec
le Comte d'Aunay , Colonel du Regiment
de Vexin , et les Officiers de la
Garnison qui s'étoient avancez pour le
recevoir , et qui le complimenterent sur
son arrivée. On entra ensuite dans la
Place où toute la Garnison
II. Vol.
و
E
qui étoit
Sous
· 1354 MERCURE DE FRANCE
sous les armes , rendit les honneurs dûs
au Souverain de Monaco .
,
Le soir du même jour il y eut dans
toute la Ville de grandes illuminations ,
des feux de joye , beaucoup de déchar
ges d'Artillerie , et de feu d'artifice ;
tout le Peuple accourut en même tems
sur la Place d'Armes au - dessous des
fenêtres du Palais , applaudissant par de
nouvelles acclamations, mêlées de danses,
à l'heureuse arrivée de son Prince.
>
Le lendemain 14. le Magistrat s'étant
rendu à l'heure marquée au Palais en
habit de cérémonie eut l'honneur de
haranguer S. A , au nom de la Ville . Le
Curé de l'Eglise principale , à la tête de
son Clergé, fic la même chose . Toutes les
Dames se présentérent ensuite pour saluer
le Prince .
Pendant la journée ce ne furent que
Fêtes , Danses et continuelles acclamations
de la part du peuple assemblé
dans la grande Place,vis à - vis les Appartemens
du Prince. Les feux , les illuminations
et les réjouissances continuerent
tout le Samedy 15. jusqu'à minuit.
Le 16 , jour destiné pour l'Entrée publique
, S. A. sortit de la Ville sur les
cinq heures du soir ; et après avoir fait
un tour de promenade , il revint sur ses
pas. PenJUIN.
1734 1355
Pendant ce tems- là M. le Chevalier
de Grimaldi , Gouverneur General de la
Principauté , le Magistrat avec tout le
Clergé précedé par la Croix , les Prêtres
en surplis , le Curé et ses deux Assi tans
revêtus de Chappes , allerent à la rencontre
de S. A. ju ques à la premiere
Barriere . Dès qu'el.e y fat arrivée, le Che
valier de G.inaldi , en a qualité , lui présenta
les Clefs de la Ville dans un bassin
de vermeil . M. l'Auditeur , Juge Principal
et Chef du Magis rat , la complimenta
sur son Avénement à la Principauré.
Après ce cérémonial S. A. se mit
genoux sur un Prie Dieu préparé ;
M. le Curé s'étant avancé avec ses Assistans
lui présenta la Croix à baiser ; et
après qu'il eut recité les prieres prescrites
par le Rituel Romain , S. A. se leva
et se mit sous le Diis , porté par les Officiers
de la Magistrature .
à
·
Dans le même tems le Clergé entonna
le Pseaume Benedictus Dominu Deus meus
&c. et S. A. se mit en marche , entourée
de ses Gardes duCorps et des Gens de sa
Cour , pour se rendre à la grande Eglise.
Toutes les Maisons des Rues par où
se faisoit la marche ; étoient ornées de
tapisseries Il y avoit aussi trois gran.is
Arcs de triomphe à des di tance pro-
Eij por II. Vol.
135 MERCURE DE FRANCE
portionnées , ornez de figures Allegoriques
, d'Emblêmes, de Festons &c . éclairez
de quantité de flambeaux , et d'une
infinité de bougies. La Garnison sous les
armes étoit en haye , à droite et à gauche,
de puisle premier Corps de Garde jusques
aux Portes de la grande Eglise.
Cette Eglise étoit richement ornée par
des Tapisseries de brocard d'or, de damas
et de velours cramoisy qui alloient jusqu'à
la voûte. Les illuminations répondoient à
tout le reste ; outre les Lustres de cristal
et la quantité de cierges dont toutes les
Chapelles étoient illuminées , on en avoit
placé trois cent sur le grand Autel .
S. A. étant entrée dans l'Eglise s'avança
jusqu'au milieu du choeur et se mit à genoux
sur un Prie - Dieu , placé sous un
Dais qui étoit suspendu . Le Pseaume
Benedictus étant achevé, le Curé officiant
chanta le verset , O Salutaris Hostia ;
et dans le même temps on fit l'Exposition
du Saint Sacrement ; il entonna
ensuite le Te Deum , et la Place fit aussitôt
une nouvelle salve de 24 piéces de
canon. Après le Te Deum le même Officiant
donna la Bénédiction par laquelle
la cérémonie Ecclesiastique fut terminée.
Le Prince ayant alors quitté son Prie-
Dieu , se mit de nouveau sous le Dais
II Vol
porté
JUIN. 1734 1357
porté par les Magistrats et marcha ainsi
jusqu'aux Portes de l'Eglise précedé par
tout le Clergé , et après avoir reçu un
autre compliment de M. le Curé , il se
rendit au Palais , entouré de ses Gardes du
Corps et suivi par les Gens de sa Cour ,
aux acclamations réïterées de tout le Peuple.
Il passa au milieu des Troupes de
la Garnison qui continuoient à border la
haye à droite et à gauche , et il reçut le
salut accoutumé de la part des Offi
ciers.
Dans ce tems- là , Mrs de la Ville firent
couler quatre fontaines de vin deux
sur la Place et deux à chaque côté du
premier Arc de triomphe. S. A. fit jetter
de l'argent au Peuple , et en fit en
même tems distribuer aux Troupes et aux
Pauvres de la Ville.
Le soir du même jour , les illuminations
, les feux de joye et d'artifice furent
renouvellez dans toute la Ville
fit une autre salve de canon . La Fête
et on
finit par un grand repas donné au Palais ,
où les Officiers Majors de la Place et ceux
de la Garnison furent invitez , ainsi que
les principaux Habitans de Monaco . Ce
jour- là se trouvoit heureusement celui
de la Fête de S. Honoré , dont le Prince
porte le nom.
II. Vol.
E iij Le
1358 MERCURE DE FRANCE
Le 17 , sur les cinq heures du soir
S. A. assise sous un Dais reçut dans la
grande Sale de son Palais le serment de
fidelité de la part de ses sujets de la Principauté
de Monaco .
Le soir toute la jeunesse de la Ville,
pour marquer plus particulierement sa
joye , fit dresser trois tables sur la grande
Place au de sous des fenêtres des Appartemens
du Prince , et donna un grand
souper qui fut accompagné de salves
réïterées , de boëtes , de concerts , de voix
d'instruments , de danses , avec un concours
extraordinaire de Peuple.
Le 18 au soir , il y eut pareillement
une grande réjouissance au Port . Le Bâtiment
armé qui sert de Garde- côte parut
tout illuminé, tant le longde son bord,
que sur ses vergues , ornées de flammes
et de banderoles : plusieurs autres moin
dres Batimens , Chaloupes , Bâteaux & c.
illuminez par des feux godronnez , firent
entr'eux une espece de combat naval par
des décharges de leur Mousqueterie, tandis
que le gros Vaisseau répondoit de
son Artillerie. Les fux de joye et d'artifices
et les décharges de quantité de boëtes
continuerent une grande partie de la nuit,
le tout par un tems calme et à souhait.
Le 19 au soir le Prince donna un .
II. Vol. grand
JUIN. £734. 1359
grand Bal au Palais , accompagné d'une
magnifique colation .
Il se propose
de faire également son
Entrée publique à Menton , autre Ville
de la même Principauté . Par les préparatif
qui s'y font , il est à présumer que
S. A. n'aura pas moins lieu d'être satisfaite
de sa réception , qu'elle vient de
l'être à Monaco.
INSCRIPTIONS
des Arcs de
Triomphe , érigez dans Monaco à
l'occasion de cette Entrée.
HONORATO III.
Monaci Principi optimo,
In ipso adolescentiaflore
Maturo, augusti genitoris judicio,
Supremi Principatûs gubernaculis admoto ,
Populus Monacensis
·Paterna providentia applaudens
In signum grati animi dulcisque sui amor
Hunc triumphalem Arcum
Erexit.
Die xxvi. Maii M. DCC. XXXIV.
HONORATUS.
Tertius Nomine ,
Sed nobilitate , ingenio , ac animi dotibus,
Nemini secundus
II. Vol. E iilj
Prin
1360 MERCURE DE FRANCE
Principatus dignitatempaternâ liberalitate collatan
Prematurè adeptus
Longam Populorum felicitatem promittit ,
Si justa magnarum rerum spei
Ab egregia ejus indole in omnibus excitata ,
Anni juxtà communem votum
Respondeant.
HONORATUS III.
Primitias amoris Paterni
Non tam natura beneficio ,
Quam excelsis animi Dotibus
Et corporis formá imperio digná
Promeritus
Supremam Principis dignitatem
Ab optimo piissimoque Parente ,
Antè diem ultrò sibi delatam ,
·Populorum felicitati ac gaudio ante diem
Studens
Triumphali pompâ non invitus
Ostentat.
TRADUCTION.
Les Habitans de Monaco applaudissant à la
sage prévoyance paternelle , ont érigé cet Arc
de Triomphe en l'honneur du très- excellent
Prince de Monaco , HONORE' III. qui par
le jugement reflechi d'un illustre Pere , est parvenu
à la souveraine Principauté à la fleur de son
âge , le 16. May, 1734 .
II. Vol. Honoré
JUIN.
1261 1734.
Honoré III. du nom , mais qui ne le cede.
à personne en noblesse , en esprit et par les
belles qualitez de son coeur , parvenu avant le
temps à la Principauté , par la pure liberalité
d'un aimable Pere , promet à ses Peuples un
bonheur constant et durable , si les années répondent
aux grandes esperances que la beauté de
son caractere a fait concevoir à tout le monde.
Honoré III. qui a mérité les prémices de
P'amour paternel , moins par un bienfait de la
Nature , que par les belles qualitez de son coeur ,
et par celles du corps , dignes du Trône , travaillant
au bonheur des Peuples et occupé de
leur prosperité , fair remarquer avec joye dans
sa marche triomphale la dignité de Prince dont
il est revétu , par la faveur et la grace du meilleur
et du plus tendre de tous les Peres.
***:
LE MARTYRE DE S. CTR ,
fils de sainte Julithe , Patron de l Eglise
de Nevers. Ode , contenant Palino lie..
N'Approche point , Esprit pervers ,
Démon , Auteur des mauvais Vers ;
Que ta fureur noire et perfide ,
Pire que le fer homicide ,
Pour jamais s'éloigne de nous
Et que l'affreuse calomnie
Qui ternit la plus belle vie ,,
Ne porte point ici ses coups..
; Vel TW Пад
1362 MERCURE DE FRANCE
La verité seule sçait plaire
A ceux qu'une foi vive et claire ;
O , Foy , d'un vol audacieux ,
Tu nous éleves jusqu'aux Cicux
Par tes Mysteres ineffables
Et ta sacrée obscurité ;
Vaut mieux que la sombre clarté
De nos lumieres périssables .
Les supplices n'étonnent pas
Geux qui combattent sur tes pas ;
Leur sang pour toi coule sans peine ,
Et la mort la plus inhumaine
Semble avoir pour eux des attraits ;
Mais les précieuses Couronnes
Qu'à ces sacrez Guerriers tu donnes ,
Seront durables à jamais.

Des Héros que l'Eglise enfante ,
Je vois la Troupe triomphante ;
Je vois des Femmes , des Vieillards ;
Qui, marchant sous tes Etendarts ,
Des Tyrans ont vaincu la
Je vois d'admirables Enfans
A qui la Grace avant les ans
Donne la force et le courage.
M
rage ;
II. VZ.
Quel
JUIN.
1363
1734.
Quel est cet Enfant glorieur
Qui fixe sur lui tous les yeux è
De la Foy Soldat magnanime
Ou bien plus-tôt tendre Victime ,
De mille coups il est percé .
Vers le Tione tournant sa face ,
La Mere semble rendre grace
Du sang que son Fils a versé.
Tandis que les Bourreaux sur elle
Exerçoient leur fureur cruelle ,
Julithe disoit , Cyr , mon fils ,
De notre Dieu les ennemis
Triompheront de ton enfance ;
Meurs tout - à l'heure comme moi ,
Et que ta mort soit de ma foy
Une seconde récompense.
Soudain ce Héros innocent ,
Qui sçut triompher en naissant ,
Répond : o genereuse Mare , ô
Crains - tu que ton Fils dégenere ,
Tyran , l'abhorte tes faux Dieux ,
Fini ce faral sacrifice ,
Et que ta fureur réunisse
La Mere et le Fils dans les Cieux.
MA II. Vol. vj - Ce
1364 MERCURE DE FRANCE
1 Ce discours rempli de courage,
Du Tyran excite la rage ;
Dans l'excès d'un transport nouveau
De Cyr il devient le Bourreau ,
La terre au loin paroît sanglante ;
Pour une Mere , ce trépas ,
Qui le croiroit ! a des appas ,
Et Julithe enfin meurt coatente..
Cyr , qui triomphes dans les Cieux
Ellustre Patron de ces lieux ,
J'admire ces Temples antiques ,
Qù sous de superbes Portiques ,
Tu satisfais aux voeux de tous ;
J'apperçois devant res Images ,.
Les Peuples rendant leurs hommages,
Et les Empereurs à genoux..
Si par des Vers pleins de licence ,
Aux tiens on a fait quelque offense ,
Ne nous défends pas tes Autels ;
La clémence des Immortels
Est le glorieux caractere ,
Pour expier ces tristes Vers ,
Reçois ceux qui te sont offerts ;
Puissent- ils calmer ta colere !
P. D. F.
II. VI BRI
JUIN.
1365 1734
***************
BRIGADIERS D'INFANTERIE ,
de la Promotion du 20. Février dernier.
.... de Molondin , de Soleure , Capitaine
au Régiment des Gardes Suisses .
Jean -Charles de Mesgrigny , Comte d'Aunay ,
Capitaine et Grand- Bailly d'Epée de la Ville de
Troyes , Chevalier de l'Ordre Militaire de saint.
Louis , fut fait Colonel d'un Régiment d'Infanterie
, cy-devant Croy , en 1709. et réformé en
1714. après la Paix , à la suite de celui du Maine..
obtint le Régiment de Véxin au mois de Juillet
1732 .
Agathange Ferdinand , Baron de Brun , Marquis
de Roche , en Franche - Comté , Chevalier
d'honneur du Parlement de Besançon , Colonel
du Régiment de Laonnois en 1710. réformé en
1714. cut celui des Landes le 19. Septem . 1730 ,
d'Arros d'Argelos , Colonel du Régiment
de Languedoc , par Commission du 3 .
Septembre 1710.
Pierre de Beranger , Comte de Charme et du
Gua , Seigneur de Vif , appellé le Comte de Be
ranger , d'abord Capitaine dans le Régiment de
Leaville , Infanterie , puis Colonel du Régiment
de Bugey , au lieu de Charles de Beranger , son
frere , tué au Siege de S. Venant , le 24. Septem,
bre 1710 fur réformé en 1714, et obtint le 3 .
May 1731. le Régiment de Vivarais.
Magon de la Gielaye , Colonel du Régiment
de Berry , par Commission du 26. Juil
Let 1712.
LL. Vol. Louis
1366 MERCURE DE FRANCE
Louis-François- Armand de Roye de la Rochefoucault
, appellé le Comte de Koucy , et aupara
vant de Marthon , né au mois de Septembre
1695. Colonel - Lieutenant du Régiment de Conty
, par Commission du 2. Décembre 1713. et
fait Gouverneur de Bapaume , au lieu de feu
Charles de Roye de la Rochefoucault, Comte de
Blanzac , son pere , au mois de Septembre 1732 .
Louis-François Anne de Neufville Villeroy
Duc de Retz , Pair de France , né au mois d'Oc
tobre 1695. Colonel du Régiment Lionnois par
Commission du 27. Février 1714. fait Capitaine
des Gardes du Corps du Roy , en survivance du
Duc de Villeroy , son Pere , le 12. Décembre
1716. Il est aussi Lieutenant General au Gouver
nement du Lionnois , Forest et Beaujolois , et
Gouverneur en survivance des mêmes Provinces.
François-Paul de la Croix- Chevrieres , appellé
le Chevalier de S. Vallier , Colonel du Régiment
de Bretagne depuis le mois de Juillet 1720. et
auparavant d'un autre Régiment réformé en
1714.
Joseph Brunet de Rancy , entra en 1705. dans
le Régiment des Gardes Françoises , où il fut
successivement Enseigne , Sous - Lieutenant,
Lieutenant et enfin en 1711. Capitaine - Lieute
nant de la Compagnie Colonelle.
Maturin Grout , Seigneur de Princey , entra
dans le Régiment des Gardes Françoises en 1707.
où après avoir passé par les differens degrez , il
fut fait Capitaine en 1715 .
Alexandre-Charles de Chaumont , Seigneur de
S Jean de la Forest , entra dans le Régiment des
Gardes Françoises en 1706. y fut fait Capitaine
en 1716. et obtint une Compagnie de Grenadiers
dans le même Régiment au mois de Juin 1729
II. Vol. -Pierre
JUIN. 1734. 1367
Pierre de Chambon , Marquis d'Arbouvllle en
Beauce , Lieutenant de Roy dans Orleanois ,
entra dans le Régiment des Gardes Françoises
en 1699. y fut fait Lieutenant en 1703. Ayde-
Major en 1706. et Capitaine au mois d'Avril
1716. et eut une Compagnie de Grenadiers au
mois de Mars 1730.
François-Antoine de Chabannes - Pionsac , Seigneur
de la Palice , reçû Chevalier des Ordres
de N. D. du Mont - Carmel et S. Lazare de Jerusalem
, le 17. Décembre 1701. servit d'abord
dans le Régiment de Navarre , et fut blessé à la
bataille d'Hochstet en 1704. il entra en 1707.
dans le Régiment des Gardes Françoises , où il fut
fait Capitaine en 1716. et dont il fut reçû Major
le 17. Janvier 1730.
Louis Neyret de la Ravoye , né le 27. Mars
1697. Mousquetaire du Roy , puis Colonel de
Régiment de Ponthieu , par Commission du 17.
Décembre 1715. reçû Chevalier des Ordres de
N. D. du Mont - Carmel et de S. Lazare de Jerusalem
, le 27. Août 1721 .
Charles Philippes de Valois , Marquis de Murcey
, élevé Page du Roy , en sa petite Ecurie , fur
fait Colonel du Régiment de l'Ile de France ,
Commission du 15. Février 1716 .
par
Georges- Jacques de Clermont- Gallerande , dit
le Comte de Clermont , Seigneur de S. Aignan ,
Verdigny , & c.Colonel du Régiment d'Auvergne,
par Commission du 5. Juin 1716. et Inspecteur
General d'Infanterie au mois d'Avril 1722.
Charles Paul Sigismond de Montmorency- Luxembourg
, Duc de Chastillon , né le 20. Février
1697. Colonel du Régiment de Normandie , par
Commission du 24. Septembre 1716 .
Charles de Roban , Prince de Montauban , né
II. Vol.
1368 MERCURE DE FRANCE
le 7 Août 1693. Guidon de la Compagnie des
Gendarmes de la Garde du Roy , puis fait Colonel
du Régiment de Picardie , au lieu de feu
François - Armand de Rohan , Prince de Montbason
, son frere , par Commission du Septembre
1717. et Gouverneur de Nîmes , d'Alais
et de S. Hyppolite au mois de Septembre 1722 .
Victor- Alexandre , Sire et Marquis de Mailly ,
fait Colonel d'un Régiment d'Infanterie , cydevant
Montesquiou et auparavant Isanguien ,
par Commission du 15. Septembre 1717.
Louis- Charles de la Chastre , Comte de Nanday
, Gouverneur des Villes et Fort de Pecquay
en Languedoc , et Colonel du Régiment de
Bearn , par Commission du 7. Décembre 1717.
Louis - François - Armand de Vignerot du Plessis,.
Duc de Richelieu, et de Fronsac , Pair de France, né
le 13. Mars 1696. Colonel d'un Régiment petit
vieux corps , cydevant Leuville , par Commis
sion du 15. Mars 1718. cy - devant Ambassadeur
extraordinaire auprès de l'Empereur , dont il eut
sa premiere audience publique le 7. Novembre
1725. et dont il prit congé le 6. Septembre
1727. et reçû Chevalier des Ordres du Roy le
premier Janvier 1729.
François -Ferdinand de Clermont Chaste , appellé
le Comte de Chaste , et cy-devant de Morges
, fait Enseigne de la Colonelle du Régiment
Dauphin étranger en 1712. et Capitaine dans le
même Régiment en 1714. puis Colonel du Régiment
du Luxembourg , par Commission du
15. Mirs 1718. et Lieutenant de Roy, de la Proyince
de Dauphiné:
Gabriel-Jerome Comte de Bullion , d'Esclimont ,
Seigneur de Videville , Crespieres , Mareuil et
Montainville , connu d'abord sous le nom de:
II. Vol.
Give
JUIN. 1734.
1369
Chevalier de Bonnelles , fait Colonel du Régimens.
de Provence , par Commission du 15. Mars
1718. et reçû Prévôt de la Ville , Prévôté et Vicomté
de Paris le 31. Janvier 1723 .
Florent-Claude du Chastelet , Comte de Lomont,
Marquis de Cirey , Capitaine dans le Régiment
du Roy, puis Colonel du Régiment de Hainault,
par Commission du 15. Mais 1718. Gouver .
neur de Sémur , et Grand- Bailly d'Auxois , aussi
Grand - Bailly de Saar - Louis , pourvû de cette
derniere Charge le premier Avril 1732 .
Gabriel Simon , Marquis d'O , Colonel - Lieusenant
du Régiment de Toulouze , par Commis
sion du 15. Mars 1718 .
Louis -Auguste de Rieux , appellé d'abord Chevalier
et ensuite le Comte de Rieux , Colonel du
Régiment du Perche , par Commission du 15.
Mars 1713. par laquelle il est traité de Cousin
par le Roy.
-Charles- Louis de Lorraine , Prince de Pons et
de Mortagne , Souverain de Bedeilles , né le 19 .
Novembre 1696. fit la Campagne de Hongrie
en 1717. fut fait Colonel d'un Régiment d'Infanterie
, cy-devant Boufflers Rémiencourt , par
Commission du 15. Mars 1718. et fut reçû
Chevalier des Ordres du Roy le 3. Juin 1724.
Michel Dreux , Marquis de Brexé , Grand-Maitre
des Cerémonies de France en survivance ,
Colonel du Régiment de Guyenne , par Com
mission du 15. Mars 1718.
Charles-François - Frederic de Montmorency
Luxembourg, Duc de Piney- Luxembourg , et de
Beaufort Montmorency , Pair de France , Prine
d'Aigremont et de Tingry , Comte de Bouteille
, de Dangu et de Luxe , Seigneur de Précy ,
é le 3. Décembre 1702. Colonel du Régiment
II. Vol.
1370 MERCURE DE FRANCE
de Touraine , par Commission du 15. Mars
1718. et Gouverneur de Normandie , par Lettres
du 27. Septembre suivant.
Henry de S.Simon , appellé le Marquis de S. Simon
, né le 7. Septembre 1703. Colonel d'un
Régiment d'Infanterie , cy- devant Sourches ,
qui lui fut donné le 14. Juin 1713. après la
mort de Titus Bernard de S. Simon , son frere
aîné , qui l'avoit obtenu le 15. Mars precedent.
Il est frere puîné de l'Evêque de Metz .
O- Brien , Comte de Clare , Lord en
Irlande , Colonel d'un Régiment Irlandois , cydevant
O- Brien , par Commission du 13. Octobre
1718
..... de Chastelard de Salieres , cy - devant Capitaine
de la Compagnie , Colonel du Régiment
du Perche , Colonel d'Infanterie , par Brevet de
1718. et Ayde - Major General des Armées du
Roy
Louis Antoine de Gontault , Comte de Biron ;
Colonel du Régiment Royal Roussillon , par
Commission du 22 Avril 1729. avoit auparavant
un Brevet de Colone',
.... Comte de Diesbach, Colonel d'un Régis
ment Suisse, par Commission du 4 Janvier 1721.
Lally , Lieutenant- Colonel du Régi- ....
ment de Dillon , Irlandois.
Zuastro , Lieutenant - Colonel du Régiment
Royal Baviere.
..... de Boiras Lieutenant- Colonel du Régiment
de Soissonnois .
Desarmans , Lieutenant - Colonel du
Régiment de Quercy.
de Rousset , Lieutenant- Colonel du Régiment
de S. Simon
de Torigny- Romillé, Lieutenant- Cola-
II. Vol. -nel
JUIN. 1734. 1371
nel , Commandant un Bataillon du Régiment
Royal Artillerie.
François de Chasteauneuf de Moleges , Lieutenant
-Colonel du Regiment d'Oricans , Gentilhomme
ordinaire du Duc d'Orleans.
.... de Brun , Lieutenant- Colonel du Régi
ment de la Couronne .
.... de Louboy , Lieutenant- Colonel de
Régiment de Navarre.
Brigadiers de Cavalerie .
Joseph- Michel Sublet , Marquis de Lenoncourt
Mestre de Camp d'un Regiment de Cavalerie ,
cy-devant Bartillac , par Commission du 15.
Août 1706.
·
de Pont de Rennepont , cut au mois de
Septembre 17c6. un Régiment de Cavaletie ,
vacant par la mort de son frere aîné , tué au
Combat de Castiglione , le 9. du même mois ,
et fut réformé en 1714. après la Paix .
Henry de Monchy , des Seigneurs de Senarpont ,
appellé le Marquis de Moncky d'Hocquincourt ,
Mestre de Camp d'un Régiment de son nom ,
cy- devant Vaudemont , par Commission du 15.
Mars 1707.
Louis- Antoine Raigecourt , cy- devant Mestre
de Camp d'un Régiment réformé en 1714 .
après la Paix .
..... de la Roque , fait Exempt des Gardes du
Corps du Roy , au mois de Janvier 1706. eur
depuis un Brévet de Mestre de Camp , et fut
nommé le 15. Janvier 1720. pour commander
le Détachement des 12. Gardes du Corps ordonnez
pour accompagner jusques à Antibes la
Princesse de Modêne. Il monta à une place d'Enseigne
dans la premiere Compagnie des Gardes
11. Vol. du
1372 MERCURE DE FRANCE
du Corps , au mois de Novembre 1729.
du Bourdet , successivement Exemp:
des Gardes du Corps , Ayde- Major de Compagnie
au mois de Janvier 1721. Enseigne , Lieu
tenant.
François- Charles de Monestay , Marquis de
Chazeron , né le 12 Novembre 1697. Gouver
neur de Brest , d'abord Cornette , puis Enseigne
de la premiere Compagnie des Mousquetaires ,
ensuite Enseigne des Gardes du Corps au mois
de Novembre 1719. et depuis Lieutenant .
de Bois - André , étant premier Exempt
'des Gardes du Corps de la Compagnie de Charost
, et Mestre de Camp de Cavalerie , obtint
une Enseigne dans cette Compagnie au mois de
Juin 173.1.
Claude Aunet d'Apchie , appellé le Chevalier
d'Apchier , né le 14. Juin 1693. d'abord Capitaine
de Dragons dans le Régiment d'Orleans ,
ensuite Enseigne , puis au mois de Mars 1726.
Sous- Lieutenant des Gendarmes de la Garde du
Roy .
Pierre- Claude de Fontaines , Seigneur de Nel-
Bette , Ayde- Major et Maréchal des Logis de la
Compagnie des Chevaux - Legers de la Garde du
Roy.
Pompone, Marquis de Réfuge, fait Guidon de la
Compagnie des Gendarmes Ecossois en 1707.
Enseigne de la même Compagnie en 1709.Mestre
de Camp de Cavalerie par Brevet du 30. Mars
1710. et Sous-Lieutenant de la Compagnie des
Chevaux Legers Dauphins , au mois de Juillet
1723.
Henry- Louis Marquis d'Argouges, né le 20. Septembre
1689. reçû Cornette de la Compagnie
des Chevaux-Legers d'Anjou en 1709. Enseigne
II Vol. d'une
JUIN. 1734 1379
Pune autre Compagnie la même année , Sous-
Lieutenant de celle des Gendarmes Bourguignons
en 1710. et Capitaine - Lieutenant de celle des
Chevaux-Legers de Berry le 15. Juin 1723. puis
de celle des Chevaux- Legers . Dauphins en 1728 .
Cesar-Antoine de la Luzerne, Comte de Beuzeville
, Seigneur de Houllebec et du Moulin - Chapelle
, Mestre de Camp, Lieutenant du Régiment
Royal des Cuirassiers , par Commission du 11.
Janvier 1711 .
Louis -René Sandrier de la Tour , Mestre de
Camp d'un Régiment cy- devant Bellacueil , par
Commission du 26. Février 1711 .
..... de la Coste- Beaucaire , fait Mestre de
Camp d'un Régiment cy-devant Mongon , en
3712. réformé en 1714. après la Paix , obtint
celui de Lambesc le 13. Octobre 1730.
..... Marquis d'Estourmel, Mestre de Camp,
Lieutenant du Régiment de Toulouze , par Commission
du 27. Mars 1714
.......de la Motte , Lieutenant-Colonel avec
Brevet de Mestre de Camp , puis Mestre de
Camp d'une Brigade des Carabiniers .
Henry de Baudean , Marquis de Parabere, fait
Mestre de Camp d'une Brigade des Carabiniers
au mois de Novembre 1720.
..... le Ragois , Marquis de Bretonvilliers ,
Comte d'Avon , Lieutenant de Re de la Ville
de Paris , Mestre de Camp du Régiment Dayphin
, par Commission du 5. Janvier 1716.
Michel de Forbin , Marquis de Janson , Baron
de Villelaure , Seigneur de Manne , Mestre de
Camp du Régiment de Bretagne , par Commission
du 12. Août 1717. et Gouverneur des 1fle ,
Citadelle , Château et Forts d'Antibes , Grasse
leurs dépendances.
II. Vol.
Jacques
2374 MERCURE DE FRANCE
Jacques- Louis de S. Simon , Duc et Pair de
France , appellé ic Duc de Ruffec , né le 29. Juillet
1698. fait Mestre de Camp d'un Regiment
portant le nom de S. Simon , et cy- devant celui
de S. Aignan , par Commission du 25. Septembre
1717. et nommé Chevalier de l'Ordre de la
Toison d'or le 20. Janvier 1722.
Armand Jean de S. simon , Marquis de Ruffec,
né le 12 Avril 1699. fait Mestre de Camp d'un
Regiment portant le non de Ruffec , et ci - devant
celui de Villepreux , par commission du 26 Septembre
1717. et nommé Grand d'Espagne le 20
Janvier 1722.
Louis- Gabriel Bazin , Marquis de Besons , né
le premier Janvier 1700. fan Mestre de Camp
d'un Regiment ci- devant de Livry , par commission
du 15 Mars 1718. puis no nmé Mestre
de Camp du Regiment Dauphin étranger , le 19
Août 1719. et Gouverneur des Ville de Cambray
et pays Cambresis en Survivance au mois
de Janvier 1724. et titulaire par la mort dų
Maréchal son pere , le 22 May 1733. -
Victor Pierre-François Riquet , Marquis de Ca
raman , Baron d'Albiac , Seigneur de Roissy en
France , Mestre de Camp du Regiment de Berri,
par commission du 15 Mars 1718 .
Louis- Cesar le Tellier , Marquis de Courtanvaux
, né le 2 Juillet 1695. reçu Chevalier de
Malthe de minorité au Grand Prieuré de France,
le + Mai 1697. porta d'abord le titre de Chevalier
de Louvois , sous requel il fut fait Mestre de
Ca.np au Regiment Royal Roussillon , par
commission du 20 Mais 1718. Il eut le 19 Avril
1722. une commission pour exercer la charge
de Capitame Colonel des 100 Suisses de la Garde
du Roy , pendant la minorite du Marquis de
II. Vol. Mont.
JUIN. 1734
1375
Montmirel , son neveu ; il en prêta serment
entre les mains du Roy , le 26 du même
mois.
..... Comte de Berchini , Mestre de Camp
d'un Regiment de Hussarts , par commission
du premier Mars 1719 .
Jacques- Henri de Lorraine , Prince de Lixin ,
né le 24 Mars 1698. fait Mestre de Camp du
Regiment de Lorraine , par commission du 6
Mars 1719. Grand'Maître de la Maison du Duc
de Lorraine en 1721. et reçu Chevalier des Or
dres du Roi , le 16 Mai 1728.
Du Cup , Lieutenant Colouel du Regiment
de Vaudray , ayant brevet de Mestre de
Camp
De Caupene , Lieutenant Colonel du Regiment
de Randan , ci - devant Lorges ; et auparavant
Germinon , avec brevet de Mestre de
Camp.
... De Maujeon , Lieutenant Colonel du
Regiment de la Mothe- Houdancourt , auparavant
Villequier- Aumont , ayant brevet de Mes,
tre de Camp.
Brigadiers de Dragons.
Michel-Ancel des Granges , fut d'abord Mousquetaire
de la Garde du Roy , puis Capitaine de
Cavalerie , dans le Regiment Royal Roussillon,
servit en cette qualité en 1706. au Siege de Turin
, où il fut blessé et fait prisonnier à l'attaque
des Lignes le 7 Septembre , obtint au mois
de Septembre 1707. le Regiment de Dragons de
Guienne sur la démission duMarechal d. Montrevel
, et fut reformé en 1714. après la Paix.
Il devint au mois de Mars 1731. par la mort
de son pere , Titulaire de la charge de Maîne
II. Vol. des
376 MERCURE DE FRANCE
des Cérémonies de France , dont il avoit la Sure
vivance .
Louis Charles Armand Fouquet , Chevalier de
Belleisle , autrefois Mestre de Camp d'un Regiment
de son nom , auparavant S. Priest , reformé
en 1714. après la Paix .
Alexis de Coëtmen. Il fut fait au mois
de Juillet 1711. Mestre de Camp d'un Regiment
vacant par la mort d'Olivier- Joseph de Coetmen,
son frere aîné , qui avoit été tué le 12 du même
mois à l'attaque d'un Corps des Alliez , près
d'Arleux en Flandres. Ce Regiment fut reformé
en 1714. après la Paix .
Etienne-Julien Locquet de Grandville , fait
Mestre de Camp d'un Regiment ci - devant
Lesparre , au mois de Janvier 1709. reformé
en 1714.
Gabriël le Coigneux de Bellahre , né le premier
Fevrier 1687. autrefois Mestre de Camp
d'un Regiment de son nom , ci - devant Ranes ,
reformé en 1714.
Louis-Vincent, Marquis de Goësbriand, Mestre
de Camp , Lieutenant du Regiment de Condé
ainsi appellé depuis 1724. ci - devant Goësbriand,
et auparavant Foix et Firmarcon , dont il fut
fait Mestre de Camp , par Commission du 21
Fevrier 1714
Charles-Amedée de S. Martin d'Aglier , Mar
quis de Rivarolles , Piémontois d'origine, Mestre
de Camp reformé en 1714.
Louis - François Crozat , Marquis du Châtel ,
en Bretagne , d'abord Cornette de la deuxième
Compagnie des Mousquetaires de la Garde du
Roy , puis Mestre de Camp du Regiment de
Dragons de Languedoc , par Commission du 11
Janvier 1718,
II Vol. .. De
JUIN. T734 1377
:: . De Cilly , Lieutenant Colonel du
Regiment Colonel General , ayant brevet de
Mestre de Camp.
*. *
V
SONNE T.
Ous voulez un Sonnet
manie ?
, quelle étrange
Que cet ordre à mes soins impose un lourd
fardeau :
Un esprit délicat veut du grand et du beau ?
Hé le puis-je trouver dans mon foible gé
mie ?
Il faudroit pour vous plaire une Piéce suivie ;
Ou tout fut arrangé dans le gout de Boileau
;
Mais l'attendre de moi , c'est espérer de l'eau ,
-Au milieu des sablons de l'ardente Libie :
On ne me vit jamais dans le sacré Vallon .
L'Amour dans ma jeunesse étoit mon Apol
lon ;
Lui seul eut l'art d'ouvrir , et mon coeur et
ma veine :
Dix-huit Lustres complets ont éteint son flam
beau.
Je ne cultive plus ni Muse, ni Climene ;
Un soupir et deux Vers m'envoyeroient au tombeau.
II. Vol. F CERE
1373 MERCURE DE FRANCE
X:XX************ :*
CEREMONIE faite à Bordeaux ;
lors de la Position de la premiere Pierre
du Piedestal , sur lequel doit être élevée
une Statue du Roy &c.
Ntard de cette cérémonie ; mais
Ous avons été instruits un peu
nous l'avons été avec exactitude , puisque
c'est par
le Procès verbal qui en a été
dressé le même jour , et qui est conservé
dans les Archives de l'Hôtel de Ville, dont
une copie vient de nous être envoyée.
Personne n'ignore que la Ville de Bordeaux
est une des plus importantes et des
plus considerables Villes du Royaume, et
que son Port , situé sur l'embouchure de
la Garonne , est un des plus beaux de l'Europe
, formant par sa disposition un point
de veuë qui frape et un spectacle charmant
Cetre Ville , en profitant d'une si
heureuse situation , a voulu faire deux
choses dans ces derniers temps. Donner
au Roy une marque éclatante de son
zele , et se procurer en même tems un
surcroît d'embellissement , qui répondit
à celui qu'elle a receu de la nature. Elle
fait construire une grande Place Royale
ornée de Bâtimens magnifiques, prise dans
II. Vol. unc
JUIN. 1734 1379
ne bonne partie du terrain , occupé cydevant
par le Fauxbourg ,ou Quartier du
Chapeau Rouge . Et c'est au milieu de
cette grande Place que doit être érigéo
la Statue équestre du Roy , en bronze ,
de 14 à 15 pieds d'élevation , sans le
Piedestal , à laquelle travaille actuelle .
ment M. Lemoine de l'Académie Royale
de Peinture et Sculpture , dont tout le
monde connoît la capacité La Ville de
Bordeaux en fait aussi la dépense .
Lorsque cet auguste Monument sera
posé et que la Place Royale sera dans
son entiere perfection , nous ne manquerons
pas de donner la Description de l'un
et de l'autre , et d'apprendre au Public
tout ce qui se sera passé à cette occasion .
Nous nous bornons aujourd'hui à ce qui
concerne la cérémonie préliminaire contenuëdans
le Procès verbal dont nous avons
parlé , et dont voici les propres termes.
L'AN mil sept cent trente- trois et le
huitièmejour du mois d'Août , Mrs Joseph
deSegur Chevalier, Vicomte de Cabannac ,
Baron d'Arsac et de Belfort & c. Sous-
Maire :: François Joseph de Galatheau ,
Chevalier, Baron de l'Isle de la Lande &c.
Joseph Dupin , Ecuyer , Avocat en Parlement
, Seigneur de la Maison Noble
du Bauquet &c . Pierre Noël de Saincrit,
II. Vole Fij Ecuyer
1380 MERCURE DE FRANCE
Ecuyer , Seigneur de la Maison Noble de
Rouffiac: Pierre Borie , Ecuyer , Seigneur
des Maisons Nobles de Poumarede
Fleury & c. Ecuyer , Avocat en Parlement
, Pierre de Kater , Ecuyer , Jurats ,
Jean- Baptiste Maignol , Ecuyer Citoyen ,
Seigneur de la Maison Noble de Mataplane
, Procureur Syndic , et Guillaume
du Boscq , Ecuyer , Conseiller du Roy ,
Clerc et Sécretaire ordinaire de la Ville ,
revêtus d'une Robe de satin rouge et
blanc , celle de M. le Sous - Maire doublée
d'un drap d'argent , faites au sujet
de la présente Céremonie , étant partis
de l'Hôtel de Ville environ sur les six
heures du soir , M. Claude Boucher
Chevalier , Seigneur des Gouttes Hebecourt
& c. Conseiller d'Honneur au Par
lemont de Bourdeaux , Président Honoraire
en la Cour des Aydes de Paris , Intendant
de Justice , Police et Finances
de la Generalité de Guyenne , à leur tête ,
se sont rendus avec leur Cortége ordipaire
sur la Place Royale et dans le lieu
où se bâtit le Piedestal destiné pour
placer la Statuë équestre de Sa Majesté ,
que cette Ville doit faire élever à son
honneur et gloire ; comme un précieux
Monument de son amour , de son respect
et de sa soumission ; ayant fait leur mar-
II Vol, che
JUI N. 1734: 1381
the par la rue Saint James , par celles
des Ayres , Poisson Sallé , Saint Pojet ,
Sainte Catherine et par le Chapeau Rouges
les Troupes Bourgeoises au nombre de
12000 hommes , tous Chefs de Familles ,
étint sous les Armes , partie rangez en
haye sur lesdites rues , partie en Bataille
sur la Place Royale : et après plusieurs
décharges de Mousqueterie et de canon ,
tant de la Ville , que des Vaisseaux , qui
avoient reçu pour cela les ordres de
Mrs les Jurats , il a été placé au milieu du
fondement du Piedestal de la Statue, dans
une Pierre creusée exprès , un coffre de
plomb , dans lequel étoit un autre petit
coffre de bois de cedre , garri en dedans
de Satin bleu , orné d'un Galon d'or et
dans icelui on a mis six Médailles , l'une
d'or et les autres d'argent , représentant
d'un côté l'Edifice de la Place Royale
et de l'autre , la Statue équestre de S. M.
sur lesquelles Médailles il a été mis un
petit coussin de la même étoffe , aussi
orné de Galons d'or , et au- dessus on a
posé une Plaque de cuivre , sur laquelle
sont gravez les noms de M. Boucher ,
Intendant , ceux de Mrs les Sous- Maire ,
Jurats , Procureur Syndic , et Clerc de
Ville , et celui de M. Gabriël , Chevalier
de l'Ordre de Saint Michel , Contrôleur
II Vol.
,
Fiij
Ge382
MERCURE DE FRANCE
,
General des Bâtimens du Roy ,, son
Architecte ordinaire , et Premier Ingénieur
des Ponts et Chaussées de France ,
qui a donné les Desseins et conduit les
Travaux de la Place Royale , laquelle se
construit actuellement sur le Port de cette
Ville. M. Boucher , Mrs les Sous- Maire,
Jurats , Procureur Syndic et Clerc de
Ville , ayant mis , chacun selòn son rang,
un peu de mortier sut la premiere Pierre,
et donné quelques coups de marteau ,
tout cela au bruit des Tambours , des
Trompettes et des décharges deMousqueterie
et de canon , souvent réïterées , ils
ont mis le feu à un grand Bucher , qui
avoit été dressé sur la même Place , les
habitans ayant marqué une grande joye
et un contenrement parfait de ce premier
Monument , qui doit annoncer à la Posterité
la plus reculée les sinceres mouvements
de leur coeur , leur amour , et leur
respect pour S. M. Mrs les Sous- Maire ,
Jurats , Procureur Syndic et Clerc de
Ville ont pendant leur marche , et étant
sur ladite Place , fait jetter abondamment
de l'argent au Peuple , et ensuite ils ont
fait tirer avec beaucoup de succès un Feu
d'artifice pour la clôture de laCérémonie;
après quoi ils se sont retirez ayant laissé à
la Garde des Bourgeois de laVille, qui ont
II. Vol. SouTHE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONS
.
MDCCXXXIII
OPTIMO
PRINCIPI
PRÆSID
ET
DECUS
BURDIGAL
CIVITAS
JUIN. 1734. 1383
souhaité chacun à leur tour de participer
à cethonneur,la conservation du précieux
Dépôt des Medailles jusques à ce que l'Edifice
fut assez élevé pour le mettre à cou
vert des atteintes qu'on pourroit y donner.
FAIT sur ladite Place Royale , lesdits
jour , mois , et an que dessus , ainsi
signé Boucher , Segur Sous- Maire , de Galatheau
Jurat , Dupin Jurat , Saincrit
Jurat, Poumarede Jurat , Dessudres Jurat,
de Kater Jurat , Maignol Procureur Syndic
de la Ville , de Boscq Clerc et Sécretaire
de la Ville , et Gabriël.
On nous sçaura , sans doute, bon gré
de trouver ici la gravure du Type des six
Médailles qui ont été mises dans les fondemens
du Piedestal, et qui est le même
sur chaque Médaille . D'un côté on voit
la Représentation de la nouvelle Place
Royale , avec tous les accompagnemens
qu'elle doit avoir , et cette Legende
PRESIDIUM, ET DECU s . Et de l'autre
la Statue Equestre du Roy sur son
Piedestal avec ces mots CIVITAS BURDIGAL
OPTIMO PRINCIPI , dans
l'Exergue M. DCC. XXXIII.
Cette Medaille qui est de la grandeur
du Dessein gravé a paru d'un grand gout
et d'une belle exécution à tous les connoisseurs
, c'est M. Duvivier , de l'Aca-
11 Vol. Fiiij démie
384 MERCURE DE FRANCE
démie Royale , qui en a gravé les coins
avec son habilité ordinaire.

Les accidents survenus à l'un de
ces coins , qui est celui de la figure
Equestre , ont été la cause qu'elle n'a
pas paru dans le tems.LeGraveur a été obligé
de le recommencer trois fois,le coin s'étant
cassé autant de fois, tant à la trempe
que sous le Balancier : ce dernier se ressent
encore beaucoup de l'effort du Balancier,
par le grand nombre de Medailles qu'on
a frappées , qui ont élargi les fentes , et
qui causent la confusion que l'on apperçoit
dans l'ouvrage.
Le Sr Duvivier grave actuellement an
nouveau coin de la Tête du Roy , pour les
Medailles dont il fit le modele en cire ,
dans les mois de Fevrier et Mars dernier ,
-S. M. ayant bien voulu se prêter à plusieurs
reprises. Ce modele a été trouvé
très ressemblant.
tot
JE
ENIGM E.
E suis la fille détest able ,
D'un Pere infortuné , dont le plus grand malheur
,
Est de me concevoir avec tant de douleur ;
Que dès qu'il m'a formée , il devient misérable,
11. Vol. Jc
JUIN. 1734 7385
Je reconnois si mal l'Etre que je lui dois ,
Que par mes cruelles atteintes ,
Je l'oblige par jour à me nommer cent fois ,
La cause de ses maux , et de ses tristes plaintes .
En effet , je le fais cruellement souffrir ,
Au point même qu'enfin , au peril d'en mourir
On le voit se resoudre à me mettre en lumiere. '
Et de sa fille enfin, je deviens son bourreau ;
Car souvent par l'effort d'une main meurtriere
Quand il me met au jour , je le mets au tom
beau.
***XX*XXXX
J
LXXXXXX
LOGO GRYPHE.
E suis une prison aimable ,
Qui reçoit du Soleil la plus pure clarté :
Mais quoique mon séjour n'ait rien d'épouvan
table ,
• Pour recouvrer leur liberté ,
Mes hôtes jour et nuit d'une peine incroyable ;
Ont leur pauvre esprit agité.
Déja tu tiens le mot , Lecteur : ou c'est ta faute ,
Car je me suis bien expliqué ;
J'ai tort : mon imprudence est haute .. ¿
Mais tu ne l'as pas : tu l'as 'mal appliqué ,
Eh bien donc , pour t'aider,poursuivons la ma
tiere ;
II Vol,
F v E
1386 MERCURE DE FRANCE
Et voyons mes combinaisons .
Sept Lettres de mon tout font la structure entiere
,
Que l'on voit dans quelques maisons ;
En cinq , je suis riviere fort fameuse ;
Le fruit d'un arbre très vanté :
Une complaisance flatteuse ,
Me guide plus souvent que la sincerité ;
De la Musique encor un morceau très gouté ,
Enfin j'offre de quoi désennuyer, instruire;
En quatre , mes accens sont doux, mélodieux ;
J'arrête les plus furieux ;
Homme que sans sujet on voit pleurer et rire :
Brisure d'un Ecu , compte de Procureur ,
Ville de Normandie en chicane fertile ,
+
Crime qui toujours fit horreur :
Le non plus ultra du voleur ;
Et pour la méchanique une machine utile
En trois , je suis encor un terme de Blazon ::
Je fais , de tems en tems perir quelque fripon
Chose toujours très respectable ,
Un adjectif, bas, méprisable :
Ce qu'on trouve au fond des tonneaux ,
Chemin battu , plante d'odeur très forte ,
L'unique bien des animaux :
En deux le plus beau des métaux ;
L'ardeur qui pour. lui nous transporte ;
Nous expose à souffrir les plus rudes travaux ,
II. Vol
Pronom,
JUIN. 1387 1734
Pronom , et notte de musique ,
Mais c'est assez , Lecteur , et de tant de façons ,
J'ai de mon nom étalé la rubrique ,
Qu'après tant de travail , je sue : or finissons .
Par le Solitaire de Substantion , Prez de Montpellier.
AUTR E.
EN moi, Lecteur, tu ne vois rien de rare ,
Admire cependant mon sort et mon destin :
Quoique frêle jouet du caprice bizare ,
Tu rends à mon ouvrage un honneur souveraing
Rien ne peut égaler ma gloire ;
Je fais revivre les Mortels ;
Tu vois ce que je puis même sur les Autels ;
Et je conduis mon guide au temple de memoire
Veux-tu pour me trouver un autre stratagême è
Changeant l'ordre de mes sept pieds ,
D'abord tranche mon quatrième ,
Et fait du résidu deux égales moitiés ;
La premiere est dans les montagnes ,
Sur les mers et dans les campagnes ,
La seconde est un don des Cieux ,
Qui tous les jours se présente à nos yeux ;
Rejoignant à mon corps mon quatrième mem
bre ,
Après maintes combinaisons ,
Tu trouveras un Saint que l'on fète en Decembre
,
II. Vab
E vi
Un
1388 MERCURE DE FRANCE
Un lieu qu'on doit fermer pour de bonnes raig
sons ,
Ce que demande un pauvre qui mandie ,
Ce qu'engendre l'oisiveté ,
Plus deux Villes en Normandie ;
Ce que bien des mortels avec peine ont quitté
Deux oyseaux , le suc d'une grappe ,
Le soutien du Turc et du Pape ,
Un Insecte facheux , incommode animal .
Ce que nous nous grattons quand il nous fait
du mal ,
Un hahit qui toujours fut l'ornement des Dames,
Et qui par sa grandeur nous paroît messeant ;
Un autre habit utile aux femmes ,
Et qui couvre le précedent ;
Un oiseau décoré d'une belle parure :
Son nom pris en trois sens , offre encore à té
yeux ,
Un terme de l'Architecture ,
Et le rustique fils du plus voleur des Dieux ;
Ca ! ne te lasse point: tourne , change , partage
Si tu veux voit un fruit dont la blonde Cerès ,
Vient tous les ans enrichir nos guerets ,
Même certain pannier qui sert à son usage :
Si tu veux mieux me définir ,
La conquête d'un Roy sous qui tout doit fléchir
Une pièce d'un seau , douze mois , une toile ,
Leveront aisément mon voile :
Autre moyen pour me développer ,
II. Vol. En
JUIN 1734 7389
En trois Lettres je suis une Ville de France :
C'est un lieu fort , Frontiere de Provence :
Mais je t'en ai trop dit , je ne puis t'échapper ;
Il n'est plus tems que tu rumines ,
Dis moi mon nom ; rien ne t'est plus aisé ,
Ou crains que quelqu'un plus rusé ,
Ne trouve en moi le tien, si tu ne me devines?
Par J. Briere de G.....
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS , &c.
TR
ORAITE' DES BENEFICES ECCLESIASTI
QUES dans lequel on concilie la
discipline de l'Eglise avec les usages du
Royaume de France , et le Recueil des
Edits , Ordonnances , Déclarations et
Arrêts de Reglement, concernant les matieres
Beneficiales et autres , qui y ont
raport. Par M. P... G.... trois tomes
in 4 le premier 700 pag. sans la Préface.
Le second 720. Le troisiéme 650. A Pa-.
ris chez Langlois , la veuve Mazieres , et
J. B. Garnier. 1734.
Cet Ouvrage n'est pas trop susceptible
d'un Extrait , et d'ailleurs la matiere,
II. Vol.
dont
1390 MERCURE DE FRANCE
dont il traite , n'est pas de notre compé
tence. Mais en attendant que les Journaux
des Sçavans en rendent compte au
Public , nous avertissons qu'on trouvera
dans la Préface de l'Auteur des Remarques
fort judicieuses sur les Casuistes et
les Jurisconsultes , qui ont écrit sur lë
même sujet que ce Traité est une compilation
très méthodique et très - bien
faite des dix - sept volumes de M. du
Perray , et d'un Traité imprimé à Paris
en 1721. auxquels on a ajouté cinq ou
six Questions , qui sont presque toutes
neuves un court Supplément et une
Table fort ample : Que le Recueil des
Edits , Ordonnances , Declarations . &c .
tient la moitié du second volume et tout
le troisiéme ร
que c'est la plus grande
Collection , qui ait encore paru sur cette
matiere ; qu'elle est terminée par deux
Tables très - commodes pour trouver d'abord
les pièces , dont on aura besoin .
Enfin si l'utilité , le bon style , l'exactitude
, la méthode et les recherches sçavantes
sont un pronostic sûr pour un
Ouvrage , on doit certainement très bien
augurer du succès de celui - ci , qui nous
paroît même nécessaire à tous ceux , qui
ont besoin d'étudier les matieres Beneficiales.
II. Vol.
CATAJUIN.
1734 1397
,
2 CATALOGUE des Archevêchez
Evêch z , Abbayes et Prieurez de Nomination
Royale , leur revenu , charges
déduites ; la Taxe de Rome , les Evêchez
situez en pays d'obédience ceux qui
sont du ressort de la Legation d'Avignon ;
le nom des Titulaires , et la date de leur
Nomination en l'état qu'ils se trouvent
au 15 de May 1734. A Paris , chez Langlois
, Imprimeur Libraire , rue S. Etienne
d'Egrès , au Bon Pasteur. 1734. in 8 .
Ce Recueil , dont voici la seconde Fdition
considerablement augmentée et plus
correcte , est très secourable pour avoir
la connoissance la plus juste des Benefices
que l'on ait cüe jusqu'à présent.
TO ME XVIII. de la Bibliotheque
German: que.
Dans l'article IV . on trouve un Extrait
du XIV. volume de la Bibliothéque
Grecque de M. , Fabricius , dont nous
avons parlé dans le Mercure en differentes
occasions. Ce nouveau volume cst
imprimé à Hambourg chez la veuve
Felginer en 1728. et contient 740 pages
in 4. Le Journaliste Allemand nous.
apprend que c'est ici le dernier volume.
de ce grand Ouvrage , ajoutant qu'il et
présentement complet , et que c'est le
II. Vol. fruic
1392 MERCURE DE FRANCE
fruit d'un travail de 25 années ; travail
immense et qui cependant n'a pas empê
ché M. Fabricius de donner au Public
dans cet intervalle de tems , plusieurs
Ouvrages très- considerables .
La principale piéce de ce dernier volume
est un Indice general sur les XIV.
volumes précédens . On doit en partie
cette Table , si nécessaire à cause de la
varieté et de l'abondance des matieres ,
à Jean Chrêtien Vuolff , Professeur de
Physique et de Poësie à Hambourg ; sur
quoi M. Fabricius lui témoigne sa reconnoissance.
L'Article VII. contient l'Extrait d'une
Histoire des Allemands écrite en Alle
mand jusqu'au commencement de la
Monarchie Françoise par le DocteurJean.
Jacques Mascou 1. vol . in 4. à Leipsic
chez Jacques Chuster 1726. PP. 508.
sans les Préfaces et les Tables . Le dessein
de l'Auteur est de nous donner l'Histoire
des Anciens Allemands jusqu'à l'extinc
tion de la posterité de Charlemagne; mais
il ne va dans ce volume que jusqu'à
Clovis exclusivement .
Il importe à ceux qui veulent s'instruire
à fond des Coutumes et du Droit
d'Allemagne d'aller en chercher la source
dans les tems les plus reculés . Tout ce
II Vol.
qui
JUIN. 1734 1393
qui contribue à rendre ces siécles moins
impénétrables et à en mettre l'Histoire
dans un plus grand jour mérite donc
l'attention et la reconnoissance du Public.
On y trouve l'origine de diverses Nations
Germaniques ou voisin esde l'Allemagne,
qui ont d'abord désolé et puis conquis
les plus considérables Parties de l'Empire
Romain ; le récit de leurs Expéditions ,
des Remarques sur les principaux Chefs
et sur les bonnes ou mauvaises qualitcz
de ces Héros : Tout cela est exécuté
comme il doit l'être dans une bonne
Histoire ; l'Auteur du Journal remarque
qu'il eut été à souhaiter que M. Mascou
eut écrit son Histoire en Latin en faveur
des Etrangers , d'autant plus qu'il a écrit
d'autres Ouvrages en cette Langue avec
succès .
Le premier Livre contient l'Histoire
'des Allemands jusqu'à la fin de la Guerre
Cimbrique ; on y trouve entre beaucoup
d'autres choses remarquables , le récit des
Victoires que les Cimbres et les Teutons
ont remporté sur les Romains et de leur
défaite par Marius. Depuis les Cimbres
jusqu'à Cesar les Peuples d'Allemagne
sont peu connus dans l'Histoire : Cesar
- nous a laissé des Memoires des Guerres
qu'il a cues avec eux , et quoique de son
II. Vol
tems
1394 MERCURE DE FRANCE
tems on doutât de la fidelité de ces Mémoires
, M. de Mascou n'a pû faire autrement
que de le prendre pour guide en lc
redressant , lorsque l'occasion s'en présente.
Il suit donc Cesar dans ses Expéditions
en Germanie , et il donne ensuite
une idée des moeurs des anciens Germains
prise de Cesar et de Tacite , il compare
ensuite la Mythologie de ces Peuples avec
celle des Grecs , à l'avantage de celle des
premiers. C'est ce qui contient le second
Livre.
Le troisiéme continue l'Histoire des
Allemands jusqu'à la défaite de Varus ,
c'est-à-dire les diverses Expéditions des
Romains sur les Sigambres, les Semnons ,
les Hermundures , les Marcomans , et
autres Peuples de ces pays là , jusqu'à
l'affreuse déroute de Quintilius Varus ,
dont l'avarice et les chicanes avoient
mis les Peuples Germains au désespoir.
Le quatriéme Livre contient les exploits
d'Arminius en faveur de sa Patrie
et de ceux deGermanicus en faveur desRomains
un court parallele entre ces deux
jeunes Héros; le récit des diverses Guerres
des Allemands contre les Successeurs de
Tibere , et un détail du soulevement des⚫
Bataves sous la conduite de Civilis : le.
Livre finit par la Paix des Romains avec
1 I. Vol.
les
JUIN.
1734. 1395
Ies Bataves , quoiqu'on ignore en quoi.
précisement elle consista .

Le cinquiéme raporte les Victoires
vrayes ou prétendues de Domitien sur
plusieurs Peuples Germaniques , celles de
Nerva sur les Marcomans , celle de Trajan
et de Marc- Aurele . On y remarque
le tems auquel l'Histoire nomme pour
la premiere fois des Peuples fameux , les
Allemands , les Goths , les Francs et les
Scythes , du nombre desquels étoient les
Goths. On trouve dans le même Livre
les Victoires de Probus sur les Allemands
proprement dits , sur les Sarmates et sur .
les Goths.
Le sixième Livre s'étend jusqu'à la fin
des Guerres des Francs et des Allemands.
sous Julien ; il met sous les yeux les noms
d'autres Peuples fameux , des Thurin
giens , des Saxons , des Bourguignons
des Vandales : ces derniers étoient déja
connus auparavant ; on y trouve encore
les Guerres des Peuples Germains entre
eux , les succès de Diocletien et de Maximien
, de Galere , de Constance et de
Constantin sur ces Peuples , leur défaite
près de Strasbourg par Julien
soumission sous cet Empereur.
و
et leur
Le septième comprend les differentes
Revolutions qui arrivérent dans l'Occi
II. Vol dent
1396 MERCURE DE FRANCE
dent occasionnées par les Alains , les Quades
, les Bourguignons , les Saxons &c .
jusqu'à la grande migration des Peuples
dans l'Empire d'Occident.
La Fondation des Etats des Goths , des
Sueves , des Bourguignons dans les Provinces
de l'Empire font le sujet du
huitiéme Livre. Mais ce qu'on y trouve
de plus remarquable , c'est le récit des
Guerres réïterées des Goths en Italie sous
la conduite d'Alaric ; on y voit les traitez
et les ruptures qui se succedérent à diver
ses reprises entre lesGoths et les Romains,
et un détail très circonstancié de la prise
de Rome par Alaric ; le mariage de Placidie
, Soeur d'Honorius avec Ataulphe ,
Successeur d'Alaric ; et enfin l'Histoire
de l'établissement des Alains , des Sueves,
des Vandales et des Goths en Espagne
et de celui des Bourguignons dans les
Gaules aux environs du Rhin : l'Auteur
dit aussi quelque chose des Francs et des
Loix Saliques .
La plus grande partie du neuvième
Livre est employée à la narration des
conquêtes desVandales en Espagne et en
Affrique , et à celle des Guerres des Huns
et de leurs ravages dans l'Occident sous
la conduite d'Attila dont M. Mascou fait
le portrait et dépeint le caractére , mais
II. Vol. avec
JUIN. 1734. 1397
avec des traits qui présentent l'idée d'un
Héros plutôt que d'un Barbare , et qui
réforment celle qu'on a eûe autrefois , et
que plusieurs se forment encore d'Attila.
Le dixiéme Livre qui finit ce volume
va jusqu'au commencement du Gouvernement
de Clovis. On y voit les Vandales
succeder aux Huns dans l'Italie : le
pillage de Rome par Genseric Roy Vandale
et Arien , avec des remarques sur
la modération de ces Peuples , sur leur
chasteté , sur leur severité et leur exactitude
à faire observer les Loix , et sur la
douceur de leur domination et de leur
Gouvernement, devenu agréable aux Romains
mêmes. L'Auteur finit ce volume
par des Réflexions sur les causes de cette
grande Révolution et sur les changemens
qu'elle apporta à la situation de l'Europe.
Extrait des Nouvelles Litteraires
du XVIII Tome.
De Petersbourg. On verra bientôt l'Histoire
Metallique d'Edesse , par M. Bayer
qui s'imprimé en cette Ville. Des Medailles
raportées d'Orient par M. Buxbaum
lui ont été d'un grand secours. Il fournira
une suite Chronologique des Rois
d'Edesse qui , à ce qu'on assure , sera
complette,
D'Upsale. II. Vol.
1398 MERCURE DE FRANCE
D'Upsale. Il parut en certe Ville l'année
passée ( 1728. ) deux Dissertations
Académiques de feu M. le Docteur
Wallin , sur l'Art d'écrire avec du feu . De
Arte Trithemiana scribendi per ignem , et
une autre de M. Fabien Toerner, Profes
seur en Eloquence sur l'origine et la Religion
des Finlandiens.
De Varsovie , M. Bachstrohm , qui est
arrivé depuis peu de Constantinople en
cette Ville , y doit retourner dans quelque
tems avec toute sa famille , pour être
employé à la Traduction de la Bible en
Langue Turque.
D'Ausbourg. On a réimprimé ici une
Traduction Latine du Dictionnaire de la
Bible de Dom Augustin Calmet , par le
R. P. Dom Jean- Dominique Mansi. Cette
Traduction avoit paru à Luques il y a
quelques années sans figures. Les Librai
res ont jugé à propos d'en metire quelques-
unes à cette nouvelle Edition. Le
P. Mansi a corrigé quelques fautes de
Dom Calmet Au reste le supplement n'est
point encore traduit en Latin . On dit
qu'il doit paroître une Traduction Allemande
du même Dictionnaire avec tou
tes les figures .
De Nuremberg. On débite ici les Ou
vrages du fameux Gerard de Lairesse , sur
II. Vol. - le
JUIN. 1734 1399
le Dessein et sur la Peinture , traduit du
Hollandois en Allemand.
D'Altorf. M. le Professeur Schultz ;
qui publia l'année passée ( 1728. ) l'Histoire
de la Médecine en Latin , fait esperer
une nouvelle Edition Grecque de Plutarque
, et une Traduction Allemande
du même Auteur , toutes deux avec des
Remarques.
De Leipsic. M. Paul- Daniel Longolius
a soutenu publiquement et a fait imprimer
une Dissertation Académique , dans
laquelle il prétend prouver que chez une
grande partie des nations , auxquelles on
reproche d'avoir sacrifié des victimes humaines
, on choisissoit pour victimes au
nioins la plupart du tems , non des personnes
innocentes , mais des criminels
condamnez à mort pour leurs crimes .
Walther fait imprimer une Traduction
Allemande de l'excellent Ouvrage de
M. Niewentyt , intitulé : le bon usage de
la contemplation du Monde ou l'existence
de Dieu, démontrée par les merveilles de la
nature.
De Halle. M. Gasser a publié une Dissettation
Académique . De Inquisitione
contrà surdum et mutum naturâ : et une Introduction
à la connoissance des affaires
d'oeconomies , de Polices et de Domaines.
I I. Vol; De
1400 MERCURE DE FRANCE
De Lubeck . M. Martini , arrivé en cette
Ville depuis quelque tems de Petersbourg
, où il étoit Membre de l'Acadé
mie , vient de faire imprimer une petite
brochure Latine sur le célebre Enfant de
Lubeck . Chrêtien Henri Heinecken , dans
laquelle il tâche de rendre des raisons
naturelles de l'extraordinaire capacité de
cet Enfant.
Moins de partialité et plus d'exactitude
dans les Auteurs de la Bibliothéque
Germanique donneroient du relief à cet
Ouvrage. On y trouve une critique presque
continuelle de la Religion Catholique
, capable d'indigner non seulement
ceux qui ne pensent pas comme ces Auteurs
, mais toutes les personnes sensées .
C'est d'ailleurs abuser de la qualité de
Journalisre et entendre mal ses propres
intêrets. A cela près , les Auteurs de ce
Journal y font paroître de l'esprit et de
l'érudition ..
BIBLIOTHEQUE RAISON NE'E
des Ouvrages des Sçavans de l'Europe ,
Tome 8. premiere et seconde Partie
année 1732. A Amsterdam chez les
Wetsteins et Smith. in 12.
>
Cet Ouvrage se soutient toujours avec
la même élegance , la même force , la
,
II. Vol.
même
JUIN.
1734. 1401
C
même érudition , et la même finesse de
style : pour en convenir on n'a qu'à lire
l'Extrait qui est à l'ouverture du Livre
que nous annonçons . C'est la nouvelle
Edition faite à la Haye en 1731. des
Poësies de l'Abbé de Chaulien et du
Marquis de la Fare.
On apprend dans l'article des Nouvelles
Litteraires que le Docteur Mandeville
a publié à Londres un Ouvrage
Anglois sous ce titre : Recherches sur l'origine
de l'Honneur et sur l'utilité du Christianisme
dans la Guerre. Par l'Auteur de
la Fable des Abeilles . in 8 . "
MEMOIRES HISTORIQUES ET CRITIQUES
sur divers points de l'Histoire de France,
et plusieurs autres Sujets curieux , par
François Eudes de Mezeray , Amsterdam ,
bez Jean-Frederic Bernard , 2 vol. in 8.
- NOUVEAU DICTIONNAIRE François
et Latin , enrichi des meilleures façons
de parler en l'une et l'autre Langue . in
septiéme Edition .
LE JOURNALISTE A MUSANT ,
ou le Monde sérieux et comique , in 12.
ART. I V. du 2 tome p. 368. LETTRE
11 Vol. G de
1402 MERCURE DE FRANCE
de M. de S. Hyacinte à M. de la Motte,
touchant un Écrit de M. de S. Pierre ,
sur l'Origine du Droit et des Devoirs.
LETTRE au R. P. Niceron , sur un
article du XI. vol. de ses Memoires pour
servir à l'Histoire des Hommes Illustres ;
ou Justification de M. Arnauld , Docteur
de Sorbonne , au sujet de M. Deslyons ,
Doyen de Senlis , & c.
On a traduit Sethos en Anglois , en
2. vol. in 8. aussi bien que l'abregé de
'Histoire de France du P. Daniel , en s
vol. in 8.
RECHERCHE PHYLOSOPHIQUE sur la
Source physique des actions de l'homme
et la cause immédiate de la pensée . A
Londres , in 8. en Anglois.
LETTRE d'un Médecin à un Médecin ;
sur un nouveau Fébrifuge , écrite de
Paris le 20. Juin 1734.
Sla
I vous avez trouvé ingénieuse , Monsieur ,
la Dissertation de l'organe de l'ouie , faite
par un Allemand , je vous dirai qu'elle a aussi été
estimée par les plus grands Anatomistes de Paris ;
mais si cela vous a surpris , comme il me paroît
par votre Lettre , vous le serez bien plus en apprenant
la découverte d'une Plante qui fait au-
II. Vol.
jousJUIN.
1731 1403
joud'hui l'étonnement de tout Paris et des Physiciens
les plus experimentez.
Sur la fin de l'année 1733. j'entendis publier
les merveilles de la racine d'une Plante, qui, réduite
en poudre, sans aucune addition , étoit eszimée
le plus puissant Fébrifuge qui ait jamais
parû , la petite quantité qui en étoit nécessaire
pour la guérison de toute espece de fievres ( pourvu
qu'elles ne fussent compliquées d'aucune autre
maladie , par elle-même incurable ) me surprit si
fort , que malgré la déférence et le respect que
j'ai pour tout ce qui est autorisé par M. de Chicoineau
, Conseiller d'Etat et Premier Medecin
du Roy , qui en a donné un Certificat authentique
le 9. Novembre 1733. après en avoir fait
un grand nombre d'épreuves qui lui ont certifié
sa vertu , et en conséquence duquel S. M. a accordé
un Brevet le 17. Novembre 1733. qui en
permet la vente pour l'utilité publique , et en
a ordonné l'usage dans tous les Hôpitaux
de ses Armées ; je voulus par moi - même me certifier
de ces miraculeux effets , et à cet effet je la
donnai à un jeune homme âgé de 18. ans , attaqué
d'une fievre tierce très-cruelle , et pour la
guérison de laquelle je m'étois bien proposé une
forte doze de Kinkina ( sans l'abri du retour
) mais mon étonnement fut bien grand ,
voyant que la deuxième prise de cette Poudre
avoit totalement emporté la fievre ; après cet
effer , aussi prompt que surprenant , j'en usai
avec hardiesse dans toutes les fievres , soit continues
, quotidiennes , tierces , doubles - tierces
quartes , doubles -quartes , &c. qui se sont pré
sentées , et nulle n'a résisté à la troisième prise ;
j'en ai encore retiré de très prompts secours
( et de surprenantes guérisons ) dans toutes les
II. Vil. Gij dissen1404
MERCURE DE FRANCE
dissenterics , tenesmes , cours de ventre inveteré ,
diarhées , soit bilieuses , venteuses, porracées, &c.
cffets qui vous paroîtront impossibles , et je ne
doute nullement que vous ne vouliez pas vousmême
vous éclaircir de ce.qui paroît si obscur ;
c'est pourquoi j'ay crû ne devoir plus differer ,
étant pleinement assuré de ses generiques vertus ,
de vous en faire participant , étant persuadé
qu'elle vous sera très- utile dans votre Pays , où
les fievres sont aussi rebelles que communes , et
pour la guérison desquelles le Kinkina vous
donne journellement la Comédie par leur retour,
effet qu'il ne faut pas attendre de la Poudre Fébrifuge
de la Jutais , qui se vend chez le sieur le
Blanc , Marchand Chapelier , vis - à- vis le Grand-
Conseil , rue S. Honoré . Et pour comble d'avantage
, le prix de cette Poudre est de 10. sols la
Prise , taxée ainsi par S. M. afin que tout le
Monde profite de sa bonté.
La Tragédie de Pelopée , qui se vendoit cydevant
chez le Breton , Quay de Conty , se vend
présentement chez Jacques- Nicolas le Clerc , au
deuxième Pillier de la Grand - Salle du Palais , à
la Prudence.
Le Samedy 26. Juin 1734. le sieur Lépicié ,
habile Graveur , fut agréé unanimement dans
une Assemblée generale de l'Académie Royale
de Peinture et Sculpture il avoit présenté à la
Compagnie plusieurs de ses Estampes ; sçavoir ,
le Jeu d'Enfans, ou la Toilette , d'après M.Coypel.
L'Amour Précepteur , du même.
Le Printemps, d'après la Signora Rosalba .
Le Portrait de M. Grassin , d'après M. De-
Jargilliere.
II. Vol. L'Amour
JUIN. 1734 1405
L'Amour Moissonneur et l'Amour O iseleur ,
d'après M. Boucher .
Le Portrait du Chevalier de la Roque , d'après
Wattau.
Il a à graver pour sa réception , le Portrait
de M. Rigaud et celui de M. Bertin.
Il paroit une nouvelle Estampe en large , ruž
S. Jacques , chez la Veuve Chereau , où l'Archi
tecture et les divers ornemens de la Sculpture ,
offrent aux yeux ce qu'il y a de plus agreable
pour les formes et pour l'élégance des diverses
parties . Le tout forme la façade d'un magnifique
Palais , dont le Plan est circulaire , élevé sur un
double Perron , et un du côté d'un Jardin , avee
deux aîles , Cette Estample est très - bien gravée
d'après le Dessein de M. Meissonnier , par le
sicur Laureolly.
Le Public et les Curieux en Peinture , ont vu
avec plaisir le jour de l'Octave de la Fêre Dieu ,
dans la Place Dauphine , quelques Tableaux de
divers Maîtres et de plusieurs jeunes Peintres ,
exposez par eux , ou par ceux qui les possedent.
On en voyoit deux en hauteur , de M. de Troy ,
avec une extrême satisfaction , dont l'un représente
une Fuite en Egypte , et l'autre , un Sujet
François et très- galant , c'est une Dame à sa
Toilette , debout dans le moment qu'on l'habille .
Seize Tableaux du sieur Chardin ; le plas
grand représente une jeune personne qui attend
avec impatience qu'on lui donne de la lumiere
pour cacheter uneiLettre.Les figures sont grandes
comme Nature.
Les autres Tableaux du même Auteur , sont
des Jeux d'Enfans , fort bien caracterisez , des
1 I. Vol.
G iij Tro7406
MERCURE DE FRANCE
Trophées de Musique , des Animaux morts er
vivans , et aures Sujets dans le goût de Tenier ,
où l'on trouve une grande verité.
Deux du sieur Natoire , digne Eleve de M. le
Moine . Ce sont deux Sujets tirez de la Fable
une Galathée, & Tableaux de Chevalet.
Quatre du sieur le Sueur , petit neveu du célebre
Eustache le Sueur. Le Portrait d'un Musicien
en Arménien , tenant une Flute. Autre Por
trait d'un Peintre , & c. Deux Enfans dans le
goût de Grimoud ; le petit Garçon tient une
Flute, et la petite Fille un papier de Musique, &c.
Deux Portraits du sieur Toquet.
Trois Portraits du sieur Autreau
Un grand Tableau du Sieur Lami , représen
tant une Assomption .
Deux Paysages en large, du sieur Charles du
Bois de Valencienne , & c.
Le 22. Juin , l'Académie de Chirurgie , établie
sous la protection du Roy , tint sa Séance pu
blique dans la grande Sale des Maîtres Chirur
giens de Paris , nous en rendrons compte le
mois prochain.
Les sieurs Gersaint et de Mortain , Marchands
PontNotre- Dame, donnent avis aux Curieux , qu'ils
ont rapporté d'un voyage qu'ils viennent de faire
en Hollande , quantité de Tabeaux et Desseins des
meilleurs Maîtres , avec un grand nombre d'Estampes
rares et des plus belles Epreuves. Ils ont
trouvé entre autres choses , chez un fameux Curieux
d'Amsterdam , un Cabinet de Coquilles des
mieux conservées , excellemment belles et des
plus singulieres , avec plusieurs autres curiositez
naturelles qui en font l'assortiment , qu'ils ven
II. Vol. droat
JUIN. 1734: 1407
dront en entier et sans division . C'est une des
Collections des plus parfaites en ce genre qu'il y
ait en France ; ils avertissent aussi qu'outre ce
Cabinet , ils en ont une grande quantité de doubles,
qu'ils pourront vendre séparement, et dont
la condition et la beauté sont égales.
La vente de toutes ces Curiositez se fera
dans leurs Maisons , Pont Notre Dame , et
ils auront soin d'avertir les Curieux par une
Affiche , du jour qu'ils seront en état de l'ouvrir
Le sieur Dugeron , ancien Chirurgien d'Armée
, continue de distribuer avec succès un:
Opiate qui préserve les Dents de se gâter et de
tomber ; ses Boëtes se vendent z . livres , 3. liv .
et 4. livres. Il demeure à Paris , rue du Four ,
près S. Eustache , avec Tableau.
***************
SPECTACLE S.
MARIE STUART , Reine d'Ecosse ,
Tragédie de M. * * * .
VoOicy l'Extrait que nous avons promis
de cette Piece , représentée depuis
peu au Théatre François.
ACTERS.
Elisabeth, Reine d'Angleterre. La Dlle de
Balicourt.
Marie Stuatd , Reine d'Ecosse , La Dlle
11. Vol.
du Fresne.
Le
1408 MERCURE DE FRANCE
Le Duc de Norfolck ,
Dudley , Comte
le Sr Dufresne.
le Sr Grandval.
Lle S.Sarrazin
de
Leycestre,
d'Elisabeth' Ministres
S
Cecil ,
Heliton , l'un des Principaux Officiers
du Palais , ami du Duc de Norfolck
le Sr le Grand
Monros , Ami d'Helton , le Sr Dubreuil.
Chelsey, Confidente d'Elizabeth, la Dlle
Fouvenot.
Un Officier des Gardes d'Elizabeth , le Sr
Un Garde ,
de la 7 horilliere.
le Sr d'Angeville , jeune.
La Scene est à Londres dans une Sale
'du Palais d'Elizabeth.
>
Quoique cette Tragédie dont l'Auteur
ne s'est pas encore fait connoître , n'ait
pas eu beaucoup de succès , on n'a pas
laissé de rendre justice à la plume dont
elle est sortie. On en a trouvé la versification
noble soutenue et élegante.
On n'a pas été , à beaucoup près , aussi
content de l'action Theatrale , non plus
que des caractéres ; celui d'Elizabeth a
été mieux rendu que tous les autres . Au
reste , comme les Représentations n'en
ont pas été assez nombreuses , nous
n'avons pû retenir l'ordre de la Piéce
Scene par Scene : ainsi nous esperons que
II. Vol. le
JUIN 1734. 1409
le Public voudra bien nous excuser , si
nous ne faisons pas un détail assez exact
de ce Poëme .
Il commence par une Scene déliberative
entre Elizabeth et ses deux Ministres ,
et Cecil. La Reine expose les raisons qui
la portent à les consulter. Il s'agit de faire
périr Marie Stuard , son ennemie et sa
prisonniere , ou de la renvoyer à son
Royaume d'Ecosse. Dudley amoureux de
cette Reine opprimée , opine pour son
rétablissement sur le Trône , et Cecil fait
entendre qu'il importe à la Reine d'Angleterre
de perdre une si redoutable Rivale
; Elizabeth se rend en apparence au
Conseil de Dudley , et lui ordonne d'aller
délivrer Marie Stuard. A peine ce Ministre
est-il sorti pour aller exécuter sa
commission , que Cecil , pour se vanger
de ce qu'il l'a emporté sur lui , ou pour
d'autres interêts qu'il n'explique pas ,
fait entendre à Elizabeth que Dudley a
moins parlé en Ministre, qu'en Amant de
Marie Stuard , quand il a pris si hautement
şon parti. Elizabeth qui aime secretement
Dudley , et qui a trop de fierté
pour ne s'en croire pas aimée , est mortellement
frappée de la double infidelité
qu'on lui fait ; elle se détermine dans un
monologue à approfondir cette fatale dé-
G.Y Avant couverte.
1410 MERCURE DE FRANCE
que
Avant Marie Stuard eut été mise
en liberré , il y a apparence que le Duc
de Norfolck , son Partisan et son Amant
déclaré , avoit conspiré pour la tirer de
prison à force ouverte. Il est introduit
secretement par Helton son ami , et l'un
des principaux Officiers du Palais dans
un Appartement des moins fréquentez.
Marie Stuard est agréablement surprise
de le trouver au sortir de sa prison , mais,
à ce premier mouvement de joye succede
un sentiment de vertu , quand elle apprend
que le Duc ne parle pas moins
que de déthrôner Elizabeth et de la faire
périr. Norfolck ne peut s'empêcher d'admirer
la noblesse du coeur d'une si illustre
Amante ; il lui promet de ne s'attacher
uniquement qu'à la rendre à ses sujets
et à la rétablir sur le Trône paternel ; il
la quitte pour aller mettre la derniere
main à un projet si glorieux.
Dudley instruit de la conjuration de
Norfolck par un perfide Ami à qui ce
Duc s'est inprudemment confié , veut
tirer parti de ce secret , pour s'insinuer
dans les bonnes graces de Marie Stuard
qu'il aime , comme nous l'avons déja fait
remarquer il lui fait valoir les services
qu'il lui a déja rendus et ceux qu'il peut
encore lui rendre. Marie Stuard qui le
11 Vol
Croir
JUIN. 1734. 1411
que,
croit dans les interêts d'Elizabeth , dont
il est Ministre , se défie de lui ; Dudley
lui proteste qu'il est entierement à elle ,
quoique Ministre de sa Rivale ; Marie
Stuard toujours plus défiante, lui dit
soit qu'il trahisse Elizabeth , soit qu'il
vueille la tromper elle - même, il est ég lement
coupable : Dudley lui répond qu'il ne
peut mieux prouver son innocence que
par l'aveu d'un crime qu'elle a ignoré
jusqu'à ce jour , et ce crime s'explique
par une déclaration d'amour ; M Stuard
prend cette déclaration pour un dernier
pige qu'il lui tend par l'ordre d'Eli
Zabeth ; par malheur Elizabeth atrive
dans ce premier mouvement de colere
et de défiance . M. Stuard lui fait entendre
qu'elle a découvert son artifice et
qu'elle ne doute point que Dudley , qui
a porté l'audace jusqu'à lui parlerd'amour,
ne l'ait fait, pour la faire expliquer avec
plus d'ouverture de coeur.
M. Stuard s'étant retirée avec assez de
hauteur ; Elizabeth éclate contre Dudley
dont elle s'est toujours crûe aimée ; Dudley
a recours à l'artifice , et répond à
Elizabeth que c'est uniquement pour
mieux sonder le coeur de M. Stuard qu'il
lui a parlé d'amour ; Elizabeth le congédie
sans lui faire l'honneur de le croire..
IL Vol.
Gvj Elle:
1412 MERCURE DE FRANCE
Elle est plus indignée contre Dudley
comme sujet perfide , que comme Amant
infidele ; son coeur se tourne tout entier
du côté de l'ambition et paroît craindre
beaucoup plus de perdre le Trône, qu'un
coeur si peu digne d'elle.
Dans l'Acte suivant , Dudley fait une
seconde tentative auprès de M. Stuard ;
il est plus précisement instruit des démarches
du Duc de Norfolck , par le
même traître qui s'est déja ouvert à lui
il dit à M. Stuard qu'il ne tient
qu'à lui de perdre son Rival qu'il
ne tient qu'à elle de se sauver elle même,
en acceptant ses services ; M. Stuard
emportée par son amour,lui répond, que
la premiere loi qu'elle lui impose c'est de
sauver Norfolck ; Dudley frémit à cette
proposition et se retire , la menace à la
bouche ; il ne tarde pas à consommer sa
trahison ; Elizabeth ne le reconnoît que
trop à l'arrivée de Cecil : Ce Ministre
dont on a parlé dans la premiere Scene ,
Jui fait entendre qu'on vient de lui dire
que le Duc de Norfolck a de l'intelligence
dans le Palais et qu'il va en instruire Elizabeth.
M. Stuard l'arrête , et croit ne
pouvoir mieux sauver son Amant qu'en
s'accusant elle- même. Cecil , au comble
de ses voeux , va tout dire à Elizabeth ;
II. Vola M.
JUIN. 1734- 1413
M. Stuard en est dans la consternation .
Pour surcroît de malheur elle voit approcher
le Duc ; elle frémit du peril où
il est exposé : elle lui apprend qu'on sçait
tout ; et qu'il a été trahi par quelqu'un
des conjurez ; elle lui ordonne de sortir
du Palais ; Norfolck vent perir avec elle;
mais elle l'oblige enfin de sortir , après lui
avoir dit que sa qualité de Reine met sa
vie en seureté .
Voilà le noeud de la Piéce arrivé à son
plus haut point , tout ce qui suit s'achemine
à grand pas à un dénouement des
plus funestes pour l'un et pour l'autre.
Amant.
Chelsey Confidente d'Elizabeth , ouvre
la Scene du quatrième Acte avec Marie
Stuard elle lui fait entendre que la
Reine sa maîtresse est toute disposée à
la recevoir entre ses bras , poutvû qu'elle.
vucille bien s'y jetter ; elle ajoute que
c'est le seul azile qui lui reste contre ses
juges, qui vont s'assembler pour lui faire.
son Procès ; au nom de Juge, M. Stuard
ne peut se contenir ; elle ne reconnoît
point de Tribunal qui puisse interroger
une Reine , encore moins la condamner;
elle consent cependant à voir Elizabeth :
cette derniere vient , et après un préam
bule d'indulgence et mênie de tendresse ;
11. Vol.
elle
1414 MERCURE DE FRANCE
elle fait un détail de tous les crimes dont
elle prétend que M. Stuard s'est noircie.
On a trouvé cette Scene très - belle , à la
longueur près ; M. Stuard ,sans répondre
d'une maniere détaillée à chaque chef
d'accusation , nie tout et parle avec tant
d'aigreur à Elizabeth , qu'elle l'oblige à
lui répondre sur le même ton et à se retirer
dans le dessein de lui faire subir le
honteux interrogatoire dont on l'a déja
menacée. Cecil vient l'avertir qu'il est
tems qu'elle paroisse devant ses Juges ;
il veut même lui donner des conseils ;
elle lui ferme la bouche et lui dit en sortant
que ses indignes Juges ne soutiendront
pas un seul de ses regards.
Marie Stuard ayant comparu devant le
Tribunal qu'elle a meprisé , et en ayant
été renvoyée par Cecil , qui a craint que
sa présence n'imposât à ses Juges, apprend
par des avis confus que le Duc de Norfolck
a déja subi l'arrêt de mort qui a
été prononcé contre lui ; elle ne songe
plus qu'à le suivre au tombeau . Monros
ami d'Helton , dont on a déja parlé
comme entierement attaché aux interêts
de Norfolck , vient lui donner une fausse
joye ; il lui dir que le Duc suivi d'une
nombreuse et vaillante escorte ,
vers le Palais d'une maniere à faire trem-
11. Vol. bier
JUIN. 1734. 1419
à se
bler et ses Juges et la Reine même ;
M. Stuard en rend graces au Ciel et se
livre à la douceur de l'espérance ; mais
Helton qui arrive un moment après , la
replonge dans le désespoir , par le funeste
récit qu'il lui fait de la mort de
Norfolck , qui s'est percé le sein sur la
fausse nouvelle qu'on lui a donnée que
sa chereReine venoit de perdre la vie sur
un échafaut : on vient avertir M. Stuard
qu'il est tems d'exécuter l'arrêt de sa
condamnation . Elle ne balance pas
résoudre à la mort pour ne pas survivreà
son Amant. Au reste dans les deux
premieres Représentations on fiitoit reparoître
Elizabeth , résolue en apparen
ce à révoquer Parrêt prononcé contre
M. Stuard , qu'elle traite de soeur dans
tout le cours de la Piéce ; mais cette fin
de Tragédie ayant paru trop ressemblanteaux
dernieres Scenes du Comte d'Essex ,
on a jugé à propos de retrancher une
imitation qui avoit indisposé la plupart
des Spectateurs.
II. Vol. NOUL
1416 MERCURE DE FRANCE
NOUVELLES ETRANGERES.
POLOGNE.
Suite du Siege de Dantzick
U commencement de ce mois , les Ennemis
pousserent avec beaucoup de vivacité leurs
approches du côté du Bisschosberg , et ils s'emparerent
d'un poste avancé qu'un Détachement
de la Garnison de la Ville occupoit près de
Schiedlitz .
Le s . il vint à Dantzick , du Camp des Assiegeans
, un Tambour des Troupes Saxones , chargé
par le Duc de Saxe Wesseinfels , et le Comte
de Munich , de remettre aux Magistrats une Lettre
, par laquelle ces deux Generaux et les Seigneurs
Polonais attachez au parti de l'Electeur
de Saxe , qui sont dans l'Armée ennemie , les exhortoient
de nouveau à se soumettre à ce Prince
et à donner à la Czarine les satisfactions qu'elle
demande pour les actes d'hostilité commis contre
ses Troupes , et on répondit à cette Lettre ,
comme on avoit fait aux précedentes , que les
Habitans étoient déterminez à se deffendre jusqu'à
la derniere extremité.
Le 6. unDétachement d'environ 250. hommes
de la Garnison , fit une sortie et attaqua avec
beaucoup de valeur les travaux que les Assiegeans
ont commencés sur le Stolzberg , et dont
la plus grande partie fut renversée.
Le 9.
les Vaisseaux François qui étoient à la
Rade de la Ville , mirent à la voile pour reto ur-
11. Vol. ner
J.U IN. 1734 1417
her à Coppenhague , où ils conduisirent une
Frégate Moscovite de 32. Pieces de Canon , qu'ils
avoient prise à la hauteur de l'Ifle de Borsnhelm.
L'Escadre de la Czarine , composée de 14-
Vaisseaux de ligne , de 8. Frégates , de 2. Galiotes
à Bombes , et d'un Brulot , laquelle étoit
partie de Cronstadt le 24. du mois dernier ,
mouilla le 5. de ce mois à Pillau , où elle débarqua
de l'Artillerie et des Munitions destinées
pour le Camp des Assiegeans , et elle arriva le
12. au matin à la Rade de Dantzick.
Le Duc de Saxe Wesseinfels , le Comte de Munich
, et la plupart des Officiers Generaux des
Troupes ennemies se rendirent le 13. de ce mois
à bord de l'Amiral de l'Escadre Moscovite , qui
est toujours à la Rade de Dantzick et qui ferme
le passage de la Vistule, et ils y tinrent un Conseil
de Guerre , dans lequel il fut résolu qu'ils
employeroient tous leurs efforts pour s'emparer
du fort de Wechselmunde , avant que de songer
à soumettre la Ville .
Le lendemain M. Gordon fit commencer le
bombardement du Fort avec deux Galiotes à
bombes. Le feu fut très - vif pendant plusieurs
heures , tant du côté de la Garnison que de celui
des Assicgeans , et quelques Frégates de ces
derniers s'étant avancez trop près du Fort , furent
endommagées par le Canon.
Le 15. les Ennemis continuerent d'y jetter des
Bombes , dont une tomba sur un Magazin à
Poudre , qui n'ayant pas été couvert avec assez.
de précaution , sauta en l'air.
Le Comte de Munich alla le 17. reconnoître
le Fort , et la nuit suivante la Tranchée fut ouverte
par un Détachement des Troupes Saxones
qui a été relevé la nuit du 18. par 2000. Moscovites.
La
1418 MERCURE DE FRANCE
Le bruit court que le Comte de Munich fir
sommer le 19. la Garnison de Wechselmunde
de se rendre , et qu'elle a promis de rendre le
Fort le 24. si elle n'étoit pas secourüe .
L'Artillerie et les Munitions de guerre que
P'Escadre de la Czarine a débarquées au Pillau ,
arriverent il y a quelques jours au Camp des
Assiegeans , qui ont déja dressé plusieurs Batteries
de Canon et de Mortiers , avec lesquels ils
battent la vieille Ville , où ils ont fait sauter un
des Magazins à poudre. Ils bombarderent aussf
avec beaucoup de force le Camp où les Troapes
Françoises sont retranchées , et le General Moscovite
leur a fait faire la même sommation qu'à'
la Garnison de Wechselmunde.
On a appris depuis que le Gouverneur de ce
Fort capitula le 23. de ce mois , et qu'il fut re –
mis le lendemain au Duc de Saxe Weissenfels ,
qui y fit entrer une Garnison Saxone. On est
convenú que M. de Stackelberg , Colonel au
service du Roy de Suede et les Troupes Suedoises
qui étoient dans le Fort , pourroient se retireren
Suede , et qu'il leur seroit fourni des vivres depuis
le jour de la capitulation jusqu'à celui de
leur départ pour retourner dans leur Pays.
Le 19. Juin , le Roy fit sortir de Dantzick un
Détachement de la Garnison , qui attaqua avec
beaucoup de valeur les travaux des Assicgeans ,
en tua plusieurs et fit quelques prisonniers . Un
autre Détachement de la Garnison fit le lendemain
une sortie et combla une partie des Tranchées
des Moscovites.
Les Magistrats envoyerent le 26. un Officier
aux Generaux ennemis , pour leur faire quelques
propositions. Il revint avec un Officier des Troupes
Saxones , lequel eut un long entretien avec
Primat. M.
JUIN. 1734 1419
M. de Brandt , Ministre du Roy de Prusse , a
écrit aux Magistrats une Lettre qui contient
quelques nouvelles propositions d'accommodement
, à l'occasion de laquelle ils ont tenu plusieurs
assemblées .
On assure qu'un Détachement des Troupes de
Ja Couronne s'est emparé de Cracovie , après en
avoir chassé les Troupes Saxones qui y étoient
en garnison.
ALLEMAGNE.
L'Empereur qui avoit résolu de former un Camp dans le Royaume de Bohème , a changé
de desstin , et il a écrit au Baron de Damhitz
, de faire marcher vers le Rhin le Régiment
du Prince Akxandre de Wirtemberg , celui des
Grenadiers de Lorraine , et ceux de Weles , du
Comte Louis de Palfi , de Séer , de Welsech et
d'Olgivi , qui avoient eu ordre de s'arrêter dans
les environs de Passaw.
ITA LIE.
E 14. Juin, le Prince de Sainte- Croix se ren
Ldit au Palais du Quirinal , pour informer le
Pape qu'il lui avoit été ordonné par la Cour de
Vienne , de s'aquitter de présenter la Haquenée
pour l'hommage du Royaume de Napies , au
nom de l'Empereur , à la place du Connétable
Colomne , qui s'en est excusé , mais on ne sçait
pas quelle réponse il a reçû de S. S.
Le Vicaire General de l'Abruzze , que le Comte
de Visconti avoit envoyé à Rome de Pescara ,
n'a rendu, pendant qu'il y est resté , aucune visite
au Cardinal Cienfuegos , ni aux autres personnes
attachées à la Cour de Vienne , et après avoir eû
II. Vol. quel-
3.J
1410 MERCURE DE FRANCE
quelques entretiens secrets avec M. Ratto , Ministre
de S. M. C. il est parti pour aller rendre
hommage au Roy de Naples .
Le Cardinal Petra , le Connétable Colonne ,
le Prince Borghese , le Duc de Caserte , les Ducs
Paganica , d'Altemps et Cafarelli , ont fait ô: er
de dessus les portes de leurs Palais les Armes de
Empereur , pour y mettre celles du Roy d'Espagne
, et ils sont allez chez M. Ratto , pour le
prier d'assurer le Roy, de Naples de leur soumis.
sion et de leur fidélité.
Le Comte de Visconti , qui s'étoit retiré précipitamment
à Fermo , est actuellement à Macerata
, d'où on l'attend à Rome.
Le Comte Porta a reçû ordre du Roy de Naples
, de lui envoyer les Meubles du Palais Farneze
, avec les Pierreries et la ,Vaisselle que S. M.
avoit en cette Ville ; une escorte de Soldats Espagnols
doit conduire incessamment ces Effets à
→ Fiumicino , d'où quelques Félouques armées en
guerre , les transporteront à Naples.
On a appris en dernier lieu de Rome , que le
Prince de Sainte- Croix se disposoit à présenter
incessamment la Haquenée au Pape au nom de
l'Empereur , et qu'il faisoit beaucoup de dépense
pour cette ceremonie.
On a appris aussi que ce Prince alla il y a
quelques jours chez le Cardinal Aldovrandi , qui
s'excusa sur quelque prétexte de recevoir sa visite .
On a appris de Genes , que les nouvelles impositions
que le Gouvernement a établies dans
la Ville de Final , y ont excité une sédition , et
que la plupart des Habitans ayant pris les armes,
ont tué plusieurs Commis et chassé les autres .
Le Sénat y a fait marcher quelques Troupes
pour faire rentrer les mutins dans le devoir,mais
II. Vol.
On
JUIN. 1734. 142r
on craint que la Bourgeoisie ne refuse de les recevoir
dans la Ville.
Le Commandant des Troupes qui sont dans
l'Ile de Corse , a demandé qu'on lui envoyát de
nouveaux secours pour l'aider à soumettre les
Rebelles , qui continuent de commettre beaucoup
de désordres dans cette Ile.
DE NAPLES ET DE SICILE.
L
E Roy a nommé le Prince de Laurenzano
pour aller à Rome en qualité de son Ambassadeur
Extraordinaire auprès du Pape , et ce
Ministre doit partir incessamment pour donner
part à S. S. de l'avenement de S. M. à la Couronne.
Le Duc de Lauria Cala de Laënzina , que
S. M. a fait Chef de son Conseil Privé , a été
chargé de recevoir à la place du Comte de Charny,
Lieutenant General du Royaume , l'hommage
des Députez des Villes et des Barons de l'Etat
qui n'ont pas encore prêté serment de fidélité.
Les Habitans de la Ville de Lecce , à l'occasion
de quelques impositions que deux Officiers de
P'Empereur qui étoient restez dans cette Ville
ont voulu exiger , ont pris les armes et ont chassé
les Imperiaux , après avoir tué M. Cardamone,
P'un de ces deux Officiers .
Les 8. Galeres Françoises , commandées par le
Chevalier d'Orleans , Grand - Prieur de France ,
entrerent le 15. Juin dans le Port de Naples avec
un pareil nombre de Galeres du Roy d'Espagne ,
et le reste de l'Escadre qui avoit fait voile de Barcelone
le 6. du même mois. Les Troupes qui
sont venues sur cette Escadre consistent en 18.
Bataillons et 2500. hommes de Cavalerie ,
quoiqu'une partie des Vaisseaux qui la composent
ait essuyé une assez violente tempête dans la
II. Vol.
et
Mer
1424 MERCURE DE FRANCE
de Selkirck , de Moreton et de Dunmore , qui
étoient du dernier Parlement et pour le Duc
de Buccleugh , les Comtes de Finlater , de Portmore
, de Balcarras , de Loudown et de Sowtherlard
et le ord Cathéart. Les Ducs d'Hamilton,
de Queensbury , de Montrose , de Roxburgh , le
Marquis de Twedale et vingt autres Seigneurs
du Royaume d'Ecosse , ont protesté contre cette
Election , qu'ils prétendent n'avoir pas été faite
selon les Loix.
Le feu prit le 25. au matin à la maison que
M. de Chavigni , Ministre du Roy de France en
cette Cour , occupoit à Twickenham , qui fut
entierement brulée , on n'a pû sauver aucun des
Meubles et des autres Effets qui y étoient.
ARMEE D'ALLEMAGNE.
COPIE DE LA LETTRE DU ROY ,
écrite au Maréchal de Berwick le
15. May.
'Apprens , Mon Cousin, avec peine, que la ma
raude et le désordre continuent dans mon Armeg
d'Allemagne , malgré des exemples de séverité
que vous êtes obligé de faire , tant sur les Soldats
que sur les Offitiers . Je ne veux point tolerer une
licence aussi contraire à la subordination , à la discipline
et méme à la conservation de mes Troupes.
Je vous fais cette Lettre pour vous dire que mon
intention est que vous fassiek punir dans la derniere
rigueur tous les Soldats qui seront pris en contravention
des Bans que vous ferez publier , que
vous mettiez en prison pour toute la Campagne les
Capitaines des Compagnies dont ils seront , et que
vous m'envoyez les noms des Colonels des Regimens
J'Apprens,Mon avee
II. Vol. qui
JUIN. 1714 1425
qui n'auront pas l'attention qu'ils doivent à contenir
leurs Troupes . Je suis persuadé que si les Officiers
tenoient la main à la régularité du Service ,le bon
ordre seroit bien- tot établi , et vous ne sçauriez trop
leur faire entendre qu'ils seront responsables des desordres
qui seront commis par ceux qui sont sous
leurs Charges , et la présente n'étant pour autre fin,
je prie Dieu qu'il vous ait , Mon Cousin , en sa
sainte et digne garde. Signé , LOUIS , et plus
bas , Bauyn.
Le 23. de ce mois , le Prince Eugene étoit à
Saintzein avec la plus grande partie de son Armée
, et il avoit fait avancer un Corps de Troupes
à Heidelberg avec des Bateaux sur des haquets.
Ce Prince paroissoit dans le dessein de
faire marcher un autre Corps de Troupes à Daxland
, entre Philisbourg et le Fort-Louis.
SIEGE DE PHILISBOURG.
Le 17. Juin , la Tranchée fut relevée par les
quatre Bataillons du Régiment des Gardes Fran .
çoises , et les trois du Régiment des Vaisseaux ,
sous les ordres de M. de Vernassal , Lieutenant
general , du Comte de Midelbourg , Maréchal
de Camp et de M. de Chaumont , Brigadier .
On prolongea la sappe commencée la veille
sur l'angle saillant du Chemin couvert , et on
communiqua de cette sappe à l'attaque de la
droite qui embrasse l'avant- Chemin couvert, que
les Ennemis avoient près du Rhin.
Les travaux pour l'établissement de plusieurs
Batteries furent commencez pendant la nuit , et
on travailla en même- t. mps à deux sappes couver
tes pour parvenir à la descente du fossé. Les Ennemis
firent cette nuit , comine la précedente ,
II Vol. H
1426 MERCURE DE FRANCE
un très-grand feu , qui cependant ne tua ou bles
sa que peu de Soldats,
M. de la Billarderie , Lieutenant General , le
Marquis de Castelmoron , Maréchal de Camp ,
et le Duc de Châtillon , Brigadier , monterent la
tranchée le 18. avec les Régimens de Piémont ,
de Saxe et de la Couronne , et 400. Travailleurs.
On poussa une sappe jusqu'à la Palissade
de l'angle du Chemin couvert de l'ouvrage à corne
, et on perfectionna la Batterie de 8. Pieces de
Canon , qui a commencé à tirer le 19. au matin
et qui bat la face , le flanc et la courtine de l'ouvrage
couronné. Les Ennemis tirerent cette nuit
une grande quantité de Bombes , mais leur feu de
Mousqueterie ne fut pas si vif qu'il l'avoit été les
jours précedents , parce que celui des Troupes
qui soutenoient les Travailleurs à la tête des sappes
, diminua celui des Assiegez . M. Dulicourt,
Capitaine dans le Régiment des Landes, et M.Gilbert
, Lieutenant du même Régiment , furent
blessez mortellement des éclats d'une Bombe qui
creva en l'air , et il y eut pendant cette nuit un
Soldat tué et 14. blessez .
Le 19. la Tranchée fut relevée par le Prince
de Tingry , Lieutenant General , avec le même
nombre de Troupes que le 18. On poussa les
travaux jusqu'à 7% ou 8. toises de la Place d'Armes
que les Ennemis ont dans l'angle rentrant
vis - à - vis de la branche de l'ouvrage à corne , et
on opposa un grand feu de la Barterie de 8. Pieces
de Canon à celui des deux Batteries que les
Ennemis avoient démasquées le matin , et avec
esquelles ils esperoient empêcher la construction
d'un Pont dans le fossé . Un Officier du Régiment
de Xaintonge , M. de Riancourt , Inge
nieur , et dix Travailleurr , furent blessez , et il
y en cut 4 , de tuez.
JUIN.
: ד
14 1734.
Le Marquis de Guerchy , Lieutenant General,
le Marquis de Creil , Maréchal de Camp , et le
Comte d'Esclimont , Brigadier , monterent la
Tranchée le 2o. avec les Régimens de Normandie
, de Duras , de Bigorre et de Limosin, et 7.
Compagnies de Grenadiers.
On étendit pendant cette nuit les sappes à la
droite et à la gauche de l'angle saillant de l'ouvrage
à corne , et on plaça dans la Batterie préparée
à la gauche de l'angle saillant du Chemin
couvert , 6. Pieces de gros Canon , avec lesquelles
on compte de battre en breche la branche de
l'ouvrage à corne , et le flanc qui défend la face
du demi Bastion de la gauche de cet ouvrage.Les
Ennemis furent très - inquietez par nos Bombes ,
et le feu des Batteries qu'ils avoient démasquées
dans leur ouvrage couronné , cessa le 21 .
Ce jour - là la Tranchée fut relevée par les Régimens
de la Marine , de Provence , de Clare ,
de Bretagne et de Brie , et par 6. Compagnies
de Grenadiers sous les ordres du Marquis de
Dreux , Lieutenant General , du Cheva ier Dauger
, Maréchal de Camp , et du Marquis du
Chastelet, Brigadier. On poussa la sappe de la
droite sur la Place d'Armes de l'angle rentrant
du Chemin couvert qui est entre la demi- Lune
et le demi- Bastion de l'ouvrage â corne ; et à la
gauche on avança les travaux jusqu'à quatre
toises d'une autre Place d'Armes revétuë , qui a
dix toises de face et douze pieds d'élevation.
Les Grenadiers des Regiments de Provence
et de Clare , qui étoient à la tête de la sape de
la gauche , montérent sur les parapets et firent
un grand feu sur la place d'armes que les Ennemis
paroissoient avoir abandonnée et où ils
étoient revenus à l'entrée de la nuit . Le Capi-
II. Vol.
>
Hij taine
1428 MERCURE DE FRANCE
taine de Grenadiers du Regiment de Clare , le
Capitaine en second et M. de Mackarty, le Capitaine
de Grenadiers du Regiment de Provence
et son Lieutenant , ont été blessez des éclats des
Grenades que les Ennemis jetterent en grande
quantité sur les Travailleurs , dont il y en a eu
30 de tuez ou de blessez.
Le 22 , le Duc de Chaulnes , Lieutenant General
, M. de Bulkley , Maréchal de Camp , et
le Marquis d'O , Brigadier , montérent la tranchée
avec les Regiments de Bourbonnois , de
Perche , de Mortemart ; de Soissonnois , de
Dillon et de Berwick .
La premiere Compagnie de Grenadiers du Regiment
de Bourbonnois ayant débouché à 9
heures du soir de la tête de la sappe de la
gauche , elle attaqua la place d'armes par l'angle
que notre canon avoit endommagé , elle
y entra la bayonette au bout du fusil , et après
avoir essuyé le feu du Détachement qui défendoit
cet ouvrage , elle s'en empara.
La seconde Compagnie de Grenadiers du Regiment
de Bourbonnois et celle du Regiment
de Soissonnois entrérent dans cette Place d'armes
, dans laquelle on commença à établir un
logement , et il fut assez avancé malgré le
grand feu que les Ennemis firent de la branche
de l'Ouvrage à corne de leur Chemin couvert ,
et de la face du demi Bastion de l'Ouvrage couronné.
M. de Saint Georges , second Capitaine de
Grenadiers du Regiment de Bourbonnois , a été
tué à cette attaque , M. de Lousteau , Premier
Capitaine de Grenadiers du même Regiment ,
M. de la Motte , qui étoit venu le remplacer
et les Lieutenants de Grenadiers ont été blessez ,
II. Vol,
il
JUIN. 17347 1429
il y a eu plusieurs Grenadiers et Travailleurs
blessez , et un Sergent de tué.
Le 22 au soir , le Maréchal d'Asfeldt fit attaquer
par huit Compagnies de Grenadiers l'angle
saillant du Chemin couvert de la demi - Lune
devant l'Ouvrage à corne , et la Place d'armes
rentrante de la droite de cette demi- Lune.
Les Grenadiers attaquérent ces ouvrages avec
beaucoup de courage , et malgré la résistance
des Ennemis , ils nettoyerent le Chemin couvert
où il y avoit 400 hommes , dont plusieurs ont
été tucz , et près de 60 faits prisonniers .
Le Capitaine et le Lieutenant de Grenadiers
du Regiment de Beauce , et un autre Lieutenant
ont été tuez. Les deux Capitaines de Grenadiers
du Regiment de Richelieu , le Capitaine de
Grenadiers de celui de Conty , celui des Grenadiers
du Regiment de Nice , et deux autres Officiers
ont été blessez à cette attaque , dans laquelle
nous avons eu 15 Grenadiers de tucz ,
et 49 Grenadiers ou Travailleurs de blessez .
Le Prince d'Isenghien , Lieutenant General
le Marquis de Clermont Gallerande Maréchal
de Camp , et le Prince de Pons , Brigadier
montérent la tranchée le 24 Juin avec les Regiments
de Tallard , d'Ouroy , de la Marck , de
Vivarais , et de Lenck , et 6 Compagnies de
Grenadiers.
On étendit les travaux par une sappe d'environ
1co toises pour embrasser entierement l'angle
saillant de la Place d'armes de l'ouvrage à corne,
et il n'y eut que deux Grenadiers de tuez et un
de blessé .
Le 25 , la tranchée fut relevée par le Prince
de Robeeq , Lieutenant General
, par M. de la
Javeliere , Maréchal de Camp , et par le Mar-
II. Vola Hiij quis
1430 MERCURE DE FRANCE
quis de Brezé , Brigadier , avec les Regiments
de Pons , d'Alsace , de Toulouze et 6 Compagnies
de Grenadiers.
>
Les 650 Travaillenrs commandez pour cette
tranchée , furent employez à prolonger les travaux
sur la Place d'armes de la demi-Lune ; on
établit une nouvelle batterie de s piéces de canon
pour battre en brêche la face gauche de la demi-
Lune , et on fit trois descentes pour arriver au
fossé , la premiere à la branche de l'ouvrage à
corne , la seconde à la face du même ouvrage
et la troisiéme à celle de la demi -Lune.
La tranchée fut montée le 26 par le Regiment
Royal , par ceux de Guyenne , d'Agenois ,
d'Enghen , de Rouergue et de Ponthieu , et par
deux Compagnies de Grenadiers sous les ordres
du Prince de Carignan , Lieutenant General , du
Comte de Grammont , Maréchal de Camp , et
du Duc de Luxembourg , Brigadier.
On commença sur le fossé trois Ponts qui
furent assez avancez ce jour-là , et la batterie
des piéces de canon qui tiroit dès la veille , fit
une brêche assez considerable à la face de la
demi-Lune. Un Capitaine de sapeurs fut blessé
au bras , et il y eut s on 6 hommes de tuez ,
et 12 de blessez .
Le 27 , le Marquis de Leuville , Lieutenant
General , le Comte d'Avejan , Maréchal de
Camp , et Milord Clare Brigadier , montérent
la tranchée avec les Regiments de Lyonnois
de Lorraine , et de Santerre , le premier Batail
lon du Regiment Royal Baviere , les Regiments
de Bourgogne , de Vaujours , et deux Compa
gnies de Grenadiers. On entra ce jour - là dans
la demi- Lune , d'où les Ennemis s'étoient retirer
, et on avança beaucoup le Pont qui avoit
II. Vel. été
JUIN. 1734. 1431
éré commencé sur la branche de l'ouvrage à
corne.
Le Comte de Belleisle , Lieutenant General ,
Je Comte de Baviere , Maréchal de Camp et
M. de Sallieres , Brigadier , releverent la tranchée
le 28 avec les Regiments de Gondrin , de
Boulonnois , des Landes , Royal la Marine et
de Montmorency , avec deux Compagnies de
Grenadiers ; on continua la sape sur la Place
d'armes de la demi - Lune de l'ouvrage à corne ,
et on s'attacha principalement à la construction
du Pont sur le fossé de la face de l'ouvrage à
corne.
Le lendemain à 11 heures du matin le Comte
de Belleisle fit attaquer la biêche de l'ouvrage
à corne par les Compagnies des Grenadiers
qui étoient de tranchée , et qu'il fit soutenir
de cinq piquets. Un Détachement de 30 hommes
commandé par un Lieutenant , monta sur
Ja brêche et fut suivi des Grenadiers.
Les Ennemis après avoir fait leur décharge
parúrent d'abord vouloir abandonner une cou
pure qu'ils avoient faite à vingt pas de la bréche
, mais ils s'y rassemblerent au nombre de
3 ou 400 hommes , et pendant près d'une heure
ils firent un très grand feu sur les Grenadiers ,
Jesquels quoiqu'en petit nombre tinrent ferme
jusqu'à l'arrivée du secours qu'on leur envoya.
Les Travailleurs ayant suivi les piquets commandez
pour soutenir les Grenadiers , on fit
un logement d'environ 40 toises sur la crête de
Pangle saillant de l'ouvrage à corne , et on travailla
ensuite à l'étendre sur la droite et sur la
gauche. Nous avons perdu à cette attaque environ
30 Grenadiers , et il y en a eu plusieurs
de blessez. Les deux Capitaines de Grenadiers
IL Vol. Hiiij
1432 MERCURE DE FRANCE
de Gondrin , les deux Lieutenants et le Capitaine
de Grenadiers du Regiment des Landes ,
ont été blessez , ainsi que M, Obrien , Officier
Irlandois , et M. Varignon , Major du
Regiment de Provence ; le Lieutenant des Grenadiers
du Regiment des Landes a été tué.
Le 29 M. de Vernassal , Lieutenant General
, le Comte de Clermont , Prince du Sang ,
Maréchal de Camp , et M. de Sally , Brigadier
, montérent la tranchée avec les Regiments
de Touraine , d'Angoumois , et de Rooth,
et les deux Compagnies de Grenadiers du Regiment
de Toulouze.
Les Travailleurs furent employez à étendre
le logement fait le matin , et à continuer une
sappe le long de la face du demi Bastion de
l'ouvrage à corne et de la branche du même
ouvrage , et par ce travail on parvint à loger
quatre Compagnies de Grenadiers dans le demi
Bastion : on n'a pas perdu un homme dans ce
travail , mais il y a eu quelques Grenadiers de
tuez par une bombe qui créva dans la sappe.
Le 30. les 4. Bataillons du Régiment des Gardes
Françoises , le Régiment d'Hainaut , le second
Bataillon du Régiment Royal Baviere , et
les deux Compagnies de Grenadiers des Régimens
d'Ouroy et de Bigorre , releverent la tranchée
sous les ordres de M. de la Billarderie ,
Lieutenant General , du Prince de Conty , Maréchal
de Camp , et de M. de Varennes , Brigadier.
Les Compagnies de Grenadiers du Régiment des
Gardes Fiançoises ayant débouché par la sappe
de la droite le long de la face du demi - Bastion
de l'ouvrage à corne , ils marcherent à la cou-

pure que les Ennemis avoient fortifiée par des
gabions et des chevaux de frise. Les Assiegez
11. Vol.
abana
JUIN 1734. 1433
abandonnerent ce retranchement à l'approche
des Grenadiers , et ils se retirerent derriere un
second , d'où ils furent chassez et poursuivis jusques
sur le Pont de communication qu'ils avoient
pour rentrer dans l'ouvrage couronné Les Ennemis
, en se retirant de l'ouvrage à corne , essuyerent
le feu des Grenadiers du Régiment
Royal Baviere , qui étoient sur la droite de l'angle
saillant de l'ouvrage à corne .
Lcs Grenadiers du Régiment des Gardes ont
donné de grandes preuves de valeur à cette attaque
, dans laquelle il y en a eu environ 4c . de
tuez , près de 100. blessez 4. Sergents de tueź
et 8. de blessez. Le Comte de Chaumont , Capitaine
de Grenadiers , M. de la Boulaye , le Chevalier
de Montaigu , le Vicomte d'Urtubie
M. de Bernay, M. de Marconnay , M. de Brusse ,
le Chevalier de Lancome , le Chevalier d'Urtubie,
M. d'Hacqueville, le Chevalier de Puyguyon,
et M. de Villefort , Officiers de Grenadiers , onc
été blessez à cette action , et les trois derniers
très-dangereusement.
ARME'E D'ITALIE.
'Armée Impériale étoit le 21 Juin campée à
Canal qui part de Gadarsone. Les Troupes
du Roy et celles du Roy de Sardaigne étoient
à Cervere en- de - çà de la Parma , la droite
à deux milles de Parme , où les fours de l'Armée
ont été établis . Le Roi de Sardaigne et le
Maréchal de Coigny avoient formé le dessein de
passer la Parma , et d'appuyer la droite de leur
Armée à la Ville de Parme : mais le Maréchal
de Coigny étant allé reconnoître le Camp qu'on
s'étoit proposé d'occuper ; et ayant jugé qu'on
II. Vol . Hv Y
1434 MERCURE DE FRANCE
y manqueroit d'eau , l'Armée ne marcha point,
Le 28 de ce mois le Comte de Mercy quitta le
Camp qu'il occupoit entre San-Prospero et San-
Lazaro. La nuit suivante il passa la Parma audessus
de la Ville de Parme , et le 29 il marcha
avec toute son Armée pour venir attaquer les
Troupes du Roi et celles du Roi de Sardaigne.
Le Maréchal de Coigny informé de cette
marche des Ennemis , alla les reconnoître ; et
sur leurs mouvemens , il fit avancer son Armée
qui se trouva en présence de celle des Imperiaux
près des murs de Parme , sur une chaussée qui
va de cette Ville au chemin de Cremone.
Le combat commença à onze heures du matin
, et il dura jusqu'à neuf heures du soir avec
un feu très vif , toute l'Infanterie des deux Armées
ayant eu successivement part à cette action
.
Les Ennemis y ont perdu & à 9cco hommes ;
ils ont abandonné le champ de bataille ; ils y
ont laissé leurs blessés , et ils se sont retirés
avec beaucoup de précipitation,
Nous avons eu dans ce combat 3c00 hommes
de tuez ou de blessez Les Marquis de l'Isle
et de Mizon Maréchaux de Camp et Inspecteurs
d'Infanterie , le Marquis de Valence Brigadier
et Colonel- Lieutenant du Régiment du Maine ,
le Marquis de la Châtre Brigadier et Colonel de
celui de Bearn , ont été tuez.
Les principaux Officiers qui ont été blessez ,
sont , M. le Guerchois Lieutenant General , blessé
à la jambe legerement ; le Marquis de Savines
Lieutenant - General , qui a eu le bras cassé
d'un coup de feu ; le Marqus de Cadrieux
Lieutenant - General , blessé dangereusement ;
M. de Louvigny Maréchal de Camp , d'une con-
11. Vaka
tusion
JUIN
7425
·
7
:4
י
tusion considerable ; le Comte de Boissieux
Maréchal de Camp , legerement ; le Prince de
Montauban Brigadier , à la main et au bras ;
M. de Cadeville Brigadier et Lieutenant - Colonel
du Régiment du Roi , legerement ; le Comte de
Biron Brigadier et Colonel du Régiment Royal
Roussillon , d'une contusion à la cuisse ; le Duc
de la Tremoille Colonel du Régiment de Champagne
, legerement ; M. de Contades Colonel
du Régiment d'Auvergne , d'une grande contu
sion ; le Duc de Crussol Colonel du Régiment
de Medoc , très- dangereusement ; le Marquisde
Firmarcon Colonel Lieutenant du Régiment de
Bourbon , d'un coup de fuzil qui lui perce l'épaule
; le Comte d'Hautefort Colonel Licutenant
du Régiment de Condé , qui a eu la main
percée et une contusion ; et le Comte de Maillebois
Colonel du Régiment de la Sarre , blessé
legerement à la tête.
I Le Comte de la Tour General - Major des
Troupes de l'Empereur , qui a été blessé et fair
prisonnier , a assuré que le Comte de Mercy.
avoit été tué ou blessé très dangereusement ; et
on a sçu par lui que le Prince de Culmbach , le
Comte Palfi , le Comte des Vins , Lieutenans-
Generaux , le Comte Palfi Colonel , avoient
été tucz , et que le Prince Louis de Wirtemberg,
le General - Major Wacthendonck , et M. de
Diesback , avoient été blessez .
Le Roi a reçu cette nouvelle par le Comte de
Coigny , Colonel General des Dragons , que le
Maréchal de Coigny son pere a envoyé à S. M.
et qui est arrivé à Versailles les Juillet à cinq
heures après- midi .
Quelques jours après le Roi reçut par le
Marquis d'Ussé Aide de Camp du Maréchal de
II. Vol. H.vj Coigny
436 MERCURE DE FRANCE
Coigni , le détail suivant de cette victoire remportée
sur les Imperiaux dans le combat donné
près de Parme.
Le Comte de Merci, pour cacher le mouvement
qu'il avoit fait en quittant son Camp , laissa
les Gardes ordinaires aux environs de Parmę ,
il remonta la Parma : et après l'avoir passée à
Porporano , il alla se camper entre cette Riviere
et celle de Baganza , depuis Albary jusqu'à Antoniano.
Le Maréchal de Coigny informé de la marche
des Ennemis , alla avec le Maréchal de Broglie
de l'autre côté de la Parma , et il emmena
avec lui dix Compagnies de Grenadiers et tous
les piquets de l'Armée ; il reconnur le Camp que
les Ennemis avoient quitté le matin , et il apprit
qu'ils avoient passé la Parma ; il jugea que le
Comte de Mercy ne pouvoit avoir d'autre objet
que celui de venir l'attaquer et ayant pris la
résolution de s'approcher de Parme , le 29 à la
pointe du jour , il fit avancer son Armée sous
cette Place dans un terrain où il avoit résolu
quelques jours auparavant d'aller camper , et fit
ses dispositions pour le combat. Il appuya la
droite de son Armée au Village de la Croisette ,
et la gauche aux murs de Parme ; le terrain qu'il
occupoit n'ayant pas un quart de lieue de front,
il rangea son Infanterie sur quatre lignes , la
Cavalerie derriere sur plusieurs lignes , et il détacha
60 Compagnies de Grenadiers pour s'emparer
de quelques maisons qui étoient sur la
droite.
Le Comte de Mercy qui esperoit de pouvoir
attaquer l'Armée des Alliez avant qu'elle cût le
tems de se mettre en bataille , s'avança de son
côté , et les deux Armées se trouverent en pré-
II. Vol. sence
JUIN. 1734. 1437
sence sur le grand chemin qui va de Parme à
Plaisance , et qui est bordé des deux côtez d'un
grand fossé. Le combat commença vers les onze
heures du matin , et il dura jusqu'à la nuit avec
un feu très -vif de part et d'autre. Les Troupes
du Roi et celles du Roi de Sardaigne ont également
donné de grandes preuves de courage.
Par le grand nombre des morts qu'on a trouvés
sur le champ de bataille , et par celui des
blessez que les ennemis y ont laissez , on juge
que la perte des Imperiaux monte à près de
1oooo hommes ; et on a sçu depuis que leur
Infanterie étoit presqu'entierement détruite.
Le Comte de Mercy General de l'Armée de
l'Empereur a été tué . Le Major General Comte
de Walseck , le Comte de Castelbarco , Adjudant
General , avec le Comte de la Tour dont on a
déja parlé , ont été blessez : ces deux derniers
ont été faits prisonniers.
Le Maréchal de Coigny , le Maréchal de
Broglie , les Officiers Generaux , et tous ceux
qui se sont trouvez à cette action , ont donné
à nos Troupes les plus grands exemples d'intrépidité
et de courage. Ce combat a été plus long
et plus vif qu'aucun dont on ait memoire depuis
un très- long- tems.
Le Comte de Maillebois dont nous avons déja
parlé , et le Marquis de Suze, Maréchal de Camp
dans les Troupes du Roi de Sardaigne , ont été
blessez; M.Senetchland, Colonel a été tué , et il y a
eu 60 Officiers de tuez ou de blessez dans les 16
bataillons des Troupes Piémontoises qui se sont
trouvées à ce combat .
- La marche des Ennemis , depuis le 29 Juin ,
prouve leur déroute et la grande perte qu'ils ont
faite ; ils n'ont point tendu leurs tentes dans le
II. Vol. Camp
1438 MERCURE DE FRANCE
Camp où ils s'étoient retirez , et ils ont marché
nuit et jour , laissant après eux beaucoup de
blessez et de traîneurs ; ils ont repassé la Parma
et la Lenza marchant vers Reggio , où ils ont
passé le Crostollo ; en sorte que le 4 Juillet leur
Armée étoit au- delà de la Secchia.
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , & c.
LA
A Place d'Inspecteur d'Infanterie vacant
par la mort de Georges -Jacques
de Clermont d'Amboise Marquis de
Saint Aignan , a été donnée à Louis d.s
Moulins Marquis de l'Ifle , successivement
Capitaine dans le Régiment de
Barrois , Colonel de celui de la Fere au
mois d'Août 1704 , fait Brigadier le 2
Juillet 1710 , et Maréchat de Camp en
Décembre 1731 .
Le Régiment d'Auvergne Infanterie , le
troisiéme des six Régimens appellés Petits
vieux , vacant par la mort du même
Comte de Clermont- d'Amboise , a été
donné à M. de Contade fils , Colonel de
celui de Flandres depuis le mois de Mars
dernier , et auparavant Capitaine au Régiment
des Gardes Françoises .
Et celui de Flandres , à M. de Co-
II Vol. ninghaa
JUIN. 1734. 7439
"
ninghan Gentilhomme de Bourgogne
d'une famille originaire d'Ecosse , Lieutenant-
Colonel du Régiment Dauphin Infanterie
, dont il a été Capitaine , et ensuite
Major.
Le 28 de ce mois , Monseigneur le
Dauphin accompagné de Mesdames de
France , alla pour la premiere fois , à
l'Eglise de la Parroisse du Château , et il
y assista au Salut.
Le Roi a accordé au Prince de Rohan
Capitaine Lieutenant de la Compagnie
des Gendarmes de la Garde ordinaire du
Roi , la permission de se démettre de
cette Charge en faveur du Prince de Soubise
son petit fils , qui étoit Guidon de
cette Compagnie .
François de Crussol , né le 24 Janvier
1702 , Prêtre , Abbé Commandataire de
l'Abbaye de Charroux , Ordre S. Benoît,
Diocese de Poitiers , depuis le mois d'Aout
1727 , fils puîné de feu Alexandre Galliot
de Crussol Saint- Sulpice , Seigneur
de Velan en Auvergne , Valmaison , Montmaur
, &c. et appellé le Comté d'Amboise
, mort le 7 Avril 1703 , et de Charlotte-
Gabrielle de Timbrune de Valence ,
II. Vol
fuc
1440 MERCURE DE FRANCE
fut nommé le 29 Juin à l'Evêché de Blois,
vacant en dernier lieu du 24 par le décès
de Charles Henri Phelypeaux de Pontchartrain
, qui y avoit été nommé le 23
Mai dernier.
Maréchaux de Camp.
Louis de Bourbon Comte de Clermont,
né le 15 Juin 1709 , Chevalier des Ordres
de S. M. du 3 Juin 1724 .
Louis de Bourbon Prince de Conti ;
né le 13 Août 1717 , Gouverneur du
Haut et Bas Poitou depuis 1727 , et Chevalier
des Ordres de S. M. du premier
Janvier 1733.
Louis-Auguste de Bourbon Prince de
Dombes né le 4 Mars 1700 , Colonel
General des Suisses et Grisons , et Gouverneur
de Languedoc en survivance.
Louis - Charles de Bourbon Comte
d'Eu , né le 15 Octobre 1701 , Grand-
Maître , Capitaine- General de l'Artille
rie de France en survivance , et Gouver
neur de Guyenne en titre depuis 1712.
Maré chaux de France , du 29 Juin.
François de Franquetot , Marquis de
Coigny , Baron de Nogent sur Loire ,
Seigneur de Villeray , de Maisoncelles ,
de Croiselles et de Poligny , né le 16
II. Vol.
Mars
JUIN. 1734. 144
Mars 1670 , fait successivement Mestre
de Camp du Regiment Royal Etranger
de Cavalerie en 1691 , Gouverneur de la
Ville et Château de Chën , et Bailli de la
même Ville , Brigadier d'armée le 30 Janvier
1702 , Inspecteur General de Cavalerie
au mois de Décembre 1703 , Maréchal
de Camp le 26 Octobre 1704
pourvû par Lettres du 7 Décembre suivant
de la Charge de Colonel General
des Dragons , pour laquelle il prêta serment
le 10 du même mois , Chevalier de
l'Ordre Militaire de S. Louis en 1705 ,
Lieutenant General des Armées du Roi
le 18 Juin 1789 , Chevalier des Ordres
du Roi le 3 Juin 1724 , et Gouverneur
de la Ville , Château et Principauté
de Sedan , au mois de Novembre 1725 ,
actuellement General de l'Armée de S.M.
en Italie.
François- Marie Comte de Broglio et
de Revel , Baron de Ferrieres , né à Paris
le 11 Juin 1671 , fait Mestre de Camp
du Régiment du Roi Cavalerie en 1694 ,
créé Brigadier le 23 Décembre 1702, Maréchal
de Camp le 26 Octobre 1794 , et
Licutenant General des Armées du Roi le
29 Mars 1710 , Gouverneur du Mont-
Dauphin au mois de Février 1712 ; Directeur
General de la Cavalerie et des Dra-
11. Vol gons
144
MERCURE DE FRANCE
guns au mois de Mai 1719 , nommé Ambassadeur
en Angleterre au mois de Janvier
1724 , reçu Chevalier des Ordres de
S. M. le 13 Mai 1731 , et nommé au
mois de Janvier dernier Gouverneur de
Bergue - Saint- Vinox .
On nous a écrit de Valence en Dauphiné
, qu'on y benit dans la Cathédrale
le 15 Juin les Drapeaux du Régiment de
M. d'Antin de Saint- Pée : M. Millon
Evêque de Valence , qui fit la ceremonie
, la termina par le Discours suivant.
C'est une cérémonie aussi ancienne que
la Religion , que les plus braves Guer
riers se sont fait dans tous les tens un
devoit de remplir , d'apporter aux pieds
des Autels les Drapeaux et les Etendarts,
pour reconnoître que c'est là le Tribunal
d'où Dieu préside souverainement à la
Justice redoutable que les Nations et les
Rois de la terre se font à eux -mêmes; que
si ce sont les hommes qui livrent les batailles
, c'est de lui que nous recevons la
victoire ; et qu'à moins qu'il ne purifie
par sa grace les mains de ceux qui combattent
; tous les lauriers qui croissent
sous leurs pas , ne sont que des feuilles
steriles qui ne produisent point de fruits
d'immortalité.
II. Vol. Pénetrez
JUIN. 1734 .
1443
Pénetrez de ces sentimens , avec quelle
joie ne vous voyons -nous pas assemblez
dans ce saint Temple , pour y adorer en
esprit et en verité le Dieu qui se qualific
par excellence le Dieu des Armées le
prendre à témoin , et renouveller en sa
présence de la maniere la plus solemnelle ;
les engagemens que vous avez contractez
de combattre et de mourir , s'il le faut ,
pour la gloire du Roi et l'honneur de la
Patrie ?
Vous êtes tous sortis , MESSIEURS ;
d'une Nation guerriere , dont le propre
est de se présenter avec confiance , et de
combattre encore avec plus de valeur.Nés
du goût et des talens pour la guerre , les
premiers bruits qui s'en sont répandus
vous ont arrachez du repos de vos familles
, dans le sein desquelles la plus longue
paix n'a pu amollir votre courage ; vous
avez accepté des Emplois que vous honorez
, mais qui vous honoreront à leur
tour , par la maniere dont vous les remplirez.
Tout ce que nous voyons en vous ,
cette contenance noble et assurée , cet
air de guerre , cette impatience de pouvoir
faire partie de ces Armées brillantes
et formidables , qui répandent déja la
terreur dans le coeur de ceux qui ont
II. Vol. troublé
F444 MERCURE DE FRANCE
troublé la tranquilité de l'Europe ; cette
exactitude et cette severité de discipline ,
qui fut toujours le caractere des Troupes
victorieuses ; tout nous découvre pour
vous une carriere remplie de succez et de
triomphes.
Pour vous les attirer , faites vous aujourd'hui
une loi de remplir avec exactitude
dans le tumulte des armes , les devoirs
paisibles de la Religion ; supportez
en esprit de pénitence les fatigues et les
travaux militaires ; n'envisagez qu'avec
douleur les maux qu'entraînent toujours
sur les Peuples les Guerres même les plus
justes ? regardez vos soldats comme vos
freres , bien loin d'affoiblir par- là la
subordination , vous l'affermirez davantage
ne prêtez que des mains chrétiennes
au Dieu des Batailles. Dans l'ardeur
qui vous anime pour combattre , n'offenle
Dieu des combats , et ne vous
rendez pas indignes par vos infidelitez de
vaincre les ennemis que vous aurez le
courage d'attaquer : ne vous présentez
jamais à aucune action , sans avoir imploré
le secours d'en haut. L'Ecriture
nous apprend que Judas Machabie n'étoir
jamais plus terrible dans le combat ,
qu'en sortant de la priere ; et malgré les
préjugez de votre Etat , vous éprouvesez
pas
-
II. Vol. rez
JUIN. 1734
1445
rez que le Soldat le plus fidele à Dieu , est
aussi dans l'occasion le plus courageux.
Dans ces dispositions , recevez avec
confiance ces premiers Drapeaux de la
main de l'Eglise ; sous les ordres du
Héros qui vous commande , ils vous
conduiront sûrement à la gloire.
Pour nous , MESSIEURS , nous ne
vous oublierons point dans nos Sacrifi-
⚫ces:en attendant que vous ayez part à nos
Cantiques de joie et à nos actions de graces
, vous en aurez à nos pricres . Vous
combattrez dans la plaine ; les yeux attachez
sur vous,nous leverons les yeux vers
la montagne ; et tandis que nos Armes
victorieuses mettront à contribution les-
Terres des Philistins , et qu'elles renverseront
leurs remparts , nous ne cesserons
de demander à Dieu qu'il répande sur le
Royaume et sur ceux qui le défendent ,
ses plus abondantes benedictions .
************** :*
L
MORT S.
Es Chanoines Réguliers de l'Abbaye de sainte
Genevieve respectueusement attachés à la
Maison d'Orleans , dont ils ressentent continuellement
la puissante protection , se sont portez
d'eux-mêmes à cétebrer up Service solemnel
II Vol. pour
$446 MERCURE DE FRANCE
pour
le repos de l'ame de Mademoiselle d'O:-
leans de Beaujolois Princesse du Sang. Rien n'a
été omis de ce qui peut rendre auguste une tel
cérémonie ,
- Le frontispice de l'Eglise étoit tendu de banc;
on avoit placé au milieu un grand écusson en
losange haut de 15 pieds , aux Armes de la Maison
d'Orleans. Toute l'Eglise étoit tendue en
blanc depuis le haut jusqu'en bas , avec des
Armoiries de distance en distance . Un Catafalque
placé dans le Choeur au-dessus du Tombeau de
Clovis , comprenoit differentes pieces , qui chacune
avoit leur beauté; une Estrade à quatre gradins
chargée de chandeliers et de girandoles d'argent
, conduisoit à une Représentation couverte
d'un poële de satin blanc bordé d'hermine , avec
une Croix de moëre d'argent . A l'extremité de
la Représentation se voyoit sur un carreau de satin
à glands d'argent , la Couronne de Princesse,
couverte d'un crêpe blanc. Un dais suspendu à la
voûte surmonté d'aigrettes blanches très- fines ,
servoit de couronnement ; il étoit de satin blanc
orné de grandes crépines d'argent en festons.
Des quatre angles sortoient d'amples rideaux
aussi de satin blanc avec des franges d'argent ,
soutenus et relevez en festons par des cordons t
grosses houpes d'argent.
L'Autel étoit des mieux ordonné ; un somptueux
dais de velours noir semé de larmes en relief
, s'élevoit au - dessus : les Trophées de la
Mort brodez sur la queue du dais , contenoient
une grande Croix de même travail, Venoit ensuite
une distribution de chandeliers entremêlés
de girandolles au bas étoit le Retable orné de
cartouches en broderie , et plusieurs rangs de
chandeliers d'argent.
II. Vol. L'Autel
JUIN 1734 1447
L'Autel n'ayant pu être ainsi disposé sans
ane espece de charpente qui paroissoit par derriere
, on eut soin de la couvrir d'un très-beau
morceau de broderie en velours noir , qui représentoit
les symboles du Jugement dernier , et un
Ange embouchant la trompette. Les Tribunes
étoient pareillement garnies de girandoles.
Les préparatifs achevés , les Chanoines Réguliers
chanterent ks Vigiles le Mercredi au
soir 9. Juin ; S. M. C. la Reine d'Espagne et
Monseigneur le Duc d'Orleans y assisterent. Le
Lendemain Jeudi , la Messe fut célebrée par l'Abbé
en habits Pontificaux ; les Ministres étoient
revêtus d'Ornemens magnifiques , soit Tuniques,
soit Chappes. Le Choeur avoit aussi ses Officiers
egalement revêtus.
Le concours fut grand au Service . Pour éviter
la confusion et le tumulte , les Suisses du Palais
Royal garderent les Portes.
Plusieurs Prélats , des Generaux d'Ordre , des
Ecclésiastiques de tous les Corps , quantité de
Noblesse , de Dames de la premiere distinction
et des Magistrats invitez par les Chanoines Réguliers
, assisterent au Service , et furent placez
sur des sieges de deuil préparez à cet effet , tant
sur une estrade qu'on avoit dressé dans l'avant-
Sanctuaire , que dans le Choeur et le rond- point.
La présence de la Reine d'Espagne et de Monseigacur
le Duc d'Orleans augmentoit le lustre de
cette pieuse cérémonie . A côtéde S. A. R. étoient
les principaux Officiers de la Maison d'Orleans ,
et derriere , les Aumôniers en rochet , manteau
et bonnet quarré.
Le Comte de Bonamour Colonel au service
du Roi d'Espagne , et Capitaine dans le Régiment
des Gardes Walones , qui a été tué le 25
II. Vol. Maj
1448 MERCURE DE FRANCE
Mai dernier à la Journée de Bitonte dans le
Royaume de Naples , se nommoit Louis Germain
de Talhoët , et étoit d'une ancienne Noblesse
de la Province de Bretagne.
>
Louis- Robert- Hyppolite de Brehan Comte de
Plelo , ci -devant Mestre de Camp d'un Régiment
de Dragons , et auparavant Sous Lieutenant
des Gendarmes de Flandres , et Ambassadeur
du Roi en Dannemarck depuis 1729 , a été
tué le 27 Mai dernier à l'âge d'environ 35 ans ,
à l'attaque des retranchements de l'Armée Moscovite
assiegeant Dantzick. Il commandoit la
premiere colonne du Secours François destiné
pour cette Ville assiégée . Après avoir forcé les
barricades et penetré jusques dans les retranchements
il y a été frappé de plusieurs coups , ralliant
ses Troupes qui plioient sous le nombre et
le grand feu des. Moscovites. Il étoit fils deJean-
François de Brehan Comte de Mauron, et petitfils
de Maurille de Brehan Comte de Mauron , et
de Plelo , et de Louise de Quelen. Son bisayeul
étoit Louis de Brehan Baron de Château Brehan,
du Plessis , Mauron , Galinée , &c . Chevalier
de l'Ordre du Roi , Gentilhomme ordinaire de
sa Chambre , Maréchal de ses Camps et Armées,
tué aux guerres d'Allemagne en 1634. Le nom
de Brehan est un des plus nobles et des plus anciens
de la Bretagne , vraye Race d'ancienne Noblesse
de Chevalerie , et qui dans l'onzième et
douzième siecle tenoit rang parmi les anciens Barons
du Pays avant la Réduction faite en 1451 .
Louise Phelypeaux sa veuve , est fille de feu
Louis Phelypeaux Marquis de la Vrilliere , Ministre
et Secretaire d'Etat , et de Françoise de
Mailli , aujourd'hui Duchesse de Mazarin , et
Dame d'atour de la Reine , dont il laisse plu-
II. Vol. sicurs
JUI N. 1734.
1
1449
sieurs enfans en bas âge , ausquels le Roi a accordé
dix mille livres de pension .
Le premier Jun 1734 Nicolas-Simon - Jude
de Beauvau de Craon , Sous - Diacre , natif de
Lunéville en Lorraine , l'un des fils de Marc de
Beauvau Marquis de Craon et de Harouel , Prince
du Saint Empire , Grand d'Espagne de la
premiere classe , Conseiller d'Etat , et Grand
Ecuyer du Duc de Lorraine , et de Dame Anne
Marguerite de Liguiville Dame d'honneur de la
Duchesse de Lorraine , mourut de la petite ve
role à Rome à l'âge d'environ 24 ans.
Le 11 Juin 1734 Jacques- André de Mortani
( ou de Mortaigne en François ) Lieutenant Generaldes
Armées du Roi , mourut à Charlev ille
âgé de 84 ans. Il étoit Hongrois de nation , et
avoit été d'abord Lieutenant -Colonel du Régi
ment du Prince Administrateur de Wirtemberg.
Etant entré au Service de France , il fut fait Colonel
d'un Régiment de Hussarts en 169 ;, Chevalier
de l'Ordre Militaire de S. Louis en 1703
Brigadier le 10 Février 1704 , Maréchal de
Camp le 29 Mars 1710 , et Lieutenant- Gene
ral le, 30 Mars 1720.
JACQUES FITZ - JAMES , Duc de
Berwick , de Fitz James , de Liria et de Xeri
ca , Pair de France et d'Angleterre , Grand
d'Espagne de la premiere classe , Maréchal de
France , Chevalier des Ordres du Roi , et des
Ordres de la Jarretiere et de la Toison d'or ,
Gouverneur du Haut et Bas Limosin et de la
Ville de Strasbourg , et General de l'Arméc dụ
Roi en Allemagne , tué au Siege de Philisbourg
le 12 Juin à sept heures du matin d'un coup de
canon qui lui emporta la tête en visitant les tra
vaux étoit fils naturel de feu Jacques II . Roi
II. Vol.
·
1
1450 MERCURE DE FRANCE
de la grande Bretagne , et d'Arabelle Churchill,
soeur de feu Jean Churchill Duc de Malborough,
laquelle se maria depuis avec Charles Godfrey
Colonel Anglois , et mourut le 15 Mai 1730
âgée de plus de 90 ans.
Le Maréchal de Berwick étoit né , suivant la
commune opinion , à Moulins en Bourbonnois
on 1671. Il commença ses premieres armes en
Hongrie , où il se trouva en 1686 au Siege et à
la prise de Bude , de même qu'à la Bataille que
les Imperiaux gagnerent contre les Turcs , et
dans laquelle il fut blessé. Il servit en 1690 an
Siege de Londondery en Irlande , et à la Bataille
de la Boyne , où il eut un cheval tué sous
lui . Etant passé en France au Service du Roi , il
se trouva au Siege de Mons et au Combat de
Leuse en 1691 , de même qu'au Combat de
Steinkerque en 1692. Le Roi le fit Lieutenant-
General de ses Armées le 30 Mars 1693 , et le
nomma en même tems pour faire la Campagne
en Flandres en cette qualité. Il se trouva
sanglante Bataille de Nerwinde , dans laquelle il
fut fait prisonnier. Après avoir été échangé contre
le Duc d'Ormond , il servit au Siege de Char
feroi. Il continua de servir en Flandres jusqu'à
la Paix de Riswick , s'étant encore trouvé an
Siege d'Ath en 1697.
la
La guerre
s'étant rallumée en´ 1701 , il fit les
trois premieres
Campagnes
en Flandres
; et après
avoir obtenu des Lettres de naturalité
le 17 Dé
cembre 1703. il eut le Commandement
en chef
des Troupes
Françoises
que l'on fit passer en Espagne
, où il se rendit maître pendant
la Camde
1704
pagne
des Villes et Forteresses
de Salvatierra
, Segura , Castelblanco
, Portalegre
,
astel- David , et autres Places , de la plupart
II. Vol.
desquelles
JUIN. 1734. 1451
desquelles il fit razer les fortifications.
Le Roi Catholique lui acorda la Grandesse
au mois de Février de la même année. Ayant
été rappellé d'Espagne , il fut envoyé en 1705 en
Languedoc en qualité de Commandant en chef
de cette Province , où il dissipa les fanatiques ,
et rétablit la tranquillité en moins de six mois.
Après cette expedition , il fut chargé de faire le
Siege de Nice en Provence. Il se rendit maître
de la Ville le 14 Novembre , et du Château er
de la Citadelle le 4 Janvier 1706 , et il soumit
ensuite tout le Comté. Le Roi lui donna le Bâton
de Maréchal de France le 16 Février;et sur les instances
du Roi d'Espagne , il le nomma pour
aller commander les Troupes qui devoient agir
contre le Portugal.
S'étant rendu en Espagne , il prit la Ville de
Carthagene le 17Novembre 1706 , gagna la Ba
taille d'Almansa le 23 Avril 1707 , et servit ensuite
au Siege de Lerida sous le Duc d'Orleans.
Le Roi d'Espagne voulant reconnoître de si
importans services , lui donna le 10 Octobre
1707 les Villes de Liria er de Xerica en titre de
Duché , avec la Grandesse de la premiere classe,
tant pour lui que pour l'un de ses fils à son
choix , et l'honora aussi du Collier de la Toisen
d'or,
-Le feu Roi lui donna le 24 Novembre de la
même année le Gouvernement du Limousin
pour lequel , ainsi que pour l'Etat et Office de
Maréchal de France ; il prêta les sermens de fidelité
à son retour d'Espagne, le 17 Avril 1708.
--S'étant rendu au mois de Mai suivant à Strasbourg
, il en tira les Troupes qui y étoient , et
illes conduisit à l'Armée de Flandres commandéc
par le Duc de Bourgogne , sous les ordres
Lid. Vol. I ij duque
1452 MERCURE DE FRANCE
duquel il fit cette Campagne. En 1709. il commanda
l'Armée en Dauphiné , où par son habileté
et sa vigilance il fit échouer les desseins que
les Ennemis avoient formés sur cette Province .
En l'année 1710 if fit le commencement de la
Campagne en Flandres avec le Maréchal de Vil-
Tars , et il passa de-là en Dauphiné pour y prendre
le Commandement de l'Armée.
Le Roi Louis XIV . par ses Lettres Patentes du
mois de Mai 1710 , registrées au Parlement de
Paris le 23 du même mois , érigea en sa faveur ,
et après lui en faveur de son fils aîné de son ' second
mariage et de ses descendans , et à leur
défaut , en faveur de ses autres enfans ' puînés
mâles , la Terre de Warty près de Clermont en
Beauvoisis , en titre de Duché et Pairie , sous
le nom de Fitz -James. Il prêta serment , et prit
seance au Parlement en cette qualité de Pair de
France le 11 Décembre de la même année. If¹
commanda encore l'Armée en Dauphiné pen
dant les Campagnés de 1741 et 1712. A peine
étoit il arrivé à la Cour , qu'il fut envoyé en¹
Catalogne , ou ayant passé le Ter avec une Armée
de 20000 hommes , il fit lever le 3 Janvier
1713 le blocus de Gironae , qui subsistoir
depuis plus de huit mois.
>
En 1714 il fut chargé, du Siege de Barcelonne
avec le titre de Generalissime des Troupes Françoises
et Espagnoles ; et après 62 jours de tran
chée ouverte , il prit cette Ville à discretion le
12 Septembre .
Een 1719 il fut declaré Conseiller au Conseil ›
de Regence, et il eut le Commandement de l'Atmée
sur les frontieres d'Espagne où il se rendit
maître de 2. Fortes Places du Château d'Urgel. !
Il fut reçu Chevalier des Ordres du Rồi đẹ za
Jo's Juin
JUAN. 7347 1453
Juin 1724 , et le Gouvernement de Strasbourg
Jui fut donné au mois d'Avril 1730. }
La guerre ayant été declarée l'année derniere
à l'Empereur le Roile nommaGeneral de son Armée
en Allemagne , où après avoir passé le Rhin,
il fit le Siege duFort deKell ,qu'il pritle 28 Octobre
après huit jours de tranchée ouverte . Il venoit
en dernier lieu de forcer les lignes d'Ettlinghen
.en Allemagne , et avoit entrepris ensuite le Siege
de l'importante Forteresse de Philisbourg , devant
laquelle il est mort au lit d'honneur generalement
regretté non - seulement à cause de son
expérience et de sa grande capacité dans l'art
militaire , mais aussi par rapport à ses quali
tez personnelles ,
Il avoit été marié deux fois 19. en 1695. avec
Honorée de Burck de Clanrikard , veuve de
Patrix Sarsfield , Comte de Lucan , et morte en
1698. ei 2º . en 1706. avec Anne Beulkley, fille
de Henri Beulkly et de Sophie Stuart . Il laisse
de la premiere Jacques - François Fitz - James ,
Duc de Liria et Xerica , Grand d'Espagne de
Ja premiere classe , Chevalier de l'Ordre de la
Toison d'Or , et des Ordres Russiens de S. André
et de S. Alexandre , Chambellan du Roi
d'Espagne , Lieutenant General de ses Armées ;
servant actuellement en cette qualité dans son
Armée au Royaume de Naples , et qui est marié
en Espagne et a des enfans .
De la deuxième François Fitz - James , né le
9 Janvier 1709. Prêtre , Abbé de l'Abbaye de
S. Victor à Paris , Henri , Duc de Fitz - James ,
Pair de France , né le 8 Septembre 1711. Gouverneur
du Haut et Bas Limosin , Colonel d'un
Regiment d'Infanterie Irlandoise: Edouard Fitz-
James , né le 17 Octobre 1715. un quatrième
II. Vol.
I iij fils
1454 MERCURE DE FRANCE
Als , age seulement de 9 ans. Henriette Fitz-
James , Dame du Palais de la Reine , née le 16
Septembre 1763. èt mariéé lé 7 Novembre
1722. avec Jean- Baptiste- Louis de Clermont
d'Amboise , Marquis de Rénel et de Montglas ,
Comte de Chiverny , Bailli et Gouverneur de
Chaumont en Bassigny , et Colonel du Regiment
de Santerre Infanterie. Laure Fitz-James,
mariée le 11 Mars 1732. avec Joachim - Louis
de Montaigu , Marquis de Bouzols , Lieutenant
General pour le Roi en la Province de la Haute
Auvergne , Gouverneur de Brouage , et nouvelement
Colonel du Regiment de la Fere , Infan
terie , Sophie , et Emilie Fitz-James.
EPITAPHE
Du Maréchal de Berwick
BRWICK , d'un coup funesté atteînt danz
Bla
tranchée
Tu descens au tombeau , le front ceint de Lauriers
;
La France gémisssante ; en regrets épanchée,
Fond en pleurs au milieu de ses tristes Guérriers
,
Ta mort d'un nouveau lustre orne Encor ta
mémoire ;
C'est à nous seulement de nous plaindre aujourd'hui
;
Intrépide BERWICK , tu volois à la gloire ,
Sur les pas de Turenne , et tu meur's comme lui .
Par Mile de Malèrøis dè la Vioné.
11 Vol.
Le
JUIN 1734.
1459
Le 23 Juin 1734, Edme Pourchot , Licentié
ès Droits , Ancien Recteur et Syndic de l'Unis
versité de Paris , Professeur Emérité , et Doyen
de la Tribu de Sens , mourut âgé d'environ 83
ans , s'étant acquis dans son tems par son habileté
beaucoup de réputation.
Le 24 Juin 1734. Charles- Henri - Phelipeaux
de Pontchartrain , Prêtre du Diocèse de Paris ,
Abbé Commandataire de l'Abbaye de Royaumont
, Ordre de Citeaux , Diocèse de Beauvais
depuis le 26 Novembre 1728.Docteur en Théolo
gie de la Faculté de Paris du à Avril 1732. et
nommé à l'Evêché de Blois , le 23 Mai dernier,
mourut à Paris d'une Rougeole rentrée , âgé
d'environ 18 ans , et le lendemain son corps fat
porté à S. Germain l'Auxerrois , où il fut inhu
mé da nsla sépulture de sa famille. Il étoit fils de
Jerôme Phelypeaux , Comte de Pontchartrain ,.
et de Palluau , Marquis de Chefboutonne et de
Châteauneuf sur Cher , Commandeur des Ordres
Roi , et ci-devant Sécretaire d'Etat , et de
feue Dame Christine- Eleonore de Royè de la
Rochefoucault de Roacy , sa premiere femme ,
morte le 23 Juin 1708.
Le 24 Juin 1734. est né François- Louis - Ga
briel , fils premier né de Josepb Antoine Four-
Bier , Marquis de Wargemont , Seigneur de Sorel
, Drouil , Wanel , &c . Mestre de Camp de
Cavalerie , et Enseigne de la Compagnie des
Gendarmes de la Garde du Roi , et de Dame
Bonne Gabrielle de S. Chamant , mariez le ro
Mars de l'année derniere , ainsi qu'il a été rapporté
dans le Mercure du mois de Mars 1733 .
pag. 609. Cet enfant a été baptisé par le Curé
primitif des Paroisses de Villenoxe et d'Ival ,
et a eu pour parein et mareinè M. de Warge-
II. Vol.
I iiij
mont,
456 MERCURE DE FRANCE
mont › son ayeul paternel , et Dame Marie-
Louise Larcher , son ayeule maternelle , veuve
d'Antoine Galliot de S. Chamant , Marquis de
Montaiguillon , Seigneur de Villenoxe , Grand
Bailli de Sezanne en Brie , Lieutenant des Gardes
du Corps du Roi Maréchal de Camp de
ses Armées , et Gouverneur de Puy - Laurensen
Languedoc , mort le 18 Juin 1731 .
L'Evêque de Bayonne qui est mort après une
longue maladie à Paris , le 30 Juin 1734. dans
la sa année de son âge , se nommoit Pierre-
Guillaume de la Vieuxville , et étoit fils de feu
Joseph-Guillaume de la Vieuxville , Marquis de
Maulle , Maître des Requêtes ordinaire de l'Hôtel
du Roi , et Sécretaire des Commandemens ,
Maisons et Finances de la Duchesse de Bourgogne
, mort le 21 Août 1700. à l'âge de 52
ans et de Marie Luillier . Il fut d'abord reçu
Archidiacre de Dunois , en l'Eglise de Chartres ,
le 17 Septembre 1708. Docteur en Théologie
de la Faculté de Paris , le 30 Juillet 1710. Vicaire
General de Chartres la même année
ensuite Archidiacre de Pincerais dans la même
Eglise , le 19 Fevrier 1716. puis Doyen de l'Eglise
Cathédrale de Nantes en 1721. aussi Vicaire
General du Diocèse de Nantes , l'un des Dépu
tez du deuxième Ordre de la Province de Tours
à l'Assemblée Generale du Clergé tenuë à Paris
en 1725. et enfin nommé à l'Evêché de Bayonne
le 27 Mars 1728 , et sacré le 22 Août suivant
dans l'Eglise Cathédrale de Meaux , par
le Cardinal de Bissy , assisté des Evêques d'Angers
et d'Europée , Coadjuteur d'Orleans. Le
Roi lui donna au mois de Novembre 1731.
l'Abbaye de la Honce , Ordre de Prémontré ,
Diocèse de Bayonne ; mais il s'en étoit démis
au mois de Decembre dernier,
HOVA TUIN (1731 ) $1457
Ar-
-ALOUISHECTOR DE VILLARS , Duc de Villars,
Pair de France , Grand d'Espagne de la premiete
classe , Prince de Martigues ; Vicomte de Melun,
Marquis de la. Mele , Comte de la Rochemilley,
Golleville la Chapelle , Villeneuve & c. Minissitrend'Era
Maréchal general des Camps et Armées
du Roy , Doyen des Maréchaux de Frad-
Seege Chevalier des Ordres du Ror et de l'Ordre
de la Toison d'ar , Ambassadeur extraordinaire
de S1M2 auprès du Roy de Sardaigne General
-des Troupes Françoises en Italie , Gouverneur et
-Lieutenant . General de Provence ,...Gouverneur
des Ville , Gitadelle et Eott de Marseille ,
idés etterres adjacentes Ville Tours et Forts de
Boulon , Ville et Citadelle, de S.: Tropez et cidevant
de Fribourg en Brisgaw , l'um des 40s de
-BAcadémicobrançoisen eindevant Ambaſſadeur
sextraordinaire, or Plenipotentiaire pour les Traistez
de Paix à Rastattetina, Bade , President du
Conseil.de guerre et Conseiller au Conseil
de Regence , commepça) à porter les armes en
U167xtraprèsavoir servi d'Aide de Camp dau
Maréchal dp Beliefand , son , cousin , germain.
dlsivile Rayb au siege diOrsoy en 16725 I'
se detacha Volontaire avec un de ses camarades
zeb entraйcćobeaucoup d'hardiesse jusques dan
ales bathieres de Mastricht ; ipour y faire des pr
ssonniers.Ise trouvá ensuite aux sieges de Zut
-pheul ,cde Cravecitur de Doosbourg et au Pas
sage du Rhin, où s'étant extrémement distingué
da Corneredesompagnie des Chevaux- Le
gers Boatgongmons A‘qui se trouva vacante ilum
fundōngécang basamos x sub
siekkagheva dette campagnasup la Moselle et sui
Jabonoestorsaestdu : Vacomte de Turenne
byver suivantil fuc enyoié en Espagne pou
i1t1 II, Vol.
I v com
1458 MERCURE DE FRANCE
complimenter le Roi Catholique sur sa confalescence.
En 1673. il se rendit de Madrid au siege de
Mastricht , et fit le reste de la campagne sous les
-ordres du Vicomte de Turenné , qui le mertdie
de tous les Partis commandez par les plus hardis
Partisans.
En 1674. aprés avoit commencé la campagne
sur le Rhin , il revintratec la Gendarmerie en
Flandres et sentroava au combat de Sèrief, on,
quoique blessé dès le commencement de l'action
, il demeura jusqu'à la fin , et chargea plusieurs
fois malgré les douleurs de sa blessure
qui le firent évanouir deux fois le Roy li
donna un des trois Regimens de Cavalerie qui
vacquerent én cette occasion.
Il fit les campagnes suivanges sõus les Maréchaux
de Luxembourg et de Crequy , et se tronva
aux sieges de Condé et d'Aire , au secours de
Mastricht , au siege de S. Omery à la bataille de
Cassel , au combar de Coquesberg , od il fit six
charges differentes à la tête de son Regiment, au
combat de Kel , où commandant 200 chevaux
' il força une barrière et mir en déroute deux mille
des ennemis.
Il servit aa siege de Fribourg; od il mona des
premiers à l'assaut de la première muraille , erse
trouva au combat de Valkrik , où il sauva le
quartier de sa Brigade , investie par 4000 hommes
de pied des ennemis.
La campagne suivante il sotint au passage de
tuisseau de Neufbourg l'Arrieresgarde poussée
par mille chevaux commandés par le Prince
Louis de Bade , quitta son poste où il n'y avoit
rien à faire , marcha diligemment aux ennemis ,
les chargea , & les contint jusqu'à l'arrivée du
secours.
11
JUIN 1734.
T459

Il attaqua encore fous les ordres du Maréchal
de Créquy l'arriere - garde de l'Armée
Imperiale dans la vallée de Gueguembach au passage
de la Kinche , & fit prisonnier le Colonel
qui y commandoit.
Il servit ensuite au siege du Fort de Kell , &
monta le premier à l'assaut , qui fut donné en
plein jour , et dans lequel cette Forteresse fur
emportée.
Il fut envoyé au mois de Decembre 168%.
à Vienne à l'occasion de la mort de l'Impéra
trice Eleonore. De-là il passa en Hongrie , ou
il gagna la confiance de l'Electeur de Baviere
et se trouva auprès de lui à la Bataille d'Ersen ,
od les Troupes Impériales remportérent une
Victoire complette contre les Turcs en 1687 .
Il eut ordre ensuite de passer l'Hyver auprés
de l'Electeur de Baviere , d'où étant de retour
il fut fait Brigadier le 24 Août 1688. et pourvú
presque en même tems de la charge de Commissaire
General de la Cavalerie.
Le Roi le renvoya ensuite auprès le l'Electeur
de Baviere pour l'empêcher de se déclarer pendant
le Siége de Philisbourg.
Ayant été fait Maréchal de Camp le 18.
Mars 1890. Il eut le commandement des Troupes
pendant l'Hyver du côté de Tournai , er
exigea du Pays Ennemis plus de trois millions
de contributions ; et marchant ensuite au bombardement
de Liége , il prit le Fort de Cherai ,
dont la Garnison fut taillée en pièces. Il eut
ensuite le commandement d'un Corps de Trou
pes , pour garder les Lignes , d'où il sortit pour
marcher au devant du Marquis de Castanaga si
qui venoit pour les forcer , mais il se posta ,
bien , que l'autre n'osa ni l'attaquer ni s'approcher
desLignes ... Lvj
I
1460 MERCURE DE FRANCE
Il se trouva au Combat de Leuze , où avec
1200 Chevaux , il harcela la marche de l'Arrieregarde
Ennemie , commanda l'aile gauche
débordée par la droite des Ennemis , er fit des
charges si vives avec un seul Regiment qu'il
rompit trois Lignes des Ennemis.
Au commencement de la Campagne de 1692 .
il défit 3000 Chevaux commandez par le Comte
de la Lippe , se trouva à la défaite du Prince
Administrateur de Wirtemberg , qui se rendit
à lui , et eut l'Hyver suivant un commandement
en Flandres pour établir et pousser les contributions.
Il fut fait Lieutenant General le 30. Mars
1693. et destiné en même- temps pour servir en
Allemagne , où il défit près de. Vislocq une arriere-
garde des Ennemis , soutenuë par le Prince
Louis de Bade , leur General.
Envoyé ensuite pour retirer des postes d'Infanterie
trop avancez , il fit une retraite de deux
lieues , malgré les défilez et l'avant - garde de
l'Armée Imperiale , qui ne put jamais l'entamer.
Il passa dans l'Armée d'Italie , et au mois de
Novembre de la même année 1693. le Roy lui
donna le Gouvernement de Fribourg. Il revint
servir en Allemagne , et ayant été renvoyé en
Italie pour y commander la Cavalerie , il se trouva
au Siege de Valence.
Il repassa en France et alla servir sur le Rhin ,
où il baitit un corps considerable de Hussarts
commandé par le Comte Palfi , leur General, qui
y fut blessé. La Paix étant faite , il fut nommé
au mois de Novembre 1697. Envoyé extraordi
maire vers l'Empereur,dont il eut sa premiere Audience
au mois de Septembre 1698.
La guerre ayant recommencé , il eut son Au-
II. Vol dience
JUIN. 1734 1461
dience de congé de l'Empereur le 25. Juillez
1701. et se rendit en Italie , où en allant joindre
P'Armée il défit avec son escorte 900. Chevaux ,
commandez par le General Mercy.
En 1702. il fut rappellé d'Italie pour aller ser
vir sur le Rhin .
Il fut détaché sur la fin de Septembre de l'Ar
mée du Maréchal de Catinat avec un corps de
Troupes, auquel il fit passer le Rhin à Huningue
la nuit du premier au 2. Octobre ; ensuite de
quoi il rétablit , à la vue de l'Armée ennemie , le
Fort que les François avoient autrefois à la tête
du Pont de Huningue du côté d'Allemagne ,
se rendit maître de la Ville et du Château de
Neubourg sur le Rhin ; et profitant des mouve
mens que fit le Prince Louis de Bade pour reprendre
cette Place , il l'attaqua à Fridlingue le 14.
du même mois , et remporta sur lui une victoire
complette.
Le 21. suivant , le Roy , pour le récompenser
d'une entreprise si importante et si heureusement
executée , le déclara Maréchal de France , et en
même-temps General de son Armée en Alle
magne.
En 1703. il fit le Siege du Fort de Kell ; qu'il
prit au mois de Février en 13. jours de tranchée .
Trois semaines après ayant passé le Rhin et
reconnu l'impossibilité de forcer les lignes de
Stolhofen pour se faire un passage de côté - là ,
il tourna par la Vallée de Kentzig , surmonta
toutes les difficultez du passage des 'Montagnes .
Noires , força en un jour et demi divers postes
er joignit heureusement l'Electeur de Baviere ,
qui voulant marcher du côté du Tirol , lui laissa
le soin de garder le Danube , ce qu'il fit avec un
grand succès.
II. Vol.
II
T454 MERGURE DE FRANCE
A son retour de Rastatt il reçût à Versailles le
28. Mars 1714. par les mains du Duc de Berry ,
le Collier de l'Ordre de la Toison d'or, que le
Roy d'Espagne lui avoit envoyé , et le 23. Juin
suivant il fut reçû l'un des 40. de l'Académie
Françoise. 10 911 J
Il fut fait Président du Conseil de Guerre étai
bli au mois de Septembre, 1715. et ce ?Conseil
ayant été supprimé au mois de Septembre 1718.
il fut déclaré Conseiller au Conseil de Régencel
Il représenta le Connétable au Sacre du Roy
regnant , le 25. Octobre 1732 ; et il fut admis
dans les Conseils du Roy en qualité de Minis◄
tre d'Etat au mois de Décembre 1723. 1. 22
Le Roy l'ayant nommé pour aller commander
sous les ordres du Roy de Sardaigne , les Trou
pes que S Mavoit fait passer en Italie , le déclara
le 18. Octobre de l'année derniere Maréé
chal General de ses Camps, et Armées. Il partit
de Fontainebleau le 24. du même mois pour se
rendre en Italie , et étant arrivé le 11 Novembre
au Camp sous Pisighitone , il pritle commandes
ment de l'Armée , qu'il conserva jusqu'à ce que
sa santé alterée par les farigues d'une Campagne
continuée, jusqu'au milieu de l'hywers , l'ayant
mis hors d'état de rester a tase des Troupes !
il demanda la permission devenir en Francea
Après ; Lavoir obtenue , il partit le 27. May dernier
du Camp de, Bozolo, mais étant arrivé à Tne
rin le 3. Juin , il y tomba malade et les remedes
qu'on lui fit prendre n'ayant eu aupun succès fill
reçût ses Sacremens et mourut le 17, du nêmei
mois , âgé d'environ 82 ans , n'étant nó, qu'ear
1652 au mois de Mayhos . Outre quel
cette date ng accorde pas avec celle du Cóntrat
de Mariage des Pere et Mere du deffunt: quia
II. Vol.
JUIN. 1734. €465
est du 24. Janvier 1651. Il est certain que le
Maréchal de Villars avoit eu un frere aîné , mort
en bas âge , ce qui fait voir qu'il ne pouvoit être
né plutôt qu'en 1652.
Le Maréchal de Villars , que ses talens pour
la guerre et ses exploits militaires feront toujours
regarder comme un des plus grands et desplus
heureux Capitaines qui ait commandé les
Armées de France depuis long - temps , étoit fils
de Pierre de Villars , Baron de Mase as , Seigneur
de la Chapelle , & c . appellé le Marquis de Villars
, Chevalier des Ordres du Roy , Lieutenant
General de ses Armées , Conseiller d'Etat d'Epée,
Envoyé Extraordinaire à Vienne et Ambassadeur
Extraordinaire en Savoye , à Madrid et en Dannemarck
, aussi Chevalier d'honneur de la Duchesse
de Chartres , mort le 20 Mars 1698. à
Pâge de 75. ans et de Marie Gigault de Bellefonds
, morte le 24. Juin 1706. âgée de 82. ans.
11 avoit été marié le 23. Janvier 1702. avec
Jeanne - Angelique Rocque de Varengeville , Dame
du Palais de la Reine , seconde fille de Jacques
Rocque , Seigneur de Varengeville , Galleville
, Oudeville , Archanville et Noville , Ambassadeur
Extraordinaire de France à Venise ,
mort le 20. Octobre 1692. et de Charlotte - Angelique
Courtin , morte le 6. Mars 1732 , il n'en
laisse qu'un fils unique , qui est Honoré-Armand
de Villars , à present Duc de Villars , Pair de
France , Gouverneur de Provence , Mestre de
Camp d'un Régiment de Cavalerie , par Commission
du 26. Mars 1718. qui ayant apporté au
Roy le 4. Janvier dernier la nouvelle de la réduction
du Château de Milan , fut nommé peu
après Brigadier des Armées de S. M. ainsi qu'il a
été remarqué dans le Mercure de Février der
nier , page 391.
3466 MERCURE DE FRANCE
***************
ARRESTS NOTABLES.
RREST du Parlement , du 16. Avril 1734.
contre deux Ecrits , &c. ARRE
Ce jour , les Gens du Roi sont entrés , et Maítre
Pierre Gilbert de Voisins , Avocat dudit Scigneur
Roi , portant la parole , ont dit :
Que c'est avec regret qu'ils interrompent les
Occupations de la Cour , pour lui parler de ce
qui peut encore avoir rapport aux dernieres affaires
de l'Eglise persuadés que rien n'est plus
désirable que de les voir se calmer et s'assoupir
de plus en plus par la moderation et le silence.
Mais que c'est par ce motif même qu'il se
creyent obligés d'avoir l'honneur de lui rendre
compte de deux Ecrits , qui , quoique de tems
differens , se répandent ensemble aujourd'hui , et
sont capables de causer de nouvelles inquiétudes
et de nouveaux inconveniens dans le public .
Que l'un est une instruction sur l'obéissance ditë
aux décisions de l'Eglise , par demandes et pat réponses
, imprimée depuis peu de tems sans marque
d'année , aussi bien que sans nom d'Auteur
ni d'Imprimeur : Et l'autre un Ouvrage qui porte
pour titre : Replique aux Tolerans de ce tems ,
imprimé à ce qu'il paroît à Avignon dès 1719 .
mais dont ils apprennent que des Exemplaires se
sont répandus: nouvellement à Paris.
Qu'indépendamment de ce qu'on pourroit
d'ailleurs reprendre avec justice dans ces deux
Ouvrages , c'est assez d'observer que l'esprit de
séparation et de schisme tant de fois reprimé par
II. Vel. les
JUIN. 1734. 1467
les Arrêts de la Cour , s'y déclare et y regne
ouvertement : et que pour s'épargner d'en dire
davantage , ils se contenteront de rapporter ce
qu'on lit à la page 240. du dernier , dans un
endroit où l'Auteur répond à l'Objection qu'il
s'étoit faite pea auparavant , que plusieurs grands
Prélats de France communiquent , non seulement
avec les Communicateurs des Heretiques , mais en
core avec les Heretiques mêmes , c'est-à- dire , ( ce
sont ses termes ) avec les Appellans et Opposans ,
du principe qu'il a établi , dit - il , il suit que
puisque les Papes déchoient du Papar , et les Eve
ques de l'Episcopat et de tonte Jurisdiction spirituelle
dans l'Eglise , suivant le Cardinal du Perron....
suivant le Pape Celestin , S. Augustin , S. Jerôme
et plusieurs autres Peres citéspar Bellarmin , on ne
peut pas douter que tous les autres Superieurs Ecclesiastiques
ou Reguliers , Generaux , Provinciaux,
Locaux , ne déchoient de mêmè de leur autorité ,
dignité et Jurisdiction, et que par consequent ils ne
doivent être regardés qu'avec horreur et execration
de tous les bons et vrais Catholiques .
C
2
Que sur l'un et l'autre Ouvrage ils ont pris les
Conclusions par écrit qu'ils laissent à la Cour ,
avec un Exemplaire de chacun,
Les Gens du Roi retirés :
Va l'Ecrit imprimé sans privilege ni permission,
intitulé : Instruction sur l'obéissance dûé aux
décisions de l'Eglise , ensemble l'autre Ecrit intitulé
: Replique aux Tolerans de ce tems , à Avignon
, chez Joseph Chastel 1729. et les Conclusions
par écrit du Procureur Genéral du Roi. La
matiere sur ce mise en délibération :
La Cour , faisant droit sur les Conclusions
du Procureur General du Roi , ordonne que lesdirs
Ecrits seront lacérés et brûlés en la Cour di
11. Vol. Palais
1470 MERCURE DE FRANCE
1
levé incessamment huit Compagnies nouvelles ,
pour former un troisiéme Escadron à chacun
desdits Régimens , chaque Compagnie composée
du Capitaine , un Lieutenant , un Cornette , un
Maréchal des Legis , trois Brigadiers , quarante
- six Hussarts , et un Trompette.
Qu'il sera pareillement levé dix hommes
d'augmentation en chacune des seize Compagnies
desdits Régimens qui sont sur pied , pour les
mettre de quarante à cinquante hommes , com-
રે
pris trois Brigadiers , sans les Officiers.
Que la solde desdits Brigadiers et Hussards
leur sera payée , à mesure qu'ils arriveront aux
Régimens ou quartiers qui leur seront désignez;
et que les Officiers des nouvelles Compagnies
recevront leurs appointemens , à commencer du
jour qu'il y aura vingt hommes à pied ou dix à
cheval , au quartier d'assemblée , en passant présens
aux Revues des Commissaires des guerres
proposez à cet effet.
TABLE
Teces Fugitives. L'Ourse , la Guenon et fe
Hibou , Fable ,
pieces
1139
Suite de la Lettre de M. le Roy sur les Pendules,
&c.
Pscaume 49. en Vers ,
1263
1274
Extrait du Memoire de M. de Reaumur , sur le
mêlange de la Glace et du Sel ,
Nouveaux Termometres , & c.
1278
1288
1290
La Puissance de l'Amour , Ode Anacreontique ,
Discours Critique sur l'état des Sciences en
1291
Remerciment de M. de Claville à M. de Boissel ,
France , &c.
Madrigal, 1306
Autre ,
1307
Derniere Partie des Philosophies de Descartes et
de Newton ,
Paraphrase sur l'Oraison de Jeremie ,
1368
1318
Képonse à l'objection concernant le flux et reflux
de la Mer , 1320
Réponse de M. Servin à Mlle de la Vigne , 1313
Remarques sur l'origine du Jubilé de Lyon, 1324
Portrait de Madlle P✩✩✩
Questions Elementaires et Pédagogiques , 1331
Lettre en Vers sur M. Ferré ,
1329
1336
Premieres Armes présentées à Monseigneur le
Dauphin ,
Epitre à
1339
1350
Prise de possession de la Souveraineté de Monaco
,
Brigadiers d'Infanterie , &c.
Brigadiers de Cavalerie et de Dragons ,
Sonnet ,
1352
1365
1371
1377
Statue Equestre du Roy ; Ceremonie faite à Bor
deaux , 1378
Enigmes , Logogryphes , &c. 1384
NOUVELLES LITTERAIRES , des Beaux-Arts ;
Traité des Benefices Ecclesiastiques , 1389
Bibliotheque Germanique , & c. 1391
Bibliotheque Raisonnée , &c. 4400
Lettre sur un nouveau Fébrifuge , 140%
1404
1405
Nouvelles Estampes , &c.
Tableaux exposez à la Place Dauphine ,
Spectacles, Marie Stuard,Tragédie, Extrait, 1406
Nouvelles Etrangeres,de Pologne etDantzik, 1416
D'Allemagne et Italie ,
De Naples et Sicile ,
1419
1428
Espagne et Angleterre , 1423
chal de Berwick
Armée d'Allemagne , Lettre du Roy au Maré-
Siege de Philisbourg ,
1424
1425
Armée d'Italic , et Combat de Parme , &c. 1433
France , Nouvelle de la Cour, de Paris , &c. 14 ; 8
Nouveaux Maréchaux de France et Maréchaux
de Camp 1440
Benediction de Drapeaux , et Discours , &c. 1442
Morts , &c:
Mort du Maréchal de Berwik ,
Epitaphe ,
1445
1449
1454
Mort du Maréchal de Villars , 1457
Arrêts Notables , 1466
Correction.
M. de Siougeat , qui a été fait Lieutenant General
à la Promotion du 20. Février dernier , ne
s'appelle pas Lastie , comme on l'a marqué dans
la Liste qui a été inserée dans le Mercure d'Avril
p. 821. il se nomme Jean - Baptiste de Laizer.
Errata de Juin , premier volume.
Page 1134. ligne 14. leurs , lisez les. P. 1137°
22 concentrée , 1. concentrique P. 1238.
1.5 . Mestre General , l. Mestre de Camp General.
P. 1240. l. 19. le 28. 1694. l . le 28. Avril 1694 .
Page
Fautes à corriger dans ce Livre.
265.
Age 1263 - ligne 5.soute, liseż, doute. P. 1 26 5.
10. chaque jour; l . chaque fois . P. 1269 .
1. 30. vrai , moyen . P. 1270. I. 5. les Pendules,
1. toutes les Pendules. P. 1299. 1. 4. du bas, Charlemagne
, l. que Charlemagne. P. 1339. 1. 2. la ,
L. le. P. 1341. 1. 5. s'entrelassent , Į . s'entrelassant.
P. 1380. l. 4. Ecuyer , ôtez ce mot . P. 1385. 1. 3 .
du bas , mais tu l. mais , non , tu . P. 1387. l. 19 .
fait, fais. P. v3 89. 1. 16. de , l. et . P. 1'394, l. 11.
qui, L. que. P. 1443. l . 15. Nés du goût , l. avec,
La Figure gravée doit regarder la page 1383.
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le