Fichier
Nom du fichier
1733, 09-10
Taille
16.20 Mo
Format
Nombre de pages
461
Source
Lien vers la source
Année de téléchargement
Texte
МЕЛLURE
DE FRANCE ,
DEDIE AU ROT.
SEPTEMBRE . 1733 .
CITY
RICOLLIGIT
SPARGIT
TOR
Papilio
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER .
ruë 5. Jacques.
Chez LA VEUVE PISSOT , Quay de
Conty , à la descente du Pont -Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais,
M. DCC. XXXIII.
vec Approbation & Privilege du Roy
FIRE NEW You
PUBLIC LIBRARY
385191
TILDEN FOUNDATIONS
AVIS.
夔
ASTOR , LOX MODRESSE generale est à
Monfieur MOREAU , Commis au
Mercure , vis - à - vis la Comedie Francoife
, à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets cachetez
aux Libraires qui vendent le Mer
cure, à Paris , peuventſe ſervir de cette voye
pour les faire tenir.
On prie très-inftamment , quand on adreffe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non -feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de les perdre, s'ils n'en ont pas gard
de copie. 氨
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , on les Particuliers qui ſouhaiteront
avoir le Mercure de France de la
premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreſſes à M. Moreau ,
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de de les faire porterfur
temps,
Pheure à la Pofte , on aux Meffageries qu'or
lui indiquera.
PRIX XXX . SOLS.
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AV ROT.
SEPTEMBRE. 1733 .
*************************
PIECES FUGITIVES ,
en Vers et en Prose.
LE
CANTIQUE
DES CANTIQUES.
Suivant l'esprit des SS . Peres . Chap. 3.
Imable et sainte solitude ,
Où sous les yeux de mon
Epoux ,
Libre de toute inquiétude ,
Tranquile , je goutois le repos le plus doux ;
Vous n'avez plus pour moi les mêmes charmes
,
A jj Vos
Vos attraits sont perdus sans cet objet divin ;
Dans une épaisse nuit et parmi mes allarmes ,
Je le cherche par tout , et je le cherche en vain,
Témoin de ma douleur , parlez , ô Cité sainte ,
De vos sacrez Remparts j'ai parcouru l'enceinte
Mais en vain de mes pleurs , tout mon sein s'est
lavé.
Où ne m'a point conduit l'ennui qui me dévore
?
Par tout j'ai demandé cet Epoux que j'adore ;
Je l'ai cherché par tout et ne l'ai point trouvé.
yois à quel point tu me transportes ,
Cher objet de ma passion ;
J'ai rencontré sous les murs de Sion ,
La Garde qui veille à ses Portes ;
Je leur demande tour à tour :
N'a-t-on point vû l'objet que cherche ma tendresse
?
Touchez des cris que mon coeur leur addresse
,
Ils ont respecté mon amour.
J'avance , et non loin d'eux , mais dans ce mo
ment même ,
Où mon espoir cessoit d'être flaté ,
Je retrouve celui que je cheris , qui m'aime ,
Et dans mes bras pressans , je le tiens arrêté ;
J'ai joui de sa vûë , et ne l'ai point quitté,
Que touché de mes feux, sensible à ma priere ,
Je ne l'aye emmené jusques au Sanctuaire.
Dans
SEPTEMBRE . 1733. 1503
Dans le sein de la Charité.
Quelle est dans sa route enflammée ,
Celle qui des déserts s'éleve jusqu'aux Cieux ,
Comme un Tourbillon de fumée ;
Qu'exalent à grands flots des parfums précieux?
Voici ce lit , ces ombres , ce mystere ,
Où repose le Salutaire ;
Déja fameux par de brillans succès ,
Les braves d'Israël en deffendent l'accès ,
Et placent là tout l'honneur de leurs armes
;
Leur glaive à la victoire instruit ,
En écarte au loin les allarmes,
Et les surprises de la nuit.
Salomon couronné par les mains de sa Mere ,
Est monté sur un Char plus lumineux encor
Que le bel Astre qui l'éclaire :
"
Les Cedres du Liban , l'argent , la pourpre ,
For ,
Forment ces diverses parties ,
Par un art délicat l'une à l'autre assorties.
A ■ dedans avec ton flambeau ,
Ardente Charité , c'est toi seule qui brilles ,
O , de Jérusalem , accourez , chastes filles
Et repaissez vos yeux d'un Spectacle si beau,
>
1
Aiij SUITE
13
1904 MERCURE DE FRANCE
> SUITE de la Lettre de M. Clerot
Avocat au Parlement de Rouen , sur
les avantages des Gens mariez en Nor
mandie , &c.
N
SECOND TEMPS..
Os premiers Rois de la seconde
Race , préparérent , sans y penser ,
le changement que la foiblesse des derniers
Rois de cette même Race apporta
dans le Royaume . En effet , Charlemagne
ayant entrepris de dompter , et de
convertir les Saxons , en remplit les différentes
Provinces Les Lombards que ce
Prince mit au nombre de ses sujets , et
qui étoient Saxons d'origine , se répandirent
dans les principales Villes , sous
Louis le Débonnaire ; et les Normands
qui n'étoient autres que Saxons et Danois
, acheverent d'inonder le Royaume
de nouveaux habitans , sous Charles le
Chauve et Charles le Simple.
Il est aisé , Monsieur , de voir dans
l'Histoire , qu'au moins les Côtes Maritimes
, depuis l'extrêmité des Païs - bas,jusques
au fond de la Bretagne , furent
remplies de ces derniers Peuples ; en quoi
1
ils
SEPTEMBRE. 1733. 1905
ils ne firent que se mêler avec leurs an
ciens compatriotes , puisque beaucoup
de Saxons , dans la décadence de l'Empire
, s'étoient emparez de ces Côtes , au
point que notre Païs de Caux , de Ponthieu
, le Boulenois, et autres , en suivent
encore les Loix , que du temps de Grégoire
de Tours , les Habitans de notre
Basse -Normandie étoient encore appellez
Saxons Bayeusains , faisant , comme
je vous le prouverai , partie des Peuples
qui s'allierent aux François , sous le nom
de
Ripuariens , et qui avoient autrefois
porté celui d'Armoriques , c'est-à -dire
Habitans des bords de la Mer.
Ces Peuples avoient entr'eux le Droit
des Fiefs , sur l'origine duquel nos Auteurs
ont tant de peine à s'accorder. Les
Comtes du Palais , dont l'authorité et les
vuës tendoient à usurper la Couronne ,
embrasserent cette nouvelle maniére de
posséder , qui leur paroissoit propre à se
faire des créatures , et delà cette conversion
de Bénéfices en propriétez féodales
, d'où vient enfin la Maxime : Nulle
terre sans Seigneur. Voici comme Beaumanoir
en parle , sur les usages du Beauvoisis
: Vous jugerez par là de quelle maniére
cette maxime s'est introduite.Quand
li Sire , dit cet Auteur , voit aucun de ses
A iiij
SoW
1906 MERCURE DE FRANCE
* Sougiez tenir heritage desquiex il ne rend
nu lui Cens , Rentes ne Redevances, li Sire ,
i peutjetter les mains et tenir comme seu e
propres , car nus , selon notre Coutume , ne
peut pas tenir des Alués , et l'en appelle Al-
Jues ce que l'en tient sans nulle Redevance ,
nu lui ; et se li que s'aperçoit avant que nus
de ses Sougiés , que tel Alues soit tenu en sa
Comtée, il les peut penre comme siens ne n'en
est tenu à rendre ne à répondre à nus de ses
Sougiés, pourche que il est Sire de son Droit
et de tout che que il trouve en Aleux.
La fortune des Seigneurs , et même
des particuliers , devenant plus considérable
, nos Ducs , en embrassant les Loix
Françoises , voulurent que quantité de
biens , qui passoient aux femmes et aux
maris , selon les conventions , ou de la
Loy ou de leurs Contrats, ne fussent plus
possédez qu'à vie ; delà , cette Loy des
Saxons introduite dans le Païs de Caux ,
et qui accordoit la moitié des Conquêts
à la femme en propriété , fut réduite à
l'usufruit , n'ayant plus lieu que pour les
Maisons de Ville , appellées dans notre
vieille Coutume , Biens , in Borgagio ; et
pour les meubles ou effets mobiliers de la
succession : De eo quod vir et mulier simul
conquiserint , mediam portionem mulier acsipiat.
Delà , les Conquêts faits en Coutume
SEPTEMBRE. 1733. 1907
tume générale , qui , selon les Loix Ripuaires
, étoient pour la femme du tiers
en propriété, furent réduits à l'usufruit
sauf , comme nous venons de le dire , les
biens en Bourgage et les meubles , compris
anciennement ; ensemble , sous le
nom d'effets mobiliers , appellez , Catal
la , Catels , Chaptel , Chatels.
Delà le Droit de Viduité du mary ,
qui selon le Capitulaire de Dagobert ,
étoit la propriété des biens que laissoit la
femme , ne fut plus, qu'une possession à
vie : Delà enfin la Dot que les Maris
constituoient en faveur de leurs femmes,
comme ils le trouvoient bon, en donnant
des biens à perpétuité , et en tel nombre
qu'ils vouloient , fut fixée au tiers des
héritages et réduite à un usufruit. Notan
dum ergo est quod relicia in dotem debet
per consuetudinem Normania tertiam partem
totius feodi quod Maritus suus tempore Matrimonii
contracti dinoscitur possidere.
Examinez, Monsieur, le chapitre 102.
de notre ancienne Coutume , et vous y
verrez des exceptions singulières , entre
autres celle- cy : Natandum etiam est quod
nulla mulier Dotem reportabit defeodo Mariti
sui , si inter ipsos divortium fuerit cele
bratum licet pueri ex ipsis procreati hæreditatem
habeant et legitenti reputentur. Ille
A V enim
1908 MERCURE DE FRANCE
enim sola mulier dotanda est de mariti sui
feodo qua in morte cum eodem invenitur
Matrimonio copulata , si autem contracto
Matrimonio maritus decesserit ; nondum ipsis
in simul in eodem receptis cubiculo relictâ
de terrâ suâ nullam Dotempoterit reportare.
Je passe à notre Droit de Viduité , selon
le changement que nous y avons re
marqué.
Une preuve que ce changement est
l'ouvrage de nos premiers Ducs , c'est
que ce droit n'a été introduit en Angleterre
que dans sa restriction d'un Usufruit
; d'où vient que Litleton nous le
rapporte en ces termes : Si lo femme de
vie , le Baron tenra le Fié durant sa vie >
par la Ley d'Angleterre ; d'où vient que
dans le Liv. 2. ch . 58. du Livre appellé
Regiam Majestatem , attribué à David ,
premier Roy d'Ecosse , en 1153. ce droit
est particulierement borné à l'Usufruit :
Si idem vir uxorem suam super vixerit,
sive vixerit hæres , sive non ; illi verò pacificè
in vitâ suâ ,remanebit illa terra;post mortem
verò ejus ad hæredem , si vixerit, vel ad
donatorem vel ejus hæredem terra revertetur.
Dans cette Loy , vous trouverez ;
Monsieur, la preuve que c'est icy le Capitulaire
de Dagobert même , au change
ment près , dont nous venons de parler.
En
SEPTEMBRE . 1733. 1909
En effet , elle veut expressément comme
Capitulaire , que l'Enfant soit entendu
crier et pleurer entre les quatre murailles
: Cum terram aliquam cum uxore sua
quis acceperit in Maritagio et ex eodem haredem
habuerit auditum vel bruyantem inter
quatuorparietes. Ainsi Litleton dit qu'en
Angleterre , où ce droit est appellé Courtoisie
, on prétend qu'il ne peut être acquis
si l'Enfant n'a crié : Ascuns ont dit
que si ne sera tenant par le Curtesie , sinon
que l'Enfant qu'il ad par sa femme soit oye
arier ; car par le crie est prouvé que l'Enfant
né vifve. Ainsi Thomas Smith assure que
L'Enfant doit être vû remuer et entendu
pleurer : Clamando. Passons à présent aux
autres changemens qui ont été apportez
tant à ce Droit qu'aux autres Usages ens
France et en Normandie..
Il s'éleva parmi nous une difficulté ,
sçavoir si le Mari qui se remarioit , conservoit
les effets de ce droit ; il passa qu'il
falloit qu'il restât veuf ; C'est la décision
d'un Arrêt de l'Echiquier , tenu à Falai--
se , au terme de S. Michel , en l'àn 1210 ,
qui s'explique ainsi : Judicatum est quod
maritus qui habuit hæredes de uxore sua:
Maritagium tenebit ejus quandiu erit sine
uxore.
Une autre difficulté s'étoit élevée dans
A vj la:
1910 MERCURE DE FRANCE
le cas où la femme auroit eu un premier
mari ; il paroissoit rude de donner l'Usufruit
du bien de cette femme à un second
mari , tandis qu'elle pouvoit avoir des
enfans du premier : Cela fut terminé à
Paris , dans ce que nous appellons : Etablissemens
de France ; et en Normandie ,
par un Arrêt de l'Echiquier , tenu à Caën,
Pan 1241. au terme de Pâques. Voicy
d'abord comme parlent les Etablissemens,
liv . 1. ch. 11. Gentilhomme tient sa vie ce
que l'en l'y donne aporte de montier en mariage
après la mort de sa femme tout n'ayt
il hoir pour qu'il ait en hoir , qui ait crié
et bret se ainsi est que sa femme li ait été
donnée pucelle . Je ne sçai si cette Loy
exigeoit que les maris fissent paroître
comme chez les Juifs,les témoignages de
la virginité de leurs Epouses ; mais je sçai
que l'Arrêt , dont je viens de parler , ne
nous demande point de preuves si équi
voques ; qu'il se contente d'ordonner
que pour acquerir le droit de viduité il
faut la femme n'ait pas eu de premier
mari. Judicatum est quod si aliquis
bomo ceperit uxorem et non habuerit alterum
virum et habuit hæredes vivos aut mortuos
que
و
>
priùs decessum uxoris sua , tenebit omnem
bareditatem uxoris per totam vitam suam
quandiù vixerit sine uxore. Voilà quelques
SEPTEMBRE . 1733. 1911
ques changemens ; passons aux autres.
La découverte du Droit Justinien , faite
dans le milieu du 12 siécle, ayant porté les
François à embrasser avec chaleur l'étude
des Loix Romaines, il n'est pas croya
ble combien cette étude et l'abus qu'on
en fit , défigura le Droit Municipal : Je ne
vous dirai rien de moi - même ; voyez la
Dissertation que vous avez sur la recep
tion du Droit Civil en France ; voicy
comme elle s'explique : Les subtilitez du
Droit Romain ne servirent qu'à opprimer
la vérité et l'innocence , à faire la guerre
au bon sens et à faire triompher l'injustice
et le mensonge , à chasser peu à peu cette ancienne
probité et simplicité Gauloise , qui
faisoit la félicité des Peuples de France.
}
>
Si vous souhaités , Monsieur , un Auteur
moins suspect , vous pouvez voir
Pierre des Fontaines , Conseiller de saint
Louis et un des Maîtres du Parlement :
Voicy comme cet Auteur qui écrivoit
en 1250 , s'explique : Mais as Coutumes
ke nous avons me truit moult ébabys , purce
que les anchiennes Coutumes ke li prudommes
soloient tenir et usien sient moult anoïenties
, partie per bailliens et per prévos , ki
plus entendent à leur volenté faire, ké a user
des Coutumes, et partie per le volenté à ceux
qui plus sa herdene à leurs avis ke as faits
des
1912 MERCURE DE FRANCE
li
des anchiens ; partie plus par les Rices qui
ont soufiert et depouillés les poures et ores
sont le riches par les poures de pooste. Si ke
Pay's est à bien pres sans coutumes . Si ke
puis n'a pas avis d'ou de quatre ou de trois:
faits est ample de coutumes ki tiegnent , et de
cet al avient il a le fois ke cix en pert ki
gaagnierdent, car li avis est mult perilleux,
kne sient en Loix Ecritte ou Coutume.
éprouvée ; car nulle coutume n'est plus plé
niérement destintée comme de Droit faire si
comme le Loy dit..
Ainsi , pour ne point sortir de notre
espéce , ce que nous appellons la Dot des
femmes, fut nommé leur Douaire fixé en
France , par les chap. 14. des Etablissemens
, comme il avoit été en Normandie
, c'est- à- dire , au tiers à vie . Ce Douaire
dans quelque partie du Royaume a
changé , en conséquence de l'Ordonnance
rendue par Philippe Auguste , en 1214
qui le regle à la moitié également à vie,
sur les biens du mari.
Ce que nous appellions Maritagium ;.
Mariage de la femme , fut appellé Dot
à la maniere des Romains , et dans le cas
où ce mariage n'étoit qu'en deniers , on
le divisa chez nous en deux parties . La
premiere , que le mary assignoit sur un
certain fonds de son Patrimoine, et dont
la
SEPTEMBRE. 1733. 1913
la valeur étoit proportionnée , ce qui fuc
essentiellement la Dot ; et la seconde ,
qui teroit lieu du Present de nôces , .fait
au Mary par la femme ; ce qui fut véritablement
appellé le Don mobile , et qui
consistoit en si peu de chose , que notre
ancienne Coutume et notre nouvelle n'en
ont fait aucune disposition expresse.
Ce que nous appellons Osculagium , à
cause que dans les premiers temps la consommation
de tous les marchez se terminoit
par le Baiser , dont on faisoit
même mention dans la Chartre , appellée
pour cela Libellum Osculi , fut désigné
chez nous sous cette dénomination
Grecque et Latine , Paraphernaux. La cérémonie
du Baiser de paix devint un
Droit féodal , que les Seigneurs se reserverent
; d'où vient ce terme de droit
de Culage , exprimé par corruption , dans
les anciens Aveux , pour Osculage. Vous
sçavez que le Président de la Ferté a plusieurs
Vassaux dans sa Paroisse de Vibeuf,
qui lui doivent encore le droit de Culage.
Quant au droit de Viduité , observez ,
s'il vous plaît , que l'Auteur de notre
vieux Coutumier, peu fidele en plusieurs
articles , a crû pouvoir sur celui - ci retrancher
ce que les anciennes Loix ont
dit de la nécessité d'entendre l'Enfant
crier
1914 MERCURE DE FRANCE
crier , et qu'il ne s'est pas même expliqué
sur l'état de la femme avant son
mariage . Voici comme il parle : Cotiume
est en Normandie de pieça si ung homme
a eu Enfant qui ait été ney vif, jaçoit ce
qu'il ne vive , mais oulle la terre qu'il tenoit
de par sa femme au temps qu'elle mous
rût, lui remaindra tant comme il se tendra
de marier quand il sera mort , ou quand il
sera.marié , la terre qu'il tenoit par la raison
de la veuveté reviendra aux boirs à la femme
à qui elle devoit échoir de la mort.Vous
sçavez , sans doute, que le mot Pieça,a fait
tomber dans l'erreur tous ceux qui n'ont
pas cu le Texte Latin, où nous trouvons :
Consuetudo enim est in Normannia ex antiquitate
approbata.
-
Nous voyons que dans le temps de
Charles VI. le Droit de Viduité avoit en
core quelque vigueur en France, puisque
Bouteiller , Conseiller Maître du Parlement
, et qui vivoit sous le Regne de ce
Prince , nous assure en sa Somme Rurale
, que dans la Prevôté de Paris , à Orléans
, en Anjou et en Touraine , ce Droit
y étoit encore reçû : Sçachez , dit- il , que
Gentilhomme tient durant sa vie ce que don
né lui est en Mariage aporte de Montier
àl'Epousaille faite après la mort de sa femme,
j'açait que nuls enfans n'ait , mais que
beir
SEPTEMBRE . 1733. 1915
hoir maale ait eu qui ait eu vie sur terre et
que la femme l'y ait été donnée Pucelle ; car
Sveuve l'avoit prinse , ou notoirement diffamée
non Pucelle , le don ne tiendroit après
la mort d'icelle. Ce Droit , enfin , à l'exception
de la Normandie , s'est éteint en
France , et nous n'en voyons de vestiges
bien marquez que dans les Coûtumes aux
extrêmitez du Royaume , comme celle de
Bayonne , tit. 19. art. 12. et celle des
Bailliages de Lorraine , art . 12 , 14 et 17.
Ceux qui ont rédigé notre nouvelle
Coûtume , se sont icy attachez scrupu
leusement à l'ancienne , sans s'embarrasser
si l'Auteur a suivi les vrais principes
et en adoptant son erreur grossiere dans
le cas où la femme décédée a des enfans
d'un premier mariage ; ils ont ajoûté que
le mary non-seulement a le droit de viduité
sur les biens de sa femme , encore
bien qu'elle aye été veuve et mere, mais
que ce droit lui est acquis , an préjudice
des Enfans de saditte femme , de quelques
mariages qu'ils soient sortis.
Il ne me reste plus qu'à vous parler du
Don mobile; ce n'étoit encore en ces derniers
tems qu'un simple présent de nôces,
et qui ne consistoit qu'en quelques effets
mobiliers , si peu considérables , que ce
Droit même , comme nous venons de
l'ob1916
MERCURE DE FRANCE
l'observer , n'a pas mérité l'attention de
nos Rédacteurs ; voyons comment il est
devenu important :
D'abord les femmes qui n'ont apporté
en Dot que des héritages , ont fait présent
à leurs maris d'une certaine somme
en Don mobile , à prendre sur leurs immeubles
jusqu'à la concurrence du tiers.
Cela a causé des contestations ; mais les
Arrêts se sont enfin déclarez en faveur
des maris.
>
Ensuite certe Jurisprudence étant bien
affermie , on a fait des Contrats de mariage
, où la femme a donné en Don mobile
le tiers de ses Immeubles ; cela a encore
produit des contestations; mais enfin
les Arrêts ont encore décidé en faveur des
maris , et en 1666 , on en a fait un Reglement
, afin que cela ne formât plus de
difficulté.
Voilà , Monsieur , une partie de ce que
j'ai observé sur les avantages des gens
mariez en notre Province ; si-tôt que je
serai débarrassé de quelques affaires domestiques
, je vous ferai part , pour diversifier
les matieres , de quelques découvertes
singulieres sur notre Païs de Caux,
sur le Royaume d'Ivetot , les Comtez
d'Arques et d'Eu ; les Peuples de Yexmes
et de Bayeux . Je vous donnerai ausși
quelSEPTEMBRE.
1733. 1917
quelques observations sur plusieurs Dignitez
singulieres à la Normandie , et sur
les familles qui les ont possédées ; par
exemple , vous ne seriez peut - être pas
fâché de sçavoir ce que c'étoit que cette
Vicomté de Cotentin , dont étoit Vicomte
le Brave Néel , si fameux dans notre
Histoire; ce que c'est encore que le Titre
de Vidame de Normandie , possédé par
P'Illustre Maison d'Esneval . Je suis,Monsieur
, & c.
*******::********
A L'AUTEUR de l'Eloge de la
Pauvreté.
RONDE A U.
A Votre avis ne point compter d'Ecus ,
Etre réduit à quelques Carolus ,
N'avoir souvent de quoi remplir sa Pance ,
Vaut mieux que vivre au sein de l'opulence ;
Et partager les faveurs de Plutus.
Pour m'en convaincre , il ne faut rien de
plus ;
Mais bien des gens suivant l'antique abus ,
Préfereroient une honnête abondance ;
A votre avis.
Peut1918
MERCURE DE FRANCE.
Peut- être même , en butte à leurs rebus ,
Traiteroient-ils vos raisons de bibuss ;
Pour votre honneur, forcez- les au silence ,
Et par vertu , réduit à l'indigence ,
Ramenez - les plus touchez que confus
A votre avis.
REPONSE.
A mon avis , rouler sur les Ecus ,
A prix d'honneur gagner des Carolus ,
Six fois par jour pouvoir remplir sa pance ,
Sont des biens faux qu'apprête l'opulence ,
Aux favoris de l'aveugle Plutus.
Pour vous guérir , s'il ne faut rien de plus ;
C'est qu'avez yû le dangereux abus
De ceux qui vont préférant l'abondance
A mon avis.
Défiez - vous de leurs subtils rebus ;
Leurs vains conseils valent moins que Bibus
Le temps sçaura les forcer au silence ;
Lors , par état , réduits à l'indigence ,
Ils reviendront , de leur erreur confus ,
A mon avis.
RE
REPONSE du R. P. Tournemine , à
Ausur de la Lettre , insérée dans le
Mercure de fuillet , au sujet d'une Prophétie
attribuée au Roy David.
MONSIEUR ,
J'ai lû votre sçavante Dissertation sur
lero verset du Pseaume 95 , avec le plaisir
que donnent tous vos Ecrits ; où l'on
reconnoît une Critique juste et un soin
exact d'approfondir les matieres.
1
.
La difficulté consiste à décider si ces
pa oles ; Depuis qu'il a été attaché au Bois,
A ligno , qui suivent ces autres paroles :
1. Seigneur a regné , annoncez- le aux
Nations ; Dicite in Gentibus quia Dominus
gnavit , sont la traduction fidelle de la
ve ion des Septante , ou d'une Glose inée
dans cette version . Séparons ce qui
certain , des conjectures , ingénieusi
on le veut , mais après tout , conares.
Il est certain que le texte des
ante , sur lequel l'ancienne version
rat.que a été faite ; version qui est sûrement
du premier siécle de l'Eglise ,
os ,
concontenoit
ce que l'Auteur de la version
a traduit , à ligno .
On convient que tous les Manuscrit
de la version Italique étoient semblables
en cet endroit. Tous les Peres Latins , à
Rome , dans les Gaules , en Espagne , er
Afrique , ont lû dans leur Bible cette
prétendue addition pendant neuf siécles
Vous avez cité un grand nombre de ces
Peres Latins ; on pourroit en grossir le
Catalogue. Ils ont approuvé cette addition
depuis qu'ils ont connu qu'elle n'é
toit point dans les Exaples d'Origene, et
que S. Jerôme ne l'admettoit pas ; on a
chantoit dans le Pseautier Romain
dans le Pseautier Gallican .
,
Deux faits me frappent ; Saint Justin ,
dont l'érudition étoit vaste , né dans l'Orient
, et qui a vécu long temps à Rome
parle avec assurance de l'authenticité
de cette prétenduë Addition ; s'il avour
qu'elle ne se trouve pas dans quelques
manuscrits des Septante , il accuse les
Juifs de l'en avoir fait disparoître , et le
Juif Tryphon , son Adversaire , a de la
peine à les justifier.
On ne peut donc douter que l'Addition
prétendue n'ait été avant même !
Christianisme
dans quelques Exemplaires
des Septante. Tryphon qui paroît
Sca
MIKE. 1733 . 1921
eçavant , auroit confondu Jus'n , en ejettant
sur les Chrétiens la falsification
que le S. Docteur imputoit aux Juifs.
Les Manuscrits où se trouve votre Prophétie
, auroit dit le Docte Rabin , n'ont
paru que depuis la naissance du Christianisme
, et entre les mains des Chrétiens
; il n'ose avancer ce fait : Il connoissoit
donc que l'addition prétenduë ,
étoit plus ancienne que le Christianisme.
Origéne examina depuis en critique la
Question dont il s'agit , et il préféra les
Manuscrits où l'Addition n'étoit point ;
aux Manuscrits où elle étoit ; son autorité
entraîna tout l'Orient ; mais Rome
et l'Occident s'attacherent à la version
Italique , dont ils respectoient l'antiquité.
S. Jerôme suivit Origéne , sans pouvoir
amener à son sentiment qu'un fort
petit nombre de Latins.
...
Au sixième siècle , Cassiodore , si sçavant
et si curieux en Manuscrits de la
Bible , soutint la prétenduë Addition
par l'autorité des Septante ; il avoit donc
en main des Manuscrits de cette version
Grecque , où l'Addition se lisoit.
Lors même que l'Eglise Romaine reçût
la version Latine des Pseaumes , corrigée
par S. Jérôme , qui en avoit retranché à
ligne. Elle retint ces deux mots dans les
OffiOffices
divins , marquant par là fort clairement
qu'elle ne vouloit point décider
la question , qui par conséquent est encore
indécise.
›
Ce seroit parler trop affirmativemett,
de dire que cette Addition étoit inconnue
à tout l'Orient. S. Ephrem , Syrien
l'a citée dans son premier Sermon , de la
Résurrection ; il la lisoit donc dans les Manuscrits
de la version Syriaque de sonEglise
version traduite sur les Septante, et aussi
ancienne que l'Eglise ; les versions pos
terieures n'ont pas la même autorité.
C'est donc une verité constante que la
prétenduë Addition étoit dans plusieurs
anciens Manuscrits des Septante , dans
celui sur lequel la premiere version Syriaque
fut faite , dans ceux qu'avoit consulté
l'Auteur de la version Italique ;
dans ceux que S. Justin avoit vûs . Cette
prétendue Addition a- t - elle été insérée
dans la version des Septante ?En a- t- elle été
ôtée ? Voilà une matiere propre à
cer la sagacité des Critiques.
exer-
Je ne dirai pas que les Auteurs de l'ancienne
version Grecque ont ajouté quelques
mots au Texte Hebreu , comme Prophetes
; leur don de Prophétie ne mè
paroît pas établi .
Je ne dirai point qu'une Glose écrite
SEPTEMBRE: 1733. 1923
à la marge , a passé dans le Texte ; le respect
infini des Juifs et des Chrétiens
pour l'Ecriture Sainte , ne me permet pas
de le conjecturer.
Sur le même principe , je n'accuserai
pas
les Juifs d'avoir altéré la version des
Septante , ou le Texte Hebreu ; je me
contenterai de proposer modestement ce
qui me paroît plus vrai- semblable ..
Les Manuscrits sur lesquels travaillerent
les Auteurs de la premiere Version
Grecque , connus sous le nom des Septante
, étoient différens en quelques Endroits
du Texte Hebreu , tel qu'on l'a
aujourd'hui , sans soupçon de fraude ; le
temps seul , et les méprises des Copistes
ont pû causer cette différence .
Ici revient l'ingénieuse conjecture de
Salmeron et d'Agellius ; des Manuscrits
les uns en plus grand nombre , étoient
semblables au Texte Hebreu d'aujourd'hui
, dans les autres , on lisoit Hetz ,
au lieu Daph. Les Septante préférerent
ces derniers . Origêne crut qu'il falloit
corriger les Manuscrits des Septante sur
le Texte , tel qu'il étoit de son temps et
sur les autres Versions Grecques ; il marqua
d'un Obele. ce qu'il croyoit une
Addition. S. Jérôme embrassa le sentiment
d'Origene , et il eût de la peine à
B le
1924 MERCURE DE FRANCE
le faire recevoir dans l'Occident. Ainsi
l'Auteur de l'Hymne Vexilla Regis , soit
Fortunat , soit Théodulphe, a pû regarder
ces paroles , à ligno , comme originales
dans la Saince Ecriture. Je suis
Monsieur , & c.
LE CHESNE
ET LE LIERRE.
FABLE.
Rès d'un Chêne orgueilleux , dont la tête
chenuë ,
Sembloit se perdre dans la Nuë ,
Un Lieere languissoit , par terre humilié ;
Quoi , dit-il , on me foule au pié ,
Et je rampe dans la poussiere ,
Tandis qu'un Chesne audacieux ,
Menace les Cieux ,
De sa Tête altiere !
Mais ne pourrois - je donc m'élever commę
lui ?
Le Lierre ambitieux , ainsi parle et raisonne ;
Pour atteindre à ce Chesne , il faut dès aujour
d'hui ,
Que je m'attache à sa personne ,
( Une forte Protection ,
Ayde
SEPTEMBR E. 1733. 1925
'Ayde bien à l'ambition . )
Le Lierre se cramponne au Chesne qu'il embrasse
,
Dans ses Rameaux il s'entrelasse ,
Et voyant que bien- tôt il égale en hauteur ,
Son puissant protecteur ,
Le superbe applaudit à sa noble entreprise ;
Il n'est rien tel , dit- il , que vouloir s'élever ,
Mais il ne prévoit pas l'instant fatal de crise ,
Dont toute sa grandeur ne poura le sauver,
Le Vieux Chesne que la Coignée ,
Avoit épargné jusqu'alors ,
De ses pareils enfin , subit la destinée.
La Hache qui détruit les Arbres les plus forte
Le coupe jusqu'en sa racine ,
Et le Chesne du Lierre entraîne la ruine.
Ce dernier eut paré le coup qui l'a frappé ,
S'il eût sçu que des Grands épouser la fortune ,
Dans leur chute , avec eux commune
C'est vouloir être enveloppé.
P ILIER , de la Ferté sur Jouarie.
Bij
LETTRE
1926 MERCURE DE FRANCE
***** **:* : *******
LETTRE de M. Pierre LE ROW,
Horloger , de la Société des Arts demeurant
à Paris , au milieu de la Place
Dauphine : Description d'une Pendule à
Ressorts , marquant et sonnant le temps
*
vrai.
L
gage
E zéle que vous avez,Monsieur, pour
la perfection de l'Horlogerie , m'enà
satisfaire votre curiosité sur ce
que vous m'avez demandé au sujet de
la Pendule à ressort que j'ai présentée à
notre Société.
Cette Pendule marque et sonne le temps
vrai , d'une maniere assez simple , pour
dire qu'elle n'est pas plus composée que
les autres Pendules à ressort ; elle marque
aussi le jour du mois , avec presque autant
de simplicité , n'y ayant qu'une
Roue de plus pour le faire marquer , au
lieu qu'aux autres Pendules qui le marquent
, il y a 3 Roues et 2 Pignons.
Avant que d'entreprendre de faire marquer
et sonner le temps vrai aux Pendules
à ressort , leur justesse ne me paroissant
pas suffisante pour y appliquer le
temps vrai aussi utilement qu'on l'auroit
pû souhaitter , je me suis attaché à augmenter
SEPTEMBRE. 1733
1927
•
gmenter cette justesse . Pour y parvenir ,
j'ai imaginé une nouvelle maniere de
faire les Palettes de la Verge du Balancier,
qui rendent les frottemens des dents
de la Roue , de rencontrer sur ces Palettes
, beaucoup plus doux et moins susceptibles
de changement , et qui rend de
plus la justesse de l'échappement beaucoup
plus durable.
2
J'ai aussi trouvé le moïen de rendre
plus égale l'action du grand ressort sur
le mouvement de la Pendule. Par ce
moïen , outre que la justesse est encore.
augmentée , il est moins sujet à se rompre
par l'effort qu'il souffre en le remontant
; l'imaginai cet expédient en 1725 ,
et je l'appliquai à une Pendule que je fis
pour la Cour d'Espagne , dont la justesse
fut reconnue par M. Dosembrai . Il la
garda un mois et demi chez lui pour l'observer
, étant un des Commissaires nommez
par l'Académie des Sciences , à
l'examen de cette Pendule , à laquelle il
y avoit plusieurs autres particularitez ,
dont je vous ferai part une autre fois.
Quand j'eus trouvé le moïen d'augmenter
la justesse des Pendules à ressort , je
me déterminai d'autant plus volontiers
à leur faire marquer et sonner le temps.
vrai , que je remarquai que le Public ti-
B iij reroit
ย
1928 MERCURE DE FRANCE
reroit beaucoup plus d'utilité de l'application
du temps vrai aux Pendules à
ressort , qu'aux Pendules à secondes
parce que la plupart des personnes qui
se servent de Pendules à secondes , sont
versées dans les Sciences , et n'ont besoin
que du temps moïen pour avoir le temps
vrai ; car ils savent toujours bien , quand
ils veulent s'en donner la peine , ajouter
au temps moïen , ou en retrancher la différence
nécessaire, pour trouver le temps
vrai ; au lieu que presque toutes les personnes
qui se servent de Pendules à ressort
, ne sçachant ce que c'est que cette
différence , qu'on nomme ordinairement
Equation de l'Horloge ( qu'il faut ôter
ou ajouter ) ne peuvent presque jamais
avoir le temps vrai ; ce qui est souvent
cause que, quoique leurs Pendules soient
bien reglées sur le temps moïen , ils
croyent cependant qu'elles ne vont pas
bien , parce qu'ils leur attribuent les variétez
du Soleil. Cela les engage à hausser
ou baisser mal à propos la Lentille
du Pendule Or cette méprise est cause
qu'au lieu de les régler , ils les déreglent
du temps moïen , d'où dépend toute la
justesse du temps vrai, et par conséquent
ils les disposent en certains temps à s'écarter
encore davantage du temps vrai.
Si
SEPTEMBRE. 1733. 1929
Si leurs Pendules marquoient le temps
vrai , il leur seroit facile d'éviter cet inconvenient
quand elles viendroient à se
dérégler ; car comme une Pendule qui
marque le temps vrai , n'est autre chofe
qu'une Pendule qui marque l'heure du
Soleil ; il leur suffiroit pour sçavoir s'il
faudroit hausser ou baisser la Lentille
de voir sur le Soleil , si elle auroit avancé
ou retardé ; au lieu que pour regler
une Pendule qui marque le temps moïen,
il faut necessairement remarquer le temps
qu'on l'a mise à l'heure , et ajouter l'é
quation à la quantité des minutes marquées
par leur Eguille , ou la retrancher,
selon qu'elle est additive ou soustractive ,
autrement on ne peut pas , pour la regler
, sçavoir s'il faut hausser ou abbaisser
la Lentille. Quand même la plupart des
personnes qui ont des Pendules à ressort .
sçauroient ajouter au temps moïen , ou
retrancher la quantité de l'équation , il
est aisé de sentir qu'il leur seroit toujours
beaucoup plus avantageux qu'elles
marquassent le temps vrai; d'autant plus
que l'équation changeant journellement
de quantité , il faut toutes les fois qu'on
veut sçavoir l'heure vraie , avoir l'embarras
de faire , pour ainsi dire , une espece
de calcul, ou prendre la peine d'aller
Biiij cher1930
MERCURE DE FRANCE
chercher un Cadran Solaire , ou une Méridienne
.
Outre cet embarras , il y a des Saisons
où le Soleil est long- temps sans paroître,
sur tout dans les mois de Novembre, Décembre
et Janvier , où l'on auroit cependant
le plus de besoin de le voir souvent
pour remettre sa Pendule à l'heure
parce qu'il retarde dans ces trois mois
d'environ trente et une minutes.
Malgré cela , presque tout le monde
et même la plupart des Horlogers , ne
pouvant s'accoutumer à ajouter au temps
moyen , ni à en retrancher l'équation , ne
peuvent pas avoir d'autre ressource pour
mettre leurs Pendules à l'heure , que celle
de les remettre sur le Soleil, par conséquent
l'on ne doit pas être surpris de
voir la plupart des Pendules si mal à
l'heure dans l'espace de ces trois mois.
Il est donc évident par les raisons que
je viens de dire , que l'utilité des Pendules
à ressort se trouve considérablement
augmentée , en leur faisant marquer et
sonner le temps vrai ; dautant qu'elles
ne seront pas plus sujettes à se déranger
que les autres Pendules , étant aussi simples
,comme vous l'allez voir par la Description
qui suit :
Il y a deux Cadrans à cette Pendule ;
Le
SEPTEMBRE . 1733. 1931
le premier est fixe comme celui des Pendules
ordinaires ; il ne sert de même qu'à
marquer les heures et les minutes du tems.
moyen ou temps égal.
Le second Cadran renferme le premier,
et est mobile ; il sert à marquer le temps
vrai , par le moyen de plusieurs chifres
qui sont gravez sur ce Cadran , au - delà
des minutes et des deux index . Ces chifies
sont les jours des mois , entre lesquels
il y a environ une minute d'équation
, c'est- à dire , les jours entre lesquels
le Soleil avance ou tarde d'environ
une minute.
Pour que la Pendule marque et sonne
le temps vrai, il faut premierement faire
tourner le jour du mois sous la ligne de
foy de l'index qui convient au mois où
l'on est , et mettre ensuite l'éguille des
minutes juste à l'heure du Soleil sur le
Cadran mobile . Après cela , pour qu'elle
le marque toujours , il faudra seulement
avoir le soin de faire tourner le jour du
mois où l'on est sous l'index ; j'ai dit l'index
qui convient , parce que celui d'embas
sert pour les jours des mois , depuis
le commencement d'Octobre , jusqu'à la
fin de May , et celui d'en haut sert pour
le reste des autres mois.
En mettant les jours du mois sous la
ligne B v
1932 MERCURE DE FRANCE
•
ligne de foy de l'index , comme il est
expliqué , vous faites avancer ou tarder
le Cadran mobile de la même quantité
que le Soleil a avancé ou tardé, et la sonnerie
avance ou tarde de la même quantité
; parce que cette sonnerie est disposée
de façon qu'elle ne peut sonner que
lorsque l'éguille des minutes est arrivée
à 6c minuses et à 30 minutes de ce cadran,
en quelque position qu'il se trouve.
Pour que l'on ne soit pas obligé d'ou
vrir la porte de la Pendule , pour faire
tourner le jour du mois sur l'index , j'ai
imaginé une petite rouë dentée , qui engraine
en angles droits dans les dents
que j'ai faites autour de la circonference
du Cadran mobile . L'arbre de cette rouë
qui traverse de part en part le côté droit
de la Boëte , porte à son extrêmité un
Bouton gaudroné , qui lui est fixé, et qui
sort hors de la Boëte; par le moyen de ce
Bouton l'on fait tourner avec la main
à droit ou à gauche cette petite Rouë, et
par conséquent le Cadran mobile , pour
mettre le jour du mois sous la ligne de
foy de l'Index , sans qu'il faille ouvrir
la porte.
Ainsi ,outre qu'on évite la peine d'ouvrir
la porte de la Pendule , les Cadrans
conserveront bien plus long- temps leur
propreté.
SEPTEMBRE. 1733. 1933
Pour leur faire sonner le temps vrai
j'ai fait un Lévier , que le Cadran mobi-
Je emporte avec lui.Ce Lévier a un mouvement
perpendiculaire au Plan du Cadran.
L'extrémité de ce Lévier porte un Cera
cle dont le centre répond toujours au centre
du Cadran, et la circonférence à la détente
de la sonnerie , qui est en plan incliné
, en sorte que ce Lévier ne sçauroit
être levé sans glisser sous le plan incliné
de la détente , ce qui la fait lever.
La circonférence de ce Cercle porte un
Plan incliné, dont l'extêmité répond toujours
à 60 minutes du Cadran mobile ,
quelque mouvement qu'on donne à ce
Cadran.
La Rouë de minutes , au lieu de Chevilles,
porte deux Plans inclinez ; un pour
l'heure et l'autre pour la demie. L'extrêmité
de ces deux Plans est dans la direction
de l'éguille. Un de ces Plans rencontrant
le Plan incliné du Lévier , le fait
lever , et fait par conséquent lever la dé
tente de la sonnerie.
Comme l'extrêmité du Plan incliné du
Lévier , répond toujours à 60 minutes
du Cadran mobile , et que les Plans in
clinez de la Rouë de minutes sont dans
la direction de l'éguille ; le Plan incliné
B vj du
1934 MERCURE DE FRANCE
du levier ne peut se dégager de celui de
l'heure que quand l'éguille est arrivée à
60 minutes de ce Cadran , ni de celu
de la demie heure, que quand cette éguille
est arrivée à 30 minutes.
Si - tôt que ce Plan est dégagé de celui
de la Rouë de minutes , le Lévier et la
Détente retombent , et la Pendule sonne
le temps vrai
***********************
EPIGRAM M E..
UN mien ami me disoit l'autre jour ,.
Que pour vertu se sentoit de l'amour .
Lors je lui dis : Va- t'en voir Marguerite ;;
Te paroîtra si rare son mérite ,
Que pour vertu la prendras sûrement :
Mais quand auras déclaré ton tourment ,
Seras surpris , er diras en toi-même :
à la Vertu bien ressemble vrayment ,
Fors enun point; car Vertu quiert qu'on l'aime 3.
Elle au rebours ne peut souffrir d'Amant.
Av
AUTR E.
Vint un jour qu'en certain Monastere ,
Certain Prélat fut fort bien régalé :
Le bonSeigneur bien repú , bien gonflé ,
Aux Moines dit qu'avoit fait bonne chere ;
Le
SEPTEMBRE . 1733. 1935
Le vin sur tout , dit il en les quittant ,
M'a paru bon , et j'en suis très-content
Oh, Monseigneur , dit Erere Nicephore ,
Nous en avons de bien meilleur encore.
Terrasse de Cherigny
のみのみ
LETTRE sur une Machine pour pour élever
l'eau , & c. écrite de Villeneuve - lès-
Avignon , le 14. Août , par M. Sou
mille , Prêtre..
Yant lû , Monsieur , dans votre
Aderniervolume du Mercure de Juin;
page 1418. un article d'un Particulier
qui croit rendre service au Public en
proposant de faire une Machine dans
Le goût des grosses Horloges , pour pouvoir
, au moyen de certains poids , faire
monter l'eau des Puits , &c. J'ai crû de
mon côté , rendre un meilleur service
à ce même Public , en lui conseillant de
ne rien essayer sur ces sortes d'Ouvrages.
Les plus parfaits et les mieux executez
seroient inutiles. Que seroit ce de ceux.
où la main de l'Ouvrier laisseroit quelque
imperfection ? mais pour qu'on ne croye
pas que j'avance cette proposition au
hazard ,
1937 MERCURE DE FRANCE
hazard , souffrez que j'aye l'honneur de
vous présenter les Refléxions suivantes ,
pour en faire l'usage que vous jugesez
à propos.
De quelle utilité pourroit être pour les
arrosages , &c. une Machine de cette espece
, laquelle après avoir coûté considérablement
, ne pourroit élever qu'une
quantité d'eau au - dessous de la pesanteur
de son poids ? Je m'explique ; supposons
pour un moment qu'un de ces
Ouvrages , executé dans sa derniere perfection
, puisse agir avec un poids de
100. livres , qu'il soit élevé au niveau
du bassin où l'on veut faire monter l'eau ;
il est très- certain que ce poids de 100 .
livres dans toute sa descente ne pourra
élever que moins de 100 liv. d'eau ; et
toutes les fois qu'on prendra la peine
de le remonter , il n'élevera jamais dans
sa descente que moins d'eau que ce qu'il
pese. Eh ! ne vaudroit - il pas mieux que
la personne destinée à remonter ce poids ,
employât ses forces à élever de l'eau
par les moyens usitez jusqu'aujourd'hui ,
et qu'elle n'usât point une Machine trèscouteuse
qui ne serviroit qu'à rendre
inutile une partie de ses forces, puisqu'au
lieu de remonter un poids de 100 liv.
elle pourroit puiser 100. livres d'eau , et
que
SEPTEMBRE . 1733. 1937
que le poids n'en sçauroit faire monter
autant ?
On ne peut pas douter un moment de
ce que je viens de dire , quand on examine
de près les loix immuables de l'équilibre.
La plus simple de toutes les Ma-
Achines , à mon sens , est celle qu'on voit
à tous les Puits , je veux dire deux sceaux
et une poulie ; mais si vous mettez 100 .
livres d'eau dans un des sceaux et 100 .
livres de poids dans l'autre , ils resteront
sans mouvement , et le poids n'emportera
l'eau qu'après en avoir ôté une partie
suffisante pour rompre l'équilibre . Or
comme cette Machine est la plus simple ,
elle est , sans contredit , la meilleure et
elle fournit un préjugé contre les Machines
composées de ce genre. On peut ,
si vous voulez , par une Machine composée
adoucir la peine de celui qui puise
l'eau , mais il faudra plus de temps pour
en puiser la même quantité. On peut
aussi faire une Machine à poids qui agira
pendant long-temps , mais l'eau qu'elle
fournira pendant cet espace de temps ,
quelque long qu'il soit , sera roujours
moindre que la pesanteur du poids de
la Machine.
Il est inutile de s'étendre davantage
sur une Machine en general , il suffit
d'avoir
1938 MERCURE DE FRANCE
touché le principe et montré l'inutilité
de pareils Ouvrages. Si quelqu'un à l'avenir
proposoit un modele , je m'offre
de démontrer en détail ce que je n'ay pû
dire qu'en general. J'ay l'honneur d'être
avec toute la consideration possible ,
Monsieur , &c.
2 2.2
BOUQUET.
De Me DE MALCRAIS DE LA VIGNE ,
présenté à sa Mere , le 15 d'Aoust ,
jour de sa Fête.
Aujourd'hui que l'on solemnise ,
De la Reine des Cieux , le Triomphe char
mant ;
Cette branche de Mirthe offerte simplement ,
Du coeur que je vous donne exprime la fran
chise.
Mon coeur formé de votre sang ,
Reçut l'être dans votre flanc.
Dans vos jardins fleuris , ce Mirthe prit nais
sance ,
Ainsi , Mere admirable, et dont les soins si doux ,
Surpassent les efforts de ma reconnoissance ,
Je ne vous donne rien qui ne soit bien à vous.
PROSEPTEMBRE
1733. 1939
**** :***********
• PROBLEME ,
Proposé aux Métaphysiciens Géometres ;
sur l'essence de la matiere.
O
Na beaucoup philosophé sur l'essence
de la matiere ; par malheur
nous n'en connoissons guéres que les accidens.
On convient assez que la pesanteur
et la légéreté , la chaleur et le froid ,
la sécheresse et l'humidité , la dureté et
la liquidité , la couleur et l'invisibilité , le
mouvement même et le repos , et bien
d'autres qualitez de la matiere ne lui sont
qu'accidentelles. De sorte que la question
se réduit communément parmi les Philosophes
à prendre son parti entre ces
trois ou quatre propriétez , et à décider
laquelle est la principale et comme la racine
ou la base des autres.
Le sentiment Cartésien a comme prévalu
, et l'étendue passe pour constituer
l'essence de la matiere. Il y a eu bien des
disputes à ce sujet parmi les Métaphysiciens
qui n'ont été que Métaphysiciens ;
comme l'étenduë est toute du ressort de
la Géométrie , qui n'a proprement point
d'autre objet , j'ai crû pouvoir l'employer
pour
1940 MERCURE DE FRANCE
pour décider la question ; ceux à qui je la
propose, jugeront si j'y ai réüssi : J'entre
en matiere :
Il est possible que le même corps , supposons
celui d'un homme ; il est possible
que cet homme se trouve la même année
à Paris et à Constantinople. Il est trespossible
même qu'il s'y trouve dans l'espace
de six mois , et même de trois et
peut-être de deux.
Le mouvement de sa nature est susceptible
de plus et ,de moins à l'infini .
La nature est pleine de mouvemens tresrapides
; témoin un Boulet de Canon ,
les Planétes , le son , la lumiere. Cette lumiere
en particulier peut parcourir des
milliers de lieuës en une minute , en une
seconde; et à cette égard Dieu peut transporter
le corps d'un homme en un clin
d'oeil , d'un bout du monde à l'autre ; le
plus ou le moins de mouvement n'a rien
qui passe sa toute - puissance , et la matiere
n'a rien qui s'y refuse.
Reprenons donc , et en supposant un
mouvement toujours croissant par le
pouvoir de Dieu; il est vrai de dire qu'on
peut voir le même homme à Constantinople
et à Paris ; non - seulement dans la
même année, et dans le même mois , mais
dans la même semaine , dans le même
jour,
SEPTEMBRE. 1733. 1941
jour , dans la même heure , dans la même
minute , dans la même seconde , tierce
quarte , sixte , dixième , centiéme ,
milliéme , millioniéme , billioniéme, trillioniéme
, &c. cela va loin , et rien ne
l'arrête,
Or un Charbon enflammé qu'on remue
tres- vîte , paroît occuper tout un
grand espace ; la plupart des choses même
dont nous jouissons , que nous voyons,
que nous sentons , que nous touchons ,
nous n'en jouissons que par un mouvement
semé de mille interruptions , pareilles
à celle que nous concevons dans
l'étenduë qu'occupe sensiblement ou que
paroît occuper ce Charbon .
La vûe des corps en particulier se fait
par un mouvement intercalaire de vibration
, qui nous dérobe et nous rend
alternativement les objets.Comme les rerours
des
rayons sont tres- promts et que
les impressions durent toujours un peu ,
nous croyons voir ces objets d'une vûë
continue , sans aucune interruption.
Suivant cela , et supposant que Dieu
transporte sans cesse notre homme de
Paris à Constantinople , et de Constanti
nople à Paris ; quelqu'un qui seroit à
Constantinople , pourroit écrire à quelqu'un
qui seroit à Paris ; j'ai vû un tel , je
le
1942 MERCURE DE FRANCE
·
le vois tous les jours , il séjourne icy , il
loge avec moi , je mange avec lui, &c . et
celui de Paris pourroit en même temps
écrire dans les mêmes termes à celui de
Constantinople. On peut imaginer le jo
li Roman qui naîtroit de- là : Tout ce que
j'en remarque pour mon sujet présent ,
c'est que la chose est possible à Dieu ; ce
qui dit quelque chose à quiconque entend
bien ; mais la Géométrie va plus
loin dans la recherche de la vérité.
·
Plus ce mouvement de transport augmentera
par la toute puissante volonté
de Dieu , plus il sera exactement vrai .
de dire que l'homme en question est à
Constantinople et à Paris dans un mêmetems
, indivisible et continu . Or selon
les Elemens de la Géométrie de l'infini ,
de l'ingénieux M. de Fontenelle ( page
36. sect. 2. ) les Propriétez qui vont toujours
croissant dans le fini doivent dans
l'infini recevoir tout l'accroissement dont
elles sont capables ; donc le mouvement
en question croissant à l'infini , l'homme
susdit se trouvera exactement au même
instant indivisible à Constantinople ,
à Paris, dans tout l'entre deux , et en mille
autres Villes et Lieux de l'Univers ,
dans l'Univers même , tout entier si on
veut ce qu'il falloit démontrer.
Maïs
SEPTEMBRE. 1733. 1943
Mais , quoique le mouvement puisse
augmenter à l'infini , on va me nier, malgré
la certitude incontestable de ma conclusion
, qu'on puisse jamais supposer ce
mouvement infini. Les Géometres infinitaires
ne le nieront point. Et j'ai encore
pour garant la même section du même
ingénieux ouvrage , page 29. où il est dit
que toute la grandeur capable d'augmentation
à l'infini peut - être supposée au-
_gmentée à l'infini .
Ce principe est fort , j'en conviens ,
mais il est vrai , et même vrai- semblable,
c'est à dire , tout- à- fait plausible par un
autre principe du P. Castel , qui fait voir
dans sa Mathématique Universelle , que
l'infini Géométrique n'a rien que de naturel
et de facile , étant infini dans un
point de vûë , et tres-fini dans un autre
point de vûë ; que la ligne infinie n'est
qu'une surface finie , que la surface infinie
, n'est qu'un corps fini, qu'un nombre
infini n'est qu'une étendue finie , et qu'en
un mot , le du fini à l'infini ne
passage
se fait pas , comme l'insinue M. de Fontenelle
, et comme le prétend tour ouvertement
M. Cheyne , Anglois , par une
addition d'unitez , mais par une espece
d'exaltation d'une nature inférieure à
une nature superieure , comme de la ligne
à la surface , &c. De
1944 MERCURE DE FRANCE
De sorte que le mouvement infini n'est
plus un mouvement , mais la perfection
du mouvement ; et comme la racine , le
principe , la puissance du mouvement , le
mouvement en puissance , et l'étenduë
même ou l'espace avec un repos parfait de
parties. En effet ME : T. et plus T,
diminuë plus M. augmente , sans que E ,
varie. De sorte que T , étant o , alors
M∞ , et E = MOR , confor
mément aux principes de la Mathématique
universelle citée.
Le passage en question du fini à l'infini
n'a icy rien de plus extraordinaire que
ce raisonnement , où il est incontestable.
Je prends un écu , puis un demi écu , puis
un quart , un demi quart , un demi de
mi quart , & c. cela fait un mouvement
croissant , et qui peut toujours croître à
l'infini , ou bien par un mouvement instantanée
et infini , je prends d'un seul
deux écus ; cela va au même ; et que
sçait on même si ce n'est pas plutôt le
premier, que le second de ces mouvemens
qui est infini, au moins le premier ne finit
pas , et le second finit aussi -tôt.
coup
Que Dieu porte notre homme de Paris
à Constantinople , et de Constantinople
à Paris par un mouvement qui croisse
toujours ; c'est celui-là qui ne finit pas :
que
SEPTEMBRE. 1733. 1945
que ce mouvement porté tout d'un coup
à sa perfection, place cet homme dans les
deux Villes au même instant , il n'y a là
qu'un mouvement fini.
Quoiqu'il en soit , il est donc faux que
l'étenduë de la matiere soit déterminée
et qu'elle en soit l'essence immuable ; or
ce raisonnement Géométrique va à tout,
et en particulier à prouver qu'un même
corps peut être en deux, et en mille lieux
différens , sans être dans l'entre - deux ,
qu'il peut passer d'une extrêmité à l'au-
Tre sans passer par le milieu , qu'il peut
être dans un état de pénétrabilité , dans
un état d'indivisibilité , et qu'ainsi son
essence n'est pas non plus d'avoir des
parties ; qu'il peut être tout dans le tout,
et tout dans chaque partie. Encore une
fois , cela va loin , er tres- loin.
Mais si je dépouille ainsi la matiere de
ses propriétez les plus inhérentes , quelle
sera donc son essence ? Ce n'est pas moi
qui le dirai ; j'avoue bonnement que je
n'en sçais rien ; et c'est- là le Problême
que je propose aux Métaphysiciens Géomêtres.
En attendant cependant leur réponse ;
je ne laisse pas au milieu de tout ce dépouillement
de propriétez , de m'attacher
à une , à laquelle on n'a pas fait assez
1948 MERCURE DE FRANCE
sez d'attention dans la question présente;
c'est que la matiere est une substance passive
et tout-à- fait inactive ; ce qui la distingue
tout d'un coup de l'esprit, qui est
une substance active et libre. J'applique
ici un distinction insinuée dans l'Ouvrage
cité du P. Castel , et je dis que la matiere
est une possibilité , et l'esprit une puissance
; puissance participée dans les créatures
, absoluë , indépendante , infinie
incréée dans le Créateur.
PRIERE AU SOMMEIL:
Ien , paisible sommeil , vien fermer mes
V
paupieres ,
Par la vertu de tes Pavots ;
Fais moi jouir enfin d'un tranquille repos
Tu sçais par de douces chimeres ,
44 Par mille songes amusants ,
Divertir l'esprit et les sens ;
Prête-moi cette nuit ton secours favorable ;
Pour moi forme un songe agréable ,
Qui puisse me soustraire à des ennuis cuisans.
Mon bonheur , il est vrai , ne sera qu'imposture
,
Et qu'illusion toute pure ;
Mais de tant de Mortels , qui nous semblent
heureux ,
Τους
SEPTEMBRE . 1733. 1949
Tout le bonheur est-il autre chose qu'un songe ,
Ou qu'un officieux mensonge ,
Que la fortune fait pour eux ?
LETTRE à l'Auteur du Projet d'une
nouvelle Edition des Essais de Montaigne
, imprimé dans le second volume
du Mercure de Juin 1733. Par Mlle de
Malcrais de la Vigne , du Croissie en
Bretagne.
I
Lipas
Es Essais de Montaigne ne m'eurent
si-tôt passé
passé par
les mains , Monsieur
, que je me vis au nombre de ses
Partisans. J'admirai ses pensées , et je
n'aimai pas moins les graces et la naïveté
de son stile. Après ce début je puis vous
déclarer à la franquette ce que je pense.
de l'entreprise que vous formez d'ha
biller Montaigne à la moderne , changeant
sa fraise en tour de cou son pourpoint
éguilletté , en habit à paniers ; son
grand chapeau élevé en pain de sucre ,
en petit fin castor de la hauteur de quacre
doigts , &c.
Traduire en Langue Françoise un Auteur
Original , qui vivoit encore au com-
C men
1950 MERCURE DE FRANCE
que
mencement de 1592. et dont l'Ouvrage
est écrit dans la même Langue , me paroît
un projet d'une espece singuliere ,
et vous en convenez vous- même. Ce
n'est ppaass qquuee je nie l'échantillon
que
vous produisez de votre stile , n'ait du
mérite et qu'il ne vous fasse honneur ; il
est pur, élegant, harmonieux ; ses liaisons
peut-être un peu trop étudiées en font
un contraste avec celui de Seneque ,
qu'un Empereur Romain comparoit à
du sable sans chaux. Si la France n'eût
point vû naître un Montaigne avant
vous , vous pourriez , en continuant sur
le même ton , prétendre au même rang ;
mais souffrez que je vous dise que les
charmes de votre stile ne font que blanchir
, en voulant joûter contre ceux du
vieux et vrai Montaigne.
Il n'en est pas de la Traduction que
vous entreprenez , comme de rendre en
François un Auteur qui a travaillé avec
succès dans une Langue morte. Peu de
personnes sont en état de comparer le
Grec de l'Iliade avec la Traduction Françoise
de Me Dacier. Si ceux qui possedent
le mieux cette Langue , sont assez
habiles pour juger des pensées , ils ne
le sont point pour prononcer sûrement
sur l'expression , de- là vient que Me Dacier
་
SEPTEMBRE .
1733.
1951
cier
trouvera
toujours des
Avocats pour
et contre . L'un
soutiendra que tel endroit
est rendu à
merveille , un autre
prétendra
que non ; ou plutôt sans rien affirmer
, l'un dira credo di si et l'autre credo
di nà. Pour moi je
m'imagine que nous
marchons à tâtons dans le goût de l'Ansiquité
, et que la
prévention nous porte
souvent à regarder
comme
beautez dans
les
Anciens , ce qui n'est
souvent que
méprise ou
négligence. J'en ai vû , qui
ne
s'estimoient
chiens au petit collier
dans la
République des
Lettres , je les
ai vû , dis je , se
passionner
d'admiration
pour ce Vers de Virgile.
Cornua
velatarum
obvertimus
antennarum .
Admirez , me disoient- ils , la chute
grave de ces grands mots.Ils ne sont point
là sans dessein. Ne sentez vous pas dans
ce Vers
spondaïque le dur travail des
Matelots , qui se fatiguent à tourner les
Vergues d'un
Vaisseau , pesantes et chargées
de voilure ? Il me semble , répons
dois-je , que je sens quelque chose ; mais
n'y auroit- il point à craindre que vous
et moi nous ne fussions la duppe du préjugé
? L'idée
avantageuse et pleine de
respect que vos Maîtres vous inspirent
dès votre bas âge , pour tout ce qui nous
Cij reste
1952 MERCURE DE FRANCE
reste de ces celebres Auteurs , demeure ,
pour ainsi dire , cloüée dans vos têtes .
Mucho se conserva lo que en la mocedad
se deprende.
Si Virgile revenoit au monde , il nous
montreroit que nous louons dans ses Ouvrages
beaucoup de choses qu'il eût réformées
, s'il en cût eu le temps ou de
moins s'il l'eût pû faire ; et qu'au contraire
nous passons legerement sur plu
sieurs endroits dont il faisoit grande estime.
Cette Epithete , nous diroit- il , ce
monosillabe gracieux , à quoi vous ne
faites point attention , fut cause que je
veillai plus d'une nuit , et je vous jure
qu'il me fallut fouiller dans tous les
coins de mon cerveau avant que de parvenir
à le dénicher..
On raconte que notre Santeüil füt
travaillé d'une longue insomnie pour
trouver une Epithete qui pût exprimer
le son du marteau qui bat sur l'enclume.
Après bien des nuits passées commes
les Lievres , l'Epithete tant souha
tée se présenta , c'étoit refugus. Cette
rencontre fut pour lui un Montje
il se leve aussi - tôt , fait grand bruit
court par les Dortoirs , sans penser qu'il
étoit nud en chemise , frappe à toutes le
portes , les Chanoines se réveillent , l'a
larr
.
SEPTEMBRE . 1733. 1953
*
larme les saisit ; tous se figurent qu'un
subit incendie dans la maison est la
cause d'un pareil'vacarme. Enfin , quand
il fut question d'en sçavoir le sujet , Santeüil
leur apprit d'un ton fier , qu'il
avoit interrompu leur sommeil leur
pour
faire part d'une rare Epithete qu'il venoit
de trouver , ayant couru vainement
après elle pendant toute une Semaine..
Je vous laisse à penser si les Chanoines
se plurent beaucoup à cette farce ; ils
donnerent au D ..... l'Epithete et le
Poëte. N'importe , il les obligea de l'entendre
, sans quoi , point de patience . Les
Chanoines l'écouterent en se frottant les
yeux , et se hâterent d'applaudir , afin
de se défaire plus vîte d'un importun..
Santeuil retourna se coucher en faisant
des gambades , non moins content du
tour qu'il venoit de jouer , que d'avoir
trouvé l'Epithete qu'il cherchoit. Là finit
cette plaisante Scene que je ne donne
point pour article de foi.
C'est la gloire de passer pour avoir.
plus d'intelligence qu'un autre , qui engage
un Commentateur à se creuser le
erveau pour chercher dans cette Strophe
, dans cette expression d'Horace ,
un sens alambiqué dont personne n'ait
fait la découverte avant lui , quoique
Ciij nous
1954 MERCURE DE FRANCE
nous ne soyons pas plus au fait de la
propre signification des mots Grecs et
Latins , que de leur prononciation ; un
tel homme se croit un Christophle Colomb
dans le Pays des Belles- Lettres . Cependant
nous nous dépouillons nousmêmes
pour revétir les Anciens , et nous
donnons au Commentaire un temps qui
seroit plus utilement employé à l'invention
. C'est dans ce sens que je veux entendre
ici ce Passage de Quintilien : Supervacuus
foret in studiis longior labor , si nihil
liceret meliùs invenire præteritis. Il y en
a qui se sont figuré que Virgile dans
son Eglogue à Pollion , avoit prédit la
Naissance de Jesus- Christ . Les Romains
curieux d'apprendre ce qui leur devoit arriver
, avoient la superstition de le chercher
dans les Livres de ce Poëte , après
avoir choisi dans leur idée le premier ,
le second , ou tout autre Vers de la page
que le sort leur offroit , pour être l'interprete
du Destin . C'étoit- là ce qu'ils
appelloient Sortes Virgiliana . Nos premiers
François en croyoient autant des
Livres de la Sainte Ecriture . D'autres
non moins extravagans , se sont per
suadé que les principes de toutes les
Sciences et de la Magie même , étoient
renfermez dans les Poëmes d'Homere , et
LuSEPTEMBRE
. 1733. 1955
Lucien fait mention d'un faux Prophete
nommé Alexandre qui prétendoit qu'un
certain Vers d'Homere , écrit sur les portes
des Maisons , avoit la vertu de préserver
de la peste. Les hommes sont idolâtres
, non- seulement des Ouvrages d'esprit
des Anciens , mais même de tout ce
qui respire le moindre air d'Antiquité ,
et tel Curieux qui croiroit avoir parmi
ses possessions la Pantoufle de fer qui
sauta du pied d'Empedocle , quand il se
lança dans les flammes du Mont Etna, ne
voudroit peut-être pas faire échange de
cette Relique avec tous les Diamans du
Royaume de Golconde.
il`se
Tout beau , Mademoiselle , s'écriera
quelque Censeur aux sourcis herissez ,
compassant et nivelant toutes mes phra
ses , vous nous agencez ici de singulieres
digressions , et prenez un air scientifique
qui vous sied assez mal. Sçavez
vous qu'en vous écartant de votre sujet
vous péchez contre le précepte d'Horace.
Servetur ad imum;
Qualis ab incepto processerit , et sibi constet.
Et que vous donnez dans un si grand
ridicule , que l'Abbé Ménage , qui après
avoir parcouru dans sa cervelle , le La.
C iiij tium
1956 MERCURE DE FRANCE
tium , la Grece , l'Allemagne , l'Espagne ,
et peut- être la Chine et la Turquie
pour trouver l'origine du mot Equus
crut enfin l'avoir rencontré en Italie
et fit descendre en ligne directe ou collaterale
, Equus , du mot Italien Alfana
étimologie misérablement écorchée que
le Chevalier de Cailli ou d'Aceilli ;
fronda dans une jolie
Epigrammesétimologie
qui présente à mes yeux l'Arbre
Généalogique de plusieurs Maisons nouvellement
nobles , qui vont mandier à
prix d'argent en Irlande et en Italie , de
belles branches qu'elles entent ensuite
sur le tronc le plus. vil , de sorte qu'à
l'examiner de près , vous verriez du Laurier
, de l'Oranger , de l'Olivier et du,
Grenadier , entez sur un mauvais trou
de chou.
Si je fais des digressions dans la Lettre
que je vous adresse , Monsieur , ce
n'est point par affectation , mais par coûtume.
De plus comme il s'agit ici principalement
de Montaigne, je tache d'imiter
un peu son stile . Ses transitions sont fréquentes
, mais elles ont de la grace , et
comme elles se viennent placer pour l'or-,
dinaire très naturellement , l'Auteur fait
voir qu'il sçait écrire d'une maniere vive ,
aisée et indépendante. Cependant vous.
eussiez
SEPTEMBRE. 1733. 1957
eussiez pû l'attaquer en ce qu'il abandonne
quelquefois tellement son Sujet ,
que si l'on revient à voir comment il
a intitulé tel Chapitre , on s'imaginera
que l'Imprimeur s'est trompé et qu'il
a mis un titre au lieu d'un autre .
Vous aurez encore une nouvelle matiere
à me faire un procès , sur ce qu'en me :
déclarant contre ceux qui encensent à
l'aveugle les Anciens , et préconisent jusqu'à
leurs défauts , je me révolte contre
le desssein que vous avez de tourner
le Gaulois de Montaigne à la Françoise ,.
et que je semble braver le Précepte de
Macrobe , dans ses Saturnales , Vivamus:
moribus præteritis , præsentibus verbis loquamur.
Dans ce que j'ai avancé je n'ai
prétendu parler que des Langues mor--
tes. J'ai frondé les Commentaires prolixes
et superflus , sans condamner ab
solument les Traductions . J'ai blâmé :
Pidolâtrie sans desaprouver les sentimens
d'estime qu'on doit à tant de beautez
originales qui brillent dans les Livres des
Anciens .
Quant à Montaigne , je ne convien--
drai pas qu'il soit aussi Gaulois que vous
voudriez le faire croire. Si vous parliez
de traduire en François les Poësies Gau
loises de Bérenger , Comte de Provence,
GNI Ou
3
1958 MERCURE DE FRANCE
ou celle de Thibaut , Comte de Champagne
, qui rima d'amoureuses Chansons.
en l'honneur de la Reine Blanche , Mere
de S. Loiis ; à la bonne heure. Le stilede
ce temps- là est si different du nôtre,
qu'il semble que ce ne soit plus la même
Langue. Mais Montaigne , on l'entend ,
il n'est personne que son stile vif et varié
n'enchante , et je puis sans flaterie ,
ajuster à son sujet ces paroles d'un de
nos vieux Auteurs. C'est un bel esprit
doué de toutes les graces , gentillesses , cour
toisies et rondeurs que l'on peut souhaiter.
En effet il faut être perclus d'esprit , sh
l'on ne comprend point ses phrases les.
plus difficiles , pour peu qu'on s'y arrête.
L'utilité que produira votre Traduction
prétendue , ce sera de faire lire Montaigne
à quelques personnes curieuses de
voir la difference de son stile au vôtre..
Pour peu qu'en quelques endroits le vô
tre demeure au -dessous du sien , ses beautez
en recevront un nouvel éclat , et on
s'obstinera à lui trouver par tout le méme
mérite , afin de rabaisser celui de votre
Traduction . Il n'en est pas de Montaigne
comme de Nicole et de la Bruye ,
re. Quoique ceux- cy possedent bien leur
langue , neanmoins la plus grande partie
de leur valeur est dans les pensées ,
au
SEPTEMBRE . 1733. 1959.
au lieu que
les graces
de
l'autre sont
également
partagées
entre le sentiment
et la diction , toute vieille qu'elle est.
Quand il invente des termes , ils sont
expressifs et ne sçauroient se suppléer
avec le même
agrément et la même force.
Ses tours gascons qui dérident sa morale
, servent par tout à égayer le Lecteur.
Ses
négligences
mêmes ne sont
point
désagréables , ce sont des Ombres
au Tableau. Etienne
Pasquier , dans le
premier Livre de ses Lettres , blâme la
hardiesse de Clément Marot , qui s'avisa
mal-à- propos de ressacer le stile du Roman
de la Rose , commencé
par Guillaume
de Loris et continué par Clopinel.
Il n'y a , dit- il , homme docte entre
nous , qui ne lise les doctes Ecrits de Maître
Alain Chartier, et qui n'embrasse le Roman
de la Rose , lequel à la mienne volonté
, que par une bigarure de langage vieux
et nouveau , Clément Marot n'eût pas vou
In habiller à sa mode.
Mais examinons ce que signifie le terme
de Traduction , conformément au
sens qu'on lui a donné chez toutes les
Nations. Traduire , c'est , si je ne me ·
trompe , rendre en une autre Langue les
pensées , le stile et tout l'esprit d'un Au
seur. Votre Traduction peut- elle avoir
C vj
les
1960 MERCURE DE FRANCE
les qualitez prescrites ? Je ne sçaurois me
le persuader. Elle est faite en même
Langue , et par conséquent ne doit point
être appellée Traduction , et votre stile.
n'ayant nul rapport à celui de Montaigne
, ses pensées déguisées ne seront
aucunement semblables à elles - mêmes..
C'est pourquoi Scarron n'a point traduit.
l'Eneïde , mais il l'a parodié. Le stile de
Montaigne est un mêlange d'enjoüé et
de sérieux , assaisonné réciproquement
P'un par l'autre. Il ne paroît point qu'il
marche , mais qu'il voltige ; au lieu que
le vôtre cheminant d'un pas grave et
composé , représente un Magistrat qui
marche en Procession , et dont la pluye ,
la grêle et la foudre ne dérangeroient
pas la fiere contenance. ;
Sifractus illabatur Orbis , T
Impavidum ferient ruinas
Virgile se donna- t'il les airs de rajeu- ,
nir le bon homme Ennius ! et notre Ab
bé D. F *** Maître passé en fine plaisanterie
, oseroit- il couper la barbe à
Rabelais et le mutiler ? Ces soins scru
puleux convenoient seulement au P.
J*********qu'Apollon a établi son Chirur
gien Major sur le Parnasse , depuis lequel
temps un Poëte ne se hazarde
P
pas
même
SEPTEMBRE . 1733. 1964
même d'y prononcer le terme de fistula,.
de crainte que l'équivoque de quelque
maladie ne le fasse livrer entre ses mains
Au sur- plus la République des Lettres
n'y perdra rien , si Montaigne n'est point
lû de ceux qui sont rebutez de refléchiz
un moment sur quelques - unes de ses
phrases. Ce sont , sans doute , des génies
superficiels , incapables d'attention et
prêts peut- être à se dédire quand vous .
les aurez mis à même en couvrant le
vieux Montaigne d'une Rédingotre à la
mode. Le Bembo , dans ses Observations
sur la Langue Italienne , dit qu'il n'appartient
: pas à là Multitude de décider ·
des Ouvrages des Sçavans . Non è la Mul
titudine quella , che alle compositioni d'al
cun secolo dona grido , mà sono pochissimi
huomini di ciascun secolo , al giudicio de
quali , percioche sono essi più dotti degli
altri riputati , danno poi le Genti e la Multitudine
fede , che per se sola giudicare non
sa drittamente , è quella parte si piega colle :
sue voci , à che ella pochi huomini che io
dico sente piegare.
Les sçavans Jurisconsultes balancerent :
long- temps à traduire en notre Langue
les Instituts de Justinien , ne voulant
pas que ce précieux Abregé des Loix Romaines
, réservé pour les Juges et less
Avocats,
1962 MERCURE DE FRANCE
Avocats , s'avilit en passant par la Boutique
triviale des Procureurs , ausquels
il convient de travailler de la main de
toute façon , plutôt que de la tête . Ayols
les mêmes égards pour Montaigne , qui
n'en vaudra pas moins tout son prix ,
pour n'être point lû des Précieuses et
des petits Maîtres , Nation ignorante à
la fois et décisive , qui préfere le Roman
le plus plat aux Productions les plus solides.
Ah! Monsieur , que vous feriez une
oeuvre méritoire , et que vous rendriez
un grand service à la Province de Bretagne
, si vous vouliez , vous qui vous
montrez si charitable pour le Public
prendre la peine de traduire en François
intelligible notre Coûtume , dont les
Gauloises équivoques sont des pépinieres
de procès ! Mais ne vous fais - je point le
vôtre mal à propos , Monsieur ?voyons
et comparons quelques phrases de votre
Traduction avec l'Original .
Dans le premier Chapitre l'Auteur loüe
la constance du Capitaine Phiton , qui
témoignoit une insigne grandeur d'ame ,
au milieu des tourmens qu'on lui faisoit
souffrir , par les ordres de Denis le Tiran.
Il eut , dit Montaigne , le courage
toujours constant sans se perdre, et d'un visage
SEPTEMBRE . 1733. 1963
ge toujours ferme , alloit au contraire , ramentevant
à haute voix l'honorable et glorieuse
cause de sa mort , pour n'avoir voulu
rendre son Pays entre les mains d'un Tiran
, le menaçant d'une prochaine punition
des Dieux. Ce stile n'est- il pas nerveux ,
vif , soutenu , et comparable à celui dece
Rondeau dont la Bruyere fait si
grande estime.
Bien à propos s'en vint Ogier en France
Pour le Pays des Mécréans monder , &c.
Comparons maintenant au Gaulois de
Montaigne votre Traduction , mais Phiton
parut toujours ferme et constant , pu- ри
bliant à haute voix l'honorable et glorieuse
cause du tourment indigne qu'on lui faisoit
souffrir. Convenez que l'Original n'a pas
moins de force et de noblesse que la
Traduction ; qu'alloit est plus propre que
parut , d'autant que Phiton étoit foüetté
par les rues , et que publiant n'est pas.
si expressif que ramentevant , qui signifie
qu'il mettoit sous les yeux du Peuple
la peinture de ses genereux exploits ..
A la verité ramentevoir est un terme suranné
aujourd'hui , cependant il est noble
, et Malherbe l'a employé dans une
de ses plus belles Odes ..
La
1964 MERCURE DE FRANCE
La terreur des choses passées ,
A leurs yeux se ramentevant.
Et Racan , le plus illustre des Eleves:
de ce fameux Maître , en a fait usage.
en plus d'un endroit de ses aimables Poë
sies , comme dans une. Eglogue.
Cela ne sert de rien qu'à me ramentevoir .
Que je n'y verrai plus , & c. .
Je trouve tant d'énergie dans cette expression
, que je n'ai pas moins de regret
de sa perte que Pasquier en eut de.
celle de Chevalerie , Piétons , Enseigne
Coronale , en la pláce dèsquels on substitua
Cavalerie , Infanterie , Enseigne
Colonelle , quoique moins conformes à
l'étimologies que la Bruyere en eut dela
perte de maint et de moult , et que Voiture
en témoigna de la mauvaise chicanequ'on
intenta à Car , qui se vit à deux :
doigts de sa ruine. Le stile de Montai
gne est coupé , hardi , sententieux , et
ses libertez ne trouveront des Censeurs
que parmi les Pédans.
Cet Auteur après le morceau d'His--
toire que j'ai cité , fait tout à coup cette
refléxion qui s'échappe comme un trait ,.
et.qui a rapport à ce qu'il traite dans le
Cha-
.
SEPTEMBRE. 1733. 1961
Chapitre: Certes c'est un sujet merveilleusement
vain , divers et ondoyant que l'homme ; il
estenal aisé d'y fonder jugement constant et
uniforme. Ce qui est ainsi paraphrasé dans
votre Traduction . Au reste il ne manque
pas d'exemples contraires à ceux - cy , ce qui
fait voir l'inconstance , et si cela se peut dire
, la variation de l'homme dans les mêmes
circonstances , il agit differemment et
reçoit des mêmes objets des impressions tout
opposées , d'où il s'ensuit qu'il n'est pas sûr
d'en juger d'une maniere constante et uniforme.
La Traduction est plus polie et
plus déployés , mais l'Original est plus vif
et plus dégagé ; et de cet ondoyant , qu'en
avez-vous fait ? De cet ondoyant qui tout
seul vaut un discours entier C'est là que
se découvre le grand Art de la précision ,
et c'est dans ce goût délicat et serré que
l'admirable la Fontaine commence un
de ses Contes.
O combien l'homme est inconstant , divers ,
Foible , leger , tenant mal sa parole.
1
Quoique deux phrases ne soient pas
suffisantes pour faire le parallele de l'Original
, cependant je m'en tiendrai là.
Je les ai prises au hazard , et pour s'en
convaincre on n'a qu'à comparer la premiere
1966 MERCURE DE FRANCE
miere phrase de chaque Chapitre de l'Original
, avec la premiere de chaque Chapitre
de la Traduction . Pour faire court ,
je trouve Montaigne excellent tel qu'il
est , non que je prétende absolument le
justifier de quelques vices que vous censurez
; mais en ce Monde il n'est rien
d'accompli , le Soleil a ses taches , et les
hommes au-dessus du commun ne sont
pas moins extraordinaires dans leurs défauts
, que dans leurs vertus .
Hor superbite è via col viso altero ,
Figliuoli d'Eva , è non chinate'l volto ,
Si che veggiato il vostro mal sentero.
›
Dante , Purg. Canto 12.
Vigneul Marville , dans ses mélanges
d'Histoire et de Littérature , décide quel
quefois au hazard, du mérite des Auteurs.
Quand il rencontre juste, c'est pour l'ordinaire
un aveugle qui ne sçauroit marcher
sans bâton. Le jugement qu'il porte
des Essais de Montaigne dans son premier
volume , est copié d'après l'Auteur
de la Logique de Port- Royal , Pascal et
Malbranche ; qui devoient parler avec
plus de circonspection du Maître qui
leur apprit à penser ; quand ce n'eût été
que par reconnoissance.
Ce
SEPTEMBRE. 1733. 1967
Ce que le même Vigneul Marville soutient
dans son second volume , au sujet
de l'esprit de Montaigne , me paroît cependant
fort judicicux ; mais vous n'y
trouverez pas votre compte , vous qui
pensez à nous donner tout Montaigne à
votre guise. Tel que soit un Auteur , nous
dit il , il nefaut point le démembrer , on
aime mieux le voir tout entier avec ses deffauts
, que de le voir déchiré par piéces ; il
faut que
le corps et l'ame soient unis ensemble
; la séparation de quelque maniere qu'elle
se fasse ne sçauroit être avantageuse aw
tout et ne satisfera jamais le public.
Vigneul Marville , dans son troisième
volume , revient encore aux Essais de
Montaigne , preuve qu'il l'estimoit , car
d'un Auteur qu'on méprise , on ne s'en
embarasse pas tant ; mais il prend de travers
une partie du jugement qu'en a porté
Sorel , dans sa Bibliotheque Françoise.
Quelque favorable que lui soit Sorel , dit
Marville , il ne peut s'empêcher de dire que
ce n'est point une Lecture propre aux igno
rans , aux apprentifs et aux esprits foibles
qui ne pourroient suppléer au défaut de l'or
dre , ni profiter des pensées extraordinaires
et hardies de cet Ecrivain. Peut- on dire
après cela , que le jugement de Sorel soit
désavantageux à Montaigne , et qu'il ne
soit
1968 MERCURE DE FRANCE MERCU
soir plutôt en sa faveur que contre lui ?
Vigneul Marville étoit prévenu , enyvré
de Malbranche et de Pascal , il ne voyoit
pas que c'étoit la jalousie du métier qui
les forçoit à rabaisser Montaigne , et que
par conséquent ils ne devoient point être
témérairement crus sur leur parole, quoique
la Bruyere dût avoir les mêmes motifs
; néanmoins il en parle en juge intelligent
et désinterressé , et d'abord il
saute aux yeux , qu'il en veut à ces Critiques
chagrins , à ces Philosophes jaloux,
à ces Géometres pointilleux , qui ne sont
jamais contens que d'eux - mêmes. Voici :
les termes dont se sert la Bruyere : Deux
Ecrivains dans leurs Ouvrages ont blâme
Montaigne , queje ne crois pas , aussi - bien
qu'eux , exempt de toute sorte de blâme ; il
paroît que tous deux ne l'ont estimé en nulle:
maniere ; l'un ne pensoit pas assez pourgoû
ter un homme qui pense beaucoup , l'autre
pense trop subtilement , pour s'accommoder
des pensées qui sont naturelles ; Que cette :
critique est modeste ! que les Censeurs.
sont finement redressez , et que l'éloge
est délicat !
J'oubliois de vous demander , Monsieur
, pourquoi en traduisant Montaigne
, vous ne parlez pas de rendre en
Beaux Vers François les citations qu'il entrelasse
SEFTEMBRE . 1733. 1969
trelasse avec un art admirable , et qui ne
peuvent être supprimées qu'à son préjudice.
Questo , comme dit l'Italien , Guasterà
la coda alfagiana.
Au reste je rends justice à votre stile
dont les beautez , par rapport à ellesmêmes
sont tres bien entendues . Il n'y a
personne qui ne s'apperçoive en les lisant
, que vous n'en êtes point à votre
coup d'essai , ou que , si vous n'avez point
encore fait présent au public de quelque
Ouvrage , vous ne soyez en état de lui en
donner d'excellens , quand il vous plaira.
Je ne pense pas non plus que ma décision
doive servir de régle : je dis mon
sentiment , je puis me tromper , et
dans ces jours de dispute , il faudroit que
je fusse bien folle pour me proclamer infaillible.
Je ne doute pas même que votre
entreprise ne soit du goût d'une infinité
de personnes qui jugeront que je
rêve , et qui se diront l'une à l'autre :
An censes ullam anum tam deliram fuisse ?
Cependant cette Lettre ne sera point
sans quelque utilité , elle servira à prouver
en votre faveur que quelque bon que
puisse être un Ouvrage nouveau , il ne
parvient pas d'abord jusqu'à subir l'approbation
générale. Vous aurez votre
Four , vous critiquerez cette Lettre , le
1
stile
1970 MERCURE DE FRANCE
stile vous en paroîtra irrégul er ; lardé à
tort et à travers de citations estropiées ,
qui comme des pièces étrangeres , wit
nent mal - à - propos se placer dans l'échiquier.
Vous me donnerez le nom de
mauvais Singe de Mathanasius.
O la plaisante bigarure , direz- vous !
ôle rare et le nouveau parquet ! Ceci
n'est ni Voiture , ni Balzac , ni Bussi
ni Sévigné ; à quoi bon citer en Latin ,
en Italien , en Espagnol , ce qui peut
avoir la même grace en François ; ces reproches
, auxquels je me prépare , me
tappellent ce que j'ai lu dans les Lettres
d'Etienne Pasquier. Le passage est assez
divertissant , pour être rapporté tout au
long : Non seulement désire - je , dit cet
Auteur , que cette emploite se fasse ès Païs
qui sont contenus dans l'enceinte de notre
France ; mais aussi que nous passions tant
les Monts Pirénées que les Alpes , et désignions
avec les Langues qui ont quelque
communauté avec la nôtre , comme l'Espagnole
et l'Italienne , non pas pour ineptement
Italianiser, comme fent quelques Soldaıs , qui,
pourfaire paroître qu'ils ont été en Italie
couchent à chaque bout de champ quelques
mots Italiens. Il me souvient d'un Quidant
lequel demandant sa Berrette , pour son
Bonnet, et se courrouçant à son Valet qu'il ne
>
Lui
SEPTEMBRE. 1733. 1971
lui apportoit le Valet se sçut fort bien excuser
, lui disant qu'il estimoit qu'il commandoit
quelque chose à saservante Perrette.
La plaisanterie qui suit celle - ci dans la
même Lettre , est dans le même goût ,
mais elle est si gaillarde qu'il me suffira
d'y renvoyer le Lecteur ; quoiqu'après
un Prud'homme , tel que Pasquier , il
semble qu'il n'y ait point à risquer de
faire de faux pas dans le sentier de la
modestie.
Qu'il faut de travail pour se former
un stile , qui soit à la fois varié , léger ,
agréable et régulier ! l'un est diffus , enflé,
tonnant , le bon sens est noyé dans les
paroles ; l'autre est si pincé , si délicat
qu'il semble que ce soit une toile d'araignée
qui n'est bonne à rien , et dont les
filets sont si déliez qu'en souflant dessus ,
on jette au vent tout l'ouvrage. Cependant
tous les Auteurs se flattent d'écrire
naturellement, Je lus ces jours derniers
un Factum , cousu , brodé, rapetassé
recrépi de citations vagues et superflues
, et farci de plaisanteries fades et
amenées par force. Ce qui me fit rire ,
ce fut de voir citer les Eglogues de
Fontenelle dans un Ecrit où il ne s'agit
que de Dixmes ; mais j'entends , ou je
me trompe , tous nos Auteurs , Petits-
Mai1972
MERCURE DE FRANCE
Maîtres , qui se rassemblent en tumulte ,
et m'accusent devant Appollon, en criant
après moi , comme quand les Normands
appelloient de leurs débats à leur fince
Raoul , d'où nous est venu le terme de
Haro : Comment , me disent - ils , vous
osez nommer un Auteur aussi distingué
que l'est M. de Fontenelle , et le nommer
Fontenelle tout court , sans que son
nom soit précédé du terme cérémonieux
de Monsieur? Pardonnez moi , gens paîtris
de Musc et de Fard , et qui faites
gloire d'être tout confits en façons.
Je suis fiere et rustique , et j'ai l'ame grossiere.
Ne vous souvient il pas du trait d'un
Gascon , qui disoit nûment qu'il dînoit
chez Villars ; et sur ce que quelqu'un
l'argnoit , en lui représentant que le petit
mot de Monsieur ne lui eût point
écorché la bouche. Eh ! depuis quand , répondit-
il , dites vous Monsieur Pompée ,
Monsieur César , Monsieur Aléxandre ?
Je puis donc aussi riposter sur le même
ton : Depuis quand dites- vous Monsieur
Lucien , Monsieur Virgile Monsieur
Cicéron , Monsieur Pline ? Nos François
qui se portent un respect infini , ont appris
des Italiens , ce me semble , à se Mon→→
signoriser. Autrefois , et il n'y a pas long-
'
temps ,
SEPTEMBRE . 1733. 1973
temps , un Livre portoit le nom de son
Auteur , et même son nom de Baptême,
( ce qui paroîtroit aujourd'hui tenir du
campagnard ) ; cela , sans aller chercher
plus loin , et sans remonter jusqu'à Mə
rot , Saint Gélais , Malherbe, se peut voir
dans les premieres Editions de Corneille ,
de Boileau et de Racine, qui sont simplement
intitulées : Théatre de P. Corneille ,
Oeuvres de Nicolas Despreaux - Boileau ,
Oeuvres deRacine ; mais depuis que la plûpart
des Comédies ne sont que des tissus de
complimens , et lesTragédies de petits Ro-`
mans en rime ; tout sent parmi nous l'afféterie
et l'affectation ; et le superflu ne se
trouve pas moins dans le titre que dans le
corps de l'Ouvrage. A propos , de superflu
, je ne pense pas que je vous donne
beau jeu , et que vous me répondiez que
si le superflu domine jamais que que part,
c'est sur tout dans cette Lettre , où j'entasse
Discours sur Discours , qui ne tienment
presque point au sujet ; j'avouerai
qu'en commençant cette Lettre , mon
dessein n'étoit que de vous dire simplement
dans une demi page , ce que je
pense de votre projet de traduction ; mais
les phrases se sont insensiblement enfilées
comme des Patenottes , grosses ,
petites , et de toutes couleurs ; telle est
D ma
1974 MERCURE DE FRANCE
ma maniere d'écrire une Lettre promptes.
ment , sans apprêt , jettant sur le papier
tout ce qui se présente , pouvû qu'il ne
soit point absolument déraisonnable . Je
suis , Monsieur , & c.
Au Croisic en Bretagne , ce 7. Aoust.
** :** X * XXX:XXXXXX
RE'PONSE de Mlle de Malerais de
la Vigne, à M. D ... sur ce qu'il a donné
son Portrait en Vers , dans le Mercure
de May , page 875.
C
Eux qui me connoîtront , et verront là
peinture ,
Où tu sçais poliment embellir tous mes traits ,
Diront que l'Amitié , réformant la Nature ,
Avec un Microscope aperçoit les objets.
M
Tu veux dans tes beaux Vers que le Lecter
conçoive ,
Que mon ame regarde avec tranquillité ,
Des Eloges fateurs , le breuvage apprêté ;
Composé de ta main , crois- tu que je le boive }
Sans une douce avidité ?
Mot
SEPTEMBRE. 1733. 1975
Mon coeur fut chatoüillé , c'est lui qui te l'avouc
pect des talens , dont le tien l'a doüé ,
Que l'Eloge est touchant ! quand celui qui nous
loüe ,
Est lui-même en tous lieux loüé.
LETTRE écrite aux Auteurs du Mercure,
touchant un ancien Vocabulaire des Villes
de France.
E que j'ai lu,Messieurs,dans le Mer-
CEcure de Mars dernier , touchant les
différens noms des Académies d'Italie , et
ce qu'on y ajoute , tiré d'un Jurisconsulte
, touchant certains noms populaires et
triviaux , attribuez à quelques Villes de
France , m'a engagé de consulter mes
Recueils , et de vous proposer une Liste
de Proverbes qui m'a paru beaucoup
plus curieuse , et par le nom des Villes
qui y sont distinguées , et par son antiquité.
Elle a été tirée d'un Manuscrit de la
Bibliotheque de M. Seguier ou de Coaslin
, cotté lors . Il en contient trente - six ,
mais pour cette fois - ci je me propose de
ne vous en envoyer que la moitié , et je
Dij vous
1976 MERCURE DE FRANCE
vous prie de les faire imprimer en colonne
, tels que je les représente icy , afin
que le Lecteur soit moins fatigué les
lire. Le langage vulgaire de cette Liste
me paroît de 4 à 500 ans ; si j'avois vû
l'original , j'en jugerois plus affirmativement
par le caractere de l'Ecriture ; au
cas que la Coppie dont je me suis servi
soit fautive , vous êtes plus à portée que
moi de la rectifier , en consultant l'ori
ginal : En voici les termes ;
Personnes de Rains.
Seignor de Laon.
Cervoice de Cambrai.
Buriers de Tornai.
Li prive de S. Denise.
Li esgare de Teroane .
Li garsilleor de Roan .'
Li Doneor de Lisisies.
Lijureor de Baiex.
Li Sorcuidie de Coutances.
Li Cloistrier de Canz.
Li poure orgueillox de Tors;
Li enfrun de Tol.
Li Damoisel d'Amiens.
La Bachelerie de Beauvèz.
Li Bordeor d'Arraz.
La Nience de Chaalons.
Li Chanteor de Sens,
Voil
SEPTEMBRE. 1733 1977
Voilà dequoi exercer l'esprit de ceux
qui connoissent les anciennes Coutumes
et les génies des peuples. J'entrevois que
quelquefois il peut y avoir de la badinerie
dans le nom adjectif ou substantif
qui
qui est joint a celui de ces Villes ; mais
sera toujours bon d'en avoir le dénouement.
Je ne croi pas qu'on puisse se fâcher
de cette recherche , puisque les
moeurs sont bien changées depuis ce
temps-là , et que souvent ce qui fait désigner
telle Ville , par telle ou telle dénomination
, peut ne venir que d'un petit
nombré de ses habitans , et d'une société
particuliere qui s'y distinguoit , ou
de quelque histoire qui sera arrivée une
fois. Dailleurs un particulier auroit grand
tort de prendre pour lui ce qui ne se die
qu'en général. Voit-on les Normands se
fâcher de l'Epithete qu'on attribue communément
à leur Nation ? Et les Picards
se mettre en colere quand on leur dit
qu'ils ont la tête caude ? M. du Cange
qui étoit Picard , n'a pas même dédaigné
de fournir quelques preuves , que ce mot
de Picard n'a pas une origine des plus
honorables ; quoiqu'un peu plus bas il se
mocque de celle que M. de Valois lui attribue
dans sa Notice des Gaules . Un bon
Curé Champenois , du quatorziéme sié-
D, iij cle
1978 MERCURE DE FRANCE
cle , inséra autrefois dans son Livre d'Eglise
, ces deux Vers Léonins , sur les
Picards :
Isti Picardi non sunt ad pralia tardi :
Primò sunt hardi , sed sunt in fine åardi.
Ces deux Vers étoient apparemment
dans la bouche des Nouvellistes . Le dernier
mot y étant par abrégé , n'est pas
tout à - fait clair ; cependant il est sûr que
la quantité du Vers exige un terme de
trois syllabes ainsi il faut lire , Conardi
ou Conardi, et plus probablement Coйardi
, qui aura été dit par opposition à
Hardi , puisque Conar signifie , en vieux.
langage , Timide , Fuyard.
Au reste , Messieurs , faites en sorte , je
vous prie , que le distique de ce bon
Prêtre Champenois ne soit point cause
que la Nation Picarde intente à la Champenoise
un Procès pareil à celui que les
habitans de Dreux lui intenterent il y a
quelques années ; Procès que avez eu bien
de la peine à assoupir. Je suis , &c.
COSEPTEMBRE.
1733. 1979
CODRUS ,
POEME.
Ar de lugubres cris , pourquoi frapper les
Cieux ? PA
Athénes , est-ce ainsi que tu rends grace aux
Dieux ?
Oses-tu , Peuple ingrat , déplorant ta victoire
,
Faire au destin propice , un crime de ta
Gloire ?
Öses - tu .....
erreur !
mais hélas ! quelle étoit mon
Je cesse d'insulter à ta juste douleur.
Poursui , par des regrets , par des pleurs légi
times ,
Honore d'un Héros les cendres magnanimes.
Moi-même retraçant sa vertu dans mes Vers ,
Je vais lui rendre hommage aux yeux de l'Univers.
Les Armes à la main , l'impérieuse Athénes ,
S'avançoit contre Sparte et lui portoit des
chaînes .
Sparte armoit à son tour , pour défendre ses
droits ,
Et forcer sa Rivale à fléchir sous ses Loix.
D iiij
Mais
1980 MERCURE DE FRANCE
Mais Delphes , vain obstacle à leur jalouse
rage ,
N'annonçoit au vainqueur qu'un barbare avantage.
Qu'un Triomphe odieux , chérement acheté ,
Triste arbitre du joug , ou de la liberté ,
Un des Rois immolez , victime infortunée ,
De ses Grecs triomphans , fixoit la destinée.
Il devoit arroser de son sang précieux
Les funestes Lauriers d'un peuple ambitieux.
Instruit des Loix du Sort , mais bravant sa disgrace
,
Codrus offre sa tête au coup qui la menace.
Contre la vie , armé du plus noble mépris ,
11 va remettre aux Dieux des jours qu'ils ont
proscrits.
Cher aux siens , son grand coeur surptend leu
vigilance ,
Cher à ses ennemis , il trompe leur prudence.'
Pour voiler ses desseins d'un sûr déguisement ,
Il revêt d'un Berger , l'obscur habillement.
Dépouilles à ses yeux cent fois plus glo
rieuses ,
Que de l'autorité les marques fastueuses.
Orné par la vertu , riche de ses Trésors ,
Que Codrus étoit grand , sous ces humbles de
hors !
Ah ! Prince, peu touché d'un honneur chiméri
que ,
De Sparte laisse agir la sage politique.
Ton
SEPTEMBRE . 1733. 1981
Ton ennemi lui-même aide à ta sûreté
Avide des honneurs et de la liberté .
Quénes à son gré les défende elle même ;
Absous , absous les Dieux d'une injustice extrê
me.
Leurs Oracles souvent , par des sens imposteurs、
Des Crédules humains , ont guidé les erreurs.
'Arrête ... c'en est fait , ce Guerrier intrépide ,
Suit hardiment la voïe où son honneur le guide.
'Athénes, Dieux , Destin , dit- il, sans s'ébranler
Récompensez le sang. que vous faites couler.
Assûre tes succès , florissante Patrie ,
J'acquitte tes faveurs aux dépens de ma vie.
Heureux de te servir , par un trépas certain ,
Oui , Codrus , méritoit de naître dans ton sein.
Il dit , de quelle ardeur son ame est enflammée !
Il vole impatient de l'une à l'autre armée.
Il parvient jusqu'aux lieux où Sparte a ses regards
Fait au loin dans les Airs , flotter ses Etendarts,
Utile à ses projets , une feinte insolence ,
Contre lui des Soldats aigrit la violence ,
D'un monde d'ennemis , justement irrité ,
Il méprise la rage et craint l'humanité.
Il brave leur couroux. Il défie , il menace ,
Il étale en tous lieux une impuissante audace.
Trois fois de sa grandeur , un secret sentiment ,
L'avoit déja soustrait à leur ressentiment.
Ses efforts, étoient vains , son insulte impunie
3.
Dv Et
1982 MERCURE DE FRANCE
Et les Dieux , malgré lui , le rendoient à la vie. “
Mais dédaignant du sort l'importune faveur ,
Des Soldats outragez îl arme la fureur.
Athénes va regner. Levez pour la vengeance ,
Mille bras vont punir sa téméraire offense.
Je vois le coup mortel , qui va trancher ses
jours ,
Cruels , que faites- vous ? ménages - en le cours
Connoissez , .... respectez ,
Monarque , ...
.... conservez us
Il doit vous être cher , ... mais c'en est fait
la Parque ;
8
Finit le Sacrifice , en fermant son Ciseau ,
Sparte aux Fers , va bien- tôt honorer son Tombeau.
Il meurt , et l'avenir chérissant sa mémoire ,
Couronne sa vertu d'une immortelle gloire.
Venez , Tyrans , venez admirer à la fois ,
Un Citoyen , un Roy , le modele des Rois.
Imitez -le , sachez dans les Grandeurs suprêmes.
Au bien de vos Etats , vous immoler vous- mêmes.
M. DE ROYAUCOURT ,
de Soissons.
MEMOIRE
SEPTEMBRE . 1732. 1983
***************
MEMOIRE de M.... sur le Liew
de la Sépulture de S. Aignan , Evêque
d'Orleans.
N lit dans les Actes de S. Aignan ,
Evêqued'Orleans , recueillis par la
Saussaye ( 1 ) et par Hubert , dans
ses Preuves sur les Antiquitez de saint
Aignan , et inserées en partie dans le Ŕecueil
de Surius , que ce saint Evêque
qui mourut en 453. fut d'abord enterré
dans l'Eglise de S. Laurent des Orgerils
et y fut long- temps l'objet de la veneration
des Fideles , jusqu'à ce qu'on le
transporta de l'autre côté de la Ville
dans l'Eglise qui porte aujourd'hui son
nom ( 2 ) et qui étoit alors dédiée à l'Apôtre
S. Pierre.
Ce fait néanmoins n'est rien moins que
probable ; et sans vouloir s'inscrire en
faux contre les Actes qui le rapportent ,
et qui ne sont pas d'une authenticité
irreprochable ,il suffit de lire les Auteurs:
anciens qui nous ont parlé de S. Aignan,
(1) Annal. Eccles . Aurel.
(2 ) Autrefois cette Eglise qui se trouve mains
tenant dans la Ville , en étoit hors.
D vj pour
1984 MERCURE DE FRANCE
pour voir que le Corps de ce grand Saint
n'a jamais changé de place , et qu'il a tou
jours été dans l'Eglise ( 1 ) qui porte son
nom , et où l'on conserve encore ce qui
* pû échapper de ses précieuses Reliques.
à l'impieté des Calvinistes, dans les troubles
de 1562 .
Le silence de quelques uns de ces Au
teurs sur le lieu de la sépulture de notre
Saint , ne prouve rien pour l'Eglise
de S. Laurent , au contraire ce silence
n'auroit- il pas quelque chose de surprenant
, si en effet le Corps de S. Aignan
eût été d'abord enterré ailleurs que dans
PEglise qui portoit son nom de leur
temps ? et ce temps étoit- il si éloigné de
celui du saint Evêque , qu'ils eussent pû
ignorer un fait de cette nature ?
Car enfin ces précieuses Reliques n'ont
pû changer ainsi de place sans bruit et
sans éclat. Il falloit traverser la Ville
dans toute sa longueur d'Occident en
Orient , et la Tranflation dut être fort
solemnelle ; supposé donc , ce qui n'est
gueres croyable , qu'on en fût venu jusqu'à
ignorer le temps de cette Tranflation
, comment auroit- on pû perdre st
tôt le souvenir de la Tranflation même
(1) Cette Eglise est dans le Fauxbourg Ocoi
dental de la Ville, sur le bord de la Loire.
CeSEPTEMBRE
. 1733. 1989
Cependant il se trouve non- seulement
que personne n'en fait mention , mais
'on ne nous en dit pas même le moindre
mot qui puisse faire rien conjecturer
de semblable .( 1 ) Leodebod , Abbé de
S. Aignan et Fondateur de l'Abbaye de
S. Benoît sur Loire , sous le Regne de
Clovis II. parle ainsi de l'Eglise de saint
Aignan Dum me divina pietas Basilica
Domini Aniani , ubi ipse Dominus in corpore
requiescit , Abbati sublimatum honore,
& c. et plus bas : Monasterium sancti
Petri adificare delibero , ubi jam dictus vir
Dei sanctus videlicet Prasul Anianus , con
dignè jacet tumulatus . ( 2 ) Fredegaire , parlant
du Serment de fidelité que Godin
fils de Warnachaire , Maire du Palais
de Bourgogne sous Clotaire II . devoit
prêter sur les Reliques de S. Aignan ,
dit simplement : Ut Aurelianis in Ecclesia
sancti Aniani .... sacramentum impleturus
adiret. Gregoire ( 3 ) de Tours dit
que Namatius , Evêque d'Orleans , mort
à la fin du sixiéme siecle , fut enterré
dans l'Eglise de S. Aignan : Corpusculum
ejus ad urbem suam delatum in Basilica
* ( 1 ) Duchesne , Tom. 4. Hist. Franc. page
39. c.
(2 ) N. 54. p. 63.2.
(3) Lag. & 18: p. 437
saneta
1936 MERCURE DE FRANCE
...
sancti Aniani Confessoris sepultum est. ( 1)
L'Auteur anonime de la Vie de S. Mesmin
, qui écrivoit , comme l'on croit
au septiéme siecle , dit que S. Euspice
fut enterré dans l'Eglise de S. Aignan ,
auprès du Corps de S. Aignan même
et à sa droite : Visum est . ut in bea
tissimi Aniani Ecclesiam Corpus ejus transferretur
, et ad dextram partem corporis ejus
dem sanctissimi viri poneretur. Il ajoûte :
Quum placuisset ut per medium civitatis
sancia Reliquia portarentur.... et ventum
esset ad portam Orientalem ejuslem urbis .
que transmittit ad Monasterium sancti
Aniani , & c.
On voit clairement ici et sans équivoque
, que le Corps de S. Aignan étoit
dans l'Eglise de S. Aignan , et que cette
Eglise étoit à l'Orient de la Ville d'Or
léans , du côté diametramelement opposé
à celle de S Laurent , qui est à
Occident. Or S. Euspice vivoit sous.
Clovis I. Donc le Corps de S. Aignan
reposoit dès ce temps - là dans l'Eglise
qui porte aujourd'hui son ' nom , sans
qu'il paroisse encore qu'il y eût été
transporté d'ailleurs . Un témoignage du
même temps , quoique peut- être moins
recevable dans l'esprit de plusieurs , se
(4) Mabill. Act. SS . Ben. T. 1. p. 535. n. 18.
tire
SEPTEMBRE. 1733. 1987
tire de la vie de sainte Geneviève , ( 1 )
écrite dix - huit ans après sa mort et du
Mile que cette Sainte fit à Orleans
dans l'Eglise de S. Aignan : In sancti
Antani Basilica. Quand on voudroit
s'inscrire en faux contre le Miracle , il
demeureroit toujours vrai que du temps
de cet Historien , l'Eglise qui porte aujour
d'hui le nom de S. Aignan , renfermoit
le Corps de ce saint Evêque.. Dans quel
temps donc y aura - t'il été transporté ?
On ne peut guere compter que cinquante
ans d'intervalle entre la mort de saint
Aignan et le commencement du Regne
de Clovis I. Sera -ce du temps de Clovis
même , et par les ordres de ce Prince ,
comme le prétend Gubert ? Mais quelle
preuve en a- t'on ? aucune . Disons mieux,
il n'y a aucune preuve , pas même le
moindre indice de Tranflation ,
soit depuis
, soit devant Clovis ; mais on a contre
ce sentiment quelque chose de plus
positif, et il est aisé de prouver que ce
n'est pas d'aujourd'hui qu'il est combattu
par une Tradition contraire .
Un ancien Manuscrit ( 2 ) parlant de
la Translation de S. Baudifle à Orleans ,
( 1) Manuscrit de l'Abbaye de sainte Geneviève..
(2 ) Manuscrit de la Bibliotheque du Roy , N° ..
XXXVIII, qui a appartenu à M. Duchesne...
dit
1988 MERCURE DE FRANCE
dit que S. Aignan en apporta le Corps
de Nismes à Orleans , et qu'il le déposa
dans l'Eglise de S. Pierre , où il
même enterré depuis : Anianus... Baudelii..
Corpus.... in Ecclesia Beati Petri extra
muros civitatis Aureliana recondit in qua
et ipse post modum repositus est . Or , jamais
l'Eglise de S. Laurent n'a porté le
nom de S. Pierre ; c'est donc dans celle
de S. Aignan que l'Auteur veut dire que
S.Baudille a été transporté , et par conséquent
il croyoit que S. Aignan lui -même
n'avoit point été enterré ailleurs. C'en est
assez pour récuser l'autorité des Actes
de ce S. Evêque , lorsqu'ils avancent qu'il
fut enterré dans l'Eglise de S. Laurent.
Aussi les Freres de sainte Marthe, qui ont
suivi exactement la Saussaye et Guyon
dans leur Catalogue des Evêques d'Or-
Jeans , se sont bien gardez de s'en rapporter
à eux au sujet de la sépulture
de S. Aignan : Tumulatus est , disent ces
Illustres Freres , in ade sancti Petri Apos
toli , nunc dicta ab ejus nomine Regalis
Collegiata sancti Aniani in urbe.
SEPTEMBRE. 1733. 1989
i̟į ♣♣ ♣ˆ ▴i̟i̟♣ˆ!!
LETECHEUR TROUBLE'
AU-DEDANS DE LUI -MESME.
Rand Dieu , j'ai méprisé ta puissance su-
Contre tes saintes Loix je me suis révolté ! ...
Je ne puis m'empêcher de me haïr moi- même ,
Quand je viens à penser à mon iniquité ...
Hélas ! de toutes parts mon malheur est ex
trême , • • •
J'ai tout perdu , grand Dieu , lorsque je t'ai
quitté.
De mes nombreux forfaits l'effrayante peinture
Se présente sans cesse à mon esprit troublé :
Enfant dénaturé , rebelle Créature ,
Je sens un bras vangeur dont je suis accablé.
Si le Ciel en courroux fait gronder son Ton
nerre ,
Une secrette horreur glace aussi- tôt mes sens ;
Je pense qu'à moi seul il déclare la guerre ;
Mille coups redoublez , mille Eclairs menaçants ,
Me semblent m'annoncer qu'il va purger la
Terre ,
Et me précipiter dans le lieu des tourmens.
Tantôt je crois entendre une voix redoutable ,'
Me dire que bien - tôt je remplirai mon sert ;
1990 MERCURE DE FRANCE
Et tantôt je crois voir le gouffre épouventable ,
Où tant de malheureux tombent après lent mors.
Soït que l'Astre du jour couronné de lumiere,
Dune course rapide abandonne les flots ;
Soit qu'il termine enfin sa pénible carriere ,
Et nous invite à prendre રે un paisible repos ;
Mon ame malgré moi se livre toute entiere ,
Aux remords , aux chagrins , aux soupirs , aux
sanglots .
Ainsi traine à regret sa miserable vie ,
Le Tigre furieux qu'un Chasseur a blessé ;
Il fuit dans les Deserts de l'ardente Lybieg
Mais il porte partout le trait qui l'a percé.
REFLEXIONS.
Lperdre à
propos .
Es hommes ne sçavent ni donner ni
Pecuniam in loco negligere , maximum interdum
lucrum est. Terence . Adelph.
L'esprit de l'homme se connoît à ses
paroles et sa naissance ou son éducation
à ses actions.
C'est le destin de l'homme de ne jamais
SEPTEMBRE . 1733. 1991
mais connoîce Son vrai bien , et de chercher
courant à être plus mal , pour vou
mieux.
Il est plus aisé d'abuser les hommes
par une narration où il entre du merveilleux
, que de les instruire par un
récit simple et naïf.
Nous sommes presque tous de telle
condition , que nous sommes fâchez d'être
ce que nous sommes.
On ne doit jamais parler de soi ni en
bien , parce qu'on ne nous croit point ,
ni en mal , parce qu'on en croit plus
qu'on n'en dit.
Les hommes prétendent que les femmes
leur sont fort inferieures en mérite , cependant
ils ne veulent leur passer aucun
défaut , et ils éclatent en mauvaise
humeur quand elles en remarquent quelqu'un
marqué en eux . Ils devroient opter
, s'appliquer à avoir moins de défauts
qu'elles , ou avoir moins de sévérité pour
les leurs.
Un homme toujours satisfait de luimême
, l'est peu souvent des autres ; rarement
on l'est de lui.
On
1992 MERCURE DE FRANCE
On trouve bien des hommes qui s'avoient
avares , vindicatifs , yvrognes ,
orgueilleux , poltrons même ; mais l'en
vie et l'ingratitude sont des passions si
lâches et si odieuses, que jamais personne
n'en demeura d'accord. Il n'y a point
de vertus compatibles avec les vices , et
point de crimes ausquels elles ne puissent
conduire.
La plupart des hommes ont bien plus
d'affectation et d'adresse pour excuser
leurs fautes , que d'attention pour n'en
point commettre.
Quand on paroît aimable aux yeux
des hommes , on paroît à leur esprit
tout ce qu'on veut .
Il n'est pas plus dangereux de faire du
mal à la plupart des hommes , que de
leur faire trop de bien .
Les hommes ont plus d'interêt à cor
riger les défauts de l'esprit , que ceux du
corps ; ils agissent cependant comme s'ile
étoi.nt persuadez du contraire.
Les hommes ont une application continuelle
à cacher et à déguiser leurs vices
СБ
SEPTEMBRE. 1733. 1993
et leurs défauts ; ils auroient peut- être
moins de peine à s'en corriger.
La vertu est souvent voilée par la modestie
, et le vice par l'hypocrisie ; ainsi
il est bien difficile de pouvoir penetrer
l'interieur des hommes.
Il est aussi avantageux aux hommes
de publier les bienfaits qu'ils reçoivent,
u'il leur est desavantageux de se plaindre
de leurs disgraces.
qu'il
Les hommes sont aveugles dans leurs
desirs , leurs pensées sont trompeuses ,
leurs discours et leurs esperances folles ,
et leurs apétits dereglez. Omnes decipimur
specie recti , dit Horace . Car à plusieurs
une blessure a procuré la santé ,
et l'on s'est trouvé quelquefois au comble
de la gloire , quand on ne devoit attendre
que l'infamie ou la mort.
Les hommes ne sont pas obligez d'être
bien faits , d'êtres riches ; ils sont obligez
d'avoir de la probité et de l'honneur,
Les hommes trouvent presque toujours
la peine , quand ils la fuyent avec
trop d'empressement.
Etre
1994 MERCURE DE FRANCE
Etre utile au Public , est un call tere
brillant ; ne nuire à personne , est un
état de vertu obscur , mais for rava Il
faudroit que les hommes avant que d'êtres
utiles au Public , cessassent de nuire
à qui que ce soit.
On doit plaindre presque également
un homme riche qui n'a qu'une bonne table
, et un pauvre qui n'a que de l'apétit.
C'est une grande foiblesse à un Prince
de n'oser refuser justement ce qu'on ose
bien lui demander sans avoir égard à
la justice.
Les Grands , pour l'ordinaire , se contentent
de sentir qu'on leur est agréàble
, sans approfondir si on mérite de
l'être. Leur plus importante occupation
cependant devroit être de connoître les
hommes , puisqu'ils veulent passer pour
les images de la divinité ; mais ils craignent
en cela de se détromper , de peur
de trouver souvent leurs Favoris indignes
de leurs bontez , et les autres hommes
qu'ils ne regardent pas , dignes de
plus de distinction .
Les Souverains se picquent d'ordinaire
de
SEPTEMBRE. 1733. 1995
7
de constance ; ils condamneroient plutôt
leurs propres Enfans que de blâmer
un Sujet choisi de leur main . Ils ne crais
tant de paroître malheureux
dat leur famille
Pears
jugemens.
, que mal- habiles dans
Ifatti de Principi , hanno ogn'altra facsia
che la vera.
Il est bien rare que les Grands n'abusent
pas de leur grandeur.
Il y a cette difference entre le Peuple
et les Grands ; que celui - là perd fa- .
cilement le souvenir des bienfaits et des
injures , au lieu que celui- cy oublie facilement
les plaisirs reçûs , et se souvient
toujours des injures.
Plusieurs méprisent la grandeur , afin
de s'élever dans leur imagination audessus
des Grands et de se bâtir ainsi une
grandeur imaginaire. De même qu'en
méprisant les richesses, c'est souvent pour
se faire un petit trésor de vanité , qui
tienne lieu de ce qu'on n'a pas.
Les Princes doivent être extrémement
attentifs à moderer tellement , même
leurs
1996 MERCURE DE FRANCE
à
leurs vertus , que l'une ne nuise pas
l'autre par son excès . Prendre garde sur
tout que leur justice et leur bonté ne
s'entre- détruise ; car à vouloir êne trop
juste , on devient odieux ; à vouloir être
trop bon , on devient méprisable.
L'estime des Grands est quelquefois
facile à acquerir , mais elle est toujours
difficile à conserver.
Selon le sentiment d'Epicure , il doit
être plus agréable de donner que de recevoir.
L'ingratitude même ne doit pas nous
empêcher de faire du bien , car il vaut
encore mieux que les bienfaits se perdent
dans les mains des ingrats , que
dans les nôtres.
Rien ne s'achette plus cherement que
ce qu'on achette par les prieres.
L'avidité de recevoir un nouveau bien--
fait , fait oublier celui qu'on a déja reçû .
Cupiditas accipiendorum oblivionem facit
acceptorum. Seneq .
Nous traçons sur la poussiere les bienfaits
SEPTEMBRE . 1733. 1997
faits que nous recevons , et nous gravons
sur le marbre le mal qu'on nous
fait , dit un Ancien.
Un bienfait desaprouvé n'est gra
ce que pour un seul , et c'est une injure
pour plusieurs.
Le bienfait n'est tel que par le bon
usage qu'en fait celui qui le reçoit .
De toutes les choses du monde , celle
qui vieillit le plus aisément et le plu
tôt , c'est le bienfair.
- Plusieurs sçavent perdre leurs biens ;
mais peu les sçavent donner .
Faire du bien aux méchants
souvent faire du mal aux bons.
c'est
Presque toujours lorsque les bienfaits
vont trop loin , la haine prend la place
de la reconnoissance.
Il y a des plaisirs dont on se paye par
ses mains ; celui d'en faire aux autres
est de cette nature.
I Beneficii ordinariamente si vedono
E contra
1998 MERCURE DE FRANCE
sontra cambiati , con ingratitudine infinita ;
più per l'impertinenza che il Benef
usa nell'esigere la gratitudine del of
altrui , che per la discortesia di d
il beneficio.
Gli Beneficii si ricevano sempre volentieri
, ma non sempre volentieri si vede il
Benefattore.
Nous sommes toujours extrémement
agréables à ceux à qui nous donnons
occasion de l'être.
Une femme ne trouve rien de si diffi
cile à faire que de s'accoûtumer à n'être
plus belle , quand elle l'a été pare
faitement,
Il n'y a pas de femme , si laide soitelle
, qui ne se trouve quelque trait de
beauté.
Sibi quaque videtur amanda,
Pessima sit , nulli non sua forma placet.
Ovid. de Art. Am. L. 23
La beauté dans le Sexe expose à tant
de périls , qu'il est bien difficile qu'on
ne succombe pas à quelques- uns .
Les
SEPTEMBRE. 1733. 1999
gou-
Les femmes ont souvent raison de vouloir
, à quelque prix que ce soit , paroître
belies, puisque c'est tout ce que les hommes
leur ont laissé ; car , point de
vernement pour elles , point d'autorité
absoluë , point de conduite d'ames , point
de pouvoir dans l'Eglise , point de possession
de Charges , point d'entrée dans
le Secret des affaires d'Etat.Il semble même
qu'on leur veuille ôter jusqu'à l'esprit
, en traitant de précieuses celles qui
en font paroître. Laissons -leur donc la
beauté , et quand elles n'en ont point ,
laissons - leur du moins le plaisir de croire
qu'elles en ont.
La laideur fait quelquefois présumer la
vertu où elle n'est pas ; et la beauté a
cela de funeste , qu'on croit les belles
personnes capables de toutes les foiblesses
qu'elles causent .
La beauté sans la grace, est un apas sans
hameçon.
En désirant trop ardemment de plaire,
on ne se rend pas plus aimable.
La réputation qui vient de la beauté
est quelque chose de si délicat parmi les
E ij
Fem-
885481
2000 MERCURE DE FRANCE
Femmes, qu'encore qu'elles ayent la plus
grande indifférence du monde pour quel
qu'un , jamais pourtant cette indirerence
n'ira jusqu'à vouloir que ce quelqu'un
porte ailleurs ses hommages et ses soupirs.
Tant de fierté qu'on voudra , une
belle personne regarde toujours la fuite
d'un amant sans mérite si on veut , et
qu'elle n'estime pas , comme autant de
diminué sur son empire.
Il
y
des beautez si engageantes , que
si on ne fuit , sans hésiter, on ne fuit pas
loin. On ne peut aller tout au plus que
de la longueur de ses chaînes.
Le véritable Efprit de Politesse consiste
dans une certaine attention à faire ensorte
que par nos paroles et par nos manieres
, les autres soient contens de nous
et d'eux -mêmes.
L'incivilité n'est pas un vice de l'ame ;
elle est l'effet de plusieurs vices ; de la
sotte vanité , de l'ignorance de ses devoirs
, de la paresse , de la stupidité , de
la distraction , du mépris des autres de
la jalousie , & c.
Rien n'est plus contraire à la véritable
poSEPTEMDA
E. *733• 2001
politesse et à la bienséance , que
de l'observer
avec trop d'affectation ; c'est s'incommoder
, c'est s'embarrasser , pour incommoder
, pour embarrasser les autres.
Il eft presqu'autant contre la bienséance
de se cachet en faisant le bien , que de
chercher à se faire voir en faisant le mal.
Tel croit mériter le nom de Poli , qui
ne mérite que celui de Dameret ou de
Pindariseur. La vraie Politesse est souvent
confondue avec des qualitez qui
méritent plus de blâme que de loüange.
On doit obeir sans cesse à la Loy des
usages et des bienséances ; il n'y a que
les Loix de la necessité qui nous dispensent
de toutes les autres.
On voit beaucoup de gens qui sçavent
comme on vit , mais fort peu qui sçachent
vivre ; c'est qu'on est trop curieux
de sçavoir ce que le monde fait , et qu'on
ne l'est pas assez de ce qu'il devroit
Faire.
La Politesse ne donne pas le mérite ,
mais elle le rend agréable , sans elle ildevient
presque insupportable , car il est
farauche et sans agrément. E iij
2002 MERCURE DE FRANCE
"
On perd presque tout le mérite du
bien,si on le fait sans Politesse ; unc mauvaise
maniere gâte tout , elle, défigure
même la justice et la raison .
Le chef- d'oeuvre de la Politesse est de
n'insulter jamais à ceux qui en manquent,
et de se contenter de les instruire par
l'exemple , sans rien faire davantage .
Les Enigmes et Logogryphes du mois
d'Août , doivent s'expliquer sur Toile
Fusil , Crosse , Crime , Pavot , Verdun
Verité.
Je
ENIGM E.
E plais , soit que je sois vétuë ,
Ou qu'on me voye toute nuë ;
Ma figure sur pied , réveille les esprits
Plus mon corps a de poids , plus j'augmente
prix.
Je suis d'une espece fragile ;
Je vomis nuit et jour , et jamais Médecin ,
N'a vu sortir de moi pituite ni bile ;
do
Mais si de tels efforts me font tomber débile ,
Qui me releve avec du vin ,
Ne me soulage point en vain.
LOS
SEPTEMBRE. 1733. 2003
************************
LOGOGRYPHE.
Dans Ans mon nom deux noms se font lire ;
Noms communs , connus et distincts ,
Le premier est plus grand que le plus grand
Empire ,
Le second fait l'objet des sçavans Medecins.
Le premier est dans la Nature ,
Un corps exempt de pourriture ;
Le second dans un second sens •
Nourrit un grand nombre de gens.
De sept lettres , ôtez les trois qui sont au centre,
J'ai porté deux yeux dans mon ventre.
Revenez du milieu , mettez au bout ma fin
C'est un mets délicat et fin.
Orez ma tête et mes épaules ,
Joignez mon col aux deux bras en repos ,
C'est- là dans le Pays des Gaules ,
Le double prix que je vaux ;
Joignez à celui-cy , ma tête et sa seconde ,
Je suis sur le Vin et sur l'Onde ,
Sur terre près d'un Boeuf de travail fatigué ,
Et peu loin d'un homme enragé.
Ma queue enfin étant un peu tournée ,
Marque ce qu'on demande à ceux qu'on a
payez.
E
Fi2004
MERCURE DE FRANCE
JE
Finissons , ma Muse gênée ,
Vous a déja trop ennuyez.
B. L. S. à Villeneuve - lès- Avignon
AUTRE.
E renferme les cinq Voyelles ,
Et trois Consonnes avec elles.
J'ai par mainte combinaison ,
Soirante et dix mots en mon nom.
Au seul caractere italique ,
Vous en connoîtrez la Rubrique.
AUTR E.
Huit lettres composent mon nom s
J'éxiste au Village , à la Ville ,
Et si je suis à l'homme très - utile ,
J'en souffre plus encor en certaine saison.
Qu'on ôte de ces huit la queue et sa voisine ,
Aussi loin qu'on le puisse on voit mon origine
Par consequent je suis fert vieux ,
Mais comme on est pour ma vieillesse
Sans égard , sans pitié , qu'on me foule et me
presse ,
Sans Médée on me voit renaître en certains
lieux ;
Si l'on prend mes trois chefs , la sixième et derniere
,
Au milieu des Forêts on voit ma tête altiere;
Jadis
SEPTEMBRE. 1733. 2005
Jadis les Mirmidons sortirent de mon sein .
Retranchez ma seconde avec la quatriéme ,
Ensele la cinquième avec la pénultiéme ,
Des autres parts se forme un repas tout divin.
Qu'on prenne la troisiéme et les trois de la
,* queüe ;
Je m'offre d'abord à la vûë ,
Grand Prince , et le jouet d'une Divinité ;
Malgré le sort cruel , mes hauts faits et ma
gloire ,
Ecrits au Temple de Memoire ,
Passeront à jamais à la Posterité.
Faites que la cinquiéme aux deux chefs soit unie,
Avec la sixième et la fin ;
J'excite d'abord dans l'Asie ,.
It fais sortir dans l'an trois moissons de mon
sein .
Qu'on mette au dernier mot ma quatriéme
lettre , #
Au lieu de ses deux chefs, je deviens alors traître,.
En trompant l'ennemi contre qui je suis fait..
Si de ces quatre ,, trois , sans pénultiéme , op
laïsse ,
Lorsque de ma prison à me prendre on s'empresse
,
S
On me mange , et le vieux est de moi satisfait..
"
L'Abbé R ... Chanoine d'Agde..
E v NOU2006
MERCURE DE FRANCE
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS , &c.
L
E ZODIAQUE de la Vie Humaine , ou
Préceptes pour diriger la conduite et
les moeurs des Hommes , divisé en 12 Livres
, sous les douze Signes : Traduit du
Poëme Latin de MARCEL PALINGENE
celebre Poëte de la ' Stellada. Nouvelle
Edition , revue , corrigée et augmentée
de Notes Historiques , Critiques , &c. par
M. J.B. C. De la MonnerIE. M. P. 2 vol.
in 12. A Londres , chez le Prevest, et Compagnie
, Libraires , sur le Strand. 1733-
LETTRES D'HENRY IV. Roy de France,
et de Mrs de Villeroy et de Puisieux ,
M. Ant. le Févre de la Boderie , Ambassadeur
de France en Angleterre , depuis
3606. jusqu'en 1611. 1733. in 8. 2 vol.
A Amsterdam.
REPONSE à la Critique du Sr de la Motraye
, sur l'Histoire de Charles XII.Roy
de Suede. Par M... A la Haye, chez Gosse
et Neaulme. 1733 .
REFLE
SEPTEMBRE. 1733. 2007.
RF'FLEXIONS Sur la Requête présentée
au Roy , contre la Chambre du Clergé
des Etats Généraux de la Province de
Bourgogne. Par Dom Andoche Pernot ,.
Abbé Général de Citeaux . Brochure in fol..
de 46 pages. A Dijon , chez Antoine de
Fay. 1733.
Toutes ces Réfléxions , d'une assez longue
étendue , et accompagnées de Citatons
, sans nombre , de presque tous les
Livres de l'Ecriture , des Peres Grecs et
Latins , des Conciles , des Autcurs Eccle--
siastiques et autres , Canonistes , Jurisconsultes
, &c. ne roulent que sur la
question de sçavoir si l'Abbé de Citeaux
est en droit et en possession , comme il le
prétend , d'assister aux Etats de Bourgogne
, avec la Croix Pectorale , ét autres.
Ornemens Episcopaux , ou s'il doit s'y
trouver seulement dans les habits ordinaires
, propres et attachez aux Généraux:
Religieux de son Ordre , suivant les pré--
tentions de l'Auteur des Réfléxions.
着
RECUEIL D'OUVRAGES CURIEUX de Mas
thématique et de Mécanique , ou Descri-
-ption du Cabinet de M. Grollier de Ser
viere , avec des Figures en Taille- douce ,
par son petit- fils M. Grollier de Serviere,.
ancien, Lieutenant Colonel , l'un des 25 ;
E vi de:
2008 MER CURE DE FRANCE
de l'Académie des Sciences et des Belles.
Lettres de Lyon . Seconde Edition , revaë,
corrigée , et augmentée de nouvelles Me
chines , et de plusieurs Planches 4 Lyou,
shez David Forey , Libraire. 1733. in 4..
LETTRES à Monsieur H... sur les pre
miers Dieux ou Rois d'Egypte. A Paris,
chez la veuve Ribou , rue de la Comédie
Françoise. 1733 , in 12. de 216 pages, sans
les Tables..
ARCHITECTURE des Eglises , anciennes.
et nouvelles : Par M. H. le Blanc , in 12.
A Paris , chez la veuve Pissot , Quai de
Conti.. 1733
Cet Ouvrage contient des observations
sur le goût de l'Architecture , dans lesquelles
l'Auteur , après avoir fait voir les
défauts de l'Architecture Gothique , et
son irrégularité, fait un Parallele des deux
plus beaux morceaux de l'Architecture ,
ancienne et moderne sçavoir , selon lui,
le Portail de N. D. de Rheims , et celui
de S. Paul de Londres , et il soutient que
le goût nouveau surpasse infiniment , et
pour la solidité et pour la régularité , tout
ce que l'ancien nous présente d'imposant.
LES CARACTERIS DE THEOPHHASTE,avec
les
SEPTEMBRE. 1733. 2009
Caracteres , ou les Moeurs de ce siècle.
Par M. de la Bruyere , nouvelle Edition ,
argentée de la Deffense de M. de la
Bruyere, et de ses caracteres. Par M.Coste.
1733. in i 2. 2 vol. A Paris , chez Michel-
Etienne David, Quai des Augustins ..
TRAITE" de Tertullien , sur l'ornement
des femmes , les Spectacles , le Baptême
et la patience ; avec une Lettre aux Martyrs
, traduits en François ; chez Rollin',
fils , Quai des Augustins , 1733. in 12 ..
NOUVELLE TRADUCTION FRANÇOISE d'u
Pastor Fido , avec le texte à côté A Paris,
chez Nyon fils , Place de Conty , à Sainte
Monique. 1733. in 12. 2 vol.
LA VIE DE GUSMAN D'ALFARACHE, NOUvelle
Edition, revue et corrigée. A Paris,
chez Guillaume Cavelier, rue S. Jacques, an
Lys d'or. 1733. 2 vol. in 12 .
Le IV tome de l'Histoire générale des
Auteurs Sacrez et Ecclésiastiques , qui contient
leur Vie , le Catalogue , la Critique,
le Jugement , la Chronologie , l'Analyse
et le dénombrement des différentes Editions
de leurs Ouvrages , ce qu'ils renferment
de plus interessant sur le Dogme ,
SHE
2010 MERCURE DE FRANCE
sur la Morale et sur la Discipline de l'Eglise
; l'Histoire des Conciles , tant géné
raux que particuliers , et les Actes choisis
des Martyrs. Par le R. P. Dom Remi
Ceillier , Benedictin , de la Congrégation
de S. Vanne et de S. Hydulphe , Coadjuteur
de Flavigny. A Paris , chez Paulus
du Mesnil , au Palais. 1733. in 4..
HISTOIRE DU FANATISME , dans la Re
ligion Protestante , depuis, son origine..
Par le P. François Catrou : Rue de la Har
pe, au bon Pasteur. 1733. in 12. 2 vol .
HISTOIRE de l'Académie Royale des
Inscriptions et Belles Lettres , avec les
Mémoires de Littérature , tirez des Registres
de cette Académie, depuis l'année :
1726 , jusques et compris l'année 17 3.0 ..
Tomes 7 et 8 , in 4. De l'Imprimerie:
Royale..
REFUTATION des Critiques de M.Rays .
le , sur S. Augustin , où sont contenus
trois Traitez Le premier : Veritable Clef
des Ouvrages de Saint Augustin , contre les
Pélagiens. Le second : Examen des Critiques
répandues dans le Dictionnaire de
M. Bayle , sur divers en droits des Ecrits
du même S. Docteur.. Le troisiéme : Dissertation.
SEPTEMBRE. 1733. 20 MT
tation touchant la nature de la Loy de Moyse.
1732. A Paris , chez Rolin , fils , Quai
des Augustins , in 4 - pages 428.sans la Préface
et les Tables.
MEMOIRE pour servir à l'Histoire des Hommes
Illustres, dans la République des Let
tres, & c. Tom. 20 et 21. A Paris , chez.
Briasson , rue S. Jacques , à la Science..
173.2.
Le premier de ces deux volumes contient
les changemens , les corrections et
les additions que l'Auteur a trouvées à
propos de faire pour les Tomes 11. 11 .
13. 14. 15. 16. 17. et 18. précedens . Ony
remarque par tout son exactitude et
son amour pour la verité ; et qu'il ne
tient pas à ses soins infatigables , que
nous n'ayons en ce genre un Ouvrage
parfait. Ce vingtiéme tome contient aussi
trois Tables qui sont d'une grande utilité
dans un pareil Recueil ; sçavoir , une
Table Générale des Matiéres qni ont été
traitées par les Auteurs dont il est parlé
dans les neuf volumes précédens ; une
Table alphabétique des Auteurs , contenus
dans les 20 volumes de ces Mémoires;
et une Table Nécrologique, qui marque
la date de la mort des Sçavans contenus
dans les neuf volumes précédens.
Le
1012 MERCURE DE FRANCE
Le 21. dont nous avons icy à rendrè
compte , contient les Noms , l'Eloge et
le Catalogue raisonné de 36 Sçavans , qui
ont vécu en différens temps , et qui se
sont distinguez pour la plupart , dans la
République des Lettres. Tels sont , entre
les autres , le Cardinal Bessarion
Pontus de Tyard, Philippe Cluvier , Jean
Louis Vivés , Edouard Pocock , Nicolas
Rigault , Gilles - André de la Roque, Jean
Fronteau , et Louis Boivin.Pour ne point
exceder certaines bornes , nous nous contenterons
de rapporter icy ce que l'Auteur
expose au sujet de Pontus de Tyard .
PONTus de Tyard , Seigneur de Bissy ,
nâquit vers l'an 1521. au Château de Bissy
, dans le Diocèse de Mâcon , de Jean
de Tyard , Lieutenant General au Bailliage
du Mâconnois, et de Jeanne de Ganay
, fille d'un Chancelier de France.
Son nom est écrit tantôt Tyard , et
tantôt Thiard ; mais cette orthographe
est vicieuse il doit s'écrire Tyard ; c'est
ainsi que les meilleurs Auteurs l'ont écrit,
-et c'est ainsi qu'il l'a écrit lui- même.
Pour ce qui est du nom de Ponthus
c'est celui d'un Héros fabuleux , sur lequel
on a un Roman , qui est fort peu
connu , et qui se trouve dans le Catalogue
de la Bibliotheque de M. du Fay ,
Sous
SEPTEMBRE , 1733. 2013
Bous ce titre: Le Roman du noble Roy Ponthus
, fils du Roy de Galice , et de la belle
Sidoine, fille du Roy de Bretagne , in 4.sans
date , en Lettre Gothique . On étoit autrefois
dans l'usage de donner de semblables
noms aux Enfans ; ainsi Jamin , Poëte
comtemporain de Pontus de Tyard ,
a porté celui d'Amadis , dont le Roman
n'est ignoré de personne. M. de la Monnoye
, qui nous apprend ces particularitez
dans ses Additions , aux Jugemens des
Sçavans de Baillet , rapporte dans le Ménagiana
, tom. I. pag. 236. une plaisanterie
sur ce sujet , qu'il ne faut pas omettre,
Pontus de Tyard étant , dit- il , à la
» cérémonie d'un Baptême, en qualité de
>>Parrain ; le Curé faisoit difficulté de
» nommer l'Enfant , Pontus , sur ce qu'il
» ne connoissoit point de Saint de ce
» nom- là. Comment , lui dit l'Evêque 2
M. le Curé ,vous ne songez donc pas au
» Saint , dont l'Eglise fait mention dans
» l'Hymne : Quem terra , Pontus, athera ?
» A ces mots , le bon Curé , qui ne s'étoit
jamais fort chargé de latin ; Monsei-
» gneur , lui dit- il , je vous demande par
» don , il est vrai que je n'y songeois pas.
» Et là- dessus il baptisa l'enfant sous ce
» nom.
2014 MERCURE DE FRANCE
Il fut instruit avec beaucoup de soin ,
dès son enfance, dans les Langues Latine
et Grecque , et même dans l'Hebraïques
mais quoiqu'il affecte de faire parade de
cette derniere, dans son Traité : De recta
nominum impositione , ce qu'il en sçavoit
étoit fort peu de chose ; ce peu lui a fait
cependant trouver place dans la Gallia
Orientalis , de Colomies , parmi les Sçavans
Hébraïsans François.
La Poësie Françoise l'occupa aussi dans
sa jeunesse , et il acquit par là de la réputation.
Ronsard lui attribuë même la
gloire d'avoir le premier introduit les
Sonnets en France. Mais la fortune n'a
point été dans la suite aussi riante à l'égard
de ses Poësies, qu'elle le fut d'abord.
Il a contribué lui-même à les faire disgracier
, par le mépris qu'il en fit ,et qu'il
en inspira aux autres dans un âge plus
mûr.
Il quitta la Poësie , pour se donner
à des Etudes plus sérieuses , et passa à
la Philosophie , aux Mathématiques , et
enfin à la Théologie. La plupart de ses
Ouvrages sont des preuves des connoissances
qu'il avoit acquises dans toutes
ses Sciences. Mais elles étoient alors si
imparfaites , ou la maniere dont on s'y
prenoit pour les apprendre étoit si mauvaise
,
SEPTEMBRE. 1733. 2015
yaise , que tout ce qui nous reste de lui
est un cahos d'érudition mal dirigée , où
Il n'y a presque rien à apprendre.
passa quelques années à la Cour
Roy Henri III . qui conçut de l'afection
pour lui , et lui donna l'Evêché
de Châlons sur Saone , dont il prit possession
le 16. Juin 1578. après avoir été
quelques années Archidiacre de cette
Église et Protonotaire Apostolique.
S'étant trouvé le premier des Dépu
tez de sa Province , dans l'Assemblée
des Etats qui fut tenuë à Blois l'an 1588.
il soutint l'autorité du Roy contre le
reste du Clergé , qui favorisoit la ligue ,
et il parla en sa faveur avec tant de force
et de dignité , qu'il fit de fortes impressions
sur l'esprit de ceux qui assistoient
à cette Assemblée , et en ramena
plusieurs à leur devoir,
Après 20. ans d'Episcopat , se voyant
accablé par les années et affligé des troubles
qui agitoient le Royaume , il se démit
de son Evêché et en fit pourvoir
Cyrus de Tyard , son neveu . S'étant ensuite
retiré dans une de ses Terres , il
ne s'occupa plus que du soin de son saat
. Ce fut là qu'il mourut le 23. Sepembre
1605. âgé de 84. ans.
Il exprima ses sentimens sur sa mort
dans
2018 MERCURE DE FRANCE
dans ces Vers , qu'il composa lui - même
avant que de mourir .
Non teneor longe dulcisque cupidine vita
Sat vixit , cui non vita pudenda fuit.
Nec fama illustris me tangit gloria , forsan ;
Per genium vivent sat mea scripta suum.
Nil
que moror quo sint mea membra tegenda se
pulchro ;
Hac propria baredis sit pia cura mei.
Sed cupio ut tandem mens Christo inixa levetur;
Peccati duro pondere , ad Astra vehar.
Ces Vers ont été gravez sur un Monument
qu'on lui a rigé dans le Choeur
de l'Eglise Cathédrale de Châlons , avec
ces mots au bas .
Pontus Tyardaus Bissianus Ep. Cabil.
Extremum hoc voveb, scribebat,
Il conserva jusqu'à la fin de sa vie là
vigueur de son corps et de son esprit.
Comme il avoit un grand corps et qu'il
étoit assidu à l'étude , il mangeoit beaucoup
et bûvoit de- même , sans mettre
jamais d'eau dans son vin , si violent que
soient ceux qui croissent sur le bord de
La Saône. Ce qu'il y a de singulier , c'est
qu'en se mettant au lit , il avaloit toûjours
un grand verre de vin pur , sans
que
SEPTEMBRE. 1733. 2017
uc sa santé en fût jamais alterée. Baillet et
1x qui l'ont suivi , ont trouvé que ce
coit point assez , et ont substitué mal
propos , au grand verre dont parle
M. Thou , un pot , en disant qu'il avoit
coûtume de boire un pot de vin pur
avant que de s'endormir..
Catalogue de ses Ouvrages.
1. Erreurs Amoureuses. Lyon , Jean de
Tournes , 1549 . in 8.Il n'a pas mis son nom
à cet Ouvrage , qui contient plusieurs
Sonnets , divisez en trois Livres.
2. Solitaire premier , ou Prose des Mu
ses et de la Fureur Poëtique . Avec des Vers
Lyriques sur la fin . Lyon , Jean de Tournes
, 1552. in fol.
3. Solitaire second , on Prose des Muses.
Avec des Vers Lyriques sur la fin .
Lyon , Jean de Tournes , 1552. in 8.
4. Les Oeuvres Poëtiques de Pontus de
Tyard. A sçavoir , trois Livres des Erreurs,
Amoureuses. Un Livre de Vers
Lyriques. Un Recueil de ses nouvelles
Euvres Poëtiques . Paris , Galiot du Pré,
1573. in 4, Tout cela n'est plus recher
ché , ni presque connu de personne.
5. Leon Hebreu , de l'Amour , Dialo
gue, Lyon , Jean de Tournes
, issi.
in 8. Il parut la même année une autre
Tra
2018 MERCURE DE FRANCE
Traduction de l'Ouvrage de Leon , sous
ce titre La sainte Philosophie de l'Amour
de Leon Hebreu , traduite de l'Italien
par le sieur du Parc (Denis Sauvage.)
Lyon , Guillaume Roville , 1551. in 8.
Ce Livre ne méritoit pas qu'on prît tant
de peine pour lui.
6. Discours du Temps , de l'An et de
ses parties. Lyon , Jean de Tournes, 1556.
in & . It. Paris , et Mamert Patisson , 1556.
in 4. C'est l'Edition que du Verdier a
mise mal à propos , in folio.
7. L'Univers , on Discours des parties
et de la nature du Monde. Lyon , Jean
de Tournes , 1557. in 4. Il y a dans ce
Livre , au rapport de du Verdier , quelques
pages prises et traduites mot à mot
du Livre du Monde de Philon , Juif.
L'Auteur l'ayant depuis revû et augmenté
, le publia de nouveau sous le
titre suivant.
8. Deux Discours de la nature du Mon
de et de ses parties ; à sçavoir , le premier
Curieux , traitant des choses matérielles ; et
le second Curieux , des intellectuelles. Paris,
Mamert Patisson , 1578. in 4. On voit
à la tête un avant- Discours par J. D. du
Perron , Professeur du Roy aux Langues,
aux Mathématiques et en la Philosophic,
qui fut ensuite Cardinal.
9.
SEPTEMBRE 1733. 2019
9. Mantice , on Discours de la verité
divination par Astrologie. Lyon , Jean
de Tournes , 1558. in 4.
to. Ephemerides Octava Sphere , seu
Tabelle Diaria Ortus , Occasus , et mediationis
coeli illustrium stellarum inerransium
, pro universâ Galliâ , et his regionibus
que Polum Boreum elevatum habent
ad so, grad. Lugduni , Joan. Torà
39.
pasius
, 1562.
in
fol.
11. De Coelestibus Asterismis Poematium
ad Petrum Ronsardum. Paris , apud
Galeotum à Prato , 1573. in 4.
12. Homelies sur les Evangiles. Paris ;
Mamert Patisson , 1586. in 8.
13. Duodecim Fabula Fluviorum vel
Fontium : unà cum Descriptione pro Pictura
et Epigrammatis. Paris , Joan . Richer,
1586. in 8. Je ne sçai ce que c'est que
cet Ouvrage , ni en quelle Langue il est
écrits le P. Louis Jacob en rapporte ainsi
le titre , mais sans marquer s'il est écrit
en Latin ou en François.
14. Les Discours Philosophiques de Pontus
de Tyard. Paris , 1587. in 4. C'est un
Recueil des Ouvrages que j'ai marquez
au N° 2. 3. 6. E. 9.
15. Homelies sur le Décalogue. Paris ,
1588. in 8.
16. Extrait de la Généalogie de Hugues
Capes
2020 MERCURE DE FRANCE
Capet , Roy de France , et des premiers
Successeurs de la Race de Charlemagne en
France. Paris , Mamert Patisson , 1594.
in 8. M. de Thou , dans le 77. Livre de
son Histoire , attribue à Pontus de Tyard
cet Ouvrage , qui est anonyme , et Duchêne
, à la page 30. de sa Bibliotheque
des Historiens de France , dit qu'il l'a
fait pour servir de Réponse au Livre de
François de Rosieres, intitulé : Stemmata
Ducum Lotharingia. Paris , 1580. in fol.
17. Derecta nominum impositione . Lugduni
, Jacobus Roussin ; 1603. in 8 .
Pontus de Tyard , marque dans l'Epitre
à Louis de Tyard , son neveu , qui est
à la tête de ce petit Traité , que dans
le commencement des troubles de la
France , il avoit traduit du Grec deux
Opuscules de Philon , et qu'il avoit composé
ce Traité pour servir de Préface à
sa Traduction ; mais que Fréderic Morel
l'ayant prévenu en publiant une Version
Latine d'un de ces mêmes Opuscules
, et en promettant la Version de
l'autre , il avoit supprimé la sienne , et
sé contentoit de donner au Public l'Ouvrage
qu'il lui adressoit , avec quelques
Notes sur les Livres qu'il avoit traduits.
18. Annotationes in Libros Philonis Judai
, de Transnominatis , et Allegoria Sa
STR.
SEPTEMBRE . 1733. 2021
cra . A la suite du Traité précedent .
19. Fragmentum Epistola pii cujusdam
Episcopi , quo Pseudo -Jesuita Caroli , et
ejs Congerronum maledicta repellit. Hanovix
, 1604. in 8. A la suite de Caroli
Molinai Consilium super commodis et in-
Commodis nova Secta Jesuitarum . Item.
dans la Bibliothecâ Pontificia , editâ à
Joanne Scherzero, Lipsiæ , 1677. in 4.
avec la Souscription P. T. E. C. qui signifie
Pontus Tyardaus Episcopus Cabilonensis.
Item. Traduit en François à la
page 378. du Livre de David Homme
intitulé : Le Contr' Assassin. Lyon , 1612 .
CAUSES CELEBRES et interessantes
, avec les Jugemens qui les ont décidées
, recueillies par M*** Avocat au
Parlement. 2. vol. in 12. A Paris , chez
la veuve Delaulne et Cavelier , ruë saint
Facques , et chez le Gras et de Neuilly ,
an Palais , M. DCC . XXXIII.
- Cet Ouvrage est un choix de ces Causes
qui ont excité la curiosité universelle, lorsqu'elles
ont été en mouvement. Elles ont fait
l'empressement du Public , le sujet de l'entretien
des honnêtes gens et du Peuple.
Elles ont attiré la foule aux Audiances ,
et ont laissé les Esprits, en suspens , dans
Pattente du Fugement que les Magistrats
F devoient
2022 MERCURE DE FRANCE
devoient prononcer , et cette suspension les
a occupez et interessez.
•
Les gens du Monde , et sur tout du
beau Monde , n'entreprennent gueres de
lire les Recueils d'Arrêts qu'on a donnés.
au Public ; on y voit des Procès secs et
épineux hérissez des termes de la procédure.
Ces Ouvrages ne sont , ce semble
, destinez qu'aux Jurisconsultes , et à
la Nation des Plaideurs . Mais un Recueil
de ces grandes Causes si suscepti
bles des ornemens de l'Eloquence , d'où
l'on a eû soin d'ôter les épines du Pafais
, ne peut être que d'une agréable
lecture. On a encore l'avantage , comme
parle l'Auteur , d'y découvrir les Mysteres
de la Jurisprudence. Pour réussir
dans un pareil dessein , il faut unir à la
science de l'Avocat , Part d'écrire . Sans
cela on ne peut pas soutenir le poids de
cet Ouvrage. On ne veut point préve
nir ici le Jugement du Public sur le mé
rite de l'Auteur , tout ce que nous dirons
, c'est que ce Livre nous a parû fort
curieux , et les matieres interessantes ,
*
Dans le premier Tome on voit d'a- ·
bord l'Histoire du faux Martin Guerre
le plus impudent peut- être de tous les
imposteurs. C'est un faux Amphitrion
qui dispute au véritable son état. La se
conde
SEPTEMBRE. 1733. 2023
conde , Alcmene , Epouse du second Amphitrion
, étoit sans doute , suivant le
portrait qu'on nous en fait , plus belle
que la premiere.
Dans l'histoire suivante d'une fille qui
sauva la vie à son Amant , on juge que
son Plaidoyer éloquent et pathétique, a
dû attendrir ses Juges.
La Cause du Gueux de Vernon et de
Enfant reclamé par deux Meres , sont
deux sujets très-propres à exercer l'éloquence
des Avocats et les lumieres des
Juges. Toute une Ville veut remplacer
par un Gueux l'Enfant qu'une Bourgeoi
se aisée avoit perdu . Un Enfant de qua
lité , enlevé au moment de sa naissance ,
dénué de tous les titres qui pouvoient
prouver son état , est conservé miracu
leusement , pour ainsi dire , et vient se
jetter entre les bras de sa mere au bout
de neuf ans. Il a le bonheur de prouver
son Etat , quoique la mort air enlevé
ceux qui le lui ont ravi . Ce triomphe
de la verité lui fait beaucoup d'honneur ,
c'est peut-être celui qui a le plus coûté.
N'oublions pas de dire qu'après la Cause
du Gueux de Vernon , il y a un Plaidoyer
de M. Foureroy , en faveur des Médecins,
qui peut bien les dédommager des railleries
de Moliere.
Fij L'His2024
MERCURE DE FRANCE
L'Histoire de la Marquise de Brinvil→
liers est ensuite exposée dans toutes ses
circonstances. Le caractere de cette celebre
Criminelle est prodigieux et horrible
tout à la fois. On traite incidemment
une question fort curieuse sur la
Confession auriculaire.
Le sort funeste du sieur d'Anglade ,
fait le sujet de la derniere Cause du premier
Tome. Il est difficile de refuser des
larmes à la destinée de cet Innocent cons
damné , malgré la droiture et l'intégrité
des Juges, On voudroit pouvoir effacer.
ce Jugement des Archives du Palais et
de la mémoire des hommes. Les Jurisconsultes
trouveront une question bien
approfondie sur les dommages , interêts
dûs à l'innocence proscrite par un Jugement,
Le second Tome ne contient que deux
Causes. La premiere est celle du fameux
Caille. Un Parlement qui le déclare Cail
le , dans son Jugement ; un autre qui le
déclare P. Mege , dans le sien , font voir .
que la vraye décision étoit bien difficile
rencontrer, A la fin de cette Cause
on trouve la Lettre d'une Dame , où
l'on voit dans le Jugement qu'elle porte,
jusqu'où peut aller le bon sens d'une
femme d'esprit.
Le
↑
SEPTEMBRE
. 1733. 2025
Le sort tragique d'Urbain Grandier ;
accusé de Magie , est le sujet de la se
conde Cause . Une cabale puissante , un
grand Ministre , et des Juges Superieurs
mirent ce Grandier dans le rang des Ma→
giciens. Des Religieuses se donnerent
pour possédées de la façon de Grandier ;
elles firent illusion aux gens crédules ,
imposerent silence aux incrédules, et conduisirent
la Picce jusqu'à son dénoüment
, c'est-à-dire , jusqu'à la mort violente
de celui qu'elles avoient travesti en
Magicien.
L'Auteur entreprend une vaste carrie
re ; s'il peut la fournir , sa course durera
long-temps , puisqu'il parcourt tous les
Tribunaux
, et qu'il les regarde tous comme
étant de la compétence
de son Projet.
HISTOIRE DES YNCAs , Rois du
Pérou , depuis Manco - Capac , Fondateur de la,
Monarchie du Pérou , jusqu'à la Conquête de
cet Empire par les Espagnols , sous Atahualpa ,
dernier Ynca ; avec l'Histoire de la Floride , et de
la Conquête des Provinces de l'Amérique Septentrionale
, qui portent ce nom , par Ferdinand
Soto ; écrites l'une et l'autre en Espagnol , par
P'Ynca Garcilasso de la Vega , et enrichies de
figures gravées d'après les Desseins de Bernard
Picard , le Romain . A Amsterdam , chez Jean-
Frederic Bernard, M. DCC . X X XIV .
Le prix de cet Ouvrage , divisé en trois To-
Fij mes
2026 MERCURE DE FRANCE
mes in 4. qu'on propose par Souscription , sera
de neuf florins pour ceux qui s'engageront à l
prendre lorsqu'il sera en état de paroître , c'est -à
dire au 20. Septembre 1734. Ceux qui ne s'en ?
gageront pas le payeront quatorze , et comme
on n'en imprimera que très - peu d'Exemplaires ,
on ose assurer qu'il ne se vendra jamais à moins,
A l'égard du grand papier , on se propose de
n'en imprimer que 75. Exemplaires à f. 15. la
piéce , et seulement par Souscription . Mais pour
ce qui est du grand papier , on demande moitié
de la Souscription d'avance ; c'est - à- dire f. 7 :
10. s'il s'en souscrit moins de 75. on en imprimera
moins. Mais quoi qu'il en soit , le Libraire
n'en vendra jamais aucun Exemplaire au-delà
des Exemplaires souscrits , et cela sans équivoque
ni restriction .
Les Planches sont in quarto , au nombre de
vingt-cinq , y compris une Planche pour le Titre
; sans compter une Vignette et deux Cartes,
A quatre Desseins près , tous les autres sont
de feu M. Picart. Une grande partie des Planches
étant faites , les Curieux pourront donner
ordre de les voir chez le Libraire , afin qu'il n'y
ait aucune surprise .
Comme on se propose d'imprimer cet Ouvra
ge en Janvier prochain , on ne recevra des enga.
gemens que jusqu'à ce temps- là , er passé le premier
Janvier 1734. quelque prix qu'on offre du
grand papier , on n'en vendra jamais aucun .
Ceux qui voudront s'engager à prendre cet
Ouvrage quand il sera achevé , ou souscrire
pour le grand papier , s'adresseront à Paris ,
chez Jean Villette , fils , Libraire , rue S. Jacques.
à S. Bernard .
Nous
SEPTEMBR E. 1733. 2027
Nous avons appris au Public dans le
nier Mercure , que l'Académie Franise
avoit adjugé cette année le Prix
de la Poësie , à une Ode de la composition
de M. Isnard , de l'Oratoire , Professeur
de Réthorique à Soissons . On
sera , sans doute , bien aise de trouver
Ici une idée de cette Piece , dont le Sujet
est : les Progrès de la Sculpture sous le Regne
de Louts LE GRAND .
Le Poëte s'adressant à la Sculpture
même , commence ainsi :
O Toy , dont le Ciseau Rival de Promethét ,
Anume le métal transformé sous tes doigts ,
Et fait sortir au Marbre à ma vûe enchantée ,
Les Dieux , les Héros et les Rois.
Quelle est de ton pouvoir l'agréable imposture !
Tantôt d'une Action retraçant la peinture ,
Tu fais mouvoir tous ses ressorts.
Tantôt , des passions Interprète sublime ,
Sur le docile airain ton Art qui les exprime ,
En allume en moi les transports.
Vien , dis- moi les progrès de tes sçavantes
veilles ,
Dis -moi qui t'a rendu cette antique splendeur ,
Qui d'un Regne fameux , le centre des merveilles,
Doit éterniser la grandeur.
Fiiij Sur
2028 MERCURE DE FRANCE
Sur les débris de Rome élevant son Empire ,
Un Vainqueur (a) odieux contre les Arts conspire
,
Tu suivis ses barbares Loix.
Mais affranchie (6 ) enfin du joug de l'ignorance,
Le Destin , pour ta gloire et celle de la France ,
Fait naître le plus grand des Rois.
Il étale ensuite en plusieurs strophes
les merveilles de la Sculpture perfectionnée
sous ce grand Prince , en retraçant
les Morceaux les plus exquis qui ont
été executez par ses ordres , et par les
plus celebres Auteurs qu'il nomme , à
la tête desquels est Girardon , souvent
répeté dans ce dénombrement. L'Auteur,
qui est Provençal , a marqué une attention
particuliere pour le fameux P. Puget
, son compatriote , qui fut lui - même
son modele , et fut préferé aux plus habiles
Sculpteurs d'Italie . Voici comment
il parle de ses deux plus beaux Ouvrages ,
Infortuné Milon , un piege inévitable ,
Triomphe de ta force et va livrer tes jours ;
La pitié m'interesse à ton sort déplorable ;
par
( a ) Arts anéantis depuis le sac de Rome
Alaric , la Sculpture Gotique , introduite , &c.
(b) La belle Sculpture recommence sous Franfois
I se perfectionne sous Louis XIV. ¿c.
Attends
SEPTEMBRE . 1733. 2029
Attends : je vole à ton secours ...
Aimable illusion ! plus mon oeil t'envisage ,
Plus mon coeur s'attendrit , et ta vivante image
Me transmet tes vives douleurs.
Tout parle , tout me touche en ce divin Modele,
LOUIS Seul put former une main immortelle ,,
Digne de peindre tes malheurs.
Est-ce assez ? Quel objet plus effrayant encore !!
Andromede périt : un Monstre la dévore ...
C'en est fait ; Destin rigoureux !
Mais non. Un demi - Dieu vient signaler son zele,,
Fend les Airs , la délivre , et ce Marbre fidele
Mieux que lui la rend à mes voeux.
L'Ode est suivie de cette Priere pour
LE ROY .
Grand Dieu , ce Roy selon ton coeur ,,
Epuisa les beaux Arts * à décorer tes Temples .
Et porta ses Sujets , par d'augustes exemples ,
A rendre hommage à ta grandeur ..
Du Prince héritier de son zele ,.
Récompense la pieté :
Statues des Apôtres , des Vertus , &c. de la
Chapelle de Versailles , et celles de Notre- Dame:
de Paris.
Fv Que
2030 MERCURE DE FRANCE
Que son Regne cheri de son Peuple fidele ,
Fasse encor le bonheur de la Postérité.
Excudent alii spirantia molliùs ara,
Vivos ducent de marmore vultus.
Virg. Æneid. L. VI.
NOUVELLE HISTOIRE de l'Abbaye
Collegiale de S Filibert de la Ville de
Tournus , enrichie de figures , avec une
Table Chronologique , et quelques Remarques
Critiques sur le IV . Tome de
la nouvelle Gaule Chrétienne ; les Preuves
de l'Histoire , un Recueil d'Epitaphes
choisies , le Poüillié des Benefices
dépendans de l'Abbaye , et un Essai sur
l'Origine et la Généalogie des Comtes
de Châlons et de Mâcon , et des Sires
de Bauge. Par M. Pierre Juenin , Chanoine
de la même Abbaye , 1733 in 4.
2. vol. A Dijon , chez Antoine de Fay ,
Imprimeur des Etats , de la Ville et de
l'Université .
HISTOIRE ANCIENNE DES EGYPTIENS ,
des Carthaginois , des Assyriens , des
Babyloniens , des Medes et des Perses ,
des Macédoniens , des Grecs . Par M. Rollin
, ancien Recteur de l'Université de
Paris , Professeur d'Eloquence au College
SEPTEMBRE. 1733 .
2031
lege Royal , et As ocié à l'Académie
Royale des Inscriptions et Belles- Lettres
. Tome V. A Paris , chez la Veuve
Etienne , Libraire , ruë S. Jacques , 1733 .
pp . 650.
LE TEMPLE DES MUSES , orné de 60.
Tableaux, où sont représentez les Evenemens
les plus remarquables de l'Antiqui
té fabuleuse ; dessinez et gravez par B.
Picart le Romain , et autres habiles Maîtres
, et accompagnez d'Explications et
Remarques , qui découvrent le vrai sens
des Fables et le fondement qu'elles ont
dans l'Histoire. A Amsterdam , chez Zacharie
Chatelain , 1733. in fol.
Cet Ouvrage est fort different de celui
que l'Abbé de Marolles fit imprimer
à Paris en 1655. sous le titre de Ta
bleaux du Temple des Muses , tirez du Cabinet
de M. Favereau , & c.
REFLEXIONS CRITIQUES sur la
Poësie et sur la Peinture . Nouvelle Edition
, revûë , corrigée et considerablement
augmentée. A Paris , ruë S. Facchez
Mariette, aux Colomnes d'Her
cule , 1733. 3. volumes in 12. de plus de
1400. pages.
ques ,
F vj
LI
2032 MERCURE DE FRANCE
LIVRES que Cavelier , Libraire à
Paris , rue S. Jacques , a nouvellement
reçûs des Pays Etrangers.
Plutarchi vita Parallelæ cum singulis aliquot
græcè et latinè; adduntur variantes Lectiones;
recensuit Aug. Bryanus , Gr . Lat. 5. vol. in 4.
Londuni , 1729. Carta Imperiali.
MEMOIRES Secrets de la Cour de France , conte
nant les Intrigues du Cabinet pendant la Minorité
de Louis XIV . 3. volumes in 12.
Amst. 1733.
> NOVA Acta Eruditorum anno 1732 in
Lipsia.
4.
Gebaveri ( Georg . Christ . ) Anthologicarum
Dessertationum Liber , et Collegiorum Lipsiensium
Historia , in 8. Lipsia , 1733 .
Heisenii ( Henr. ) Oratio de Eloquentia vet.
Germanorum
, in 4. Brema , 1732.
RAV. ( Just. ) Philosophia Lactantii , in 8 .
Jena , 1733.
HEINNECCII ( Got. ) Fundamenta Stili Cultioris
, regulis perspicuis adornata , in 8. Lipsia
1733.
Bose ( Mat. ) Comment. in Eclipsim Terra
13. Maii 1733. in 4. Lipsia , 1733 .
DICTIONAIRE Médical , contenant la Méthode
la plus recevable pour connoître et guérir
les Maladies par des Remedes simples , &c.
On y a joint la Maladie des Chevaux , avec
les Remedes propres à les guérir , par I. G.
Docteur en Médecine. 2. vol . in 12. Bruxelles
, 1733.
DOUGLAS ( Jac. ) Descriptio Peritonæi et Membrana
Cellolaris , ex Anglico Latinè , versa.
cura
SEPTEMBRE . 1733 2033
cum Annotationibus Heisferi , in 8. Helmsfadii
, 1733 .
LILUM Lapideum , ex Commentatione Jo . Harembergi
, cum Fig. in 4. 1729.
BRUNKMANNI ( Fr. ) de Lapidibus Odoratis ,
in 4. Fig. Volfembutella , 1719 .
STENTZELII ( God . ) Medicina Theoretico
Practica , in 8. Francofurti , 1732.
Ejusd. Texicologia Pashologico - Medica ,
sive de venenis , in 4. Visemberga , 1733 .
STAHLII ( Georg ) . Experimenta, Observationes,
Animadversiones 300. Numero , Chimica et
Physicæ in 8. Berolini , 1731.
ADOLPHI ( MIC . ) Tractatus de Fontibus quibusdam
Soteriis , in . 8. Lipsia , i - 33.
HAHN ( Got. ) Variolarum Antiquitates , in 4.
Briga , 1733-
BELLINI ( Laur. ) de Urinis et Pulsibus Sangui
guinis Missione , Febribus , Capitis - Pectoris
que Morbis , cum Præfatione Boerhaave ,
in 4, Lipsia , 1731.
ALBERTI ( Mic. ) Tractatus de Hæmorrhoidi
bus , in 4. Hala , 1722.
Ejusd. Jurisprudentiæ Medicæ , Tomus tertius
, novis casibus Forensibus et Clinicis lo
cupletatus , in 4. Scheuberga , 1733 , N. B. en.
Allemand.
JUNCSTER ( Jo. Methodo Stahliana , Conspec
tus Medicina , Chirurgie , Therapiæ Formus
larum et Chemiæ , 5. vol . in 4. Hala.
Guillaume Cavelier , Pierre- François Giffart ,
Libraires , rue S. Jacques , et Pierre Prault , aussi
Libraire , sur le Quay de Gesvres , viennent
de mettre en vente un Ouvrage intitulé : OBSERVATIONS
importantes sur le Manuel des Ac-
COV
2034 MERCURE DE FRANCE
couchemens , &c. traduites du Latin de M. Henry
Deventer , Docteur en Medecine , et augmentées
de Reflexions sur les points les plus interessans , par
Jacques-Jean Bruhier d'Ablaincourt ,Docteur en la
même Faculté; in 4. de 432.P. sans les Préfaces et
P'Epitre Dédicatoire à M. Chicoyneau , premier
Médecin du Roy. Planches détachées XL .
Nous avons reçû une Lettre dattée de Paris ,
du 5 Juin , par laquelle la Personne qui l'écrit ,
après avoir parlé de la nécessité et des avantatages
de la memoire , sur tout à l'égard des
Gens de Lettres , nous prie de publier ce
qu'elle contient , qui consiste principalement à
engager les Sçavans de vouloir nous marquer les
differens moyens qu'on peut mettre en pratique
ou qu'ils ont eux - mêmes mis en usage pour la
cultiver , la conserver et pour prévenir ce qui
pourroit l'affoiblir. Nous ferons avec plaisir part
au Public de ce qu'on écrira sur ce sujet , qui
n'a pas encore parû dans ce Journal.
Le sieur Royllet , Ecrivain Juré , et de la Societé
des Arts , demeurant à Paris , rue de la
Verrerie , qui a donné au Public un Traité des
Principes de l'Ecriture, va encore donner un autre
Traité des Principes de l'Arithmétique , Changes
Etrangers , Compres à parties doubles Arbitrages
, &c. Il fera des Demostrations gratis ,
sur l'une et l'autre matiere , les Mardis de chaque
Semaine.
PROSEPTEMBRE.
1733. 2035
PROGRAMME de l'Academie Royale
des Belles- Lettres , Sciences et Aris de
Bordeaux.
LA
' Académie propose à tous les Sçavans de
l'Europe , un Prix fondé par feu M. le Duc
DE LA FORCE . C'est une Médaille d'Or de la
valeur de trois cent livres.
Elle est destinée à celui qui expliquera avec le
plus de probabilité la Formation des Pierres . Ce
Prix sera distribué le 25. d'Août de l'année 1734.
jour de la Fête de S. Louis .
Il sera libre d'envoyer les Dissertations en
François ou en Latin , mais elles ne seront reçues
pour le concours , que jusqu'au premier
May prochain inclusivement .
Au bas des Dissertations il y aura une Sentence
, et l'Auteur mettra dans un billet séparé
et cacheté , la même Sentence , avec son nom ,
ses qualitez et son adresse .
Les Paquets seront affranchis de port , et adressez
à M. Sarrau , Secretaire de l'Académie , ruë de
Gourgues , ou au sieur Brun , Imprimeur de l'Académie
, ruë S. James .
A Bordeaux , le 25. Août 1733..
Le Samedi 22. Août , l'Académie Royale des
Sciences , élut Mrs Godin et Bouguer , de cette
Compagnie , et M. Plantade , de la Societé Royale
de Montpellier , pour remplir , au choix de
Roy , la Place de Pensionnaire Astronôme , vacante
depuis quelque temps par la mort de
M. le Chevalier de Louville , et le Samedi 29.
du même mois , le Comte de Maurepas , écrivit
à la Compagnie , que le Roy avoit choisi M. Godin.
2016 MERCURE DE FRANCE
On apprend de Rome , que le 1o. du mois
dernier , P'Académie des Infeconds , tint une Assemblée
publique dans une des Sales du Palais du
Duc Riario de la Longara , laquelle étoit ornée
avec beaucoup de magnificence ; plusieurs Cardinaux
y assisterent , et divers Membres de
cette Académie réciterent des Pieces de Poësie ,
qui furent applaudies.
Tout ce qui peut concourir à étendre , augmenter
ou perfectionner les Arts , ne doit jamais ,
être négligé dans un Livre tel que celui - cy ,.
même pour les choses qui ne paroissent pas d'u
ne grande importance. L'utilité que les jeunes
gens peuvent tirer de deux Machines que le sieur
Deshayes , Maître à Danser a inventées , et que
l'Académie Royale des Sciences a approuvées ,
ont un juste rapport à ce petit raisonnement.
L'une de ces Machines sert à faire tenir la tête
droite , les épaules en arriere et le corps dans .
l'équilibre qu'il doit avoir ; elle sett beaucoup
pour les premiers principes de la Danse , et plus
encore l'autre , qui assujettit à marcher avec.
grace, les pieds en- dehors , plusieurs jeunes gens
éprouvent l'utilité de cette nouvelle invention
chez divers Maîtres de Pension ..
Le sieur Deshayes demeure ruë Charlot , au Ma.
rais , chez un Tapissier..
QUESTION.
Si le luxe dans les habillemens est plus à justi
fier à l'égard des personnes laides , qu'à l'égard,
des belles ?
Il paroît une nouvelle Estampe d'après Wauvermans
, faite sur le Tableau Original du Cabinets
? SEPTEMBRE. 1733. 2037
binet de M. Hallée , de 19. pouces de large , sur
15. représentant une Course de Bague , d'une
très- belle ordonnance et d'une composition riche
et ingénieuse. Le sieur Moyreaus , qui a grave
"cette Estampe , la vend chez lui , ruë Galande ,
vis- à- vis S. Blaise.
Deux autres nouvelles Estampes en large , de
la suite du Roman Comique de Scarron , paroissent
chez Surugue , rue des Noyers , d'après les
Tableaux du sieur Pater ; la composition en est
heureuse et bien executée. Le premier Sujet gravé
par le sieur Lépicié , est tiré du Chap. 10. du
2. Tome du Roman Comique , et représente la
Piramide d'ailes et de cuisses de Poulets , élevée sur
l'assiete du Destin par Mad . Bouvillon.
Le second Sujet , gravé par le sieur Surugue
représente Mad. Bouvillon , qui , pour tenter le
Destin , le prie de lui chercher une puce , tiré du
même second Tome , Chap . XI ,
Le sieur Grégoire , Peintre , et seul Restaura
teur des Tableaux de l'Eglise de Paris , a trouvé
le secret de nettoyer les Tableaux sans y causer
la moindre altération , ce qu'il a fait voir sur
ceux de Notre-Dame , qui ont été vûs et examinez
par Mrs de l'Académie Royale de Peinture
et Sculpture , qui lui en ont donné un Certificat.
Il nettoye et rétablit aussi toutes sortes de Tableaux
peints sur Toile , sur Cuivre , sur Bois ,
sur Verre , sur Papier ; Peinture en huile sur
Plâtre , et couleurs à fresque. Il nettoye aussi
toutes sortes d'Ouvrages en Marbre , comme
Statues , Bustes , Bas- Reliefs et autres , sans diminuer
aucunement l'esprit de la figure ; il entreprend
également toutes sortes de Tableaux
d'His
2018 MERCURE DE FRANCE
d'Histoire Sainte et Profane , Portraits , Paysages
, Tableaux de Fleurs , de Fruits et de Perspectives
et Tableaux d'Aurel ; et pour les Mai
sons particulieres , Dessus de Portes et de Che
minées ; entreprend géneralement tout ce qui
concerne la Peinture , Sculpture et Dorure ; remet
aussi sur toile toutes sortes de Tabicaux en
quelque état qu'ils puissent être .
Le sieur Grégoire , demeure à Paris , Parvis
Notre Dame , entre un Notaire et un Perruquier
du côté du Claire , au troisieme Appartement.
Le sieur Lescure , cy -devant Chirurgien des
Gardes du Corps de la Reine d'Espagne , continue
de distribuer avec Privilege du Roy , un
Remede en forme de Sel , specifique pour la guérison
de l'Epilepsie ou mal caduc , vapeurs , soit
convulsives , histeriques ou simples vertiges et
étourdissemens , paralisie , tremblement et foiblesses
de nerfs. Il est très bon dans toutes les
maladies qui attaquent le genre nerveux . La
preuve de son excellence , sont les Experiences
qui en ont été faites , tant à l'Hôpital General ,
que sous les yeux de plusieurs celebres Médecins
de la Faculté de Paris sur un grand nombre de
malades de tout sexe, de differens âges, et temperamens.
Ce Remede opere la guérison de ces fâcheuses
maladies avec douceur , il purifie la masse du
sang , dissipe les obstructions et corrige lès humeurs
acides et gluantes qui picottent et embarassent
les nerfs ; il est facile à prendre et n'agit
que suivant la disposition des humeurs , conser
ve toujours sa vertu et peut se transporter par
tout sans souffrir la moindre altération .
Le sieur Lescure demeure ruë du Jour , vis-àvis
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONS
Je suis au comble de mes voeux.
BRU
IT
IR NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND TILDEN
FOUNDATIONS
.
Are demeure rue du Jour , vis-àvis
8 SEPTEMBRE
. 1733. 2019
H
vis le grand Portail d: S. Eustache , à Paris ,ceux
qui lui écriront des Provinces, auront soin d'affranchir
leurs Fettres.
Le sieur Dugeron , ancien Chirurgien d'Armée
, donne avis qu'il a fait la découverte du
Remede qui préserve les dents de se gâter et de
tomber ; il donne la maniere facile d'en faire
usage , et met son nom et le prix sur ses boëtes.
Il en a de deux , de trois et de quatre livres . Sa
demeure , avec Tableau , est à Paris „ ruë du Four .
près S. Eustache.
*******:*:*******
J
CHANSON.
E ne veux point faire de choix ,
Entre le bon vin et ma Maîtresse ;
Je ne veux point faire de choix ;
Oui , je bois et j'aime à la fois ,
Le verre en main ,
Le Dieu du vin ,
Avec son jus me verse l'allegresse ,
12 Ah quelle yvresse .
Auprès de quelqu'objet charmant ,
Le Dieu d'Amour m'occupe tendrement ,
Ah ! qu'il me blesse agréablement !
Venez tous deux ,
Me rendre heureux ;
Amour , Bacchus , partagez ma tendresse ,
Par votre adresse ,
Je suis au comble de mes voeux .
BRU
2040 MERCURE DE FRANCE
BRUNETTE.
Loin du Berger que j'aime ,
Je souffre incessamment.
Ah ! qu'un amour extrême ,
Est un cruel tourment !
M
Dans mon impatience ,
Je languis et je crains ;
Dieux qu'une longue absence ,
Nous cause de chagrins.
Tircis est- il fidelle >
S'occupe- t'il de moy ?
Quelle peine mortelle ,
S'il me manque de foy !
SPECTACLES
.
Es Comédiens François ont reçû de-
Luis quelque temps une Comédie
en Vers , en cinq Actes , intitulée la
Fausse Antipatie , qu'on doit jouer dans
peu.
Sur la fin du mois dernier , M. de
Voltaire , lût à l'Assemblée des Comédiens
SEPTEMBRE. 1733. 2041
diens François , une Tragédie nouvelle
e sa composition , sous le titre d'Adelaide
, qui fut unaniment reçûe , pour
être représentée au commencement de
hyver.
Les mêmes Comédiens ont aussi reçû
depuis peu une petite Comédie ,.
sous le titre de la Coquette Amoureuse ,
u'on doit jouer incessamment .
Ils ont encore reçû peu de jours après ,
une Tragédie nouvelle , dont le sujet
adéja été traité : elle est intitulée , Marie
Stuart.
Au commencement de ce mois , les
mêmes Comédiens remirent au Théatre
la Tragédie de Tiridate , et la " petite
Piece du François à Londres , dont les
principaux Rôles furent jouez par le
sieur Prin , nouveau Comédien , qui y
fut applaudi. Il a été encore plus applaudi
dans le Rôle d'Oedipe , qu'il a
joué depuis , dans la Tragédie de M. de
Voltaire.
Le même Rôle d'Oedipe a aussi été
joué par le sieur Fleury , qui y a été
applaudi.
L'Académie Royale de Musique ne doit
tesser le Balet des Fêtes Grecques et Rɔmaines
, qu'au dernier de ce mois , après
plus
2042 MERCURE DE FRANCE
plus de cinquante Représentations consécutives
ce qui marque à quel dégré
cet Ouvrage est agréable au Public.
On donnera le premier Octobre le
nouvel Opera d'Hypolite et Aricie , Tragédie
, dont nous rendrons compte àરે
nos Lecteurs dans le prochain Mercure.
EXTRAIT de la petite Comédie en
Vers libres et en un Acte , jouée an
Théatre Italien , qui apour titre le Bouquet
, annoncée dans le dernier Mercure
R
Osimont et le Chevalier Muguet , se
·rencontrent dans un Jardin public ,
où a Scene se passe Rosimont reproche
au chevalier , son ancien ami , de ne lui
avoir pas fait sçavoir plutôt son arrivée le
Chevalier s'excuse sur un nouvel amour
qui l'a occupé tour entier , malgré son
inconstance ordinaire ; Rosimont est surpris
d'un amour si sérieux ; le Chevalier
fait l'éloge de l'Inconstance , et Rosimont
celui de la Fidelité ; le premier proteste
que son nouvel amour sera constant , et
se flatte d'obtenir en mariage celle qui
en est l'objet ; il lui dit que ce jour étant
la Fête de sa nouvelle Maîtresse , il a
chargé Tricolor , son Valet , de lui présenter
un Bouquet de sa part. Tricolor
vient
SEPTEMBRE. 1733. 2043
fent avec le Bouquet ; Rosimont , en
'examinant , plaisante sur quelques Paillons
qui sont sur les fleurs , attendu
qu'ils sont le simbole de la légereté ; le
Chevalier lui dit que son inconstance
naturelle , exprimée dans son Bouquet ,
est un nouveau trophée pour la Beauté
qui en a triomphé ; il promet à Rosinont
de lui apprendre le succès de son
amour ,quand il en sera temps.
Rosimont doute fort de ce prétendu
succès, et quitte le Chevalier pour s'aller
promener dans une autre allée du Jardin,
dans l'esperance d'y rencontrer Florise
son ancienne Maîtresse. Violette , Suivante
de Jacinte , nouvelle Maîtresse du Che
valier , arrive ; le Chevalier lui demande
vec empressement des nouvelles de sa
Maîtresse ; Tricolor lui en demande d'ele
même ; le Chevalier Muguet lui ordonne
de se taire ; mais ce Valet lui ré
pond que c'est à lui à parler , puisqu'il
est l'Amant de Violette , et qu'il
n'auroit pas l'indiscrétion de l'interromare
s'il parloit à Jacinte , sa Maîtresse.
Le Chevalier se retire pour laisser son
Valet en liberté de faire le message dont
il l'a chargé. Aprés une conversation
courte et badine entre Tricolor et la
Soubrette , la Maîtresse arrive . Le Valet
2044 MERCURE DE FRANCE
let lui présente le Bouquet de son Maître
, Jacinte le reçoit avec plaisir , mais
y voyant briller quelques diamans , elle
veut le rendre à Tricolor . Violette s'en
saisit , de peur que sa Maîtresse ne le
refuse par bienséance . Jacinte qui craint
la sévérité de son pere , consent à le
garder , pourvû qu'elle puisse cacher
qu'il vient de la main d'un Amant. Elle
ordonne à Violette de le porter à sa cousine
Florise , Maîtresse de Rosimond ,
afin qu'elle paroisse l'Auteur de cette
galanterie ; ce projet est executé , Florise
veut pourtant avoir le plaisir de s'en
parer pour quelques heures . Rosimont ,
que le Chevalier a instruit du favorable
accueil que sa nouvelle Maîtresse a fait
à son Bouquet , sans pourtant lui apprendre
son nom , est très- surpris en
trouvant Florise , son Amante , de voir
ce fatal Bouquet sur son sein ; sa jalousie
ne peut s'empêcher d'éclater , il reproche
à Florise une infidélité dont elle
ose faire parade à ses yeux . Florise ne
comprend rien aux reproches qu'il lui
fait , et ne doute point qu'il ne prenne ,
d'une inconstance prétendue , un prétexte
pour en autoriser un veritable. Ils
se quittent très - mal satisfaits l'un de
Pautre , Florise sort.
Le
SEPTEMBRE. 1733- 2045
Le Chevalier arrive , transporté de
joye il vient joindre Rosimond , pour
lui dire que ses affaires vont à merveille,
que le Bouquet a été reçû favorablement,
et qu'il va posseder sa charmante Maîtresse
; Rosimont , peu satisfait de cette
confidence , lui répond d'un air sérieux
que cette nouvelle Maîtresse dont il vante
tant la fidelité , n'est qu'une volige ,
et que c'est lui , Rosimont , qu'elle aimoit
; le Chevalier rèpond d'un ton babadin
que cela pourroit bien être ; Rosirmont
qui prend ces discours pour une
plaisanterie , dit au Chevalier qu'il ne
lui enlevera pas impunément sa conquêté
; ils se querellent tout de bon , et prêts
à sortir pour aller terminer ailleurs leur
different à la pointe de l'épée , Florise
et Jacinte parée du Bouquet , arrivent ;
elles trouvent leurs Amans fort agitez , elles
leur demande le sujet de leur dispute;
Rosimont reproche à Florise d'aimer le
Chevalier , puisque c'est elle qui s'est parée
de son Bouquet ; le Chevalier ne
comprend rien à ce reproche , n'ayant
jamais vû , dit- il , Florise ; Jacinte reproche
aussi au Chevalier de courir de
Belle en Belle ; Violette, arrive , qui développe
1 : quiproquo du Bouquet , en
disant que Florise ne s'en étoit parée
G qu'à
2046 MERCURE DE FRANCE
qu'à la priere de sa Cousine , & c . Les
deux Amans conviennent de la bonne.
foi de leurs Maîtresses , se raccommodent
avec elles et sortent ensemble pour
aller demander le consentement à leurs
parens pour célebrer ce double Mariage.
Cette Piece , qui a été applaudie , est
des sieurs Romagnesy et Riccoboni ; elle
est terminée par une Fête très - galante'
mise en Musique par M. Mouret.
Le 2, et le 6. Septembre , les mêmes
Comédiens remirent au Théatre la Comédie
du Prince Malade ou les Jeux
Olympiques , et la petite Piece du Je ne
sçai quoi , dans lesquelles le sieur Berard,
nouveau Chanteur , chanta differens Airs
des Divertissemens de la premiere Piece ,
avec applaudissement; il chanta aussi dans
la seconde Piece la Scene du Maître à
Chanter , qui est une Parodie d'une Scene
du Balet des Fêtes Venitiennes . Ce nouvel
Acteur est jeune , bien fait , et a la
voix très-jolie ; il a été fort goûté et applaudi
du Public.
EXSEPTEMBRE.
1733. 2047
EXTRAIT de la petite Piece de l'Isle
du Mariage , de l'Opera Comique, représentée
le 20. Août , annoncée dans le
dernier Mercure.
L
E Théatre représente une Isle , et
la Mer dans l'éloignement ; on y voit
le Temple de l'Hymen caractérisé avec
ses attributs. L'Hymen ouvre la Scene
par ce Vaudeville , sur l'Air des Folies
d'Espagne.
Tendres Epoux , dont j'ai fini les peines,
Vous , qui goûtez les plaisirs les plus doux ,
Chantez ici le pouvoir de mes chaines ;
Dans ces beaux lieux , venez , heureux Epoux.
L'Hymen surpris de ne voir personne ,
continue de les appeller et de les exciter
au plaisir. L'Indifference personifiée paroît
seule , et chaute sur l'Air du Badinage.
Pour un Dieu comme vous
Vous n'êtes pas trop sage
D'insulter aux Epoux ,
Dans leur triste esclavage ;
Aujourd'hui qui s'engage ,
Sons les loix de l'Hymen ,
Demain ,
Renonce au badinage.
Gij L'In2048
MERCURE DE FRANCE
L'Indifference lui fait entendre que
les coeurs lui appartiennent de droit ;
aussi-tôt qu'ils sont sous son Empire , mais
Hymen rejette sur elle les mauvais procedez
des Epoux , & c.
Un Vieillard survient , qui a épousé
par inclination une jeune fille ; il se plaint
à l'Hymen de n'être point aimé , celuicy
lui répond que c'est plutôt sa faute
que la sienne , et qu'il ne doit pas lui
imputer une sottise que l'Amour lui a
fait faire , & c.
Une petite fille arrive , qui dit à
'Hymen qu'elle va se marier à un Amant
qu'elle aime , et que sa Mere veut lui
en donner un autre qu'elle n'aime point;
elle fait le portrait de tous les deux par
ce Vaudeville , qu'elle chante sur un Air
de la Comédie Italienne:
L'un est contrariant , farouche ;
Il n'a que des sermons en bouche ;
C'est un vrai Gaulois,
LOKA
L'autre est complaisant et traitable
Il badine , il aime la rable ,
C'est un vrai François ,
Autre sur l'Air des Débuts,
Quand celui-cy me sçait seulette ,
Pans ma chambre il aime à monter ;
D'abord
س و
LAYA DIL
2949 *755•
Dabord à mon col il se jette.
L'Hymen
C'est fort bien débuter.
La petite Fille.
Mais l'autre avec un air benest ,
Attend qu'on me fasse descendre'
Il me salue et puis se taist.
L'Hymen.
C'est mal s'y prendre.
La petite Fille quitte l'Hymen en le
conjurant de l'unir à l'Amant qu'elle
aime , & c.
- Un Gascon arrive et dit à l'Hymen
que si complaisance l'a conduit dans
son Temple , plutôt que lAmour , et
qu'il se fait violence pour épouser une
fille , belle , riche , sage , jeune & noble ,
il chante sur l'Air du Cap de bonne esperance.
J'attendris la plus cruelle ,
Panéantis son orgueil ,
La Beauté la plus rebelle .
M'évite comme un écueil ;
Aux Maris je fais la guerre
Mon aspect les desespere ;
Je suis leur épouvantail .
L'Univers est mon Serrail.
Ginj I
2050 MERCURE DE FRANCE
Il dit en sortant qu'il ne veut poing
se gêner en rien , et qu'il est comptable
de tous ses momens à l'Amour.
Un Suisse survient , qui se loüe fort
de l'Hymen , puisqu'il lui a donné une
femme qui , non seulement à la complaisance
de le laisser boire tant qu'il
veut , mais qui boit aussi de même pour
lui tenir compagnie.
Une jeune femme vient se plaindre
au Dieu de l'Hymen , de ce que depuis
qu'elle est mariée , son Mari lui préfere
une Maîtresse laide et coquette.
L'Hymen la plaint et blâme l'injustice
de son Epoux ; elle répond par ce Vaudeville
, sur l'Air : Charmante Gabrielle.
L'Amant est tout de flamme ,
Quand il veut être Epoux ,
Mais l'Hymen dans son ame
Eteint des feux si doux :
Triste ceremonię
Malheureux jour !
Si -tôt qu'on se marie ,
Adieu l'Amour.
Elle quitte l'Hymen , qui lui dit de
tout esperer de ses charmes et de sa
vertu .
Un gros Fermier vient remercier l'Hy .
men ,
SEPTEMBRE. 1733. 201
men , de lui avoir donné une femme
qui , par sa bonne mine , fait venir l'eau
au Moulin , il lui fait entendre qu'elle
est aimée du Seigneur de son Village
qui est complaisant , généreux et qu'il
a mille bontez pour lui ; l'Hymen répond
qu'il est charmé d'avoir fait son
bonheur et chante sur l'Air des Fraises.
Combien d'Epoux malheureux ,
Pour mieux vivre à leur aise ,
Prudemment ferment les yeux ,
Et suivent l'exemple heureux ,
Dé Blaise *, de Blaise , de Blaise
Léonore arrive avec sa Suivante Olivette
; elle est fort surprise de ne pas
trouver Léandre son Amant au Temple
de l'Hymen ce Dieu la questionne
et lui demande quel chemin elle a pris
pour arriver dans son Isle ; elle lui répond
sur l'Air de la Ceinture.
Nous avons du Temple d'Amour ,
Parcouru le séjour aimable.
L'Hymen.
Pour arriver droit à ma Cour ,
La route n'est pas favorable.
Enfin Léandre arrive , accompagné de
Pierrot , qui dit à Olivette qu'ayant pris
Giiij . le
2052 MERCURE DE FRANCE
le même chemin que son Maître , elle
doit aussi faire son bonheur. Léandre
épouse Léonore sous les auspices de l'Hymen
, qui leur promet mille douceurs ,
à quoi Olivette répond sur l'Air du
Charivari.
L'Hymen dore la pilule ,
C'est un Matois .
Dès qu'une fille crédule ,
Est sous ses Loix ,
Que fait près d'elle sọn Mary
Charivari.
Léandre dit à sa Maîtresse , sur l'Air
J'entends déja le bruit des Armes.
Couronnez l'ardeur qui me presse ,
Dans ce Temple portons nos pas ;
L'Amour m'y conduira sans cesse
Oui , j'en jure par vos appas.
Léonore.
C'est l'Amant qui fait la promesse ;
Mais l'Epoux ne la tiendra. pas.
Cette Piece , qui a été goûtée du Pưblic
, finit par un Balet caractérisé , sui .
vi d'un Vaudeville ; elle est de la conposition
de M. Carolet , qui travaille à
donner un 9. volume du Théatre de la
Foire , qui contiendra onze Pieces de sa
composition.
SEPTEMBRE. 1733. 2053
VAUDEVILLE.
L'Hymen a quelquefois des charmes ,
Quand l'Amour lui préte ses Armes ;
Sous son Empire tout nous rit ;
Mais souvent l'Amour fait retraire
Tâtez- en tourelourirette ,
Si le coeur vous en dit.
*
Un Abbé dans une ruelle ,
En secret amuse une Belle ,
Un Petit Maître l'étourdit ;
De. l'Abbé je ferois emplette ;
Tâtez-en , & c.
M
18
;
Si cette Piece à sçû vous plaire',
Pour l'Auteur , quel plus doux salaire !'
Votre suffrage lui suffit ;
La voila telle qu'elle est faite ,
Tâtez en , tourelourirette ',,
Si le coeur vous en dit.-
•
Le 9. Septembre , l'Opera Comique"
donna une Piece nouvelle d'un Acte
en Vaudeville , intitulé : Zéphire et la
Lune , ou la Nuit d'Elé. Elle fut précé--
dée d'un Prologue nouveau , qui a pour
Gy titre ,
2054 MERCURE DE FRANCE
titre , l'Impromptu. Ces deux Pieces sont
terminées par le Baler Pantomine des
Ages , dont on a déja parlé , et qui fait
toujours beaucoup de plaisir .
NOUVELLES ETRANGERES.
TURQUIE ET PERSE.
Elon les Dépêches d'Achmet-Pacha Commandant
à Bagdad , Thamas Kouli- Kan étant
instruit que l'Armée de Topal Osman , devoit
être augmentée considerablement , avoit abandonné
le projet de s'emparer de cette importante
Place , et les Troupes qui en faisoient le blocus
, avoient abandonné leur Camp pour l'aller
joindre auprès de Moussoul.
Ces Lettres ajoûtent que la disette et les maladies
avoient fort diminué l'Armée Persanne , et
qu'elle étoit fort inferieure à celle des Turcs. "
On a appris aussi qu'un Corps de 10000. Jannissaires
, à qui Topal Osman avoit ordonné
d'observer les mouvemens des Ennemis , avoit
attaqué un de leurs Convois et s'en étoit rendu
maître.
Les 15000. Janissaires qu'on envoye à Topal
Osman , ont dû arriver dans son Camp le 9.
Juillet.
Plusieurs Lettres confirment que les 40000.
Tartares qui ont reçû ordre de marcher en Geor-
"gie , y sont entrez vers le 15. Juin.
A
SEPTEMBRE. 1733. 2055
Constantinople le 14. Août 1733 .
A nouvelle qu'on reçut ici le 7. Août au soir,
de Lie la grande victoire remportée par l'Armée
Turque sur les Persans , et dont on espere que
les suites seront aussi avantageuses à l'Empire
Ottoman , que glorieuses à Topal Osman , fut
annoncée au Public entre neuf et dix heures par
une salve de plus de cent. Pieces de Canon du
Serrail de Top- Hana , de l'Arsenal , des Vaisseaux
et des Galeres du Grand Seigneur, ce qui a
été repeté chacun des trois jours suivans . Voici
ce qu'on a pû recueillir de diverses Lettres , surtout
de celles du General Topal Osman Pacha.
>
*
Quelques jours avant l'arrivée de ce Pacha à
Kerkoud , Thamas Kouli- Kan , dont la valeur
est ternie par une présomption insupportable ,
écrivit au Pacha de cette Ville , que regardant
Bagdad comme une Place qui étoit déja en son
pouvoir, il comptoit de finir la Campagne par la
prise d'Alep , après s'être emparé en chemin
faisant de Kerkoud , de Mossul , de Diabékir
&c.que cependant ayant appris qu'un certain Gé.
néral Turc , dont la lenteur ne lui donnoit pas
une grande idée de son courage , étoit en marche
depuis long- temps , pour venir s'opposer à
ses conquêtes , il le prioit de mander à ce Général
de se hâter un peu plus , parce qu'il étoit
pressé, et que pour lui abreger le chemin , il
iroit bien- tôt à sa rencontre avec une partie de
son Armée , qui suffiroit de reste pour le faire:
repentir de sa témérité.
Le Pacha de Kerkoud , ayant communiqué
cette insolente Lettre à Topal -Osman , ce der
nier se chargea de répondre à Thamas Kouli
Kan , et le fit à peu près dans ces termes.
Ge vj Quoi
2056 MERCURE DE FRANCE
*
Quoique le G. S. mon Maitre , ait des Soldats
en aussi grand nombre que le sable de la Mer , er
qu'indépendamment de son G. V. il pourroit choi
sir parmi ses Pachas des Chefs pour les commander,
dont la réputation seule seroit capable de t'anéantir,
cependant Sa Hautesse a crû que ce seroit assez.
pour réprimer ton orgueil , que de t'opposer quelques-
unes de ses Troupes , et de mettre à leur tête
un pauvre Boiteux , chargé d'ans et d'infirmitez,
tel que je le suis , et j'espere qu'avec le secours die
Tout-Puissant , en qui je me confie , et qui se sert
souvent des instrumens les plus méprisables pour
confondre les superbes comme toy , il te fera
éprouver par mon moyen un sort pareil à celui
qu'eut autrefois Nimbrout ** lequel voulant s'égater
à Dieu, fut puni de sa vanité impie , en péris
sant dans les douleurs que lui causa une simple
Moucke qui lui étoit entrée par le nez et avoit pénetré
jusques dans le cerveau.
Kouli- Kan s'étant effectivement mis en moùvement
, partit des environs de Bagdad avec l'é-
Lite de ses Troupes , au nombre de 80000. hommes
, dont toute la Cavalerie étoit armée de
maille; et Topal Osman continuant sa route le
long du Tigre , avec plus de cent mille Combattans
; les deux Amées se trouverent en présence
à la pointe du jour le 19. Juillet dans la Plaine
Udjoum qui est à la moitié chemin de Ker
koud à Bagdad , environ à 10. à 12. lieuës de
l'une à l'autre Place.
Le Général Persan faisoit marcher la sienne
dans un ordre de Bataille , à peu près semblable
à celui qui s'observe en Europe , et celle de Topal-
Osman fut rangée sur les bords du Fleuve.
** Topal' en Turc , signifie Boiteux.
** C'est une des Traditions Mabométanes .
Ca
SEPTEMBRE. 17 : 3 2057
Ce Bacha se posta dans le centre avec les Trou
pes de Romelie , sur lesquelles il comptoit le
plus , et mit aux premiers rangs les Curdes , de
la bravoure desquels il se méfioit , et sur qui il
ordonna aux autres Troupes de tirer , dès qu'ils
feroient mine de s'enfuir . Les Persans commencerent
le Combat par une décharge de toute leur
Artillerie et par celle d'un Coips d'Arquebusiers
montez sur des Chameaux , selon l'usage de cette
Nation . Les Curdes ne tarderent pas à lâcher pied,
comme le Général l'avoit prévû ; mais on tira
sur eux , et se voyant entre deux feux , ils furent
contraints de combattre comme les autres , encouragez
d'ailleurs par l'activité infatigable du
Général , qui volant du centre aux aîles , et de
rang en rang , ranimoit tout par sa présence ,
par son exemple et par ses largesses .
Cependant quelque bien secondé qu'il fût pens
dant le cours de cette sanglante action , qui commença
vers les six heures du matin et dura jusqu'à
trois heures après midi , la victoire incertaine
fut si vivement disputée , qu'elle changea
plusieurs fois de parti ; mais enfin les Persans
ayant perdu plus de 20000 hommes de leur In
fanterie , plus de 10000. de Cavalerie , et Kouli
Kan ayant reçu trois coups de lance , ils prirent
l'épouvante , abandonnerent le Champ de
Bataille , l'Artillerie et les Munitions , et s'enfuirent
la plupart à travers les Déserts , évitant les
chemins pratiquez ; une partie de l'Armée Ottomane
les poursuivit pendant . heures , et leur
Général , tout blessé qu'il étoit , se sauva come
me il
put avec quelques Cavaliers qui ne l'abandonnerent
point . Quant aux Turcs , à qui ce
triomphe n'a pas laissé de coûter , ils ont eu.
ooo. hommes de tuez , 7000. de blessez , et
*
parmis
2018 MERCURE DE FRANCE
parmi les morts , il s'est trouvé beaucoup de
Beys , qui sont comme des Chefs dans chaque
Province.
Le Seraskier Topal - Osman , donna aussi- tôt
avis de cette victoire à Achmet - Pacha , Gouverneur
de Bagdad , et lui manda en même-temps
que le Vendredy suivant 24. il comptoit d'entrer
dans cette Place , et qu'après avoir rendu graces
à Dieu sur le Tombeau de l'Iman Mahassem ,
ils conféreroient ensemble sur les opérations du
reste de la Campagne . Il coucha sur le Champ
de bataille , y séjourna le lendemain pour laisser
*
reposer son Armée , et se remit en marche le 21 .
Juillet,
Il est remarquer que Kouli- Kan , outre ses
propres Troupes , avoit été suivi d'un gros Corps
d'Arabes , sur l'assistance duquel il avoit beaucoup
compté , et que ces Arabes , au lieu de
prendre part au combat , en resterent les tranquilles
Spectateurs , leur inaction fut d'autant
plus favorable au Général Turc , qu'il n'avoit
point encore été joint par toutes les Troupes de
Romelie et par celles d'Egypte , qu'il attendoit
et sur lesquelles il comptoit beaucoup , mais dès
que l'affaire fut décidéee en sa faveur , tous ces
Arabes repasserent à la nâge de l'autre côté du
Tigre , et de- là ils députerent vers lui pour ob .
tenir une capitulation honorable , réprésentant
qu'ils avoient toujours été amis des Turcs, qu'ils
n'avoient embrassé le parti de Kouli - Kan , en
apparence , que parce qu'il s'étoit rendu le maître
chez eux , et qu'ils venoient de prouver de
* Cet Iman est un des plus respectables parmi
Tes Musulmans , et l'un des plus celebres Commentateurs
de l'Alcoran. Son Tombeau est auprès de
Bagdad.
reste
SEPTEMBRE. 1733. 2059
reste, combien ils lui étoient peu attachez , puisqu'ils
l'avoient laissé batere sans lui donner aucun
secours
Le Seraskier , qui d'un côté avoit ses raisons
pour les ménager , et qui de l'autre étoit bien
aise de leur faire sentir qu'il n'étoit pas tout- àfait
content de leur conduite et de leurs excuses
les remit pour regler toutes choses avec eux à
son arivée à Bagdad ; il fit donner aux Députez
quelques Caftans ou Robbes d'honneur , éxigea
d'eux qu'ils poursuivroient Kouli Kan et qu'ils
feroient tout leur possible pour le lui amener
mort ou vif, et que dès à présent ils envoye
roient des provisions pour quatre jours
dans Bagdad , afin que son Armée pût les y
trouver en arrivant , moyennant quoi , il leur
promit que jusqu'à - ce qu'il eût pû traiter avec
eux , il ne leur seroit fait aucun tort de la par
de ses Troupes.
On attend tous les jours Hamzé- Aga- Capigi-
Bachi , qui apporte des détails plus circonstanciez
de cette mémorable journée. Celui qui en a
apporté la premiere nouvelle , est venu en 17 .
jours. C'est un Officier Tartare , attaché à Topal-
Osman , et qui s'est fort distingué par des
actions de valeur le jour de la Bataille.
Le Seraskier lui donna , en le dépêchant , une
espece d'Aigrette d'or à trois pointes , avec laquelle
il a été présenté au G. S. qui lui en fic
donner une autre beaucoup plus riche , et le
gratifia d'un Apanage de quatre Bourses ou de
2000. écus de revenu ; on assure d'ailleurs que
ce Courier étant allé visiter tous les Ministres et
Tous les Grands de la Porte , en a reçû la valeur
de près de cent Bourses en differens présens.
RUSSIE
2060 MERCURE DE FRANCE
RUSSIE.
N apprend de Petersbourg , que le 28. Aoûr,
la Czarine fit dépêcher un Courier au General
Lucci , qui étoit campé sur les bords de la
Duna , aux environs de Riga , avec le Corps de
Troupes qu'il commande , et l'on a sçû depuis
que ce Courier lui a porté l'ordre de s'avancer
avec ses Troupes jusqu'à Shlohensko , Village
de Lithuanie.
LE
POLOGNE.
E Primat a répondu à la Lettre de l'Electeur
de Saxe, qu'il seroit fondé à demander
une satisfaction à la République , si l'on avoit
violé le Droit des Gens en la personne de son
Ministre, que le Sénat est instruit de ce qui
est dû au caractere des Ministres des Princes ;
qu'il sçait qu'ils ne sont responsables de leurs
actions qu'à leurs Maîtres , lorsqu'ils n'abusent
point de leur caractere pour enfraindre les Loix
des Etats où ils résident , et pour en troubler la
tranquillité ; mais qu'il sçait aussi , et que plusieurs
exemples le lui ont appris , comment on
en doit user avec ces Ministres , quand ils ne se
tiennent point dans les bornes que la raison et
l'équité leur prescrivent ; que les Polonois prétendent
avoir des raisons suffisantes. pour croire
que le Comte de Wackerbart Salmour a fait régandre
dans le Public l'Eerit intitulé : Lettre
dun Nonce à son Ami , et qu'ainsi ils auroient
pû ne pas respecter le Droit des Gens dans la
personne d'un- Ministre qu'ils jugent ne l'avoir
pas respecté lui-même , que cependant la République
, sans se faire justice , comme l'Electeur
l'ent
SEPTEMBRE. 1733. 2061
Pen accuse , s'est contentée de lui porter ses
plaintes, que dans le Decret qui condamne au feu
l'Ecrit dont le Sénat se plaint , le Comte de Vackerbar
n'est pas nommé , si ce n'est dans la Déclaration
du Prêtre qui a été arreté pour l'avoir
distribué , qu'ainsi ce Ministre avance sans fondement
qu'on a blessé le respect dû à son caractere
, qu'il pourroit tout au plus , si la déclaration
du Prêtre étoit fausse , exiger qu'on le punît
comme un imposteur . Qu'au reste ce n'est pas
seulement sur la déposition de ce Témoin , mais
sur plusieurs autres indices que la République
appuye son accusation contre le Comte de Vackerbar
, et qu'elle persiste à demander justice de
Pabus qu'elle prétend qu'il a fait de son caractere
.
Il paroît à Warsovie une Réponse au Manifeste
, que la Czarine a fait répandre dans le
Royaume, et par lequel S. M. Czarienne assure les
Polonois,que si elle se détermine à faire entrer des
Troupes en Pologne , ce ne sera que pour leur
fournir les moyens d'élire librement un Roy ,
et que les Moscovites y observeront une si exacte
discipline , qu'aucun Sujet de la République
ne pourra se plaindre . L'Auteur de cette Répon
se remarque qu'on n'a jamais forcé une Nation
d'accepter un secours qu'elle ne demande pas ,
et que c'est mal prouver qu'on désire que les
Polonois soient libres , que de vouloir les proteger
malgré eux . Il ajoute que les instances que
les habitans de la Curlande ont fait à la Czarin e
pour qu'elle retirât ses Troupes de ce Duché ,
ne donnent pas lieu d'esperer qu'elles seront fort
disciplinées en Pologne. Le Comte de Lewolde ,
Ambassadeur Extraordinaire de la Czarine auprès
de la République , a fait entendre qu'il par
tiroit
2062 MERCURE DE FRANCE
tiroit de Warsovie pour se retirer à Konisberg
Le 13. Août , jour auquel on avoit fixé le
transport des Corps du Roy Jean III . et de celui
du feu Roy , du Château de Warsovie , au Palais
du Fauxbourg de Cracovie , on celebra dans la
Chapelle du Château , où ils étoient en dépôt
depuis trois jours , une Messe solemnelle de Requiem
, après laquelle M. Zaluski , Evêque de
Plocko , prononça l'Oraison Funebre du feu
Roy , et le Convoi se mit ensuite en marche
dans l'ordre suivant.
Les Décurions portant leurs Drapeaux cou
verts de crêpe , le Clergé Régulier , les Communautez
des Marchands , les Peres Missionnaires ,
les Evêques , un Maître et un Ayde des Cérémonies
, un Détachement des Gardes du Corps ; un
Carosse , dans lequel étoit le Corps du Roy
Jean III . les marques de sa dignité , portées
par
le Comte Szembeck , Palatin de Siradie, par
le Comte Plembocki , Palatin de Rava , et par
M.Lasceuscki, Castelan de Sochaczew ; les Gentilshommes-
Gardes , le Corps du feu Roy dans
un autre Carosse ; les marques de sa dignité ,
portées par le Comte Potoscki , Palatin de Kiovie
et par M. Rudzinski , Castelan de Czersk , le
Comte Pomatowsck , Régimentaire de la Cou-
'ronne , suivi des principaux Officiers Militaires ;
les Grands - Mousquetaires , ayant à leur tête
M. Potoscki, leur Colonel , fermoient la`marche.
Les Carosses étoient couverts de velours cramoisi
avec des galons et des crêpines d'or ; les
habits des Cochers , des Postillons et des Valets
de Pied , qui étoient aux Portieres , étoient de
velours de la même couleur , galonné d'or. Pendant
la marche du Convoi , il y eut plusieurs
décharges de l'Artillerie du Château et des Remparts
SEPTEMBRE . 1733. 2063
parts , et lorsqu'il fut arrivé au Palais du Fauxbourgs
de Cracovie , M. Kobielski , Suffragant
de l'Evêque de Cujavie , prononça une seconde
Oraison Funebre.
L'ouverture de la Diette d'Election se fit le 25.
Août , dans le Camp près de Warsovie. Le Pri- .
mat , M. Maschalski , Maréchal de la Diette générale
de Convocation , le Comte de Poniatowski
, Régimentaire de la Couronne , et plusieurs
Sénateurs , prononcerent des Discours
fort éloquens , pour déterminer la Noblesse à
ne point se laisser intimider par les menaces des
Puissances qui paroissent vouloir contraindre sa
liberté , et pour l'exhorter à ne connoître qu'el
le- même pour Interprete des Loix et des Conetitutions
du Royaume.
Dans la seconde Séance qui se tint le lendemain
, on commença à proceder à l'Election
du Maréchal de la Diette , et les Sujets proposez
furent Mrs Radziewski et Malachuski . La troi
siéme et la quatriéme Séance , qu ise sont tenuës
avant le 23. er le 24. ont été employées à
recueillir les suffrages ; M. Radziewski a cu
1422. voix , et M. Malachouski n'en ayant cu
que 67. s'est désisté de ses prétentions en fayeur
de son Concurrent , qui dans la huitiéme
Séance du 2. Septembre fut élû unanimement
Maréchal de la Dierre.
C
Quelques personnes ont affecté de publier que
les Troupes Moscovites , commandées par le
Général Lucci , s'étoient avancées en Lithuanie,
mais il ne paroît point que ce bruit donne beau
coup d'inquietude au Primat ni à la Noblesse."
At2064
MERCURE DE FRANCE
ALLEMAGNE.
Las que gra et Pilsen ,
E Camp que l'Empereur a résolu de former
> sera
commandé par le Duc Ferdinand Albert de
Brunswich Lunebourg ; il sera composé de
17500. homines d'Infanterie et de 6700. hom
mes de Cavalerie.
On écrit de Dresde , que le Comte de Hoyms,
cy-devant Ambassadeur du Roy de Pologne à
la Cour de France , a obtenu la permission de
poursuivre en justice les Dénonciateurs , sur les
accusations desquels il avoit été arrêté et déte
nu dans le Château de Sonnestein.
ITALIE."
E 15. Août , les Cardinaux tinrent Chapelle
jeure à l'occasion de la Fête de l'Assomption.
Après la Messe et le Sermon , le Cardinal Ottoboni
distribua de la part du Pape 12000. écus
Romains à 100. pauvres filles , pour les aider
à se faire Religieuses.
Le Pape a ordonné que tous les Prêtres de
L'Etat Ecclesiastique , disent chaque jour à la
Messe une Collecte , pour demander à Dieu
qu'il donne à la Pologne un Roy qui soit également
zelé et pour les interêts de la Religion ,
et pour le bonheur de ses Peuples .
Le bruit court que l'Empereur a écrit au Cardinal
Cienfuegos , de faire de nouvelles instances
auprès du Pape en faveur du Cardinal Coscia.
Le Cardinal Firrao a rendu encore plusieurs
visites à ce Cardinal , mais avec aussi peu de
succès que les précédentes , et l'on assure qu'il
persiste
SEPTEMBRE. 1733. 2055
persiste à refuser de se soumettre au Jugement
prononcé contre lui .
L'Electeur Pa atin a fait demander à Sa Sainteté
la permission d'établir une imposition sur les
Ecclesiastiques de ses Etats , pour les faire contribuer
aux frais des réparations de quelquesunes
de ses Places.
Le Pape a déclaré qu'il vouloit qu'à l'avenir
le Port d'Ancône fût un Port franc , et S. S.
ayant ordonné qu'on y bâtît un magnifique Lazaret
pour la commodité des Marchands 3
M. Mario Maffei , Vicaire Général de cette Ville
, posa ces jours derniers , avec une grande solemnité
, la premiere Pierre de cet Edifice , qui'
doit être executé sur les Desseins du Sig. Louis
Vanvitelli , célebre Architecte.
ESPAGNE,
18. du mois dernier , Don Jean de Chin-
Leinilla , Capitaine d'Infanterie , arriva à Madrid
d'Oran , d'où le Marquis de Villadarias ,
Commandant Général des Troupes Espagnoles
qui sont en Afrique , l'a dépêché pour donner
avis à S. M. que les Maures , rebutez des divers
échecs qu'ils ont reçus devant certe Place , en
ont levé le Siege , et qu'après avoir brulé
leurs Baraques et tous les Bagages qui pou- '
voient les embarasser dans leur marche , ils se
sont retirez.
AD.
2056 MERCURE DE FRANCE
ADDITION
Aux Nouvelles précédentes.
Na appris en dernier lieu de Constantino-
Ople ,que la victoire remportée par Topal-
Osman , sur l'Armée de Thamas Kouli-Kan ,
avoit été suivie de la défaite des Troupes Persannes
qui formoient le Blocus de la Ville de Bagdad.
Achmet Pacha , Gouverneur de cette Place,
qui étoit réduit à la derniere extremité par la
disette de vivres , reçut le 20. du mois dernier à
six heures du matin , la premiere nouvelle de la
bataille donnee la veille dans la Place d'Udjoum
et de la déroute des Persans ; il résolut de profiter
de cette circonstance pour faire lever le Blocus
et le lendemain avant le jour il sortit de Bagdad
avec 2500c. hommes des meilleures Troupes de
la Garnison , pour attaquer les Persans dans leurs
retranchemens , qu'ils avoient fortifiez de deux
Forts. L'Action commença à la pointe du jour
et les Troupes qui gardoient l'un de ces Forts ,
l'ayant abandonné sans aucune résistance , se retirerent
dans le second. Les Persans , malgré le
découragement qu'avoit jetté dans leur Camp la
défaite de Thamas Kouli- Kan , s'y deffendirent
avec tant de valeur , qu'Achmet- Pacha fut obligé
, pour s'en rendre maître de faire mettre en
Batterie l'Artillerie qu'il avoit fait venir de Bagdad.
Les Troupes qui étoient dans ce fort , furent
passées au fil de l'épée et les autres prirent la
fuite avec beaucoup de desordre.
Achmet- Pacha , après cette action rentra dans
Bagdad , où il fit amener toutes les provisions
3
qu'il
SEPTEMBRE . 1733 . 2067
qu'il avoit trouvées en grande abondance dans
le Camp des Ennemis .
Le Courier qui a apporté cette nouvelle , est
l'Ecuyer du Kislar- Aga , lequel étoit auprès de
Topal- Osman , et que ce Général avoit dépêché
à Achmet-Pacha , pour lui porter la nouvelle de
sa victoire. Comme il avoit été obligé , pour
éviter les partis ennemis , de prendre un grand
détour , il n'arriva à Bagdad que le 22. Juillet
au soir. Achmet - Pacha le renvoya auss- tôt à
Topal-Osman , avec le détail de l'Action du 2 r.
et le 23. au matin , il partit avec une partie des
Troupes de sa Garnison , pour aller au-devant
de ce Général , qu'il rencontra à 3. lieues de
Bagdad , avec toute son Aimée. Topal- Osman ,
qui dans sa marche avoit reçu le Courier d'Achmet-
Pacha , le dépêcha aussi- tôt à Constantinople
, avec les Lettres de ce Gouverneur ; et
ayant ensuite continué sa route pour se rendre à
Bagdad , il y entra avec Achmet-Pacha le 24.
qui étoit le jour auquel il avoit marqué devoir
entrer dans cette Ville .
Les Lettres du Gouverneur de Bagdad ne mar.
quent rien de bien positif sur le sort de Thamas
Kouli- Kan ; mais on prétend qu'après la déroute
du reste de ses Troupes , il avoit été obligé de
se réfugier avec 1000. hommes seulement chez
les Arabes qui s'étoient déclarez pour lui , et
qu'un Chef d'un Corps de ces Arabes , qui est
beau- perc d'Achmet- Pacha , a promis , pour obtenir
son pardon, de s'être liguez avec les Persans
, de découvrir où Thamas Kouli - Kan s'est
caché et de le livrer aux Turcs.
Le Grand- Seigneur a envoyé à Topal- Osman
et à Achmet- Pacha , des Pélisses et des Sabres
magnifiques , et le même Courier porte à Topal
Osman
0
205 MERCURE DE FRANCE
Osman , des pleins pouvoirs pour continuer la
guerre contre, les Persans , ou pour signer un
Traité de Paix , ainsi qu'il le Jugera à Fropos,
et aux conditions qui lui paroîtront les plus
convenables aux interêts et à la gloire de l'am
pire.
Les dernieres Lettres de Warsovie portent,
que M. Radziewski , ayant donné avis au Senat
aussi-tôt après la fin de la IX . Séance de la
Diette d'Election , qu'il en avoit eté nommé Maréchal
, le Sénat envoya sur le champ des Députez
pour le complimenter , et le 3. Septembre
le Primat et les Sénateurs se rendirent au Kolo ,
pour se joindre à l'Assemblée des Nonces . Les
Ministres Etrangers ayant eu leur Audiance de
la Diette avec les cérémonies accoûtumées , tou
tes les Séances , tenues les jours suivans , furent
employées à prendre les mesures nécessaires pour
avancer l'Election du Roy , et il fut décidé le
11. qu'on y procederoit dans la Séance du lendemain.
Le Primat fit l'ouverture de cette Séance par
un Discours , dans lequel il réprésenta de quelle
importance il étoit à la Nation de choisir un
Prince également capable de la gouverner et de
la deffendre , il ajoûta que l'honneur et l'intérêt
de la Noblesse , dépendoient, du choix qu'elle
alloit faire et que le meilleur moyen d'assurer sa
réputation et sa liberté , étoit de montrer qu'elle
ne pouvoit être intimidée par aucunes menaces
et qu'elle sçavoit exposer sa vie et ses biens plutôt
que de recevoir la loi d'aucune Puissance.
د
le
Après que le Primat eut cessé de parler
Maréchal de la Diette recueillit les suffrages ;
En commençant par le Palatinat de Cracovie
dont
SEPTEMBRE. 1733. 2069
dont tous les Nonces donnerent leurs voix an
Roy Staniñas . Le Palatinat de Posnanie suivit cer
exemple , ainsi que tous les Sénateurs et tous les
Nonces qui étoient à la Diette , à l'exception de
deux Palatins qui se retirerent , mais qui n'entraînerent
avec eux aucun des Députez de leurs'
Palatinats.
M. Radziewski ayant demandé quatre fois
de suite , à haute voix , si l'on consentoit unanimement
à l'Election du Roy Staniſlas , on répondit
à chaque fois par une acclamation générale
, Vive le Roy Stanislas .
Le Primat fit ensuite la Proclamation en la
maniere prescrite par les Constitutions du Royaume
, et la nouvelle de l'Election fut annoncée à
la Ville par le bruit du Canon des Remparts et
la Mousqueterie des Troupes.
Lorsque la proclamation fut faite , le Primat,
le Sénat et les Nonces , se rendirent au Palais du
Marquis de Monti , Ambassadeur de France , et
après y avoir rendu leurs hommages au Roy ,
qui étoit arrivé à Varsovie la nuit du 8. au 9 .
de ce mois , le conduisirent à l'Eglise Cathédrale
où le Te Deum fut chanté.
Les résolutions prises par le Prince Vienovieski
, Régimentaire du Duché de Lithuanie , par
le Prince son frere , et par quelques Gentilshommes
qui s'étoient retirez du Kolo , avant le jour
de l'Election , ne sont point encore publiques.
On apprit le 9. que le Général Lucci , étoit
entré en Lithuanie avec le Corps de Moscovites
qu'il commande , et l'on ne doute pas que si ce
Géneral ne se retire avec ses Troupes , lorsqu'il
aura appris l'Election du Roy , Sa Majesté
n'aille à la tête de la Noblesse , le forcer de sortir
des Terres de la République.
i . H Tous
2070 MERCURE DE FRANCE
Tous les Sénateurs et les Nonces qui ont assisté
à la Dierte , se sont engagez par serment de
poursuivre , comme traitres à la Patrie , ceux
qui seront convaincus d'avoir appellé des Troupes
étrangeres en Pologne , et à ne jamais souf
frir qu'on leur accorde aucune Amnistie,
Les menaces de l'Empereur , ni même la marche
des Troupes qu'il a envoyées pour forcer le
Duc Charles Leopold de Meckelbourg à ceder
l'administration de ses Etats au Duc Louis- Chrétien
son frere , n'ont pû le déterminer à șe sou- i
mettre au Decret Imperial. Il a déclaré par plusieurs
Manifestes qu'il ne reconnoissoit aucune
Puissance qui eût droit de le dépouiller d'une
autorité qu'il ne tenoit que de ses Ancêtres , et
qu'il étoit résolu de la soutenir jusqu'à la derniere
extremité. Il a pourvû en même- temps la
Ville de Schwerin de toutes les munitions nécessaires
pour une longue résistance , et il s'y est
rsnfermé dans le dessein de ne se rendre que lorsqu'il
ne lui restera plus aucune ressource . Une
partie des Habitans du Duché , et presque tous
les Païsans des environs de cette Ville , lui sont
demeurez fideles ; ce Prince ayant fait publier
que ses Sujets prissent les Armes , tous ceux qui
sont en état de les porter , obéirent . Ils se rendirent
le 14 Septembre par troupes dans la Plaine
vis-à- vis la principale Porte de la Ville, Quelquesuns
même se détacherent le lendemain pour al
ler reconnoître un Corps de 600. hommes que ›
la Commisson Impériale a déja fait entrer dans
ce Duché pour y faire mettre le Decret de l'Empereur
à execution , et qui a pris ses quartiers
dans quelques Villages voisins , mais qui ne pa-.
Loft plus dans la Place depuis que la Garnison
lui
SEPTEMBRE. 1733. 2701
lui a enlevé plusieurs Soldats dans une sortie
qu'elle fit la nuit du 10 au 11. de ce mois.
On apprend de Vienne, que le Comte Maurice.
Antoine Solari de Broglio , et M. de Heunisch ,
Ministres Plénipotentiaires du Roy de Sardai
gne , reçurent le 1o. de ce mois des mains de
P'Empereur , au nom du Roy leur Maître , l'investiture
de toutes les parties de ses Etats qui
sont Fiefs de l'Empire. Tous les Ministres d'Etat
et la plus grande partie de la principale Noblesse
assisterent à cette Cérémonie.
Le 13. S. M. I. assista à la Procession solemnelle
que le Clergé Séculier et Régulier a coûtume
de faire tous les ans à pareil jour , elle assista
ensnite dans l'Eglise Métropolitaine à la Messe
qui fut celebrée pontificalement par le Cardinal
Archevêque de Vienne , et au Te Deum qu'on
chanta , suivant l'usage , pour remercier Dieu de
la victoire que Jean Sobieski , Roy de Pologne ,
remporta sur les Turcs en 1683. et qui les obligea
de lever le Siege de devant cette Capitale.
Les Lettres de Glogaw , portent que le 30. du
mois dernier , le Prince Louis Wittemberg , avoit
fait la Revûë des Troupes qui sont campées près
de cette Place , et que le même jour les Troupes
que l'Electeur de Saxe devoit envoyer à ce Camp,
y étoient arrivées. Selon les derniers avis reçûs
de Pilsen , les Régimens de Hesse - Cassel et de
Marulli , se rendirent le 10. au Camp que l'Empereur
a formé entre cette Place et celle d'Egra.
Ceux de Konigseg et de Philippi , y arriverent
le lendemain , ils furent joints le 13. par le
Régiment de Lobkowitz , Cuirassiers , et par
celui du Comte de Soissons . Il y a actuellement
dans ce Camp 22000. hommes et 18. Pieces de
Canon.
Hij Од
107 MERCURE DE FRANCE
On écrit de Rome , que dans le Consistoite
secret que le Pape tint le 2. de ce mois , le Car
dinal Ottoboni proposa l'Evêché d'Acqs pour
PAbbé Dandigné , et préconisa le P. Charles
Martin pour l'Abbaye Réguliere de N. D. de
Cuicy, Ordre de Prémontré, Diocèse de Laon,
L'Electeur de Saxe a envoyé de magnifiques
présens au Cardinal Annibal Albani , chargé des
affaires de Pologne à la Cour de Rome.
SL 2
FRANCE ,
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c. ›
E 2. de ce mois après midy , le Roy
Lfit dans la Cour du Château de Meudon
, la Revue des deux Compagnies
de Mousquetaires de la Garde de Sa Majesté
, et après que le Roy cut passé
dans les rangs , ils firent l'Exercice des
vant S. M. qui en parut fort satisfaite ,
2 .
La nuit du 23. au 24. du mois dernier,
le feu prit chez un Boulanger du Fauxbourg
S. Martin , avec tant de violence
que toute la maison fut enfâmée avant
qu'on pût y apporter du secours ; quel,
ques autres maisons ont été endommagées
, et 15 , ou 18. personnes ont péri
dans cet lucendie , entr'autres un Religieus
SEPTEMBRE. 1933. 207}
gieux Récollet et deux Enfans de l'Hôpital
de la Trinité , qui travailloient à
L'éteindre , le plancher sur lequel ils
étoient s'étant abîmé tout à coup dans
les flâmes.
Le Concert d'Instrumens que l'Aca
démie Royale de Musique donne tous
les ans au Château des Thuilleries ,à l'occasion
de la Fête du Roy , fut executé
par un grand nombre d'excellens Simphonistes
de la même Académie , qui
joüerent differens Morceaux de Musique
de M. de Lully et d'autres Maîtres modernes
, par une des plus belles soirées
qu'il soit possible de voir , et avec une
multitude incroyable de gens de tous
états , depuis les Princes et Princesses du
Sang , jusqu'à la plus simple Bougeoisie ;
et le tout avec un tel ordre , qu'il n'est
arrivé , non - seulement aucun accident ,
mais pas même de confusion , qu'autant
qu'il eenn falloit pour produire une va
rieté agréable et des oppositions char
mantes d'âges , de Sexes , de qualitez ,
de parures , dont le clair de la Lune ne
laissoit rien perdre ; ensorte que des
Compagnies entieres de gens de grande
condition et autres , étoient dans leur
particulier au milieu de la foule , assis sur
Hii des
2074 MERCURE
DE FRANCE
des chaises qu'on trouvoit en abondante
et qu'on disposoit en rond , &c .
Le 26. Août , il y eut Concert chez
la Reine , M. de Blamont , Sur- Intendant
de la Musique du Roy , fit chanter
le Prologue et le premier Acte de
Thetis et Pelée , qui fut continué le 29.
par le second et le troisiéme Acte , et
on finit le quatrième et le dernier Acte
le 2. Septembre. Les Rôles du Prologue
qui sont la Nuit , la Victoire et le Soleil ,
ont été chantéz par les Dlles Duhamel ,
Levy,et par le sieur le Begues les Princi
paux Rôles de la Piece ont été chantez par
les Dlles Antier , Mathieu , Lenner et
Courvasier , et par les sieurs Massé , le
Begue, Ducros, d'Angerville et du Bourg.
*
Le 29. on concerta le Prologue et le
premier Acte de Thésée ; les Rôles du
Prologue furent chantez par les Dlles Mathieu
et Duhamel , et par les sieurs du
Bourg et Richer , et ceux de la Piece
par les Diles Courvasier , Petitpas
Drouin et Duhamel , et par les sieurs
d'Angerville Chassé et Tribou ,
Le 23. la Reine voulut entendre le
Prologue de la premiere Entrée des Fêtes
Grecques et Romaines , de la composi →
tion de M. de Blamont. Les Dlles Antier.
et
SEPTEMBRE . 1733. 2079
et Petitpas chanterent dans le Prologue
les Roles de Clio et d'Erato , et les sieurs
Chassé et Jeliot , ceux d'Apollon et de
Terpsicore. On chanta la seconde et troisiéme
Entrée le 26. dont les principaux
Rôles furent remplis par les Dlles Antier
, Petitpas , le Maure et Mathieu
et par les sieurs Chassé et Jeliot ; tous
ces differens Concerts firent beaucoup
de plaisir et l'éxécution en fut parfaite.
Le 8. Septembre , Fête de la Nativité
de la Vierge , il y eut Concert Spirituel
au Château des Thuilleries , on y chanta
le Confitebor , Motet de M. de la Lande,
qui fut suivi d'un petit Motet à voix
seule , chanté par la Dlle Petitpas , et
d'un autre par la Dlle Julie ; après plusieurs
Pieces de Simphonie excellem-
- ment executées , le Concert finit par lė
Motet Exultate justi , du même Auteur .
Le Roy vient de faire un Remplacement
d'Officiers de Galeres ; le Bailly
de Laubepine a été fait Chef d'Escadre
le Marquis de Tournon , Capitaine de
Galeres ; M. de Langerie , Capitaine de
Port , et le Chevalier de la Farre Lopis ,
Capitaine de la Compagnie des Gardes
de l'Etendart. Les Capitaines - Lieutenans
sont , Mrs des Tourrés , de Villeneuve
Hiiij et
2076 MERCURE DE FRANCE
et le Chevalier de Bernage. Les Lieute
nans , le Chevalier de Preville , le Chevalier
de Castellane , M. de Chaumont
Lussac , et le Chevalier du Ligondez ,
Lieutenant de la Compagnie des Gardes
de l'Etendart ; les Enseignes , M. de
Mazan , Brigadier de la Compagnie des
Gardes de l'Etendart , le Marquis d'Aubignan
, et le Marquis de Trans , Sous-
Brigadier de la même Compagnie.
›
Par la Promotion que le Roy a faite
depuis peu dans la Gendarmerie la
Sous-Lieutenance de la Compagnie des
Gendarmes Ecossois , a été donnée au
Comte de Choiseul , lequel est remplacé
dans la Charge d'Enseigne des Gendarmes
d'Orleans , par le Chevalier de la
Marche , Guidon des Gendarmes de Flandres.
Le Marquis de Pellevé , Capitaine-
Lieutenant de la Compagnie des Gendarmes
de Berry , ayant demandé la permission
de se retirer , cette Compagnie
a été donnée au Marquis du Muy , Sous-
Lieutenant des Gendarmes Bourguignons.
Le Comte de la Vieuville a été nommé
Sous-Lieutenant des Gendarmes Bourgui
gnons , et le Chevalier du Châtelet
Enseigne des Gendarmes Dauphins. Le
Marquis Destreans , Guidon des Gendarmes
SEPTEMBRE. 1733 2077
mes de Berry , a eû la Charg : Premier
Cornette des Chevaux- Legers de
Bretagne , vacante par la démission velontaire
du Marquis de Vassey. Le Com
te de Laval a été nommé Guidon des
Gendarmes de Flandres , le Marquis de
Todoas , second Cornette des Chevaux-
Legers de Bretagne , et le Marquis de
Jonsac, Guidon des Gendarmes de Berry.
On ajoûtera à cette occasion , que le
sieur Sorbier un des meilleurs Eleves
de M. Petit , de l'Académie Royale des
Sciences , vient d'être nommé Chirur
gien Major de ce Corps , à la place de
M. Dalibour , dont on connoît la grande
réputation , qui après 40. ans de service
a demandé à se retirer. Il a obtenu une
pension de 300s. livres.
Le 10. Septembre , les Chanoines Réguliers
de S. Augustin , de la Congré
gation de France , élurent pour leur Général
et pour Abbé de sainte Genevieve ,
dans le Chapitre tenu à l'Abbaye sainte
Genevieve , le R. P. Pierre Suteine , de
Rheims , cy - devant Prieur de la même
Abbaye.
"
Le 21. de ce mois ,le Chevalier Manherbe
fut nommé par le Roy , à la Place
H v d'Ayde
2078 MERCURE DE FRANCE
d'Ayde- Major Général des Gardes du
Corps , vacante pár la démission de M. de
Maison - Neuve ; et le Marquis de Cal
viere , à celle d'Ayde - Major des Gardes
du Corps de la Compagnie de Villeroy .
Monseigneur le Dauphin et Mesdames
de France , les deux ainées , revinrent
Versailles du Château de Meudon en
parfaite santé le 24. de ce mois . Les
deux autres Princesses y arriverent le
lendemain..·
Aux affaires generales de la Religion
Prétendue Réformée , dont le Comte de
S. Florentin , Secretaire d'Etat , est chargé
, le Roy a réuni les affaires particulieres
de cette Religion dans tout le
Royaume.
Le Roy partit de Versailles le 30. de
ce mois vers les 11. heures du matin ,
pour aller coucher à Fontainebleau
S. M. dîna au Château de Petitbourg.
BENEFICES DONNEZ
par le Roy.
E 25. Juillet , la Coadjutorerie de
LAbbaye de Notre - Dame de Meaux ,
en faveur de la Dame de Bonnardy ,
Prieure
SEPTEMBRE. 1733. 2079
Prieure perpetuelle du Convent de Mondenis
, du consentement de la Dame
Pajot, Abbesse de cette Abbaye.
L'Abbaye de Chazeaux , à Lyon , vacante
par le décès de la Dame de Silvecanne
, en faveur de la Dame de Beaumont
, Prieure des Religieuses Benedicfines
de Cognac.
;
L'Abbaye Réguliere de Barbery , vacante
par la démission de Dom Fitsharbert
, en faveur de Dom Lambelin , Prieur
de l'Abbaye de Royaumont.
L'Abbaye de S. Paul de Besançon ;
vacante par le décès de M. de Beauffremont
, en faveur de M. Boisot.
L'Abbaye de S. Taurin , vacante par
le décès de M. le Normant , Evêque d'Evreux
, en faveur de M. d'Harcourt ,
Doyen de Notre- Dame de Paris.
L'Abbaye de S. Liguaire , vacante par
le décès du dernier Titulaire Comman
dataire , en faveur de M. de Foudras
Evéque de Poitiers .
L'Abbaye Royale du Lis , prés de Me
lun , Diocèse de Sens , vacante par là
mort de Madame d'Apremont , a été
donnée à Madame ... Crapadot ,
Prieure des Benedictines de Provins.
Le 28. Août , le Roy a nommé , aux
Archevêchez et Evêchez suivans.
H vi A
2080 MERCURE DE FRANCE
A l'Archevêché de Rouen , vacant du
18. Avril dernier , par la mort de Louis
de la Vergne de Tressan , l'Evêque et
Comte de Châlons , premier Aumônier
de la Reine , à la charge de 5800. livres
de pension . Il se nomme Nicolas de Saulx
de Tavanes , est né le 19.Septembre 1650 .
et a été d'abord Chanoine de S. Jean ,
et Comte de Lyon. Il fut député de la
Province de Sens à l'Assemblée generale
du Clergé de France de 1715. et Promoteur
de cette Assemblée , reçû Docteur
en Théologie de la Faculté de Paris ,
le 18. Mars 1716. pourvû de l'Abbaye
du Mont S. Benoît , Ordre de S. Augustin
, Diocèse de Besançon , le 23. Octobre
1717. et étant Vicaire Général dé
Pontoise , le Roy le nomma le 8. Janvier
1721 à l'Evêché de Châlons , Com.
té- Pairie de France. Il fut Sacré le 9.
Novembre suivant dans l'Eglise des
Théatins à Paris , par l'ancien Evêque
de Fréjus , aujourdhui Cardinal , assisté
des Evêques d'Avranches et de Mirepoix,
et le 11. du même mois il prêta Serment .
de fidelité entre les mains du Roy , en
présence du Duc d'Orleans Régent. Il
prit séance au Parlement en qualité de
Pair de France , après avoir prêté le Serment
accoûtumé >, le 4. Décembre, 1721.
assista
SEPTEMBRE . 1733 208r
assista au Sacre du Roy le 25. Octobre
1722. y réprésentant l'Evêque Duc de
Langres , absent ; donna la Bénediction
Nuptiale au Duc et à la feüe Duchesse
d'Orleans , dans son Château de Sarry ,
le 14. Juillet 1724. obtint le 12. Mars
1725. l'Abbaye de S. Michel en Thiera
che , Ordre de S. Benoît , Diocèse de
Laon ; fut nommé au mois de May suivant
premier Aumônier de la Reine , et
fut député de la Province de Reims à
l'Assemblée generale du Clergé , tenue
en la même année à Paris . Il est fils de
Charles-Marie de Saulx , Comte de Ta
vannes et de Beaumont , Grand- Bailly
de Dijon , et Lieutenant Général au Gou
vernement de Bourgogne , mort le 28.
Juin 1793. âgé de 54. ans , et de feüe
D. Marie Catherine d'Aguesseau , mortë
le 25. Janvier 1729. âgée de 66. ans ,
soeur de Henry- François d'Aguesseau ,
Chancelier de France.
I A l'Evêché de Metz , Suffragant de
Tréves , vacant du 28. Novembre 1732.
par le décès de Henry- Charles du Cambour
, Duc de Coiflin , Pair de France ,
Evêque Comte de Noyon , Claude de
5. Simon , né le 20. Septembre 1695. à
ว่า charge de 10300. livres de pension
legnel fut nommé Abbé Commandataire
de
2082 MERCURE DE FRANCE
de l'Abbaye de Jumieges , Ordre S.Benoît,
Diocèse de Rouen , le 20. Janvier 116.
et Evêque- Comte de Noyon , Pair de
France , au mois de Juillet 1731. Il fut
sacré le 15. Juin 1732. dans l'Eglise du
Noviciat des Dominicains à Paris , par
1'Archevêque de Rouen , assisté des Evê
ques d'Usés et de Bayeux , et il préta
Serment et prit séance au Parlement dé
Paris , en qualité de Pair de France , le
12. Janvier 1733. Il est fils de feu Titus-
Eustache de S. Simon , Seigneur de Falvy
sur Somme , Capitaine au Régiment des
Gardes Françoises , et Brigadier des Armées
du Roy , mort le premier Septembre
1712. âgé de 58. ans , et de D. Claire
Eugenie d'Hauterive , de Villesecq .
A l'Evêché de Châlons , Comté- Pairie
de France , Suffragant de Reims , vacant
par la tranflation du dernier Titulaire
à Rouen , Claude Antoine de Choiseul ;
Prêtre du Diocèse de Langres , né le
premier Novembre 1697 Licentié en
Théologie de la Faculté de Paris , de la
Maison et Societé de Navarre , et Vicaire
General de Gabriel Florent de Choiseul ,
Evêque de Mendes , son oncle. Il fur
fait Aumônier du Roy au mois de Juil
let 1728. assista à l'Assemblée du Clergé
de France , tenue en 1736. en qualité de
l'un
武
SEPTEMBRE. 1733. 2083
l'un des Députez de la Province d'Albi,
et obtint au mois de Jain de la même
année , l'Abbaye de N. D. de Bolbonne
Ordre de Cîteaux , Diocèse de Mirepoix
, qui fut préconisée et proposée pour
lui à Rome par le Cardinal Ottoboni
les 2. Octobre 1730. et 21. May 1731. Ik
est fils de feu Antoine Cleriadus de Choi
şeul- Beaupré , Seigneur d'Aillecourt , ap
pellé le Comte de Choiseul , Lieutenant
General au Gouvernement de Champagne
, Bailly de Chaumont et de Vitry ;
et Lieutenant Géneral des Armées du
Roy , mort le 19. Avril 1726. âgé de
62 ans , er de D. Anne - Françoise de
Barillon de Morangis , sa veuve.
A l'Evêché de Noyon , Comté- Pairie
de France , Suffragant de Reims , vacant
par la tranflation du dernier Titulaire
celui de Metz , Jean - François de la
Cropte de Bourzac , Prêtre du Diocèse de
Paris, d'une Famille noble de la Province
du Limosin , Vicaire Géneral de Limoges
, et nommé au mois d'Octobre 1729 .
Abbé Commandataire de l'abbaye de
S. Martial de Limoges , qui fut préconisée
et proposée pour lui à Rome le 23 .
Décembre 1729. et le 24. Juillet 1730 .
A celui d'Amiens , Suffragant de Keims,'
vacant du 20. Janvier 1733. par la mort
de
2084 MERCURE DE FRANCE
de Pierre Sabatier , Louis- François- Gabriel
d'Orleans de la Motte , Prêtre , Vi
caire Génerál du Diocèse de Senez , nommé
à cette Place par l'Archevêque d'Embrun
, au lieu de Jean d'Yse de Saleon ,
devenu Evêque d'Agen , et reconnu en
cette qualité par le Chapitre de Senez ,
le 27. Juin 1729. l'Abbaye de Sellieres ,
Ordre de Citeaux , Diocèse de Troyes ,
lui fut donnée au mois de Décemb. 173 1 .
Et à l'Evêché d'Evreux , Suffragant de
Rouen , vacant du 7. May dernier , par
le décès de Jean le Normant , Pierre-
Jules - Cesar de Rochechouart , Prêtre
du Diocèse d'Orleans , Vicaire Géneral
de ce Diocèse , et Prieur Commandataire
de S. Lo de Rolien , pourvû de ce Bénefice
au mois de Décembre 1724. fils
de Louis de Rochechouart , Seigneur.de
Montigny et du Monceau en Beauce ,
de même Maison que les Ducs de Mortemart
, et d'Elizabeth de Cugnac de
Joui , sa femme.
1
MORTS
SEPTEMBRE. 1733. 2085
MORTS , NAISSANCES
et Mariages.
Ntoine Paris , Ecuyer , Confeiller
Ad'Etat , cy- devant Tréforier géné
ral des Finances de la Province de Dauphiné
, mourut en sa Terre de Sampigny,
près de Commercy , en Loraine , le
29 Juillet 1733. Il étoit veuf de Marie-
Elizabeth - Jeanne de la Roche , fille de
Geoffroi de la Roche , vivant Ecuyer ,
Commandant les Gardes des Plaifirs du
Roy , dans les Parcs de Verfailles , & de
feué Élizibeth Hérault, de laquelle il n'a
laissé qu'une fille unique mariée avec
Jean Paris de Montmartel , son oncle
Ecuyer , Confeiller d'Etat et Garde du
Tréſor Royal , cy- devant Tréforier General
des Ponts et Chaussées , qui avoit
épousé en premieres nôces Marguerite-
Françoiſe Megret , foeur de Jean -Nicolas
Mégret de Sérilly , Maître des Requêtes
Ordinaire de l'Hôtel du Roy.
Le 25 Août , Dame Sufanne de Louvat
,veuve de Meffire Raoul des Champs,
Chevalier, Seigneur de Boishebert , qu'elle
it épousé le 23 Juillet 1691. mourut
gée d'environ 61 ans. Elle étoit fille de
Clau
100% MERCURE DE FRANCE
Claude de Louvat , Maréchal des Champs
& Armées du Roy , Gouverneur de Bellc-
Isle , & de Geneviève Robert de Lay.
Le même jour Chrétien - Nicolas de
Lamoignon , Seigneur de Bournau , Maître
des Requêtes ordinaire de l'Hôtel du
Roy depuis 1728. et auparavant Confeiller
au Parlement de Paris, où il avoit été
reçu le 23 Juillet 1721. mourut d'une
fiévre maligne à Paris , dans sa 33 année,
étant né le 25 Decembre 1700. fans avoir
été marié. Il étoit fecond fils d'Urbain-
Guillaume de Lamoignon , Comte de
Launay Courfon & de Montrevaux ,
Confeiller d'Etat ordinaire , & au Confeil
Royal des Finances , et de D. Marie-
Françoife Méliand , fon épouſe.
-
Le 30 Août , Jean - François- Paul le Févre
de Caumartin , Evêque de Blois , Abbé
commandataire de l'Abbaïe de Buzai
-de l'Ordre de Circaux , Diocèse de Nantes
, Docteur en Théologie de la Faculté
de Paris, l'un des quarante de l'Académie
Françoise , et Honoraire de celle des Infcriptions
et Belles- Lettres , mourut d'une
attaque d'Apoplexie , dans la 65 année
de fon âge, étant né le 16 Decemb.1668 .
Ce Prélat qui eft univerfellement regretté
à caufe de ses belles qualitez,avoit han
bord été deftiné à l'Ordre de Malthe 8 .
reçu
SEPTEMBRE. 1732. 2087
·
reçu de minorité au grand Prieuré deFrance
en 1669. Depuis il embrassa l'état Ecclésiastique
, et fut pourvu de l'Abbaïe
de Buzai , par la démiffion de Jean François-
Paul de Gondi , Cardinal de Retz ,
fon parain.Il fut reçu à l'Académie Françoise
le May 1694. reçut le Bonnet de
Docteur en Théologie le 7 Février 1697.
et fut admis au mois d'Août 1701. au
nombre des Honoraires de l'Académie
des Inscriptions et Belles Lettres . Etant
Doyen de l'Eglife Métropolitaine de
Tours; et l'un des grands Vicaires du Siége
vacant , il fut nommé à l'Evêché de
Vannes le 17 Septembre 1717. et après
avoir été facré le 17 Juillet 1718. à Dinant
par l'Evêque de S. Malo , en préfence
des Etats de Bretagne , il préta ferrent
de fidélité entre les mains du Roy
le 11 Decembre fuivant. Il fut transféré
à l'Evêché de Blois le 27 Août 1719. et
prêta un nouveau serment de fidélité le
17 Juillet 1720.Il assista au Sacre du Roy
le 25 Octobre 1722. ayant été un des Prélats
qui y furent invitez .
e1 Septembre , Charles de Y de
Seraucourt , cy-devant Capitaine au Ré
ciment des Gardes Françoises , mourut à
is , ágé de 78 ans. Il étoit fils d'Antoi
e Y , sieur de Seraucourt, Lieutenant
Cri2088
MERCURE DE FRANCE
Criminel du Bailli de Vermandois , au
Siége Préfidial de Reims , et d'Isabelle
P'Epagnol.
Le. 8. Jean le Boulanger , Maître ordinaire
en la Chambre des Comtes de Paris
, où il avoit été reçû le 28. Mars 1686.
et auparavant Conseiller au Châtelet ,
mourut septuagenaire ; il avoit épousé au
mois de Février 1695. Marie- Agnès Soulet
, soeur de Nicolas Soulet , Conseil
1er en la Grand'Chambre du Parlement
'de Paris , et fille de Nicolas Soulet , Con
seiller - Secretaire du Roy , et d'Agnès
Gaillard. Il a laissé un fils , reçû Maître
en la même Chambre des Comptes en
1729. et une fille , mariée au mois d'Avril
1727. avec Pierre Charpentier , Scigneur
de Royennes , aussi Maître des
Comptes aàllParis.
2
t
Le 11. D. Marie- Christine- Victoire de
Prougent , Epouse d'Anne- François de
Vandeuil , Chevalier , Seigneur d'Estel
fay, Ecuyer de la grande Ecurie du Roy
et Chef d'Académie Royale à Paris , mourut
âgée d'environ 48. ans ; elle avoit été
mariée le 16. May 1715. et étoit fille
unique de Marie Joseph de Prougent
Ecuyer, Seigneur de Mongivroux , Întendant
des Maisons et Finances de feües
leurs Altesses Sérenissimes la Prince orae
SEPTEMBRE, 1738. 2089
Condé et la Duchesse de Brunswik Ha
nover , mort le 26. Avril dernier , et de
D. Catherine Davy de la Pailleterie , sa
femme, auparavant Chanoinesse et Dame
de Remiremont , morte le 2. Décembre
1729. âgée de 81. ans.
Le 12. de ce mois , Dame Françoise le
Gendre , Epouse de M. Jean Baptiste.
Bosc , Seigneur de Souscarriere , Conseiller
du Roy en ses Conseils , Secretaire.
de la Chambre et du Cabinet de S M.
Procureur Géneral en la Cour des Aydes
de Paris , Commandeur et Chancelier ,
des Ordres Royaux , Militaires et Hospitaliers
de N. D. du Mont- Carmel et de
S. Lazare de Jérusalem , mourut à Paris
après une longue, maladie , âgée de 49 .
15 ; elle étoit fille de feu François le
Gendre , Ecuyer , Fermier Géneral des.
Fermes du Roy , mort le 11 , Juin 1696.
t de feüe D, Marguerite le Roux , morte,
' e 11.Décembre 1726. et avoit pour soeurs
înées la D. Crozat , la D. Doublet et la
D. Présidente Durey ; elle avoit été mariée
au mois de Janvier 1704. et n'a laissé
que deux filles , qui sont la D. de Sourrière
et Marguerite Bosc , mariée le 9 .
évrier 1728. avec Bertrand - Cesar du
Guesclin , Seigneur de la Roberie, Colo-
Infanterie, Chevalier de l'Ordre Militaire
6
2090 MERCURE DE FRANCE
litaire de S. Louis , et Gentilhomme de
la Chambre du Duc d'Orleans.
Le 13. D. Marie Elizabeth Daret de
Chevry , Veuve depuis le 18. Juin dernier
, d'Antoine - François de la Trémoille
de Noirmontier , Duc de Royan , dont
on a rapporté la mort dans le Mercure
de Juin dernier , premier vol . p . 1246.
mourut à Paris , âgée de 61. ans , sans posterité
; elle étoit fille de feu Charles François
Duret , Seigneur de Villefranche et
de Chevry , qui avoit été Mestre de Camp
d'un Régiment d'Infanterie pour le service
du Roy en Portugal , et de feüe D.
Marie - Elizabeth Bellier de Platbuisson
et avoit été mariée le 22. Mars 1700.
·· Le 19. D. Henriette Louise Col-"
bert , Duchesse de Beauvillier , qui avoit
été Dame du Palais de la Reine Marie-
Thérese d'Autriche , mourut en son Hôtel
rue sainte Avoye à Paris , âgée de 76.
ans , 9. mois , et le 21. son corps fut
transporté à Montargis , pour y être inhumé
dans le Monastere des Benedictines
auprès du feu Duc son Mary . Elle étoit
seconde fille de Jean- Baptiste Colbert
Marquis de Seignelay de Château - Neufsur
- Cher , et de Blainville , Baron de
Monétau de Chény , d'Ormoy , de
Sceaux , de Linieres , &c. Conseiller
dinal...
SEPTEMBRE . 1733 2091
dinaire du Roy en tous ses Conseils : et
au Conseil Royal des Finances , Ministre
et Secretaire d'Etat , Contrôleur General
des Finances , Commandeur et Grand-
Trésorier des Ordres du Roy , Sur- Intendant
et Ordonnateur general des Bâ →
timens de S. M. Jardins , Arts et Manufactures
de France , &c. mort le 6. Septembre
1683. et de D. Marie Charron ,
morte le 7. Avril 1687. elle avoit été
mariée le 21. Janvier 1671. avec Paul de.
Beauvillier , Duc de S. Aignan , Pair de
France , Grand d'Espagne , Comte de
Busançois et de Palluan , Seigneur des
Terres et Baronies de la Ferté saint
Aignan , la Salle , les Cléri , Lucè en
Beauce , et des Terres et Châtellenies
des Aix , d'Angillon , Séri , Humbligni ,
Chemeri , la Grange , Montigny , haut
et bas Foullé, Chanterennes et Neufvres,
Vicomte de Valognes, Chevalier des Ordres
du Roy, et cy -devant Premier Gentilhomme
de fa Chambre ,Brigadier de fest
Armées , Ministre d'Etat , Chef du Confeil
Royal des Finances , Gouverneur des
nfans de France , Premier Gentilhomme
de leur Chambre , et Maître de leur
Warde-robe, Gouverneur pour le Roy des
Ville et Citadelle du Havre de Grace et
as en dépendans , Gouverneur et Bailli
des
2092 MERCURE DE FRANCE
,
des Villes et Chateau de Loches et Beaulieu,
mort le 31 Août 1714 Elle en avoit
eu plusieurs enfans , dont il n'y a cu
qu'une seule fille de mariée, qui étoit feuë .
Marie-Henriette de Beauvillier , morte le
4 Septembre 1718. laissant de Louis de
Rochechouart , Duc de Mortemart , Pair
de France , Premier Gentilhomme de la
Chambre du Roy, Chevalier de ses Ordres,
et Lieutenant Général de ſes Armées,
son cousin germain maternel , qu'elle avoit
épousé le 20 Décembre 1703. deux fils
et trois filles , l'aîné des fils mourut
en 1731. sans enfans; le second est Charles
- Auguste Duc de Rochechouart, premier
Gentilhomme de la Chambre du
Roy , né le 11 Octobre 1714- qui n'est
pas encore marié,
>
Le 20. D. Charlotte de Rohan , Epouse
depuis 1729 , de Jean Antoine de Créqui
, Comte de Canaples , et auparavant
veuve depuis le 14 Mars 1720 d'Antoine-
François de Colins , Comte de Mortaigne
, Seigneur de Justingue et d'Ham
premier Ecuyer de feuë Elizabeth-Charlotte
de Baviere , Duchesse Doüairiere
d'Orleans, et auparavant Capitaine- Lieutenant
de la Compagnie des Gens d'Armes
de Bourgogne , qu'elle avoit épousé
au mois de Mars 1717 , mourut d'une
ApoSEPTEMBRE
. 1733. 2093 .
Apoplexie de sang en son Château de
Beaumont au Perche , dans la 53 année
de son âge , étant née le 20 Decembre
1680. Elle étoit fille de Charles de Rohan,
Prince de Guimené, Duc de Montbazon ,
Pair de France mort le 10 Octobre 1727,
et de Charlotte Elizabeth de Cochefilet
de Vauvineux , morte le 24 Décembre
1719. Elle a laissé de son premier mari
Loüise Elizabeth de Colins de Mortaigne,
fille unique ,née au mois de Février 1713.
et mariée le 6 May 1733 , avec le Comte
de Montboissier , Capitaine de Cavalerie
dans le Régiment de Clermont , Prince ,
Cavalerie , fils aîné de Philippe Claude ,
Marquis de Montboissier Canilliac , Capitaine
Lieutenant de la seconde Compagnie
des Mousquetaires de la Garde du
Roy.
·
Le 21. D. Marie- Anne Tronçon, veuve
depuis le 17 Novembre 1704. de Mathieu
Garnier, Seigneur de Monthereau ,
Président au Parlement de Metz , et fille.
d'Ennemond Tronçon , Seigneur de Chaumontel
- la- Ville , et du Preslay , Maître
d'Hôtel ordinaire du Roy , et Trésorier
de France à Orleans , et d'Anne Boyer ,
mourut à Paris , âgée d'environ 89 ans ,
laissant une fille unique , qui est D.Marie-
Jeanne Garnier de Monthereau , ma-
I riéc
2094 MERCURE DE FRANCE .
›
riée le 20 Avril 1689 , avec Etienne Canaye
, Seigneur de Malval , des Roches ,
&c . Conseiller en la Grand'Chambce du
Parlement de Paris.
و
Le 28 , François le Maistre , Seigneur
de Persac en Poitou , de Belloc , et en
partie du Marquisat de Ferrieres , Conseiller
Honoraire au Parlement de Paris ,
où il avoit été reçu le 2 Juillet 1692. fils
de François le Maistre , Seigneur des mê
mes Lieux, mort Conseiller en la Grand-
Chambre du même Parlement , le 14 Septembre
1685. et de D. Marie le Feron , fa
seconde femme , morte le 4 Decembre
1720 femme alors en secondes nôces de
Claude de Thyard , Comte de Bissy , frere
du Cardinal de ce nom mourut au
Chateau de Mont rouge , près de Paris,
âgé d'environ 65 ans , et le lendemain au
soir son corps fut apporté à Paris , et inhumé
aux Cordeliers , dans la fépulture
de fa famille. Il desaendoit du celebre
Gilles le Maistre , premier Président au
Parlement de Paris , qui étoit son 4 aïeul,
et qui mourut le 5 Decembre 1562. François
le Maistre qui vient de mourir ,avoit
été marié le 1 Août 1695 , avec Marie-
Marguerite Boucher , morte le 2 Avril
1721.dans la 47 année de son âge,fille de
Nicolas Boucher , vivant Secretaire du
Roy ,
J
SEPTEMBRE. 1733. 2095
Roy , Grand Audiancier de France, et de
Mario Bannelier. Il n'en a laissé que Marie-
Anne le Maistre ,née le 27 Mars 1700.
et mariée le 22 Décembre 1722. avec Nicolas
le Camus , premier Président en la
Cour des Aydes de Paris , et Seigneur de
Mont-rouge , qui avoit épousé en premieres
nôces Magdeleine- Charlotte Baugier
, morte le 2 Decembre 1722 .
Le 25. Août , est née Augustine-Julie , fille
d'Anne- Gabriel de Cugnac , Chevalier , Baron de
Reuilly , Sous - Lieutenant au Régiment des Gar
des Françoises , et de D. Jeanne Marie - Joseph
Guyon de Disier , son Epouse. Ses Parains et
Maraines ont été Antoine- Hiacinte de Mainville
, Comte de Marigny , Brigadier des Armées
du Roy et Capitaine - Lieutenant de la Compagnie
des Chevaux- Legers d'Orleans , et Dlle Ju-
Tie- Augustine Hurault de Vibraye.
Le 13. Septembre , fut baptisée Marie - Charlotte-
Dorothée , née le jour précedent , fille de
Michel - Charles - Dorothée de Roncherolles ,
Chevalier , Comte du Pont S. Pierre , Mestre de
Camp du Régiment Royal des Cravates, Cavalerie
, de D. Charlotte - Marguerite de Romilley de
la Chesnelaye , son Epouse , qui ont été mariez
le 25. May 1728. elle a eu pour Parain Adolphe
Charles de Romilley , Chevalier , Marquis de la
Chesnelaye et d'Amy , Comte de Mausson , Seigneur
de la Chaise , d'Ardesne, & c. Brigadier des
Armées du Roy , Chevalier de l'Ordre Militaire
de S. Louis , et Gouverneur des Ville et Château
de Fougeres en Bretagne , son Ayeul maternel
et pour Maraine , D. Marie- Anne Dorothée
Erard
I ij.
1
2016 MERCURE DE FRANCE
Erard le Gris,Marquise d'Echauffour et de Montreuil
, Comtesse de Cisey , &c. Epouse de Mi
chel de Roncherolles, Marquis du Pont S. Pierre,
premier Baron de Normandie , et Conseiller
'honneur-né au Parlement de Roücn , son Ayeu
le paternelle. Nous avons parlé de cette Maison
de Roncherolles , aussi bien que de celle de Romilley
, dans le Mercure de Juin 1728. premier
vol.p. 1255. à l'occasion tant du Mariage des Pere
et Mere de P'Enfant qui vient de naître , que de
celui de D. Marie - Catherine de Roncherolles,
soeur du Comte du Pont S. Pierre , avec François
de Rivoire , Marquis du Palais , Brigadier
des Armées du Roy , Lieutenant des Gardes du
Corps de S. M. qui fut celebré le 3. Juin 1728 .
Le 15. il est né un fils à Louis - François de
Laurens , Comte de Montserin , de son Mariage
avec Françoise Louise de Laurens , qui a été
nommé au Baptême par Thomas Rivier , et par
D. Joseph de Rebé , veuve de Leonor du Maine
Marquis du Bourg,
-Le 12. Septembre , Charles- Guillaume- Louis
de Broglio , âgé de 17. à 18. ans , seul fils de
Charles Guillaume , Marquis de Broglio , Lieu
tenant General des Armées du Roy , et Gouver
neur de Graveline , cy- devant Directeur general
d'Infanterie , et de feue D. Marie Magdeleine
Voysin , son Epouse , fille du Chancelier de
France de ce nom , morte le 11. Janvier 1722,
fut marié avec Dlle Theodore - Elizabeth de Besenval
de Bronstat , fille de Jean- Victor Baron
de Besenval Bronstat , du Canton de Soleure ,
Lieutenant General des Armées du Roy, et Colo
nel des Gardes Suisses de S. M. et de D, Cathe
ine , née Comtesse de Biclinski.
Le 15. Pierre- Jacques - Louis de Becdelievre ,
Marquis
Marquis de Quevilly , fils de Louis de Becdelievre,
Baron de Cany , et de feüe D. Anne- Henriette
Catherine Toustaing d'Herbeville , épousa Dlle
Charlotte Paulmier de la Bucaille , fille de Pierre
Paulmier de la Bucaille , Seigneur de Prestreval ,
et de D. Genoviéve Marette.
-
>
La nuit du Dimanche au Lundi 17.
d'Août dernier , Charles Pierre Gaston
de Lévis de Lomagne , Maréchal hé
reditaire de la Foy , Chevalier , Marquis
de Mirepoix , Comte de Terrides , Vicomte
de Gimoix , Baron de Mont- Fourcaul
, &c. Colonel du Régiment de Saintonge
; fils de feu Charles- Pierre de Lévis
, Marquis de Mirepoix , Prince de
Pescheseul , Comte de Terredes , Maréchal
héréditaire de la Foy , et de feüe
Dame Gabrielle d'Olivier , épousa Anne-
Gabrielle-Henriette Bernard , fille de Gabriel
. Bernard . Comte de Rieux , Baron
et Seigneur de la Liviniere , Ferals , Fief-
Madame , &c. Conseiller du Roy en ses
Conseils , Président au Parlement , Deu
xiéme Chambre des Enquêtes , et de Dame
Suzanne-Marie- Henriette de Boulainvilliers
, petite fille du côté Paternel de Samuel
Bernard , Chevalier de l'un des Ordres
du Roy , Conseiller d'État , Comte
de Coubert , Marquis de Merry , &c. en
du côté Maternel , de feu Henry de Boulainvilliers
, Comte de S. Saire , si celebret
1 ii
par
L
par le grand nombre de ses Ouvrages
dont la plupart ont été rendus publics
depuis sa mort.
On ne s'étendra pas sur la grandeur
de la Maison de Lévis , dont le Marquis
de Mirepoix est l'aîné. Ce ne seroit rien
apprendre au Public ; personne n'ignore
qu'elle est une des plus anciennes et des
plus illustres du Royaume . On en trouve
la Généalogie détaillée dans le 4. volume
de l'Histoire Généalogique du P.
Anselme , page 15 .
11 suffira d'observer que Guy de Lévis
I. du nom , Chef de toutes les Branches
de cette Maison , qui subsistent au→
jourd'hui , fit paroître tant de valeur et
de zele pour la Religion dans la guerre
contre les Albigeois , où il commandoit
en qualité de Maréchal des Croisez , au
commencement du 13. siecle , qu'il y
mérita pour lui et pour l'aîné de ses Enfans
mâles , à perpétuité , le Titre de Maréchal
de la Foy Titre que nos Rois
ont depuis confirmé en plusieurs occa
sions , entre autres , par un Arrêt du
Grand Conseil du 10.Juin 1651. et c'est
en qualité de Maréchal héréditaire de la
Foy , que le Marquis de Mirepoix porte
derriere l'Ecu de ses Armes , qui sont
d'or à trois chevrons de sable , deux Bâtons
SEPTEMBRE. 1733 2099
tons d'azur en sautoir , semez de Croix
et de Fleurs de Lys d'or.
Le Chevalier Bernard , toujours magnifique
dans ce qu'il fait , donna à l'occasion
de ce Mariage dans son Hôtel ,
ruë neuve Notte -Dame des Victoires
une Fête qui a fait l'étonnement et l'ad
miration de tous ceux qui y ont assisté.
Le matin du Dimanche 16. Août , un
grand nombre de Suisses furent postez
aux portes de l'Hôtel et des Apparte
mens , et un détachement d'autres Suisses
fut chargé de la garde des Cour, Jar
dins , Passages , &c.
La Fête commença sur les 6. heures
du soir , par un Concert , qui ne pouvoit
manquer d'être parfaitement bien
executé , M. Bernard ayant eu soin d'y
rassembler en grand nombre les plus belles
Voix et les meilleurs Instrumens , et
l'on peut dire de ces excellens Sujets ,
que le zele se joignant à leurs talens , ils
se surpasserent pour répondre aux intentions
de M. Bernard .
Sur les 7. heures du soir , toutes les
façades de l'Hôtel furent illuminées d'u
ne quantité prodigieuse de Lampions et
de Terrines , qui profiloient toutes les
Corniches , les Croisées , les Plintes et
les autres principaux Membres de l'Ar-
I iiij
chi2100
MERCURE DE FRANCE
chitecture , depuis le faîte jusqu'au rezde
- chaussée. La principale façade de la
Cour , étoit surmontée d'une Etoite de
Lampions , si grande et si brillante que
les yeux avoient peine à en soutenir l'éclat.
L'Illumination qui décoroit le devant
de l'Hôtel sur la ruë , formoit plusieurs
Pilastres , et le pourtour de la
Porte Cochere , au haut de laquelle étoit
un Fronton entre deux grandes Pirami
des de Lampions , qui jettoient une lumiere
très-agréable ; et pour éclairer de
plus loin les Carosses , on avoit garni le
mur du Jardin des Petits - Peres de la
Place des Victoires , de terrines posées
sur des Consoles , depuis l'Eglise jusqu'à
l'angle et très-avant dans la ruë neuve
S. Augustin. On n'aura pas de peine à
s'imaginier le brillant de cette Illumina
tion , quand on sçaura que tous les lampions
et les terrines étoient en cire blanche
, précaution que l'on a crû devoir
prendre pour éviter la mauvaise odeur
et pour garantir les habits des Dames
et des autres Conviez qui étoient obligez
de passer sous des Arcades illuminées .
Après le Concert , vers les neuf heures
, toute la Compagnie descendit et traversa
une enfilade d'Appartement à rezde-
chaussée , pour se rendre dans une
Sale
Echelle
de
Le Roux inv.
PEL
618 wifes
P
C
LIBRARY
.
A, LENOX
AND
TELEEN
FOUNDATIONS
.
pou endre dans une
Sale
DRAKY
.
ASTOR
, LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONS
.
TEMPLE DE MARS
Mademoifelle
uis de
Mirepoix avec
Bernard
Comte de Coubert .
DEO NT
REG
REGI
SEPTEMBRE. 1733. 2102
Sale , où l'on avoit servi un Repas des
plus somptueux. C'est ici qu'a parû dans
tout son éclat , le goût et la magnificence
du Chevalier Bernard ,
Cette Sale , dont tout le monde a
admiré la grandeur et les proportions ,
avoit été construite dans le Jardin par
les soins et sur les Desseins de M. le Roux,
Architecte du Roy et de l'Académie
Royale d'Architecture , qui a employé
avec succès son Art et ses talens pour
executer les idées de M. Bernard .
L'étendue de la Sale étoit de 12. toises
de longueur , sur sept de largeur , et elle
avoit 22. pieds et demi d'élevation depuis
le plancher jusqu'au Plafond. 1. a
La décoration du Frontispice repré
sentoit en camayeu le Temple de Mars ,
dont une Porte cintrée formoit la prin
cipale Entrée. Aux deux côtez étoient
quatre grands Pilastres d'une très- belle
Architecture, ornez de Trophées de
guerre , et entre les Pilastres , deux grandes
Arcades vitrées , qui laissoient jouir
un grand nombre de Spectateurs du coup
d'oeil de la Sale , et donnoient aux Conviez
le plaisir de voir la Façade illuminée
du dedans de l'Hôtel. Au - dessus
de ces deux Arcades , on voyoit des
Trophées d'Amour et les Chiffres des
21
I y now
1102 MERCURE DE FRANCE
nouveaux Epoux , sous une Corniche
feinte de pierre de taille , surmontée d'un
grand Fronton de la largeur de l'Edifice;
dans le Timpan duquel étoient les Ar
mes du Marquis de Mirepoix , accolées
avec celles de sa nouvelle Epouse , dans.un
Cartouche , avec la Couronne Ducale,
un Griphon et un Lion pour supports ,
et les Bâtons de Maréchal de la Foy
mis en sautoir derriere les deux Ecus
le tout peint et très bien exprimé en
bas - relief, par les clairs et les ombres.
Sur un des cô ez du Fronton et à la
droite du Cartouche , on lisoit dans une
Banderole la Devise : Aide Dieu an second
Chrétien Lévis , à la gauche dans
une autre Banderole : Deo ut Regi , Regi
ut Deo ; et au- dessous des Armes , Callar
Vale Mas. Ces trois Devises appartiennent
depuis un temps immémorial à la
Branche aînée de Lévis , et ne sont pas
moins des marques de son ancienneté ,
que des grands services qu'elle a rendus
au Roy et à la Religion .
Enfin , aux deux extrémitez du Fron
ton , sur la Corniche , s'élevoient deux
bouts de balustrade , chargez de deux
Trophées d'Armes en ronde-bosse.
Au fond de cette Sale , en face de la
grande Porte , on avoit pratiqué un enfonSEPTEMBRE.
1733 . 2103
foncement pour un grand Buffet d'appa
rat , aux côtez duquel il y en avoit
deux autres. Au - dessus de ces deux Buf
fers étoient deux Tribunes spacieuses ,
destinées pour la Symphonie.
Au pourtour du bas de la Sale regnoit
un Lambris de quatre pieds de hauteur ;
le Plafond étoit soutenu d'un Frise et Cor
niche , interrompuës au- dessus du grand
Buffet , des Armes groupées des Mariez,
entre deux Emblêmes, peints en camayeu
gris-de- lin ; et du côté opposé , c'est - àdire
, au- dessus de la grande Porte , on
voyoit les Armes de M. Bernard , placées
entre deux Chiffres dans des Čartouches.
Le reste de la Frise , le long des
deux grands côtez,étoit orné de Cartouches
et de Devises .
Outre la principale Porte d'entrée dont
nous avons parlé, il y en avoit encore
4.autres de 15. pieds de hauteur sur 8. de
largeur dans les grands côtez de la Sale;
et à la premiere à droite , aboutissoit une
Galerie couverte , longue de 4. toises et
demie , et large d'environ 2. toises , qui
communiquoit aux Appartemens du rezde-
chaussée , par le moyen de laquelle
la Compagnie passa des Appartemens
dans la Sale, sans être exposée à la pluye
ni au mauvais temps.
I vj Dans
2104 MERCURE DE FRANCE
Dans le milieu de la Sale étoit une Table
en fer à cheval , qui avoit 150. pieds
de pourtour par les dehors , pout 70.
Couverts. Il y en avoit encore quatre au
tres de 9. pieds de long dans les encoignures
du côté de la grande Entrée , qui
servoient de Buffet pour poser les Services
, avant que de les porter sur la grande
Table. La Sale étoit décorée avec tout
l'art possible ; un grand nombre de Lustres
et de Girandoles dans les plus ingénieux
arrangemens , y répandoit une lumiere
très- éclatante.
Le Fer à cheval étoit entouré par- dehors
de 70, tant chaises que fauteuils , de
même parure , en velours cramoisi , chamaré
en or et argent , les chaises placées.
alternativement entre les fauteuils.
L'arrivée des Conviez dans la Sale fut
annoncée par un bruit de Timbales et
de Trompettes , qui ne cessa que quand
tout le monde fut à table. Les nouveaux
Epoux étoient placez au milieu du Fer à.
cheval ; les fauteuils étoient occupez par
les Dames et les chaises par les Messieurs. ,
Il n'étoit guére possible de voir une.
Assemblée plus brillante , ni un Spectacle
plus magnifique . Cette Table reünissoit
sous un seul point de vûë un grand.
nombre de personnes des plus qualifiées .
et:
SEPTEMBR E. 1753. 210
et des plus considérables du Royaume.
Nous nous croyons dispensez d'entrer
dans le détail du Festin ; on n'aura pas
de peine à imaginer qu'il étoit des plus
somptueux et des mieux servis ; M. Bernard
fit éclarer en cette occasion sa magnificence
ordinaire . 7
Nous observerons seulement , pour
donner une idée de l'ordre établi , que
les Plats et Services étoient apportez par
des Suisses et remis entre les mains d'un
grand nombre d'Officiers , qui les posoient
sur la Table par le milieu du fer
à cheval.
Rien n'étoit plus beau à voir que le
Service du fruit , la Table se trouva en
un instant métamorphosée en une espece
de Jardin délicieux , où les yeux et le
goût trouvoient également de quoi se sa
tisfaire , par l'abondance des fleurs et des
fruits de toute espece qui couvroient
toute l'étendue de la Table ; sans parler
des formes variées et de la délicatesse des
mets , & c.
Les deux Buffets étoient servis par de
hors, ct il y avoit à chacun plusieurs Officiers
qui n'étoient occupez qu'à donner
les Vins les plus rares et les plus exquis. ཏ མ ཉི
A. la Musique guerriere , succeda une
Symphonic mélodieuse , placée dans les
Tri
1
&
2106 MERCURE DE FRANCE
Tribunes , qui dura pendant tout le souper
, interrompuë par intervales par les
Fanfares des Trompettes et des Timbales,
placées sur un Théatre hors de la Sale
du côté de la Galerie couverte. Les sieurs
Charpentier et Danguy , dont tout le
monde connoît les talens ,
l'un pour
la
Musette et l'autre pour la Viele , vinrent
pendant le Souper au milieu du fer
à cheval , et y joüerent ensemble avec
tous les agrémens comiques dont on les
sçait capables ; ce qui fit un intermede
des plus amusants.
Au sortir de table à minuit , toute
la Compagnie monta en carosse pour se
rendre à S. Eutsache Paroisse de la
Mariée .
>
Le devant de l'Hôtel étoit bordé de
plusieurs Escoüades de Guet à pied , et
l'on trouvoit des Brigades de Guet à che
val à chaque coin des rues aboutissant à
celles par où passoit la suite des Carosses.'
Il y en avoit encore un plus grand nom-'
bre au grand Portail de l'Eglise pour
empêcher le tumulte et la confusion.
L'attention de M. Bernard s'étoit éten
due jusqu'à faire éclairer toute la Place
qui est vis-à- vis l'Eglise ; elle étoit en
tourée de quantité de Terrines , dont la
grande lumiere dissipoit entierement les
énebres de la nuit.
SEPTEMBRE. 1733. 2107
P
Le grand Autel et le Choeur étoient surbement
décorés * et éclairés d'une si
grande quantité de Cierges et de Bougies,
po ées sur Candelabres et des Girandoles,
qu'on avoit peine à s'imaginer que l'on
fût au milieu de la nuit. Une longue suite
de Lustres , suspendus au milieu de
la Nef, accompagnez de Bras à plusieurs
branches , attachez à chaque Pilier , n'y
produisoient pas une clarté moins brillante.
Mais la plus belle Décoration de l'Eglise
, et celle qui devoit le plus flatter
M. Bernard , c'étoit la multitude prodigieuse
de monde, de tout rang et de tout
etat qui s'y rendit de tous les quartiers
de Paris , pour prendre part et voir cette
pompeuse Nôce. Jamais Ceremonie de
cette espece n'attira en effet tant de
Spectateurs. Le Choeur er la Nef étoient
templis de personnes de la premiere distinction
, qui cependant n'étoient pas de
la Noce. Il y avoir dans le reste de l'Eglise
un peuple aussi nombreux qu'aux
jours des plus grandes Fêtes . Une foule
de Carosses occupoir , à une très-grande
distance , toutes les rues qui aboutissent
à S. Eustache.
Par le sieur Guilleaumon , Tapissier ordinaire
de la Ville , qui avoit aussi décoré et illuminé la
Sale.
2708 MERCURE DE FRANCE
Tous ceux qui ont assité à cette sainte
et éclatante Ceremonie , ont parû en être
pleinement satisfaits . Le Marquis de Mirepoix
est un des Seigneurs les mieux
faits et des plus polis de la Cour , et
rien n'est plus charmant que sa jeune
Epouse , qui dans cette occasion ajoûta
aux graces de sa personne , une douceur
et une modestie , qui firent l'admiration
de tout le monde.
M. le Curé de S. Eustache fit la Célebration
du Mariage dans le Choeur de
son Eglise et dit ensuite la Messe , pendant
laquelle M. Forcroy toucha POr
gue.
Quelque étonnante que soit la magnificence
que M. le Chevalier Bernard ait
fait paroître à l'occasion de ce Mariage,
on sera encore plus surpris de la rapidité
avec laquelle tous les préparatifs de la
Fête ont été faits.. La construction et la
décoration de la Sale , toutes les Illumi
nations au dedans et au dehors de l'Hô
tel , tout le travail des Cuisines et des
Offices , tout cela a été l'ouvrage de cinq
jours , pendant lesquels on a vû près de
deux mille Ouvriers travailler à des opé
rations differentes , sans trouble ni confusion.
Le jour de la Fête se passa avec le même
SEPTEMBRE. 1733. 2109
me ordre , quoique toute la Maison fût
dans un grand mouvement , et entierementeremplie
de monde ; mais par le
bon ordre , il n'y eut ni accident , ni
cohue ni embarras , ce qui est assez rare
dans de pareilles circonstances .
Nous joignons ici à cette Description
un Plan gravé , tant de l'Hôtel de M. Bernard
, que de la grande Sale , et une
élevation ou façade du Temple.
***************
ARRESTS NOTABLES .
LRegle
ETTRES PATENTES DU ROY , portant
Reglement pour la teinture des Laines destinées
à la fabrique des Tapisseries ; avec l'Instruction
sur le Débouilli desdites Laines. Don
nées à Compiegne le 7. Juillet 1733. Registrées
en Parlement.
ARREST du 23. Juillet , concernant les Parcs
et Pescheries qui sont sur les Greves du ressort
de l'Amirauté de Quimper.
DECLARATION DU ROY , concernant
les Gages intermédiaires et autres Droits . Donnée
à Compiegne le 25. Juillet 1733. Registrée
en la Chambre des Comptes le 4. Septembre.
ARREST du 28. Juillet , qui excepte du
payement des droits de 30. sols pour livre , et
des autres droits réservez , tous les Procez verbaux
de visites , recollemens , martelages , er
baux
zrto MERCURE DE FRANCE
autres actes judiciaires qui seront faits dans ses
bois appartenant aux Communautez Ecclesasti →
ques et Lsiques ; et qui regle les cas o lesdits
droits pourront être perçus.
AUTRE du premier Août , qui modere les
droits de sortie hors du Royaume , et ceux de
marque et de contrôle , sur la vaisselle d'argent
et autres ouvrages d'Orfévrerie d'or ou d'argent,
fabriquez dans la Ville de Paris , qui seront des
tinez pour les Pays Etrangers , commencer du
premier Septembre 1733 .
ORDONNANCE DU ROY , du 2. Août ,
Pour deffendre à tous Capitaines et autres Officiers
des Troupes reglées , d'engager aucun Soldat
des Bataillons de Milice étant en garnison
dans les Places , pour servir dans leurs Compagnies
après que le temps du service desdits Miliciens
sera expiré , où sous quelqu'autre prétexte
que ce soit ; et pour casser et annuller tous en
gagemens de cette espece faits jusqu'à ce jour.
ARREST du 11. Août , qui proroge pour un
an , à compter du IS Octobre prochain , au
15. Octobre 1734. l'exemption des droits portée
par l'Arrêt du 23. Septembre 1732. sur les
bleds , fromens et autres grains , farines et légumes
, qui seront transportez des Provinces des
cinq grosses Fermes dans les Provinces réputées
étrangeres , et des Provinces réputées étrangeres
dan celles des cinq grosses Fermes ; et deffend le
transport desdits grains à l'étranger.
AUTRE du même jour, qui exempte des
droits dûs au Roy ou à ses Fermiers , et des
droits de peages , les grains qui seront trans
portez des Provinces du Royaume dans celle
de Provence , à compter du 15. Septembre 1733.
DESEPTEMBRE
. 1733. 2711
DECLARIATION DU ROY , portant réïnion
à la Ville de Paris des droits attribuez auz
Offices de Rouleurs , Chargeurs et Déchargeurs
de VineDonnée à Compiegne le 16. Août 1733 .
Registrée au Parlement le 18. dudit mois.
I ORDONNANCE DU ROY , du 13. Août ,
qui enjoint de faire arrêter les Mandians , Gens
sans aveu, Ouvriers ou Domestiques qui se tronveront
retirez dans les Auberges ou Logis , s'ils
ne sont munis de Certificats de fidélité. Ordonne
S M. au sieur Herault de tenir la main à l'éxecution
de ladite Ordonnance , qui a été publiée
le 9. Septembre suivant.
ARREST du Parlement du 29. Août , qui
condamne le nommé Bonval à faire Amende
honorable in figuris , et aux Galeres pour trois
ans , préalablement marqué des trois lettres
G. A. L. pour avoir pris un mouchoir , l'Audiance
de la Grand'Chambre tenante.
ARREST du Conseil du 4 Sept. qui casse celui
du Parlement de Bretagne du 22. Sept. 1729.
par lequel il a été ordonné qu'une dénonciacion
faire au Procureur du Roy de Fougeres , d'inscrire
un Procès verbal de faux , seroit suivie à la
requête dudit Procureur du Roy , et ordonne
que par ledit Parlement il sera passé outre au
Jugement de Pappel interjetté par un Faussaunier
, nonobstant ladite prétendue inscription.
AUTRE du 6. Septembre , qui déboute le
nommé Davesiés de sa Requête ; ordonne
qu'elle demeurera supprimée comme témeraire et
remplie de faits faux et injurieux ; et que Toutain
de la Coursiere , Avocat , qui l'a signée ,
de
2112 MERCURE DE FRANCE
demeurera interdit pour un an de ses fonctions.
Ordonne en outre que toutes les Pieces seront
remises au dépôt des anciennes minutes du
Conseil , dont il sera dressé Procès verbal en
la maniere accoûtumée , &c.
ARREST du Parlement , du 7. Septembre
1733. qui condamne un Libelle , &c.
Ce jour , les Gens du Roy sont entrez , ét
Maître Pierre Gilbert de Voisins , Avocat dudit
Seigneur Roy , portant la parole , ont dit :
MESSIEURS ,
Sous quelle idée et sous quels caracteres pouvons
nous vous présenter le Libelle que notre
devoir nous oblige à vous déférer ? Est - ce comme
une invective sanglante et une déclamation
scandaleuse contre la Cour et le Bareau ? Est-ce
comme un Ecrit audacieux , qui porte ses atteintes
jusqu'au Trône , et n'épargne ni la Majesté
Royale , ni les sages Dépositaires de ses augustes
secrets ? Est- ce enfin comme un flambeau destiné
à tour embraser , et qui ne pourroit servir
qu'à rendre réels , s'il étoit possible , les maux
qu'on veut nous faire envisager ?
C'est , Messieurs , sous tous ces caracteres ensemble
, qui tout à la fois se déclarent dans cet
Ouurage ; et cependant il ose se produire sous le
titre de Lettre d'un Evêque de France au Roy ;
dernier trait par lequel il profane en même tems
' et le nom respectable des Evêques , et le nom
auguste du Roy.
Laissons dans ce Libelle ce qui peut nous regarder
et tant d'autres , et ne croyons pas que
la Cour elle- même soit plus attentive à une in
jure , qu'il est en quelque sorte glorieux de partager
avec tout ce qu'il y a de plus respectable ;
mais il n'est pas permis d'être insensible à ce qui
offense
SEPTEMBRE. 1733 .
2113
offense si ouvertement le respect dû au Souverain
,l'honneur des puissances , et toutes les Loix
de la bienséance publique.
On ne peut marquer trop d'indignation contre
un Ecrit,qui se couvrant des interêts du Roy
et de l'Etat , ose y attenter , pour satisfaire une
passion trop déclarée ; qui sous prétexte de
venger l'Episcopat , ne craint point de mettre
sous un nom si vénérable ses propres excès ; et
qui n'a d'autre objet dans sa licence , que de traverser
toutes sortes de vues pacifiques , capables
d'assurer le calme et la tranquillité .
Un plus grand détail seroit inutile sur un tel
Ouvrage dont la vûë est un scandale , et dont la
lecture suffit pour sa réprobation . Ne songeons
qu'à l'étouffer en vous demandant qu'il soit aboli
par les flammes. C'est à quoi tendent les Conclu
sions par écrit que nous laissons , avec l'Exemplaire
qui est tombé entre nos mains.
Eux retirez :
La
Vu le Libelle intitulé : Lettre d'un Evêque de
France au Roy , datée à la fin ,
Avril 1733 .
matiere sur ce mise en délibération.
La Cour a arrêté et ordonné que ledit Libelle
sera lacéré et brûlé en la Cour du Palais , au pied
du grand Escalier d'iceui , par l'Executeur de la
haute Justice , comme injurieux à l'autorité
Royale et à l'honneur des Parlemens , excitant
au schisme , et tendant à sédition ; fait inhibition
et deffenses à tous Libraires , Imprimeurs ,
Colporteurs et tous autres , de l'imprimer , vendre
et débiter , ou autrement distribuer , sous
peine d'être procedé contre eux extraordinaire,
ment ; enjoint à ceux qui en auroient des Exem
plaires de les remettre incessamment au Greffe
de laCour pour y êtrê supprimez ; ordonne qu'à
Ja requête du Procureur Général du Roy, il serainfote
2114 MERCURE DE FRANCE
•
informé pardevant Me Goifard , Conseiller
pour les témoins qui pourroient être entendus
dans cette Ville de Paris , et à la poursuite et di
ligence de ses Substituts , pardevant les Lieutenans
Criminels ou autres Officiers des Bailliages,.
pour ceux qui pourroient y être entendus; contre.
ceux qui auroient imprimé , vendu , débité ou
autrement distribué ledit Libelle ; pour les informations
faites , rapportées et communiquées au
Procureur Général du Roy , être par lui requis ,
et par la Cour ordonné ce qu'il appartiendra
ordonne en outre que copies collationnées du
présent Arrêt seront envoyées aux Bailliages et
Sénéchaussées du Ressort , pour y étre lûës
publiées et registrées; enjoint aux Substituts du
Procureur Général du Roy d'y tenir la main ,
et d'en certifier la Cour dans un mois, Fait en
Parlement le sept Septembre mil sept cens trente
trois. Signé , DUFRANC.
Et ledit jour Lundi septième jour de Septembre
audit an,l'heure de midi , en execution de l'Arrêt
cy-dessus , ledit Libelle y mentionné , a été laceré
et jetté au feu , au bas du grand Escalier du Palais
, par l'Executeur de la haute Justice , en présence
de nous Louis Dufranc , l'un des trois premiers.
et principaux Commis pour la Grand Chambre ,
assisté de deux Huissiers de la Cour. Signé
DUFRANC.
TABLE
IECES FUGITIVES. Le Cantique des Canti-
PIEGUES , &C.
1901:
Suite de la Lettre sur les avantages des Gens mariez
en Normandie , 1904
Rondeau à l'Auteur de l'Eloge de la Pauvreté , et
J
#
Réponse , 1917
20
Réponse du P. Toarnemine , au sujet d'une Prophétie
attribuée au Roy David ,
Le Chesne et le Lierre , Fahle ,
1919
1924
Lettre et Description d'une Pendule à Ressorts ,
marquant et sonnant le temps vrai ,
Epigrammes ,
1926
1934
Lettre sur une Machine pour élever l'eau , 1935
1938 Bouquet ,
Problême proposé aux Métaphisiciens Géométres
, sur l'essence de la matiere ,
Priere au Sommeil ,
1939
1948
1949
Lettre à l'Auteur du Projet d'une nouvelle Edition
des Essais de Montaigne ,
Réponse de Mlle de la Vigne à M. D. sur son
Portrait , 1974
Lettre sur un ancien Vocabulaire des Villes de
France ,
Codrus , Poëme ,
1975
1979
Memoire sur la Sépulture de S. Aignan , 1983
Le Pécheur troublé au - dedans de lui - même, 1989
Refléxions , &C.
Enigme , Logogryphes ,
1991
2002
Nouvelles Litteraires des Beaux - Arts , &c. 2006
Reflexions sur la Requête contre la Chambre
du Clergé de Bourgogne,
Architecture des Eglises , & c.
2007
2008
Histoire Generale des Auteurs Sacrés et Eccle-
-siastiques , &c.
Memoires pour
Illustres , &c.
2009
servir à l'Histoire des Hommes
Causes celebres et interessantes , &cç.
Histoire des Incas , Rois du Pérou , &c.
Le Progrez de la Sculpture , Ode ,
· Livres des Pays étrangers , &c.
Programme de l'Académie de Bordeaux ,
Estampes nouvelles ,
Chanson nottée ,
Spectacles, Piéces nouvelles , &c.
2012
2021
2025
2027
2032
2035
2036
2039
2040
Le Bouquet , petite Comédie ,
L'Isle du mariage , extrait ,
2042
2047
Nouvelles éirangeres ,de Turquie et Perso, 2054
Lettre de Constantinople , &c.
De Russie et de l'ologne , & c ,
D'Allemagne , Italie et Espagne ,
2055
2060
2064 >
Addition aux Nouvelles Etrangeres , de Turquie
et Perse , Pologne , &c.
Promotion d'Officiers de Galeres , & c.
Dans la Gendarmerie , & c.
2067
譬
2075
2076
Benefices donnez , & c.. 2078
Morts , Naissances , Mariages , &c.
2085
Arrêts Notables , 2109
Errata d'Aout.
Page 1818 , ligne 17 ,tam, lisex tom . p.1858 .
1,30. de soustraire, l. de le soustraire . p . 1885 .
t. 26. tous , l. toutes,"
Page
Fautes à corriger dans ce Livre.
Age 1927. ligne s.rencontrer, lisez rencontre,
p. 1932. l. 20. fixé , l . fixe. p . 1948. l. 6. un
1. une. p. 1969 .l. 4. guastora, น. guastara. ibid.
fagiana, l . fagiano. p. 1972. l. 17. Veillars,l. Villars.
p.1973.29 . Patenottes,/ Patenôtres. p. 1975 ,
19.répond icy,l.répondrez . p.1992.l.7.les , l.ces.
ibid.l.2.du bas les homes,l.ils ont une.p.1993.1.3 .
du bas les hommes ,l, ils trouvent.p.2003.18.double
prix ; l . double du prix. p. 2005. l. 15. j'excite
Lj'existe p. 216. 1. 7. que , l. que..
La Chanson nottée , regarde la page
-Le Plan gravé doit regarder la page
2039
2109
MERCURE
DE FRANCE ,
DEDIE AU ROT.
OCTOBRE . 1733 .
RYCOLLIGIT
SPARGIT
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER,
ruë S. Jacques.
Chez LA VEUVE PISSOT , Quay de
Conty , à la descente du Pont- Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais
M. DCC. XXXIII.
Avec Approbation & Privilege du Roy,
A VIS.
L
→
>
' ADRESSE generale eft à
Monfieur MOREAU Commis an
Mercure vis - à - vis la Comedie Frangoife
, à Paris, Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets ca-.
chetez aux Libraires qui vendent le Mercure
, à Paris , peuventfe fervir de cette voye
pour lesfaire tenir,
On prie très- inflamment , quand on adreſſe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non -feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas garde
de copie.
Les Libraires des Provinces des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de la
pre-
"miere main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreſſes à M. Moreau
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps , & de les faire porterfur
Cheure à la Pofte , on aux Meffageries qu'on
lui indiquera,
PRIX XXX. SOLS.
>
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT.
OCTOBRE. 1733 .
*****************
PIECES FUGITIVES ,
en Vers et en Prose.
L'UTILITE'
DES PRIX ACADEMIQUES.
ODE qui a remporté le Prix de l'Académie
de Marseille. Par M. d'Ardene.
EE
Lide , jadis si chantée ,
Non ,je ne puis goûter tes Jeux ,
Leur pompe a beau m'être van
tée ,.
Qu'est-ce qu'un prix souvent douteux ?
Dans un tourbillon ( a ) de poussiere ,
( a ) Course des Chariots.
A ij Un
2116 MER CURE DE FRANCE
Un Char vole dans la carriere ,
Plus prompt que l'oeil du Spectateurs
A ses côtez suit la Victoire ;
Qui va-t'elle couvrir de gloire ,
Des Coursiers ou du Conducteur ?
Quels objets surprenans m'attirent ,
Des Rivaux courent (a) s'embrasser !
Ah Ciel ! j'en vois ( b ) qui ne respirent ,
Que le sang qu'ils content verser
Il coule ; quelle barbarie !
La Nature émuë , attendrie ,
I ;
En frémit; m'arrache à ces Lieux,
A ces Spectacles tu présides ,
Alecton , des Jeux homicides ,
Sont dignes d'amuser tes yeux.
Nos combats sont bien plus tranquiles.;
Minerve en dicta le projet.
Nobles , interessans , utiles ,
L'esprit en est l'ame et l'objet.
A le former nos Jeux aspirent ,
Ils nous enflamment , nous inspirent ;
Chaque instant hâte les succès.
La regle instruit ; l'exemple pique ;
( a ) La Lutte.
(b ) Les Gladiateurs.
L'Espr
OCTOBRE . 1733 2117
1733..
L'Esprit au loin se communique ;
Tout ressent de ses progrès.
Je te conçois , heureux prodige !
Un seul prix arme cent Rivaux.
C'est le point fixe qui dirige ,
Leur ambition , leurs travaux .
Tous animez par l'Esperance
Un d'entre eux plus hardi s'élance ,
Touche au but , se fait couronner.
Ces Emules qu'on voit paroître ,
Suivent de près le Char du Maître ;
Mais ne sont là que pour l'orner,
52
Calmez-vous , Troupe impatiente ,
Vos efforts ne sont pas déçûs.
Non , le triomphe que je chante ,
Sert le Vainqueur , er lês Vaincus.
Tel que ce Géant ( a ) formidable
Qui devenoit plus redoutable ,
Chaque fois qu'il fut terrassé ;
Mes chutes même m'affermissent.
Sur l'aréne , à mes pieds frémissent
Ceux par qui je fus renversé.
Heureuse à jamais la Contrée ,
(a ) Anthée.
A iij Qu'itj
2118 MERCURE DE FRANCE
Qu'illustrent de tels Combattans !
L'ignorance fuit éplorée ,
Du milieu de ses Habitans.
La Gloire avec fierté l'en chasse ,
Un sçavoir brillant la remplace ;
Que le génie est different !
Où l'on rougissoit de s'instruire ,
Un espoir flatteur n'a qu'à luire ,
On y rougit d'être ignorant.
M
L'Eloquence et la Poësie ,
Nos Jeux les ravirent aux Cieux.
D'un noble feu l'ame saisie ,
Nous parlons la Langue des Dieux.
Mais j'admire d'autres merveilles.
Nul secret n'échappe à nos veilles
Les voiles tombent devant nous.
Prodige obscur , hardi systême ,
Tout s'arrange , l'Olympe même ,
De nos lumieres est jaloux.
O vous de qui l'intelligence ,
Eut les succès les plus brillans ,
Nos Couronnes sont la semence ,
(a ) Differentes Académies qui par le prix qu'elles
distribuent , perfectionnent les Sciences les plus
utiles.
Qui
OCTOBRE
1 . 1733. 2119
Qui fit éclore vos talens .
C'est l'aiguillon qui les anime.
Que ne peut la soif et l'estime?
L'Univers lui doit sa splendeur.
Héros , Guerriers , ou Pacifiques ,
Arts utiles et magnifiques ,
Cette soif fit votre grandeur .
Quels changemens vois - je paroître !
L'esprit orné polit les moeurs. ,
La lumiere vient - elle à croître ?
Les Vertus germent dans les coeurs.]
La nuit sombre de l'ignorance ,
Des vices accroit la licence ,
Elle enfante l'égarement .
A l'aide de nos exercices ,
Et de l'ignorance et des vices ,
Nous triomphons également.
Villars , de qui la Terre ențiere ,
Admire et vante la valeur ,
Qui domptant ton ardeur guerriere ,
Sçus calmer l'Europe en fureur ,
Tu voulus pour combler ta gloire ,
*
* M. le Marechal de Villars vient de fonder
perpetuité le Prix qu'il fournissoit tous les ans
Académie de Marseille , dont il est Protecteur .
A j Aux
2120 MERCURE DE FRANCE
Aux doctes Filles de mémoire
Prêter un appui généreux ;
Les dons faits à ces Immortelles ,
Tu les rends immortels comme elles ,
Ton nom ne peut durer moins qu'eux.
L'Académie de Marseille a fait dé
clarer par son Secretaire , à l'Auteur de
cette Ode , lequel remporta les Prix de
Prose et de. Poësie de la même Académie
en 1931. de vouloir bien ne plus
travailler pour ces Prix.
CONJECTURES sur une Gravûre
antique , qu'on croit avoir servi d'Amulete
an de Préservatif contre les Rats:
D
Epuis que
les hommes , foibles par
cux- mêmes , et malheureusement
esclaves de leur cupidité ,se furent écartez
de la vraye Religion
, ils eurent recours
à des Divinitez
arbitraires
ausquelles ils
assignetent
des fonctions
à proportion
de leurs besoins . Elles étoient chargées de
les garantir
de tout ce qui pouvoit leur
nuire. Les Nations entieres livrées à la superstition
la plus grossiere
, attribuerent
à
des Talismans
,à des Amuletes,à des Pierres
gravées
OCTOBRE. 1733 2123
gravées , des Vertus occultes et prétendues
efficaces contre les malheurs et les
maladies qui les menaçoient , et contre
les Animaux et les Insectes qui leur faisoient
la guerre. La multitude si aisée à
séduire par les apparences les plus foibles
d'un merveilleux , dont elle est.
toujours avide, s'empressoit d'attester les
effets de ces prétendus préservatifs. De
là ces Monumens de leur crédulité se
multiplierent à l'infini , et plusieurs d'entre'eux
se sont conservez jusqu'à nous.
C'est dans cette Classe que j'ai crû devoir
ranger la Gravûre singuliere qu'un
illustre Magistrat ( a ) vient d'ajouter à
la magnifique collection de tout ce que
' Antiquité peut fournir de plus rare et
de plus curieux en fait de Médailles et
de Gravûres antiques . C'est une Agathe
Sardonyx rouge et blanche , gravée en
relief , plus remarquable par la singu
larité du Type , que par la beauté du
Dessein et la délicatesse du travail . Elle
représente un Autel ou Cippus , sur lequel
on voit un Rat qu'un Cocq prend
par la queue pour l'attirer à soy et pour
le faire tomber au bas de l'Autel . Il paroît
résister ; et il semble tenir quelque
(a ) M. LE BRET , Premier Président , Inten--
ant et Commandant pour S. M. en Provence.
A. Y chose
2122 MERCURE DE FRANCE
chose à la bouche avec ses deux pattes.
De l'autre côté un autre Cocq tient un
second Rat de la même façon. Il a été
mis hors de combat , et amené par force au
pied de l'Autel . On lit au haut CYCKhne
BOHOI , et au bas ou à l'Exergue KPA-
ΤΟΥΜΕ. (4)
HNEBOHOT
ΚΡΑΤΟΥ ΜΕ
Grandeur
de
la Pierre
(a) On atrouvé à propos de faire graver ici sur la
même Planche le Dessein d'une Cornaline du Ca
binet de M. le P. Président Bon , de Montpellier ,
enchassée dans une Bague d'or antique , dont le Type
est singulier et a du rapport avec l'Agathe du Ca
binet de M. le Bret.
OCTOBR E. 1733
2123
C'est en supposant que cette Gravûre
est incontestablement antique , que je me
suis déterminé à en donner l'explication.
Je n'ose cependant rien prononcer à cet
égard. Qui ne sçait les moyens dont on
s'est servi et dont on se sert encore de
nos jours , pour en imposer aux Antiquaires
, et combien il est mal- aisé d'établir
, sur tout en fait de Pierres gravées ,
des preuves d'Antiquité qui ne puissent
être contestées et renduës problématiques?
Je crois pouvoir regarder cette Pierre
comme un Préservatif ou Amulete pour
détruire les Rats qui infectent si souvent
les Campagnes et les Maisons. L'Autel
est dédié à Apollon , les deux Cocqs en
font foy. Pausanias , in Eliac. Cap. xxv.
assure que cet Oiseau domestique , qui
annonce l'arrivée du jour , lui est consacré
; ainsi (a) ne faisons aucune difficulté
de le regarder comme un des attributs
de cette Divinité , qui sous le
nom d'Apollon Smynthien , ( b ) avoit
(a) Nostras hasce Gemmulas percurrendo , em
ferè omnes ad Mithram et solem spectare inveniniemus.
Fabretti , c. 7. pag. 531 ... Gallum inter
solaria animantia reposuit Antiquitas . Ibid .
(b) ΙΕΡΟΝ ΑΠΟΛΛΩΝΟΣ ΣΜΙΝΘΕΩΣ . Cujus
nominis Etymon deducit à Muribus . Strabo. L. 13
Apollo Sminthiorum pernicies Murium Arnob.
advers. Gentes. L. 3.P. 15No
A vi
Ran
2124 MERCURE DE FRANCE .
un Temple dans l'Ifle de Tenedos :
>
C'est sans doute en memoire de ce
culte que les Puples de Tenedos firent
frapper deux Médailles , l'une rapportée
par Goltzius où se voyent deux Rats
à côté d'une Hâche à doublé tranchant;
et l'autre où l'on voit la tête radiée d'A
pollon avec un Mulot ou Rat de Campagne
, et lå Hache ou Bipennis de Tenedos
au revers . Ce sont- là des symboles
caracteristiques de la Divinité Tutelaire.
de
Cette Ifle , et de l'inflexiblé séverité
de ceux qui y administroient la Justice.
Elien raconte que les Rats faisoient de
si grands dégâts dans les champs des
Troyens.ct des Eoliens , que l'on eut
recours à l'Oracle de Delphes , qui re
pondit que ces Peuples en seroient dêlivrez
s'ils sacrifioient à Apollon Smynthien.
Ce Dieu avoit aussi un Temple
scus le même nom dans la Ville de Chry
sa , qui étoit située dans la Troade , presque
vis - à- vis l'Ifle de Tenedos. On y
voyoit la Staruë d'Apollon avec un Rat
à ses pieds. C'étoit l'Ouvrage du fameux
Scopas de Paros. Ce fut en mémoire d'un
évenement assez singulier , que je crois
devoir rapporter
.
Certains Peuples (a) de l'Ifle de Crete
(a) Strab. L. XIII. Vide G. Cuperi , Mónu
vinren
OCTOBRE. TOB 1733. 22 J
vinrent aborder dans cette contrée , cherchant
à s'y établir. Incertains du lieu
où i´s devoient fixer leur demeure, ils s'adresserent
à l'Oracle , qui leur dit de
s'arrêter dans l'endroit où les Enfans de
la Terre viendroient les attaquer. Pendant
la nuit une prodigieuse multitude
de Rats survint près de la Ville d'Amaxitus
, et rongea les cordes de leurs Arcs ,
feurs Harnois et autres ustanciles de cuir.
Ce peuple crédule , jugeant l'Oracle accompli
, s'établit précisément dans cet
endrait.Un ancien Auteur, cité par Stra
bon , prétend qu'il y avoit un grand
nombre de Rats aux environs de ce
Temple , et qu'on les y regardoit avec
une espece de vénération . Chrises , dont
parle Homere au commencement de l'Iliade
, en étoit le Sacrificateur , et c'é oit
lui , sans doute , qui en dirigeoit le culte
dans la Ville de Chrysa.
ment. Antiq. post Harpocratem p. 209.nummum.
refert in quo conspicitur Apollo laurea coronatus ,.
in altera vero area , idem Deus stans , Arcum
manu tenens , pharetra à terga pendente et ab an-·
teriore corporis parte АПOÂúÑƆƐ , cam_litteris ›
ΣΔΕ , a posteriore vero nota aliqua e : ΤΜΙΘΕΩΣ,
infra vero ΑΛΕΞΑΝΔΡΕΩΝ .... Μ ΔΡ ..
Lege EXAMANAPON . Sic et ex alio simili nummo
apud March. Scipionem Maffeium in Verona il
lustrata , pag. 355
Le
2126 MERCURE DE FRANCE
Le Scholiaste d'Homere, raporte L.I.de
l'Iliade , qu'Apollon envoya une prodigieuse
quantité de Rats dans les Champs
de Crinis , son Prêtre , qui avoit encouru
son indignation.Ces Animaux ravagerent
tous ses fruits. Le Dieu s'appaisa , se mit
en devoir de les détruire , et les tua tous
en effet à coups de fleches. Ce fut en
reconnoissance que Crinis fit bâtir un
Temple à Apollon sous le nom de Smynthien.
-
Les deux Rats représentez sur cette
Pierre , sont de pauvres victimes dévoüées
à la colere d'Apollon. Ils publient
eux mêmes leur défaite. L'un d'eux
réduit aux abois par les violens efforts
de son Adversaire , s'écrie CYCKHNEBOHO
I. CONTUBERNALIS SUCCURRE
A l'aide Camarade . Le Rat enlevé par
l'autre Cocq , n'a pas la force de lui répondre
autrement que par ce mot KPA-
ΤΟΥΜΕ , mis pour ΚΡΑΤΟΥΜΕΘΑ., par
une abreviation forcée put-être par le
défaut de la couche blanche , qui seule
pouvoit donner aux Caracteres le relief
nécessaire pour les faire paroître. VINCIMUR
; C'est fait de nous , nous sommes
vaincus. On peut dire aussi , si l'on veut,
que le Graveur , trop servilement attaché
à certaine prononciation locale , a
mis
OCTOBR E. 1733. 2127
mis ΚΡΑΤΟΥΜΕ pour ΚΡΑΤΟΥΜΑΙ , qui
signitie VINCOR , je suis vaincu ; en ce
cas - là c'est un des Rats qui parle , comme
se trouvant hors d'état de secourir
son Camarade , qui reclame son assistance.
Je sçais qu'on pourroit objecter quelqu'autre
défaut dans la construction de
cette Légende , et dire qu'il devroit y
avoir BOHOEI , au lieu de BOHOI ; mais
sans vouloir entrer dans une discussion
grammaticale , qui n'est gueres de mon
ressort,il me seroit aisé de citer d´s exemples
dans les ( a ) Inscriptions Grecques
sur les Médailles et Gravures antiques, où
l'Epsilon se trouve supprimé . D'ailleurs il
me paroît qu'on peut aussi attribuer cette
omission à l'ignorance ou au peu d'exactitude
du Graveur , sur tout dans les Monumens
postérieurs au siécle d'Auguste.
Ce qu'il y a de positif, c'est que les Grecs
modernes ont conservé cette prononciation
qui pouvoit avoir lieu anciennement
dans certains Païs de la Grece.
Le Pois a fait graver une Agathe Onyx,
qui a quelque rapport avec celle que je
viens d'expliquer. On y voit un Cocq ,
un Rat et une Corbeille ouverte , avec le
mot Aprilis.
( a) Fabretti , pag. 740. n. 802.
Les
2128 MERCURE DE FRANCE
Les Rats que nous regardons avec me
pris , et que nous nous contentons de li
vrer à l'antipathie de certains animaux
d'une espece differente , étoient redoutables
dans divers Païs. Nous en avons un
témoignage précis dans l'Ecriture Sainte,
au 1 Liv. des Rois , où il est dit : Il sortit
tout d'un coup des Champs et des Villages
une multitude de Rats , et on vit dans
toute la Ville une confusion de mourans
et de morts. Les Philistins ne furent délivrez
de cette espece de fléau , que lorsqu'ils
eurent renvoyé l'Arche du Seigneur
avec cinq Rats d'or , selon le nombre de
feurs Provinces .
Les gros Rats s'étoient tellement empa
rez de l'Isle de ( a ) foura , qui est le lieu
le plus sterile et le plus désagréable de
tout l'Archipel , qu'ils obligerent les habitans
de l'abandonner , et s'il en faut
croire Théophraste , ces pauvres bêtes au
défaut de tout autre aliment , se virent
obligées de ronger le Fer , tel qu'il est
lorsqu'il sort des Mines. •
Les Romains tiroient des présages de la
vûë de ces animaux . Pline , liv. 8. ch.57.
nous apprend que de son temps la rencon
tre d'un Rat blanc étoit de bon Augure:
La Guerre des Marses ,selon le même
{ 3 ) ΓΥΑΡΟΣ,
Au
OCTOBRE. 1733. 2129
Auteur , fut annoncée par l'événement
bizaree que je vais raconter.Les Boucliers,
qui étoient à Lanuvium , se trouverent
rongez par les Rats ; et delà il fut conclu
qu'il se préparoit quelque funeste évenement
pour la République. La Guerre survint
bien tôt après; il n'en fallut pas
d'a
vantage pour justifier les frivoles conjectures
d'un Peuple superstitieux.
Ciceron , qui sur ces matieres pensoit
bien différemment de la multitude,se
moque avec esprit de la crédulité des Romains.
» Les Aruspices , dit- il liv. 11. de
Divinat. criérent au miracle , sur ce
que les Rats avoient rongé les Boucliers
» de Lanuvium , peu de temps avant la
» Guerre des Marses , comme s'il étoit
» bien important de sçavoir qu'un ani-
» mal , occupé nuit et jour à ronger tout
» ce qui se présente à lui , se fut attaché
» à des Boucliers, plutôt qu'à toute autre
» chose. En suivant leurs fausses idées ,
» ai- je dû craindre pour le sort de Rome,
lorsque les Rats ont rongé chez moi le
» Livre de la République de Platon , et
» s'ils eussent attaqué le Traité d'Epicure
sur la volupté , serois - je plus raison-
» nable de prédire sur cet événement la
>> cherté de toutes les Denrées qui se ven-
» dent au marché ?.
Pline
2130 MERCURE DE FRANCE
Pline rapporte , liv. 10. chap . 65. des
choses qui me paroissent incroïables sur
la prodigieuse propagation des Rats ; et
c'est en conséquence qu'il prétend qu'ils
parurent autrefois en si grand nombre
dans certain Païs de la Grece , qu'après en
avoir ravagé les moissons , ils en firent
déserter les habitans. ( a ) Un Auteur du
siécle passé prétend qu'à peu près la même
avanture est arrivée en Angleterre ,
en la Province d'Essex , en 1580 et 1648.
C'est dans de telles circonstances que les
Peuples ont pû recourir à des moyens
surnaturels pour être délivrez d'une engeance
si pernicieuse .
Gregoire de Tours , cet Historien qu'on
accuse , peut- être , avec raison , d'avoir.
inséré dans son Ouvrage un grand nombre
de faits fabuleux et d'opinions populaires
, ausquelles il paroît ajouter foy,fait
mention , liv . 8. ch. 14. de son Histoire
de deux figures de Bronze , trouvées à
Paris , vers la fin du sixième siècle , l'une
représentoit un Serpent , et l'autre un
Loir, qui est une espece de Rat velu , qui
habite dans les Bois . A peine furent - elles
enlevées de l'endroit où l'on prétendoit
qu'elles avoient une vertu de Talisman
( a ) Childreyus , lib. de Mirab . Natura in Anglia
Citat, in Ephem . Erud. ann. 1667. pag.113 ,
pour -
OCTOBRE . 1732. 2137
pour éloigner de la contrée les animaux
qu'elles représentoient , qu'on vit paroître
un nombre infini de Serpens et de
Loirs dans la Ville et dans les Campagnes
voisines.
Quoique l'Histoire que je vais rapporter
, ait l'air d'une Fable , elle convient
trop à mon sujet pour la passer sous silence.
La voici telle qu'on la trouve chez
les Centuriateurs de Magdebourg , vol. 3 .
Cent. 10 ch. 10.
Hatton , surnommé Bonosus , de Moine
de Fulde devint Archevêque de Mayence.
Il étoit dur envers les Pauvres , et au
lieu de les secourir pendant la famine , il
leur fit sentir les effets les plus cruels de
son avarice . Il fit assembler quantité de
Pauvres dans une Grange où il les fit brûler
, en disant que c'étoit une engeance
inutile, et qui n'étoit bonne qu'à manger
le pain necessaire aux autres. Fruges con
sumere nati. Il en fut bien- tôt puni. Les
Rats l'assaillirent de tous côtez et lui déclarerent
une guerre mortelle. Il eût beau
se retirer dans une Tour , bâtie au milieu
du Rhin , qu'on appelle encore à present
la Tour des Rats . ( Mausthuun ) Les Rats
l'y suivirent et passerent le Fleuve à la
nage ; ils entrerent dans la Tour , et firent
mourir l'Archevêque . On ajoute
qu'a2132
MERCURE DE FRANCE
qu'après la mort de ce Prélat, ces animaux
devenus les Instrumens de la Justice divine.
, rongerent tout jusqu'à son nom ,
qui étoit gravé sur le Marbre ou Ecrit
dans les Registres publics.
M. de Thou , liv. 5. pag 161. de son
Histoire , prétend que Barthelemi Chasseneuz
, devenu ensuite premier Président
du Parlement de Provence , se trouvant à
Autun , les habitans de quelques Villages
des environs demanderent qu'il plût à
l'Evêque Diocésain d'excommunier les
Rats qui désoloient cette contrée ; que ce
fameux Jurisconsulte se chargea de la défense
de ces animaux , et représenta que
le terme qui leur avoit été accordé étoit
trop court , d'autant mieux qu'ils risquoient
de se mettre en chemin , tous les
Chats des Villages voisins étant aux
aguets pour les arrêter en passant™, sur
quoi Chasseneuz obrint un plus long délai
pour venir répondre à la citation .
Quelques- uns révoquent en doute un
fait si singulier ; mais il me paroît que
le témoignage d'un Auteur aussi grave ,
et d'ailleurs presque contemporain , doit
prévaloir sur tout ce qu'on peut avancer
pour le détruire dans toutes ses circonstances
, d'autant mieux que la premiere
conOCTOBRE.
1733. 2133
consultation de ( a ) Chassencuz roule sur
tout ce qui s'observoit de son temps en
Bourgogne , au sujet de l'excommunication
des Animaux et des Insectes nuisi
bles , ausquels il assure qu'on donnoit un
Avocat pour les deffendre. Il y fait mention
de tout ce qui s'y pratiquoit de son
temps , avant que de proceder à leur excommunication
; et c'est peut être ce détail
qui a donné lieu à M, de Thou de
dire que Chasseneuz avoit rempli les
fonctions de leur Avocat en pareille occasion
.
Je dois parler aussi d'un Préservatif
contre les Rats , pieusement introduit
dans un siècle plein d'ignorance , par les
Moines de S. Hubert , dans les Ardennes.
On suppose que dans le Territoire de
cette Abbaye on ne voit aucun Rat ; et
on attribuë çette singularité aux mérites
de S. V lalric , Evêque d'Ausbourg ( b ) ,
( a ) Nonnulla Animalia immunda in formam
murium urbanorum existentia Grisei coloris , à nemoribus
circum vicinis exeuntia... Post modum
distribuitur Advocatus pro consilio dictorum Animalium
, qui respondet pradictam maledictionem ,
Anathematisationem , et Excommunicationem fieri
non debere, &c. Barth. à Chassaneo,Cons. 1.p.17.
(b ) Joan. Eusebius Nierem Bergius de Miracul
Nat. in Europâ . lib. 2. cap. 6. , ... Effecis
idem Episcopus (S. Udalricus) ut nulli magni Mu.
dont
2134 MERCURE DE FRANCE
dont cette Eglise possede les Reliques .
On rapporte à ce sujet des pratiques superstieuses
et des usages indécens ( c) qui
font tort à la Religion , qui leur sert de
prétexte ; et qu'on auroit dû abolir dans
un siècle aussi éclairé que le nôtre.
A Mlle DE MALCRAIS , sur un Madrigal
, imprimé au second volume de
Juin dernier, page 1330 .
C'Etoit
' Etoit assez qu'un téméraire Ecrit ,
Dont la criminelle substance ;
En doute , de Malcrais , révoquoit l'existence ,
D'une commune voix cherchât d'être proscrit.
Phoebus arma plus d'une docte Plume ,
res sint in coenobio, imò ut et aliundè importati, vivere
non possint , sed illico expirent et intermoriantur.
Eodem beneficio affecisse dicitur totum Episcopatum
suum Angustánum.
(c ) Hist. critique des Pratiques superstieuses du
Pole Brun, Edit. de 1732 tom r pag. 432 ou se
trouvent ces paroles tirées d'un Imprimé, publié
par les Moines de S.Hubert . .Et quant audit Pain
beni, ils le répartiront en petits morceaux par tous les
coins et endroits de leurs maisons où les Rats hantent
et frequentent le plus , lesquels par cette commestion
ne manqueront pas de mourir et de quitter
le tien.
LuiOCTOBRE.
1733. 2135
Lui-même se tenant offensé de l'affront ,
L'Auteur depuis ce temps , craignant pis , se
morfond
D'un tel méfait la honte le cousume.
Aujourd'hui d'un autre indiscret ,
Que certes , Apollon méconnoît pour Eleve ,
Je vois en frémissant , l'audace qui s'éleve :
L'attentat à jamais devant être secret .
Il sçait d'un rare esprit , avec tout le Parnasse ?
Dans l'Illustre Malcrais admirer les efforts ,
Et doit à ces justes transports
L'heur de n'avoir encor éprouvé de disgrace ,
Mais craindre d'asseurer qu'en ses yeux tant
d'attraits ,
Mêmes beautez , qu'il brille autant de charmes
,
Qu'on en voit animer ses Ouvrages parfaits ,
C'est à mon sens un crime que jamais
Ne pourront expier et l'excuse et les larmes ;
Amour sçait quand il veut punir de tels forfaits.
Digne objet de ses soins , il veut que sous,
ta rime ,
Disparoisse dans peu la coupable victime ;
L'accabler autrement , son sort seroit trop doux
Pour asseurer une juste vengeance,
Et faire à l'Univers , respecter sa puissance ,
Il peut , par ton moïen , faire choix de tels
coups,
PAYLA SEN ON O I SMO
EX2136
MERCURE DE FRANCE
*******:*:*******
EXTRAIT d'une Lettre écrite d'Auxerre
à l'occasion des conjectures de
M.. Clérot , Avocat du Parlement de
Rožen , sur l'ancien Palais Royal , appellé
Vetera-Domus , inserées dans le
Mercure de Fuillet 1733.
U
Ne commodité particuliere qui se
trouve dans vos Journaux , est que
des personnes qui ne se sont jamais vûës,
et qui ne se connoissent aucunement ,
peuvent se transmettre l'une à l'autre
leurs pensées dans quelque situation et
éloignement qu'elles soient. J'ai lû les
conjectures que M. Clérot , Avocat de
Rouen, a proposées à l'occasion d'un des
Palais de nos Rois,appellé Vetera Domus,
dans un Auteur du neuvième siècle.Comme
c'est moi-même qui , par le moyen
de votre Journal de Mars , ai invité.
l'Historien de l'Eglise et du Diocèse de
Rouen à travailler à la découverte de ce
Palais Royal , je ne puis regarder avec indifférence,
ce qui sera produit à ce sujet,
de quelque part qu'il vienne.
M. Clérot est le premier qui ait pris la
plume pour communiquer au Public ses
conjectures; il faut esperer que s'il n'a
pas
OCTOBRE. 1733 2137
pas réussi , comme il n'ose lui - même
s'en fatter, son exemple pourra au moins
exciter quelque Géographe , ou quelque
Critique , à pousser les recherches encore
plus loin. Il a produit de sçavantes Remarques
sur Rodomus , Vetus - Rodomus
& c.cependant je ne croi pas qu'elles conduisent
sûrement à faire trouver ce que
je cherche , et que je juge digne de la curiosité
de tous les Antiquaires François.
Si Héric, Moine d'Auxerre , Précepteur
'd'un des Fils de Charles - le - Chauve , est
digne de croïance ; le Palais en question
portoit en Latin un nom formé de deux
autres noms Latins ; loin de trouver dans
cet Ecrivain Vetera - Domus , qui induit à
imaginer une conjonction de Vet avec
Radomus , on y lit Veterem Domum , tresformellement
. In pago Rothomagensi , dit- il,
Regius fixus est , quem incola ob Palatii antiquitatem
Veterem- Domum nuncupant. Ce
qui suit est encore plus digne d'attention
, parce qu'il est plus décisif : Capella
Palatio contigua , beati Germani famosa
nomine , illustris et merito et signorum dote.
C'est dans le chap. 45. du premier Livre
des Miracles de S. Germain d'Auxerre
qu'Héric s'exprime ainsi : Tout cela sert
de préambule au récit d'une gué.ison miraculeuse
qui y arriva , et dont toute la
B Cour
2138 MERCURE DE FRANCE
Cour et les Principaux de tout le Royau
me , farent témoins, Heric n'auroit pas
inséré dans un Livre où il ne convient de
parler que de son Saint , les Miracles d'un
autre S. Germain . Ainsi l'Eglise ou Cha ~
pelle voisine du Palais de Normandic
étoit certainement sous l'invocation de
S. Germain , Evêque d'Auxerre. Or il se
trouve que PEglise de S. Germain , voisine
du vieux Rouen , sur la Riviere de
Bresle , n'est point et n'a jamais été sous
l'invocation de Saint Germain , Evêque
d'Auxerre , mais sous celle d'un autre
S. Germain , Evêque Régionnaire , Dif
ciple , à la verité , mais bien different du
grand Evêque d'Auxerre. Outre cela elle
est du Diocèse d'Amiens , parce qu'elle
est séparée du vieux Rouen par la Riviére
de Bresle .
Ceux qui souhaitent éclaircir ce fait
peuvent prendre la peine de lire la vie de
S. Germain , dit de Senard - Pont. Elle
fut imprimée in 12 en 1645. à Amiens,
où il y a une Paroisse de son nom , et des
puis elle l'a été dans le Recueil des Bollandistes
au 2 de May. L'Auteur parlanc
des courses Apostoliques de ce S. Evêque
, Ecossois d'origine , dit ce qui suit:
Crepidinem montis transgressus quod dicitur
Vetus-Rothomagum inter Aumaleum et Senardi
OCTOBRE. 1733 2139
mardi-Pontem , circa quem locum manebat
Hubadus idololatria cultor& c Ensuite il le
fait martirifer tout auprès de celieu - là , et
c'est là qu'en effet on retrouve encore son
tombeau Comme donc l'Eglise de S.Germain-
sur- Brêle , ne peut servir à la découverte
du Vetera-Domus , je pense qu'il
faut porter ses vûës d'un autre côté , et je
croi infiniment plus probable que ce seroit
le Vieux Manoir , ou Cailly , autres
Lieux qui sont du Diocèse de Rouen.
M.Clérot pourra nous informer si l'une
ou l'autre des deux Eglises , voisines du
titre de S.Germain , est sous l'invocation
de l'Evêque d'Auxerre ; et en ce cas la
découverte acquerra un nouveau dégré de
probabilité. J'avoue qu'il n'est pas necessaire
d'entendre par ces mots : Pagus Rothomagensis
, uniquement ce qu'on appelle
aujourd'hui le Païs Roumois Le Païs de
Caux étant du Diocèse de Roüen , peut
être compris sous cette signification . Tel
est l'usage que l'on faisoit souvent anciennement
du terme de Pagus. Mais il ne faut
pas non plus que M. Clérot se contente
de jetter la vue sur les Cartes de Normandie
, ou sur le Dictionnaire Universel
de la France ? Il pourroit également
trouver dans le Païs Roumois ou dans
celui qui est à gauche de la Seine, ce qu'il
Bij cher2140
MERCURE DE FRANCE
cherche à droite , et il n'est pas necessaire
que le Village s'appelle S.German , mais
il suffit que l'Eglise soit ou ait été sous
l'invocation de l'Evêque d'Auxerre , qui
a porté ce nom, Je juge qu'il ne lui sera
pas difficile d'en trouver de ce côté - là ,
puisque le seul Diocèse d'Evreux , qui est
contigu, en contient prés d'une vingtaine
sous le titre du même Saint, S'il en rencontre
dans une Terre Royale , la position
du Vetera, Domus sera d'autant plus
probable qu'il est plus vrai - semblable que
Charles- le-Chauve étoit très proche du
Diocèse de Lisieux , où reposoit le Corps
de S. Renobert , lorsqu'il marqua sa dévotion
envers ce Saint , et qu'il fit un
Traité avec Hérispoy , Prince de Breta
gne.
**
A M. DU BOURG ,
COMTE DE SAINT POLGUE
Qu
O DE.
Contre le Duel.
Uelle grande et vaste matiere !
Quels transports viennent m'effrayer ?
Je marche dans une carriere ,
Qu'il
OCTOBRE.1733 :
2141
Qu'il est dangereux de frayer.
Faux Point d'honneur , Tyran des ames ;
Des Guerriers , maximes infàmes ,
Nous captiverez- vous toujours ?
Contre des fureurs Germaniques *
Des Rois les Arrêts authentiques ,
Ne seront-ils d'aucun secours à
A quel Démon se livre l'homme
Une telle corruption ,
Inconnuë à l'ancienne Rome ,
Des enfers fut l'invention.
Quoi ! le plus terrible courage ,
Se change en la funeste rage ,
D'aller ensanglanter ses mains !
Tout cede à la fureur Guerriere ;
La vertu devient meurtriere ,
Et rend les hommes inhumains.
M
Pour paroître à l'honneur sensible ;
L'on engage ce même honneur
Le courage n'est infléxible ,
Que pour causer notre malheur .
Cent fois nous vîmes dans nos Plaines
Revivre les morts inhumaines
!
( a ) Le Duel est venu d'Allemagne où il étoie
beaucoup pratiqué.
B iij Des
2142
MERCURE DE FRANCE
Des indignes Gladiateurs .
Quel revers ! La noble sagesse ,
Que jadis admira la Grece ,
Ne trouve plus d'Imitateurs.
Envain le devoir nous rapelle ;
Envain veut-il nous arrêter
A sa voix , notre coeur rebelle ,
Ne veut pas même l'écouter ;
La passion toujours plus forte ,
Sur la foible raison l'emporte ;
Nous n'aspirons qu'à nous venger ;
Nul respect ne peut nous distraire ;
Je vois dans le sang de son frere ,
Un frere inhumain se plonger.
& swit
Va , fui , cruelle barbarie ;
Cesse d'infecter l'Univers ;
De la terre à jamais bannie ,
Rentre dans le fond des Enfers.
Mais quels progrès fait ce délire ?
Bien-tôt fous son funeste Empire ,
Il enchaîne tous les François ,
Qui l'eut dit ? Qu'un peuple si sage ,
Feroit lui- même aussi naufrage ,
Et subiroit de telles Loix ?
Mais
OCTOBRE .
1733 2143
Mais comment , malheureuse France ',
Tirer tes Enfans de l'erreur ?
Avec le lait , dès leur enfance ,
Ils ont succé cette fureur.
Je vois ta fougueuse jeunesse ,
Trop jalouse de sa noblesse ,
Suivre l'impétueux torrent ;
Le plus sage en est la victime ,
Et si l'on se refuse au crime ,
On croit n'être plus innocent.
Toi , qu'éveille le bruit des Armes ;
DU BOURG , pour qui les Champs de Mars ,
Ont déja d'invincibles charmes >
Toy , qui veux braver les hazards ,
Que ton courage héréditaire ,
D'une valeur imaginaire ,
N'authorise jamais la Loy ;
Verse ton sang pour ta Patrie ;
Et que chaque instant de ta vie ,
Ne soit consacré qu'à ton Roy.
J. JAVARY
В iiij
LET144
MERCURE DE FRANCE
j f f f f f
LETTRE d'un Particulier à l'Auteur de
la Traduction de MONTAIGNE , annoncée
dans le Mercure de Juin , second vol.
LAVO
A déférence que vous voulez bien
avoir pour le goût du Public , Monsieur
, me fait esperer que vous voudrez
me parmettre d'emprunter son nom pour
vous faire part des difficultez que j'ai
trouvées dans votre Projet de la Traduction
de Montaigne . Si le Titre de votre
Ouvrage attire dabord l'attention par sa
nouveauté , permettez- moi de vous dire
qu'il révolte par sa singularité ; car au
bout du compte les Essais de Montaigne
ne sont point écrits dans un Gaulois assez
obscur et assez intelligibles pour qu'on
prétende en donner une traduction ; ainsi
si vous m'en croiez , premierement vous
ne donner: z point votre Ouvrage au Pu
blic ; mais au cas que vous vouliez absolument
le donner , vous tâcherez de
mettre à la tête de votre Livre un Titre
plus convenable.
Je conviendrai aisément avec vous que
depuis 150 ans ou environ que Montaigne
a donné ses Essais au Public , notre
Langue
OCTOBRE. 1733.
2145
-
Langue a fait de grands progrez dans la
politesse et dans l'amoenité du stile ;
mais j'aurai en même temps l'honneur
de vous representer que le Livre des Essais
de Montaigne est de telle nature que
tout son but étant plutôt de toucher le
coeur en instruisant , que de plaire à l'esprit
; on lui passe aisément cette dureté
de stile, inséparable du siécle où il a vécu .
-
Vous voulez , dites vous par votre
traduction , engager à lire Montaigne
bien des gens rebutez par la difficulté
qu'ils trouvent à l'entendre , la traduction
que vous proposez n'étant point
d'une langue en une autre , comme les
traductions ordinaires , mais simplement
d'un langage un peu grossier en un stile
plus policé tous ceux qui liront une
telle traduction qui sera surement remplie
d'agrémens et de beautez , seront toujours
tentez de recourir à Montaigne
pour la vérification du fond des pensées ,
et j'ai bien peur qu'ils ne s'en tiennent à
l'Auteur , tout grossier qu'il est, et qu'ils
n'abandonnent le Traducteur.
-
Vous prétendez , dites vous , retrancher
à votre gré les Endroits que vous
croyez deffectueux dans Montaigne , ou
du moins les corriger ; ajouter dans ceux
que vous ne croirez pas assez étendus ;
B v
le
2146 MERCURE DE FRANCE
le Projet marque plus de hardiesse que
de réfléxion premierement Montaigne
s'est acquis par son Ouvrage une réputa
tion à l'abri de la censure , du moins jusqu'à
present : il est bien triste pour lui
que vous entrepieniez en le traduisant
de dévoiler ses défectuositez ; j'ai peur
que vous n'y réüssissiez pas ; tout supplement
ou retranchement à l'égard d'un
Auteur aussi accrédité que lui révoltera
d'abord le Public.
En effet , le bon de votre Ouvrage ne
peut pas être de vous , il faudra absolument
que vous l'empruntiez de Montaigne,
vous avez prévu qu'on pourroit vous :
appeller le fade traducteur du François
de Montaigne , et vous n'avez peut être :
pas eu grand tort ; car puisque , comme
vous en convenez vous- même , les Auteurs
Grecs et Latins traduits en notre
Langue par les meilleures plumes perdent
infiniment , et que la traduction ne
rend jamais avec la même force les beautezde
l'Original ; comment pouvez vous házarder
de tomber non- seulement dans le :
même inconvenient , mais encore d'y
joindre celui de rendre l'Auteur que vous
prétendez traduire dans la Langue où ili
est déja écrits que diriez vous d'un hom--
me qui voudroit mettre Sénéque en unelati
OCTOBRE. 1733. 2147
latinité moderne , il ne passeroit jamais
pour traducteur ; ainsi si vous ambitionnez
ce titre , mettez donc Montaigne en
latin ; emploiez les talens que le ciel vous
donnez en partage , à quelque chose de
plus utile au public et de plus honorable .
pour vous.
Si tous les Auteurs avoient autant d'égard
que vous , Monsieur , pour pressentir
le goût du public sur tous les Ou
vrages qu'ils veulent lui donner ; les Livres
nouveaux seroient plus rares ; mais
ceux qui paroîtroient auroient plus de
succès ; je suis persuadé qu'outre la reconnoissance
qu'il aura du sacrifice que
vous voulez bien lui faire de votre Ouvrage
, il vous aura encore obligation du
bon exemple que vous donnerez à cette
foule d'Auteurs que le seul désir de se faire
imprimer , engage à faire un nombre
infini d'Ouvrages médiocres , pour
ne pas dire-mauvais , &c.
Bvj LA
2148 MERCURE DE FRANCE
LA NECESSITE' DE MOURIR .
ODE.
D'Une aîle rapide et légere ,
Vers son penchant le temps s'enfuit ;
Et dans sa course passagere ,
Consume ce qu'il a produit.
Semblables à l'eau fugitive,
Qui suit la pente de sa rive ,
Et ne connoît point de retour ,
Nos jours avancent vers leur terme;
Et le cercle qui les enferme ,
Les angloutit dans son contour.
Comme l'impétueuse rage
Des vents déchaînez dans les Airs
Impitoyablement ravage
Le tranquille Empire des Mers ;
Ainsi mille affreuses tempêtes
Grondent sans cesse sur nos têtes ;
Sans nous donner aucun repos;
Et toujours à la crainte en proye ,
Nous ne goûtons jamais de joye ,
Que ne suivent les plus grands maux?
Après
OCTOBR E. 1733. 2149
Après de fâcheuses disgraces.
Et de dures fatalitez ,
Qui marchent toujours sur nos traces ;
Dans ce séjour d'infirmitez ,
La Mort cruelle , inéxorable ,
Et de butin insatiable ,
Tranchera le fil de nos jours ;
Et dans de ténebreux abîmes ,
"Foibles et tremblantes victimes ,
Nous engloutira pour toujours.
谈
Nos voeux , nos larmes , nos promesses ;
Ne peuvent fléchir ses rigueurs
Elle se rit de nos foiblesses ,
Comme elle fait de nos grandeurs.
Quelqu'élevez que soient les hommes ,
Il nous faut tous tant que nous sommes ,
Lui payer le fatal tribut;
Marchant par des routes diverses ,
Après plusieurs longues traverses ,
Nous parviendrons au même but.
La plus aimable des journées ,
A le sort du plus triste jour ;
Les plus agréables années ,
S'en vont sans espoir de retour.
Les vastes et puissants Royaumes ,
S'é
2150 MERCURE DE FRANCE
S'éclipsent comme des fantômes ,
Qui trompent nos yeux éblouis *
Les Monumens les plus celebres ,
Ensevelis dans les tenebres ,
Se sont enfin évanoüis..
Héros dans la
guerre invincibles ,
Vous , qui de la gloire amoureux ,
Tâchez par des exploits terribles ,
De rendre votre nom fameux ;;
Monstres avides de carnage ,
Cessez de vanter votre rage ,
Et vos Lauriers baignez de pleurs ;.
Votre gloire est imaginaire ,
Votre valeur trop sanguinaire ,
Ne se plaît que dans les horreurs,
Couverts de foudroyantes Armes ,
Vous paroissez au Champ de Mars ;
Parmi les feux et les allarmes ,
Vous allez braver les hazards.
Par tout vous lancez le Tonnerre
Vos ennemis mordent la terre ; -
Rien ne résiste à votre bras ;
Les plus vaillans prennent la fuite ;
Ils évitent votre poursuite ,
Et vous laissent seuls aux combats.
Mais
OCTOBRE . 1733. 2151
Mais quel effroyable spectacle ,
Frappe mes yeux épouvantez ?
Qui vient d'operer ce Miracle ,
Qui surprend mes sens enchantez
Que deviennent ces coeurs sublimes ?
Où sont ces Héros magnanimes ,
Qui devant eux faisoient tout fair ?
Quoi donc ces Guerriers indomptables ;
Qui paroissoient si redoutables ,
Au sort sont contraints d'obéïr !
粥
Ils tombent frappez de la foudre
Qui brise leur chef orgueilleux ;
Leurs Lauriers sont réduits en poudre ;
Leurs noms périssent avec eux .
Où sont ces brillantes fortunes ?
Non , les ames les moins communes ,
Ne sçauroient braver les Destins .
Des Cieux la suprême vengeance ,
Confondant leur vaine arrogance , »
Les égale aux plus vils humains.
M
Les souverains Mâîtres du Monde ,,
Par des efforts imperieux ,
Asservissent la Terre et l'Onde ,
Aleurs desirs ambitieux.
Leurs richesses sont innombrables
Leur
2152 MERCURE DE FRANCE
Leurs trésors sont inépuisables ;
Des Peuples ils sont adorez ;
Leurs flateurs , soigneux de leur plaire ,
N'osent parler , n'osent se taire ,
Que selon leurs decrets sacréz.
Suivis d'une Cour éclatante ,
Dont on les voit environnez ,
Dans le sein d'une paix charmante ,
Ils coulent des jours fortunez ;
Chacun compose son visage ,
Sa voix , son geste , son langage
Sur ces Arbitres tout-puissants ;
Des ris la Troupe enchanteresse ,
Eloigne d'eux toute tristesse ,
Par ses mélodieux accens .
浴
Mais les Parques impitoyables ,
Qui tiennent nos jours dans leurs mains
Se montreront inexorables ,
Envers ces Maîtres des Humains ;
De leur faux bonheur, le mensonge ,
Disparoîtra comme un vain songe ,
Dont le charme dure un moment.
Dans ce jour à jamais funeste ,
Tout l'avantage qui leur reste ,
C'estde mourir superbement.
Aubry de Trungy.
OCTOBRE. 1733 2155
*******:: ********
REMARQUES
Sur l'Orthographe moderne.
IL y a long- temps que les bons Grammairiens
et les véritables Sçavants en
géneral, se sont plaints des innovations de
L'Orthographe moderne . Il semble qu'on
veüille entierement abolir la trace de toute
étymologie. C'est un principe de corruption
dans la langue , qu'une maniere
d'écrire inusitée , et qui renverse toutes les
constructions. Ceux qui n'ont pas abandonné
entierement le goût des Belles- Lettres,
doivent s'opposer vivement au progrès
d'un abus si généralement répandu.
Peut- on n'être pas choqué en lisant filosofie,
les Anglais,les Fransais? On retranche
les t avant les s. à tous les mots pluriers.
Cents , qui signifie plusieurs centaines, ne
s'écrit pas differemment de cens qui signi
fie dénombrement ou un droit de censive.
Je ne puis lire sans baillemens , les
flos , les ras , les chas , un aman , dont
la terminaison réguliere est differente de
celle d'un aiman , les trais , les Sçavans ,
et ce dernier mot me fait douter si je
dois dire les Sçavanes ou les Sçavantes
1154 MERCURE DE FRANCE
tes. On écrira bien- tôt , ils disais , au
lieu de ils disoient , et la monosyllabe cin,
pour exprimer saint sanctus , ceint cinctus
, cinq quinque , sein sinus , seing signatura
, et ainsi des autres . Les noms propres
sont défigurez par la maniere de
les écrire. On met de petites Lettres au
commencement des noms des Nations ,
les alemans , les italiens . On trouve dans
les Livres imprimez nouvellement , Descartes
, Dumoulin , Lecoq , Delalande ; il
faudra done écrire aussi Demontmorency,
Dechatillon , les deux reines Jeannes
Denaples ; et tandis que les Correcteurs
des Livres modernes , prodiguent les let
tres majuscules où il n'en faut point
ils les épargnent dans les noms propres
où elles sont nécessaires . Cependant on
dit en Latin , Cartesius , Molinaus , preu
ve certaine que l'article est distinct du
nom propre , et ne do t pas être écrit
uno contextu , mais séparément et chacun.
avec une lettre majuscule , qui est la
lettre initiale de tout ce qui fait partie
du nom propres comme dans le nom
de La Roche Foucault , où les differens
mots qui composent ce nom , doivent
avoir chican leur lettre majuscule . Il y
a de la difference entre les monosyllabes
de Du , Des , et Le , qui précédent les
noms
OCTOBR E. 1733. 2159
و
doinoms
propres. Du , Des , et Le
ventos'écrire par des majuscules , car ces
monosyllabes quoique distincts du
nom , y sont nécessairement attachées ;
mais la monosyllabe de marque seulement
dans son origine une Seigneurie ,
et n'entre pour rien dans le nom ; elle ne
s'y joint pas lorsqu'on l'écrit seul ; et
c'est la raison pour laqu lle on dit toujours
Le Veneur , Du Guesclin , au licu
qu'on dit , Rochechouart , Tavanes , en
appellant simplement par leurs noms les
Seigneurs de Rochechouart et de Tavanes.
Suivant ce principe on doit écrire Pierre
de Marca et Jean Du Tillet ou René
Des Cartes , parce que Du et Des renferment
outre de , une partie du nom
propre , comme qui diroit Seigneur du
lieu appellé Le Tillet , ou du lieu appellé
Les Carte . Il seroit à souhaiter que
les Auteurs donna sert plus d'attention
à l'impression de leurs Ouvrages , et qu'ils
ne s'en rapportassent pas à des Correcteurs
d'Imprimerie , qui étant ordinalrement
peu lettrez , introduisent plusieurs
abus , dont l'exemple se répand et forme
peu à peu un mauvais goût contre
lequel il est à peine permis ensuite de
reclamer. Les accents sont le plus souvent
très-mal distribuez , et un Etranger
2156 MERCURE DE FRANCE
ger qui en lisant la plupart des Livres
François , regleroit sur eux sa prononciarion
, feroit des fautes presque con
tinuelles. Ces reflexion's ne présentent
pas d'abord toute l'importance qu'elles
renferment. Le mauvais goût ramene
insensiblement la barbarie , et les ravages
de la barbarie influent sur tous les
objets qui sont de la plus grande conséquence
pour la Societé. On méprise
déja le sçavoir ; les beaux esprits du siecle
craignent de paroître sçavants ; ils veulent
tout devoir à la nature. Rien ne contribue
tant à la politesse d'une Nation
et au progrès des Belles Lettres , que la
pureté de la Langue , et la Langue ne
peut avoir d'ennemi plus dangereux que
le mauvais goût de l'orthographe et de
l'écriture . La régularité de l'impression
est une des choses qui décide le plus du
succès des Ouvrages ; les Auteurs doivent
donc employer tous leurs soins pour
réparer la perte que l'Imprimerie a faite
des Etiennes et des Manuces.
MA
OCTOBRE. 1733 2157.
# *****
MADRIGAUX.
Imitez de l'Italien du Guarini
› par
Mlle de Malcrais de la Vigne , dn´
Croisic en Bretagne.
LA SEDE D'AMORE. Madrig. IV,
Dov'hai tu Nido , Amore ,
Nel viso di Madonna , o nel mio core ?
S'ia miro come splendi ,
Se' tutto in quel bel volto ;
Ma se poi come impiaghi , e come accendi ,
Se tutto in me raccolto.
V
Deb ! se mostrar le meraviglie vuoi ,
Del tuo poter in noi ;
Tal'hor cangia ricetto ,
Ed entra , à me nel viso , à lei nel petto.
La Demeure de l'Amour. Imitation ,
Amour, qui sous tes loix tiens mon ame asservie
Où loges-tu , cruel Amour ?
Est-ce sur le tein de Sylvie ?
.
Ou bien as-tu choisi mon coeur pour ton séjourt
Si je pense aux beautez dont l'éclat t'environne ,
Tu dois sur son visage avoir fondé ton Tròne;
Quand je pense au flambeau dont on t'a peint
ping ,
2158 FRCURE
DE FRANCE
Je sens que mon coeur allumé ,
Est la triste denture où s'exerce ta rage ;
Daigne faire un change, Amour , en ma fæyeur
;
Vien te placer sur mon visage ,
Et va te loger dans son coeur,
MIRAR MORTALE Madrig. LV.
To mi sento Morir , quando non miro
Colei , ch'è la mia vita ;
Poi se la miro , anco morir mi sento,
Perche del mio tormento
Non ha pietà la cruda , e non m'aità ,
E sa pur si l'adoro ,
Cosi mirando e non mirando i' more.
La vie de sa Maîtresse le met en danger
de sa vie , Imitation .
Aussi- tôt que je ne vois pas ,
Celle pour qui je voudrois vivre ,
Je sens approcher le trépas.
Quand je la voi , les maux où sa rigueur me
livre ,
Me menacent du même sort.
Ainsi la Belle que j'adore ,
Et qu'en vain ma douleur à chaque instant implore
,
Ne peut me donner que la mort.
FEDE
OCTOBRE. 1733 2159
FEDE GIUSTIFICATA . Madrig. XI.
To disleale ! ah cruda ,
Voi negate la fede' ,
Per non mi dar mercede.
Se non basta il languire ,
Provate mi al morire ;
E se ciù ricusate ,
Per che la fede negate ?
Che provar non volete
O provate , o credete.
La FIDELITE' JUSTIFIE'E , Imitation.
Moi je suis un perfide ! outrage ! ah ! cruauté!
Pour ne point accorder à ma persévérance ,
Le løyer qu'elle a mérité ,
Vous faignez de douter de ma fidelité .
Ah ! si mes tendres feux , mes tourmens , ma
constance
?
Si ces garans certains ne vous ssuufffisent pas ,
Pour vous en mieux convaincre, ordonnez mon
trépas.
}
Mais ne m'objectez point que l'épreuve est trop
dure ,
Vous dont la barbarie insulte à la Nature ;
Et lasse de me voir souffrir ,
Ou croyez-moy de grace, ou laissez-moi mourir .
LET2160
MERCURE DE FRANCE
"
LETTRE du Frere *** Jardinier
des RR. P P. *** d'Auxerre , au
·Frere C *** Jardinier des Peres du
même Ordre à Paris.
MON
ON TRE'S -CHER FRERE , la paix
de Dieu en J. Notre Seigneur.
Permettez moi de vous faire part de
quelques unes de mes Obsèrvations
sur la maniere dont le Sujet et là Greffe
s'unissent dans les Arbres greffez ; il y
a déja fort long temps que je me suis
appliqué à examiner ce qui se passe dans
cette jonction si intime ; j'ai détruit pour
cela une quantité considerable d'arbres
greff.z ; j'en ai aussi observé qui étoient
morts sur pied , j'en ai choisi de vieux
et de jeunes , afin de suivre , pour ainsi
dire , dans tous les âges , le travail admirable
de la Nature ; tantôt j'ai scié
Tendroit de la greffe , tantôt je l'ai fendu
, quelquefois régulierement , d'autres
fois irrégulièrement. Les coupes que j'en
ai faites ont été aussi suivant differens '
plans ; afin que rien n'échappât à ma
vûë , j'ai observé toutes les especes de
greffes ; mais comme toutes peuvent se
réduire
OCTOBRE. 1733 218t
réduire à la greffe en écusson et à celle
en fente , je vais vous entretenir de tout
ce que j'ai remarqué dans ces deux especes
de greffe. Ces amusemens innocens
sont permis dans notre état , et peuvent
servir de récréation dans la solitude . C'est
pourquoi j'espere que le petit détail que
je vous envoye ne vous déplaira pas.
Dans la greffe en écusson , la greffe fait
toujours avec le sujet , un angle plus
ou moins considérable , selon que sa situation
à l'égard du sujet est plus ou
moins oblique. L'union de la greffe et
du sujet commence à se faire par les fibres
de la couche la plus interieure du
Livre. ou ce qui est la même chose ,
par les fibres qui doivent dans la suite
former le cercle exterieur de la portion
ligneuse ; les fibres de cette couche du
Livre , s'insinuent dans les fibres de la
couche opposée qui se trouve dans le
sujet, et s'y attachent de façon que dans les
vieilles greffes il est impossible d'appercevoir
la maniere dont s'est faite l'union
des fibres de la greffe avec celle du sujet,
quand la couche la plus intérieure du
Livre de la greffe s'est unie assez inti-
* On appelle Livre , la partie intérieure de l'êcorcé
, celle qui touche le bois , et qui est olle - même
prête à devenir bois.
C mement
F
2462 MERCURE DE FRANCE
mement avec celle du sujet pour qu'elle
puisse vegeter sur elle , alors la couche
de l'écorce qui est exterieure à la couche
interieure du Livre commence à
pousser dans celle du sujet qui lui correspond
, et ainsi toujours de la même
maniere de l'interieur à l'exterieur , jusqu'à
ce qu'enfin il se fasse un bourrelet qui
soude par dehors l'écorce de la greffe avec
celle du sujet. Il ne se forme aucune
union entre la portion ligneuse du sujet
et la portion ligneuse de la greffe , ni
entre la portion ligneuse du même sujet
et l'écorce de la greffe ; mais la portion
ligneuse du sujet périt tout d'abord ; ce
qui se remarque facilement par le changement
de couleur qui lui arrive. Pareillement
la portion ligneuse de la greffe
ne s'unit avec aucune partie du sujet ;
elle cesse même de croître ; car les fibres
de la portion ligneuse de la greffe
Cétant parvenuës presque vis - à - vis de
celles du sujet , elles font un petit détour
; la plus grande partie s'arrêtent
précisément en cet endroit et s'adossent ,
pour ainsi- dire , sur la portion ligneuse
du sujet, sans cependant s'y unir en aucune
façon , tandis que les autres fibresqui
descendent un peu plus bas , glissent sur
* Voyez la figure 1.
la
OCTOBR E. 1733. 2163
la portion ligneuse , et que les extrémitez
de ces fibres qui ne vont pas plus loiny
forment differens étages très sensibles.
Pour me rendre un peu plus clair et plus
intelligible dans ce qui me reste à dire
sur la greffe en écusson , il est bon de
regarder l'écorce qui environne la greffe,
comme divisée en deux portions séparées
par la partie ligneuse qui en occupele
centre ; de ces deux portions l'une sera
superieure et l'autre infericure ; la portion
superieure de l'écorce forme le plus
souvent un bourrelet qui peu à peu recouvre
la tige qui a été coupée un peu
au- dessus de la greffe ; il y a des greffes
où cette écorce après avoir fait une espece
de calotte pour recouvrir entierement le
bois coupé , s'unit tellement avec l'écor
ce du sujet, qu'on ne voit aucune marque
de jonction : j'ai , entr'autres , une vieil
le
*
groffe , où à l'exterieur les levres du
bourrelet se sont tellement effacées , qu'il
est impossible de voir l'endroit de la
greffe . De cette nouvelle écorce préci
sément à l'endroit où elle a recouvert
la tige coupée , il a poussé une branche
aussi grosse que les autres branches latérales
; la portion inferieure de l'écorce
de la greffe pousse de même dans l'écorce
du sujet , sans qu'on puisse obser-
73
Cij ver
2164 MERCURE DE FRANCE
1
ver non- plus de quelle maniere s'est faite
l'union entre les fibres. La direcrjon
des fibres de ces deux portions d'écorces
doit nécessairement être d'abord un
peu oblique ; elle devient ensuite longitudinale
et pour l'ordinaire très régulie
re. Ces fibres sont absolument dispo
sées de la même maniere que dans les
branches qui partent de la tige ; car la:
direction des fibres qui étoit d'abord
longitudinale , devient un peu oblique
pour se redresser ensuite et redevenit
longitudinale ; aussi quand on scie lon-.
gitudinalement la tige d'un arbre dans
un endroit d'où il sort une branche .
on observe absolument la même direction
de fibres que dans la greffe ; pareillement
si on arrache une greffe qui a
commencé à vegeter sur le sujet et si
on sépare une jeune branche d'un arbre
dans l'endroit où la branche est articulée
avec la tige dans l'un et dans l'autre,
les fibres paroîtront disposées de la mê
me maniere.
J'ai observé dans la greffe en fente à
peu près le même procedé de la Nature
que dans la greffe en écusson , la végétation
de la greffe dans le sujet commence
à se faire par la couche la plus in- >
* Voyez lafig. 1,
terieure
OCTOBR E. 1733. 2165
terieure du Livre et l'union des fibres
de la greffe avec celle du sujet , se fait
toujours de l'interieur à l'exterieur jusqu'à
ce qu'enfin l'écorce du sujet qui
avoit été fendue pour recevoir la greffe,
se soit soudée par le moyen de sa jonction
immédiate avec les fibres de l'écorce
de la greffe : pour lors la portion ligneuse
du sujet devient inutile , elle meurt le
plus souvent, et il ne se fait aucune union
entre elle et la portion ligneuse de la
greffe , ce qui se reconnoît facilement
dans les greffes , même les plus vieilles ;
il n'y a que les écorces dont les fibres se
soient unies , et cette union se fait dans
quelques greffes si intimement , qu'il est
impossible de voir dans l'interieur de la
tige les endroits où la jonction s'est faite,
on ne s'en apperçoit que sur l'exterieur
de l'écorce , car au- dedans la direction
des fibres est si bien la-même , que les
fibres de la greffe ne paroissent être qu'u
ne continuation de celles du sujet. J'ai
une greffe de Pommier , âgée de quatorze
ans , dans laquelle on voit très - clairement
qu'il n'y a eu aucune union entre
la portion ligneuse de la greffe et celle
du sujet , et que les portions ligneuses
de l'une et de l'autre , ont péri entierement.
Dans la portion ligneuse du sujet,
Ciij trois
2166 MERCURE DE FRANCE
trois doigts au -dessous de l'endroit où
la tige avoit été coupée , il y avoit eu
une branche qu'on avoit abbatuë et on
voit très distinctement la marque de la
coupure qui n'a changé ni de figure ni
de couleur , et qui a été ensuite recou
verte par l'écorce dans laquelle elle a
laissé son empreinte, sans s'y unir en aucune
façon. A mesure que la jonction
entre la greffe et le sujet devient plus
intime , les écorces de la greffe et da
sujet se distendent peu a peu , augmentent
de volume et enfin deviennent capables
de former un bourrelet assez considerable
pour recouvrir entierement le
bois coupé et ne former plus qu'un seul
corps , lorsqu'elles sont venues à se joindre.
Dans cette greffe de Pommier faite
il y a quatorze ans , il y avoit eu aussi
une branche de la greffe coupée à la tige
un peu au dessus de l'endroit de la greffe,
et de l'autre côté il y avoit une petite
branche qui mourut quelque temps après,
dans l'accroissement des écorces du sujet
et de la greffe , l'endroit où la branche
avoit été coupée aussi - bien que la
petite branche morte , ont été totalement
enveloppez , sans qu'il soit demeuré à
l'exterieur aucun vestige de ces parties ;
je conserve avec grand soin cette greffe
que
OCTOBR E. 1733. 2167
porque
je regarde comme une Piéce précieu
se. Quand les fibres se sont soudées et que
le bourrelet s'est formé , la direction des
fibres paroît tres réguliere, et pour l'ordinaire
longitudinale ; on remarque sculement
à la partie la plus voisine de la
tion ligneuse , tant du sujet que d de la
greffe , la position des fibres les plus intérieures
qui est un peu oblique , parce
que les fibres du sujet sont obligées de
faire un détour pour aller s'unir avec
celles de la greffe ; mais quand elles sont
parvenues à la greffe , cette direction chanbien-
tôt pour devenir longitudinale ;
ge
vers l'extérieur la direction des fibres est
pour l'ordinaire absolument longitudinale.
*
Ce sont là , mon cher frere , les observations
que j'avois faites il y a très-longtemps
sur les greffes ; mais il y a environ
deux ans que je fus tres - surpris lorsqu'un
Monsieur de mes amis , homme
d'esprit et fort curieux , à qui j'avois fait
part de mes recherches , vint m'apporter
Mémoires de l'Académie Royale des
Sciences de 1728. J'y lûs un Mémoire de
M. Duhamel sur la greffe , dans lequel il
se trouve des observations qui sont absolument
différentes des miennes ; comme
* Voyez les figures 2 et 3 .
C iiij
Vous
2168 MERCURE DE FRANCE
vous ne serez peut- être pas
fâché de sçavoir
ce que pense ce sçavant homime ,
voici un précis exact de son sentiment :
Il dit qu'il doit se faire plusieurs Sections
tant dans les Orifices de la greffe , que
dans celles du sujet lorsqu'on appliquera
la greffe sur le sujet, ce qui produit necessairement
un Philtre plus fin ; l'union de la
greffe avec le sujet ne se peut faire selon lui .
sans un allongement tant de la part des
fibres de la greffe que de celles du sujet
qui dans cet allongement doivent faire
différentes infléxions , divers plis et replis
pour s'ajuster et s'anastomoser les
unes aux autres ; il ajoute qu'il y a icy
quelque chose qui approche de la méchanique
des glandes , qu'il s'y fait des filtrations
et des sécrétions , et que dans la
greffe il y a un viscere nouveau qui peut
changer en quelque chose la nature de
la greffe, ou plutôt la qualité de ses productions
; il appuye cecy en disant qu'il
n'est parvenu à toutes ces grandes connoissances
qu'à force d'expériences réïtérées
; il va plus loin ; non content de
cette sécrétion qu'il a découverte dans la
greffe , il veut qu'il y ait non seulement
des Philtres aux racines et aux tiges qui
ne font que commencer à perfectionner
la séve , mais encore qu'il s'en trouve
d'au
OCTOBRE. 1733. 2169
d'autres ou dans les petites branches , ou
à l'approche des fruits qui achevent de
préparer la séve , et séparer les parties
suaves et agréables d'avec les autres ; il a
prouvé même ceci par lexpérience suivante;
si on goute les feuilles et les branches
d'un arbre qui a le fruit doux , on y
trouvera une séve extremement âcre et
amere , ce qui fait voir ( à cet Académi
cien ) le besoin qu'elle a d'être rectifiée
avant que de passer dans les fruits . Je vous
avouë , mon cher frere , que je fus fort
frappé , après avoir lû les Observations
de M. Duhamel , j'avois lieu en effet d'être
doublement surpris, car il y avoit une
partie de cet éloquent discours que je
n'entendois point du tout , et peu que
je compris dans le reste me sembloit entierement
opposé à ce que j'avois cru
voir ; ces observations me portoient à
croire , 1. qu'il se faisoit une union bienexacte
entre les fibres de la portion ligneuse
; j'avois vû le contraire dans les
portions ligneuses de la greffe et du su-
Jet , 29
, que dans cette union les fibres
avoient des directions bizarres , et qu'elles
formoient des plis et replis ; les fibres
m'avoient paru le plus souvent bien
droites et bien régulieres celles qui
avoient la direction la plus bizarre , fai-
C # soient
et le
2170 MERCURE DE FRANCE
,
soient quelques petits détours, sans se replier
et se contourner comme M. Duhamel
le dit. D'ailleurs il n'y a pas plus
de plis et replis à la greffe qu'aux noeuds
et qu'aux articulations des branches à la
tige ; c'est pourquoi les noeuds et les articulations
devroient tenir lieu du manége
de la greffe qui deviendroit pourlors
inutile ; j'avois bien des raisons pour
deffendre mon sentiment , mais quand
je faisois réfléxion que ces observations
partoient d'un Membre de l'Académie
Royale des Sciences de Paris , qui doit
sur ce seul titre être regardé comme un
homme bien sçavant ; toutes mes raisons
s'évanouissoient et je croïois véritablement
m'être trompé , cependant je fus
porté par je ne sçai quel mouvement
d'amour propre , à ne point me défier si
fort de mes forces , j'étois persuadé que
dans ma retraite je pouvois peut - être
faire ce qu'un homme répandu dans le
monde ne peut point faire ; il me vint
donc en pensée de vérifier mes observations
et d'examiner de nouveau les greffes
; je le fis , et je puis dire , avec succès
, car je fus confirmé pleinement dans
mon premier sentiment; ainsi content de
moi même , il ne me restoit plus que de
tâcher de comprendre ce que M. Duhamel
OCTOBRE. 1733. 2171
mel dit dans son Mémoire. Il parle de
Philares , de Filtrations , de Sécrétions , de
Glandes , &c. je n'entendois rien à tous
ces termes , il falloit m'en instruire, puisqu'on
supposoit dans les greffes de pareils
visceres , et qu'on prétendoit qu'il y
avoit de semblables organes , principalement
à l'insertion des racines , aux tiges ,
suivant l'observation . de plusieurs ( a )
Etrangers : Je ne trouvai point d'expédient
plus court pour venir about de
mon dessein que d'aller trouver notre
Chirurgien , qui est un fort habile hom--
me dans son Art, et d'ailleurs sçavant en
Anatomie je le priai de me dire ce que
c'étoit qu'une glande et quel étoit son
usage dans le corps des animaux , il me
répondit qu'on appelloit glandes , certains
pelotons particuliers et certaines
masses distinguées de toutes les autres
parties du corps , par leur contour , leur
forme , &c. qu'elles étoient en general
composées par des vaisseaux de différente
espece , differemment pliez , repliez et
empaquetez les uns sur les autres, et que
leur fonction en general étoit de séparer
de la masse du sang certaines liqueurs
destinées à différens usages , suivant les
vûës de la nature ; enfin il me dit que cet-
( a ) Grevu , Malpighi , Levvenouh er . Mariotte
C vj
te
2172 MERCURE DE FRANCE
te fonction propre à la glande de séparer
une liqueur d'une, autre se nomme Pécrétion
ou filtration ; et que la glande ellemême
étoit regardée comme un filtre ;
j'écoutai tres - attentivement tout ce qu'il
me dit , et je le concevois fort bien , mais
quand je voulus appliquer ces notions
à la greffe , je n'y entendis plus rien du
tout , mon ignorance me fit rentrer dans
mon néant , je fis réfléxion qu'il n'appartenoit
pas à un petit frere Jardinier de
porter son sentiment sur une matiere
aussi difficile , sur tout avec des lumieres
aussi bornées que les miennes, cependant
je ne pus me refuser de faire les observations
suivantes , qui m'ont empêché d'adopter
ces glandes : Voici comme j'ai rai
sonné, pour qu'une sécrétion se fasse , il
faut un organe , cet organe est formé par
divers plis , replis , contours et entrelassemens
; outre cela la glande est une partie
, pour ainsi dire , isolée des autres
parties du corps des animaux ; dans les
plantes je ne trouve rien de semblable ,
point de partie séparée des autres, à moins
que ce ne soit des especes de Chevilles
qu'on trouve assez souvent dans les Planches
de Sapin , les fibres sont pour l'ordinaire
bien droites , bien regulieres ,
quand elles sont irrégulieres ce sont des
chanOCTOBRE
. 1733. 217%
1
changemens de direction ausquelles elles
ont été forcées à cause qu'elles ont trouvé
quelque empêchement et quelque embarras
dans leur chemin , ce qui les a obligé
de se détourner ; au reste on rencontre
des directions aussi bizarres dans les
noeuds , qui pour lors devroient faire l'office
de la greffe, mais jamais dans les greffes
, il n'y a de contours et de replis qui
semblent marquer un entortillement
comme dans la glande ; enfin pour qu'une
sécrétion se fasse il faut qu'il y ait une
liqueur qui soit séparée de la masse du
fluide ; j'étois bien embarrassé à la trouver
dans la greffe .
Je fis part de toutes ces réfléxions
à l'ami
qui m'avoit
prêté les Mémoires
de l'Académie
des Sciences
, il m'en parut
frapé , et il me dit que le sentiment
de M. Duhamel
n'étoit point nouveau
, que des Auteurs
célébres
l'avoient
soutenu
et
qu'il étoit moins surpris que M.Duhamel
Feut renouvellé
qu'il ne l'étoit
que cet Académicien
n'eut point
cité ceux de
qui , selon toutes les apparences
, il le tenoit
; il me promit
de m'apporter
les Au- teurs qu'il sçavoit avoir parlé de ces fil- trations
et de ces sécrétions
; il tint sa pa- role , et il me fit voir les Mémoires
de P'Académic
Royale
des Sciences
, de l'année
2174 MERCURE DE FRANCE
née 1705. parmi lesquels il y en a un
sur les maladies des Plantes , donné
par l'illustre M. de Tournefort , à la fin
duquel se trouve le systême des glandes
détaillé avec peut être beaucoup plus de
précision que dans le Mémoire de M.Duhamel
, et j'ai eu un sensible plaisir lorsque
j'y ai vu que M. de Tournefort s'étoit
apperçu avant moi , que les fibres de
la portion ligneuse , qu'il nomme Chicot
, se déssechoient entierement , que la
blessure étoit couverte par une espece de
calotte , qui enveloppe ce bois coupé , et
que ce bourlet n'étoit formé que par les
lévres de l'écorce qui se tuméfioients
mon ami me fit voir encore le même systême
dans l'Agriculture parfaite d'Agricola
, partie premiere , page 73.74. C. 5.
n. 13. Quoique ces autoritez ne levassent
point mes difficultez , cependant je fus
fort sa isfait de ceque j'avois appris , et je
pensai que si ces grands hommes s'étoient
trompez , ce qui ne m'appartenoit pas de
décider , la matiere devoit être plus difficile
que je ne me l'étois imaginé d'abord ;
c'est pourquoi , mon cher frere , je vous
prie de vérifier , si vos grandes occupations
vous le permettent , mes Observations
, et de me dire librement votre
sentiment ; tout honnête homme , tout
homme
OCTOBRE . 1733. 2175
homme sçavant , et à plus forte raison un
ignorant comme moi , doit se croire faillible
, ainsi c'est la vérité que nous devons
toujours avoir en vue , parce que
nous devons avoir toujours Dieu present
dans toutes nos actions , et que nous lui
devons tout rapporter , songez un peu
moi dans vos prieres. J'ai l'honneur d'ê
tre , &c.
A Auxerre , ce 4 Octobre 1733.
à
LE TRIOMPHE
de la raison .
OD E.
Enfin vous êtes revenue ,
Douce raison , fille des cieux ;
Pour une ame trop prêvenue ,
Vous êtes un présent des Dieux
Enfin j'abandonne Climene ;
Honteux d'avoir pour l'inhumaine ,
Méprisé long-temps, votre voix ,
Je hais mon ancien esclavage ,
Et pour jamais devenu sage ,
Je viens me ranger sous vos Loix. É
T
Heu2176
MERCURE DE FRANCE
Heureux qui toujours vous adore
Malgré le feu des jeunes ans !
Heureux qui vous retrouve encore
Après de longs égaremens !
La Paix , cette aimable immortelle ,
Est votre compagne éternelle.
Vous nous comblez de mille dons ;
Mais , infortunez que nous sommes
Nous cessons d'être vraiment hommes ,
Du moment que nous vous perdons.
來
Quelquefois , Neptume docile ,
Tient ses Ondes dans le repos ;
La nature paroît tranquille ;
Le Zéphir joue avec les Flots 3
Déja la voile se déploïe ,
Déja poussant des cris de joïe ,
Le Naucher s'éloigne du bord ;
Mais bien-tôt l'affreuse tempête ,.
Lui montre la mort toute prête ,
Et lui fait regretter le Port.
M
Par de semblables artifices ,
L'amour trahit les jeunes coeurs 5
Il conduit dans des Précipices ,
Par des chemins semez de Acurs ;
Nous
OCTOBRE . 1733 .
2177
Nous suivons une douce pente ;
D'abord il flatte notre attente ,
Par l'espoir d'un bien qui nous fuit;
Notre ame sans effort s'engage
Et ne chérit rien davantage ,
Que le charme qui la séduit.
龍
>
Grands Dieux ! qu'un coeur tendre et sincere ,
Ressent de troubles en un jour ,
Lorsque par un objet sévere ,
Il voit mépriser son amour !
Envain par des ruisseaux de larmes,
Par des soupirs , par des allarmes ,
Nous exprimons nos déplaisirs
L'ingrate , parmi ses caprices ,
S'applaudit de ses injustices ,
Et se moque de nos soupirs.
Enfin notre dépit éclate ;
Impatiens de nous venger ,
Non contens de quitter l'ingratte ,
Nous osons encor l'outrager ;
Le désespoir seul nous possede ,
L'amour qui pour un temps lui céde ,
Paroît expirer dans nos coeurs ,
Tandis que caché dans notre ame ,
Cer
2178 MERCURE DE FRANCE
Certain du pouvoir de sa flamme
Il rit de nos vaines fureurs.
2
Bien-tôt cet amant si rebelle ,•
Quittant un impuissant courroux ;
Revient , en Esclave fidelle ,
Reprendre ses fers à genoux ;
Superbe alors de sa victoire ,
L'Ingrate , du haut de sa gloire ,
Exerce des droits rigoureux ;
Et l'infortuné qui l'adore ,
Par ses respects lui donne encore
Le droit de mépriser ses feux.
Une Divinité puissante ,
M'affranchit de ces maux divers ;
C'est vous , ô Raison bien - faisante !
Qui brisez aujourd'hui mes fers ;
Au fond de mon ame éperduë ,
Votre voix enfin descenduë ,
Parle et m'instruit du haut des Cieux ;`
A cetre voix l'Amour docile ,
Fuit , ainsi que l'Ombre mobile ,
Qui s'évanouit à nos yeux.
LET
I
OCTOBRE . 1733. 2179
LETTRE écrite de Dijon , à M. de
T... sur le Cabinet de Médailles des
RR. PP. Jesuites de Tournon.
MONSIEUR,
Vou auriez pû vous mieux adresser
pour avoir l'analyse des singularitez du
Médailler des P P. Jesuites de Tournon
dont on a depuis peu fait imprimer le
Catalogue à Avignon . Je n'ai eu ce Livre
que bien peu de temps
à ma disposition
, M. R. D. L. qui l'avoit apporté
de Paris , n'ayant fait ici qu'un
très petit séjour. Il auroit fallu n'être
pas si pressé pour examiner toutes les
karetez de ce Cabinet. Ce fut beaucoup
pour moi d'en remarquer une partie et
d'en faire à la hâte un Memoire. Ressouvenez-
vous- en bien , je vous prie , pour
que vous m'épargniez les justes reproches
que vous faites à ces demi - Sçavans
qui ont voulu vous faire connoître ce Médailler.
Vous ne trouverez pas du moins
dans mon Extrait ces grandes phrases
qui ne signifient rien , et qui laissent le
Lecteur aussipeu instruit qu'il l'étoit aųparavant.
Dans
2180 MERCURE DE FRANCE
Dans le Cabinet des Jesuites de Tournon
, il y a differentes suites de Médail
les ; 1 ° . de Rois , 2 ° . de Peuples et dé
Villes ; 3 ° . de Familles Romaines' ; 4º . de
l'As et de ses divisions ; 5. des Empereurs
Romains en or ; 6 ° . en argent ; 7 .
en grand ; 8 ° . moyen ; 9. et petit bronze
; 10° . de Medailles et de Monnoyes
modernes ; 11 ° . de Médailles contrefaites;
12 ° . de Pierres gravées , des Statuës , des
Urnes , &c. Il paroît qu'on ne s'est atë
taché à enrichir que les suites Imperiales
de bronze ; les autres , excepté celle
qui est en argent , sont peu nombreuses.
Dans le petit nombre on remarque cependant
des Médailles peu communes ;
il
y en a même qui n'ont pas été connues
jusques ici par les Antiquaires , et
qu'on peut avec eux appeller uniques.
Mon Mémoire me fournit une partie de
celles qui me parurent de ce genre dans
ce Cabinet. Peut-être vous feront- elles
naître le dessein de l'acheter ; on dit que
les Jésuites de Tournon veulent le vendre
pour rétablir leur Bibliotheque.
Une Chevre d'Afrique au Revers
ΠΤΟΛΕΜΑΙΟΥ ΒΑΣΙΛΕΩΣ , Une Aigle
tenant la foudre dans ses serres Æ. III.
La tête de Diane. ( BAZIAEQE DINTIAZ.
Un Sanglier. A II .
A
La
OCTOBRE . 1733. 2181 .
La tête d'Anthiochus , ornée d'un Diademe,
Ο ΒΑΣΙΛΕΩΣ ΑΝΤΙΟΚΟΥ ΕΠΙ-
ΦΑΝΟΥΣ ΦΙΛΟΠΑΤΟΡΟΣ ΚΑΛΛΙΝΙΚΟΣ.
Une Victoire . Æ. 111.
Deux Médailles d'Homere.
La tête de Rome. ROMA RESTITVTA. X
Jupiter assis , la Foud e à la main : jv-
PITER LIBERATOR . Arg.
·
Parmi les Médailles Imperiales de
grand Bronze , une Contorniate d'Auguste
au revers de C. GALLVS
IIIVIRAA AFF ; dans le Champ, S. C.
Un Tibere , deux Vitellius , deux Antinous
, un Médaillon d'Aelius Caesar ,
au revers de la Concorde assise Con-
CORD . TR. POT. cos. 11. Un Antonin Pie,
qui a pour revers le Sphinx et l't poque
L. B. Un autre : EПI APXONTOC KA
ΕΝΤΙΛΙΟΥ ΧΥΖΙ ΝΕΩΚΟΡΩΝ , avec un
Temple. Pertinax , les deux Gordiens
Afriquains , un Médaillon de Gordien
Pie : L'Empereur avec Tranquilline , se
donnent la main , avec la Legende de
ΓΑΡ ΟΥ ΜΗΤΡΟΠΟΛΕΩΣ ΑΜΚ ΙΒ .
Trajan Dece au revers , LIBERTAS AVG La
ête de Q. Herennius : EPENN . ETPOYC .
MEC . AEKIOC KTINTOC KECAP ; au
vers , celle d'Hostilien ... OCTIAIAOC
KYINTOC KECAP . Deux Æmiliens.
Gallien au revers de AEQUITAS AVGG.
Un
2182 MERCURE DE FRANCE
Un autre : COL. TYRO . MET. Une Aigle
avec une Enseigne Militaire , dens laquelle
on lit ces mots : LEG. III. GAL.
Un Médaillon du même Prince : CONCORDIA
EXERCIT. La Déesse debout ,
avec une Patere à la main.
Dans le moyen Bronze , j'ai remarqué
un Othon , avec le revers d'une Tête
casquée , et l'Inscription POMH Vitellius
: IMP. VITEL. dans une contremarque
sans autre Legende 5 au revers : TPI-
ΠΟΛΕΙΤΩΝ. Les têtes accolées de Castor
et de Pollux . Hadrien : EITI COCOENOYC
APX. T. TIBEPIOHOA. Jupiter tenant
une Patere. M. Aurele : CONG. AVG. III,
TR.P. XX . IMP. 111. COS. 111. La Liberalité
debout ; elle tient une Tablette.
Un autre : MARTI VICTORI IM P. XI.
cos. 111. Le Dieu Mars , avec une Haste
et un Bouclier, Severe Alexandre : COL.
AVR. PIA. METR. SIO. au milieu d'une
Couronne, Gallien au revers de Salonine
et de Salonin. Diocletien avec cette Legende
: D. N. DIOCLETIANO AETER.
AVG. Val. Maximien : CONCORDIA FELIX
D D. N N. Val. Constantius : FORTVNAE
REDVCI AVGG NN. Deux autres Maximiens
: IMP. MAXIMIANVS JVN. AVG.
Maxence : SALVIS AVGG. Et Caess. FEL.
KART. Constantin : CONCORDIA PERPET.
DD.
NO
OCTOB
R E. 1733. 2183
Ci
DD. NN. Un autre : GENIO CAESARIS ,
un autre : TEMPORVM FELICITAS.
,
Dispensez moi , Monsieur , de m'étendre
davantage sur ces Médailles du
bas Empire. Les suites de moyen et de
petit Bronze de ces temps- là , sont trèsriches
par les têtes des Princes et par les
revers qu'elles contiennent . La plupart
sont rapportées dans le Numm sæculi
Constantiniani du P. Hardoüin , et par
le P. Bandury avec l'Etiquette , E.
Schedis D. Roman de Rives. Cet Abbé ,
à ce que m'a dit un de ses amis , a
vú plus d'une fois avec admiration ce
Cabinet. Sur l'avis qu'on en trouvoit le
Catalogue chez Bousquet , Libraire à
Geneve , j'ai pris des mesures pour en
faire venir deux Exemplaires ; il y en
aura un pour vous . La lecture que Vous
en ferez , sera plus agréable pour vous
que celle de ma Lettre. Je suis , & c.
PSEAU
2184 MERCURE DE FRANCE
**** :***********
PSEAUME PREMIER .
Beatus vir , qui non abiit in consilio
impiorum , & c.
Heure
Eureux qui dans son Dieu met sa félicité ,
Qui ne marche jamais dans le sentier du vice ,
Et qui fuit la societé ,
Des Ministres de l'injustice ;
Qui n'a point soutenu dans la Chaire d'erreur ,
Les dogmes empestez d'une morale impie ;
Mais qui sur la Loi du Seigneur ,
Regle tous les jours de sa vie.
L'Eternel benira ses soins et sa Maison."
Tel qu'un arbre arrosé d'une Onde vive et pure ,
Chargé de fruit en la saison,
Le Juste ornera la Nature.
Que deviendront l'impie et le voluptueux ?
Ils seront dispersez ainsi que la poussiere ,
Qu'un tourbillon impetueux ,
Enleve du sein de la Terre.
Dieu leur a préparé des tourmens éternels ;
On ne les verra point devant sa face auguste ,
i
Lever
OCTOBRE . 1733 2185
Lever leurs regards criminels ,
Ni s'asseoir à côté du Juste.
La foudre va partir ; ô regrets superflus !
Enfant d'iniquité , tu n'as plus de puissance
Frémis .. c'en est fait , il n'est plus ,
Le Ciel a vangé l'innocence..
C. FAVART.
REMARQUES sur le Combat de
Cupidon , et d'un Cocq , gravé en creux
sur une Cornaline antique.
Les
Es Sçavans de l'ancienne Egypte ne
communiquoient les particularitez
de leur Histoire , les Misteres Sacrez ,
et les secrets de la Nature , dont ils
avoient acquis la connoissance par l'experience
ou par le secours de l'Astronomie
, qu'à ceux qui étoient destinez à
la Couronne , au Ministere , ou au Sacerdoce
.
Leur science étoit si profonde et si
singuliere , que les Sages de la Grece ne
dédaignoient point de les consulter , et
d'apprendre d'eux ce qu'ils ne pouvoient
acquérir par la lecture ni par la spécu-
D lation
1186 MERCURE DE FRANCE
lation la plus laborieuse . On voit même
dans les Livres Sacrez que Moyse ne dédaigna
point de s'instruire de toutes leurs
Sciences .
Ces anciens Sçavans donnerent des
roms divins aux choses créées , pour
leur attirer plus de respect et de vénétation
de la part des hommes . Ils formerent
en même temps des Hieroglifes ou
des figures misterieuses , sous lesquelles
ils cachoient leur morale , leur politique
et même leurs passions , et ils se servoient
de ces Figures pour leurs Sceaux,
leurs Cachers, leurs Bagues. Ils gravoient
ou frappoient des Talismans sous certaines
constellations , sur diff rens métaux
propres , selon eux , à recevoir les
influences des Astres ; et cela pour rendre
leurs projets heureux et fortunez .
Le Hierogliphe dont il s'agit représente
Cupidon aîlé , avec ses attributs ,
sçavoir , un Carquois , un Dard , un Bouclier
. On n'y voit point son flambeau ,
parce qu'il y paroît en posture de Combattant,
tenant un Dard en sa main droite
et un Bouclier en sa gauche. On y voit
en même temps un Cccq qui se présente
à lui , ayant le col fort tendu , la tête
haute , avec sa fierté ordinaire.
Pour entrer dans le sujet de leur querelle
OCTOBRE. 1733. 2187
relle , il est bon de remarquer que le
Cocq a été regardé des Anciens comme
le simbole de la vigilance. C'est pourquoi
il étoit consacré au Dieu Mars ,
parce qu'un General d'Armée doit toujours
veiller et être sur ses gardes ; ou
parce que , au rapport de Lucien , Mars
changea en Cocq le Soldat Alectrion ,
en punition de ce qu'il n'avoit pas fait
bonne garde la nuit , que ce Dieu fut
surpris avec Vénus par Vulcain , lequel
les ayant envelopp z dans un filet de sa
façon , les exposa à la risée de toutes les
Divinitez Celestes. Le Cocq étoit aussi
consacré à Esculape , pour marquer la
vigilance d'un parfait Médecin,
Pausanias écrit d'ailleurs que le, Cocq
étoit respecté chez les Grecs comme le
Messager d'Apollon , à cause que par
son chant du matin , il annonce le retour
du Soleil. Ils le respectoient aussi
parce qu'ils auguroient par son chant
plus fréquent ou par son silence , les
heeureux ou les malheureux Evenemens .
Les Boetiens , par exemple , prévirent la
celebre victoire qu'ils remporterent sur
les Lacédémoniens , parce que le Cocq
avoit chanté toute la nuit qui précéda le
combat ; et selon le témoignage d'Ennius
, qui suivit Scipion l'Affricain dans
Dij toutes
2188 MERCURE DE FRANCE
toutes ses guerres , lorsque cet Oiseau est
vaincu , il se cache et se tait , mais s'il est
victorieux , il se montre fier et chante
souvent. Galli victi silere solent , canere
victores.
Je crois done que le sujet du Combat
de Cupidon contre ce Cocq , exprimé
sur cette Cornaline , est que l'Empire de
l'Amour n'est jamais plus puissant que
la nuit. C'est à ceux qui sont versez dans
l'art de la galanterie d'en juger. Comme
le Cocq annonce par son chant la fin
de la nuit et l'approche du jour , l'Amour
outré d'être obligé de ne pouvoir poursuivre
ses victoires et de les suspendre ,
s'en prend au Messager du Soleil , et
d'un coup de son Dard , tâche de lui
percer le gosier pour éteindre sa voix
incommode.
L'Amour souvent troublé par le Cocq vigilant ,
Lui dit tout en colere , et d'un ton menaçant ,
Messager du Soleil , Cocq toujours incommode,
Ne sçais-tu pas , cruel , que la nuit m'est commode
!
Ton chant précipité vient troubler les douceurs
Et les transports charmants où je plonge les
coeurs.
Qu'à ta voix le Lion manifeste sa crainte .
Que l'Oiseau de Minerve en ressente l'atteinte ,
L'Amour
+
OCTOBR E. 1733. 2189
L'Amour toujours vainqueur méprise ta fierté ;
Tu vas sentir un coup de sa dexterité.
Qu'Apollon te protege et son Fils Esculape ;
Scache qu'à mon pouvoir ici bas rien n'échappe.
L'Amour tout en furie , ayant ainsi parlé ,
Éssaya , mais en vain , de son Dard enflâmé ,
De percer le gosier du Cocq , qui par adresse ,
Ayant sçû l'éviter , entonne d'allegresse :
Co- que-ri- co Co-queri- co
S'il plaisoit à quelque ingénieux Antiquaire
de donner une exposition plus
naturelle à ce Hieroglife , le Possesseur
en auroit une parfaite reconnoissance ,
puisqu'elle donnera un nouveau mérite
à sa Pierre gravée.
A Me FELICITE' ,
A Soissons.
Toi, qui d'Apollon éprouvant les faveurs,
Voles d'un pas leger au sommet du Parnasse ,
Et vas bientôt parmi les doctes Soeurs ,
Occuper une illustre place ;
Diij Felicité ,
2190 MERCURE DE FRANCE
Félicité , c'est à toi qu'aujourd'hui ,
S'adresse une Muse naissante ,
Elle a besoin de ton appui ,
Pour faire un choix qui la contente.
S'il faut pour t'engager à répondre à mes voeux,
Relever les beautez 'que l'avare Nature ,
Par un caprice aimable et merveilleux ,
Fait briller sur toi sans mesure ;
Dépeindre cet esprit dont le puissant éclat ,
Egale de Malcrais l'air noble et délicat ,
Et donne à tes appas une grace nouvelle ;
Malgré moi je renonce à mon nouveau projet ;
Non , le Pinceau le plus parfait ,
Fut- ce celui du grand Apelle ,
Ne sçauroit approcher d'un si charmant modele.
Mais sensible aux desirs d'un jeune ambitieux,
Tu pourras lui prêter une main secourable ,
Ou lui défendre un Art capricieux ,
Quijour et nuit le tourmente et l'accable.
Je sens qu'une fureur , en idée agréable ,
M'engage à vivre sous les loix
De la Celeste Poësie ;
Et cette passion depuis plus de six mois ,
M'empêche de goûter les douceurs de la vie ;
En vain à la raison je veux avoir recours ,
Pour éloigner loin de moi cette envie ,
Elle fuit, la cruelle , et m'évite toujours.
Hélas !
OCTOB R E. 1733. 2195
Hélas ! chaque moment voit augmenter ma
paine ;
Sur tout depuis qu'on sçait qu'animant leurs travaux
,
Tes Favoris ont sçû terrasser leurs Rivaux ,
Sur la Garone et sur la Seine.
Ton amitié leur vaut les plus glorieux prix ;
"Quoique quelques malins Esprits ,
Disent que le premier reçoit son influence ,.
De quelque Apollon de Provence.
Félicité , tu vois quel est mon embarras ;
Daigne conduire un jeune témeraire ,
Explique lui ce qu'il doit faire ,
Et guide ses timides pas.
Ah ! si mes Vers peuvent te plaire ,
Et me donner un rang parmi tes Favoris ,
Je ne vois rien au-dessus de ce prix .
: Par M. P. A. H. R. * * **.
L'Enigme et les Logogryphes du mois
de Septembre , doivent s'expliquer par
Bouteille , Mercure , Jalousie , Cheminée.
Dans ce dernier mot on trouve Chemin,
Chêne , Gene , Enée , Chine , Mine , Mie
de pain , &c, Dans Mercure on trouve ,
Mer, Cure , Mere , Crême , Ecu , Ecume ,
Recen , &c.
Diiij ENIG2192
MERCURE DE FRANCE
D'
ENIG ME.
Ans la fleur de mes jours , on me tenoit
pour belle ;
L'éclat et la fraîcheur me donnoient des appas ;
Belle ou non , ce seroit une chose nouvelle ,
Si dans le cours des ans je ne vieillissois pas.
Ce temps qui me vieillit , fait que je suis féconde;
J'ai formé des enfans qui plairont en tous lieux ;
Je les retiens captifs dans ma Grotte profonde ,
Pour les placer un jour à la Table des Dieux.
Je suis seche à vos yeux , cependant je suis bonne,
J'ai le nom d'un Auteur d'un assez grand renom,
Dans les fureurs de Mars on fait voler ce nom ;
Un Royaume en est digne,et moi'd'une Couronne,
JB
LOGOGRYPHE.
E soutiens l'humaine Nature ,
Tout Etre vivant m'est soumis
Le bruit et moi sommes grands ennemis
Et sept lettres font ma structure >
Lecteur , si par plaisir tu veux les combiner ,
Voici ce que je puis donner ;
UA
OCTOBRE. 1733. 2193
Un nombre , une fleur , trois Rivieres ;
La douceur et la dureté . . .
Ce qui chez le Cyclope est autrement planté ,
Que chez les hommes ordinaires ;
Le nom d'un grand Législateur ;
Un terme dans l'Arithmetique ;
Graine en Saintonge,un Mets flatteur ;
Deux differens tons de Musique.
Si ce n'est pas assez , creuse dans ton cerveau , ¿
D'attention fournis nouvelle dose .
Tu t'appercevras, d'autre chose ,
Et c'est-là le fond du Tonneau.
F.D. C.
AUTRE à Mlle D. L. G. R.
Six lettres font mon tout ; devinez , Eulalie ,
Je nomme un lieu champêtre , un aimable séjour
,
Où pour charmer votre mélancolie ,
Semblable à la Mere d'Amour ,
Vous vous plaisez par fois à former votre Cour
Mais avançons sans préambule ;
Suivez-moi pas à pas , triste exclamation ,
Pronom , article ou particule ,
Voilà mon tout , voilà ma composition.
Pour me trouver , que votre esprit calcule ,
Coupez d'abord mon corps en deux ,
Mon premier membre offre à vos yeux.
D. v Villa:
2194
MERCURE DE FRANCE
福
Ville de France , et Ville d'Allemagne,
L'autre souvent descend des Cieux
Pour fertiliser la Campagne ,
Que dis- je ? Il entretient le commerce en tous
lieux .
Deux , trois , quatre , aux mortêfs je procure la
vie :
Prise en un autre sens , je sers à l'harmonie
Un , quatre et cinq , je suis Province de Maroc,
Joignez , un , quatre et six , la mer est ma patrie
;
Un de moins, je serois Ville de Normandie ,
Mais c'est trop m'expliquer , devinez , c'est le
Hoc.
Par M. D. C.
AUTRE.
Ormer les temps , nombrer les jours de
F.
Phomme,
Fut et scra toujours mon ordinaire emploi ,
Un membre à bas ; le lecteur à
part
foi
Me devine déja , puisqu'à lui je me nomme.
L. H. D.
AUTRE , à Mademoiselle de ...
Vous voulez , trop belle Manon ,
Que je compose un Logogriffe ,
Sans quoi , dites- vous , l'on me biffe ,
De votre coeur , tout doux , je vas changer de
: ton . J'offre
OCTOBRE. 1733 . 2195
J'offre à vos yeux un nom plein de tendresse,
Et dont neuf pieds font l'ornement ,
Nom fort commun à tout amant ,
Qui vante son ardeur à celle qui le blesse ,
Sept , six , trois , huit , Cloris . c'est un présent
des Cieux ,
Dont à mon grand regret vous ornerent les
Dieux ,
Que mainte et mainte fois je voudrois voir au
Diable
2.
Don cruel qui s'oppose aux plus tendres plaisirs,
Qui combat nuit et jour mes amoureux désirs ,
Et qui vous rend plus fiére , et toujours plus aimable.
Par trois , deux , cinq, neuf, six , si l'on en croit
la Fable.
On découvre un incestueux ;
Mais comme fille raisonnable ,
yous ne vous plaisez pas à tous ces contes bleus.
De la fable à l'instant je passe au véritable ;
Je me targuois jadis d'une noble fierté ;
Mon coeur étoit à toute épreuve 2
Et si l'on m'a cru pris dans les las d'une veuve
C'est un crime , Manon , de leze- vérité ;
Content de mon destin dans une paix profonde
J'affrontois hardiment et labrune et la blonde.
Mais vous seule avez sçu me rendre , jeune Iris,
Un , deux , trois , quatre , cinq et six.
Blesin d'Arles,
Dvj
NOU
2196 MERCURE DE FRANCE
į į į į bb b b š š s
NOUVELLES LITTERAIRES
P
DES BEAUX ARTS , &c.
ENSE'ES MORALES ET CHRE'TIENNES
sur le texte de la Genése ; dédiées à
M. le Duc d'Orleans , par M. l'Abbé le
Mere. A Roüen et se vend à Paris , ruë
Saint Jacques , chez Osmont. 1733. 2 volt
in 12.
DES FONCTIONS ET DU DEVOIR d'un Of
ficier de Cavalerie , avec des Réfléxions
sur l'Art Militaire , et sur le premier et le
second tome des Commentaires de Polybe
, par M. Folard. A Paris , rue S. Facques
chez Ganeau , in 12. prix 45 sols ,
et sans les Réfléxions , 30 sols,
HISTOIRE GENEALOGIQUE et Chronologique
de la Maison Royale de France.
des Pairs , Grands Officiers de la Couronne
, de la Maison du Roy , et des anciens
Barons du Royaume , avec les qualitez
, l'origine , le progrès et les armes
de leurs Familles ; ensemble les Statuts
et le Catalogue des Chevaliers , Commandeurs
et Officiers de l'Ordre du S.Esprit ;
Le
OCTOBRE . 1733. 2197
le tout dressé sur les Titres originaux,
sur les Registres des Chartres du Roy,du
Parlement , de la Chambre des Comptes
et du Châtelet de Paris , Cartulaires, Manuscrits
de la Biblioteque du Roy et d'autres
Cabinets curieux . Par le P. Anselme
Augustin déchaussé; continuée par M.Dufourny
; revue , corrigée et augmentée
par les soins du P. Ange et du P. Simplicien
, Augustins déchaussés : Par la Compagnie
des Libraires; in fol. 1733.7 ›
9 vol.
8 et.
LE ZODIAQUE DE LA VIE HUMAINE , OU
Préceptes pour diriger la Conduite et les
Moeurs des hommes ; divisé en douze Livres,
sous les 12 Signes , traduit du Poëme
Latin de MARCEL PALINGENE , célébre
Poëte de la Stellada ; nouvelle Edition
, revue , corrigée et agmentée de
Notes Historiques , Critiques , &c.
M. J. B. C. DE LA MONNERIE , Mre Pr.
A Londres,chez le Prevost , et Compagnie,
Libraires , sur le Strand , 1733. et se vend'
à Paris , chez Cailleau, Libraire, Quai des
Augustins , à S. André.
Ce Livre est divisé en deux volumes
grands in 12. Dans le premier Tome est
une Epîtte dédicatoire , addressée à Mylord
Chesterfield , avec une Préface , où
l'on trouve la vie en abrégé de Palingenius
2198 MERCURE DE FRANCE
nius , ou plutôt des Conjectures qu'on a
faites sur lui ; personne n'ayant jusqu'icy
rien avancé de certain sur le compre de
cet Auteur , on y voit les sentimens de
tous les Sçavans qui en ont fait mention
, et qui lui prodiguent leurs Eloges ;
entr'autres , Naudé, Colletet, Borrychius,
la Croix du Maine , Scævole de Sainte-
Marthe, Antoine Musa Brazavolus , Scauranus,
Bayle, Baillet, M. de la Monnoye;
et à la tête de tous , Scaliger.
Le premier Livre , intitulé : Le Bélier ,
ne sert , pour ainsi dire , que de préliminaire
au Poëme ; il est enrichi de Notes
qui expliquent les expressions Poëtiques
, dont la diction du texte est remplie
; et on y trouve une Table qui explique
la valeur numérique des Lettres
Hébraïques et Grecques.
,
Le second Livre , qui porte le nom de
Taureau démontre que le souverain
bien ne se trouve pas dans les Richesses,
mais bien plutôt dans la possession de la
science et de la vertu ; l'état d'un homme
vertueux , quoique pauvre; y est préféré
à celui d'un riche licentieux , ignorant
et vicieux . Les Notes Philosophiques
de ce chant éclairci scnt ce qui
pourroit être resté d'obscur dans le texte.
Dans le troisiéme Livre , sous le titre
des
OCTOBRE . 1733. 2199
des Jumeaux , l'Auteur expose le précis
de la Philosophie d'Epicure , ce qui lui
donne occasion de faire une ample et
belle description du séjour de la volupté;
le Poëte y fait rencontre de la vertu , qui
réfute et détruit les Argumens Epicu
riens , prouve que la volupté n'est autre
chose que la furie infernale Erynnis , et
substitue au raisonnement d'Epicure des
Préceptes contraires. Les Notes de ce
chant mettent ces matieres à la portée de
tout le monde . Dans une de ces Notes on
prouve que le Poëte Lucrece se contredit
quand il avance que l'ame est mortelle .
Le quatrième Livre , sous le nom de
l'Ecrevisse , débute par un éloge du So-
/ leil , où on décrit les proprierez infinies
de ce Roy des Astres . L'Eloge sert en
même temps d'invocation à Apollon ;
il y a de plus une dispute ou un défi Pastoral
, qui est interrompu pour donner .
lieu à Timalphe , fils de la vertu , d'achever
ce que la vertu avoit obmis d'expliquer
au Poète ; ce qui est suivi d'un Eloge
de l'amour sage ; on y montre
que
Etres ne subsistent que par l'amour que
Dieu a pour eux , on y trouve ensuite une
belle Apologie de la paix : Ce chant est
éclairci par des Remarques, Notes et Additions
; sçavoir , sur les Couleurs , sug
les
les
2200 MERCURE DE FRANCE
+
les Attributs des Muses; on y explique ce
que l'on doit entendre par Uranius on y &
donne le sens allégorique de la Mythologie
, avec un abregé tres - concis des vies
de Platon et d'Aristote ; on y explique
enfin ce que les anciens ont entendu par
leur Phoenix.
Suit le cinquiéme Livre , sous le nom
du Lyon les Richesses et les autres biens
corporels y sont méprisez ; on y exalte
avec pompe les biens qui concernent l'esprit
on y prouve que ce n'est qu'en
Dieu seul que se trouve le souverain bien ;
on y parle des inconveniens et des avantages
de la vie ; on y expose les incommoditez
du mariage , et on y lit des Préceptes
excellens pour se bien conduire
dans cet état ; l'on établit que la sagesse
est la plus précieuse de toutes les acquisitions
; parmi les Remarques on en voit
une sur le Spinosisme , une autre sur les
qualitez qu'on doit avoir pour être agréable
à Dieu ; on en lit une qui réfute le
texte , où il est avancé que l'homme n'a
d'autre avantage sur les animaux que la
faculté de la parole et des mains ; on voit
enfin une Remarque sur le dissolvant
universel , qu'on ne peut , dit on , obtenir
que par le moyen de la volatisation
d'un seul sel
Le
OCTOBRE. 1733. 220X
Le Livre sixième , où la Vierge définít
quelle doit être la vraie noblesse , qui est
censée ne devoir être acquise que par la
science et par la vertu ; on y conclud
qu'au lieu de craindre la mort , on doit
plutôt la souhaiter comme la fin de nos
maux et le commencement de notre bonheur
; le tout soutenu de Remarques variées
, de Fable , d'Histoire et d'autres
connoissances utiles . Avec ce Livre finit
le premier Tome ; il est suivi des Sommaires
repetez de chacun des Livres, qui
tiennent lieu de Table des matieres.
Le premier Livre , du Tome second ,
qui est le septiéme du Poëme , sous le
nom de la Balance , commence par définir
l'Unité , l'Existence , la Simplicité et
la Perfection de Dieu ; l'Auteur avance
que la Région du feu est peuplée ; on y
établit le Systême de la pluralité des
Mondes, on explique la nature de l'ame ,
on met en question si le mouvement
procede de la chaleur et de la volonté
on prouve que c'est l'ame qui agit et non
pas les cinq sens ; ce qui s'établit par la
plus pure Philosophie , et l'on conclud
par cet argument que l'ame est immortelle
; on y voit une Carte curieuse sur
l'écoulement des Etres , Arts et Sciences
; entre les Remarques de ce chant , on
en
>
2202 MERCURE DE FRANCE
en voit une sur les Sectes des Manichéens
et des Gnostiques , au sujet du sentiment
du bon et du mauvais principe ; on avance
que l'Or dis out par l'Alkaes de Pr
racelse et de Vanhelmont , paroît sous la
forme d'un sel ou d'une huile rouges ; les
Notes font aussi mention des Sybilles ;
on réfute le sentiment de quelques Mathématiciens
qui croyoient que l'ame ne
subsistoit et n'étoit autre chose que le
concert harmonique des Organes.
Le Livre huitième où le Scorpion concilie
la Providence divine avec le libre
arbitre ; l'Auteur y explique pourquoi
les honnêtes gens sont souvent malheureux
, et les méchans au contraire fortunez
par la distinction qu'il fait des
biens du corps d'avec ceux qui appar.
tiennent totalement à l'esprit ; soutenant
que les premiers sont l'appanage des méchans
, et les derniers sont du ressort des
seuls sages. Ce Chant est rempli comme
les autres de Remarques Philosophiques
et Historiques , et en quelques endroits
Chymiques.
Le Livre neuvième , où le Sagittaire dé
butte par des Leçons pour les bonnes 1
moeurs ; l'on y lit entr'autres choses une
Priere à Dieu, qui est d'une grande beauté
, au bas de laquelle est une citation en
remar
OCTOBRE 1733. 2203
remarque d'un fragment du Socrate
Chrétien , de M. de Balzac , qu'on peut
regarder comme un effort du génie de ce
Scavant on y dépeint analogiquement
quatre Rois qui sont eux- mêmes soumis
à un cinquième , plus grand qu'eux , qui
tous de concert excitent les hommes à la
volupté , à l'avarice , à l'orgueil et à l'envie;
on y distingue cinq especes d'hommes
, sçavoir , les Pieux , les Prudens , les
Rusez , les Fols , et les Furieux ; le tout
enrichi de Remarques et de Notes comme
tout le reste.
On trouve ensuite le Capricorne , qui
est le dixiéme Livre ; on y traite de la
I culture de l'ame par la Science et les
beaux Arts , on y avance que le sage por
te aisément tour avec lui , ce que le Riche
ne peut faire. Le Texte écrit énigmatiquement
la maniere de préparer le
grand oeuvre , on trouve au bas de cet article
une compilation parfaite de tous les
procedez de cette science décrits de suite,
ce que plus de six cent Auteurs hermé
tiques n'ont donné que par Lambeaux.
On établit que le vrai Sage ne doit point
se marier que la Guerre n'est légitime
que quand il s'agit de la deffense des Autels
et des Foyers domestiques ; on y lit
une conversation entre un Poëte et un
Her2204
MERCURE DE FRANCE
Hermite qui est le précis d'une excellente
Morale ; l'Hermite y conclud que c'est
l'Esprit de Dieu qui seul purifie les coeurs;
on y fait un portrait qui peut servir
méditation sur les miseres humaines ; on
finir par convenir qu'il est difficile de
parvenir à la vraie sagesse dans ce Monde
, et on trouve par tout des Remarques
et des Notes d'une sçavante Litterature
.
Le Verseau , ou le livre onzième , après !!
une invocation à Uranie , contient des
Préceptes astronomiques , on y décrit les
Cercles du monde , Fordre et le mouvement
des Planettes ; on y fait l'énumération
non-seulement de tous les Signes du
Zodiaque , mais encore de tous ceux du
Ciel , et du nombre d'Etoilles qui les
composent, on en décrit enfin le lever et
le coucher , & c. On trouve en tous les
Endroits des Notes qui éclaircissent ce
que ces matieres ont d'abstrait; on y traite
et.de la matiere et de la forme ; en un
mot on y parle de tout ce qui est celeste ;
delà on revient aux Elémens et aux Météores
; on trouve en Note un fragment ,
qui donne les preuves de l'Elaboration de
la Mer , et de la fabrication qu'elle fait en
son sein de tous les Terrains apparans
du Globe terrestre , Ce morceau est d'une
Philosophie nouvelle et curieuse,
1
OCTOBRE . 1733. 2205
Dans les Poissons , Livre douze et dermer
, oh prouve que hors les confins du
Ciel , il y a une lumiere immense , incorporelles
que cette lumiere est la forme
qui communique l'Etre aux choses ,
qu'elle nnee peut être apperçuë des yeux
corporels ; on y parle des formes sans mariere
qui composent la substance des
Anges ; on y confond les Athées; on convient
qu'il est difficile de s'entretenir
avec les bons Esprits, et que la conversation
des mauvais est plus aisée à obtenirs
on trouve en cet endroit une longue Remarque
qui peut servir d'Elemens à l'Astrologie
, &c. On doit conclure que ce
Livre est fort interessant et d'une lec-
= ture agréable. Le public sçavant et curieux
doit sçavoir gré à M. de la Monnerie
d'avoir fait revivre par sa traduction un
Auteur excellent , presque tombé dans
- l'oubli , et d'avoir accompagné cette traduction
de tous les secours dont elle avoit
besoin pour faire un présent accompli à
la République des Lettres.
OBSERVATIONS IMPORTANTES sur le
Manuel des Accouchemens. Premiere
Partie , où l'on trouve tout ce qui est nécessaire
pour les Opérations qui les concernent,
et où l'on fait voir de quelle maniere,
2206 MERCURE DE FRANCE
niere , dans le cas d'une nécessité pressante
, on peut , sans avoir recours aux
Instrumens , remettre dans une situation
convenable , ou tirer par les pieds
d'une Matrice oblique ou directe , les enfans
mal situez , vivans ou morts , sans
les endommager , ni la mere . Seconde
Partie où l'on fait voir la nécessité d'examiner
les corps des femmes mortes sans
accoucher , afin de connoître si la Sage-
Femme a été la cause de la mort de la
mere et de l'enfant ; et où l'on donne des
avis à tous les maris qui s'interressent à
la conservation de leurs femmes et de
leurs enfans . Traduites du Latin de M..
Henri de Deventer , Docteur en Médecine,
par Jacques - Jean Bruhier ' Ablaincourt
, Docteur en la même Faculté . A
Paris , chez Pierre Prault , Quai de Gêvres ,
1733. in 4. avec figures.
PANEGYRIQUE de S. Loüis , prononcé
à l'Académie Françoise le 25 Aoust 1733.
par le R. P. Tournemine , de la Compagnie
de Jesus , brochure in 4. de 20
pag. A Paris , de l'Imprimerie de J. B.
Coignard.
Ce Discours, dont la lecture ne peut
que confirmer l'applaudissement general
avec lequel il a été écouté , a pour texte
ces
OCTOBRE. 1733. 2207
7
ces grandes paroles de S. Paul , dans son
Epître aux Galates , ch. 6. Mihi autem
absitgloriari nisi in Cruce Domini nostri
Fesu Christi , per quem mihi mundus crucifixus
est , et ego mundo . Paroles qui n'ont
peut être jamais été plus heureusement
appliquées que
dans le sujet auguste dont
il s'agit icy , dans un éloge de S. Louis
que les plus grandes prosperitez n'ont pú
corrompre , que l'adversité la plus accablante
n'a pû abbatre. Deux traits dontle
Panégiriste forme le caractere de notre
saint Roy , et qui le distinguent des autres
Saints , dont notre Religion a consacré
la mémoire. Par une sagesse divinement
éclairée S. Loüis a rebuté le monde
flateur , et s'est élevé au dessus des Héros
mondains. Par une fermeté héroïque
ce S. Monarque surmontant les rebuts
mystérieux de Dieu , qui n'étoient que
des épreuves ,a été trouvé digne de Dieu .
Heureux , lorsque le Monde le croyoit le
plus malheureux. Deux Propositions qui
enferment la division et toute l'oeconomie
d'unDiscours, dont lebut principal est
de montrer combien le Christianisme est
propre à former des Héros , et quelle est
la supériorité des Héros qu'il forme.L'Illustre
Orateur a inséré dans son Exorde
san Eloge de l'Académie Françoise , qui
mé.
2208 MERCURE DE FRANCE
mérite d'être lû, le sujet le fournit, et rien
n'est plus délicatement touché . 63
La premiere Partie offre d'abord une
peinture aussi vrayc que vive, du Monde
prophane , de ce monde que l'Evangile
ordonne de fuir , de haïr¸ au moins s'il
ne nous est pas libre de le fuït , aversion
et violence qui coutent cher , principalement
aux Grands de la Terre .C'est
cependant ce Monde que le S. Roi a vaincu
en tant de manieres . Le détail de ces
Victoires fait la matiere de cette Partie
du Discours , où l'on voit par tout que
le plus Saint de nos Rois , a été le meilleur
de nos Rois ; ainsi s'exprime l'Orateur
Chrétien .
Il n'auroit pas été le meilleur de nos
Rois , continue til , s'il n'avoit pas cultivé
l'esprit de ses peuples pour former
leur coeur ; s'il n'avoit adouci par les
sciences la barbarie des François belliqueux
et ignorans ; fiers même de leur
ignorance. Il se plaisoit , sçavant lui - même,
à rassembler dans son Palais S. Thomas
d'Aquin , S. Bonaventure , Sorbon
Colonne , Vincent de Beauvais , Pierre
de Fontaines , la lumiere de leur siécle ,
les Oracles de la Religion ,de la Jurisprudence
et de l'Erudition ; il leur. donnoit
le dessein des Ouvrages dont ils ont enrichi
1
OCTOBRE. 1733 . 2209
chi le Public . Sa liberalité soutenoit l'entrepЯse,
son goût la conduisoit. Le Grand
Cardinal de Richelieu n'a exécuté que
ce que S. Louis avoit commencé. On
voyoit dans les Assemblées où il se délassoit
des fatigues du Gouvernement, ce
qu'on voit dans les vôtres, Messieurs , les
grands Génies , et les grands Seigneurs ,
le Roy de Navarre , le Comte de Bretagne
, le Sire de Joinville , cet Historien
inimitable ; aussi naturel , plus sincere
que César , deux Cardinaux confidens
du Prince , et chargez par lui des plus
importantes négociations , dont l'un fût
élevé sur le S. Siége , mêlez sans distinction
avec les autres Sçavans , reconnoître
que la naissance et le rang doivent un
légitime hommage à la supériorité de l'esprit.
Roy véritablement tres chrétien ;
S..Louis , dans les soins qu'il prit pour
faire fleurir les Sciences , avoit en vûë le
bien de l'Etat , la gloire de la Nation
et plus encore la défense de la Religion .
Dans la seconde Partie , le`Saint Roy
est representé d'autant plus éprouvé par
une longue suite de tribulations , qu'il
étoit agréable à Dieu , suivant cet Óracle
de l'Ecriture , quia acceptus eras Deo ,
necesse fuit ut tentatio probaret te. Tob . 12.
L'Affliction des Justes étant nécessaire
E pour
2280 MERCURE DE FRANCE
pour leur interêt , pour l'inrerêt de Dieu .
Les plus beaux traits de l'Histoire de
S. Louis , appliquez à ces grandes maximes
, fournissent une Carriere dans la
quelle la Religion triomphe toujours
une Eloquence chrétienne et pathétique
Y brille par tout. On en jugera par le
traits suivans , nos bornes ne nous per
mettant pas de nous étendre davantage.
›
Le Ciel et le Nil viennent au secours
des Sarrazins vaincus ; la terre et l'air infectez
font périr l'Armée victorieuse , et
livrent sans combat le Saint Roy , languissant
à la barbarie des vaincus ... Ne
lui échapera- t- il point au moins quelques
plaintes ? Non sa douleur sera
muette , son amour pour Dieu sera maître
de sa bouche comme de son coeur :
Vous seul , dit- il , vous seul, mon Dieu ,
méritez d'être aimé , lorsque vous traitez si
rigoureusement ceux qui vous aiment... Il
fût dans les prisons de Memphis aussi
Roy que dans son Palais , plus conquerant
qu'à la tête de son Armée : Sapientia
descendit cum illo in foveam , et in
vinculis non dereliquit eum , donec afferret
illi Sceptrum regni .
Et de quelle multitude de benedictions
Dieu n'a- t-il pas continué de recompenser
la fidelité de S.Louis ? Quelle longue
suite
OCTOBRE. 1733. 221F
suite de Rois le reconnoissent pour Peret
Sa postérité regne dans les deux Mondes.
France , rendez graces à la patience de
S. Louis ; vous lui devez , Charles le Sage
, les miraculeuses victoires de Charles
VII . Louis , le Pere du Peuple , François
I. restaurateur des Sciences , la clémence
d'Henri le Grand , Louis le Juste,
* dompteur de l'Hérésie. Vous lui devez ,
LOUIS LE GRAND , qui a réuni toutès
leurs vertus avec la patience héroïque ·
de S. Louis , vous lui devez le Regne de
S. Lours qui se renouvelle.
Il faudroit tout copier ; plutôt qu'extraire
, si on vouloit ne rien omettre dans
un Discours si rempli de beautez et de
grandes véritez. Disons en finissant, que
l'Auteur du Panégyrique , dont nous rendons
compte , a solidement démontré
dans un Ouvrage , digne de passer à la
Postérité , ce qu'un * Historien n'a , pour
ainsi dire, fait qu'ébaucher ,lorsqu'en parlant
de notre S. Roy , il a fait son Eloge
dans ce peu de paroles : Il a été tres grand
Roy , mais en Saint ; il a été tres--grand
Saint , mais en Roy.
LA JEUNE ALCIDIANE par Madame
de Gomez A Paris , rue du Hurepoix , et
Maimbourg , 'Histoire des Croisades.
E ij Tue
2212 MERCURE DE FRANCE
ruë S: Jacques , chez David et Henry
1733. 3. volumes in 12.
9 INSTRUCTION SUR LA RELIGION
l'on traite des sentimens qu'il faut avoir
de Dieu , de J. C. de l'Eglise Catholique
et de la vertu. Par M. Charles Gobine
Prêtre , Docteur en Théologie de la Ma
son et Societé de Sorbonne , Principi
du Plessis Sorbonne. Seconde Edition .
Chez la Veuve Etienne , rue S. Jacques
1733. in 12.
L'ANATOMIE GENERALE DU CHEVAL
contenant une ample et exacte Description
de la forme , situation et usage de
toutes les parties leurs differences et leurs
correspondances avec celles de l'homme,
La génération du Poulet et celle duLapin.
Un Discours du mouvement du Chile et
de la circulation du sang. La maniere de
dissequer certaines parties du Cheval
difficiles à anatomiser , et quelques Observations
Physiques , Anatomiques et
curieuses sur differentes parties du corps
et sur quelques maladies. Le tout enrichi
de figures. Traduit de l'Anglois , par
F. A. de Garsault , Capitaine du Haras du
Roy , en survivance. A Paris , chez Robert
- Marc, d'Espilly , rue S. Jacques ;
1734. in 4. 'de 349. pages.
Nove
OCTOBRE. 1733. 2213
NOUVELLE DISSERTATION Sur les ра
roles de la Consécration de la sainte Eu
charistie , où l'on montre que les Liturgies
Orientales sont conformes à la Liturgie
Romaine sur le Rit de la Consécration
, et que les Scholastiques qui
ont combattu l'Invocation des Orien
taux , et les nouveaux Grecs qui l'ont
voulu soutenir contre eux , n'ont pas
compris le vrai sens de cette Priere , ni
étudié le Rit de leurs Liturgies. A Troyes,
chez Jacques le Févre , le jeune , grande
ruë , 1733. un vol . in 8. de 25.3 . pages ,
sans la Préface et la Table. Il se vend aussi
à Paris, chez Briasson , ruë. S. Jacques.
OBSERVATIONS sur l'Ordonnance du
mois de Février 1731. et Questions remaquables
sur les matieres des Donations.
Par Maure-Jean- Baptiste Furgole ,
Avocat au Parlement de Toulouze. A
Toulouze , chez J. F. Forest , ruë de la Poterie,
1733. infolio de 195. pages pour les
Observations , et 323. pour les Questions.
REMARQUES Historiques et Critiques ,
sur l'Histoire d'Angleterre de M. de Rapin
de Thoyras , par M. Tindal , &c. Et
Abregé Historique du Recueil des Actes
publics d'Angleterre , de Thomas Rymer ,
E iij pas
2214 MERCURE DE FRANCE
par M. de Rapin de Thoyras , avec les Notes
de M. Etienne Watley. A la Haye
chez Gosse et Neaulme , z . vol. in 4. E
se vend à Paris , chez Montalant , Libraire
, Quay des Augustins .
Les Remarques de M. Tindal , pareissent
ici pour la premiere fois ; afin de
les lire utilement , il faut avoir sous les
yeux l'Histoire d'Angleterre de M. de Rapin
de Thoyras , à laquelle elles servent
de Supplément en plusieurs endroits
qu'elles corrigent en d'autres ; il n'importe
qu'on ait l'Edition d'Hollande ou
celle de Trévoux , y ayant en marge des
renvois à l'une et l'autre Edition , M. Tindal
paroît avoir une grande connoissance
des anciens usages de son Pays , et
en avoir lû avec soin les Historiens ; il
les cite tous ; quand ils ne s'accordent
pas dans la narration des mêmes faits ,
il en prend des circonstances des noms
omis ; il releve un assez grand nombre
de méprises plus ou moins considerables ;
quelquefois même il produit des Actes
que M. de Rapin de Thoyras n'avoit pas
nus; on a ajoûté à l'abregé Historique
des Actes , des Notes de M. Watley , qui
n'avoient point encore parû.
MEMOIRES de Frédéric-Henry de Nas
sau,
'!
OCTOBR E. 1733. 2275
sau , Prince d'Orange , qui contiennent
ses Expéditions Militaires depuis 1621 .
jusqu'à l'année 1645.enrichis du Portrait
du Prince et de figures représentant ses
Actions , dessinées et gravées par Bernard
Picart , in 4. Chez P. Humbert , à Amsterdam
.
MAXIMES POLITIQUES , nécessaires aux
Souverains , pour connoître les vices
d'un Favori , représenté dans la vie de
Sejan, &c. Dédiées à S. M. I. Charles VI.
par J. Baptiste Giacomazzi , &c. A Venise
, chez Albrizzi , in 12. de 166.
pages. L'Ouvrage est en Italien.
On nous prie d'avertir que G. Martin,
Coignard et Guerin l'ainé , Libraires à
- Paris , rue S. Jacques , délivreront aux
Souscripteurs le 23. de Novembre 1733 .
les quatre derniers volumes du Recueil
des Mémoires de l'Académie Royale des
Sciences , depuis 1666. jusqu'en 1699. Sça,
voir , 1 °. l'Histoire de l'Académie de ces
années là , avec une Liste generale de
tous les Académiciens jusqu'à présent ,
et un Catalogue de leurs Ouvrages , en
2. volumes. 2 °. Les Memoires pour servir
à l'Histoire naturelle des Animaux , avec
68. Planches en Taille- douce , deux Tomes.
2216 MERCURE DE FRANCE
mes en un volume. 3 ° . Un Traité d'A
nalyse , par M. de Lagny , en un volume .
Les Souscripteurs sont invitez à retirer
incessamment ces volumes , afin de profiter
de l'avantage des premieres Epreuves
des Figures.
›
On ne donne point cette fois- cy la
Table des Volumes du présent Recueil ,
et on y a substitué le Traité d'Analyse
de M. de Lagny , dont la dépense a été
de plus du double pour les Libraires.
La raison est que comme ils ont actuellement
sous presse une suite de l'Histoire
Naturelle des Animaux , qui n'a
jamais parû , et que cette suite en fait,
dans l'ordre des temps , une de Recueil
qu'ils donnent ; il est nécessaire que la
matiere de ce nouveau Volume soit comprise
dans ce Tome de Tables .
On pourra voir chez les Libraires uydessus
nommez , les Planches qu'ils ont
falt graver de cette nouvelle suite des
Animaux , sur les Desseins Orignaux de
M. Perrault , qui leur ont été remis par
Mrs de de l'Académie. On donnera incessamment
ce nouveau Volume , qui
sera accompagné d'un Volume de Tables
pour tous ces anciens Mémoires et d'un
autre Volume de Tables de l'Histoire et
des Mémoires depuis 1720. jusqu'en 1730.
Ces
OCTOBRE. 1733. 2217
Ces mêmes Libraires achevent de faire
graver toutes les Machines ou Inventions
qui ont été approuvées par l'Académie
Royale des Sciences depuis son établis
sement jusqu'à présent. Il y en a actuellement
plus de 350. Planches gravées ; ce
Recueil sera accompagné de Descriptions .
On distribuera à Paris , au premier Décembre
prochain l'Hitoire des Empires et des Républiques
depuis le Déluge jusqu'à J. C. L'Auteur y
débrouille solidement et evec netteté tous ces
siecles obscurs. Il y fait voir la liaison de l'Histoire
Sainte avec la profane , c'est- à - dire , celle
d'Egypte et d'Asie et assure le Public qu'il donne
aux Livres Saints depuis le Pentateuque jusqu'à
la fin des Prophetes , une lumiere et une
clarté qu'ils n'avoient pas encore euës .
L'Histoire Grecque commence avec la Mytologie
, c'est- à- dire , Aimon , Urane , Saturne ,
Jupiter et toute sa famille , dont on fixe le temps.
Suivent après cela les Royaumes d'Argos , de
Mycene , Lacedemone de Thébes et d'Athenes ,
chacun en particulier et par la suite d'un même
discours. On y verra toute la Fable expliquée et
soutenuë par l'Histoire , la conformité des Poëtes
et des Historiens , le temps précis de chaque
événement , une Chronologie conduite sur les
plus autentiques Monumens de l'Antiquité , l'année
courante au haut de la page , et en bas toutes
les sources où l'on a puisé , indiquées par des
Lettrines. Le premier Volume contient un Discours
Préliminaire , et l'Histoire des anciens
Egyptiens , dont on remonte la Chronologie
jusqu'au temps d'Abraham , par l'arrangement
EY des
2218 MERCURE DE FRANCE
des Dinasties. Le second celle des Assyriens ,
des Babiloniens et des Medes , avec une Dissertation
sur l'Historique des Prophetes . Le troisiéme
et le quatrième , sont de l'Histoire Grecque
et finissent à la guerre de Péloponese . L'on continuë
d'imprimer la suite , et tous les six mois
on en donnera deux Volumes , jusqu'à la concurrence
de dix .
L'Auteur y joint deux grandes Cartes Chronologiques
, où l'on voit , siecle par siecle , l'origine
, le progrès , l'étendue , les révolutions et
la décadence de toutes les Monarchies , paralle
ement sous la même ligne horisontale , dans la
nême année et conjointement avec l'Histoire du
Peuple de Dieu , qui regle et conduit toutes les
intres.
L'Ouvrage se vend chez Simart , ruë S. Jacques
, Bullot , rue de la Parcheminerie , Jean
Neuilly , au Palais , et Jean Rouan , Quay des
Augustins. Les quatre Volumes in 12. dix livres.
er les deux Cartes trois livres.
LETTRE écrite de Brest, le premier
Septembre 1733. sur le Bureau Tipographique.
E crois , Monsieur , que le Mercure de France
peut- être regardé dans la République des Lettres
, comme une espece de Bureau d'adresse où
chacun peut avoir recours , soit pour faire part
au Public de ses propres Découvertes , soit
pour demander soi- même des instructions aux
autres. C'est dans cette pensée, Monsieur, que je
prens la liberté de vous écrire cette Lettre pour
avoir des nouvelles d'un certain Systême de lecture
imaginé depuis quelques années pour faciliter
OCTOBRE. 1737. 2219
liter aux enfans les premiers élemens des Lettres;
Şistême que vous avez annoncé plusieurs fois dans
vos Mercures , et qui semble être tombé dans
Poubli. Bien des gens et moi plus qu'un autre ,
avons été surpris.de votre silence ..
Comme j'avois fort goûté le plan de ce projet ,.
j'avois commencé de le mettre en pratique avec.
assez de succès , et mon exemple avoit fait naître
Penvie à plusieurs personnes d'en faire autant ;. .
mais comme ils n'étoient guére au fait du Syste
me et que je n'y étois pas trop moi - même , les,
choses en sont demeurées là , et je leur ai conseillé
d'attendre le Livre que l'Auteur a promis
il y a deux ou trois ans. On y trouvera sans doute
un entier développement de son Systeme , aussi
bien que la description exacte de ce qu'il appelle
Bureau Tipographique , avec le détail des opérations
et des lectures qui conviennent le plus à
P'institution de la premiere enfance .
On a vû par le Journal des Sçavans du mois
d'Avril , que la premiere partie de cet Ouvrage
est imprimée depuis plus d'un an sous le titre
d'Ab-cé latin, mais la suite qui paroît plus nécessaire,
ne vient point encore,et peut - être ne viendra-
t'elle jamais, Cependant un ami à qui l'on
avoit écrit à Paris pour en apprendre des nouvelles
, a fait réponse qu'on y travailloit depuis
plusieurs années et qu'elle n'étoit pas encore finie.
Mais en bonne foi , c'est - là ce qui m'étonne
le plus , on auroit imprimé depuis le temps.
nue collection des Conciles . Est - ce l'Auteur ou
FImprimeur qui retarde l'Ouvrage.
Quoiqu'il en soit , je vous supplie , Monsieur,
de vouloir bien inserer cette Lettre dans votre:
Mercure , afin d'inviter l'Auteur ou les Partisans .
du Systême Tipographique à donner quelque si-
Ej gus
2220 MERCURE DE FRANCE
gne de vie , si tant est que le projet soit en vogue
et qu'il soit approuvé par les Maîtres d'Ecole
de Paris , comme on me l'a fort assuré.
Au reste je crois que l'Auteur fera beaucoup
mieux d'instruire les personnes bien intentionnées
qui cherchent de bonne foi la verité , que
de s'amuser à répondre à de mauvaises Critiques .
Son Systême est solide , il ne s'agit que de le bien
posseder. Je suis , Monsieur , &c.
En attendant la réponse demandée , on ne sera
pas fâché de voir l'Extrait suivant.
EXTRAIT des Actes qui sont en
dépôt an Greffe de la Jurisdiction de
M. le Chantre de l'Eglise de Paris.
P A M. le Grand Chantre de l'Eglise
de Paris ..
Supplie humblement , &c Soit communiqué.
à notre Promoteur , ce premier Septembre
1732. Signé , F. Vivant.
Vu l'utilité que le Public peut retirer d'une
Méthode qui passe pour abreger un temps considerable
que les Maîtres employent ordinairement
, pour apprendre à. la jeunesse confiée à
leurs soins , les premiers principes de la lecture ,
je n'empêche les fins de la présenté Requête . A
Paris , ce 2 Septembre 1732. Signé , Collin , Promoteur
, avec paraphe .
Vû la Requête de l'autre part et les Conclusions
de notre Promoteur nous nommons
pour Commissairrs les sieurs Ceullin , le Faux
et Chompré, lesquels conjointement avec notre
Promoteur et notre Greffier , examineront la
susdite Méthode et noùs en feront leur rapport
pour ordonner ce que nous jugerons le plus utile -
au
OCTOBRE . 1733 2227
au bien public et à l'instruction de la jeunesse.
A Paris, ce 2. Septembre 1732. Signé, F. Vivant
Vu par par Nous la Requête présentée à M. le
Chantre de l'Eglise de Paris , par le sieur Dumas,
Auteur du Systême du Bureau Tipographique et
de la Bibliotheque des Enfans , Livre qui contient
la maniere de se servir dudit Bureau et de la Méthode
pour montrer aux enfans les premiers élemens
des Lettres , en date du premier Septembre
1732. au bas de laquelle Requête sont les Conclusions
de M. le Promoteur en datte du 2. dudit
mois et an. Vû l'Ordonnance de M. le Chantre, du
même jour et an , par laquelle il a jugé à propos
de nous nommer Commissaires à l'effet d'éxaminer
le susdit Systême et la susdite Méthode
dont on fait actuellement usage pour Monseigneur
le Dauphin et pour les augustes Enfans
de France.
Nous , après avoir entendu l'Auteur, er vi des
enfans travailler audit Bureau ; ayant examiné
le tout avec exactitude , avons jugé ledit Systême
très- ingénieux , fort propre à avancer la jeunesse
sans la dégoûter , et très - capable d'ôter
les épines qui se trouvent , surtout en apprenant
aux enfans les premiers élémens ; c'est pourquoi
nous estimons et croyons que M. le Chantre
peut permettre la pratique de ce Systême, l'usage
de la Bibliotheque des Enfans,dans les Ecoles de sa
Jurisdiction , et exhorter les Maîtres qui le pourront
commodément, à les pratiquer , et l'exercice
du Bureau Tipographique;c'est le témoignage que
nous avons cru devoir rendre à la vérité en faveur
de l'utilité publique , en foi de quoi nous avons
signé ce 11. Novembre 1732 Signé, Collin , Promoteur,
le Faux , Ceullin , Chompré , Chanu,
Nous , François Vivant , Prêtre , Docteur en
Théo2222
MERCURE DE FRANCE
Théologie de la Maison et Societé de Sorbonne,
Grand- Vicaire de M. l'Archevêque de Paris ,
Chantre et Chanoine de l'Eglise Métropolitaine
de Paris , Collateur , Juge et Directeur des petites
Ecoles de la Ville , Cité , Université , Fauxbourgs.
etBanlieuë de Paris , après avoir oui notre Promoteur
, en notre Jurisdiction , et les Commissaires
par nous nommez pour l'examen du Livre intitulé
, la Bibliotheque des Enfans , ou les premiers
Elemens de Lettres , contenant le Systéme du Bureau.
Tipographique , à l'usage de Monseigneur le Dauphin
, et des augustes Enfans de France . Vû et lû
le rapport desdits Commissaites , permettons
d'introduire l'usage dudit Systême, Livre et Méthode
dans les Ecoles de notre Jurisdiction , et
exhortons les Maîtres , Maîtresses et autres , enseignant
sous notre autorité , qui le pourront
commodément , à les pratiquer , et.l'exercice du
Bureau Tipographique. Fait en notre Hôtel à
Paris , ce 24. Novembre 1732. Signé, F. Vivant.
Collationné à la minute originale , étant au
Greffe desdites Ecoles , par moi Greffier d'icelles ,
spussigné ce 1. Decembre 1732. Chanu , Greffier.
AVERTISSEMENT de l'Auteur
d'une nouvelle Méthode , ou l'Art d'upprendre
la Musique ; il en a été parlé au
mois de Juillet , page 1607 .
J
" Avois crû qu'il étoit assez indifferent de montrer
la Musique sur la clef de Fa , on sur
quelle autre que ce soit , on n'en apprend pas
moins l'intonation et la mesure des sons sur
P'une que sur l'autre , outre que les nominations
qu'indique la clef de Fa à la troisiéme ligne , reviennent
aux mêmes que celles que donnent
les
OCTOBRE . 1732. 2223
les autres clefs , quand on les charge de quelque
Diese oe de quelque Bemol.
Cependant les Maîtres de Musique m'ont fait
observer que je m'étois trop uniformement servi
d'une même clef , et ils m'en ont donné des raisons
que j'ai trouvées plausibles ; j'y défere , et
mes Planches sont corrigées . Ce n'a pas été une
petite affaire d'en trouver le moyen , et de l'exe-.
cuter ; mais la satisfaction que je ressens à suivre
des avis judiceux et utiles , me dédommagent assez
; j'ai donc partagé mes leçons aux differentes.
clefs , et c'est pour la commodité des personnes
qui apprennent à jouer des Instrumens , que j'ai
commencé par la clef d'Ut et que j'ai fait suivre
celle de Fa , après lesquelles viennent les autres
clefs chacune à son tour. Les Dames et les jeunes
gens se plaindront- ils à présent de ce que je
ne me suis point servi dès le commencement de
la clef qui leur est propre ? Mais pouvois - je mettre
tous les principes tout à la fois à toutes sor
tes de clefs ? Comment s'y prendre ? opter ; je
l'ai fait. Eh ! qu'importe de bonne foi , d'appren
dre la Musique sur telle clef ou sur telle autre ?
On dit que ma Méthode est trop raisonnée ;
la critique est nouvelle et un peu surprenante ,
sur tout si elle vient des Maîtres de cette Ville ,
presque tous gens d'esprit et dont j'entens dire
qu'ils aiment beaucoup à raisonner sur les principes,
et qu'ils sont fort exacts à donner la raison
de tout ce qu'ils enseignent . Cette observation ne
m'eût pas frappé , si elle avoit été faite dans les
Provinces où bien des Maîtres montrent la Musique
comme is Pont apprise et comme ils la
sçavent. L'ordre et la raison n'entient presque
pour rien dans leur maniere d'enseigner, aux ques
tions des Commençans , pour l'ordinaire , point
>
de .
224 MERCURE DE FRANCE
de réponse , du moins qui soit intelligible. Leur
grand Art consiste à repeter avec les Ecoliers ,
la
même leçon mille et mille fois , et leur meilleure
raison est de leur dire , écoutez , voyez , faites
comme moi . J'avoue qu'en voilà bien assez quand
on prend les hommes pour des machines.
On dit encore que ma Méthode est trop détaillée.
Mais qui s'en plaint ? Sont-ce les vrais
sçavans dans la pratique et dans la Théorie . Ils
n'ont que faire de mes leçons. Aussi n'est- ce pas
pour eux que l'on s'avise de composer des Méthodes
, Sont- ce les demi , les faux Sçavans ? Je
ne disconviens pas que ceux - cy pourroient trou
ver bon ce qsi est mauvais , et mauvais ce qui est
bon ; inutiles les endroits où je parle de ce qu'ils
croyent sçavoir ; et peut- être utiles ceux qu'ils
daigneront avouer nouveaux pour eux , s'ils
l'osent:
Je ne disconviens point aussi qu'ils pourront
bien condamner et peut - être approuver mon Livre
sans en avoir lû autre chose que le titre. Aussi
leur Critique et leur Approbation , je l'avoüe , ne
me touchent pas infiniment . Je n'ai point nonplus
écrit pour eux , prévoyant bien que ceux
qui s'imaginent d'en sçavoir beaucoup , ne se
serviroient pas de ma Méthode.
Ma vûë a été d'instruire ceux qui ont envie de
sçavoir réellement la Musique ; de leur dévelop
per méthodiquement les principes de cette Science
; de leur rendre raison de toutes ses pratiques,
de leur applanir la voye qui y conduit peu à peu
sans peine , mais sûrement et par le plus court
chemin. Je raisonne trop , je détaille trop , je
suis trop long , dit- on , mais que vouloit- on
que je fisse ! Une Analyse ? un point de vue
abregé de ce que je sçais ? Que cet Auteur
CSE.-
OCTOBR E. 1733. 2225
est obscur ! se seroit- on écrié. A peine a -t'il ébauché
la matiere. Son Livre n'est bon ni pour les
Maîtres qui sçavent le détail de ce qu'il ne sçait
qu'indiquer , ni pour les Ecoliers qui ne le trouvent
pas dans sa Méthode .
Cet Ouvrage , dit-on encore , ne sera guere
utile aux enfans. J'avoue que ceux qui ne pensent
point ne sçauroient entendre les explications
que je fais des principes de la Musique , et moins
encore les raisons que j'apporte en preuve des
pratiques que je conseille ; Mais de tels enfans
comprendront-ils mieux les raisons qu'un autre
leur dira? On ne leur en donne point, me répondrat'on
, on se contente de les exercer à la pratique.Eh
bien, que pouvois - je faire de mieux pour eux,que
de leur préparer une suite méthodique de leçons,
par où ils pussent surmonter aisément toutes les
difficultez de l'execution ? Prétendoit- on qu'en
faveur des enfans , j'eusse composé une Méthode,
dont les leçons se fissent pratiquer d'elles- mêmes
et que je n'entremêlasse point à ces leçons
des discours où les personnes qui pensent , verront
les raisons de ce qu'on leur fait executer
bien souvent sans leur dire pourquoi ? Il y en a,
dit on , qui ont trouvé la Préface admirable et
le Livre trop diffus . L'a-t'on lû , demandai-je ?
non , me répondit- on. La Critique est plaisante.
Eh comment juger qu'un Livre est trop diffus
sans l'avoir lû. Un Auteur est - il trop long , ou
parce qu'il employe bien des paroles pour dire
peu de chose? ou parce qu'il apprend bien des
choses en peu de paroles. Mais que servent les
justifications prématurées de l'Auteur , mises entre
des doubles virgules ? eh ! ne les lisez point ;
ce signe n'est que pour vous en avertir. D'autres
que vous ne les trouvent pas hors d'oeuvre. Enfia
2226 MERCURE DE FRANCE
fin je n'ai d'autre réponse à faire désormais à
ceux qui ont critiqué mon Livre et qui le critiqueront
à l'avenir, que celle- cy : l'avez- vous lû ?
êtes- vous en état de prononcer sur l'utilité ou
l'inutilité le bon ou le mauvais ? avez- vous de
bonnes raisons à m'alleguer de vos Critiques ?
Je suis prêt à vous entendre si vous voulez bien
me faire l'honneur de me parler , et prêt aussi
d'effacer tout ce que vous me démontrerez inutile.
On ne sçait , dit -on encore, où prenire cer
Auteur , personne ne le connoît . Me voici connu
, puisqu'on le veut , je suis Gouverneur de
deux Seigneurs de Dauphiné , dont le nom
est Messieurs de la Serre , je demeure au Fauxbourg
S. Germain , rue de l'Université , ches
M. le Coq , au premier.
Nous sommes priez d'avertir , et nous le fai
sons dans les mêmes termes qu'on nous écrit ,
que dans le Livre intitulé : Traité de l'Opinion ,
&c. imprimé cette année 1733. à Paris , il est
dit dans la seconde Partie du IV . Tome , page
160. que Mrs de Goyon, Aînez de la Maison de
Matignon , sont encore aujourd'hui dans le Parlement
de Bretagne. » Deux fautes dans une seule
»phrase. La premiere consiste en ce que , de notorieté
, M. le Prince de Monaco est aujour
» d'hui l'Aîné et le Chef de la Maison de Goyon-
" Matignon. La seconde , que cette Maison ne
reconnoît pour porter son nom, aucun Hom
me de Robbe en Bretagne.
ور
C'est M. Rebout de S. Sauveur , Parisien, éta
bli à Marseille , qui au jugement de l'Académie
Françoise a remporté le Prix de P'Eloquence , le
quel fur adjugé le 25 Août dernier à la Piece
dont
OCTOBR E. 1723. 2227
dont nous avons parlé . Nous ajoûterons icy que
le Prix de l'année 1732. ayant été reserve par
l'Académie, M.de S. Sauveur a , pour ainsi dire ,
triomphé deux fois, ayant eu le prix de deux années
. Ce sont deux belles Médailles d'or du Royi,
dont la premiere représente au Revers , la Naissance
du Dauphin , avec ces mots : Natales Delphini
, vota orbis , et l'autre , les Nouvelles Fortifications
de Metz : Meta novis operibus munita.
Pax Provida. L'une et l'autre ont paru gravées
dans le Mercure.
EXTRAIT des Registres de P Académie
Royale des Belles Lettres , Sciences es
Arts de Bordeaux.
L
-
'Académie assemblée le 8 Septembre 1733
presens , MESSIEURS , &c. Après qu'il a été
verifié , que le véritable Auteur de la Dissertation
sur la Circulation de la Séve dans les Plantes,
Couronnée et imprimée sous le nom de M. DI
LA BAISSE , a déja remporté trois Prix en différentes
années. Vû la délibération du 29 Avril
1717, par laquelle il est statué , qu'un même Auteur
nepourra obtenir que trois Frix ; et que M. le
Secretaire sera chargé de prier ceux qui se trouve-
`ront dans le cas , de ne plus travailler pour le concours.
M.le Secretaire ayant dit qu'il avoit averti
l'Auteur ci-dessus, lorsqu'il eut remporté le troisiéme
prix , dans la même forme que le fut M.D
MAIRAN , en 1717. L'Académie a délibéré que
la Médaille d'Or , décernée à l'Auteur de la Dissertation
sur la Circulation de la Séve dans les
Plantes , demeurera réservée pour un deuxième
Prix , à distribuer le 25 Août 1734.
Ce nouveau Prix réservé est destiné à celui qui
ex2228
MERCURE DE FRANCE
expliquera avec le plus de probabilité , la dureté
, la molesse , et la fluidité des Corps.
Les Dissertations pourront être en François
ou en Latin ; elles ne seront reçues pour le concours
, que jusqu'au premier May prochain , inclusivement.
Au bas des Dissertations il y aura une Sentence
, et l'Auteur mettra dans un Billet séparé et
cacheté la même Sentence , avec son nom, ses qualitez
et sa demeure, d'une façon qui ne puisse pas
former d'équivoque .
Les Paquets seront affranchis de Port , et addres
sez à M. Sarrau , Secretaire de l'Académie , rnë
de Gourgus ; ou au sieur Brun , Imprimeur de l'Académie
, rue S. James . Signé , SARRAU , Secretaire
de l'Académie Royale de Bordeaux.
y
On écrit de Lisbonne , de la fin du mois dernier
, que dans la derniere Assemblée publique,
qu'a tenue l'Académi : Royale de l'Histoire , et
laquelle Don François Xavier de Menezez
Comte d'Ericeira , prêsida en qualité de Directeur
, Don Nuno de Siva-Teiles , qui est chargé
d'écrire les Mémoires du Diocèse de Porto
lut la vie d'un Evêque de ce Diocèse , et Don
Martin de Mendoca de Pina , Bibliothecaire du
Roy , lut une Dissertation sur l'ancienneté et
l'usage de certaines Tables de Pierres , taillées en
quadrangulaire , qu'on a trouvées en quelques
endroits du Royaume de Portugal , et dont on
se servoir , selon lui , pour brûler les Victimes
dans les Sacrifices , pendant les premiers siècles.
Les Curieux vont voir , avec satisfaction , un
Tableau nouvellement peint par le Sr J. du Mons
Le Romain , de l'Académie Royale de Peinture et
Sculp
OCTOBR E. 1733. 2229
Sculpture, de 11 pieds de haut sur 8 de large; les Figures
ayant 6 pieds de proportion . Il est placé
dans le Choeur de l'Eglise des Chartreux , en entrant
à droite , et represente la vocation de Simon-
Pierre et d'André son frere , selon l'Evan.
gile de S. Matt. ch. 4. v. 18. Le Peintre a pris le
moment que S. Pierre et S. André se donnent à
Jesus Christ ; et pour suivre l'Evangile plus à la
Lettre , il a fait sur son second Plan une Barque,
dans laquelle on voit S. Jacques et S. Jean , avec
Zébédée leur pere, qui racommodent leurs filets.
Il à ingénieusement enrichi l'ordonnance de ces
six Personnages, qui sont de son sujet , d'un Groupe
, composé de deux hommes , d'une femme et
d'une petite fille , qui rendent sa composition
extrémement agréable , quoique fort simple.
11 paroît depuis peu en Estampe , le Portrait
d'un homme celebre dans sa profession , gravé
par le Sr J. Daullé : Buste en hauteur avec une
main , d'après le Tableau original de feu M. de
Troy ; on lit ces Vers au bas.
EURIPIDE et SOPHOCLE en France ,
Avoient l'un et l'autre un Rival ;
Sans BARON ,dont ici , l'on voit la ressemblance,
Roscius restoit sans égal.
On vend ce Portrait , ruë de Gèvres, chez Limosin.
On vient de mettre au jour deux Estampes ,
nouvellement gravées d'après les Tableaux de
feu Antoine Watteau , dont les sujets et composítions
sont tres -agréables ; L'une a pour titre ;
La Conversation ; Pautre , Récréation Italienne ;
CCS
2230 MERCURE DE FRANCE
ces deux Estampes sont des mieux gravées , par
les Srs Lioter et Aveline ; elles se vendent dans la
rue S , Jacque , chez la veuve Chereau , aux deux
Pilliers d'or , et chez Surugues, Graveur du Roy,
rue des Noyers.
On trouve aussi chez les mêmes , toutes les
Estampes gravées , précédemment d'après les
Tableaux de ce charmant Peintre.
On nous prie d'avertir que les sieurs Gersaint
et Jourdan, Marchands, arrivez depuis peu d'Hol
lande , mettront en vente , au plus offrant , le 16.
Novembre , quantité d'excellens Desseins et d'Es
tampes des plus grands Maîtres , comme de Raphael
, Parmesan , Vieux Palme , Tintoret , Carache
, & c . de Rubens , Vandek , Rimbram, Miris
, Teniers Vauoremans , Berghem , Breugles ,
Ostade , Braur, &c. Poussin , le Brun , Le Sueur,
Vandremeulle , &c. Pour la commodité des Curieux
, on vendra séparément les Morceaux capitaux
, tant en Desseins qu'en Estainpes. On.
distribue des Catalogues chez lesdits Marchands ,
Pont Notre- Dame et Quay de Gévres.
On a imprimé depuis peu à Roterdam , le Catalogue
des Tableaux du fameux Cabinet de feu
M: Corneille Witter , Seigneur de Valkenbourg,
Originaux des plus excellens Peintres Italiens
François , Allenans et Flamands , qu'on ven tra
publiquement au commencement du mois prochain
, à Roterdam , dans la maison du defunt.
Il y en a de Paul Véronèse , Annibal Carrachè ,
Poussin , Rubens , Vandek , Paul Bril , Gérard
Daw , Miris , Rottenhamer , Ph. Wouverman ,
Corn. Polembourg , Nic. Van Berghem , & c. ""
Le Sr le Maire , Maître de Musique à Paris ,
1
vient
OCTOBRE. 223f 1733.
vient de donner au public six nouvelles Cantaril
les , imprimées, qui sont l'Aurore, la Bergere ima
patiante , Acis , Hebé , le Sommeil de Climene , cr
PAmante persuadée.
Il y en a dix autres , du même Auteur , qui
forment le premier volume , intitulées : Le Sa
crifice d'Amour , Endimion , la Constance , Ariane,
Iris , Bouquet , Borée , le Printemps , l'Eté,
l'Automne et Hyver .Ces différens Ouvrages sont
actuellement en vente , chez Ballard , au Mont-
Parnasse ; chez l'Auteur , rue de la Bouclerie
Boivin , ruës . Honoré , et le Clerc , ruë du Roule.
24
Le prix de chacun est de sols.Les 12 derniers
Saluts , qui contiennent 36 Motets , avec Simphonie
et sans S.mphonie , chantez au Concert
des Tuilleries , sont actuellement sous Preset
se vendrout aux memes adresses , 30 sols.
se
>
On a établi depuis peu à Nismes une Académie
de Musique ; et dans quelle Ville n'en a- ton
pas établi ; vû le goût general et ardent qu'on
a aujourd'hui pour la Musique? Il y a lieu même
de s'étonner que cette Ville , pleine d'agrémens
,d'ailleurs ait tardé si long-temps à se pro-!
Curer presque le seul qui lui manquoit. Au reste
cette Académie réussit fort bien , et l'on donne
avis aux Musiciens , Musiciennes , et Joueurs
d'Instrumens , qu'ils y seront fort bien reçus et
récompensez selon leurs talens et leur capacité.
Papillon , Graveur en Bois, et de la Société des
Arts , demeurant à Paris, au milieu du Pont S.Michel
, au Papillon , donne avis que son petit Almanach
de Paris , pour l'année 1734. sera parfait
de toutes les grandes Planches des mois , et
augmenté des Antiquitez de Paris , des noms des
Dieux
1232 MERCURE DE FRANCE
Dieux et Héros , et de plusieurs choses curieuses
dans la Géographie et dans l'Histoire universelle.
Le Traité Historique et Pratique de la Gravure
en Bois , de sa composition , est achevé.
Comme plusieurs personnes s'y interessent, l'on
ne manquera pas lorsqu'il sera sous presse, d'en
donner avis .
On donne avis que le véritable Suc de Réglise"
et Guimauve blanc, si estimé pour toutes les maladies
du Poulmon, Inflammations , Enroüemens ,
Toux , Rhume , Pituite , Asthme , Poulmonie ,
&c. continue à se débiter depuis plus de 30 ans,
de l'aveu et approbation de M. Chicoysneau ,
Premier Medecin du Roy , chez Mad. Desmoulins
, qui est seule qui en a le secret de feu Mile
Guy ; quoique depuis quelques années des particuliers
ayent voulu le contrefaire. La différence
s'en connoîtra aisément par la comparaison
qu'on en pourra faire. On peut s'en servir
en tout tems , le transporter par tout et le garder
si long-temps que l'on voudra , sans jamais
se gâter ni rien perdre de sa qualité.
La Dame Desmoulins demeure ruë Guénégaud,
Fauxbourg S. Germain , du côté de la ruë Mazarine
, chez M. Toulin , Aubergiste,
XXXXXXXXXXXXXXXXXXX*
CHANSON.
Une rencontre , Ami , nous méne au Cabaret
;
Thomas , descends vite à la cave ;
Tire-nous de ce vin clairet ,
Qui sçait bannir toute humeur grave.
Des
1232
MERCURE DE FRANCE
Dieux et Héros , et de plusieurs choses curicu
ans la Cham
illon
2221 nou
Duo. Air de Mr Gu
17
par
YORK PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONE
.
Qui sçait bannir toute humeur grave.
1
Des
OCTOBRE . 1733 22
Des plus joyeux propos égayons nos discours:
Gélébrons de Bacchus , et les dons et la gloire,
Si nous parlons de nos amours ,
Que ce plaisir cede toujours ,
Au plaisir que l'on trouve à boire.
"
SPECTACLE S.
L
' Académie Royale de Musique donna
le premier Octobre la premiere
Représentation de la Tragédie nouvelle ,
intitulée : Hippolyte et Aricie. Le Poëme
est de M.le Chevalier Pellegrin , et la Musique
de M. Rameau. Le premier est déja
connu par plusieurs Ouvrages applaudis ;
et le second vient de faire voir par son
coup d'essai , dans ce genre de Musique,
qu'il peut égaler les plus grands Maîtres.
L'accueil favorable que le public a fait à
cet Opéra en fait esperer de nombreuses
Représentations : En voici l'Extrait.
L'Auteur du Poëme déclare dans sa Préface
que c'est
pour
authoriser
le caractere
qu'il
donne
à Diane
dans
la Piéce
, qu'il
a
fait
son
Prologue
. Hygin
lui en a fourni
la Fable
. Le Théatre
représente
la Forêt
d'Erymanthe
, si fameuse
par
un des trayaux
d'Hercule
. Diane
le fait
connoître
F par
1234 MERCURE DE FRANCE
par ces Vers , qu'elle addresse à ses Nym
phes et aux habitans des Bois.
Vous êtes dans ces mêmes lieux ,
Où sur un monstre furieux ,
Vn fils de Jupiter , remporta la victoire ;
Mais un monstre plus fier le soumit à son tour g
Du plus grand des Héros vous surpassez l
gloire ,
Quand vous triomphez de l'Amour.
L'Amour ne peut souffrir que Diane
le bannisse de ses Forêts ; il vient lui demander
raison de cet outrage ; Diane invoque
Jupiter son Pere,et le prie de con-
Armer le don qu'il lui a fait de l'Empire
des Forêts ; Jupiter descend au bruit du
tonnerre,et annonce à Diane que le Destin
ordonne que l'Amour regne par tout,
avec cette restriction , qu'il n'exercera sa
puissance sur les sujets de Diane qu'un
seul jour de l'année ; il ajoute que ce jour
doit être éclairé par le flambeau de l'Hymen.
Diane obéit aux Loix du Destin ;
elle ne veut pas pourtant être témoin
d'une Fête si favorable à l'Amour ; elle
annonce le sujet de la Tragédie , par ces
Vers :
Hippolyte , Aricie , exposés à périr ,
Ne fondent que sur moi leur derniere esperances
conOCTOBRE.
1733. 2235
Contre une injuste violence ,
C'est à moi de les secourir.
L'Amour entreprend de consoler les
sujets de Diane de l'absence de leur Souveraine
, par les plus doux plaisirs. Il ap
pelle par ces Vers ,les Jeux et les Amours.
Regnez , aimables jeux , regnez dans ces Forêts,
Qu'à mes voeux empressez votre zêle réponde :
Si vous, tendres Amours , faites voler ces traits ,
D'où dépend le bonheur du monde.
Cet ordre produit une Fête aussi affec
tueuse que brillante : Le Prologue finit
par ces quatre Vers , conformes aux vofontez
suprêmes du Destin; c'est l'Amour
qui parle
Par de nouveaux plaisirs , couronnons ce grand
jour ,
Au Temple de l'Hymen il faut que je vous guide
,
Qu'à cette heureuse Fête , avec lui je préside;
Que son flambeau s'allume aux flammes de l'A }
mour.
Le Théatre représente au premier Acte
de la Tragédie , un Temple consacré à
Diane.
Aricie,Princesse du Sang des Pallantides ,
expose sa situation par ce Monologue.
Fij Tem2236
MERCURE DE FRANCE
> Temple sacré , séjour tranquille
Où Diane aujourd'hui doit recevoir mes voeux
A mon coeur agité daigne servir d'azile ,
Contre un amour trop malheureux ¿
Et toi , dont malgré moi , je rappelle l'image ,
Sher Prince , si mes voeux ne te sont pas offerts;
Du moins j'en apporte l'hommage
A la Déesse que tu sers,
Temple sacré , & c,
Hyppolite vient assûrer Aricie de l'in
dignation que lui inspire la violence que
Phédre lui fait par l'ordre que Thesée son
Pere lui en a donné à son départ de Tréséne
; il déplore son sort d'une maniere
qui le fait soupçonner d'être Amant ;
Voici comment il le fait connoître.
Dans un Pere irrité , confondez -vous son Fils
Et comptez- vous mon coeur entre vos ennemis
& c.
Je pourrois vous hair quelle injustice extreme
!
Je sens pour vous une pitié ,
Aussi tendre que l'amour même."
: Cette déclaration a paru bien ménagée
de part et d'autre.
Les Prêtresses de Diane forment la Fêe
de ce premier Acte,
Phodre
OCTOBRE.´´ 1733.´´ £ 237ì
Phedre vient ensuite féliciter Aricie
sur la gloire qu'elle va acquerir en s'unissant
aux Immortels , par les voeux
qu'elle doit offrir à Diane. Aricie fait entendre
que ces voeux n'étant pas libres
ils ne sont pas dignes des Dieux ; les Prêtresses
de Diane se rangent de son parti,
Phédre fait sonner la Trompette pour
punir leur désobéïssance ; les Prêtresses
invoquent les Dieux pour la punir ellemême
de la violence qu'elle veut leur
faire. Diane descend au bruit du Tonnerre
, comme fille de Jupiter ; ce qu'elle
fait connoître par ces Vers , addressez à
ses Prêtresses :
售
Vous voyez Jupiter se déclarer mon Pere;
Sa foudre vole devant moy.
La Déesse après avoir rassuré ses Prêtresses
, menace Phedre de la vangeance
des Dieux , et prend Hippolyte et Aricie
sous sa protection . Elle remonte dans le
ciel. Les Prêtresses rentrent dans le Temple
; Hippolyte emmene Aricie. Phédre
abandonne à ses transports jaloux, qu'el¬
le fait connoître par ces Vers :
Que voi -je ? contre moi tous les Dieux soat
armez !
Ma Rivale me brave! Elle suit Hippolyte !
Fiij
Ah !
2238 MERCURE DE FRANCE
Ah ! plus je voi leurs coeurs, l'un pour l'aptres
enflammez *
Plus mon jaloux transport s'irrite ,
Que rien n'échappe à ma fureur , &c.
Arcas vient annoncer que Thésée es
descendu dans les Enfers : Il s'exprime
ainsi :
La terre sous ses pas ouverte .'
A favorisé ses efforts ;
Et d'affreux heurlemens , sortis des sombre
bords ,
Du plus grand des Mortels , m'ont confirmé la
perte
J
Anone fait entendre à Phédre qu'elle
peut aimer sans crime , et concevoir de
l'espérance, en offrant son Thrône à Hippolyte,
Phédre se livre à un espoir si flatteur.
Au II Acte, le Théatre représente l'entrée
des Enfers. Thésée tourmenté par
une Furie , expose ce qui s'est passé par
çes Vers :
Dieux! n'est- ce pas assez des maux que j'ai souf
ferts ?
J'ai vuPirythous déchiré par Cerbere ;
J'ai vu ce Monstre affreux , trancher des jours
si chers ,
Sans daigner dans mon sang, assouvir sa coferes
J'enOCTOBRE
17388 · 1239
J'attendois la mort sans effroi ,
Et la mort fuyoit loin de moi.
La Furie conduit Thésée au pied du
Thrône de Pluton : Thésée dit à ce Me
narque des Enfers :
Inéxorable Roy de l'Empire infernal ',
Digne Frere , et digne Rival ,
Du Dieu qui lance le tonnerre ,
Est-ce donc pour vanger tant de Monstres di
vers ,
Dont ce bras a purgé la Terre ,
Que l'on me livre en proye aux Monstres des
Enfers
Pluton
Si tes Exploits sont grands , voy quelle en est la
gloire ,
Ton nom sur les trépas remporte la victoire ;
Comme nous il est immortel ;
Mais , d'une égale main , puisqu'il faut qu'on
dispense ,
Et la peine et la récompense ;´
J'attends plus de Pluton qu'un tourment érernel.
Pluton reproche à Thésée le coupable
projet qu'il a formé avec Pirythoüs d'enlever
Proserpine. Thésée se justifie autant
qu'il lui est possible . Pluton le renvoie au
Tribunal des trois Juges des Enfers.Cette
Filij Scene
246 MERCURE DE FRANCE
Scene est sans contredit la plus belle de
la Tragédie , tant du côté du Poëte que
de celui du Musicien.
Pluton invite toutes les Divinitez infer
nales à le vanger. Thésée revient , suivi
de la Furie vangeresse ; ne pouvant revoir
que par le secours de la mort. Il
l'implore ; les Parques lui parlent ainsi ;
son ami
Du Destin le vouloir suprême ,
Amis entre nos mains la trame de tes jours ;
Mais le fatal Ciseau n'en peut trancher le cours
Qu'au redoutable instant , qu'il a marqué lui
même.
i..
Thésée ne pouvant obtenir la mort ,
implore Neptune son Pere , et lui deman
de l'exécution du serment qu'il a fait de
l'exaucer trois fois : Neptune lui ayant
ouvert la route des Enfers , il le prie de
l'en retirer. Mercure vient de la part du
Dieu des Mers ; il obtient le retour de
Thésée sur la terre , mais avant qu'il´en
sorte , il ordonne aux Parques de lui réveler
le sort que l'avenir lui garde. Ces
trois Déesses lui parlent ainsi .
Quelle soudaine horreur ton destin nous ins
pire !
Où cours-tu, malheureux Tremble, frémi d'ef
froi ;
Tu sors de l'infernal empire ,
Pou
OCTOBRE . 1733. 2241
Pour trouver les Enfers chez toi.
Ce Oracle remplit Thésée d'effroi au
Sujet de Phédre et d'Hippolyte ; qui sono
ce qu'il a de plus cher chez lui. Mercure
lui ouvre le chemin , pour remonter sur
la terre. Thésée dit en partant :
Ciel ! cachons mon retour, et trompons tous les
yeux.
Ce projet de se cacher à tout le mon
de, prépare le coup de Théatre qu'on doit
voir dans l'Acte suivant.
Le Théatre représente au III.Acte, une
partie du Palais de Thésée , sur le rivage
de la Mer.
Phedre prie Venus de lui être favorable.
Enone vient lui dire qu'Hippolyte
qu'elle a mandé , va se rendre auprès
d'elle . 漏
Hippolyte dit à Ph'dre que ce n'est
que pour obéir à ses ordres qu'il vient lui
montrer encore un objet odieux . Phédre
lui fait entendre qu'elle ne l'a jamais haï
qu'en apparence : Hippolyte se flatte de
ne l'avoir plus pour ennemie , et lui pro
met en récompense de tenir lieu de Pere à
son fils : Phédre trompée par le sens équivoque
de cette promesse , lui dit tendrement
&
Fv Hip
$ 242 MERCURE DE FRANCE
Vous pouviez jusques - là vous attendrir poun
y moi !
C'en est trop , et le Thrône , et le Fils er
Mere ,
Je range tout sous votre Loy.
Hippolyte lui répond qu'il borne toute
son ambition à regner sur le coeur d'Aricie.
Phédre détrompée par ces mots , ne
peut plus se contenir ; elle jure la mòrt
de sa Rivale. Au nom de Rivale, Hippolyte
saisi d'horreur s'écrie :
Terribles Ennemis des perfides humains ;
Dieux , si promts autrefois à les réduire en po
dre ,
Qu'attendez- vous ? Lancez la foudre
Qui la retient entre vos mains ?
Phédre au désespoir , lui dit :
Ah ! cesse par tes voeux d'allumer le tonnerre ;
Eclatte ; éveille-toi ; sors d'un honteux repos §
Rends toi digne Fils d'un Héros ,
Qui de Monstres sans nombre, a délivré la terres
El n'en est échappé qu'un seul à sa fureur ;
Frappe ; ce Monstre est dans mon coeur.
Phédre ne pouvant obtenir la mort
qu'elle demande à Hippolyte, se jette sur
son Epée , Hippolyte la lui arrache,Thé
séc
OCTOBRE. 1733. 2243
sée arrive et trouve son Fils l'Epée à la
main contre sa femme; il se rappelle aussi-
tôt la prédiction des Parques , ce qu'il
fait connoître par ces mots :
O'trop fatal oracle !
Je trouve les malheurs que m'a prédits l'Enfer.
Il interroge Phédre, qui le quitte après
lui avoir dit :
L'Amour est outrage ;
Que l'Amour soit vange
Hippolyte interrogé à son tour , n'ose
lui révéler sa honte , et lui demande un
exil éternel. Thésée ordonne à Enone de
ne lui rien cacher. Enone pour sauver
les jours et la gloire de la Reine , parle
ainsi à Thésée :
Un désespoir affreux ; ..... pouvez - vous l'ígnorer
Vous n'en avez été qu'un témoin trop fidelle
Je n'ose accuser votre Fils ...
Mais la Reine ... Seigneur , ce fer armé contre
elle ;
Ne vous en a que trop appris , &c.-
Un amour funeste , &c,-
Thésée n'en veut pas sçavoir davanta
ge ; livré à son désespoir , il invoque
B vj
Neptu
2244 MERCURE DE FRANCE
Neptune et lui demande la mort d'Hippolyte
; une Troupe de Matelots qui
viennent rendre graces à Neptune du retour
de leur Roy , obligent Thésée de se
retirer, et forment le Divertissement qui
finit ce troisiéme Acte.
Au IV Acte le Théatre représente un
Bois consacré à Diane.
,
Hippolyte expose dans un Monologue
ce qui s'est passé dans l'entr'Acte , c'està-
dire , l'exil où son Pere l'a condamné.
Aricie vient se plaindre à Hippolyte
du sort qui va les separer ; Hippolyte ,
pour excuser Thésée , lui dit qu'il a demandé
lui- même cet exil , qu'elle impute
à la rigueur de son Pere. Aricie lui
répond :
Votre exil me donne la mort ,
Et c'est vous seul , ingrat , qu'il faut que j'es
accuse !
Quel soupçon ? ... Dieux puissans , faites que
je m'abuse.
Hippolyte pour se justifier de l'incons
tance dont elle l'accuse , lui fait entendre
qu'une raison secrette lui a fait demander
cet exil dont elle se plaint ; il la prie
de ne lui en pas demander davantage ; cependant
quelques mots qui lui échappent
, quoique ménagez avec art , lui em
disent
OCTOBR E. 1733. 2245*
disent assez pour lui faire pénétrer cet
odieux mystere ; il l'invite à le suivre
dans son exil en qualité d'Epouse ; elle
consent à lui donner sa foy ; ils prient
Diane de vouloir bien former leur nouvelle
chaîne. Un bruit de Cors leur annonce
l'arrivée d'une Troupe de Chasseurs
et de Chasseresses ; ils conviennent
ensemble de les prendre pour témoins
de leurs sacrez sermens ; cependant ils ne
veulent point troubler des jeux qui sont
chers à Diane leur Protectrice : Ces Chasseurs
forment une Fête qui a paru des
plus brillantes. La Fête est interrompue
par une tempête; la Mer en courroux jette
sur le rivage un Monstre furieux. Hippolyte
va le combattre ; le Monstre blessé
vomit du feu et de la fumée , & c. Tout
étant dissipé , Arice éperduë de ne voir
plus ni Hippolyte ni le Monstre tombe
évanouie ; les Chasseurs trompés par la
disparition d'Hippolyte le croient mort
ils déplorent son sort. Phedre appellée
par leurs cris , arrive ; elle leur demande
la cause de leurs plaintes ; ils lui annoncent
la mort d'Hippolyte , par ces deux
Vers :
pa
Un Monstre furieux , sorti du sein des Flots ;
: Vient de nous ravir ce Héros.
Phedre
2246 MERCURE DE FRANCE
Phédre s'accuse elle-même d'une mort
qu'elle impute à son imposture ; agitéo
de remords , elle croit entendre le tonnerre
, voir trembler la terre , et les Enfers
s'ouvrir sous ses pas ; elle finit l’Acte
par ces Vres :
›
>
"
Dieux cruels , vangeurs implacables
Suspendez un courroux qui me glace d'effroi ş
Ah ! si vous êtes équitables ,
Ne tonnez pas encor sur moi ;
La gloire d'un Héros que l'imposture opprime &
Vous demande un juste secours ;
Laissez-moi révéler à l'Auteur de ses jours ,
Et son innocence , er mon crime.
Au VeActe , le Théatre ne change qu'à
la troisiéme Scene. Les deux premieres
Scenes sont employées à apprendre aux
Spectateurs que Phédre est morte aux
yeux de Thesée , après avoir justifié Hippolyte
, comme elle l'a promis à la fin de
PActe précédent. Ce malheureux Pere
veut se précipiter dans la Mer : Neptune
Pen empêche et lui apprend que son Fils
a été sauvé par Diane. Il lui annonce que
le Destin dans le temps qu'il alloit servir
son aveugle colere , à daigné l'affranchir
de son serment. Il ajoute que ce Maître
des Dieux a ordonné en même temps
qu'un
1
1
OCTOBRE 1733. 2247
qu'un Pere si injuste soit privé pour jas
mais de la vuë d'un Fils si vertueux.
1
On a retranché ces deux premieres
Scenes qui produisoient quelque irrégula
rité contre l'unité de lieu , par le chan
gement de Scene dans le même Acte.
L'Auteur avoit prévenu l'objection dans
sa Préface; mais le Public ne s'y étant pas
prêté , il n'a pas balancé à le satisfaire.
L'Acte commence présentement par
le changement de Lieuson voit un nuage
transporter Aricie dans la Forêt qui porte
son nom ; comme elle croit avoir vû
périr Hippolyte , elle se livre toute entiere
à sa douleur , qu'elle fait éclater par
un Monologue des plus touchans , tandis
qu'elle est ensevelie dans une profon
de tristesse ; une Troupe de Bergers et de
Bergeres invitent Diane à descendre des
Cieux. Au nom de Diane , Aricie , malgré
sa douleur mortelle, sent ranimer son
zele pour la Divinité , à qui elle s'est dévouée
dès sa plus tendre enfance.
La Déesse promet un nouveau Maître
aux Peuples , pour prix de leur zele ; elle
leur ordonne d'aller préparer les plus
beaux Jeux pour le recevoir ; elle arrête
Aricie prête à se retirer. Ala voix de
Diane , les Zéphirs amenent Hyppolyte
qu'elle leur a confié , après l'avoir sauvé
du
E248 MERCURE DE FRANCE
du Monstre ; ces tendres Amans passent
tout d'un coup de la plus mortelle dou
leur à la joye la plus vive. Diane leur
rend compte de tout ce qui s'est passé au
sujet de Thesée et de Phédre . Voici comme
elle s'explique :
Neptune alloit servir une aveugle vangeance ;
Quand le Destin , dont la puissance ,
Fait trembler les Enfers, et la Terre et les Cieux,
A daigné l'affranchir d'un serment odieux ;
Qui faisoit périr l'innocence .
Phédre , aux yeux de Thésée a terminé son sort,
Et t'a rendu ta gloire en se donnant la mort.
Les Peuples d'Aricie viennent célébrer
la fête du couronnement d'Hippolyte et
d'Aricie , par leurs Chants et par leurs
Danses.
On à trouvé la Musique de cet Opéra
un peu difficile à exécuter , mais par l'habileté
des Simphonistes et des autres Musicions
, la dificulté n'en a pas empêché
l'exécution . Les Principaux Acteurs , tant
chantans , que dansans ,s'y sont surpassez.
La DellePetitpas s'y est distinguée par un
ramage de Rossignol qu'on n'a jamais
porté si loin . Le Poëte n'a pas démenti ·
ses Ouvrages précedens ; et le Musicien a
forcé les plus séveres critiques à convenir
que
C
OCTOBRE. 1733. 2249
que dans son premier Ouvrage Lyrique .
li a donné une Musique mâle et harmonieuse
; d'un caractere neuf; nous
voudrions en rouvoir donner un Extrait,
comme nous faisons du Poëme , et faire
sentir ce qu'elle a de sçavant pour l'ex-.
pression dans les Airs caracterisez , les
Tableaux , les intentions heureuses et
soutenues, comme le Choeur et la Chasse
du 4 Acte ; l'Entrée des Amours au Prologue
; le Choeur et la Simphonie du To
nerre; la Gavotte parodiée que chante la
Delle Petitpas au ier Acte ; les Enfers du
2e Acte , l'Image effrayante de la Furie
avec Thesée et le Choeur,&c. Au 3me Ac
te , le Monologue de Thesée , son invocation
à Neptune , le Frémissement des
= Flots. Le Monologue de Phedre dâns
l'Acte suivant. Celui d'Aricie , dans le S
la Bergerie , & c.
On apprend de Rome qu'on y fit le 7
du mois dernier , l'ouverture du Théatre
de Viterbe, par la premiere Représentation
d'un Opera , intitulé : Il Siroe , qui
fut tres -applaudi .
Le z. de ce mois , les Comédiens François
donnerent la premiere Représentation de la
Fausse Antipatie , Comédie en Vers , en trois
Actes,avec un Prologue , Cette Piece est de M. de
la
4150 MERCURE DE FRANCE
la Chaussée. Le Public a beaucoup applaudi à cer
Ouvrage, qu'il trouve ingenieux , plein d'esprit er
très-bien écrit. Nous en parlerons plus au long.
Ils ont remis depuis peu une petite Comédie de
feu M. Dancourt , sous le titre du Tuteur, en um
Acte.
Les mêmes Comédiens ont aussi remis an
Théatre , La Comédie des Comédiens , et l'Amour
Charlatan, du même Auteur , qui furent goûtées
dans leur nouveauté en 1710. et qu'on revoit
avec plaisir . La Dile Dangeville y joue le
Rôle de l'Amour , avec les graces et la legereté
tout le monde lui connoît.
que
On va jouer incessamment sur le même Théatre
, le Badinage , Comédie nouvelle , dont nous
parlerons dans le prochain Mercure.
Vers déclamez à la Reine , par le sieur
Poisson , Comédien , que S. M. reçûz
avec bonié le 22. Septembre dernier.
LE Comique Poisson , qui partage la joye ,
Qu'à Votre Majesté , le juste Ciel envoye ,
Ose vous présenter ce Placet en petit.
Sa femme est sage et belle , à ce que chacun dit;
Daignez lamettre au rangdes Actrices bien nées
Pour celebrer le jour des Vertus couronnées.
Voici la Description de la Décoration dư
Temple du Gout , faite pour la Piece qui porte ce
titre , représentée sur le Théatre Italien.
Cette Décoration forme sur le devant un Plan
quarré , et le Sanctuaire où est l'Autel , un Plan
Octogone, toute l'ordonnance est un ordre com
posé
OCTOBRE. 17357 2259
posé. Les Colomnes feintes de Marbre verd, song
revét és jusques au- delà du tiers de la hauteur ,
de Palmiers et Lauriers alternativement , et les
autres de grandes Armures en Cartouche , dans
Jesquels sont gravés des Trophées d'Instrumene
de tous les Arts , Sur le devant , à la droite et à la
gauche du Théatre, sont placez Marot et la Fon
taine, ensuite Rabelais , et Momus, Moliere et Tha
tie. Cette Muse lui présente un Laurier. Vers le
Sanctuaire , on voit Racine et Corneille, couronnez
par Melpomene. Au côté opposé , sont les
trois Muses Françoises , Me de Villedieu, M. Des
Houlieres , et Me Dacier. Autour de l'Autel sout
représentez Anacreon, Virgile. Horace et Homere.
Toutes ces Figures sont peintes en Marbre blane
sur des piedestaux de Marbre de Sarrancolin.
NOUVELLES ETRANGERES.
POLOGNE.
MANIFESTE que les Etats de la
République de Pologne , assemblez en
Diette pour l'Election d'un Roy , one
publié à l'occasion de l'entrée des
Troupes Russiennes dans le Grand-
Duché de Lithuanie.
No
OUS , les Sénateurs Spirituels et Séculiers;
er toute la Noblesse de la Couronne de Polo-
Ene et du Grand-Duché de Lithuanie , voulant
derniser à jamais une Procedure aussi injuste , que
2262 MERCURE DE FRANCE
elle de l'entrée des Russiens , sçavoir faisons par la
Présente , a tous un chacun .
Nous avons toujours observé inviolablement es
saintement les Traitez d'Alliance et d'Amitié avec
les très - illustres Puissances voisines. Dans la derniere
Diette generale de Convocation , nous avons
non- seulement confirmé ces Traitez , mais nous y
avons donné , tant en notre nom , qu'au nom de
nos très - illustres Rois , les assurances les plus fortes
que nous entretiendrions religieusement et avecj oye
une amitié sincere avec lesdites Puissances .
Notre intention n'a jamais été de causer le moindre
préjudice à nos Voisins ; nous en prenons à témoin
le Grand-Dieu , notre Juge suprême : Nous
sommes assemblz ici au lieu ordinaire, entre Vvarsovie
et vola,selon l'ancienne pratique en usage depuis
le Regne du très- illustre Roy Sigismond Auguste ,
conformement aux Loix fondamentales et Constitutions
du Royaume et en vertu de nos Privileges et
des Pacta Conventa , faits avec nos très-illustres
Rois , afin d'y preceder d'un suffrage libre et una-
Aime , et de notre propre mouvement et volonté , à
l'Election d'un Roy , ainsi qu'il appartient à une
Nation libre , qui ne veut être contrainte ni dépendre
de qui que ce soit ; nous avons commencé pour
cet effet nos déliberations , en će qui regarde l'Election
et les affaires de notre Royaume, et nous l'avons
fait jusqu'à présent d'une maniere paisible , n'ayant
ni guerre ni aucun differend avec qui que ce soit, et
ne voulant pas nous méler des affaires étrangeres,
Mais comme nous avons appris que l'Armée de
la très-illustre Czarienne est entrée en Lithuanie es
qu'elle poursuit sa marche vers les Frontieres de
Pologne , dans le dessein d'opprimer , sous un pou
voir arbitraire notre libre Election , indépendante
de qui que ce soit; de violenter le premier et le plus
autheng
OCTOBRE. 17337 2253
Authentique de nos droits , qui est celui de l'Election;
de violer les Pacta et les Traitez conclus cy -devant
et en particulier celui du Pruth , de maîtriser notre
Patrie exempte de tout reproche , d'y faire couler des
ruisseaux de sang et de soüiller notre Pais d'un sang
innocent ; nous ne pouvons plus nous retenir ni nous
empêcher de manifester devant Dieu , les Puissances
voisines et le Monde entier , les injustices et les
violences qu'on commet envers nous , au moyen d'u
ne procedure aussi illégale que celle de l'entrée desdites
Troupes Czariennes dans ce Royaume , sans
que nous y ayons donné le moindre sujet , et qui no
rend qu'a ravager notre Pays par des attentats injustes
, et à opprimer les droits incontestables d'une
ibre Election , acquis par nos Ancêtres au prix de
feur sang et reconnus de tout temps par les Puissances
voisines,
- Nous nous adressons à tous les Potentats , et nous
Leur déclarons par la Présente , que notre intention
n'étant pas d'agir offensivement ( Dieu en est témoin )
nous avons résolu , selon le droit naturel , et permis
à un chacun pour sa propre deffense , de sacrifier notre
sang, nos vies et tout ce qui est en notre pouvoir
, à l'exemple de nos Ancêtres , pour le maintien
d'une Prérogative et d'un droit aussi précieux
que celui d'une libre Election , et d'appeller à notre
secours celui dont la vengeance poursuit les coupables
et dont la justice prend la defense des innocens
et les maintient dans leurs Droits , Libertez et Pré-
Kogatives : Ultima pro nobis vibrabit fulmina celum
, enfin le Ciel lancerases foudres en notre faveur.
par ··Comme nous avons appris , tant les Manifestes
des Moscovites, que par la voix publique , qu'il
se trouve quelques Membres de la République , tanı
de l'Ordre Ecclesiastique que de l'Ordre Séculier,
qui
254 MERCURE DE FRANCE
qui ont appellé lesdites Troupes étrangeres pour op➡
primer avec violence et à main armée la libre Elec
tion et troubler la tranquillité, tant interieure qu'exserieure
de la Patrie, la République les regarde com
me de veritables Monstres dégénérez de leur Race,
et une engeance de Vipere dénaturée et déchaînée
contre leur propre Mere ; Elle les desavoie et les
raye du Livre des vivans et de ceux qui sont éle
wex dans l'état de liberté , comme des gens indignes
de ce précieux gage ; elle les retranche et sépare du
Corps de la République comme des Membres pourris
et infectez du feu d'une rage infernale ; elle les déseste
comme des enfans illegitimes, qui n'appartienment
pas à l'héritage de leur commune Mere, parse
qu'ils ont osé lever leurs mains cruelles contre
elle. Elle les déclare ennemis de la Patrie , rebelles
infâmes et invindicabilia Capita , ainsi que tous
seux qui à l'avenir pourront les aller joindre , enwretenir
correspondance avec eux , ou qui les assisseront
directement ou indirectement , ces sortes de
gens étant véritablement des exnemis capitaux de
la Patrie, puisqu'ils ont entrepris d'y introduire des
Troupes ennemies et de l'inonder d'un Déluge da
sang et de larmes.
Les Etats de la République s'engagent de s'élever
Contre un tel ou tels , quelqu'en puisse être le
nombre ; de se saisir de leurs biens et de ceux de
Beurs Successeurs , pour les joindre au fisc , et s'em
servir ensuite pour dédommager ceux dont les biens
auront été ravagez par les Troupes étrangeres ,
introduites dans le Royaume d'une maniere så
impie.
La maison dans laquelle un tel ou tels ont habité,
sera razée, pour une marque éternelle de leur
trahison ; on ne leur accordera point d'Amnistie,
ils ne pourrons jamais être réhabilitez dans
Lesn
OCTOBRE. 1733. 2255
Teur précédente égalité ; leurs femmes même se
vont privées de leurs Privileges et prerogatives.
S'i arrive qu'un Evêque soit du nombre de tels
Sujets , il sera frustré de sa dignité , autorité et ac-
Sivité dans les Assemblées publiques , et les revenus
de ses biens seront mis en sequestre jusqu'à une dér
ision définitive à cet égard.
Il est expressément stipulé qu'aucun Evêque ni
Sénateur Séculier , ne pourra pendant ce temps de
rouble , sortir du Royaume ou envoyer quelqu'un
dans les Pays Etrangers , sous les peines portées cy
dessus contre les Rebelles , outre la confiscation de
ses biens et la perte de ses Charges , et ceux qui se
Prouveront actuellement hors du Royaume , seront
obligez d'y revenir sous les mêmes peines.
A cet effet , nous avons signé le présent Manifesta
dans tous ses points et clauses ; et si quelqu'un des
Evêques , Sénateurs , Ministres ou des Membres de
la Noblesse des deux Nations refusede le signerrfpa
reillement, il sera tenu , ipso facto , pour ennemi de
Ja Patrie. Fait au Camp Electoral , entre Vvar❤
sovie et Vvola, le 4. Septembre 1733.
L'Election faite à Warsovie le 12. Septembre
à 4. heures après midi , ayant été una
nime , comme nous l'avons déja dit , le Primar
fit la Proclamation en ces termes ; Comme il a
plu au Roy des Rois , que tous les suffrages soient
unanimes en faveur de Stanislas Leszczinski , je
le nommeRoy de Pologne et Grand- Duc de Lithua
mie et de toutes les Provinces qui dépendent de ce
Royaume : Tous les Assistans s'écrierent là-dessus
, Vive le Roy Stanislas Leszczinski,
D'abord après la Proclamation du Roy , on
mit le feu , suivant l'usage , au Kolo , qui avoir
sé construir pour la tenue de la Diette, et Sa
Majesté
2256 MERCURE DE FRANCE
Majesté ayant entendu dans l'Eglise de S. Jean
le Te Deum , chanté au bruit des acclamations du
Peuple , se rendit , accompagnée du Sénat et des
Nonces , au Château.
Le lendemain Le Roy donna audience aux Mr
nistres Etrangers , aux Grands - Officiers de la
Couronne et à tous les Sénateurs qui sont à
Warsovie.
Le Sénat s'assembla le même jour pour déli
berer sur le parti qu'on prendroit par rapport à
P'entrée des Troupes Moscovites en Lithuanie
et sur la conduite qu'il étoit à propos de tenir
l'égard des Palatins et des Gentilshommes qui
s'étoient retirez du Kolo. Il fut résolu sur le premier
article, que le Roy seroit autorisé par la République
à prendre toutes les mesures convenables
pour s'opposer aux entreprises des Puissan-
Ces voisines.
Pour ce qui regarde le Prince Wienovieski ,
Régimentaire de Lithuanie , et ceux qui l'ont
suivi dans sa retraite , il fut décidé qu'on leur
envoyeroit encore une députation , afin de tâcher
de les ramener. Cette nouvelle tentative n'a pas
cú plus de succès que les précédentes , et non
contens d'avoir refusé de recevoir les Députez
qu'on leur envoya à Praage , où ils étoient campez
, ils dresserent une espece de Manifeste , dans
lequel ils essayent , par de fausses allégations
de justifier leurs démarches.
Le 14 les Gardes de la Couronne prêterent
Serment entre les mains du Roy , et monterent
la Garde au Château , Enseignes déployées , avec
les cérémonies ordinaires. Douze des Grands-
Mousquetaires , monterent aussi la Garde dans
PAnti-Chambre du Roy.
Il s'est formé dans l'Armée de Lithuanie , une
confé-
1
OCTOBRE . 1733- 2257
confédération , dont M. Pocci a été fait Maréchal
, et le Prince Wienovieski , craignant d'être,
abandonné , fit rompre le Pont de la Vistule , et
décampa la nuit du 16. au 17. Septembre pout
se retirer à Wingrouf. On l'a poursuivi et l'on
a pris quelques Domestiques et les Equipages du
Palatin de Cracovie , qui ont été rendus sur le
champ par ordre du Roy.
Le bruit qui a couru que le Prince Wienovies .
ki , frere du Régimentaire de Lithuanie , s'étoit
joint à lui , est sans fondement ; il est allé dans
ses Terres,et n'a point suivi le parti des opposans,
On a reçû avis que la Cavalerie des Moscovites
étoit arrivée à Ticóczin sur le Naref, à
vingt -quatre milles de Warsovie.
Le Sénat et les Nonces , dans la derniere Assemblée
qu'ils ont tenue , ont nommé des Dépu
tez de chaque Palatinat , pour demeurer auprès
de la personne du Roy , et pour l'assister de
leurs conseils. Ils ont laissé à S. M. le soin de
donner les ordres nécessaires pour inhumer les
Corps de ses Prédécesseurs , et la liberté de fixer
le jour de son Couronnement , et ils ont reglé
que l'Armée de la Couronne seroit augmentée de
Cent Compagnies de Cavalerie , composées chacune
de cent hommes, et que S.M. pourroit, quand
elle le jugeroit à propos , publier les Universaux ,
afin de faire monter à cheval toute la Noblesse du
Royaume. A la fin de la Séance , le Primat et
M. Radziewski , Maréchal de la Diette d'Election
, congédierent les Nonces , et la Diette se
sépara.
Le 20. Septembre , le Roi accompagné du Priat
, des Sénateurs et des Nonces , se rendit à
'Eglise S. Jean ; et après avoir fait le Serment
ordinaire et juré d'observer les Pacta Conventa ,
258 MERCURE DE FRANCE
+
il reçût le Diptôme ou Acte d'Election , des mains,
de M. Radziewski , qui le harangua avec beau
soup d'éloquence , au nom de la Noblesse . M.
tint ensuite le Senatus-Consilium , en la maniere
accoûtumée.
Le même jour , le Comte de Poniatowski s'étant
démis volontairement de la Charge de Régimentaire
de la Couronne , le Roy donna certe
Charge au Comte Potocki , frere du Primat er
Palatin de Kiovie , qui expedia sur le champ des
ordres pour faire assembler l'Armée , et qui doiz
faire prendre les Armes à 3000, hommes de ses
Vassaux.
Les Opposans ont fait remettre depuis peu au
Sénat le Manifeste qu'ils ont dressé pour essayer
de se justifier , tant auprès des Etrangers , que de
leurs Compatriotes ; le Sénat ayant fait une ré◄
ponse à ce Manifeste , la leur a envoyée , et leur
a fait déclarer qu'on leur accordoit jusqu'au 22 .
pour se déterminer à reconnoître le Roy uranimement
et légitimement élu , et que si après ca
temps ils n'étoient point rentrez dans leur de
voir , on les poursuivroit à la rigueur , comma
rebelles au Souverain et traîtres à la Patrie .
Le Roy ayant reçû avis le 22 , qu'ils pess
voient dans leur opposition , assembla le Sénat,
où il fut résolu que S M. iroit dans le Palatine .
de Prusse , afin d'être plus à portée d'assemble.
es Troupes et d'entretenir la communication.
entre cette Ville et celle de Dantzick , S. M. et
*consequence de cette Déliberation , partit la nusuivante
pour se rendre à cette derniere Ville ,
coucha le 24. 2 Lowitz , chez le Primat , qui
ayant été averti que le parti des Opposans avo
formé le projet de l'enlever, a été obligé
prendre des mesures pour ne pas tomber, er
eurs mains,
1
OCTOBR E. 1733. 2259.
Le Marquis de Monti , Ambassadeur de Frane
, la plus grande partie des Ministres Etrangers,
et tous les Sénateurs , excepté le Palatin de Kio
vie , qui est resté pour commander les Troupes
que le Roy a laissées à Warsovie , ont suivi
5. M. Les Gardes de la Couronne ne l'ont point
accompagnée , et ils ont eu ordre d'aller joindre
un Corps de Cavalerie qu'on a envoyé près du
Convent de Belliani , et de s'y fortifier pour disputer
le passage de la Vistule à la Cavalerie da
General Lucci.
On a appris qu'un Détachement des Troupes
de la République ayant attaqué l'Infanterie Mos
covite au passage d'une Riviere , avoit tué unc
partie de ceux qui l'avoient déja passée et mis le
reste en fuite. Le Parti opposé a enlevé de l'autre
côté de la Vistule les Bagages de M. Maschalki
, Maréchal de la derniere Diette Generale
de Convocation.
Mo
On a appris de Dantzick, que le 19. Septem- ,
bre , le Magistrat de cette Ville fit annoncer au
Peuple , au son des Trompettes , l'avenement du
Roy Stanislas au Trône de Pologne , et que le
lendemain il fut chanté à cette occasion un Te
Deum dans les Eglises de cette Ville , au bruit
de toute l'Artillerie des Remparts.
Les Lettres de Warsovie du commencement
de ce mois, portent que le Comte Potoscki , Régimentaire
de la Couronne , est campé avec un
Corps de
hommes à Mariemont ,
à 15000. 14.
où on lui a envoyé 18. pieces de Canon , avec
une grande quantité de munitions de guerre.
Les Gardes de la Couronne , qui étoient destinées
à aller disputer le passage de la Vistule aux
Moscovites , ont reçu un contre-ordre , et elles
doivent se rendre incessamment au Camp de ce
General. Gij Од
2260 MERCURE DE FRANCE ¦
On a expedié les ordres nécessaires pour augmenter
l'Armée de 100. Compagnies de Cavales
rie , composées chacune de 10c . hommes , insi
qu'il a été reglé dans la derniere Assemblée que
le Sénat et les Nonces ont tenue avant la sépara →
tion de la Diette d'Election.
Le Roy arriva à Dantzick le 2. Octobre , ac-.
compagné du Comte Poniatowski et de plusieurs
Seigneurs ; il y a été suivi par le Primat ,
le Palatin de Massovie , les trois Princes Czartorinski
, les Palatins de Russie et de Mariembourg
, l'Evêque de Plocko , M. Tobianski ,
Grand-Chambellan de la Couronne , le Comte
de Danhoff , Grand- Chambelan de Lithuanie
M. Ossolenski , Grand - Trésorier de la Couronne
, M. Bielinski , Maréchal de la Cour , et un
grand nombre d'autres personnes de distinction.
Le Comte Sapieha , Grand- Enseigne de Lithua
nie , M. Oginski , Grand- Trésorier de ce Duché
, et plusieurs autres Sénateurs ou Gentilshommes
, qui étoient dans le Camp des Opposans
, ont abandonné ce parti , et ils ont écrit au
Roy , pour l'assurer de leur soumission et de
leur fidelité , et pour le supplier de leur pardonner
s'ils ont differé si long- temps à lui rendre
hommage. Le reste des Opposans s'est retiré dans .
la Ville de Bialla , et ils paroissent persister dans
le dessein de joindre l'Armée du Géneral Lucci.
On écrit de Dantzick , que la plus grande par
tie des Sénateurs et de la principale Noblesse ,
sont venus y joindre le Roy, qui a résolu d'y de
meurer jusqu'à- ce qu'il se puisse mettre à la tête
de l'Armée de la Couronne. On y fait apporter
de Cracovie la Couronne , le Sceptre , le Globe
et les autres marques de la dignité Royale , qui
doivent servir au Couronnement de S. M.
Le
OCTOBR E. 1733- 2261
Le Corps des Grands- Mousquetaires , que le
Roy avoit licentie , ayant fait témoigner à S. M
que tous ceux qui le composoient desiroient de
porter les armes pour son service , S. M. les a
retenus à sa solde, et le Comte Blendowski les
commandera.
Outre les cent Compagnies de Cavalerie dont
la République a ordonné que les Troupes seroient
augmentées , le Roy en a fair lever 40.
chacune aussi de 100 hommes , que S. M. doit
entretenir à ses dépens.. J
Selon les derniers avis reçus du Camp de Mariemart,
le Comte Potoscki , Régimentaire de la
Couronne , a député le Castellan de Trock er
M. Swaykowski , Chanoine de Cracovie , aux
Opposans , pour leur donner part de sa nouvelle
Dignité , et les exhorter à prévenir par une
prompte soumission les Actes d'hostiilté que sa
Charge et leur desobéissance . l'alloient forcer
commettre contre eux. On ajoûte qu'il a fair
prendre les armes , ainsi qu'il s'y est engagé , à
3000. de ses Vassaux , qui sont en marche pour
se rendre à son Camp.
On mande de Warsovie , que les Opposans
persistoient dans leur révolte , malgré la retraite
de plusieurs d'entre eux , et que le 5. Octobre , à
l'instigation du Prince Wienovicsk , Régimentaire
de Lithuanie , et du Prince Lubomirski , et
forcez par les Moscovites , ils avoient élû tumultueusement
l'Electeur de Saxe , qu'ils avoient
fait proclamer à la hâte par l'Evêque de Cracovie
, et à qui ils avoient dépêché le Staroste Linowski
, pour lui donner part de cette préten
duë Election.
Giij DAN
2262 MERCURE DE FRANCE
DANNEMARCK.
"Escadre Françoise , commandée par le Com
Armées Navales du Roy Très-Chrétien , étant
parti de Brest le 31. du mois d'Août , mouilla à
Elseneur le 15 Septembre à 7 heures du soir.
Le Comte de la Luzerne ayant appris que le
Prince Royal de Dannemark étoit dans ce Port,
envoya le Marquis d'Antin , pour complimenter
ce Prince , qui le reçur gracieusement..
Quelques Vaisseaux ayant été séparez de l'Es .
cadre par les vents contraires , le Comte de la
Luzerne détacha un Vaisseau pour aller les attendre
à Gottembourg et leur donner ordre de
de le venir joindre à Coppenhague , où il est ar
rivé depuis quelques jours , et tous les Vaisseaux
de l'Escadre l'ont rejoint.
Le Conquerant , monté par le Chevalier de
Luynes , et le Foulonze , moüillerent le 20. à 5.
heures du soir dans la Rade de cette Capitale.
Ces deux Vaisseaux essuyerent le 16. une tempête
violente ; le premier eut la barre de son Couvernail
rompue à un pied de la tête.
Le Comte de Plelo , Ambassadeur de France &
Coppenhague , est allé deux fois à bord du Vais.
seau du Comté de la Luzerne.
, -
Comme l'Escadre de la Czarine , qui avoit
paru dans la Mer Baltique , s'est retirée, le Com
1 te de la Luzerne se dispose à retourner en France
aussi-tôt que les Vaisseaux le Conquerans et le
Toulouze , seront en état de le suivre.
OCTOBRE. 1733.2263
ON
ALLEMAGNE.
N mande de Vienne , qu'on avoit envoyé
ordre à cinq Compagnies du Régiment de
Marcelli , Infanterie , de se rendre dans la Haute
Autriche , pour y faire cesser les desordres qu'y
commettent quelques Paysans , qui avoient de
mandé de sortir des Etats de l'Empereur , sous
prétexte qu'ils sont de la Religion Luthérienne .
et à qui l'on a refusé cette permission .
On a envoyé des Troupes en Hongrie , et dans
la Transylvanie , pour augmenter les Garnisons
des Places qui sont sur les Frontieres de la Pologne
, et les Gouverneurs d'Eperies , de Filleck
et de Swutzemberg , ont reçû ordre de faire gar
der exactement tous les passages par où les Po-
Jonois pourroient entrer de ce côté-là dans les
Pays de la domination Impériale.
Selon les dernieres Lettres du Duché de Meclbourg,
le Duc . Charles Léopold , persiste à ne
vouloir point ceder l'administration de ses Etats
au Duc Chrétien Louis , et ceux de ses Sujets qui
ont pris les armes pour maintenir son autorité .
loin d'être intimidez par l'approche de quelques
Troupes de l'Electorat d'Hanover , qui sont allées
joindre celles que la Commission Impériale
avoit déja envoyées pour les forcer de se soumettre
, les ont attaqué dans un défilé et leur
ont tué quelques Soldats. Le Décret que le Duc
Charles Léopod a fair publier , pour que ses Sujets
se missent en état de veiller à sa défense ,
porte que tous ceux qui sont en état de porter
les armes dans chaque lieu , ayent à se rendre à
Pendroit o la Milice de leur Territoire doit
s'assembler , qu'ils ayent soin de se pourvoir de
de pain et de vivres pour plusieurs jours , afin
Gij qu'on
1164 MERCURE DE FRANCE
qu'on ait le temps de donner les ordres nécessai
res pour subsistance , et que sur tout ils observent
une exacte discipline ou qu'ils s'abstiennent
de commettre aucuns excès , sous peine d'être
punis rigoureusement ; qu'ils marchent avec ton-.
te la diligence possible vers Schwerin , et que
par tout où ils rencontreront des Lunebourgeois,
ils courent sus et les traitent en ennemis .
On apprend de Vienne, que le Comte Maurice-
Antoine Solari de Breglio , Ministre Plénipotentiaire
du Roy de Sardaigne en cette Cour ,
ayant reçu ces jours derniers un Courier du Roy
son Maître , avec ordre de retourner à Turin
est parti sans prendre Audience de Sa Majesté
Impériale ni des Ministres.
Les 3600. hommes que le Comte de Schomborn
, Evêque et Prince de Bamberg er de
Wurtzbourg a fournis à l'Empereur , sont prêts
à se mettre en marche pour aller à Fribourg.
L
ITALIEM
Es . Cardinaux Lercari , Caraffe et Guadagni ,
que le Pape a nommez pour donner leur avis
sur la permission que l'Electeur Palatin a demandée
, d'établir une imposition sur les Ecclesiastiques
de ses Etats , afin de les faire contribuer
aux frais des réparations de quelques -unes
de ses Places , ont décidé que le Clergé de l'Electorat
payeroit cette contribution en forme de
don gratuit. Le Pape , en conféquence de cette.
déliberation , doit envoyer un Bref à l'Electeur
Palatin pour autoriser cette imposition où don
gratuit.
Les Cardinaux Davia , Georges Spinola , Spinola
de sainte Agnès , Falconien , Corsini , Gua
dagni , et Mosca , que le Pape avait nommez
pour
OCTOBRE. 1733. 2265
pour examiner de quelle maniere on pourroit
remedier aux abus ausquels les aziles , tant des
Eglises que des Palais des Ministres Etrangers ,
donnent lieu , ont reglé que l'azile des Eglises
pour les homicides , ne pourra durer que trois .
jours , après lequel temps il sera permis de se
saisir de leur personne et de les mettre entre les :
mains de la Justice. Le Cardinal Corsini a été
chargé d'écrire aux Ministres Etrangers qui résident
en cette Ville , pour les prier de ne pas
souffrir qu'aucune personne accusée de crimes ,
dont la punition importe à la sûreté publique ,
trouve le moyen en se retirant dans leurs Palais
d'éluder la juste rigueur des Loix.
Suivant le rapport des Capitaines des divers
Bâtimens arrivez à Venise depuis peu des Côtes
d'Afrique , Dgianum-Codja , Capitan- Pacha
de l'Empire Othoman , a escorté jusqu'à Alger
fes trois Vaisseaux de l'Escadre Algerienne , qui
étoient à la Rade de Mosconisy ; ce sont les
seuls qui ayent pû se sauver de la tempête qu'elle
essuya le premier du mois d'Avril dernier.
Dans le Consistoire du 28. du mois dernier ,
le Pape nomma Cardinaux , Jean- Baptiste Spino
la , Génois , Vice- Camerlingue , Gouverneur de
Rome , Protonotaire Apostolique , et Consulteur
du S. Office , et Marcel Pasteri , natif d'Ariano,
dans le Royaume de Naple , Archevêque de Nazianze
, Auditeur de Sa Sainteté , et Dataire de
la Pénitencerie ..
PAYS - BAS.
N écrit de Bruxelles , que M. de Joinville ,
charge des affaires du Roy de France au
près de l'Archiduchesse , Gouvernante des Pays-
Bas , déclara le 16. de ce mois au Comte
G.Y
d'Hare
2266 MERCURE DE FRANCE
d'Harrach , suivant l'ordre qu'il en avoit reçu ,
que S. M. T. C. ne regardant point l'Arzhiduchesse
comme ayant aucune part aux sujets que
l'Empereur lui a donné de faire la guerre ; ni les
Pays-Bas , quoique possedez par ce Prince , com
me sujets aux hostilitez , elle ne faisoit point à
l'égard de cette Princesse ni du Pays qu'elle gouverne
, la démarche de le rappeller , et il ajoûta
qu'il lui étoit seulement prescrit de se retirer,
lorsqu'on lui feroit connoître où qu'il s'appercevroit
que l'Archiduchesse n'auroit pas la liberté
de laisser subsister cette marque de l'estime et de
la consideration du Roy pour elle . On espere de
cette déclaration que ce Pays- là continuera de
jouir de la Paix..
GRANDE BRETAGNE.
N écrit de Londres , que sur la fin du mois -
dernier , un Cerf que Leurs Majestez chassoient
, étant entré dans un Champ, auquel on ne
pouvoit arriver que par un passage fort étroit,
le Proprietaire ferma ce passage avec une chaîne,
et: déclara qu'il ne souffriroit point que les
Chasseurs suivissent le Cerf , à moins qu'on ne
le dédommageât du dégât qu'ils feroient sur sa
terre ; quelques jeunes Seigneurs , qui étoient à
la suite du Roy , voulurent passer malgré l'oppofition
du Paysan , mais le Roy le leur déf
fendit , et fit donner plusieurs guinées à cet hommes
qui moyennant ce présent , consentit qu'on
ôtât cette chaîne..
Le Chevalier Ossorio , Envoyé extraordinaire
du Roy de Sardaigne , a ed depuis peu une Audience
particuliere du Roy , à qui il donna part
2
du Traité d'alliance conclu entre le Roy de Franca
et le Roy son Maître.
MORTS
OCTOBRE. 1733. 2167
339
MORTS DES PAYS ETRANGERS.
On Antoine de Sequeira d'Albuquerque ,
Dchanoite de l'Eglise Cathédrale de Guarda
en Portugal , y est mort dans la 103. année de
son âge , ayant po.sedé son Canonicat pendant
86. ans .
Le Cardinal Antoine Banchieri , Secretaire
d'Etat , mourut à Pistoye le 16. Septembre , âgé
de 70. ans , trois mois et 29. jours , étant né le
19. May 1667. Il avoit été créé Cardinal le 9.
May 1726. par le Pape Benoît XIII . mais sa
Fonition ne fut publique que le 30. Avril 1728.
1 avoit le titre de S. Nicolas in Carcere.”
****:***********
ARTICLE DE LA GUERRE.
L
E. 1s de ce mois , on distribua à l'Imprimerie
Royale , un imprimé , intitulé : Motifs
des Résolutions du Roy , dont voici la teneur.
LE ROY a donné depuis son avenement à la
Couronne , des preuves éclatantes de sa modération
et de son amour pour la Paix , peut- être
même pourroit-on lui imputer de les avoir portées
trop loin : Cependant il a préféré le repos et
la félicité de ses peuples , à la funeste ambition
d'étendre les Limites de son Empire. Mais la mo,"
dération a ses bornes comme les autres vertus , ét
l'Europe jouiroit encore d'une tranquillité profonde
, si lès Ennemis de la France n'avoient pas
G vj forcé
·
2263 MERCURE DE FRANCE
forcé Sa Majesté à prendre les armes pour def
fendre la dignité de sa Couronne , la gloire de
la Nation Françoise , l'honneur et la liberté de
la Pologne.
*
Depuis que le Thrône de Pologne a été va
cant , le Roy a constamment, respecté la liberte
Polonoise , il n'a rien cxigé d'un peuple libre , et
seul arbitre de son sort. La République elle- mê--
me a imploré son secours, elle a redoublé ses instances
, à mesure que ses allarmes croissoient ,
et qu'elle se voyoit environnée d'armées ennemies
; elle a cherché dans l'équité et dans les for,
ces de Sa Majesté , un azyle toujours ouvert aux
Puissances qui sont menacées d'être opprimées,
Le Roy, a l'exemple de ses Ancêtres , a assuré sa
protection à la Pologne , il l'a déclaré 1 à tous
fes Souverains, mais dans, les termes les plus mesurez
, et avec cette modération digne des grands .
Princes. Il a même , dès les premiers momens.
fait connoître à la Cour de Vienne ce qui pou
voit seul prévenir les troubles en Europe ; et tou--
tes les démarches qu'il a faites depuis , sont autant
de monumens illustres de son amour pour
le maintien de la tranquillité publique..
Une conduite aussi sage n'a pas empêché la
Cour de Vienne , d'éclater contre un Prince né
dans le sein de la Pologne , et attaché au Roy
par des liens aussi étroits. Cette Cour encoura
gée par tant de mesures antérieures , favorables
a ses projets particuliers, a prodigué pour répondre
2 à la déclaration de Sa Majesté , les termes
les plus offensans , et qui devroient être inconnus
entre Princes que leurs Sceptres rendent égaux.Le
Roy n'est point sorti des bornes que sa sagesse
1. Cette declaration est imprimée N. 1.
2.Cette réponse est imprimée N. a.
lui
OCTOBRE 135 2269
lui avoit prefcrites : Il ne s'est point pressé de
tirer la vengeance que demandoit une insulte qui
lui devenoit personnelle ; et si les préparatifs necessaires
ont annoncé son juste ressentiment , il
en a suspendu les effets jusqu'au moment où il
ne lui a plus été possible de conserver la paix
sans blesser la dignité de sa Couronne , et l'honneur
de son Sang..
Peut-on douter que l'interêt personnel de l'Empereur
n'ait décidé de sa conduite , et n'ait dé◄
terminé les engagemens qu'il avoit pris pour dis
poser d'une Couronne indépendante de l'Empi
re , et qui n'étoit pas même encore vacante ID
prétendoit exclure également le Roy. Stanislaa
par le seul motif de ses liaisons avec la Francel'Electeur
de Saxe , parce qu'il paroissoit alors
avoir des interêts opposez à ceux de la Maison
d'Autriche. La mort du Roy Auguste a donné
lieu à de nouveaux projets : Cet Electeur s'est
hâté d'entrer dans toutes les vûës de l'Empereur,
et dès- lors il a cessé de mériter l'exclusion que
çe Prince et la Czarine lui avoient donnée . Cette
exclusion a été levée ; l'on a promis par un nou
veau Traité , d'élever l'Electeur de Saxe sur le
Thrône de Pologne , et les Troupes ennemies se
sont rapprochées de la République , pour la forcer
à souscrire à ces arrangemens ..
Les Polonois ont crú necessaire à leur liberté ,
d'exclure tout Prince étranger de la Couronne
qui étoit vacante. Cette exclusion a été pronon
cée par la Dictte de convocation , et elle a para
si essentielle , qu'elle a été affermie par un serment
solemnel. La Cour de Vienne a voulu franchir
cette nouvelle Barriere ; il n'est rien qu'elle
n'ait tenté pour procurer l'absolution de ce ser
ment ; comme si les interêts , et les projets sans
bor2270
MERCURE DE FRANCE
bornes ; de la Maison d'Autriche , devoient dé
cider d'un engagement, consacré par la Religion.
L'Empereur a redoublé ses efforts ; il avoit annoncé:
Qu'il ne permettroit jamais que Scanis-
» las remontât sur le Throne , sous prétexee de
sa premiere Election , ou de quelqu'autre ma-
» niere que ce fut. Ses Ministres près de la République
ont agi dans une parfaite intelligence
avec ceux de Saxe et de Moscovie ; il ont même
fait trophée de leur union, ils l'ont publiée avec
éclat à Warsovie ; toutes leurs déclarations ont
été faites dans le même esprit , mêmes insultes
au Roy de Pologne , mêmes ordres à la Répu
blique ; les menaces , les intrigues , les supposi
tions les plus calomnieuses, la marche des Troupes
, tout a été concerté entr'eux , tout leur a été
commun. Les Ministres de Saxe et de Moscovie,
fors de l'Election , se sont retirez chez celui de
l'Empereur ; et afin qu'il ne restår plus aucun
doute de leur union , le Ministre de l'Empereur
s'est joint à celui de Moscovie , pour notifier pus
bliquement au Primat l'entrée des Moscovites en
Pologne , et pour montrer à la République as➡
semblée les Fers qu'on lui avoit préparez. 1
"
La Cour de Vienne a -t-elle pu penser en im
poser à l'Europe , et se flatter de dissiper l'oras
ge, en differant de faire entrer ses Troupes en Po
logne , lors même qu'elle détérminoit les Moscovites
à y faire une irruption ? Elle a esperé que
les armes des Moscovites suffiroient pour intimider
et asservir les Polonois et d'ailleurs les
Troupes Imperiales et Saxones'n'étoient- elles
pas toujours sur les Frontieres de la Pologne
prêtes à y entrer pour soutenir leur violence !
** Cette déclaration est imprimée Nutz& A
A
OCTOBR E. 1733. 2271
A tous ces traits , il est difficile de reconnof
tre l'aggresseur. Les Traitez, par lesquels l'Empereur
a voulu disposer en Maître absolu de la
Couronne de Pologne ; l'exclusion qu'il s'est ef-
' forcé de donner sans authorité et sans pouvoir,
à un Prince que ses vertus rendent digne du
Thrône ; les assurances données à l'Electeur de
Saxe, pour le récompenser de sa docilité; la marche
des Troupes Impériales , de concert avec
celles de Saxe et de Moscovie; l'hoftilité que les
Moscovites ont commise dans le temps même de :
l'Election , pour assûrer par la force des armes
l'execution des projets de l'Empereur; cette hostilité
approuvée , et même annoncée par son Mi--
nistre. Toute cette conduite sera à jamais un té---
moignage public que ce Prince est seul autheur
de la guerre ; qu'il a forcé le Roy à prendre les
armes , par l'outrage qu'il a voulu faire à S. M.
et par les violences exercées ou par lui , on de
-son aveu , contre la République de Pologne.
>
Si tous ces efforts ont été inutiles lors de l'E- -
lection , le Roy et le Royaume de Pologne en
sont uniquement redevables à celui à qui seul
appartient de disposer des Couronnes , et qui
tient en ses mains les coeurs des Peuples, comme
ceux des Rois. Le courage des Polonois les a af
franchis de la servitude dans laquelle la Cour
'de Vienne vouloit les précipiter ; mais le Roy
ne peut demander raison qu'à l'Empereur, de son
opposition au rétablissement du Roy de Pologne
, de ses déclarations injurieuses , répandues
dans toute l'Europe par les Ennemis qu'il a suscitez
à la France et à la Pologne qui ne désiroient
que la paix et la liberté , des conseils qu'il
a donnez à la Cour de Russie des esperances
dont il a flatté celle de Saxe ; enfin de tous less
efforts
»
2272 MERCURE DE FRANCE
1
afforts qu'il fait encore pour soûtenir ses premiers
projets.
Envain la Cour de Vienne espere de cacher ses
intrigues aux yeux de l'Europe. On retrouve par
tout ses conseils , ses principes , ses expressions
indécentes , ses desseins formez contre la liberté
Polonoise.
›
Le Prince respectable contre lequel l'Empereur
s'éleve , est le même en qui la plus grande partie
des Souverains de l'Europe , et nommément
P'Empereur Joseph avoient reconnu le sacré
caractere de la Rayauté . L'alliance que le Roy
Stanislas avoit contractée avec le Roy , a changé
les dispositions et le langage de la Cour de Vienne
: Ce Prince est devenu dèslors,selon l'expics
sion des Alliez , un Citoyen proscrit de sa
Patrie . Cette variation auroit de quoi surpren
dre , si l'on n'en voyoit pas le principe dans le
projet que l'Empereur a formé d'offenser S. M.
dans la personne d'un Prince qui lui est cher , er
de se rendre le dispenrateur des Couronnes.
La République de Pologne n'a point de pré-
10gative plus précieuse que celle de disposer de
son Throne , attribut éminent de sa liberté , et
pour la conservation duquel on l'a vu verser son
sang. L'Empereur a voulu y donner atteinte ; il
n'a pas craint de marquer et le Prince qu'il vou
Toit exclure , et celui qu'il vouloit porter sur le
Throne. Il a entrepris de prononcer sans autho
rité , sur ce qui s'étoit passé dans l'intérieur de
la République au sujet de la premiere Election du
Roy de Pologne , il a décidé en Legislateur sou
verain des Loix qui doivent subsister en Pologne,
et des fondemens de la liberté qu'il a voulu ren-.
verser. Le seul menagement qu'il a cû pour elle ,
a été de déguiser ses entreprises sous les appa
rences
OCTOBRE . 1733. 2273
rences d'une protection trompeuse , et sous le
voile d'un prétendu Traité que le tumulte des
armes enfanta avec précipitation , et que la Republique
rendue à elle- même n'a pas crû devoir
suivre .
1
L'Empereur et la Czarine se sont toujours expliquez
à la République , comme on parle à un
Royaume tributaire , ou à une Nation subjugée .
Leurs menaces ont été accompagnées de la marche
de leurs Troupes jusques sur les Frontieres
P'armée Moscovite est entrée en Pologne . afin
de remplir ses engagemens avec l'Empereur , dans
le temps même de l'Election , dans la vue et pour
étouffer par le bruit des armes les Loix et les suf
frages de la République .
Cependant la Nation Polonoise a délibéré sur
l'Election de son Roy , avec cette tranquillité
que la justice seule peut inspirer au milieu des
dangers . Les voeux de la République avoient prévenu
le retour du Roy de Pologne , sa presence
a réuni les esprits , le Champ d'Election n'a retenti
que d'une voix en sa faveur , et cette déliberation
a été consommée avec une unanimité
dont on n'a pas vû d'exemple dans les Faftes de
la Pologne.
C'est cette unanimité qui devoit imposer un
silence eternel à ses Ennemis , puisqu'elle annonçoit
la volonté du Maître des Rois ; et c'est cependant
ce qui les détermine à se porter aux derniers
excès. Le comble est mis à la violence ; l'ar-'
mée Moscovite,par le concert des Alliez,s'avance
vers Varsovie ; les Troupes de l'Empereur et
de l'Electeur de Saxe sont prêtes à marcher sur
les mêmes traces , si les armes Moscovites ne
suffisent pas pour accabler un Peuple libre , qui
reclame ses droits les plus incontestables , et le
glorieux usage de sa liberté.
•
2174 MERCURE DE FRANCE
Que les Cours de Vienne et de Russie cessent
d'usurper l'auguste titre de Protecteurs de lo Pologne
: A ce titre même auroient - elles le droit
d'ouvrir et de fermer les Barrieres qui deffendent
l'accès du Throne vacant ? Ce n'est point e
touffant les droits d'une Nation , qu'on merite
le nom de son Protecteur , mais en la deffendant
contre ceux qui la voudroient opprimer.Le Roy
en avoit donné l'exemple à l'Empereur : Il no
craint point d'en prendre à témoin la Républi
que même et toute l'Europe : Quoique S. M.
dut souhaiter le rétablissement d'un Prince que
la France avoit reçu dans ses malheurs , et qui
lui est uni par les liens les plus sacrez , Elle n'a
rien exigé des Polonois , persuadée qu'il n'ap
partient qu'à la Nation Polonoise de rappeller
un Prince que les malheurs des temps avoient
long- temps séparé d'elle. La Lettre i de S. M.
au Primat du... ne réspire que la juftice et la
paix : l'Europe y reconnoîtra la droiture des intentions
du Roy; elle y verra combien le Roy
est éloigné d'inspirer au Roy de Pologne des
sentimens opposez aux interêts de la Républi
que ; et que s'il a souhaité avec empressement le
rétablissement de ce Prince , c'est pour concou
rir avec lui à l'observation des Traitez qui interessent
la Pologne, et contribuer en même- temps
à la félicité et à la gloire de cette République
à la tranquillité du Nord .
Ce n'est donc point par des vues d'ambition
ou d'interêt que le Roy prend les armes . Contente
de posseder un Royaume florissant , et de
regner sur un Peuple fidelle , Sa Majesté ne cherthe
point à reculer les bornes de sa domination.
Cette Lettre est imprimée N. 4
Ex
OCTOBRE. 17337 2275
Envain l'Empereur , pour interesser l'Empire
dans ses projets , cherche - t - il à l'allarmer sur
les desseins qu'il attribuë faussement à Sa Marsté.
L'Empereur a voulu la guerre , qu'il a renue
necessaire en outrageant le Roy dans ce qui
doit être le plus sacré parmi les Souverains . S
M. se propose d'effacer jusques aux moindres
traces de l'outrage que la Cour de Vienne a cru
lui faire , et de soutenir l'honneur de la France.
D'aussi justes motifs redoubleront encore l'ar
deur des Troupes Françoises : Elles prennent les
armes avec empressement pour vanger leur
Roy, et pour empêcher d'illustres Alliez de succomber
sous les forces que l'Empereur a suscitées
contre eux.C'est au Dieu des armées à donner
la Victoire. Le Roy peut l'invoquer avec
confiance , et esperer que ses succès respondront
à sa modération , à sa patience et à la pureté de
ses sentimens.
"
COPIE de la Déclaration faite au nom
du Roy , au mois de Mars 1733.
No 1. T E Roy suspendroit encore son juge-
1.LE
ment sur l'objet du corps considérable
de Troupes que l'Empereur fait marcher vers la
Frontiére de Pologne , si les déclarations faites
par la plupart des Ministres Impériaux , pouvoient
permettre de douter du désir et même du
dessein de contraindre les Polonois. A la vûë d'un
-projet aussi hautement déclaré : Sa Majesté ne
peut dissimuler ,,
qu'outre l'interêt commun que
tous les Princes, ont de maintenir la liberté de la
Pologne, sa dignité et le rang qu'elle tient parmi
· les Puissances de l'Europe , la mettent en droit ,
›et l'obligent même à prendre part aux affaires
qui
2276 MERCURE DE FRANCE
qui peuvent troubler la tranquillité générale,
C'est dans cette vûe que le Roy a déja fait assúrer
les Polonois, qu'il maintiendroit autant qu'il
seroit en lui , la liberté entiere des suffrages , et
il ne se départira jamais de ces principes d'éq
té. Sa Majesté croit donc devoir déclarer qu'Elle
ne pourroit regarder toutes démarches ou entreprises
faites pour contraindre leurs suffrages , que
comme un dessein de troubler le repos de l'Europe:
Sa Majesté ne pourrait donc se dispenser
alors , d'agir avec le zele et la fermeté que l'im:
portance de la matière le requiert.
·DECLARATION de l'Empereur.
réponse de celle de Sa Majesté.
N° 2.
"
en
L'Empereur n'a pas jugé digne de son
>
dées , qu'on employoit en Pologne pour détourner
les bons Patriotes à mettre leur confiance en
un Prince ami , voisin et allié , qui , à l'exemple
de ses augustes Prédécesseurs , bien loin de permettre
qu'on donne la moindre atteinte à la liberté
de la République , et à sa constitution
telle qu'elle se trouve établie par les Loix , en
sera toujours le plus ferme appuyy..Garant de cette
liberté , en vertu des Pacta conventa qui depuis
deux siécles subsistent entre l'auguste Maison
d'Austriche, et les Sérénissimes Rois de Pologne,
et la République de ce nom , le soin de la maintenir
contre les entreprises de qui que ce soit , le
touche principalement ; et bien loin que ses Ministres
ayent imité ceux qui prétendent borner
les suffrages d'une Nation libre , à un seul sujet,
ils ont déclaré dès le commencement de l'interregne
, tant de vive voix , que par écrit : Que
PEmpereur ne souffrira pas , qu'aucuns moyens.
con-
1
OCTOBRE . 1733 2277
contraires aux droits d'une libre Election , tels
qu'ils se trouvent établis par les constitutions du
Royaume , y soient employez , quand même on
voudroit s'en servir pour faire monter sur le
Trône de Pologne un Candidat , qui d'ailleurs
useroit agréable .
Tels étant donc les sentimens de ce Prince , et
tels étant encore ceux de ses Alliez , dont il est
inséparable , il ne pouvoit qu'être extrêmement
surpris , que par une déclaration conçue en des
termes peu mesurez , et répandue avec une affectation
indécente , on ait voulu faire tomber sur
lui un reproche qui conviendroit mieux à ceux
qui agissent par des voies et des principes opposez.
Souverain dans ses Etats hereditaires , il n'a
à rendre aucun compte de la marche de ses Troupes
en Silesie ; la justice qui regle toutes ses actions
, ne laisse aucun doute sur le but qu'il s'est
proposé , et il fera paroître en cette occasion
comme en toute autre , autant de droiture en ce
qui regarde les droits d'autrui , que de fermeté
à soutenir les siens et ceux de ses alliez.
?
COPIA Declarationis Imperatoris ,
ipsiusque Foederatorum .
N° 3.
Speraby
Perabam , Celsissime Princeps Primas
quod declaratio à me nuper facta , litteraque
augustissimi Imperatoris Romanorum ad Celsitudinem
vestram directa , non alium, quam clara
verba sonant , interpretabuntur sensum.
Inaudio contrarium ; nam sicut antehac scripto
publicabatur , quod Legati et Ministri aularumèxtranearum
declarationes suas minis et terroribut li
bera electioni inconvenientibus notum faciebant
quod ad Tronum Polonum , alium eligere non per
mis
2278 MERCURE DE FRANCE
missuri sint , nisi talem, qui illis ad placitum esse
ita defacto contrarius spargitur rumor , quod nempe
vicina sibi foederejunctapotentia ab aliis Reipu
blica colligatis timeant , disseminando quid et à quo
quilibet illorum eventurum sit mali , et quod h
vicinarum potentiarum unio brevi dissolvetur ter
pare.
: Hinc denuo declarare necesse duxi , quod vicini
non timeant , sed ament Rempublicam , usi ex nuperá
satis patet declaratione.
Quod libera gentis suffragia in arctos unius suijecti
limites , ad exemplum aliorum restringere nolint
, nec ullâ vi armorum , sed solum quâ veri
amici et confoederati , vi Pactorum conventorum &
fæderum , iis se opponere , qui contra constitutiones.
at leges pacem publicam turbare vellent, bent
enim sufficientes à Deo sibi concessas vires , ut et
contra quoscumque adversariorum conatus liberum
alectionis jus Reipublica propugnent , et se ab iis qui
hoc impedire , illosque contra omnem justitiam offendere
vellent , deffendant.
13
→ Ideoque , nec timent , nec terrent sed amica
consilia et quidem vi Pactorum et Guarantia prabent;
et denuo hortantur , ut liberis ac unanimibus
Polonia suffragiis ejusmodi Rex quiscumque
ille demum sit , eligatur à quo nec Reipublica libertati
periculum , nec vicinis excitandarum metus
immineat, nec necesse sit prudentissima adfuturami
lectionem congregata libertati novas ulteriores faere
declarationes ; sed ut ex nunc ita conveniant"
salva maneat libertas electionis , pax Reipublica
simulque vicinorum ac totius Europa.
t
Quod autem de dissensu cum Augustissime
Imperatore foedere junctarum Potentiarum spargitur
, præsentes declarabunt Ministri , quod inscpa
OCTOBRE. 2279 *
1733 .
separabiles sint, unum idemque sentiant , etRem
publicam nequaquam opprimere , sed illius libertasem
jusque leges ac constitutiones illasas conservare
, sicque pacem et tranquillitatem Reipublica
at vicinorum semper deffenderent velint.
Imputet Respublica sibi et non vicinis , si hac non
conservabitur ; et si hac declaratio non satis clara
est declarabit eventus.
*
LETTRE du Roy , an Primat , dis
6. Juillet 1733.
N. 4. MON COUSIN , je vois avec plaisir, &c.
Cette Lettre est inserée, page 1870. du Mercure
Août dernier."
DECLARATION aux Electeurs et
Princes de l'Empire.
Uoique le Mémoire des motifs qui déter
minent les résolutions du Roy , ait suffisamment
montré à l'Europe , la pureté des intentions
de Sa Majesté ; cependant , en mêmetemps
qu'elle fait passer le Rhin à ses Troupes
Elle veut encore faire connoître plus particulierement
à l'Empire ses sentimens es ses principes ;
elle desire de conserver la paix avec le Corps
Germanique , et elle est dans la disposition d'ob
server avec lui les Traitez de Paix , aussi longtemps
que S. M. pourra le regarder comme ami.
Si S. M. en attaquant le Fort de Kel , s'assure des
passages sur le Rhin , ce n'est point par aucune
mauvaise intention contre le Corps Germanique,
dont elle a fait voir en plus d'une occasion que
ics interêts lui étoient chers , elle n'en veut à
aucun de ses Membres ; elle veut même en premant
des passages sur le Rhin, se mettre en état
2280 MERCURE DE FRANCE
de secourir ceux des Princes d'Allemagne que
P'Empereur voudra forcer à servir ses vûës particulieres
, et l'execution de ses projets . le a
donné ses ordres à ses Generaux , pour que les
Etats des Princes qui ne prendront point de par
et qui ne donneront pas de secours contre elle ,
soient traitez avec toute sorte d'attention et de
ménagemens. Sa Majesté , contente de ce qu'elle
possede , et bien éloignée de vouloit faire servir
le succès de ses armes à reculer ses Frontieres ,
n'hésite pas de déclarer solemnellement qu'elle
n'a aucunement en vue de faire des conquêtes ,
ni de conserver des établissemens qui pourroient
interesser la sureté du Territoire Germanique ;
elle veut seulement poursuivre son juste ressentiment
des sujets de mécontentement que l'Empereur
lui a donné à la face de toute l'Europe , elle
ne négligera rien pour que les Prines d'Allemagne
reconnoissent de plus en plus chaque jour ,
Combien elle désire de conserver avec eux cette
bonne intelligence , si nécessaire et si convenable
entre le garant des Traitez de Westphalie
et les Membres nu Corps Germanique ,
t
ORDONNANCE du Roy , du 10
Octobre , portant Déclaration de guerre
contre l'Empereur, dont la teneur suit.
Sronn
›
A Majesté depuis son avenement à la Couronne
, n'a rien eu plus à coeur que de concourir
à tout ce qui pouvoit contribuer au maintien
de la paix ; mais l'injure que l'Empereur
vient de lui faire en la personne du Roy de Pologne
son beau-pere , interesse trop l'honneur
de S. M. et la gloire de sa Couronne , pour ne
pas employer les forces que Dieu lui a confiées ,
OCTOBR E. 1733. 2281
en tirer une juste vengeance ; dans cette vûë, après
avoir répandu dans toutes les Cours de l'Europe ,
les justes motifs qui la forcent à prendre les armes,
Elle a résolu de déclarer la guerre, comme elle la
clare par la presente, par mer et par terre , à l'Empereur,
persuadée que Dieu qui connoît le desinteressement
et la justice de ses intentions , voudra
bien les favoriser de sadivine protection . Ordonne
et enjoint S.M. à tous ses Sujets, Vassaux et Serviteurs
, de courre sus aux Sujets de l'Empereur;
leur fait très - expresses inhibitions et deffenses
d'avoir cy- après avec eux aucune communication
, commerce ni intelligence , à peine de la
vie ; et en conséquence S. M. a dès - à-present
révoqué et révoque toutes permissions , passe
ports , sauve- gardes , et sauf- conduits qui pourroient
avoir été accordez par Elle , ou par ses
Lieutenans Generaux et autres ses Officiers , contraires
à la présente , et les a déclarez et déclare
nuls et de nulle valeur , deffendant à qui que ce
soit d'y avoit aucun égard. Mande et ordonne
S, M. à M. l'Amiral , aux Maréchaux de France ,
Gouverneurs et Lieutenans Generaux pour S. M.
en ses Provinces et Armées, Maréchaux de Camp,
Colonels , Mestres de Camp , Capitaines , Chefs
et Conducteurs de ses gens de guerre , tant de
cheval que de pied , François et Etrangers et
tous autres ses Officiers qu'il appartiendra , que
le contenu en la presente ils fassent executer ,
chacun à son égard , dans l'étendue de leurs pouvoirs
et jurisdictions ; car telle est la volonté de
Sa Majesté , laquelle veut et entend que la présente
soit publiée et affichée en toutes ses Villes ,
tant maritimes , qu'autres , et en tous ses Ports ,
Havres et autres lieux de son Royaume et terres
de son obéissance , que besoin sera , à ce qu'aucun
n'en prétende cause d'ignorance.
"
H OF
2282 MERCURE DE FRANCE
OFFICIERS GENERAUX
de Armée d'Allemagne.
LE MARECHAL DE BERWICK
Commandant en chef.
Lieutenans Generaux .
Mrs de Puysegur.
Duc de Noailles .
Marq . de Cilly ,détaché
dans les 3. Evêchez .
Prince de Tingry.
Marquis de Dreuz.
Marquis de Nangis
De Quadt.
Duc de Duras.
De Leuville.
Comte de Bellisle , dang
les 3. Evêchez.
Maréchaux de Camp.
De Siougeat .
Vicomte de Melun .
D'Aubigné.
Balincourt.
De Tarneau .
De la Billarderie.
Chevalier de Givry.
De Guittaud .
La Farre,
Comte de Saxe.
Marquis de Clermon
Brigadiers d'Infanterie.
Comte d'Houtetot, Comte d'Estaing,
De Gensac. De la Javilliere
De Polastron De Varennes .
D'Herouville. De Manville .
De Luteaux , est avec De Ximenez.
son Régiment dans
Nancy .
Comte de Baviere..
De Lenck.
De Chenetette.
De Montflour.
Comte de Middelbourg. Hozannussy.
Philippe.
De Bulkeley.
D'Aremberg
Brigadiers de Cavalerie.
De Curton,
OCTOBRE . 1733. 228
De Castelmoron.
Comte de Cayeux.
De Montmorency.
De Mainville .
De Mercy.
De Cernay.
De Vaudray.
Du Cayla.
Comte Chastelus .
De Saint Saëns.
Chevalier de S. André
De Lerans.
De Puttanges.
Marquis d'Oyse.
D'Harville.
Brigadiers de Dragons.
Marq de Beaufremont. Marquis de Clermont.
Elat Major de l'Armée.
De la Javelliere , Major General.
De Saliers , Aydes - Majors Generaux d'In-
D'Astier , fanterie . }
Marquis de Ximenes, Maréchal General des Legis
de l'Armée .
Chevalier de S. André , Maréchal General des
Logis de la Cavaleria.
De Montal , Ayde- Maréchal General des Logis
de la Cavalerie.
OFFICIERS GENERAUX
de Armée d'Italie , sous les ordres du
Roy de Sardaigne , General de ladite
Armée.
LE MARECHAL DE VILLARS ,
commandant l'Armée , sous les ordres du
Roy de Sardaigne .
Lieutenans Generaux.
Mrs le Marquis d'Asfeldt.
Le Comte de Coigny.
Le Comte de Broglio .
Le Prince Charles de
Lorraine.
Le Marq deRavignan.
Le Marquis de Savines.
Hj De
2284 MERCURE DE FRANCE
De Cadrieu.
Comte de Beüil .
Prince de Carignan .
Marquis de Maillebois.
De Contade.
Maréchaux de Camp.
De Sandricourt. De Ferraques.
De Berville.
Marquis de Bonas .
De Chatillon.
Duc d'Harcourt.
D'Affry. Marquis de Pezé ,
De Montal.
Marquis de l'Isle .
De Lannion.
Brigadiers d'Infanterie.
De Louvigny , Du Planty.
Comte de Lautrec
Thomé.
De Mison.
Chevalier de Boissieux.
Cadeville.
Brigadiers de Cavalerie.
Marquis de Valencé.
Marquis de Chaste.
De Montrevel .
Du Chaila.
De Germinon.
Marquis de Segur.
De Ratsky.
De Cheppy.
Comte de Lamotte De Pardeilhan.
Houdancourt.
D'Epinay
Brigadiers de Dragons.
De Vernicourt.
Etat Major de l'Armée.
Marquis de Pezé , Maréchal General des Logis
Duplanty , Major General de l'Infanterie .
Chevalier de Contade , Aydes - Majors Gené
De la Serre ,
Cavalerie.
neraux de l'Infanterie.
Maréchal general des Logis de la
LO
OCTOBRE. 1733. 2285
Le Comte de Charolois , frere puîné du Duc
de Bourbon , qui a fait ses premieres armes dans
l'Arhée de l'Empereur , au dernier Siege de Belgrade
, et qui combattit auprès du Prince Eugêne
de Savoye, à la défaite de l'Armée Ottomane,
prit congé du Roy à Fontainebleau le 15. de
ce mois,et partit quelques jours après pour l'Ar- `
mée d'Allemagne.
Le Comte de Clermont , le plus jeune des
Princes de la Maison de Condé , ayant demandé
au Roy la permission de servir , et S. M. après
avoir loué son zele , n'y trouvant d'obstacle que
ses engagemens dans l'Etat Ecclesiastique , ce
Prince a obtenu du Pape un Bref par lequel S. S.
lui permet de porter les armes contre les Ennemis
du Roy et de posseder ses Abbayes . S. A. S.
partit le 15. de ce mois pour l'Allemagne.
Le Prince de Conti partit de Paris au commencement
de ce mois , pour aller servir dans
F'Armée d'Allemagne. Il fut reçû , ainsi que les
autres Princes du Sang , dans toutes les Villes et
les Places de guerre où il passa , avec les honneurs
dûs aux Princes de leur sang.
Le Prince de Dombes et le Comte d'Eu , fils
du Duc du Maine , sont partis aussi au commencement
de ce mois pour l'Armée d'Allemagne.,
Ces Princes firent la Campagne de Belgrade en
Hongrie , sous le Prince , en 17
Le 13. Octobre , les Troupes du Roy , commandées
par le Comte de Bellisle , entrerent dans
Nancy par la Porte N. Dame S.M. avoit envoyé
à la Duchesse de Lorraine , quelques jours auparavant
M. de Verneuil, Secretaire du Cabinet,,
pour lui faire connoître que dans les circonstances
présentes , elle ne pourroit se dispenser de
s'assurer de cette Place , pour ôter à ses enne-
Hij
mis
2286 MERCURE DE FRANCE
mis les moyens de s'en emparer. Il avoit cu ordre
au surplus d'assurer S. A. R. que l'intention
du Roy n'étoit pas de rien entreprendre sur fon
autorité ni sur celle du Duc son fils , qui continuëroit
de jouir de tous les droits de Souveraineté
dans l'étendue de ses Etats.
Le 12. de ce mois , le Maréchal de Berwick
commanda 20. Compagnies de Grenadiers et
2000. Fusiliers , sous les ordres du Marquis de
Dreux , Lieutenant General , et du Chevalier de
Givry , Maréchal de Camp , pour passer le Rhin
sur le Pont de Bateaux qu'il avoit fait jetter audessous
de Strasbourg. Ce Détachement passa
près du Village d'Avenheim , et il fut suivi le
13. de toute l'Armée , qui acheva de passer le
Rhin le 14. de ce mois sur le Pont qu'on avoit
construit au-dessous du Fort de Kehl ; cette Place
fit aussi-tôt investie ; on travailla les jours suivans
à établir les quartiers de l'Armée et à prépa
rer tout ce qui étoit nécessaire pour le Siege.
Le Quartier general fut établi au Village de
Sundheim ; la droite fut appuyée au Village de
Golthschir, qui couvre un second Pont , jetté sur :
le haut-Rhin , et la gauche à celui d'Audenheim.
La nuit du 19. au 20. la tranchée fut ouverte
sous les ordres du Marquis de Puysegur , Lieutenant
general des Armées du Roy , de M. de la
Billarderie , Maréchal de Camp , et du Marquis
d'Houdetot , Brigadier ; les 2000. Travailleurs
commandez pour la Tranchée , furent soutenus
par les trois Bataillons du Régiment de Navarre,
par les trois Compagnies de Grenadiers du Régiment
de la Marine , deux de celui de Richelieu ,
et une du Régiment de Bourbonnois ; par un
Détachement de 100. Gendarmes , et par 450.
Cavaliers ou Dragons à pied. Pendant cette nuit
82
OCTOBRE. 1733 2237
én forma une premiere parallele entre le Rhin
er la Schoutre , et on poussà trois boyaux en
avant sur les Capitales du front de l'Ouvrage
Corne.
La nuit du 20. au 21. le Duc de Noailles .
Lieutenant General , le Chevalier de Givri , Maréchal
de Camp et M. de Gensac , Brigadier , releverent
la Tranchée avec 1000. Travailleurs ',
les trois Bataillons du Régiment de Piémont ,
six Compagnies de Grenadiers des Régimens de
Bourbonnois , de Tallard , de Royal et de Pons,
100, Gendarmes et 410. Cavaliers ou Dragons
à pied. Pendant cette nuit et la précédente , on
fit 2500. toises d'ouvrage .
Le lendemain la tranchée fut relevée par le
Prince de Tingry , Lieutenant General , le Comte
de Guitaud , Maréchal de Camp , et le Comte
de Middelbourg , Brigadier , avec 1200. Travailleurs
, soutenus par les trois Bataillons du
Régiment de Normandie , par six Compagnies
de Grenadiers des Régimens Royal , de Lyonnois
, de Touraine et d'Artois , par un Détachement
de roo. Gendarmes , et par un de 450.
Cavaliers ou Dragons . Les Assiegez qui depuis
le commencement du Siege n'avoient point tiré ,
firent cette nuit un grand feu d'Artillerie et de
Mousqueterie , mais ils n'empêcherent pas nos
Troupes de se loger sur la Lunette avancée.
M. de Longeville , Ingénieur , fut tué cette nuit
là avec un Soldat , et il y en eut 6. de blessez .
Les derniers avis du Camp devant le Fort de
Kell , du 24. de ce mois , portent que la nuit
précedente on s'étoit logé dans les deux petites
contre-gardes , situées entre la Lunette avancée et
le demi Bastion de la droite de l'Ouvrage à Corne..
La suite pour le Mercure prochain.
Hiiij NOU
2288 MERCURE DE FRANCE
*******::********
NOUVELLES de la Cour de
Paris , & c.
E3 de ce mois , la Reine entendit le
L'salut dans l'Eglise des Récolets, et le
24 elle y communia. L'après midi S. M.
entendit le Sermon du P. Sixte Ambriel
Récolet , et assista à la Benediction du
S. Sacrement. Le 9 , la Reine partit de
Versailles pour aller coucher au Château
de Petitbourg ; et le lendemain au soir
S. M. arriva à Fontainebleau.
Le 27 Septembre , il y eut concert chez
la Reine . M. de Blamon , Sur- Intendant
de la Musique du Roy , fit chanter le
Prologue et le premier Acte d'Amadis ,
qui fut continué le 30 , par le second et
le troisiéme Acte , et le in Octobre il fut
fini à Fontainebleau par le 4 et le s Les
Rôles du Prologue furent remplis par la
Dile Julie et par le Sr Dubourg , et ceux
de la Picce par les Dlles le Maure , Mathieu
et Julie , et par les Srs d'Angerville ,
Petillot , Godenesche et Dubourg.
Le 14 , la Reine demanda le Caprice
d'Erato. Divertissement de M. de Blamont.
La Dile le Maure y fit le principal
Rôle
1
OCTOBRE. 1733 . 2289
Rôle. La Dlle Matthieu , celui de Junon
et le sieur d'Angerville Apollon.
>
Le 21 , on chanta un autre Divertis
sement du même Auteur , intitulé le -
tour des Dieux sur la Terre ; qui fut fait à
l'occasion de la naissance de Monseigneur
le Dauphin, dont les paroles sont de M.
Tavenot. Les Dlles Lenner , Mathieu , du-
Hamel , Petitpas , et le Sr d'Angerville
exécuterent ce Divertissement qui fit un
tres- grand plaisir à toute la Cour.
- Le 8 Octobre , les Comédiens François
représenterent à Fontainebleau la Tragé--
die des Horaces , qui fut suivie de la pes
tite Comédie des Plaideurs.
Le 13 , le Misantrope et la Serenade.
Le 1s , Cinna , et le François à Londres.-
Le Sr Prin joua le principal Rôle dans la
Tragédie , et le Marquis de Polinville ,
dans la petite Piéce . Il y fut applaudi .
Le 20, l'Avare et le Baron de la Crasse..
Le 22 , Britannicus , et la petite Comé
die du Dédit , de feu M. Dutrêni.
Le 27 , La Fausse antipathie et le Mas
gnifique.
Le 29 , Electre et le Lot supposé.
Le 10 Octobre , les Comédiens Italiens
représenterent Heureux Stratagême ; Co
médie de M.de Marivaux,et la petite piece
du Je ne sçai quoi.
Hay Les
2250 MERCURE DE FRANCE
Le 17 , le Temple du Goût , le Bouquet ,
et l'Isle du Divorce . Ces trois Piéces furent
parfaitement bien représentées . La
Reine eut la bonté de faire dire aux Comédiens
Italiens , par le Duc de Gévres,
que S. M. en étoit tres- contente.
La Dlle Roland dansa différentes entrées
avec beaucoup d'applaudissement.
Le 24, Amante difficile , Comédie de
feu M. de la Motthe,et la Veuve Coquette..
Le 18 , le Roy accorda le titre de Maréchal
General de ses Camps et Armées
au Marêchal Duc de Villars , qui partit .
de Fontainebleau le Dimanche 25 de ce
mois , après midi pour se rendre à l'Armé
d'Italie..
Le 28 , M. Zeno , Ambassadeur de la
République de Venise , qui étoit arrivé àu
Paris le 22 , se rendit à Fontainebleau
avec M. Mocenigo , Ambassadeur de la
même République , auquel il succede »»
et il eût sa premiere audience du Roy et
de la Reine, étant conduit par le Chevalier
de Sainctor , Introducteur des Ambassadeurs.
La Direction des Economats , qu'avoie
fu. M. l'Archevêque de Rouen , a été
doni és
OCTOBRE. 1733: 2294
donnée à M. le Marquis du Muy. Nous
avions dit , sur des Mémoires peu exacts ,
que cette Direction avoit été donnée à
une autre personne .
RECEPTIONfaite à S. A.S. Madame
La Duchesse du Maine , par la Ville de
Dreux. Extrait d'une Lettre de M. Clement
, Receveur des Tailles de l'Election
de Dreux.
Save
On Altesse Sérénissime partit d'Anet
ec la Princesse sa fille , accompagnée
d'un grand nombre de personnes du
premier rang , le 23. Septembre dernier ,
er arriva ici sur les 4. heures du soir ;
elle fut saluée à une lieüe de la Ville
par une Compagnie de jeunes Gens qui
s'étoient réunis pour aller au - devant
d'Elle , ayant un Trompette à leur tête ;:
ils étoient parfaitement bien montez
er la maniere dont ils avoient orné leurs
chevaux donnoit un air de galanterie à
cette Troupe, qui satis fit beaucoup S.A.S.
Ils la suivirent jusqu'à Dreux autour de
sa Caleche , laquelle étoit précedée par
les Officiers de sa Maison , et suivie des
Carosses des personnes qui l'accompa
groient.
y
Avant que d'entrer dans la Ville , le
Maire et les autres Officiers de la Ville ,
Hvj por
2192 MERCURE DE FRANCE
portant le Dais sous lequel S. A. S. de- ´
voit marcher jusqu'à l'Eglise , eurent
l'honneur de la complimenter et de fui
présenter avec les Clefs de la Ville , les
présens ordinaires de vins exquis et de
Confitures seches.-
S. A. S. entra dans Dreux , au milieu
d'un concours de peuple extraordinaire
et au bruit des Tambours et de
toutes les Cloches. Elle s'arrêta encore
pour recevoir les complimens du Bailliage
et des autres Corps de Judicature ;
elle répondit aux Harangues avec cette
dignité et cette délicatesse d'esprit si
connues de tous ceux qui ont l'honneur
de l'approcher. Elle fut conduite après
ces cérémonies à l'Eglise principale qui
est située sur le lieu le plus éminent de
la Ville où est aussi le Château des
anciens Comtes de Dreux .
La Princesse trouva sur son passage
toute la Bourgeoisie en haye et sous les
armes ; et de distance en distance elle
passoit sous des Arcs de Triomphes ,
dont la décoration exprimoit la joye qui
devoit regner dans une pareille Fête.
Les Chanoines de la Collegiale vinrent
la recevoir et la conduisirent jusqu'à
leur Eglise , où elle arriva environnée
de tous les Corps de la Ville . Après
s'être
1
OCTOBRE . 1733. 2193
·
s'être placée au milieu du Choeur , on
chanta le Te Deum , qui fut précédé
d'th Motet , dont l'execution parut satisfaire
S. A. S. Après les cérémonies de
l'Eglise, elle fut conduite dans une grande
Salle du Château , où l'on avoit élevé
un Théatre. Elle vit représenter par des
jeunes gens choisis de la Ville , la Tragédie
d'Oedipe , de M. de Voltaire , qui
fut suivie de Momus Fabuliste , de M.Fuzelier
. Ces deux Pieces furent assez bien
représentéss pour mériter les éloges de
S. A. S. Dans l'intervalle des deux Pieces
il y eut une petit Divertissement en Musique
, qui fut parfaitement executé et
dont voici les paroles.
Volez plaisir's heureux , enchantez nos esprits ,
Sçavantes filles du Permesse ,
Protegez nos Jeux et nos Ris ;
Quepartout on y reconnoisse,
Le goût et la délicatesse
Que vous ne prodiguez qu'à vos seuls Favoris
Volez plaisirs heureux , enchantez nos esprits.
La Fille de Condé vient embellir ces Rives ,
Druides accourez , vous , Nimphes fugitives ,
Qui vous ressouvenez d'avoir vû dans ces Lieux,
Briller ses illustres Ayeux ,
Aux accens de ma voix soyez plus attentives.
Celebrez ce jour prétieux,
L'ai
2294 MERCURE DE FRANCE
L'aimable esperance
Soutient nos désirs ,
Puissent nos plaisirs '
Et notre constance •
Fixer sa présence ;
Soyons les Rivaux ,
Des charmes de Sceaux .
La brillante Aurore
Montre ici ses feux ,
La naissante Flore
Y charme les yeux ;
Zéphir qui l'adore
La suit en ces lieux ,
Et les rend encore
Plus délicieux.
Chantons et repetons sans esse ,
Velez , plaisirs , &c..
Après la Comédie , S. A. S. fue
conduite , au bruit des Tambours , dans
la Maison la plus riante et la plus commode
de toute la Ville , où son logement
étoit préparé ; elle retrouva sur
son passage la Bourgeoisie sous les arfaisant
une double haye. Elle vit
avec plaisir les illuminations ingénieuses
dont tous les Habitans avoient orné leurs
Maisons. La Princesse passa sous de nouveaux
-Arcs de -Triomphe , que les Offciens
OCTOBRE..
ciers de Ville avoient eu
illuminer avec beauboup d'are
Elle se mit à table , et dans le meme
temps on servit par son ordre , un grand
soupé à l'Hôtel de Ville , où les Officiers
de Ville et tous les Corps de Judicatute
furent invitez . Après le souper on com
mença le Bal , que S. A. S. voulut bien
honorer de sa présence. Les Dames de
la Ville et des environs y vinrent en
Masque , habillées avec beaucoup de goût
et de magnificence. Les Danses durerent
jusqu'à quatre heures du matin , que la
Princesse et les Dames qui l'accompagnoient
, se retirerent. Le Bal cessé , tou
te la Bourgeoisie continua de monter la
Garde chez elle , et n'a point cessé jusqu'à
son départ de lui donner des mar
ques de son respect et de son attache
ment.
Le lendemain 24. S. A. S. fut occupée
à visiter les Eglises et les Monasteres de
cette Ville , laissant partout des marques
de sa libéralité. Elle vint ensuite
à l'Hôtel de Ville , les Officiers la complimenterent
de nouvean , et eurent
T'honneur de lui présenter une Collation
composée des plus beaux fruits de
La saison . La Princesse revint chez elle
où le divertissement déja donné fut exé,
cutê
CURE DE FRANCE
T
eau , accompagné de beaud'autre
Musique, S. A. S. retourna
à Anet le 25 , marquant une extrême
satisfaction d'avoir trouvé dans la
Ville de Dreux tous les coeurs si remplis
de respect et d'amour pour elle.
La compagnie de jeunes gens qni avoit
été audevant de la Princesse , se trouva
dans le même équipage à la Porte de la
Ville , dans le dessein de l'accompagner
jusqu'à Anet. S. A.S. leur sçût bon gré de
cette disposition et leur permit seulement
de la conduire à une lieuë de la Ville . Ils
revinrent à Dreux , où après avoir fait uu
grand souper dans l'Hôtel de Ville , ils
donnerent le Bal aux Dames , pour ter
miner cette galante fête .
のの
MORTS ET MARIAGES.
LE
E 18 Septembre 1733. Armand-Jean
de la Vove de Tourouvre , Evêque
et Comte de Rodez en Rouergue , Docteur
en Théologie de la Faculté de Paris,
du 12 Août 1702. mourut dans son
Diocèse âgé d'environ 60 ans. Il étoit
filleul de celebre Armand Jean Bouthillier
de Rancé , Abbé de la Trappe , et
fils
OCTOBRE. 1733 . 2297
fils puîné d'Antoine de la Vove , Marquis
de Tourouvre , Seigneur de la Guimandiere
, Auteuil , Randonnay , &c . Gentilhomme
du Perche , d'une Maison
dont l'ancien nom étoit Louel , et de
Marie de Ramefort , Dame de la Grilliere.
Il avoit été d'abord Chanoine et
Grand- Archidiacre de l'Eglise Metropolitaine
de Rouen , et Vicaire general du
même Diocèse. Il fut nommé à l'Evêché
de Rodez au mois de May 1716. et après.
avoir reçu ses Bulles de Rome ; il fut sacré
le 10 Juillet 1718. dans la Chapelle
de l'Archevêché de Paris , par feu le Cardinal
de Noailles ; assisté des Evêques
d'Auxerre , et de Sécz . Il prêta serment
de fidelité au Roy le 7 Août de la même
année. Il fut reçu Conseiller au Parlement
de Toulouse le 12 Juillet 1723. et .
assista aux Assemblées Generales du Clergé
de France de 1725. et 1735. en qualité
de député de la Province d'Albi .
Le 29 , Leon le Cirier, Seigneur Marquis
de Neuchelles , le Plessis , Ville-
Neuve , Riviere, Maréchal de Camp des
armées du Roy , Gouverneur des Ville
et Château de Sainte Menehoud , et Chevalier
de l'Ordre Militaire de S. Louis
mourut à Paris , âgé d'environ 72 ans.
Il étoit Fils de Louis le Cirier , Seigneur
da
2298 MERCURE DE FRANCE
de Neuchelles , qui étant Lieutenant des
Gardes du Corps du Roy , fut fait Gouverneur
de Ste Menehoud en 1677. Brigadier
de Cavalerie au mois de Janvier
1678. et Maréchal de Camp , le 24 Août
1688. et qui fut tué au Combat de la
Cattoire près de Leuze , le 19 Septembre
1691. et de Marie de Bucy , morte
gée de 76 ans , les Février 1714. Il
avoit été élevé Page de la Chambre du
Roy en 1679. Il eut au mois d'Octobre
1691. le Gouvernement de Sainte Me--
nehoud , vacant par la mort de son pere.
Il étoit alors depuis quelques années
Exempt des Gardes du Corps du Roy
dont il fut fait Enseigne au mois de Mars
1705. et ensuite Lieutenant. Il fut fait
aussi Chevalier de S. Louis en 1705. Brigadier
le 29 Janvier 1709. et enfin Maréchal
de Camp le premier Février 1719 .
Il s'étoit retiré du service à cause de ses
infirmités avec une Pension du Roy de
6000 livres. au mois de Février 1727. Il
avoit épousé Marie- Louise le Menestrel
de Hauguel soeur de la Maréchale de Besons
, et Fille d'Antoine le Menestrel du
Hauguel , Seigneur de S. Germain de
Laxis , des Granges , de Marsilly , & c.
Grand Audiencier de France , mort le 22
Decembre 1700.et de Marguerite Barbier
da
OCTOBRE. 1733 2299
du Metz . Il en a laissé pour fille unique
Marte- Gabrielle le Cirier de Neuchelles ,
née le 18 Decembre 17c6, et matiée le 27
Juin 1725. avec Samuel - Jacques le
Clerc , Marquis de Juigné , et de Verdelles
Baron de Champagne , et de
la Lande , Colonel Lieutenant du Regiment
d'Orleans Infanterie .
:
,
•
و
Le 3 Octobre , Dame Anne Thérese
Hébert épouse d'Antoine - François
Talon Colonel d'Infanterie , et ancien
Capitaine au Regiment des Gardes
Erançoises , avec lequel elle avoit été
mariée le 23 Novembre 1718. mourut à
Paris , dans la 51 année de son âge, étane
née le 15 Avril 1683. elle étoit fille d'André-
Pierre Hébert , Seigneur du Bue , et
de Villiers , Maître des Requêtes ordinaire
de l'Hôtel du Roy , mort le 22
Mars 1707. et d'Anne -Françoise le Gendre
sa deuxième femme , et elle avoit
épousé en premiere nôces le 27 Avril
1705. Pierre Larcher , Seigneur de Po
cancy, Conseiller au Parlement de Paris,
mort le 19 Fevrier 1706. à l'âge de 25 ans
duquel elle a en Anne Larcher de Pocancy,
son unique héritiere , née posthume
le 6 Avril 1706. et mariée le 24 May
1719. avec Marc Pierre de Voyer de
Paulmy Comte d'Argenson , Conseiller
·
+
2300 MERCURE DE FRANCE
,
et d'Etat Grand - Croix , Chancelier
Garde des Sceaux de l'Ordre Royalet
Militaire de S. Louis , Chancelier , Garde
des Sceaux , Chef du Conseil , et Sur-
Intendant des Finances du Due d'Orleans.
,
- Le sept Octobre Dame Anne-
Genevieve Brochet , fille de Philippe
Brochet , Sr de Pontcharost , Tresorier
General des Ponts et chaussées de France ,
et épouse de Jean - Simon Mouffe , Conseiller
Secretaire du Roy , Maison Cou--
ronne de France , et de ses Finances , et
Receveur General des Finances à Amiens,
avec lequel elle avoit été mariée le 29
Avril 1726. mourut en couches à Paris ,
âgée d'environ 24 ans
Le même jour , Dame Magdelaine-
Elizabeth de Baron de Cottinville , veuve
depuis le 10 Avril 1728. de Charles de
Dienne de Cheyladet , Seigneur de Chennevieres,
Lieutenant General des Armées
du Roy , Premier Lieutenant de la Compagnie
Ecossoise des Gardes du Corps de
S. M. Gouverneur de la Ville d'Agde
et des Fort , et Port de Brescou , mourut
à Paris dans la 75 année de son âge , et
fut inhumée le lendemain à S. Eustache :
sa Paroisse , elle étoit fille d'Antoine Baron
, vivant Seigneur de Châtenay , de .
Pucey ,
OCTOBRE. 1733. 2301
,
Pucey , et de Cottinville , et d'Adrienne
de Maupeou d'Ableiges , qui avoit épousé
en premieres Nôces Michel de Marescot
Seigneur de Thoiry , Maître des
Requêtes , et qui mourut le vingt- deux
Janvier 1706. âgée de quatre vingtquatre
ans. la Dame de Cheyladet avoit
été mariée le 8 May 1702. mais elle n'a
point eu d'enfans.
Le 12 Octobre la Dame Chauveton de
Voiet de S. Leger , mourut en couches
à Paris . Elle étoit troisiéme fille de Louis-
Alexandre Bontemps , Premier Valet de
Chambre du Roy , Bailli , et Capitaine
des Chasses de la Varenne du Louvre
et de feuë Dame Charlotte le Vasseur de
S. Urain , sa femme.
Le 13 Octobre , Marc Roger, Marquis
de Noé , Baron de l'Ifle en Armagnac
Seigneur de Pouy , Stancarbon , & c.
Senéchal , et Gouverneur des quatre vallées
en la Generalité de Montauban , Brigadier
des Armées du Roy , et Chevalier
de l'Ordre Militaire de S. Louis
mourut subitemenr à Fontainebleau
dans la 59 année da son âge , étant né
le premier Fevrier 1675. Il avoit été reçu
en 1689. Page du Roy en sa petite Ecurie
, d'où en sortant il entra dans la
miere Compagnie des Mousquetaires. Il
prefut
2302 MERCURE DE FRANCE
fut fait en 1692. Enseigne au Regiment
des Gardes Françoises , eut depuis un
Regiment d'Infanterie de son nom , qui
fut reformé après la Paix d'Utrecht , et
fut créé Brigadier le premier Fevrier
1719. Il avoit été marié le 2 May 1714.
avec Charlotte Colbert fille de François
Colbert , Seigneur de S. Mars , alors
Capitaine de Vaisseau , et depuis Chef
d'Escadre des Armées Navales du Roy ,
mort le 22 Janvier 1722. et de feue
Charlotte- Reyne de Lée, Irlandoise d'origine.
Il en a laissé des enfans . Il étoit
frere d'Urbain de Noé,Prêtre du Diocèse
d'Auch , Docteur en Theologie , Chinoine
de l'Eglise Métropolitaine et Primatiale
d'Auch , qui fut deputé de la
Province d'Auch , à l'Assemblée Generale
du Clergé de France tenue à Paris en
1725. et qui a obtenu du Roy au mois
de Mars dernier le Prieuré de S. Maurice
de Senlis , s'étant démis en même
temps de l'Abbaye de N. D. de Villelongne
. Diocèse de Carcassonne , qui lui
avoit été donnée au mois de Novembre
1733. la Généalogie de la Maison de Noé,
qui est de la Province de Languedoc , est
rapportée dans le 8 tome des Grands Officiers
de la Couronne ch . 15 des Grands
Ecuyers de France. p. 473.
Le
OCTOBRE 1733. 2303
Le 13 Dame Magdelaine - Susanne
,
Gigault de Bellefonds , Marquise du
Chastelet , mourut âgée de 66 ans , elle
étoit fille de Bernardin Gigault, Marquis
de Bellefonds, Maréchal de France , Che
valier des Ordres du Roy ,Premier Ecuyer
de Madame la Dauphine , Ayeule du
Roy Regnant , et Gouverneur des Ville
et Château de Valognes , mort le 4
Decembre 1694. et de Dame Magdelaine
Fouquet morte le vingt May 1716.
Elle avoit été mariée le huit Janvier
1688. avec Antoine - Charles da
Chastelet , Marquis d'Aubigny , Comte
de Clefinont, Baron de Thous , &c . Mort
au mois de Septembre 1720. étant Lieutenant
General des Armées du Roy
Gouverneur du Château , et Capitaine des
Chasses du bois de Vincennes . Elle a
Jaissé entr'autres enfans François- Bernardin
du Chastelet , Marquis d'Aubigny ,
Comte de Clefmont , Mestre de Camp
de Cavalerie , Brigadier des Armées du
Roy , du premier Fevrier 1719. et Gouverneur
, et Capitaine des Chasses de
Vincennes ; qui fut marié le 24 Avril
1714. avec Catherine Armande de Vignerot
du Plessis Richelieu , fille de feu
Armand Jean de Vignerot du Plessis
Duc de Richelieu et de Fronsac , Pair
·
3
de
2304 MERCURE DE FRANC ™
de France , mort le 10 May 1715. et d
feue Anne Marguerite d'Acigné , sa
deuxième femme , morte le 19 Août
1698.
-
Le 16 , M. Jean- Louis Héron , Receveur
des Finances en Champagne, Lieutenant
de la Capitainerie des Chasses de
Fontainebleau , et Intendant des Maison
et Affaires de Mademoiselle de Clermont,
Sur- Intendante de la Maison de la Reine,
mourut à sa Terre , laissant une Veuve
sans enfans.
,
Le Octobre M. Nicolas Guyot , Seigneur
de Chesne , Conseiller Secretaire
du Roy , Maison Couronne de France et
de ses Finances , reçu en cette Charge
en 1719. Ancien Avocat au Parlement
Immatriculé le 30 Juillet 1675. et Bailli
de la Justice du Chapitre de l'Eglise de
Paris mourut âgé d'environ 78 ans.
ayant été dans son temps un des premie's
du Barreau. Il avoit eu d'Antoinette
Pelletier son épouse , une fille unique ,
Catherine-Angelique Guyot de Chesne ,
mariée au mois d'Octobre 1725. avec
Noël Arnaud , Seigneur de Boüeix , et
de Meré , Conseiller au Parlement de
Paris , puis Maître des Requêtes . Elle
est du Roy morte en couches à Angoulême
en 1729 , laissant des enfans.
,
Lc
OCTOBRE . 1733. 2305
Le 17 Octobre , Hercule- Joseph de
Lu , Marquis Titulaire de Saluce,Comte
d'Usa , &c. Mestre de Camp de Cavalerie
, cy- devant Maréchal General des Logis
de la Cavalerie de l'Armée du Roy
en Espagne , mourut , âgé de 65 ans.
Le 19 , D. Baltazar Patiño , Marquis
de Castellar , Commandeur d'Alange de
l'Ordre de S.Jacques, Gentilhomme de la
Chambre du Roy d'Espagne , son Conseiiler
au Conseil de Guerre , Secretaire
d'Etat, et des Dépêches universelles de la
Guerre , Ambassadeur Extraordinaire et
Plénipotentiaire de S. M. C. auprès du
Roy , mourut à Paris , âgé de 63 ans . Il
ayoit été nommé à l'Ambassade de France
au mois d'Août 1730. et étant arrivé à
Paris le 23 Oct. suivant, il eut à Versailles
sa premiereAudience particuliere du Roi,
le 29 du même mois. Il étoit frere de Don
Jo eph Patiño, Commandeur d'Alevisoa,
de Ordre de S. Jacques , Gouverneur
du Conseil des Finances et des Tribu
naux endépendans ; Sur Intendant General
des Routes generales et Secretaire
d'Etat du Roy Cath.ct des dépêches universelles
de la Marine , des Indes et du
Commerce, l'un des principaux Ministres
de la Courd Espagne. Son Corps fut porté
en l'Eglise de S. Sulpice sa Paroisse , et
I CRSU
>
-
2306 MERCURE DE FRANCE
ensuite transporté en grand Convoi ,
dans l'Eglise des PP. Carmes Déchaussez ,
où il fut inhumé.
→
Le 25 , Jacques Joseph du Guet , Pretre
, natif de Monsbrison en Forêts, connu
par un grand nombre d'Ouvrages de
piété , qu'il a donnez au public , mourut
à Paris subitement, en prenant un Bouillon
, dans la 84 année de son âge , étanc
né le 19 Decembre 1649. Il fut inhumé
le 27 , sur le midi, en l'Eglise de S. Médard
sa Paroisse, avec un grand concours
de toutes sortes de personnes. Son éloge
est rapporté avec le détail de ses Ouvra
dans la derniere Edition du Dictionnaire
universel de 1732. dans le Tom. 3 .
sous la Lettre G.
ges
Le même jour , François- Nicolas Aubourg
, Conseiller , Secretaire du Roy ;
Maison , Couronne de France et de ses
Finances , et Trésorier General des Bâtimens
de S. M. Jardins , Arts et Manufactures
de France , mourut d'accident à
Paris , laissant de Marie Poupard sa femme
, N. Aubourg , Conseiller Clerc au
Parlement , Barbe Charlotte Aubourg ,
mariée avec GuillaumeAubourg,Marquis
de Boury , Garde des Rôles des Offices
de France , son cousin germain, N. Aubourg
, femme de N. Perar , &c.
OCTOBRE 1733. 2307
Le 27 , D. Marguerite le Long , épouse
de Claude- Pierre Boucher , Ecuyer, Conseiller
, Secretaire du Roy , Maison ,
Couronne de France et de ses Finances,
ancien Procureur en la Chambre des
Comptes, mourut d'apoplexie ; âgée d'environ
de 60 ans , laissant pour fils unique
Claude- Olivier Boucher , reçu Conseiller
au Châtelet en 1719. puis au Parlement
de Paris , le 24 May 1730.et marié
le 7 Decembre suivant avec la fille
aînée de feu Jean Antoine Noblet , Seigneur
de Romery , Conseiller au même
Parlement de Paris, mort le 9 Avril 1728 .
et de D. Louise- Catherine de la Salle , sa
veuve.
Le M. Pijart , Chevalier de l'Ordre
Militaire de Saint Louis , Lieutenant
Colonel d'un des 5 Bataillons du Régiment
Royal Artillerie , et Brigadier des
Armées du Roy , du 4 Avril 1721. mourut
à Perpignan , mois de septembre
1733 , âgé de près de 30 ans.
Le 30 du même mois D. Anne Geoffroi
de Coiffy , veuve depuis le 4 Octobre
1713 , de Henri Pajot , Seigneur du
Bouchet , Conseiller , Secretaire du Roy,
Maison , Couronne de France et de ses
Finances , qu'elle avoit épousé le 4 Août
1694. mourut d'une fiévre maligne à No-
I ij zay
2308 MERCURE DE FRANCE
zay en Champagne,Terre de feu Jacques
Geoffroi de Coiffy, son frere dont la mort
arrivée le 28 Juillet dernier , est rappor
tée dans le Mercure du mois d'Août, page
1893 elle a laissé deux fils et une fille qui
a été mariée le 7 Juillet 173 2, avec Jean-
Baptiste Robert Auget , Seigneur et Baron
de Monthyon , Jossigny , &c. Maître
ordinaire en la Chambre des Comptes
de Paris , veuf de Catherine-Marie- Fran
çoise Surirey de Saint Remy.
Le 20 Octobre , Anne - Charles Goislard
, Seigneur de Mont- Sabert , Baron et
Patton de Toureil , et de Richebourg ,
Conseiller en la Grand- Chambre du
Parlement , s'étant blessé en allant à sa
Terre de Mont- Sabert en Anjou , en se
jertant hors de son Carosse dont les
Chevaux avoient pris le mords aux dents,
en est mort quelques jours après à cette
Terre , âgé d'environ 55 ans. Il étoit fils
de Marc- Anne Goislard , Baron et Patron
de Toureil et de Richebourg , Conseiller
au Parlement de Paris , Doyen de
la premiere Chambre des Enquêtes , mort
le to Novembre 171 2. et d'Anne le Maître
, Dame de Mont- Sabert , morte le 26
Juillet 1711. Il avoit été d'abord Avocat
du Roy au Châtelet , et ensuite reçu
Con
OCTOBRE. 1733 230
Conseiller au Parlement en la 4 Chambre
des Enquêtes , le 22 Juin 1701. et il
monta à la Grand Chambre le 11 Février
1730. Il étoit Juge éclairé et intégre , ce
qui le fait beaucoup regretter. Il avoić
été marié en premieres nôces au mois
d'Octobre 1704. avec Marie-Louise de
Riants , morte le 16 Mars 1717 , fille unique
de Charles de Riants , Comte de
Remalart , et Baron de Vauré au Perche,
et de Thérèse - Angélique de Bourlon , de
laquelle il laisse Anne - Louis Goislard
Seigneur de Mont - Sabert, né le 12 Mars
1758.et reçu Conseiller au Parlement en
las des Enquêtes , le 16 Juillet 1732 .
Anne Jean - Baptiste Goislard , sieur de
Baillé , né le 4 Avril 1709. et reçu Constiller
au Parlement , en la 4 des Enquêtés
, le 4 Mars 1733. Marie- Anne Goislard
, néé le 31 Mai 1715. et mariée au
mois de Septembre 1731. avec M. Philibert
Rulault , aussi Conseiller au Parlement
de Paris , et une seconde fille à marier.
Il avoit épousé en secondes nôces la
fille aînée de Philippe Patu , Conseiller,
Honoraire en la Cour des Aydes de Paris
, et de feuë Loüie- Claude de Launay. '
Il laisse de ce mariage trois filles en bas
âge. André Goislard, Seigneur de la Gravelle
, Maître des Comptes à Paris, ayeul
I iij
de
2310 MERCURE DE FRANCE
de celui dont on rapporte la mort , mourút
aussi d'accident , s'étant noyé malheureusement
dans la Riviere de Seine ,
le 5 Septembre 1661 en voulant y abreuver
son Cheval, en revenant des environs
de Paris .
La nuit du 21 au 22 Septembre dernier
, Mathieu François Molé, Chevalier,
Seigneur de Champlatreux , Luzarches ,
&c. Conseiller du Roy en tous ses Conseils
, Président du Parlement, fils de feu
Jean- Baptiste Molé , Chevalier, &c. Président
du Parlement , et de Dame Marie-
Nicole le Gorlier de Drovilly , épousa
Bonne- Félicité Bernard , fille de Samuel
Bernard , Chevalier de l'un des Ordres
du Roy , Conseiller d'Etat , Comte de
Coubert, Marquis de Merry , &c. et de
Dame Pauline Félicité de S. Chamant ,
fille de feu François de S. Chamant, Marquis
de Merry , Seigneur de Mériel , de
Saucourt, de Montabois , &c.et de Dame
Bonne de Chastelus sa veuve .
La Maison de Molé est , comme tout
le monde sait , une des plus anciennes et
des plus illustres du Parlement. Elle a
fourni dans le dernier siècle plusieurs
Grands Hommes , dont la mémoire sera
toujours en vénération , et l'on n'oubliera
OCTOBR Ë. 1733. 231º
ra jamais le nom de Mathieu Molé , qui
fut successivement Procureur Général ,
Premier Président du Parlement et Garde
des Sceaux de France ; et qui dans l'exercice
de ces différentes Charges, donna des
témoignages éclatans de zéle et d'attachement
au bien public , et à la gloire de l'Etat
, particulierement durant les troubles
de Paris. Sa principale occupation pendant
qu'il étoit Procureur Général , fut
de réprimer les désordres de l'ancienne
discipline , causez par une suite de Guerres
civiles. C'étoit un homme de probité ,
actif , vigilant et consommé dans les affaires.
M. Molé qui donne lieu à cet artiticle
, est successivement le sixième Président
à Mortier de son nom et de sa Maison
, depuis Edouard Molé , pere de Mathieu
, qui se trouvant enfermé dans Paris
et contraint par ceux de la Ligue
d'exercer la Charge de Procureur Général
, fut obligé de l'accepter , pour satisfaire
le peuple et appaiser ses cris , et à
qui le Roi Henri IV. donna cette Charge
en 1602 , pour le récompenser des grands
services qu'il lui avoit rendus. La Généalogie
de la Maison de Molé , se trouve
dans le P. Anselme , derniere Edition ,
tome 6. page $ 70.
La nouvelle Fête que M. le Chevalier
I iiij
Ber2311
MERCURE DE FRANCE ་
Bernard donna à l'occasion de ce second
mariage , ne fut ni moins magnifique ni
moins brillante que celle qu'il donna le
16 du mois d'Août dernier , pour le mariage
de M. et de Mde la Marquise de
Mirepoix , dont nous avons parlé dans
le Mercure précédent.
Elle commença comme la premiere ,
par un Concert , composé des mêmes
Voix et Instrumens ; il n'y eut rien de
changé à l'ordre et au dessein de l'illumination;
sur quoi nous renvoyons à la description
que nous en avons déja faite.
On soupa sur les neuf heures dans une
nouvelle Sale , construite dans le même
Jardin , et dont la décoration tant intéricure
, qu'extérieure ne ressembloit en
rien à celle de la premiere . Le Chevalier
Servandoni , Peintre et Architecte du
Roy , à qui M. Bernard en avoit confié
l'entreprise , y donna une preuve écla
tante de son génie et de son goût singu
lier pour ces sortes d'Ouvrages .
Le Frontispice offroit aux yeux une Architecture
rustique en bossage , d'une
vetusté majestueuse et simple , representant
la façade d'un ancien Palais , au
milieu de laquelle étoit une grande Arcade
, formée par des pierres de taille
d'inégales grandeurs , et saillantes d'environ
OCTOBRE. 1733. 2313
viron quatre pouces. Les deux fenêtres
à côté de l'Arcade étoient dans le même
goût , et portoient chacune une corniche
et un fronton surmonté d'une étoile'
en saillie qui paroissoit détachée du mur.
Au-dessus de l'Arcade régnoit d'un bout
à l'autre de la façade une corniche soutenant
un fronton qui servoit de couronnement
, et dans le timpan duquel on
voyoit un Cartouche avec les Armes des
nouveaux Epoux, surmontées du Mortier
avec la Couronne et le Manteau Ducal
pour soûtien deux Cornes d'abondance
renversées.
La Décoration interieure representoit
un Salon des plus superbes , orné d'Arcades
, de Colonnes , de Figures allegoriques
, de Bas - reliefs , de Médaillons , de
Cartels et de Trophées. Tout y avoit un
rapport marqué au nom et à la dignité
de M. Molé et de ses illustres Ancêtres .
Les Attributs de la Justice y étoient pa
tout exposez d'une maniere variée et in
genieuse , ce qui a fait nommer ce beau
Lieu le Salon de Themis.
- Ce Salon qui formoit un quarré long
de 12 toises et demie de longueur sur
7toises et demie de largeur , et de 6 toises
et demie de hauteur , étoit en marbré
blanc veiné , et ouvert par 12 Arcades.
Ly de
2314 MERCURE DE FRANCE
de 19 pieds de haut sur 8 de large , dis
tribuées par trois , sur chacun des quatre
côrez . Les Ceintres , ou Archivotes.
de ces Arcades soûtenoient chacun deux
figures de Femme couchées , en marbre
blanc , plus grandes que le naturel , et
qui exprimoient differens Attributs de
la Justice . Elles étoient au nombre de 24.
réduites à douze , parce qu'elles étoient
chacune repetées deux fois. On voyoit la
premiere tenant entre les mains une Base
sur laquelle étoit representée une Ville
pour faire entendre que la Justice est le
vrai fondement de toutes les societez .
"
La deuxième tenoit un Gouvernail
pour marquer qu'il n'y a que la Justice
qui puisse maintenir les Villes et les
Etats dans la tranquillité et la sûreté.
La troisième , les yeux attachés sur un
Livre , tenoit un Equerre de la main
droite , pour signifier l'attention que
les Magistrats doivent donner à l'Etude
des Loix , et l'équité avec laquelle ils
doivent agir.
La quatriéme tenoit une Balance
symbole de l'éxactitude et de la précision
des Magistrats , en pesant les divers.
interêts des hommes , et décidant sur
leurs vies et sur leurs biens,
La cinquième tenoit un plomb sus
pendu
OCTOBR E. 1733. 2315
pendu au bout d'un cordon , pour donner
à connoître qu'un Juge ne peut pas
être en état de rendre la justice , qu'il
ne se soit bien instruit des causes , et
qu'il n'en ait approfondi toutes les circonstances.
La sixième , qui étoit nuë avec un
Soleil sur la tête , representoit la Verité
qui doit être découverte et éclairer la
Justice.
La septième , superbement vêtuë ,
portoit une Couronne et un Sceptre , et
avoit la main sur un Globe , par où on
a voulu faire entendre que la Justice est
sur la terre comme la dépositaire de la
puissance divine.
La huitième, tenoit sur ses genoux un
Enfant qu'elle allaitoit , pour exprimer
que la Justice doit prendre pour ceux
qui ont recours à elle , les tendres sentimens
d'une mere , et devenir en quelque
sorte la nourice des peuples.
La neuviéme tenoit une Bride , pour
montrer que la Justice met un frein à
Pinsolence des méchans , et les empêche
de nuire.
*
La dixième , qui portoit un Faisceau
avec la hache , signifioit que la Justice
est armée pour punir les coupables et
deffendre les innocens.-
I vj
La
2316 MERCURE DE FRANCE
La onzième se couvroit les yeux d'un
bandeau , pour faire connoître que la
Justice doit fermer les yeux à la faveur
et au crédit , pour ne les ouvrir que sur
les Loix et l'équité lui prescri
ce que
vent.
La douzième enfin paroissoit se boucher
une oreille d'une main , et montrer
l'autre ouverte , pour exprimer l'impartialité
de la Justice , qui doit tout
écouter sans se laisser prévenir,
Le pourtour du Salon étoit decoré de
24 colonnes en relief , en bréche violette
, d'ordre Ionique , de 18 pieds de
haut , y compris Bases et Chapiteaux ,
sur deux pieds de diametre. Elles portoient
leur entablement , et elles étoient
posées à côté des Arcades sur des piedestaux
de quatre pieds de hauteur, dont
les paneaux aussi en brèche violette , les
Bases et Chapiteaux dorés ; elies avoient
chacune , au tiers de la hauteur , un
bandeau richement orné , soûtenant une
tige dorée à cinq branches , garnies de
bougies. A la place du Fleuron des chapiteaux
, étoit une Etoile , qui est une
piéce des Armes de M. Bernard et de
M. Molé .
Dans les quatre Entre colonnes des
grands côtés , qui avoient 7 pieds de
large
OCTOBRE . 1733. 2317
large , d'une Arcade à l'autre , on voyoit .
huit Bas reliefs en Marbre blanc , entourés
de Festons en fleurs artificielles ,
dont quatre étoient sous les Impos.es , et
quatre au-dessus.
1
2
·
Les quatre Bas reliefs sous les Impostes
, avoient chacun huit pieds de
haut sur 4 de large , representant les
principaux Attributs de la Justice , er
étoient couronnés chacun par un Cartel
ovale , dont les ornemens étoient dorés ,
et sur le fond , peint en émeraude , on'
lisoit des Inscriptions ou Devises latines:
relatives aux sujets exprimés dans les Basreliefs
.
Dans le premier on voyoit la Justice
sous la figure d'une Femme assise sur une
base quarrée , une Balance en équilibre.
à la main , la tête et le visage voilés , et
portant une Couronne par dessus son
voile. A ses pieds étoient , d'un côté un
Barbare , tenant une chaîne d'une main ,
et un poignard de l'autre , et paroissant
vouloir lui faire violence , et de l'autrecôté
une femme en action soumise , qui
pour la fléchir , lui offroit un vase plein
d'or , sur lequel la Justice posoit dédaigneusement
le pied , pour signifier que
la seule équité doit dicter ses jugemens ,
et qu'elle ne doit ni se laisser ébranler
par
2318 MERCURE DE FRANCE
par les menaces ,
ni se laisser corrompre
par les promesses : On lisoit dans le
Cartel , au- dessus de ce Bas- relief. Fatta
aquato examine pendit.
Dans le 2 Bas relief , la Justice sous.
la figure d'une Femme aîlée , paroissoit
descendre avec rapidité , la Foudre à la
main , pour terrasser un Cyclope que
l'on voyoit renversé à ses pieds , par où
on a voulu marquer qu'il appartient à la
Justice de punir les coupables , et d'être
la vangeresse des violentes oppressions ,
ce qui étoit exprimé dans le Cartel par
la devise : Quatit sontes accinctaflagello.
Le Sujet du 3 Bas - relief étoit un Roi
assis sur un Trône , la Couronne antique
sur la tête , et le Sceptre à la main , en
action de prononcer un jugement. A sa
gauche la Justice ayant devant elle une
Balance posée sur la base du Trône
sembloit le soûtenir. De l'autre côté
Minerve avec un Casque , la Lance et le
Bouclier , exprimoit d'une maniere sensible
que la Justice et la Sagesse sont les
plus fermes appuis des Rois. La Devise
au- dessus n'avoit rapport qu'à la Justice :
Regem foliumque tuetur.
Enfin on voyoit dans le 4 Bas- relief
la Justice avec un Diadême , assise sur
un Trône et entourée de personnes
>
de
OCTOBRE . 1733. 2359
de differens âges , dont les habillemens
dénotoient l'état malheureux , et qui
sembloient applaudir et marquer leur
joye. Elle tenoit la Balance d'une main ,
et montroit de l'autre une Corne d'abondance
, pour faite entendre que la Justiçe
est la ressource la plus assûrée des
pauvres , des veuves et des orphelins
et que c'est d'elle que dépend le bonheur
et la felicité des peuples ; c'est pourquoi
on lisoit au- dessus de ce Bas - relief :
Misero tutamen in arctis.
>
Les quatre Bas- reliefs au-dessus des
Impostes , et ayant chacun 4 pieds de
haut sur 4 de large , representoient des
Enfans badinans avec les Attributs de la
Justice. Dans le premier , des enfans délioient
un Faisceau , et en rompoient les
baguettes pour en faire des fléches , ausquelles
l'Amour attachoit lui- même les
pointes.
Dans le second un de ces Amours ayant
enlevé un bassin de la Balance , et y ayant
attaché un coeur au milieu , le tenoit
élevé pour servir de but aux autres qui
s'éxerçoient à y tirer leurs féches.
Dans le troisième , l'Amour assis surun
Globe , couronné de lauriers , tenoit
son Arc d'une main , et une Balance de
Pautre ; des enfans venoient mettre à ses
pieds
2320 MERCURE DE FRANCE
pieds les Symboles de toutes les conditions
, Couronnes , Casques , Faisceaux ,
& c. l'Amour sembloit en triompher t
leur donner la loi.
Le quatriéme offroit aux yeux des Enfans
qui avoient mis dans un des bassins
de la Balance un Globe , une Couronne ,
une Epée , des Livres , des richesses , & c .
et dans l'autre un coeur percé d'une fléche.
L'Amour ayant touché l'équilibre
de la balance , le bassin où étoit ce coeur
l'emportoit sur tout le reste.
- Dans les Entre - colonnes des angles qui
Pavoient que 4 pieds de largeur , il y
avoit au dessus des impostes , quatre Médaillons
ovales en Marbre blanc , repres
sentant d'après l'Antique , les têtes des
quatre Législateurs , Numa , Minos ,
Solon et Saleucus . Et à Paplomb de ces
Médaillons , au- dessous , on voyoit quatre
Trophées en Bas - reliefs , aussi en
Marbre blanc , composés des Attributs
de la Justice , de l'Amour et de la Victoire.
Les paneaux où étoient ces Médaillons
et ces Trophées , étoient entourés
, ainsi que les autres Bas- reliefs , de
Guirlandes de fleurs artificielles . Tous
ces Bas -reliefs et toutes les Figures en
camayeu , dont nous venons de donner
Pexplication , étoient de la main du sicut
André
OCTOBRE. 1733. 2327
André , Peintre Curlandois , ils ont fait
Fadhiration des Connoisseurs les plus
difficiles , et du meilleur goût , qui en
ent trouvé la composition sage et noble ,
le dessein aussi élégant que correct , er
le clair obscur si bien entendu que toutes
ces Figures ont parû de relief , et
nous ne croyons pas que depuis Polidore
de Caravage , Disciple de Raphaël ,
on ait rien vû de mieux en ce genre.
Les douze Arcades dont le Salon étoit
percé , à l'exception de celle de la principale
d'entrée , et de celle du fond ,
avoient chacune deux portieres , ou rideaux
de Satin verd , garnis de galons
et de franges d'or , et relevés en pavillons
par des cordons et des glands avec
beaucoup de goût. Celle du fond , visà
vis l'entrée , étoit en niche , peinte en
Marbre précieux , ayant 14 pieds de
haut sur 6 de large , le fond revêtu de
congellations en or. La Base de cette
Niche étoit un pied de Fontaine à pans ,
du même Marbre , orné de Festons et
de Consoles dorées de 4 pieds de haut
sur 9 de large , 7 d'enfoncement , et plus
de trois pieds de saillie. La surface de
cette Fontaine formoit un bassin revêtu
de plomb , de huit pouces de profondeur.
Da
222 MERCURE DE FRANCE
Du milieu de ce bassin s'élevoit une
tige ou pied droit , portant deux Coupes
, ou Coquilles dorées , d'inegale
grandeur la plus petite étoit la plus
élevée de celle ci sortoit uue grosse gerbe
d'eau vive , qui retombant en nappe
dans l'autre coquille , et de- là dans le
Bassin , formoit une cascade très - abondante
, et dont la vuë fit d'autant plus
de plaisir , qu'on devoit moins s'atten
dre à la trouver dans ce Salon.
Le pied qui soutenoit la premiere Coquille
étoit revêtu de trois mufles dorés ,
jettant de l'eau dans le Bassin , du milieu
duquel s'élevoient encore sept Jets d'eau ,
dont l'inégale hauteur formoit une figure
pyramidale. Celui du milieu s'élançoir
jusques dans la coquille d'en haut , et les
six autres retomboient inégalement dans
celle de dessous.
Au-dessus de la Gerbe , étoit suspendue
une Ancre d'argent , jettant de l'eau
par les deux pointes , et cette Ancre
étoit surmontée d'une Etoile lumineuse
de cristal , qui jettoit aussi de l'eau de
tous les côtez , ensorte qu'elle paroissoit
être au milieu d'un Soleil d'eau , ce qui
figuroit avec beaucoup d'artifice le blazon
des Armes de M. Bernard.
Le ceintre de la Niche étoit couvert
d'une
OCTOBRE . 1733. 2323
d'une Banderole peinte en émeraude , sur
laquelle on lisoit cette Devise : In patriam
populumque fluxit.
Sous les deux Arcades à côté de là
Niche étoient deux Buffets pour la distribution
du Vin , des Liqueurs , & c.
et au-dessus deux Tribunes avec des
Balustrades dorées à hauteur d'appui.
Les quatre Arcades aux extrêmitez des
grands côtez étoient entierement ouvertes.
A la premiere , à droite , aboutissoit
la Galerie couverte , qui communiquoit
de plein pied aux Appartemens du rezde
chaussée . Elle étoit tapissée de Damas
cramoisi , galonné d'or au dessus d'un
lambri à paneaux , et oruée de Trumeaux,
de Glaces , et de Girandoles . On avoit
pratiqué derriete les deux grands côtez
du Salon , des Galeries de sept pieds de
largeur , lambrissées , et richement tapissées
, qui communiquoient d'une Arcade
à l'autre , et l'on voyoit au fond de
chacune de ces Arcades des Tables de
Marbre , des Glaces , des Lustres ,
Torcheres et des Girandoles ce qui
trompoit agréablement les yeux , et faisoit
croire que ces Arcades formoient les
entrées d'autant d'Appartemens differens.
›
des
L'Arcade du milieu du grand côté , à
gauche
2324 MERCURE DE FRANCE
›
gauche , étoit fermé par un grand pa
neau de glaces , qui répétoient le Salon
dans toute son étenduë et celle qui
étoit vis à- vis à droite , étoit seulement
vitrée , pour donner passage au jour , et
laisser à un grand nombre de Spectateurs
la liberté de jouir du Spectacle du
Salon .
Les deux Arcades à côté de celle d'entrée
, embrassoient les deux- croisées vitrées
dont on a parlé en décrivant le
Frontispice,
Frontispice . Les fonds des Arcades ou
vertes ,des Tribunes et des Buffets étoient
meublés de Damas cramoisi , galonné
d'or.
en
La Frise qui régnoit tout autour du
Salon étoit ainsi que les Colonnes
bréche violette . Les ornemens de l'Architrave
et de la Corniche , selon l'ordre
Ionique , étoient en or. Au - dessus du
milieu des Arcades étoient différens
Cartouches d'Armes et Cartels de Devises
dorés en relief. Les Armes y étoient
blasonnées avec les émaux et couleurs propres,
et les devises étoient écrites dans les
carrels sur un fond vert. On voyoit les
armes des nouveaux Epoux répétées avec
tous leurs attributs et ornées de Guirlanlandes
de fleurs , en trois differens , endroits
; au dessus de l'Arcade de la Fontaine
,
OCTOBRE . 1733 2325
taine , et au dessus des Arcades du milieu
des deux grands côtez , celles de M. Bernard
étoient au dessus de l'Arcade d'entrée.
Dans le cartel posé sur l'Arcade à
gauche de la Fontaine , on lisoit cette devise
M. Molé : Hares virtutis avita.
pour
Sur l'Arcade voisine du grand côté ,
cellec- cy qui regardoit les deux époux :
trajecit utrumque sagitta.
Les deux qui étoient sur les mêmes Arcades
, de l'autre côté , convenoient à la
jeune Epouse : La premiere étoit : Magno
Patre nata puella est ; et la seconde : Quam
jocus Circumvolat et cupido.
La devise qui étoit sur l'Arcade à droi
te des Armes de M.Bernard , exprimée en
ces termes : Illum aget fama superstes , annonçoit
que ses grandes qualitez feroient
passer sa mémoire à la postérité ; et pour
marquer le noble usage qu'il fait de son
bien , on avoit mis au dessus de l'Arcade
de la Galerie des Appartemens : Beata
pleno copia cornu . Sur les mêmes Arcades,
du côté opposé , on lisoit ces deux devises
: Serus in coelum redeas , et Hic ames
dici pater, exprimoient les voeux de la famille
de M. Bernard , pour sa conservation
et la durée de ses jours .
Rien n'étoit plus brillant que le Plafond
de ce superbe Salon. Il avoit 25 .
pieds
2326 MERCURE DE FRANCE
pieds d'élevation et étoit composé de
plusieurs Travées en compartimens, alignées
d'une colonne à l'autre , et les
compartimens étoient formez par des Paneaux
quarrez et octogones , régulierement
assemblez , dont le milieu , les
moulures et les ornemens étoient en or.
Les Paneaux octogones avoient au centre
une grosse Etoile d'argent , et ils étoient
tous séparez les uns des autres , suivant
les lignes de leur direction aux colomdes
Guirlandes de fleurs peintes
par
au naturel, et par de grosses Roses dorées
en relief , qui couvroient les angles des
Paneaux , ce qui produisoit aux yeux un
effet aussi riche que varić ; ce Plafond,
aussi bien que l'Architecture de la façade
, avoit été peint par le sieur Pietre ,
Vénitien , très - habile en ce genre . C'est
le sieur Chouasse , qui a fait tous les
Ouvrages de Sculpture.
nes ,
Dans le milieu du Salon étoit la même
Table en fer à cheval qui avoit servi
pour la premiere Nôce. L'Illumination
de ce Salon répondoit parfaitement à la
magnificence de la Décoration ; il étoit
éclairé de toutes parts par un grand nombre
de Lustres et de Girandoles , dont
il est aisé d'imaginer le brillant effet.
Les Conviez descendirent dans le Salon
;
OCTOBRE . 1733. 2327
ion , comme à la précédente Nôce , au
bruit des Timbales et Trompettes, L'Assemblée
ne fut ni moins nombreuse , ni
moins brillante ; les Ministres , les principaux
Seigneurs et Dames de la Cour y
assisterent. La magnificence du Chevalier
Bernard fut également admirée dans
l'abondance , la varieté et la délicatesse
des mets et des vins qui furent servis,
>
On avoit disposé dans trois endroits
differens du Salon , trois corps de Symphonie
, l'un de Violons , Haut- bois et
Flutes , l'autre de Trompettes ct Timbales
, et le dernier de Cors de - Chasse
lesquels se répondant alternativement les
uns aux autres pendant tout le souper
et se joignant au murmure des Eaux de la
Cascade , flaterent agréablement l'oreille.
Au premier Service les sieurs Charpen
tier et Danguy , habillez en Bergers , entrerent
dans le Fer- à- cheval , le premier
joüant de la Musette , et l'autre de la
Viele. La Dlle Salé , célebre Danseuse ,
très- galamment vétuë en Bergere , vint
se placer entre eux deux ; elle sembloit
exprimer son étonnement et leur demander
la cause d'une Fête si superbe . Les
deux Bergers la conduisirent auprès de
Ma nouvelle Epouse , à qui elle présenta
un magnifique Bouquet. Elle continua
de
2328 MERCURE DE FRANCE
guant
de former quelques . Pas de danse , feide
chercher encore une autre personne
, et s'arrêta vis- à - vis la place qu'oc◄
cupoit M. Bernard ; elle lui présenta un
autre Bouquet , après quoi elle se retira.
Elle revint au dessert , pendant lequel
elle dansa differentes Entrées dans la plus
grande perfiction et avec des applaudissemens
infinis.
On sortit de table à minuit pour se
rendre à S. Eustache , où les nouveaux
Epoux devoient être mariez. Il nous pa--
roît inutile de nous étendre sur l'Illumination
et la Décoration de l'Eglise . Tout
Paris en a été témoin , et d'ailleurs nous.
n'aurions rien à ajoûter à ce que nous en
avons dit dans le dernier Mercure.
..Ce fut encore M. le Curé de S. Eusta
che qui fit la célebration du Mariage
et pendant tout le temps qu'elle dura
on entendit le bruit des Timbales et des
Trompettes , mêlé avec l'harmonie de
l'Orgue.
Nous avions intention d'ajoûter à cette
Description quelques Estampes , pour
donner au Lecteur une idée de ce superbe
Salon de Thémis , comme nous l'avons
fait pour le Temple de Mars , mais let
peu de temps que nous avons eu pour
faire graver ces Morceaux dans la perfection
OCTOBRE . 1733. 2325
fection qu'ils auroient demandé , ne nous
a pas permis de donner cette satisfaction
au Public.
TABLE
Ieces Fugitives . L'utilité des Prix Académi- Pleces
miques , Ode ,
2115
Conjectures sur une Gravûre antique ; Amulette
contre les Rats , &c. 2120
Vers sur un Madrigal à Mlle de la Vigne , 2134
Extrait d'une Lettre sur Vetera Domus , &c . 2136
Ode contre le Duel , 2140
Lettre sur la Traduction de M. de Montaigne ,
2144
2148 La nécessité de mourir , Ode,
Remarques sur l'Orthographe moderne , 2153
Madrigaux imitez du Guarini , &c . 2157
Lettre d'un Frere Jardinier & c. sur les Greffes,
Le Triomphe de la Raison , Ode ,
2160
2175
2179
Lettre sur le Cabinet des Médailles des Jésuites
de Tournon ,
Traduction en Vers , du premier Pseaume, 2184
Remarques sur le combat de Cupidon et d'un
Cocq, gravure antique ,
Vers à Me Félicité ,
Enigme , Logogryphes , & c.
2185
2189
2192
Nouvelles Litteraires des beaux Arts , &c. 2196
Le Zodiaque de la vie humaine ,
Observations importantes sur lesAccouchemens,
& c.
Panégirique de S. Louis , & c.
d'Angleterre , de Toyras.
2197
2205
2206
Remarques historiques et critiques sur l'histoire,
K
2273
Histoire
Histoire des Empires et des Républiques ', depuis
le Déluge jusqu'à J. C.
Lettre sur le Bureau Typographique ,
8217
2218
Avertissement de l'Auteur de la nouvelle Méthode
pour apprendre la Musique ,
Prix de l'Académie de Bordeaux ,
2222
2227
Tableaux etEstampes nouvellement gravées, 2229
Chanson notée , &c .
2232
Spectacles , Hypolite et Aricie , Extrait , 2233
Nouvelles Etrangeres , de Pologne , Manifeste
de la République , & c.
De Dannemarck , Allemagne et Italie ,
Païs - Bas et Grande Bretagne , &c.
Morts des Païs Etrangers ,
2241
2262
2255
1
2267
Article de la Guerre. Motifs des Résolutions du
Roy , &c. ibid.
Déclaration faite au nom de S. M. 2275
Déclaration de l'Empereur ,
*
2278
Copia Declarationis Imperatoris , &e. 2277
Lettre du Roy au Primat , &c . 2279
Declaration aux Electeurs , &c. ibid.
Ordonnance du Roy , portant Déclaration de
Guerre contre l'Empereur , 2080
Officiers Généraux de l'Armée d'Allemagne ,
1282
2283
2286
2283
Officiers Généraux de l'Armée d'Italie ,
Siége du Fort de Kehl , & c.
NOUVELLES de la Cour , de Paris ,
Reception faite à Madame la Duchesse du Maine
, par la Ville de Dreux ,
Morts et Mariages ,
229
2296
Fête donnée à l'occasion du Mariage de M. le
Président Molé , 2310
Faute à corriger dans le Mercure de Juin , à
l'article desNouvelles ou parlant de l'Abbé Cervini
,
vini , Auditeur General de la Légation d'Avigro
; on nomme cet Abbé , Recteur de l'Eglise
de Carpentras. M. l'Abbé Cervini a été nommé
par le Pape pour être Recteur du Comtat Venaissin
; ce Prélat fait sa résidence à Carpentras, qui
en est la Ville Capitale.
Errata de Septembre.
Page 1919. ligne 3. Juillet , lisex Août . P.1922
1. 8. premier Sermon de la Résurrection ,
1. Sermon de la sainte Croix . P. 2075. 1. 23..
Laubine , . Laubepin. P. 2076. lig. dern. Destreans
, l d'Estrehan. P. 2077. 1. 4. Vassey , l .
Vassy. Lign 7. Todoas , l, Faudoas. P. 2081.
1. dern . lequel , l . il. P. 2086 , l . 5. Bournau , l.
Bournay. P. 2088. 1. 18. Royennes, l Voyennes .
P. 2095.1. 12. Reuilly , . Veüilly. P. 2097. L.
16. Terredes , comme plus haut, Terrides. P. 2103
1. 8. d'un , l . d'une, P. 21 10. l. 1. ses , l. les .
Fautes à corriger dans ce Livre.
PAS
Age 2143. ligne 16. intelligible , lisez in intelligible.
P. 2214. 1. 29. l. connus. P. 2217.
1. 19. Urane , l. Uranie . P. 2239. 1. 17. les , l. le
P. 2241. 1. 4. chez lui , ôtez ces deux mots .
P. 2258. 1. 1. Diptôme , l. Diplome . P. 2261 .
1. 12. Mariemar , 1. Mariemont . P. 1264. 1. 2.
pour , ajoûtez , leur. Ibid. 1. 3. ou , l . et. Ibid.
1. 2. du bas , Falconin , l . Falconieri. P. 2271 .
1. 1, il est , l. est-il.
ĽAir noté doit regarder la page 2232
Ces Figures doivent regarder la page
2160. LETTRE et Observations sur
la maniere dont le Sujet et la Greffe s'u-"
nissent dans les Arbres greffez.
DE FRANCE ,
DEDIE AU ROT.
SEPTEMBRE . 1733 .
CITY
RICOLLIGIT
SPARGIT
TOR
Papilio
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER .
ruë 5. Jacques.
Chez LA VEUVE PISSOT , Quay de
Conty , à la descente du Pont -Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais,
M. DCC. XXXIII.
vec Approbation & Privilege du Roy
FIRE NEW You
PUBLIC LIBRARY
385191
TILDEN FOUNDATIONS
AVIS.
夔
ASTOR , LOX MODRESSE generale est à
Monfieur MOREAU , Commis au
Mercure , vis - à - vis la Comedie Francoife
, à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets cachetez
aux Libraires qui vendent le Mer
cure, à Paris , peuventſe ſervir de cette voye
pour les faire tenir.
On prie très-inftamment , quand on adreffe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non -feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de les perdre, s'ils n'en ont pas gard
de copie. 氨
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , on les Particuliers qui ſouhaiteront
avoir le Mercure de France de la
premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreſſes à M. Moreau ,
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de de les faire porterfur
temps,
Pheure à la Pofte , on aux Meffageries qu'or
lui indiquera.
PRIX XXX . SOLS.
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AV ROT.
SEPTEMBRE. 1733 .
*************************
PIECES FUGITIVES ,
en Vers et en Prose.
LE
CANTIQUE
DES CANTIQUES.
Suivant l'esprit des SS . Peres . Chap. 3.
Imable et sainte solitude ,
Où sous les yeux de mon
Epoux ,
Libre de toute inquiétude ,
Tranquile , je goutois le repos le plus doux ;
Vous n'avez plus pour moi les mêmes charmes
,
A jj Vos
Vos attraits sont perdus sans cet objet divin ;
Dans une épaisse nuit et parmi mes allarmes ,
Je le cherche par tout , et je le cherche en vain,
Témoin de ma douleur , parlez , ô Cité sainte ,
De vos sacrez Remparts j'ai parcouru l'enceinte
Mais en vain de mes pleurs , tout mon sein s'est
lavé.
Où ne m'a point conduit l'ennui qui me dévore
?
Par tout j'ai demandé cet Epoux que j'adore ;
Je l'ai cherché par tout et ne l'ai point trouvé.
yois à quel point tu me transportes ,
Cher objet de ma passion ;
J'ai rencontré sous les murs de Sion ,
La Garde qui veille à ses Portes ;
Je leur demande tour à tour :
N'a-t-on point vû l'objet que cherche ma tendresse
?
Touchez des cris que mon coeur leur addresse
,
Ils ont respecté mon amour.
J'avance , et non loin d'eux , mais dans ce mo
ment même ,
Où mon espoir cessoit d'être flaté ,
Je retrouve celui que je cheris , qui m'aime ,
Et dans mes bras pressans , je le tiens arrêté ;
J'ai joui de sa vûë , et ne l'ai point quitté,
Que touché de mes feux, sensible à ma priere ,
Je ne l'aye emmené jusques au Sanctuaire.
Dans
SEPTEMBRE . 1733. 1503
Dans le sein de la Charité.
Quelle est dans sa route enflammée ,
Celle qui des déserts s'éleve jusqu'aux Cieux ,
Comme un Tourbillon de fumée ;
Qu'exalent à grands flots des parfums précieux?
Voici ce lit , ces ombres , ce mystere ,
Où repose le Salutaire ;
Déja fameux par de brillans succès ,
Les braves d'Israël en deffendent l'accès ,
Et placent là tout l'honneur de leurs armes
;
Leur glaive à la victoire instruit ,
En écarte au loin les allarmes,
Et les surprises de la nuit.
Salomon couronné par les mains de sa Mere ,
Est monté sur un Char plus lumineux encor
Que le bel Astre qui l'éclaire :
"
Les Cedres du Liban , l'argent , la pourpre ,
For ,
Forment ces diverses parties ,
Par un art délicat l'une à l'autre assorties.
A ■ dedans avec ton flambeau ,
Ardente Charité , c'est toi seule qui brilles ,
O , de Jérusalem , accourez , chastes filles
Et repaissez vos yeux d'un Spectacle si beau,
>
1
Aiij SUITE
13
1904 MERCURE DE FRANCE
> SUITE de la Lettre de M. Clerot
Avocat au Parlement de Rouen , sur
les avantages des Gens mariez en Nor
mandie , &c.
N
SECOND TEMPS..
Os premiers Rois de la seconde
Race , préparérent , sans y penser ,
le changement que la foiblesse des derniers
Rois de cette même Race apporta
dans le Royaume . En effet , Charlemagne
ayant entrepris de dompter , et de
convertir les Saxons , en remplit les différentes
Provinces Les Lombards que ce
Prince mit au nombre de ses sujets , et
qui étoient Saxons d'origine , se répandirent
dans les principales Villes , sous
Louis le Débonnaire ; et les Normands
qui n'étoient autres que Saxons et Danois
, acheverent d'inonder le Royaume
de nouveaux habitans , sous Charles le
Chauve et Charles le Simple.
Il est aisé , Monsieur , de voir dans
l'Histoire , qu'au moins les Côtes Maritimes
, depuis l'extrêmité des Païs - bas,jusques
au fond de la Bretagne , furent
remplies de ces derniers Peuples ; en quoi
1
ils
SEPTEMBRE. 1733. 1905
ils ne firent que se mêler avec leurs an
ciens compatriotes , puisque beaucoup
de Saxons , dans la décadence de l'Empire
, s'étoient emparez de ces Côtes , au
point que notre Païs de Caux , de Ponthieu
, le Boulenois, et autres , en suivent
encore les Loix , que du temps de Grégoire
de Tours , les Habitans de notre
Basse -Normandie étoient encore appellez
Saxons Bayeusains , faisant , comme
je vous le prouverai , partie des Peuples
qui s'allierent aux François , sous le nom
de
Ripuariens , et qui avoient autrefois
porté celui d'Armoriques , c'est-à -dire
Habitans des bords de la Mer.
Ces Peuples avoient entr'eux le Droit
des Fiefs , sur l'origine duquel nos Auteurs
ont tant de peine à s'accorder. Les
Comtes du Palais , dont l'authorité et les
vuës tendoient à usurper la Couronne ,
embrasserent cette nouvelle maniére de
posséder , qui leur paroissoit propre à se
faire des créatures , et delà cette conversion
de Bénéfices en propriétez féodales
, d'où vient enfin la Maxime : Nulle
terre sans Seigneur. Voici comme Beaumanoir
en parle , sur les usages du Beauvoisis
: Vous jugerez par là de quelle maniére
cette maxime s'est introduite.Quand
li Sire , dit cet Auteur , voit aucun de ses
A iiij
SoW
1906 MERCURE DE FRANCE
* Sougiez tenir heritage desquiex il ne rend
nu lui Cens , Rentes ne Redevances, li Sire ,
i peutjetter les mains et tenir comme seu e
propres , car nus , selon notre Coutume , ne
peut pas tenir des Alués , et l'en appelle Al-
Jues ce que l'en tient sans nulle Redevance ,
nu lui ; et se li que s'aperçoit avant que nus
de ses Sougiés , que tel Alues soit tenu en sa
Comtée, il les peut penre comme siens ne n'en
est tenu à rendre ne à répondre à nus de ses
Sougiés, pourche que il est Sire de son Droit
et de tout che que il trouve en Aleux.
La fortune des Seigneurs , et même
des particuliers , devenant plus considérable
, nos Ducs , en embrassant les Loix
Françoises , voulurent que quantité de
biens , qui passoient aux femmes et aux
maris , selon les conventions , ou de la
Loy ou de leurs Contrats, ne fussent plus
possédez qu'à vie ; delà , cette Loy des
Saxons introduite dans le Païs de Caux ,
et qui accordoit la moitié des Conquêts
à la femme en propriété , fut réduite à
l'usufruit , n'ayant plus lieu que pour les
Maisons de Ville , appellées dans notre
vieille Coutume , Biens , in Borgagio ; et
pour les meubles ou effets mobiliers de la
succession : De eo quod vir et mulier simul
conquiserint , mediam portionem mulier acsipiat.
Delà , les Conquêts faits en Coutume
SEPTEMBRE. 1733. 1907
tume générale , qui , selon les Loix Ripuaires
, étoient pour la femme du tiers
en propriété, furent réduits à l'usufruit
sauf , comme nous venons de le dire , les
biens en Bourgage et les meubles , compris
anciennement ; ensemble , sous le
nom d'effets mobiliers , appellez , Catal
la , Catels , Chaptel , Chatels.
Delà le Droit de Viduité du mary ,
qui selon le Capitulaire de Dagobert ,
étoit la propriété des biens que laissoit la
femme , ne fut plus, qu'une possession à
vie : Delà enfin la Dot que les Maris
constituoient en faveur de leurs femmes,
comme ils le trouvoient bon, en donnant
des biens à perpétuité , et en tel nombre
qu'ils vouloient , fut fixée au tiers des
héritages et réduite à un usufruit. Notan
dum ergo est quod relicia in dotem debet
per consuetudinem Normania tertiam partem
totius feodi quod Maritus suus tempore Matrimonii
contracti dinoscitur possidere.
Examinez, Monsieur, le chapitre 102.
de notre ancienne Coutume , et vous y
verrez des exceptions singulières , entre
autres celle- cy : Natandum etiam est quod
nulla mulier Dotem reportabit defeodo Mariti
sui , si inter ipsos divortium fuerit cele
bratum licet pueri ex ipsis procreati hæreditatem
habeant et legitenti reputentur. Ille
A V enim
1908 MERCURE DE FRANCE
enim sola mulier dotanda est de mariti sui
feodo qua in morte cum eodem invenitur
Matrimonio copulata , si autem contracto
Matrimonio maritus decesserit ; nondum ipsis
in simul in eodem receptis cubiculo relictâ
de terrâ suâ nullam Dotempoterit reportare.
Je passe à notre Droit de Viduité , selon
le changement que nous y avons re
marqué.
Une preuve que ce changement est
l'ouvrage de nos premiers Ducs , c'est
que ce droit n'a été introduit en Angleterre
que dans sa restriction d'un Usufruit
; d'où vient que Litleton nous le
rapporte en ces termes : Si lo femme de
vie , le Baron tenra le Fié durant sa vie >
par la Ley d'Angleterre ; d'où vient que
dans le Liv. 2. ch . 58. du Livre appellé
Regiam Majestatem , attribué à David ,
premier Roy d'Ecosse , en 1153. ce droit
est particulierement borné à l'Usufruit :
Si idem vir uxorem suam super vixerit,
sive vixerit hæres , sive non ; illi verò pacificè
in vitâ suâ ,remanebit illa terra;post mortem
verò ejus ad hæredem , si vixerit, vel ad
donatorem vel ejus hæredem terra revertetur.
Dans cette Loy , vous trouverez ;
Monsieur, la preuve que c'est icy le Capitulaire
de Dagobert même , au change
ment près , dont nous venons de parler.
En
SEPTEMBRE . 1733. 1909
En effet , elle veut expressément comme
Capitulaire , que l'Enfant soit entendu
crier et pleurer entre les quatre murailles
: Cum terram aliquam cum uxore sua
quis acceperit in Maritagio et ex eodem haredem
habuerit auditum vel bruyantem inter
quatuorparietes. Ainsi Litleton dit qu'en
Angleterre , où ce droit est appellé Courtoisie
, on prétend qu'il ne peut être acquis
si l'Enfant n'a crié : Ascuns ont dit
que si ne sera tenant par le Curtesie , sinon
que l'Enfant qu'il ad par sa femme soit oye
arier ; car par le crie est prouvé que l'Enfant
né vifve. Ainsi Thomas Smith assure que
L'Enfant doit être vû remuer et entendu
pleurer : Clamando. Passons à présent aux
autres changemens qui ont été apportez
tant à ce Droit qu'aux autres Usages ens
France et en Normandie..
Il s'éleva parmi nous une difficulté ,
sçavoir si le Mari qui se remarioit , conservoit
les effets de ce droit ; il passa qu'il
falloit qu'il restât veuf ; C'est la décision
d'un Arrêt de l'Echiquier , tenu à Falai--
se , au terme de S. Michel , en l'àn 1210 ,
qui s'explique ainsi : Judicatum est quod
maritus qui habuit hæredes de uxore sua:
Maritagium tenebit ejus quandiu erit sine
uxore.
Une autre difficulté s'étoit élevée dans
A vj la:
1910 MERCURE DE FRANCE
le cas où la femme auroit eu un premier
mari ; il paroissoit rude de donner l'Usufruit
du bien de cette femme à un second
mari , tandis qu'elle pouvoit avoir des
enfans du premier : Cela fut terminé à
Paris , dans ce que nous appellons : Etablissemens
de France ; et en Normandie ,
par un Arrêt de l'Echiquier , tenu à Caën,
Pan 1241. au terme de Pâques. Voicy
d'abord comme parlent les Etablissemens,
liv . 1. ch. 11. Gentilhomme tient sa vie ce
que l'en l'y donne aporte de montier en mariage
après la mort de sa femme tout n'ayt
il hoir pour qu'il ait en hoir , qui ait crié
et bret se ainsi est que sa femme li ait été
donnée pucelle . Je ne sçai si cette Loy
exigeoit que les maris fissent paroître
comme chez les Juifs,les témoignages de
la virginité de leurs Epouses ; mais je sçai
que l'Arrêt , dont je viens de parler , ne
nous demande point de preuves si équi
voques ; qu'il se contente d'ordonner
que pour acquerir le droit de viduité il
faut la femme n'ait pas eu de premier
mari. Judicatum est quod si aliquis
bomo ceperit uxorem et non habuerit alterum
virum et habuit hæredes vivos aut mortuos
que
و
>
priùs decessum uxoris sua , tenebit omnem
bareditatem uxoris per totam vitam suam
quandiù vixerit sine uxore. Voilà quelques
SEPTEMBRE . 1733. 1911
ques changemens ; passons aux autres.
La découverte du Droit Justinien , faite
dans le milieu du 12 siécle, ayant porté les
François à embrasser avec chaleur l'étude
des Loix Romaines, il n'est pas croya
ble combien cette étude et l'abus qu'on
en fit , défigura le Droit Municipal : Je ne
vous dirai rien de moi - même ; voyez la
Dissertation que vous avez sur la recep
tion du Droit Civil en France ; voicy
comme elle s'explique : Les subtilitez du
Droit Romain ne servirent qu'à opprimer
la vérité et l'innocence , à faire la guerre
au bon sens et à faire triompher l'injustice
et le mensonge , à chasser peu à peu cette ancienne
probité et simplicité Gauloise , qui
faisoit la félicité des Peuples de France.
}
>
Si vous souhaités , Monsieur , un Auteur
moins suspect , vous pouvez voir
Pierre des Fontaines , Conseiller de saint
Louis et un des Maîtres du Parlement :
Voicy comme cet Auteur qui écrivoit
en 1250 , s'explique : Mais as Coutumes
ke nous avons me truit moult ébabys , purce
que les anchiennes Coutumes ke li prudommes
soloient tenir et usien sient moult anoïenties
, partie per bailliens et per prévos , ki
plus entendent à leur volenté faire, ké a user
des Coutumes, et partie per le volenté à ceux
qui plus sa herdene à leurs avis ke as faits
des
1912 MERCURE DE FRANCE
li
des anchiens ; partie plus par les Rices qui
ont soufiert et depouillés les poures et ores
sont le riches par les poures de pooste. Si ke
Pay's est à bien pres sans coutumes . Si ke
puis n'a pas avis d'ou de quatre ou de trois:
faits est ample de coutumes ki tiegnent , et de
cet al avient il a le fois ke cix en pert ki
gaagnierdent, car li avis est mult perilleux,
kne sient en Loix Ecritte ou Coutume.
éprouvée ; car nulle coutume n'est plus plé
niérement destintée comme de Droit faire si
comme le Loy dit..
Ainsi , pour ne point sortir de notre
espéce , ce que nous appellons la Dot des
femmes, fut nommé leur Douaire fixé en
France , par les chap. 14. des Etablissemens
, comme il avoit été en Normandie
, c'est- à- dire , au tiers à vie . Ce Douaire
dans quelque partie du Royaume a
changé , en conséquence de l'Ordonnance
rendue par Philippe Auguste , en 1214
qui le regle à la moitié également à vie,
sur les biens du mari.
Ce que nous appellions Maritagium ;.
Mariage de la femme , fut appellé Dot
à la maniere des Romains , et dans le cas
où ce mariage n'étoit qu'en deniers , on
le divisa chez nous en deux parties . La
premiere , que le mary assignoit sur un
certain fonds de son Patrimoine, et dont
la
SEPTEMBRE. 1733. 1913
la valeur étoit proportionnée , ce qui fuc
essentiellement la Dot ; et la seconde ,
qui teroit lieu du Present de nôces , .fait
au Mary par la femme ; ce qui fut véritablement
appellé le Don mobile , et qui
consistoit en si peu de chose , que notre
ancienne Coutume et notre nouvelle n'en
ont fait aucune disposition expresse.
Ce que nous appellons Osculagium , à
cause que dans les premiers temps la consommation
de tous les marchez se terminoit
par le Baiser , dont on faisoit
même mention dans la Chartre , appellée
pour cela Libellum Osculi , fut désigné
chez nous sous cette dénomination
Grecque et Latine , Paraphernaux. La cérémonie
du Baiser de paix devint un
Droit féodal , que les Seigneurs se reserverent
; d'où vient ce terme de droit
de Culage , exprimé par corruption , dans
les anciens Aveux , pour Osculage. Vous
sçavez que le Président de la Ferté a plusieurs
Vassaux dans sa Paroisse de Vibeuf,
qui lui doivent encore le droit de Culage.
Quant au droit de Viduité , observez ,
s'il vous plaît , que l'Auteur de notre
vieux Coutumier, peu fidele en plusieurs
articles , a crû pouvoir sur celui - ci retrancher
ce que les anciennes Loix ont
dit de la nécessité d'entendre l'Enfant
crier
1914 MERCURE DE FRANCE
crier , et qu'il ne s'est pas même expliqué
sur l'état de la femme avant son
mariage . Voici comme il parle : Cotiume
est en Normandie de pieça si ung homme
a eu Enfant qui ait été ney vif, jaçoit ce
qu'il ne vive , mais oulle la terre qu'il tenoit
de par sa femme au temps qu'elle mous
rût, lui remaindra tant comme il se tendra
de marier quand il sera mort , ou quand il
sera.marié , la terre qu'il tenoit par la raison
de la veuveté reviendra aux boirs à la femme
à qui elle devoit échoir de la mort.Vous
sçavez , sans doute, que le mot Pieça,a fait
tomber dans l'erreur tous ceux qui n'ont
pas cu le Texte Latin, où nous trouvons :
Consuetudo enim est in Normannia ex antiquitate
approbata.
-
Nous voyons que dans le temps de
Charles VI. le Droit de Viduité avoit en
core quelque vigueur en France, puisque
Bouteiller , Conseiller Maître du Parlement
, et qui vivoit sous le Regne de ce
Prince , nous assure en sa Somme Rurale
, que dans la Prevôté de Paris , à Orléans
, en Anjou et en Touraine , ce Droit
y étoit encore reçû : Sçachez , dit- il , que
Gentilhomme tient durant sa vie ce que don
né lui est en Mariage aporte de Montier
àl'Epousaille faite après la mort de sa femme,
j'açait que nuls enfans n'ait , mais que
beir
SEPTEMBRE . 1733. 1915
hoir maale ait eu qui ait eu vie sur terre et
que la femme l'y ait été donnée Pucelle ; car
Sveuve l'avoit prinse , ou notoirement diffamée
non Pucelle , le don ne tiendroit après
la mort d'icelle. Ce Droit , enfin , à l'exception
de la Normandie , s'est éteint en
France , et nous n'en voyons de vestiges
bien marquez que dans les Coûtumes aux
extrêmitez du Royaume , comme celle de
Bayonne , tit. 19. art. 12. et celle des
Bailliages de Lorraine , art . 12 , 14 et 17.
Ceux qui ont rédigé notre nouvelle
Coûtume , se sont icy attachez scrupu
leusement à l'ancienne , sans s'embarrasser
si l'Auteur a suivi les vrais principes
et en adoptant son erreur grossiere dans
le cas où la femme décédée a des enfans
d'un premier mariage ; ils ont ajoûté que
le mary non-seulement a le droit de viduité
sur les biens de sa femme , encore
bien qu'elle aye été veuve et mere, mais
que ce droit lui est acquis , an préjudice
des Enfans de saditte femme , de quelques
mariages qu'ils soient sortis.
Il ne me reste plus qu'à vous parler du
Don mobile; ce n'étoit encore en ces derniers
tems qu'un simple présent de nôces,
et qui ne consistoit qu'en quelques effets
mobiliers , si peu considérables , que ce
Droit même , comme nous venons de
l'ob1916
MERCURE DE FRANCE
l'observer , n'a pas mérité l'attention de
nos Rédacteurs ; voyons comment il est
devenu important :
D'abord les femmes qui n'ont apporté
en Dot que des héritages , ont fait présent
à leurs maris d'une certaine somme
en Don mobile , à prendre sur leurs immeubles
jusqu'à la concurrence du tiers.
Cela a causé des contestations ; mais les
Arrêts se sont enfin déclarez en faveur
des maris.
>
Ensuite certe Jurisprudence étant bien
affermie , on a fait des Contrats de mariage
, où la femme a donné en Don mobile
le tiers de ses Immeubles ; cela a encore
produit des contestations; mais enfin
les Arrêts ont encore décidé en faveur des
maris , et en 1666 , on en a fait un Reglement
, afin que cela ne formât plus de
difficulté.
Voilà , Monsieur , une partie de ce que
j'ai observé sur les avantages des gens
mariez en notre Province ; si-tôt que je
serai débarrassé de quelques affaires domestiques
, je vous ferai part , pour diversifier
les matieres , de quelques découvertes
singulieres sur notre Païs de Caux,
sur le Royaume d'Ivetot , les Comtez
d'Arques et d'Eu ; les Peuples de Yexmes
et de Bayeux . Je vous donnerai ausși
quelSEPTEMBRE.
1733. 1917
quelques observations sur plusieurs Dignitez
singulieres à la Normandie , et sur
les familles qui les ont possédées ; par
exemple , vous ne seriez peut - être pas
fâché de sçavoir ce que c'étoit que cette
Vicomté de Cotentin , dont étoit Vicomte
le Brave Néel , si fameux dans notre
Histoire; ce que c'est encore que le Titre
de Vidame de Normandie , possédé par
P'Illustre Maison d'Esneval . Je suis,Monsieur
, & c.
*******::********
A L'AUTEUR de l'Eloge de la
Pauvreté.
RONDE A U.
A Votre avis ne point compter d'Ecus ,
Etre réduit à quelques Carolus ,
N'avoir souvent de quoi remplir sa Pance ,
Vaut mieux que vivre au sein de l'opulence ;
Et partager les faveurs de Plutus.
Pour m'en convaincre , il ne faut rien de
plus ;
Mais bien des gens suivant l'antique abus ,
Préfereroient une honnête abondance ;
A votre avis.
Peut1918
MERCURE DE FRANCE.
Peut- être même , en butte à leurs rebus ,
Traiteroient-ils vos raisons de bibuss ;
Pour votre honneur, forcez- les au silence ,
Et par vertu , réduit à l'indigence ,
Ramenez - les plus touchez que confus
A votre avis.
REPONSE.
A mon avis , rouler sur les Ecus ,
A prix d'honneur gagner des Carolus ,
Six fois par jour pouvoir remplir sa pance ,
Sont des biens faux qu'apprête l'opulence ,
Aux favoris de l'aveugle Plutus.
Pour vous guérir , s'il ne faut rien de plus ;
C'est qu'avez yû le dangereux abus
De ceux qui vont préférant l'abondance
A mon avis.
Défiez - vous de leurs subtils rebus ;
Leurs vains conseils valent moins que Bibus
Le temps sçaura les forcer au silence ;
Lors , par état , réduits à l'indigence ,
Ils reviendront , de leur erreur confus ,
A mon avis.
RE
REPONSE du R. P. Tournemine , à
Ausur de la Lettre , insérée dans le
Mercure de fuillet , au sujet d'une Prophétie
attribuée au Roy David.
MONSIEUR ,
J'ai lû votre sçavante Dissertation sur
lero verset du Pseaume 95 , avec le plaisir
que donnent tous vos Ecrits ; où l'on
reconnoît une Critique juste et un soin
exact d'approfondir les matieres.
1
.
La difficulté consiste à décider si ces
pa oles ; Depuis qu'il a été attaché au Bois,
A ligno , qui suivent ces autres paroles :
1. Seigneur a regné , annoncez- le aux
Nations ; Dicite in Gentibus quia Dominus
gnavit , sont la traduction fidelle de la
ve ion des Septante , ou d'une Glose inée
dans cette version . Séparons ce qui
certain , des conjectures , ingénieusi
on le veut , mais après tout , conares.
Il est certain que le texte des
ante , sur lequel l'ancienne version
rat.que a été faite ; version qui est sûrement
du premier siécle de l'Eglise ,
os ,
concontenoit
ce que l'Auteur de la version
a traduit , à ligno .
On convient que tous les Manuscrit
de la version Italique étoient semblables
en cet endroit. Tous les Peres Latins , à
Rome , dans les Gaules , en Espagne , er
Afrique , ont lû dans leur Bible cette
prétendue addition pendant neuf siécles
Vous avez cité un grand nombre de ces
Peres Latins ; on pourroit en grossir le
Catalogue. Ils ont approuvé cette addition
depuis qu'ils ont connu qu'elle n'é
toit point dans les Exaples d'Origene, et
que S. Jerôme ne l'admettoit pas ; on a
chantoit dans le Pseautier Romain
dans le Pseautier Gallican .
,
Deux faits me frappent ; Saint Justin ,
dont l'érudition étoit vaste , né dans l'Orient
, et qui a vécu long temps à Rome
parle avec assurance de l'authenticité
de cette prétenduë Addition ; s'il avour
qu'elle ne se trouve pas dans quelques
manuscrits des Septante , il accuse les
Juifs de l'en avoir fait disparoître , et le
Juif Tryphon , son Adversaire , a de la
peine à les justifier.
On ne peut donc douter que l'Addition
prétendue n'ait été avant même !
Christianisme
dans quelques Exemplaires
des Septante. Tryphon qui paroît
Sca
MIKE. 1733 . 1921
eçavant , auroit confondu Jus'n , en ejettant
sur les Chrétiens la falsification
que le S. Docteur imputoit aux Juifs.
Les Manuscrits où se trouve votre Prophétie
, auroit dit le Docte Rabin , n'ont
paru que depuis la naissance du Christianisme
, et entre les mains des Chrétiens
; il n'ose avancer ce fait : Il connoissoit
donc que l'addition prétenduë ,
étoit plus ancienne que le Christianisme.
Origéne examina depuis en critique la
Question dont il s'agit , et il préféra les
Manuscrits où l'Addition n'étoit point ;
aux Manuscrits où elle étoit ; son autorité
entraîna tout l'Orient ; mais Rome
et l'Occident s'attacherent à la version
Italique , dont ils respectoient l'antiquité.
S. Jerôme suivit Origéne , sans pouvoir
amener à son sentiment qu'un fort
petit nombre de Latins.
...
Au sixième siècle , Cassiodore , si sçavant
et si curieux en Manuscrits de la
Bible , soutint la prétenduë Addition
par l'autorité des Septante ; il avoit donc
en main des Manuscrits de cette version
Grecque , où l'Addition se lisoit.
Lors même que l'Eglise Romaine reçût
la version Latine des Pseaumes , corrigée
par S. Jérôme , qui en avoit retranché à
ligne. Elle retint ces deux mots dans les
OffiOffices
divins , marquant par là fort clairement
qu'elle ne vouloit point décider
la question , qui par conséquent est encore
indécise.
›
Ce seroit parler trop affirmativemett,
de dire que cette Addition étoit inconnue
à tout l'Orient. S. Ephrem , Syrien
l'a citée dans son premier Sermon , de la
Résurrection ; il la lisoit donc dans les Manuscrits
de la version Syriaque de sonEglise
version traduite sur les Septante, et aussi
ancienne que l'Eglise ; les versions pos
terieures n'ont pas la même autorité.
C'est donc une verité constante que la
prétenduë Addition étoit dans plusieurs
anciens Manuscrits des Septante , dans
celui sur lequel la premiere version Syriaque
fut faite , dans ceux qu'avoit consulté
l'Auteur de la version Italique ;
dans ceux que S. Justin avoit vûs . Cette
prétendue Addition a- t - elle été insérée
dans la version des Septante ?En a- t- elle été
ôtée ? Voilà une matiere propre à
cer la sagacité des Critiques.
exer-
Je ne dirai pas que les Auteurs de l'ancienne
version Grecque ont ajouté quelques
mots au Texte Hebreu , comme Prophetes
; leur don de Prophétie ne mè
paroît pas établi .
Je ne dirai point qu'une Glose écrite
SEPTEMBRE: 1733. 1923
à la marge , a passé dans le Texte ; le respect
infini des Juifs et des Chrétiens
pour l'Ecriture Sainte , ne me permet pas
de le conjecturer.
Sur le même principe , je n'accuserai
pas
les Juifs d'avoir altéré la version des
Septante , ou le Texte Hebreu ; je me
contenterai de proposer modestement ce
qui me paroît plus vrai- semblable ..
Les Manuscrits sur lesquels travaillerent
les Auteurs de la premiere Version
Grecque , connus sous le nom des Septante
, étoient différens en quelques Endroits
du Texte Hebreu , tel qu'on l'a
aujourd'hui , sans soupçon de fraude ; le
temps seul , et les méprises des Copistes
ont pû causer cette différence .
Ici revient l'ingénieuse conjecture de
Salmeron et d'Agellius ; des Manuscrits
les uns en plus grand nombre , étoient
semblables au Texte Hebreu d'aujourd'hui
, dans les autres , on lisoit Hetz ,
au lieu Daph. Les Septante préférerent
ces derniers . Origêne crut qu'il falloit
corriger les Manuscrits des Septante sur
le Texte , tel qu'il étoit de son temps et
sur les autres Versions Grecques ; il marqua
d'un Obele. ce qu'il croyoit une
Addition. S. Jérôme embrassa le sentiment
d'Origene , et il eût de la peine à
B le
1924 MERCURE DE FRANCE
le faire recevoir dans l'Occident. Ainsi
l'Auteur de l'Hymne Vexilla Regis , soit
Fortunat , soit Théodulphe, a pû regarder
ces paroles , à ligno , comme originales
dans la Saince Ecriture. Je suis
Monsieur , & c.
LE CHESNE
ET LE LIERRE.
FABLE.
Rès d'un Chêne orgueilleux , dont la tête
chenuë ,
Sembloit se perdre dans la Nuë ,
Un Lieere languissoit , par terre humilié ;
Quoi , dit-il , on me foule au pié ,
Et je rampe dans la poussiere ,
Tandis qu'un Chesne audacieux ,
Menace les Cieux ,
De sa Tête altiere !
Mais ne pourrois - je donc m'élever commę
lui ?
Le Lierre ambitieux , ainsi parle et raisonne ;
Pour atteindre à ce Chesne , il faut dès aujour
d'hui ,
Que je m'attache à sa personne ,
( Une forte Protection ,
Ayde
SEPTEMBR E. 1733. 1925
'Ayde bien à l'ambition . )
Le Lierre se cramponne au Chesne qu'il embrasse
,
Dans ses Rameaux il s'entrelasse ,
Et voyant que bien- tôt il égale en hauteur ,
Son puissant protecteur ,
Le superbe applaudit à sa noble entreprise ;
Il n'est rien tel , dit- il , que vouloir s'élever ,
Mais il ne prévoit pas l'instant fatal de crise ,
Dont toute sa grandeur ne poura le sauver,
Le Vieux Chesne que la Coignée ,
Avoit épargné jusqu'alors ,
De ses pareils enfin , subit la destinée.
La Hache qui détruit les Arbres les plus forte
Le coupe jusqu'en sa racine ,
Et le Chesne du Lierre entraîne la ruine.
Ce dernier eut paré le coup qui l'a frappé ,
S'il eût sçu que des Grands épouser la fortune ,
Dans leur chute , avec eux commune
C'est vouloir être enveloppé.
P ILIER , de la Ferté sur Jouarie.
Bij
LETTRE
1926 MERCURE DE FRANCE
***** **:* : *******
LETTRE de M. Pierre LE ROW,
Horloger , de la Société des Arts demeurant
à Paris , au milieu de la Place
Dauphine : Description d'une Pendule à
Ressorts , marquant et sonnant le temps
*
vrai.
L
gage
E zéle que vous avez,Monsieur, pour
la perfection de l'Horlogerie , m'enà
satisfaire votre curiosité sur ce
que vous m'avez demandé au sujet de
la Pendule à ressort que j'ai présentée à
notre Société.
Cette Pendule marque et sonne le temps
vrai , d'une maniere assez simple , pour
dire qu'elle n'est pas plus composée que
les autres Pendules à ressort ; elle marque
aussi le jour du mois , avec presque autant
de simplicité , n'y ayant qu'une
Roue de plus pour le faire marquer , au
lieu qu'aux autres Pendules qui le marquent
, il y a 3 Roues et 2 Pignons.
Avant que d'entreprendre de faire marquer
et sonner le temps vrai aux Pendules
à ressort , leur justesse ne me paroissant
pas suffisante pour y appliquer le
temps vrai aussi utilement qu'on l'auroit
pû souhaitter , je me suis attaché à augmenter
SEPTEMBRE. 1733
1927
•
gmenter cette justesse . Pour y parvenir ,
j'ai imaginé une nouvelle maniere de
faire les Palettes de la Verge du Balancier,
qui rendent les frottemens des dents
de la Roue , de rencontrer sur ces Palettes
, beaucoup plus doux et moins susceptibles
de changement , et qui rend de
plus la justesse de l'échappement beaucoup
plus durable.
2
J'ai aussi trouvé le moïen de rendre
plus égale l'action du grand ressort sur
le mouvement de la Pendule. Par ce
moïen , outre que la justesse est encore.
augmentée , il est moins sujet à se rompre
par l'effort qu'il souffre en le remontant
; l'imaginai cet expédient en 1725 ,
et je l'appliquai à une Pendule que je fis
pour la Cour d'Espagne , dont la justesse
fut reconnue par M. Dosembrai . Il la
garda un mois et demi chez lui pour l'observer
, étant un des Commissaires nommez
par l'Académie des Sciences , à
l'examen de cette Pendule , à laquelle il
y avoit plusieurs autres particularitez ,
dont je vous ferai part une autre fois.
Quand j'eus trouvé le moïen d'augmenter
la justesse des Pendules à ressort , je
me déterminai d'autant plus volontiers
à leur faire marquer et sonner le temps.
vrai , que je remarquai que le Public ti-
B iij reroit
ย
1928 MERCURE DE FRANCE
reroit beaucoup plus d'utilité de l'application
du temps vrai aux Pendules à
ressort , qu'aux Pendules à secondes
parce que la plupart des personnes qui
se servent de Pendules à secondes , sont
versées dans les Sciences , et n'ont besoin
que du temps moïen pour avoir le temps
vrai ; car ils savent toujours bien , quand
ils veulent s'en donner la peine , ajouter
au temps moïen , ou en retrancher la différence
nécessaire, pour trouver le temps
vrai ; au lieu que presque toutes les personnes
qui se servent de Pendules à ressort
, ne sçachant ce que c'est que cette
différence , qu'on nomme ordinairement
Equation de l'Horloge ( qu'il faut ôter
ou ajouter ) ne peuvent presque jamais
avoir le temps vrai ; ce qui est souvent
cause que, quoique leurs Pendules soient
bien reglées sur le temps moïen , ils
croyent cependant qu'elles ne vont pas
bien , parce qu'ils leur attribuent les variétez
du Soleil. Cela les engage à hausser
ou baisser mal à propos la Lentille
du Pendule Or cette méprise est cause
qu'au lieu de les régler , ils les déreglent
du temps moïen , d'où dépend toute la
justesse du temps vrai, et par conséquent
ils les disposent en certains temps à s'écarter
encore davantage du temps vrai.
Si
SEPTEMBRE. 1733. 1929
Si leurs Pendules marquoient le temps
vrai , il leur seroit facile d'éviter cet inconvenient
quand elles viendroient à se
dérégler ; car comme une Pendule qui
marque le temps vrai , n'est autre chofe
qu'une Pendule qui marque l'heure du
Soleil ; il leur suffiroit pour sçavoir s'il
faudroit hausser ou baisser la Lentille
de voir sur le Soleil , si elle auroit avancé
ou retardé ; au lieu que pour regler
une Pendule qui marque le temps moïen,
il faut necessairement remarquer le temps
qu'on l'a mise à l'heure , et ajouter l'é
quation à la quantité des minutes marquées
par leur Eguille , ou la retrancher,
selon qu'elle est additive ou soustractive ,
autrement on ne peut pas , pour la regler
, sçavoir s'il faut hausser ou abbaisser
la Lentille. Quand même la plupart des
personnes qui ont des Pendules à ressort .
sçauroient ajouter au temps moïen , ou
retrancher la quantité de l'équation , il
est aisé de sentir qu'il leur seroit toujours
beaucoup plus avantageux qu'elles
marquassent le temps vrai; d'autant plus
que l'équation changeant journellement
de quantité , il faut toutes les fois qu'on
veut sçavoir l'heure vraie , avoir l'embarras
de faire , pour ainsi dire , une espece
de calcul, ou prendre la peine d'aller
Biiij cher1930
MERCURE DE FRANCE
chercher un Cadran Solaire , ou une Méridienne
.
Outre cet embarras , il y a des Saisons
où le Soleil est long- temps sans paroître,
sur tout dans les mois de Novembre, Décembre
et Janvier , où l'on auroit cependant
le plus de besoin de le voir souvent
pour remettre sa Pendule à l'heure
parce qu'il retarde dans ces trois mois
d'environ trente et une minutes.
Malgré cela , presque tout le monde
et même la plupart des Horlogers , ne
pouvant s'accoutumer à ajouter au temps
moyen , ni à en retrancher l'équation , ne
peuvent pas avoir d'autre ressource pour
mettre leurs Pendules à l'heure , que celle
de les remettre sur le Soleil, par conséquent
l'on ne doit pas être surpris de
voir la plupart des Pendules si mal à
l'heure dans l'espace de ces trois mois.
Il est donc évident par les raisons que
je viens de dire , que l'utilité des Pendules
à ressort se trouve considérablement
augmentée , en leur faisant marquer et
sonner le temps vrai ; dautant qu'elles
ne seront pas plus sujettes à se déranger
que les autres Pendules , étant aussi simples
,comme vous l'allez voir par la Description
qui suit :
Il y a deux Cadrans à cette Pendule ;
Le
SEPTEMBRE . 1733. 1931
le premier est fixe comme celui des Pendules
ordinaires ; il ne sert de même qu'à
marquer les heures et les minutes du tems.
moyen ou temps égal.
Le second Cadran renferme le premier,
et est mobile ; il sert à marquer le temps
vrai , par le moyen de plusieurs chifres
qui sont gravez sur ce Cadran , au - delà
des minutes et des deux index . Ces chifies
sont les jours des mois , entre lesquels
il y a environ une minute d'équation
, c'est- à dire , les jours entre lesquels
le Soleil avance ou tarde d'environ
une minute.
Pour que la Pendule marque et sonne
le temps vrai, il faut premierement faire
tourner le jour du mois sous la ligne de
foy de l'index qui convient au mois où
l'on est , et mettre ensuite l'éguille des
minutes juste à l'heure du Soleil sur le
Cadran mobile . Après cela , pour qu'elle
le marque toujours , il faudra seulement
avoir le soin de faire tourner le jour du
mois où l'on est sous l'index ; j'ai dit l'index
qui convient , parce que celui d'embas
sert pour les jours des mois , depuis
le commencement d'Octobre , jusqu'à la
fin de May , et celui d'en haut sert pour
le reste des autres mois.
En mettant les jours du mois sous la
ligne B v
1932 MERCURE DE FRANCE
•
ligne de foy de l'index , comme il est
expliqué , vous faites avancer ou tarder
le Cadran mobile de la même quantité
que le Soleil a avancé ou tardé, et la sonnerie
avance ou tarde de la même quantité
; parce que cette sonnerie est disposée
de façon qu'elle ne peut sonner que
lorsque l'éguille des minutes est arrivée
à 6c minuses et à 30 minutes de ce cadran,
en quelque position qu'il se trouve.
Pour que l'on ne soit pas obligé d'ou
vrir la porte de la Pendule , pour faire
tourner le jour du mois sur l'index , j'ai
imaginé une petite rouë dentée , qui engraine
en angles droits dans les dents
que j'ai faites autour de la circonference
du Cadran mobile . L'arbre de cette rouë
qui traverse de part en part le côté droit
de la Boëte , porte à son extrêmité un
Bouton gaudroné , qui lui est fixé, et qui
sort hors de la Boëte; par le moyen de ce
Bouton l'on fait tourner avec la main
à droit ou à gauche cette petite Rouë, et
par conséquent le Cadran mobile , pour
mettre le jour du mois sous la ligne de
foy de l'Index , sans qu'il faille ouvrir
la porte.
Ainsi ,outre qu'on évite la peine d'ouvrir
la porte de la Pendule , les Cadrans
conserveront bien plus long- temps leur
propreté.
SEPTEMBRE. 1733. 1933
Pour leur faire sonner le temps vrai
j'ai fait un Lévier , que le Cadran mobi-
Je emporte avec lui.Ce Lévier a un mouvement
perpendiculaire au Plan du Cadran.
L'extrémité de ce Lévier porte un Cera
cle dont le centre répond toujours au centre
du Cadran, et la circonférence à la détente
de la sonnerie , qui est en plan incliné
, en sorte que ce Lévier ne sçauroit
être levé sans glisser sous le plan incliné
de la détente , ce qui la fait lever.
La circonférence de ce Cercle porte un
Plan incliné, dont l'extêmité répond toujours
à 60 minutes du Cadran mobile ,
quelque mouvement qu'on donne à ce
Cadran.
La Rouë de minutes , au lieu de Chevilles,
porte deux Plans inclinez ; un pour
l'heure et l'autre pour la demie. L'extrêmité
de ces deux Plans est dans la direction
de l'éguille. Un de ces Plans rencontrant
le Plan incliné du Lévier , le fait
lever , et fait par conséquent lever la dé
tente de la sonnerie.
Comme l'extrêmité du Plan incliné du
Lévier , répond toujours à 60 minutes
du Cadran mobile , et que les Plans in
clinez de la Rouë de minutes sont dans
la direction de l'éguille ; le Plan incliné
B vj du
1934 MERCURE DE FRANCE
du levier ne peut se dégager de celui de
l'heure que quand l'éguille est arrivée à
60 minutes de ce Cadran , ni de celu
de la demie heure, que quand cette éguille
est arrivée à 30 minutes.
Si - tôt que ce Plan est dégagé de celui
de la Rouë de minutes , le Lévier et la
Détente retombent , et la Pendule sonne
le temps vrai
***********************
EPIGRAM M E..
UN mien ami me disoit l'autre jour ,.
Que pour vertu se sentoit de l'amour .
Lors je lui dis : Va- t'en voir Marguerite ;;
Te paroîtra si rare son mérite ,
Que pour vertu la prendras sûrement :
Mais quand auras déclaré ton tourment ,
Seras surpris , er diras en toi-même :
à la Vertu bien ressemble vrayment ,
Fors enun point; car Vertu quiert qu'on l'aime 3.
Elle au rebours ne peut souffrir d'Amant.
Av
AUTR E.
Vint un jour qu'en certain Monastere ,
Certain Prélat fut fort bien régalé :
Le bonSeigneur bien repú , bien gonflé ,
Aux Moines dit qu'avoit fait bonne chere ;
Le
SEPTEMBRE . 1733. 1935
Le vin sur tout , dit il en les quittant ,
M'a paru bon , et j'en suis très-content
Oh, Monseigneur , dit Erere Nicephore ,
Nous en avons de bien meilleur encore.
Terrasse de Cherigny
のみのみ
LETTRE sur une Machine pour pour élever
l'eau , & c. écrite de Villeneuve - lès-
Avignon , le 14. Août , par M. Sou
mille , Prêtre..
Yant lû , Monsieur , dans votre
Aderniervolume du Mercure de Juin;
page 1418. un article d'un Particulier
qui croit rendre service au Public en
proposant de faire une Machine dans
Le goût des grosses Horloges , pour pouvoir
, au moyen de certains poids , faire
monter l'eau des Puits , &c. J'ai crû de
mon côté , rendre un meilleur service
à ce même Public , en lui conseillant de
ne rien essayer sur ces sortes d'Ouvrages.
Les plus parfaits et les mieux executez
seroient inutiles. Que seroit ce de ceux.
où la main de l'Ouvrier laisseroit quelque
imperfection ? mais pour qu'on ne croye
pas que j'avance cette proposition au
hazard ,
1937 MERCURE DE FRANCE
hazard , souffrez que j'aye l'honneur de
vous présenter les Refléxions suivantes ,
pour en faire l'usage que vous jugesez
à propos.
De quelle utilité pourroit être pour les
arrosages , &c. une Machine de cette espece
, laquelle après avoir coûté considérablement
, ne pourroit élever qu'une
quantité d'eau au - dessous de la pesanteur
de son poids ? Je m'explique ; supposons
pour un moment qu'un de ces
Ouvrages , executé dans sa derniere perfection
, puisse agir avec un poids de
100. livres , qu'il soit élevé au niveau
du bassin où l'on veut faire monter l'eau ;
il est très- certain que ce poids de 100 .
livres dans toute sa descente ne pourra
élever que moins de 100 liv. d'eau ; et
toutes les fois qu'on prendra la peine
de le remonter , il n'élevera jamais dans
sa descente que moins d'eau que ce qu'il
pese. Eh ! ne vaudroit - il pas mieux que
la personne destinée à remonter ce poids ,
employât ses forces à élever de l'eau
par les moyens usitez jusqu'aujourd'hui ,
et qu'elle n'usât point une Machine trèscouteuse
qui ne serviroit qu'à rendre
inutile une partie de ses forces, puisqu'au
lieu de remonter un poids de 100 liv.
elle pourroit puiser 100. livres d'eau , et
que
SEPTEMBRE . 1733. 1937
que le poids n'en sçauroit faire monter
autant ?
On ne peut pas douter un moment de
ce que je viens de dire , quand on examine
de près les loix immuables de l'équilibre.
La plus simple de toutes les Ma-
Achines , à mon sens , est celle qu'on voit
à tous les Puits , je veux dire deux sceaux
et une poulie ; mais si vous mettez 100 .
livres d'eau dans un des sceaux et 100 .
livres de poids dans l'autre , ils resteront
sans mouvement , et le poids n'emportera
l'eau qu'après en avoir ôté une partie
suffisante pour rompre l'équilibre . Or
comme cette Machine est la plus simple ,
elle est , sans contredit , la meilleure et
elle fournit un préjugé contre les Machines
composées de ce genre. On peut ,
si vous voulez , par une Machine composée
adoucir la peine de celui qui puise
l'eau , mais il faudra plus de temps pour
en puiser la même quantité. On peut
aussi faire une Machine à poids qui agira
pendant long-temps , mais l'eau qu'elle
fournira pendant cet espace de temps ,
quelque long qu'il soit , sera roujours
moindre que la pesanteur du poids de
la Machine.
Il est inutile de s'étendre davantage
sur une Machine en general , il suffit
d'avoir
1938 MERCURE DE FRANCE
touché le principe et montré l'inutilité
de pareils Ouvrages. Si quelqu'un à l'avenir
proposoit un modele , je m'offre
de démontrer en détail ce que je n'ay pû
dire qu'en general. J'ay l'honneur d'être
avec toute la consideration possible ,
Monsieur , &c.
2 2.2
BOUQUET.
De Me DE MALCRAIS DE LA VIGNE ,
présenté à sa Mere , le 15 d'Aoust ,
jour de sa Fête.
Aujourd'hui que l'on solemnise ,
De la Reine des Cieux , le Triomphe char
mant ;
Cette branche de Mirthe offerte simplement ,
Du coeur que je vous donne exprime la fran
chise.
Mon coeur formé de votre sang ,
Reçut l'être dans votre flanc.
Dans vos jardins fleuris , ce Mirthe prit nais
sance ,
Ainsi , Mere admirable, et dont les soins si doux ,
Surpassent les efforts de ma reconnoissance ,
Je ne vous donne rien qui ne soit bien à vous.
PROSEPTEMBRE
1733. 1939
**** :***********
• PROBLEME ,
Proposé aux Métaphysiciens Géometres ;
sur l'essence de la matiere.
O
Na beaucoup philosophé sur l'essence
de la matiere ; par malheur
nous n'en connoissons guéres que les accidens.
On convient assez que la pesanteur
et la légéreté , la chaleur et le froid ,
la sécheresse et l'humidité , la dureté et
la liquidité , la couleur et l'invisibilité , le
mouvement même et le repos , et bien
d'autres qualitez de la matiere ne lui sont
qu'accidentelles. De sorte que la question
se réduit communément parmi les Philosophes
à prendre son parti entre ces
trois ou quatre propriétez , et à décider
laquelle est la principale et comme la racine
ou la base des autres.
Le sentiment Cartésien a comme prévalu
, et l'étendue passe pour constituer
l'essence de la matiere. Il y a eu bien des
disputes à ce sujet parmi les Métaphysiciens
qui n'ont été que Métaphysiciens ;
comme l'étenduë est toute du ressort de
la Géométrie , qui n'a proprement point
d'autre objet , j'ai crû pouvoir l'employer
pour
1940 MERCURE DE FRANCE
pour décider la question ; ceux à qui je la
propose, jugeront si j'y ai réüssi : J'entre
en matiere :
Il est possible que le même corps , supposons
celui d'un homme ; il est possible
que cet homme se trouve la même année
à Paris et à Constantinople. Il est trespossible
même qu'il s'y trouve dans l'espace
de six mois , et même de trois et
peut-être de deux.
Le mouvement de sa nature est susceptible
de plus et ,de moins à l'infini .
La nature est pleine de mouvemens tresrapides
; témoin un Boulet de Canon ,
les Planétes , le son , la lumiere. Cette lumiere
en particulier peut parcourir des
milliers de lieuës en une minute , en une
seconde; et à cette égard Dieu peut transporter
le corps d'un homme en un clin
d'oeil , d'un bout du monde à l'autre ; le
plus ou le moins de mouvement n'a rien
qui passe sa toute - puissance , et la matiere
n'a rien qui s'y refuse.
Reprenons donc , et en supposant un
mouvement toujours croissant par le
pouvoir de Dieu; il est vrai de dire qu'on
peut voir le même homme à Constantinople
et à Paris ; non - seulement dans la
même année, et dans le même mois , mais
dans la même semaine , dans le même
jour,
SEPTEMBRE. 1733. 1941
jour , dans la même heure , dans la même
minute , dans la même seconde , tierce
quarte , sixte , dixième , centiéme ,
milliéme , millioniéme , billioniéme, trillioniéme
, &c. cela va loin , et rien ne
l'arrête,
Or un Charbon enflammé qu'on remue
tres- vîte , paroît occuper tout un
grand espace ; la plupart des choses même
dont nous jouissons , que nous voyons,
que nous sentons , que nous touchons ,
nous n'en jouissons que par un mouvement
semé de mille interruptions , pareilles
à celle que nous concevons dans
l'étenduë qu'occupe sensiblement ou que
paroît occuper ce Charbon .
La vûe des corps en particulier se fait
par un mouvement intercalaire de vibration
, qui nous dérobe et nous rend
alternativement les objets.Comme les rerours
des
rayons sont tres- promts et que
les impressions durent toujours un peu ,
nous croyons voir ces objets d'une vûë
continue , sans aucune interruption.
Suivant cela , et supposant que Dieu
transporte sans cesse notre homme de
Paris à Constantinople , et de Constanti
nople à Paris ; quelqu'un qui seroit à
Constantinople , pourroit écrire à quelqu'un
qui seroit à Paris ; j'ai vû un tel , je
le
1942 MERCURE DE FRANCE
·
le vois tous les jours , il séjourne icy , il
loge avec moi , je mange avec lui, &c . et
celui de Paris pourroit en même temps
écrire dans les mêmes termes à celui de
Constantinople. On peut imaginer le jo
li Roman qui naîtroit de- là : Tout ce que
j'en remarque pour mon sujet présent ,
c'est que la chose est possible à Dieu ; ce
qui dit quelque chose à quiconque entend
bien ; mais la Géométrie va plus
loin dans la recherche de la vérité.
·
Plus ce mouvement de transport augmentera
par la toute puissante volonté
de Dieu , plus il sera exactement vrai .
de dire que l'homme en question est à
Constantinople et à Paris dans un mêmetems
, indivisible et continu . Or selon
les Elemens de la Géométrie de l'infini ,
de l'ingénieux M. de Fontenelle ( page
36. sect. 2. ) les Propriétez qui vont toujours
croissant dans le fini doivent dans
l'infini recevoir tout l'accroissement dont
elles sont capables ; donc le mouvement
en question croissant à l'infini , l'homme
susdit se trouvera exactement au même
instant indivisible à Constantinople ,
à Paris, dans tout l'entre deux , et en mille
autres Villes et Lieux de l'Univers ,
dans l'Univers même , tout entier si on
veut ce qu'il falloit démontrer.
Maïs
SEPTEMBRE. 1733. 1943
Mais , quoique le mouvement puisse
augmenter à l'infini , on va me nier, malgré
la certitude incontestable de ma conclusion
, qu'on puisse jamais supposer ce
mouvement infini. Les Géometres infinitaires
ne le nieront point. Et j'ai encore
pour garant la même section du même
ingénieux ouvrage , page 29. où il est dit
que toute la grandeur capable d'augmentation
à l'infini peut - être supposée au-
_gmentée à l'infini .
Ce principe est fort , j'en conviens ,
mais il est vrai , et même vrai- semblable,
c'est à dire , tout- à- fait plausible par un
autre principe du P. Castel , qui fait voir
dans sa Mathématique Universelle , que
l'infini Géométrique n'a rien que de naturel
et de facile , étant infini dans un
point de vûë , et tres-fini dans un autre
point de vûë ; que la ligne infinie n'est
qu'une surface finie , que la surface infinie
, n'est qu'un corps fini, qu'un nombre
infini n'est qu'une étendue finie , et qu'en
un mot , le du fini à l'infini ne
passage
se fait pas , comme l'insinue M. de Fontenelle
, et comme le prétend tour ouvertement
M. Cheyne , Anglois , par une
addition d'unitez , mais par une espece
d'exaltation d'une nature inférieure à
une nature superieure , comme de la ligne
à la surface , &c. De
1944 MERCURE DE FRANCE
De sorte que le mouvement infini n'est
plus un mouvement , mais la perfection
du mouvement ; et comme la racine , le
principe , la puissance du mouvement , le
mouvement en puissance , et l'étenduë
même ou l'espace avec un repos parfait de
parties. En effet ME : T. et plus T,
diminuë plus M. augmente , sans que E ,
varie. De sorte que T , étant o , alors
M∞ , et E = MOR , confor
mément aux principes de la Mathématique
universelle citée.
Le passage en question du fini à l'infini
n'a icy rien de plus extraordinaire que
ce raisonnement , où il est incontestable.
Je prends un écu , puis un demi écu , puis
un quart , un demi quart , un demi de
mi quart , & c. cela fait un mouvement
croissant , et qui peut toujours croître à
l'infini , ou bien par un mouvement instantanée
et infini , je prends d'un seul
deux écus ; cela va au même ; et que
sçait on même si ce n'est pas plutôt le
premier, que le second de ces mouvemens
qui est infini, au moins le premier ne finit
pas , et le second finit aussi -tôt.
coup
Que Dieu porte notre homme de Paris
à Constantinople , et de Constantinople
à Paris par un mouvement qui croisse
toujours ; c'est celui-là qui ne finit pas :
que
SEPTEMBRE. 1733. 1945
que ce mouvement porté tout d'un coup
à sa perfection, place cet homme dans les
deux Villes au même instant , il n'y a là
qu'un mouvement fini.
Quoiqu'il en soit , il est donc faux que
l'étenduë de la matiere soit déterminée
et qu'elle en soit l'essence immuable ; or
ce raisonnement Géométrique va à tout,
et en particulier à prouver qu'un même
corps peut être en deux, et en mille lieux
différens , sans être dans l'entre - deux ,
qu'il peut passer d'une extrêmité à l'au-
Tre sans passer par le milieu , qu'il peut
être dans un état de pénétrabilité , dans
un état d'indivisibilité , et qu'ainsi son
essence n'est pas non plus d'avoir des
parties ; qu'il peut être tout dans le tout,
et tout dans chaque partie. Encore une
fois , cela va loin , er tres- loin.
Mais si je dépouille ainsi la matiere de
ses propriétez les plus inhérentes , quelle
sera donc son essence ? Ce n'est pas moi
qui le dirai ; j'avoue bonnement que je
n'en sçais rien ; et c'est- là le Problême
que je propose aux Métaphysiciens Géomêtres.
En attendant cependant leur réponse ;
je ne laisse pas au milieu de tout ce dépouillement
de propriétez , de m'attacher
à une , à laquelle on n'a pas fait assez
1948 MERCURE DE FRANCE
sez d'attention dans la question présente;
c'est que la matiere est une substance passive
et tout-à- fait inactive ; ce qui la distingue
tout d'un coup de l'esprit, qui est
une substance active et libre. J'applique
ici un distinction insinuée dans l'Ouvrage
cité du P. Castel , et je dis que la matiere
est une possibilité , et l'esprit une puissance
; puissance participée dans les créatures
, absoluë , indépendante , infinie
incréée dans le Créateur.
PRIERE AU SOMMEIL:
Ien , paisible sommeil , vien fermer mes
V
paupieres ,
Par la vertu de tes Pavots ;
Fais moi jouir enfin d'un tranquille repos
Tu sçais par de douces chimeres ,
44 Par mille songes amusants ,
Divertir l'esprit et les sens ;
Prête-moi cette nuit ton secours favorable ;
Pour moi forme un songe agréable ,
Qui puisse me soustraire à des ennuis cuisans.
Mon bonheur , il est vrai , ne sera qu'imposture
,
Et qu'illusion toute pure ;
Mais de tant de Mortels , qui nous semblent
heureux ,
Τους
SEPTEMBRE . 1733. 1949
Tout le bonheur est-il autre chose qu'un songe ,
Ou qu'un officieux mensonge ,
Que la fortune fait pour eux ?
LETTRE à l'Auteur du Projet d'une
nouvelle Edition des Essais de Montaigne
, imprimé dans le second volume
du Mercure de Juin 1733. Par Mlle de
Malcrais de la Vigne , du Croissie en
Bretagne.
I
Lipas
Es Essais de Montaigne ne m'eurent
si-tôt passé
passé par
les mains , Monsieur
, que je me vis au nombre de ses
Partisans. J'admirai ses pensées , et je
n'aimai pas moins les graces et la naïveté
de son stile. Après ce début je puis vous
déclarer à la franquette ce que je pense.
de l'entreprise que vous formez d'ha
biller Montaigne à la moderne , changeant
sa fraise en tour de cou son pourpoint
éguilletté , en habit à paniers ; son
grand chapeau élevé en pain de sucre ,
en petit fin castor de la hauteur de quacre
doigts , &c.
Traduire en Langue Françoise un Auteur
Original , qui vivoit encore au com-
C men
1950 MERCURE DE FRANCE
que
mencement de 1592. et dont l'Ouvrage
est écrit dans la même Langue , me paroît
un projet d'une espece singuliere ,
et vous en convenez vous- même. Ce
n'est ppaass qquuee je nie l'échantillon
que
vous produisez de votre stile , n'ait du
mérite et qu'il ne vous fasse honneur ; il
est pur, élegant, harmonieux ; ses liaisons
peut-être un peu trop étudiées en font
un contraste avec celui de Seneque ,
qu'un Empereur Romain comparoit à
du sable sans chaux. Si la France n'eût
point vû naître un Montaigne avant
vous , vous pourriez , en continuant sur
le même ton , prétendre au même rang ;
mais souffrez que je vous dise que les
charmes de votre stile ne font que blanchir
, en voulant joûter contre ceux du
vieux et vrai Montaigne.
Il n'en est pas de la Traduction que
vous entreprenez , comme de rendre en
François un Auteur qui a travaillé avec
succès dans une Langue morte. Peu de
personnes sont en état de comparer le
Grec de l'Iliade avec la Traduction Françoise
de Me Dacier. Si ceux qui possedent
le mieux cette Langue , sont assez
habiles pour juger des pensées , ils ne
le sont point pour prononcer sûrement
sur l'expression , de- là vient que Me Dacier
་
SEPTEMBRE .
1733.
1951
cier
trouvera
toujours des
Avocats pour
et contre . L'un
soutiendra que tel endroit
est rendu à
merveille , un autre
prétendra
que non ; ou plutôt sans rien affirmer
, l'un dira credo di si et l'autre credo
di nà. Pour moi je
m'imagine que nous
marchons à tâtons dans le goût de l'Ansiquité
, et que la
prévention nous porte
souvent à regarder
comme
beautez dans
les
Anciens , ce qui n'est
souvent que
méprise ou
négligence. J'en ai vû , qui
ne
s'estimoient
chiens au petit collier
dans la
République des
Lettres , je les
ai vû , dis je , se
passionner
d'admiration
pour ce Vers de Virgile.
Cornua
velatarum
obvertimus
antennarum .
Admirez , me disoient- ils , la chute
grave de ces grands mots.Ils ne sont point
là sans dessein. Ne sentez vous pas dans
ce Vers
spondaïque le dur travail des
Matelots , qui se fatiguent à tourner les
Vergues d'un
Vaisseau , pesantes et chargées
de voilure ? Il me semble , répons
dois-je , que je sens quelque chose ; mais
n'y auroit- il point à craindre que vous
et moi nous ne fussions la duppe du préjugé
? L'idée
avantageuse et pleine de
respect que vos Maîtres vous inspirent
dès votre bas âge , pour tout ce qui nous
Cij reste
1952 MERCURE DE FRANCE
reste de ces celebres Auteurs , demeure ,
pour ainsi dire , cloüée dans vos têtes .
Mucho se conserva lo que en la mocedad
se deprende.
Si Virgile revenoit au monde , il nous
montreroit que nous louons dans ses Ouvrages
beaucoup de choses qu'il eût réformées
, s'il en cût eu le temps ou de
moins s'il l'eût pû faire ; et qu'au contraire
nous passons legerement sur plu
sieurs endroits dont il faisoit grande estime.
Cette Epithete , nous diroit- il , ce
monosillabe gracieux , à quoi vous ne
faites point attention , fut cause que je
veillai plus d'une nuit , et je vous jure
qu'il me fallut fouiller dans tous les
coins de mon cerveau avant que de parvenir
à le dénicher..
On raconte que notre Santeüil füt
travaillé d'une longue insomnie pour
trouver une Epithete qui pût exprimer
le son du marteau qui bat sur l'enclume.
Après bien des nuits passées commes
les Lievres , l'Epithete tant souha
tée se présenta , c'étoit refugus. Cette
rencontre fut pour lui un Montje
il se leve aussi - tôt , fait grand bruit
court par les Dortoirs , sans penser qu'il
étoit nud en chemise , frappe à toutes le
portes , les Chanoines se réveillent , l'a
larr
.
SEPTEMBRE . 1733. 1953
*
larme les saisit ; tous se figurent qu'un
subit incendie dans la maison est la
cause d'un pareil'vacarme. Enfin , quand
il fut question d'en sçavoir le sujet , Santeüil
leur apprit d'un ton fier , qu'il
avoit interrompu leur sommeil leur
pour
faire part d'une rare Epithete qu'il venoit
de trouver , ayant couru vainement
après elle pendant toute une Semaine..
Je vous laisse à penser si les Chanoines
se plurent beaucoup à cette farce ; ils
donnerent au D ..... l'Epithete et le
Poëte. N'importe , il les obligea de l'entendre
, sans quoi , point de patience . Les
Chanoines l'écouterent en se frottant les
yeux , et se hâterent d'applaudir , afin
de se défaire plus vîte d'un importun..
Santeuil retourna se coucher en faisant
des gambades , non moins content du
tour qu'il venoit de jouer , que d'avoir
trouvé l'Epithete qu'il cherchoit. Là finit
cette plaisante Scene que je ne donne
point pour article de foi.
C'est la gloire de passer pour avoir.
plus d'intelligence qu'un autre , qui engage
un Commentateur à se creuser le
erveau pour chercher dans cette Strophe
, dans cette expression d'Horace ,
un sens alambiqué dont personne n'ait
fait la découverte avant lui , quoique
Ciij nous
1954 MERCURE DE FRANCE
nous ne soyons pas plus au fait de la
propre signification des mots Grecs et
Latins , que de leur prononciation ; un
tel homme se croit un Christophle Colomb
dans le Pays des Belles- Lettres . Cependant
nous nous dépouillons nousmêmes
pour revétir les Anciens , et nous
donnons au Commentaire un temps qui
seroit plus utilement employé à l'invention
. C'est dans ce sens que je veux entendre
ici ce Passage de Quintilien : Supervacuus
foret in studiis longior labor , si nihil
liceret meliùs invenire præteritis. Il y en
a qui se sont figuré que Virgile dans
son Eglogue à Pollion , avoit prédit la
Naissance de Jesus- Christ . Les Romains
curieux d'apprendre ce qui leur devoit arriver
, avoient la superstition de le chercher
dans les Livres de ce Poëte , après
avoir choisi dans leur idée le premier ,
le second , ou tout autre Vers de la page
que le sort leur offroit , pour être l'interprete
du Destin . C'étoit- là ce qu'ils
appelloient Sortes Virgiliana . Nos premiers
François en croyoient autant des
Livres de la Sainte Ecriture . D'autres
non moins extravagans , se sont per
suadé que les principes de toutes les
Sciences et de la Magie même , étoient
renfermez dans les Poëmes d'Homere , et
LuSEPTEMBRE
. 1733. 1955
Lucien fait mention d'un faux Prophete
nommé Alexandre qui prétendoit qu'un
certain Vers d'Homere , écrit sur les portes
des Maisons , avoit la vertu de préserver
de la peste. Les hommes sont idolâtres
, non- seulement des Ouvrages d'esprit
des Anciens , mais même de tout ce
qui respire le moindre air d'Antiquité ,
et tel Curieux qui croiroit avoir parmi
ses possessions la Pantoufle de fer qui
sauta du pied d'Empedocle , quand il se
lança dans les flammes du Mont Etna, ne
voudroit peut-être pas faire échange de
cette Relique avec tous les Diamans du
Royaume de Golconde.
il`se
Tout beau , Mademoiselle , s'écriera
quelque Censeur aux sourcis herissez ,
compassant et nivelant toutes mes phra
ses , vous nous agencez ici de singulieres
digressions , et prenez un air scientifique
qui vous sied assez mal. Sçavez
vous qu'en vous écartant de votre sujet
vous péchez contre le précepte d'Horace.
Servetur ad imum;
Qualis ab incepto processerit , et sibi constet.
Et que vous donnez dans un si grand
ridicule , que l'Abbé Ménage , qui après
avoir parcouru dans sa cervelle , le La.
C iiij tium
1956 MERCURE DE FRANCE
tium , la Grece , l'Allemagne , l'Espagne ,
et peut- être la Chine et la Turquie
pour trouver l'origine du mot Equus
crut enfin l'avoir rencontré en Italie
et fit descendre en ligne directe ou collaterale
, Equus , du mot Italien Alfana
étimologie misérablement écorchée que
le Chevalier de Cailli ou d'Aceilli ;
fronda dans une jolie
Epigrammesétimologie
qui présente à mes yeux l'Arbre
Généalogique de plusieurs Maisons nouvellement
nobles , qui vont mandier à
prix d'argent en Irlande et en Italie , de
belles branches qu'elles entent ensuite
sur le tronc le plus. vil , de sorte qu'à
l'examiner de près , vous verriez du Laurier
, de l'Oranger , de l'Olivier et du,
Grenadier , entez sur un mauvais trou
de chou.
Si je fais des digressions dans la Lettre
que je vous adresse , Monsieur , ce
n'est point par affectation , mais par coûtume.
De plus comme il s'agit ici principalement
de Montaigne, je tache d'imiter
un peu son stile . Ses transitions sont fréquentes
, mais elles ont de la grace , et
comme elles se viennent placer pour l'or-,
dinaire très naturellement , l'Auteur fait
voir qu'il sçait écrire d'une maniere vive ,
aisée et indépendante. Cependant vous.
eussiez
SEPTEMBRE. 1733. 1957
eussiez pû l'attaquer en ce qu'il abandonne
quelquefois tellement son Sujet ,
que si l'on revient à voir comment il
a intitulé tel Chapitre , on s'imaginera
que l'Imprimeur s'est trompé et qu'il
a mis un titre au lieu d'un autre .
Vous aurez encore une nouvelle matiere
à me faire un procès , sur ce qu'en me :
déclarant contre ceux qui encensent à
l'aveugle les Anciens , et préconisent jusqu'à
leurs défauts , je me révolte contre
le desssein que vous avez de tourner
le Gaulois de Montaigne à la Françoise ,.
et que je semble braver le Précepte de
Macrobe , dans ses Saturnales , Vivamus:
moribus præteritis , præsentibus verbis loquamur.
Dans ce que j'ai avancé je n'ai
prétendu parler que des Langues mor--
tes. J'ai frondé les Commentaires prolixes
et superflus , sans condamner ab
solument les Traductions . J'ai blâmé :
Pidolâtrie sans desaprouver les sentimens
d'estime qu'on doit à tant de beautez
originales qui brillent dans les Livres des
Anciens .
Quant à Montaigne , je ne convien--
drai pas qu'il soit aussi Gaulois que vous
voudriez le faire croire. Si vous parliez
de traduire en François les Poësies Gau
loises de Bérenger , Comte de Provence,
GNI Ou
3
1958 MERCURE DE FRANCE
ou celle de Thibaut , Comte de Champagne
, qui rima d'amoureuses Chansons.
en l'honneur de la Reine Blanche , Mere
de S. Loiis ; à la bonne heure. Le stilede
ce temps- là est si different du nôtre,
qu'il semble que ce ne soit plus la même
Langue. Mais Montaigne , on l'entend ,
il n'est personne que son stile vif et varié
n'enchante , et je puis sans flaterie ,
ajuster à son sujet ces paroles d'un de
nos vieux Auteurs. C'est un bel esprit
doué de toutes les graces , gentillesses , cour
toisies et rondeurs que l'on peut souhaiter.
En effet il faut être perclus d'esprit , sh
l'on ne comprend point ses phrases les.
plus difficiles , pour peu qu'on s'y arrête.
L'utilité que produira votre Traduction
prétendue , ce sera de faire lire Montaigne
à quelques personnes curieuses de
voir la difference de son stile au vôtre..
Pour peu qu'en quelques endroits le vô
tre demeure au -dessous du sien , ses beautez
en recevront un nouvel éclat , et on
s'obstinera à lui trouver par tout le méme
mérite , afin de rabaisser celui de votre
Traduction . Il n'en est pas de Montaigne
comme de Nicole et de la Bruye ,
re. Quoique ceux- cy possedent bien leur
langue , neanmoins la plus grande partie
de leur valeur est dans les pensées ,
au
SEPTEMBRE . 1733. 1959.
au lieu que
les graces
de
l'autre sont
également
partagées
entre le sentiment
et la diction , toute vieille qu'elle est.
Quand il invente des termes , ils sont
expressifs et ne sçauroient se suppléer
avec le même
agrément et la même force.
Ses tours gascons qui dérident sa morale
, servent par tout à égayer le Lecteur.
Ses
négligences
mêmes ne sont
point
désagréables , ce sont des Ombres
au Tableau. Etienne
Pasquier , dans le
premier Livre de ses Lettres , blâme la
hardiesse de Clément Marot , qui s'avisa
mal-à- propos de ressacer le stile du Roman
de la Rose , commencé
par Guillaume
de Loris et continué par Clopinel.
Il n'y a , dit- il , homme docte entre
nous , qui ne lise les doctes Ecrits de Maître
Alain Chartier, et qui n'embrasse le Roman
de la Rose , lequel à la mienne volonté
, que par une bigarure de langage vieux
et nouveau , Clément Marot n'eût pas vou
In habiller à sa mode.
Mais examinons ce que signifie le terme
de Traduction , conformément au
sens qu'on lui a donné chez toutes les
Nations. Traduire , c'est , si je ne me ·
trompe , rendre en une autre Langue les
pensées , le stile et tout l'esprit d'un Au
seur. Votre Traduction peut- elle avoir
C vj
les
1960 MERCURE DE FRANCE
les qualitez prescrites ? Je ne sçaurois me
le persuader. Elle est faite en même
Langue , et par conséquent ne doit point
être appellée Traduction , et votre stile.
n'ayant nul rapport à celui de Montaigne
, ses pensées déguisées ne seront
aucunement semblables à elles - mêmes..
C'est pourquoi Scarron n'a point traduit.
l'Eneïde , mais il l'a parodié. Le stile de
Montaigne est un mêlange d'enjoüé et
de sérieux , assaisonné réciproquement
P'un par l'autre. Il ne paroît point qu'il
marche , mais qu'il voltige ; au lieu que
le vôtre cheminant d'un pas grave et
composé , représente un Magistrat qui
marche en Procession , et dont la pluye ,
la grêle et la foudre ne dérangeroient
pas la fiere contenance. ;
Sifractus illabatur Orbis , T
Impavidum ferient ruinas
Virgile se donna- t'il les airs de rajeu- ,
nir le bon homme Ennius ! et notre Ab
bé D. F *** Maître passé en fine plaisanterie
, oseroit- il couper la barbe à
Rabelais et le mutiler ? Ces soins scru
puleux convenoient seulement au P.
J*********qu'Apollon a établi son Chirur
gien Major sur le Parnasse , depuis lequel
temps un Poëte ne se hazarde
P
pas
même
SEPTEMBRE . 1733. 1964
même d'y prononcer le terme de fistula,.
de crainte que l'équivoque de quelque
maladie ne le fasse livrer entre ses mains
Au sur- plus la République des Lettres
n'y perdra rien , si Montaigne n'est point
lû de ceux qui sont rebutez de refléchiz
un moment sur quelques - unes de ses
phrases. Ce sont , sans doute , des génies
superficiels , incapables d'attention et
prêts peut- être à se dédire quand vous .
les aurez mis à même en couvrant le
vieux Montaigne d'une Rédingotre à la
mode. Le Bembo , dans ses Observations
sur la Langue Italienne , dit qu'il n'appartient
: pas à là Multitude de décider ·
des Ouvrages des Sçavans . Non è la Mul
titudine quella , che alle compositioni d'al
cun secolo dona grido , mà sono pochissimi
huomini di ciascun secolo , al giudicio de
quali , percioche sono essi più dotti degli
altri riputati , danno poi le Genti e la Multitudine
fede , che per se sola giudicare non
sa drittamente , è quella parte si piega colle :
sue voci , à che ella pochi huomini che io
dico sente piegare.
Les sçavans Jurisconsultes balancerent :
long- temps à traduire en notre Langue
les Instituts de Justinien , ne voulant
pas que ce précieux Abregé des Loix Romaines
, réservé pour les Juges et less
Avocats,
1962 MERCURE DE FRANCE
Avocats , s'avilit en passant par la Boutique
triviale des Procureurs , ausquels
il convient de travailler de la main de
toute façon , plutôt que de la tête . Ayols
les mêmes égards pour Montaigne , qui
n'en vaudra pas moins tout son prix ,
pour n'être point lû des Précieuses et
des petits Maîtres , Nation ignorante à
la fois et décisive , qui préfere le Roman
le plus plat aux Productions les plus solides.
Ah! Monsieur , que vous feriez une
oeuvre méritoire , et que vous rendriez
un grand service à la Province de Bretagne
, si vous vouliez , vous qui vous
montrez si charitable pour le Public
prendre la peine de traduire en François
intelligible notre Coûtume , dont les
Gauloises équivoques sont des pépinieres
de procès ! Mais ne vous fais - je point le
vôtre mal à propos , Monsieur ?voyons
et comparons quelques phrases de votre
Traduction avec l'Original .
Dans le premier Chapitre l'Auteur loüe
la constance du Capitaine Phiton , qui
témoignoit une insigne grandeur d'ame ,
au milieu des tourmens qu'on lui faisoit
souffrir , par les ordres de Denis le Tiran.
Il eut , dit Montaigne , le courage
toujours constant sans se perdre, et d'un visage
SEPTEMBRE . 1733. 1963
ge toujours ferme , alloit au contraire , ramentevant
à haute voix l'honorable et glorieuse
cause de sa mort , pour n'avoir voulu
rendre son Pays entre les mains d'un Tiran
, le menaçant d'une prochaine punition
des Dieux. Ce stile n'est- il pas nerveux ,
vif , soutenu , et comparable à celui dece
Rondeau dont la Bruyere fait si
grande estime.
Bien à propos s'en vint Ogier en France
Pour le Pays des Mécréans monder , &c.
Comparons maintenant au Gaulois de
Montaigne votre Traduction , mais Phiton
parut toujours ferme et constant , pu- ри
bliant à haute voix l'honorable et glorieuse
cause du tourment indigne qu'on lui faisoit
souffrir. Convenez que l'Original n'a pas
moins de force et de noblesse que la
Traduction ; qu'alloit est plus propre que
parut , d'autant que Phiton étoit foüetté
par les rues , et que publiant n'est pas.
si expressif que ramentevant , qui signifie
qu'il mettoit sous les yeux du Peuple
la peinture de ses genereux exploits ..
A la verité ramentevoir est un terme suranné
aujourd'hui , cependant il est noble
, et Malherbe l'a employé dans une
de ses plus belles Odes ..
La
1964 MERCURE DE FRANCE
La terreur des choses passées ,
A leurs yeux se ramentevant.
Et Racan , le plus illustre des Eleves:
de ce fameux Maître , en a fait usage.
en plus d'un endroit de ses aimables Poë
sies , comme dans une. Eglogue.
Cela ne sert de rien qu'à me ramentevoir .
Que je n'y verrai plus , & c. .
Je trouve tant d'énergie dans cette expression
, que je n'ai pas moins de regret
de sa perte que Pasquier en eut de.
celle de Chevalerie , Piétons , Enseigne
Coronale , en la pláce dèsquels on substitua
Cavalerie , Infanterie , Enseigne
Colonelle , quoique moins conformes à
l'étimologies que la Bruyere en eut dela
perte de maint et de moult , et que Voiture
en témoigna de la mauvaise chicanequ'on
intenta à Car , qui se vit à deux :
doigts de sa ruine. Le stile de Montai
gne est coupé , hardi , sententieux , et
ses libertez ne trouveront des Censeurs
que parmi les Pédans.
Cet Auteur après le morceau d'His--
toire que j'ai cité , fait tout à coup cette
refléxion qui s'échappe comme un trait ,.
et.qui a rapport à ce qu'il traite dans le
Cha-
.
SEPTEMBRE. 1733. 1961
Chapitre: Certes c'est un sujet merveilleusement
vain , divers et ondoyant que l'homme ; il
estenal aisé d'y fonder jugement constant et
uniforme. Ce qui est ainsi paraphrasé dans
votre Traduction . Au reste il ne manque
pas d'exemples contraires à ceux - cy , ce qui
fait voir l'inconstance , et si cela se peut dire
, la variation de l'homme dans les mêmes
circonstances , il agit differemment et
reçoit des mêmes objets des impressions tout
opposées , d'où il s'ensuit qu'il n'est pas sûr
d'en juger d'une maniere constante et uniforme.
La Traduction est plus polie et
plus déployés , mais l'Original est plus vif
et plus dégagé ; et de cet ondoyant , qu'en
avez-vous fait ? De cet ondoyant qui tout
seul vaut un discours entier C'est là que
se découvre le grand Art de la précision ,
et c'est dans ce goût délicat et serré que
l'admirable la Fontaine commence un
de ses Contes.
O combien l'homme est inconstant , divers ,
Foible , leger , tenant mal sa parole.
1
Quoique deux phrases ne soient pas
suffisantes pour faire le parallele de l'Original
, cependant je m'en tiendrai là.
Je les ai prises au hazard , et pour s'en
convaincre on n'a qu'à comparer la premiere
1966 MERCURE DE FRANCE
miere phrase de chaque Chapitre de l'Original
, avec la premiere de chaque Chapitre
de la Traduction . Pour faire court ,
je trouve Montaigne excellent tel qu'il
est , non que je prétende absolument le
justifier de quelques vices que vous censurez
; mais en ce Monde il n'est rien
d'accompli , le Soleil a ses taches , et les
hommes au-dessus du commun ne sont
pas moins extraordinaires dans leurs défauts
, que dans leurs vertus .
Hor superbite è via col viso altero ,
Figliuoli d'Eva , è non chinate'l volto ,
Si che veggiato il vostro mal sentero.
›
Dante , Purg. Canto 12.
Vigneul Marville , dans ses mélanges
d'Histoire et de Littérature , décide quel
quefois au hazard, du mérite des Auteurs.
Quand il rencontre juste, c'est pour l'ordinaire
un aveugle qui ne sçauroit marcher
sans bâton. Le jugement qu'il porte
des Essais de Montaigne dans son premier
volume , est copié d'après l'Auteur
de la Logique de Port- Royal , Pascal et
Malbranche ; qui devoient parler avec
plus de circonspection du Maître qui
leur apprit à penser ; quand ce n'eût été
que par reconnoissance.
Ce
SEPTEMBRE. 1733. 1967
Ce que le même Vigneul Marville soutient
dans son second volume , au sujet
de l'esprit de Montaigne , me paroît cependant
fort judicicux ; mais vous n'y
trouverez pas votre compte , vous qui
pensez à nous donner tout Montaigne à
votre guise. Tel que soit un Auteur , nous
dit il , il nefaut point le démembrer , on
aime mieux le voir tout entier avec ses deffauts
, que de le voir déchiré par piéces ; il
faut que
le corps et l'ame soient unis ensemble
; la séparation de quelque maniere qu'elle
se fasse ne sçauroit être avantageuse aw
tout et ne satisfera jamais le public.
Vigneul Marville , dans son troisième
volume , revient encore aux Essais de
Montaigne , preuve qu'il l'estimoit , car
d'un Auteur qu'on méprise , on ne s'en
embarasse pas tant ; mais il prend de travers
une partie du jugement qu'en a porté
Sorel , dans sa Bibliotheque Françoise.
Quelque favorable que lui soit Sorel , dit
Marville , il ne peut s'empêcher de dire que
ce n'est point une Lecture propre aux igno
rans , aux apprentifs et aux esprits foibles
qui ne pourroient suppléer au défaut de l'or
dre , ni profiter des pensées extraordinaires
et hardies de cet Ecrivain. Peut- on dire
après cela , que le jugement de Sorel soit
désavantageux à Montaigne , et qu'il ne
soit
1968 MERCURE DE FRANCE MERCU
soir plutôt en sa faveur que contre lui ?
Vigneul Marville étoit prévenu , enyvré
de Malbranche et de Pascal , il ne voyoit
pas que c'étoit la jalousie du métier qui
les forçoit à rabaisser Montaigne , et que
par conséquent ils ne devoient point être
témérairement crus sur leur parole, quoique
la Bruyere dût avoir les mêmes motifs
; néanmoins il en parle en juge intelligent
et désinterressé , et d'abord il
saute aux yeux , qu'il en veut à ces Critiques
chagrins , à ces Philosophes jaloux,
à ces Géometres pointilleux , qui ne sont
jamais contens que d'eux - mêmes. Voici :
les termes dont se sert la Bruyere : Deux
Ecrivains dans leurs Ouvrages ont blâme
Montaigne , queje ne crois pas , aussi - bien
qu'eux , exempt de toute sorte de blâme ; il
paroît que tous deux ne l'ont estimé en nulle:
maniere ; l'un ne pensoit pas assez pourgoû
ter un homme qui pense beaucoup , l'autre
pense trop subtilement , pour s'accommoder
des pensées qui sont naturelles ; Que cette :
critique est modeste ! que les Censeurs.
sont finement redressez , et que l'éloge
est délicat !
J'oubliois de vous demander , Monsieur
, pourquoi en traduisant Montaigne
, vous ne parlez pas de rendre en
Beaux Vers François les citations qu'il entrelasse
SEFTEMBRE . 1733. 1969
trelasse avec un art admirable , et qui ne
peuvent être supprimées qu'à son préjudice.
Questo , comme dit l'Italien , Guasterà
la coda alfagiana.
Au reste je rends justice à votre stile
dont les beautez , par rapport à ellesmêmes
sont tres bien entendues . Il n'y a
personne qui ne s'apperçoive en les lisant
, que vous n'en êtes point à votre
coup d'essai , ou que , si vous n'avez point
encore fait présent au public de quelque
Ouvrage , vous ne soyez en état de lui en
donner d'excellens , quand il vous plaira.
Je ne pense pas non plus que ma décision
doive servir de régle : je dis mon
sentiment , je puis me tromper , et
dans ces jours de dispute , il faudroit que
je fusse bien folle pour me proclamer infaillible.
Je ne doute pas même que votre
entreprise ne soit du goût d'une infinité
de personnes qui jugeront que je
rêve , et qui se diront l'une à l'autre :
An censes ullam anum tam deliram fuisse ?
Cependant cette Lettre ne sera point
sans quelque utilité , elle servira à prouver
en votre faveur que quelque bon que
puisse être un Ouvrage nouveau , il ne
parvient pas d'abord jusqu'à subir l'approbation
générale. Vous aurez votre
Four , vous critiquerez cette Lettre , le
1
stile
1970 MERCURE DE FRANCE
stile vous en paroîtra irrégul er ; lardé à
tort et à travers de citations estropiées ,
qui comme des pièces étrangeres , wit
nent mal - à - propos se placer dans l'échiquier.
Vous me donnerez le nom de
mauvais Singe de Mathanasius.
O la plaisante bigarure , direz- vous !
ôle rare et le nouveau parquet ! Ceci
n'est ni Voiture , ni Balzac , ni Bussi
ni Sévigné ; à quoi bon citer en Latin ,
en Italien , en Espagnol , ce qui peut
avoir la même grace en François ; ces reproches
, auxquels je me prépare , me
tappellent ce que j'ai lu dans les Lettres
d'Etienne Pasquier. Le passage est assez
divertissant , pour être rapporté tout au
long : Non seulement désire - je , dit cet
Auteur , que cette emploite se fasse ès Païs
qui sont contenus dans l'enceinte de notre
France ; mais aussi que nous passions tant
les Monts Pirénées que les Alpes , et désignions
avec les Langues qui ont quelque
communauté avec la nôtre , comme l'Espagnole
et l'Italienne , non pas pour ineptement
Italianiser, comme fent quelques Soldaıs , qui,
pourfaire paroître qu'ils ont été en Italie
couchent à chaque bout de champ quelques
mots Italiens. Il me souvient d'un Quidant
lequel demandant sa Berrette , pour son
Bonnet, et se courrouçant à son Valet qu'il ne
>
Lui
SEPTEMBRE. 1733. 1971
lui apportoit le Valet se sçut fort bien excuser
, lui disant qu'il estimoit qu'il commandoit
quelque chose à saservante Perrette.
La plaisanterie qui suit celle - ci dans la
même Lettre , est dans le même goût ,
mais elle est si gaillarde qu'il me suffira
d'y renvoyer le Lecteur ; quoiqu'après
un Prud'homme , tel que Pasquier , il
semble qu'il n'y ait point à risquer de
faire de faux pas dans le sentier de la
modestie.
Qu'il faut de travail pour se former
un stile , qui soit à la fois varié , léger ,
agréable et régulier ! l'un est diffus , enflé,
tonnant , le bon sens est noyé dans les
paroles ; l'autre est si pincé , si délicat
qu'il semble que ce soit une toile d'araignée
qui n'est bonne à rien , et dont les
filets sont si déliez qu'en souflant dessus ,
on jette au vent tout l'ouvrage. Cependant
tous les Auteurs se flattent d'écrire
naturellement, Je lus ces jours derniers
un Factum , cousu , brodé, rapetassé
recrépi de citations vagues et superflues
, et farci de plaisanteries fades et
amenées par force. Ce qui me fit rire ,
ce fut de voir citer les Eglogues de
Fontenelle dans un Ecrit où il ne s'agit
que de Dixmes ; mais j'entends , ou je
me trompe , tous nos Auteurs , Petits-
Mai1972
MERCURE DE FRANCE
Maîtres , qui se rassemblent en tumulte ,
et m'accusent devant Appollon, en criant
après moi , comme quand les Normands
appelloient de leurs débats à leur fince
Raoul , d'où nous est venu le terme de
Haro : Comment , me disent - ils , vous
osez nommer un Auteur aussi distingué
que l'est M. de Fontenelle , et le nommer
Fontenelle tout court , sans que son
nom soit précédé du terme cérémonieux
de Monsieur? Pardonnez moi , gens paîtris
de Musc et de Fard , et qui faites
gloire d'être tout confits en façons.
Je suis fiere et rustique , et j'ai l'ame grossiere.
Ne vous souvient il pas du trait d'un
Gascon , qui disoit nûment qu'il dînoit
chez Villars ; et sur ce que quelqu'un
l'argnoit , en lui représentant que le petit
mot de Monsieur ne lui eût point
écorché la bouche. Eh ! depuis quand , répondit-
il , dites vous Monsieur Pompée ,
Monsieur César , Monsieur Aléxandre ?
Je puis donc aussi riposter sur le même
ton : Depuis quand dites- vous Monsieur
Lucien , Monsieur Virgile Monsieur
Cicéron , Monsieur Pline ? Nos François
qui se portent un respect infini , ont appris
des Italiens , ce me semble , à se Mon→→
signoriser. Autrefois , et il n'y a pas long-
'
temps ,
SEPTEMBRE . 1733. 1973
temps , un Livre portoit le nom de son
Auteur , et même son nom de Baptême,
( ce qui paroîtroit aujourd'hui tenir du
campagnard ) ; cela , sans aller chercher
plus loin , et sans remonter jusqu'à Mə
rot , Saint Gélais , Malherbe, se peut voir
dans les premieres Editions de Corneille ,
de Boileau et de Racine, qui sont simplement
intitulées : Théatre de P. Corneille ,
Oeuvres de Nicolas Despreaux - Boileau ,
Oeuvres deRacine ; mais depuis que la plûpart
des Comédies ne sont que des tissus de
complimens , et lesTragédies de petits Ro-`
mans en rime ; tout sent parmi nous l'afféterie
et l'affectation ; et le superflu ne se
trouve pas moins dans le titre que dans le
corps de l'Ouvrage. A propos , de superflu
, je ne pense pas que je vous donne
beau jeu , et que vous me répondiez que
si le superflu domine jamais que que part,
c'est sur tout dans cette Lettre , où j'entasse
Discours sur Discours , qui ne tienment
presque point au sujet ; j'avouerai
qu'en commençant cette Lettre , mon
dessein n'étoit que de vous dire simplement
dans une demi page , ce que je
pense de votre projet de traduction ; mais
les phrases se sont insensiblement enfilées
comme des Patenottes , grosses ,
petites , et de toutes couleurs ; telle est
D ma
1974 MERCURE DE FRANCE
ma maniere d'écrire une Lettre promptes.
ment , sans apprêt , jettant sur le papier
tout ce qui se présente , pouvû qu'il ne
soit point absolument déraisonnable . Je
suis , Monsieur , & c.
Au Croisic en Bretagne , ce 7. Aoust.
** :** X * XXX:XXXXXX
RE'PONSE de Mlle de Malerais de
la Vigne, à M. D ... sur ce qu'il a donné
son Portrait en Vers , dans le Mercure
de May , page 875.
C
Eux qui me connoîtront , et verront là
peinture ,
Où tu sçais poliment embellir tous mes traits ,
Diront que l'Amitié , réformant la Nature ,
Avec un Microscope aperçoit les objets.
M
Tu veux dans tes beaux Vers que le Lecter
conçoive ,
Que mon ame regarde avec tranquillité ,
Des Eloges fateurs , le breuvage apprêté ;
Composé de ta main , crois- tu que je le boive }
Sans une douce avidité ?
Mot
SEPTEMBRE. 1733. 1975
Mon coeur fut chatoüillé , c'est lui qui te l'avouc
pect des talens , dont le tien l'a doüé ,
Que l'Eloge est touchant ! quand celui qui nous
loüe ,
Est lui-même en tous lieux loüé.
LETTRE écrite aux Auteurs du Mercure,
touchant un ancien Vocabulaire des Villes
de France.
E que j'ai lu,Messieurs,dans le Mer-
CEcure de Mars dernier , touchant les
différens noms des Académies d'Italie , et
ce qu'on y ajoute , tiré d'un Jurisconsulte
, touchant certains noms populaires et
triviaux , attribuez à quelques Villes de
France , m'a engagé de consulter mes
Recueils , et de vous proposer une Liste
de Proverbes qui m'a paru beaucoup
plus curieuse , et par le nom des Villes
qui y sont distinguées , et par son antiquité.
Elle a été tirée d'un Manuscrit de la
Bibliotheque de M. Seguier ou de Coaslin
, cotté lors . Il en contient trente - six ,
mais pour cette fois - ci je me propose de
ne vous en envoyer que la moitié , et je
Dij vous
1976 MERCURE DE FRANCE
vous prie de les faire imprimer en colonne
, tels que je les représente icy , afin
que le Lecteur soit moins fatigué les
lire. Le langage vulgaire de cette Liste
me paroît de 4 à 500 ans ; si j'avois vû
l'original , j'en jugerois plus affirmativement
par le caractere de l'Ecriture ; au
cas que la Coppie dont je me suis servi
soit fautive , vous êtes plus à portée que
moi de la rectifier , en consultant l'ori
ginal : En voici les termes ;
Personnes de Rains.
Seignor de Laon.
Cervoice de Cambrai.
Buriers de Tornai.
Li prive de S. Denise.
Li esgare de Teroane .
Li garsilleor de Roan .'
Li Doneor de Lisisies.
Lijureor de Baiex.
Li Sorcuidie de Coutances.
Li Cloistrier de Canz.
Li poure orgueillox de Tors;
Li enfrun de Tol.
Li Damoisel d'Amiens.
La Bachelerie de Beauvèz.
Li Bordeor d'Arraz.
La Nience de Chaalons.
Li Chanteor de Sens,
Voil
SEPTEMBRE. 1733 1977
Voilà dequoi exercer l'esprit de ceux
qui connoissent les anciennes Coutumes
et les génies des peuples. J'entrevois que
quelquefois il peut y avoir de la badinerie
dans le nom adjectif ou substantif
qui
qui est joint a celui de ces Villes ; mais
sera toujours bon d'en avoir le dénouement.
Je ne croi pas qu'on puisse se fâcher
de cette recherche , puisque les
moeurs sont bien changées depuis ce
temps-là , et que souvent ce qui fait désigner
telle Ville , par telle ou telle dénomination
, peut ne venir que d'un petit
nombré de ses habitans , et d'une société
particuliere qui s'y distinguoit , ou
de quelque histoire qui sera arrivée une
fois. Dailleurs un particulier auroit grand
tort de prendre pour lui ce qui ne se die
qu'en général. Voit-on les Normands se
fâcher de l'Epithete qu'on attribue communément
à leur Nation ? Et les Picards
se mettre en colere quand on leur dit
qu'ils ont la tête caude ? M. du Cange
qui étoit Picard , n'a pas même dédaigné
de fournir quelques preuves , que ce mot
de Picard n'a pas une origine des plus
honorables ; quoiqu'un peu plus bas il se
mocque de celle que M. de Valois lui attribue
dans sa Notice des Gaules . Un bon
Curé Champenois , du quatorziéme sié-
D, iij cle
1978 MERCURE DE FRANCE
cle , inséra autrefois dans son Livre d'Eglise
, ces deux Vers Léonins , sur les
Picards :
Isti Picardi non sunt ad pralia tardi :
Primò sunt hardi , sed sunt in fine åardi.
Ces deux Vers étoient apparemment
dans la bouche des Nouvellistes . Le dernier
mot y étant par abrégé , n'est pas
tout à - fait clair ; cependant il est sûr que
la quantité du Vers exige un terme de
trois syllabes ainsi il faut lire , Conardi
ou Conardi, et plus probablement Coйardi
, qui aura été dit par opposition à
Hardi , puisque Conar signifie , en vieux.
langage , Timide , Fuyard.
Au reste , Messieurs , faites en sorte , je
vous prie , que le distique de ce bon
Prêtre Champenois ne soit point cause
que la Nation Picarde intente à la Champenoise
un Procès pareil à celui que les
habitans de Dreux lui intenterent il y a
quelques années ; Procès que avez eu bien
de la peine à assoupir. Je suis , &c.
COSEPTEMBRE.
1733. 1979
CODRUS ,
POEME.
Ar de lugubres cris , pourquoi frapper les
Cieux ? PA
Athénes , est-ce ainsi que tu rends grace aux
Dieux ?
Oses-tu , Peuple ingrat , déplorant ta victoire
,
Faire au destin propice , un crime de ta
Gloire ?
Öses - tu .....
erreur !
mais hélas ! quelle étoit mon
Je cesse d'insulter à ta juste douleur.
Poursui , par des regrets , par des pleurs légi
times ,
Honore d'un Héros les cendres magnanimes.
Moi-même retraçant sa vertu dans mes Vers ,
Je vais lui rendre hommage aux yeux de l'Univers.
Les Armes à la main , l'impérieuse Athénes ,
S'avançoit contre Sparte et lui portoit des
chaînes .
Sparte armoit à son tour , pour défendre ses
droits ,
Et forcer sa Rivale à fléchir sous ses Loix.
D iiij
Mais
1980 MERCURE DE FRANCE
Mais Delphes , vain obstacle à leur jalouse
rage ,
N'annonçoit au vainqueur qu'un barbare avantage.
Qu'un Triomphe odieux , chérement acheté ,
Triste arbitre du joug , ou de la liberté ,
Un des Rois immolez , victime infortunée ,
De ses Grecs triomphans , fixoit la destinée.
Il devoit arroser de son sang précieux
Les funestes Lauriers d'un peuple ambitieux.
Instruit des Loix du Sort , mais bravant sa disgrace
,
Codrus offre sa tête au coup qui la menace.
Contre la vie , armé du plus noble mépris ,
11 va remettre aux Dieux des jours qu'ils ont
proscrits.
Cher aux siens , son grand coeur surptend leu
vigilance ,
Cher à ses ennemis , il trompe leur prudence.'
Pour voiler ses desseins d'un sûr déguisement ,
Il revêt d'un Berger , l'obscur habillement.
Dépouilles à ses yeux cent fois plus glo
rieuses ,
Que de l'autorité les marques fastueuses.
Orné par la vertu , riche de ses Trésors ,
Que Codrus étoit grand , sous ces humbles de
hors !
Ah ! Prince, peu touché d'un honneur chiméri
que ,
De Sparte laisse agir la sage politique.
Ton
SEPTEMBRE . 1733. 1981
Ton ennemi lui-même aide à ta sûreté
Avide des honneurs et de la liberté .
Quénes à son gré les défende elle même ;
Absous , absous les Dieux d'une injustice extrê
me.
Leurs Oracles souvent , par des sens imposteurs、
Des Crédules humains , ont guidé les erreurs.
'Arrête ... c'en est fait , ce Guerrier intrépide ,
Suit hardiment la voïe où son honneur le guide.
'Athénes, Dieux , Destin , dit- il, sans s'ébranler
Récompensez le sang. que vous faites couler.
Assûre tes succès , florissante Patrie ,
J'acquitte tes faveurs aux dépens de ma vie.
Heureux de te servir , par un trépas certain ,
Oui , Codrus , méritoit de naître dans ton sein.
Il dit , de quelle ardeur son ame est enflammée !
Il vole impatient de l'une à l'autre armée.
Il parvient jusqu'aux lieux où Sparte a ses regards
Fait au loin dans les Airs , flotter ses Etendarts,
Utile à ses projets , une feinte insolence ,
Contre lui des Soldats aigrit la violence ,
D'un monde d'ennemis , justement irrité ,
Il méprise la rage et craint l'humanité.
Il brave leur couroux. Il défie , il menace ,
Il étale en tous lieux une impuissante audace.
Trois fois de sa grandeur , un secret sentiment ,
L'avoit déja soustrait à leur ressentiment.
Ses efforts, étoient vains , son insulte impunie
3.
Dv Et
1982 MERCURE DE FRANCE
Et les Dieux , malgré lui , le rendoient à la vie. “
Mais dédaignant du sort l'importune faveur ,
Des Soldats outragez îl arme la fureur.
Athénes va regner. Levez pour la vengeance ,
Mille bras vont punir sa téméraire offense.
Je vois le coup mortel , qui va trancher ses
jours ,
Cruels , que faites- vous ? ménages - en le cours
Connoissez , .... respectez ,
Monarque , ...
.... conservez us
Il doit vous être cher , ... mais c'en est fait
la Parque ;
8
Finit le Sacrifice , en fermant son Ciseau ,
Sparte aux Fers , va bien- tôt honorer son Tombeau.
Il meurt , et l'avenir chérissant sa mémoire ,
Couronne sa vertu d'une immortelle gloire.
Venez , Tyrans , venez admirer à la fois ,
Un Citoyen , un Roy , le modele des Rois.
Imitez -le , sachez dans les Grandeurs suprêmes.
Au bien de vos Etats , vous immoler vous- mêmes.
M. DE ROYAUCOURT ,
de Soissons.
MEMOIRE
SEPTEMBRE . 1732. 1983
***************
MEMOIRE de M.... sur le Liew
de la Sépulture de S. Aignan , Evêque
d'Orleans.
N lit dans les Actes de S. Aignan ,
Evêqued'Orleans , recueillis par la
Saussaye ( 1 ) et par Hubert , dans
ses Preuves sur les Antiquitez de saint
Aignan , et inserées en partie dans le Ŕecueil
de Surius , que ce saint Evêque
qui mourut en 453. fut d'abord enterré
dans l'Eglise de S. Laurent des Orgerils
et y fut long- temps l'objet de la veneration
des Fideles , jusqu'à ce qu'on le
transporta de l'autre côté de la Ville
dans l'Eglise qui porte aujourd'hui son
nom ( 2 ) et qui étoit alors dédiée à l'Apôtre
S. Pierre.
Ce fait néanmoins n'est rien moins que
probable ; et sans vouloir s'inscrire en
faux contre les Actes qui le rapportent ,
et qui ne sont pas d'une authenticité
irreprochable ,il suffit de lire les Auteurs:
anciens qui nous ont parlé de S. Aignan,
(1) Annal. Eccles . Aurel.
(2 ) Autrefois cette Eglise qui se trouve mains
tenant dans la Ville , en étoit hors.
D vj pour
1984 MERCURE DE FRANCE
pour voir que le Corps de ce grand Saint
n'a jamais changé de place , et qu'il a tou
jours été dans l'Eglise ( 1 ) qui porte son
nom , et où l'on conserve encore ce qui
* pû échapper de ses précieuses Reliques.
à l'impieté des Calvinistes, dans les troubles
de 1562 .
Le silence de quelques uns de ces Au
teurs sur le lieu de la sépulture de notre
Saint , ne prouve rien pour l'Eglise
de S. Laurent , au contraire ce silence
n'auroit- il pas quelque chose de surprenant
, si en effet le Corps de S. Aignan
eût été d'abord enterré ailleurs que dans
PEglise qui portoit son nom de leur
temps ? et ce temps étoit- il si éloigné de
celui du saint Evêque , qu'ils eussent pû
ignorer un fait de cette nature ?
Car enfin ces précieuses Reliques n'ont
pû changer ainsi de place sans bruit et
sans éclat. Il falloit traverser la Ville
dans toute sa longueur d'Occident en
Orient , et la Tranflation dut être fort
solemnelle ; supposé donc , ce qui n'est
gueres croyable , qu'on en fût venu jusqu'à
ignorer le temps de cette Tranflation
, comment auroit- on pû perdre st
tôt le souvenir de la Tranflation même
(1) Cette Eglise est dans le Fauxbourg Ocoi
dental de la Ville, sur le bord de la Loire.
CeSEPTEMBRE
. 1733. 1989
Cependant il se trouve non- seulement
que personne n'en fait mention , mais
'on ne nous en dit pas même le moindre
mot qui puisse faire rien conjecturer
de semblable .( 1 ) Leodebod , Abbé de
S. Aignan et Fondateur de l'Abbaye de
S. Benoît sur Loire , sous le Regne de
Clovis II. parle ainsi de l'Eglise de saint
Aignan Dum me divina pietas Basilica
Domini Aniani , ubi ipse Dominus in corpore
requiescit , Abbati sublimatum honore,
& c. et plus bas : Monasterium sancti
Petri adificare delibero , ubi jam dictus vir
Dei sanctus videlicet Prasul Anianus , con
dignè jacet tumulatus . ( 2 ) Fredegaire , parlant
du Serment de fidelité que Godin
fils de Warnachaire , Maire du Palais
de Bourgogne sous Clotaire II . devoit
prêter sur les Reliques de S. Aignan ,
dit simplement : Ut Aurelianis in Ecclesia
sancti Aniani .... sacramentum impleturus
adiret. Gregoire ( 3 ) de Tours dit
que Namatius , Evêque d'Orleans , mort
à la fin du sixiéme siecle , fut enterré
dans l'Eglise de S. Aignan : Corpusculum
ejus ad urbem suam delatum in Basilica
* ( 1 ) Duchesne , Tom. 4. Hist. Franc. page
39. c.
(2 ) N. 54. p. 63.2.
(3) Lag. & 18: p. 437
saneta
1936 MERCURE DE FRANCE
...
sancti Aniani Confessoris sepultum est. ( 1)
L'Auteur anonime de la Vie de S. Mesmin
, qui écrivoit , comme l'on croit
au septiéme siecle , dit que S. Euspice
fut enterré dans l'Eglise de S. Aignan ,
auprès du Corps de S. Aignan même
et à sa droite : Visum est . ut in bea
tissimi Aniani Ecclesiam Corpus ejus transferretur
, et ad dextram partem corporis ejus
dem sanctissimi viri poneretur. Il ajoûte :
Quum placuisset ut per medium civitatis
sancia Reliquia portarentur.... et ventum
esset ad portam Orientalem ejuslem urbis .
que transmittit ad Monasterium sancti
Aniani , & c.
On voit clairement ici et sans équivoque
, que le Corps de S. Aignan étoit
dans l'Eglise de S. Aignan , et que cette
Eglise étoit à l'Orient de la Ville d'Or
léans , du côté diametramelement opposé
à celle de S Laurent , qui est à
Occident. Or S. Euspice vivoit sous.
Clovis I. Donc le Corps de S. Aignan
reposoit dès ce temps - là dans l'Eglise
qui porte aujourd'hui son ' nom , sans
qu'il paroisse encore qu'il y eût été
transporté d'ailleurs . Un témoignage du
même temps , quoique peut- être moins
recevable dans l'esprit de plusieurs , se
(4) Mabill. Act. SS . Ben. T. 1. p. 535. n. 18.
tire
SEPTEMBRE. 1733. 1987
tire de la vie de sainte Geneviève , ( 1 )
écrite dix - huit ans après sa mort et du
Mile que cette Sainte fit à Orleans
dans l'Eglise de S. Aignan : In sancti
Antani Basilica. Quand on voudroit
s'inscrire en faux contre le Miracle , il
demeureroit toujours vrai que du temps
de cet Historien , l'Eglise qui porte aujour
d'hui le nom de S. Aignan , renfermoit
le Corps de ce saint Evêque.. Dans quel
temps donc y aura - t'il été transporté ?
On ne peut guere compter que cinquante
ans d'intervalle entre la mort de saint
Aignan et le commencement du Regne
de Clovis I. Sera -ce du temps de Clovis
même , et par les ordres de ce Prince ,
comme le prétend Gubert ? Mais quelle
preuve en a- t'on ? aucune . Disons mieux,
il n'y a aucune preuve , pas même le
moindre indice de Tranflation ,
soit depuis
, soit devant Clovis ; mais on a contre
ce sentiment quelque chose de plus
positif, et il est aisé de prouver que ce
n'est pas d'aujourd'hui qu'il est combattu
par une Tradition contraire .
Un ancien Manuscrit ( 2 ) parlant de
la Translation de S. Baudifle à Orleans ,
( 1) Manuscrit de l'Abbaye de sainte Geneviève..
(2 ) Manuscrit de la Bibliotheque du Roy , N° ..
XXXVIII, qui a appartenu à M. Duchesne...
dit
1988 MERCURE DE FRANCE
dit que S. Aignan en apporta le Corps
de Nismes à Orleans , et qu'il le déposa
dans l'Eglise de S. Pierre , où il
même enterré depuis : Anianus... Baudelii..
Corpus.... in Ecclesia Beati Petri extra
muros civitatis Aureliana recondit in qua
et ipse post modum repositus est . Or , jamais
l'Eglise de S. Laurent n'a porté le
nom de S. Pierre ; c'est donc dans celle
de S. Aignan que l'Auteur veut dire que
S.Baudille a été transporté , et par conséquent
il croyoit que S. Aignan lui -même
n'avoit point été enterré ailleurs. C'en est
assez pour récuser l'autorité des Actes
de ce S. Evêque , lorsqu'ils avancent qu'il
fut enterré dans l'Eglise de S. Laurent.
Aussi les Freres de sainte Marthe, qui ont
suivi exactement la Saussaye et Guyon
dans leur Catalogue des Evêques d'Or-
Jeans , se sont bien gardez de s'en rapporter
à eux au sujet de la sépulture
de S. Aignan : Tumulatus est , disent ces
Illustres Freres , in ade sancti Petri Apos
toli , nunc dicta ab ejus nomine Regalis
Collegiata sancti Aniani in urbe.
SEPTEMBRE. 1733. 1989
i̟į ♣♣ ♣ˆ ▴i̟i̟♣ˆ!!
LETECHEUR TROUBLE'
AU-DEDANS DE LUI -MESME.
Rand Dieu , j'ai méprisé ta puissance su-
Contre tes saintes Loix je me suis révolté ! ...
Je ne puis m'empêcher de me haïr moi- même ,
Quand je viens à penser à mon iniquité ...
Hélas ! de toutes parts mon malheur est ex
trême , • • •
J'ai tout perdu , grand Dieu , lorsque je t'ai
quitté.
De mes nombreux forfaits l'effrayante peinture
Se présente sans cesse à mon esprit troublé :
Enfant dénaturé , rebelle Créature ,
Je sens un bras vangeur dont je suis accablé.
Si le Ciel en courroux fait gronder son Ton
nerre ,
Une secrette horreur glace aussi- tôt mes sens ;
Je pense qu'à moi seul il déclare la guerre ;
Mille coups redoublez , mille Eclairs menaçants ,
Me semblent m'annoncer qu'il va purger la
Terre ,
Et me précipiter dans le lieu des tourmens.
Tantôt je crois entendre une voix redoutable ,'
Me dire que bien - tôt je remplirai mon sert ;
1990 MERCURE DE FRANCE
Et tantôt je crois voir le gouffre épouventable ,
Où tant de malheureux tombent après lent mors.
Soït que l'Astre du jour couronné de lumiere,
Dune course rapide abandonne les flots ;
Soit qu'il termine enfin sa pénible carriere ,
Et nous invite à prendre રે un paisible repos ;
Mon ame malgré moi se livre toute entiere ,
Aux remords , aux chagrins , aux soupirs , aux
sanglots .
Ainsi traine à regret sa miserable vie ,
Le Tigre furieux qu'un Chasseur a blessé ;
Il fuit dans les Deserts de l'ardente Lybieg
Mais il porte partout le trait qui l'a percé.
REFLEXIONS.
Lperdre à
propos .
Es hommes ne sçavent ni donner ni
Pecuniam in loco negligere , maximum interdum
lucrum est. Terence . Adelph.
L'esprit de l'homme se connoît à ses
paroles et sa naissance ou son éducation
à ses actions.
C'est le destin de l'homme de ne jamais
SEPTEMBRE . 1733. 1991
mais connoîce Son vrai bien , et de chercher
courant à être plus mal , pour vou
mieux.
Il est plus aisé d'abuser les hommes
par une narration où il entre du merveilleux
, que de les instruire par un
récit simple et naïf.
Nous sommes presque tous de telle
condition , que nous sommes fâchez d'être
ce que nous sommes.
On ne doit jamais parler de soi ni en
bien , parce qu'on ne nous croit point ,
ni en mal , parce qu'on en croit plus
qu'on n'en dit.
Les hommes prétendent que les femmes
leur sont fort inferieures en mérite , cependant
ils ne veulent leur passer aucun
défaut , et ils éclatent en mauvaise
humeur quand elles en remarquent quelqu'un
marqué en eux . Ils devroient opter
, s'appliquer à avoir moins de défauts
qu'elles , ou avoir moins de sévérité pour
les leurs.
Un homme toujours satisfait de luimême
, l'est peu souvent des autres ; rarement
on l'est de lui.
On
1992 MERCURE DE FRANCE
On trouve bien des hommes qui s'avoient
avares , vindicatifs , yvrognes ,
orgueilleux , poltrons même ; mais l'en
vie et l'ingratitude sont des passions si
lâches et si odieuses, que jamais personne
n'en demeura d'accord. Il n'y a point
de vertus compatibles avec les vices , et
point de crimes ausquels elles ne puissent
conduire.
La plupart des hommes ont bien plus
d'affectation et d'adresse pour excuser
leurs fautes , que d'attention pour n'en
point commettre.
Quand on paroît aimable aux yeux
des hommes , on paroît à leur esprit
tout ce qu'on veut .
Il n'est pas plus dangereux de faire du
mal à la plupart des hommes , que de
leur faire trop de bien .
Les hommes ont plus d'interêt à cor
riger les défauts de l'esprit , que ceux du
corps ; ils agissent cependant comme s'ile
étoi.nt persuadez du contraire.
Les hommes ont une application continuelle
à cacher et à déguiser leurs vices
СБ
SEPTEMBRE. 1733. 1993
et leurs défauts ; ils auroient peut- être
moins de peine à s'en corriger.
La vertu est souvent voilée par la modestie
, et le vice par l'hypocrisie ; ainsi
il est bien difficile de pouvoir penetrer
l'interieur des hommes.
Il est aussi avantageux aux hommes
de publier les bienfaits qu'ils reçoivent,
u'il leur est desavantageux de se plaindre
de leurs disgraces.
qu'il
Les hommes sont aveugles dans leurs
desirs , leurs pensées sont trompeuses ,
leurs discours et leurs esperances folles ,
et leurs apétits dereglez. Omnes decipimur
specie recti , dit Horace . Car à plusieurs
une blessure a procuré la santé ,
et l'on s'est trouvé quelquefois au comble
de la gloire , quand on ne devoit attendre
que l'infamie ou la mort.
Les hommes ne sont pas obligez d'être
bien faits , d'êtres riches ; ils sont obligez
d'avoir de la probité et de l'honneur,
Les hommes trouvent presque toujours
la peine , quand ils la fuyent avec
trop d'empressement.
Etre
1994 MERCURE DE FRANCE
Etre utile au Public , est un call tere
brillant ; ne nuire à personne , est un
état de vertu obscur , mais for rava Il
faudroit que les hommes avant que d'êtres
utiles au Public , cessassent de nuire
à qui que ce soit.
On doit plaindre presque également
un homme riche qui n'a qu'une bonne table
, et un pauvre qui n'a que de l'apétit.
C'est une grande foiblesse à un Prince
de n'oser refuser justement ce qu'on ose
bien lui demander sans avoir égard à
la justice.
Les Grands , pour l'ordinaire , se contentent
de sentir qu'on leur est agréàble
, sans approfondir si on mérite de
l'être. Leur plus importante occupation
cependant devroit être de connoître les
hommes , puisqu'ils veulent passer pour
les images de la divinité ; mais ils craignent
en cela de se détromper , de peur
de trouver souvent leurs Favoris indignes
de leurs bontez , et les autres hommes
qu'ils ne regardent pas , dignes de
plus de distinction .
Les Souverains se picquent d'ordinaire
de
SEPTEMBRE. 1733. 1995
7
de constance ; ils condamneroient plutôt
leurs propres Enfans que de blâmer
un Sujet choisi de leur main . Ils ne crais
tant de paroître malheureux
dat leur famille
Pears
jugemens.
, que mal- habiles dans
Ifatti de Principi , hanno ogn'altra facsia
che la vera.
Il est bien rare que les Grands n'abusent
pas de leur grandeur.
Il y a cette difference entre le Peuple
et les Grands ; que celui - là perd fa- .
cilement le souvenir des bienfaits et des
injures , au lieu que celui- cy oublie facilement
les plaisirs reçûs , et se souvient
toujours des injures.
Plusieurs méprisent la grandeur , afin
de s'élever dans leur imagination audessus
des Grands et de se bâtir ainsi une
grandeur imaginaire. De même qu'en
méprisant les richesses, c'est souvent pour
se faire un petit trésor de vanité , qui
tienne lieu de ce qu'on n'a pas.
Les Princes doivent être extrémement
attentifs à moderer tellement , même
leurs
1996 MERCURE DE FRANCE
à
leurs vertus , que l'une ne nuise pas
l'autre par son excès . Prendre garde sur
tout que leur justice et leur bonté ne
s'entre- détruise ; car à vouloir êne trop
juste , on devient odieux ; à vouloir être
trop bon , on devient méprisable.
L'estime des Grands est quelquefois
facile à acquerir , mais elle est toujours
difficile à conserver.
Selon le sentiment d'Epicure , il doit
être plus agréable de donner que de recevoir.
L'ingratitude même ne doit pas nous
empêcher de faire du bien , car il vaut
encore mieux que les bienfaits se perdent
dans les mains des ingrats , que
dans les nôtres.
Rien ne s'achette plus cherement que
ce qu'on achette par les prieres.
L'avidité de recevoir un nouveau bien--
fait , fait oublier celui qu'on a déja reçû .
Cupiditas accipiendorum oblivionem facit
acceptorum. Seneq .
Nous traçons sur la poussiere les bienfaits
SEPTEMBRE . 1733. 1997
faits que nous recevons , et nous gravons
sur le marbre le mal qu'on nous
fait , dit un Ancien.
Un bienfait desaprouvé n'est gra
ce que pour un seul , et c'est une injure
pour plusieurs.
Le bienfait n'est tel que par le bon
usage qu'en fait celui qui le reçoit .
De toutes les choses du monde , celle
qui vieillit le plus aisément et le plu
tôt , c'est le bienfair.
- Plusieurs sçavent perdre leurs biens ;
mais peu les sçavent donner .
Faire du bien aux méchants
souvent faire du mal aux bons.
c'est
Presque toujours lorsque les bienfaits
vont trop loin , la haine prend la place
de la reconnoissance.
Il y a des plaisirs dont on se paye par
ses mains ; celui d'en faire aux autres
est de cette nature.
I Beneficii ordinariamente si vedono
E contra
1998 MERCURE DE FRANCE
sontra cambiati , con ingratitudine infinita ;
più per l'impertinenza che il Benef
usa nell'esigere la gratitudine del of
altrui , che per la discortesia di d
il beneficio.
Gli Beneficii si ricevano sempre volentieri
, ma non sempre volentieri si vede il
Benefattore.
Nous sommes toujours extrémement
agréables à ceux à qui nous donnons
occasion de l'être.
Une femme ne trouve rien de si diffi
cile à faire que de s'accoûtumer à n'être
plus belle , quand elle l'a été pare
faitement,
Il n'y a pas de femme , si laide soitelle
, qui ne se trouve quelque trait de
beauté.
Sibi quaque videtur amanda,
Pessima sit , nulli non sua forma placet.
Ovid. de Art. Am. L. 23
La beauté dans le Sexe expose à tant
de périls , qu'il est bien difficile qu'on
ne succombe pas à quelques- uns .
Les
SEPTEMBRE. 1733. 1999
gou-
Les femmes ont souvent raison de vouloir
, à quelque prix que ce soit , paroître
belies, puisque c'est tout ce que les hommes
leur ont laissé ; car , point de
vernement pour elles , point d'autorité
absoluë , point de conduite d'ames , point
de pouvoir dans l'Eglise , point de possession
de Charges , point d'entrée dans
le Secret des affaires d'Etat.Il semble même
qu'on leur veuille ôter jusqu'à l'esprit
, en traitant de précieuses celles qui
en font paroître. Laissons -leur donc la
beauté , et quand elles n'en ont point ,
laissons - leur du moins le plaisir de croire
qu'elles en ont.
La laideur fait quelquefois présumer la
vertu où elle n'est pas ; et la beauté a
cela de funeste , qu'on croit les belles
personnes capables de toutes les foiblesses
qu'elles causent .
La beauté sans la grace, est un apas sans
hameçon.
En désirant trop ardemment de plaire,
on ne se rend pas plus aimable.
La réputation qui vient de la beauté
est quelque chose de si délicat parmi les
E ij
Fem-
885481
2000 MERCURE DE FRANCE
Femmes, qu'encore qu'elles ayent la plus
grande indifférence du monde pour quel
qu'un , jamais pourtant cette indirerence
n'ira jusqu'à vouloir que ce quelqu'un
porte ailleurs ses hommages et ses soupirs.
Tant de fierté qu'on voudra , une
belle personne regarde toujours la fuite
d'un amant sans mérite si on veut , et
qu'elle n'estime pas , comme autant de
diminué sur son empire.
Il
y
des beautez si engageantes , que
si on ne fuit , sans hésiter, on ne fuit pas
loin. On ne peut aller tout au plus que
de la longueur de ses chaînes.
Le véritable Efprit de Politesse consiste
dans une certaine attention à faire ensorte
que par nos paroles et par nos manieres
, les autres soient contens de nous
et d'eux -mêmes.
L'incivilité n'est pas un vice de l'ame ;
elle est l'effet de plusieurs vices ; de la
sotte vanité , de l'ignorance de ses devoirs
, de la paresse , de la stupidité , de
la distraction , du mépris des autres de
la jalousie , & c.
Rien n'est plus contraire à la véritable
poSEPTEMDA
E. *733• 2001
politesse et à la bienséance , que
de l'observer
avec trop d'affectation ; c'est s'incommoder
, c'est s'embarrasser , pour incommoder
, pour embarrasser les autres.
Il eft presqu'autant contre la bienséance
de se cachet en faisant le bien , que de
chercher à se faire voir en faisant le mal.
Tel croit mériter le nom de Poli , qui
ne mérite que celui de Dameret ou de
Pindariseur. La vraie Politesse est souvent
confondue avec des qualitez qui
méritent plus de blâme que de loüange.
On doit obeir sans cesse à la Loy des
usages et des bienséances ; il n'y a que
les Loix de la necessité qui nous dispensent
de toutes les autres.
On voit beaucoup de gens qui sçavent
comme on vit , mais fort peu qui sçachent
vivre ; c'est qu'on est trop curieux
de sçavoir ce que le monde fait , et qu'on
ne l'est pas assez de ce qu'il devroit
Faire.
La Politesse ne donne pas le mérite ,
mais elle le rend agréable , sans elle ildevient
presque insupportable , car il est
farauche et sans agrément. E iij
2002 MERCURE DE FRANCE
"
On perd presque tout le mérite du
bien,si on le fait sans Politesse ; unc mauvaise
maniere gâte tout , elle, défigure
même la justice et la raison .
Le chef- d'oeuvre de la Politesse est de
n'insulter jamais à ceux qui en manquent,
et de se contenter de les instruire par
l'exemple , sans rien faire davantage .
Les Enigmes et Logogryphes du mois
d'Août , doivent s'expliquer sur Toile
Fusil , Crosse , Crime , Pavot , Verdun
Verité.
Je
ENIGM E.
E plais , soit que je sois vétuë ,
Ou qu'on me voye toute nuë ;
Ma figure sur pied , réveille les esprits
Plus mon corps a de poids , plus j'augmente
prix.
Je suis d'une espece fragile ;
Je vomis nuit et jour , et jamais Médecin ,
N'a vu sortir de moi pituite ni bile ;
do
Mais si de tels efforts me font tomber débile ,
Qui me releve avec du vin ,
Ne me soulage point en vain.
LOS
SEPTEMBRE. 1733. 2003
************************
LOGOGRYPHE.
Dans Ans mon nom deux noms se font lire ;
Noms communs , connus et distincts ,
Le premier est plus grand que le plus grand
Empire ,
Le second fait l'objet des sçavans Medecins.
Le premier est dans la Nature ,
Un corps exempt de pourriture ;
Le second dans un second sens •
Nourrit un grand nombre de gens.
De sept lettres , ôtez les trois qui sont au centre,
J'ai porté deux yeux dans mon ventre.
Revenez du milieu , mettez au bout ma fin
C'est un mets délicat et fin.
Orez ma tête et mes épaules ,
Joignez mon col aux deux bras en repos ,
C'est- là dans le Pays des Gaules ,
Le double prix que je vaux ;
Joignez à celui-cy , ma tête et sa seconde ,
Je suis sur le Vin et sur l'Onde ,
Sur terre près d'un Boeuf de travail fatigué ,
Et peu loin d'un homme enragé.
Ma queue enfin étant un peu tournée ,
Marque ce qu'on demande à ceux qu'on a
payez.
E
Fi2004
MERCURE DE FRANCE
JE
Finissons , ma Muse gênée ,
Vous a déja trop ennuyez.
B. L. S. à Villeneuve - lès- Avignon
AUTRE.
E renferme les cinq Voyelles ,
Et trois Consonnes avec elles.
J'ai par mainte combinaison ,
Soirante et dix mots en mon nom.
Au seul caractere italique ,
Vous en connoîtrez la Rubrique.
AUTR E.
Huit lettres composent mon nom s
J'éxiste au Village , à la Ville ,
Et si je suis à l'homme très - utile ,
J'en souffre plus encor en certaine saison.
Qu'on ôte de ces huit la queue et sa voisine ,
Aussi loin qu'on le puisse on voit mon origine
Par consequent je suis fert vieux ,
Mais comme on est pour ma vieillesse
Sans égard , sans pitié , qu'on me foule et me
presse ,
Sans Médée on me voit renaître en certains
lieux ;
Si l'on prend mes trois chefs , la sixième et derniere
,
Au milieu des Forêts on voit ma tête altiere;
Jadis
SEPTEMBRE. 1733. 2005
Jadis les Mirmidons sortirent de mon sein .
Retranchez ma seconde avec la quatriéme ,
Ensele la cinquième avec la pénultiéme ,
Des autres parts se forme un repas tout divin.
Qu'on prenne la troisiéme et les trois de la
,* queüe ;
Je m'offre d'abord à la vûë ,
Grand Prince , et le jouet d'une Divinité ;
Malgré le sort cruel , mes hauts faits et ma
gloire ,
Ecrits au Temple de Memoire ,
Passeront à jamais à la Posterité.
Faites que la cinquiéme aux deux chefs soit unie,
Avec la sixième et la fin ;
J'excite d'abord dans l'Asie ,.
It fais sortir dans l'an trois moissons de mon
sein .
Qu'on mette au dernier mot ma quatriéme
lettre , #
Au lieu de ses deux chefs, je deviens alors traître,.
En trompant l'ennemi contre qui je suis fait..
Si de ces quatre ,, trois , sans pénultiéme , op
laïsse ,
Lorsque de ma prison à me prendre on s'empresse
,
S
On me mange , et le vieux est de moi satisfait..
"
L'Abbé R ... Chanoine d'Agde..
E v NOU2006
MERCURE DE FRANCE
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS , &c.
L
E ZODIAQUE de la Vie Humaine , ou
Préceptes pour diriger la conduite et
les moeurs des Hommes , divisé en 12 Livres
, sous les douze Signes : Traduit du
Poëme Latin de MARCEL PALINGENE
celebre Poëte de la ' Stellada. Nouvelle
Edition , revue , corrigée et augmentée
de Notes Historiques , Critiques , &c. par
M. J.B. C. De la MonnerIE. M. P. 2 vol.
in 12. A Londres , chez le Prevest, et Compagnie
, Libraires , sur le Strand. 1733-
LETTRES D'HENRY IV. Roy de France,
et de Mrs de Villeroy et de Puisieux ,
M. Ant. le Févre de la Boderie , Ambassadeur
de France en Angleterre , depuis
3606. jusqu'en 1611. 1733. in 8. 2 vol.
A Amsterdam.
REPONSE à la Critique du Sr de la Motraye
, sur l'Histoire de Charles XII.Roy
de Suede. Par M... A la Haye, chez Gosse
et Neaulme. 1733 .
REFLE
SEPTEMBRE. 1733. 2007.
RF'FLEXIONS Sur la Requête présentée
au Roy , contre la Chambre du Clergé
des Etats Généraux de la Province de
Bourgogne. Par Dom Andoche Pernot ,.
Abbé Général de Citeaux . Brochure in fol..
de 46 pages. A Dijon , chez Antoine de
Fay. 1733.
Toutes ces Réfléxions , d'une assez longue
étendue , et accompagnées de Citatons
, sans nombre , de presque tous les
Livres de l'Ecriture , des Peres Grecs et
Latins , des Conciles , des Autcurs Eccle--
siastiques et autres , Canonistes , Jurisconsultes
, &c. ne roulent que sur la
question de sçavoir si l'Abbé de Citeaux
est en droit et en possession , comme il le
prétend , d'assister aux Etats de Bourgogne
, avec la Croix Pectorale , ét autres.
Ornemens Episcopaux , ou s'il doit s'y
trouver seulement dans les habits ordinaires
, propres et attachez aux Généraux:
Religieux de son Ordre , suivant les pré--
tentions de l'Auteur des Réfléxions.
着
RECUEIL D'OUVRAGES CURIEUX de Mas
thématique et de Mécanique , ou Descri-
-ption du Cabinet de M. Grollier de Ser
viere , avec des Figures en Taille- douce ,
par son petit- fils M. Grollier de Serviere,.
ancien, Lieutenant Colonel , l'un des 25 ;
E vi de:
2008 MER CURE DE FRANCE
de l'Académie des Sciences et des Belles.
Lettres de Lyon . Seconde Edition , revaë,
corrigée , et augmentée de nouvelles Me
chines , et de plusieurs Planches 4 Lyou,
shez David Forey , Libraire. 1733. in 4..
LETTRES à Monsieur H... sur les pre
miers Dieux ou Rois d'Egypte. A Paris,
chez la veuve Ribou , rue de la Comédie
Françoise. 1733 , in 12. de 216 pages, sans
les Tables..
ARCHITECTURE des Eglises , anciennes.
et nouvelles : Par M. H. le Blanc , in 12.
A Paris , chez la veuve Pissot , Quai de
Conti.. 1733
Cet Ouvrage contient des observations
sur le goût de l'Architecture , dans lesquelles
l'Auteur , après avoir fait voir les
défauts de l'Architecture Gothique , et
son irrégularité, fait un Parallele des deux
plus beaux morceaux de l'Architecture ,
ancienne et moderne sçavoir , selon lui,
le Portail de N. D. de Rheims , et celui
de S. Paul de Londres , et il soutient que
le goût nouveau surpasse infiniment , et
pour la solidité et pour la régularité , tout
ce que l'ancien nous présente d'imposant.
LES CARACTERIS DE THEOPHHASTE,avec
les
SEPTEMBRE. 1733. 2009
Caracteres , ou les Moeurs de ce siècle.
Par M. de la Bruyere , nouvelle Edition ,
argentée de la Deffense de M. de la
Bruyere, et de ses caracteres. Par M.Coste.
1733. in i 2. 2 vol. A Paris , chez Michel-
Etienne David, Quai des Augustins ..
TRAITE" de Tertullien , sur l'ornement
des femmes , les Spectacles , le Baptême
et la patience ; avec une Lettre aux Martyrs
, traduits en François ; chez Rollin',
fils , Quai des Augustins , 1733. in 12 ..
NOUVELLE TRADUCTION FRANÇOISE d'u
Pastor Fido , avec le texte à côté A Paris,
chez Nyon fils , Place de Conty , à Sainte
Monique. 1733. in 12. 2 vol.
LA VIE DE GUSMAN D'ALFARACHE, NOUvelle
Edition, revue et corrigée. A Paris,
chez Guillaume Cavelier, rue S. Jacques, an
Lys d'or. 1733. 2 vol. in 12 .
Le IV tome de l'Histoire générale des
Auteurs Sacrez et Ecclésiastiques , qui contient
leur Vie , le Catalogue , la Critique,
le Jugement , la Chronologie , l'Analyse
et le dénombrement des différentes Editions
de leurs Ouvrages , ce qu'ils renferment
de plus interessant sur le Dogme ,
SHE
2010 MERCURE DE FRANCE
sur la Morale et sur la Discipline de l'Eglise
; l'Histoire des Conciles , tant géné
raux que particuliers , et les Actes choisis
des Martyrs. Par le R. P. Dom Remi
Ceillier , Benedictin , de la Congrégation
de S. Vanne et de S. Hydulphe , Coadjuteur
de Flavigny. A Paris , chez Paulus
du Mesnil , au Palais. 1733. in 4..
HISTOIRE DU FANATISME , dans la Re
ligion Protestante , depuis, son origine..
Par le P. François Catrou : Rue de la Har
pe, au bon Pasteur. 1733. in 12. 2 vol .
HISTOIRE de l'Académie Royale des
Inscriptions et Belles Lettres , avec les
Mémoires de Littérature , tirez des Registres
de cette Académie, depuis l'année :
1726 , jusques et compris l'année 17 3.0 ..
Tomes 7 et 8 , in 4. De l'Imprimerie:
Royale..
REFUTATION des Critiques de M.Rays .
le , sur S. Augustin , où sont contenus
trois Traitez Le premier : Veritable Clef
des Ouvrages de Saint Augustin , contre les
Pélagiens. Le second : Examen des Critiques
répandues dans le Dictionnaire de
M. Bayle , sur divers en droits des Ecrits
du même S. Docteur.. Le troisiéme : Dissertation.
SEPTEMBRE. 1733. 20 MT
tation touchant la nature de la Loy de Moyse.
1732. A Paris , chez Rolin , fils , Quai
des Augustins , in 4 - pages 428.sans la Préface
et les Tables.
MEMOIRE pour servir à l'Histoire des Hommes
Illustres, dans la République des Let
tres, & c. Tom. 20 et 21. A Paris , chez.
Briasson , rue S. Jacques , à la Science..
173.2.
Le premier de ces deux volumes contient
les changemens , les corrections et
les additions que l'Auteur a trouvées à
propos de faire pour les Tomes 11. 11 .
13. 14. 15. 16. 17. et 18. précedens . Ony
remarque par tout son exactitude et
son amour pour la verité ; et qu'il ne
tient pas à ses soins infatigables , que
nous n'ayons en ce genre un Ouvrage
parfait. Ce vingtiéme tome contient aussi
trois Tables qui sont d'une grande utilité
dans un pareil Recueil ; sçavoir , une
Table Générale des Matiéres qni ont été
traitées par les Auteurs dont il est parlé
dans les neuf volumes précédens ; une
Table alphabétique des Auteurs , contenus
dans les 20 volumes de ces Mémoires;
et une Table Nécrologique, qui marque
la date de la mort des Sçavans contenus
dans les neuf volumes précédens.
Le
1012 MERCURE DE FRANCE
Le 21. dont nous avons icy à rendrè
compte , contient les Noms , l'Eloge et
le Catalogue raisonné de 36 Sçavans , qui
ont vécu en différens temps , et qui se
sont distinguez pour la plupart , dans la
République des Lettres. Tels sont , entre
les autres , le Cardinal Bessarion
Pontus de Tyard, Philippe Cluvier , Jean
Louis Vivés , Edouard Pocock , Nicolas
Rigault , Gilles - André de la Roque, Jean
Fronteau , et Louis Boivin.Pour ne point
exceder certaines bornes , nous nous contenterons
de rapporter icy ce que l'Auteur
expose au sujet de Pontus de Tyard .
PONTus de Tyard , Seigneur de Bissy ,
nâquit vers l'an 1521. au Château de Bissy
, dans le Diocèse de Mâcon , de Jean
de Tyard , Lieutenant General au Bailliage
du Mâconnois, et de Jeanne de Ganay
, fille d'un Chancelier de France.
Son nom est écrit tantôt Tyard , et
tantôt Thiard ; mais cette orthographe
est vicieuse il doit s'écrire Tyard ; c'est
ainsi que les meilleurs Auteurs l'ont écrit,
-et c'est ainsi qu'il l'a écrit lui- même.
Pour ce qui est du nom de Ponthus
c'est celui d'un Héros fabuleux , sur lequel
on a un Roman , qui est fort peu
connu , et qui se trouve dans le Catalogue
de la Bibliotheque de M. du Fay ,
Sous
SEPTEMBRE , 1733. 2013
Bous ce titre: Le Roman du noble Roy Ponthus
, fils du Roy de Galice , et de la belle
Sidoine, fille du Roy de Bretagne , in 4.sans
date , en Lettre Gothique . On étoit autrefois
dans l'usage de donner de semblables
noms aux Enfans ; ainsi Jamin , Poëte
comtemporain de Pontus de Tyard ,
a porté celui d'Amadis , dont le Roman
n'est ignoré de personne. M. de la Monnoye
, qui nous apprend ces particularitez
dans ses Additions , aux Jugemens des
Sçavans de Baillet , rapporte dans le Ménagiana
, tom. I. pag. 236. une plaisanterie
sur ce sujet , qu'il ne faut pas omettre,
Pontus de Tyard étant , dit- il , à la
» cérémonie d'un Baptême, en qualité de
>>Parrain ; le Curé faisoit difficulté de
» nommer l'Enfant , Pontus , sur ce qu'il
» ne connoissoit point de Saint de ce
» nom- là. Comment , lui dit l'Evêque 2
M. le Curé ,vous ne songez donc pas au
» Saint , dont l'Eglise fait mention dans
» l'Hymne : Quem terra , Pontus, athera ?
» A ces mots , le bon Curé , qui ne s'étoit
jamais fort chargé de latin ; Monsei-
» gneur , lui dit- il , je vous demande par
» don , il est vrai que je n'y songeois pas.
» Et là- dessus il baptisa l'enfant sous ce
» nom.
2014 MERCURE DE FRANCE
Il fut instruit avec beaucoup de soin ,
dès son enfance, dans les Langues Latine
et Grecque , et même dans l'Hebraïques
mais quoiqu'il affecte de faire parade de
cette derniere, dans son Traité : De recta
nominum impositione , ce qu'il en sçavoit
étoit fort peu de chose ; ce peu lui a fait
cependant trouver place dans la Gallia
Orientalis , de Colomies , parmi les Sçavans
Hébraïsans François.
La Poësie Françoise l'occupa aussi dans
sa jeunesse , et il acquit par là de la réputation.
Ronsard lui attribuë même la
gloire d'avoir le premier introduit les
Sonnets en France. Mais la fortune n'a
point été dans la suite aussi riante à l'égard
de ses Poësies, qu'elle le fut d'abord.
Il a contribué lui-même à les faire disgracier
, par le mépris qu'il en fit ,et qu'il
en inspira aux autres dans un âge plus
mûr.
Il quitta la Poësie , pour se donner
à des Etudes plus sérieuses , et passa à
la Philosophie , aux Mathématiques , et
enfin à la Théologie. La plupart de ses
Ouvrages sont des preuves des connoissances
qu'il avoit acquises dans toutes
ses Sciences. Mais elles étoient alors si
imparfaites , ou la maniere dont on s'y
prenoit pour les apprendre étoit si mauvaise
,
SEPTEMBRE. 1733. 2015
yaise , que tout ce qui nous reste de lui
est un cahos d'érudition mal dirigée , où
Il n'y a presque rien à apprendre.
passa quelques années à la Cour
Roy Henri III . qui conçut de l'afection
pour lui , et lui donna l'Evêché
de Châlons sur Saone , dont il prit possession
le 16. Juin 1578. après avoir été
quelques années Archidiacre de cette
Église et Protonotaire Apostolique.
S'étant trouvé le premier des Dépu
tez de sa Province , dans l'Assemblée
des Etats qui fut tenuë à Blois l'an 1588.
il soutint l'autorité du Roy contre le
reste du Clergé , qui favorisoit la ligue ,
et il parla en sa faveur avec tant de force
et de dignité , qu'il fit de fortes impressions
sur l'esprit de ceux qui assistoient
à cette Assemblée , et en ramena
plusieurs à leur devoir,
Après 20. ans d'Episcopat , se voyant
accablé par les années et affligé des troubles
qui agitoient le Royaume , il se démit
de son Evêché et en fit pourvoir
Cyrus de Tyard , son neveu . S'étant ensuite
retiré dans une de ses Terres , il
ne s'occupa plus que du soin de son saat
. Ce fut là qu'il mourut le 23. Sepembre
1605. âgé de 84. ans.
Il exprima ses sentimens sur sa mort
dans
2018 MERCURE DE FRANCE
dans ces Vers , qu'il composa lui - même
avant que de mourir .
Non teneor longe dulcisque cupidine vita
Sat vixit , cui non vita pudenda fuit.
Nec fama illustris me tangit gloria , forsan ;
Per genium vivent sat mea scripta suum.
Nil
que moror quo sint mea membra tegenda se
pulchro ;
Hac propria baredis sit pia cura mei.
Sed cupio ut tandem mens Christo inixa levetur;
Peccati duro pondere , ad Astra vehar.
Ces Vers ont été gravez sur un Monument
qu'on lui a rigé dans le Choeur
de l'Eglise Cathédrale de Châlons , avec
ces mots au bas .
Pontus Tyardaus Bissianus Ep. Cabil.
Extremum hoc voveb, scribebat,
Il conserva jusqu'à la fin de sa vie là
vigueur de son corps et de son esprit.
Comme il avoit un grand corps et qu'il
étoit assidu à l'étude , il mangeoit beaucoup
et bûvoit de- même , sans mettre
jamais d'eau dans son vin , si violent que
soient ceux qui croissent sur le bord de
La Saône. Ce qu'il y a de singulier , c'est
qu'en se mettant au lit , il avaloit toûjours
un grand verre de vin pur , sans
que
SEPTEMBRE. 1733. 2017
uc sa santé en fût jamais alterée. Baillet et
1x qui l'ont suivi , ont trouvé que ce
coit point assez , et ont substitué mal
propos , au grand verre dont parle
M. Thou , un pot , en disant qu'il avoit
coûtume de boire un pot de vin pur
avant que de s'endormir..
Catalogue de ses Ouvrages.
1. Erreurs Amoureuses. Lyon , Jean de
Tournes , 1549 . in 8.Il n'a pas mis son nom
à cet Ouvrage , qui contient plusieurs
Sonnets , divisez en trois Livres.
2. Solitaire premier , ou Prose des Mu
ses et de la Fureur Poëtique . Avec des Vers
Lyriques sur la fin . Lyon , Jean de Tournes
, 1552. in fol.
3. Solitaire second , on Prose des Muses.
Avec des Vers Lyriques sur la fin .
Lyon , Jean de Tournes , 1552. in 8.
4. Les Oeuvres Poëtiques de Pontus de
Tyard. A sçavoir , trois Livres des Erreurs,
Amoureuses. Un Livre de Vers
Lyriques. Un Recueil de ses nouvelles
Euvres Poëtiques . Paris , Galiot du Pré,
1573. in 4, Tout cela n'est plus recher
ché , ni presque connu de personne.
5. Leon Hebreu , de l'Amour , Dialo
gue, Lyon , Jean de Tournes
, issi.
in 8. Il parut la même année une autre
Tra
2018 MERCURE DE FRANCE
Traduction de l'Ouvrage de Leon , sous
ce titre La sainte Philosophie de l'Amour
de Leon Hebreu , traduite de l'Italien
par le sieur du Parc (Denis Sauvage.)
Lyon , Guillaume Roville , 1551. in 8.
Ce Livre ne méritoit pas qu'on prît tant
de peine pour lui.
6. Discours du Temps , de l'An et de
ses parties. Lyon , Jean de Tournes, 1556.
in & . It. Paris , et Mamert Patisson , 1556.
in 4. C'est l'Edition que du Verdier a
mise mal à propos , in folio.
7. L'Univers , on Discours des parties
et de la nature du Monde. Lyon , Jean
de Tournes , 1557. in 4. Il y a dans ce
Livre , au rapport de du Verdier , quelques
pages prises et traduites mot à mot
du Livre du Monde de Philon , Juif.
L'Auteur l'ayant depuis revû et augmenté
, le publia de nouveau sous le
titre suivant.
8. Deux Discours de la nature du Mon
de et de ses parties ; à sçavoir , le premier
Curieux , traitant des choses matérielles ; et
le second Curieux , des intellectuelles. Paris,
Mamert Patisson , 1578. in 4. On voit
à la tête un avant- Discours par J. D. du
Perron , Professeur du Roy aux Langues,
aux Mathématiques et en la Philosophic,
qui fut ensuite Cardinal.
9.
SEPTEMBRE 1733. 2019
9. Mantice , on Discours de la verité
divination par Astrologie. Lyon , Jean
de Tournes , 1558. in 4.
to. Ephemerides Octava Sphere , seu
Tabelle Diaria Ortus , Occasus , et mediationis
coeli illustrium stellarum inerransium
, pro universâ Galliâ , et his regionibus
que Polum Boreum elevatum habent
ad so, grad. Lugduni , Joan. Torà
39.
pasius
, 1562.
in
fol.
11. De Coelestibus Asterismis Poematium
ad Petrum Ronsardum. Paris , apud
Galeotum à Prato , 1573. in 4.
12. Homelies sur les Evangiles. Paris ;
Mamert Patisson , 1586. in 8.
13. Duodecim Fabula Fluviorum vel
Fontium : unà cum Descriptione pro Pictura
et Epigrammatis. Paris , Joan . Richer,
1586. in 8. Je ne sçai ce que c'est que
cet Ouvrage , ni en quelle Langue il est
écrits le P. Louis Jacob en rapporte ainsi
le titre , mais sans marquer s'il est écrit
en Latin ou en François.
14. Les Discours Philosophiques de Pontus
de Tyard. Paris , 1587. in 4. C'est un
Recueil des Ouvrages que j'ai marquez
au N° 2. 3. 6. E. 9.
15. Homelies sur le Décalogue. Paris ,
1588. in 8.
16. Extrait de la Généalogie de Hugues
Capes
2020 MERCURE DE FRANCE
Capet , Roy de France , et des premiers
Successeurs de la Race de Charlemagne en
France. Paris , Mamert Patisson , 1594.
in 8. M. de Thou , dans le 77. Livre de
son Histoire , attribue à Pontus de Tyard
cet Ouvrage , qui est anonyme , et Duchêne
, à la page 30. de sa Bibliotheque
des Historiens de France , dit qu'il l'a
fait pour servir de Réponse au Livre de
François de Rosieres, intitulé : Stemmata
Ducum Lotharingia. Paris , 1580. in fol.
17. Derecta nominum impositione . Lugduni
, Jacobus Roussin ; 1603. in 8 .
Pontus de Tyard , marque dans l'Epitre
à Louis de Tyard , son neveu , qui est
à la tête de ce petit Traité , que dans
le commencement des troubles de la
France , il avoit traduit du Grec deux
Opuscules de Philon , et qu'il avoit composé
ce Traité pour servir de Préface à
sa Traduction ; mais que Fréderic Morel
l'ayant prévenu en publiant une Version
Latine d'un de ces mêmes Opuscules
, et en promettant la Version de
l'autre , il avoit supprimé la sienne , et
sé contentoit de donner au Public l'Ouvrage
qu'il lui adressoit , avec quelques
Notes sur les Livres qu'il avoit traduits.
18. Annotationes in Libros Philonis Judai
, de Transnominatis , et Allegoria Sa
STR.
SEPTEMBRE . 1733. 2021
cra . A la suite du Traité précedent .
19. Fragmentum Epistola pii cujusdam
Episcopi , quo Pseudo -Jesuita Caroli , et
ejs Congerronum maledicta repellit. Hanovix
, 1604. in 8. A la suite de Caroli
Molinai Consilium super commodis et in-
Commodis nova Secta Jesuitarum . Item.
dans la Bibliothecâ Pontificia , editâ à
Joanne Scherzero, Lipsiæ , 1677. in 4.
avec la Souscription P. T. E. C. qui signifie
Pontus Tyardaus Episcopus Cabilonensis.
Item. Traduit en François à la
page 378. du Livre de David Homme
intitulé : Le Contr' Assassin. Lyon , 1612 .
CAUSES CELEBRES et interessantes
, avec les Jugemens qui les ont décidées
, recueillies par M*** Avocat au
Parlement. 2. vol. in 12. A Paris , chez
la veuve Delaulne et Cavelier , ruë saint
Facques , et chez le Gras et de Neuilly ,
an Palais , M. DCC . XXXIII.
- Cet Ouvrage est un choix de ces Causes
qui ont excité la curiosité universelle, lorsqu'elles
ont été en mouvement. Elles ont fait
l'empressement du Public , le sujet de l'entretien
des honnêtes gens et du Peuple.
Elles ont attiré la foule aux Audiances ,
et ont laissé les Esprits, en suspens , dans
Pattente du Fugement que les Magistrats
F devoient
2022 MERCURE DE FRANCE
devoient prononcer , et cette suspension les
a occupez et interessez.
•
Les gens du Monde , et sur tout du
beau Monde , n'entreprennent gueres de
lire les Recueils d'Arrêts qu'on a donnés.
au Public ; on y voit des Procès secs et
épineux hérissez des termes de la procédure.
Ces Ouvrages ne sont , ce semble
, destinez qu'aux Jurisconsultes , et à
la Nation des Plaideurs . Mais un Recueil
de ces grandes Causes si suscepti
bles des ornemens de l'Eloquence , d'où
l'on a eû soin d'ôter les épines du Pafais
, ne peut être que d'une agréable
lecture. On a encore l'avantage , comme
parle l'Auteur , d'y découvrir les Mysteres
de la Jurisprudence. Pour réussir
dans un pareil dessein , il faut unir à la
science de l'Avocat , Part d'écrire . Sans
cela on ne peut pas soutenir le poids de
cet Ouvrage. On ne veut point préve
nir ici le Jugement du Public sur le mé
rite de l'Auteur , tout ce que nous dirons
, c'est que ce Livre nous a parû fort
curieux , et les matieres interessantes ,
*
Dans le premier Tome on voit d'a- ·
bord l'Histoire du faux Martin Guerre
le plus impudent peut- être de tous les
imposteurs. C'est un faux Amphitrion
qui dispute au véritable son état. La se
conde
SEPTEMBRE. 1733. 2023
conde , Alcmene , Epouse du second Amphitrion
, étoit sans doute , suivant le
portrait qu'on nous en fait , plus belle
que la premiere.
Dans l'histoire suivante d'une fille qui
sauva la vie à son Amant , on juge que
son Plaidoyer éloquent et pathétique, a
dû attendrir ses Juges.
La Cause du Gueux de Vernon et de
Enfant reclamé par deux Meres , sont
deux sujets très-propres à exercer l'éloquence
des Avocats et les lumieres des
Juges. Toute une Ville veut remplacer
par un Gueux l'Enfant qu'une Bourgeoi
se aisée avoit perdu . Un Enfant de qua
lité , enlevé au moment de sa naissance ,
dénué de tous les titres qui pouvoient
prouver son état , est conservé miracu
leusement , pour ainsi dire , et vient se
jetter entre les bras de sa mere au bout
de neuf ans. Il a le bonheur de prouver
son Etat , quoique la mort air enlevé
ceux qui le lui ont ravi . Ce triomphe
de la verité lui fait beaucoup d'honneur ,
c'est peut-être celui qui a le plus coûté.
N'oublions pas de dire qu'après la Cause
du Gueux de Vernon , il y a un Plaidoyer
de M. Foureroy , en faveur des Médecins,
qui peut bien les dédommager des railleries
de Moliere.
Fij L'His2024
MERCURE DE FRANCE
L'Histoire de la Marquise de Brinvil→
liers est ensuite exposée dans toutes ses
circonstances. Le caractere de cette celebre
Criminelle est prodigieux et horrible
tout à la fois. On traite incidemment
une question fort curieuse sur la
Confession auriculaire.
Le sort funeste du sieur d'Anglade ,
fait le sujet de la derniere Cause du premier
Tome. Il est difficile de refuser des
larmes à la destinée de cet Innocent cons
damné , malgré la droiture et l'intégrité
des Juges, On voudroit pouvoir effacer.
ce Jugement des Archives du Palais et
de la mémoire des hommes. Les Jurisconsultes
trouveront une question bien
approfondie sur les dommages , interêts
dûs à l'innocence proscrite par un Jugement,
Le second Tome ne contient que deux
Causes. La premiere est celle du fameux
Caille. Un Parlement qui le déclare Cail
le , dans son Jugement ; un autre qui le
déclare P. Mege , dans le sien , font voir .
que la vraye décision étoit bien difficile
rencontrer, A la fin de cette Cause
on trouve la Lettre d'une Dame , où
l'on voit dans le Jugement qu'elle porte,
jusqu'où peut aller le bon sens d'une
femme d'esprit.
Le
↑
SEPTEMBRE
. 1733. 2025
Le sort tragique d'Urbain Grandier ;
accusé de Magie , est le sujet de la se
conde Cause . Une cabale puissante , un
grand Ministre , et des Juges Superieurs
mirent ce Grandier dans le rang des Ma→
giciens. Des Religieuses se donnerent
pour possédées de la façon de Grandier ;
elles firent illusion aux gens crédules ,
imposerent silence aux incrédules, et conduisirent
la Picce jusqu'à son dénoüment
, c'est-à-dire , jusqu'à la mort violente
de celui qu'elles avoient travesti en
Magicien.
L'Auteur entreprend une vaste carrie
re ; s'il peut la fournir , sa course durera
long-temps , puisqu'il parcourt tous les
Tribunaux
, et qu'il les regarde tous comme
étant de la compétence
de son Projet.
HISTOIRE DES YNCAs , Rois du
Pérou , depuis Manco - Capac , Fondateur de la,
Monarchie du Pérou , jusqu'à la Conquête de
cet Empire par les Espagnols , sous Atahualpa ,
dernier Ynca ; avec l'Histoire de la Floride , et de
la Conquête des Provinces de l'Amérique Septentrionale
, qui portent ce nom , par Ferdinand
Soto ; écrites l'une et l'autre en Espagnol , par
P'Ynca Garcilasso de la Vega , et enrichies de
figures gravées d'après les Desseins de Bernard
Picard , le Romain . A Amsterdam , chez Jean-
Frederic Bernard, M. DCC . X X XIV .
Le prix de cet Ouvrage , divisé en trois To-
Fij mes
2026 MERCURE DE FRANCE
mes in 4. qu'on propose par Souscription , sera
de neuf florins pour ceux qui s'engageront à l
prendre lorsqu'il sera en état de paroître , c'est -à
dire au 20. Septembre 1734. Ceux qui ne s'en ?
gageront pas le payeront quatorze , et comme
on n'en imprimera que très - peu d'Exemplaires ,
on ose assurer qu'il ne se vendra jamais à moins,
A l'égard du grand papier , on se propose de
n'en imprimer que 75. Exemplaires à f. 15. la
piéce , et seulement par Souscription . Mais pour
ce qui est du grand papier , on demande moitié
de la Souscription d'avance ; c'est - à- dire f. 7 :
10. s'il s'en souscrit moins de 75. on en imprimera
moins. Mais quoi qu'il en soit , le Libraire
n'en vendra jamais aucun Exemplaire au-delà
des Exemplaires souscrits , et cela sans équivoque
ni restriction .
Les Planches sont in quarto , au nombre de
vingt-cinq , y compris une Planche pour le Titre
; sans compter une Vignette et deux Cartes,
A quatre Desseins près , tous les autres sont
de feu M. Picart. Une grande partie des Planches
étant faites , les Curieux pourront donner
ordre de les voir chez le Libraire , afin qu'il n'y
ait aucune surprise .
Comme on se propose d'imprimer cet Ouvra
ge en Janvier prochain , on ne recevra des enga.
gemens que jusqu'à ce temps- là , er passé le premier
Janvier 1734. quelque prix qu'on offre du
grand papier , on n'en vendra jamais aucun .
Ceux qui voudront s'engager à prendre cet
Ouvrage quand il sera achevé , ou souscrire
pour le grand papier , s'adresseront à Paris ,
chez Jean Villette , fils , Libraire , rue S. Jacques.
à S. Bernard .
Nous
SEPTEMBR E. 1733. 2027
Nous avons appris au Public dans le
nier Mercure , que l'Académie Franise
avoit adjugé cette année le Prix
de la Poësie , à une Ode de la composition
de M. Isnard , de l'Oratoire , Professeur
de Réthorique à Soissons . On
sera , sans doute , bien aise de trouver
Ici une idée de cette Piece , dont le Sujet
est : les Progrès de la Sculpture sous le Regne
de Louts LE GRAND .
Le Poëte s'adressant à la Sculpture
même , commence ainsi :
O Toy , dont le Ciseau Rival de Promethét ,
Anume le métal transformé sous tes doigts ,
Et fait sortir au Marbre à ma vûe enchantée ,
Les Dieux , les Héros et les Rois.
Quelle est de ton pouvoir l'agréable imposture !
Tantôt d'une Action retraçant la peinture ,
Tu fais mouvoir tous ses ressorts.
Tantôt , des passions Interprète sublime ,
Sur le docile airain ton Art qui les exprime ,
En allume en moi les transports.
Vien , dis- moi les progrès de tes sçavantes
veilles ,
Dis -moi qui t'a rendu cette antique splendeur ,
Qui d'un Regne fameux , le centre des merveilles,
Doit éterniser la grandeur.
Fiiij Sur
2028 MERCURE DE FRANCE
Sur les débris de Rome élevant son Empire ,
Un Vainqueur (a) odieux contre les Arts conspire
,
Tu suivis ses barbares Loix.
Mais affranchie (6 ) enfin du joug de l'ignorance,
Le Destin , pour ta gloire et celle de la France ,
Fait naître le plus grand des Rois.
Il étale ensuite en plusieurs strophes
les merveilles de la Sculpture perfectionnée
sous ce grand Prince , en retraçant
les Morceaux les plus exquis qui ont
été executez par ses ordres , et par les
plus celebres Auteurs qu'il nomme , à
la tête desquels est Girardon , souvent
répeté dans ce dénombrement. L'Auteur,
qui est Provençal , a marqué une attention
particuliere pour le fameux P. Puget
, son compatriote , qui fut lui - même
son modele , et fut préferé aux plus habiles
Sculpteurs d'Italie . Voici comment
il parle de ses deux plus beaux Ouvrages ,
Infortuné Milon , un piege inévitable ,
Triomphe de ta force et va livrer tes jours ;
La pitié m'interesse à ton sort déplorable ;
par
( a ) Arts anéantis depuis le sac de Rome
Alaric , la Sculpture Gotique , introduite , &c.
(b) La belle Sculpture recommence sous Franfois
I se perfectionne sous Louis XIV. ¿c.
Attends
SEPTEMBRE . 1733. 2029
Attends : je vole à ton secours ...
Aimable illusion ! plus mon oeil t'envisage ,
Plus mon coeur s'attendrit , et ta vivante image
Me transmet tes vives douleurs.
Tout parle , tout me touche en ce divin Modele,
LOUIS Seul put former une main immortelle ,,
Digne de peindre tes malheurs.
Est-ce assez ? Quel objet plus effrayant encore !!
Andromede périt : un Monstre la dévore ...
C'en est fait ; Destin rigoureux !
Mais non. Un demi - Dieu vient signaler son zele,,
Fend les Airs , la délivre , et ce Marbre fidele
Mieux que lui la rend à mes voeux.
L'Ode est suivie de cette Priere pour
LE ROY .
Grand Dieu , ce Roy selon ton coeur ,,
Epuisa les beaux Arts * à décorer tes Temples .
Et porta ses Sujets , par d'augustes exemples ,
A rendre hommage à ta grandeur ..
Du Prince héritier de son zele ,.
Récompense la pieté :
Statues des Apôtres , des Vertus , &c. de la
Chapelle de Versailles , et celles de Notre- Dame:
de Paris.
Fv Que
2030 MERCURE DE FRANCE
Que son Regne cheri de son Peuple fidele ,
Fasse encor le bonheur de la Postérité.
Excudent alii spirantia molliùs ara,
Vivos ducent de marmore vultus.
Virg. Æneid. L. VI.
NOUVELLE HISTOIRE de l'Abbaye
Collegiale de S Filibert de la Ville de
Tournus , enrichie de figures , avec une
Table Chronologique , et quelques Remarques
Critiques sur le IV . Tome de
la nouvelle Gaule Chrétienne ; les Preuves
de l'Histoire , un Recueil d'Epitaphes
choisies , le Poüillié des Benefices
dépendans de l'Abbaye , et un Essai sur
l'Origine et la Généalogie des Comtes
de Châlons et de Mâcon , et des Sires
de Bauge. Par M. Pierre Juenin , Chanoine
de la même Abbaye , 1733 in 4.
2. vol. A Dijon , chez Antoine de Fay ,
Imprimeur des Etats , de la Ville et de
l'Université .
HISTOIRE ANCIENNE DES EGYPTIENS ,
des Carthaginois , des Assyriens , des
Babyloniens , des Medes et des Perses ,
des Macédoniens , des Grecs . Par M. Rollin
, ancien Recteur de l'Université de
Paris , Professeur d'Eloquence au College
SEPTEMBRE. 1733 .
2031
lege Royal , et As ocié à l'Académie
Royale des Inscriptions et Belles- Lettres
. Tome V. A Paris , chez la Veuve
Etienne , Libraire , ruë S. Jacques , 1733 .
pp . 650.
LE TEMPLE DES MUSES , orné de 60.
Tableaux, où sont représentez les Evenemens
les plus remarquables de l'Antiqui
té fabuleuse ; dessinez et gravez par B.
Picart le Romain , et autres habiles Maîtres
, et accompagnez d'Explications et
Remarques , qui découvrent le vrai sens
des Fables et le fondement qu'elles ont
dans l'Histoire. A Amsterdam , chez Zacharie
Chatelain , 1733. in fol.
Cet Ouvrage est fort different de celui
que l'Abbé de Marolles fit imprimer
à Paris en 1655. sous le titre de Ta
bleaux du Temple des Muses , tirez du Cabinet
de M. Favereau , & c.
REFLEXIONS CRITIQUES sur la
Poësie et sur la Peinture . Nouvelle Edition
, revûë , corrigée et considerablement
augmentée. A Paris , ruë S. Facchez
Mariette, aux Colomnes d'Her
cule , 1733. 3. volumes in 12. de plus de
1400. pages.
ques ,
F vj
LI
2032 MERCURE DE FRANCE
LIVRES que Cavelier , Libraire à
Paris , rue S. Jacques , a nouvellement
reçûs des Pays Etrangers.
Plutarchi vita Parallelæ cum singulis aliquot
græcè et latinè; adduntur variantes Lectiones;
recensuit Aug. Bryanus , Gr . Lat. 5. vol. in 4.
Londuni , 1729. Carta Imperiali.
MEMOIRES Secrets de la Cour de France , conte
nant les Intrigues du Cabinet pendant la Minorité
de Louis XIV . 3. volumes in 12.
Amst. 1733.
> NOVA Acta Eruditorum anno 1732 in
Lipsia.
4.
Gebaveri ( Georg . Christ . ) Anthologicarum
Dessertationum Liber , et Collegiorum Lipsiensium
Historia , in 8. Lipsia , 1733 .
Heisenii ( Henr. ) Oratio de Eloquentia vet.
Germanorum
, in 4. Brema , 1732.
RAV. ( Just. ) Philosophia Lactantii , in 8 .
Jena , 1733.
HEINNECCII ( Got. ) Fundamenta Stili Cultioris
, regulis perspicuis adornata , in 8. Lipsia
1733.
Bose ( Mat. ) Comment. in Eclipsim Terra
13. Maii 1733. in 4. Lipsia , 1733 .
DICTIONAIRE Médical , contenant la Méthode
la plus recevable pour connoître et guérir
les Maladies par des Remedes simples , &c.
On y a joint la Maladie des Chevaux , avec
les Remedes propres à les guérir , par I. G.
Docteur en Médecine. 2. vol . in 12. Bruxelles
, 1733.
DOUGLAS ( Jac. ) Descriptio Peritonæi et Membrana
Cellolaris , ex Anglico Latinè , versa.
cura
SEPTEMBRE . 1733 2033
cum Annotationibus Heisferi , in 8. Helmsfadii
, 1733 .
LILUM Lapideum , ex Commentatione Jo . Harembergi
, cum Fig. in 4. 1729.
BRUNKMANNI ( Fr. ) de Lapidibus Odoratis ,
in 4. Fig. Volfembutella , 1719 .
STENTZELII ( God . ) Medicina Theoretico
Practica , in 8. Francofurti , 1732.
Ejusd. Texicologia Pashologico - Medica ,
sive de venenis , in 4. Visemberga , 1733 .
STAHLII ( Georg ) . Experimenta, Observationes,
Animadversiones 300. Numero , Chimica et
Physicæ in 8. Berolini , 1731.
ADOLPHI ( MIC . ) Tractatus de Fontibus quibusdam
Soteriis , in . 8. Lipsia , i - 33.
HAHN ( Got. ) Variolarum Antiquitates , in 4.
Briga , 1733-
BELLINI ( Laur. ) de Urinis et Pulsibus Sangui
guinis Missione , Febribus , Capitis - Pectoris
que Morbis , cum Præfatione Boerhaave ,
in 4, Lipsia , 1731.
ALBERTI ( Mic. ) Tractatus de Hæmorrhoidi
bus , in 4. Hala , 1722.
Ejusd. Jurisprudentiæ Medicæ , Tomus tertius
, novis casibus Forensibus et Clinicis lo
cupletatus , in 4. Scheuberga , 1733 , N. B. en.
Allemand.
JUNCSTER ( Jo. Methodo Stahliana , Conspec
tus Medicina , Chirurgie , Therapiæ Formus
larum et Chemiæ , 5. vol . in 4. Hala.
Guillaume Cavelier , Pierre- François Giffart ,
Libraires , rue S. Jacques , et Pierre Prault , aussi
Libraire , sur le Quay de Gesvres , viennent
de mettre en vente un Ouvrage intitulé : OBSERVATIONS
importantes sur le Manuel des Ac-
COV
2034 MERCURE DE FRANCE
couchemens , &c. traduites du Latin de M. Henry
Deventer , Docteur en Medecine , et augmentées
de Reflexions sur les points les plus interessans , par
Jacques-Jean Bruhier d'Ablaincourt ,Docteur en la
même Faculté; in 4. de 432.P. sans les Préfaces et
P'Epitre Dédicatoire à M. Chicoyneau , premier
Médecin du Roy. Planches détachées XL .
Nous avons reçû une Lettre dattée de Paris ,
du 5 Juin , par laquelle la Personne qui l'écrit ,
après avoir parlé de la nécessité et des avantatages
de la memoire , sur tout à l'égard des
Gens de Lettres , nous prie de publier ce
qu'elle contient , qui consiste principalement à
engager les Sçavans de vouloir nous marquer les
differens moyens qu'on peut mettre en pratique
ou qu'ils ont eux - mêmes mis en usage pour la
cultiver , la conserver et pour prévenir ce qui
pourroit l'affoiblir. Nous ferons avec plaisir part
au Public de ce qu'on écrira sur ce sujet , qui
n'a pas encore parû dans ce Journal.
Le sieur Royllet , Ecrivain Juré , et de la Societé
des Arts , demeurant à Paris , rue de la
Verrerie , qui a donné au Public un Traité des
Principes de l'Ecriture, va encore donner un autre
Traité des Principes de l'Arithmétique , Changes
Etrangers , Compres à parties doubles Arbitrages
, &c. Il fera des Demostrations gratis ,
sur l'une et l'autre matiere , les Mardis de chaque
Semaine.
PROSEPTEMBRE.
1733. 2035
PROGRAMME de l'Academie Royale
des Belles- Lettres , Sciences et Aris de
Bordeaux.
LA
' Académie propose à tous les Sçavans de
l'Europe , un Prix fondé par feu M. le Duc
DE LA FORCE . C'est une Médaille d'Or de la
valeur de trois cent livres.
Elle est destinée à celui qui expliquera avec le
plus de probabilité la Formation des Pierres . Ce
Prix sera distribué le 25. d'Août de l'année 1734.
jour de la Fête de S. Louis .
Il sera libre d'envoyer les Dissertations en
François ou en Latin , mais elles ne seront reçues
pour le concours , que jusqu'au premier
May prochain inclusivement .
Au bas des Dissertations il y aura une Sentence
, et l'Auteur mettra dans un billet séparé
et cacheté , la même Sentence , avec son nom ,
ses qualitez et son adresse .
Les Paquets seront affranchis de port , et adressez
à M. Sarrau , Secretaire de l'Académie , ruë de
Gourgues , ou au sieur Brun , Imprimeur de l'Académie
, ruë S. James .
A Bordeaux , le 25. Août 1733..
Le Samedi 22. Août , l'Académie Royale des
Sciences , élut Mrs Godin et Bouguer , de cette
Compagnie , et M. Plantade , de la Societé Royale
de Montpellier , pour remplir , au choix de
Roy , la Place de Pensionnaire Astronôme , vacante
depuis quelque temps par la mort de
M. le Chevalier de Louville , et le Samedi 29.
du même mois , le Comte de Maurepas , écrivit
à la Compagnie , que le Roy avoit choisi M. Godin.
2016 MERCURE DE FRANCE
On apprend de Rome , que le 1o. du mois
dernier , P'Académie des Infeconds , tint une Assemblée
publique dans une des Sales du Palais du
Duc Riario de la Longara , laquelle étoit ornée
avec beaucoup de magnificence ; plusieurs Cardinaux
y assisterent , et divers Membres de
cette Académie réciterent des Pieces de Poësie ,
qui furent applaudies.
Tout ce qui peut concourir à étendre , augmenter
ou perfectionner les Arts , ne doit jamais ,
être négligé dans un Livre tel que celui - cy ,.
même pour les choses qui ne paroissent pas d'u
ne grande importance. L'utilité que les jeunes
gens peuvent tirer de deux Machines que le sieur
Deshayes , Maître à Danser a inventées , et que
l'Académie Royale des Sciences a approuvées ,
ont un juste rapport à ce petit raisonnement.
L'une de ces Machines sert à faire tenir la tête
droite , les épaules en arriere et le corps dans .
l'équilibre qu'il doit avoir ; elle sett beaucoup
pour les premiers principes de la Danse , et plus
encore l'autre , qui assujettit à marcher avec.
grace, les pieds en- dehors , plusieurs jeunes gens
éprouvent l'utilité de cette nouvelle invention
chez divers Maîtres de Pension ..
Le sieur Deshayes demeure ruë Charlot , au Ma.
rais , chez un Tapissier..
QUESTION.
Si le luxe dans les habillemens est plus à justi
fier à l'égard des personnes laides , qu'à l'égard,
des belles ?
Il paroît une nouvelle Estampe d'après Wauvermans
, faite sur le Tableau Original du Cabinets
? SEPTEMBRE. 1733. 2037
binet de M. Hallée , de 19. pouces de large , sur
15. représentant une Course de Bague , d'une
très- belle ordonnance et d'une composition riche
et ingénieuse. Le sieur Moyreaus , qui a grave
"cette Estampe , la vend chez lui , ruë Galande ,
vis- à- vis S. Blaise.
Deux autres nouvelles Estampes en large , de
la suite du Roman Comique de Scarron , paroissent
chez Surugue , rue des Noyers , d'après les
Tableaux du sieur Pater ; la composition en est
heureuse et bien executée. Le premier Sujet gravé
par le sieur Lépicié , est tiré du Chap. 10. du
2. Tome du Roman Comique , et représente la
Piramide d'ailes et de cuisses de Poulets , élevée sur
l'assiete du Destin par Mad . Bouvillon.
Le second Sujet , gravé par le sieur Surugue
représente Mad. Bouvillon , qui , pour tenter le
Destin , le prie de lui chercher une puce , tiré du
même second Tome , Chap . XI ,
Le sieur Grégoire , Peintre , et seul Restaura
teur des Tableaux de l'Eglise de Paris , a trouvé
le secret de nettoyer les Tableaux sans y causer
la moindre altération , ce qu'il a fait voir sur
ceux de Notre-Dame , qui ont été vûs et examinez
par Mrs de l'Académie Royale de Peinture
et Sculpture , qui lui en ont donné un Certificat.
Il nettoye et rétablit aussi toutes sortes de Tableaux
peints sur Toile , sur Cuivre , sur Bois ,
sur Verre , sur Papier ; Peinture en huile sur
Plâtre , et couleurs à fresque. Il nettoye aussi
toutes sortes d'Ouvrages en Marbre , comme
Statues , Bustes , Bas- Reliefs et autres , sans diminuer
aucunement l'esprit de la figure ; il entreprend
également toutes sortes de Tableaux
d'His
2018 MERCURE DE FRANCE
d'Histoire Sainte et Profane , Portraits , Paysages
, Tableaux de Fleurs , de Fruits et de Perspectives
et Tableaux d'Aurel ; et pour les Mai
sons particulieres , Dessus de Portes et de Che
minées ; entreprend géneralement tout ce qui
concerne la Peinture , Sculpture et Dorure ; remet
aussi sur toile toutes sortes de Tabicaux en
quelque état qu'ils puissent être .
Le sieur Grégoire , demeure à Paris , Parvis
Notre Dame , entre un Notaire et un Perruquier
du côté du Claire , au troisieme Appartement.
Le sieur Lescure , cy -devant Chirurgien des
Gardes du Corps de la Reine d'Espagne , continue
de distribuer avec Privilege du Roy , un
Remede en forme de Sel , specifique pour la guérison
de l'Epilepsie ou mal caduc , vapeurs , soit
convulsives , histeriques ou simples vertiges et
étourdissemens , paralisie , tremblement et foiblesses
de nerfs. Il est très bon dans toutes les
maladies qui attaquent le genre nerveux . La
preuve de son excellence , sont les Experiences
qui en ont été faites , tant à l'Hôpital General ,
que sous les yeux de plusieurs celebres Médecins
de la Faculté de Paris sur un grand nombre de
malades de tout sexe, de differens âges, et temperamens.
Ce Remede opere la guérison de ces fâcheuses
maladies avec douceur , il purifie la masse du
sang , dissipe les obstructions et corrige lès humeurs
acides et gluantes qui picottent et embarassent
les nerfs ; il est facile à prendre et n'agit
que suivant la disposition des humeurs , conser
ve toujours sa vertu et peut se transporter par
tout sans souffrir la moindre altération .
Le sieur Lescure demeure ruë du Jour , vis-àvis
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONS
Je suis au comble de mes voeux.
BRU
IT
IR NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND TILDEN
FOUNDATIONS
.
Are demeure rue du Jour , vis-àvis
8 SEPTEMBRE
. 1733. 2019
H
vis le grand Portail d: S. Eustache , à Paris ,ceux
qui lui écriront des Provinces, auront soin d'affranchir
leurs Fettres.
Le sieur Dugeron , ancien Chirurgien d'Armée
, donne avis qu'il a fait la découverte du
Remede qui préserve les dents de se gâter et de
tomber ; il donne la maniere facile d'en faire
usage , et met son nom et le prix sur ses boëtes.
Il en a de deux , de trois et de quatre livres . Sa
demeure , avec Tableau , est à Paris „ ruë du Four .
près S. Eustache.
*******:*:*******
J
CHANSON.
E ne veux point faire de choix ,
Entre le bon vin et ma Maîtresse ;
Je ne veux point faire de choix ;
Oui , je bois et j'aime à la fois ,
Le verre en main ,
Le Dieu du vin ,
Avec son jus me verse l'allegresse ,
12 Ah quelle yvresse .
Auprès de quelqu'objet charmant ,
Le Dieu d'Amour m'occupe tendrement ,
Ah ! qu'il me blesse agréablement !
Venez tous deux ,
Me rendre heureux ;
Amour , Bacchus , partagez ma tendresse ,
Par votre adresse ,
Je suis au comble de mes voeux .
BRU
2040 MERCURE DE FRANCE
BRUNETTE.
Loin du Berger que j'aime ,
Je souffre incessamment.
Ah ! qu'un amour extrême ,
Est un cruel tourment !
M
Dans mon impatience ,
Je languis et je crains ;
Dieux qu'une longue absence ,
Nous cause de chagrins.
Tircis est- il fidelle >
S'occupe- t'il de moy ?
Quelle peine mortelle ,
S'il me manque de foy !
SPECTACLES
.
Es Comédiens François ont reçû de-
Luis quelque temps une Comédie
en Vers , en cinq Actes , intitulée la
Fausse Antipatie , qu'on doit jouer dans
peu.
Sur la fin du mois dernier , M. de
Voltaire , lût à l'Assemblée des Comédiens
SEPTEMBRE. 1733. 2041
diens François , une Tragédie nouvelle
e sa composition , sous le titre d'Adelaide
, qui fut unaniment reçûe , pour
être représentée au commencement de
hyver.
Les mêmes Comédiens ont aussi reçû
depuis peu une petite Comédie ,.
sous le titre de la Coquette Amoureuse ,
u'on doit jouer incessamment .
Ils ont encore reçû peu de jours après ,
une Tragédie nouvelle , dont le sujet
adéja été traité : elle est intitulée , Marie
Stuart.
Au commencement de ce mois , les
mêmes Comédiens remirent au Théatre
la Tragédie de Tiridate , et la " petite
Piece du François à Londres , dont les
principaux Rôles furent jouez par le
sieur Prin , nouveau Comédien , qui y
fut applaudi. Il a été encore plus applaudi
dans le Rôle d'Oedipe , qu'il a
joué depuis , dans la Tragédie de M. de
Voltaire.
Le même Rôle d'Oedipe a aussi été
joué par le sieur Fleury , qui y a été
applaudi.
L'Académie Royale de Musique ne doit
tesser le Balet des Fêtes Grecques et Rɔmaines
, qu'au dernier de ce mois , après
plus
2042 MERCURE DE FRANCE
plus de cinquante Représentations consécutives
ce qui marque à quel dégré
cet Ouvrage est agréable au Public.
On donnera le premier Octobre le
nouvel Opera d'Hypolite et Aricie , Tragédie
, dont nous rendrons compte àરે
nos Lecteurs dans le prochain Mercure.
EXTRAIT de la petite Comédie en
Vers libres et en un Acte , jouée an
Théatre Italien , qui apour titre le Bouquet
, annoncée dans le dernier Mercure
R
Osimont et le Chevalier Muguet , se
·rencontrent dans un Jardin public ,
où a Scene se passe Rosimont reproche
au chevalier , son ancien ami , de ne lui
avoir pas fait sçavoir plutôt son arrivée le
Chevalier s'excuse sur un nouvel amour
qui l'a occupé tour entier , malgré son
inconstance ordinaire ; Rosimont est surpris
d'un amour si sérieux ; le Chevalier
fait l'éloge de l'Inconstance , et Rosimont
celui de la Fidelité ; le premier proteste
que son nouvel amour sera constant , et
se flatte d'obtenir en mariage celle qui
en est l'objet ; il lui dit que ce jour étant
la Fête de sa nouvelle Maîtresse , il a
chargé Tricolor , son Valet , de lui présenter
un Bouquet de sa part. Tricolor
vient
SEPTEMBRE. 1733. 2043
fent avec le Bouquet ; Rosimont , en
'examinant , plaisante sur quelques Paillons
qui sont sur les fleurs , attendu
qu'ils sont le simbole de la légereté ; le
Chevalier lui dit que son inconstance
naturelle , exprimée dans son Bouquet ,
est un nouveau trophée pour la Beauté
qui en a triomphé ; il promet à Rosinont
de lui apprendre le succès de son
amour ,quand il en sera temps.
Rosimont doute fort de ce prétendu
succès, et quitte le Chevalier pour s'aller
promener dans une autre allée du Jardin,
dans l'esperance d'y rencontrer Florise
son ancienne Maîtresse. Violette , Suivante
de Jacinte , nouvelle Maîtresse du Che
valier , arrive ; le Chevalier lui demande
vec empressement des nouvelles de sa
Maîtresse ; Tricolor lui en demande d'ele
même ; le Chevalier Muguet lui ordonne
de se taire ; mais ce Valet lui ré
pond que c'est à lui à parler , puisqu'il
est l'Amant de Violette , et qu'il
n'auroit pas l'indiscrétion de l'interromare
s'il parloit à Jacinte , sa Maîtresse.
Le Chevalier se retire pour laisser son
Valet en liberté de faire le message dont
il l'a chargé. Aprés une conversation
courte et badine entre Tricolor et la
Soubrette , la Maîtresse arrive . Le Valet
2044 MERCURE DE FRANCE
let lui présente le Bouquet de son Maître
, Jacinte le reçoit avec plaisir , mais
y voyant briller quelques diamans , elle
veut le rendre à Tricolor . Violette s'en
saisit , de peur que sa Maîtresse ne le
refuse par bienséance . Jacinte qui craint
la sévérité de son pere , consent à le
garder , pourvû qu'elle puisse cacher
qu'il vient de la main d'un Amant. Elle
ordonne à Violette de le porter à sa cousine
Florise , Maîtresse de Rosimond ,
afin qu'elle paroisse l'Auteur de cette
galanterie ; ce projet est executé , Florise
veut pourtant avoir le plaisir de s'en
parer pour quelques heures . Rosimont ,
que le Chevalier a instruit du favorable
accueil que sa nouvelle Maîtresse a fait
à son Bouquet , sans pourtant lui apprendre
son nom , est très- surpris en
trouvant Florise , son Amante , de voir
ce fatal Bouquet sur son sein ; sa jalousie
ne peut s'empêcher d'éclater , il reproche
à Florise une infidélité dont elle
ose faire parade à ses yeux . Florise ne
comprend rien aux reproches qu'il lui
fait , et ne doute point qu'il ne prenne ,
d'une inconstance prétendue , un prétexte
pour en autoriser un veritable. Ils
se quittent très - mal satisfaits l'un de
Pautre , Florise sort.
Le
SEPTEMBRE. 1733- 2045
Le Chevalier arrive , transporté de
joye il vient joindre Rosimond , pour
lui dire que ses affaires vont à merveille,
que le Bouquet a été reçû favorablement,
et qu'il va posseder sa charmante Maîtresse
; Rosimont , peu satisfait de cette
confidence , lui répond d'un air sérieux
que cette nouvelle Maîtresse dont il vante
tant la fidelité , n'est qu'une volige ,
et que c'est lui , Rosimont , qu'elle aimoit
; le Chevalier rèpond d'un ton babadin
que cela pourroit bien être ; Rosirmont
qui prend ces discours pour une
plaisanterie , dit au Chevalier qu'il ne
lui enlevera pas impunément sa conquêté
; ils se querellent tout de bon , et prêts
à sortir pour aller terminer ailleurs leur
different à la pointe de l'épée , Florise
et Jacinte parée du Bouquet , arrivent ;
elles trouvent leurs Amans fort agitez , elles
leur demande le sujet de leur dispute;
Rosimont reproche à Florise d'aimer le
Chevalier , puisque c'est elle qui s'est parée
de son Bouquet ; le Chevalier ne
comprend rien à ce reproche , n'ayant
jamais vû , dit- il , Florise ; Jacinte reproche
aussi au Chevalier de courir de
Belle en Belle ; Violette, arrive , qui développe
1 : quiproquo du Bouquet , en
disant que Florise ne s'en étoit parée
G qu'à
2046 MERCURE DE FRANCE
qu'à la priere de sa Cousine , & c . Les
deux Amans conviennent de la bonne.
foi de leurs Maîtresses , se raccommodent
avec elles et sortent ensemble pour
aller demander le consentement à leurs
parens pour célebrer ce double Mariage.
Cette Piece , qui a été applaudie , est
des sieurs Romagnesy et Riccoboni ; elle
est terminée par une Fête très - galante'
mise en Musique par M. Mouret.
Le 2, et le 6. Septembre , les mêmes
Comédiens remirent au Théatre la Comédie
du Prince Malade ou les Jeux
Olympiques , et la petite Piece du Je ne
sçai quoi , dans lesquelles le sieur Berard,
nouveau Chanteur , chanta differens Airs
des Divertissemens de la premiere Piece ,
avec applaudissement; il chanta aussi dans
la seconde Piece la Scene du Maître à
Chanter , qui est une Parodie d'une Scene
du Balet des Fêtes Venitiennes . Ce nouvel
Acteur est jeune , bien fait , et a la
voix très-jolie ; il a été fort goûté et applaudi
du Public.
EXSEPTEMBRE.
1733. 2047
EXTRAIT de la petite Piece de l'Isle
du Mariage , de l'Opera Comique, représentée
le 20. Août , annoncée dans le
dernier Mercure.
L
E Théatre représente une Isle , et
la Mer dans l'éloignement ; on y voit
le Temple de l'Hymen caractérisé avec
ses attributs. L'Hymen ouvre la Scene
par ce Vaudeville , sur l'Air des Folies
d'Espagne.
Tendres Epoux , dont j'ai fini les peines,
Vous , qui goûtez les plaisirs les plus doux ,
Chantez ici le pouvoir de mes chaines ;
Dans ces beaux lieux , venez , heureux Epoux.
L'Hymen surpris de ne voir personne ,
continue de les appeller et de les exciter
au plaisir. L'Indifference personifiée paroît
seule , et chaute sur l'Air du Badinage.
Pour un Dieu comme vous
Vous n'êtes pas trop sage
D'insulter aux Epoux ,
Dans leur triste esclavage ;
Aujourd'hui qui s'engage ,
Sons les loix de l'Hymen ,
Demain ,
Renonce au badinage.
Gij L'In2048
MERCURE DE FRANCE
L'Indifference lui fait entendre que
les coeurs lui appartiennent de droit ;
aussi-tôt qu'ils sont sous son Empire , mais
Hymen rejette sur elle les mauvais procedez
des Epoux , & c.
Un Vieillard survient , qui a épousé
par inclination une jeune fille ; il se plaint
à l'Hymen de n'être point aimé , celuicy
lui répond que c'est plutôt sa faute
que la sienne , et qu'il ne doit pas lui
imputer une sottise que l'Amour lui a
fait faire , & c.
Une petite fille arrive , qui dit à
'Hymen qu'elle va se marier à un Amant
qu'elle aime , et que sa Mere veut lui
en donner un autre qu'elle n'aime point;
elle fait le portrait de tous les deux par
ce Vaudeville , qu'elle chante sur un Air
de la Comédie Italienne:
L'un est contrariant , farouche ;
Il n'a que des sermons en bouche ;
C'est un vrai Gaulois,
LOKA
L'autre est complaisant et traitable
Il badine , il aime la rable ,
C'est un vrai François ,
Autre sur l'Air des Débuts,
Quand celui-cy me sçait seulette ,
Pans ma chambre il aime à monter ;
D'abord
س و
LAYA DIL
2949 *755•
Dabord à mon col il se jette.
L'Hymen
C'est fort bien débuter.
La petite Fille.
Mais l'autre avec un air benest ,
Attend qu'on me fasse descendre'
Il me salue et puis se taist.
L'Hymen.
C'est mal s'y prendre.
La petite Fille quitte l'Hymen en le
conjurant de l'unir à l'Amant qu'elle
aime , & c.
- Un Gascon arrive et dit à l'Hymen
que si complaisance l'a conduit dans
son Temple , plutôt que lAmour , et
qu'il se fait violence pour épouser une
fille , belle , riche , sage , jeune & noble ,
il chante sur l'Air du Cap de bonne esperance.
J'attendris la plus cruelle ,
Panéantis son orgueil ,
La Beauté la plus rebelle .
M'évite comme un écueil ;
Aux Maris je fais la guerre
Mon aspect les desespere ;
Je suis leur épouvantail .
L'Univers est mon Serrail.
Ginj I
2050 MERCURE DE FRANCE
Il dit en sortant qu'il ne veut poing
se gêner en rien , et qu'il est comptable
de tous ses momens à l'Amour.
Un Suisse survient , qui se loüe fort
de l'Hymen , puisqu'il lui a donné une
femme qui , non seulement à la complaisance
de le laisser boire tant qu'il
veut , mais qui boit aussi de même pour
lui tenir compagnie.
Une jeune femme vient se plaindre
au Dieu de l'Hymen , de ce que depuis
qu'elle est mariée , son Mari lui préfere
une Maîtresse laide et coquette.
L'Hymen la plaint et blâme l'injustice
de son Epoux ; elle répond par ce Vaudeville
, sur l'Air : Charmante Gabrielle.
L'Amant est tout de flamme ,
Quand il veut être Epoux ,
Mais l'Hymen dans son ame
Eteint des feux si doux :
Triste ceremonię
Malheureux jour !
Si -tôt qu'on se marie ,
Adieu l'Amour.
Elle quitte l'Hymen , qui lui dit de
tout esperer de ses charmes et de sa
vertu .
Un gros Fermier vient remercier l'Hy .
men ,
SEPTEMBRE. 1733. 201
men , de lui avoir donné une femme
qui , par sa bonne mine , fait venir l'eau
au Moulin , il lui fait entendre qu'elle
est aimée du Seigneur de son Village
qui est complaisant , généreux et qu'il
a mille bontez pour lui ; l'Hymen répond
qu'il est charmé d'avoir fait son
bonheur et chante sur l'Air des Fraises.
Combien d'Epoux malheureux ,
Pour mieux vivre à leur aise ,
Prudemment ferment les yeux ,
Et suivent l'exemple heureux ,
Dé Blaise *, de Blaise , de Blaise
Léonore arrive avec sa Suivante Olivette
; elle est fort surprise de ne pas
trouver Léandre son Amant au Temple
de l'Hymen ce Dieu la questionne
et lui demande quel chemin elle a pris
pour arriver dans son Isle ; elle lui répond
sur l'Air de la Ceinture.
Nous avons du Temple d'Amour ,
Parcouru le séjour aimable.
L'Hymen.
Pour arriver droit à ma Cour ,
La route n'est pas favorable.
Enfin Léandre arrive , accompagné de
Pierrot , qui dit à Olivette qu'ayant pris
Giiij . le
2052 MERCURE DE FRANCE
le même chemin que son Maître , elle
doit aussi faire son bonheur. Léandre
épouse Léonore sous les auspices de l'Hymen
, qui leur promet mille douceurs ,
à quoi Olivette répond sur l'Air du
Charivari.
L'Hymen dore la pilule ,
C'est un Matois .
Dès qu'une fille crédule ,
Est sous ses Loix ,
Que fait près d'elle sọn Mary
Charivari.
Léandre dit à sa Maîtresse , sur l'Air
J'entends déja le bruit des Armes.
Couronnez l'ardeur qui me presse ,
Dans ce Temple portons nos pas ;
L'Amour m'y conduira sans cesse
Oui , j'en jure par vos appas.
Léonore.
C'est l'Amant qui fait la promesse ;
Mais l'Epoux ne la tiendra. pas.
Cette Piece , qui a été goûtée du Pưblic
, finit par un Balet caractérisé , sui .
vi d'un Vaudeville ; elle est de la conposition
de M. Carolet , qui travaille à
donner un 9. volume du Théatre de la
Foire , qui contiendra onze Pieces de sa
composition.
SEPTEMBRE. 1733. 2053
VAUDEVILLE.
L'Hymen a quelquefois des charmes ,
Quand l'Amour lui préte ses Armes ;
Sous son Empire tout nous rit ;
Mais souvent l'Amour fait retraire
Tâtez- en tourelourirette ,
Si le coeur vous en dit.
*
Un Abbé dans une ruelle ,
En secret amuse une Belle ,
Un Petit Maître l'étourdit ;
De. l'Abbé je ferois emplette ;
Tâtez-en , & c.
M
18
;
Si cette Piece à sçû vous plaire',
Pour l'Auteur , quel plus doux salaire !'
Votre suffrage lui suffit ;
La voila telle qu'elle est faite ,
Tâtez en , tourelourirette ',,
Si le coeur vous en dit.-
•
Le 9. Septembre , l'Opera Comique"
donna une Piece nouvelle d'un Acte
en Vaudeville , intitulé : Zéphire et la
Lune , ou la Nuit d'Elé. Elle fut précé--
dée d'un Prologue nouveau , qui a pour
Gy titre ,
2054 MERCURE DE FRANCE
titre , l'Impromptu. Ces deux Pieces sont
terminées par le Baler Pantomine des
Ages , dont on a déja parlé , et qui fait
toujours beaucoup de plaisir .
NOUVELLES ETRANGERES.
TURQUIE ET PERSE.
Elon les Dépêches d'Achmet-Pacha Commandant
à Bagdad , Thamas Kouli- Kan étant
instruit que l'Armée de Topal Osman , devoit
être augmentée considerablement , avoit abandonné
le projet de s'emparer de cette importante
Place , et les Troupes qui en faisoient le blocus
, avoient abandonné leur Camp pour l'aller
joindre auprès de Moussoul.
Ces Lettres ajoûtent que la disette et les maladies
avoient fort diminué l'Armée Persanne , et
qu'elle étoit fort inferieure à celle des Turcs. "
On a appris aussi qu'un Corps de 10000. Jannissaires
, à qui Topal Osman avoit ordonné
d'observer les mouvemens des Ennemis , avoit
attaqué un de leurs Convois et s'en étoit rendu
maître.
Les 15000. Janissaires qu'on envoye à Topal
Osman , ont dû arriver dans son Camp le 9.
Juillet.
Plusieurs Lettres confirment que les 40000.
Tartares qui ont reçû ordre de marcher en Geor-
"gie , y sont entrez vers le 15. Juin.
A
SEPTEMBRE. 1733. 2055
Constantinople le 14. Août 1733 .
A nouvelle qu'on reçut ici le 7. Août au soir,
de Lie la grande victoire remportée par l'Armée
Turque sur les Persans , et dont on espere que
les suites seront aussi avantageuses à l'Empire
Ottoman , que glorieuses à Topal Osman , fut
annoncée au Public entre neuf et dix heures par
une salve de plus de cent. Pieces de Canon du
Serrail de Top- Hana , de l'Arsenal , des Vaisseaux
et des Galeres du Grand Seigneur, ce qui a
été repeté chacun des trois jours suivans . Voici
ce qu'on a pû recueillir de diverses Lettres , surtout
de celles du General Topal Osman Pacha.
>
*
Quelques jours avant l'arrivée de ce Pacha à
Kerkoud , Thamas Kouli- Kan , dont la valeur
est ternie par une présomption insupportable ,
écrivit au Pacha de cette Ville , que regardant
Bagdad comme une Place qui étoit déja en son
pouvoir, il comptoit de finir la Campagne par la
prise d'Alep , après s'être emparé en chemin
faisant de Kerkoud , de Mossul , de Diabékir
&c.que cependant ayant appris qu'un certain Gé.
néral Turc , dont la lenteur ne lui donnoit pas
une grande idée de son courage , étoit en marche
depuis long- temps , pour venir s'opposer à
ses conquêtes , il le prioit de mander à ce Général
de se hâter un peu plus , parce qu'il étoit
pressé, et que pour lui abreger le chemin , il
iroit bien- tôt à sa rencontre avec une partie de
son Armée , qui suffiroit de reste pour le faire:
repentir de sa témérité.
Le Pacha de Kerkoud , ayant communiqué
cette insolente Lettre à Topal -Osman , ce der
nier se chargea de répondre à Thamas Kouli
Kan , et le fit à peu près dans ces termes.
Ge vj Quoi
2056 MERCURE DE FRANCE
*
Quoique le G. S. mon Maitre , ait des Soldats
en aussi grand nombre que le sable de la Mer , er
qu'indépendamment de son G. V. il pourroit choi
sir parmi ses Pachas des Chefs pour les commander,
dont la réputation seule seroit capable de t'anéantir,
cependant Sa Hautesse a crû que ce seroit assez.
pour réprimer ton orgueil , que de t'opposer quelques-
unes de ses Troupes , et de mettre à leur tête
un pauvre Boiteux , chargé d'ans et d'infirmitez,
tel que je le suis , et j'espere qu'avec le secours die
Tout-Puissant , en qui je me confie , et qui se sert
souvent des instrumens les plus méprisables pour
confondre les superbes comme toy , il te fera
éprouver par mon moyen un sort pareil à celui
qu'eut autrefois Nimbrout ** lequel voulant s'égater
à Dieu, fut puni de sa vanité impie , en péris
sant dans les douleurs que lui causa une simple
Moucke qui lui étoit entrée par le nez et avoit pénetré
jusques dans le cerveau.
Kouli- Kan s'étant effectivement mis en moùvement
, partit des environs de Bagdad avec l'é-
Lite de ses Troupes , au nombre de 80000. hommes
, dont toute la Cavalerie étoit armée de
maille; et Topal Osman continuant sa route le
long du Tigre , avec plus de cent mille Combattans
; les deux Amées se trouverent en présence
à la pointe du jour le 19. Juillet dans la Plaine
Udjoum qui est à la moitié chemin de Ker
koud à Bagdad , environ à 10. à 12. lieuës de
l'une à l'autre Place.
Le Général Persan faisoit marcher la sienne
dans un ordre de Bataille , à peu près semblable
à celui qui s'observe en Europe , et celle de Topal-
Osman fut rangée sur les bords du Fleuve.
** Topal' en Turc , signifie Boiteux.
** C'est une des Traditions Mabométanes .
Ca
SEPTEMBRE. 17 : 3 2057
Ce Bacha se posta dans le centre avec les Trou
pes de Romelie , sur lesquelles il comptoit le
plus , et mit aux premiers rangs les Curdes , de
la bravoure desquels il se méfioit , et sur qui il
ordonna aux autres Troupes de tirer , dès qu'ils
feroient mine de s'enfuir . Les Persans commencerent
le Combat par une décharge de toute leur
Artillerie et par celle d'un Coips d'Arquebusiers
montez sur des Chameaux , selon l'usage de cette
Nation . Les Curdes ne tarderent pas à lâcher pied,
comme le Général l'avoit prévû ; mais on tira
sur eux , et se voyant entre deux feux , ils furent
contraints de combattre comme les autres , encouragez
d'ailleurs par l'activité infatigable du
Général , qui volant du centre aux aîles , et de
rang en rang , ranimoit tout par sa présence ,
par son exemple et par ses largesses .
Cependant quelque bien secondé qu'il fût pens
dant le cours de cette sanglante action , qui commença
vers les six heures du matin et dura jusqu'à
trois heures après midi , la victoire incertaine
fut si vivement disputée , qu'elle changea
plusieurs fois de parti ; mais enfin les Persans
ayant perdu plus de 20000 hommes de leur In
fanterie , plus de 10000. de Cavalerie , et Kouli
Kan ayant reçu trois coups de lance , ils prirent
l'épouvante , abandonnerent le Champ de
Bataille , l'Artillerie et les Munitions , et s'enfuirent
la plupart à travers les Déserts , évitant les
chemins pratiquez ; une partie de l'Armée Ottomane
les poursuivit pendant . heures , et leur
Général , tout blessé qu'il étoit , se sauva come
me il
put avec quelques Cavaliers qui ne l'abandonnerent
point . Quant aux Turcs , à qui ce
triomphe n'a pas laissé de coûter , ils ont eu.
ooo. hommes de tuez , 7000. de blessez , et
*
parmis
2018 MERCURE DE FRANCE
parmi les morts , il s'est trouvé beaucoup de
Beys , qui sont comme des Chefs dans chaque
Province.
Le Seraskier Topal - Osman , donna aussi- tôt
avis de cette victoire à Achmet - Pacha , Gouverneur
de Bagdad , et lui manda en même-temps
que le Vendredy suivant 24. il comptoit d'entrer
dans cette Place , et qu'après avoir rendu graces
à Dieu sur le Tombeau de l'Iman Mahassem ,
ils conféreroient ensemble sur les opérations du
reste de la Campagne . Il coucha sur le Champ
de bataille , y séjourna le lendemain pour laisser
*
reposer son Armée , et se remit en marche le 21 .
Juillet,
Il est remarquer que Kouli- Kan , outre ses
propres Troupes , avoit été suivi d'un gros Corps
d'Arabes , sur l'assistance duquel il avoit beaucoup
compté , et que ces Arabes , au lieu de
prendre part au combat , en resterent les tranquilles
Spectateurs , leur inaction fut d'autant
plus favorable au Général Turc , qu'il n'avoit
point encore été joint par toutes les Troupes de
Romelie et par celles d'Egypte , qu'il attendoit
et sur lesquelles il comptoit beaucoup , mais dès
que l'affaire fut décidéee en sa faveur , tous ces
Arabes repasserent à la nâge de l'autre côté du
Tigre , et de- là ils députerent vers lui pour ob .
tenir une capitulation honorable , réprésentant
qu'ils avoient toujours été amis des Turcs, qu'ils
n'avoient embrassé le parti de Kouli - Kan , en
apparence , que parce qu'il s'étoit rendu le maître
chez eux , et qu'ils venoient de prouver de
* Cet Iman est un des plus respectables parmi
Tes Musulmans , et l'un des plus celebres Commentateurs
de l'Alcoran. Son Tombeau est auprès de
Bagdad.
reste
SEPTEMBRE. 1733. 2059
reste, combien ils lui étoient peu attachez , puisqu'ils
l'avoient laissé batere sans lui donner aucun
secours
Le Seraskier , qui d'un côté avoit ses raisons
pour les ménager , et qui de l'autre étoit bien
aise de leur faire sentir qu'il n'étoit pas tout- àfait
content de leur conduite et de leurs excuses
les remit pour regler toutes choses avec eux à
son arivée à Bagdad ; il fit donner aux Députez
quelques Caftans ou Robbes d'honneur , éxigea
d'eux qu'ils poursuivroient Kouli Kan et qu'ils
feroient tout leur possible pour le lui amener
mort ou vif, et que dès à présent ils envoye
roient des provisions pour quatre jours
dans Bagdad , afin que son Armée pût les y
trouver en arrivant , moyennant quoi , il leur
promit que jusqu'à - ce qu'il eût pû traiter avec
eux , il ne leur seroit fait aucun tort de la par
de ses Troupes.
On attend tous les jours Hamzé- Aga- Capigi-
Bachi , qui apporte des détails plus circonstanciez
de cette mémorable journée. Celui qui en a
apporté la premiere nouvelle , est venu en 17 .
jours. C'est un Officier Tartare , attaché à Topal-
Osman , et qui s'est fort distingué par des
actions de valeur le jour de la Bataille.
Le Seraskier lui donna , en le dépêchant , une
espece d'Aigrette d'or à trois pointes , avec laquelle
il a été présenté au G. S. qui lui en fic
donner une autre beaucoup plus riche , et le
gratifia d'un Apanage de quatre Bourses ou de
2000. écus de revenu ; on assure d'ailleurs que
ce Courier étant allé visiter tous les Ministres et
Tous les Grands de la Porte , en a reçû la valeur
de près de cent Bourses en differens présens.
RUSSIE
2060 MERCURE DE FRANCE
RUSSIE.
N apprend de Petersbourg , que le 28. Aoûr,
la Czarine fit dépêcher un Courier au General
Lucci , qui étoit campé sur les bords de la
Duna , aux environs de Riga , avec le Corps de
Troupes qu'il commande , et l'on a sçû depuis
que ce Courier lui a porté l'ordre de s'avancer
avec ses Troupes jusqu'à Shlohensko , Village
de Lithuanie.
LE
POLOGNE.
E Primat a répondu à la Lettre de l'Electeur
de Saxe, qu'il seroit fondé à demander
une satisfaction à la République , si l'on avoit
violé le Droit des Gens en la personne de son
Ministre, que le Sénat est instruit de ce qui
est dû au caractere des Ministres des Princes ;
qu'il sçait qu'ils ne sont responsables de leurs
actions qu'à leurs Maîtres , lorsqu'ils n'abusent
point de leur caractere pour enfraindre les Loix
des Etats où ils résident , et pour en troubler la
tranquillité ; mais qu'il sçait aussi , et que plusieurs
exemples le lui ont appris , comment on
en doit user avec ces Ministres , quand ils ne se
tiennent point dans les bornes que la raison et
l'équité leur prescrivent ; que les Polonois prétendent
avoir des raisons suffisantes. pour croire
que le Comte de Wackerbart Salmour a fait régandre
dans le Public l'Eerit intitulé : Lettre
dun Nonce à son Ami , et qu'ainsi ils auroient
pû ne pas respecter le Droit des Gens dans la
personne d'un- Ministre qu'ils jugent ne l'avoir
pas respecté lui-même , que cependant la République
, sans se faire justice , comme l'Electeur
l'ent
SEPTEMBRE. 1733. 2061
Pen accuse , s'est contentée de lui porter ses
plaintes, que dans le Decret qui condamne au feu
l'Ecrit dont le Sénat se plaint , le Comte de Vackerbar
n'est pas nommé , si ce n'est dans la Déclaration
du Prêtre qui a été arreté pour l'avoir
distribué , qu'ainsi ce Ministre avance sans fondement
qu'on a blessé le respect dû à son caractere
, qu'il pourroit tout au plus , si la déclaration
du Prêtre étoit fausse , exiger qu'on le punît
comme un imposteur . Qu'au reste ce n'est pas
seulement sur la déposition de ce Témoin , mais
sur plusieurs autres indices que la République
appuye son accusation contre le Comte de Vackerbar
, et qu'elle persiste à demander justice de
Pabus qu'elle prétend qu'il a fait de son caractere
.
Il paroît à Warsovie une Réponse au Manifeste
, que la Czarine a fait répandre dans le
Royaume, et par lequel S. M. Czarienne assure les
Polonois,que si elle se détermine à faire entrer des
Troupes en Pologne , ce ne sera que pour leur
fournir les moyens d'élire librement un Roy ,
et que les Moscovites y observeront une si exacte
discipline , qu'aucun Sujet de la République
ne pourra se plaindre . L'Auteur de cette Répon
se remarque qu'on n'a jamais forcé une Nation
d'accepter un secours qu'elle ne demande pas ,
et que c'est mal prouver qu'on désire que les
Polonois soient libres , que de vouloir les proteger
malgré eux . Il ajoute que les instances que
les habitans de la Curlande ont fait à la Czarin e
pour qu'elle retirât ses Troupes de ce Duché ,
ne donnent pas lieu d'esperer qu'elles seront fort
disciplinées en Pologne. Le Comte de Lewolde ,
Ambassadeur Extraordinaire de la Czarine auprès
de la République , a fait entendre qu'il par
tiroit
2062 MERCURE DE FRANCE
tiroit de Warsovie pour se retirer à Konisberg
Le 13. Août , jour auquel on avoit fixé le
transport des Corps du Roy Jean III . et de celui
du feu Roy , du Château de Warsovie , au Palais
du Fauxbourg de Cracovie , on celebra dans la
Chapelle du Château , où ils étoient en dépôt
depuis trois jours , une Messe solemnelle de Requiem
, après laquelle M. Zaluski , Evêque de
Plocko , prononça l'Oraison Funebre du feu
Roy , et le Convoi se mit ensuite en marche
dans l'ordre suivant.
Les Décurions portant leurs Drapeaux cou
verts de crêpe , le Clergé Régulier , les Communautez
des Marchands , les Peres Missionnaires ,
les Evêques , un Maître et un Ayde des Cérémonies
, un Détachement des Gardes du Corps ; un
Carosse , dans lequel étoit le Corps du Roy
Jean III . les marques de sa dignité , portées
par
le Comte Szembeck , Palatin de Siradie, par
le Comte Plembocki , Palatin de Rava , et par
M.Lasceuscki, Castelan de Sochaczew ; les Gentilshommes-
Gardes , le Corps du feu Roy dans
un autre Carosse ; les marques de sa dignité ,
portées par le Comte Potoscki , Palatin de Kiovie
et par M. Rudzinski , Castelan de Czersk , le
Comte Pomatowsck , Régimentaire de la Cou-
'ronne , suivi des principaux Officiers Militaires ;
les Grands - Mousquetaires , ayant à leur tête
M. Potoscki, leur Colonel , fermoient la`marche.
Les Carosses étoient couverts de velours cramoisi
avec des galons et des crêpines d'or ; les
habits des Cochers , des Postillons et des Valets
de Pied , qui étoient aux Portieres , étoient de
velours de la même couleur , galonné d'or. Pendant
la marche du Convoi , il y eut plusieurs
décharges de l'Artillerie du Château et des Remparts
SEPTEMBRE . 1733. 2063
parts , et lorsqu'il fut arrivé au Palais du Fauxbourgs
de Cracovie , M. Kobielski , Suffragant
de l'Evêque de Cujavie , prononça une seconde
Oraison Funebre.
L'ouverture de la Diette d'Election se fit le 25.
Août , dans le Camp près de Warsovie. Le Pri- .
mat , M. Maschalski , Maréchal de la Diette générale
de Convocation , le Comte de Poniatowski
, Régimentaire de la Couronne , et plusieurs
Sénateurs , prononcerent des Discours
fort éloquens , pour déterminer la Noblesse à
ne point se laisser intimider par les menaces des
Puissances qui paroissent vouloir contraindre sa
liberté , et pour l'exhorter à ne connoître qu'el
le- même pour Interprete des Loix et des Conetitutions
du Royaume.
Dans la seconde Séance qui se tint le lendemain
, on commença à proceder à l'Election
du Maréchal de la Diette , et les Sujets proposez
furent Mrs Radziewski et Malachuski . La troi
siéme et la quatriéme Séance , qu ise sont tenuës
avant le 23. er le 24. ont été employées à
recueillir les suffrages ; M. Radziewski a cu
1422. voix , et M. Malachouski n'en ayant cu
que 67. s'est désisté de ses prétentions en fayeur
de son Concurrent , qui dans la huitiéme
Séance du 2. Septembre fut élû unanimement
Maréchal de la Dierre.
C
Quelques personnes ont affecté de publier que
les Troupes Moscovites , commandées par le
Général Lucci , s'étoient avancées en Lithuanie,
mais il ne paroît point que ce bruit donne beau
coup d'inquietude au Primat ni à la Noblesse."
At2064
MERCURE DE FRANCE
ALLEMAGNE.
Las que gra et Pilsen ,
E Camp que l'Empereur a résolu de former
> sera
commandé par le Duc Ferdinand Albert de
Brunswich Lunebourg ; il sera composé de
17500. homines d'Infanterie et de 6700. hom
mes de Cavalerie.
On écrit de Dresde , que le Comte de Hoyms,
cy-devant Ambassadeur du Roy de Pologne à
la Cour de France , a obtenu la permission de
poursuivre en justice les Dénonciateurs , sur les
accusations desquels il avoit été arrêté et déte
nu dans le Château de Sonnestein.
ITALIE."
E 15. Août , les Cardinaux tinrent Chapelle
jeure à l'occasion de la Fête de l'Assomption.
Après la Messe et le Sermon , le Cardinal Ottoboni
distribua de la part du Pape 12000. écus
Romains à 100. pauvres filles , pour les aider
à se faire Religieuses.
Le Pape a ordonné que tous les Prêtres de
L'Etat Ecclesiastique , disent chaque jour à la
Messe une Collecte , pour demander à Dieu
qu'il donne à la Pologne un Roy qui soit également
zelé et pour les interêts de la Religion ,
et pour le bonheur de ses Peuples .
Le bruit court que l'Empereur a écrit au Cardinal
Cienfuegos , de faire de nouvelles instances
auprès du Pape en faveur du Cardinal Coscia.
Le Cardinal Firrao a rendu encore plusieurs
visites à ce Cardinal , mais avec aussi peu de
succès que les précédentes , et l'on assure qu'il
persiste
SEPTEMBRE. 1733. 2055
persiste à refuser de se soumettre au Jugement
prononcé contre lui .
L'Electeur Pa atin a fait demander à Sa Sainteté
la permission d'établir une imposition sur les
Ecclesiastiques de ses Etats , pour les faire contribuer
aux frais des réparations de quelquesunes
de ses Places.
Le Pape a déclaré qu'il vouloit qu'à l'avenir
le Port d'Ancône fût un Port franc , et S. S.
ayant ordonné qu'on y bâtît un magnifique Lazaret
pour la commodité des Marchands 3
M. Mario Maffei , Vicaire Général de cette Ville
, posa ces jours derniers , avec une grande solemnité
, la premiere Pierre de cet Edifice , qui'
doit être executé sur les Desseins du Sig. Louis
Vanvitelli , célebre Architecte.
ESPAGNE,
18. du mois dernier , Don Jean de Chin-
Leinilla , Capitaine d'Infanterie , arriva à Madrid
d'Oran , d'où le Marquis de Villadarias ,
Commandant Général des Troupes Espagnoles
qui sont en Afrique , l'a dépêché pour donner
avis à S. M. que les Maures , rebutez des divers
échecs qu'ils ont reçus devant certe Place , en
ont levé le Siege , et qu'après avoir brulé
leurs Baraques et tous les Bagages qui pou- '
voient les embarasser dans leur marche , ils se
sont retirez.
AD.
2056 MERCURE DE FRANCE
ADDITION
Aux Nouvelles précédentes.
Na appris en dernier lieu de Constantino-
Ople ,que la victoire remportée par Topal-
Osman , sur l'Armée de Thamas Kouli-Kan ,
avoit été suivie de la défaite des Troupes Persannes
qui formoient le Blocus de la Ville de Bagdad.
Achmet Pacha , Gouverneur de cette Place,
qui étoit réduit à la derniere extremité par la
disette de vivres , reçut le 20. du mois dernier à
six heures du matin , la premiere nouvelle de la
bataille donnee la veille dans la Place d'Udjoum
et de la déroute des Persans ; il résolut de profiter
de cette circonstance pour faire lever le Blocus
et le lendemain avant le jour il sortit de Bagdad
avec 2500c. hommes des meilleures Troupes de
la Garnison , pour attaquer les Persans dans leurs
retranchemens , qu'ils avoient fortifiez de deux
Forts. L'Action commença à la pointe du jour
et les Troupes qui gardoient l'un de ces Forts ,
l'ayant abandonné sans aucune résistance , se retirerent
dans le second. Les Persans , malgré le
découragement qu'avoit jetté dans leur Camp la
défaite de Thamas Kouli- Kan , s'y deffendirent
avec tant de valeur , qu'Achmet- Pacha fut obligé
, pour s'en rendre maître de faire mettre en
Batterie l'Artillerie qu'il avoit fait venir de Bagdad.
Les Troupes qui étoient dans ce fort , furent
passées au fil de l'épée et les autres prirent la
fuite avec beaucoup de desordre.
Achmet- Pacha , après cette action rentra dans
Bagdad , où il fit amener toutes les provisions
3
qu'il
SEPTEMBRE . 1733 . 2067
qu'il avoit trouvées en grande abondance dans
le Camp des Ennemis .
Le Courier qui a apporté cette nouvelle , est
l'Ecuyer du Kislar- Aga , lequel étoit auprès de
Topal- Osman , et que ce Général avoit dépêché
à Achmet-Pacha , pour lui porter la nouvelle de
sa victoire. Comme il avoit été obligé , pour
éviter les partis ennemis , de prendre un grand
détour , il n'arriva à Bagdad que le 22. Juillet
au soir. Achmet - Pacha le renvoya auss- tôt à
Topal-Osman , avec le détail de l'Action du 2 r.
et le 23. au matin , il partit avec une partie des
Troupes de sa Garnison , pour aller au-devant
de ce Général , qu'il rencontra à 3. lieues de
Bagdad , avec toute son Aimée. Topal- Osman ,
qui dans sa marche avoit reçu le Courier d'Achmet-
Pacha , le dépêcha aussi- tôt à Constantinople
, avec les Lettres de ce Gouverneur ; et
ayant ensuite continué sa route pour se rendre à
Bagdad , il y entra avec Achmet-Pacha le 24.
qui étoit le jour auquel il avoit marqué devoir
entrer dans cette Ville .
Les Lettres du Gouverneur de Bagdad ne mar.
quent rien de bien positif sur le sort de Thamas
Kouli- Kan ; mais on prétend qu'après la déroute
du reste de ses Troupes , il avoit été obligé de
se réfugier avec 1000. hommes seulement chez
les Arabes qui s'étoient déclarez pour lui , et
qu'un Chef d'un Corps de ces Arabes , qui est
beau- perc d'Achmet- Pacha , a promis , pour obtenir
son pardon, de s'être liguez avec les Persans
, de découvrir où Thamas Kouli - Kan s'est
caché et de le livrer aux Turcs.
Le Grand- Seigneur a envoyé à Topal- Osman
et à Achmet- Pacha , des Pélisses et des Sabres
magnifiques , et le même Courier porte à Topal
Osman
0
205 MERCURE DE FRANCE
Osman , des pleins pouvoirs pour continuer la
guerre contre, les Persans , ou pour signer un
Traité de Paix , ainsi qu'il le Jugera à Fropos,
et aux conditions qui lui paroîtront les plus
convenables aux interêts et à la gloire de l'am
pire.
Les dernieres Lettres de Warsovie portent,
que M. Radziewski , ayant donné avis au Senat
aussi-tôt après la fin de la IX . Séance de la
Diette d'Election , qu'il en avoit eté nommé Maréchal
, le Sénat envoya sur le champ des Députez
pour le complimenter , et le 3. Septembre
le Primat et les Sénateurs se rendirent au Kolo ,
pour se joindre à l'Assemblée des Nonces . Les
Ministres Etrangers ayant eu leur Audiance de
la Diette avec les cérémonies accoûtumées , tou
tes les Séances , tenues les jours suivans , furent
employées à prendre les mesures nécessaires pour
avancer l'Election du Roy , et il fut décidé le
11. qu'on y procederoit dans la Séance du lendemain.
Le Primat fit l'ouverture de cette Séance par
un Discours , dans lequel il réprésenta de quelle
importance il étoit à la Nation de choisir un
Prince également capable de la gouverner et de
la deffendre , il ajoûta que l'honneur et l'intérêt
de la Noblesse , dépendoient, du choix qu'elle
alloit faire et que le meilleur moyen d'assurer sa
réputation et sa liberté , étoit de montrer qu'elle
ne pouvoit être intimidée par aucunes menaces
et qu'elle sçavoit exposer sa vie et ses biens plutôt
que de recevoir la loi d'aucune Puissance.
د
le
Après que le Primat eut cessé de parler
Maréchal de la Diette recueillit les suffrages ;
En commençant par le Palatinat de Cracovie
dont
SEPTEMBRE. 1733. 2069
dont tous les Nonces donnerent leurs voix an
Roy Staniñas . Le Palatinat de Posnanie suivit cer
exemple , ainsi que tous les Sénateurs et tous les
Nonces qui étoient à la Diette , à l'exception de
deux Palatins qui se retirerent , mais qui n'entraînerent
avec eux aucun des Députez de leurs'
Palatinats.
M. Radziewski ayant demandé quatre fois
de suite , à haute voix , si l'on consentoit unanimement
à l'Election du Roy Staniſlas , on répondit
à chaque fois par une acclamation générale
, Vive le Roy Stanislas .
Le Primat fit ensuite la Proclamation en la
maniere prescrite par les Constitutions du Royaume
, et la nouvelle de l'Election fut annoncée à
la Ville par le bruit du Canon des Remparts et
la Mousqueterie des Troupes.
Lorsque la proclamation fut faite , le Primat,
le Sénat et les Nonces , se rendirent au Palais du
Marquis de Monti , Ambassadeur de France , et
après y avoir rendu leurs hommages au Roy ,
qui étoit arrivé à Varsovie la nuit du 8. au 9 .
de ce mois , le conduisirent à l'Eglise Cathédrale
où le Te Deum fut chanté.
Les résolutions prises par le Prince Vienovieski
, Régimentaire du Duché de Lithuanie , par
le Prince son frere , et par quelques Gentilshommes
qui s'étoient retirez du Kolo , avant le jour
de l'Election , ne sont point encore publiques.
On apprit le 9. que le Général Lucci , étoit
entré en Lithuanie avec le Corps de Moscovites
qu'il commande , et l'on ne doute pas que si ce
Géneral ne se retire avec ses Troupes , lorsqu'il
aura appris l'Election du Roy , Sa Majesté
n'aille à la tête de la Noblesse , le forcer de sortir
des Terres de la République.
i . H Tous
2070 MERCURE DE FRANCE
Tous les Sénateurs et les Nonces qui ont assisté
à la Dierte , se sont engagez par serment de
poursuivre , comme traitres à la Patrie , ceux
qui seront convaincus d'avoir appellé des Troupes
étrangeres en Pologne , et à ne jamais souf
frir qu'on leur accorde aucune Amnistie,
Les menaces de l'Empereur , ni même la marche
des Troupes qu'il a envoyées pour forcer le
Duc Charles Leopold de Meckelbourg à ceder
l'administration de ses Etats au Duc Louis- Chrétien
son frere , n'ont pû le déterminer à șe sou- i
mettre au Decret Imperial. Il a déclaré par plusieurs
Manifestes qu'il ne reconnoissoit aucune
Puissance qui eût droit de le dépouiller d'une
autorité qu'il ne tenoit que de ses Ancêtres , et
qu'il étoit résolu de la soutenir jusqu'à la derniere
extremité. Il a pourvû en même- temps la
Ville de Schwerin de toutes les munitions nécessaires
pour une longue résistance , et il s'y est
rsnfermé dans le dessein de ne se rendre que lorsqu'il
ne lui restera plus aucune ressource . Une
partie des Habitans du Duché , et presque tous
les Païsans des environs de cette Ville , lui sont
demeurez fideles ; ce Prince ayant fait publier
que ses Sujets prissent les Armes , tous ceux qui
sont en état de les porter , obéirent . Ils se rendirent
le 14 Septembre par troupes dans la Plaine
vis-à- vis la principale Porte de la Ville, Quelquesuns
même se détacherent le lendemain pour al
ler reconnoître un Corps de 600. hommes que ›
la Commisson Impériale a déja fait entrer dans
ce Duché pour y faire mettre le Decret de l'Empereur
à execution , et qui a pris ses quartiers
dans quelques Villages voisins , mais qui ne pa-.
Loft plus dans la Place depuis que la Garnison
lui
SEPTEMBRE. 1733. 2701
lui a enlevé plusieurs Soldats dans une sortie
qu'elle fit la nuit du 10 au 11. de ce mois.
On apprend de Vienne, que le Comte Maurice.
Antoine Solari de Broglio , et M. de Heunisch ,
Ministres Plénipotentiaires du Roy de Sardai
gne , reçurent le 1o. de ce mois des mains de
P'Empereur , au nom du Roy leur Maître , l'investiture
de toutes les parties de ses Etats qui
sont Fiefs de l'Empire. Tous les Ministres d'Etat
et la plus grande partie de la principale Noblesse
assisterent à cette Cérémonie.
Le 13. S. M. I. assista à la Procession solemnelle
que le Clergé Séculier et Régulier a coûtume
de faire tous les ans à pareil jour , elle assista
ensnite dans l'Eglise Métropolitaine à la Messe
qui fut celebrée pontificalement par le Cardinal
Archevêque de Vienne , et au Te Deum qu'on
chanta , suivant l'usage , pour remercier Dieu de
la victoire que Jean Sobieski , Roy de Pologne ,
remporta sur les Turcs en 1683. et qui les obligea
de lever le Siege de devant cette Capitale.
Les Lettres de Glogaw , portent que le 30. du
mois dernier , le Prince Louis Wittemberg , avoit
fait la Revûë des Troupes qui sont campées près
de cette Place , et que le même jour les Troupes
que l'Electeur de Saxe devoit envoyer à ce Camp,
y étoient arrivées. Selon les derniers avis reçûs
de Pilsen , les Régimens de Hesse - Cassel et de
Marulli , se rendirent le 10. au Camp que l'Empereur
a formé entre cette Place et celle d'Egra.
Ceux de Konigseg et de Philippi , y arriverent
le lendemain , ils furent joints le 13. par le
Régiment de Lobkowitz , Cuirassiers , et par
celui du Comte de Soissons . Il y a actuellement
dans ce Camp 22000. hommes et 18. Pieces de
Canon.
Hij Од
107 MERCURE DE FRANCE
On écrit de Rome , que dans le Consistoite
secret que le Pape tint le 2. de ce mois , le Car
dinal Ottoboni proposa l'Evêché d'Acqs pour
PAbbé Dandigné , et préconisa le P. Charles
Martin pour l'Abbaye Réguliere de N. D. de
Cuicy, Ordre de Prémontré, Diocèse de Laon,
L'Electeur de Saxe a envoyé de magnifiques
présens au Cardinal Annibal Albani , chargé des
affaires de Pologne à la Cour de Rome.
SL 2
FRANCE ,
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c. ›
E 2. de ce mois après midy , le Roy
Lfit dans la Cour du Château de Meudon
, la Revue des deux Compagnies
de Mousquetaires de la Garde de Sa Majesté
, et après que le Roy cut passé
dans les rangs , ils firent l'Exercice des
vant S. M. qui en parut fort satisfaite ,
2 .
La nuit du 23. au 24. du mois dernier,
le feu prit chez un Boulanger du Fauxbourg
S. Martin , avec tant de violence
que toute la maison fut enfâmée avant
qu'on pût y apporter du secours ; quel,
ques autres maisons ont été endommagées
, et 15 , ou 18. personnes ont péri
dans cet lucendie , entr'autres un Religieus
SEPTEMBRE. 1933. 207}
gieux Récollet et deux Enfans de l'Hôpital
de la Trinité , qui travailloient à
L'éteindre , le plancher sur lequel ils
étoient s'étant abîmé tout à coup dans
les flâmes.
Le Concert d'Instrumens que l'Aca
démie Royale de Musique donne tous
les ans au Château des Thuilleries ,à l'occasion
de la Fête du Roy , fut executé
par un grand nombre d'excellens Simphonistes
de la même Académie , qui
joüerent differens Morceaux de Musique
de M. de Lully et d'autres Maîtres modernes
, par une des plus belles soirées
qu'il soit possible de voir , et avec une
multitude incroyable de gens de tous
états , depuis les Princes et Princesses du
Sang , jusqu'à la plus simple Bougeoisie ;
et le tout avec un tel ordre , qu'il n'est
arrivé , non - seulement aucun accident ,
mais pas même de confusion , qu'autant
qu'il eenn falloit pour produire une va
rieté agréable et des oppositions char
mantes d'âges , de Sexes , de qualitez ,
de parures , dont le clair de la Lune ne
laissoit rien perdre ; ensorte que des
Compagnies entieres de gens de grande
condition et autres , étoient dans leur
particulier au milieu de la foule , assis sur
Hii des
2074 MERCURE
DE FRANCE
des chaises qu'on trouvoit en abondante
et qu'on disposoit en rond , &c .
Le 26. Août , il y eut Concert chez
la Reine , M. de Blamont , Sur- Intendant
de la Musique du Roy , fit chanter
le Prologue et le premier Acte de
Thetis et Pelée , qui fut continué le 29.
par le second et le troisiéme Acte , et
on finit le quatrième et le dernier Acte
le 2. Septembre. Les Rôles du Prologue
qui sont la Nuit , la Victoire et le Soleil ,
ont été chantéz par les Dlles Duhamel ,
Levy,et par le sieur le Begues les Princi
paux Rôles de la Piece ont été chantez par
les Dlles Antier , Mathieu , Lenner et
Courvasier , et par les sieurs Massé , le
Begue, Ducros, d'Angerville et du Bourg.
*
Le 29. on concerta le Prologue et le
premier Acte de Thésée ; les Rôles du
Prologue furent chantez par les Dlles Mathieu
et Duhamel , et par les sieurs du
Bourg et Richer , et ceux de la Piece
par les Diles Courvasier , Petitpas
Drouin et Duhamel , et par les sieurs
d'Angerville Chassé et Tribou ,
Le 23. la Reine voulut entendre le
Prologue de la premiere Entrée des Fêtes
Grecques et Romaines , de la composi →
tion de M. de Blamont. Les Dlles Antier.
et
SEPTEMBRE . 1733. 2079
et Petitpas chanterent dans le Prologue
les Roles de Clio et d'Erato , et les sieurs
Chassé et Jeliot , ceux d'Apollon et de
Terpsicore. On chanta la seconde et troisiéme
Entrée le 26. dont les principaux
Rôles furent remplis par les Dlles Antier
, Petitpas , le Maure et Mathieu
et par les sieurs Chassé et Jeliot ; tous
ces differens Concerts firent beaucoup
de plaisir et l'éxécution en fut parfaite.
Le 8. Septembre , Fête de la Nativité
de la Vierge , il y eut Concert Spirituel
au Château des Thuilleries , on y chanta
le Confitebor , Motet de M. de la Lande,
qui fut suivi d'un petit Motet à voix
seule , chanté par la Dlle Petitpas , et
d'un autre par la Dlle Julie ; après plusieurs
Pieces de Simphonie excellem-
- ment executées , le Concert finit par lė
Motet Exultate justi , du même Auteur .
Le Roy vient de faire un Remplacement
d'Officiers de Galeres ; le Bailly
de Laubepine a été fait Chef d'Escadre
le Marquis de Tournon , Capitaine de
Galeres ; M. de Langerie , Capitaine de
Port , et le Chevalier de la Farre Lopis ,
Capitaine de la Compagnie des Gardes
de l'Etendart. Les Capitaines - Lieutenans
sont , Mrs des Tourrés , de Villeneuve
Hiiij et
2076 MERCURE DE FRANCE
et le Chevalier de Bernage. Les Lieute
nans , le Chevalier de Preville , le Chevalier
de Castellane , M. de Chaumont
Lussac , et le Chevalier du Ligondez ,
Lieutenant de la Compagnie des Gardes
de l'Etendart ; les Enseignes , M. de
Mazan , Brigadier de la Compagnie des
Gardes de l'Etendart , le Marquis d'Aubignan
, et le Marquis de Trans , Sous-
Brigadier de la même Compagnie.
›
Par la Promotion que le Roy a faite
depuis peu dans la Gendarmerie la
Sous-Lieutenance de la Compagnie des
Gendarmes Ecossois , a été donnée au
Comte de Choiseul , lequel est remplacé
dans la Charge d'Enseigne des Gendarmes
d'Orleans , par le Chevalier de la
Marche , Guidon des Gendarmes de Flandres.
Le Marquis de Pellevé , Capitaine-
Lieutenant de la Compagnie des Gendarmes
de Berry , ayant demandé la permission
de se retirer , cette Compagnie
a été donnée au Marquis du Muy , Sous-
Lieutenant des Gendarmes Bourguignons.
Le Comte de la Vieuville a été nommé
Sous-Lieutenant des Gendarmes Bourgui
gnons , et le Chevalier du Châtelet
Enseigne des Gendarmes Dauphins. Le
Marquis Destreans , Guidon des Gendarmes
SEPTEMBRE. 1733 2077
mes de Berry , a eû la Charg : Premier
Cornette des Chevaux- Legers de
Bretagne , vacante par la démission velontaire
du Marquis de Vassey. Le Com
te de Laval a été nommé Guidon des
Gendarmes de Flandres , le Marquis de
Todoas , second Cornette des Chevaux-
Legers de Bretagne , et le Marquis de
Jonsac, Guidon des Gendarmes de Berry.
On ajoûtera à cette occasion , que le
sieur Sorbier un des meilleurs Eleves
de M. Petit , de l'Académie Royale des
Sciences , vient d'être nommé Chirur
gien Major de ce Corps , à la place de
M. Dalibour , dont on connoît la grande
réputation , qui après 40. ans de service
a demandé à se retirer. Il a obtenu une
pension de 300s. livres.
Le 10. Septembre , les Chanoines Réguliers
de S. Augustin , de la Congré
gation de France , élurent pour leur Général
et pour Abbé de sainte Genevieve ,
dans le Chapitre tenu à l'Abbaye sainte
Genevieve , le R. P. Pierre Suteine , de
Rheims , cy - devant Prieur de la même
Abbaye.
"
Le 21. de ce mois ,le Chevalier Manherbe
fut nommé par le Roy , à la Place
H v d'Ayde
2078 MERCURE DE FRANCE
d'Ayde- Major Général des Gardes du
Corps , vacante pár la démission de M. de
Maison - Neuve ; et le Marquis de Cal
viere , à celle d'Ayde - Major des Gardes
du Corps de la Compagnie de Villeroy .
Monseigneur le Dauphin et Mesdames
de France , les deux ainées , revinrent
Versailles du Château de Meudon en
parfaite santé le 24. de ce mois . Les
deux autres Princesses y arriverent le
lendemain..·
Aux affaires generales de la Religion
Prétendue Réformée , dont le Comte de
S. Florentin , Secretaire d'Etat , est chargé
, le Roy a réuni les affaires particulieres
de cette Religion dans tout le
Royaume.
Le Roy partit de Versailles le 30. de
ce mois vers les 11. heures du matin ,
pour aller coucher à Fontainebleau
S. M. dîna au Château de Petitbourg.
BENEFICES DONNEZ
par le Roy.
E 25. Juillet , la Coadjutorerie de
LAbbaye de Notre - Dame de Meaux ,
en faveur de la Dame de Bonnardy ,
Prieure
SEPTEMBRE. 1733. 2079
Prieure perpetuelle du Convent de Mondenis
, du consentement de la Dame
Pajot, Abbesse de cette Abbaye.
L'Abbaye de Chazeaux , à Lyon , vacante
par le décès de la Dame de Silvecanne
, en faveur de la Dame de Beaumont
, Prieure des Religieuses Benedicfines
de Cognac.
;
L'Abbaye Réguliere de Barbery , vacante
par la démission de Dom Fitsharbert
, en faveur de Dom Lambelin , Prieur
de l'Abbaye de Royaumont.
L'Abbaye de S. Paul de Besançon ;
vacante par le décès de M. de Beauffremont
, en faveur de M. Boisot.
L'Abbaye de S. Taurin , vacante par
le décès de M. le Normant , Evêque d'Evreux
, en faveur de M. d'Harcourt ,
Doyen de Notre- Dame de Paris.
L'Abbaye de S. Liguaire , vacante par
le décès du dernier Titulaire Comman
dataire , en faveur de M. de Foudras
Evéque de Poitiers .
L'Abbaye Royale du Lis , prés de Me
lun , Diocèse de Sens , vacante par là
mort de Madame d'Apremont , a été
donnée à Madame ... Crapadot ,
Prieure des Benedictines de Provins.
Le 28. Août , le Roy a nommé , aux
Archevêchez et Evêchez suivans.
H vi A
2080 MERCURE DE FRANCE
A l'Archevêché de Rouen , vacant du
18. Avril dernier , par la mort de Louis
de la Vergne de Tressan , l'Evêque et
Comte de Châlons , premier Aumônier
de la Reine , à la charge de 5800. livres
de pension . Il se nomme Nicolas de Saulx
de Tavanes , est né le 19.Septembre 1650 .
et a été d'abord Chanoine de S. Jean ,
et Comte de Lyon. Il fut député de la
Province de Sens à l'Assemblée generale
du Clergé de France de 1715. et Promoteur
de cette Assemblée , reçû Docteur
en Théologie de la Faculté de Paris ,
le 18. Mars 1716. pourvû de l'Abbaye
du Mont S. Benoît , Ordre de S. Augustin
, Diocèse de Besançon , le 23. Octobre
1717. et étant Vicaire Général dé
Pontoise , le Roy le nomma le 8. Janvier
1721 à l'Evêché de Châlons , Com.
té- Pairie de France. Il fut Sacré le 9.
Novembre suivant dans l'Eglise des
Théatins à Paris , par l'ancien Evêque
de Fréjus , aujourdhui Cardinal , assisté
des Evêques d'Avranches et de Mirepoix,
et le 11. du même mois il prêta Serment .
de fidelité entre les mains du Roy , en
présence du Duc d'Orleans Régent. Il
prit séance au Parlement en qualité de
Pair de France , après avoir prêté le Serment
accoûtumé >, le 4. Décembre, 1721.
assista
SEPTEMBRE . 1733 208r
assista au Sacre du Roy le 25. Octobre
1722. y réprésentant l'Evêque Duc de
Langres , absent ; donna la Bénediction
Nuptiale au Duc et à la feüe Duchesse
d'Orleans , dans son Château de Sarry ,
le 14. Juillet 1724. obtint le 12. Mars
1725. l'Abbaye de S. Michel en Thiera
che , Ordre de S. Benoît , Diocèse de
Laon ; fut nommé au mois de May suivant
premier Aumônier de la Reine , et
fut député de la Province de Reims à
l'Assemblée generale du Clergé , tenue
en la même année à Paris . Il est fils de
Charles-Marie de Saulx , Comte de Ta
vannes et de Beaumont , Grand- Bailly
de Dijon , et Lieutenant Général au Gou
vernement de Bourgogne , mort le 28.
Juin 1793. âgé de 54. ans , et de feüe
D. Marie Catherine d'Aguesseau , mortë
le 25. Janvier 1729. âgée de 66. ans ,
soeur de Henry- François d'Aguesseau ,
Chancelier de France.
I A l'Evêché de Metz , Suffragant de
Tréves , vacant du 28. Novembre 1732.
par le décès de Henry- Charles du Cambour
, Duc de Coiflin , Pair de France ,
Evêque Comte de Noyon , Claude de
5. Simon , né le 20. Septembre 1695. à
ว่า charge de 10300. livres de pension
legnel fut nommé Abbé Commandataire
de
2082 MERCURE DE FRANCE
de l'Abbaye de Jumieges , Ordre S.Benoît,
Diocèse de Rouen , le 20. Janvier 116.
et Evêque- Comte de Noyon , Pair de
France , au mois de Juillet 1731. Il fut
sacré le 15. Juin 1732. dans l'Eglise du
Noviciat des Dominicains à Paris , par
1'Archevêque de Rouen , assisté des Evê
ques d'Usés et de Bayeux , et il préta
Serment et prit séance au Parlement dé
Paris , en qualité de Pair de France , le
12. Janvier 1733. Il est fils de feu Titus-
Eustache de S. Simon , Seigneur de Falvy
sur Somme , Capitaine au Régiment des
Gardes Françoises , et Brigadier des Armées
du Roy , mort le premier Septembre
1712. âgé de 58. ans , et de D. Claire
Eugenie d'Hauterive , de Villesecq .
A l'Evêché de Châlons , Comté- Pairie
de France , Suffragant de Reims , vacant
par la tranflation du dernier Titulaire
à Rouen , Claude Antoine de Choiseul ;
Prêtre du Diocèse de Langres , né le
premier Novembre 1697 Licentié en
Théologie de la Faculté de Paris , de la
Maison et Societé de Navarre , et Vicaire
General de Gabriel Florent de Choiseul ,
Evêque de Mendes , son oncle. Il fur
fait Aumônier du Roy au mois de Juil
let 1728. assista à l'Assemblée du Clergé
de France , tenue en 1736. en qualité de
l'un
武
SEPTEMBRE. 1733. 2083
l'un des Députez de la Province d'Albi,
et obtint au mois de Jain de la même
année , l'Abbaye de N. D. de Bolbonne
Ordre de Cîteaux , Diocèse de Mirepoix
, qui fut préconisée et proposée pour
lui à Rome par le Cardinal Ottoboni
les 2. Octobre 1730. et 21. May 1731. Ik
est fils de feu Antoine Cleriadus de Choi
şeul- Beaupré , Seigneur d'Aillecourt , ap
pellé le Comte de Choiseul , Lieutenant
General au Gouvernement de Champagne
, Bailly de Chaumont et de Vitry ;
et Lieutenant Géneral des Armées du
Roy , mort le 19. Avril 1726. âgé de
62 ans , er de D. Anne - Françoise de
Barillon de Morangis , sa veuve.
A l'Evêché de Noyon , Comté- Pairie
de France , Suffragant de Reims , vacant
par la tranflation du dernier Titulaire
celui de Metz , Jean - François de la
Cropte de Bourzac , Prêtre du Diocèse de
Paris, d'une Famille noble de la Province
du Limosin , Vicaire Géneral de Limoges
, et nommé au mois d'Octobre 1729 .
Abbé Commandataire de l'abbaye de
S. Martial de Limoges , qui fut préconisée
et proposée pour lui à Rome le 23 .
Décembre 1729. et le 24. Juillet 1730 .
A celui d'Amiens , Suffragant de Keims,'
vacant du 20. Janvier 1733. par la mort
de
2084 MERCURE DE FRANCE
de Pierre Sabatier , Louis- François- Gabriel
d'Orleans de la Motte , Prêtre , Vi
caire Génerál du Diocèse de Senez , nommé
à cette Place par l'Archevêque d'Embrun
, au lieu de Jean d'Yse de Saleon ,
devenu Evêque d'Agen , et reconnu en
cette qualité par le Chapitre de Senez ,
le 27. Juin 1729. l'Abbaye de Sellieres ,
Ordre de Citeaux , Diocèse de Troyes ,
lui fut donnée au mois de Décemb. 173 1 .
Et à l'Evêché d'Evreux , Suffragant de
Rouen , vacant du 7. May dernier , par
le décès de Jean le Normant , Pierre-
Jules - Cesar de Rochechouart , Prêtre
du Diocèse d'Orleans , Vicaire Géneral
de ce Diocèse , et Prieur Commandataire
de S. Lo de Rolien , pourvû de ce Bénefice
au mois de Décembre 1724. fils
de Louis de Rochechouart , Seigneur.de
Montigny et du Monceau en Beauce ,
de même Maison que les Ducs de Mortemart
, et d'Elizabeth de Cugnac de
Joui , sa femme.
1
MORTS
SEPTEMBRE. 1733. 2085
MORTS , NAISSANCES
et Mariages.
Ntoine Paris , Ecuyer , Confeiller
Ad'Etat , cy- devant Tréforier géné
ral des Finances de la Province de Dauphiné
, mourut en sa Terre de Sampigny,
près de Commercy , en Loraine , le
29 Juillet 1733. Il étoit veuf de Marie-
Elizabeth - Jeanne de la Roche , fille de
Geoffroi de la Roche , vivant Ecuyer ,
Commandant les Gardes des Plaifirs du
Roy , dans les Parcs de Verfailles , & de
feué Élizibeth Hérault, de laquelle il n'a
laissé qu'une fille unique mariée avec
Jean Paris de Montmartel , son oncle
Ecuyer , Confeiller d'Etat et Garde du
Tréſor Royal , cy- devant Tréforier General
des Ponts et Chaussées , qui avoit
épousé en premieres nôces Marguerite-
Françoiſe Megret , foeur de Jean -Nicolas
Mégret de Sérilly , Maître des Requêtes
Ordinaire de l'Hôtel du Roy.
Le 25 Août , Dame Sufanne de Louvat
,veuve de Meffire Raoul des Champs,
Chevalier, Seigneur de Boishebert , qu'elle
it épousé le 23 Juillet 1691. mourut
gée d'environ 61 ans. Elle étoit fille de
Clau
100% MERCURE DE FRANCE
Claude de Louvat , Maréchal des Champs
& Armées du Roy , Gouverneur de Bellc-
Isle , & de Geneviève Robert de Lay.
Le même jour Chrétien - Nicolas de
Lamoignon , Seigneur de Bournau , Maître
des Requêtes ordinaire de l'Hôtel du
Roy depuis 1728. et auparavant Confeiller
au Parlement de Paris, où il avoit été
reçu le 23 Juillet 1721. mourut d'une
fiévre maligne à Paris , dans sa 33 année,
étant né le 25 Decembre 1700. fans avoir
été marié. Il étoit fecond fils d'Urbain-
Guillaume de Lamoignon , Comte de
Launay Courfon & de Montrevaux ,
Confeiller d'Etat ordinaire , & au Confeil
Royal des Finances , et de D. Marie-
Françoife Méliand , fon épouſe.
-
Le 30 Août , Jean - François- Paul le Févre
de Caumartin , Evêque de Blois , Abbé
commandataire de l'Abbaïe de Buzai
-de l'Ordre de Circaux , Diocèse de Nantes
, Docteur en Théologie de la Faculté
de Paris, l'un des quarante de l'Académie
Françoise , et Honoraire de celle des Infcriptions
et Belles- Lettres , mourut d'une
attaque d'Apoplexie , dans la 65 année
de fon âge, étant né le 16 Decemb.1668 .
Ce Prélat qui eft univerfellement regretté
à caufe de ses belles qualitez,avoit han
bord été deftiné à l'Ordre de Malthe 8 .
reçu
SEPTEMBRE. 1732. 2087
·
reçu de minorité au grand Prieuré deFrance
en 1669. Depuis il embrassa l'état Ecclésiastique
, et fut pourvu de l'Abbaïe
de Buzai , par la démiffion de Jean François-
Paul de Gondi , Cardinal de Retz ,
fon parain.Il fut reçu à l'Académie Françoise
le May 1694. reçut le Bonnet de
Docteur en Théologie le 7 Février 1697.
et fut admis au mois d'Août 1701. au
nombre des Honoraires de l'Académie
des Inscriptions et Belles Lettres . Etant
Doyen de l'Eglife Métropolitaine de
Tours; et l'un des grands Vicaires du Siége
vacant , il fut nommé à l'Evêché de
Vannes le 17 Septembre 1717. et après
avoir été facré le 17 Juillet 1718. à Dinant
par l'Evêque de S. Malo , en préfence
des Etats de Bretagne , il préta ferrent
de fidélité entre les mains du Roy
le 11 Decembre fuivant. Il fut transféré
à l'Evêché de Blois le 27 Août 1719. et
prêta un nouveau serment de fidélité le
17 Juillet 1720.Il assista au Sacre du Roy
le 25 Octobre 1722. ayant été un des Prélats
qui y furent invitez .
e1 Septembre , Charles de Y de
Seraucourt , cy-devant Capitaine au Ré
ciment des Gardes Françoises , mourut à
is , ágé de 78 ans. Il étoit fils d'Antoi
e Y , sieur de Seraucourt, Lieutenant
Cri2088
MERCURE DE FRANCE
Criminel du Bailli de Vermandois , au
Siége Préfidial de Reims , et d'Isabelle
P'Epagnol.
Le. 8. Jean le Boulanger , Maître ordinaire
en la Chambre des Comtes de Paris
, où il avoit été reçû le 28. Mars 1686.
et auparavant Conseiller au Châtelet ,
mourut septuagenaire ; il avoit épousé au
mois de Février 1695. Marie- Agnès Soulet
, soeur de Nicolas Soulet , Conseil
1er en la Grand'Chambre du Parlement
'de Paris , et fille de Nicolas Soulet , Con
seiller - Secretaire du Roy , et d'Agnès
Gaillard. Il a laissé un fils , reçû Maître
en la même Chambre des Comptes en
1729. et une fille , mariée au mois d'Avril
1727. avec Pierre Charpentier , Scigneur
de Royennes , aussi Maître des
Comptes aàllParis.
2
t
Le 11. D. Marie- Christine- Victoire de
Prougent , Epouse d'Anne- François de
Vandeuil , Chevalier , Seigneur d'Estel
fay, Ecuyer de la grande Ecurie du Roy
et Chef d'Académie Royale à Paris , mourut
âgée d'environ 48. ans ; elle avoit été
mariée le 16. May 1715. et étoit fille
unique de Marie Joseph de Prougent
Ecuyer, Seigneur de Mongivroux , Întendant
des Maisons et Finances de feües
leurs Altesses Sérenissimes la Prince orae
SEPTEMBRE, 1738. 2089
Condé et la Duchesse de Brunswik Ha
nover , mort le 26. Avril dernier , et de
D. Catherine Davy de la Pailleterie , sa
femme, auparavant Chanoinesse et Dame
de Remiremont , morte le 2. Décembre
1729. âgée de 81. ans.
Le 12. de ce mois , Dame Françoise le
Gendre , Epouse de M. Jean Baptiste.
Bosc , Seigneur de Souscarriere , Conseiller
du Roy en ses Conseils , Secretaire.
de la Chambre et du Cabinet de S M.
Procureur Géneral en la Cour des Aydes
de Paris , Commandeur et Chancelier ,
des Ordres Royaux , Militaires et Hospitaliers
de N. D. du Mont- Carmel et de
S. Lazare de Jérusalem , mourut à Paris
après une longue, maladie , âgée de 49 .
15 ; elle étoit fille de feu François le
Gendre , Ecuyer , Fermier Géneral des.
Fermes du Roy , mort le 11 , Juin 1696.
t de feüe D, Marguerite le Roux , morte,
' e 11.Décembre 1726. et avoit pour soeurs
înées la D. Crozat , la D. Doublet et la
D. Présidente Durey ; elle avoit été mariée
au mois de Janvier 1704. et n'a laissé
que deux filles , qui sont la D. de Sourrière
et Marguerite Bosc , mariée le 9 .
évrier 1728. avec Bertrand - Cesar du
Guesclin , Seigneur de la Roberie, Colo-
Infanterie, Chevalier de l'Ordre Militaire
6
2090 MERCURE DE FRANCE
litaire de S. Louis , et Gentilhomme de
la Chambre du Duc d'Orleans.
Le 13. D. Marie Elizabeth Daret de
Chevry , Veuve depuis le 18. Juin dernier
, d'Antoine - François de la Trémoille
de Noirmontier , Duc de Royan , dont
on a rapporté la mort dans le Mercure
de Juin dernier , premier vol . p . 1246.
mourut à Paris , âgée de 61. ans , sans posterité
; elle étoit fille de feu Charles François
Duret , Seigneur de Villefranche et
de Chevry , qui avoit été Mestre de Camp
d'un Régiment d'Infanterie pour le service
du Roy en Portugal , et de feüe D.
Marie - Elizabeth Bellier de Platbuisson
et avoit été mariée le 22. Mars 1700.
·· Le 19. D. Henriette Louise Col-"
bert , Duchesse de Beauvillier , qui avoit
été Dame du Palais de la Reine Marie-
Thérese d'Autriche , mourut en son Hôtel
rue sainte Avoye à Paris , âgée de 76.
ans , 9. mois , et le 21. son corps fut
transporté à Montargis , pour y être inhumé
dans le Monastere des Benedictines
auprès du feu Duc son Mary . Elle étoit
seconde fille de Jean- Baptiste Colbert
Marquis de Seignelay de Château - Neufsur
- Cher , et de Blainville , Baron de
Monétau de Chény , d'Ormoy , de
Sceaux , de Linieres , &c. Conseiller
dinal...
SEPTEMBRE . 1733 2091
dinaire du Roy en tous ses Conseils : et
au Conseil Royal des Finances , Ministre
et Secretaire d'Etat , Contrôleur General
des Finances , Commandeur et Grand-
Trésorier des Ordres du Roy , Sur- Intendant
et Ordonnateur general des Bâ →
timens de S. M. Jardins , Arts et Manufactures
de France , &c. mort le 6. Septembre
1683. et de D. Marie Charron ,
morte le 7. Avril 1687. elle avoit été
mariée le 21. Janvier 1671. avec Paul de.
Beauvillier , Duc de S. Aignan , Pair de
France , Grand d'Espagne , Comte de
Busançois et de Palluan , Seigneur des
Terres et Baronies de la Ferté saint
Aignan , la Salle , les Cléri , Lucè en
Beauce , et des Terres et Châtellenies
des Aix , d'Angillon , Séri , Humbligni ,
Chemeri , la Grange , Montigny , haut
et bas Foullé, Chanterennes et Neufvres,
Vicomte de Valognes, Chevalier des Ordres
du Roy, et cy -devant Premier Gentilhomme
de fa Chambre ,Brigadier de fest
Armées , Ministre d'Etat , Chef du Confeil
Royal des Finances , Gouverneur des
nfans de France , Premier Gentilhomme
de leur Chambre , et Maître de leur
Warde-robe, Gouverneur pour le Roy des
Ville et Citadelle du Havre de Grace et
as en dépendans , Gouverneur et Bailli
des
2092 MERCURE DE FRANCE
,
des Villes et Chateau de Loches et Beaulieu,
mort le 31 Août 1714 Elle en avoit
eu plusieurs enfans , dont il n'y a cu
qu'une seule fille de mariée, qui étoit feuë .
Marie-Henriette de Beauvillier , morte le
4 Septembre 1718. laissant de Louis de
Rochechouart , Duc de Mortemart , Pair
de France , Premier Gentilhomme de la
Chambre du Roy, Chevalier de ses Ordres,
et Lieutenant Général de ſes Armées,
son cousin germain maternel , qu'elle avoit
épousé le 20 Décembre 1703. deux fils
et trois filles , l'aîné des fils mourut
en 1731. sans enfans; le second est Charles
- Auguste Duc de Rochechouart, premier
Gentilhomme de la Chambre du
Roy , né le 11 Octobre 1714- qui n'est
pas encore marié,
>
Le 20. D. Charlotte de Rohan , Epouse
depuis 1729 , de Jean Antoine de Créqui
, Comte de Canaples , et auparavant
veuve depuis le 14 Mars 1720 d'Antoine-
François de Colins , Comte de Mortaigne
, Seigneur de Justingue et d'Ham
premier Ecuyer de feuë Elizabeth-Charlotte
de Baviere , Duchesse Doüairiere
d'Orleans, et auparavant Capitaine- Lieutenant
de la Compagnie des Gens d'Armes
de Bourgogne , qu'elle avoit épousé
au mois de Mars 1717 , mourut d'une
ApoSEPTEMBRE
. 1733. 2093 .
Apoplexie de sang en son Château de
Beaumont au Perche , dans la 53 année
de son âge , étant née le 20 Decembre
1680. Elle étoit fille de Charles de Rohan,
Prince de Guimené, Duc de Montbazon ,
Pair de France mort le 10 Octobre 1727,
et de Charlotte Elizabeth de Cochefilet
de Vauvineux , morte le 24 Décembre
1719. Elle a laissé de son premier mari
Loüise Elizabeth de Colins de Mortaigne,
fille unique ,née au mois de Février 1713.
et mariée le 6 May 1733 , avec le Comte
de Montboissier , Capitaine de Cavalerie
dans le Régiment de Clermont , Prince ,
Cavalerie , fils aîné de Philippe Claude ,
Marquis de Montboissier Canilliac , Capitaine
Lieutenant de la seconde Compagnie
des Mousquetaires de la Garde du
Roy.
·
Le 21. D. Marie- Anne Tronçon, veuve
depuis le 17 Novembre 1704. de Mathieu
Garnier, Seigneur de Monthereau ,
Président au Parlement de Metz , et fille.
d'Ennemond Tronçon , Seigneur de Chaumontel
- la- Ville , et du Preslay , Maître
d'Hôtel ordinaire du Roy , et Trésorier
de France à Orleans , et d'Anne Boyer ,
mourut à Paris , âgée d'environ 89 ans ,
laissant une fille unique , qui est D.Marie-
Jeanne Garnier de Monthereau , ma-
I riéc
2094 MERCURE DE FRANCE .
›
riée le 20 Avril 1689 , avec Etienne Canaye
, Seigneur de Malval , des Roches ,
&c . Conseiller en la Grand'Chambce du
Parlement de Paris.
و
Le 28 , François le Maistre , Seigneur
de Persac en Poitou , de Belloc , et en
partie du Marquisat de Ferrieres , Conseiller
Honoraire au Parlement de Paris ,
où il avoit été reçu le 2 Juillet 1692. fils
de François le Maistre , Seigneur des mê
mes Lieux, mort Conseiller en la Grand-
Chambre du même Parlement , le 14 Septembre
1685. et de D. Marie le Feron , fa
seconde femme , morte le 4 Decembre
1720 femme alors en secondes nôces de
Claude de Thyard , Comte de Bissy , frere
du Cardinal de ce nom mourut au
Chateau de Mont rouge , près de Paris,
âgé d'environ 65 ans , et le lendemain au
soir son corps fut apporté à Paris , et inhumé
aux Cordeliers , dans la fépulture
de fa famille. Il desaendoit du celebre
Gilles le Maistre , premier Président au
Parlement de Paris , qui étoit son 4 aïeul,
et qui mourut le 5 Decembre 1562. François
le Maistre qui vient de mourir ,avoit
été marié le 1 Août 1695 , avec Marie-
Marguerite Boucher , morte le 2 Avril
1721.dans la 47 année de son âge,fille de
Nicolas Boucher , vivant Secretaire du
Roy ,
J
SEPTEMBRE. 1733. 2095
Roy , Grand Audiancier de France, et de
Mario Bannelier. Il n'en a laissé que Marie-
Anne le Maistre ,née le 27 Mars 1700.
et mariée le 22 Décembre 1722. avec Nicolas
le Camus , premier Président en la
Cour des Aydes de Paris , et Seigneur de
Mont-rouge , qui avoit épousé en premieres
nôces Magdeleine- Charlotte Baugier
, morte le 2 Decembre 1722 .
Le 25. Août , est née Augustine-Julie , fille
d'Anne- Gabriel de Cugnac , Chevalier , Baron de
Reuilly , Sous - Lieutenant au Régiment des Gar
des Françoises , et de D. Jeanne Marie - Joseph
Guyon de Disier , son Epouse. Ses Parains et
Maraines ont été Antoine- Hiacinte de Mainville
, Comte de Marigny , Brigadier des Armées
du Roy et Capitaine - Lieutenant de la Compagnie
des Chevaux- Legers d'Orleans , et Dlle Ju-
Tie- Augustine Hurault de Vibraye.
Le 13. Septembre , fut baptisée Marie - Charlotte-
Dorothée , née le jour précedent , fille de
Michel - Charles - Dorothée de Roncherolles ,
Chevalier , Comte du Pont S. Pierre , Mestre de
Camp du Régiment Royal des Cravates, Cavalerie
, de D. Charlotte - Marguerite de Romilley de
la Chesnelaye , son Epouse , qui ont été mariez
le 25. May 1728. elle a eu pour Parain Adolphe
Charles de Romilley , Chevalier , Marquis de la
Chesnelaye et d'Amy , Comte de Mausson , Seigneur
de la Chaise , d'Ardesne, & c. Brigadier des
Armées du Roy , Chevalier de l'Ordre Militaire
de S. Louis , et Gouverneur des Ville et Château
de Fougeres en Bretagne , son Ayeul maternel
et pour Maraine , D. Marie- Anne Dorothée
Erard
I ij.
1
2016 MERCURE DE FRANCE
Erard le Gris,Marquise d'Echauffour et de Montreuil
, Comtesse de Cisey , &c. Epouse de Mi
chel de Roncherolles, Marquis du Pont S. Pierre,
premier Baron de Normandie , et Conseiller
'honneur-né au Parlement de Roücn , son Ayeu
le paternelle. Nous avons parlé de cette Maison
de Roncherolles , aussi bien que de celle de Romilley
, dans le Mercure de Juin 1728. premier
vol.p. 1255. à l'occasion tant du Mariage des Pere
et Mere de P'Enfant qui vient de naître , que de
celui de D. Marie - Catherine de Roncherolles,
soeur du Comte du Pont S. Pierre , avec François
de Rivoire , Marquis du Palais , Brigadier
des Armées du Roy , Lieutenant des Gardes du
Corps de S. M. qui fut celebré le 3. Juin 1728 .
Le 15. il est né un fils à Louis - François de
Laurens , Comte de Montserin , de son Mariage
avec Françoise Louise de Laurens , qui a été
nommé au Baptême par Thomas Rivier , et par
D. Joseph de Rebé , veuve de Leonor du Maine
Marquis du Bourg,
-Le 12. Septembre , Charles- Guillaume- Louis
de Broglio , âgé de 17. à 18. ans , seul fils de
Charles Guillaume , Marquis de Broglio , Lieu
tenant General des Armées du Roy , et Gouver
neur de Graveline , cy- devant Directeur general
d'Infanterie , et de feue D. Marie Magdeleine
Voysin , son Epouse , fille du Chancelier de
France de ce nom , morte le 11. Janvier 1722,
fut marié avec Dlle Theodore - Elizabeth de Besenval
de Bronstat , fille de Jean- Victor Baron
de Besenval Bronstat , du Canton de Soleure ,
Lieutenant General des Armées du Roy, et Colo
nel des Gardes Suisses de S. M. et de D, Cathe
ine , née Comtesse de Biclinski.
Le 15. Pierre- Jacques - Louis de Becdelievre ,
Marquis
Marquis de Quevilly , fils de Louis de Becdelievre,
Baron de Cany , et de feüe D. Anne- Henriette
Catherine Toustaing d'Herbeville , épousa Dlle
Charlotte Paulmier de la Bucaille , fille de Pierre
Paulmier de la Bucaille , Seigneur de Prestreval ,
et de D. Genoviéve Marette.
-
>
La nuit du Dimanche au Lundi 17.
d'Août dernier , Charles Pierre Gaston
de Lévis de Lomagne , Maréchal hé
reditaire de la Foy , Chevalier , Marquis
de Mirepoix , Comte de Terrides , Vicomte
de Gimoix , Baron de Mont- Fourcaul
, &c. Colonel du Régiment de Saintonge
; fils de feu Charles- Pierre de Lévis
, Marquis de Mirepoix , Prince de
Pescheseul , Comte de Terredes , Maréchal
héréditaire de la Foy , et de feüe
Dame Gabrielle d'Olivier , épousa Anne-
Gabrielle-Henriette Bernard , fille de Gabriel
. Bernard . Comte de Rieux , Baron
et Seigneur de la Liviniere , Ferals , Fief-
Madame , &c. Conseiller du Roy en ses
Conseils , Président au Parlement , Deu
xiéme Chambre des Enquêtes , et de Dame
Suzanne-Marie- Henriette de Boulainvilliers
, petite fille du côté Paternel de Samuel
Bernard , Chevalier de l'un des Ordres
du Roy , Conseiller d'État , Comte
de Coubert , Marquis de Merry , &c. en
du côté Maternel , de feu Henry de Boulainvilliers
, Comte de S. Saire , si celebret
1 ii
par
L
par le grand nombre de ses Ouvrages
dont la plupart ont été rendus publics
depuis sa mort.
On ne s'étendra pas sur la grandeur
de la Maison de Lévis , dont le Marquis
de Mirepoix est l'aîné. Ce ne seroit rien
apprendre au Public ; personne n'ignore
qu'elle est une des plus anciennes et des
plus illustres du Royaume . On en trouve
la Généalogie détaillée dans le 4. volume
de l'Histoire Généalogique du P.
Anselme , page 15 .
11 suffira d'observer que Guy de Lévis
I. du nom , Chef de toutes les Branches
de cette Maison , qui subsistent au→
jourd'hui , fit paroître tant de valeur et
de zele pour la Religion dans la guerre
contre les Albigeois , où il commandoit
en qualité de Maréchal des Croisez , au
commencement du 13. siecle , qu'il y
mérita pour lui et pour l'aîné de ses Enfans
mâles , à perpétuité , le Titre de Maréchal
de la Foy Titre que nos Rois
ont depuis confirmé en plusieurs occa
sions , entre autres , par un Arrêt du
Grand Conseil du 10.Juin 1651. et c'est
en qualité de Maréchal héréditaire de la
Foy , que le Marquis de Mirepoix porte
derriere l'Ecu de ses Armes , qui sont
d'or à trois chevrons de sable , deux Bâtons
SEPTEMBRE. 1733 2099
tons d'azur en sautoir , semez de Croix
et de Fleurs de Lys d'or.
Le Chevalier Bernard , toujours magnifique
dans ce qu'il fait , donna à l'occasion
de ce Mariage dans son Hôtel ,
ruë neuve Notte -Dame des Victoires
une Fête qui a fait l'étonnement et l'ad
miration de tous ceux qui y ont assisté.
Le matin du Dimanche 16. Août , un
grand nombre de Suisses furent postez
aux portes de l'Hôtel et des Apparte
mens , et un détachement d'autres Suisses
fut chargé de la garde des Cour, Jar
dins , Passages , &c.
La Fête commença sur les 6. heures
du soir , par un Concert , qui ne pouvoit
manquer d'être parfaitement bien
executé , M. Bernard ayant eu soin d'y
rassembler en grand nombre les plus belles
Voix et les meilleurs Instrumens , et
l'on peut dire de ces excellens Sujets ,
que le zele se joignant à leurs talens , ils
se surpasserent pour répondre aux intentions
de M. Bernard .
Sur les 7. heures du soir , toutes les
façades de l'Hôtel furent illuminées d'u
ne quantité prodigieuse de Lampions et
de Terrines , qui profiloient toutes les
Corniches , les Croisées , les Plintes et
les autres principaux Membres de l'Ar-
I iiij
chi2100
MERCURE DE FRANCE
chitecture , depuis le faîte jusqu'au rezde
- chaussée. La principale façade de la
Cour , étoit surmontée d'une Etoite de
Lampions , si grande et si brillante que
les yeux avoient peine à en soutenir l'éclat.
L'Illumination qui décoroit le devant
de l'Hôtel sur la ruë , formoit plusieurs
Pilastres , et le pourtour de la
Porte Cochere , au haut de laquelle étoit
un Fronton entre deux grandes Pirami
des de Lampions , qui jettoient une lumiere
très-agréable ; et pour éclairer de
plus loin les Carosses , on avoit garni le
mur du Jardin des Petits - Peres de la
Place des Victoires , de terrines posées
sur des Consoles , depuis l'Eglise jusqu'à
l'angle et très-avant dans la ruë neuve
S. Augustin. On n'aura pas de peine à
s'imaginier le brillant de cette Illumina
tion , quand on sçaura que tous les lampions
et les terrines étoient en cire blanche
, précaution que l'on a crû devoir
prendre pour éviter la mauvaise odeur
et pour garantir les habits des Dames
et des autres Conviez qui étoient obligez
de passer sous des Arcades illuminées .
Après le Concert , vers les neuf heures
, toute la Compagnie descendit et traversa
une enfilade d'Appartement à rezde-
chaussée , pour se rendre dans une
Sale
Echelle
de
Le Roux inv.
PEL
618 wifes
P
C
LIBRARY
.
A, LENOX
AND
TELEEN
FOUNDATIONS
.
pou endre dans une
Sale
DRAKY
.
ASTOR
, LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONS
.
TEMPLE DE MARS
Mademoifelle
uis de
Mirepoix avec
Bernard
Comte de Coubert .
DEO NT
REG
REGI
SEPTEMBRE. 1733. 2102
Sale , où l'on avoit servi un Repas des
plus somptueux. C'est ici qu'a parû dans
tout son éclat , le goût et la magnificence
du Chevalier Bernard ,
Cette Sale , dont tout le monde a
admiré la grandeur et les proportions ,
avoit été construite dans le Jardin par
les soins et sur les Desseins de M. le Roux,
Architecte du Roy et de l'Académie
Royale d'Architecture , qui a employé
avec succès son Art et ses talens pour
executer les idées de M. Bernard .
L'étendue de la Sale étoit de 12. toises
de longueur , sur sept de largeur , et elle
avoit 22. pieds et demi d'élevation depuis
le plancher jusqu'au Plafond. 1. a
La décoration du Frontispice repré
sentoit en camayeu le Temple de Mars ,
dont une Porte cintrée formoit la prin
cipale Entrée. Aux deux côtez étoient
quatre grands Pilastres d'une très- belle
Architecture, ornez de Trophées de
guerre , et entre les Pilastres , deux grandes
Arcades vitrées , qui laissoient jouir
un grand nombre de Spectateurs du coup
d'oeil de la Sale , et donnoient aux Conviez
le plaisir de voir la Façade illuminée
du dedans de l'Hôtel. Au - dessus
de ces deux Arcades , on voyoit des
Trophées d'Amour et les Chiffres des
21
I y now
1102 MERCURE DE FRANCE
nouveaux Epoux , sous une Corniche
feinte de pierre de taille , surmontée d'un
grand Fronton de la largeur de l'Edifice;
dans le Timpan duquel étoient les Ar
mes du Marquis de Mirepoix , accolées
avec celles de sa nouvelle Epouse , dans.un
Cartouche , avec la Couronne Ducale,
un Griphon et un Lion pour supports ,
et les Bâtons de Maréchal de la Foy
mis en sautoir derriere les deux Ecus
le tout peint et très bien exprimé en
bas - relief, par les clairs et les ombres.
Sur un des cô ez du Fronton et à la
droite du Cartouche , on lisoit dans une
Banderole la Devise : Aide Dieu an second
Chrétien Lévis , à la gauche dans
une autre Banderole : Deo ut Regi , Regi
ut Deo ; et au- dessous des Armes , Callar
Vale Mas. Ces trois Devises appartiennent
depuis un temps immémorial à la
Branche aînée de Lévis , et ne sont pas
moins des marques de son ancienneté ,
que des grands services qu'elle a rendus
au Roy et à la Religion .
Enfin , aux deux extrémitez du Fron
ton , sur la Corniche , s'élevoient deux
bouts de balustrade , chargez de deux
Trophées d'Armes en ronde-bosse.
Au fond de cette Sale , en face de la
grande Porte , on avoit pratiqué un enfonSEPTEMBRE.
1733 . 2103
foncement pour un grand Buffet d'appa
rat , aux côtez duquel il y en avoit
deux autres. Au - dessus de ces deux Buf
fers étoient deux Tribunes spacieuses ,
destinées pour la Symphonie.
Au pourtour du bas de la Sale regnoit
un Lambris de quatre pieds de hauteur ;
le Plafond étoit soutenu d'un Frise et Cor
niche , interrompuës au- dessus du grand
Buffet , des Armes groupées des Mariez,
entre deux Emblêmes, peints en camayeu
gris-de- lin ; et du côté opposé , c'est - àdire
, au- dessus de la grande Porte , on
voyoit les Armes de M. Bernard , placées
entre deux Chiffres dans des Čartouches.
Le reste de la Frise , le long des
deux grands côtez,étoit orné de Cartouches
et de Devises .
Outre la principale Porte d'entrée dont
nous avons parlé, il y en avoit encore
4.autres de 15. pieds de hauteur sur 8. de
largeur dans les grands côtez de la Sale;
et à la premiere à droite , aboutissoit une
Galerie couverte , longue de 4. toises et
demie , et large d'environ 2. toises , qui
communiquoit aux Appartemens du rezde-
chaussée , par le moyen de laquelle
la Compagnie passa des Appartemens
dans la Sale, sans être exposée à la pluye
ni au mauvais temps.
I vj Dans
2104 MERCURE DE FRANCE
Dans le milieu de la Sale étoit une Table
en fer à cheval , qui avoit 150. pieds
de pourtour par les dehors , pout 70.
Couverts. Il y en avoit encore quatre au
tres de 9. pieds de long dans les encoignures
du côté de la grande Entrée , qui
servoient de Buffet pour poser les Services
, avant que de les porter sur la grande
Table. La Sale étoit décorée avec tout
l'art possible ; un grand nombre de Lustres
et de Girandoles dans les plus ingénieux
arrangemens , y répandoit une lumiere
très- éclatante.
Le Fer à cheval étoit entouré par- dehors
de 70, tant chaises que fauteuils , de
même parure , en velours cramoisi , chamaré
en or et argent , les chaises placées.
alternativement entre les fauteuils.
L'arrivée des Conviez dans la Sale fut
annoncée par un bruit de Timbales et
de Trompettes , qui ne cessa que quand
tout le monde fut à table. Les nouveaux
Epoux étoient placez au milieu du Fer à.
cheval ; les fauteuils étoient occupez par
les Dames et les chaises par les Messieurs. ,
Il n'étoit guére possible de voir une.
Assemblée plus brillante , ni un Spectacle
plus magnifique . Cette Table reünissoit
sous un seul point de vûë un grand.
nombre de personnes des plus qualifiées .
et:
SEPTEMBR E. 1753. 210
et des plus considérables du Royaume.
Nous nous croyons dispensez d'entrer
dans le détail du Festin ; on n'aura pas
de peine à imaginer qu'il étoit des plus
somptueux et des mieux servis ; M. Bernard
fit éclarer en cette occasion sa magnificence
ordinaire . 7
Nous observerons seulement , pour
donner une idée de l'ordre établi , que
les Plats et Services étoient apportez par
des Suisses et remis entre les mains d'un
grand nombre d'Officiers , qui les posoient
sur la Table par le milieu du fer
à cheval.
Rien n'étoit plus beau à voir que le
Service du fruit , la Table se trouva en
un instant métamorphosée en une espece
de Jardin délicieux , où les yeux et le
goût trouvoient également de quoi se sa
tisfaire , par l'abondance des fleurs et des
fruits de toute espece qui couvroient
toute l'étendue de la Table ; sans parler
des formes variées et de la délicatesse des
mets , & c.
Les deux Buffets étoient servis par de
hors, ct il y avoit à chacun plusieurs Officiers
qui n'étoient occupez qu'à donner
les Vins les plus rares et les plus exquis. ཏ མ ཉི
A. la Musique guerriere , succeda une
Symphonic mélodieuse , placée dans les
Tri
1
&
2106 MERCURE DE FRANCE
Tribunes , qui dura pendant tout le souper
, interrompuë par intervales par les
Fanfares des Trompettes et des Timbales,
placées sur un Théatre hors de la Sale
du côté de la Galerie couverte. Les sieurs
Charpentier et Danguy , dont tout le
monde connoît les talens ,
l'un pour
la
Musette et l'autre pour la Viele , vinrent
pendant le Souper au milieu du fer
à cheval , et y joüerent ensemble avec
tous les agrémens comiques dont on les
sçait capables ; ce qui fit un intermede
des plus amusants.
Au sortir de table à minuit , toute
la Compagnie monta en carosse pour se
rendre à S. Eutsache Paroisse de la
Mariée .
>
Le devant de l'Hôtel étoit bordé de
plusieurs Escoüades de Guet à pied , et
l'on trouvoit des Brigades de Guet à che
val à chaque coin des rues aboutissant à
celles par où passoit la suite des Carosses.'
Il y en avoit encore un plus grand nom-'
bre au grand Portail de l'Eglise pour
empêcher le tumulte et la confusion.
L'attention de M. Bernard s'étoit éten
due jusqu'à faire éclairer toute la Place
qui est vis-à- vis l'Eglise ; elle étoit en
tourée de quantité de Terrines , dont la
grande lumiere dissipoit entierement les
énebres de la nuit.
SEPTEMBRE. 1733. 2107
P
Le grand Autel et le Choeur étoient surbement
décorés * et éclairés d'une si
grande quantité de Cierges et de Bougies,
po ées sur Candelabres et des Girandoles,
qu'on avoit peine à s'imaginer que l'on
fût au milieu de la nuit. Une longue suite
de Lustres , suspendus au milieu de
la Nef, accompagnez de Bras à plusieurs
branches , attachez à chaque Pilier , n'y
produisoient pas une clarté moins brillante.
Mais la plus belle Décoration de l'Eglise
, et celle qui devoit le plus flatter
M. Bernard , c'étoit la multitude prodigieuse
de monde, de tout rang et de tout
etat qui s'y rendit de tous les quartiers
de Paris , pour prendre part et voir cette
pompeuse Nôce. Jamais Ceremonie de
cette espece n'attira en effet tant de
Spectateurs. Le Choeur er la Nef étoient
templis de personnes de la premiere distinction
, qui cependant n'étoient pas de
la Noce. Il y avoir dans le reste de l'Eglise
un peuple aussi nombreux qu'aux
jours des plus grandes Fêtes . Une foule
de Carosses occupoir , à une très-grande
distance , toutes les rues qui aboutissent
à S. Eustache.
Par le sieur Guilleaumon , Tapissier ordinaire
de la Ville , qui avoit aussi décoré et illuminé la
Sale.
2708 MERCURE DE FRANCE
Tous ceux qui ont assité à cette sainte
et éclatante Ceremonie , ont parû en être
pleinement satisfaits . Le Marquis de Mirepoix
est un des Seigneurs les mieux
faits et des plus polis de la Cour , et
rien n'est plus charmant que sa jeune
Epouse , qui dans cette occasion ajoûta
aux graces de sa personne , une douceur
et une modestie , qui firent l'admiration
de tout le monde.
M. le Curé de S. Eustache fit la Célebration
du Mariage dans le Choeur de
son Eglise et dit ensuite la Messe , pendant
laquelle M. Forcroy toucha POr
gue.
Quelque étonnante que soit la magnificence
que M. le Chevalier Bernard ait
fait paroître à l'occasion de ce Mariage,
on sera encore plus surpris de la rapidité
avec laquelle tous les préparatifs de la
Fête ont été faits.. La construction et la
décoration de la Sale , toutes les Illumi
nations au dedans et au dehors de l'Hô
tel , tout le travail des Cuisines et des
Offices , tout cela a été l'ouvrage de cinq
jours , pendant lesquels on a vû près de
deux mille Ouvriers travailler à des opé
rations differentes , sans trouble ni confusion.
Le jour de la Fête se passa avec le même
SEPTEMBRE. 1733. 2109
me ordre , quoique toute la Maison fût
dans un grand mouvement , et entierementeremplie
de monde ; mais par le
bon ordre , il n'y eut ni accident , ni
cohue ni embarras , ce qui est assez rare
dans de pareilles circonstances .
Nous joignons ici à cette Description
un Plan gravé , tant de l'Hôtel de M. Bernard
, que de la grande Sale , et une
élevation ou façade du Temple.
***************
ARRESTS NOTABLES .
LRegle
ETTRES PATENTES DU ROY , portant
Reglement pour la teinture des Laines destinées
à la fabrique des Tapisseries ; avec l'Instruction
sur le Débouilli desdites Laines. Don
nées à Compiegne le 7. Juillet 1733. Registrées
en Parlement.
ARREST du 23. Juillet , concernant les Parcs
et Pescheries qui sont sur les Greves du ressort
de l'Amirauté de Quimper.
DECLARATION DU ROY , concernant
les Gages intermédiaires et autres Droits . Donnée
à Compiegne le 25. Juillet 1733. Registrée
en la Chambre des Comptes le 4. Septembre.
ARREST du 28. Juillet , qui excepte du
payement des droits de 30. sols pour livre , et
des autres droits réservez , tous les Procez verbaux
de visites , recollemens , martelages , er
baux
zrto MERCURE DE FRANCE
autres actes judiciaires qui seront faits dans ses
bois appartenant aux Communautez Ecclesasti →
ques et Lsiques ; et qui regle les cas o lesdits
droits pourront être perçus.
AUTRE du premier Août , qui modere les
droits de sortie hors du Royaume , et ceux de
marque et de contrôle , sur la vaisselle d'argent
et autres ouvrages d'Orfévrerie d'or ou d'argent,
fabriquez dans la Ville de Paris , qui seront des
tinez pour les Pays Etrangers , commencer du
premier Septembre 1733 .
ORDONNANCE DU ROY , du 2. Août ,
Pour deffendre à tous Capitaines et autres Officiers
des Troupes reglées , d'engager aucun Soldat
des Bataillons de Milice étant en garnison
dans les Places , pour servir dans leurs Compagnies
après que le temps du service desdits Miliciens
sera expiré , où sous quelqu'autre prétexte
que ce soit ; et pour casser et annuller tous en
gagemens de cette espece faits jusqu'à ce jour.
ARREST du 11. Août , qui proroge pour un
an , à compter du IS Octobre prochain , au
15. Octobre 1734. l'exemption des droits portée
par l'Arrêt du 23. Septembre 1732. sur les
bleds , fromens et autres grains , farines et légumes
, qui seront transportez des Provinces des
cinq grosses Fermes dans les Provinces réputées
étrangeres , et des Provinces réputées étrangeres
dan celles des cinq grosses Fermes ; et deffend le
transport desdits grains à l'étranger.
AUTRE du même jour, qui exempte des
droits dûs au Roy ou à ses Fermiers , et des
droits de peages , les grains qui seront trans
portez des Provinces du Royaume dans celle
de Provence , à compter du 15. Septembre 1733.
DESEPTEMBRE
. 1733. 2711
DECLARIATION DU ROY , portant réïnion
à la Ville de Paris des droits attribuez auz
Offices de Rouleurs , Chargeurs et Déchargeurs
de VineDonnée à Compiegne le 16. Août 1733 .
Registrée au Parlement le 18. dudit mois.
I ORDONNANCE DU ROY , du 13. Août ,
qui enjoint de faire arrêter les Mandians , Gens
sans aveu, Ouvriers ou Domestiques qui se tronveront
retirez dans les Auberges ou Logis , s'ils
ne sont munis de Certificats de fidélité. Ordonne
S M. au sieur Herault de tenir la main à l'éxecution
de ladite Ordonnance , qui a été publiée
le 9. Septembre suivant.
ARREST du Parlement du 29. Août , qui
condamne le nommé Bonval à faire Amende
honorable in figuris , et aux Galeres pour trois
ans , préalablement marqué des trois lettres
G. A. L. pour avoir pris un mouchoir , l'Audiance
de la Grand'Chambre tenante.
ARREST du Conseil du 4 Sept. qui casse celui
du Parlement de Bretagne du 22. Sept. 1729.
par lequel il a été ordonné qu'une dénonciacion
faire au Procureur du Roy de Fougeres , d'inscrire
un Procès verbal de faux , seroit suivie à la
requête dudit Procureur du Roy , et ordonne
que par ledit Parlement il sera passé outre au
Jugement de Pappel interjetté par un Faussaunier
, nonobstant ladite prétendue inscription.
AUTRE du 6. Septembre , qui déboute le
nommé Davesiés de sa Requête ; ordonne
qu'elle demeurera supprimée comme témeraire et
remplie de faits faux et injurieux ; et que Toutain
de la Coursiere , Avocat , qui l'a signée ,
de
2112 MERCURE DE FRANCE
demeurera interdit pour un an de ses fonctions.
Ordonne en outre que toutes les Pieces seront
remises au dépôt des anciennes minutes du
Conseil , dont il sera dressé Procès verbal en
la maniere accoûtumée , &c.
ARREST du Parlement , du 7. Septembre
1733. qui condamne un Libelle , &c.
Ce jour , les Gens du Roy sont entrez , ét
Maître Pierre Gilbert de Voisins , Avocat dudit
Seigneur Roy , portant la parole , ont dit :
MESSIEURS ,
Sous quelle idée et sous quels caracteres pouvons
nous vous présenter le Libelle que notre
devoir nous oblige à vous déférer ? Est - ce comme
une invective sanglante et une déclamation
scandaleuse contre la Cour et le Bareau ? Est-ce
comme un Ecrit audacieux , qui porte ses atteintes
jusqu'au Trône , et n'épargne ni la Majesté
Royale , ni les sages Dépositaires de ses augustes
secrets ? Est- ce enfin comme un flambeau destiné
à tour embraser , et qui ne pourroit servir
qu'à rendre réels , s'il étoit possible , les maux
qu'on veut nous faire envisager ?
C'est , Messieurs , sous tous ces caracteres ensemble
, qui tout à la fois se déclarent dans cet
Ouurage ; et cependant il ose se produire sous le
titre de Lettre d'un Evêque de France au Roy ;
dernier trait par lequel il profane en même tems
' et le nom respectable des Evêques , et le nom
auguste du Roy.
Laissons dans ce Libelle ce qui peut nous regarder
et tant d'autres , et ne croyons pas que
la Cour elle- même soit plus attentive à une in
jure , qu'il est en quelque sorte glorieux de partager
avec tout ce qu'il y a de plus respectable ;
mais il n'est pas permis d'être insensible à ce qui
offense
SEPTEMBRE. 1733 .
2113
offense si ouvertement le respect dû au Souverain
,l'honneur des puissances , et toutes les Loix
de la bienséance publique.
On ne peut marquer trop d'indignation contre
un Ecrit,qui se couvrant des interêts du Roy
et de l'Etat , ose y attenter , pour satisfaire une
passion trop déclarée ; qui sous prétexte de
venger l'Episcopat , ne craint point de mettre
sous un nom si vénérable ses propres excès ; et
qui n'a d'autre objet dans sa licence , que de traverser
toutes sortes de vues pacifiques , capables
d'assurer le calme et la tranquillité .
Un plus grand détail seroit inutile sur un tel
Ouvrage dont la vûë est un scandale , et dont la
lecture suffit pour sa réprobation . Ne songeons
qu'à l'étouffer en vous demandant qu'il soit aboli
par les flammes. C'est à quoi tendent les Conclu
sions par écrit que nous laissons , avec l'Exemplaire
qui est tombé entre nos mains.
Eux retirez :
La
Vu le Libelle intitulé : Lettre d'un Evêque de
France au Roy , datée à la fin ,
Avril 1733 .
matiere sur ce mise en délibération.
La Cour a arrêté et ordonné que ledit Libelle
sera lacéré et brûlé en la Cour du Palais , au pied
du grand Escalier d'iceui , par l'Executeur de la
haute Justice , comme injurieux à l'autorité
Royale et à l'honneur des Parlemens , excitant
au schisme , et tendant à sédition ; fait inhibition
et deffenses à tous Libraires , Imprimeurs ,
Colporteurs et tous autres , de l'imprimer , vendre
et débiter , ou autrement distribuer , sous
peine d'être procedé contre eux extraordinaire,
ment ; enjoint à ceux qui en auroient des Exem
plaires de les remettre incessamment au Greffe
de laCour pour y êtrê supprimez ; ordonne qu'à
Ja requête du Procureur Général du Roy, il serainfote
2114 MERCURE DE FRANCE
•
informé pardevant Me Goifard , Conseiller
pour les témoins qui pourroient être entendus
dans cette Ville de Paris , et à la poursuite et di
ligence de ses Substituts , pardevant les Lieutenans
Criminels ou autres Officiers des Bailliages,.
pour ceux qui pourroient y être entendus; contre.
ceux qui auroient imprimé , vendu , débité ou
autrement distribué ledit Libelle ; pour les informations
faites , rapportées et communiquées au
Procureur Général du Roy , être par lui requis ,
et par la Cour ordonné ce qu'il appartiendra
ordonne en outre que copies collationnées du
présent Arrêt seront envoyées aux Bailliages et
Sénéchaussées du Ressort , pour y étre lûës
publiées et registrées; enjoint aux Substituts du
Procureur Général du Roy d'y tenir la main ,
et d'en certifier la Cour dans un mois, Fait en
Parlement le sept Septembre mil sept cens trente
trois. Signé , DUFRANC.
Et ledit jour Lundi septième jour de Septembre
audit an,l'heure de midi , en execution de l'Arrêt
cy-dessus , ledit Libelle y mentionné , a été laceré
et jetté au feu , au bas du grand Escalier du Palais
, par l'Executeur de la haute Justice , en présence
de nous Louis Dufranc , l'un des trois premiers.
et principaux Commis pour la Grand Chambre ,
assisté de deux Huissiers de la Cour. Signé
DUFRANC.
TABLE
IECES FUGITIVES. Le Cantique des Canti-
PIEGUES , &C.
1901:
Suite de la Lettre sur les avantages des Gens mariez
en Normandie , 1904
Rondeau à l'Auteur de l'Eloge de la Pauvreté , et
J
#
Réponse , 1917
20
Réponse du P. Toarnemine , au sujet d'une Prophétie
attribuée au Roy David ,
Le Chesne et le Lierre , Fahle ,
1919
1924
Lettre et Description d'une Pendule à Ressorts ,
marquant et sonnant le temps vrai ,
Epigrammes ,
1926
1934
Lettre sur une Machine pour élever l'eau , 1935
1938 Bouquet ,
Problême proposé aux Métaphisiciens Géométres
, sur l'essence de la matiere ,
Priere au Sommeil ,
1939
1948
1949
Lettre à l'Auteur du Projet d'une nouvelle Edition
des Essais de Montaigne ,
Réponse de Mlle de la Vigne à M. D. sur son
Portrait , 1974
Lettre sur un ancien Vocabulaire des Villes de
France ,
Codrus , Poëme ,
1975
1979
Memoire sur la Sépulture de S. Aignan , 1983
Le Pécheur troublé au - dedans de lui - même, 1989
Refléxions , &C.
Enigme , Logogryphes ,
1991
2002
Nouvelles Litteraires des Beaux - Arts , &c. 2006
Reflexions sur la Requête contre la Chambre
du Clergé de Bourgogne,
Architecture des Eglises , & c.
2007
2008
Histoire Generale des Auteurs Sacrés et Eccle-
-siastiques , &c.
Memoires pour
Illustres , &c.
2009
servir à l'Histoire des Hommes
Causes celebres et interessantes , &cç.
Histoire des Incas , Rois du Pérou , &c.
Le Progrez de la Sculpture , Ode ,
· Livres des Pays étrangers , &c.
Programme de l'Académie de Bordeaux ,
Estampes nouvelles ,
Chanson nottée ,
Spectacles, Piéces nouvelles , &c.
2012
2021
2025
2027
2032
2035
2036
2039
2040
Le Bouquet , petite Comédie ,
L'Isle du mariage , extrait ,
2042
2047
Nouvelles éirangeres ,de Turquie et Perso, 2054
Lettre de Constantinople , &c.
De Russie et de l'ologne , & c ,
D'Allemagne , Italie et Espagne ,
2055
2060
2064 >
Addition aux Nouvelles Etrangeres , de Turquie
et Perse , Pologne , &c.
Promotion d'Officiers de Galeres , & c.
Dans la Gendarmerie , & c.
2067
譬
2075
2076
Benefices donnez , & c.. 2078
Morts , Naissances , Mariages , &c.
2085
Arrêts Notables , 2109
Errata d'Aout.
Page 1818 , ligne 17 ,tam, lisex tom . p.1858 .
1,30. de soustraire, l. de le soustraire . p . 1885 .
t. 26. tous , l. toutes,"
Page
Fautes à corriger dans ce Livre.
Age 1927. ligne s.rencontrer, lisez rencontre,
p. 1932. l. 20. fixé , l . fixe. p . 1948. l. 6. un
1. une. p. 1969 .l. 4. guastora, น. guastara. ibid.
fagiana, l . fagiano. p. 1972. l. 17. Veillars,l. Villars.
p.1973.29 . Patenottes,/ Patenôtres. p. 1975 ,
19.répond icy,l.répondrez . p.1992.l.7.les , l.ces.
ibid.l.2.du bas les homes,l.ils ont une.p.1993.1.3 .
du bas les hommes ,l, ils trouvent.p.2003.18.double
prix ; l . double du prix. p. 2005. l. 15. j'excite
Lj'existe p. 216. 1. 7. que , l. que..
La Chanson nottée , regarde la page
-Le Plan gravé doit regarder la page
2039
2109
MERCURE
DE FRANCE ,
DEDIE AU ROT.
OCTOBRE . 1733 .
RYCOLLIGIT
SPARGIT
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER,
ruë S. Jacques.
Chez LA VEUVE PISSOT , Quay de
Conty , à la descente du Pont- Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais
M. DCC. XXXIII.
Avec Approbation & Privilege du Roy,
A VIS.
L
→
>
' ADRESSE generale eft à
Monfieur MOREAU Commis an
Mercure vis - à - vis la Comedie Frangoife
, à Paris, Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets ca-.
chetez aux Libraires qui vendent le Mercure
, à Paris , peuventfe fervir de cette voye
pour lesfaire tenir,
On prie très- inflamment , quand on adreſſe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non -feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas garde
de copie.
Les Libraires des Provinces des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de la
pre-
"miere main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreſſes à M. Moreau
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps , & de les faire porterfur
Cheure à la Pofte , on aux Meffageries qu'on
lui indiquera,
PRIX XXX. SOLS.
>
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT.
OCTOBRE. 1733 .
*****************
PIECES FUGITIVES ,
en Vers et en Prose.
L'UTILITE'
DES PRIX ACADEMIQUES.
ODE qui a remporté le Prix de l'Académie
de Marseille. Par M. d'Ardene.
EE
Lide , jadis si chantée ,
Non ,je ne puis goûter tes Jeux ,
Leur pompe a beau m'être van
tée ,.
Qu'est-ce qu'un prix souvent douteux ?
Dans un tourbillon ( a ) de poussiere ,
( a ) Course des Chariots.
A ij Un
2116 MER CURE DE FRANCE
Un Char vole dans la carriere ,
Plus prompt que l'oeil du Spectateurs
A ses côtez suit la Victoire ;
Qui va-t'elle couvrir de gloire ,
Des Coursiers ou du Conducteur ?
Quels objets surprenans m'attirent ,
Des Rivaux courent (a) s'embrasser !
Ah Ciel ! j'en vois ( b ) qui ne respirent ,
Que le sang qu'ils content verser
Il coule ; quelle barbarie !
La Nature émuë , attendrie ,
I ;
En frémit; m'arrache à ces Lieux,
A ces Spectacles tu présides ,
Alecton , des Jeux homicides ,
Sont dignes d'amuser tes yeux.
Nos combats sont bien plus tranquiles.;
Minerve en dicta le projet.
Nobles , interessans , utiles ,
L'esprit en est l'ame et l'objet.
A le former nos Jeux aspirent ,
Ils nous enflamment , nous inspirent ;
Chaque instant hâte les succès.
La regle instruit ; l'exemple pique ;
( a ) La Lutte.
(b ) Les Gladiateurs.
L'Espr
OCTOBRE . 1733 2117
1733..
L'Esprit au loin se communique ;
Tout ressent de ses progrès.
Je te conçois , heureux prodige !
Un seul prix arme cent Rivaux.
C'est le point fixe qui dirige ,
Leur ambition , leurs travaux .
Tous animez par l'Esperance
Un d'entre eux plus hardi s'élance ,
Touche au but , se fait couronner.
Ces Emules qu'on voit paroître ,
Suivent de près le Char du Maître ;
Mais ne sont là que pour l'orner,
52
Calmez-vous , Troupe impatiente ,
Vos efforts ne sont pas déçûs.
Non , le triomphe que je chante ,
Sert le Vainqueur , er lês Vaincus.
Tel que ce Géant ( a ) formidable
Qui devenoit plus redoutable ,
Chaque fois qu'il fut terrassé ;
Mes chutes même m'affermissent.
Sur l'aréne , à mes pieds frémissent
Ceux par qui je fus renversé.
Heureuse à jamais la Contrée ,
(a ) Anthée.
A iij Qu'itj
2118 MERCURE DE FRANCE
Qu'illustrent de tels Combattans !
L'ignorance fuit éplorée ,
Du milieu de ses Habitans.
La Gloire avec fierté l'en chasse ,
Un sçavoir brillant la remplace ;
Que le génie est different !
Où l'on rougissoit de s'instruire ,
Un espoir flatteur n'a qu'à luire ,
On y rougit d'être ignorant.
M
L'Eloquence et la Poësie ,
Nos Jeux les ravirent aux Cieux.
D'un noble feu l'ame saisie ,
Nous parlons la Langue des Dieux.
Mais j'admire d'autres merveilles.
Nul secret n'échappe à nos veilles
Les voiles tombent devant nous.
Prodige obscur , hardi systême ,
Tout s'arrange , l'Olympe même ,
De nos lumieres est jaloux.
O vous de qui l'intelligence ,
Eut les succès les plus brillans ,
Nos Couronnes sont la semence ,
(a ) Differentes Académies qui par le prix qu'elles
distribuent , perfectionnent les Sciences les plus
utiles.
Qui
OCTOBRE
1 . 1733. 2119
Qui fit éclore vos talens .
C'est l'aiguillon qui les anime.
Que ne peut la soif et l'estime?
L'Univers lui doit sa splendeur.
Héros , Guerriers , ou Pacifiques ,
Arts utiles et magnifiques ,
Cette soif fit votre grandeur .
Quels changemens vois - je paroître !
L'esprit orné polit les moeurs. ,
La lumiere vient - elle à croître ?
Les Vertus germent dans les coeurs.]
La nuit sombre de l'ignorance ,
Des vices accroit la licence ,
Elle enfante l'égarement .
A l'aide de nos exercices ,
Et de l'ignorance et des vices ,
Nous triomphons également.
Villars , de qui la Terre ențiere ,
Admire et vante la valeur ,
Qui domptant ton ardeur guerriere ,
Sçus calmer l'Europe en fureur ,
Tu voulus pour combler ta gloire ,
*
* M. le Marechal de Villars vient de fonder
perpetuité le Prix qu'il fournissoit tous les ans
Académie de Marseille , dont il est Protecteur .
A j Aux
2120 MERCURE DE FRANCE
Aux doctes Filles de mémoire
Prêter un appui généreux ;
Les dons faits à ces Immortelles ,
Tu les rends immortels comme elles ,
Ton nom ne peut durer moins qu'eux.
L'Académie de Marseille a fait dé
clarer par son Secretaire , à l'Auteur de
cette Ode , lequel remporta les Prix de
Prose et de. Poësie de la même Académie
en 1931. de vouloir bien ne plus
travailler pour ces Prix.
CONJECTURES sur une Gravûre
antique , qu'on croit avoir servi d'Amulete
an de Préservatif contre les Rats:
D
Epuis que
les hommes , foibles par
cux- mêmes , et malheureusement
esclaves de leur cupidité ,se furent écartez
de la vraye Religion
, ils eurent recours
à des Divinitez
arbitraires
ausquelles ils
assignetent
des fonctions
à proportion
de leurs besoins . Elles étoient chargées de
les garantir
de tout ce qui pouvoit leur
nuire. Les Nations entieres livrées à la superstition
la plus grossiere
, attribuerent
à
des Talismans
,à des Amuletes,à des Pierres
gravées
OCTOBRE. 1733 2123
gravées , des Vertus occultes et prétendues
efficaces contre les malheurs et les
maladies qui les menaçoient , et contre
les Animaux et les Insectes qui leur faisoient
la guerre. La multitude si aisée à
séduire par les apparences les plus foibles
d'un merveilleux , dont elle est.
toujours avide, s'empressoit d'attester les
effets de ces prétendus préservatifs. De
là ces Monumens de leur crédulité se
multiplierent à l'infini , et plusieurs d'entre'eux
se sont conservez jusqu'à nous.
C'est dans cette Classe que j'ai crû devoir
ranger la Gravûre singuliere qu'un
illustre Magistrat ( a ) vient d'ajouter à
la magnifique collection de tout ce que
' Antiquité peut fournir de plus rare et
de plus curieux en fait de Médailles et
de Gravûres antiques . C'est une Agathe
Sardonyx rouge et blanche , gravée en
relief , plus remarquable par la singu
larité du Type , que par la beauté du
Dessein et la délicatesse du travail . Elle
représente un Autel ou Cippus , sur lequel
on voit un Rat qu'un Cocq prend
par la queue pour l'attirer à soy et pour
le faire tomber au bas de l'Autel . Il paroît
résister ; et il semble tenir quelque
(a ) M. LE BRET , Premier Président , Inten--
ant et Commandant pour S. M. en Provence.
A. Y chose
2122 MERCURE DE FRANCE
chose à la bouche avec ses deux pattes.
De l'autre côté un autre Cocq tient un
second Rat de la même façon. Il a été
mis hors de combat , et amené par force au
pied de l'Autel . On lit au haut CYCKhne
BOHOI , et au bas ou à l'Exergue KPA-
ΤΟΥΜΕ. (4)
HNEBOHOT
ΚΡΑΤΟΥ ΜΕ
Grandeur
de
la Pierre
(a) On atrouvé à propos de faire graver ici sur la
même Planche le Dessein d'une Cornaline du Ca
binet de M. le P. Président Bon , de Montpellier ,
enchassée dans une Bague d'or antique , dont le Type
est singulier et a du rapport avec l'Agathe du Ca
binet de M. le Bret.
OCTOBR E. 1733
2123
C'est en supposant que cette Gravûre
est incontestablement antique , que je me
suis déterminé à en donner l'explication.
Je n'ose cependant rien prononcer à cet
égard. Qui ne sçait les moyens dont on
s'est servi et dont on se sert encore de
nos jours , pour en imposer aux Antiquaires
, et combien il est mal- aisé d'établir
, sur tout en fait de Pierres gravées ,
des preuves d'Antiquité qui ne puissent
être contestées et renduës problématiques?
Je crois pouvoir regarder cette Pierre
comme un Préservatif ou Amulete pour
détruire les Rats qui infectent si souvent
les Campagnes et les Maisons. L'Autel
est dédié à Apollon , les deux Cocqs en
font foy. Pausanias , in Eliac. Cap. xxv.
assure que cet Oiseau domestique , qui
annonce l'arrivée du jour , lui est consacré
; ainsi (a) ne faisons aucune difficulté
de le regarder comme un des attributs
de cette Divinité , qui sous le
nom d'Apollon Smynthien , ( b ) avoit
(a) Nostras hasce Gemmulas percurrendo , em
ferè omnes ad Mithram et solem spectare inveniniemus.
Fabretti , c. 7. pag. 531 ... Gallum inter
solaria animantia reposuit Antiquitas . Ibid .
(b) ΙΕΡΟΝ ΑΠΟΛΛΩΝΟΣ ΣΜΙΝΘΕΩΣ . Cujus
nominis Etymon deducit à Muribus . Strabo. L. 13
Apollo Sminthiorum pernicies Murium Arnob.
advers. Gentes. L. 3.P. 15No
A vi
Ran
2124 MERCURE DE FRANCE .
un Temple dans l'Ifle de Tenedos :
>
C'est sans doute en memoire de ce
culte que les Puples de Tenedos firent
frapper deux Médailles , l'une rapportée
par Goltzius où se voyent deux Rats
à côté d'une Hâche à doublé tranchant;
et l'autre où l'on voit la tête radiée d'A
pollon avec un Mulot ou Rat de Campagne
, et lå Hache ou Bipennis de Tenedos
au revers . Ce sont- là des symboles
caracteristiques de la Divinité Tutelaire.
de
Cette Ifle , et de l'inflexiblé séverité
de ceux qui y administroient la Justice.
Elien raconte que les Rats faisoient de
si grands dégâts dans les champs des
Troyens.ct des Eoliens , que l'on eut
recours à l'Oracle de Delphes , qui re
pondit que ces Peuples en seroient dêlivrez
s'ils sacrifioient à Apollon Smynthien.
Ce Dieu avoit aussi un Temple
scus le même nom dans la Ville de Chry
sa , qui étoit située dans la Troade , presque
vis - à- vis l'Ifle de Tenedos. On y
voyoit la Staruë d'Apollon avec un Rat
à ses pieds. C'étoit l'Ouvrage du fameux
Scopas de Paros. Ce fut en mémoire d'un
évenement assez singulier , que je crois
devoir rapporter
.
Certains Peuples (a) de l'Ifle de Crete
(a) Strab. L. XIII. Vide G. Cuperi , Mónu
vinren
OCTOBRE. TOB 1733. 22 J
vinrent aborder dans cette contrée , cherchant
à s'y établir. Incertains du lieu
où i´s devoient fixer leur demeure, ils s'adresserent
à l'Oracle , qui leur dit de
s'arrêter dans l'endroit où les Enfans de
la Terre viendroient les attaquer. Pendant
la nuit une prodigieuse multitude
de Rats survint près de la Ville d'Amaxitus
, et rongea les cordes de leurs Arcs ,
feurs Harnois et autres ustanciles de cuir.
Ce peuple crédule , jugeant l'Oracle accompli
, s'établit précisément dans cet
endrait.Un ancien Auteur, cité par Stra
bon , prétend qu'il y avoit un grand
nombre de Rats aux environs de ce
Temple , et qu'on les y regardoit avec
une espece de vénération . Chrises , dont
parle Homere au commencement de l'Iliade
, en étoit le Sacrificateur , et c'é oit
lui , sans doute , qui en dirigeoit le culte
dans la Ville de Chrysa.
ment. Antiq. post Harpocratem p. 209.nummum.
refert in quo conspicitur Apollo laurea coronatus ,.
in altera vero area , idem Deus stans , Arcum
manu tenens , pharetra à terga pendente et ab an-·
teriore corporis parte АПOÂúÑƆƐ , cam_litteris ›
ΣΔΕ , a posteriore vero nota aliqua e : ΤΜΙΘΕΩΣ,
infra vero ΑΛΕΞΑΝΔΡΕΩΝ .... Μ ΔΡ ..
Lege EXAMANAPON . Sic et ex alio simili nummo
apud March. Scipionem Maffeium in Verona il
lustrata , pag. 355
Le
2126 MERCURE DE FRANCE
Le Scholiaste d'Homere, raporte L.I.de
l'Iliade , qu'Apollon envoya une prodigieuse
quantité de Rats dans les Champs
de Crinis , son Prêtre , qui avoit encouru
son indignation.Ces Animaux ravagerent
tous ses fruits. Le Dieu s'appaisa , se mit
en devoir de les détruire , et les tua tous
en effet à coups de fleches. Ce fut en
reconnoissance que Crinis fit bâtir un
Temple à Apollon sous le nom de Smynthien.
-
Les deux Rats représentez sur cette
Pierre , sont de pauvres victimes dévoüées
à la colere d'Apollon. Ils publient
eux mêmes leur défaite. L'un d'eux
réduit aux abois par les violens efforts
de son Adversaire , s'écrie CYCKHNEBOHO
I. CONTUBERNALIS SUCCURRE
A l'aide Camarade . Le Rat enlevé par
l'autre Cocq , n'a pas la force de lui répondre
autrement que par ce mot KPA-
ΤΟΥΜΕ , mis pour ΚΡΑΤΟΥΜΕΘΑ., par
une abreviation forcée put-être par le
défaut de la couche blanche , qui seule
pouvoit donner aux Caracteres le relief
nécessaire pour les faire paroître. VINCIMUR
; C'est fait de nous , nous sommes
vaincus. On peut dire aussi , si l'on veut,
que le Graveur , trop servilement attaché
à certaine prononciation locale , a
mis
OCTOBR E. 1733. 2127
mis ΚΡΑΤΟΥΜΕ pour ΚΡΑΤΟΥΜΑΙ , qui
signitie VINCOR , je suis vaincu ; en ce
cas - là c'est un des Rats qui parle , comme
se trouvant hors d'état de secourir
son Camarade , qui reclame son assistance.
Je sçais qu'on pourroit objecter quelqu'autre
défaut dans la construction de
cette Légende , et dire qu'il devroit y
avoir BOHOEI , au lieu de BOHOI ; mais
sans vouloir entrer dans une discussion
grammaticale , qui n'est gueres de mon
ressort,il me seroit aisé de citer d´s exemples
dans les ( a ) Inscriptions Grecques
sur les Médailles et Gravures antiques, où
l'Epsilon se trouve supprimé . D'ailleurs il
me paroît qu'on peut aussi attribuer cette
omission à l'ignorance ou au peu d'exactitude
du Graveur , sur tout dans les Monumens
postérieurs au siécle d'Auguste.
Ce qu'il y a de positif, c'est que les Grecs
modernes ont conservé cette prononciation
qui pouvoit avoir lieu anciennement
dans certains Païs de la Grece.
Le Pois a fait graver une Agathe Onyx,
qui a quelque rapport avec celle que je
viens d'expliquer. On y voit un Cocq ,
un Rat et une Corbeille ouverte , avec le
mot Aprilis.
( a) Fabretti , pag. 740. n. 802.
Les
2128 MERCURE DE FRANCE
Les Rats que nous regardons avec me
pris , et que nous nous contentons de li
vrer à l'antipathie de certains animaux
d'une espece differente , étoient redoutables
dans divers Païs. Nous en avons un
témoignage précis dans l'Ecriture Sainte,
au 1 Liv. des Rois , où il est dit : Il sortit
tout d'un coup des Champs et des Villages
une multitude de Rats , et on vit dans
toute la Ville une confusion de mourans
et de morts. Les Philistins ne furent délivrez
de cette espece de fléau , que lorsqu'ils
eurent renvoyé l'Arche du Seigneur
avec cinq Rats d'or , selon le nombre de
feurs Provinces .
Les gros Rats s'étoient tellement empa
rez de l'Isle de ( a ) foura , qui est le lieu
le plus sterile et le plus désagréable de
tout l'Archipel , qu'ils obligerent les habitans
de l'abandonner , et s'il en faut
croire Théophraste , ces pauvres bêtes au
défaut de tout autre aliment , se virent
obligées de ronger le Fer , tel qu'il est
lorsqu'il sort des Mines. •
Les Romains tiroient des présages de la
vûë de ces animaux . Pline , liv. 8. ch.57.
nous apprend que de son temps la rencon
tre d'un Rat blanc étoit de bon Augure:
La Guerre des Marses ,selon le même
{ 3 ) ΓΥΑΡΟΣ,
Au
OCTOBRE. 1733. 2129
Auteur , fut annoncée par l'événement
bizaree que je vais raconter.Les Boucliers,
qui étoient à Lanuvium , se trouverent
rongez par les Rats ; et delà il fut conclu
qu'il se préparoit quelque funeste évenement
pour la République. La Guerre survint
bien tôt après; il n'en fallut pas
d'a
vantage pour justifier les frivoles conjectures
d'un Peuple superstitieux.
Ciceron , qui sur ces matieres pensoit
bien différemment de la multitude,se
moque avec esprit de la crédulité des Romains.
» Les Aruspices , dit- il liv. 11. de
Divinat. criérent au miracle , sur ce
que les Rats avoient rongé les Boucliers
» de Lanuvium , peu de temps avant la
» Guerre des Marses , comme s'il étoit
» bien important de sçavoir qu'un ani-
» mal , occupé nuit et jour à ronger tout
» ce qui se présente à lui , se fut attaché
» à des Boucliers, plutôt qu'à toute autre
» chose. En suivant leurs fausses idées ,
» ai- je dû craindre pour le sort de Rome,
lorsque les Rats ont rongé chez moi le
» Livre de la République de Platon , et
» s'ils eussent attaqué le Traité d'Epicure
sur la volupté , serois - je plus raison-
» nable de prédire sur cet événement la
>> cherté de toutes les Denrées qui se ven-
» dent au marché ?.
Pline
2130 MERCURE DE FRANCE
Pline rapporte , liv. 10. chap . 65. des
choses qui me paroissent incroïables sur
la prodigieuse propagation des Rats ; et
c'est en conséquence qu'il prétend qu'ils
parurent autrefois en si grand nombre
dans certain Païs de la Grece , qu'après en
avoir ravagé les moissons , ils en firent
déserter les habitans. ( a ) Un Auteur du
siécle passé prétend qu'à peu près la même
avanture est arrivée en Angleterre ,
en la Province d'Essex , en 1580 et 1648.
C'est dans de telles circonstances que les
Peuples ont pû recourir à des moyens
surnaturels pour être délivrez d'une engeance
si pernicieuse .
Gregoire de Tours , cet Historien qu'on
accuse , peut- être , avec raison , d'avoir.
inséré dans son Ouvrage un grand nombre
de faits fabuleux et d'opinions populaires
, ausquelles il paroît ajouter foy,fait
mention , liv . 8. ch. 14. de son Histoire
de deux figures de Bronze , trouvées à
Paris , vers la fin du sixième siècle , l'une
représentoit un Serpent , et l'autre un
Loir, qui est une espece de Rat velu , qui
habite dans les Bois . A peine furent - elles
enlevées de l'endroit où l'on prétendoit
qu'elles avoient une vertu de Talisman
( a ) Childreyus , lib. de Mirab . Natura in Anglia
Citat, in Ephem . Erud. ann. 1667. pag.113 ,
pour -
OCTOBRE . 1732. 2137
pour éloigner de la contrée les animaux
qu'elles représentoient , qu'on vit paroître
un nombre infini de Serpens et de
Loirs dans la Ville et dans les Campagnes
voisines.
Quoique l'Histoire que je vais rapporter
, ait l'air d'une Fable , elle convient
trop à mon sujet pour la passer sous silence.
La voici telle qu'on la trouve chez
les Centuriateurs de Magdebourg , vol. 3 .
Cent. 10 ch. 10.
Hatton , surnommé Bonosus , de Moine
de Fulde devint Archevêque de Mayence.
Il étoit dur envers les Pauvres , et au
lieu de les secourir pendant la famine , il
leur fit sentir les effets les plus cruels de
son avarice . Il fit assembler quantité de
Pauvres dans une Grange où il les fit brûler
, en disant que c'étoit une engeance
inutile, et qui n'étoit bonne qu'à manger
le pain necessaire aux autres. Fruges con
sumere nati. Il en fut bien- tôt puni. Les
Rats l'assaillirent de tous côtez et lui déclarerent
une guerre mortelle. Il eût beau
se retirer dans une Tour , bâtie au milieu
du Rhin , qu'on appelle encore à present
la Tour des Rats . ( Mausthuun ) Les Rats
l'y suivirent et passerent le Fleuve à la
nage ; ils entrerent dans la Tour , et firent
mourir l'Archevêque . On ajoute
qu'a2132
MERCURE DE FRANCE
qu'après la mort de ce Prélat, ces animaux
devenus les Instrumens de la Justice divine.
, rongerent tout jusqu'à son nom ,
qui étoit gravé sur le Marbre ou Ecrit
dans les Registres publics.
M. de Thou , liv. 5. pag 161. de son
Histoire , prétend que Barthelemi Chasseneuz
, devenu ensuite premier Président
du Parlement de Provence , se trouvant à
Autun , les habitans de quelques Villages
des environs demanderent qu'il plût à
l'Evêque Diocésain d'excommunier les
Rats qui désoloient cette contrée ; que ce
fameux Jurisconsulte se chargea de la défense
de ces animaux , et représenta que
le terme qui leur avoit été accordé étoit
trop court , d'autant mieux qu'ils risquoient
de se mettre en chemin , tous les
Chats des Villages voisins étant aux
aguets pour les arrêter en passant™, sur
quoi Chasseneuz obrint un plus long délai
pour venir répondre à la citation .
Quelques- uns révoquent en doute un
fait si singulier ; mais il me paroît que
le témoignage d'un Auteur aussi grave ,
et d'ailleurs presque contemporain , doit
prévaloir sur tout ce qu'on peut avancer
pour le détruire dans toutes ses circonstances
, d'autant mieux que la premiere
conOCTOBRE.
1733. 2133
consultation de ( a ) Chassencuz roule sur
tout ce qui s'observoit de son temps en
Bourgogne , au sujet de l'excommunication
des Animaux et des Insectes nuisi
bles , ausquels il assure qu'on donnoit un
Avocat pour les deffendre. Il y fait mention
de tout ce qui s'y pratiquoit de son
temps , avant que de proceder à leur excommunication
; et c'est peut être ce détail
qui a donné lieu à M, de Thou de
dire que Chasseneuz avoit rempli les
fonctions de leur Avocat en pareille occasion
.
Je dois parler aussi d'un Préservatif
contre les Rats , pieusement introduit
dans un siècle plein d'ignorance , par les
Moines de S. Hubert , dans les Ardennes.
On suppose que dans le Territoire de
cette Abbaye on ne voit aucun Rat ; et
on attribuë çette singularité aux mérites
de S. V lalric , Evêque d'Ausbourg ( b ) ,
( a ) Nonnulla Animalia immunda in formam
murium urbanorum existentia Grisei coloris , à nemoribus
circum vicinis exeuntia... Post modum
distribuitur Advocatus pro consilio dictorum Animalium
, qui respondet pradictam maledictionem ,
Anathematisationem , et Excommunicationem fieri
non debere, &c. Barth. à Chassaneo,Cons. 1.p.17.
(b ) Joan. Eusebius Nierem Bergius de Miracul
Nat. in Europâ . lib. 2. cap. 6. , ... Effecis
idem Episcopus (S. Udalricus) ut nulli magni Mu.
dont
2134 MERCURE DE FRANCE
dont cette Eglise possede les Reliques .
On rapporte à ce sujet des pratiques superstieuses
et des usages indécens ( c) qui
font tort à la Religion , qui leur sert de
prétexte ; et qu'on auroit dû abolir dans
un siècle aussi éclairé que le nôtre.
A Mlle DE MALCRAIS , sur un Madrigal
, imprimé au second volume de
Juin dernier, page 1330 .
C'Etoit
' Etoit assez qu'un téméraire Ecrit ,
Dont la criminelle substance ;
En doute , de Malcrais , révoquoit l'existence ,
D'une commune voix cherchât d'être proscrit.
Phoebus arma plus d'une docte Plume ,
res sint in coenobio, imò ut et aliundè importati, vivere
non possint , sed illico expirent et intermoriantur.
Eodem beneficio affecisse dicitur totum Episcopatum
suum Angustánum.
(c ) Hist. critique des Pratiques superstieuses du
Pole Brun, Edit. de 1732 tom r pag. 432 ou se
trouvent ces paroles tirées d'un Imprimé, publié
par les Moines de S.Hubert . .Et quant audit Pain
beni, ils le répartiront en petits morceaux par tous les
coins et endroits de leurs maisons où les Rats hantent
et frequentent le plus , lesquels par cette commestion
ne manqueront pas de mourir et de quitter
le tien.
LuiOCTOBRE.
1733. 2135
Lui-même se tenant offensé de l'affront ,
L'Auteur depuis ce temps , craignant pis , se
morfond
D'un tel méfait la honte le cousume.
Aujourd'hui d'un autre indiscret ,
Que certes , Apollon méconnoît pour Eleve ,
Je vois en frémissant , l'audace qui s'éleve :
L'attentat à jamais devant être secret .
Il sçait d'un rare esprit , avec tout le Parnasse ?
Dans l'Illustre Malcrais admirer les efforts ,
Et doit à ces justes transports
L'heur de n'avoir encor éprouvé de disgrace ,
Mais craindre d'asseurer qu'en ses yeux tant
d'attraits ,
Mêmes beautez , qu'il brille autant de charmes
,
Qu'on en voit animer ses Ouvrages parfaits ,
C'est à mon sens un crime que jamais
Ne pourront expier et l'excuse et les larmes ;
Amour sçait quand il veut punir de tels forfaits.
Digne objet de ses soins , il veut que sous,
ta rime ,
Disparoisse dans peu la coupable victime ;
L'accabler autrement , son sort seroit trop doux
Pour asseurer une juste vengeance,
Et faire à l'Univers , respecter sa puissance ,
Il peut , par ton moïen , faire choix de tels
coups,
PAYLA SEN ON O I SMO
EX2136
MERCURE DE FRANCE
*******:*:*******
EXTRAIT d'une Lettre écrite d'Auxerre
à l'occasion des conjectures de
M.. Clérot , Avocat du Parlement de
Rožen , sur l'ancien Palais Royal , appellé
Vetera-Domus , inserées dans le
Mercure de Fuillet 1733.
U
Ne commodité particuliere qui se
trouve dans vos Journaux , est que
des personnes qui ne se sont jamais vûës,
et qui ne se connoissent aucunement ,
peuvent se transmettre l'une à l'autre
leurs pensées dans quelque situation et
éloignement qu'elles soient. J'ai lû les
conjectures que M. Clérot , Avocat de
Rouen, a proposées à l'occasion d'un des
Palais de nos Rois,appellé Vetera Domus,
dans un Auteur du neuvième siècle.Comme
c'est moi-même qui , par le moyen
de votre Journal de Mars , ai invité.
l'Historien de l'Eglise et du Diocèse de
Rouen à travailler à la découverte de ce
Palais Royal , je ne puis regarder avec indifférence,
ce qui sera produit à ce sujet,
de quelque part qu'il vienne.
M. Clérot est le premier qui ait pris la
plume pour communiquer au Public ses
conjectures; il faut esperer que s'il n'a
pas
OCTOBRE. 1733 2137
pas réussi , comme il n'ose lui - même
s'en fatter, son exemple pourra au moins
exciter quelque Géographe , ou quelque
Critique , à pousser les recherches encore
plus loin. Il a produit de sçavantes Remarques
sur Rodomus , Vetus - Rodomus
& c.cependant je ne croi pas qu'elles conduisent
sûrement à faire trouver ce que
je cherche , et que je juge digne de la curiosité
de tous les Antiquaires François.
Si Héric, Moine d'Auxerre , Précepteur
'd'un des Fils de Charles - le - Chauve , est
digne de croïance ; le Palais en question
portoit en Latin un nom formé de deux
autres noms Latins ; loin de trouver dans
cet Ecrivain Vetera - Domus , qui induit à
imaginer une conjonction de Vet avec
Radomus , on y lit Veterem Domum , tresformellement
. In pago Rothomagensi , dit- il,
Regius fixus est , quem incola ob Palatii antiquitatem
Veterem- Domum nuncupant. Ce
qui suit est encore plus digne d'attention
, parce qu'il est plus décisif : Capella
Palatio contigua , beati Germani famosa
nomine , illustris et merito et signorum dote.
C'est dans le chap. 45. du premier Livre
des Miracles de S. Germain d'Auxerre
qu'Héric s'exprime ainsi : Tout cela sert
de préambule au récit d'une gué.ison miraculeuse
qui y arriva , et dont toute la
B Cour
2138 MERCURE DE FRANCE
Cour et les Principaux de tout le Royau
me , farent témoins, Heric n'auroit pas
inséré dans un Livre où il ne convient de
parler que de son Saint , les Miracles d'un
autre S. Germain . Ainsi l'Eglise ou Cha ~
pelle voisine du Palais de Normandic
étoit certainement sous l'invocation de
S. Germain , Evêque d'Auxerre. Or il se
trouve que PEglise de S. Germain , voisine
du vieux Rouen , sur la Riviere de
Bresle , n'est point et n'a jamais été sous
l'invocation de Saint Germain , Evêque
d'Auxerre , mais sous celle d'un autre
S. Germain , Evêque Régionnaire , Dif
ciple , à la verité , mais bien different du
grand Evêque d'Auxerre. Outre cela elle
est du Diocèse d'Amiens , parce qu'elle
est séparée du vieux Rouen par la Riviére
de Bresle .
Ceux qui souhaitent éclaircir ce fait
peuvent prendre la peine de lire la vie de
S. Germain , dit de Senard - Pont. Elle
fut imprimée in 12 en 1645. à Amiens,
où il y a une Paroisse de son nom , et des
puis elle l'a été dans le Recueil des Bollandistes
au 2 de May. L'Auteur parlanc
des courses Apostoliques de ce S. Evêque
, Ecossois d'origine , dit ce qui suit:
Crepidinem montis transgressus quod dicitur
Vetus-Rothomagum inter Aumaleum et Senardi
OCTOBRE. 1733 2139
mardi-Pontem , circa quem locum manebat
Hubadus idololatria cultor& c Ensuite il le
fait martirifer tout auprès de celieu - là , et
c'est là qu'en effet on retrouve encore son
tombeau Comme donc l'Eglise de S.Germain-
sur- Brêle , ne peut servir à la découverte
du Vetera-Domus , je pense qu'il
faut porter ses vûës d'un autre côté , et je
croi infiniment plus probable que ce seroit
le Vieux Manoir , ou Cailly , autres
Lieux qui sont du Diocèse de Rouen.
M.Clérot pourra nous informer si l'une
ou l'autre des deux Eglises , voisines du
titre de S.Germain , est sous l'invocation
de l'Evêque d'Auxerre ; et en ce cas la
découverte acquerra un nouveau dégré de
probabilité. J'avoue qu'il n'est pas necessaire
d'entendre par ces mots : Pagus Rothomagensis
, uniquement ce qu'on appelle
aujourd'hui le Païs Roumois Le Païs de
Caux étant du Diocèse de Roüen , peut
être compris sous cette signification . Tel
est l'usage que l'on faisoit souvent anciennement
du terme de Pagus. Mais il ne faut
pas non plus que M. Clérot se contente
de jetter la vue sur les Cartes de Normandie
, ou sur le Dictionnaire Universel
de la France ? Il pourroit également
trouver dans le Païs Roumois ou dans
celui qui est à gauche de la Seine, ce qu'il
Bij cher2140
MERCURE DE FRANCE
cherche à droite , et il n'est pas necessaire
que le Village s'appelle S.German , mais
il suffit que l'Eglise soit ou ait été sous
l'invocation de l'Evêque d'Auxerre , qui
a porté ce nom, Je juge qu'il ne lui sera
pas difficile d'en trouver de ce côté - là ,
puisque le seul Diocèse d'Evreux , qui est
contigu, en contient prés d'une vingtaine
sous le titre du même Saint, S'il en rencontre
dans une Terre Royale , la position
du Vetera, Domus sera d'autant plus
probable qu'il est plus vrai - semblable que
Charles- le-Chauve étoit très proche du
Diocèse de Lisieux , où reposoit le Corps
de S. Renobert , lorsqu'il marqua sa dévotion
envers ce Saint , et qu'il fit un
Traité avec Hérispoy , Prince de Breta
gne.
**
A M. DU BOURG ,
COMTE DE SAINT POLGUE
Qu
O DE.
Contre le Duel.
Uelle grande et vaste matiere !
Quels transports viennent m'effrayer ?
Je marche dans une carriere ,
Qu'il
OCTOBRE.1733 :
2141
Qu'il est dangereux de frayer.
Faux Point d'honneur , Tyran des ames ;
Des Guerriers , maximes infàmes ,
Nous captiverez- vous toujours ?
Contre des fureurs Germaniques *
Des Rois les Arrêts authentiques ,
Ne seront-ils d'aucun secours à
A quel Démon se livre l'homme
Une telle corruption ,
Inconnuë à l'ancienne Rome ,
Des enfers fut l'invention.
Quoi ! le plus terrible courage ,
Se change en la funeste rage ,
D'aller ensanglanter ses mains !
Tout cede à la fureur Guerriere ;
La vertu devient meurtriere ,
Et rend les hommes inhumains.
M
Pour paroître à l'honneur sensible ;
L'on engage ce même honneur
Le courage n'est infléxible ,
Que pour causer notre malheur .
Cent fois nous vîmes dans nos Plaines
Revivre les morts inhumaines
!
( a ) Le Duel est venu d'Allemagne où il étoie
beaucoup pratiqué.
B iij Des
2142
MERCURE DE FRANCE
Des indignes Gladiateurs .
Quel revers ! La noble sagesse ,
Que jadis admira la Grece ,
Ne trouve plus d'Imitateurs.
Envain le devoir nous rapelle ;
Envain veut-il nous arrêter
A sa voix , notre coeur rebelle ,
Ne veut pas même l'écouter ;
La passion toujours plus forte ,
Sur la foible raison l'emporte ;
Nous n'aspirons qu'à nous venger ;
Nul respect ne peut nous distraire ;
Je vois dans le sang de son frere ,
Un frere inhumain se plonger.
& swit
Va , fui , cruelle barbarie ;
Cesse d'infecter l'Univers ;
De la terre à jamais bannie ,
Rentre dans le fond des Enfers.
Mais quels progrès fait ce délire ?
Bien-tôt fous son funeste Empire ,
Il enchaîne tous les François ,
Qui l'eut dit ? Qu'un peuple si sage ,
Feroit lui- même aussi naufrage ,
Et subiroit de telles Loix ?
Mais
OCTOBRE .
1733 2143
Mais comment , malheureuse France ',
Tirer tes Enfans de l'erreur ?
Avec le lait , dès leur enfance ,
Ils ont succé cette fureur.
Je vois ta fougueuse jeunesse ,
Trop jalouse de sa noblesse ,
Suivre l'impétueux torrent ;
Le plus sage en est la victime ,
Et si l'on se refuse au crime ,
On croit n'être plus innocent.
Toi , qu'éveille le bruit des Armes ;
DU BOURG , pour qui les Champs de Mars ,
Ont déja d'invincibles charmes >
Toy , qui veux braver les hazards ,
Que ton courage héréditaire ,
D'une valeur imaginaire ,
N'authorise jamais la Loy ;
Verse ton sang pour ta Patrie ;
Et que chaque instant de ta vie ,
Ne soit consacré qu'à ton Roy.
J. JAVARY
В iiij
LET144
MERCURE DE FRANCE
j f f f f f
LETTRE d'un Particulier à l'Auteur de
la Traduction de MONTAIGNE , annoncée
dans le Mercure de Juin , second vol.
LAVO
A déférence que vous voulez bien
avoir pour le goût du Public , Monsieur
, me fait esperer que vous voudrez
me parmettre d'emprunter son nom pour
vous faire part des difficultez que j'ai
trouvées dans votre Projet de la Traduction
de Montaigne . Si le Titre de votre
Ouvrage attire dabord l'attention par sa
nouveauté , permettez- moi de vous dire
qu'il révolte par sa singularité ; car au
bout du compte les Essais de Montaigne
ne sont point écrits dans un Gaulois assez
obscur et assez intelligibles pour qu'on
prétende en donner une traduction ; ainsi
si vous m'en croiez , premierement vous
ne donner: z point votre Ouvrage au Pu
blic ; mais au cas que vous vouliez absolument
le donner , vous tâcherez de
mettre à la tête de votre Livre un Titre
plus convenable.
Je conviendrai aisément avec vous que
depuis 150 ans ou environ que Montaigne
a donné ses Essais au Public , notre
Langue
OCTOBRE. 1733.
2145
-
Langue a fait de grands progrez dans la
politesse et dans l'amoenité du stile ;
mais j'aurai en même temps l'honneur
de vous representer que le Livre des Essais
de Montaigne est de telle nature que
tout son but étant plutôt de toucher le
coeur en instruisant , que de plaire à l'esprit
; on lui passe aisément cette dureté
de stile, inséparable du siécle où il a vécu .
-
Vous voulez , dites vous par votre
traduction , engager à lire Montaigne
bien des gens rebutez par la difficulté
qu'ils trouvent à l'entendre , la traduction
que vous proposez n'étant point
d'une langue en une autre , comme les
traductions ordinaires , mais simplement
d'un langage un peu grossier en un stile
plus policé tous ceux qui liront une
telle traduction qui sera surement remplie
d'agrémens et de beautez , seront toujours
tentez de recourir à Montaigne
pour la vérification du fond des pensées ,
et j'ai bien peur qu'ils ne s'en tiennent à
l'Auteur , tout grossier qu'il est, et qu'ils
n'abandonnent le Traducteur.
-
Vous prétendez , dites vous , retrancher
à votre gré les Endroits que vous
croyez deffectueux dans Montaigne , ou
du moins les corriger ; ajouter dans ceux
que vous ne croirez pas assez étendus ;
B v
le
2146 MERCURE DE FRANCE
le Projet marque plus de hardiesse que
de réfléxion premierement Montaigne
s'est acquis par son Ouvrage une réputa
tion à l'abri de la censure , du moins jusqu'à
present : il est bien triste pour lui
que vous entrepieniez en le traduisant
de dévoiler ses défectuositez ; j'ai peur
que vous n'y réüssissiez pas ; tout supplement
ou retranchement à l'égard d'un
Auteur aussi accrédité que lui révoltera
d'abord le Public.
En effet , le bon de votre Ouvrage ne
peut pas être de vous , il faudra absolument
que vous l'empruntiez de Montaigne,
vous avez prévu qu'on pourroit vous :
appeller le fade traducteur du François
de Montaigne , et vous n'avez peut être :
pas eu grand tort ; car puisque , comme
vous en convenez vous- même , les Auteurs
Grecs et Latins traduits en notre
Langue par les meilleures plumes perdent
infiniment , et que la traduction ne
rend jamais avec la même force les beautezde
l'Original ; comment pouvez vous házarder
de tomber non- seulement dans le :
même inconvenient , mais encore d'y
joindre celui de rendre l'Auteur que vous
prétendez traduire dans la Langue où ili
est déja écrits que diriez vous d'un hom--
me qui voudroit mettre Sénéque en unelati
OCTOBRE. 1733. 2147
latinité moderne , il ne passeroit jamais
pour traducteur ; ainsi si vous ambitionnez
ce titre , mettez donc Montaigne en
latin ; emploiez les talens que le ciel vous
donnez en partage , à quelque chose de
plus utile au public et de plus honorable .
pour vous.
Si tous les Auteurs avoient autant d'égard
que vous , Monsieur , pour pressentir
le goût du public sur tous les Ou
vrages qu'ils veulent lui donner ; les Livres
nouveaux seroient plus rares ; mais
ceux qui paroîtroient auroient plus de
succès ; je suis persuadé qu'outre la reconnoissance
qu'il aura du sacrifice que
vous voulez bien lui faire de votre Ouvrage
, il vous aura encore obligation du
bon exemple que vous donnerez à cette
foule d'Auteurs que le seul désir de se faire
imprimer , engage à faire un nombre
infini d'Ouvrages médiocres , pour
ne pas dire-mauvais , &c.
Bvj LA
2148 MERCURE DE FRANCE
LA NECESSITE' DE MOURIR .
ODE.
D'Une aîle rapide et légere ,
Vers son penchant le temps s'enfuit ;
Et dans sa course passagere ,
Consume ce qu'il a produit.
Semblables à l'eau fugitive,
Qui suit la pente de sa rive ,
Et ne connoît point de retour ,
Nos jours avancent vers leur terme;
Et le cercle qui les enferme ,
Les angloutit dans son contour.
Comme l'impétueuse rage
Des vents déchaînez dans les Airs
Impitoyablement ravage
Le tranquille Empire des Mers ;
Ainsi mille affreuses tempêtes
Grondent sans cesse sur nos têtes ;
Sans nous donner aucun repos;
Et toujours à la crainte en proye ,
Nous ne goûtons jamais de joye ,
Que ne suivent les plus grands maux?
Après
OCTOBR E. 1733. 2149
Après de fâcheuses disgraces.
Et de dures fatalitez ,
Qui marchent toujours sur nos traces ;
Dans ce séjour d'infirmitez ,
La Mort cruelle , inéxorable ,
Et de butin insatiable ,
Tranchera le fil de nos jours ;
Et dans de ténebreux abîmes ,
"Foibles et tremblantes victimes ,
Nous engloutira pour toujours.
谈
Nos voeux , nos larmes , nos promesses ;
Ne peuvent fléchir ses rigueurs
Elle se rit de nos foiblesses ,
Comme elle fait de nos grandeurs.
Quelqu'élevez que soient les hommes ,
Il nous faut tous tant que nous sommes ,
Lui payer le fatal tribut;
Marchant par des routes diverses ,
Après plusieurs longues traverses ,
Nous parviendrons au même but.
La plus aimable des journées ,
A le sort du plus triste jour ;
Les plus agréables années ,
S'en vont sans espoir de retour.
Les vastes et puissants Royaumes ,
S'é
2150 MERCURE DE FRANCE
S'éclipsent comme des fantômes ,
Qui trompent nos yeux éblouis *
Les Monumens les plus celebres ,
Ensevelis dans les tenebres ,
Se sont enfin évanoüis..
Héros dans la
guerre invincibles ,
Vous , qui de la gloire amoureux ,
Tâchez par des exploits terribles ,
De rendre votre nom fameux ;;
Monstres avides de carnage ,
Cessez de vanter votre rage ,
Et vos Lauriers baignez de pleurs ;.
Votre gloire est imaginaire ,
Votre valeur trop sanguinaire ,
Ne se plaît que dans les horreurs,
Couverts de foudroyantes Armes ,
Vous paroissez au Champ de Mars ;
Parmi les feux et les allarmes ,
Vous allez braver les hazards.
Par tout vous lancez le Tonnerre
Vos ennemis mordent la terre ; -
Rien ne résiste à votre bras ;
Les plus vaillans prennent la fuite ;
Ils évitent votre poursuite ,
Et vous laissent seuls aux combats.
Mais
OCTOBRE . 1733. 2151
Mais quel effroyable spectacle ,
Frappe mes yeux épouvantez ?
Qui vient d'operer ce Miracle ,
Qui surprend mes sens enchantez
Que deviennent ces coeurs sublimes ?
Où sont ces Héros magnanimes ,
Qui devant eux faisoient tout fair ?
Quoi donc ces Guerriers indomptables ;
Qui paroissoient si redoutables ,
Au sort sont contraints d'obéïr !
粥
Ils tombent frappez de la foudre
Qui brise leur chef orgueilleux ;
Leurs Lauriers sont réduits en poudre ;
Leurs noms périssent avec eux .
Où sont ces brillantes fortunes ?
Non , les ames les moins communes ,
Ne sçauroient braver les Destins .
Des Cieux la suprême vengeance ,
Confondant leur vaine arrogance , »
Les égale aux plus vils humains.
M
Les souverains Mâîtres du Monde ,,
Par des efforts imperieux ,
Asservissent la Terre et l'Onde ,
Aleurs desirs ambitieux.
Leurs richesses sont innombrables
Leur
2152 MERCURE DE FRANCE
Leurs trésors sont inépuisables ;
Des Peuples ils sont adorez ;
Leurs flateurs , soigneux de leur plaire ,
N'osent parler , n'osent se taire ,
Que selon leurs decrets sacréz.
Suivis d'une Cour éclatante ,
Dont on les voit environnez ,
Dans le sein d'une paix charmante ,
Ils coulent des jours fortunez ;
Chacun compose son visage ,
Sa voix , son geste , son langage
Sur ces Arbitres tout-puissants ;
Des ris la Troupe enchanteresse ,
Eloigne d'eux toute tristesse ,
Par ses mélodieux accens .
浴
Mais les Parques impitoyables ,
Qui tiennent nos jours dans leurs mains
Se montreront inexorables ,
Envers ces Maîtres des Humains ;
De leur faux bonheur, le mensonge ,
Disparoîtra comme un vain songe ,
Dont le charme dure un moment.
Dans ce jour à jamais funeste ,
Tout l'avantage qui leur reste ,
C'estde mourir superbement.
Aubry de Trungy.
OCTOBRE. 1733 2155
*******:: ********
REMARQUES
Sur l'Orthographe moderne.
IL y a long- temps que les bons Grammairiens
et les véritables Sçavants en
géneral, se sont plaints des innovations de
L'Orthographe moderne . Il semble qu'on
veüille entierement abolir la trace de toute
étymologie. C'est un principe de corruption
dans la langue , qu'une maniere
d'écrire inusitée , et qui renverse toutes les
constructions. Ceux qui n'ont pas abandonné
entierement le goût des Belles- Lettres,
doivent s'opposer vivement au progrès
d'un abus si généralement répandu.
Peut- on n'être pas choqué en lisant filosofie,
les Anglais,les Fransais? On retranche
les t avant les s. à tous les mots pluriers.
Cents , qui signifie plusieurs centaines, ne
s'écrit pas differemment de cens qui signi
fie dénombrement ou un droit de censive.
Je ne puis lire sans baillemens , les
flos , les ras , les chas , un aman , dont
la terminaison réguliere est differente de
celle d'un aiman , les trais , les Sçavans ,
et ce dernier mot me fait douter si je
dois dire les Sçavanes ou les Sçavantes
1154 MERCURE DE FRANCE
tes. On écrira bien- tôt , ils disais , au
lieu de ils disoient , et la monosyllabe cin,
pour exprimer saint sanctus , ceint cinctus
, cinq quinque , sein sinus , seing signatura
, et ainsi des autres . Les noms propres
sont défigurez par la maniere de
les écrire. On met de petites Lettres au
commencement des noms des Nations ,
les alemans , les italiens . On trouve dans
les Livres imprimez nouvellement , Descartes
, Dumoulin , Lecoq , Delalande ; il
faudra done écrire aussi Demontmorency,
Dechatillon , les deux reines Jeannes
Denaples ; et tandis que les Correcteurs
des Livres modernes , prodiguent les let
tres majuscules où il n'en faut point
ils les épargnent dans les noms propres
où elles sont nécessaires . Cependant on
dit en Latin , Cartesius , Molinaus , preu
ve certaine que l'article est distinct du
nom propre , et ne do t pas être écrit
uno contextu , mais séparément et chacun.
avec une lettre majuscule , qui est la
lettre initiale de tout ce qui fait partie
du nom propres comme dans le nom
de La Roche Foucault , où les differens
mots qui composent ce nom , doivent
avoir chican leur lettre majuscule . Il y
a de la difference entre les monosyllabes
de Du , Des , et Le , qui précédent les
noms
OCTOBR E. 1733. 2159
و
doinoms
propres. Du , Des , et Le
ventos'écrire par des majuscules , car ces
monosyllabes quoique distincts du
nom , y sont nécessairement attachées ;
mais la monosyllabe de marque seulement
dans son origine une Seigneurie ,
et n'entre pour rien dans le nom ; elle ne
s'y joint pas lorsqu'on l'écrit seul ; et
c'est la raison pour laqu lle on dit toujours
Le Veneur , Du Guesclin , au licu
qu'on dit , Rochechouart , Tavanes , en
appellant simplement par leurs noms les
Seigneurs de Rochechouart et de Tavanes.
Suivant ce principe on doit écrire Pierre
de Marca et Jean Du Tillet ou René
Des Cartes , parce que Du et Des renferment
outre de , une partie du nom
propre , comme qui diroit Seigneur du
lieu appellé Le Tillet , ou du lieu appellé
Les Carte . Il seroit à souhaiter que
les Auteurs donna sert plus d'attention
à l'impression de leurs Ouvrages , et qu'ils
ne s'en rapportassent pas à des Correcteurs
d'Imprimerie , qui étant ordinalrement
peu lettrez , introduisent plusieurs
abus , dont l'exemple se répand et forme
peu à peu un mauvais goût contre
lequel il est à peine permis ensuite de
reclamer. Les accents sont le plus souvent
très-mal distribuez , et un Etranger
2156 MERCURE DE FRANCE
ger qui en lisant la plupart des Livres
François , regleroit sur eux sa prononciarion
, feroit des fautes presque con
tinuelles. Ces reflexion's ne présentent
pas d'abord toute l'importance qu'elles
renferment. Le mauvais goût ramene
insensiblement la barbarie , et les ravages
de la barbarie influent sur tous les
objets qui sont de la plus grande conséquence
pour la Societé. On méprise
déja le sçavoir ; les beaux esprits du siecle
craignent de paroître sçavants ; ils veulent
tout devoir à la nature. Rien ne contribue
tant à la politesse d'une Nation
et au progrès des Belles Lettres , que la
pureté de la Langue , et la Langue ne
peut avoir d'ennemi plus dangereux que
le mauvais goût de l'orthographe et de
l'écriture . La régularité de l'impression
est une des choses qui décide le plus du
succès des Ouvrages ; les Auteurs doivent
donc employer tous leurs soins pour
réparer la perte que l'Imprimerie a faite
des Etiennes et des Manuces.
MA
OCTOBRE. 1733 2157.
# *****
MADRIGAUX.
Imitez de l'Italien du Guarini
› par
Mlle de Malcrais de la Vigne , dn´
Croisic en Bretagne.
LA SEDE D'AMORE. Madrig. IV,
Dov'hai tu Nido , Amore ,
Nel viso di Madonna , o nel mio core ?
S'ia miro come splendi ,
Se' tutto in quel bel volto ;
Ma se poi come impiaghi , e come accendi ,
Se tutto in me raccolto.
V
Deb ! se mostrar le meraviglie vuoi ,
Del tuo poter in noi ;
Tal'hor cangia ricetto ,
Ed entra , à me nel viso , à lei nel petto.
La Demeure de l'Amour. Imitation ,
Amour, qui sous tes loix tiens mon ame asservie
Où loges-tu , cruel Amour ?
Est-ce sur le tein de Sylvie ?
.
Ou bien as-tu choisi mon coeur pour ton séjourt
Si je pense aux beautez dont l'éclat t'environne ,
Tu dois sur son visage avoir fondé ton Tròne;
Quand je pense au flambeau dont on t'a peint
ping ,
2158 FRCURE
DE FRANCE
Je sens que mon coeur allumé ,
Est la triste denture où s'exerce ta rage ;
Daigne faire un change, Amour , en ma fæyeur
;
Vien te placer sur mon visage ,
Et va te loger dans son coeur,
MIRAR MORTALE Madrig. LV.
To mi sento Morir , quando non miro
Colei , ch'è la mia vita ;
Poi se la miro , anco morir mi sento,
Perche del mio tormento
Non ha pietà la cruda , e non m'aità ,
E sa pur si l'adoro ,
Cosi mirando e non mirando i' more.
La vie de sa Maîtresse le met en danger
de sa vie , Imitation .
Aussi- tôt que je ne vois pas ,
Celle pour qui je voudrois vivre ,
Je sens approcher le trépas.
Quand je la voi , les maux où sa rigueur me
livre ,
Me menacent du même sort.
Ainsi la Belle que j'adore ,
Et qu'en vain ma douleur à chaque instant implore
,
Ne peut me donner que la mort.
FEDE
OCTOBRE. 1733 2159
FEDE GIUSTIFICATA . Madrig. XI.
To disleale ! ah cruda ,
Voi negate la fede' ,
Per non mi dar mercede.
Se non basta il languire ,
Provate mi al morire ;
E se ciù ricusate ,
Per che la fede negate ?
Che provar non volete
O provate , o credete.
La FIDELITE' JUSTIFIE'E , Imitation.
Moi je suis un perfide ! outrage ! ah ! cruauté!
Pour ne point accorder à ma persévérance ,
Le løyer qu'elle a mérité ,
Vous faignez de douter de ma fidelité .
Ah ! si mes tendres feux , mes tourmens , ma
constance
?
Si ces garans certains ne vous ssuufffisent pas ,
Pour vous en mieux convaincre, ordonnez mon
trépas.
}
Mais ne m'objectez point que l'épreuve est trop
dure ,
Vous dont la barbarie insulte à la Nature ;
Et lasse de me voir souffrir ,
Ou croyez-moy de grace, ou laissez-moi mourir .
LET2160
MERCURE DE FRANCE
"
LETTRE du Frere *** Jardinier
des RR. P P. *** d'Auxerre , au
·Frere C *** Jardinier des Peres du
même Ordre à Paris.
MON
ON TRE'S -CHER FRERE , la paix
de Dieu en J. Notre Seigneur.
Permettez moi de vous faire part de
quelques unes de mes Obsèrvations
sur la maniere dont le Sujet et là Greffe
s'unissent dans les Arbres greffez ; il y
a déja fort long temps que je me suis
appliqué à examiner ce qui se passe dans
cette jonction si intime ; j'ai détruit pour
cela une quantité considerable d'arbres
greff.z ; j'en ai aussi observé qui étoient
morts sur pied , j'en ai choisi de vieux
et de jeunes , afin de suivre , pour ainsi
dire , dans tous les âges , le travail admirable
de la Nature ; tantôt j'ai scié
Tendroit de la greffe , tantôt je l'ai fendu
, quelquefois régulierement , d'autres
fois irrégulièrement. Les coupes que j'en
ai faites ont été aussi suivant differens '
plans ; afin que rien n'échappât à ma
vûë , j'ai observé toutes les especes de
greffes ; mais comme toutes peuvent se
réduire
OCTOBRE. 1733 218t
réduire à la greffe en écusson et à celle
en fente , je vais vous entretenir de tout
ce que j'ai remarqué dans ces deux especes
de greffe. Ces amusemens innocens
sont permis dans notre état , et peuvent
servir de récréation dans la solitude . C'est
pourquoi j'espere que le petit détail que
je vous envoye ne vous déplaira pas.
Dans la greffe en écusson , la greffe fait
toujours avec le sujet , un angle plus
ou moins considérable , selon que sa situation
à l'égard du sujet est plus ou
moins oblique. L'union de la greffe et
du sujet commence à se faire par les fibres
de la couche la plus interieure du
Livre. ou ce qui est la même chose ,
par les fibres qui doivent dans la suite
former le cercle exterieur de la portion
ligneuse ; les fibres de cette couche du
Livre , s'insinuent dans les fibres de la
couche opposée qui se trouve dans le
sujet, et s'y attachent de façon que dans les
vieilles greffes il est impossible d'appercevoir
la maniere dont s'est faite l'union
des fibres de la greffe avec celle du sujet,
quand la couche la plus intérieure du
Livre de la greffe s'est unie assez inti-
* On appelle Livre , la partie intérieure de l'êcorcé
, celle qui touche le bois , et qui est olle - même
prête à devenir bois.
C mement
F
2462 MERCURE DE FRANCE
mement avec celle du sujet pour qu'elle
puisse vegeter sur elle , alors la couche
de l'écorce qui est exterieure à la couche
interieure du Livre commence à
pousser dans celle du sujet qui lui correspond
, et ainsi toujours de la même
maniere de l'interieur à l'exterieur , jusqu'à
ce qu'enfin il se fasse un bourrelet qui
soude par dehors l'écorce de la greffe avec
celle du sujet. Il ne se forme aucune
union entre la portion ligneuse du sujet
et la portion ligneuse de la greffe , ni
entre la portion ligneuse du même sujet
et l'écorce de la greffe ; mais la portion
ligneuse du sujet périt tout d'abord ; ce
qui se remarque facilement par le changement
de couleur qui lui arrive. Pareillement
la portion ligneuse de la greffe
ne s'unit avec aucune partie du sujet ;
elle cesse même de croître ; car les fibres
de la portion ligneuse de la greffe
Cétant parvenuës presque vis - à - vis de
celles du sujet , elles font un petit détour
; la plus grande partie s'arrêtent
précisément en cet endroit et s'adossent ,
pour ainsi- dire , sur la portion ligneuse
du sujet, sans cependant s'y unir en aucune
façon , tandis que les autres fibresqui
descendent un peu plus bas , glissent sur
* Voyez la figure 1.
la
OCTOBR E. 1733. 2163
la portion ligneuse , et que les extrémitez
de ces fibres qui ne vont pas plus loiny
forment differens étages très sensibles.
Pour me rendre un peu plus clair et plus
intelligible dans ce qui me reste à dire
sur la greffe en écusson , il est bon de
regarder l'écorce qui environne la greffe,
comme divisée en deux portions séparées
par la partie ligneuse qui en occupele
centre ; de ces deux portions l'une sera
superieure et l'autre infericure ; la portion
superieure de l'écorce forme le plus
souvent un bourrelet qui peu à peu recouvre
la tige qui a été coupée un peu
au- dessus de la greffe ; il y a des greffes
où cette écorce après avoir fait une espece
de calotte pour recouvrir entierement le
bois coupé , s'unit tellement avec l'écor
ce du sujet, qu'on ne voit aucune marque
de jonction : j'ai , entr'autres , une vieil
le
*
groffe , où à l'exterieur les levres du
bourrelet se sont tellement effacées , qu'il
est impossible de voir l'endroit de la
greffe . De cette nouvelle écorce préci
sément à l'endroit où elle a recouvert
la tige coupée , il a poussé une branche
aussi grosse que les autres branches latérales
; la portion inferieure de l'écorce
de la greffe pousse de même dans l'écorce
du sujet , sans qu'on puisse obser-
73
Cij ver
2164 MERCURE DE FRANCE
1
ver non- plus de quelle maniere s'est faite
l'union entre les fibres. La direcrjon
des fibres de ces deux portions d'écorces
doit nécessairement être d'abord un
peu oblique ; elle devient ensuite longitudinale
et pour l'ordinaire très régulie
re. Ces fibres sont absolument dispo
sées de la même maniere que dans les
branches qui partent de la tige ; car la:
direction des fibres qui étoit d'abord
longitudinale , devient un peu oblique
pour se redresser ensuite et redevenit
longitudinale ; aussi quand on scie lon-.
gitudinalement la tige d'un arbre dans
un endroit d'où il sort une branche .
on observe absolument la même direction
de fibres que dans la greffe ; pareillement
si on arrache une greffe qui a
commencé à vegeter sur le sujet et si
on sépare une jeune branche d'un arbre
dans l'endroit où la branche est articulée
avec la tige dans l'un et dans l'autre,
les fibres paroîtront disposées de la mê
me maniere.
J'ai observé dans la greffe en fente à
peu près le même procedé de la Nature
que dans la greffe en écusson , la végétation
de la greffe dans le sujet commence
à se faire par la couche la plus in- >
* Voyez lafig. 1,
terieure
OCTOBR E. 1733. 2165
terieure du Livre et l'union des fibres
de la greffe avec celle du sujet , se fait
toujours de l'interieur à l'exterieur jusqu'à
ce qu'enfin l'écorce du sujet qui
avoit été fendue pour recevoir la greffe,
se soit soudée par le moyen de sa jonction
immédiate avec les fibres de l'écorce
de la greffe : pour lors la portion ligneuse
du sujet devient inutile , elle meurt le
plus souvent, et il ne se fait aucune union
entre elle et la portion ligneuse de la
greffe , ce qui se reconnoît facilement
dans les greffes , même les plus vieilles ;
il n'y a que les écorces dont les fibres se
soient unies , et cette union se fait dans
quelques greffes si intimement , qu'il est
impossible de voir dans l'interieur de la
tige les endroits où la jonction s'est faite,
on ne s'en apperçoit que sur l'exterieur
de l'écorce , car au- dedans la direction
des fibres est si bien la-même , que les
fibres de la greffe ne paroissent être qu'u
ne continuation de celles du sujet. J'ai
une greffe de Pommier , âgée de quatorze
ans , dans laquelle on voit très - clairement
qu'il n'y a eu aucune union entre
la portion ligneuse de la greffe et celle
du sujet , et que les portions ligneuses
de l'une et de l'autre , ont péri entierement.
Dans la portion ligneuse du sujet,
Ciij trois
2166 MERCURE DE FRANCE
trois doigts au -dessous de l'endroit où
la tige avoit été coupée , il y avoit eu
une branche qu'on avoit abbatuë et on
voit très distinctement la marque de la
coupure qui n'a changé ni de figure ni
de couleur , et qui a été ensuite recou
verte par l'écorce dans laquelle elle a
laissé son empreinte, sans s'y unir en aucune
façon. A mesure que la jonction
entre la greffe et le sujet devient plus
intime , les écorces de la greffe et da
sujet se distendent peu a peu , augmentent
de volume et enfin deviennent capables
de former un bourrelet assez considerable
pour recouvrir entierement le
bois coupé et ne former plus qu'un seul
corps , lorsqu'elles sont venues à se joindre.
Dans cette greffe de Pommier faite
il y a quatorze ans , il y avoit eu aussi
une branche de la greffe coupée à la tige
un peu au dessus de l'endroit de la greffe,
et de l'autre côté il y avoit une petite
branche qui mourut quelque temps après,
dans l'accroissement des écorces du sujet
et de la greffe , l'endroit où la branche
avoit été coupée aussi - bien que la
petite branche morte , ont été totalement
enveloppez , sans qu'il soit demeuré à
l'exterieur aucun vestige de ces parties ;
je conserve avec grand soin cette greffe
que
OCTOBR E. 1733. 2167
porque
je regarde comme une Piéce précieu
se. Quand les fibres se sont soudées et que
le bourrelet s'est formé , la direction des
fibres paroît tres réguliere, et pour l'ordinaire
longitudinale ; on remarque sculement
à la partie la plus voisine de la
tion ligneuse , tant du sujet que d de la
greffe , la position des fibres les plus intérieures
qui est un peu oblique , parce
que les fibres du sujet sont obligées de
faire un détour pour aller s'unir avec
celles de la greffe ; mais quand elles sont
parvenues à la greffe , cette direction chanbien-
tôt pour devenir longitudinale ;
ge
vers l'extérieur la direction des fibres est
pour l'ordinaire absolument longitudinale.
*
Ce sont là , mon cher frere , les observations
que j'avois faites il y a très-longtemps
sur les greffes ; mais il y a environ
deux ans que je fus tres - surpris lorsqu'un
Monsieur de mes amis , homme
d'esprit et fort curieux , à qui j'avois fait
part de mes recherches , vint m'apporter
Mémoires de l'Académie Royale des
Sciences de 1728. J'y lûs un Mémoire de
M. Duhamel sur la greffe , dans lequel il
se trouve des observations qui sont absolument
différentes des miennes ; comme
* Voyez les figures 2 et 3 .
C iiij
Vous
2168 MERCURE DE FRANCE
vous ne serez peut- être pas
fâché de sçavoir
ce que pense ce sçavant homime ,
voici un précis exact de son sentiment :
Il dit qu'il doit se faire plusieurs Sections
tant dans les Orifices de la greffe , que
dans celles du sujet lorsqu'on appliquera
la greffe sur le sujet, ce qui produit necessairement
un Philtre plus fin ; l'union de la
greffe avec le sujet ne se peut faire selon lui .
sans un allongement tant de la part des
fibres de la greffe que de celles du sujet
qui dans cet allongement doivent faire
différentes infléxions , divers plis et replis
pour s'ajuster et s'anastomoser les
unes aux autres ; il ajoute qu'il y a icy
quelque chose qui approche de la méchanique
des glandes , qu'il s'y fait des filtrations
et des sécrétions , et que dans la
greffe il y a un viscere nouveau qui peut
changer en quelque chose la nature de
la greffe, ou plutôt la qualité de ses productions
; il appuye cecy en disant qu'il
n'est parvenu à toutes ces grandes connoissances
qu'à force d'expériences réïtérées
; il va plus loin ; non content de
cette sécrétion qu'il a découverte dans la
greffe , il veut qu'il y ait non seulement
des Philtres aux racines et aux tiges qui
ne font que commencer à perfectionner
la séve , mais encore qu'il s'en trouve
d'au
OCTOBRE. 1733. 2169
d'autres ou dans les petites branches , ou
à l'approche des fruits qui achevent de
préparer la séve , et séparer les parties
suaves et agréables d'avec les autres ; il a
prouvé même ceci par lexpérience suivante;
si on goute les feuilles et les branches
d'un arbre qui a le fruit doux , on y
trouvera une séve extremement âcre et
amere , ce qui fait voir ( à cet Académi
cien ) le besoin qu'elle a d'être rectifiée
avant que de passer dans les fruits . Je vous
avouë , mon cher frere , que je fus fort
frappé , après avoir lû les Observations
de M. Duhamel , j'avois lieu en effet d'être
doublement surpris, car il y avoit une
partie de cet éloquent discours que je
n'entendois point du tout , et peu que
je compris dans le reste me sembloit entierement
opposé à ce que j'avois cru
voir ; ces observations me portoient à
croire , 1. qu'il se faisoit une union bienexacte
entre les fibres de la portion ligneuse
; j'avois vû le contraire dans les
portions ligneuses de la greffe et du su-
Jet , 29
, que dans cette union les fibres
avoient des directions bizarres , et qu'elles
formoient des plis et replis ; les fibres
m'avoient paru le plus souvent bien
droites et bien régulieres celles qui
avoient la direction la plus bizarre , fai-
C # soient
et le
2170 MERCURE DE FRANCE
,
soient quelques petits détours, sans se replier
et se contourner comme M. Duhamel
le dit. D'ailleurs il n'y a pas plus
de plis et replis à la greffe qu'aux noeuds
et qu'aux articulations des branches à la
tige ; c'est pourquoi les noeuds et les articulations
devroient tenir lieu du manége
de la greffe qui deviendroit pourlors
inutile ; j'avois bien des raisons pour
deffendre mon sentiment , mais quand
je faisois réfléxion que ces observations
partoient d'un Membre de l'Académie
Royale des Sciences de Paris , qui doit
sur ce seul titre être regardé comme un
homme bien sçavant ; toutes mes raisons
s'évanouissoient et je croïois véritablement
m'être trompé , cependant je fus
porté par je ne sçai quel mouvement
d'amour propre , à ne point me défier si
fort de mes forces , j'étois persuadé que
dans ma retraite je pouvois peut - être
faire ce qu'un homme répandu dans le
monde ne peut point faire ; il me vint
donc en pensée de vérifier mes observations
et d'examiner de nouveau les greffes
; je le fis , et je puis dire , avec succès
, car je fus confirmé pleinement dans
mon premier sentiment; ainsi content de
moi même , il ne me restoit plus que de
tâcher de comprendre ce que M. Duhamel
OCTOBRE. 1733. 2171
mel dit dans son Mémoire. Il parle de
Philares , de Filtrations , de Sécrétions , de
Glandes , &c. je n'entendois rien à tous
ces termes , il falloit m'en instruire, puisqu'on
supposoit dans les greffes de pareils
visceres , et qu'on prétendoit qu'il y
avoit de semblables organes , principalement
à l'insertion des racines , aux tiges ,
suivant l'observation . de plusieurs ( a )
Etrangers : Je ne trouvai point d'expédient
plus court pour venir about de
mon dessein que d'aller trouver notre
Chirurgien , qui est un fort habile hom--
me dans son Art, et d'ailleurs sçavant en
Anatomie je le priai de me dire ce que
c'étoit qu'une glande et quel étoit son
usage dans le corps des animaux , il me
répondit qu'on appelloit glandes , certains
pelotons particuliers et certaines
masses distinguées de toutes les autres
parties du corps , par leur contour , leur
forme , &c. qu'elles étoient en general
composées par des vaisseaux de différente
espece , differemment pliez , repliez et
empaquetez les uns sur les autres, et que
leur fonction en general étoit de séparer
de la masse du sang certaines liqueurs
destinées à différens usages , suivant les
vûës de la nature ; enfin il me dit que cet-
( a ) Grevu , Malpighi , Levvenouh er . Mariotte
C vj
te
2172 MERCURE DE FRANCE
te fonction propre à la glande de séparer
une liqueur d'une, autre se nomme Pécrétion
ou filtration ; et que la glande ellemême
étoit regardée comme un filtre ;
j'écoutai tres - attentivement tout ce qu'il
me dit , et je le concevois fort bien , mais
quand je voulus appliquer ces notions
à la greffe , je n'y entendis plus rien du
tout , mon ignorance me fit rentrer dans
mon néant , je fis réfléxion qu'il n'appartenoit
pas à un petit frere Jardinier de
porter son sentiment sur une matiere
aussi difficile , sur tout avec des lumieres
aussi bornées que les miennes, cependant
je ne pus me refuser de faire les observations
suivantes , qui m'ont empêché d'adopter
ces glandes : Voici comme j'ai rai
sonné, pour qu'une sécrétion se fasse , il
faut un organe , cet organe est formé par
divers plis , replis , contours et entrelassemens
; outre cela la glande est une partie
, pour ainsi dire , isolée des autres
parties du corps des animaux ; dans les
plantes je ne trouve rien de semblable ,
point de partie séparée des autres, à moins
que ce ne soit des especes de Chevilles
qu'on trouve assez souvent dans les Planches
de Sapin , les fibres sont pour l'ordinaire
bien droites , bien regulieres ,
quand elles sont irrégulieres ce sont des
chanOCTOBRE
. 1733. 217%
1
changemens de direction ausquelles elles
ont été forcées à cause qu'elles ont trouvé
quelque empêchement et quelque embarras
dans leur chemin , ce qui les a obligé
de se détourner ; au reste on rencontre
des directions aussi bizarres dans les
noeuds , qui pour lors devroient faire l'office
de la greffe, mais jamais dans les greffes
, il n'y a de contours et de replis qui
semblent marquer un entortillement
comme dans la glande ; enfin pour qu'une
sécrétion se fasse il faut qu'il y ait une
liqueur qui soit séparée de la masse du
fluide ; j'étois bien embarrassé à la trouver
dans la greffe .
Je fis part de toutes ces réfléxions
à l'ami
qui m'avoit
prêté les Mémoires
de l'Académie
des Sciences
, il m'en parut
frapé , et il me dit que le sentiment
de M. Duhamel
n'étoit point nouveau
, que des Auteurs
célébres
l'avoient
soutenu
et
qu'il étoit moins surpris que M.Duhamel
Feut renouvellé
qu'il ne l'étoit
que cet Académicien
n'eut point
cité ceux de
qui , selon toutes les apparences
, il le tenoit
; il me promit
de m'apporter
les Au- teurs qu'il sçavoit avoir parlé de ces fil- trations
et de ces sécrétions
; il tint sa pa- role , et il me fit voir les Mémoires
de P'Académic
Royale
des Sciences
, de l'année
2174 MERCURE DE FRANCE
née 1705. parmi lesquels il y en a un
sur les maladies des Plantes , donné
par l'illustre M. de Tournefort , à la fin
duquel se trouve le systême des glandes
détaillé avec peut être beaucoup plus de
précision que dans le Mémoire de M.Duhamel
, et j'ai eu un sensible plaisir lorsque
j'y ai vu que M. de Tournefort s'étoit
apperçu avant moi , que les fibres de
la portion ligneuse , qu'il nomme Chicot
, se déssechoient entierement , que la
blessure étoit couverte par une espece de
calotte , qui enveloppe ce bois coupé , et
que ce bourlet n'étoit formé que par les
lévres de l'écorce qui se tuméfioients
mon ami me fit voir encore le même systême
dans l'Agriculture parfaite d'Agricola
, partie premiere , page 73.74. C. 5.
n. 13. Quoique ces autoritez ne levassent
point mes difficultez , cependant je fus
fort sa isfait de ceque j'avois appris , et je
pensai que si ces grands hommes s'étoient
trompez , ce qui ne m'appartenoit pas de
décider , la matiere devoit être plus difficile
que je ne me l'étois imaginé d'abord ;
c'est pourquoi , mon cher frere , je vous
prie de vérifier , si vos grandes occupations
vous le permettent , mes Observations
, et de me dire librement votre
sentiment ; tout honnête homme , tout
homme
OCTOBRE . 1733. 2175
homme sçavant , et à plus forte raison un
ignorant comme moi , doit se croire faillible
, ainsi c'est la vérité que nous devons
toujours avoir en vue , parce que
nous devons avoir toujours Dieu present
dans toutes nos actions , et que nous lui
devons tout rapporter , songez un peu
moi dans vos prieres. J'ai l'honneur d'ê
tre , &c.
A Auxerre , ce 4 Octobre 1733.
à
LE TRIOMPHE
de la raison .
OD E.
Enfin vous êtes revenue ,
Douce raison , fille des cieux ;
Pour une ame trop prêvenue ,
Vous êtes un présent des Dieux
Enfin j'abandonne Climene ;
Honteux d'avoir pour l'inhumaine ,
Méprisé long-temps, votre voix ,
Je hais mon ancien esclavage ,
Et pour jamais devenu sage ,
Je viens me ranger sous vos Loix. É
T
Heu2176
MERCURE DE FRANCE
Heureux qui toujours vous adore
Malgré le feu des jeunes ans !
Heureux qui vous retrouve encore
Après de longs égaremens !
La Paix , cette aimable immortelle ,
Est votre compagne éternelle.
Vous nous comblez de mille dons ;
Mais , infortunez que nous sommes
Nous cessons d'être vraiment hommes ,
Du moment que nous vous perdons.
來
Quelquefois , Neptume docile ,
Tient ses Ondes dans le repos ;
La nature paroît tranquille ;
Le Zéphir joue avec les Flots 3
Déja la voile se déploïe ,
Déja poussant des cris de joïe ,
Le Naucher s'éloigne du bord ;
Mais bien-tôt l'affreuse tempête ,.
Lui montre la mort toute prête ,
Et lui fait regretter le Port.
M
Par de semblables artifices ,
L'amour trahit les jeunes coeurs 5
Il conduit dans des Précipices ,
Par des chemins semez de Acurs ;
Nous
OCTOBRE . 1733 .
2177
Nous suivons une douce pente ;
D'abord il flatte notre attente ,
Par l'espoir d'un bien qui nous fuit;
Notre ame sans effort s'engage
Et ne chérit rien davantage ,
Que le charme qui la séduit.
龍
>
Grands Dieux ! qu'un coeur tendre et sincere ,
Ressent de troubles en un jour ,
Lorsque par un objet sévere ,
Il voit mépriser son amour !
Envain par des ruisseaux de larmes,
Par des soupirs , par des allarmes ,
Nous exprimons nos déplaisirs
L'ingrate , parmi ses caprices ,
S'applaudit de ses injustices ,
Et se moque de nos soupirs.
Enfin notre dépit éclate ;
Impatiens de nous venger ,
Non contens de quitter l'ingratte ,
Nous osons encor l'outrager ;
Le désespoir seul nous possede ,
L'amour qui pour un temps lui céde ,
Paroît expirer dans nos coeurs ,
Tandis que caché dans notre ame ,
Cer
2178 MERCURE DE FRANCE
Certain du pouvoir de sa flamme
Il rit de nos vaines fureurs.
2
Bien-tôt cet amant si rebelle ,•
Quittant un impuissant courroux ;
Revient , en Esclave fidelle ,
Reprendre ses fers à genoux ;
Superbe alors de sa victoire ,
L'Ingrate , du haut de sa gloire ,
Exerce des droits rigoureux ;
Et l'infortuné qui l'adore ,
Par ses respects lui donne encore
Le droit de mépriser ses feux.
Une Divinité puissante ,
M'affranchit de ces maux divers ;
C'est vous , ô Raison bien - faisante !
Qui brisez aujourd'hui mes fers ;
Au fond de mon ame éperduë ,
Votre voix enfin descenduë ,
Parle et m'instruit du haut des Cieux ;`
A cetre voix l'Amour docile ,
Fuit , ainsi que l'Ombre mobile ,
Qui s'évanouit à nos yeux.
LET
I
OCTOBRE . 1733. 2179
LETTRE écrite de Dijon , à M. de
T... sur le Cabinet de Médailles des
RR. PP. Jesuites de Tournon.
MONSIEUR,
Vou auriez pû vous mieux adresser
pour avoir l'analyse des singularitez du
Médailler des P P. Jesuites de Tournon
dont on a depuis peu fait imprimer le
Catalogue à Avignon . Je n'ai eu ce Livre
que bien peu de temps
à ma disposition
, M. R. D. L. qui l'avoit apporté
de Paris , n'ayant fait ici qu'un
très petit séjour. Il auroit fallu n'être
pas si pressé pour examiner toutes les
karetez de ce Cabinet. Ce fut beaucoup
pour moi d'en remarquer une partie et
d'en faire à la hâte un Memoire. Ressouvenez-
vous- en bien , je vous prie , pour
que vous m'épargniez les justes reproches
que vous faites à ces demi - Sçavans
qui ont voulu vous faire connoître ce Médailler.
Vous ne trouverez pas du moins
dans mon Extrait ces grandes phrases
qui ne signifient rien , et qui laissent le
Lecteur aussipeu instruit qu'il l'étoit aųparavant.
Dans
2180 MERCURE DE FRANCE
Dans le Cabinet des Jesuites de Tournon
, il y a differentes suites de Médail
les ; 1 ° . de Rois , 2 ° . de Peuples et dé
Villes ; 3 ° . de Familles Romaines' ; 4º . de
l'As et de ses divisions ; 5. des Empereurs
Romains en or ; 6 ° . en argent ; 7 .
en grand ; 8 ° . moyen ; 9. et petit bronze
; 10° . de Medailles et de Monnoyes
modernes ; 11 ° . de Médailles contrefaites;
12 ° . de Pierres gravées , des Statuës , des
Urnes , &c. Il paroît qu'on ne s'est atë
taché à enrichir que les suites Imperiales
de bronze ; les autres , excepté celle
qui est en argent , sont peu nombreuses.
Dans le petit nombre on remarque cependant
des Médailles peu communes ;
il
y en a même qui n'ont pas été connues
jusques ici par les Antiquaires , et
qu'on peut avec eux appeller uniques.
Mon Mémoire me fournit une partie de
celles qui me parurent de ce genre dans
ce Cabinet. Peut-être vous feront- elles
naître le dessein de l'acheter ; on dit que
les Jésuites de Tournon veulent le vendre
pour rétablir leur Bibliotheque.
Une Chevre d'Afrique au Revers
ΠΤΟΛΕΜΑΙΟΥ ΒΑΣΙΛΕΩΣ , Une Aigle
tenant la foudre dans ses serres Æ. III.
La tête de Diane. ( BAZIAEQE DINTIAZ.
Un Sanglier. A II .
A
La
OCTOBRE . 1733. 2181 .
La tête d'Anthiochus , ornée d'un Diademe,
Ο ΒΑΣΙΛΕΩΣ ΑΝΤΙΟΚΟΥ ΕΠΙ-
ΦΑΝΟΥΣ ΦΙΛΟΠΑΤΟΡΟΣ ΚΑΛΛΙΝΙΚΟΣ.
Une Victoire . Æ. 111.
Deux Médailles d'Homere.
La tête de Rome. ROMA RESTITVTA. X
Jupiter assis , la Foud e à la main : jv-
PITER LIBERATOR . Arg.
·
Parmi les Médailles Imperiales de
grand Bronze , une Contorniate d'Auguste
au revers de C. GALLVS
IIIVIRAA AFF ; dans le Champ, S. C.
Un Tibere , deux Vitellius , deux Antinous
, un Médaillon d'Aelius Caesar ,
au revers de la Concorde assise Con-
CORD . TR. POT. cos. 11. Un Antonin Pie,
qui a pour revers le Sphinx et l't poque
L. B. Un autre : EПI APXONTOC KA
ΕΝΤΙΛΙΟΥ ΧΥΖΙ ΝΕΩΚΟΡΩΝ , avec un
Temple. Pertinax , les deux Gordiens
Afriquains , un Médaillon de Gordien
Pie : L'Empereur avec Tranquilline , se
donnent la main , avec la Legende de
ΓΑΡ ΟΥ ΜΗΤΡΟΠΟΛΕΩΣ ΑΜΚ ΙΒ .
Trajan Dece au revers , LIBERTAS AVG La
ête de Q. Herennius : EPENN . ETPOYC .
MEC . AEKIOC KTINTOC KECAP ; au
vers , celle d'Hostilien ... OCTIAIAOC
KYINTOC KECAP . Deux Æmiliens.
Gallien au revers de AEQUITAS AVGG.
Un
2182 MERCURE DE FRANCE
Un autre : COL. TYRO . MET. Une Aigle
avec une Enseigne Militaire , dens laquelle
on lit ces mots : LEG. III. GAL.
Un Médaillon du même Prince : CONCORDIA
EXERCIT. La Déesse debout ,
avec une Patere à la main.
Dans le moyen Bronze , j'ai remarqué
un Othon , avec le revers d'une Tête
casquée , et l'Inscription POMH Vitellius
: IMP. VITEL. dans une contremarque
sans autre Legende 5 au revers : TPI-
ΠΟΛΕΙΤΩΝ. Les têtes accolées de Castor
et de Pollux . Hadrien : EITI COCOENOYC
APX. T. TIBEPIOHOA. Jupiter tenant
une Patere. M. Aurele : CONG. AVG. III,
TR.P. XX . IMP. 111. COS. 111. La Liberalité
debout ; elle tient une Tablette.
Un autre : MARTI VICTORI IM P. XI.
cos. 111. Le Dieu Mars , avec une Haste
et un Bouclier, Severe Alexandre : COL.
AVR. PIA. METR. SIO. au milieu d'une
Couronne, Gallien au revers de Salonine
et de Salonin. Diocletien avec cette Legende
: D. N. DIOCLETIANO AETER.
AVG. Val. Maximien : CONCORDIA FELIX
D D. N N. Val. Constantius : FORTVNAE
REDVCI AVGG NN. Deux autres Maximiens
: IMP. MAXIMIANVS JVN. AVG.
Maxence : SALVIS AVGG. Et Caess. FEL.
KART. Constantin : CONCORDIA PERPET.
DD.
NO
OCTOB
R E. 1733. 2183
Ci
DD. NN. Un autre : GENIO CAESARIS ,
un autre : TEMPORVM FELICITAS.
,
Dispensez moi , Monsieur , de m'étendre
davantage sur ces Médailles du
bas Empire. Les suites de moyen et de
petit Bronze de ces temps- là , sont trèsriches
par les têtes des Princes et par les
revers qu'elles contiennent . La plupart
sont rapportées dans le Numm sæculi
Constantiniani du P. Hardoüin , et par
le P. Bandury avec l'Etiquette , E.
Schedis D. Roman de Rives. Cet Abbé ,
à ce que m'a dit un de ses amis , a
vú plus d'une fois avec admiration ce
Cabinet. Sur l'avis qu'on en trouvoit le
Catalogue chez Bousquet , Libraire à
Geneve , j'ai pris des mesures pour en
faire venir deux Exemplaires ; il y en
aura un pour vous . La lecture que Vous
en ferez , sera plus agréable pour vous
que celle de ma Lettre. Je suis , & c.
PSEAU
2184 MERCURE DE FRANCE
**** :***********
PSEAUME PREMIER .
Beatus vir , qui non abiit in consilio
impiorum , & c.
Heure
Eureux qui dans son Dieu met sa félicité ,
Qui ne marche jamais dans le sentier du vice ,
Et qui fuit la societé ,
Des Ministres de l'injustice ;
Qui n'a point soutenu dans la Chaire d'erreur ,
Les dogmes empestez d'une morale impie ;
Mais qui sur la Loi du Seigneur ,
Regle tous les jours de sa vie.
L'Eternel benira ses soins et sa Maison."
Tel qu'un arbre arrosé d'une Onde vive et pure ,
Chargé de fruit en la saison,
Le Juste ornera la Nature.
Que deviendront l'impie et le voluptueux ?
Ils seront dispersez ainsi que la poussiere ,
Qu'un tourbillon impetueux ,
Enleve du sein de la Terre.
Dieu leur a préparé des tourmens éternels ;
On ne les verra point devant sa face auguste ,
i
Lever
OCTOBRE . 1733 2185
Lever leurs regards criminels ,
Ni s'asseoir à côté du Juste.
La foudre va partir ; ô regrets superflus !
Enfant d'iniquité , tu n'as plus de puissance
Frémis .. c'en est fait , il n'est plus ,
Le Ciel a vangé l'innocence..
C. FAVART.
REMARQUES sur le Combat de
Cupidon , et d'un Cocq , gravé en creux
sur une Cornaline antique.
Les
Es Sçavans de l'ancienne Egypte ne
communiquoient les particularitez
de leur Histoire , les Misteres Sacrez ,
et les secrets de la Nature , dont ils
avoient acquis la connoissance par l'experience
ou par le secours de l'Astronomie
, qu'à ceux qui étoient destinez à
la Couronne , au Ministere , ou au Sacerdoce
.
Leur science étoit si profonde et si
singuliere , que les Sages de la Grece ne
dédaignoient point de les consulter , et
d'apprendre d'eux ce qu'ils ne pouvoient
acquérir par la lecture ni par la spécu-
D lation
1186 MERCURE DE FRANCE
lation la plus laborieuse . On voit même
dans les Livres Sacrez que Moyse ne dédaigna
point de s'instruire de toutes leurs
Sciences .
Ces anciens Sçavans donnerent des
roms divins aux choses créées , pour
leur attirer plus de respect et de vénétation
de la part des hommes . Ils formerent
en même temps des Hieroglifes ou
des figures misterieuses , sous lesquelles
ils cachoient leur morale , leur politique
et même leurs passions , et ils se servoient
de ces Figures pour leurs Sceaux,
leurs Cachers, leurs Bagues. Ils gravoient
ou frappoient des Talismans sous certaines
constellations , sur diff rens métaux
propres , selon eux , à recevoir les
influences des Astres ; et cela pour rendre
leurs projets heureux et fortunez .
Le Hierogliphe dont il s'agit représente
Cupidon aîlé , avec ses attributs ,
sçavoir , un Carquois , un Dard , un Bouclier
. On n'y voit point son flambeau ,
parce qu'il y paroît en posture de Combattant,
tenant un Dard en sa main droite
et un Bouclier en sa gauche. On y voit
en même temps un Cccq qui se présente
à lui , ayant le col fort tendu , la tête
haute , avec sa fierté ordinaire.
Pour entrer dans le sujet de leur querelle
OCTOBRE. 1733. 2187
relle , il est bon de remarquer que le
Cocq a été regardé des Anciens comme
le simbole de la vigilance. C'est pourquoi
il étoit consacré au Dieu Mars ,
parce qu'un General d'Armée doit toujours
veiller et être sur ses gardes ; ou
parce que , au rapport de Lucien , Mars
changea en Cocq le Soldat Alectrion ,
en punition de ce qu'il n'avoit pas fait
bonne garde la nuit , que ce Dieu fut
surpris avec Vénus par Vulcain , lequel
les ayant envelopp z dans un filet de sa
façon , les exposa à la risée de toutes les
Divinitez Celestes. Le Cocq étoit aussi
consacré à Esculape , pour marquer la
vigilance d'un parfait Médecin,
Pausanias écrit d'ailleurs que le, Cocq
étoit respecté chez les Grecs comme le
Messager d'Apollon , à cause que par
son chant du matin , il annonce le retour
du Soleil. Ils le respectoient aussi
parce qu'ils auguroient par son chant
plus fréquent ou par son silence , les
heeureux ou les malheureux Evenemens .
Les Boetiens , par exemple , prévirent la
celebre victoire qu'ils remporterent sur
les Lacédémoniens , parce que le Cocq
avoit chanté toute la nuit qui précéda le
combat ; et selon le témoignage d'Ennius
, qui suivit Scipion l'Affricain dans
Dij toutes
2188 MERCURE DE FRANCE
toutes ses guerres , lorsque cet Oiseau est
vaincu , il se cache et se tait , mais s'il est
victorieux , il se montre fier et chante
souvent. Galli victi silere solent , canere
victores.
Je crois done que le sujet du Combat
de Cupidon contre ce Cocq , exprimé
sur cette Cornaline , est que l'Empire de
l'Amour n'est jamais plus puissant que
la nuit. C'est à ceux qui sont versez dans
l'art de la galanterie d'en juger. Comme
le Cocq annonce par son chant la fin
de la nuit et l'approche du jour , l'Amour
outré d'être obligé de ne pouvoir poursuivre
ses victoires et de les suspendre ,
s'en prend au Messager du Soleil , et
d'un coup de son Dard , tâche de lui
percer le gosier pour éteindre sa voix
incommode.
L'Amour souvent troublé par le Cocq vigilant ,
Lui dit tout en colere , et d'un ton menaçant ,
Messager du Soleil , Cocq toujours incommode,
Ne sçais-tu pas , cruel , que la nuit m'est commode
!
Ton chant précipité vient troubler les douceurs
Et les transports charmants où je plonge les
coeurs.
Qu'à ta voix le Lion manifeste sa crainte .
Que l'Oiseau de Minerve en ressente l'atteinte ,
L'Amour
+
OCTOBR E. 1733. 2189
L'Amour toujours vainqueur méprise ta fierté ;
Tu vas sentir un coup de sa dexterité.
Qu'Apollon te protege et son Fils Esculape ;
Scache qu'à mon pouvoir ici bas rien n'échappe.
L'Amour tout en furie , ayant ainsi parlé ,
Éssaya , mais en vain , de son Dard enflâmé ,
De percer le gosier du Cocq , qui par adresse ,
Ayant sçû l'éviter , entonne d'allegresse :
Co- que-ri- co Co-queri- co
S'il plaisoit à quelque ingénieux Antiquaire
de donner une exposition plus
naturelle à ce Hieroglife , le Possesseur
en auroit une parfaite reconnoissance ,
puisqu'elle donnera un nouveau mérite
à sa Pierre gravée.
A Me FELICITE' ,
A Soissons.
Toi, qui d'Apollon éprouvant les faveurs,
Voles d'un pas leger au sommet du Parnasse ,
Et vas bientôt parmi les doctes Soeurs ,
Occuper une illustre place ;
Diij Felicité ,
2190 MERCURE DE FRANCE
Félicité , c'est à toi qu'aujourd'hui ,
S'adresse une Muse naissante ,
Elle a besoin de ton appui ,
Pour faire un choix qui la contente.
S'il faut pour t'engager à répondre à mes voeux,
Relever les beautez 'que l'avare Nature ,
Par un caprice aimable et merveilleux ,
Fait briller sur toi sans mesure ;
Dépeindre cet esprit dont le puissant éclat ,
Egale de Malcrais l'air noble et délicat ,
Et donne à tes appas une grace nouvelle ;
Malgré moi je renonce à mon nouveau projet ;
Non , le Pinceau le plus parfait ,
Fut- ce celui du grand Apelle ,
Ne sçauroit approcher d'un si charmant modele.
Mais sensible aux desirs d'un jeune ambitieux,
Tu pourras lui prêter une main secourable ,
Ou lui défendre un Art capricieux ,
Quijour et nuit le tourmente et l'accable.
Je sens qu'une fureur , en idée agréable ,
M'engage à vivre sous les loix
De la Celeste Poësie ;
Et cette passion depuis plus de six mois ,
M'empêche de goûter les douceurs de la vie ;
En vain à la raison je veux avoir recours ,
Pour éloigner loin de moi cette envie ,
Elle fuit, la cruelle , et m'évite toujours.
Hélas !
OCTOB R E. 1733. 2195
Hélas ! chaque moment voit augmenter ma
paine ;
Sur tout depuis qu'on sçait qu'animant leurs travaux
,
Tes Favoris ont sçû terrasser leurs Rivaux ,
Sur la Garone et sur la Seine.
Ton amitié leur vaut les plus glorieux prix ;
"Quoique quelques malins Esprits ,
Disent que le premier reçoit son influence ,.
De quelque Apollon de Provence.
Félicité , tu vois quel est mon embarras ;
Daigne conduire un jeune témeraire ,
Explique lui ce qu'il doit faire ,
Et guide ses timides pas.
Ah ! si mes Vers peuvent te plaire ,
Et me donner un rang parmi tes Favoris ,
Je ne vois rien au-dessus de ce prix .
: Par M. P. A. H. R. * * **.
L'Enigme et les Logogryphes du mois
de Septembre , doivent s'expliquer par
Bouteille , Mercure , Jalousie , Cheminée.
Dans ce dernier mot on trouve Chemin,
Chêne , Gene , Enée , Chine , Mine , Mie
de pain , &c, Dans Mercure on trouve ,
Mer, Cure , Mere , Crême , Ecu , Ecume ,
Recen , &c.
Diiij ENIG2192
MERCURE DE FRANCE
D'
ENIG ME.
Ans la fleur de mes jours , on me tenoit
pour belle ;
L'éclat et la fraîcheur me donnoient des appas ;
Belle ou non , ce seroit une chose nouvelle ,
Si dans le cours des ans je ne vieillissois pas.
Ce temps qui me vieillit , fait que je suis féconde;
J'ai formé des enfans qui plairont en tous lieux ;
Je les retiens captifs dans ma Grotte profonde ,
Pour les placer un jour à la Table des Dieux.
Je suis seche à vos yeux , cependant je suis bonne,
J'ai le nom d'un Auteur d'un assez grand renom,
Dans les fureurs de Mars on fait voler ce nom ;
Un Royaume en est digne,et moi'd'une Couronne,
JB
LOGOGRYPHE.
E soutiens l'humaine Nature ,
Tout Etre vivant m'est soumis
Le bruit et moi sommes grands ennemis
Et sept lettres font ma structure >
Lecteur , si par plaisir tu veux les combiner ,
Voici ce que je puis donner ;
UA
OCTOBRE. 1733. 2193
Un nombre , une fleur , trois Rivieres ;
La douceur et la dureté . . .
Ce qui chez le Cyclope est autrement planté ,
Que chez les hommes ordinaires ;
Le nom d'un grand Législateur ;
Un terme dans l'Arithmetique ;
Graine en Saintonge,un Mets flatteur ;
Deux differens tons de Musique.
Si ce n'est pas assez , creuse dans ton cerveau , ¿
D'attention fournis nouvelle dose .
Tu t'appercevras, d'autre chose ,
Et c'est-là le fond du Tonneau.
F.D. C.
AUTRE à Mlle D. L. G. R.
Six lettres font mon tout ; devinez , Eulalie ,
Je nomme un lieu champêtre , un aimable séjour
,
Où pour charmer votre mélancolie ,
Semblable à la Mere d'Amour ,
Vous vous plaisez par fois à former votre Cour
Mais avançons sans préambule ;
Suivez-moi pas à pas , triste exclamation ,
Pronom , article ou particule ,
Voilà mon tout , voilà ma composition.
Pour me trouver , que votre esprit calcule ,
Coupez d'abord mon corps en deux ,
Mon premier membre offre à vos yeux.
D. v Villa:
2194
MERCURE DE FRANCE
福
Ville de France , et Ville d'Allemagne,
L'autre souvent descend des Cieux
Pour fertiliser la Campagne ,
Que dis- je ? Il entretient le commerce en tous
lieux .
Deux , trois , quatre , aux mortêfs je procure la
vie :
Prise en un autre sens , je sers à l'harmonie
Un , quatre et cinq , je suis Province de Maroc,
Joignez , un , quatre et six , la mer est ma patrie
;
Un de moins, je serois Ville de Normandie ,
Mais c'est trop m'expliquer , devinez , c'est le
Hoc.
Par M. D. C.
AUTRE.
Ormer les temps , nombrer les jours de
F.
Phomme,
Fut et scra toujours mon ordinaire emploi ,
Un membre à bas ; le lecteur à
part
foi
Me devine déja , puisqu'à lui je me nomme.
L. H. D.
AUTRE , à Mademoiselle de ...
Vous voulez , trop belle Manon ,
Que je compose un Logogriffe ,
Sans quoi , dites- vous , l'on me biffe ,
De votre coeur , tout doux , je vas changer de
: ton . J'offre
OCTOBRE. 1733 . 2195
J'offre à vos yeux un nom plein de tendresse,
Et dont neuf pieds font l'ornement ,
Nom fort commun à tout amant ,
Qui vante son ardeur à celle qui le blesse ,
Sept , six , trois , huit , Cloris . c'est un présent
des Cieux ,
Dont à mon grand regret vous ornerent les
Dieux ,
Que mainte et mainte fois je voudrois voir au
Diable
2.
Don cruel qui s'oppose aux plus tendres plaisirs,
Qui combat nuit et jour mes amoureux désirs ,
Et qui vous rend plus fiére , et toujours plus aimable.
Par trois , deux , cinq, neuf, six , si l'on en croit
la Fable.
On découvre un incestueux ;
Mais comme fille raisonnable ,
yous ne vous plaisez pas à tous ces contes bleus.
De la fable à l'instant je passe au véritable ;
Je me targuois jadis d'une noble fierté ;
Mon coeur étoit à toute épreuve 2
Et si l'on m'a cru pris dans les las d'une veuve
C'est un crime , Manon , de leze- vérité ;
Content de mon destin dans une paix profonde
J'affrontois hardiment et labrune et la blonde.
Mais vous seule avez sçu me rendre , jeune Iris,
Un , deux , trois , quatre , cinq et six.
Blesin d'Arles,
Dvj
NOU
2196 MERCURE DE FRANCE
į į į į bb b b š š s
NOUVELLES LITTERAIRES
P
DES BEAUX ARTS , &c.
ENSE'ES MORALES ET CHRE'TIENNES
sur le texte de la Genése ; dédiées à
M. le Duc d'Orleans , par M. l'Abbé le
Mere. A Roüen et se vend à Paris , ruë
Saint Jacques , chez Osmont. 1733. 2 volt
in 12.
DES FONCTIONS ET DU DEVOIR d'un Of
ficier de Cavalerie , avec des Réfléxions
sur l'Art Militaire , et sur le premier et le
second tome des Commentaires de Polybe
, par M. Folard. A Paris , rue S. Facques
chez Ganeau , in 12. prix 45 sols ,
et sans les Réfléxions , 30 sols,
HISTOIRE GENEALOGIQUE et Chronologique
de la Maison Royale de France.
des Pairs , Grands Officiers de la Couronne
, de la Maison du Roy , et des anciens
Barons du Royaume , avec les qualitez
, l'origine , le progrès et les armes
de leurs Familles ; ensemble les Statuts
et le Catalogue des Chevaliers , Commandeurs
et Officiers de l'Ordre du S.Esprit ;
Le
OCTOBRE . 1733. 2197
le tout dressé sur les Titres originaux,
sur les Registres des Chartres du Roy,du
Parlement , de la Chambre des Comptes
et du Châtelet de Paris , Cartulaires, Manuscrits
de la Biblioteque du Roy et d'autres
Cabinets curieux . Par le P. Anselme
Augustin déchaussé; continuée par M.Dufourny
; revue , corrigée et augmentée
par les soins du P. Ange et du P. Simplicien
, Augustins déchaussés : Par la Compagnie
des Libraires; in fol. 1733.7 ›
9 vol.
8 et.
LE ZODIAQUE DE LA VIE HUMAINE , OU
Préceptes pour diriger la Conduite et les
Moeurs des hommes ; divisé en douze Livres,
sous les 12 Signes , traduit du Poëme
Latin de MARCEL PALINGENE , célébre
Poëte de la Stellada ; nouvelle Edition
, revue , corrigée et agmentée de
Notes Historiques , Critiques , &c.
M. J. B. C. DE LA MONNERIE , Mre Pr.
A Londres,chez le Prevost , et Compagnie,
Libraires , sur le Strand , 1733. et se vend'
à Paris , chez Cailleau, Libraire, Quai des
Augustins , à S. André.
Ce Livre est divisé en deux volumes
grands in 12. Dans le premier Tome est
une Epîtte dédicatoire , addressée à Mylord
Chesterfield , avec une Préface , où
l'on trouve la vie en abrégé de Palingenius
2198 MERCURE DE FRANCE
nius , ou plutôt des Conjectures qu'on a
faites sur lui ; personne n'ayant jusqu'icy
rien avancé de certain sur le compre de
cet Auteur , on y voit les sentimens de
tous les Sçavans qui en ont fait mention
, et qui lui prodiguent leurs Eloges ;
entr'autres , Naudé, Colletet, Borrychius,
la Croix du Maine , Scævole de Sainte-
Marthe, Antoine Musa Brazavolus , Scauranus,
Bayle, Baillet, M. de la Monnoye;
et à la tête de tous , Scaliger.
Le premier Livre , intitulé : Le Bélier ,
ne sert , pour ainsi dire , que de préliminaire
au Poëme ; il est enrichi de Notes
qui expliquent les expressions Poëtiques
, dont la diction du texte est remplie
; et on y trouve une Table qui explique
la valeur numérique des Lettres
Hébraïques et Grecques.
,
Le second Livre , qui porte le nom de
Taureau démontre que le souverain
bien ne se trouve pas dans les Richesses,
mais bien plutôt dans la possession de la
science et de la vertu ; l'état d'un homme
vertueux , quoique pauvre; y est préféré
à celui d'un riche licentieux , ignorant
et vicieux . Les Notes Philosophiques
de ce chant éclairci scnt ce qui
pourroit être resté d'obscur dans le texte.
Dans le troisiéme Livre , sous le titre
des
OCTOBRE . 1733. 2199
des Jumeaux , l'Auteur expose le précis
de la Philosophie d'Epicure , ce qui lui
donne occasion de faire une ample et
belle description du séjour de la volupté;
le Poëte y fait rencontre de la vertu , qui
réfute et détruit les Argumens Epicu
riens , prouve que la volupté n'est autre
chose que la furie infernale Erynnis , et
substitue au raisonnement d'Epicure des
Préceptes contraires. Les Notes de ce
chant mettent ces matieres à la portée de
tout le monde . Dans une de ces Notes on
prouve que le Poëte Lucrece se contredit
quand il avance que l'ame est mortelle .
Le quatrième Livre , sous le nom de
l'Ecrevisse , débute par un éloge du So-
/ leil , où on décrit les proprierez infinies
de ce Roy des Astres . L'Eloge sert en
même temps d'invocation à Apollon ;
il y a de plus une dispute ou un défi Pastoral
, qui est interrompu pour donner .
lieu à Timalphe , fils de la vertu , d'achever
ce que la vertu avoit obmis d'expliquer
au Poète ; ce qui est suivi d'un Eloge
de l'amour sage ; on y montre
que
Etres ne subsistent que par l'amour que
Dieu a pour eux , on y trouve ensuite une
belle Apologie de la paix : Ce chant est
éclairci par des Remarques, Notes et Additions
; sçavoir , sur les Couleurs , sug
les
les
2200 MERCURE DE FRANCE
+
les Attributs des Muses; on y explique ce
que l'on doit entendre par Uranius on y &
donne le sens allégorique de la Mythologie
, avec un abregé tres - concis des vies
de Platon et d'Aristote ; on y explique
enfin ce que les anciens ont entendu par
leur Phoenix.
Suit le cinquiéme Livre , sous le nom
du Lyon les Richesses et les autres biens
corporels y sont méprisez ; on y exalte
avec pompe les biens qui concernent l'esprit
on y prouve que ce n'est qu'en
Dieu seul que se trouve le souverain bien ;
on y parle des inconveniens et des avantages
de la vie ; on y expose les incommoditez
du mariage , et on y lit des Préceptes
excellens pour se bien conduire
dans cet état ; l'on établit que la sagesse
est la plus précieuse de toutes les acquisitions
; parmi les Remarques on en voit
une sur le Spinosisme , une autre sur les
qualitez qu'on doit avoir pour être agréable
à Dieu ; on en lit une qui réfute le
texte , où il est avancé que l'homme n'a
d'autre avantage sur les animaux que la
faculté de la parole et des mains ; on voit
enfin une Remarque sur le dissolvant
universel , qu'on ne peut , dit on , obtenir
que par le moyen de la volatisation
d'un seul sel
Le
OCTOBRE. 1733. 220X
Le Livre sixième , où la Vierge définít
quelle doit être la vraie noblesse , qui est
censée ne devoir être acquise que par la
science et par la vertu ; on y conclud
qu'au lieu de craindre la mort , on doit
plutôt la souhaiter comme la fin de nos
maux et le commencement de notre bonheur
; le tout soutenu de Remarques variées
, de Fable , d'Histoire et d'autres
connoissances utiles . Avec ce Livre finit
le premier Tome ; il est suivi des Sommaires
repetez de chacun des Livres, qui
tiennent lieu de Table des matieres.
Le premier Livre , du Tome second ,
qui est le septiéme du Poëme , sous le
nom de la Balance , commence par définir
l'Unité , l'Existence , la Simplicité et
la Perfection de Dieu ; l'Auteur avance
que la Région du feu est peuplée ; on y
établit le Systême de la pluralité des
Mondes, on explique la nature de l'ame ,
on met en question si le mouvement
procede de la chaleur et de la volonté
on prouve que c'est l'ame qui agit et non
pas les cinq sens ; ce qui s'établit par la
plus pure Philosophie , et l'on conclud
par cet argument que l'ame est immortelle
; on y voit une Carte curieuse sur
l'écoulement des Etres , Arts et Sciences
; entre les Remarques de ce chant , on
en
>
2202 MERCURE DE FRANCE
en voit une sur les Sectes des Manichéens
et des Gnostiques , au sujet du sentiment
du bon et du mauvais principe ; on avance
que l'Or dis out par l'Alkaes de Pr
racelse et de Vanhelmont , paroît sous la
forme d'un sel ou d'une huile rouges ; les
Notes font aussi mention des Sybilles ;
on réfute le sentiment de quelques Mathématiciens
qui croyoient que l'ame ne
subsistoit et n'étoit autre chose que le
concert harmonique des Organes.
Le Livre huitième où le Scorpion concilie
la Providence divine avec le libre
arbitre ; l'Auteur y explique pourquoi
les honnêtes gens sont souvent malheureux
, et les méchans au contraire fortunez
par la distinction qu'il fait des
biens du corps d'avec ceux qui appar.
tiennent totalement à l'esprit ; soutenant
que les premiers sont l'appanage des méchans
, et les derniers sont du ressort des
seuls sages. Ce Chant est rempli comme
les autres de Remarques Philosophiques
et Historiques , et en quelques endroits
Chymiques.
Le Livre neuvième , où le Sagittaire dé
butte par des Leçons pour les bonnes 1
moeurs ; l'on y lit entr'autres choses une
Priere à Dieu, qui est d'une grande beauté
, au bas de laquelle est une citation en
remar
OCTOBRE 1733. 2203
remarque d'un fragment du Socrate
Chrétien , de M. de Balzac , qu'on peut
regarder comme un effort du génie de ce
Scavant on y dépeint analogiquement
quatre Rois qui sont eux- mêmes soumis
à un cinquième , plus grand qu'eux , qui
tous de concert excitent les hommes à la
volupté , à l'avarice , à l'orgueil et à l'envie;
on y distingue cinq especes d'hommes
, sçavoir , les Pieux , les Prudens , les
Rusez , les Fols , et les Furieux ; le tout
enrichi de Remarques et de Notes comme
tout le reste.
On trouve ensuite le Capricorne , qui
est le dixiéme Livre ; on y traite de la
I culture de l'ame par la Science et les
beaux Arts , on y avance que le sage por
te aisément tour avec lui , ce que le Riche
ne peut faire. Le Texte écrit énigmatiquement
la maniere de préparer le
grand oeuvre , on trouve au bas de cet article
une compilation parfaite de tous les
procedez de cette science décrits de suite,
ce que plus de six cent Auteurs hermé
tiques n'ont donné que par Lambeaux.
On établit que le vrai Sage ne doit point
se marier que la Guerre n'est légitime
que quand il s'agit de la deffense des Autels
et des Foyers domestiques ; on y lit
une conversation entre un Poëte et un
Her2204
MERCURE DE FRANCE
Hermite qui est le précis d'une excellente
Morale ; l'Hermite y conclud que c'est
l'Esprit de Dieu qui seul purifie les coeurs;
on y fait un portrait qui peut servir
méditation sur les miseres humaines ; on
finir par convenir qu'il est difficile de
parvenir à la vraie sagesse dans ce Monde
, et on trouve par tout des Remarques
et des Notes d'une sçavante Litterature
.
Le Verseau , ou le livre onzième , après !!
une invocation à Uranie , contient des
Préceptes astronomiques , on y décrit les
Cercles du monde , Fordre et le mouvement
des Planettes ; on y fait l'énumération
non-seulement de tous les Signes du
Zodiaque , mais encore de tous ceux du
Ciel , et du nombre d'Etoilles qui les
composent, on en décrit enfin le lever et
le coucher , & c. On trouve en tous les
Endroits des Notes qui éclaircissent ce
que ces matieres ont d'abstrait; on y traite
et.de la matiere et de la forme ; en un
mot on y parle de tout ce qui est celeste ;
delà on revient aux Elémens et aux Météores
; on trouve en Note un fragment ,
qui donne les preuves de l'Elaboration de
la Mer , et de la fabrication qu'elle fait en
son sein de tous les Terrains apparans
du Globe terrestre , Ce morceau est d'une
Philosophie nouvelle et curieuse,
1
OCTOBRE . 1733. 2205
Dans les Poissons , Livre douze et dermer
, oh prouve que hors les confins du
Ciel , il y a une lumiere immense , incorporelles
que cette lumiere est la forme
qui communique l'Etre aux choses ,
qu'elle nnee peut être apperçuë des yeux
corporels ; on y parle des formes sans mariere
qui composent la substance des
Anges ; on y confond les Athées; on convient
qu'il est difficile de s'entretenir
avec les bons Esprits, et que la conversation
des mauvais est plus aisée à obtenirs
on trouve en cet endroit une longue Remarque
qui peut servir d'Elemens à l'Astrologie
, &c. On doit conclure que ce
Livre est fort interessant et d'une lec-
= ture agréable. Le public sçavant et curieux
doit sçavoir gré à M. de la Monnerie
d'avoir fait revivre par sa traduction un
Auteur excellent , presque tombé dans
- l'oubli , et d'avoir accompagné cette traduction
de tous les secours dont elle avoit
besoin pour faire un présent accompli à
la République des Lettres.
OBSERVATIONS IMPORTANTES sur le
Manuel des Accouchemens. Premiere
Partie , où l'on trouve tout ce qui est nécessaire
pour les Opérations qui les concernent,
et où l'on fait voir de quelle maniere,
2206 MERCURE DE FRANCE
niere , dans le cas d'une nécessité pressante
, on peut , sans avoir recours aux
Instrumens , remettre dans une situation
convenable , ou tirer par les pieds
d'une Matrice oblique ou directe , les enfans
mal situez , vivans ou morts , sans
les endommager , ni la mere . Seconde
Partie où l'on fait voir la nécessité d'examiner
les corps des femmes mortes sans
accoucher , afin de connoître si la Sage-
Femme a été la cause de la mort de la
mere et de l'enfant ; et où l'on donne des
avis à tous les maris qui s'interressent à
la conservation de leurs femmes et de
leurs enfans . Traduites du Latin de M..
Henri de Deventer , Docteur en Médecine,
par Jacques - Jean Bruhier ' Ablaincourt
, Docteur en la même Faculté . A
Paris , chez Pierre Prault , Quai de Gêvres ,
1733. in 4. avec figures.
PANEGYRIQUE de S. Loüis , prononcé
à l'Académie Françoise le 25 Aoust 1733.
par le R. P. Tournemine , de la Compagnie
de Jesus , brochure in 4. de 20
pag. A Paris , de l'Imprimerie de J. B.
Coignard.
Ce Discours, dont la lecture ne peut
que confirmer l'applaudissement general
avec lequel il a été écouté , a pour texte
ces
OCTOBRE. 1733. 2207
7
ces grandes paroles de S. Paul , dans son
Epître aux Galates , ch. 6. Mihi autem
absitgloriari nisi in Cruce Domini nostri
Fesu Christi , per quem mihi mundus crucifixus
est , et ego mundo . Paroles qui n'ont
peut être jamais été plus heureusement
appliquées que
dans le sujet auguste dont
il s'agit icy , dans un éloge de S. Louis
que les plus grandes prosperitez n'ont pú
corrompre , que l'adversité la plus accablante
n'a pû abbatre. Deux traits dontle
Panégiriste forme le caractere de notre
saint Roy , et qui le distinguent des autres
Saints , dont notre Religion a consacré
la mémoire. Par une sagesse divinement
éclairée S. Loüis a rebuté le monde
flateur , et s'est élevé au dessus des Héros
mondains. Par une fermeté héroïque
ce S. Monarque surmontant les rebuts
mystérieux de Dieu , qui n'étoient que
des épreuves ,a été trouvé digne de Dieu .
Heureux , lorsque le Monde le croyoit le
plus malheureux. Deux Propositions qui
enferment la division et toute l'oeconomie
d'unDiscours, dont lebut principal est
de montrer combien le Christianisme est
propre à former des Héros , et quelle est
la supériorité des Héros qu'il forme.L'Illustre
Orateur a inséré dans son Exorde
san Eloge de l'Académie Françoise , qui
mé.
2208 MERCURE DE FRANCE
mérite d'être lû, le sujet le fournit, et rien
n'est plus délicatement touché . 63
La premiere Partie offre d'abord une
peinture aussi vrayc que vive, du Monde
prophane , de ce monde que l'Evangile
ordonne de fuir , de haïr¸ au moins s'il
ne nous est pas libre de le fuït , aversion
et violence qui coutent cher , principalement
aux Grands de la Terre .C'est
cependant ce Monde que le S. Roi a vaincu
en tant de manieres . Le détail de ces
Victoires fait la matiere de cette Partie
du Discours , où l'on voit par tout que
le plus Saint de nos Rois , a été le meilleur
de nos Rois ; ainsi s'exprime l'Orateur
Chrétien .
Il n'auroit pas été le meilleur de nos
Rois , continue til , s'il n'avoit pas cultivé
l'esprit de ses peuples pour former
leur coeur ; s'il n'avoit adouci par les
sciences la barbarie des François belliqueux
et ignorans ; fiers même de leur
ignorance. Il se plaisoit , sçavant lui - même,
à rassembler dans son Palais S. Thomas
d'Aquin , S. Bonaventure , Sorbon
Colonne , Vincent de Beauvais , Pierre
de Fontaines , la lumiere de leur siécle ,
les Oracles de la Religion ,de la Jurisprudence
et de l'Erudition ; il leur. donnoit
le dessein des Ouvrages dont ils ont enrichi
1
OCTOBRE. 1733 . 2209
chi le Public . Sa liberalité soutenoit l'entrepЯse,
son goût la conduisoit. Le Grand
Cardinal de Richelieu n'a exécuté que
ce que S. Louis avoit commencé. On
voyoit dans les Assemblées où il se délassoit
des fatigues du Gouvernement, ce
qu'on voit dans les vôtres, Messieurs , les
grands Génies , et les grands Seigneurs ,
le Roy de Navarre , le Comte de Bretagne
, le Sire de Joinville , cet Historien
inimitable ; aussi naturel , plus sincere
que César , deux Cardinaux confidens
du Prince , et chargez par lui des plus
importantes négociations , dont l'un fût
élevé sur le S. Siége , mêlez sans distinction
avec les autres Sçavans , reconnoître
que la naissance et le rang doivent un
légitime hommage à la supériorité de l'esprit.
Roy véritablement tres chrétien ;
S..Louis , dans les soins qu'il prit pour
faire fleurir les Sciences , avoit en vûë le
bien de l'Etat , la gloire de la Nation
et plus encore la défense de la Religion .
Dans la seconde Partie , le`Saint Roy
est representé d'autant plus éprouvé par
une longue suite de tribulations , qu'il
étoit agréable à Dieu , suivant cet Óracle
de l'Ecriture , quia acceptus eras Deo ,
necesse fuit ut tentatio probaret te. Tob . 12.
L'Affliction des Justes étant nécessaire
E pour
2280 MERCURE DE FRANCE
pour leur interêt , pour l'inrerêt de Dieu .
Les plus beaux traits de l'Histoire de
S. Louis , appliquez à ces grandes maximes
, fournissent une Carriere dans la
quelle la Religion triomphe toujours
une Eloquence chrétienne et pathétique
Y brille par tout. On en jugera par le
traits suivans , nos bornes ne nous per
mettant pas de nous étendre davantage.
›
Le Ciel et le Nil viennent au secours
des Sarrazins vaincus ; la terre et l'air infectez
font périr l'Armée victorieuse , et
livrent sans combat le Saint Roy , languissant
à la barbarie des vaincus ... Ne
lui échapera- t- il point au moins quelques
plaintes ? Non sa douleur sera
muette , son amour pour Dieu sera maître
de sa bouche comme de son coeur :
Vous seul , dit- il , vous seul, mon Dieu ,
méritez d'être aimé , lorsque vous traitez si
rigoureusement ceux qui vous aiment... Il
fût dans les prisons de Memphis aussi
Roy que dans son Palais , plus conquerant
qu'à la tête de son Armée : Sapientia
descendit cum illo in foveam , et in
vinculis non dereliquit eum , donec afferret
illi Sceptrum regni .
Et de quelle multitude de benedictions
Dieu n'a- t-il pas continué de recompenser
la fidelité de S.Louis ? Quelle longue
suite
OCTOBRE. 1733. 221F
suite de Rois le reconnoissent pour Peret
Sa postérité regne dans les deux Mondes.
France , rendez graces à la patience de
S. Louis ; vous lui devez , Charles le Sage
, les miraculeuses victoires de Charles
VII . Louis , le Pere du Peuple , François
I. restaurateur des Sciences , la clémence
d'Henri le Grand , Louis le Juste,
* dompteur de l'Hérésie. Vous lui devez ,
LOUIS LE GRAND , qui a réuni toutès
leurs vertus avec la patience héroïque ·
de S. Louis , vous lui devez le Regne de
S. Lours qui se renouvelle.
Il faudroit tout copier ; plutôt qu'extraire
, si on vouloit ne rien omettre dans
un Discours si rempli de beautez et de
grandes véritez. Disons en finissant, que
l'Auteur du Panégyrique , dont nous rendons
compte , a solidement démontré
dans un Ouvrage , digne de passer à la
Postérité , ce qu'un * Historien n'a , pour
ainsi dire, fait qu'ébaucher ,lorsqu'en parlant
de notre S. Roy , il a fait son Eloge
dans ce peu de paroles : Il a été tres grand
Roy , mais en Saint ; il a été tres--grand
Saint , mais en Roy.
LA JEUNE ALCIDIANE par Madame
de Gomez A Paris , rue du Hurepoix , et
Maimbourg , 'Histoire des Croisades.
E ij Tue
2212 MERCURE DE FRANCE
ruë S: Jacques , chez David et Henry
1733. 3. volumes in 12.
9 INSTRUCTION SUR LA RELIGION
l'on traite des sentimens qu'il faut avoir
de Dieu , de J. C. de l'Eglise Catholique
et de la vertu. Par M. Charles Gobine
Prêtre , Docteur en Théologie de la Ma
son et Societé de Sorbonne , Principi
du Plessis Sorbonne. Seconde Edition .
Chez la Veuve Etienne , rue S. Jacques
1733. in 12.
L'ANATOMIE GENERALE DU CHEVAL
contenant une ample et exacte Description
de la forme , situation et usage de
toutes les parties leurs differences et leurs
correspondances avec celles de l'homme,
La génération du Poulet et celle duLapin.
Un Discours du mouvement du Chile et
de la circulation du sang. La maniere de
dissequer certaines parties du Cheval
difficiles à anatomiser , et quelques Observations
Physiques , Anatomiques et
curieuses sur differentes parties du corps
et sur quelques maladies. Le tout enrichi
de figures. Traduit de l'Anglois , par
F. A. de Garsault , Capitaine du Haras du
Roy , en survivance. A Paris , chez Robert
- Marc, d'Espilly , rue S. Jacques ;
1734. in 4. 'de 349. pages.
Nove
OCTOBRE. 1733. 2213
NOUVELLE DISSERTATION Sur les ра
roles de la Consécration de la sainte Eu
charistie , où l'on montre que les Liturgies
Orientales sont conformes à la Liturgie
Romaine sur le Rit de la Consécration
, et que les Scholastiques qui
ont combattu l'Invocation des Orien
taux , et les nouveaux Grecs qui l'ont
voulu soutenir contre eux , n'ont pas
compris le vrai sens de cette Priere , ni
étudié le Rit de leurs Liturgies. A Troyes,
chez Jacques le Févre , le jeune , grande
ruë , 1733. un vol . in 8. de 25.3 . pages ,
sans la Préface et la Table. Il se vend aussi
à Paris, chez Briasson , ruë. S. Jacques.
OBSERVATIONS sur l'Ordonnance du
mois de Février 1731. et Questions remaquables
sur les matieres des Donations.
Par Maure-Jean- Baptiste Furgole ,
Avocat au Parlement de Toulouze. A
Toulouze , chez J. F. Forest , ruë de la Poterie,
1733. infolio de 195. pages pour les
Observations , et 323. pour les Questions.
REMARQUES Historiques et Critiques ,
sur l'Histoire d'Angleterre de M. de Rapin
de Thoyras , par M. Tindal , &c. Et
Abregé Historique du Recueil des Actes
publics d'Angleterre , de Thomas Rymer ,
E iij pas
2214 MERCURE DE FRANCE
par M. de Rapin de Thoyras , avec les Notes
de M. Etienne Watley. A la Haye
chez Gosse et Neaulme , z . vol. in 4. E
se vend à Paris , chez Montalant , Libraire
, Quay des Augustins .
Les Remarques de M. Tindal , pareissent
ici pour la premiere fois ; afin de
les lire utilement , il faut avoir sous les
yeux l'Histoire d'Angleterre de M. de Rapin
de Thoyras , à laquelle elles servent
de Supplément en plusieurs endroits
qu'elles corrigent en d'autres ; il n'importe
qu'on ait l'Edition d'Hollande ou
celle de Trévoux , y ayant en marge des
renvois à l'une et l'autre Edition , M. Tindal
paroît avoir une grande connoissance
des anciens usages de son Pays , et
en avoir lû avec soin les Historiens ; il
les cite tous ; quand ils ne s'accordent
pas dans la narration des mêmes faits ,
il en prend des circonstances des noms
omis ; il releve un assez grand nombre
de méprises plus ou moins considerables ;
quelquefois même il produit des Actes
que M. de Rapin de Thoyras n'avoit pas
nus; on a ajoûté à l'abregé Historique
des Actes , des Notes de M. Watley , qui
n'avoient point encore parû.
MEMOIRES de Frédéric-Henry de Nas
sau,
'!
OCTOBR E. 1733. 2275
sau , Prince d'Orange , qui contiennent
ses Expéditions Militaires depuis 1621 .
jusqu'à l'année 1645.enrichis du Portrait
du Prince et de figures représentant ses
Actions , dessinées et gravées par Bernard
Picart , in 4. Chez P. Humbert , à Amsterdam
.
MAXIMES POLITIQUES , nécessaires aux
Souverains , pour connoître les vices
d'un Favori , représenté dans la vie de
Sejan, &c. Dédiées à S. M. I. Charles VI.
par J. Baptiste Giacomazzi , &c. A Venise
, chez Albrizzi , in 12. de 166.
pages. L'Ouvrage est en Italien.
On nous prie d'avertir que G. Martin,
Coignard et Guerin l'ainé , Libraires à
- Paris , rue S. Jacques , délivreront aux
Souscripteurs le 23. de Novembre 1733 .
les quatre derniers volumes du Recueil
des Mémoires de l'Académie Royale des
Sciences , depuis 1666. jusqu'en 1699. Sça,
voir , 1 °. l'Histoire de l'Académie de ces
années là , avec une Liste generale de
tous les Académiciens jusqu'à présent ,
et un Catalogue de leurs Ouvrages , en
2. volumes. 2 °. Les Memoires pour servir
à l'Histoire naturelle des Animaux , avec
68. Planches en Taille- douce , deux Tomes.
2216 MERCURE DE FRANCE
mes en un volume. 3 ° . Un Traité d'A
nalyse , par M. de Lagny , en un volume .
Les Souscripteurs sont invitez à retirer
incessamment ces volumes , afin de profiter
de l'avantage des premieres Epreuves
des Figures.
›
On ne donne point cette fois- cy la
Table des Volumes du présent Recueil ,
et on y a substitué le Traité d'Analyse
de M. de Lagny , dont la dépense a été
de plus du double pour les Libraires.
La raison est que comme ils ont actuellement
sous presse une suite de l'Histoire
Naturelle des Animaux , qui n'a
jamais parû , et que cette suite en fait,
dans l'ordre des temps , une de Recueil
qu'ils donnent ; il est nécessaire que la
matiere de ce nouveau Volume soit comprise
dans ce Tome de Tables .
On pourra voir chez les Libraires uydessus
nommez , les Planches qu'ils ont
falt graver de cette nouvelle suite des
Animaux , sur les Desseins Orignaux de
M. Perrault , qui leur ont été remis par
Mrs de de l'Académie. On donnera incessamment
ce nouveau Volume , qui
sera accompagné d'un Volume de Tables
pour tous ces anciens Mémoires et d'un
autre Volume de Tables de l'Histoire et
des Mémoires depuis 1720. jusqu'en 1730.
Ces
OCTOBRE. 1733. 2217
Ces mêmes Libraires achevent de faire
graver toutes les Machines ou Inventions
qui ont été approuvées par l'Académie
Royale des Sciences depuis son établis
sement jusqu'à présent. Il y en a actuellement
plus de 350. Planches gravées ; ce
Recueil sera accompagné de Descriptions .
On distribuera à Paris , au premier Décembre
prochain l'Hitoire des Empires et des Républiques
depuis le Déluge jusqu'à J. C. L'Auteur y
débrouille solidement et evec netteté tous ces
siecles obscurs. Il y fait voir la liaison de l'Histoire
Sainte avec la profane , c'est- à - dire , celle
d'Egypte et d'Asie et assure le Public qu'il donne
aux Livres Saints depuis le Pentateuque jusqu'à
la fin des Prophetes , une lumiere et une
clarté qu'ils n'avoient pas encore euës .
L'Histoire Grecque commence avec la Mytologie
, c'est- à- dire , Aimon , Urane , Saturne ,
Jupiter et toute sa famille , dont on fixe le temps.
Suivent après cela les Royaumes d'Argos , de
Mycene , Lacedemone de Thébes et d'Athenes ,
chacun en particulier et par la suite d'un même
discours. On y verra toute la Fable expliquée et
soutenuë par l'Histoire , la conformité des Poëtes
et des Historiens , le temps précis de chaque
événement , une Chronologie conduite sur les
plus autentiques Monumens de l'Antiquité , l'année
courante au haut de la page , et en bas toutes
les sources où l'on a puisé , indiquées par des
Lettrines. Le premier Volume contient un Discours
Préliminaire , et l'Histoire des anciens
Egyptiens , dont on remonte la Chronologie
jusqu'au temps d'Abraham , par l'arrangement
EY des
2218 MERCURE DE FRANCE
des Dinasties. Le second celle des Assyriens ,
des Babiloniens et des Medes , avec une Dissertation
sur l'Historique des Prophetes . Le troisiéme
et le quatrième , sont de l'Histoire Grecque
et finissent à la guerre de Péloponese . L'on continuë
d'imprimer la suite , et tous les six mois
on en donnera deux Volumes , jusqu'à la concurrence
de dix .
L'Auteur y joint deux grandes Cartes Chronologiques
, où l'on voit , siecle par siecle , l'origine
, le progrès , l'étendue , les révolutions et
la décadence de toutes les Monarchies , paralle
ement sous la même ligne horisontale , dans la
nême année et conjointement avec l'Histoire du
Peuple de Dieu , qui regle et conduit toutes les
intres.
L'Ouvrage se vend chez Simart , ruë S. Jacques
, Bullot , rue de la Parcheminerie , Jean
Neuilly , au Palais , et Jean Rouan , Quay des
Augustins. Les quatre Volumes in 12. dix livres.
er les deux Cartes trois livres.
LETTRE écrite de Brest, le premier
Septembre 1733. sur le Bureau Tipographique.
E crois , Monsieur , que le Mercure de France
peut- être regardé dans la République des Lettres
, comme une espece de Bureau d'adresse où
chacun peut avoir recours , soit pour faire part
au Public de ses propres Découvertes , soit
pour demander soi- même des instructions aux
autres. C'est dans cette pensée, Monsieur, que je
prens la liberté de vous écrire cette Lettre pour
avoir des nouvelles d'un certain Systême de lecture
imaginé depuis quelques années pour faciliter
OCTOBRE. 1737. 2219
liter aux enfans les premiers élemens des Lettres;
Şistême que vous avez annoncé plusieurs fois dans
vos Mercures , et qui semble être tombé dans
Poubli. Bien des gens et moi plus qu'un autre ,
avons été surpris.de votre silence ..
Comme j'avois fort goûté le plan de ce projet ,.
j'avois commencé de le mettre en pratique avec.
assez de succès , et mon exemple avoit fait naître
Penvie à plusieurs personnes d'en faire autant ;. .
mais comme ils n'étoient guére au fait du Syste
me et que je n'y étois pas trop moi - même , les,
choses en sont demeurées là , et je leur ai conseillé
d'attendre le Livre que l'Auteur a promis
il y a deux ou trois ans. On y trouvera sans doute
un entier développement de son Systeme , aussi
bien que la description exacte de ce qu'il appelle
Bureau Tipographique , avec le détail des opérations
et des lectures qui conviennent le plus à
P'institution de la premiere enfance .
On a vû par le Journal des Sçavans du mois
d'Avril , que la premiere partie de cet Ouvrage
est imprimée depuis plus d'un an sous le titre
d'Ab-cé latin, mais la suite qui paroît plus nécessaire,
ne vient point encore,et peut - être ne viendra-
t'elle jamais, Cependant un ami à qui l'on
avoit écrit à Paris pour en apprendre des nouvelles
, a fait réponse qu'on y travailloit depuis
plusieurs années et qu'elle n'étoit pas encore finie.
Mais en bonne foi , c'est - là ce qui m'étonne
le plus , on auroit imprimé depuis le temps.
nue collection des Conciles . Est - ce l'Auteur ou
FImprimeur qui retarde l'Ouvrage.
Quoiqu'il en soit , je vous supplie , Monsieur,
de vouloir bien inserer cette Lettre dans votre:
Mercure , afin d'inviter l'Auteur ou les Partisans .
du Systême Tipographique à donner quelque si-
Ej gus
2220 MERCURE DE FRANCE
gne de vie , si tant est que le projet soit en vogue
et qu'il soit approuvé par les Maîtres d'Ecole
de Paris , comme on me l'a fort assuré.
Au reste je crois que l'Auteur fera beaucoup
mieux d'instruire les personnes bien intentionnées
qui cherchent de bonne foi la verité , que
de s'amuser à répondre à de mauvaises Critiques .
Son Systême est solide , il ne s'agit que de le bien
posseder. Je suis , Monsieur , &c.
En attendant la réponse demandée , on ne sera
pas fâché de voir l'Extrait suivant.
EXTRAIT des Actes qui sont en
dépôt an Greffe de la Jurisdiction de
M. le Chantre de l'Eglise de Paris.
P A M. le Grand Chantre de l'Eglise
de Paris ..
Supplie humblement , &c Soit communiqué.
à notre Promoteur , ce premier Septembre
1732. Signé , F. Vivant.
Vu l'utilité que le Public peut retirer d'une
Méthode qui passe pour abreger un temps considerable
que les Maîtres employent ordinairement
, pour apprendre à. la jeunesse confiée à
leurs soins , les premiers principes de la lecture ,
je n'empêche les fins de la présenté Requête . A
Paris , ce 2 Septembre 1732. Signé , Collin , Promoteur
, avec paraphe .
Vû la Requête de l'autre part et les Conclusions
de notre Promoteur nous nommons
pour Commissairrs les sieurs Ceullin , le Faux
et Chompré, lesquels conjointement avec notre
Promoteur et notre Greffier , examineront la
susdite Méthode et noùs en feront leur rapport
pour ordonner ce que nous jugerons le plus utile -
au
OCTOBRE . 1733 2227
au bien public et à l'instruction de la jeunesse.
A Paris, ce 2. Septembre 1732. Signé, F. Vivant
Vu par par Nous la Requête présentée à M. le
Chantre de l'Eglise de Paris , par le sieur Dumas,
Auteur du Systême du Bureau Tipographique et
de la Bibliotheque des Enfans , Livre qui contient
la maniere de se servir dudit Bureau et de la Méthode
pour montrer aux enfans les premiers élemens
des Lettres , en date du premier Septembre
1732. au bas de laquelle Requête sont les Conclusions
de M. le Promoteur en datte du 2. dudit
mois et an. Vû l'Ordonnance de M. le Chantre, du
même jour et an , par laquelle il a jugé à propos
de nous nommer Commissaires à l'effet d'éxaminer
le susdit Systême et la susdite Méthode
dont on fait actuellement usage pour Monseigneur
le Dauphin et pour les augustes Enfans
de France.
Nous , après avoir entendu l'Auteur, er vi des
enfans travailler audit Bureau ; ayant examiné
le tout avec exactitude , avons jugé ledit Systême
très- ingénieux , fort propre à avancer la jeunesse
sans la dégoûter , et très - capable d'ôter
les épines qui se trouvent , surtout en apprenant
aux enfans les premiers élémens ; c'est pourquoi
nous estimons et croyons que M. le Chantre
peut permettre la pratique de ce Systême, l'usage
de la Bibliotheque des Enfans,dans les Ecoles de sa
Jurisdiction , et exhorter les Maîtres qui le pourront
commodément, à les pratiquer , et l'exercice
du Bureau Tipographique;c'est le témoignage que
nous avons cru devoir rendre à la vérité en faveur
de l'utilité publique , en foi de quoi nous avons
signé ce 11. Novembre 1732 Signé, Collin , Promoteur,
le Faux , Ceullin , Chompré , Chanu,
Nous , François Vivant , Prêtre , Docteur en
Théo2222
MERCURE DE FRANCE
Théologie de la Maison et Societé de Sorbonne,
Grand- Vicaire de M. l'Archevêque de Paris ,
Chantre et Chanoine de l'Eglise Métropolitaine
de Paris , Collateur , Juge et Directeur des petites
Ecoles de la Ville , Cité , Université , Fauxbourgs.
etBanlieuë de Paris , après avoir oui notre Promoteur
, en notre Jurisdiction , et les Commissaires
par nous nommez pour l'examen du Livre intitulé
, la Bibliotheque des Enfans , ou les premiers
Elemens de Lettres , contenant le Systéme du Bureau.
Tipographique , à l'usage de Monseigneur le Dauphin
, et des augustes Enfans de France . Vû et lû
le rapport desdits Commissaites , permettons
d'introduire l'usage dudit Systême, Livre et Méthode
dans les Ecoles de notre Jurisdiction , et
exhortons les Maîtres , Maîtresses et autres , enseignant
sous notre autorité , qui le pourront
commodément , à les pratiquer , et.l'exercice du
Bureau Tipographique. Fait en notre Hôtel à
Paris , ce 24. Novembre 1732. Signé, F. Vivant.
Collationné à la minute originale , étant au
Greffe desdites Ecoles , par moi Greffier d'icelles ,
spussigné ce 1. Decembre 1732. Chanu , Greffier.
AVERTISSEMENT de l'Auteur
d'une nouvelle Méthode , ou l'Art d'upprendre
la Musique ; il en a été parlé au
mois de Juillet , page 1607 .
J
" Avois crû qu'il étoit assez indifferent de montrer
la Musique sur la clef de Fa , on sur
quelle autre que ce soit , on n'en apprend pas
moins l'intonation et la mesure des sons sur
P'une que sur l'autre , outre que les nominations
qu'indique la clef de Fa à la troisiéme ligne , reviennent
aux mêmes que celles que donnent
les
OCTOBRE . 1732. 2223
les autres clefs , quand on les charge de quelque
Diese oe de quelque Bemol.
Cependant les Maîtres de Musique m'ont fait
observer que je m'étois trop uniformement servi
d'une même clef , et ils m'en ont donné des raisons
que j'ai trouvées plausibles ; j'y défere , et
mes Planches sont corrigées . Ce n'a pas été une
petite affaire d'en trouver le moyen , et de l'exe-.
cuter ; mais la satisfaction que je ressens à suivre
des avis judiceux et utiles , me dédommagent assez
; j'ai donc partagé mes leçons aux differentes.
clefs , et c'est pour la commodité des personnes
qui apprennent à jouer des Instrumens , que j'ai
commencé par la clef d'Ut et que j'ai fait suivre
celle de Fa , après lesquelles viennent les autres
clefs chacune à son tour. Les Dames et les jeunes
gens se plaindront- ils à présent de ce que je
ne me suis point servi dès le commencement de
la clef qui leur est propre ? Mais pouvois - je mettre
tous les principes tout à la fois à toutes sor
tes de clefs ? Comment s'y prendre ? opter ; je
l'ai fait. Eh ! qu'importe de bonne foi , d'appren
dre la Musique sur telle clef ou sur telle autre ?
On dit que ma Méthode est trop raisonnée ;
la critique est nouvelle et un peu surprenante ,
sur tout si elle vient des Maîtres de cette Ville ,
presque tous gens d'esprit et dont j'entens dire
qu'ils aiment beaucoup à raisonner sur les principes,
et qu'ils sont fort exacts à donner la raison
de tout ce qu'ils enseignent . Cette observation ne
m'eût pas frappé , si elle avoit été faite dans les
Provinces où bien des Maîtres montrent la Musique
comme is Pont apprise et comme ils la
sçavent. L'ordre et la raison n'entient presque
pour rien dans leur maniere d'enseigner, aux ques
tions des Commençans , pour l'ordinaire , point
>
de .
224 MERCURE DE FRANCE
de réponse , du moins qui soit intelligible. Leur
grand Art consiste à repeter avec les Ecoliers ,
la
même leçon mille et mille fois , et leur meilleure
raison est de leur dire , écoutez , voyez , faites
comme moi . J'avoue qu'en voilà bien assez quand
on prend les hommes pour des machines.
On dit encore que ma Méthode est trop détaillée.
Mais qui s'en plaint ? Sont-ce les vrais
sçavans dans la pratique et dans la Théorie . Ils
n'ont que faire de mes leçons. Aussi n'est- ce pas
pour eux que l'on s'avise de composer des Méthodes
, Sont- ce les demi , les faux Sçavans ? Je
ne disconviens pas que ceux - cy pourroient trou
ver bon ce qsi est mauvais , et mauvais ce qui est
bon ; inutiles les endroits où je parle de ce qu'ils
croyent sçavoir ; et peut- être utiles ceux qu'ils
daigneront avouer nouveaux pour eux , s'ils
l'osent:
Je ne disconviens point aussi qu'ils pourront
bien condamner et peut - être approuver mon Livre
sans en avoir lû autre chose que le titre. Aussi
leur Critique et leur Approbation , je l'avoüe , ne
me touchent pas infiniment . Je n'ai point nonplus
écrit pour eux , prévoyant bien que ceux
qui s'imaginent d'en sçavoir beaucoup , ne se
serviroient pas de ma Méthode.
Ma vûë a été d'instruire ceux qui ont envie de
sçavoir réellement la Musique ; de leur dévelop
per méthodiquement les principes de cette Science
; de leur rendre raison de toutes ses pratiques,
de leur applanir la voye qui y conduit peu à peu
sans peine , mais sûrement et par le plus court
chemin. Je raisonne trop , je détaille trop , je
suis trop long , dit- on , mais que vouloit- on
que je fisse ! Une Analyse ? un point de vue
abregé de ce que je sçais ? Que cet Auteur
CSE.-
OCTOBR E. 1733. 2225
est obscur ! se seroit- on écrié. A peine a -t'il ébauché
la matiere. Son Livre n'est bon ni pour les
Maîtres qui sçavent le détail de ce qu'il ne sçait
qu'indiquer , ni pour les Ecoliers qui ne le trouvent
pas dans sa Méthode .
Cet Ouvrage , dit-on encore , ne sera guere
utile aux enfans. J'avoue que ceux qui ne pensent
point ne sçauroient entendre les explications
que je fais des principes de la Musique , et moins
encore les raisons que j'apporte en preuve des
pratiques que je conseille ; Mais de tels enfans
comprendront-ils mieux les raisons qu'un autre
leur dira? On ne leur en donne point, me répondrat'on
, on se contente de les exercer à la pratique.Eh
bien, que pouvois - je faire de mieux pour eux,que
de leur préparer une suite méthodique de leçons,
par où ils pussent surmonter aisément toutes les
difficultez de l'execution ? Prétendoit- on qu'en
faveur des enfans , j'eusse composé une Méthode,
dont les leçons se fissent pratiquer d'elles- mêmes
et que je n'entremêlasse point à ces leçons
des discours où les personnes qui pensent , verront
les raisons de ce qu'on leur fait executer
bien souvent sans leur dire pourquoi ? Il y en a,
dit on , qui ont trouvé la Préface admirable et
le Livre trop diffus . L'a-t'on lû , demandai-je ?
non , me répondit- on. La Critique est plaisante.
Eh comment juger qu'un Livre est trop diffus
sans l'avoir lû. Un Auteur est - il trop long , ou
parce qu'il employe bien des paroles pour dire
peu de chose? ou parce qu'il apprend bien des
choses en peu de paroles. Mais que servent les
justifications prématurées de l'Auteur , mises entre
des doubles virgules ? eh ! ne les lisez point ;
ce signe n'est que pour vous en avertir. D'autres
que vous ne les trouvent pas hors d'oeuvre. Enfia
2226 MERCURE DE FRANCE
fin je n'ai d'autre réponse à faire désormais à
ceux qui ont critiqué mon Livre et qui le critiqueront
à l'avenir, que celle- cy : l'avez- vous lû ?
êtes- vous en état de prononcer sur l'utilité ou
l'inutilité le bon ou le mauvais ? avez- vous de
bonnes raisons à m'alleguer de vos Critiques ?
Je suis prêt à vous entendre si vous voulez bien
me faire l'honneur de me parler , et prêt aussi
d'effacer tout ce que vous me démontrerez inutile.
On ne sçait , dit -on encore, où prenire cer
Auteur , personne ne le connoît . Me voici connu
, puisqu'on le veut , je suis Gouverneur de
deux Seigneurs de Dauphiné , dont le nom
est Messieurs de la Serre , je demeure au Fauxbourg
S. Germain , rue de l'Université , ches
M. le Coq , au premier.
Nous sommes priez d'avertir , et nous le fai
sons dans les mêmes termes qu'on nous écrit ,
que dans le Livre intitulé : Traité de l'Opinion ,
&c. imprimé cette année 1733. à Paris , il est
dit dans la seconde Partie du IV . Tome , page
160. que Mrs de Goyon, Aînez de la Maison de
Matignon , sont encore aujourd'hui dans le Parlement
de Bretagne. » Deux fautes dans une seule
»phrase. La premiere consiste en ce que , de notorieté
, M. le Prince de Monaco est aujour
» d'hui l'Aîné et le Chef de la Maison de Goyon-
" Matignon. La seconde , que cette Maison ne
reconnoît pour porter son nom, aucun Hom
me de Robbe en Bretagne.
ور
C'est M. Rebout de S. Sauveur , Parisien, éta
bli à Marseille , qui au jugement de l'Académie
Françoise a remporté le Prix de P'Eloquence , le
quel fur adjugé le 25 Août dernier à la Piece
dont
OCTOBR E. 1723. 2227
dont nous avons parlé . Nous ajoûterons icy que
le Prix de l'année 1732. ayant été reserve par
l'Académie, M.de S. Sauveur a , pour ainsi dire ,
triomphé deux fois, ayant eu le prix de deux années
. Ce sont deux belles Médailles d'or du Royi,
dont la premiere représente au Revers , la Naissance
du Dauphin , avec ces mots : Natales Delphini
, vota orbis , et l'autre , les Nouvelles Fortifications
de Metz : Meta novis operibus munita.
Pax Provida. L'une et l'autre ont paru gravées
dans le Mercure.
EXTRAIT des Registres de P Académie
Royale des Belles Lettres , Sciences es
Arts de Bordeaux.
L
-
'Académie assemblée le 8 Septembre 1733
presens , MESSIEURS , &c. Après qu'il a été
verifié , que le véritable Auteur de la Dissertation
sur la Circulation de la Séve dans les Plantes,
Couronnée et imprimée sous le nom de M. DI
LA BAISSE , a déja remporté trois Prix en différentes
années. Vû la délibération du 29 Avril
1717, par laquelle il est statué , qu'un même Auteur
nepourra obtenir que trois Frix ; et que M. le
Secretaire sera chargé de prier ceux qui se trouve-
`ront dans le cas , de ne plus travailler pour le concours.
M.le Secretaire ayant dit qu'il avoit averti
l'Auteur ci-dessus, lorsqu'il eut remporté le troisiéme
prix , dans la même forme que le fut M.D
MAIRAN , en 1717. L'Académie a délibéré que
la Médaille d'Or , décernée à l'Auteur de la Dissertation
sur la Circulation de la Séve dans les
Plantes , demeurera réservée pour un deuxième
Prix , à distribuer le 25 Août 1734.
Ce nouveau Prix réservé est destiné à celui qui
ex2228
MERCURE DE FRANCE
expliquera avec le plus de probabilité , la dureté
, la molesse , et la fluidité des Corps.
Les Dissertations pourront être en François
ou en Latin ; elles ne seront reçues pour le concours
, que jusqu'au premier May prochain , inclusivement.
Au bas des Dissertations il y aura une Sentence
, et l'Auteur mettra dans un Billet séparé et
cacheté la même Sentence , avec son nom, ses qualitez
et sa demeure, d'une façon qui ne puisse pas
former d'équivoque .
Les Paquets seront affranchis de Port , et addres
sez à M. Sarrau , Secretaire de l'Académie , rnë
de Gourgus ; ou au sieur Brun , Imprimeur de l'Académie
, rue S. James . Signé , SARRAU , Secretaire
de l'Académie Royale de Bordeaux.
y
On écrit de Lisbonne , de la fin du mois dernier
, que dans la derniere Assemblée publique,
qu'a tenue l'Académi : Royale de l'Histoire , et
laquelle Don François Xavier de Menezez
Comte d'Ericeira , prêsida en qualité de Directeur
, Don Nuno de Siva-Teiles , qui est chargé
d'écrire les Mémoires du Diocèse de Porto
lut la vie d'un Evêque de ce Diocèse , et Don
Martin de Mendoca de Pina , Bibliothecaire du
Roy , lut une Dissertation sur l'ancienneté et
l'usage de certaines Tables de Pierres , taillées en
quadrangulaire , qu'on a trouvées en quelques
endroits du Royaume de Portugal , et dont on
se servoir , selon lui , pour brûler les Victimes
dans les Sacrifices , pendant les premiers siècles.
Les Curieux vont voir , avec satisfaction , un
Tableau nouvellement peint par le Sr J. du Mons
Le Romain , de l'Académie Royale de Peinture et
Sculp
OCTOBR E. 1733. 2229
Sculpture, de 11 pieds de haut sur 8 de large; les Figures
ayant 6 pieds de proportion . Il est placé
dans le Choeur de l'Eglise des Chartreux , en entrant
à droite , et represente la vocation de Simon-
Pierre et d'André son frere , selon l'Evan.
gile de S. Matt. ch. 4. v. 18. Le Peintre a pris le
moment que S. Pierre et S. André se donnent à
Jesus Christ ; et pour suivre l'Evangile plus à la
Lettre , il a fait sur son second Plan une Barque,
dans laquelle on voit S. Jacques et S. Jean , avec
Zébédée leur pere, qui racommodent leurs filets.
Il à ingénieusement enrichi l'ordonnance de ces
six Personnages, qui sont de son sujet , d'un Groupe
, composé de deux hommes , d'une femme et
d'une petite fille , qui rendent sa composition
extrémement agréable , quoique fort simple.
11 paroît depuis peu en Estampe , le Portrait
d'un homme celebre dans sa profession , gravé
par le Sr J. Daullé : Buste en hauteur avec une
main , d'après le Tableau original de feu M. de
Troy ; on lit ces Vers au bas.
EURIPIDE et SOPHOCLE en France ,
Avoient l'un et l'autre un Rival ;
Sans BARON ,dont ici , l'on voit la ressemblance,
Roscius restoit sans égal.
On vend ce Portrait , ruë de Gèvres, chez Limosin.
On vient de mettre au jour deux Estampes ,
nouvellement gravées d'après les Tableaux de
feu Antoine Watteau , dont les sujets et composítions
sont tres -agréables ; L'une a pour titre ;
La Conversation ; Pautre , Récréation Italienne ;
CCS
2230 MERCURE DE FRANCE
ces deux Estampes sont des mieux gravées , par
les Srs Lioter et Aveline ; elles se vendent dans la
rue S , Jacque , chez la veuve Chereau , aux deux
Pilliers d'or , et chez Surugues, Graveur du Roy,
rue des Noyers.
On trouve aussi chez les mêmes , toutes les
Estampes gravées , précédemment d'après les
Tableaux de ce charmant Peintre.
On nous prie d'avertir que les sieurs Gersaint
et Jourdan, Marchands, arrivez depuis peu d'Hol
lande , mettront en vente , au plus offrant , le 16.
Novembre , quantité d'excellens Desseins et d'Es
tampes des plus grands Maîtres , comme de Raphael
, Parmesan , Vieux Palme , Tintoret , Carache
, & c . de Rubens , Vandek , Rimbram, Miris
, Teniers Vauoremans , Berghem , Breugles ,
Ostade , Braur, &c. Poussin , le Brun , Le Sueur,
Vandremeulle , &c. Pour la commodité des Curieux
, on vendra séparément les Morceaux capitaux
, tant en Desseins qu'en Estainpes. On.
distribue des Catalogues chez lesdits Marchands ,
Pont Notre- Dame et Quay de Gévres.
On a imprimé depuis peu à Roterdam , le Catalogue
des Tableaux du fameux Cabinet de feu
M: Corneille Witter , Seigneur de Valkenbourg,
Originaux des plus excellens Peintres Italiens
François , Allenans et Flamands , qu'on ven tra
publiquement au commencement du mois prochain
, à Roterdam , dans la maison du defunt.
Il y en a de Paul Véronèse , Annibal Carrachè ,
Poussin , Rubens , Vandek , Paul Bril , Gérard
Daw , Miris , Rottenhamer , Ph. Wouverman ,
Corn. Polembourg , Nic. Van Berghem , & c. ""
Le Sr le Maire , Maître de Musique à Paris ,
1
vient
OCTOBRE. 223f 1733.
vient de donner au public six nouvelles Cantaril
les , imprimées, qui sont l'Aurore, la Bergere ima
patiante , Acis , Hebé , le Sommeil de Climene , cr
PAmante persuadée.
Il y en a dix autres , du même Auteur , qui
forment le premier volume , intitulées : Le Sa
crifice d'Amour , Endimion , la Constance , Ariane,
Iris , Bouquet , Borée , le Printemps , l'Eté,
l'Automne et Hyver .Ces différens Ouvrages sont
actuellement en vente , chez Ballard , au Mont-
Parnasse ; chez l'Auteur , rue de la Bouclerie
Boivin , ruës . Honoré , et le Clerc , ruë du Roule.
24
Le prix de chacun est de sols.Les 12 derniers
Saluts , qui contiennent 36 Motets , avec Simphonie
et sans S.mphonie , chantez au Concert
des Tuilleries , sont actuellement sous Preset
se vendrout aux memes adresses , 30 sols.
se
>
On a établi depuis peu à Nismes une Académie
de Musique ; et dans quelle Ville n'en a- ton
pas établi ; vû le goût general et ardent qu'on
a aujourd'hui pour la Musique? Il y a lieu même
de s'étonner que cette Ville , pleine d'agrémens
,d'ailleurs ait tardé si long-temps à se pro-!
Curer presque le seul qui lui manquoit. Au reste
cette Académie réussit fort bien , et l'on donne
avis aux Musiciens , Musiciennes , et Joueurs
d'Instrumens , qu'ils y seront fort bien reçus et
récompensez selon leurs talens et leur capacité.
Papillon , Graveur en Bois, et de la Société des
Arts , demeurant à Paris, au milieu du Pont S.Michel
, au Papillon , donne avis que son petit Almanach
de Paris , pour l'année 1734. sera parfait
de toutes les grandes Planches des mois , et
augmenté des Antiquitez de Paris , des noms des
Dieux
1232 MERCURE DE FRANCE
Dieux et Héros , et de plusieurs choses curieuses
dans la Géographie et dans l'Histoire universelle.
Le Traité Historique et Pratique de la Gravure
en Bois , de sa composition , est achevé.
Comme plusieurs personnes s'y interessent, l'on
ne manquera pas lorsqu'il sera sous presse, d'en
donner avis .
On donne avis que le véritable Suc de Réglise"
et Guimauve blanc, si estimé pour toutes les maladies
du Poulmon, Inflammations , Enroüemens ,
Toux , Rhume , Pituite , Asthme , Poulmonie ,
&c. continue à se débiter depuis plus de 30 ans,
de l'aveu et approbation de M. Chicoysneau ,
Premier Medecin du Roy , chez Mad. Desmoulins
, qui est seule qui en a le secret de feu Mile
Guy ; quoique depuis quelques années des particuliers
ayent voulu le contrefaire. La différence
s'en connoîtra aisément par la comparaison
qu'on en pourra faire. On peut s'en servir
en tout tems , le transporter par tout et le garder
si long-temps que l'on voudra , sans jamais
se gâter ni rien perdre de sa qualité.
La Dame Desmoulins demeure ruë Guénégaud,
Fauxbourg S. Germain , du côté de la ruë Mazarine
, chez M. Toulin , Aubergiste,
XXXXXXXXXXXXXXXXXXX*
CHANSON.
Une rencontre , Ami , nous méne au Cabaret
;
Thomas , descends vite à la cave ;
Tire-nous de ce vin clairet ,
Qui sçait bannir toute humeur grave.
Des
1232
MERCURE DE FRANCE
Dieux et Héros , et de plusieurs choses curicu
ans la Cham
illon
2221 nou
Duo. Air de Mr Gu
17
par
YORK PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONE
.
Qui sçait bannir toute humeur grave.
1
Des
OCTOBRE . 1733 22
Des plus joyeux propos égayons nos discours:
Gélébrons de Bacchus , et les dons et la gloire,
Si nous parlons de nos amours ,
Que ce plaisir cede toujours ,
Au plaisir que l'on trouve à boire.
"
SPECTACLE S.
L
' Académie Royale de Musique donna
le premier Octobre la premiere
Représentation de la Tragédie nouvelle ,
intitulée : Hippolyte et Aricie. Le Poëme
est de M.le Chevalier Pellegrin , et la Musique
de M. Rameau. Le premier est déja
connu par plusieurs Ouvrages applaudis ;
et le second vient de faire voir par son
coup d'essai , dans ce genre de Musique,
qu'il peut égaler les plus grands Maîtres.
L'accueil favorable que le public a fait à
cet Opéra en fait esperer de nombreuses
Représentations : En voici l'Extrait.
L'Auteur du Poëme déclare dans sa Préface
que c'est
pour
authoriser
le caractere
qu'il
donne
à Diane
dans
la Piéce
, qu'il
a
fait
son
Prologue
. Hygin
lui en a fourni
la Fable
. Le Théatre
représente
la Forêt
d'Erymanthe
, si fameuse
par
un des trayaux
d'Hercule
. Diane
le fait
connoître
F par
1234 MERCURE DE FRANCE
par ces Vers , qu'elle addresse à ses Nym
phes et aux habitans des Bois.
Vous êtes dans ces mêmes lieux ,
Où sur un monstre furieux ,
Vn fils de Jupiter , remporta la victoire ;
Mais un monstre plus fier le soumit à son tour g
Du plus grand des Héros vous surpassez l
gloire ,
Quand vous triomphez de l'Amour.
L'Amour ne peut souffrir que Diane
le bannisse de ses Forêts ; il vient lui demander
raison de cet outrage ; Diane invoque
Jupiter son Pere,et le prie de con-
Armer le don qu'il lui a fait de l'Empire
des Forêts ; Jupiter descend au bruit du
tonnerre,et annonce à Diane que le Destin
ordonne que l'Amour regne par tout,
avec cette restriction , qu'il n'exercera sa
puissance sur les sujets de Diane qu'un
seul jour de l'année ; il ajoute que ce jour
doit être éclairé par le flambeau de l'Hymen.
Diane obéit aux Loix du Destin ;
elle ne veut pas pourtant être témoin
d'une Fête si favorable à l'Amour ; elle
annonce le sujet de la Tragédie , par ces
Vers :
Hippolyte , Aricie , exposés à périr ,
Ne fondent que sur moi leur derniere esperances
conOCTOBRE.
1733. 2235
Contre une injuste violence ,
C'est à moi de les secourir.
L'Amour entreprend de consoler les
sujets de Diane de l'absence de leur Souveraine
, par les plus doux plaisirs. Il ap
pelle par ces Vers ,les Jeux et les Amours.
Regnez , aimables jeux , regnez dans ces Forêts,
Qu'à mes voeux empressez votre zêle réponde :
Si vous, tendres Amours , faites voler ces traits ,
D'où dépend le bonheur du monde.
Cet ordre produit une Fête aussi affec
tueuse que brillante : Le Prologue finit
par ces quatre Vers , conformes aux vofontez
suprêmes du Destin; c'est l'Amour
qui parle
Par de nouveaux plaisirs , couronnons ce grand
jour ,
Au Temple de l'Hymen il faut que je vous guide
,
Qu'à cette heureuse Fête , avec lui je préside;
Que son flambeau s'allume aux flammes de l'A }
mour.
Le Théatre représente au premier Acte
de la Tragédie , un Temple consacré à
Diane.
Aricie,Princesse du Sang des Pallantides ,
expose sa situation par ce Monologue.
Fij Tem2236
MERCURE DE FRANCE
> Temple sacré , séjour tranquille
Où Diane aujourd'hui doit recevoir mes voeux
A mon coeur agité daigne servir d'azile ,
Contre un amour trop malheureux ¿
Et toi , dont malgré moi , je rappelle l'image ,
Sher Prince , si mes voeux ne te sont pas offerts;
Du moins j'en apporte l'hommage
A la Déesse que tu sers,
Temple sacré , & c,
Hyppolite vient assûrer Aricie de l'in
dignation que lui inspire la violence que
Phédre lui fait par l'ordre que Thesée son
Pere lui en a donné à son départ de Tréséne
; il déplore son sort d'une maniere
qui le fait soupçonner d'être Amant ;
Voici comment il le fait connoître.
Dans un Pere irrité , confondez -vous son Fils
Et comptez- vous mon coeur entre vos ennemis
& c.
Je pourrois vous hair quelle injustice extreme
!
Je sens pour vous une pitié ,
Aussi tendre que l'amour même."
: Cette déclaration a paru bien ménagée
de part et d'autre.
Les Prêtresses de Diane forment la Fêe
de ce premier Acte,
Phodre
OCTOBRE.´´ 1733.´´ £ 237ì
Phedre vient ensuite féliciter Aricie
sur la gloire qu'elle va acquerir en s'unissant
aux Immortels , par les voeux
qu'elle doit offrir à Diane. Aricie fait entendre
que ces voeux n'étant pas libres
ils ne sont pas dignes des Dieux ; les Prêtresses
de Diane se rangent de son parti,
Phédre fait sonner la Trompette pour
punir leur désobéïssance ; les Prêtresses
invoquent les Dieux pour la punir ellemême
de la violence qu'elle veut leur
faire. Diane descend au bruit du Tonnerre
, comme fille de Jupiter ; ce qu'elle
fait connoître par ces Vers , addressez à
ses Prêtresses :
售
Vous voyez Jupiter se déclarer mon Pere;
Sa foudre vole devant moy.
La Déesse après avoir rassuré ses Prêtresses
, menace Phedre de la vangeance
des Dieux , et prend Hippolyte et Aricie
sous sa protection . Elle remonte dans le
ciel. Les Prêtresses rentrent dans le Temple
; Hippolyte emmene Aricie. Phédre
abandonne à ses transports jaloux, qu'el¬
le fait connoître par ces Vers :
Que voi -je ? contre moi tous les Dieux soat
armez !
Ma Rivale me brave! Elle suit Hippolyte !
Fiij
Ah !
2238 MERCURE DE FRANCE
Ah ! plus je voi leurs coeurs, l'un pour l'aptres
enflammez *
Plus mon jaloux transport s'irrite ,
Que rien n'échappe à ma fureur , &c.
Arcas vient annoncer que Thésée es
descendu dans les Enfers : Il s'exprime
ainsi :
La terre sous ses pas ouverte .'
A favorisé ses efforts ;
Et d'affreux heurlemens , sortis des sombre
bords ,
Du plus grand des Mortels , m'ont confirmé la
perte
J
Anone fait entendre à Phédre qu'elle
peut aimer sans crime , et concevoir de
l'espérance, en offrant son Thrône à Hippolyte,
Phédre se livre à un espoir si flatteur.
Au II Acte, le Théatre représente l'entrée
des Enfers. Thésée tourmenté par
une Furie , expose ce qui s'est passé par
çes Vers :
Dieux! n'est- ce pas assez des maux que j'ai souf
ferts ?
J'ai vuPirythous déchiré par Cerbere ;
J'ai vu ce Monstre affreux , trancher des jours
si chers ,
Sans daigner dans mon sang, assouvir sa coferes
J'enOCTOBRE
17388 · 1239
J'attendois la mort sans effroi ,
Et la mort fuyoit loin de moi.
La Furie conduit Thésée au pied du
Thrône de Pluton : Thésée dit à ce Me
narque des Enfers :
Inéxorable Roy de l'Empire infernal ',
Digne Frere , et digne Rival ,
Du Dieu qui lance le tonnerre ,
Est-ce donc pour vanger tant de Monstres di
vers ,
Dont ce bras a purgé la Terre ,
Que l'on me livre en proye aux Monstres des
Enfers
Pluton
Si tes Exploits sont grands , voy quelle en est la
gloire ,
Ton nom sur les trépas remporte la victoire ;
Comme nous il est immortel ;
Mais , d'une égale main , puisqu'il faut qu'on
dispense ,
Et la peine et la récompense ;´
J'attends plus de Pluton qu'un tourment érernel.
Pluton reproche à Thésée le coupable
projet qu'il a formé avec Pirythoüs d'enlever
Proserpine. Thésée se justifie autant
qu'il lui est possible . Pluton le renvoie au
Tribunal des trois Juges des Enfers.Cette
Filij Scene
246 MERCURE DE FRANCE
Scene est sans contredit la plus belle de
la Tragédie , tant du côté du Poëte que
de celui du Musicien.
Pluton invite toutes les Divinitez infer
nales à le vanger. Thésée revient , suivi
de la Furie vangeresse ; ne pouvant revoir
que par le secours de la mort. Il
l'implore ; les Parques lui parlent ainsi ;
son ami
Du Destin le vouloir suprême ,
Amis entre nos mains la trame de tes jours ;
Mais le fatal Ciseau n'en peut trancher le cours
Qu'au redoutable instant , qu'il a marqué lui
même.
i..
Thésée ne pouvant obtenir la mort ,
implore Neptune son Pere , et lui deman
de l'exécution du serment qu'il a fait de
l'exaucer trois fois : Neptune lui ayant
ouvert la route des Enfers , il le prie de
l'en retirer. Mercure vient de la part du
Dieu des Mers ; il obtient le retour de
Thésée sur la terre , mais avant qu'il´en
sorte , il ordonne aux Parques de lui réveler
le sort que l'avenir lui garde. Ces
trois Déesses lui parlent ainsi .
Quelle soudaine horreur ton destin nous ins
pire !
Où cours-tu, malheureux Tremble, frémi d'ef
froi ;
Tu sors de l'infernal empire ,
Pou
OCTOBRE . 1733. 2241
Pour trouver les Enfers chez toi.
Ce Oracle remplit Thésée d'effroi au
Sujet de Phédre et d'Hippolyte ; qui sono
ce qu'il a de plus cher chez lui. Mercure
lui ouvre le chemin , pour remonter sur
la terre. Thésée dit en partant :
Ciel ! cachons mon retour, et trompons tous les
yeux.
Ce projet de se cacher à tout le mon
de, prépare le coup de Théatre qu'on doit
voir dans l'Acte suivant.
Le Théatre représente au III.Acte, une
partie du Palais de Thésée , sur le rivage
de la Mer.
Phedre prie Venus de lui être favorable.
Enone vient lui dire qu'Hippolyte
qu'elle a mandé , va se rendre auprès
d'elle . 漏
Hippolyte dit à Ph'dre que ce n'est
que pour obéir à ses ordres qu'il vient lui
montrer encore un objet odieux . Phédre
lui fait entendre qu'elle ne l'a jamais haï
qu'en apparence : Hippolyte se flatte de
ne l'avoir plus pour ennemie , et lui pro
met en récompense de tenir lieu de Pere à
son fils : Phédre trompée par le sens équivoque
de cette promesse , lui dit tendrement
&
Fv Hip
$ 242 MERCURE DE FRANCE
Vous pouviez jusques - là vous attendrir poun
y moi !
C'en est trop , et le Thrône , et le Fils er
Mere ,
Je range tout sous votre Loy.
Hippolyte lui répond qu'il borne toute
son ambition à regner sur le coeur d'Aricie.
Phédre détrompée par ces mots , ne
peut plus se contenir ; elle jure la mòrt
de sa Rivale. Au nom de Rivale, Hippolyte
saisi d'horreur s'écrie :
Terribles Ennemis des perfides humains ;
Dieux , si promts autrefois à les réduire en po
dre ,
Qu'attendez- vous ? Lancez la foudre
Qui la retient entre vos mains ?
Phédre au désespoir , lui dit :
Ah ! cesse par tes voeux d'allumer le tonnerre ;
Eclatte ; éveille-toi ; sors d'un honteux repos §
Rends toi digne Fils d'un Héros ,
Qui de Monstres sans nombre, a délivré la terres
El n'en est échappé qu'un seul à sa fureur ;
Frappe ; ce Monstre est dans mon coeur.
Phédre ne pouvant obtenir la mort
qu'elle demande à Hippolyte, se jette sur
son Epée , Hippolyte la lui arrache,Thé
séc
OCTOBRE. 1733. 2243
sée arrive et trouve son Fils l'Epée à la
main contre sa femme; il se rappelle aussi-
tôt la prédiction des Parques , ce qu'il
fait connoître par ces mots :
O'trop fatal oracle !
Je trouve les malheurs que m'a prédits l'Enfer.
Il interroge Phédre, qui le quitte après
lui avoir dit :
L'Amour est outrage ;
Que l'Amour soit vange
Hippolyte interrogé à son tour , n'ose
lui révéler sa honte , et lui demande un
exil éternel. Thésée ordonne à Enone de
ne lui rien cacher. Enone pour sauver
les jours et la gloire de la Reine , parle
ainsi à Thésée :
Un désespoir affreux ; ..... pouvez - vous l'ígnorer
Vous n'en avez été qu'un témoin trop fidelle
Je n'ose accuser votre Fils ...
Mais la Reine ... Seigneur , ce fer armé contre
elle ;
Ne vous en a que trop appris , &c.-
Un amour funeste , &c,-
Thésée n'en veut pas sçavoir davanta
ge ; livré à son désespoir , il invoque
B vj
Neptu
2244 MERCURE DE FRANCE
Neptune et lui demande la mort d'Hippolyte
; une Troupe de Matelots qui
viennent rendre graces à Neptune du retour
de leur Roy , obligent Thésée de se
retirer, et forment le Divertissement qui
finit ce troisiéme Acte.
Au IV Acte le Théatre représente un
Bois consacré à Diane.
,
Hippolyte expose dans un Monologue
ce qui s'est passé dans l'entr'Acte , c'està-
dire , l'exil où son Pere l'a condamné.
Aricie vient se plaindre à Hippolyte
du sort qui va les separer ; Hippolyte ,
pour excuser Thésée , lui dit qu'il a demandé
lui- même cet exil , qu'elle impute
à la rigueur de son Pere. Aricie lui
répond :
Votre exil me donne la mort ,
Et c'est vous seul , ingrat , qu'il faut que j'es
accuse !
Quel soupçon ? ... Dieux puissans , faites que
je m'abuse.
Hippolyte pour se justifier de l'incons
tance dont elle l'accuse , lui fait entendre
qu'une raison secrette lui a fait demander
cet exil dont elle se plaint ; il la prie
de ne lui en pas demander davantage ; cependant
quelques mots qui lui échappent
, quoique ménagez avec art , lui em
disent
OCTOBR E. 1733. 2245*
disent assez pour lui faire pénétrer cet
odieux mystere ; il l'invite à le suivre
dans son exil en qualité d'Epouse ; elle
consent à lui donner sa foy ; ils prient
Diane de vouloir bien former leur nouvelle
chaîne. Un bruit de Cors leur annonce
l'arrivée d'une Troupe de Chasseurs
et de Chasseresses ; ils conviennent
ensemble de les prendre pour témoins
de leurs sacrez sermens ; cependant ils ne
veulent point troubler des jeux qui sont
chers à Diane leur Protectrice : Ces Chasseurs
forment une Fête qui a paru des
plus brillantes. La Fête est interrompue
par une tempête; la Mer en courroux jette
sur le rivage un Monstre furieux. Hippolyte
va le combattre ; le Monstre blessé
vomit du feu et de la fumée , & c. Tout
étant dissipé , Arice éperduë de ne voir
plus ni Hippolyte ni le Monstre tombe
évanouie ; les Chasseurs trompés par la
disparition d'Hippolyte le croient mort
ils déplorent son sort. Phedre appellée
par leurs cris , arrive ; elle leur demande
la cause de leurs plaintes ; ils lui annoncent
la mort d'Hippolyte , par ces deux
Vers :
pa
Un Monstre furieux , sorti du sein des Flots ;
: Vient de nous ravir ce Héros.
Phedre
2246 MERCURE DE FRANCE
Phédre s'accuse elle-même d'une mort
qu'elle impute à son imposture ; agitéo
de remords , elle croit entendre le tonnerre
, voir trembler la terre , et les Enfers
s'ouvrir sous ses pas ; elle finit l’Acte
par ces Vres :
›
>
"
Dieux cruels , vangeurs implacables
Suspendez un courroux qui me glace d'effroi ş
Ah ! si vous êtes équitables ,
Ne tonnez pas encor sur moi ;
La gloire d'un Héros que l'imposture opprime &
Vous demande un juste secours ;
Laissez-moi révéler à l'Auteur de ses jours ,
Et son innocence , er mon crime.
Au VeActe , le Théatre ne change qu'à
la troisiéme Scene. Les deux premieres
Scenes sont employées à apprendre aux
Spectateurs que Phédre est morte aux
yeux de Thesée , après avoir justifié Hippolyte
, comme elle l'a promis à la fin de
PActe précédent. Ce malheureux Pere
veut se précipiter dans la Mer : Neptune
Pen empêche et lui apprend que son Fils
a été sauvé par Diane. Il lui annonce que
le Destin dans le temps qu'il alloit servir
son aveugle colere , à daigné l'affranchir
de son serment. Il ajoute que ce Maître
des Dieux a ordonné en même temps
qu'un
1
1
OCTOBRE 1733. 2247
qu'un Pere si injuste soit privé pour jas
mais de la vuë d'un Fils si vertueux.
1
On a retranché ces deux premieres
Scenes qui produisoient quelque irrégula
rité contre l'unité de lieu , par le chan
gement de Scene dans le même Acte.
L'Auteur avoit prévenu l'objection dans
sa Préface; mais le Public ne s'y étant pas
prêté , il n'a pas balancé à le satisfaire.
L'Acte commence présentement par
le changement de Lieuson voit un nuage
transporter Aricie dans la Forêt qui porte
son nom ; comme elle croit avoir vû
périr Hippolyte , elle se livre toute entiere
à sa douleur , qu'elle fait éclater par
un Monologue des plus touchans , tandis
qu'elle est ensevelie dans une profon
de tristesse ; une Troupe de Bergers et de
Bergeres invitent Diane à descendre des
Cieux. Au nom de Diane , Aricie , malgré
sa douleur mortelle, sent ranimer son
zele pour la Divinité , à qui elle s'est dévouée
dès sa plus tendre enfance.
La Déesse promet un nouveau Maître
aux Peuples , pour prix de leur zele ; elle
leur ordonne d'aller préparer les plus
beaux Jeux pour le recevoir ; elle arrête
Aricie prête à se retirer. Ala voix de
Diane , les Zéphirs amenent Hyppolyte
qu'elle leur a confié , après l'avoir sauvé
du
E248 MERCURE DE FRANCE
du Monstre ; ces tendres Amans passent
tout d'un coup de la plus mortelle dou
leur à la joye la plus vive. Diane leur
rend compte de tout ce qui s'est passé au
sujet de Thesée et de Phédre . Voici comme
elle s'explique :
Neptune alloit servir une aveugle vangeance ;
Quand le Destin , dont la puissance ,
Fait trembler les Enfers, et la Terre et les Cieux,
A daigné l'affranchir d'un serment odieux ;
Qui faisoit périr l'innocence .
Phédre , aux yeux de Thésée a terminé son sort,
Et t'a rendu ta gloire en se donnant la mort.
Les Peuples d'Aricie viennent célébrer
la fête du couronnement d'Hippolyte et
d'Aricie , par leurs Chants et par leurs
Danses.
On à trouvé la Musique de cet Opéra
un peu difficile à exécuter , mais par l'habileté
des Simphonistes et des autres Musicions
, la dificulté n'en a pas empêché
l'exécution . Les Principaux Acteurs , tant
chantans , que dansans ,s'y sont surpassez.
La DellePetitpas s'y est distinguée par un
ramage de Rossignol qu'on n'a jamais
porté si loin . Le Poëte n'a pas démenti ·
ses Ouvrages précedens ; et le Musicien a
forcé les plus séveres critiques à convenir
que
C
OCTOBRE. 1733. 2249
que dans son premier Ouvrage Lyrique .
li a donné une Musique mâle et harmonieuse
; d'un caractere neuf; nous
voudrions en rouvoir donner un Extrait,
comme nous faisons du Poëme , et faire
sentir ce qu'elle a de sçavant pour l'ex-.
pression dans les Airs caracterisez , les
Tableaux , les intentions heureuses et
soutenues, comme le Choeur et la Chasse
du 4 Acte ; l'Entrée des Amours au Prologue
; le Choeur et la Simphonie du To
nerre; la Gavotte parodiée que chante la
Delle Petitpas au ier Acte ; les Enfers du
2e Acte , l'Image effrayante de la Furie
avec Thesée et le Choeur,&c. Au 3me Ac
te , le Monologue de Thesée , son invocation
à Neptune , le Frémissement des
= Flots. Le Monologue de Phedre dâns
l'Acte suivant. Celui d'Aricie , dans le S
la Bergerie , & c.
On apprend de Rome qu'on y fit le 7
du mois dernier , l'ouverture du Théatre
de Viterbe, par la premiere Représentation
d'un Opera , intitulé : Il Siroe , qui
fut tres -applaudi .
Le z. de ce mois , les Comédiens François
donnerent la premiere Représentation de la
Fausse Antipatie , Comédie en Vers , en trois
Actes,avec un Prologue , Cette Piece est de M. de
la
4150 MERCURE DE FRANCE
la Chaussée. Le Public a beaucoup applaudi à cer
Ouvrage, qu'il trouve ingenieux , plein d'esprit er
très-bien écrit. Nous en parlerons plus au long.
Ils ont remis depuis peu une petite Comédie de
feu M. Dancourt , sous le titre du Tuteur, en um
Acte.
Les mêmes Comédiens ont aussi remis an
Théatre , La Comédie des Comédiens , et l'Amour
Charlatan, du même Auteur , qui furent goûtées
dans leur nouveauté en 1710. et qu'on revoit
avec plaisir . La Dile Dangeville y joue le
Rôle de l'Amour , avec les graces et la legereté
tout le monde lui connoît.
que
On va jouer incessamment sur le même Théatre
, le Badinage , Comédie nouvelle , dont nous
parlerons dans le prochain Mercure.
Vers déclamez à la Reine , par le sieur
Poisson , Comédien , que S. M. reçûz
avec bonié le 22. Septembre dernier.
LE Comique Poisson , qui partage la joye ,
Qu'à Votre Majesté , le juste Ciel envoye ,
Ose vous présenter ce Placet en petit.
Sa femme est sage et belle , à ce que chacun dit;
Daignez lamettre au rangdes Actrices bien nées
Pour celebrer le jour des Vertus couronnées.
Voici la Description de la Décoration dư
Temple du Gout , faite pour la Piece qui porte ce
titre , représentée sur le Théatre Italien.
Cette Décoration forme sur le devant un Plan
quarré , et le Sanctuaire où est l'Autel , un Plan
Octogone, toute l'ordonnance est un ordre com
posé
OCTOBRE. 17357 2259
posé. Les Colomnes feintes de Marbre verd, song
revét és jusques au- delà du tiers de la hauteur ,
de Palmiers et Lauriers alternativement , et les
autres de grandes Armures en Cartouche , dans
Jesquels sont gravés des Trophées d'Instrumene
de tous les Arts , Sur le devant , à la droite et à la
gauche du Théatre, sont placez Marot et la Fon
taine, ensuite Rabelais , et Momus, Moliere et Tha
tie. Cette Muse lui présente un Laurier. Vers le
Sanctuaire , on voit Racine et Corneille, couronnez
par Melpomene. Au côté opposé , sont les
trois Muses Françoises , Me de Villedieu, M. Des
Houlieres , et Me Dacier. Autour de l'Autel sout
représentez Anacreon, Virgile. Horace et Homere.
Toutes ces Figures sont peintes en Marbre blane
sur des piedestaux de Marbre de Sarrancolin.
NOUVELLES ETRANGERES.
POLOGNE.
MANIFESTE que les Etats de la
République de Pologne , assemblez en
Diette pour l'Election d'un Roy , one
publié à l'occasion de l'entrée des
Troupes Russiennes dans le Grand-
Duché de Lithuanie.
No
OUS , les Sénateurs Spirituels et Séculiers;
er toute la Noblesse de la Couronne de Polo-
Ene et du Grand-Duché de Lithuanie , voulant
derniser à jamais une Procedure aussi injuste , que
2262 MERCURE DE FRANCE
elle de l'entrée des Russiens , sçavoir faisons par la
Présente , a tous un chacun .
Nous avons toujours observé inviolablement es
saintement les Traitez d'Alliance et d'Amitié avec
les très - illustres Puissances voisines. Dans la derniere
Diette generale de Convocation , nous avons
non- seulement confirmé ces Traitez , mais nous y
avons donné , tant en notre nom , qu'au nom de
nos très - illustres Rois , les assurances les plus fortes
que nous entretiendrions religieusement et avecj oye
une amitié sincere avec lesdites Puissances .
Notre intention n'a jamais été de causer le moindre
préjudice à nos Voisins ; nous en prenons à témoin
le Grand-Dieu , notre Juge suprême : Nous
sommes assemblz ici au lieu ordinaire, entre Vvarsovie
et vola,selon l'ancienne pratique en usage depuis
le Regne du très- illustre Roy Sigismond Auguste ,
conformement aux Loix fondamentales et Constitutions
du Royaume et en vertu de nos Privileges et
des Pacta Conventa , faits avec nos très-illustres
Rois , afin d'y preceder d'un suffrage libre et una-
Aime , et de notre propre mouvement et volonté , à
l'Election d'un Roy , ainsi qu'il appartient à une
Nation libre , qui ne veut être contrainte ni dépendre
de qui que ce soit ; nous avons commencé pour
cet effet nos déliberations , en će qui regarde l'Election
et les affaires de notre Royaume, et nous l'avons
fait jusqu'à présent d'une maniere paisible , n'ayant
ni guerre ni aucun differend avec qui que ce soit, et
ne voulant pas nous méler des affaires étrangeres,
Mais comme nous avons appris que l'Armée de
la très-illustre Czarienne est entrée en Lithuanie es
qu'elle poursuit sa marche vers les Frontieres de
Pologne , dans le dessein d'opprimer , sous un pou
voir arbitraire notre libre Election , indépendante
de qui que ce soit; de violenter le premier et le plus
autheng
OCTOBRE. 17337 2253
Authentique de nos droits , qui est celui de l'Election;
de violer les Pacta et les Traitez conclus cy -devant
et en particulier celui du Pruth , de maîtriser notre
Patrie exempte de tout reproche , d'y faire couler des
ruisseaux de sang et de soüiller notre Pais d'un sang
innocent ; nous ne pouvons plus nous retenir ni nous
empêcher de manifester devant Dieu , les Puissances
voisines et le Monde entier , les injustices et les
violences qu'on commet envers nous , au moyen d'u
ne procedure aussi illégale que celle de l'entrée desdites
Troupes Czariennes dans ce Royaume , sans
que nous y ayons donné le moindre sujet , et qui no
rend qu'a ravager notre Pays par des attentats injustes
, et à opprimer les droits incontestables d'une
ibre Election , acquis par nos Ancêtres au prix de
feur sang et reconnus de tout temps par les Puissances
voisines,
- Nous nous adressons à tous les Potentats , et nous
Leur déclarons par la Présente , que notre intention
n'étant pas d'agir offensivement ( Dieu en est témoin )
nous avons résolu , selon le droit naturel , et permis
à un chacun pour sa propre deffense , de sacrifier notre
sang, nos vies et tout ce qui est en notre pouvoir
, à l'exemple de nos Ancêtres , pour le maintien
d'une Prérogative et d'un droit aussi précieux
que celui d'une libre Election , et d'appeller à notre
secours celui dont la vengeance poursuit les coupables
et dont la justice prend la defense des innocens
et les maintient dans leurs Droits , Libertez et Pré-
Kogatives : Ultima pro nobis vibrabit fulmina celum
, enfin le Ciel lancerases foudres en notre faveur.
par ··Comme nous avons appris , tant les Manifestes
des Moscovites, que par la voix publique , qu'il
se trouve quelques Membres de la République , tanı
de l'Ordre Ecclesiastique que de l'Ordre Séculier,
qui
254 MERCURE DE FRANCE
qui ont appellé lesdites Troupes étrangeres pour op➡
primer avec violence et à main armée la libre Elec
tion et troubler la tranquillité, tant interieure qu'exserieure
de la Patrie, la République les regarde com
me de veritables Monstres dégénérez de leur Race,
et une engeance de Vipere dénaturée et déchaînée
contre leur propre Mere ; Elle les desavoie et les
raye du Livre des vivans et de ceux qui sont éle
wex dans l'état de liberté , comme des gens indignes
de ce précieux gage ; elle les retranche et sépare du
Corps de la République comme des Membres pourris
et infectez du feu d'une rage infernale ; elle les déseste
comme des enfans illegitimes, qui n'appartienment
pas à l'héritage de leur commune Mere, parse
qu'ils ont osé lever leurs mains cruelles contre
elle. Elle les déclare ennemis de la Patrie , rebelles
infâmes et invindicabilia Capita , ainsi que tous
seux qui à l'avenir pourront les aller joindre , enwretenir
correspondance avec eux , ou qui les assisseront
directement ou indirectement , ces sortes de
gens étant véritablement des exnemis capitaux de
la Patrie, puisqu'ils ont entrepris d'y introduire des
Troupes ennemies et de l'inonder d'un Déluge da
sang et de larmes.
Les Etats de la République s'engagent de s'élever
Contre un tel ou tels , quelqu'en puisse être le
nombre ; de se saisir de leurs biens et de ceux de
Beurs Successeurs , pour les joindre au fisc , et s'em
servir ensuite pour dédommager ceux dont les biens
auront été ravagez par les Troupes étrangeres ,
introduites dans le Royaume d'une maniere så
impie.
La maison dans laquelle un tel ou tels ont habité,
sera razée, pour une marque éternelle de leur
trahison ; on ne leur accordera point d'Amnistie,
ils ne pourrons jamais être réhabilitez dans
Lesn
OCTOBRE. 1733. 2255
Teur précédente égalité ; leurs femmes même se
vont privées de leurs Privileges et prerogatives.
S'i arrive qu'un Evêque soit du nombre de tels
Sujets , il sera frustré de sa dignité , autorité et ac-
Sivité dans les Assemblées publiques , et les revenus
de ses biens seront mis en sequestre jusqu'à une dér
ision définitive à cet égard.
Il est expressément stipulé qu'aucun Evêque ni
Sénateur Séculier , ne pourra pendant ce temps de
rouble , sortir du Royaume ou envoyer quelqu'un
dans les Pays Etrangers , sous les peines portées cy
dessus contre les Rebelles , outre la confiscation de
ses biens et la perte de ses Charges , et ceux qui se
Prouveront actuellement hors du Royaume , seront
obligez d'y revenir sous les mêmes peines.
A cet effet , nous avons signé le présent Manifesta
dans tous ses points et clauses ; et si quelqu'un des
Evêques , Sénateurs , Ministres ou des Membres de
la Noblesse des deux Nations refusede le signerrfpa
reillement, il sera tenu , ipso facto , pour ennemi de
Ja Patrie. Fait au Camp Electoral , entre Vvar❤
sovie et Vvola, le 4. Septembre 1733.
L'Election faite à Warsovie le 12. Septembre
à 4. heures après midi , ayant été una
nime , comme nous l'avons déja dit , le Primar
fit la Proclamation en ces termes ; Comme il a
plu au Roy des Rois , que tous les suffrages soient
unanimes en faveur de Stanislas Leszczinski , je
le nommeRoy de Pologne et Grand- Duc de Lithua
mie et de toutes les Provinces qui dépendent de ce
Royaume : Tous les Assistans s'écrierent là-dessus
, Vive le Roy Stanislas Leszczinski,
D'abord après la Proclamation du Roy , on
mit le feu , suivant l'usage , au Kolo , qui avoir
sé construir pour la tenue de la Diette, et Sa
Majesté
2256 MERCURE DE FRANCE
Majesté ayant entendu dans l'Eglise de S. Jean
le Te Deum , chanté au bruit des acclamations du
Peuple , se rendit , accompagnée du Sénat et des
Nonces , au Château.
Le lendemain Le Roy donna audience aux Mr
nistres Etrangers , aux Grands - Officiers de la
Couronne et à tous les Sénateurs qui sont à
Warsovie.
Le Sénat s'assembla le même jour pour déli
berer sur le parti qu'on prendroit par rapport à
P'entrée des Troupes Moscovites en Lithuanie
et sur la conduite qu'il étoit à propos de tenir
l'égard des Palatins et des Gentilshommes qui
s'étoient retirez du Kolo. Il fut résolu sur le premier
article, que le Roy seroit autorisé par la République
à prendre toutes les mesures convenables
pour s'opposer aux entreprises des Puissan-
Ces voisines.
Pour ce qui regarde le Prince Wienovieski ,
Régimentaire de Lithuanie , et ceux qui l'ont
suivi dans sa retraite , il fut décidé qu'on leur
envoyeroit encore une députation , afin de tâcher
de les ramener. Cette nouvelle tentative n'a pas
cú plus de succès que les précédentes , et non
contens d'avoir refusé de recevoir les Députez
qu'on leur envoya à Praage , où ils étoient campez
, ils dresserent une espece de Manifeste , dans
lequel ils essayent , par de fausses allégations
de justifier leurs démarches.
Le 14 les Gardes de la Couronne prêterent
Serment entre les mains du Roy , et monterent
la Garde au Château , Enseignes déployées , avec
les cérémonies ordinaires. Douze des Grands-
Mousquetaires , monterent aussi la Garde dans
PAnti-Chambre du Roy.
Il s'est formé dans l'Armée de Lithuanie , une
confé-
1
OCTOBRE . 1733- 2257
confédération , dont M. Pocci a été fait Maréchal
, et le Prince Wienovieski , craignant d'être,
abandonné , fit rompre le Pont de la Vistule , et
décampa la nuit du 16. au 17. Septembre pout
se retirer à Wingrouf. On l'a poursuivi et l'on
a pris quelques Domestiques et les Equipages du
Palatin de Cracovie , qui ont été rendus sur le
champ par ordre du Roy.
Le bruit qui a couru que le Prince Wienovies .
ki , frere du Régimentaire de Lithuanie , s'étoit
joint à lui , est sans fondement ; il est allé dans
ses Terres,et n'a point suivi le parti des opposans,
On a reçû avis que la Cavalerie des Moscovites
étoit arrivée à Ticóczin sur le Naref, à
vingt -quatre milles de Warsovie.
Le Sénat et les Nonces , dans la derniere Assemblée
qu'ils ont tenue , ont nommé des Dépu
tez de chaque Palatinat , pour demeurer auprès
de la personne du Roy , et pour l'assister de
leurs conseils. Ils ont laissé à S. M. le soin de
donner les ordres nécessaires pour inhumer les
Corps de ses Prédécesseurs , et la liberté de fixer
le jour de son Couronnement , et ils ont reglé
que l'Armée de la Couronne seroit augmentée de
Cent Compagnies de Cavalerie , composées chacune
de cent hommes, et que S.M. pourroit, quand
elle le jugeroit à propos , publier les Universaux ,
afin de faire monter à cheval toute la Noblesse du
Royaume. A la fin de la Séance , le Primat et
M. Radziewski , Maréchal de la Diette d'Election
, congédierent les Nonces , et la Diette se
sépara.
Le 20. Septembre , le Roi accompagné du Priat
, des Sénateurs et des Nonces , se rendit à
'Eglise S. Jean ; et après avoir fait le Serment
ordinaire et juré d'observer les Pacta Conventa ,
258 MERCURE DE FRANCE
+
il reçût le Diptôme ou Acte d'Election , des mains,
de M. Radziewski , qui le harangua avec beau
soup d'éloquence , au nom de la Noblesse . M.
tint ensuite le Senatus-Consilium , en la maniere
accoûtumée.
Le même jour , le Comte de Poniatowski s'étant
démis volontairement de la Charge de Régimentaire
de la Couronne , le Roy donna certe
Charge au Comte Potocki , frere du Primat er
Palatin de Kiovie , qui expedia sur le champ des
ordres pour faire assembler l'Armée , et qui doiz
faire prendre les Armes à 3000, hommes de ses
Vassaux.
Les Opposans ont fait remettre depuis peu au
Sénat le Manifeste qu'ils ont dressé pour essayer
de se justifier , tant auprès des Etrangers , que de
leurs Compatriotes ; le Sénat ayant fait une ré◄
ponse à ce Manifeste , la leur a envoyée , et leur
a fait déclarer qu'on leur accordoit jusqu'au 22 .
pour se déterminer à reconnoître le Roy uranimement
et légitimement élu , et que si après ca
temps ils n'étoient point rentrez dans leur de
voir , on les poursuivroit à la rigueur , comma
rebelles au Souverain et traîtres à la Patrie .
Le Roy ayant reçû avis le 22 , qu'ils pess
voient dans leur opposition , assembla le Sénat,
où il fut résolu que S M. iroit dans le Palatine .
de Prusse , afin d'être plus à portée d'assemble.
es Troupes et d'entretenir la communication.
entre cette Ville et celle de Dantzick , S. M. et
*consequence de cette Déliberation , partit la nusuivante
pour se rendre à cette derniere Ville ,
coucha le 24. 2 Lowitz , chez le Primat , qui
ayant été averti que le parti des Opposans avo
formé le projet de l'enlever, a été obligé
prendre des mesures pour ne pas tomber, er
eurs mains,
1
OCTOBR E. 1733. 2259.
Le Marquis de Monti , Ambassadeur de Frane
, la plus grande partie des Ministres Etrangers,
et tous les Sénateurs , excepté le Palatin de Kio
vie , qui est resté pour commander les Troupes
que le Roy a laissées à Warsovie , ont suivi
5. M. Les Gardes de la Couronne ne l'ont point
accompagnée , et ils ont eu ordre d'aller joindre
un Corps de Cavalerie qu'on a envoyé près du
Convent de Belliani , et de s'y fortifier pour disputer
le passage de la Vistule à la Cavalerie da
General Lucci.
On a appris qu'un Détachement des Troupes
de la République ayant attaqué l'Infanterie Mos
covite au passage d'une Riviere , avoit tué unc
partie de ceux qui l'avoient déja passée et mis le
reste en fuite. Le Parti opposé a enlevé de l'autre
côté de la Vistule les Bagages de M. Maschalki
, Maréchal de la derniere Diette Generale
de Convocation.
Mo
On a appris de Dantzick, que le 19. Septem- ,
bre , le Magistrat de cette Ville fit annoncer au
Peuple , au son des Trompettes , l'avenement du
Roy Stanislas au Trône de Pologne , et que le
lendemain il fut chanté à cette occasion un Te
Deum dans les Eglises de cette Ville , au bruit
de toute l'Artillerie des Remparts.
Les Lettres de Warsovie du commencement
de ce mois, portent que le Comte Potoscki , Régimentaire
de la Couronne , est campé avec un
Corps de
hommes à Mariemont ,
à 15000. 14.
où on lui a envoyé 18. pieces de Canon , avec
une grande quantité de munitions de guerre.
Les Gardes de la Couronne , qui étoient destinées
à aller disputer le passage de la Vistule aux
Moscovites , ont reçu un contre-ordre , et elles
doivent se rendre incessamment au Camp de ce
General. Gij Од
2260 MERCURE DE FRANCE ¦
On a expedié les ordres nécessaires pour augmenter
l'Armée de 100. Compagnies de Cavales
rie , composées chacune de 10c . hommes , insi
qu'il a été reglé dans la derniere Assemblée que
le Sénat et les Nonces ont tenue avant la sépara →
tion de la Diette d'Election.
Le Roy arriva à Dantzick le 2. Octobre , ac-.
compagné du Comte Poniatowski et de plusieurs
Seigneurs ; il y a été suivi par le Primat ,
le Palatin de Massovie , les trois Princes Czartorinski
, les Palatins de Russie et de Mariembourg
, l'Evêque de Plocko , M. Tobianski ,
Grand-Chambellan de la Couronne , le Comte
de Danhoff , Grand- Chambelan de Lithuanie
M. Ossolenski , Grand - Trésorier de la Couronne
, M. Bielinski , Maréchal de la Cour , et un
grand nombre d'autres personnes de distinction.
Le Comte Sapieha , Grand- Enseigne de Lithua
nie , M. Oginski , Grand- Trésorier de ce Duché
, et plusieurs autres Sénateurs ou Gentilshommes
, qui étoient dans le Camp des Opposans
, ont abandonné ce parti , et ils ont écrit au
Roy , pour l'assurer de leur soumission et de
leur fidelité , et pour le supplier de leur pardonner
s'ils ont differé si long- temps à lui rendre
hommage. Le reste des Opposans s'est retiré dans .
la Ville de Bialla , et ils paroissent persister dans
le dessein de joindre l'Armée du Géneral Lucci.
On écrit de Dantzick , que la plus grande par
tie des Sénateurs et de la principale Noblesse ,
sont venus y joindre le Roy, qui a résolu d'y de
meurer jusqu'à- ce qu'il se puisse mettre à la tête
de l'Armée de la Couronne. On y fait apporter
de Cracovie la Couronne , le Sceptre , le Globe
et les autres marques de la dignité Royale , qui
doivent servir au Couronnement de S. M.
Le
OCTOBR E. 1733- 2261
Le Corps des Grands- Mousquetaires , que le
Roy avoit licentie , ayant fait témoigner à S. M
que tous ceux qui le composoient desiroient de
porter les armes pour son service , S. M. les a
retenus à sa solde, et le Comte Blendowski les
commandera.
Outre les cent Compagnies de Cavalerie dont
la République a ordonné que les Troupes seroient
augmentées , le Roy en a fair lever 40.
chacune aussi de 100 hommes , que S. M. doit
entretenir à ses dépens.. J
Selon les derniers avis reçus du Camp de Mariemart,
le Comte Potoscki , Régimentaire de la
Couronne , a député le Castellan de Trock er
M. Swaykowski , Chanoine de Cracovie , aux
Opposans , pour leur donner part de sa nouvelle
Dignité , et les exhorter à prévenir par une
prompte soumission les Actes d'hostiilté que sa
Charge et leur desobéissance . l'alloient forcer
commettre contre eux. On ajoûte qu'il a fair
prendre les armes , ainsi qu'il s'y est engagé , à
3000. de ses Vassaux , qui sont en marche pour
se rendre à son Camp.
On mande de Warsovie , que les Opposans
persistoient dans leur révolte , malgré la retraite
de plusieurs d'entre eux , et que le 5. Octobre , à
l'instigation du Prince Wienovicsk , Régimentaire
de Lithuanie , et du Prince Lubomirski , et
forcez par les Moscovites , ils avoient élû tumultueusement
l'Electeur de Saxe , qu'ils avoient
fait proclamer à la hâte par l'Evêque de Cracovie
, et à qui ils avoient dépêché le Staroste Linowski
, pour lui donner part de cette préten
duë Election.
Giij DAN
2262 MERCURE DE FRANCE
DANNEMARCK.
"Escadre Françoise , commandée par le Com
Armées Navales du Roy Très-Chrétien , étant
parti de Brest le 31. du mois d'Août , mouilla à
Elseneur le 15 Septembre à 7 heures du soir.
Le Comte de la Luzerne ayant appris que le
Prince Royal de Dannemark étoit dans ce Port,
envoya le Marquis d'Antin , pour complimenter
ce Prince , qui le reçur gracieusement..
Quelques Vaisseaux ayant été séparez de l'Es .
cadre par les vents contraires , le Comte de la
Luzerne détacha un Vaisseau pour aller les attendre
à Gottembourg et leur donner ordre de
de le venir joindre à Coppenhague , où il est ar
rivé depuis quelques jours , et tous les Vaisseaux
de l'Escadre l'ont rejoint.
Le Conquerant , monté par le Chevalier de
Luynes , et le Foulonze , moüillerent le 20. à 5.
heures du soir dans la Rade de cette Capitale.
Ces deux Vaisseaux essuyerent le 16. une tempête
violente ; le premier eut la barre de son Couvernail
rompue à un pied de la tête.
Le Comte de Plelo , Ambassadeur de France &
Coppenhague , est allé deux fois à bord du Vais.
seau du Comté de la Luzerne.
, -
Comme l'Escadre de la Czarine , qui avoit
paru dans la Mer Baltique , s'est retirée, le Com
1 te de la Luzerne se dispose à retourner en France
aussi-tôt que les Vaisseaux le Conquerans et le
Toulouze , seront en état de le suivre.
OCTOBRE. 1733.2263
ON
ALLEMAGNE.
N mande de Vienne , qu'on avoit envoyé
ordre à cinq Compagnies du Régiment de
Marcelli , Infanterie , de se rendre dans la Haute
Autriche , pour y faire cesser les desordres qu'y
commettent quelques Paysans , qui avoient de
mandé de sortir des Etats de l'Empereur , sous
prétexte qu'ils sont de la Religion Luthérienne .
et à qui l'on a refusé cette permission .
On a envoyé des Troupes en Hongrie , et dans
la Transylvanie , pour augmenter les Garnisons
des Places qui sont sur les Frontieres de la Pologne
, et les Gouverneurs d'Eperies , de Filleck
et de Swutzemberg , ont reçû ordre de faire gar
der exactement tous les passages par où les Po-
Jonois pourroient entrer de ce côté-là dans les
Pays de la domination Impériale.
Selon les dernieres Lettres du Duché de Meclbourg,
le Duc . Charles Léopold , persiste à ne
vouloir point ceder l'administration de ses Etats
au Duc Chrétien Louis , et ceux de ses Sujets qui
ont pris les armes pour maintenir son autorité .
loin d'être intimidez par l'approche de quelques
Troupes de l'Electorat d'Hanover , qui sont allées
joindre celles que la Commission Impériale
avoit déja envoyées pour les forcer de se soumettre
, les ont attaqué dans un défilé et leur
ont tué quelques Soldats. Le Décret que le Duc
Charles Léopod a fair publier , pour que ses Sujets
se missent en état de veiller à sa défense ,
porte que tous ceux qui sont en état de porter
les armes dans chaque lieu , ayent à se rendre à
Pendroit o la Milice de leur Territoire doit
s'assembler , qu'ils ayent soin de se pourvoir de
de pain et de vivres pour plusieurs jours , afin
Gij qu'on
1164 MERCURE DE FRANCE
qu'on ait le temps de donner les ordres nécessai
res pour subsistance , et que sur tout ils observent
une exacte discipline ou qu'ils s'abstiennent
de commettre aucuns excès , sous peine d'être
punis rigoureusement ; qu'ils marchent avec ton-.
te la diligence possible vers Schwerin , et que
par tout où ils rencontreront des Lunebourgeois,
ils courent sus et les traitent en ennemis .
On apprend de Vienne, que le Comte Maurice-
Antoine Solari de Breglio , Ministre Plénipotentiaire
du Roy de Sardaigne en cette Cour ,
ayant reçu ces jours derniers un Courier du Roy
son Maître , avec ordre de retourner à Turin
est parti sans prendre Audience de Sa Majesté
Impériale ni des Ministres.
Les 3600. hommes que le Comte de Schomborn
, Evêque et Prince de Bamberg er de
Wurtzbourg a fournis à l'Empereur , sont prêts
à se mettre en marche pour aller à Fribourg.
L
ITALIEM
Es . Cardinaux Lercari , Caraffe et Guadagni ,
que le Pape a nommez pour donner leur avis
sur la permission que l'Electeur Palatin a demandée
, d'établir une imposition sur les Ecclesiastiques
de ses Etats , afin de les faire contribuer
aux frais des réparations de quelques -unes
de ses Places , ont décidé que le Clergé de l'Electorat
payeroit cette contribution en forme de
don gratuit. Le Pape , en conféquence de cette.
déliberation , doit envoyer un Bref à l'Electeur
Palatin pour autoriser cette imposition où don
gratuit.
Les Cardinaux Davia , Georges Spinola , Spinola
de sainte Agnès , Falconien , Corsini , Gua
dagni , et Mosca , que le Pape avait nommez
pour
OCTOBRE. 1733. 2265
pour examiner de quelle maniere on pourroit
remedier aux abus ausquels les aziles , tant des
Eglises que des Palais des Ministres Etrangers ,
donnent lieu , ont reglé que l'azile des Eglises
pour les homicides , ne pourra durer que trois .
jours , après lequel temps il sera permis de se
saisir de leur personne et de les mettre entre les :
mains de la Justice. Le Cardinal Corsini a été
chargé d'écrire aux Ministres Etrangers qui résident
en cette Ville , pour les prier de ne pas
souffrir qu'aucune personne accusée de crimes ,
dont la punition importe à la sûreté publique ,
trouve le moyen en se retirant dans leurs Palais
d'éluder la juste rigueur des Loix.
Suivant le rapport des Capitaines des divers
Bâtimens arrivez à Venise depuis peu des Côtes
d'Afrique , Dgianum-Codja , Capitan- Pacha
de l'Empire Othoman , a escorté jusqu'à Alger
fes trois Vaisseaux de l'Escadre Algerienne , qui
étoient à la Rade de Mosconisy ; ce sont les
seuls qui ayent pû se sauver de la tempête qu'elle
essuya le premier du mois d'Avril dernier.
Dans le Consistoire du 28. du mois dernier ,
le Pape nomma Cardinaux , Jean- Baptiste Spino
la , Génois , Vice- Camerlingue , Gouverneur de
Rome , Protonotaire Apostolique , et Consulteur
du S. Office , et Marcel Pasteri , natif d'Ariano,
dans le Royaume de Naple , Archevêque de Nazianze
, Auditeur de Sa Sainteté , et Dataire de
la Pénitencerie ..
PAYS - BAS.
N écrit de Bruxelles , que M. de Joinville ,
charge des affaires du Roy de France au
près de l'Archiduchesse , Gouvernante des Pays-
Bas , déclara le 16. de ce mois au Comte
G.Y
d'Hare
2266 MERCURE DE FRANCE
d'Harrach , suivant l'ordre qu'il en avoit reçu ,
que S. M. T. C. ne regardant point l'Arzhiduchesse
comme ayant aucune part aux sujets que
l'Empereur lui a donné de faire la guerre ; ni les
Pays-Bas , quoique possedez par ce Prince , com
me sujets aux hostilitez , elle ne faisoit point à
l'égard de cette Princesse ni du Pays qu'elle gouverne
, la démarche de le rappeller , et il ajoûta
qu'il lui étoit seulement prescrit de se retirer,
lorsqu'on lui feroit connoître où qu'il s'appercevroit
que l'Archiduchesse n'auroit pas la liberté
de laisser subsister cette marque de l'estime et de
la consideration du Roy pour elle . On espere de
cette déclaration que ce Pays- là continuera de
jouir de la Paix..
GRANDE BRETAGNE.
N écrit de Londres , que sur la fin du mois -
dernier , un Cerf que Leurs Majestez chassoient
, étant entré dans un Champ, auquel on ne
pouvoit arriver que par un passage fort étroit,
le Proprietaire ferma ce passage avec une chaîne,
et: déclara qu'il ne souffriroit point que les
Chasseurs suivissent le Cerf , à moins qu'on ne
le dédommageât du dégât qu'ils feroient sur sa
terre ; quelques jeunes Seigneurs , qui étoient à
la suite du Roy , voulurent passer malgré l'oppofition
du Paysan , mais le Roy le leur déf
fendit , et fit donner plusieurs guinées à cet hommes
qui moyennant ce présent , consentit qu'on
ôtât cette chaîne..
Le Chevalier Ossorio , Envoyé extraordinaire
du Roy de Sardaigne , a ed depuis peu une Audience
particuliere du Roy , à qui il donna part
2
du Traité d'alliance conclu entre le Roy de Franca
et le Roy son Maître.
MORTS
OCTOBRE. 1733. 2167
339
MORTS DES PAYS ETRANGERS.
On Antoine de Sequeira d'Albuquerque ,
Dchanoite de l'Eglise Cathédrale de Guarda
en Portugal , y est mort dans la 103. année de
son âge , ayant po.sedé son Canonicat pendant
86. ans .
Le Cardinal Antoine Banchieri , Secretaire
d'Etat , mourut à Pistoye le 16. Septembre , âgé
de 70. ans , trois mois et 29. jours , étant né le
19. May 1667. Il avoit été créé Cardinal le 9.
May 1726. par le Pape Benoît XIII . mais sa
Fonition ne fut publique que le 30. Avril 1728.
1 avoit le titre de S. Nicolas in Carcere.”
****:***********
ARTICLE DE LA GUERRE.
L
E. 1s de ce mois , on distribua à l'Imprimerie
Royale , un imprimé , intitulé : Motifs
des Résolutions du Roy , dont voici la teneur.
LE ROY a donné depuis son avenement à la
Couronne , des preuves éclatantes de sa modération
et de son amour pour la Paix , peut- être
même pourroit-on lui imputer de les avoir portées
trop loin : Cependant il a préféré le repos et
la félicité de ses peuples , à la funeste ambition
d'étendre les Limites de son Empire. Mais la mo,"
dération a ses bornes comme les autres vertus , ét
l'Europe jouiroit encore d'une tranquillité profonde
, si lès Ennemis de la France n'avoient pas
G vj forcé
·
2263 MERCURE DE FRANCE
forcé Sa Majesté à prendre les armes pour def
fendre la dignité de sa Couronne , la gloire de
la Nation Françoise , l'honneur et la liberté de
la Pologne.
*
Depuis que le Thrône de Pologne a été va
cant , le Roy a constamment, respecté la liberte
Polonoise , il n'a rien cxigé d'un peuple libre , et
seul arbitre de son sort. La République elle- mê--
me a imploré son secours, elle a redoublé ses instances
, à mesure que ses allarmes croissoient ,
et qu'elle se voyoit environnée d'armées ennemies
; elle a cherché dans l'équité et dans les for,
ces de Sa Majesté , un azyle toujours ouvert aux
Puissances qui sont menacées d'être opprimées,
Le Roy, a l'exemple de ses Ancêtres , a assuré sa
protection à la Pologne , il l'a déclaré 1 à tous
fes Souverains, mais dans, les termes les plus mesurez
, et avec cette modération digne des grands .
Princes. Il a même , dès les premiers momens.
fait connoître à la Cour de Vienne ce qui pou
voit seul prévenir les troubles en Europe ; et tou--
tes les démarches qu'il a faites depuis , sont autant
de monumens illustres de son amour pour
le maintien de la tranquillité publique..
Une conduite aussi sage n'a pas empêché la
Cour de Vienne , d'éclater contre un Prince né
dans le sein de la Pologne , et attaché au Roy
par des liens aussi étroits. Cette Cour encoura
gée par tant de mesures antérieures , favorables
a ses projets particuliers, a prodigué pour répondre
2 à la déclaration de Sa Majesté , les termes
les plus offensans , et qui devroient être inconnus
entre Princes que leurs Sceptres rendent égaux.Le
Roy n'est point sorti des bornes que sa sagesse
1. Cette declaration est imprimée N. 1.
2.Cette réponse est imprimée N. a.
lui
OCTOBRE 135 2269
lui avoit prefcrites : Il ne s'est point pressé de
tirer la vengeance que demandoit une insulte qui
lui devenoit personnelle ; et si les préparatifs necessaires
ont annoncé son juste ressentiment , il
en a suspendu les effets jusqu'au moment où il
ne lui a plus été possible de conserver la paix
sans blesser la dignité de sa Couronne , et l'honneur
de son Sang..
Peut-on douter que l'interêt personnel de l'Empereur
n'ait décidé de sa conduite , et n'ait dé◄
terminé les engagemens qu'il avoit pris pour dis
poser d'une Couronne indépendante de l'Empi
re , et qui n'étoit pas même encore vacante ID
prétendoit exclure également le Roy. Stanislaa
par le seul motif de ses liaisons avec la Francel'Electeur
de Saxe , parce qu'il paroissoit alors
avoir des interêts opposez à ceux de la Maison
d'Autriche. La mort du Roy Auguste a donné
lieu à de nouveaux projets : Cet Electeur s'est
hâté d'entrer dans toutes les vûës de l'Empereur,
et dès- lors il a cessé de mériter l'exclusion que
çe Prince et la Czarine lui avoient donnée . Cette
exclusion a été levée ; l'on a promis par un nou
veau Traité , d'élever l'Electeur de Saxe sur le
Thrône de Pologne , et les Troupes ennemies se
sont rapprochées de la République , pour la forcer
à souscrire à ces arrangemens ..
Les Polonois ont crú necessaire à leur liberté ,
d'exclure tout Prince étranger de la Couronne
qui étoit vacante. Cette exclusion a été pronon
cée par la Dictte de convocation , et elle a para
si essentielle , qu'elle a été affermie par un serment
solemnel. La Cour de Vienne a voulu franchir
cette nouvelle Barriere ; il n'est rien qu'elle
n'ait tenté pour procurer l'absolution de ce ser
ment ; comme si les interêts , et les projets sans
bor2270
MERCURE DE FRANCE
bornes ; de la Maison d'Autriche , devoient dé
cider d'un engagement, consacré par la Religion.
L'Empereur a redoublé ses efforts ; il avoit annoncé:
Qu'il ne permettroit jamais que Scanis-
» las remontât sur le Throne , sous prétexee de
sa premiere Election , ou de quelqu'autre ma-
» niere que ce fut. Ses Ministres près de la République
ont agi dans une parfaite intelligence
avec ceux de Saxe et de Moscovie ; il ont même
fait trophée de leur union, ils l'ont publiée avec
éclat à Warsovie ; toutes leurs déclarations ont
été faites dans le même esprit , mêmes insultes
au Roy de Pologne , mêmes ordres à la Répu
blique ; les menaces , les intrigues , les supposi
tions les plus calomnieuses, la marche des Troupes
, tout a été concerté entr'eux , tout leur a été
commun. Les Ministres de Saxe et de Moscovie,
fors de l'Election , se sont retirez chez celui de
l'Empereur ; et afin qu'il ne restår plus aucun
doute de leur union , le Ministre de l'Empereur
s'est joint à celui de Moscovie , pour notifier pus
bliquement au Primat l'entrée des Moscovites en
Pologne , et pour montrer à la République as➡
semblée les Fers qu'on lui avoit préparez. 1
"
La Cour de Vienne a -t-elle pu penser en im
poser à l'Europe , et se flatter de dissiper l'oras
ge, en differant de faire entrer ses Troupes en Po
logne , lors même qu'elle détérminoit les Moscovites
à y faire une irruption ? Elle a esperé que
les armes des Moscovites suffiroient pour intimider
et asservir les Polonois et d'ailleurs les
Troupes Imperiales et Saxones'n'étoient- elles
pas toujours sur les Frontieres de la Pologne
prêtes à y entrer pour soutenir leur violence !
** Cette déclaration est imprimée Nutz& A
A
OCTOBR E. 1733. 2271
A tous ces traits , il est difficile de reconnof
tre l'aggresseur. Les Traitez, par lesquels l'Empereur
a voulu disposer en Maître absolu de la
Couronne de Pologne ; l'exclusion qu'il s'est ef-
' forcé de donner sans authorité et sans pouvoir,
à un Prince que ses vertus rendent digne du
Thrône ; les assurances données à l'Electeur de
Saxe, pour le récompenser de sa docilité; la marche
des Troupes Impériales , de concert avec
celles de Saxe et de Moscovie; l'hoftilité que les
Moscovites ont commise dans le temps même de :
l'Election , pour assûrer par la force des armes
l'execution des projets de l'Empereur; cette hostilité
approuvée , et même annoncée par son Mi--
nistre. Toute cette conduite sera à jamais un té---
moignage public que ce Prince est seul autheur
de la guerre ; qu'il a forcé le Roy à prendre les
armes , par l'outrage qu'il a voulu faire à S. M.
et par les violences exercées ou par lui , on de
-son aveu , contre la République de Pologne.
>
Si tous ces efforts ont été inutiles lors de l'E- -
lection , le Roy et le Royaume de Pologne en
sont uniquement redevables à celui à qui seul
appartient de disposer des Couronnes , et qui
tient en ses mains les coeurs des Peuples, comme
ceux des Rois. Le courage des Polonois les a af
franchis de la servitude dans laquelle la Cour
'de Vienne vouloit les précipiter ; mais le Roy
ne peut demander raison qu'à l'Empereur, de son
opposition au rétablissement du Roy de Pologne
, de ses déclarations injurieuses , répandues
dans toute l'Europe par les Ennemis qu'il a suscitez
à la France et à la Pologne qui ne désiroient
que la paix et la liberté , des conseils qu'il
a donnez à la Cour de Russie des esperances
dont il a flatté celle de Saxe ; enfin de tous less
efforts
»
2272 MERCURE DE FRANCE
1
afforts qu'il fait encore pour soûtenir ses premiers
projets.
Envain la Cour de Vienne espere de cacher ses
intrigues aux yeux de l'Europe. On retrouve par
tout ses conseils , ses principes , ses expressions
indécentes , ses desseins formez contre la liberté
Polonoise.
›
Le Prince respectable contre lequel l'Empereur
s'éleve , est le même en qui la plus grande partie
des Souverains de l'Europe , et nommément
P'Empereur Joseph avoient reconnu le sacré
caractere de la Rayauté . L'alliance que le Roy
Stanislas avoit contractée avec le Roy , a changé
les dispositions et le langage de la Cour de Vienne
: Ce Prince est devenu dèslors,selon l'expics
sion des Alliez , un Citoyen proscrit de sa
Patrie . Cette variation auroit de quoi surpren
dre , si l'on n'en voyoit pas le principe dans le
projet que l'Empereur a formé d'offenser S. M.
dans la personne d'un Prince qui lui est cher , er
de se rendre le dispenrateur des Couronnes.
La République de Pologne n'a point de pré-
10gative plus précieuse que celle de disposer de
son Throne , attribut éminent de sa liberté , et
pour la conservation duquel on l'a vu verser son
sang. L'Empereur a voulu y donner atteinte ; il
n'a pas craint de marquer et le Prince qu'il vou
Toit exclure , et celui qu'il vouloit porter sur le
Throne. Il a entrepris de prononcer sans autho
rité , sur ce qui s'étoit passé dans l'intérieur de
la République au sujet de la premiere Election du
Roy de Pologne , il a décidé en Legislateur sou
verain des Loix qui doivent subsister en Pologne,
et des fondemens de la liberté qu'il a voulu ren-.
verser. Le seul menagement qu'il a cû pour elle ,
a été de déguiser ses entreprises sous les appa
rences
OCTOBRE . 1733. 2273
rences d'une protection trompeuse , et sous le
voile d'un prétendu Traité que le tumulte des
armes enfanta avec précipitation , et que la Republique
rendue à elle- même n'a pas crû devoir
suivre .
1
L'Empereur et la Czarine se sont toujours expliquez
à la République , comme on parle à un
Royaume tributaire , ou à une Nation subjugée .
Leurs menaces ont été accompagnées de la marche
de leurs Troupes jusques sur les Frontieres
P'armée Moscovite est entrée en Pologne . afin
de remplir ses engagemens avec l'Empereur , dans
le temps même de l'Election , dans la vue et pour
étouffer par le bruit des armes les Loix et les suf
frages de la République .
Cependant la Nation Polonoise a délibéré sur
l'Election de son Roy , avec cette tranquillité
que la justice seule peut inspirer au milieu des
dangers . Les voeux de la République avoient prévenu
le retour du Roy de Pologne , sa presence
a réuni les esprits , le Champ d'Election n'a retenti
que d'une voix en sa faveur , et cette déliberation
a été consommée avec une unanimité
dont on n'a pas vû d'exemple dans les Faftes de
la Pologne.
C'est cette unanimité qui devoit imposer un
silence eternel à ses Ennemis , puisqu'elle annonçoit
la volonté du Maître des Rois ; et c'est cependant
ce qui les détermine à se porter aux derniers
excès. Le comble est mis à la violence ; l'ar-'
mée Moscovite,par le concert des Alliez,s'avance
vers Varsovie ; les Troupes de l'Empereur et
de l'Electeur de Saxe sont prêtes à marcher sur
les mêmes traces , si les armes Moscovites ne
suffisent pas pour accabler un Peuple libre , qui
reclame ses droits les plus incontestables , et le
glorieux usage de sa liberté.
•
2174 MERCURE DE FRANCE
Que les Cours de Vienne et de Russie cessent
d'usurper l'auguste titre de Protecteurs de lo Pologne
: A ce titre même auroient - elles le droit
d'ouvrir et de fermer les Barrieres qui deffendent
l'accès du Throne vacant ? Ce n'est point e
touffant les droits d'une Nation , qu'on merite
le nom de son Protecteur , mais en la deffendant
contre ceux qui la voudroient opprimer.Le Roy
en avoit donné l'exemple à l'Empereur : Il no
craint point d'en prendre à témoin la Républi
que même et toute l'Europe : Quoique S. M.
dut souhaiter le rétablissement d'un Prince que
la France avoit reçu dans ses malheurs , et qui
lui est uni par les liens les plus sacrez , Elle n'a
rien exigé des Polonois , persuadée qu'il n'ap
partient qu'à la Nation Polonoise de rappeller
un Prince que les malheurs des temps avoient
long- temps séparé d'elle. La Lettre i de S. M.
au Primat du... ne réspire que la juftice et la
paix : l'Europe y reconnoîtra la droiture des intentions
du Roy; elle y verra combien le Roy
est éloigné d'inspirer au Roy de Pologne des
sentimens opposez aux interêts de la Républi
que ; et que s'il a souhaité avec empressement le
rétablissement de ce Prince , c'est pour concou
rir avec lui à l'observation des Traitez qui interessent
la Pologne, et contribuer en même- temps
à la félicité et à la gloire de cette République
à la tranquillité du Nord .
Ce n'est donc point par des vues d'ambition
ou d'interêt que le Roy prend les armes . Contente
de posseder un Royaume florissant , et de
regner sur un Peuple fidelle , Sa Majesté ne cherthe
point à reculer les bornes de sa domination.
Cette Lettre est imprimée N. 4
Ex
OCTOBRE. 17337 2275
Envain l'Empereur , pour interesser l'Empire
dans ses projets , cherche - t - il à l'allarmer sur
les desseins qu'il attribuë faussement à Sa Marsté.
L'Empereur a voulu la guerre , qu'il a renue
necessaire en outrageant le Roy dans ce qui
doit être le plus sacré parmi les Souverains . S
M. se propose d'effacer jusques aux moindres
traces de l'outrage que la Cour de Vienne a cru
lui faire , et de soutenir l'honneur de la France.
D'aussi justes motifs redoubleront encore l'ar
deur des Troupes Françoises : Elles prennent les
armes avec empressement pour vanger leur
Roy, et pour empêcher d'illustres Alliez de succomber
sous les forces que l'Empereur a suscitées
contre eux.C'est au Dieu des armées à donner
la Victoire. Le Roy peut l'invoquer avec
confiance , et esperer que ses succès respondront
à sa modération , à sa patience et à la pureté de
ses sentimens.
"
COPIE de la Déclaration faite au nom
du Roy , au mois de Mars 1733.
No 1. T E Roy suspendroit encore son juge-
1.LE
ment sur l'objet du corps considérable
de Troupes que l'Empereur fait marcher vers la
Frontiére de Pologne , si les déclarations faites
par la plupart des Ministres Impériaux , pouvoient
permettre de douter du désir et même du
dessein de contraindre les Polonois. A la vûë d'un
-projet aussi hautement déclaré : Sa Majesté ne
peut dissimuler ,,
qu'outre l'interêt commun que
tous les Princes, ont de maintenir la liberté de la
Pologne, sa dignité et le rang qu'elle tient parmi
· les Puissances de l'Europe , la mettent en droit ,
›et l'obligent même à prendre part aux affaires
qui
2276 MERCURE DE FRANCE
qui peuvent troubler la tranquillité générale,
C'est dans cette vûe que le Roy a déja fait assúrer
les Polonois, qu'il maintiendroit autant qu'il
seroit en lui , la liberté entiere des suffrages , et
il ne se départira jamais de ces principes d'éq
té. Sa Majesté croit donc devoir déclarer qu'Elle
ne pourroit regarder toutes démarches ou entreprises
faites pour contraindre leurs suffrages , que
comme un dessein de troubler le repos de l'Europe:
Sa Majesté ne pourrait donc se dispenser
alors , d'agir avec le zele et la fermeté que l'im:
portance de la matière le requiert.
·DECLARATION de l'Empereur.
réponse de celle de Sa Majesté.
N° 2.
"
en
L'Empereur n'a pas jugé digne de son
>
dées , qu'on employoit en Pologne pour détourner
les bons Patriotes à mettre leur confiance en
un Prince ami , voisin et allié , qui , à l'exemple
de ses augustes Prédécesseurs , bien loin de permettre
qu'on donne la moindre atteinte à la liberté
de la République , et à sa constitution
telle qu'elle se trouve établie par les Loix , en
sera toujours le plus ferme appuyy..Garant de cette
liberté , en vertu des Pacta conventa qui depuis
deux siécles subsistent entre l'auguste Maison
d'Austriche, et les Sérénissimes Rois de Pologne,
et la République de ce nom , le soin de la maintenir
contre les entreprises de qui que ce soit , le
touche principalement ; et bien loin que ses Ministres
ayent imité ceux qui prétendent borner
les suffrages d'une Nation libre , à un seul sujet,
ils ont déclaré dès le commencement de l'interregne
, tant de vive voix , que par écrit : Que
PEmpereur ne souffrira pas , qu'aucuns moyens.
con-
1
OCTOBRE . 1733 2277
contraires aux droits d'une libre Election , tels
qu'ils se trouvent établis par les constitutions du
Royaume , y soient employez , quand même on
voudroit s'en servir pour faire monter sur le
Trône de Pologne un Candidat , qui d'ailleurs
useroit agréable .
Tels étant donc les sentimens de ce Prince , et
tels étant encore ceux de ses Alliez , dont il est
inséparable , il ne pouvoit qu'être extrêmement
surpris , que par une déclaration conçue en des
termes peu mesurez , et répandue avec une affectation
indécente , on ait voulu faire tomber sur
lui un reproche qui conviendroit mieux à ceux
qui agissent par des voies et des principes opposez.
Souverain dans ses Etats hereditaires , il n'a
à rendre aucun compte de la marche de ses Troupes
en Silesie ; la justice qui regle toutes ses actions
, ne laisse aucun doute sur le but qu'il s'est
proposé , et il fera paroître en cette occasion
comme en toute autre , autant de droiture en ce
qui regarde les droits d'autrui , que de fermeté
à soutenir les siens et ceux de ses alliez.
?
COPIA Declarationis Imperatoris ,
ipsiusque Foederatorum .
N° 3.
Speraby
Perabam , Celsissime Princeps Primas
quod declaratio à me nuper facta , litteraque
augustissimi Imperatoris Romanorum ad Celsitudinem
vestram directa , non alium, quam clara
verba sonant , interpretabuntur sensum.
Inaudio contrarium ; nam sicut antehac scripto
publicabatur , quod Legati et Ministri aularumèxtranearum
declarationes suas minis et terroribut li
bera electioni inconvenientibus notum faciebant
quod ad Tronum Polonum , alium eligere non per
mis
2278 MERCURE DE FRANCE
missuri sint , nisi talem, qui illis ad placitum esse
ita defacto contrarius spargitur rumor , quod nempe
vicina sibi foederejunctapotentia ab aliis Reipu
blica colligatis timeant , disseminando quid et à quo
quilibet illorum eventurum sit mali , et quod h
vicinarum potentiarum unio brevi dissolvetur ter
pare.
: Hinc denuo declarare necesse duxi , quod vicini
non timeant , sed ament Rempublicam , usi ex nuperá
satis patet declaratione.
Quod libera gentis suffragia in arctos unius suijecti
limites , ad exemplum aliorum restringere nolint
, nec ullâ vi armorum , sed solum quâ veri
amici et confoederati , vi Pactorum conventorum &
fæderum , iis se opponere , qui contra constitutiones.
at leges pacem publicam turbare vellent, bent
enim sufficientes à Deo sibi concessas vires , ut et
contra quoscumque adversariorum conatus liberum
alectionis jus Reipublica propugnent , et se ab iis qui
hoc impedire , illosque contra omnem justitiam offendere
vellent , deffendant.
13
→ Ideoque , nec timent , nec terrent sed amica
consilia et quidem vi Pactorum et Guarantia prabent;
et denuo hortantur , ut liberis ac unanimibus
Polonia suffragiis ejusmodi Rex quiscumque
ille demum sit , eligatur à quo nec Reipublica libertati
periculum , nec vicinis excitandarum metus
immineat, nec necesse sit prudentissima adfuturami
lectionem congregata libertati novas ulteriores faere
declarationes ; sed ut ex nunc ita conveniant"
salva maneat libertas electionis , pax Reipublica
simulque vicinorum ac totius Europa.
t
Quod autem de dissensu cum Augustissime
Imperatore foedere junctarum Potentiarum spargitur
, præsentes declarabunt Ministri , quod inscpa
OCTOBRE. 2279 *
1733 .
separabiles sint, unum idemque sentiant , etRem
publicam nequaquam opprimere , sed illius libertasem
jusque leges ac constitutiones illasas conservare
, sicque pacem et tranquillitatem Reipublica
at vicinorum semper deffenderent velint.
Imputet Respublica sibi et non vicinis , si hac non
conservabitur ; et si hac declaratio non satis clara
est declarabit eventus.
*
LETTRE du Roy , an Primat , dis
6. Juillet 1733.
N. 4. MON COUSIN , je vois avec plaisir, &c.
Cette Lettre est inserée, page 1870. du Mercure
Août dernier."
DECLARATION aux Electeurs et
Princes de l'Empire.
Uoique le Mémoire des motifs qui déter
minent les résolutions du Roy , ait suffisamment
montré à l'Europe , la pureté des intentions
de Sa Majesté ; cependant , en mêmetemps
qu'elle fait passer le Rhin à ses Troupes
Elle veut encore faire connoître plus particulierement
à l'Empire ses sentimens es ses principes ;
elle desire de conserver la paix avec le Corps
Germanique , et elle est dans la disposition d'ob
server avec lui les Traitez de Paix , aussi longtemps
que S. M. pourra le regarder comme ami.
Si S. M. en attaquant le Fort de Kel , s'assure des
passages sur le Rhin , ce n'est point par aucune
mauvaise intention contre le Corps Germanique,
dont elle a fait voir en plus d'une occasion que
ics interêts lui étoient chers , elle n'en veut à
aucun de ses Membres ; elle veut même en premant
des passages sur le Rhin, se mettre en état
2280 MERCURE DE FRANCE
de secourir ceux des Princes d'Allemagne que
P'Empereur voudra forcer à servir ses vûës particulieres
, et l'execution de ses projets . le a
donné ses ordres à ses Generaux , pour que les
Etats des Princes qui ne prendront point de par
et qui ne donneront pas de secours contre elle ,
soient traitez avec toute sorte d'attention et de
ménagemens. Sa Majesté , contente de ce qu'elle
possede , et bien éloignée de vouloit faire servir
le succès de ses armes à reculer ses Frontieres ,
n'hésite pas de déclarer solemnellement qu'elle
n'a aucunement en vue de faire des conquêtes ,
ni de conserver des établissemens qui pourroient
interesser la sureté du Territoire Germanique ;
elle veut seulement poursuivre son juste ressentiment
des sujets de mécontentement que l'Empereur
lui a donné à la face de toute l'Europe , elle
ne négligera rien pour que les Prines d'Allemagne
reconnoissent de plus en plus chaque jour ,
Combien elle désire de conserver avec eux cette
bonne intelligence , si nécessaire et si convenable
entre le garant des Traitez de Westphalie
et les Membres nu Corps Germanique ,
t
ORDONNANCE du Roy , du 10
Octobre , portant Déclaration de guerre
contre l'Empereur, dont la teneur suit.
Sronn
›
A Majesté depuis son avenement à la Couronne
, n'a rien eu plus à coeur que de concourir
à tout ce qui pouvoit contribuer au maintien
de la paix ; mais l'injure que l'Empereur
vient de lui faire en la personne du Roy de Pologne
son beau-pere , interesse trop l'honneur
de S. M. et la gloire de sa Couronne , pour ne
pas employer les forces que Dieu lui a confiées ,
OCTOBR E. 1733. 2281
en tirer une juste vengeance ; dans cette vûë, après
avoir répandu dans toutes les Cours de l'Europe ,
les justes motifs qui la forcent à prendre les armes,
Elle a résolu de déclarer la guerre, comme elle la
clare par la presente, par mer et par terre , à l'Empereur,
persuadée que Dieu qui connoît le desinteressement
et la justice de ses intentions , voudra
bien les favoriser de sadivine protection . Ordonne
et enjoint S.M. à tous ses Sujets, Vassaux et Serviteurs
, de courre sus aux Sujets de l'Empereur;
leur fait très - expresses inhibitions et deffenses
d'avoir cy- après avec eux aucune communication
, commerce ni intelligence , à peine de la
vie ; et en conséquence S. M. a dès - à-present
révoqué et révoque toutes permissions , passe
ports , sauve- gardes , et sauf- conduits qui pourroient
avoir été accordez par Elle , ou par ses
Lieutenans Generaux et autres ses Officiers , contraires
à la présente , et les a déclarez et déclare
nuls et de nulle valeur , deffendant à qui que ce
soit d'y avoit aucun égard. Mande et ordonne
S, M. à M. l'Amiral , aux Maréchaux de France ,
Gouverneurs et Lieutenans Generaux pour S. M.
en ses Provinces et Armées, Maréchaux de Camp,
Colonels , Mestres de Camp , Capitaines , Chefs
et Conducteurs de ses gens de guerre , tant de
cheval que de pied , François et Etrangers et
tous autres ses Officiers qu'il appartiendra , que
le contenu en la presente ils fassent executer ,
chacun à son égard , dans l'étendue de leurs pouvoirs
et jurisdictions ; car telle est la volonté de
Sa Majesté , laquelle veut et entend que la présente
soit publiée et affichée en toutes ses Villes ,
tant maritimes , qu'autres , et en tous ses Ports ,
Havres et autres lieux de son Royaume et terres
de son obéissance , que besoin sera , à ce qu'aucun
n'en prétende cause d'ignorance.
"
H OF
2282 MERCURE DE FRANCE
OFFICIERS GENERAUX
de Armée d'Allemagne.
LE MARECHAL DE BERWICK
Commandant en chef.
Lieutenans Generaux .
Mrs de Puysegur.
Duc de Noailles .
Marq . de Cilly ,détaché
dans les 3. Evêchez .
Prince de Tingry.
Marquis de Dreuz.
Marquis de Nangis
De Quadt.
Duc de Duras.
De Leuville.
Comte de Bellisle , dang
les 3. Evêchez.
Maréchaux de Camp.
De Siougeat .
Vicomte de Melun .
D'Aubigné.
Balincourt.
De Tarneau .
De la Billarderie.
Chevalier de Givry.
De Guittaud .
La Farre,
Comte de Saxe.
Marquis de Clermon
Brigadiers d'Infanterie.
Comte d'Houtetot, Comte d'Estaing,
De Gensac. De la Javilliere
De Polastron De Varennes .
D'Herouville. De Manville .
De Luteaux , est avec De Ximenez.
son Régiment dans
Nancy .
Comte de Baviere..
De Lenck.
De Chenetette.
De Montflour.
Comte de Middelbourg. Hozannussy.
Philippe.
De Bulkeley.
D'Aremberg
Brigadiers de Cavalerie.
De Curton,
OCTOBRE . 1733. 228
De Castelmoron.
Comte de Cayeux.
De Montmorency.
De Mainville .
De Mercy.
De Cernay.
De Vaudray.
Du Cayla.
Comte Chastelus .
De Saint Saëns.
Chevalier de S. André
De Lerans.
De Puttanges.
Marquis d'Oyse.
D'Harville.
Brigadiers de Dragons.
Marq de Beaufremont. Marquis de Clermont.
Elat Major de l'Armée.
De la Javelliere , Major General.
De Saliers , Aydes - Majors Generaux d'In-
D'Astier , fanterie . }
Marquis de Ximenes, Maréchal General des Legis
de l'Armée .
Chevalier de S. André , Maréchal General des
Logis de la Cavaleria.
De Montal , Ayde- Maréchal General des Logis
de la Cavalerie.
OFFICIERS GENERAUX
de Armée d'Italie , sous les ordres du
Roy de Sardaigne , General de ladite
Armée.
LE MARECHAL DE VILLARS ,
commandant l'Armée , sous les ordres du
Roy de Sardaigne .
Lieutenans Generaux.
Mrs le Marquis d'Asfeldt.
Le Comte de Coigny.
Le Comte de Broglio .
Le Prince Charles de
Lorraine.
Le Marq deRavignan.
Le Marquis de Savines.
Hj De
2284 MERCURE DE FRANCE
De Cadrieu.
Comte de Beüil .
Prince de Carignan .
Marquis de Maillebois.
De Contade.
Maréchaux de Camp.
De Sandricourt. De Ferraques.
De Berville.
Marquis de Bonas .
De Chatillon.
Duc d'Harcourt.
D'Affry. Marquis de Pezé ,
De Montal.
Marquis de l'Isle .
De Lannion.
Brigadiers d'Infanterie.
De Louvigny , Du Planty.
Comte de Lautrec
Thomé.
De Mison.
Chevalier de Boissieux.
Cadeville.
Brigadiers de Cavalerie.
Marquis de Valencé.
Marquis de Chaste.
De Montrevel .
Du Chaila.
De Germinon.
Marquis de Segur.
De Ratsky.
De Cheppy.
Comte de Lamotte De Pardeilhan.
Houdancourt.
D'Epinay
Brigadiers de Dragons.
De Vernicourt.
Etat Major de l'Armée.
Marquis de Pezé , Maréchal General des Logis
Duplanty , Major General de l'Infanterie .
Chevalier de Contade , Aydes - Majors Gené
De la Serre ,
Cavalerie.
neraux de l'Infanterie.
Maréchal general des Logis de la
LO
OCTOBRE. 1733. 2285
Le Comte de Charolois , frere puîné du Duc
de Bourbon , qui a fait ses premieres armes dans
l'Arhée de l'Empereur , au dernier Siege de Belgrade
, et qui combattit auprès du Prince Eugêne
de Savoye, à la défaite de l'Armée Ottomane,
prit congé du Roy à Fontainebleau le 15. de
ce mois,et partit quelques jours après pour l'Ar- `
mée d'Allemagne.
Le Comte de Clermont , le plus jeune des
Princes de la Maison de Condé , ayant demandé
au Roy la permission de servir , et S. M. après
avoir loué son zele , n'y trouvant d'obstacle que
ses engagemens dans l'Etat Ecclesiastique , ce
Prince a obtenu du Pape un Bref par lequel S. S.
lui permet de porter les armes contre les Ennemis
du Roy et de posseder ses Abbayes . S. A. S.
partit le 15. de ce mois pour l'Allemagne.
Le Prince de Conti partit de Paris au commencement
de ce mois , pour aller servir dans
F'Armée d'Allemagne. Il fut reçû , ainsi que les
autres Princes du Sang , dans toutes les Villes et
les Places de guerre où il passa , avec les honneurs
dûs aux Princes de leur sang.
Le Prince de Dombes et le Comte d'Eu , fils
du Duc du Maine , sont partis aussi au commencement
de ce mois pour l'Armée d'Allemagne.,
Ces Princes firent la Campagne de Belgrade en
Hongrie , sous le Prince , en 17
Le 13. Octobre , les Troupes du Roy , commandées
par le Comte de Bellisle , entrerent dans
Nancy par la Porte N. Dame S.M. avoit envoyé
à la Duchesse de Lorraine , quelques jours auparavant
M. de Verneuil, Secretaire du Cabinet,,
pour lui faire connoître que dans les circonstances
présentes , elle ne pourroit se dispenser de
s'assurer de cette Place , pour ôter à ses enne-
Hij
mis
2286 MERCURE DE FRANCE
mis les moyens de s'en emparer. Il avoit cu ordre
au surplus d'assurer S. A. R. que l'intention
du Roy n'étoit pas de rien entreprendre sur fon
autorité ni sur celle du Duc son fils , qui continuëroit
de jouir de tous les droits de Souveraineté
dans l'étendue de ses Etats.
Le 12. de ce mois , le Maréchal de Berwick
commanda 20. Compagnies de Grenadiers et
2000. Fusiliers , sous les ordres du Marquis de
Dreux , Lieutenant General , et du Chevalier de
Givry , Maréchal de Camp , pour passer le Rhin
sur le Pont de Bateaux qu'il avoit fait jetter audessous
de Strasbourg. Ce Détachement passa
près du Village d'Avenheim , et il fut suivi le
13. de toute l'Armée , qui acheva de passer le
Rhin le 14. de ce mois sur le Pont qu'on avoit
construit au-dessous du Fort de Kehl ; cette Place
fit aussi-tôt investie ; on travailla les jours suivans
à établir les quartiers de l'Armée et à prépa
rer tout ce qui étoit nécessaire pour le Siege.
Le Quartier general fut établi au Village de
Sundheim ; la droite fut appuyée au Village de
Golthschir, qui couvre un second Pont , jetté sur :
le haut-Rhin , et la gauche à celui d'Audenheim.
La nuit du 19. au 20. la tranchée fut ouverte
sous les ordres du Marquis de Puysegur , Lieutenant
general des Armées du Roy , de M. de la
Billarderie , Maréchal de Camp , et du Marquis
d'Houdetot , Brigadier ; les 2000. Travailleurs
commandez pour la Tranchée , furent soutenus
par les trois Bataillons du Régiment de Navarre,
par les trois Compagnies de Grenadiers du Régiment
de la Marine , deux de celui de Richelieu ,
et une du Régiment de Bourbonnois ; par un
Détachement de 100. Gendarmes , et par 450.
Cavaliers ou Dragons à pied. Pendant cette nuit
82
OCTOBRE. 1733 2237
én forma une premiere parallele entre le Rhin
er la Schoutre , et on poussà trois boyaux en
avant sur les Capitales du front de l'Ouvrage
Corne.
La nuit du 20. au 21. le Duc de Noailles .
Lieutenant General , le Chevalier de Givri , Maréchal
de Camp et M. de Gensac , Brigadier , releverent
la Tranchée avec 1000. Travailleurs ',
les trois Bataillons du Régiment de Piémont ,
six Compagnies de Grenadiers des Régimens de
Bourbonnois , de Tallard , de Royal et de Pons,
100, Gendarmes et 410. Cavaliers ou Dragons
à pied. Pendant cette nuit et la précédente , on
fit 2500. toises d'ouvrage .
Le lendemain la tranchée fut relevée par le
Prince de Tingry , Lieutenant General , le Comte
de Guitaud , Maréchal de Camp , et le Comte
de Middelbourg , Brigadier , avec 1200. Travailleurs
, soutenus par les trois Bataillons du
Régiment de Normandie , par six Compagnies
de Grenadiers des Régimens Royal , de Lyonnois
, de Touraine et d'Artois , par un Détachement
de roo. Gendarmes , et par un de 450.
Cavaliers ou Dragons . Les Assiegez qui depuis
le commencement du Siege n'avoient point tiré ,
firent cette nuit un grand feu d'Artillerie et de
Mousqueterie , mais ils n'empêcherent pas nos
Troupes de se loger sur la Lunette avancée.
M. de Longeville , Ingénieur , fut tué cette nuit
là avec un Soldat , et il y en eut 6. de blessez .
Les derniers avis du Camp devant le Fort de
Kell , du 24. de ce mois , portent que la nuit
précedente on s'étoit logé dans les deux petites
contre-gardes , situées entre la Lunette avancée et
le demi Bastion de la droite de l'Ouvrage à Corne..
La suite pour le Mercure prochain.
Hiiij NOU
2288 MERCURE DE FRANCE
*******::********
NOUVELLES de la Cour de
Paris , & c.
E3 de ce mois , la Reine entendit le
L'salut dans l'Eglise des Récolets, et le
24 elle y communia. L'après midi S. M.
entendit le Sermon du P. Sixte Ambriel
Récolet , et assista à la Benediction du
S. Sacrement. Le 9 , la Reine partit de
Versailles pour aller coucher au Château
de Petitbourg ; et le lendemain au soir
S. M. arriva à Fontainebleau.
Le 27 Septembre , il y eut concert chez
la Reine . M. de Blamon , Sur- Intendant
de la Musique du Roy , fit chanter le
Prologue et le premier Acte d'Amadis ,
qui fut continué le 30 , par le second et
le troisiéme Acte , et le in Octobre il fut
fini à Fontainebleau par le 4 et le s Les
Rôles du Prologue furent remplis par la
Dile Julie et par le Sr Dubourg , et ceux
de la Picce par les Dlles le Maure , Mathieu
et Julie , et par les Srs d'Angerville ,
Petillot , Godenesche et Dubourg.
Le 14 , la Reine demanda le Caprice
d'Erato. Divertissement de M. de Blamont.
La Dile le Maure y fit le principal
Rôle
1
OCTOBRE. 1733 . 2289
Rôle. La Dlle Matthieu , celui de Junon
et le sieur d'Angerville Apollon.
>
Le 21 , on chanta un autre Divertis
sement du même Auteur , intitulé le -
tour des Dieux sur la Terre ; qui fut fait à
l'occasion de la naissance de Monseigneur
le Dauphin, dont les paroles sont de M.
Tavenot. Les Dlles Lenner , Mathieu , du-
Hamel , Petitpas , et le Sr d'Angerville
exécuterent ce Divertissement qui fit un
tres- grand plaisir à toute la Cour.
- Le 8 Octobre , les Comédiens François
représenterent à Fontainebleau la Tragé--
die des Horaces , qui fut suivie de la pes
tite Comédie des Plaideurs.
Le 13 , le Misantrope et la Serenade.
Le 1s , Cinna , et le François à Londres.-
Le Sr Prin joua le principal Rôle dans la
Tragédie , et le Marquis de Polinville ,
dans la petite Piéce . Il y fut applaudi .
Le 20, l'Avare et le Baron de la Crasse..
Le 22 , Britannicus , et la petite Comé
die du Dédit , de feu M. Dutrêni.
Le 27 , La Fausse antipathie et le Mas
gnifique.
Le 29 , Electre et le Lot supposé.
Le 10 Octobre , les Comédiens Italiens
représenterent Heureux Stratagême ; Co
médie de M.de Marivaux,et la petite piece
du Je ne sçai quoi.
Hay Les
2250 MERCURE DE FRANCE
Le 17 , le Temple du Goût , le Bouquet ,
et l'Isle du Divorce . Ces trois Piéces furent
parfaitement bien représentées . La
Reine eut la bonté de faire dire aux Comédiens
Italiens , par le Duc de Gévres,
que S. M. en étoit tres- contente.
La Dlle Roland dansa différentes entrées
avec beaucoup d'applaudissement.
Le 24, Amante difficile , Comédie de
feu M. de la Motthe,et la Veuve Coquette..
Le 18 , le Roy accorda le titre de Maréchal
General de ses Camps et Armées
au Marêchal Duc de Villars , qui partit .
de Fontainebleau le Dimanche 25 de ce
mois , après midi pour se rendre à l'Armé
d'Italie..
Le 28 , M. Zeno , Ambassadeur de la
République de Venise , qui étoit arrivé àu
Paris le 22 , se rendit à Fontainebleau
avec M. Mocenigo , Ambassadeur de la
même République , auquel il succede »»
et il eût sa premiere audience du Roy et
de la Reine, étant conduit par le Chevalier
de Sainctor , Introducteur des Ambassadeurs.
La Direction des Economats , qu'avoie
fu. M. l'Archevêque de Rouen , a été
doni és
OCTOBRE. 1733: 2294
donnée à M. le Marquis du Muy. Nous
avions dit , sur des Mémoires peu exacts ,
que cette Direction avoit été donnée à
une autre personne .
RECEPTIONfaite à S. A.S. Madame
La Duchesse du Maine , par la Ville de
Dreux. Extrait d'une Lettre de M. Clement
, Receveur des Tailles de l'Election
de Dreux.
Save
On Altesse Sérénissime partit d'Anet
ec la Princesse sa fille , accompagnée
d'un grand nombre de personnes du
premier rang , le 23. Septembre dernier ,
er arriva ici sur les 4. heures du soir ;
elle fut saluée à une lieüe de la Ville
par une Compagnie de jeunes Gens qui
s'étoient réunis pour aller au - devant
d'Elle , ayant un Trompette à leur tête ;:
ils étoient parfaitement bien montez
er la maniere dont ils avoient orné leurs
chevaux donnoit un air de galanterie à
cette Troupe, qui satis fit beaucoup S.A.S.
Ils la suivirent jusqu'à Dreux autour de
sa Caleche , laquelle étoit précedée par
les Officiers de sa Maison , et suivie des
Carosses des personnes qui l'accompa
groient.
y
Avant que d'entrer dans la Ville , le
Maire et les autres Officiers de la Ville ,
Hvj por
2192 MERCURE DE FRANCE
portant le Dais sous lequel S. A. S. de- ´
voit marcher jusqu'à l'Eglise , eurent
l'honneur de la complimenter et de fui
présenter avec les Clefs de la Ville , les
présens ordinaires de vins exquis et de
Confitures seches.-
S. A. S. entra dans Dreux , au milieu
d'un concours de peuple extraordinaire
et au bruit des Tambours et de
toutes les Cloches. Elle s'arrêta encore
pour recevoir les complimens du Bailliage
et des autres Corps de Judicature ;
elle répondit aux Harangues avec cette
dignité et cette délicatesse d'esprit si
connues de tous ceux qui ont l'honneur
de l'approcher. Elle fut conduite après
ces cérémonies à l'Eglise principale qui
est située sur le lieu le plus éminent de
la Ville où est aussi le Château des
anciens Comtes de Dreux .
La Princesse trouva sur son passage
toute la Bourgeoisie en haye et sous les
armes ; et de distance en distance elle
passoit sous des Arcs de Triomphes ,
dont la décoration exprimoit la joye qui
devoit regner dans une pareille Fête.
Les Chanoines de la Collegiale vinrent
la recevoir et la conduisirent jusqu'à
leur Eglise , où elle arriva environnée
de tous les Corps de la Ville . Après
s'être
1
OCTOBRE . 1733. 2193
·
s'être placée au milieu du Choeur , on
chanta le Te Deum , qui fut précédé
d'th Motet , dont l'execution parut satisfaire
S. A. S. Après les cérémonies de
l'Eglise, elle fut conduite dans une grande
Salle du Château , où l'on avoit élevé
un Théatre. Elle vit représenter par des
jeunes gens choisis de la Ville , la Tragédie
d'Oedipe , de M. de Voltaire , qui
fut suivie de Momus Fabuliste , de M.Fuzelier
. Ces deux Pieces furent assez bien
représentéss pour mériter les éloges de
S. A. S. Dans l'intervalle des deux Pieces
il y eut une petit Divertissement en Musique
, qui fut parfaitement executé et
dont voici les paroles.
Volez plaisir's heureux , enchantez nos esprits ,
Sçavantes filles du Permesse ,
Protegez nos Jeux et nos Ris ;
Quepartout on y reconnoisse,
Le goût et la délicatesse
Que vous ne prodiguez qu'à vos seuls Favoris
Volez plaisirs heureux , enchantez nos esprits.
La Fille de Condé vient embellir ces Rives ,
Druides accourez , vous , Nimphes fugitives ,
Qui vous ressouvenez d'avoir vû dans ces Lieux,
Briller ses illustres Ayeux ,
Aux accens de ma voix soyez plus attentives.
Celebrez ce jour prétieux,
L'ai
2294 MERCURE DE FRANCE
L'aimable esperance
Soutient nos désirs ,
Puissent nos plaisirs '
Et notre constance •
Fixer sa présence ;
Soyons les Rivaux ,
Des charmes de Sceaux .
La brillante Aurore
Montre ici ses feux ,
La naissante Flore
Y charme les yeux ;
Zéphir qui l'adore
La suit en ces lieux ,
Et les rend encore
Plus délicieux.
Chantons et repetons sans esse ,
Velez , plaisirs , &c..
Après la Comédie , S. A. S. fue
conduite , au bruit des Tambours , dans
la Maison la plus riante et la plus commode
de toute la Ville , où son logement
étoit préparé ; elle retrouva sur
son passage la Bourgeoisie sous les arfaisant
une double haye. Elle vit
avec plaisir les illuminations ingénieuses
dont tous les Habitans avoient orné leurs
Maisons. La Princesse passa sous de nouveaux
-Arcs de -Triomphe , que les Offciens
OCTOBRE..
ciers de Ville avoient eu
illuminer avec beauboup d'are
Elle se mit à table , et dans le meme
temps on servit par son ordre , un grand
soupé à l'Hôtel de Ville , où les Officiers
de Ville et tous les Corps de Judicatute
furent invitez . Après le souper on com
mença le Bal , que S. A. S. voulut bien
honorer de sa présence. Les Dames de
la Ville et des environs y vinrent en
Masque , habillées avec beaucoup de goût
et de magnificence. Les Danses durerent
jusqu'à quatre heures du matin , que la
Princesse et les Dames qui l'accompagnoient
, se retirerent. Le Bal cessé , tou
te la Bourgeoisie continua de monter la
Garde chez elle , et n'a point cessé jusqu'à
son départ de lui donner des mar
ques de son respect et de son attache
ment.
Le lendemain 24. S. A. S. fut occupée
à visiter les Eglises et les Monasteres de
cette Ville , laissant partout des marques
de sa libéralité. Elle vint ensuite
à l'Hôtel de Ville , les Officiers la complimenterent
de nouvean , et eurent
T'honneur de lui présenter une Collation
composée des plus beaux fruits de
La saison . La Princesse revint chez elle
où le divertissement déja donné fut exé,
cutê
CURE DE FRANCE
T
eau , accompagné de beaud'autre
Musique, S. A. S. retourna
à Anet le 25 , marquant une extrême
satisfaction d'avoir trouvé dans la
Ville de Dreux tous les coeurs si remplis
de respect et d'amour pour elle.
La compagnie de jeunes gens qni avoit
été audevant de la Princesse , se trouva
dans le même équipage à la Porte de la
Ville , dans le dessein de l'accompagner
jusqu'à Anet. S. A.S. leur sçût bon gré de
cette disposition et leur permit seulement
de la conduire à une lieuë de la Ville . Ils
revinrent à Dreux , où après avoir fait uu
grand souper dans l'Hôtel de Ville , ils
donnerent le Bal aux Dames , pour ter
miner cette galante fête .
のの
MORTS ET MARIAGES.
LE
E 18 Septembre 1733. Armand-Jean
de la Vove de Tourouvre , Evêque
et Comte de Rodez en Rouergue , Docteur
en Théologie de la Faculté de Paris,
du 12 Août 1702. mourut dans son
Diocèse âgé d'environ 60 ans. Il étoit
filleul de celebre Armand Jean Bouthillier
de Rancé , Abbé de la Trappe , et
fils
OCTOBRE. 1733 . 2297
fils puîné d'Antoine de la Vove , Marquis
de Tourouvre , Seigneur de la Guimandiere
, Auteuil , Randonnay , &c . Gentilhomme
du Perche , d'une Maison
dont l'ancien nom étoit Louel , et de
Marie de Ramefort , Dame de la Grilliere.
Il avoit été d'abord Chanoine et
Grand- Archidiacre de l'Eglise Metropolitaine
de Rouen , et Vicaire general du
même Diocèse. Il fut nommé à l'Evêché
de Rodez au mois de May 1716. et après.
avoir reçu ses Bulles de Rome ; il fut sacré
le 10 Juillet 1718. dans la Chapelle
de l'Archevêché de Paris , par feu le Cardinal
de Noailles ; assisté des Evêques
d'Auxerre , et de Sécz . Il prêta serment
de fidelité au Roy le 7 Août de la même
année. Il fut reçu Conseiller au Parlement
de Toulouse le 12 Juillet 1723. et .
assista aux Assemblées Generales du Clergé
de France de 1725. et 1735. en qualité
de député de la Province d'Albi .
Le 29 , Leon le Cirier, Seigneur Marquis
de Neuchelles , le Plessis , Ville-
Neuve , Riviere, Maréchal de Camp des
armées du Roy , Gouverneur des Ville
et Château de Sainte Menehoud , et Chevalier
de l'Ordre Militaire de S. Louis
mourut à Paris , âgé d'environ 72 ans.
Il étoit Fils de Louis le Cirier , Seigneur
da
2298 MERCURE DE FRANCE
de Neuchelles , qui étant Lieutenant des
Gardes du Corps du Roy , fut fait Gouverneur
de Ste Menehoud en 1677. Brigadier
de Cavalerie au mois de Janvier
1678. et Maréchal de Camp , le 24 Août
1688. et qui fut tué au Combat de la
Cattoire près de Leuze , le 19 Septembre
1691. et de Marie de Bucy , morte
gée de 76 ans , les Février 1714. Il
avoit été élevé Page de la Chambre du
Roy en 1679. Il eut au mois d'Octobre
1691. le Gouvernement de Sainte Me--
nehoud , vacant par la mort de son pere.
Il étoit alors depuis quelques années
Exempt des Gardes du Corps du Roy
dont il fut fait Enseigne au mois de Mars
1705. et ensuite Lieutenant. Il fut fait
aussi Chevalier de S. Louis en 1705. Brigadier
le 29 Janvier 1709. et enfin Maréchal
de Camp le premier Février 1719 .
Il s'étoit retiré du service à cause de ses
infirmités avec une Pension du Roy de
6000 livres. au mois de Février 1727. Il
avoit épousé Marie- Louise le Menestrel
de Hauguel soeur de la Maréchale de Besons
, et Fille d'Antoine le Menestrel du
Hauguel , Seigneur de S. Germain de
Laxis , des Granges , de Marsilly , & c.
Grand Audiencier de France , mort le 22
Decembre 1700.et de Marguerite Barbier
da
OCTOBRE. 1733 2299
du Metz . Il en a laissé pour fille unique
Marte- Gabrielle le Cirier de Neuchelles ,
née le 18 Decembre 17c6, et matiée le 27
Juin 1725. avec Samuel - Jacques le
Clerc , Marquis de Juigné , et de Verdelles
Baron de Champagne , et de
la Lande , Colonel Lieutenant du Regiment
d'Orleans Infanterie .
:
,
•
و
Le 3 Octobre , Dame Anne Thérese
Hébert épouse d'Antoine - François
Talon Colonel d'Infanterie , et ancien
Capitaine au Regiment des Gardes
Erançoises , avec lequel elle avoit été
mariée le 23 Novembre 1718. mourut à
Paris , dans la 51 année de son âge, étane
née le 15 Avril 1683. elle étoit fille d'André-
Pierre Hébert , Seigneur du Bue , et
de Villiers , Maître des Requêtes ordinaire
de l'Hôtel du Roy , mort le 22
Mars 1707. et d'Anne -Françoise le Gendre
sa deuxième femme , et elle avoit
épousé en premiere nôces le 27 Avril
1705. Pierre Larcher , Seigneur de Po
cancy, Conseiller au Parlement de Paris,
mort le 19 Fevrier 1706. à l'âge de 25 ans
duquel elle a en Anne Larcher de Pocancy,
son unique héritiere , née posthume
le 6 Avril 1706. et mariée le 24 May
1719. avec Marc Pierre de Voyer de
Paulmy Comte d'Argenson , Conseiller
·
+
2300 MERCURE DE FRANCE
,
et d'Etat Grand - Croix , Chancelier
Garde des Sceaux de l'Ordre Royalet
Militaire de S. Louis , Chancelier , Garde
des Sceaux , Chef du Conseil , et Sur-
Intendant des Finances du Due d'Orleans.
,
- Le sept Octobre Dame Anne-
Genevieve Brochet , fille de Philippe
Brochet , Sr de Pontcharost , Tresorier
General des Ponts et chaussées de France ,
et épouse de Jean - Simon Mouffe , Conseiller
Secretaire du Roy , Maison Cou--
ronne de France , et de ses Finances , et
Receveur General des Finances à Amiens,
avec lequel elle avoit été mariée le 29
Avril 1726. mourut en couches à Paris ,
âgée d'environ 24 ans
Le même jour , Dame Magdelaine-
Elizabeth de Baron de Cottinville , veuve
depuis le 10 Avril 1728. de Charles de
Dienne de Cheyladet , Seigneur de Chennevieres,
Lieutenant General des Armées
du Roy , Premier Lieutenant de la Compagnie
Ecossoise des Gardes du Corps de
S. M. Gouverneur de la Ville d'Agde
et des Fort , et Port de Brescou , mourut
à Paris dans la 75 année de son âge , et
fut inhumée le lendemain à S. Eustache :
sa Paroisse , elle étoit fille d'Antoine Baron
, vivant Seigneur de Châtenay , de .
Pucey ,
OCTOBRE. 1733. 2301
,
Pucey , et de Cottinville , et d'Adrienne
de Maupeou d'Ableiges , qui avoit épousé
en premieres Nôces Michel de Marescot
Seigneur de Thoiry , Maître des
Requêtes , et qui mourut le vingt- deux
Janvier 1706. âgée de quatre vingtquatre
ans. la Dame de Cheyladet avoit
été mariée le 8 May 1702. mais elle n'a
point eu d'enfans.
Le 12 Octobre la Dame Chauveton de
Voiet de S. Leger , mourut en couches
à Paris . Elle étoit troisiéme fille de Louis-
Alexandre Bontemps , Premier Valet de
Chambre du Roy , Bailli , et Capitaine
des Chasses de la Varenne du Louvre
et de feuë Dame Charlotte le Vasseur de
S. Urain , sa femme.
Le 13 Octobre , Marc Roger, Marquis
de Noé , Baron de l'Ifle en Armagnac
Seigneur de Pouy , Stancarbon , & c.
Senéchal , et Gouverneur des quatre vallées
en la Generalité de Montauban , Brigadier
des Armées du Roy , et Chevalier
de l'Ordre Militaire de S. Louis
mourut subitemenr à Fontainebleau
dans la 59 année da son âge , étant né
le premier Fevrier 1675. Il avoit été reçu
en 1689. Page du Roy en sa petite Ecurie
, d'où en sortant il entra dans la
miere Compagnie des Mousquetaires. Il
prefut
2302 MERCURE DE FRANCE
fut fait en 1692. Enseigne au Regiment
des Gardes Françoises , eut depuis un
Regiment d'Infanterie de son nom , qui
fut reformé après la Paix d'Utrecht , et
fut créé Brigadier le premier Fevrier
1719. Il avoit été marié le 2 May 1714.
avec Charlotte Colbert fille de François
Colbert , Seigneur de S. Mars , alors
Capitaine de Vaisseau , et depuis Chef
d'Escadre des Armées Navales du Roy ,
mort le 22 Janvier 1722. et de feue
Charlotte- Reyne de Lée, Irlandoise d'origine.
Il en a laissé des enfans . Il étoit
frere d'Urbain de Noé,Prêtre du Diocèse
d'Auch , Docteur en Theologie , Chinoine
de l'Eglise Métropolitaine et Primatiale
d'Auch , qui fut deputé de la
Province d'Auch , à l'Assemblée Generale
du Clergé de France tenue à Paris en
1725. et qui a obtenu du Roy au mois
de Mars dernier le Prieuré de S. Maurice
de Senlis , s'étant démis en même
temps de l'Abbaye de N. D. de Villelongne
. Diocèse de Carcassonne , qui lui
avoit été donnée au mois de Novembre
1733. la Généalogie de la Maison de Noé,
qui est de la Province de Languedoc , est
rapportée dans le 8 tome des Grands Officiers
de la Couronne ch . 15 des Grands
Ecuyers de France. p. 473.
Le
OCTOBRE 1733. 2303
Le 13 Dame Magdelaine - Susanne
,
Gigault de Bellefonds , Marquise du
Chastelet , mourut âgée de 66 ans , elle
étoit fille de Bernardin Gigault, Marquis
de Bellefonds, Maréchal de France , Che
valier des Ordres du Roy ,Premier Ecuyer
de Madame la Dauphine , Ayeule du
Roy Regnant , et Gouverneur des Ville
et Château de Valognes , mort le 4
Decembre 1694. et de Dame Magdelaine
Fouquet morte le vingt May 1716.
Elle avoit été mariée le huit Janvier
1688. avec Antoine - Charles da
Chastelet , Marquis d'Aubigny , Comte
de Clefinont, Baron de Thous , &c . Mort
au mois de Septembre 1720. étant Lieutenant
General des Armées du Roy
Gouverneur du Château , et Capitaine des
Chasses du bois de Vincennes . Elle a
Jaissé entr'autres enfans François- Bernardin
du Chastelet , Marquis d'Aubigny ,
Comte de Clefmont , Mestre de Camp
de Cavalerie , Brigadier des Armées du
Roy , du premier Fevrier 1719. et Gouverneur
, et Capitaine des Chasses de
Vincennes ; qui fut marié le 24 Avril
1714. avec Catherine Armande de Vignerot
du Plessis Richelieu , fille de feu
Armand Jean de Vignerot du Plessis
Duc de Richelieu et de Fronsac , Pair
·
3
de
2304 MERCURE DE FRANC ™
de France , mort le 10 May 1715. et d
feue Anne Marguerite d'Acigné , sa
deuxième femme , morte le 19 Août
1698.
-
Le 16 , M. Jean- Louis Héron , Receveur
des Finances en Champagne, Lieutenant
de la Capitainerie des Chasses de
Fontainebleau , et Intendant des Maison
et Affaires de Mademoiselle de Clermont,
Sur- Intendante de la Maison de la Reine,
mourut à sa Terre , laissant une Veuve
sans enfans.
,
Le Octobre M. Nicolas Guyot , Seigneur
de Chesne , Conseiller Secretaire
du Roy , Maison Couronne de France et
de ses Finances , reçu en cette Charge
en 1719. Ancien Avocat au Parlement
Immatriculé le 30 Juillet 1675. et Bailli
de la Justice du Chapitre de l'Eglise de
Paris mourut âgé d'environ 78 ans.
ayant été dans son temps un des premie's
du Barreau. Il avoit eu d'Antoinette
Pelletier son épouse , une fille unique ,
Catherine-Angelique Guyot de Chesne ,
mariée au mois d'Octobre 1725. avec
Noël Arnaud , Seigneur de Boüeix , et
de Meré , Conseiller au Parlement de
Paris , puis Maître des Requêtes . Elle
est du Roy morte en couches à Angoulême
en 1729 , laissant des enfans.
,
Lc
OCTOBRE . 1733. 2305
Le 17 Octobre , Hercule- Joseph de
Lu , Marquis Titulaire de Saluce,Comte
d'Usa , &c. Mestre de Camp de Cavalerie
, cy- devant Maréchal General des Logis
de la Cavalerie de l'Armée du Roy
en Espagne , mourut , âgé de 65 ans.
Le 19 , D. Baltazar Patiño , Marquis
de Castellar , Commandeur d'Alange de
l'Ordre de S.Jacques, Gentilhomme de la
Chambre du Roy d'Espagne , son Conseiiler
au Conseil de Guerre , Secretaire
d'Etat, et des Dépêches universelles de la
Guerre , Ambassadeur Extraordinaire et
Plénipotentiaire de S. M. C. auprès du
Roy , mourut à Paris , âgé de 63 ans . Il
ayoit été nommé à l'Ambassade de France
au mois d'Août 1730. et étant arrivé à
Paris le 23 Oct. suivant, il eut à Versailles
sa premiereAudience particuliere du Roi,
le 29 du même mois. Il étoit frere de Don
Jo eph Patiño, Commandeur d'Alevisoa,
de Ordre de S. Jacques , Gouverneur
du Conseil des Finances et des Tribu
naux endépendans ; Sur Intendant General
des Routes generales et Secretaire
d'Etat du Roy Cath.ct des dépêches universelles
de la Marine , des Indes et du
Commerce, l'un des principaux Ministres
de la Courd Espagne. Son Corps fut porté
en l'Eglise de S. Sulpice sa Paroisse , et
I CRSU
>
-
2306 MERCURE DE FRANCE
ensuite transporté en grand Convoi ,
dans l'Eglise des PP. Carmes Déchaussez ,
où il fut inhumé.
→
Le 25 , Jacques Joseph du Guet , Pretre
, natif de Monsbrison en Forêts, connu
par un grand nombre d'Ouvrages de
piété , qu'il a donnez au public , mourut
à Paris subitement, en prenant un Bouillon
, dans la 84 année de son âge , étanc
né le 19 Decembre 1649. Il fut inhumé
le 27 , sur le midi, en l'Eglise de S. Médard
sa Paroisse, avec un grand concours
de toutes sortes de personnes. Son éloge
est rapporté avec le détail de ses Ouvra
dans la derniere Edition du Dictionnaire
universel de 1732. dans le Tom. 3 .
sous la Lettre G.
ges
Le même jour , François- Nicolas Aubourg
, Conseiller , Secretaire du Roy ;
Maison , Couronne de France et de ses
Finances , et Trésorier General des Bâtimens
de S. M. Jardins , Arts et Manufactures
de France , mourut d'accident à
Paris , laissant de Marie Poupard sa femme
, N. Aubourg , Conseiller Clerc au
Parlement , Barbe Charlotte Aubourg ,
mariée avec GuillaumeAubourg,Marquis
de Boury , Garde des Rôles des Offices
de France , son cousin germain, N. Aubourg
, femme de N. Perar , &c.
OCTOBRE 1733. 2307
Le 27 , D. Marguerite le Long , épouse
de Claude- Pierre Boucher , Ecuyer, Conseiller
, Secretaire du Roy , Maison ,
Couronne de France et de ses Finances,
ancien Procureur en la Chambre des
Comptes, mourut d'apoplexie ; âgée d'environ
de 60 ans , laissant pour fils unique
Claude- Olivier Boucher , reçu Conseiller
au Châtelet en 1719. puis au Parlement
de Paris , le 24 May 1730.et marié
le 7 Decembre suivant avec la fille
aînée de feu Jean Antoine Noblet , Seigneur
de Romery , Conseiller au même
Parlement de Paris, mort le 9 Avril 1728 .
et de D. Louise- Catherine de la Salle , sa
veuve.
Le M. Pijart , Chevalier de l'Ordre
Militaire de Saint Louis , Lieutenant
Colonel d'un des 5 Bataillons du Régiment
Royal Artillerie , et Brigadier des
Armées du Roy , du 4 Avril 1721. mourut
à Perpignan , mois de septembre
1733 , âgé de près de 30 ans.
Le 30 du même mois D. Anne Geoffroi
de Coiffy , veuve depuis le 4 Octobre
1713 , de Henri Pajot , Seigneur du
Bouchet , Conseiller , Secretaire du Roy,
Maison , Couronne de France et de ses
Finances , qu'elle avoit épousé le 4 Août
1694. mourut d'une fiévre maligne à No-
I ij zay
2308 MERCURE DE FRANCE
zay en Champagne,Terre de feu Jacques
Geoffroi de Coiffy, son frere dont la mort
arrivée le 28 Juillet dernier , est rappor
tée dans le Mercure du mois d'Août, page
1893 elle a laissé deux fils et une fille qui
a été mariée le 7 Juillet 173 2, avec Jean-
Baptiste Robert Auget , Seigneur et Baron
de Monthyon , Jossigny , &c. Maître
ordinaire en la Chambre des Comptes
de Paris , veuf de Catherine-Marie- Fran
çoise Surirey de Saint Remy.
Le 20 Octobre , Anne - Charles Goislard
, Seigneur de Mont- Sabert , Baron et
Patton de Toureil , et de Richebourg ,
Conseiller en la Grand- Chambre du
Parlement , s'étant blessé en allant à sa
Terre de Mont- Sabert en Anjou , en se
jertant hors de son Carosse dont les
Chevaux avoient pris le mords aux dents,
en est mort quelques jours après à cette
Terre , âgé d'environ 55 ans. Il étoit fils
de Marc- Anne Goislard , Baron et Patron
de Toureil et de Richebourg , Conseiller
au Parlement de Paris , Doyen de
la premiere Chambre des Enquêtes , mort
le to Novembre 171 2. et d'Anne le Maître
, Dame de Mont- Sabert , morte le 26
Juillet 1711. Il avoit été d'abord Avocat
du Roy au Châtelet , et ensuite reçu
Con
OCTOBRE. 1733 230
Conseiller au Parlement en la 4 Chambre
des Enquêtes , le 22 Juin 1701. et il
monta à la Grand Chambre le 11 Février
1730. Il étoit Juge éclairé et intégre , ce
qui le fait beaucoup regretter. Il avoić
été marié en premieres nôces au mois
d'Octobre 1704. avec Marie-Louise de
Riants , morte le 16 Mars 1717 , fille unique
de Charles de Riants , Comte de
Remalart , et Baron de Vauré au Perche,
et de Thérèse - Angélique de Bourlon , de
laquelle il laisse Anne - Louis Goislard
Seigneur de Mont - Sabert, né le 12 Mars
1758.et reçu Conseiller au Parlement en
las des Enquêtes , le 16 Juillet 1732 .
Anne Jean - Baptiste Goislard , sieur de
Baillé , né le 4 Avril 1709. et reçu Constiller
au Parlement , en la 4 des Enquêtés
, le 4 Mars 1733. Marie- Anne Goislard
, néé le 31 Mai 1715. et mariée au
mois de Septembre 1731. avec M. Philibert
Rulault , aussi Conseiller au Parlement
de Paris , et une seconde fille à marier.
Il avoit épousé en secondes nôces la
fille aînée de Philippe Patu , Conseiller,
Honoraire en la Cour des Aydes de Paris
, et de feuë Loüie- Claude de Launay. '
Il laisse de ce mariage trois filles en bas
âge. André Goislard, Seigneur de la Gravelle
, Maître des Comptes à Paris, ayeul
I iij
de
2310 MERCURE DE FRANCE
de celui dont on rapporte la mort , mourút
aussi d'accident , s'étant noyé malheureusement
dans la Riviere de Seine ,
le 5 Septembre 1661 en voulant y abreuver
son Cheval, en revenant des environs
de Paris .
La nuit du 21 au 22 Septembre dernier
, Mathieu François Molé, Chevalier,
Seigneur de Champlatreux , Luzarches ,
&c. Conseiller du Roy en tous ses Conseils
, Président du Parlement, fils de feu
Jean- Baptiste Molé , Chevalier, &c. Président
du Parlement , et de Dame Marie-
Nicole le Gorlier de Drovilly , épousa
Bonne- Félicité Bernard , fille de Samuel
Bernard , Chevalier de l'un des Ordres
du Roy , Conseiller d'Etat , Comte de
Coubert, Marquis de Merry , &c. et de
Dame Pauline Félicité de S. Chamant ,
fille de feu François de S. Chamant, Marquis
de Merry , Seigneur de Mériel , de
Saucourt, de Montabois , &c.et de Dame
Bonne de Chastelus sa veuve .
La Maison de Molé est , comme tout
le monde sait , une des plus anciennes et
des plus illustres du Parlement. Elle a
fourni dans le dernier siècle plusieurs
Grands Hommes , dont la mémoire sera
toujours en vénération , et l'on n'oubliera
OCTOBR Ë. 1733. 231º
ra jamais le nom de Mathieu Molé , qui
fut successivement Procureur Général ,
Premier Président du Parlement et Garde
des Sceaux de France ; et qui dans l'exercice
de ces différentes Charges, donna des
témoignages éclatans de zéle et d'attachement
au bien public , et à la gloire de l'Etat
, particulierement durant les troubles
de Paris. Sa principale occupation pendant
qu'il étoit Procureur Général , fut
de réprimer les désordres de l'ancienne
discipline , causez par une suite de Guerres
civiles. C'étoit un homme de probité ,
actif , vigilant et consommé dans les affaires.
M. Molé qui donne lieu à cet artiticle
, est successivement le sixième Président
à Mortier de son nom et de sa Maison
, depuis Edouard Molé , pere de Mathieu
, qui se trouvant enfermé dans Paris
et contraint par ceux de la Ligue
d'exercer la Charge de Procureur Général
, fut obligé de l'accepter , pour satisfaire
le peuple et appaiser ses cris , et à
qui le Roi Henri IV. donna cette Charge
en 1602 , pour le récompenser des grands
services qu'il lui avoit rendus. La Généalogie
de la Maison de Molé , se trouve
dans le P. Anselme , derniere Edition ,
tome 6. page $ 70.
La nouvelle Fête que M. le Chevalier
I iiij
Ber2311
MERCURE DE FRANCE ་
Bernard donna à l'occasion de ce second
mariage , ne fut ni moins magnifique ni
moins brillante que celle qu'il donna le
16 du mois d'Août dernier , pour le mariage
de M. et de Mde la Marquise de
Mirepoix , dont nous avons parlé dans
le Mercure précédent.
Elle commença comme la premiere ,
par un Concert , composé des mêmes
Voix et Instrumens ; il n'y eut rien de
changé à l'ordre et au dessein de l'illumination;
sur quoi nous renvoyons à la description
que nous en avons déja faite.
On soupa sur les neuf heures dans une
nouvelle Sale , construite dans le même
Jardin , et dont la décoration tant intéricure
, qu'extérieure ne ressembloit en
rien à celle de la premiere . Le Chevalier
Servandoni , Peintre et Architecte du
Roy , à qui M. Bernard en avoit confié
l'entreprise , y donna une preuve écla
tante de son génie et de son goût singu
lier pour ces sortes d'Ouvrages .
Le Frontispice offroit aux yeux une Architecture
rustique en bossage , d'une
vetusté majestueuse et simple , representant
la façade d'un ancien Palais , au
milieu de laquelle étoit une grande Arcade
, formée par des pierres de taille
d'inégales grandeurs , et saillantes d'environ
OCTOBRE. 1733. 2313
viron quatre pouces. Les deux fenêtres
à côté de l'Arcade étoient dans le même
goût , et portoient chacune une corniche
et un fronton surmonté d'une étoile'
en saillie qui paroissoit détachée du mur.
Au-dessus de l'Arcade régnoit d'un bout
à l'autre de la façade une corniche soutenant
un fronton qui servoit de couronnement
, et dans le timpan duquel on
voyoit un Cartouche avec les Armes des
nouveaux Epoux, surmontées du Mortier
avec la Couronne et le Manteau Ducal
pour soûtien deux Cornes d'abondance
renversées.
La Décoration interieure representoit
un Salon des plus superbes , orné d'Arcades
, de Colonnes , de Figures allegoriques
, de Bas - reliefs , de Médaillons , de
Cartels et de Trophées. Tout y avoit un
rapport marqué au nom et à la dignité
de M. Molé et de ses illustres Ancêtres .
Les Attributs de la Justice y étoient pa
tout exposez d'une maniere variée et in
genieuse , ce qui a fait nommer ce beau
Lieu le Salon de Themis.
- Ce Salon qui formoit un quarré long
de 12 toises et demie de longueur sur
7toises et demie de largeur , et de 6 toises
et demie de hauteur , étoit en marbré
blanc veiné , et ouvert par 12 Arcades.
Ly de
2314 MERCURE DE FRANCE
de 19 pieds de haut sur 8 de large , dis
tribuées par trois , sur chacun des quatre
côrez . Les Ceintres , ou Archivotes.
de ces Arcades soûtenoient chacun deux
figures de Femme couchées , en marbre
blanc , plus grandes que le naturel , et
qui exprimoient differens Attributs de
la Justice . Elles étoient au nombre de 24.
réduites à douze , parce qu'elles étoient
chacune repetées deux fois. On voyoit la
premiere tenant entre les mains une Base
sur laquelle étoit representée une Ville
pour faire entendre que la Justice est le
vrai fondement de toutes les societez .
"
La deuxième tenoit un Gouvernail
pour marquer qu'il n'y a que la Justice
qui puisse maintenir les Villes et les
Etats dans la tranquillité et la sûreté.
La troisième , les yeux attachés sur un
Livre , tenoit un Equerre de la main
droite , pour signifier l'attention que
les Magistrats doivent donner à l'Etude
des Loix , et l'équité avec laquelle ils
doivent agir.
La quatriéme tenoit une Balance
symbole de l'éxactitude et de la précision
des Magistrats , en pesant les divers.
interêts des hommes , et décidant sur
leurs vies et sur leurs biens,
La cinquième tenoit un plomb sus
pendu
OCTOBR E. 1733. 2315
pendu au bout d'un cordon , pour donner
à connoître qu'un Juge ne peut pas
être en état de rendre la justice , qu'il
ne se soit bien instruit des causes , et
qu'il n'en ait approfondi toutes les circonstances.
La sixième , qui étoit nuë avec un
Soleil sur la tête , representoit la Verité
qui doit être découverte et éclairer la
Justice.
La septième , superbement vêtuë ,
portoit une Couronne et un Sceptre , et
avoit la main sur un Globe , par où on
a voulu faire entendre que la Justice est
sur la terre comme la dépositaire de la
puissance divine.
La huitième, tenoit sur ses genoux un
Enfant qu'elle allaitoit , pour exprimer
que la Justice doit prendre pour ceux
qui ont recours à elle , les tendres sentimens
d'une mere , et devenir en quelque
sorte la nourice des peuples.
La neuviéme tenoit une Bride , pour
montrer que la Justice met un frein à
Pinsolence des méchans , et les empêche
de nuire.
*
La dixième , qui portoit un Faisceau
avec la hache , signifioit que la Justice
est armée pour punir les coupables et
deffendre les innocens.-
I vj
La
2316 MERCURE DE FRANCE
La onzième se couvroit les yeux d'un
bandeau , pour faire connoître que la
Justice doit fermer les yeux à la faveur
et au crédit , pour ne les ouvrir que sur
les Loix et l'équité lui prescri
ce que
vent.
La douzième enfin paroissoit se boucher
une oreille d'une main , et montrer
l'autre ouverte , pour exprimer l'impartialité
de la Justice , qui doit tout
écouter sans se laisser prévenir,
Le pourtour du Salon étoit decoré de
24 colonnes en relief , en bréche violette
, d'ordre Ionique , de 18 pieds de
haut , y compris Bases et Chapiteaux ,
sur deux pieds de diametre. Elles portoient
leur entablement , et elles étoient
posées à côté des Arcades sur des piedestaux
de quatre pieds de hauteur, dont
les paneaux aussi en brèche violette , les
Bases et Chapiteaux dorés ; elies avoient
chacune , au tiers de la hauteur , un
bandeau richement orné , soûtenant une
tige dorée à cinq branches , garnies de
bougies. A la place du Fleuron des chapiteaux
, étoit une Etoile , qui est une
piéce des Armes de M. Bernard et de
M. Molé .
Dans les quatre Entre colonnes des
grands côtés , qui avoient 7 pieds de
large
OCTOBRE . 1733. 2317
large , d'une Arcade à l'autre , on voyoit .
huit Bas reliefs en Marbre blanc , entourés
de Festons en fleurs artificielles ,
dont quatre étoient sous les Impos.es , et
quatre au-dessus.
1
2
·
Les quatre Bas reliefs sous les Impostes
, avoient chacun huit pieds de
haut sur 4 de large , representant les
principaux Attributs de la Justice , er
étoient couronnés chacun par un Cartel
ovale , dont les ornemens étoient dorés ,
et sur le fond , peint en émeraude , on'
lisoit des Inscriptions ou Devises latines:
relatives aux sujets exprimés dans les Basreliefs
.
Dans le premier on voyoit la Justice
sous la figure d'une Femme assise sur une
base quarrée , une Balance en équilibre.
à la main , la tête et le visage voilés , et
portant une Couronne par dessus son
voile. A ses pieds étoient , d'un côté un
Barbare , tenant une chaîne d'une main ,
et un poignard de l'autre , et paroissant
vouloir lui faire violence , et de l'autrecôté
une femme en action soumise , qui
pour la fléchir , lui offroit un vase plein
d'or , sur lequel la Justice posoit dédaigneusement
le pied , pour signifier que
la seule équité doit dicter ses jugemens ,
et qu'elle ne doit ni se laisser ébranler
par
2318 MERCURE DE FRANCE
par les menaces ,
ni se laisser corrompre
par les promesses : On lisoit dans le
Cartel , au- dessus de ce Bas- relief. Fatta
aquato examine pendit.
Dans le 2 Bas relief , la Justice sous.
la figure d'une Femme aîlée , paroissoit
descendre avec rapidité , la Foudre à la
main , pour terrasser un Cyclope que
l'on voyoit renversé à ses pieds , par où
on a voulu marquer qu'il appartient à la
Justice de punir les coupables , et d'être
la vangeresse des violentes oppressions ,
ce qui étoit exprimé dans le Cartel par
la devise : Quatit sontes accinctaflagello.
Le Sujet du 3 Bas - relief étoit un Roi
assis sur un Trône , la Couronne antique
sur la tête , et le Sceptre à la main , en
action de prononcer un jugement. A sa
gauche la Justice ayant devant elle une
Balance posée sur la base du Trône
sembloit le soûtenir. De l'autre côté
Minerve avec un Casque , la Lance et le
Bouclier , exprimoit d'une maniere sensible
que la Justice et la Sagesse sont les
plus fermes appuis des Rois. La Devise
au- dessus n'avoit rapport qu'à la Justice :
Regem foliumque tuetur.
Enfin on voyoit dans le 4 Bas- relief
la Justice avec un Diadême , assise sur
un Trône et entourée de personnes
>
de
OCTOBRE . 1733. 2359
de differens âges , dont les habillemens
dénotoient l'état malheureux , et qui
sembloient applaudir et marquer leur
joye. Elle tenoit la Balance d'une main ,
et montroit de l'autre une Corne d'abondance
, pour faite entendre que la Justiçe
est la ressource la plus assûrée des
pauvres , des veuves et des orphelins
et que c'est d'elle que dépend le bonheur
et la felicité des peuples ; c'est pourquoi
on lisoit au- dessus de ce Bas - relief :
Misero tutamen in arctis.
>
Les quatre Bas- reliefs au-dessus des
Impostes , et ayant chacun 4 pieds de
haut sur 4 de large , representoient des
Enfans badinans avec les Attributs de la
Justice. Dans le premier , des enfans délioient
un Faisceau , et en rompoient les
baguettes pour en faire des fléches , ausquelles
l'Amour attachoit lui- même les
pointes.
Dans le second un de ces Amours ayant
enlevé un bassin de la Balance , et y ayant
attaché un coeur au milieu , le tenoit
élevé pour servir de but aux autres qui
s'éxerçoient à y tirer leurs féches.
Dans le troisième , l'Amour assis surun
Globe , couronné de lauriers , tenoit
son Arc d'une main , et une Balance de
Pautre ; des enfans venoient mettre à ses
pieds
2320 MERCURE DE FRANCE
pieds les Symboles de toutes les conditions
, Couronnes , Casques , Faisceaux ,
& c. l'Amour sembloit en triompher t
leur donner la loi.
Le quatriéme offroit aux yeux des Enfans
qui avoient mis dans un des bassins
de la Balance un Globe , une Couronne ,
une Epée , des Livres , des richesses , & c .
et dans l'autre un coeur percé d'une fléche.
L'Amour ayant touché l'équilibre
de la balance , le bassin où étoit ce coeur
l'emportoit sur tout le reste.
- Dans les Entre - colonnes des angles qui
Pavoient que 4 pieds de largeur , il y
avoit au dessus des impostes , quatre Médaillons
ovales en Marbre blanc , repres
sentant d'après l'Antique , les têtes des
quatre Législateurs , Numa , Minos ,
Solon et Saleucus . Et à Paplomb de ces
Médaillons , au- dessous , on voyoit quatre
Trophées en Bas - reliefs , aussi en
Marbre blanc , composés des Attributs
de la Justice , de l'Amour et de la Victoire.
Les paneaux où étoient ces Médaillons
et ces Trophées , étoient entourés
, ainsi que les autres Bas- reliefs , de
Guirlandes de fleurs artificielles . Tous
ces Bas -reliefs et toutes les Figures en
camayeu , dont nous venons de donner
Pexplication , étoient de la main du sicut
André
OCTOBRE. 1733. 2327
André , Peintre Curlandois , ils ont fait
Fadhiration des Connoisseurs les plus
difficiles , et du meilleur goût , qui en
ent trouvé la composition sage et noble ,
le dessein aussi élégant que correct , er
le clair obscur si bien entendu que toutes
ces Figures ont parû de relief , et
nous ne croyons pas que depuis Polidore
de Caravage , Disciple de Raphaël ,
on ait rien vû de mieux en ce genre.
Les douze Arcades dont le Salon étoit
percé , à l'exception de celle de la principale
d'entrée , et de celle du fond ,
avoient chacune deux portieres , ou rideaux
de Satin verd , garnis de galons
et de franges d'or , et relevés en pavillons
par des cordons et des glands avec
beaucoup de goût. Celle du fond , visà
vis l'entrée , étoit en niche , peinte en
Marbre précieux , ayant 14 pieds de
haut sur 6 de large , le fond revêtu de
congellations en or. La Base de cette
Niche étoit un pied de Fontaine à pans ,
du même Marbre , orné de Festons et
de Consoles dorées de 4 pieds de haut
sur 9 de large , 7 d'enfoncement , et plus
de trois pieds de saillie. La surface de
cette Fontaine formoit un bassin revêtu
de plomb , de huit pouces de profondeur.
Da
222 MERCURE DE FRANCE
Du milieu de ce bassin s'élevoit une
tige ou pied droit , portant deux Coupes
, ou Coquilles dorées , d'inegale
grandeur la plus petite étoit la plus
élevée de celle ci sortoit uue grosse gerbe
d'eau vive , qui retombant en nappe
dans l'autre coquille , et de- là dans le
Bassin , formoit une cascade très - abondante
, et dont la vuë fit d'autant plus
de plaisir , qu'on devoit moins s'atten
dre à la trouver dans ce Salon.
Le pied qui soutenoit la premiere Coquille
étoit revêtu de trois mufles dorés ,
jettant de l'eau dans le Bassin , du milieu
duquel s'élevoient encore sept Jets d'eau ,
dont l'inégale hauteur formoit une figure
pyramidale. Celui du milieu s'élançoir
jusques dans la coquille d'en haut , et les
six autres retomboient inégalement dans
celle de dessous.
Au-dessus de la Gerbe , étoit suspendue
une Ancre d'argent , jettant de l'eau
par les deux pointes , et cette Ancre
étoit surmontée d'une Etoile lumineuse
de cristal , qui jettoit aussi de l'eau de
tous les côtez , ensorte qu'elle paroissoit
être au milieu d'un Soleil d'eau , ce qui
figuroit avec beaucoup d'artifice le blazon
des Armes de M. Bernard.
Le ceintre de la Niche étoit couvert
d'une
OCTOBRE . 1733. 2323
d'une Banderole peinte en émeraude , sur
laquelle on lisoit cette Devise : In patriam
populumque fluxit.
Sous les deux Arcades à côté de là
Niche étoient deux Buffets pour la distribution
du Vin , des Liqueurs , & c.
et au-dessus deux Tribunes avec des
Balustrades dorées à hauteur d'appui.
Les quatre Arcades aux extrêmitez des
grands côtez étoient entierement ouvertes.
A la premiere , à droite , aboutissoit
la Galerie couverte , qui communiquoit
de plein pied aux Appartemens du rezde
chaussée . Elle étoit tapissée de Damas
cramoisi , galonné d'or au dessus d'un
lambri à paneaux , et oruée de Trumeaux,
de Glaces , et de Girandoles . On avoit
pratiqué derriete les deux grands côtez
du Salon , des Galeries de sept pieds de
largeur , lambrissées , et richement tapissées
, qui communiquoient d'une Arcade
à l'autre , et l'on voyoit au fond de
chacune de ces Arcades des Tables de
Marbre , des Glaces , des Lustres ,
Torcheres et des Girandoles ce qui
trompoit agréablement les yeux , et faisoit
croire que ces Arcades formoient les
entrées d'autant d'Appartemens differens.
›
des
L'Arcade du milieu du grand côté , à
gauche
2324 MERCURE DE FRANCE
›
gauche , étoit fermé par un grand pa
neau de glaces , qui répétoient le Salon
dans toute son étenduë et celle qui
étoit vis à- vis à droite , étoit seulement
vitrée , pour donner passage au jour , et
laisser à un grand nombre de Spectateurs
la liberté de jouir du Spectacle du
Salon .
Les deux Arcades à côté de celle d'entrée
, embrassoient les deux- croisées vitrées
dont on a parlé en décrivant le
Frontispice,
Frontispice . Les fonds des Arcades ou
vertes ,des Tribunes et des Buffets étoient
meublés de Damas cramoisi , galonné
d'or.
en
La Frise qui régnoit tout autour du
Salon étoit ainsi que les Colonnes
bréche violette . Les ornemens de l'Architrave
et de la Corniche , selon l'ordre
Ionique , étoient en or. Au - dessus du
milieu des Arcades étoient différens
Cartouches d'Armes et Cartels de Devises
dorés en relief. Les Armes y étoient
blasonnées avec les émaux et couleurs propres,
et les devises étoient écrites dans les
carrels sur un fond vert. On voyoit les
armes des nouveaux Epoux répétées avec
tous leurs attributs et ornées de Guirlanlandes
de fleurs , en trois differens , endroits
; au dessus de l'Arcade de la Fontaine
,
OCTOBRE . 1733 2325
taine , et au dessus des Arcades du milieu
des deux grands côtez , celles de M. Bernard
étoient au dessus de l'Arcade d'entrée.
Dans le cartel posé sur l'Arcade à
gauche de la Fontaine , on lisoit cette devise
M. Molé : Hares virtutis avita.
pour
Sur l'Arcade voisine du grand côté ,
cellec- cy qui regardoit les deux époux :
trajecit utrumque sagitta.
Les deux qui étoient sur les mêmes Arcades
, de l'autre côté , convenoient à la
jeune Epouse : La premiere étoit : Magno
Patre nata puella est ; et la seconde : Quam
jocus Circumvolat et cupido.
La devise qui étoit sur l'Arcade à droi
te des Armes de M.Bernard , exprimée en
ces termes : Illum aget fama superstes , annonçoit
que ses grandes qualitez feroient
passer sa mémoire à la postérité ; et pour
marquer le noble usage qu'il fait de son
bien , on avoit mis au dessus de l'Arcade
de la Galerie des Appartemens : Beata
pleno copia cornu . Sur les mêmes Arcades,
du côté opposé , on lisoit ces deux devises
: Serus in coelum redeas , et Hic ames
dici pater, exprimoient les voeux de la famille
de M. Bernard , pour sa conservation
et la durée de ses jours .
Rien n'étoit plus brillant que le Plafond
de ce superbe Salon. Il avoit 25 .
pieds
2326 MERCURE DE FRANCE
pieds d'élevation et étoit composé de
plusieurs Travées en compartimens, alignées
d'une colonne à l'autre , et les
compartimens étoient formez par des Paneaux
quarrez et octogones , régulierement
assemblez , dont le milieu , les
moulures et les ornemens étoient en or.
Les Paneaux octogones avoient au centre
une grosse Etoile d'argent , et ils étoient
tous séparez les uns des autres , suivant
les lignes de leur direction aux colomdes
Guirlandes de fleurs peintes
par
au naturel, et par de grosses Roses dorées
en relief , qui couvroient les angles des
Paneaux , ce qui produisoit aux yeux un
effet aussi riche que varić ; ce Plafond,
aussi bien que l'Architecture de la façade
, avoit été peint par le sieur Pietre ,
Vénitien , très - habile en ce genre . C'est
le sieur Chouasse , qui a fait tous les
Ouvrages de Sculpture.
nes ,
Dans le milieu du Salon étoit la même
Table en fer à cheval qui avoit servi
pour la premiere Nôce. L'Illumination
de ce Salon répondoit parfaitement à la
magnificence de la Décoration ; il étoit
éclairé de toutes parts par un grand nombre
de Lustres et de Girandoles , dont
il est aisé d'imaginer le brillant effet.
Les Conviez descendirent dans le Salon
;
OCTOBRE . 1733. 2327
ion , comme à la précédente Nôce , au
bruit des Timbales et Trompettes, L'Assemblée
ne fut ni moins nombreuse , ni
moins brillante ; les Ministres , les principaux
Seigneurs et Dames de la Cour y
assisterent. La magnificence du Chevalier
Bernard fut également admirée dans
l'abondance , la varieté et la délicatesse
des mets et des vins qui furent servis,
>
On avoit disposé dans trois endroits
differens du Salon , trois corps de Symphonie
, l'un de Violons , Haut- bois et
Flutes , l'autre de Trompettes ct Timbales
, et le dernier de Cors de - Chasse
lesquels se répondant alternativement les
uns aux autres pendant tout le souper
et se joignant au murmure des Eaux de la
Cascade , flaterent agréablement l'oreille.
Au premier Service les sieurs Charpen
tier et Danguy , habillez en Bergers , entrerent
dans le Fer- à- cheval , le premier
joüant de la Musette , et l'autre de la
Viele. La Dlle Salé , célebre Danseuse ,
très- galamment vétuë en Bergere , vint
se placer entre eux deux ; elle sembloit
exprimer son étonnement et leur demander
la cause d'une Fête si superbe . Les
deux Bergers la conduisirent auprès de
Ma nouvelle Epouse , à qui elle présenta
un magnifique Bouquet. Elle continua
de
2328 MERCURE DE FRANCE
guant
de former quelques . Pas de danse , feide
chercher encore une autre personne
, et s'arrêta vis- à - vis la place qu'oc◄
cupoit M. Bernard ; elle lui présenta un
autre Bouquet , après quoi elle se retira.
Elle revint au dessert , pendant lequel
elle dansa differentes Entrées dans la plus
grande perfiction et avec des applaudissemens
infinis.
On sortit de table à minuit pour se
rendre à S. Eustache , où les nouveaux
Epoux devoient être mariez. Il nous pa--
roît inutile de nous étendre sur l'Illumination
et la Décoration de l'Eglise . Tout
Paris en a été témoin , et d'ailleurs nous.
n'aurions rien à ajoûter à ce que nous en
avons dit dans le dernier Mercure.
..Ce fut encore M. le Curé de S. Eusta
che qui fit la célebration du Mariage
et pendant tout le temps qu'elle dura
on entendit le bruit des Timbales et des
Trompettes , mêlé avec l'harmonie de
l'Orgue.
Nous avions intention d'ajoûter à cette
Description quelques Estampes , pour
donner au Lecteur une idée de ce superbe
Salon de Thémis , comme nous l'avons
fait pour le Temple de Mars , mais let
peu de temps que nous avons eu pour
faire graver ces Morceaux dans la perfection
OCTOBRE . 1733. 2325
fection qu'ils auroient demandé , ne nous
a pas permis de donner cette satisfaction
au Public.
TABLE
Ieces Fugitives . L'utilité des Prix Académi- Pleces
miques , Ode ,
2115
Conjectures sur une Gravûre antique ; Amulette
contre les Rats , &c. 2120
Vers sur un Madrigal à Mlle de la Vigne , 2134
Extrait d'une Lettre sur Vetera Domus , &c . 2136
Ode contre le Duel , 2140
Lettre sur la Traduction de M. de Montaigne ,
2144
2148 La nécessité de mourir , Ode,
Remarques sur l'Orthographe moderne , 2153
Madrigaux imitez du Guarini , &c . 2157
Lettre d'un Frere Jardinier & c. sur les Greffes,
Le Triomphe de la Raison , Ode ,
2160
2175
2179
Lettre sur le Cabinet des Médailles des Jésuites
de Tournon ,
Traduction en Vers , du premier Pseaume, 2184
Remarques sur le combat de Cupidon et d'un
Cocq, gravure antique ,
Vers à Me Félicité ,
Enigme , Logogryphes , & c.
2185
2189
2192
Nouvelles Litteraires des beaux Arts , &c. 2196
Le Zodiaque de la vie humaine ,
Observations importantes sur lesAccouchemens,
& c.
Panégirique de S. Louis , & c.
d'Angleterre , de Toyras.
2197
2205
2206
Remarques historiques et critiques sur l'histoire,
K
2273
Histoire
Histoire des Empires et des Républiques ', depuis
le Déluge jusqu'à J. C.
Lettre sur le Bureau Typographique ,
8217
2218
Avertissement de l'Auteur de la nouvelle Méthode
pour apprendre la Musique ,
Prix de l'Académie de Bordeaux ,
2222
2227
Tableaux etEstampes nouvellement gravées, 2229
Chanson notée , &c .
2232
Spectacles , Hypolite et Aricie , Extrait , 2233
Nouvelles Etrangeres , de Pologne , Manifeste
de la République , & c.
De Dannemarck , Allemagne et Italie ,
Païs - Bas et Grande Bretagne , &c.
Morts des Païs Etrangers ,
2241
2262
2255
1
2267
Article de la Guerre. Motifs des Résolutions du
Roy , &c. ibid.
Déclaration faite au nom de S. M. 2275
Déclaration de l'Empereur ,
*
2278
Copia Declarationis Imperatoris , &e. 2277
Lettre du Roy au Primat , &c . 2279
Declaration aux Electeurs , &c. ibid.
Ordonnance du Roy , portant Déclaration de
Guerre contre l'Empereur , 2080
Officiers Généraux de l'Armée d'Allemagne ,
1282
2283
2286
2283
Officiers Généraux de l'Armée d'Italie ,
Siége du Fort de Kehl , & c.
NOUVELLES de la Cour , de Paris ,
Reception faite à Madame la Duchesse du Maine
, par la Ville de Dreux ,
Morts et Mariages ,
229
2296
Fête donnée à l'occasion du Mariage de M. le
Président Molé , 2310
Faute à corriger dans le Mercure de Juin , à
l'article desNouvelles ou parlant de l'Abbé Cervini
,
vini , Auditeur General de la Légation d'Avigro
; on nomme cet Abbé , Recteur de l'Eglise
de Carpentras. M. l'Abbé Cervini a été nommé
par le Pape pour être Recteur du Comtat Venaissin
; ce Prélat fait sa résidence à Carpentras, qui
en est la Ville Capitale.
Errata de Septembre.
Page 1919. ligne 3. Juillet , lisex Août . P.1922
1. 8. premier Sermon de la Résurrection ,
1. Sermon de la sainte Croix . P. 2075. 1. 23..
Laubine , . Laubepin. P. 2076. lig. dern. Destreans
, l d'Estrehan. P. 2077. 1. 4. Vassey , l .
Vassy. Lign 7. Todoas , l, Faudoas. P. 2081.
1. dern . lequel , l . il. P. 2086 , l . 5. Bournau , l.
Bournay. P. 2088. 1. 18. Royennes, l Voyennes .
P. 2095.1. 12. Reuilly , . Veüilly. P. 2097. L.
16. Terredes , comme plus haut, Terrides. P. 2103
1. 8. d'un , l . d'une, P. 21 10. l. 1. ses , l. les .
Fautes à corriger dans ce Livre.
PAS
Age 2143. ligne 16. intelligible , lisez in intelligible.
P. 2214. 1. 29. l. connus. P. 2217.
1. 19. Urane , l. Uranie . P. 2239. 1. 17. les , l. le
P. 2241. 1. 4. chez lui , ôtez ces deux mots .
P. 2258. 1. 1. Diptôme , l. Diplome . P. 2261 .
1. 12. Mariemar , 1. Mariemont . P. 1264. 1. 2.
pour , ajoûtez , leur. Ibid. 1. 3. ou , l . et. Ibid.
1. 2. du bas , Falconin , l . Falconieri. P. 2271 .
1. 1, il est , l. est-il.
ĽAir noté doit regarder la page 2232
Ces Figures doivent regarder la page
2160. LETTRE et Observations sur
la maniere dont le Sujet et la Greffe s'u-"
nissent dans les Arbres greffez.
Qualité de la reconnaissance optique de caractères