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MERCURE
DE FRANCE ,
DEDIE AU ROT.
DECEMBRE. 1732 .
PREMIER VOLUME.
OUR
COLLIGIT
SPARGIT
A PARIS , IR
GUILLAUME CAVELIEN
rue S. Jacques.
Chez LA VEUVE PISSOT , Quay de
Conty , à la descente du Pont-Neuf.
JEAN DE NULLY, au Palais
M. DCC. XXXII.
Avec Approbation & Privilege du Roy.
A VIS.
L
'ADRESSE generale eft à
Monfieur MOREAU , Commis ar
و
840.6 Mercure vis - à - vis la Comedie Frangoife
, à Paris. Ceux qui pour leur com-
1553 modité voudront remettre leurs Paquets cachetez
aux Libraires qui vendent le Mercure,
à Paris , peuvent fe fervir de cette voye
173 and
December
pour lesfaire tenir.
On prie très-inflamment , quand on adreſſe
des Lettres on Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non-feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardé
de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de la premiere
main, & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreffes à M. Moreau ,
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps , & de les faire porierfur
T'heure à la Pofte , ou aux Meffageries qu'on
lui indiquera.
PRIX XXX . SOLS,
MERCURE
DE
FRANCE ,
DÉDIÉ
AV
ROT.
DECEMBRE .
1732 .
PREMIER
VOLUME.
PIECES
**********
FUGITIVES ,
Su T
en Vers et en Prose.
LE
TRAVAIL.
OD E.
;
Ravail , qui sous un front sévére ;
Es un puissant consolateur
En qui les Vertus ont un pere
Et les vices un destructeur,
Ferme soutien des Républiques ,
Auteur de succès héroïques ,
Et dans la Guerre et dans la Paix ,
A ij Vien
L
1.Vol.
2522 MERCURE DE FRANCE
Vien polir toi-même l'image
Où ma main qui te rend hommage
Veut faire admirer tes attraits.
A ta noble perséverance
Les Dieux accordent leurs présens.
L'Homme te doit sa délivrance
De mille et mille maux cuisans.
En fruits aussi charmans qu'utiles
Les champs par ton moyen fertiles
Le sont pour combler ses desirs ?
Il vit libre sous ton Empire ,
Et de ta rigueur même il tire
L'abondance et les vrais plaisirs,
Si dans le crédit , la richesse
Il trouve du contentement ,
Bien souvent ce n'est qu'une yvresse
Qui se dissipe en un moment.
Foible , malgré sa vaine audace ,
Son coeur à la moindre disgrace
Par eux n'est point superieur ;
Et ces éclatantes chimères
N'étouffent point de ses miseres
Le sentiment interieur.
I.Vol. To
DECEMBRE 1732. 2523
Toi seul , qui du Fer et des Roches
Sçais surmonter la dureté ,
Noble travail , tu te raproches
Du sort de la Divinité.
Toi seul as merité des Temples
A ces Heros dont les exemples
Feront honte à quiconque croit ,
Que la grandeur et l'opulence
De nous livrer à l'indolence
Peuvent nous acquerir le droit.
來
Elle est une source de vices ,
De nécessitez et d'ennuis.
Pour ceux que ses fausses délices
Ont malheureusement séduits.
Des maux,fils de cette perfide ,
Chaque jour , la troupe homicide
Avance le coup d'Atropos ;
Et c'est elle qui dans nos ames
Allumant les desirs infames ,
En bannit l'innocent repos.
Oui , de ses délices fatales
Naissent pour nous couvrir d'affronts ,
Les crimes des Sardanapales ,
Des Egystes et des Nerons.
Sur le bord des plus noirs abîmes
I. Vel.
A iij Elle
524 MERCURE DE FRANCE
Ele endort ses lâches victimes ,
Dignes d'un éternel mépris .
Vile Circé , son charme étrange
En Tirans haïssables change
Des Princes autrefois chéris.
Rappelons-nous l'impure vie ,
Par qui , bravant toutes les loix ,
L'éxécrable fils de Livie
Obscurcit ses premiers exploits .
Tibere en vain par sa vaillance
S'acquit d'abord la bienveillance
Et des étrangers et des siens ;
Au changement qu'il fit paroître ,
Tous cesserent de reconnoître
Le vainqueur des Illyriens.
諾
La gloire que vos coeurs souhaitent ;
Humains , est un bien qui n'est dû
Qu'aux grands courages qui l'achetent
Au prix d'un travail assidu ;
Plus rare en effet , plus celébre
Que l'or qu'en ses eaux roule l'Ebre ,
Elle est bien digne de vos voeux ;
Des Heros elle est le partage ,
Et c'est le plus riche héritage
Qu'ils transmettent à leurs Neveux.
Mais
1.Vol
DECEMBRE.
17320 2525
Mais du moyen qui la procure
Souvent vous n'aimez que le nom :
Et vous vivez comme Epicure ,
En raisonnant comme Zenon ;
Fertiles en projets sublimes
En vain semblez-vous magnanimes ,
Si , trop prompts à se rebuter ,
Vos coeurs qu'assoupit la mollesse
Ne montrent que de la foiblesse
Quand il s'agit d'éxecuter.
Si content d'ébloüir la Terre
Par quelques discours spécieux ,
Alcide n'eut pas fait la guerre
A cent monstres pernicieux ,
Au lieu d'un Heros intrépide
La terre Jadis dans Alcide
N'eut connu qu'un Sophiste vain ,
Et du méprisable vulgaire
Elle ne distingueroit guére
Cet Homme issu d'un sang divin.
Moins pour vivre dans les Histoires
Que pour secourir les Mortels ,
Il gagna d'illustres Victoires ;
Ils lui dresserent des Autels .
Sa vertu portée à détruire
I. Vol. Tout
A iiij
7526 MERCURE DE FRANCE
Tout monstre qui pouvoit leur nuire
Se déclara par des effets ;
Et parcourant la Terre et l'Onde ,
Elle laissa dans tout le monde
Des Monumens de ses bienfaits.
S
Vous , qu'à l'abri de l'indigence
La Fortune semble avoir mis ,
Et qui pour vous pleins d'indulgence
Vous croyez tous plaisirs permis ,
Domtez un penchant détestable
Et par un travail profitable
Vous rendant dignes d'être heureux ;
Au Prince , au Peuple , à la Patrie ,
De vos soins , de votre industrie
Prêtez les secours généreux.
Et vous , sur qui les destinées
Ont éxercé plus de rigueur ,
De vos florissantes années
Mettez à profit la vigueur.
Songez que les remords d'Oreste ,
De Tantale l'état funeste ,
D'Irus la triste pauvreté ,
Sont l'image du sort tragique
Qu'à son esclave létargique ,
Ourdit sans fin l'oisiveté.
1. Vol
LES
DECEMBRE . 1732 2527
f f f f f f f f f f
LES AMES RIVALES ;
HISTOIRE FABULEUSE.
Dde l'Inde, etunRoyaume nommé
Ans une des plus agréables Contrées
›
Mallean , où les femmes ont une autorité
entiere sur les hommes ; dispensatrices
des Loix , l'administration du Gouvernement
les regarde seules , tandis que les
hommes enfermez dans le sein des maisons
, et livrez à des occupations frivoles ,
ont pour tout avantage la parure , le
plaisir de plaire et d'être prévenus , la timidité
, la paresse , et pour devoirs ,
solitude , la pudeur et la fidelité .
la
Ce genre de domination n'a pas toujours
subsisté chez les Malleanes ; il est
l'ouvrage de l'Amour ; les femmes qui
d'abord ne pouvoient avoir qu'un époux,
acquirent avec adresse le droit d'en augmenter
le nombre , dont elles parvinrent
enfin à ne faire que des esclaves .
Cette superiorité ne les a peut- être pas
renduës plus heureuses , si l'on en croit
le souvenir qu'elles gardent encore du ré-
1.Vol. gne A v
2528 MERCURE DE FRANCE
gne de Masulhim , qui fut le plus doux
qu'ayent éprouvé les peuples ; ce Régne
est rapporté dans un des principaux Livres
de la Religion des Indiens : telles
étoient alors les moeurs .
·
Dès qu'une fille avoit atteint l'âge de
dix ans , ses parens lui présentoient douze
Amans convenables par leur âge et par
leur naissance , et ces Amans passoient une
année auprès d'elle , sans la perdre de vuë
un seul moment ; ce temps révolu , elle
pouvoit choisir un d'entre eux ; ce choix
lui donnoit le titre d'époux , et devenoit
une exclusion pour les onze autres ; elle
étoit libre aussi de ne point aimer , c'està
dire , de prendre douze nouveaux
Amans , et de n'avoir point d'époux ;
quelque soin qu'eussent les Amans de
dissimuler leur caractere lorsqu'ils avoient
interêt de le cacher , une fille pendant le
cours de cette année où ils vivoient avec
elle , avoit tout le tems de le pénétrer ;
ainsi on s'unissoit autant par convenance
que par penchant , eh ! quelle felicité accompagnoit
cette union ! Deux époux ne
concevoient pas qu'on pût cesser de s'aimer
, et ils s'aimoient toujours . Peut- être
pour garder une fidelité inviolable , ne
faut-il que la croire possible ?
La Princesse Amassita , fille du Roi
I. Vol. de
'DECEMBRE. 1732. 2529.
de Mallean , étant parvenuë à l'âge d'être
mariée , les plus grands Princes de l'Inde
se disputerent l'honneur d'être du nombre
des douze Amans ; elle étoit bien digne
de cet empressement ; elle joignoit à
une figure charmante , un certain agrément
dans l'esprit et dans le caractere
qui forçoit les femmes les plus vaines à
lui pardonner d'être plus aimable qu'el
les . Parmi les illustres concurrens qui furent
préferés , Masulhim , Prince de Carnate
, et Sikandar , Prince de Balassor , se
distinguerent bien - tôt ; l'un par les graces
avec lesquelles il cherchoit à plaire , et
Pautre par l'impetuosité de sa passion.
Cette tendresse très - vive de part et
d'autre ne mit point cependant d'égalité
entre eux aux yeux de la Princesse. Le
Prince de Carnate interessoit le mieux
son coeur , mais elle n'osa d'abord se l'avouer
à elle- même , dans la crainte de ne
pas garder assez séverement l'exterieur
d'indifférence qu'elle devoit marquer à
ses Amans jusqu'au jour où elle choisiroit
un époux . Elle regardoit comme un crime
les moindres mouvemens qui pou
voient découvrir le fond de son ame :
dans le tableau qu'on se fait de ses dévoirs ,
peut- être faut- il grossir les objets pour
les appercevoir tels qu'ils sont.
I. Vol.
A vj Le
2530 MERCURE DE FRANCE
Le Prince de Carnate étoit dans une extrême
agitation ; la veritable tendresse est
timide ; il n'osoit se flater de l'emporter
sur le Prince de Balassor , toujours occupé
d'Amassita , il joüissoit du plaisir de
la voir sans cesse par le secours du Dieu
des ames , qui lui avoit accordé le pouvoir
de donner l'essor à la sienne ; son
amour lui avoit fait obtenir cette faveur
singuliere. Son ame alloit donc à son gré
habiter le corps d'une autre personne , ou
se placer dans des plantes ; dans des animaux
, et revenoit s'emparer de sa demeure
ordinaire . Ainsi dès que la nuit
étoit venuë , l'ame du Prince de Carnate
partoit et s'introduisoit dans l'appartement
de la Princesse , dont l'accès étoit
alors interdit à ses Amans ; ce secret lui
épargnoit des momens d'absence qui lui
auroient été insupportables , mais il ne
lui donnoit à cet égard aucun avantage
sur son Rival , qui possedoit comme lui
cette merveilleuse liberté d'ame.
La Princesse ne pût si bien dissimuler
le penchant qu'elle avoit pour le Prince
de Carnate , qu'il ne parût à bien des
marques dont elle ne s'appercevoit point ;
c'est l'illusion ordinaire des Amans , ils
croyent que leur secret ne s'est point
échapé , tant qu'ils ne se sont point per-
I. Vol mis
DECEMBRE. 1732. 2531
mis la satisfaction de le trahir ; Masulhimeut
entr'autres cette préference , mais cette
idée flateuse s'évanouissoit bien-tôt ;
inquiet dans ce qu'il osoit se promettre
il falloit pour être tranquille , un mot de
la bouche de la Princesse ; eh ! comment
l'obtenir ? Amassita ne voyoit jamais ses
Amans qu'ils ne fussent ensemble , et ne
leur parloit jamais qu'en public , ainsi on
avoit toujours ses Rivaux pour confi .
dens.
Un jour qu'ils étoient chez la Princesse ,
Masulhim imagina un moyen pour avoir
un entretien secret avec elle ; la conversation
étoit generale , et rouloit selon la
coûtume ordinaire , sur les charmes d'Amassita
: Madame , dit le Prince de Car
nate , n'osant nous flater de vous avoir
plû , nous devons bien craindre de vous
ennuyer ; vous n'entendez jamais que
des louanges , que des protestations éxagerées
peut-être ( quoique . vous soyez
charmante et que nous vous aimions de
bonne foi ( vous ne trouvez que des prévenances
qui ne vous laissent pas un mo
ment le plaisir de désirer ; il est sûr que
si l'un de vos Amans est assez heureux
pour que vous lui sçachiez gré de ce continuel
empressement , les onze autres vous
en deviennent plus insupportables , ose-
1. Vol
rois
2532 MERCURE DE FRANCE
>
rois -je vous proposer un arrangement qui
vous sauveroit de ces hommages dont
vous êtes peut-être excedée. Souffrés qu'au
ard'hui tous vos Amans vous entretien
nent avec quelque liberté un quart d'heure
seulement ; leur amour n'aura qu'à '
s'empresser de se faire connoître , ce quart
d'heure expiré , les sermens , les reproches
les louanges à découvert , enfin
toute cette déclamation ordinaire de la
tendresse ne leur sera plus permise ; il
faudra qu'ils paroissent hors d'interêt dans
tout ce qu'ils vous diront ; ainsi l'enjoüment
, l'agrément de l'esprit prendront
la place du sérieux de l'Amour qui en est
toujours l'ennuyeux dans les Amans qui
ne sont point aimés . Mon coeur ne m'a
fait vous proposer cette conduite que parce
que
si je ne suis pas assez heureux pour
meriter votre foi , ne vous plus parler de
ma tendresse , en est , je croi , la scule
marque qui puisse vous plaire .
La Princesse parut surprise du discours
de Masulhim : votre idée , lui répondit .
elle , est effectivement très - raisonnable ;
il est vrai que si mon coeur s'étoit déja
déterminé ,l'Amant vers lequel ilil pancheroit
, se tairoit comme les autres , et
peut-être que son silence me seroit plus
à charge que l'ennui d'entendre ses Ri-,
I. Vol. vaux,
DECEMBRE . 1737. 2533
vaux. J'accepte cependant le projet que
Votre prudence vous fait imaginer ; je
ne veux pas être moins raisonnable que
vous : la Princesse prit un air sérieux en
achevant cette réponse , sans s'appercevoir
que ce sérieux alors pouvoit ressembler
à un reproche. Amassita commença
dès le même jour cette espéce d'audience ,
à laquelle elle venoit de s'assujettir. Le
tems de la promenade et celui des Jeux
fûrent employés à écouter ses Amans. Les
concurrens du Prince de Carnate eurent
les premiers momens que la Princesse
abrégea souvent d'autorité. Il ne restoit
plus que le Prince de Balassor et lui. Si-
Kandar approcha d'elle avec assez de confiance
de n'être point haï. Dans les momens
ou par le secours des différentes
métamorphoses qu'il pouvoit prendre , il
entroit dans l'appartement d'Amassita
qui n'étoit alors qu'avec ses femmes ; il
avoit remarqué une réverie , une distraction
qui s'emparoit de la Princesse ; il
l'avoit expliquée favorablement pour lui ,
tandis que le Prince de Carnate , sans oser
s'en flater , en avoit tout l'honneur. La
Princesse l'écouta sans jamais lui répondre
, et le quart d'heure à peine achevé :
Souvenez - vous , lui dit - elle , que c'est la
derniere fois que je dois vous entendre
›
1. Vol. elle
2534 MERCURE DE FRANCE
elle fut jointe alors par le Prince de Carnate
, et les autres Amans observerent
avec inquiétude cette espéce de tête à
tête , qui étoit le dernier qu'Amassita devoit
accorder .
Masulhim aborda la Princesse avec un
embarras qui ne lui laissa point appercevoir
qu'elle n'avoit pas une contenance
plus assûrée que la sienne Madame
lui dit- il , à présent je suis au désespoir
de la loi que je vous ai engagée à prescrire
; voici peut-être la derniere fois que
je puis vous dire que je vous aime , que
deviendrai - je si votre choix regarde un
autre que le Prince de Carnate , le plus
tendre de vos Amans ? Alors fixant ses
yeux sur ceux de la Princesse , son trouble
en augmenta , et il cessa de parler.
Amassita qui sembloit ne s'occuper que
d'un tapis de fleurs sur lequel ils se promenoient
, n'étoit rien moins que distraite
; elle ne sentoit plus l'impatience
qu'elle avoit euë de voir finir la conversation
avec ses autres Amans ; elle avoit
trouvé dans leurs discours trop d'empressement
de paroître amoureux , trop d'envie
de plaire . Celui de Masulhim ne lui
parut pas assez tendre ; elle tourna les
yeux sur les siens , sans trop démêler encore
ce qu'elle y cherchoit , et voyant
1. vol.
qu'il
DECEMBR E. 1732 2539
qu'il gardoit toujours le silence : vous
n'avés qu'un quart d'heure , dit elle ; à
ces mots son embarras augmenta , et elle
Lesta à son tour quelques momens sans
parler.
eh Belle Amassita , reprit Masulhim , ch
pourquoi me faites- vous sentir davantage
le peu qu'il durera ce moment , ce seul
moment où je puis vous parler sans voir
mes odieux Rivaux pour témoins ! Ah !
si j'étois l'Amant que vous préfererés ,
qu'il vous seroit aisé de m'ôter mon incertitude
sans que personne au monde
connut mon bonheur ! J'ai obtenu du
Dieu des Ames le pouvoir de disposer de
la mienne , séparée du corps qui la contraint
, elle habite chaque nuit votre Palais
; j'étois cette nuit même avec toutes
ces images que vous n'avés regardées que
comme un songe j'animois ces génies ,
qui sous des formes charmantes répandoient
des fleurs sur votre tête ; je passois
dans ces timbres et dans ces chalu
meaux dont ils formoient des Concerts
et je tâchois d'en rendre les sons plus touchans.
Ce matin j'étois cet Oyseau à qui
vous n'avez appris que votre nom , et qui
vous a surpris par tout ce qu'il vous a dit
de tendre. Que ces momens me rendent
heureux ! ne pouvant me flater d'être ce
I. Vol. que
2536 MERCURE DE FRANCE
>
que vous aimés , j'ai du moins le plaisir .
de devenir tout ce qui vous amuse , et je
serai toujours tout ce qui vous environnera
, tout ce qui sera attaché à vous pour
toute la vie ? Quoi ! vous êtes toujours
où je suis , répondit la Princesse ! Oüi
belle Amassita , reprit Masulhim ; ce n'est
que depuis que je vous aime que j'ai ce
pouvoir sur mon ame , et je ne veux jamais
l'employer que pour vous ; daignés
le partager ce pouvoir si désirable , il ne
dépend que de quelques mots prononcés ;
songés quel est l'avantage de donner à
son ame la liberté de parcourir l'Univers.
Non , interrompit la Princesse , si
j'apprenois ce secret , je voudrois n'en
faire usage que par vos conseils : mon ame
voudroit toujours être suivie de la
vôtre.
A ces mots , Amassita s'apperçut que
son secret s'étoit échapé , mais il ne lui
restoit pas le tems de se le reprocher ; le
quart d'heure étoit déja fini , elle se hâta
d'apprendre les mots consacrés ; elle convint
que le soir même pour faire l'épreuve
de son nouveau secret , dès que ses
femmes la croiroient endormie , son ame
iroit joindre celle du Prince , et ils choisirent
l'Etoile du matin pour le lieu du
rendez -vous. Ils se séparerent ; la Prin-
I.Vol. cesse
DECEMBRE . 1732. 2537°
cesse rentra dans son appartement , et Masulhim
retourna à son Palais. Tous deux
ne respiroient que la fin du jour , et ce
jour ne finissoit point , la nuit vint cependant
, l'ame du Prince étoit déja partic
bien auparavant : enfin elle vît arriver
celle de la Princesse ; elles se joignirent
au plutôt , elles se confondirent , elles
goûterent cette joye , cette satisfaction
profonde que les Amans qui ne sont pas
assez heureux pour être débarassés de leurs
corps , ne connoissent point. Ces ames li
bres ne furent plus qu'amour pur , que
plaisirs inalterables , chacune appercevoit
toute la tend esse qu'elle faisoit naître , et
c'étoit le bonheur parfait qu'elle portoit
dans l'ame cherie , qui faisoit tout l'excès
du sien ; elles ne voyoient nulles peines
à prévenir , nulles satisfactions à désirer
enfin elles ne faisoient que sentir et qu'être
heureuses , et la nuit se passa précipitamment
pour elles ; il fallut s'en retourner.
La Princesse vouloit avant l'heure
ordinaire de son lever , rejoindre son
corps qu'elle avoit laissé dans son lit. Ces
Amans demanderent et se promirent
un même rendez- vous pour la nuit d'ensuite
, et ayant fait la route ensemble , ils
ne se séparerent qu'au moment de retourner
à leur habitation .
I. Vol. On
2538 MERCURE DE FRANCE
:
On croiroit qu'une union où l'ame
seule agit , est exemte des révolutions qui
persécutent les passions vulgaires , mais
l'amour ne va jamais sans quelque trouble
quelle surprise pour l'ame de la
Princesse , lorsque rentrant dans son appartement
, elle apperçût son corps déja
éveillé et environné de ses femmes , qui
s'occupoient à le parer. Le Prince de Balassor
par le secours d'une Métamorphose
avoit entendu les Amans lorsqu'ils se
donnoient rendez-vous à l'Etoile du matin
, et dès l'instant qu'il avoit vû partir
l'ame de la Princesse , il avoit été s'emparer
de sa représentation .
Amassita resta embarassée , éperduë à
un point qu'on ne sçauroit exprimer. Elle
n'avoit plus Mas lhim pour l'aider de ses
conseils ; elle n'étoit point accoûtumée à
disposer de son ame sans être conduite
par celle de son Amant , elle resta incertaine
, errante , formant mille projets et
ne s'arrêtant à aucun.
Il paroît surprenant qu'une ame qui
agissoit librement , ne trouva point d'abord
de ressources pour se tirer de
peine ; mais quand les ames sont bien livrées
à l'Amour , elles négligent si fort
toutes les autres opérations dont elles sont
1. Vol.
capa
DECEMBRE. 1732. 2539
apables , qu'elles ne sçavent plus qu'aimer.
Masulhim qui ignoroit ses malheurs ;
vint à l'heure ordinaire chez la Princesse;
il avoit cette joye si délicieuse , que les
Amans ont tant de peine à cacher quand
ils commencent d'être heureux. Quel
étonnement pour lui de ne point trouver
dans la Princesse ce caractere de douceur
et de dignité qui lui étoit si naturelle !
son langage et son maintien étoient devenus
méprisans à son égard , et marquoient
une coqueterie grossiere pour ses
Rivaux ; car le Prince de Balassor faisoit
malignement agir la fausse Princesse , de
façon à désesperer Masulhim.
Le Prince de Carnate ne pouvoit rien
comprendre à ce changement , il ne pou
voit le croire. Sikandar lisoit dans ses
yeux toute sa douleur , et ressentoit autant
de joye dans le fond de cette ame
dont il animoit le corps de la Princesse
et pour porter à son Rival un coup irrémediable
, il fit assembler les Bramines ,
et leur déclara ( paroissant toujours la
Princesse ) que quoique l'année ne fut
point encore révolue , elle étoit prête ,
' ils y consentoient, à déclarer son Epoux;
on applaudit à cette proposition , et la
I. Vol. fausse
2540 MERCURE DE FRANCE
fausse Princesse nomma le Prince de Balass
or.
Après cette démarche , si funeste pour
Masulhim et pour Amassita , l'ame de
Sikandar partit , et celle de la Princesse
qui étudioit le moment de rentrer dans
sa propre personne , ne manqua pas de
s'en
emparer dès que Sikandar
l'eut abang
donnée .
Mais tous les maux que le Prince de
Balassor venoit de causer ne suffisoient
pas
pas à sa fureur , ce n'étoit pas assez pour
Îui d'avoir obtenu par une trahison le titre
d'Epoux, que son Rival n'auroit voulu
recevoir que des mains de l'Amour , il
voulut encore lui ravir le coeur de la Princesse
, en semant entr'eux des sujets horribles
de jalousie et de haine . Comme il
méditoit ce projet , il apperçût l'ame du
Prince de Carnate qui alloit rejoindre son
corps dont elle s'étoit séparée par inquié
tude . L'ame de Sikandar suivit celle
de Masulhim avec tant de précision
qu'elles y entrerent en même tems ; celle
du Prince de Carnate fut au désespoir de
trouver une compagnie si odieuse , mais
comment s'en séparer ? lui abandonner la
place , pouvoit être un parti dangereux.
Ces deux ames resterent ainsi 'renfermées ,
sans avoir de commerce ensemble. Elles
1. Vol. réso
DECEMBRE. 1732. 2541
résolurent de se nuire en tout ce qu'elles
pourroient , par les démarches qu'elles
feroient faire à leur commune machine.
Il n'y avoit qu'une seule opération à laquelle
elles pouvoient se porter de concert
; c'étoit de songer à la Princesse , et
de conduire chez elle leur personne . Ces
deux Rivaux se rendirent donc ensemble
au Palais d'Amassita . A peine apperçûtelle
Masulhim , qu'elle s'empressa de se
justifier sur le choix qu'elle paroissoit
avoir fait devant ses Etats assemblez. Le
Prince de Carnate attendri par la douleur
de la Princesse , voulut se jetter à ses genoux
, mais cette autre ame qui agissoit
en lui de son côté , troubloit toujours les
mouvemens que le Prince de Carnate vouloit
exprimer: s'il juroit à la Princesse de
l'aimer toute sa vie , l'autre ame lui faisoit
prendre un ton d'ironie qui sembloit
désavouer tout ce qu'il pouvoit dire. Ces
dehors offensans qui étoient apperçûs de
la Princesse , la blessoient ; elle faisoit des
reproches à Masulhim. Il en étoit attendri
, désesperé , mais dans le moment
qu'il la rassuroit par les discours les plus
tendres , l'ame ennemie lui imprimoit un
air de distraction et de fausseté qui les
rebroüilloient avec plus de colere . Enfin
ees deux Amans éprouverent la situa-
Is Vol.
tion
2542 MERCURE DE FRANCE
tion du monde la plus triste et la plus sin
guliere.
Ce cruel pouvoir de l'ame du Prince de
Balassor mit entre eux la désunion et le
désespoir. Les Malleans étoient extrêmement
surpris de voir ces contrastes dans
le Prince de Carnate. Ils ne sçavoient point
encore que dans un Amant l'inégalité et
l'inconstance ne sont que l'ouvrage d'une
ame étrangere qui le fait agir malgré soi ,
et que la veritable reste toujours fidelle
.
Masulhim et Amassita outrément aigris
l'un contre l'autre , Sikandar crut qu'il
n'avoit qu'à reparoître sous sa forme ordinaire.
Il se sépara de l'ame de son
Rival ; c'étoit le jour même où les Malléanes
avoient marqué la cerémonie de
son union avec la Princesse.
Les Bramines s'assemblerent , et la Fête
fut commencée . Quelle situation pour
Masulhim ! la Princesse toujours irritée
contre lui , toujours livrée à la cruelle erreur
que lui avoit causé l'ame de Sikandar
, jointe à celle de son Amant , ne son .
gea plus qu'à l'oublier . Elle se laissa parer
du voile de felicité ; c'est ainsi qu'on appelloit
les habits de cette cerémonie . On
conduisit au Temple des deux Epoux
immortels. Le Prince de Balassor mar-
I. Vol. choit
DECEMBRE : 1732. 2543
choit à côté de la Princesse , et Masulhim
qui voyoit son malheur assûré , suivoit ,
confondu dans la foule et noyé dans la
douleur et dans le désespoir. Le Prêtre et
la Prêtresse firent asseoir Amassita , et
placerent à côté d'elle l'indigne Amant
dont elle alloit faire un Epoux . Le trouble
de la Princesse s'augmenta ; un torrent de
larmes vint inonder ses yeux ; elle sentit
au moment de donner sa foi à un autre
qu'à Masulhim , qu'il y avoit encore un
supplice plus grand que de le croire infidele.
O Mallanes , dit- elle , soyés touchés
du sort de votre Princesse ; il s'agit
du bonheur de sa vie. Elle déclara alors
la trahison de Sikandar , lorsque faisant
parler sa représentation , il s'étoit nommé
lui- même pour l'Amant préferé de la
Princesse : jugés , ajoûta- r'elle , de l'horreur
de ma situation ; si vous me forcés
à être unie avec le Prince de Balassor , je
vous l'ai avoüé : favorisée du Dieu des
ames , j'ai le pouvoir de disposer de la
mienne . Le serment par lequel vous m'attacherés
à un Amant que je déteste , ne
lui livrera que ma représentation ; ma
foi , mes desirs , mon âme enfin , en seront
séparés à tous les momens de ma vie.
Quelle union chez les Malleanes ! je vois
que la seule idée vous en fait frémir . Les
1. Vol. B Mal2544
MERCURE DE FRANCE
Malleanes firent un cri d'effroi , et d'une
voix unanime releverent la Princesse de
ses engagemens .
, Enfin me voilà libre , s'écria- t'elle :
helas ! si le Prince de Carnate m'avoit
toujours aimée , que j'aurois été éloignée
de séparer mon coeur de ma main ! il eut
toujours trouvé en moi mon ame toute
entiere. A ces mots Masulhim se jetta aux
pieds de la Princesse , qui ne lui donna
pas le tems de parler. Elle sentit dans le
fond de son coeur toute l'innocence de son
Amant . Elle le déclara son Epoux , elle le
répeta plusieurs fois , de crainte de n'être
pas assez liée par les sermens ordinaires ,
Masulhim fut prêt d'expirer de joye et
d'amour.
Le désespoir de Sikandar fut égal au
bonheur de ces deux Amans. Il alla cacher
sa honte et sa fureur dans le sein d'une
étoile funeste de laquelle son ame étoit
émanée. Sa fuite ne rassûra pas entierement
les deux Epoux ; et pour prévenir
les entreprises qu'il pouvoit faire contre
eux par le secours de ses Métamorphoses ,
ils convinrent que leurs ames ne quitteroient
jamais leurs corps. Ils aimerent
mieux perdre de leur bonheur et de leur
amour qui étoit cent fois plus parfait lorsqu'il
n'étoit causé que par les purs mou-
1. Vol. vemens
DECEMBRE.
1732. 2545
vemens de leurs ames ; et ce dernier exemple
a été le seul imité. On a perdu dans
le monde l'idée de leur premiere tendresse
, les Amans ne sont plus assez heureux
pour sentir que leur vrai bonheur consis
te dans la seule union des ames .
O D E.
SUR L'AMITIE'.
DEscendez , Nymphe du Permesse ;
Je soupire après vos bienfaits ;
Soutenez- moi dans mon yvresse
Qu'elle éclate par d'heureux traits.
Dans les mouvemens de mon ame ,
Versez cette divine flamme ,
D'où naissent les sons merveilleux ;
Tranquile devant les Menades ,
Des Orestes et des Pilades
Je vais chanter les tendres noeuds,
Douce amitié de l'innocence
Fais régner la naïveté ;
D'une sincere intelligence ,
Daigne affermir la sûreté :
1. Vola
Bij Pa
2546 MERCURE DE FRANCE
Farois au milieu de l'orage ;
Viens dissiper l'épais nuage ,
Qui veut t'obscurcir à nos yeux ;
Quels coeurs pourroient à tes doux charmes
Refuser de rendre les armes ?
Seule , tu sçais nous rendre heureux.
Sentiment généreux , solide ,
Digne de toucher un grand coeur ,
Toi , par qui la raison nous guide
Dans les sentiers du vrai bonheur,
Se pourroit- il que l'imposture
Osat ravir à la Nature
Tes sinceres attachemens !
Et sa venimeuse influence
Donneroit- elle la naissance
A de tristes égaremens ?
諾
Union pure et simpatique ,
Dans tes épanchemens de coeur
D'une trompeuse politique
Tu fais sentir toute l'horreur :
C'est en vain qu'un traître se pare
D'un faux dehors , qui nous prépare
L'appast qu'il nous cache avec art ,
A nous le démasquer habile ,
1. Vol.
Ta
DECEMBRE. 1732 2547
Tu sçais bien -tôt rendre inutile
Son déguisement et son fard.
M
Quelle multitude innombrable
De ces imposteurs odieux
Opose leur haine implacable
A mes accens harmonieux !
Loin d'ici , profane cohuë ,
Revérez ma verve ingenuë ;
Renoncez aux lâches détours ;
Vils enfans de la perfidie
Je déteste la noire envie
Qui vous prête de vains secours
諾
Comme par un heureux présage
Le Palinure vigilant
Prévoit d'un dangereux naufrage
Le déplorable évenement ;
De la trop bouillante jeunesse
Flotant au gré de la molesse
Tu prédis ainsi le malheur ;
•
Mais brisant tes plus douces chaînes ,
Bien-tôt aux Circés , aux Syrenes
Elle se livre avec fureur.
I. Vol. En- B iij
2548 MERCURE DE FRANCE
En vain une injuste Puissance , (a)
Tramant de nouveaux attentats ,
Du jeune Oreste sans deffense ,
Osera ravir les Etats :
Tu sçais dissiper ses allarmes ; ( b )
Tu cours , tu prends en main les armes ,
Tu détruis ces lâches projets ;
Solide appui , sage Minerve ,
Le prompt secours qui le conserve ,
N'est que le fruit de tes bienfaits.
讚
Cede , cruel fils de Plisthene , (c)
Qu'un indigne amour posseda ,
Au zele ardent qui se déchaîne ,
Contre la fille de Leda. ( d )
Lâche Thoas , ton coeur barbare ,
N'a rien qui trouble et qui sépare ,
Deux coeurs fermes et génereux. ( • )
Tel paroît le Scyte intrépide ,
Rachetant d'un Chef homicide , (f)
(a) Egisthe.
(b) Oreste secouru de son ami Pilade , fit périn
Egisthe , et rentra dans ses Etats.
(c) Egisthe.
( d ) Clitemnestre.
(e) Oreste et Pilade en Tauride.
( f) Dendamis consentit à perdre les yeux pour.
racheter des mains des Sarmates , son Ami Amisoque.
Voyez Lucien , dans Toxaris de l'Amitié.
I. Vol.
Amisoque
DECEMBRE. 1732. 2549
Amisoque , au prix de ses yeux.
粥
Mais du vaillant fils de Pelée ,
Découvrant la juste fureur !
Aux yeux d'Hecube desolée ,
Pourquoi seme-t'il la terreur ?
La mort de Patrocle l'anime ;
La pitié lui paroît un crime ;
Hector expire sous son bras ;
Dans la rage qui le dévore ,
Il poursuit le Troyen encore ,
Jusques au-delà du trépas.
來
De la constante Penelope ,
Suivons le fils infortuné.
A la trame qui l'enveloppe ,
1
Le verrons- nous abandonné ?
Non , d'une ardeur vive et sincere ;
Mentor prédit ce qu'il espere , (a)
Au jeune Prince sans appui.
Où la douce amitié domine ,
Le sort fatal en vain s'obstine ,
A nous entraîner avec lui.
Par M. de Peyron , d'Arles en Provence.
(a) Mentor annonce aux Poursuivans de Penelope
le prompt retour d'’Ulisse.
I. Vol. B iiij SE2550
MERCURE DE FRANCE
SECONDE LETTRE de
M. D L. R. à M. A. C. D. V. au
sujet du Marquis de Rosny , depuis Duc
de Sully , &c. contenant quelques Remarques
Historiques.
A
Vant
que de répondre , Monsieur ,
aux autres demandes que vous me
faites au sujet du Marquis de Rosny ,
j'ay encore quelque chose à vous dire
sur votre premiere question concernant
l'Abbaye de S. Taurin , que ce Seigneur
a possedée par la nomination du Roy
Henry III. Outre la double preuve que
je vous ai apportée de ce fait dans ma premiere
Lettre , en voici encore deux autres
qu'il est bon de ne pas omettre.
La premiere est dans le XL I. Chapitre
du I. Vol. des Memoires de
Sully. On voit sur la fin de ce Chapitre
que le Marquis de Rosny étant allé à sa
Terre de Bontin pour quelques affaires
domestiques , le Roy lui écrivit la Lettre
qui suit , pour le faire revenir à Fontainebleau
.
Mon Ami, je ne vous avois donné congé
que pour dix jours , et neanmoins il y en a
1. Voli
déja
DECEMBRE. 1732. 2551
deja quinze que vous êtes parti ; ce n'est pas
votre coûtume de manquer à ce que vous
promettez , ni d'être paresseux : partant revenez-
vous -en me trouver , c'est chose nécessaire
pour mon service , tant pour voir
des Lettres que Madame de Simiers et un
nomme la Font ( qui , à mon avis , est celui
de qui vous sçaviez des nouvelles durant
notre grand Siege ) qui vous écrivent de
Rouen , lesquelles sont en chiffres ; et par si
peu que nous en avons pu déchiffrer ( car
je les ai fait ouvrir ) nous jugeons qu'elles
importent à mon service. Il y en a encore
une d'un nommé Desportes , qui demeure à
Verneuil , lequel vous prie de lui mander
s'il sera le bien venu pour vous parler d'une
chose dont vous conferâtes une fois ensemble
à Evreux dans votre Abbaye de S. Taurin
, que le feu Roy vous donna. J'ay aussi
plusieurs choses à vous dire , et s'en présente
tous les jours une infinité sur lesquelles
je serai bien aise de prendre vos avis , comme
j'ai fait sur beaucoup d'autres , dont je
me suis bien trouvé. Partant , partez en diligence
et me venez trouver à Fontainebleau
Adien. Ce 3. Septembre 1593.
Vous voyez , Monsieur , dans cette Lettre
le fait en question constaté de la main
du Roy ; on y voit aussi que le Marquis
de Rosny se retiroit quelquefois à saint
1. Val
B v Taurin
2552 MERCURE DE FRANCE
›
Taurin d'Evreux , pour gouter dans une
agréable solitude le repos qu'il ne trouvoit
pas ailleurs , et qui ne laissoit pas
d'être encore interrompu dans cette Abbaye
par les affaires importantes qui le
şuivoient par tout.
L'autre preuve se trouve dans le même
premier Vol. des Memoires , Chap. XLVI .
où il est traité de la Négociation que
M. de Rosny fit à Rouen avec l'Amiral
de Villars , pour la réduction de toute
la Normandie. On voit là qu'entre autres
demandes que faisoit cet Amiral de
la Ligue , il voulut avoir les Abbayes de
Jumieges , de Tiron , de Bomport , de
Valasse et de S. Taurin : les Memoires
ne disent point si c'étoit pour lui- même
ou pour ses amis qu'il faisoit cette demande
, mais les Auteurs qui ont écrit
ces Memoires , et qui , comme vous sçavez
, adressent toûjours la parole au Marquis
de Rosny , leur Maître , s'expriment
en ces termes sur cet article.
De tous lesquels points dans quatre jours
vous convintes ensemble et en demeurâtes
d'accord , voire de S. Taurin , quoique
l'Abbaye fût à vous.
Cela , au reste , ne fut pas un simple
projet , l'execution suivit et se trouve
confirmée par le discours que tint M. de
I. Vol.
Rosny
DECEMBRE. 1732. 2553
Rosny au sieur de Boisrosé , que vous
avez lû dans ma précédente Lettre ; ainsi
il est démontré non- seulement que ce
Seigneur a été Abbé de S. Taurin , d'Evreux
; mais on sçait à peu près le temps
et à quelle occasion il eut la generosité
de se dépouiller de cette Abbaye.
On apprend dans le même endroit que
quelque ample pouvoir qu'eût le Mar
quis de Rosny de traiter avec M. de Vil
lars ,, pour l'entiere réduction de la Normandie
, il y eut cependant trois Articles
sur lesquels il ne voulut rien prendre
sur lui.
Les deux premiers concerngient M. de
Montpensier et M. de Biron , et le troisiéme
regardoit le sieur de Boisrozé , à
cause , disent les Memoires , de la haute
qualité des deux premiers , et de l'injustice
qu'il sembloit y avoir en Pautre. Sur quoi
M. de Rosny desira avoir un ordre particulier
de la propre main du Roy , &c.
Vous êtes , sans doute surpris , Monsieur
, de voir ici les petits interêts d'un
simple Gouverneur de Fécamp , mêlez
avec ceux d'un Prince du Sang , Gouverneur
de Normandie et avec ceux de M. de
Biron , que le Roy avoit fait depuis peu
Amiral de France , Charge que M. de
Villars vouloit garder pour lui-même , les
I. Vol. B vj interêts
2554 MERCURE
DE FRANCE
intetêts , dis- je , du sieur de Boisrozé ,
dont l'avanture vous a réjoui dans ma
premiere Lettre , faire un objet considerable
dans la Négociation d'un Traité si
important.
Cela a besoin d'un petit Commentaire.
Je vais vous le faire d'autant plus volontiers
, qu'après avoir un peu maltraité,
ce me semble , ce pauvre G ntilhomme
( en vous parlant de l'avanture de Louviers
) je profiterai de l'occasion pour le
réh biliter dans votre esprit , en vous le
montrant par le plus bel endroit , et je
vous exposerai en même- temps un trait
de hardiesse et de valeur peu commune ;
qui mérite d'être distingué dans notre
Histoire, et que je trouve peu exactement
narré par Mezeray
* et par le P. Daniel.
Je trouve ce fait dans le XLIII. Chapitre
des Memoires , intitulé : Affaires Militaires
et d'Etat. J'en abregerai la narration
tant que je pourrai,sans en rien omettre
d'essentiel .
Fécamp est une petite Ville Maritime
de la Haute Normandie , située à 15.
* Mezeray a défiguré jusqu'au nom de ce brave
homme , qu'il appelloit Bosc Rosé , il lui rend d'ailleurs
justice sur sa valeur. Il s'étoit auparavant
très- distingué dans Rouen assiegé par l'Armée du
Roy en 1592 .
I. Vol.
lieües
DECEMBRE. 1732. 2555
lieues de Roüen vers le Couchant , à 8 .
du Havre de Grace , et à 12 de Dieppe.
Elle étoit munie alors d'une bonne Forteresse
, qu'on appelle aujourd'hui le
Château , élevé sur un Rocher escarpé
qui regarde la Mer . Boisrozé étoit dans
la Place , lorsque M. de Biron l'assiegea et
la prit sur ceux de la Ligue Avant que
d'en sortir il forma le dessein de la reprendre
et il s'y prit de la maniere qui
suit. Après avoir bien instruit deux Soldats
de la valeur et de la fidelité desquels
il étoit assuré , il trouva le moyen de
les faire entrer et admettre parmi ceux
de la Garnison . De son côté il s'assura
de so. autres Soldats ou Matelots , des.
plus déterminez et des plus experts au
métier de grimper aux Hunes par les
cordages , &c. son dessein étoit d'escalader
lui et les siens , le Rocher dont je
viens de parler , et d'entrer par là dans la
Place.
L'entreprise étoit des plus témeraires .
Le Roc en question de cent toises de
hauteur , est non - seulement escarpé et
coupé en précipice , mais son pied est
ordinairement battu de vagues de
la Mer , excepté quatre ou cinq fois de
l'année , au temps des plus basses Marées;
alors durant quelques heures seulement
I. Vol.
La
2556 MERCURE DE FRANCE
la Mer laisse un certain espace sec au
pied du Rocher, ce qui arrive quelquefois
la nuit et quelquefois le jour.
Boisrozé devoit executer son dessein
dans l'un de ces intervales , assez incer
tains , et pour cela il se munit d'un Cable
de longueur convenable pour le Roc qu'il
vouloit gravir, et à icelui d'espace en espace,
fit faire des noeuds pour se tenir des mains, et
des étriers de corde avec de petits bâtons
pour y apposer les pieds. Avec cet appareil
il s'embarqua lui et ses Gens dans
deux Chalouppes et vint par une nuit fort
noire , aborder le plus près du Roc que
la bassesse de l'eau put llee lluuii permettre.
Sur le haut de ce Roc logcoit dans quelque
Hute l'un des deux Soldats gagnez ,
et il veilloit exactement à toutes les basses
marées , pour entendre le signal dont
on étoit convenu . Il ne fut donc pas difficile,
au moyen de ce signal, de jetter une
corde à l'extremité de laquelle fur attaché
le bout du gros cable , que le Soldat
tira incontinent à lui . Le bout du cable
étoit muni d'un crampon de fer qui fut
aussi-tôt attaché dans l'entre- deux d'une
canoniere avec un gros levier .
Après avoir tiré et ébranlé plusieurs
fois le cable pour s'assurer de la solidité
d'une Echelle si périlleuse , Boisrosé fit
1. Vol
d'abord
DECEMBRE. 1732. 2559
d'abord monter l'un des deux Sergens
du nombre des so . hommes , auquel if
se fioit le plus , et l'ayant fait suivre par
tous les autres , il monta lui - même tout
le dernier , afin que nul ne s'en pût dédire
et qu'il leur servit de chasse- avant .
Cette précaution étoit nécessaire , car
dans le temps qu'il fallut employer pour
placer les so. hommes sur cette corde et
à monter les uns après les autres avec
leurs armes bien attachées autour du
corps ,la marée avoit commencé de revenir
et elle étoit déja à six pieds de
hauteur contre le Rocher , que Boisrozé
et les Siens n'étoient encore qu'à moitié
chemin ; desorte qu'étant ainsi pendus et
comme enfilez à ce cable , il ne leur res
toit plus aucune esperance de salut que
par la prise de la Place. Boisrozé , armé
d'un courage intrépide et bien résolu de
mourir plutôt que de reculer , la tenoit
toûjours pour indubitable , lorsque le Sergent
qui montoit le premier , soit à cau
se de l'extreme hauteur où il étoit parvenu
, soit à cause du bruit des vagues
qui venoient se briser contre le Roc
commença de s'effrayer , à dire que la
tête lui tournoit , et qu'il étoit impossi
ble de monter plus haut.
Cet incident étant rapporté de bouche
I- Vol.
en
2558 MERCURE DE FRANCE
en bouche à Boisrozé ; celui cy après
avoir tenté inutilement de faire rassurer
son homme , prit la résolution de l'aller
joindre lui- même , et passant par- dessus
les corps et les têtes de ses Compagnons
suspendus en l'air , il parvint jusqu'à lui
et le rassura aucunement ; puis le poignard
à la main , il le contraignit de continuer
à monter , tant qu'enfin le jour
étant prêt à paroître ils parvinrent tous
sur le haut du Rocher sans autre inconvenient.
Ils furent incontinent reçûs par
les deux Soldats , et connoissant tous ensemble
les êtres et les avenues du Fort , ils
surprirent facilement le Corps de Garde
et les Sentinelles qui étoient du côté de
la Ville , car on ne faisoit aucune garde
du côté de la Mer esrimé inaccessible, On
fit main basse sur eux , et on tailla
en pieces tout ce qui vint successivement
au secours enfin Boisrozé se rendït le
maître du Fort , de quoi il avertit aussitôt
M. de Villars , * tant pour lui de-
* Le P. Daniel dit que Boisrozé mécontent de
Villars , surprit Fécamp et s'y retrancha si bien que
ce Gouverneur , qui vint l'y attaquer , ne put le
forcer , &c.
L'Auteur se trompe et confond ici les choses ,
étant bien certain que Boisrozé ne fit son Expedition
de Fécamp , qu'en faveur de la Ligue et de
M. de Villars , et que sa broüillerie avec ce Ge
meral n'arriva que dans la suite , &c.
DECEMBRE . 1732. 2559
mander du monde , afin de se saisir de
la Ville et de pouvoir la garder , que
pour s'assurer du Gouvernement de la
Place , qu'il croyoit avoir bien mérité .
Vous jugés bien , M. que ce General nè
lui refusa rien mais j'apprends au même
endroit que dans la suite Boisrosé s'étant
brouillé avec lui , et craignant toujours
de perdre son Gouvernement , il se donna
entierement au Roi , et ne voulut plus
reconnoître les ordres de M. Villars . Ce
General le fit investir et le resserra si fort
dans Fecamp , que le Roi , dont le nouveau
Gouverneur implora le secours
vint en personne le dégager , en contraignant
les Troupes de la Ligue de se retirer
, et en donnant tous les ordres néces →
saires pour la conservation du Fort de
Fécamp , dont ce grand Prince reconnois
soit l'importance.
Boisrozé en étoit donc paisible Gouver
neur , lorsque le Marquis de Rosny trai
toit de la réduction de toute la Norman
die avec M. de Villars , et qu'il fut obligé
de passer au nom du Roi toutes les
conditions qu'on éxigeoit , à l'exception
des trois dont il est parlé ci - dessus . Vous
vous souvenez , Monsieur , que la considération
particuliere de Boisrozé formoit
la troisième , et vous voyez à présent que
1. Vol. ca
2560 MERCURE DE FRANCE
ce n'est pas sans raison , M. de Rosny
trouvant de l'injustice de déplacer un si
brave homme , et ne pouvant se résoudre
de le faire de son chef. Il fallut cependant
y venir ; le Roi , à qui les trois articles
furent renvoyés , n'hesita pas de
les passer pour parvenir à un si grand
bien. Je ne vous dis rien du bruit qu'en
fit Boisrozé , vous en sçavez assez par le
récit de l'avanture de Louviers. Le bon
homme , plein de son ressentiment, ignoroit
alors tout ce que M. de Rosny
avoit fait pour le maintenir dans son
poste.
Au reste , dès que le Traité eut été ar
rêté et signé , M. de Rosny en écrivit de
Rouen une Lettre au Roi , dont je ne
rapporterai ici que le commencement
pour abreger.
SIRE ,
La bonté de Dieu , votre vertu et votre
fortune , ont tellement fortifié mon courage ;
et bien heuré mon entremise , que je vous puis
maintenant nommer Duc paisible de toute la
Normandie , & c.
Le Roi ayant reçû cette Lettre , répond
dit le même Courrier , et de sa propar
pre main , au Marquis de Rosny,de la maniere
qui suit.
I. Vol.
MONDECEMBRE.
1732 256%
MONSIEUR ,
J'ai vu , tant par votre derniere Lettre
que par vos précedentes , les signalez services
que vous m'avez rendus pour la Réduction
entiere de la Normandie en mon obeissance
, lesquels j'appellerois volontiers des
miracles , si je ne sçavois bien que l'on ne
donne point ce titre aux choses tant journalieres
et ordinaires , que me sont les preuves
par effet de votre loyale affection , laquelle
aussi je n'oublieraijamais , & c. Adieu mon
Ami. De Senlis , le 14. Mars 1594
HENRY.
Je finis ici ma Lettre , Monsieur, pour
ne plus vous parler de l'Abbaye de
S.Taurin , ni du sieur de Boisrozé.Il falloit
vous faire ce détail pour répondre pertinemment
à votre premiere question , et
ne vous laisser rien ignorer sur une matiere
qui entre si naturellement dans l'é
xecution du projet d'Histoire que vous
avez formé.
J'ai mes Mémoires prêts pour répondre
à vos autres demandes au sujet du Marquis
de Rosny , et je n'oublierai pas ce
que vous me marqués en dernier lieu sur
les variations et sur les méprises de l'Auteur
du Poëme de la Ligue , ou la Hen-
I. Vol. riade
2562 MERCURE DE FRANCE
riade , par rapport à ce Seigneur. Je suis
toujours , &c.
A Paris , le 20 Mars 1732.
CHANSONS faites et chantées à Table
par Mlle de Malcrais de la Vigne du
Croisic , en differens Repas , donnés à
l'occasion du Mariage de sa Cousine
Mlle de Kdin Audet , avec M. Haringthon
, Chevalier de Notre- Dame du
Mont Carmel , et de S. Lazare.
Le Dimanche 16 Novembre , chez
M. de Pradel Audet , Conseiller du Roi
Menuet.
Lorsque deux coeurs ,
Qu'unit un charmant mariage ;
Lorsque deux coeurs ,
Eprouvent les mêmes ardeurs ,
Tout l'embarras du ménage
Ne fait encor qu'augmenter leur amour ;
Et l'on ne sçait dans ce tendre esclavage
Lequel vaut mieux de la nuit ou du jour.
Voi tu ses yeux ,
Son nez fin , sa bouche adorable
I. Vol. Vois
DECEMBRE . 1732. 2568
Voi-tu ses yeux ?
C'est Venus qui brille en ces lieux.
Si cette Déesse aimable
Eut sçû choisir un Epoux tel que toi ;
Mars eut envain d'un commerce durable
Youlu briser entre eux la douce loi.
Un tendre Hymen ,
Cher Oncle , à ma Tante te lie ;
Un tendre Hymen
Tient toujours l'Amour par la main.
Fils bien né , fille jolie ,
A chaque instant vous font cherir vos noeuds .
Qu'en cinquante ans nous puissions pleins de
vie ,
Boire avec vous à vos triples Neveux,
Le Lundi , chez M, de la Piqueliere
air de l'Allure .
Dites - nous , Haringthon , tout de bon ,
Si votre valeur dure ,
Tentez - vous sans affront , tout de bon ,
La galante avanture tout de bon ?
?
M. Goupil de la Piqueliere est un homme de dis
tinction du Croisic , qui a commandé les plus grands
Vaisseaux de la Riviere de Nantes , avec commis
sion en "Guerre, Il y a deux ans qu'il eșt marié à
unejeune et aimable Dame.
1. Vol Voilà
2564 MERCURE DE FRANCE
Voilà ,, compagnon , l'Allure , compagnon .
Voilà , compagnon , PAllure.
Déja de Janneton , * tout de bon ,
Le petit coeur murmure >
De voir mon Apollon , tout de bon ,
Curieux sans mesure , tout de bon.
Voilà , &c.
Son noble vermillon , tout de bon ;
Confirme mon augure ;
Et son oeil plus fripon , tout de bon >
De vos exploits m'assûre , tout de bon.
Voilà , &c.
Avoüez sans façon tout de bon ,
Cousin , que la Nature ,
Vous fait en elle un don , tout de bon ,
D'une rare structure , tout de bon.
Voilà , &c.
Vous sçavez , Haringthon , tout de bon ,
Seconder sa figure ,
Appas , esprit , raison , tout de bon ,
Jeanne est le nom de Baptème de Mme Ha
4
ringthon.
I. Vol Sont
DECEMBRE 1732.
2565
ont en vous , je le jure , tout de bon.
Voilà , &c.
M
En neuf mois un garçon , tout de bon ;
ui rendra sa ceinture ;
De vous deux ce poupon , tout de bon ;
'era la portraiture , tout de bon.
Voilà , &c.
Donnons sur ce jambon , tout de bon ,
'Hôte nous en conjure ,
pargner son flacon , tout de bon ,
eroit lui faire injure , tout de bon.
Voilà , &c.
潞
Sa Dame a sur son front , tout de bon ,
Les Graces en peinture ,
Au corps l'ame répond , tout de bon
C'est la franchise pure , tout de bon.
Voilà , & c.
Le Mardi chez M. de Morvan , sur l'air :
en Cana , Festin notable , &c. ou bien
Croyez-vous que l'Amour m'attrape
&c.
Nous volons de Fête en Fête ;
Par tout nouvelles douceurs ;
Bacchus nous bout dans la tête ,
L'Amour enflamme nos coeurs,
1566 MERCURE DE FRANCE
Quel sort charmant les assemble !
Quel aimable accord entr'eux !
Faisons -les bien vivre ensemble ,
Ils nous feront vivre heureux.
Haringthon chante , et soupire ;
De sa belle Epouse épris .
L'Amour dans tout son Empire-
N'a point d'Amans de leur prix.
L'Epoux dément l'axiome ,
Que prônent de sots Docteurs ,
Disant qu'à Table un grand homme ;
N'est point un grand homme ailleurs.
Le Maitre qui nous régale ,
Fait les honneurs à charmer ,
La Maitresse qui l'égale ,
En tout lieux se fait aimer.
Au Cabinet , à la Table ,
Que Morvan brille à propos ;
Là , par sa plume admirable ,
A Table par ses bons mots .
• Ancien Maire , Major de notre Ville , et
Subdélégué de M. l'Intendant ; il est homme de
Lettres , et proche Parent de M. l'Abbé de Bellegarde,
qui a écrit plusieurs beaux Ouvrages en Prose
1. Vol. LET:
DECEMBRE. 1732. 2567
LETTRE écrite au sujet d'une nouvelle
Edition des Romans de Alle deScudery.
J'Apprends , Messieurs , qu'on réimpri- me et fameux Romans de
Mlle de Scudery ; tous les amateurs de la
politesse et de la galanterie héroïque s'en
réjouissent .
Comme j'ignore le nom de l'Imprimeur
qui entreprend cette Edition , je m'adresse
à vous , pour lui faire sçavoir dans votre
Journal , que presque toutes les descriptions
de Palais et de pays qui sont
dans ses Ouvrages n'ont d'imaginaire que
les noms : cette illustre fille dont le coeur
étoit encore , s'il se peut, superieur à l'esprit
, toujours occupée de ses amis et des
Lieux qu'ils aimoient , se plaisoit à les célébrer.
Toutes ses descriptions ont un fondement
veritable , représentant quelqu'une
des jolies Maisons de campagne des environs
de Paris ; elle y joint ordinairement
le Portrait pris aussi d'après nature
du Maître de la maison ; tous ses amis
étoient d'un mérite rare ; ce qu'il y a eu
de gens fameux dans son siécle , soit à la
Cour , soit dans les Lettres , se sont fait
>
I. Vol. C
un
2568 MERCURE DE FRANCE
>
un honneur d'être en liaison avec elle; de
son tems , les talens étoient infiniment réverés
, je le remarque à là honte de celuici.
Il seroit également curieux et interessant
pour le Public de reconnoître tant de
Portraits faits par cette habile main , et
d'apprendre ce qui a caracterisé ce nombre
infini de gens celébres qui ont illustré
le Régne de Louis XIV, L'Imprimeur
rajeuniroit extrêmement ses anciens Romans
, s'il donnoit la clef des Portraits et
des Descriptions. Ce qui ne paroît qu'une
fiction deviendroit un morceau précieux
pour la Litterature , et très- cher aux descendans
des grands hommes qu'elle a représentez
; ceux qui possedent à présent
les Maisons qu'elle a décrites , et où elle
n'a souvent ajoûté que les ornemens pompeux
, des colomnes de marbre ou de jaspe
, verroient aussi avec joye leurs Maisons
immortalisées ; les habitans des pays
qu'elle a peints y prendroient part ; parlà
, l'ouvrage seroit plus universellement
recherché , et le Public qui ignore souvent
les beautez les plus proches de lui
apprendroit par ces Notes à connoître
les dons que la Nature et l'Art ont répandus
dans tous les environs de Paris.
La difficulté de trouver des gens assez
instruits de ces Anecdotes , pour fournir
r
1. Vol. la
DECEMBRE. 1732. 2569
la clef que je propose , arrêtera peut-être
l'Imprimeur ; mais il doit , en déclarant
son nom et sa demeure dans le Mercure,
demander des secours à ceux qui sont en
état de lui en donner ; si je n'étois pas
en Province je lui en procurerois , je lui
indique toûjours dans Paris M. de Chambord
de l'Académie des Belles - Lettres ,
que je sçais qui travaille à l'Histoire des
Femmes illustres dans les Lettres , et qui
a été ami particulier de Me de Scudery;
M. l'Abbé Boquillon , attaché à elle par
des sentimens qui lui ont fait entreprendre
l'Histoire de cette celebre Fille , Ouvrage
que la délicatesse de son stile peut
rendre aussi agréable que la matiere en
est interessante , et que le Public désire
avec empressement depuis trop long tems.
On peut tirer aussi de grandes lumie- ,
res de Me l'Heritier , à qui nous devons
l'ingénieuse apothéose de Mlle de Scudery,
Ouvrage très-applaudi , et qu'il seroit
fort convenable de réimprimer à l'occasion
de la nouvelle Edition de ses Romans.
On se plaint depuis long- temps de
la négligence avec laquelle la plupart des
Imprimeurs François servent le Public ,
ils ne sçavent presque jamais consulter
les Gens de Lettres et n'ont nul soin d'en-
1. Vol. richir C ij
2570 MERCURE DE FRANCE
richir leurs Editions de ce qui peut les
rendre précieuses ; cette négligence est
absolument contre leur interêt : Les Etrangers
, soit par amour pour les Lettres , soit
par une politique mieux entenduë , l'emportent
de beaucoup sur nous à cet égard.
Je suis , & c.
Le 15. Novembre 1732 .
MISSIVE du Chevalier de Leucotece
à l'Infante de Malcrais , Princesse
Armorique.
L'Enfant gâté de Melpomene ,
Le Berger, habitant les Rives de la Seine ,
1 Et certain Rimeur Marseillois ,
Ja de bon compte sont- ils trois ,
'Auxquels aurai non pas petite affaire ,
Et seront par moi déconfits.
Non par mes très limez et délicats Ecrits .
Lesdeux premiers , en ce genre d'escrime ,
Sont trop ferrus pour moi,qui n'ai raison ni rime,
Comme il convient à tout Chevalier preux ,
Rien ne sçachant , sinon pourfendre en deux ,
Net et jus les arçons , tout Mortel témeraire ,
Osant en conter , ou déplaire ,
A l'objet de ses voeux.
1. Vol.
Parquoi
DECEMBRE. 1732. 2571
Parquoi , Dame de mes pensées ,
Illustre et sublime Malcrais ,
De grace , ne trouvez mauvais ,
Si jambes et têtes cassées ,
Pour commencer ma déclaration ,
Je vous fais députation ,
Quelque matin , du dernier Personnage ,
Pour faire réparation ,
A vous , au Sexe qu'il outrage ;
C'est le devoir de ma Profession,
En tout honneur , bien et discrétion ,
Sommes tenus proteger les Infantes ,
Les faire déclarer charmantes ,
Non moins d'esprit comme de corps ,
En un mot , réparer les torts.
A donc ira le Rimeur de Marseille ,
Droit au Croisil , en l'état dessus dit ,
Illec verra qu'estes merveille ,
Non moins de corps comme d'esprit,
Confessera qu'il se dédit ,
D'avoir écrit que c'est un cas étrange ,
De trouver sous figure d'Ange ,
L'esprit sublime et le sçavoir profond.
Voilà pour un. A l'égard du second ,
De ce Berger à la douce Musette ,
Berger heureux dont demandez le nom
Que ce desir me picque , m'inquiete !
•
Ah ! s'il vous plaisoit moins , certain de sa défaite,
1. Vol. C iij il
2572 MERCURE DE FRANCE
Il n'est baume de fier-à- bras ,
Qui le garantit du trépas .
Mais quoi ! ses chants ont pour vous des appas
L'Echo de votre coeur sans cesse les repete .
Sçachez du moins que sous l'air imposteur
De Berger , de Moutons , de Chien et de Houlette
Il cache un malin Enchanteur ;
Un mortel ennemi de toute votre espece ,
De ceux qui détenoient une pauvre Princesse ,
Pendant des deux et trois mille ans ,
Dans des Châteaux de Diamans ,
Gardez par Dragons et Geans.
Ors attendant que puisse le pourfendre ,
Lui faisant vuider les arçons ,
C'est à vous à vous bien deffendre ,
De ses charmes , de ses Chansons.
Je vous en avertis , ce sont Philtres magiques ,
Ce sont appas qui cachent un poison ,
Riant d'abord , ayant suites tragiques ,
Otant esprit , repos , raison ,
Poison dont le remede est seulement la fuite ;
Mais c'est assez ; vous voilà bien instruite.
Venons enfin à mon dernier Rival ,
Je conviens qu'il n'a point d'égal ,
Si ce n'est Apollon lui - même ;
Mais Preux ne cede ce qu'il aime
* M. de Voltaire.
I. Vol.
Sans
DECEMBRE. 1732 2573.
Sans ferrailler , sans faire appel
Suivant ces us , malgré votre gloire immortelle ,
Malgré tous vos Lauriers , Rival que je querelle,
Avec crainte et respect , agréez mon Cartel.
Malcrais vaut bien qu'on ferraille pour elle,
C'est la raison. Je vous laisse le choix ,
Des armes et du Champ , mais seriez discourtois
Vû vos forces et ma foiblesse ,
Si ne me permettiez d'excepter le Permesse.
**********************
LA
A Piece qui suit est sur un sujet , des
plus interessants pour la Religion et
le plus convenable au temps où nous
sommes. Elle est du R. P. de Belmont ,
Jesuite , Recteur de l'Université et du
College de Pau , déja connu par divers
Poëmes Latins et François , imprimez à
Pau, et goûtez des Connoisseurs.
CAN TАТЕ.
SUR LA NAISSANCES
DE JESUS - CHRIST.
LA Fille du grand Roi que Betlhéem vit naître ,
La fille de David , Pere de tant de Rois ,
Dans sa propre Patric en vain se fait connoître ,
I. Vol. C iiij
L'in
2574 MERCURE DE FRANCE
L'ingrate Betlhéem se rend sourde à sa voix.
Tandis que l'Etranger chez l'Etranger tranquile ,
Y goûte les douceurs d'un paisible repos ,
La Mere de celui qui vient finir - nos maux ,
Erre loin de ses murs , pour chercher un azile ;
Un voile tenebreux lui cache l'Univers.
Le jour depuis long- tems se reposoit dans l'Onde,
A ses pas égarez une Grote profonde ,
Où regnent les sombres Hyvers ,
Parmi de vils Troupeaux offre un triste réfuge :
C'est- là qu'un Dieu Sauveur oubliant qu'il est
Juge ,
Oubliant nos forfaits , et son juste courroux ,
Vient de naître et commence à s'immoler pou
nous.
Air.
Volez, Zéphirs , que votre haleine ,
Dans cet Antre profond ramene ,
La douce chaleur du Printemps.
Pere du jour , avant le temps ,
Recommencez votre carriere ,
Chassez les ombres de la nuit ;
L'Univers étonné languit ,
Dans l'attente de la lumiere :
Chassez les ombres de la nuit.
Quels prodiges divers ! la terre est agitée ,
Elle tremble et frémit d'allegresse et d'effroi :
I. Fol. La
DECEMBRE. 1732. 257.5
La Mer,comme autrefois, craintive, épouvantée,
Suspend ses flots bruyans , pour adorer son Roi ,
Dans un Enfant plein de foiblesse.
Le jour , le plus beau jour à paroître s'empresse :
Dévoilez , cher Enfant , l'éternelle beauté ;
Trop long- temps votre Mere a souffert de vos
larmes :
Montrez- vous , soulagez ses mortelles allarmes.
Vous , qui de cet Enfant craignez la Majesté ,
Et qui vous nourissez dans le Ciel de ses charmes,
Heureux Esprits , chantez , découvrez- nous l'amour
Qui l'anime pour nous en cet affreux séjour.
Ecoutons ; le Ciel s'ouvre , un Choeur d'Anges
s'apprête
A celebrer dans les airs une Fête.
Air.
Le Verbe s'est fait chair pour sauver les Mortels;
Dans ses abaissemens éternisons sa gloire :
Il triomphe des coeurs, pour prix de sa victoire,
Il se verra sans cesse élever des Autels ;
Toujours de sa bonté durera la memoire .
Heureux Mortels , recevez les bienfaits ,
Qu'il vient répandre sur la Terre ;
Déja sa main écarte le Tonnerre ;
Il pleure vos forfaits ,
Il vous offre la paix ,
Et replonge aux Enfers l'impitoyable guerre.
1. Vol. Heu- CY
2576 MERCURE DE FRANCE
Heureux Mortels, recevez les bienfaits ,
Qu'il vient répandre sur la Terre,
On mêle à ces Concerts de rustiques accens ;
De vigilans Bergers accourus vers l'Etable ,
Y portent des coeurs innocens ,
Et forment au Sauveur la Cour la plus aimable ;'
Tandis que pleins d'amour ils pleurent ses douleurs
,
L'un d'eux forme ces sons qu'interrompent >
ses pleurs.
Air.
Foible Enfant , Puissance suprême
Je vous adore et je vous aime.
Vous soulagez tous nos besoins ,
Tout m'annonce vos tendres soins ,
Et vous vous oubliez vous- même
Vous êtes plus pauvre que nous ,
Et tout l'Univers est à vous ,
Foible Enfant , Puissance suprême ,
Je vous adore et je vous aime.
Votre main soutient l'Univers.
Elle transporte les Montagnes ;
Elle fait naître en nos Campagnes ,
Et nourrit mille fruits divers.
Votre voix ramene l'Aurore ,
Qui nous éclaire chaque jour ,
I. Vol. Et
DECEMBRE.
1732 2577,
Et les fleurs qu'elle fait éclore ,
Sont les présens de votre amour,
Foible Enfant , Puissance suprême ,
Je vous adore et je vous aime.
'Ode qui suit,a été envoyée de Mon-
Ltargis , Ville de l'Apanage de M. le
Duc d'Orleans . Elle fit , pour ainsi - dire ,
la clôture des Réjouissances publiques ,
qui furent faites le 16. Novembre par
les R R. Peres Barnabites du College de
cette Ville , à l'occasion du Rétablisse
ment de la santé de leurs A. S.
O D E.
Ville , * qu'après tant de conquêtes ,
Le fier Anglois ne put dompter ,
Sortez de l'allarme où vous êtes ,
Et cessez de vous attrister ;
Le fils de votre auguste Prince ,
Seul espoir de cette Province ,
Survit au danger de ses maux ,
Un secours divin l'en préserve ,
* Les Anglois du temps de leur invasion ne purentjamais
prendre la Ville de Montargis.
1. Vol. Cvj La
2578 MERCURE DE FRANCE
La Providence le conserve ,
Pour multiplier les Héros .
Par le venin le plus à craindre ,
Tous ses sens étoient affoiblis ;
Sa vie étoit prête à s'éteindre ,
Avant deux lustres accomplis;
Mais par une crise subite ,
Ce jeune Prince ressuscite ,
Sa beauté renaît avec lui.
Grand- Dieu , ce miracle s'opere
Par les saintes vertus d'un Pere ,
Qui met en vous tout son appuy.
M
De la pompe qui l'environne ,
Il méprise les vains attraits ,
La ferveur que sa foi lui donne ,
Aspire à des biens plus parfaits :
Ennemi du plaisir frivole ,
Son coeur se dévouë et s'immole ,
Aux rigueurs de l'austerité ,.
Et pour soulager l'indigence ,
Une liberale dépense ,
Se regle sur sa charité.
Qu'il est rare de voir paroître,
I. Vol.
Un
DECEMBRE . 1732. 2579
Un Prince qui dès son printemps ,
Des voluptez se rend le maître ,
Par des triomphes si constans !
Grands du monde , je vous appelle ,
Ouvrez les yeux sur ce Modele ,
Exempt de toute passion ,
Et dont l'oreille favorable ,
N'est jamais sourde au miserable ,
Qui gémit dans l'oppression .
Mais qu'entends-je , quel coup funeste ,
Vient renouveller nos frayeurs !
Est- ce donc le courroux Celeste ,
Qui veut redoubler nos malheurs !
Ce Prince accablé de tristesse ,
Près d'un Fils souffrant qu'il caresse ,
Est frappé du même venin.
Seigneur , secourez l'un et l'autre
Pour votre gloire et pour la nôtre ;
Je crains tout autre Medecin.
Rassurons-nous , calmons nos craintes ;
Déja nos voeux sont exaucez ,
Ils sont tous deux hors des atteintes ,
Dont leurs jours étoient menacez .
Livrons donc nos coeurs à la joye ,
Il est temps qu'elle se déploye ,
1. Zoh
Que
250 MERCURE DE FRANCE
Que nos feux brillent dans les airs ,
Et qu'une Ville si fidele ,
Témoigne du moins par son zele ,
Combien ses Princes lui sont chers.
L
Es Vers qu'on va lire sont adressez
à la Duchesse du Maine , dont tout le
monde connoît le goût sûr , les lumieres
et la protection éclairée qu'elle
accorde aux Gens de Lettres ; ils sont
de M du Vaure , et faits à l'occasion
d'une Comédie nouvelle du même Auteur
, reçue par les Comédiens François ,
sous le titre de l'Ecole des Sçavans , en
5. Actes , avec un Prologue , et lûë à
Sceaux , chez cette illustre Princesse . On
trouva i Piece bien écrite , le Sujet bien
traité , les Caracteres soutenus , & c .
Estre Stre Auteur et sensé , fut toujours difficile ;
Tel est le préjugé de la Cour , de la Ville :
Préjugé contre moi peut être de saison ;
Ai-je dans mon Ouvrage écouté la raison ?
Je l'ignore. Au Public ambitieux de plaire ,
( L'amour propre enfanta ce projet témeraire )
Des faux Sçavans du temps je trace les Portraits ;
Mais qui décidera si j'ai saisi leurs traits ?
I. Vol. ComéDECEMBRE.
1732. 2581
Comédiens en Corps , duppes des apparences ,
Rarement le Public confirme vos Sentences.
Par envie , ou par air, Sçavans , vous blâmez tout
Grand Monde délicat qui possedez le goût ,
Vous êtes trop poli pour être bien sincere.
Quel parti puis -je prendre ? O Ciel ! que dois - je
faire ? . ...
Quel Génie à l'instant se présente à mes yeux !
Vole à Sceaux , me dit- il , on rassemble en ces
Lieux ,
Esprit , talent , bonté , sincerité Romaine ,
Amour des Arts, sçavoir , goût épuré d'Athéne ;
A cette Cour choisie expose tes Ecrits ,
Une Muse y préside , on t'y dira leur prix.
SIXI E'ME Lettre écrite par M. D. L. R.
à M. le Marquis de B. au sujet de la
Conquête d'Oran , &c.
JTE
E n'ai pas conjecturé juste , Monsieur , quand
je vous ai marqué par ma derniere Lettre que
je ne croyois pas d'avoir rien à vous écrire au
sujet d'Oran avant le Printemps prochain ; les
apparences étoient telies , mais l'Evenement a
détruit les apparences : Les Maures se sont mis
en campagne pour executer de grands projets ,
ils veulent batailler en plein hyver, d'un côté devant
Oran , de l'autre devant Ceuta ; il faut vous
rendre compte de leurs Operations ; elles sont
yenues depuis peu à ma connoissance par plu-
I. Vol.
sieurs
2582 MERCURE DE FRANCE
sieurs Lettres écrites d'Espagne et d'Affrique .
Vous sçavez , Monsieur , qu'Oran et Marsalquibir
ont fait partie du Royaume d'Alger , et
quelle a été la consternation de la Ville d'Alger
et de tout le Pais , lors de la prise de ces deux
Places par l'armée du Roy d'Espagne. La retraite
de cette Armée , le départ de la Flote , la mort
du vieux Dey d'Alger , âgé de 88. ans auquel a
succedé le Khaznadar ou Trésorier de la Régence
, tout cela ensemble a fait cesser la consternation
; les Maures ont repris courage et paroissent
disposez à faire de grands efforts pour
reprendre les Places conquises et chasser entierement
les Espagnols des Côtes d'Affrique.
Dabord cette Régence a envoyé un secours
considerable au Dey Bigotillos , qu'on dit être
un Renegat Catalan , cy-devant Gouverneur d'Oran
, lequel pendant une partie du mois de Septembre
à fort inquieté la Garnison , occupée aux
nouvelles Fortifications de cette Place. Les escarmouches
ont été fréquents , toûjours avec grande
perte du côté des Maures , qui cependant ont
reçû d'autres renforts , et enfin ils se sont trouvez
en état de commencer le Siege d'Oran avec deux
Armées , dont l'une est commandée par Bigotillos
, et l'autre par le fils du dernier Dey d'Alger
, qui est Aga des Spahis , ou Commandant de
la Cavalerie.
Leurs premieres vûës ont été de surprendre
quelques- uns des principaux Châteaux qui envi-
Fonnent la Place et dont vous connoissez la się
tuation et l'importance par le Plan general d'Oran
et de Marsalquibir , que je vous ai envoyé.
Le Marquis de Santa-Cruz a pris là - dessus toutes
les précautions necessaires, et a fait les plus sages
dispositions pour la conservation de ces Forts.
1. Vol.
Le
DECEMBRE.
1732. 2583
Le dernier jour du mois de Septembre , les
Maures , suivant le projet que je viens de dire ,
ayant formé un Corps considerable , tenterent de
couper la communication de la Place avec le Fort
de S. Philippe , ils y vinrent dabord avec une
grande intrépidité , mais ils furent repoussez par
un Détachement de Grenadiers , et enfin entierement
chassez par un Détachement de Cavalerie.
L'action fut des plus vives , les Maures y
perdirent près de deux mille hommes , sans les
blessez. Les Espagnols n'eurent que huit hommes
de tuez et quelques blessez.
Le 4. d'Octobre il se donna un combat plus
considerable , à l'occasion d'un convoy, que le
Marquis de Santa- Cruz voulut faire entrer dans le
Fort de Sainte- Croix , et qui y entra effectivement.
Toutes les circonstances de cette Action sont remarquables
et interessantes ; je suis assuré , Monsieur,
que vous me sçaurez bon gré de vous en apprendre
le détail , au risque d'allonger un peu ma
Lettre. Le voici tel qu'il a été envoyé à la Cour ,
et conforme à toutes mes Lettres particulieres.
Le Chevalier Wogan , Colonel de jour , ( 4.
Octobre ) sortit vers les cinq heures du matin
, à la tête d'un Détachement composé de plusicurs
Compagnies de Grenadiers et de quelques
Compagnies de Cavalerie pour escorter un grand
Convoi de Vivres et de Munitions , que le Mar
quis de Santa-Cruz envoyoit au Château de Sainte-
Croix , qui domine la Ville d'Oran , tous les
Châteaux voisins et même l'entrée du Port. Il y
avoit près d'un mois que Bigotillos , cy- devant
Gouverneur d'Oran, assiegeoit ce Château , ayant
placé ses Batteries sur la Mezeta , Montagne fort
élevée et à une portée de fusil , mais séparée du
Château par une gorge très -profonde et très - es-
I. Vol.
carpée.
2584 MERCURE DE FRANCE
carpée. Cette Batterie avec déja fait une breche
considerable à la muraille du Château ; mais la
breche étant inutile aux ennemis , à cause des Rochers
escarpez qui se trouvoient entre leur Camp
et le Château , Bigotillos prit le parti d'appliquer
le Mineur à l'autre côté du demi - Bastion qu'il
avoit battu en breche : les Mines ne firent aucun
effet, parce qu'elles ne penetroient pas le Roc ,
plusieurs assauts qu'il voulut donner par escalade,
firent périr près de 10000. Turcs ou Algeriens ,
fils de Turcs.
Cependant la Garnison Espagnole du Château
de Sainte- Croix , qui n'est que de 500. hommes,
étoit considerablement diminuée par toutes ces
attaques ; et manquant de tout , elle auroit été
obligée de se rendre. C'est ce qui détermina le
Marquis de Santa- Cruz à tout risquer pour la
secourir , ainsi avant que de faire sortir le Détachement
commandé par le Chevalier de Wogan
, il fit faire une fausse attaque du Fort de
S. Philippe sur la batterie des Retranchemens du
is du Dey d'Alger , qui étoit à la droite de la
tranchée des Ennemis , afin d'y attirer les Troupes
de Bigotillos et de dégarnir son poste de la
gauche. Pendant le feu continuel de cette fausse
' attaque , le Chevalier de Wogan , Colonel Com-
'mandant du Détachement , fit avancer quatre
Compagnies de Grenadiers sur la demi Côte entre
les Châteaux de S. Gregoire et de Sainte Croix ,
pour arrêter ceux qui tenteroient de couper le
Convoy par en haut. Il envoya deux autres Compagnies
au bas du Rocher qui est au pied du dernier
de ces deux Châteaux , et il marcha ensuite
en bataille avec le reste de son Détachement , occupant
toute la Plaine par son front jusqu'au
bord du Baranco , gorge profonde , où les Mau-
I. Vol. res
Y
DECEMBRE. 1732. 2585
res et les Turcs se tenoient , ordinairement en
embuscade .
Vers les sept heures du matin , la tête du Convoy
s'étant avancée jusqu'à Sainte - Croix , quelques
Compagnies de la Garnison de ce Château ,
sortirent pour renforcer l'Escorte , et se poste
rent sous le Canon du demi- Bastion , qui fit un
feu si continuel et si violent , que les Maures en
furent épouventez , et s'il eût été permis au Chevalier
de Wogan de contrevenir aux ordres du
Marquis de Santa Cruz , et de passer les bords dų
Baranco , on ne doute point qu'il ne les eût chassez
de leur retranchement, et qu'il n'eût pû jetter
leur batterie dans les précipices; mais le Marquis
de Santa Cruz n'avoit d'autre vue que de secou,
rir le Fort sans rien risquer ; cependant les Ennemis
voyant qu'on ne tentoit pas de passer le
Baranco , revinrent y planter leurs Etendarts par
maniere de défi , et il y eut pendant une heure un
feu continuel de Mousqueterie , qui leur tua.plus
de 1000 ou 1200. hommes. Bigotillos ayant fait
revenir une partie de ses Troupes , que la fausse
attaque du Fort S. Philippe avoit attirée , se détermina
à traverser la gorge du Baranco . Alors
le Chevalier de Wogan fit marcher deux Compagnies
de Grenadiers pour occuper le passage
cette gorge , par lequel les Maures auroient pu
couper le Convoy, ils commencerent à entrer dans
Sainte Croix , ce qui obligea Bigotillos à chan
›
de
ger de dessein , quoique ses Troupes qui étoient
alors dans la gorge , montassent à plus de 15000
hommes ; et après avoir essayé plusieurs décharges
de l'Artillerie du Fort il alla se mettre à
couvert derriere les Rochers qui sont au- dessous
du Château , d'où les bombes qu'on y rouloit
obligerent les Maures de se retirer et de remonter
·
I. VA.
YCIS
2586 MERCURE DE FRANCE
vers leur batterie , dont un coup de Canon bles
sa un Officier Espagnol et couvrit de poussiere le
Chevalier de Wogan .
Vers les neuf heures du matin , toutes les voi
tures du Convoi étant retournées à Oran , après
avoir déchargé leurs provisions dans le Fort de
Sainte Croix , la Cavalerie du Détachement se
mit en bataille du côté de la Marine , pour soutenir
l'Infanterie voisine dans sa retraite . Le
Chevalier deWogan reçut en cet endroit un coup
de fusil qui l'obligea de se retirer et de laisser le
commandement au Marquis de Turbilly , son
Lieutenant Colonel ; il étoit resté vers le Rocher
de Sainte- Croix six Compagnies de Grenadiers ,
dont trois devoient rentrer dans le Château, et les
trois autres retourner à Oran avec le reste du
Détachement .
La Cavalerie , par un ordre mal entendu , commençoit
déja à défiler , et ne pouvoit plus les secourir
, desorte que ces Compagnies furent obligées
de lâcher pied et de se retirer en confusion,
trois sous le Canon de Sainte Croix et le reste du
côté du Fortin de la Marine. Un Capitaine du
Régiment de Dragons de Belgia , nommé le Chevalier
de Wuilts , au desespoir de voir les Maures
courir la Plaine impunément , s'avançà à la tête
de 30. de ses Dragons , les arrêta pour quelque
temps; et après en avoir tué un grand nombre, et
perdu la moitié de sa Troupe , il se retira en bon
ordre.
Les Maures , de leur côté , craignant une sortie
de la Garnison d'Oran , se retirerent par les Rochers
de Sainte- Croix , où ils essuyerent tout le
feu de l'Artillerie du Château , et on compte que
pendant le défilé du Convoy , ils ont perdu prés
de 3000. hommes , parmi lesquels il y a eu 19.
I. Vol. Agas
DECEMBRE . 1732. 2587
Agas ou Officiers de distinction et un des fils de
Bigotillos. Cette journée a été très - glorieuse pour
les Espagnols , malgré la déroute des Compagnies
de Grenadiers qui n'ont pû faire assez iôt leur
retraite.
Le Château de Sainte - Croix a présentement
en abondance toutes sortes de provisions et de
munitions de guerre ; l'entrée du Convoy a tellement
déconcerté les Turcs et les Maures , que
malgré le cordon ou la ligne que Bigotillos avoit
fait faire derriere son Camp , pour empêcher la
désertion , la plus grande partie de sa Cavalerie
la abandonné. Le Détachement de la Garnison
d'Oran n'étoit en tout que de 1300. hommes .
L'Armée des Maures , dont ce Détachement a
soutenu les differentes attaques , était au moins
de 17. à 18000. hommes .
On a appris par des Lettres posterieures , qu'on
avoit construit un Ouvrage entre le Château de
Sainte - Croix et celui de S , Gregoire , pour conserver
la communication entre ces deux Forts ,
qu'on avoit introduit un nouveau secours dans le
premier , dont les Maures continuoient le Siege ,
mais avec moins de vigueur que cy- devant , qu'ils
avoient fait sauter une Mine qui n'avoit point
endommagé la muraille , mais qui avoit tué trois
Mineurs d'une Contremine et blessé trois Grena--
diers , qu'il n'y avoit que trois minutes que le
Marquis de Santa- Cruz et M. de la Croix , Commandant
de l'Artillerie , étoient sortis de cette
Contremine , qu'ils étoient allé visiter ; que les
trois derniers jours du mois d'Octobre , l'Artillerie
des Ennemis avoit fait peu de feu , qu'on
avoit appris depuis que de trois grosses pieces de
Canons qu'ils avoient dans leur batterie de la
Mezetta , il y en avoit deux de crevées ; que les
I. Vel. 1 Maurea
2588 MERCURE DE FRANCE
Maures qui font le Siege du Fort de S. Philippe ,
avoient cessé de tirer depuis cinq jours , ce qu'on
attribue au deffaut de Munitions et aux pluyes
continuelles qui sont tombées pendant ce tempslà
, et qui ont inondé toutes leurs tranchées ; enfin
que la Garnison avoit profité de ce temps pour
élever une nouvelle batterie , qui incommodoit
beaucoup les Ennemis , et que le fils du feu Dey
d'Alger , qui commande au Siege du Fort de
S. Philippe et qui s'en étoit absenté pendant
quelques jours , y étoit revenu .
Cependant il est arrivé à Oran plusieurs se-
Cours de Troupes et de Provisions , ensorte qu'il
y a tout lieu d'esperer que les Maures , après
avoir perdu bien du monde , n'auront fait qu'une
tentative inutile et témeraire. Les principaux Algeriens
sont convenus eux-mêmes en plein Divan
, que sans le secours d'une Flote , qu'ils ne
sont pas en état d'équiper , il leur est absolument
impossible de reprendre cette Place . Il est vrai
que suivant les dernieres Lettres il avoit paru au
commencement de Novembre aux environs d'O →
huit ou neuf Vaisseaux de guerre d'Alger ;
mais ces Lettres ajoûtent que sur les premiers
avis , le Roy d'Espagne avoit envoyé des ordres
précis aux Commandans de trois de ses
Vaisseaux de guerre , de joindre trois autres
Vaisseaux de guerre de Malthe qui sont dans ces
Mers et d'aller attaquer conjointement les Vaisseaux
Turcs ; ensorte , Monsieur , que nous som.
mes actuellement dans l'attente de plusieurs nouvelles
importantes sur la suite des affaires d'Oran.
ran ,
Je renvoye à une autre Lettre celles qui regardent
Ceuta , pour ne point donner ici dans
une excessive longueur, J'ai l'honneur d'être, &c.
A Paris , le 22. Novembre 1732.
I. Vol.
REDECEMBRE.
1732. 2589
REQUESTE presentée à M. le Prévô
des Marchands, Par M. Richer.
T
•
2
Qus les François sujets à même Loy ,
Joivent par tête un tribut à leur Roy ;
Mais il te rend arbitre de la somme ,
Qu'à Paris doit payer chaque homme ,
jage Turgot . Louis , dans tout l'Etat
V'eût pû choisir plus digne Magistrat .
Cette équité, ce zele qui t'anime
Jonne à chacun la taxe légitime ,
Qui lui convient suivant ses facultez ;
it s'il advient que par quelque artifice ,
Le noir mensonge ait surpris ta justice,
.ors du Plaintif les cris sont écoutez ,
es Supplians t'éprouvent secourable ,
in cas pareil sois moi donc favorable,
Grand Magistrat , car un exposé faux ,
J'un impôt juste a fait enfler le taux ,
Quelqu'un t'a peint ma fortune meilleure ;
it plût au Ciel qu'il cût dit verité 3
Mais par malheur trop bien prouve à cette
heure ,
Que ce rapport est sans sincerité ;
Car ce n'est point aux Rives du Permesse ,
Tu le sçais bien , qu'habite la richesse.
Į. Vol
L'es
2590 MERCURE DE FRANCE
L'on ne vit onc dans le sacré Valon ,
Plutus l'aveugle , ennemi d'Apollon.
Le Dieu des Vers à ses enfans ne donne ,
Pour tout loyer qu'une belle Couronne ,
De Lauriers verds , ornement glorieux ,
Qui remplit peu la bourse des Poëtes.
Leurs meubles sont Hautbois , Lyres , Trom,
pettes ,
Faisant ouir des sons mélodieux ,
Pour celebrer Héros et demi Dieux ,
Et Magistrats d'un mérite sublime.
Donc inspiré du Maître de la Rime ,
Qui sçait combien tu prises ses Chansons
Que protegeat toûjours ses Nourrissons ,
J'ai par son ordre écrit cette Requête .
Daigne la lire en faveur de Phébus ;
Et qu'il te plaise , en faisant droit dessus ,
De moderer l'impôt mis sur ma tête ,
Et le réduire au taux que cy - devant ,
Par toi reglé payoit le Suppliant.
Cette Requête a été réponduë favorablement.
1. Vol. LETTRE
DECEMBRE. 1732. 2591
E
****:***********
LETTRE du R. P. Dom Toussaints
du Plessis , écrite de Rouen le 14. Novembre
1732. sur quelques endroits de
son Histoire de l'Eglise de Meaux.
N m'a fait remarquer une ou deux
Ofautes qui me sont échappées dans
l'Histoire de l'Eglise de Meaux , et j'en
avois déja moi-même apperçu une autre.
Il est juste de me corriger ; cette Lettre
pourra servir d'Errata à mon Livre ; je
vous prie , Monsieur , de vouloir bien la
rendre publique.
1º . A la page 427. je dis que le second
Chapitre General de la Congrégation de Saint
Maur , se tint dans l'Abbaye de S. Faron
de Meaux en 1623. Il y eut , à la verité ,
un Chapitre General à S. Faron , le 14.
Septembre 1623. mais ce fut le cinquié
me , et non le second . Le premier fut
tenu à Paris aux Blancs-Manteaux , le 29.
Septembre 1618. Le second , au même
licu , lele 7. Février 1720. Le troisiéme
dans l'Abbaye de Jumiege en Normandie
, le 8. Juillet 1621. Le quatriéme ,
dans celle de Corbie en Picardie , en 1622.
et enfin le cinquième à S. Faron , en 1623 .
I. Vol. D 2º.
2592 MERCURE DE FRANCE
2. A la page 594. dans le Catalogue
des Abbesses de Jouarre , j'ai dit que
Jeanne de Lorraine étoit Professe du
Monastere de Promille , Ordre de Font-
Evraud. On ne connoît point , dit-on ,
de Maison de ce nom dans tout l'Ordre.
Ainsi , ou elle n'étoit pas Professe de l'Ordre
de Fond - Evraud , ou elle l'étoit d'un
autre Monastere .
que
3 ° . A la page 599. dans le Catalogue
des Abbesses de N. D. de Meaux , j'ai dit
Me de Mornay de Montchevreuil
étoit Niece d'une autre Dame de Montchevreuil
, Abbesse de S. Antoine des
Champs à Paris . Elle étoit sa soeur , me
marque- t'on , et non są niece .
A la page 161. où je parle du Monastere
de Raroy , je dis que MM . de
Gesvres se sont approprié la Justice de
ce lieu ; et cette expression a fait de la
peine. C'est donner à entendre , me diton
, qu'ils l'ont usurpée . Cependant je
ne farde point trop mes expressions quand
je veux parler d'usurpation , je ne vais.
point chercher d'autre mot que celui d'usurpation
même. Ici s'approprier ne peut
signifier autre chose qu'acquerir ou acheter
; je renvoye même mon Lecteur à un
Traité de l'an 1618. que j'ai inseré dans
le second Tome , et qui fait foi de cette
I. Vol.
acquisition
1
DECEMBRE . 1732. 2593
acquisition . C'en est assez , je crois , pour
me laver d'un pareil reproche.
A la page 638. de ce second Tome ,
dans le Pouillié , on trouve l'article de
Crouy. Là , dit- on , j'avance que le Curé
de cette Paroisse , en abandonnant Raroy
à celle de Trêmes ou de Gesvres - le- Duc ,
n'a pû transiger sur cela au nom de ses
Successeurs. Or c'est ce que je ne dis en
aucune maniere ; j'observe seulement que
le Curé de Croüy le dit ainsi. Il est vrai
qu'en cela je parois donner quelque poids
à la prétention du Curé de Croüy ; et on
m'objecte une Sentence de M. le Cardinal
de Bissy , qu'on ne date point , mais
qui attache , dit- on , pour toujours à la
Paroisse de Gesvres , les Domestiques du
dehors et les Fermiers de Raroy. Je ne
doute point que cette Sentence ne soit
dans toutes les formes , mais très- certai
nement elle ne m'a point été communiquée.
Il en sera de même apparemment
de plusieurs autres omissions que l'on
l'on aupourra
me reprocher ; mais que
roit tort , par cette même raison , de re
jetter sur mon compte.
J'ai tâché de prouver dans une de mes
Notes ( Tome I. page 698. ) que sainte
Aubierge n'étoit point bâtarde , et que
le Filia naturalis du venerable Bede ne
1. Vol. D ij peut
2594 MERCURE DE FRANCE
peut signifier autre chose que Fille légi
time d'Anne , Roy d'Estanglie , et d'Hereswite
, son Epouse . Comme mes preuves
n'ont pas satisfait également tous mes
Lecteurs , je renvoye ceux qui ont de la
peine à se rendre au troisiéme Tome du
Spicilege de Dom Luc d'Achery , page
258. ils y trouveront que Hardecanut ,
fils légitime de Canut , est appellé filius
naturalis , par opposition même à Harold,
qui étoit son bâtard. Je suis , &c.
A MADLLE de Malcrais de la Vigne
du Croisic en Bretagne.
D'un maritime Port l'ornement et la gloire ,
Aimable et sçavante Malcrais ,
Souffre qu'un Habitant des Rives de la Loire ,
Te témoigne la part qu'il prend à tes succès.
Nantes d'un oeil de complaisance ,
A lieu de regarder le fruit de tes travaux ;
Le séjour où tu pris naissance ,
Est soumis à ses Tribunaux.
Que dis- je , il t'en souvient , vingt fois notre
Rivage,
I. Vol.
Entendit
DECEMBRE . 1732. 2595
Entendit de tes Vers les sons harmonieux ;
Et tu fis dans nos Murs le noble apprentissage ,
De cet . Art si cheri des hommes et des Dieux.
O que j'aime à te voir , en Bergere affligée ,
Du départ d'un Amant en bute aux flots amers
Confier la douleur où ton ame est plongée ,
Aux rapides Oiseaux qui traversent les Mers !
Que des constantes Tourterelles ,
Tu peins bien les tendres amours ,
Et que par ce portrait de leurs ardeurs fidelles ,
Tu dois faire rougir les Amans de nos jours !
Qui peut sans répandre des larmes ,
Qui peut sans frissonner d'horreur
Ecouter le récit des cruelles allarmes ,
Dont la mort de ton Pere avoit saisi ton coeur a
Corisque , Ménalis , quelle délicatesse ,
Respirent vos jaloux débats !
Oui , d'une paisible tendresse ,
Vos soupçons , vos dépits surpassent les appas,
Poursuis, Malcrais, poursuis ; désabuse la Seine,
Qui dans son préjugé contre certains Cantons ,
S'imagine que l'Hipocrêne ,
I. Vol. Diij Dé2596
MERCURE DE FRANCE
Dédaigne d'arroser ceux que nous habitons.
Force-la d'avouer que la terre Armorique.
Connoît Phébus et les neuf Soeurs ,
Et que la Verve Poëtique ,
Y fait sentir aussi ses divines fureurs.
Mais quoi ! sans être si tardive ,
Elle a déja rendu justice à tes accords ,
Et la Marne, comme elle, à tes sons attentive ,
En a fait éclater ses éloquents transports.
Houdart tout prêt d'entrer dans la fatale Barque,
Charmé de tes talens divers ,
Voulut t'en donner une marque,
En vantant à la fois et ta Prose et tes: Vers.
Voltaire, le fameux Voltaire ,
Enchanté comme lui de tes doctes Ecrits ,
Vient d'apprendre à toute la Terre ,
Combien il en sent tout le prix.
C'est donc & honte extrême ! à ta seule Patrie ,
Qu'on peut à juste droit reprocher aujourdhui ,
De ne sçavoir pas rendre à ton rare génie ,
L'honneur qu'elle reçoit de lui.
I. Vol.
Et
DECEMBRE. 1732. 2597
Et moi , que ta belle ame honore ,
Du précieux dépôt de tous tes sentimens ,
Je suis bien plus coupable encore ,
D'avoir tant balancé pour t'offrir mon encens.
Pardonne , illustre Amie , Apollon m'est avare ,
Des faveurs que sans cesse il verse dans ton sein :
Heureux que ma verve bizarre ,
Ait du moins en ce jour secondé mon dessein.
Chevaye , Auditeur à la Chambre des
Comptes de Bretagne.
** :***** XXX :XXXXX
A MADAME DE ***
Qui m'avoit demandé des Vers pour la
desennuyer à la Campagne.
C'est un foible secours que celui d'Apollon ,
Pour charmer les ennuis d'un lieu trop solitaire,
Ils naissent comme ailleurs dans le sacré Vallon .
Telle est notre condition ,
Qu'il n'est rien ici bas où nous puissions nous
plaire.
Vous avez cependant tout ce qu'il faut avoir ,
Pour trouver du plaisir dans une solitude ;
Un esprit sans inquietude ,
Qui re connoît de loix que celles du devoir ,
I. Vol. Diiij Un
2598 MERCURE DE FRANCE
Un coeur religieux que rien ne peut distraire ,
Du soin de s'occuper de son unique affaire.
C'est ainsi que sans peine et sans autre desir ,
Que de la voir renaître encore ,
On voit naître et mourir l'Aurore ,
C'est ainsi que l'on voit soupirer le Zéphir ,
Auprès de la Déesse Flore ,
Sans qu'il nous en coûte un soupir.
Seul au milieu de la Nature ,
Dans les moindres objets on voit le Créateur.
De vos Jardins l'émail , de vos Prez la verdure ,
A leur couleur et leur structure ,
D'une main qui peut tout , font connoître le
trait ,
La Nature a cet avantage ;
Que nous considerions son plus petit Ouvrage ,
Plus on regarde et plus on le trouve parfait.
Il n'en est pas ainsi des hommes ,
Leur mérite de loin a tout un autre prix ,
Mais qui les voit de près , loin d'en être sur
pris ,
Trouve qu'ils sont ce que nous sommes ,
Il n'est qu'un tendre coeur né simple et ver→
tueux ,
Qui gagne à se faire connoître ,
Et sa vertu qui brille en venant à paroître ,
Prend sa lumiere dans nos yeux .
Je m'arrête , aussi - bien j'oublie ,
Que ce discours est un Portrait.
1 Vol.
Mais
DECEMBRE. 1732. 2599
Mais n'en déplaise à votre modestie ,
Je suis charmé de l'avoir fait.
Carelet.
·
EXTRAIT du Memoire de M. Pitot ;
Contenant la Description d'une Machine
pour mesurer la vitesse des Eaux conrantes
, et le chemin ou le sillage des
Vaisseaux; lû à la Rentrée publique de
l'Académie Royale des Sciences >
lendemain de la S. Martin , 12. Navembre
1732.
Mpar
le
R Pitot commence son Memoire
par quelques Refléxions sur les ravages
que causent la plupart des Fleu
ves et des Rivieres , par leurs changemens
de lit et leurs débordemens. Que
pour construire utilement des Ouvrages
capables de prévenir ces désordres , com,
me des Levées , des Digues , des Jettées ,
il est important de connoître le degré
de force ou de vitesse du courant de l'eau,
de voir l'endroit du Fleuve où le courant
est le plus rapide , et de déterminer la direction
du fil de l'eau. Il y a un grand
nombre d'autres occasions ( ajoûte M. Pitot
) où l'on a besoin de connoître la
1. Vol. D v vitesse
2600 MERCURE DE FRANCE
vitesse des eaux des Rivieres , des Aque
ducs , des Ruisseaux , des Fontaines , soit
par la mesure de la jauge des mêmes
eaux , ce qui arrive fort souvent pour des
Projets de Canaux de Navigation , soit
pour connoître la force des eaux sur les
roues de Moulin ou de toute autre Machine
muë par des courans d'eau , et connoître
leurs effets ou leur produit ; soit
enfin pour déterminer l'endroit le plus
avantageux d'une Riviere pour placer ces
mêmes Machines.
et
M. Pitor explique ensuite la Methode
dont on s'est servi jusqu'à present pour
mesurer la vitesse des eaux courantes ,
expose les inconveniens de cette Méthode
, dont les plus considerables sont de
ne pouvoir pas connoître la vitesse de
P'eau dans les endroits où il importe le
plus de la connoître , comme à l'entrée
ou à la sortie d'une Arche de Pont , &c.
La question de sçavoir si la vitesse des
eaux vers le fond des Rivieres , est plus
grande ou plus petite qu'à leurs surfaces,
est curieuse et a souvent partagé les sentimens
des Sçavans ; car suivant les loix
des Hydroliques , la vitesse des eaux vers
le fond doit être plus grande qu'à la surface
; mais d'un autre côté les frottemens
des eaux contre le fond et les bords des
1. Vol Rivieres
DECEMBRE. 1732. 2601
•
Rivieres , sont si considerables , que suivant
les Démonstrations de M. Pitot , sans
les frottemens , la vitesse des eaux des
Fleuves seroit vingt ou trente fois plus
grande qu'elle n'est réellement. Ainsi
sans les frottemens , presque toutes les
eaux courantes seroient des Torrens affreux
dont on ne tireroit aucun avantage
.
Toutes ces questions également utiles
et curieuses , peuvent être éclaircies sur
le champ avec une grande facilité , au
moyen de l'Instrument proposé par M.Pitot
; l'opération en est aussi simple que
celle de plonger un bâton dans l'eau et de
le retirer. Par cette Machine , ajoûte l'Académicien
, on mesurera la juste quan
tité de la vitesse des eaux à telle profondeur
qu'on voudra , et cela aussi aisément
qu'à leur surface. On mesurera aussi
la vitesse de l'eau à l'entrée et à la sortie
des Arches de Pont , et il sera toûjours
aisé de trouver l'endroit du courant où
elle est la plus grande.
Cette Machine est très simple , M. Pitot
la construit de deux façons ; la premiere
consiste à un Tube de verre recourbé
par un bout en entonnoir , ce Tube
est logé dans une rénure faite à une
tringle de bois , taillée en prisme trian-
I. Vol.
Dvj gulaire
2602 MERCURE DE FRANCE
gulaire. Les vitesses sont marquées en
pieds par seconde de temps , sur une
regle de cuivre qu'on peut arrêter le long
de la tringle ; à la seconde Machine , il
y a deux Tubes de verre , dont l'un n'est
pas recourbé et sert pour marquer le niveau
de l'eau. Mais pour donner une description
exacte et complette de ces Machines
, il faudroit joindre ici des figures
et entrer dans des détails que nous renvoyons
au Mémoire de l'Auteur.
Après la Description de la Machine et
des moyens de s'en servir pour les eaux
courantes , M. Pitot rapporte plusieurs
Experiences qu'il a faites sur les Ponts
de Paris , et dans plusieurs autres endroits
de la Seine , où il a pris la vitesse
des eaux , tant à leurs surfaces que dans
le fond. Un des principaux résultats de
ces Experiences est qu'en general la vitesse
des eaux va en diminuant vers le
fond , sur tout aux endroits où elle est
le plus rapide vers la surface , il se trouve
aussi dans quelques endroits des mouvemens
d'eau en tourbillon qui sont cachez,
pour ainsi-dire , dans l'interieur des eaux,
mais que la Machine fait découvrir aisé
و
ment,
M. Pitot ajoûte encore à l'usage de sa
Machine , qu'on pourra faire plusieurs
1. Vol.
autres
DECEMBRE. 1732 2003
autres Observations sur les eaux courant
tes , utiles et curieuses , pour connoître
par exemple , la vitesse moyenne du total
des eaux d'une Riviere. Pour sçavoir si
les augmentations de vitesse sont proportionnelles
aux accroissemens des eaux
ou dans quel rapport , pour voir quelle
est la relation entre les volumes d'eau et
la quantité des frottemens , & c. De - là
M. Pitot passe à la démonstration de l'effer
de la Machine , il fait voir que cet
effet n'est qu'une application très-simple
du principe ou de la loi fondamentale
des Hydrauliques et du mouvement des
eaux ; application dont vrai-semblablement
personne ne s'étoit encore avisé
elle est même très- heureuse pour avoir
de justes déterminations . Car les vitesses
des eaux sont mesurées à cette Machine
par les élevations ou ascensions de l'eau,
et par le principe , les élevations de l'eau
sont comme les quarres des vitesses , une
vitesse double donne une hauteur quadruple
; une vitesse triple donne une hauteur
neuffois plus grande ; ainsi le moindre
changement de vitesse se fait connoître
sur la Machine , par des differences
très -sensibles . Après les Démonstrations
de l'effet de la Machine , M. Pitot
donne les regles pour avoir les vitesses
1. Vol
des.
2604 MERCURE DE FRANCE
N
des eaux courantes en pieds et pouces par
seconde de temps relative aux élevations
de l'eau , et il a joint une Table de toutes
les vitesses en pieds et pouces , correspon
dantes aux élevations de l'eau de pouces
en pouces et même de ligne en ligne.
Mais l'application la plus importante
et la plus utile que M. Pitot prétend qu'on
peut tirer de cette découverte , c'est la
connoissance et la mesure du chemin ou
du sillage des Vaisseaux ; il espere que
les Officiers de Marine et les Pilotes , les
plus obstinez à ne pas recevoir des nouveautez
, seront forcez de convenir qu'on
n'a rien fait jusques à present , de plus
sûr et de plus commode pour mesurer
exactement la vitesse des Vaisseaux. Mais
il n'a point encore déterminé la meillure
façon de placer sa Machine sur le
Vaisseau , elle ne consistera qu'en deux
petits tuyaux fixes , à l'un desquels on
verra le chemin du Vaisseau en toises par
minutes et par heures , comme l'on voit
les dégrez de chaleur à un Thermometre.
Enfin , M. Fitot finit son Memoire en
rapportant quelques Experiences qui ont
rapport au Sillage des Vaisseaux , ayant
remonté la Riviere sur un petit Bateau
à la voile par un assez grand vent , et
mesuré avec sa Machine le chemin du
1
1.Vol. Bateau ;
DECEMBRE. 1732 2605
Bateau ; il assure que ces Experiences
lui ont réussi au - delà de son attente , les
mouvemens du Bateau causez par de grosses
vagues , ne causent aucuns obstacles
à l'effet de la Machine , et il est convaincu
qu'il n'y aura rien à craindre
non plus de la part des Roulis et du Tangage
des Vaisseaux , ce qui est extrémement
avantageux.
EPITRE
A M. Arouet de Voltaire , par Me de
Malcrais de la Vigne , du Croisic en
Bretagne , pour le remercier du présent
qu'il lui a fait de son Histoire de Charles
XII. de sa Henriade et du Recueil de
quelques-unes de ses Tragédies.
TEs deux Héros , Voltaire , enfin sont arrivez;
Bon jour , leur ai - je dit , couple de Rois celebres,
Conquerans dont les noms , de l'horreur des tenebres
,
Ont été par Voltaire à jamais préservez .
Vous êtes - vous bien conservez ,
Pendant la longueur du voyage ?
Auriez -vous essuyé d'un insolent orage ,
Les brusques incommoditez ?
1. Vol
2606 MERCURE DE FRANCE
Non , vos habits brillans ( a ) n'ont point été gatez.
Votre Redingote luisante ,
Faite d'une toile glissante , (b)
Des torrens pluvieux vous a très- bien gardez ;
Mais combien avez - vous suspendu mon attente !
Combien mes plaisirs retardez ,
Ont-ils fait murmurer mon ame impatiente !
Trois fois dix jours , bon Dieu ! pour venir do
Paris
Au Pays des Bretons ! votre marche est trop lente.
Où si je l'ai bien compris ,
Il faut que vous ayez pris
La route des Pirenéés ;
Autrement sans m'étonner ,
Je ne puis m'imaginer ,
Qu'à si petites journées ,
Guerrier veuille cheminer.
Cependant Charles donziéme , (6)
S'offre à mes regards contens >
Mars autant que Mars lui-même
Terrible , armé jusqu'aux dents *
Comme sil alloit se battre.
Quel air d'intrépidité ?
Il est encor tout botté.
(a) Ces Livres étoient couverts de papier marbré.
(b) Ils étoient enveloppez dans une toile cirée.
(c) Allusion à l'Estampe qui est en tête de l'Histoire
de Charles XII.
1. Vol.
Ni
DECEMBRE. 1732. 2607
Ni Charles ni , Henry quatre,
N'étoient de minces Héros ,
Enervés dans le repos ,
Qui craignent la pleuresie .
Et n'épargnent leurs Chevaux ,
Que pour épargner leur vie .
Après avoir attendu pendant un grand
mois , j'ai reçû , Monsieur , le présent
dont vous m'avez honorée. Vous avez
ajoûté à Charles XII . et à la Henriade
que vous me promettiez dans le Mercure
de Septembre , Oedipe , Mariamne
et Brutus. Cette genereuse politesse m'a
surprise agréablement , je n'avois vû jusqu'à
ce jour votre Brutus que par Extrait
; et qu'est-ce qu'un Extrait quand
la Piece est toute belle ? cela ne sert
qu'à mettre le Lecteur en appétit , j'étois
comme celle à qui l'on fait sentir une
Orange , qu'on lui ôte aussi- tôt de dessous
le nez , afin qu'il ne lui en demeure
que l'odeur. La paresse du Messager m'a
fort impatientée , et le feu Pere du Cerceau
n'a jamais murmuré davantage contre
le Messager du Mans . Vous ne sçauriez
croire combien vos Vers et votre présent
m'ont rendue glorieuse.Vedendo dono
cosigentile , non restò nel mio cuore dramma,
1. Vol che
2608 MERCURE DE FRANCE
che non fosse od amista , • fiamma. Personne
ne me vient voir que je n'en fasse
parade à ses yeux ; enfin je ne me troquerois
pas aujourd'hui pour une autre.
Que quelqu'un désormais me dise ,
Que mon Pegase va le trot ,
Que mon Phébus parle ostrogot ,
Et que mes Vers sont Marchandise
A vendre un sou marqué le lot ;
Je répondrai tout aussitôt ,
Esprit fait dans un méchant moule ,
Demandez à Voltaire , à ce fameux Auteur ,
Il sçait comment ma veine coule ,
Et si mes Vers sont sans valeur ;
Marchand d'oignon se connoît en ciboule.
Comme je prise infiniment tout ce qui
sort de votre plume , et que je serois fâchée
de perdre de vos Ouvrages , jusqu'à
la moindre ligne ; je me suis chagrinée
quand j'ai vu qu'à la fin du volume de la
Henriade , il manquoit quelques feuillets
à la vie du Tasse, de cet homme divin
avec qui vous partagez tout mon coeur .
Mais à cheval donné regarde-t - on la bride ?
Ce mot m'est échappé , Voltaire , ami , par
don ,
C'est le Proverbe qui me guide
I. Vol. A
DECEMBRE . 1732. 2609
A faire la comparaison
Qui convient mal au riche don ,
Dont en divers climats mon nom se glorifie,
Exprimons- nous donc autrement ;
Supposons que d'un Diamant
Un humain libéral un autre gratifie ,
Se persuadera-t- on qu'il fut si délicat ,
Qu'à cause d'un petit éclat ,
Dont le défaut laissât la pierre moins finie
D'accepter le présent il fit cérémonie !
Je ne me suis nullement étonnée, quand
j'ai vu par la Piéce que vous m'adressez
que tout ce qu'il y a de beau étoit du ressort
de votre esprit. Vous vous êtes , pour
ainfi dire , signalé en tous genres , Histo
rien du premier ordre , Poete excellent ,
Epique , Tragique , Comique , &c. est - il
quelqu'illustre de l'Antiquité , dont vous
dussiez envier la gloire ? que n'avez- vous
point essayé et en quoi n'avez - vous
point réussi ? j'avouerai pourtant qu'il est
une exception , mais une touchante exception
à faire à la plénitude de votre
contentement : quoi à trente - sept ans vous
Yous trouvez hors d'âge de pouvoir aimer
? vous avez donc été bien amoureux
à vingt , et comme un dépensier vous
avez mangé le fond et le revenu de bon-
I. Vol. ne
2610 MERCURE DE FRANCE
ne heure. Que la condition de certains
hommes est bizarre ! à dix -neuf et vingt
ans vous faisiez des Vers à merveille , à
trente- sept vous vous en acquittez encore
mieux. Helas ! et trente- sept ans en
amour ne représentent que l'ombre , et
le fantôme de votre premiere et douce
réalité !
Votre expérience confirme
La verité de ce qu'on lit ,
Qu'esprit est prompt , mais qne chair est infirme
,
D'ailleurs Ciceron nous a dit ,
Ce docte Ciceron , Professeur en sagesse ,
Que les plaisirs vifs et pressans
Où se laisse avec fougue emporter la jeu
nesse ,
La livrent par avance aux désirs impuissans
De la foible et triste vieillesse.
Je me trompe , Monsieur , et je dois
penser tout autrement fur votre compte.
Si vous quittez l'Amour , c'est que vous
avez découvert tout le faux de ses charmes
et penetré tout le vuide de ses
plaisirs. Votre sort bien loin d'être à
plaindre est digne d'envie , et vous n'en
êtes encore que plus estimable. Vous
avez fait les mêmes refléxions qu'Arioste
>
I.Vol.
dans
'DECEMBRE. 1732. 2611
dans la premiere Stance du chant 24 de
Roland furieux .
Chi mette il piè sù l'amorosa pania ;
Cerchi ritrarlo , è non v'inveschi l'ale ;
Che non è in somma Amor , se non insania ,
Al gindicio dè savii , universale .
C'est trop parler morale , chut , je vois
que toutes les oreilles ne s'y prêtent pas
de la même maniere . Je reviens à Charles
XII. et à la Henriade dont je ne sçaurois
me lasser de vous remercier , Je vous
assure que quoique venus les derniers ils
feront au rang principal dans ma petite
Bibliotheque , et qu'avec vos Tragédies
ce seront mes Livres favoris.
Mais comme je les ai reçus ,
D'un Tafetas changeant légerement vétus ;
J'ai craint que le froid et la brume
Venans avec l'Hiver , afreux porteur de rhume
Ne les eussent incommodez .
C'est pourquoi proprement on a pris leur me
sure ,
Puis on a mis sur eux des habits sans cou
ture ,
D'or magnifiquement bordez ,
A qui le taferas a servi de doublure .
J'accepte avec joye l'amitié que vous
I. Vəl me
2612 MERCURE DE FRANCE
me promettez à la fin de votre Lettre.
Nous nous en sommes donné des preuves
réciproques que je crois aussi sinceres de
votre part qu'elles le sont de la mienne .
Les amitiez que le hazard fait naître sont
durée que les auties.
It be honda coir à moi que la
he pan. Ji voudrois avoir
e de vous être
voys on levende votre présent ;
mais c'est là souhaitter l'impossible.
Quel ch'io vi debbo , posso di parole
Pagare in parte , è d'opera d'inchiostro
Ne che pocho vi dia da imputar sono ,
Che quanto io posso , dar , tutto vi dono .
Vous voudrez bien que les sentimens
de mon coeur suppléent au reste. Je suis
avec toute la reconnoissance , toute l'amitié
er tout le respect possible , Monsicur
, votre très humble , &c.
I. Vol. SONDECEMBRE
. 1732. 2613
XXXXX XX:X:XXXXXXX
SONNET en Bouts Rimez , proposez dans
le Mercure de France du mois de Mai
1732. à M. F ...
AMi le croirois-tu le Dieu qui nous re Boire
Du Dieu qui fait aimer m'a rendu le Butin,
Tu sçais qu'à fuïr leurs traits on perdroit son
Latin;
Quand ils sont de complot comme larron en
Foire
Sur les bords de la Marne ainsi que sur la
Loire,
Satin
Cupidon n'est au fond qu'un franc petit Lutin ,
nous paroît d'abord aussi doux que
Pour rendre notre coeur tendre comme
Mais envain d'Apollon je prendrois le
Pour en Vers bien polis critiquer ce
.
une
Poire
Rabot D
Nabot
Sur ce sujet ma Muse est pire qu'une Souche ,
Oui , Caron m'auroit vu dans son fatal
J'aurois de l'Acheron passé le noir
Bateau
Ruisseau
Avant que j'eusse pû voir l'amour d'un ceil
Pesselier de la Ferté sous Fouare.
Louche,
I.Vol. On
614 MERCURE DE FRANC
On a dû expliquer les mots de l'Eni
me et des Logogryphes du mois dernie
par le Mafque , Présages , Poulet
Sens.
ENIG ME.
nd j'ai de l'eau , ma foi , je n'en
bien du vin à mes repas ;
re devient pleine
..oissement de la Seine :
. : je ne bois que de l'eau seuleme
and elle manque absolument.
XXXXXXXXXXXXXXXXXXX)
Enfant
LOGOGRYPHE.
infortuné du meilleur sang du m
Je ne reçois le jour d'une mere féconde ,
Que pour périr bien - tôt par les mair
bourreau
Qui lui - même devient mon funeste tombe
Quand le dessein est pris , et qu'on veut
truire ,
1. Vol.
DECEMBR E. 1732 2615
Le feu , le fer , et l'eau , tout conspire à me
nuire.
Plus on a soin de moi >
peur ;
plus je dois avoir
Et ce trop heureux tems présage mon malheur.
Combinés mes cinq pieds : fraîche , sombre et
riante
Au plus fort de l'été je suis fort attrayante ;
Discrete , solitaire agrément des Jardins ,
Je suis propre à cacher les amoureux lar
cins.
On me trouve en Europe , on me trouve en
Asie ;
Je suis dans les déserts de l'ardente Libye :
Et dans ce dernier sens ma lugubre noir
ceur ,
>
A l'homme le plus ferme inspire la terreur.
Si vous changez encor mon entiere struc
ture ,
A certains animaux souvent je sers d'armure ;
A d'autres je dénote un signe de bonté.
Et si vous me donnez differente tournure,
En moi l'on trouve un vent de fort vilain augure.
Un peuple belliqueux , par Tacite vanté.
Ce qui du pâle avare augmente la torture .
Un Tribunal à Rome , aux Prélats affecté.
Enfin , à la campagne , un grain qui vous procure
2.
I.Vol. E Ainsi
2616 MERCURE DE FRANCE
Ainsi qu'aux animaux une ample nourri
ture.
T
AUTRE.
A M. l'Abbé R.....
Oi qui bois à longs traits de l'eau de l'Hypocrêne
›
Et qui prens tes plaisirs dans le sacré vallon ,
Tu penses que ma verve ait droit sur la Fon
taine ?
Non , cela n'appartient qu'aux amis d'Apollon
, .
Mais puisqu'un aini le désire ,
Tâchons d'aranger quelques Vers ;
De tout ceci je crains le pire ,
C'eft qu'ils ne soient tous de travers .
N'importe , me dis - tu , je veux des Logogri
phes ,
Je conte qui plus est d'abord les deviner :
J'y consens en voici. Je n'ai que quatre prises
,
Et j'habite un pays très - facile à trouver.
Oui , sans te donner la torture ,
Renverse- moi ; sans rien changer ,
Un not latin fait ma structure ,
Et le sens qu'on y peut
donner.
Dans mon premier état si-tôt qu'on me xeplace
,
Je fais plaisir aux uns , aux autres je déplais ;
I. Vol. Pourvû
DECEMBRE 1732. 2617
Pourvû que de mon nom la derniere on efface
;
Observés que ce mot n'est pas grec mais françois.
De plus le milieu de moi- même ,
Mis à ma fin , en combinant ,
T'apprend dans un péril extrême
Ate sauver d'un élément.
Allons courage , allons i vîtes , mettés mon
>
quatre
D'abord après mon chef , j'habite dans les
cieux.
Otés la penultiéme , alors sans rien rabatre "
Mon chant est ridicule et des moins gracieux.
Enfin j'ai tenu ma parole ;
Tu tiens le mot , j'en suis certain :
Cher ami , j'ai joüé mon rôle ;
J'en promets un autre demain.
L'Abbé D. L. M. de Montargis.
AUTRE.
E ne crains ni chaleur , ni le
JⓇ
glace ,
vent , ni la
Lecteur, en ton jardin peut -être j'ai ma place ;
Mon nom est des plus courts , qu'à rebours je sois
pris.
Je suis un mot burlesque, un terme de mépris.
1. Vol. Eij AV
2618 MERCURE DE FRANCE
D
AUTRE.
Ans mon envers je suis en certains lieux
festé ;
Dans mon endroit , je suis Fête féconde ;
A mon pied près , je suis un Ancien fort
vanté ,
Dans cet état mon coeur ôté ,
Je suis nouveau né dans le monde.
XXXXX: XX :XXX XXXXX ***
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS , &c.
M
EMOIRES pour servir à l'Histoire
des Hommes Illustres dans la République
des Lettres , & c. T. XVII . de 408 .
pages , sans les Tables. A Paris , chez
Briasson , rue S. Jacques , à la Science ,
M. DCC. XXXII.
Voici les noms des Sçavans dont il est
fait mention dans le xvI . Volume des
Mémoires du R. P. Niceron , qui continuent
d'être bien reçûs du Public.
Henri Corneille Agrippa. Pierre Ayrault.
Guillaume Barclay. Jean Barclay.
Gaspard Bauhin . Jean Bankine Jordanus
1. vol. Brit
DECEMBRE . 1732 2619
Brunus. Jean Chapeauville . Hilarion de
Coste. André Dudith. Charles Riviere Dufreny.
Jacques Philippe Foresta . Jerôme Fracastor.
Conrad Gesner. DenisGodefroy l'Historien.
Jacques Godefroy . Theodore Godefroy.
François Guichardin . Louis Guichar
din. Jean Henri Heidedger. J. Gentien
Hervet. Christophe de Longüeil. Gilbert
de Longueil. Charles Paschal. Claude Pocquet
Delivonniere. Modesta Pozzo. Ericius
Puteanus. Jean Savaron. Jacques Sirmond.
Luc Tozzi.
Nous insererons ici , selon notre coûtume
, l'un des articles de ces Mémoires ,
& nous croyons faire plaisir à nos Lectcurs
, de choisir par préférence celui qui
regarde le sçavant Pere Sirmond.
Jacques Sirmond nâquit le 12 Octobre
1559. à Riom en Auvergne , de Jean
Sirmond , Magistrat de cette Ville , et
d'Amable Barrier. Lorsqu'il eut 10 ans ,
ses parens l'envoyerent à Billon , Ville de
la basse Auvergne , pour y étudier dans
le College des Jésuites , qui est le premier
qu'ils ayent eu en France.
Après qu'il eut fait ses Humanitez , il
entra dans leur Compagnie le 26 Juillet
1576. et en reçût l'Habit le 21 Août suivant
dans sa 17 année. Il commença son
Noviciat à Verdun , dont il acheva les
1. Vol. E iij deux
2620 MERCURE DE FRANCE
deux années à Pont-à-mousson , où il fit
ses voeux.
Il étudia ensuite en Philosophie , après
quoi sesSuperieurs connoissant ses talens ,
le firent venir à Paris , où il professa deux
ans les Humanitez , et trois ans la Rhetorique.
Il eut alors l'honneur d'avoir
pour Disciples Charles de Valois , Duc
d'Angoulême , Fils naturel de Charles IX.
et S. François de Sales.
Ce fut pendant ce peu de tems qu'il
acquit une parfaite connoissance des Lan
gues Latine et Grecque , et qu'il se forma
ce beau stile ; qui joint à la solidité
de son jugement , et à la justesse de ses
pensées , a fait estimer tout ce qui est
sorti de sa plume. M. Cousin nous apprend
dans le Journal des Sçavans , qu'il
avoit pris Muret pour son modele , et
qu'il ne laissoit passer aucun jour sans en
lire quelques pages..
En 1986. il commença son Cours de
Theologie , qui dura quatre ans , pendant
lesquels il eut pour compagnon d'études
le célébre Fronton du Duc. Il ne
se contenta pas d'une Scholastique séche
et décharnée , telle qu'on l'enseignoit
alors , il lût avec soin les Saints Peres et
les Auteurs Ecclesiastiques , et entreprit
même dès lors de traduire en Latin quel-
I. Vol. ques
DECEMBRE . 1732 2621
ques Ouvrages des Peres Grecs , et de
composer des Remarques sur Sidonius .
›
A peine fut-il sorti de Theologie , que
le P. Claude Aquaviva , General de sa
Compagnie , l'appella en 1590. à Rome ,
pour être son Secretaire , et il s'acquitta
pendant plus de seize ans de cet emploi
avec un succès qui répondit parfaitement
aux espérances qu'on avoit conçuës de
lui.
Ses heures de loisir étoientemployées à
l'étude de l'Antiquité : il visitoit les Bibliotheques
, et en consultoit les Manuscrits
, il s'appliquoit aussi à l'étude des
Antiques , des Médailles et des Inscriptions
; et les Italiens , quoique jaloux de
la gloire de leur Nation , ne se faisoient
point une honte de le consulter fur ces
sortes de matieres , persuadeź que ses connoissances
pouvoient suppléer aux lumie
res qui leur minquoient.
Le P. Sirmond pendant fón séjour en
Italie , lia un commerce d'amitié avec
les Sçavans les plus illustres , qui y vivoient
alors , & particulierement avec
Bellarmin et Tolet , qui étoient de sa Societé
et avec les Cardinaux Baronius , d'Ossal
et du Perron . Le Cardinal Baronius
tira même de lui de grands fecours pour
ses Annales Ecclesiastiques , principale
ر
ment
1. Vol. E iiij.
2622 MERCURE DE FRANCE
ment par rapport à l'Histoire Grecque
sur laquelle il lui fournit un grand nombre
de Piéces traduites de Greç en Latin.
Il revint à Paris en 1608. et depuis
ce temps-là il ne cessa point d'enrichir
le Public de nouveaux Ouvrages . Il demeura
d'abord environ quatre ans dans
la Maison Professe , d'où il passa sur la
fin de 1612. au College , où il devoit être
plus commodément pour travailler à la
collection des Conciles de France , qu'il
avoit entreprise , et cinq ans après il en
fut fait Recteur.
Le Pape Urbain VIII . qui connoissoit
depuis long-temps son mérite , voulut
l'attirer de nouveau à Rome , et fit écrire
pour cela en France par le P. Vitelleschi ,
qui étoit alors General de la Compagnie ;
mais Louis XIII . ne voulut pas souffrir
qu'on lui ravit un Homme qui faisoit tant
d'honneur à son Royaume , et qui pouvoit
lui rendre de grands services.
Sur la fin du mois de Décembre de l'an
1637. il fut choisi pour être Confesseur
du Roi à la place du P. Caussin . Il eut de
la peine à accepter un poste si délicat ;
quelques-uns même de ses amis , qui ne
songeoient qu'au tems qu'il leur alloit
dérober , jugeoient qu'il lui convenoit
moins qu'à un autres mais enfin obligé
1. Vol. de
DECEMBRE. 1732. 2623
de se soumettre au choix qui avoit été
fait de lui , il se conduisit à la Cour avec
tant de précautions et de prudence , qu'il
n'y donna jamais à personne le moindre
sujet de plainte. Renfermé dans les bornes
de son Ministere , il ne s'y mêla d'aucune
affaire temporelle , et témoigna un
désinteressement si parfait , qu'il n'avança
aucun de ses parens , et ne demanda
qu'un petit Benefice pour M. de la Lande,
son Neveu , auquel même il fut contesté.
Après la mort de Louis XIII. arrivée le
14 Mai 1643. il quitta la Cour , et reprit
ses occupations ordinaires avec la même
tranquillité , que , que s'il ne fut jamais sorti
de sa Retraite.
En 1645. il voulut bien , malgré son
grand âge , aller encore à Rome en qualité
de Député des Jésuites de France
pour y assister à l'élection d'un General
à la place du P. Vitelleschi , comme il
avoit fait trente ans auparavant , après
la mort du Pere Aquaviva , son prédécesseur.
De retour en France , il donna encore
quelques Ouvrages au Public , et il se préparoit
à en mettre d'autres sous la
presse ,
lorsqu'au retour d'une Assemblée tenue
à la Maison Professe , où il s'étoit un peu
I. Vol.
Ev échauffé
2624 MERCURE DE FRANCE
échauffé, en soûtenant son avis , il fut attaqué
d'une maladie , qui peu de jour
après se trouva accompagnée d'un débordement
de bile par tout le corps. Il en
mourut le 7. Octobre 1651. âgé de 92 .
ans.
» Il avoit sçu joindre une grande dé-
» licatesse d'esprit et un discernemen
» très-juste , avec une profonde érudi-
» tion. Il sçavoit en perfection le Grec , le
» Latin , les Auteurs Profanes , l'Histoi-
» re et , tout ce qui s'appelle Belles- Lettres.
Il avoit une connoissance fort
» étendue de l'Antiquité Ecclesiastique ,
» et avoit étudié avec soin les Auteurs du
» moyen âge. Son stile est pur , concis et
» serré. Il affecte néanmoins trop , de se
servir de certains mots des Poëtes
» Comiques. Il méditoit beaucoup sur ce
» qu'il écrivoit , et avoit un art tout par-
» ticulier de le réduire en une Note qui
>> comprenoit bien des choses en peu de
mots , sans être chargée de rien d'inutile
ou d'étranger. Il est éxact , judicieux
, simple , et cependant n'omet
» rien de ce qui est nécessaire. Ses Disser-
» tations ont passé pour un modele sur
» lequel il seroit à souhaitter qu'on se
» format. Quand il traitoit une matiere
» il ne disoit jamais d'abord tout ce qu'il
I. Vol.
sçaDECEMBRE.
1732. 2625
» sçavoit , et se réservoit toujours de nou-
» veaux argumens pour la réplique , com-
» me des troupes auxiliaires , pour venir
au secours du corps de bataille . Il étoit
» désinteressé , équitable , moderé , sin-
» cere , modeste , laborieux , et cepen-
» dant familier , conversant agréablement
» avec ses amis , et appliqué à ses devoirs .
Il s'étoit attiré par son érudition et par
>> ses manieres , l'estime non seulement
» des Sçavans , mais encore de tous les
» honnêtes gens. Il a laissé après lui une
» réputation qui durera pendant plusieurs
siécles. C'est le jugement que M. Dupin
porte de cet Auteur.
Suit le Catalogue raisonné des Ouvrages
du P. Sirmond , qu'on ne sçauroit lire
sans admiration et sans profit. D'un côté ,
le fonds des matieres , et de l'autre l'arrangement
et les Remarques de l'Editeur
ont de quoi satisfaire les Lecteurs intelli
gens . Nous sommes fâchez de ne pouvoir
rapporter ce Catalogue à cause de sa prolixité
. Il contient 55 Articles bien remplis.
Les Antiquaires doivent s'interesser
aux Art. 43. 44. et 45 .
"
RE'FONSE de M. Dulys , Docteur en
Médecine à B ... à la Lettre de M. Dubois
ancien Prévôt et Garde des Maîtres Chi-
- I. Vol. E-vj
fur2626
MERCURE DE FRANCE
rurgiens de Paris , à l'occasion des Mala
dies Chroniques , où on prouve d'une
maniere incontestable la Cure des Maladies
Veneriennes les plus inveterées , sans
distraire les Malades de leurs affaires ; et
celle des Tumeurs froides , sans l'usage
du fer et du feu . A Paris , au Palais
chez Paulus du Mesnil , 1732. brochure
in- 12.
" LES CENT NOUVELLES NOUVELLES de
Madame de Gomez. A Paris , chez la
veuve Guillaume , au bout de la ruë Danphine
, du côté du Pont- Neuf, 1732. in- 12
'de 178 pages.
,
Les Ouvrages que l'Auteur a déja donnez
dans ce genre , réimprimez plusieurs
fois , assûrent un pareil succès à celui- ci ,
qui contient trois Nouvelles : sçavoir , le
Voleur amoureux l'Amour plus fort que la
Nature , et la Fausse Prude. Le Libraire
avertit qu'il donnera un pareil Volume
tous les mois , qui contiendra aussi trois
Nouvelles , et ainsi de suite jusqu'à ce que
le nombre de cent soit rempli. Ces Nouvelles
au reste sont bien écrites , et roulent
sur des matieres divertissantes , tendres
, galantes , comiques , &c.
APPLICATION DE L'ALGEBRE à la Géomé
I.Vol trie
DECEMBRE. 1732 2627
trie , ou Méthode de démontrer par l'Algébre
les Theoremes de Géométrie , et
d'en résoudre et construire tous les Problêmes.
On y a joint une introduction ,
qui contient les réglés du calcul algébrique.
Par feu M. Guinée , de l'Académie
Royale des Sciences , Professeur Royal.
de Mathématique et ancien Ingenieur
ordinaire du Roi . Seconde Edition , revue
, corrigée et considerablement augmentée
par l'Auteur . Chez Quillau , ruë
Galande ; 1733.
"
TRAITE'DE L'ESPERANCE CHRETIENNE ,
contre l'esprit de pusillanimité et de défiance
et contre la crainte excessive . A
Paris , chez Lotin , rue S. Jacques , 1732.
in-12 de 439. pag.
,
'L'ART d'élever les jeunes Princes dès
le berceau , selon les principes de la Physique
, de la Morale , de la Politique et
de la Religion . Par M. de Vallange. A
Paris , chez Gandouin , ruë Git - le - coeur
Prault , Quai de Gêvres ; Lamesle , ruë
de la vieille Bouclerie , et Mesnier au
Palais , 1732. broch. in- 12 . de 96 pag.
BIBLIOTHEQUE GERMANIQUE , ou Histoire
Litteraire d'Allemagne , de Suisse et
I- Vol.
des
2628 MERCURE DE FRANCE
des Pays du Nord , année 1730. Tome ?
19 et 20. A Amsterdam , chez P. Humbert
, 1730. in- 12 de plus de 550 pages .
sans les Tables.
Le deuxième article de ce Volume regarde
les Mémoires de la Societé Royale des
Sciences de Berlin . Troisième . vol. in- 4
1727. avec fig .
Page 38. Il n'y a point de Ville en Allemagne
, ni guére ailleurs , où l'on puis
se faire plus d'Observations Anatomiques
que dans le Théatre de l'Académie de
Berlin. Chaque année on y disséque jusqu'à
soixante cadavres humains , sous la
démonstration de M. Buddéus , Docteur
en Médecine , Professeur en Anatomie
et Directeur de la Classe de Physique et
de Médecine .
>
Pag. 39. Une femme âgée d'environ 20
ans , étant devenue furieuse , fut enfermée
dans une prison , où elle mourut l'an
1726 ; étant ouverte , on remarqua dans
le cerveau quelques singularitez qu'on
ne jugea pas avoir causé la manie , non
plus que celles de la poitrine : mais l'ouverture
du bas- ventre étonna. Outre que
les intestins pliés et entortillés , n'étoient
point dans leur place naturelle , l'ovaire
droit étoit aussi gros qu'un oeuf de poule
; pesoit un once , et au-dedans étoit
1. Vol.
plein
DECEMBRE. 1732. 2629
plein d'une touffe de poils , long de deux
pouces , crépus vers le milieu , et environnés
d'une matiere semblable à du suif
mais séparée en petits grains. Ces poils ,
brulés à la chandelle , rendoient une mauvaise
odeur comme les autres poils , ou
les ongles.
Page 40. M. Trisch , fait part au Public
d'un secret qu'il a appris de M. de Hune-
Ken , Seigneur de Carpzow , et dont il a
lui- même vû les épreuves . Lorsque le
tronc des arbres à quelque chose qui choque
les yeux , ou fait soupçonner quelque
maladie , lorsque l'écorce d'un pomier
ou d'un poirier est trop raboteuse ;
lorsque la résine coule d'un cerisier , ou
qu'ils'y forme de gros boutons , &c. pour
les rendre plus beaux , et en même tems
plus fertiles , il faut leur ôter entierement
toute l'écorce , depuis l'espece de couronne
que forment les premieres branches
jusqu'à terre : ensorte que le bois blanc
de l'arbre soit égal et bien uni. Le tems
le plus propre est le Solstice d'Eté , ou
quand le suc de l'arbre coule plus abondamment
, et il est aisé de le rendre égal
par tout , avec une plume d'oye . Mais
autant qu'on le peut , il faut le deffendre
contre la trop grande ardeur des rayons
du Soleil , ou contre le sable que le vent
I. Vol.
Y
2630 MERCURE DE FRANCE
y peut pousser : soit en étendant des linges
, ou en plantant des roseaux , ou de
quelqu'autre maniere .
Page 46. Mémoire de M. Scheuchzer ,
Docteur en Médecine , et Professeur en
Mathématique à Zurich , &c. L'hyver le
plus doux qu'on eut vû en Suisse depuis
long- tems , fut suivi d'une Eclipse totale
du Soleil , qui arriva le 22 Mai au soir
1724. et d'une inondation furieuse qui
survint deux jours après , avec des Ton- .
neres extraordinaires. Pendant le fort de
l'Eclipse , on vit autour du Soleil un anneau
, ou une couronne lumineuse , deux
fois plus large et plus claire que celle
qu'on remarqua durant l'Eclipse totale de
Pan 176. et que les Astronomes attribuerent
à l'Atmosphere de la Lune. M.
Scheuchzer étoit alors à Kusnac , où le
Soleil se coucha entierement éclipsé : mais
quand il fut sous l'horizon , la clarté
revint , et les ténébres furent dissipées.
L'inondation fit de grands ravages à
l'Eglise et aux environs. Durant la tempête,
le Tonnerre brûla le drap d'un Tailleur
qui travailloit dans son poele , déchira
l'habit qui lui couvroit la poitrine ;
lui arracha un soulier et le blessa en plusieurs
endroits : les fenêtres furent détrui-
I. Vol.
tes
DECEMBR E. 4 2631 1732.
tes , sans que le plomb fut endommagé ;
ailleurs le plomb fut fondu , le verre demeurant
entier en d'autres , les seules
verges de fer furent fsappées : il y eut un
Poele , dont toutes les fenêtres furent jettées
sur le pavé , &c.
,
Page 48. Au mois d'Octobre mourut
un homme , qui un an auparavant avoit
perdu tout d'un coup les cheveux et la
barbe. Au bout d'un tems les cheveux
étoient revenus blancs , déliés comme de
la soye , et crépus comme la laine de
brebis : mais trois semaines avant sa mort ,
ils reprirent leur couleur naturelle. En ce
tems là vivoit un autre homme à qui la
moitié de la barbe devint blanche après
avoir été touchée par une femme , qui à
cause de cela fut cruë sorciere : mais appliquée
à la question , elle ne confessa
rien .
On trouve à la page 18 3. à l'article des
nouvelles de Schwabach , l'extrait d'une
Lettre de M. Baratier , au sujet des progrès
de son fils , cet Enfant précoce , dont
il a été parlé dans le 17. de cette Bibliotheque
, et dont nous avons aussi déja
parlé plusieurs fois nous mêmes. Voici
l'Extrait de cette Lettre .
Par la Grace de Dieu , la santé de mon
fils s'est bien fortifiée depuis deux ans ,
I. Vol. et
2632 MERCURE DE FRANCE
et il continue à faire des progrès dans ses
Etudes , proportionnés à ceux qu'il a fait
ci- devant. Je n'entreprendrai pas de vous
en faire le récit , le tems ne me le permettant
pas. Je dirai seulement en gros
que sa principale étude jusqu'à présent , a
été la Langue Hébraïque , dans laquelle
il a fait de tels progrès , qu'on peut dire
qu'il l'a presque épuisée ; je veux dire
qu'il se trouvera très - peu de mots ou de
passages , si rares ou si obscurs et énigmatiques
qu'ils soyent , dont il ne puisse
rendre raison , dans tout le Canon He
breu ou Chaldaïque de l'Ecriture Sainte.
Il sçait par coeur en Hebreu tous les Pseaumes
, les Proverbes et le Livre de Job ;
outre le Recueil des Passages des autres
Livres de l'Ecriture - Sainte , tant Chaldaïques
qu'Hebreux , dans les Biblia par
va Henr. Optii. Il a écrit pour la seconde
fois un Dictionnaire Hebreu , où il a recüeilli
tous les mots , ou rares , ou diffi
ciles , ou équivoques , qui se trouvent
dans l'Original de la Bible , où il allégue
en même tems les Passages où ils se trouvent
, sur lesquels il exerce sa petite critique.
Il a copié le Livre dont je viens de
faire mention , en Hebreu , avec une Version
de sa façon des Biblia parva. La
Critique et la Philologie Sacrée ont fait
I. Vol.
penDECEMBRE.
1732. 2633
pendant quelque-tems ses délices. Outre
la Synopse de Polus qu'il consulte souvent
, il a parcouru divers bons Auteurs
en ce genre d'Etude , tels que Buxtorfii
Synagoga , Hottingeri Thesaurus Phylologicus
, Carpzovii critica " Sacra , Leusden
Glassins , Bochart , Lightfoot , &c. qu'il
n'a pas lûs à la verité tout entiers , surtout
ces trois derniers , mais dont il a par
couru les Ouvrages à ses heures de récréation
, en s'arrêtant aux endroits qui
lui plaisoient. Présentement il se divertit
à l'Histoire et à la Géographie , tant ancienne
que moderne la lecture de la Geographie
de Bochart lui a fait naître le
goût de cette Science , que je lui laisse
cultiver tout seul , comme il pourra , sans
m'en mêler. Il est d'une avidité extrême
et d'une curiosité insatiable pour toutes
sortes de Langues et de Sciences . Les idées"
qu'il en puise dans les diverses lectures
qu'il fait , irritent de telle sorte sa curiosité
, qu'il voudroit tout d'un coup embrasser
l'Encyclopedie des Sciences . Mais
comme cela le distrait trop des Etudes
qui conviennent à son âge , et l'occupe
roit trop prématurement , je suis obligé
de reprimer cette avidité , et de lui défendre
sous peine des verges , de lire aucun
Livre sans ma permission . Châtiment
I.Vol. qu'il
2634 MERCURE DE FRANCE
qu'il n'a pourtant encore jamais éprouvé ,
depuis cette fois , dont j'ai fait mention
dans mon Traité. Il possede de telle sorte
les Racines Hebraïques , ou Chaldaïques
, de l'Ecriture Sainte , qu'il peut
dire
ce que telle Racine signifie , en Arabe ,
en Ethiopien , en Syriaque , ou faire l'application
de ces diverses significations
dans les passages où ces mots se rencontrent
, pour leur donner diverses interprétations
, ou pour juger des differentes
Versions ; en quoi il fait paroître un jugement
et une étudition qui le feroient
souffrir dans une Conference , ou dans
une conversation de Sçavans avec lesquels
aussi il prend beaucoup de plaisir
de converser.
Page 186. M. J. Seb. Stedler , Professeur
de Mathématique , &c. a observé
sur le grand hyver qu'il y a eu à la fin
de 1728. et au commencement de 1729.
que près des maisons , et même dans des
endroits sabloneux , la terre a été gelée
jusqu'à quinze pouces de profondeur , et
que le froid a été de trois degrez plus
violent qu'en 1709.
ALMANACH ASTRONOMIQUE, Géographique,
Historique, Moral, General , Partic
lier; ( et qui plus est ) veritable, pour
I. Vol.
DECEMBR E. 1732. 2635
1733. dans lequel on trouvera des prédictions
infaillibles pour chaque Saison
et pour chaque mois. Ouvrage curieux et
solide , malgré son titre , avec 12 Couplets
de Centuries chantantes de Me Michel
Nostradamus. Par M. Constantin
Pleurlurault .
Dic quibus in terris et eris mihi magnus Apollo ,
Tres pateat cali spatium non amplius ulnas.
A Paris , chez Antoine de Heuqueville ;
rue Gist-le- coeur , et Louis de Heuqueville ,
Quai des Augustins 1733 .
Le Calendrier Ceremonial , pour l'an
de Grace 1733. où l'on trouvera jour
par jour les singularitez qui arrivent annuellement
à Paris , ou aux environs , sc
vend à Paris chez Antoine de Huqueville ,
pere , rue Gist- le-Coeur , à la Paix; et chez
Louis- Antoine de Huqueville fils , Quai
des Augustins , au dessus de la ruë Pavée
, à la Bonne- Foi.
On vend avec succès chez Gissey , ruë
de la vieille Bouclerie , au bas du Pont
S. Michel , la nouvelle édition du Calendrier
Chronologique et Historique , & c. pour
l'année prochaine 1733. dédié comme
I. Vol.
les
2636 MERCURE DE FRANCE
les huit années précedentes à M. le Duc
d'Orleans.
Ce petit Journal merite quelque préference
par l'exactitude de la Chronologie
, l'ordre et la méthode qu'il renferme,
l'importance et l'étendue des sujets qu'il
traite , et l'agréable varieté qui y régne.
On y trouve sur l'Histoire une nouvelle
suite de chaque année , et un Journal
particulier pour 1732. Les Epoques les
plus nécessaires à sçavoir pour établir
dans la mémoire de la Jeunesse l'ordre
successif des Tems et des faits , et pour
remettre sur la voye ceux qui ont beaucoup
lû. D'ailleurs la disposition et l'arrangement
des Naissances , accompagnées
d'Epoques et de Remarques curieuses
concourent encore à la même utilité , et
le mêlange toujours nouveau des autres
matieres sérieuses et badines , forme un
Recueil utile et convenable à toutes sortes
de personnes , indépendamment de
l'usage general du Calendrier qui est au
commencement .
Ceux qui jusqu'à présent ont bien voulu
concourir de leurs mémoires et instructions
annuelles pour l'ornement de
cet Ouvrage sont priés de les continuer à
l'adresse ordinaire de l'Imprimeur.
-W
l'Ab❤ I. Vol
DECEMBRE. 1732. 2637
L'AbbéPithon Ciort, qui travaille depuis
long- tens à un Nobiliaire du Comté Venaissin,
de la Ville d'Avignon et de la Principauté
d'Orange , avertit les Maisons et
Familles interessées , que l'Ouvrage est
fort avancé. Ceux qui voudront lui fournir
des preuves , sont priez de les lui envoyer
en bonne forme et port franc , à
l'adresse du sieur Bonvalet , Marchand
Epicier , rue du Bacq , Faubourg S. Gera
main, à Paris. L'Ouvrage sera des plus accomplis
en ce genre.
LE
Ouverture du College Royal.
Es Professeurs du College Royal de France ,
fondé à Paris par le Roi FRANÇOIS I. ke
Pere et le Restaurateur des Lettres , reprirent
leurs Exercices et commencerent leur année Académique
le Lundi 17 Novembre. Voici les noms
des Sçavans qui remplissent actuellement les
Chaires de ce fameux College sous l'inspection
de M. Antoine Lancelot , de l'Académie Royale
des Inscriptions et Belles-Lettres , Censeur Royal
des Livres.
Pour la Langue Hébraïque.
Mrs Sallier et Henri .
Pour la Langue Grecque
Mrs Capperonier , et N...
I. Vol. Pour
1838 MERCURE DE FRANCE
Pour les
Mathematiques.
Mrs Chevalier et de Lisle.
Pour la Philosophie.
Mrs Terrasson et Privat de Molieres.
Pour l'Eloquence Latine.
Mrs Rollin et N....
Pour la Médecine , la Chirurgie , la Phar
macie , et la Botanique .
Mrs Andry , Burette , Astruc , et Dubois.
Pour la Langue Arabe.
Mrs de Fiennes , Secretaire , Interpréte ordimaire
du Roi , et Fourmont.
Pour le Droit Canon .
Mrs Capon et le Merre,
Pour la Langue Syriaque.
M. l'Abbé Fourmont.
I. Ve. PRIX
DECEMBRE. 1732 2639
PRIX de la Societé des Arts.
On Altesse Serenissime Monseigneur LE COMTE
DI CLERMONT , Protecteur de la SOCIETE
DES ARTS , ayant bien voulu accorder des fonds
à cette Compagnie pour qu'elle distribuë deux
Prix tous les ans , chaque Prix sera une Médaille
d'or de 300. liv. et toutes personnes , excepté les
Associez qui doivent être Juges , pourront aspirer
à ces Prix. Les deux prémiers se distribueront
à l'Assemblée publique d'après la S. Martin de
l'année 1733
Comme la Societé se fait une loi de ne choisir
pour les sujets des Prix que des questions qui
ayent rapport aux Arts , et que la solution des
problêmes de cette nature dépend souvent moins
de la simple théorie , que d'une longue suite d'experiences
, elle proposera chaque année un plus
grand nombre de questions qu'elle n'aura de Prix
donner l'année suivante ; par ce moyen plus
d'Auteurs seront excitez à travailler : ceux qui
s'attacheront aux matieres , sur lesquelles il n'appartient
qu'à l'experience de donner des décisions,
auront tout le temps nécessaire pour la consulter;
et la Societé recevra des éclaircissemens dont elle
seroit privée, si elle exigeoit qu'on les lui donnât
dans un terme prescrit. Elle propose donc cette
année cinq Sujets , et elle en proposera chacune
des années suivantes autant de nouveaux qu'elle
aura distribué de Prix dans l'année.
Sur la Charruë.
Il n'est pas douteux que les diverses qualitez
des terres , la differente disposition de leurs plans,
et les diverses especes d'animaux qu'on est obligé
I. Vol. F d'em
2640 MERCURE DE FRAN
d'employer pour le labourage , n'exigent de
ferences dans la forme , les proportions ,
nombre des pieces dont les Charrues sont
posées. Cependant les Ouvrieis qui les con
sent , suivent plutôt une pratique aveugle €
cun principe certain , et les Laboureurs re
trent par là plusieurs difficultez , qui peu
seroient aisées à vaincre , si les uns et les
connoissoient mieux les raisons de suivre
rens usages selon les lieux differens. On de
quelle est la meilleure construction de Cha
tant par rapport aux diverses qualitez des t
que par rapport à la differente disposition de
lans.
Sur le Moulin.
Plusieurs personnes habiles se sont appl
avec succès à perfectionner cette Machin
Moulin à vent semble même être porté à s
grande perfection. Il n'en est pas ainsi des
lins à eau , on peut les rendre plus parfaits
ne sont , à plusieurs égards , sur - tout en
minant plus précisément de quelle mani
doivent être construits ; une certaine q
d'eau soutenue à telle hauteur qu'on voudi
poser étant donnée , la Societé desireroit
ajoûtât à une Machine si utile quelque n
perfection , et elle exhorte les personnes q
vailleront sur cette matiere à chercher pri
lement les moyens de tirer des differen
d'eau le meilleur parti qu'il est possible.
Sur les Semences.
Les Livres d'Agriculture sont remplis
verses recettes de préparations destinées à
der les Semences , et souvent en rejettant t
I. Vol.
ge
DECEMBRE . 1732. 2645
gerement tout ce qui porte l'air de secret , il peut
arriver qu'on se prive de quelque pratique utile,
L'un des Prix est réservé à l'Auteur du Mémoire,
dans lequel ces differentes préparations employées
pour féconder les Semences , seront discutées de
la maniere la plus satisfaisante.
Sur le Mercure.
Tous les Artisans qui employent du vif-argent
dans leurs ouvrages , éprouvent ordinairement des
coliques violentes , des tremblemens , des paralysies
, et d'autres maladies. Les Doreurs en or
moulu , ou amalgamé avec le Mercure sont particulierement
exposez à ces accidens. On propose
un Prix à l'Auteur du Mémoire , qui contiendra
quelque nouveau moyen de les prévenir ou de les
diminuer , soit par la préparation du vif- argent,
soit par la maniere de l'employer , ou par quelque
préservatif.
Sur le Ressort du Balancier des Montres.
C'est un accident ordinaire aux Métaux que
de se dilater dans la chaleur , et de se contracter
dans le froid . Par cette raison le Ressort que l'on
met au Balancier des Montres , et qui doit concourir
à la justesse , y devient nuisible. La Societé
demande si l'on ne pourroit pas , soit par le
choix de la matière , soit par la maniere de la
travailler , soit enfin par la forme donnée au
Ressort , ou par quelques autres moyens , rendre
ces Ressorts moins susceptibles des impressions
de l'air , ou du moins rendre les variations de ce
Ressort moins contraires à la régularité des
Montres.
Quoique la Societé destine principalement ses
Prix aux Auteurs qui travailleront sur les Sujets
I. Vol.
Fij qu'elle
1642 MERCURE DE FRANCE
1
qu'elle aura proposez , cependant lorsqu'on lui
présentera quelques ouvrages qui seront sur d'au
tres matieres , mais qui contiendront quelques
découvertes d'une utilité considerable pour les
Arts , les Auteurs de ces Ouvrages pourront prétendre
aux Prix : elle ne donnera la préference
aux Memoires sur les questions proposées que
dans le cas où les autres ne leur seroient superieurs
à nul égard.
Lorsque le nombre des Ouvrages dignes des
Prix , excedera celui des Prix , les deux Médailles
de l'année , seront données aux deux Auteurs qui
auront le mieux réussi , ou si tous ont réussi
également , à ceux qui auront choisi les sujets
dont l'utilité sera le plus generalement reconnue,
Les autres concourront de nouveau l'année suivante,
Si quelque Auteur ayant choisi un Sujet est
prévenu par un autre , et qu'on adjuge le Prix
au second avant que le premier ait envoyé son
Memoire , celui -cy ne perdra point l'espoir d'obtenir
un Prix , pourvû qu'il propose des vûës
nouvelles et superieures à celles que l'autre aura
données .
Les personnes qui voudront concourir pour
le Prix que la Societé doit donner dans son Assemblée
publique d'après la S. Martin de l'année
1733. seront tenues d'envoyer leurs Ouvrages'
dans le cours du mois de Juin , les Etrangers
même ceux qui sont Membres de la Compagnie,
ayant droit aux Prix on avertit les Sçavans qui
voudront travailler , d'écrire ou de faire traduire
en François ou en Latin , les Memoires qu'ils
envoyeront.
2
Une des conditions pour que les . Ouvrages con→
Spurent , c'est que les Auteurs ne se fassent pas
I. Vols connoître
DECEMBRE. 1732: 2643
connoître avant que le Prix soit adjugé ; on re
commande à chacun d'eux de mettre à la fin de
son Memoire une maxime ou quelque passage
d'un Ecrivain. Ceux qui seront à Paris , ou qui
auront dans cette Ville quelqu'un de confiance
pourront envoyer leurs Ouvrages à la Société
tous les jours qu'elle s'assemble . Elle tient ses
Séances chez S. A. S. M. LE COMTE DE CLERMONT
, au Palais du petit Luxembourg , le Dimanche
et le Jeudi de chaque Semaine , depuis
quatre heures du soir jusqu'à six . Le Secretaire
marquera sur les Registres de la Compagnie la
date de la reception de chaque Memoire , la maxime
jointe au Memoire et les mots par lesquels
il commencera ; et l'on délivrera au Porteur un
Extrait des Registres . Ceux qui ne seront pas
à portée de se servir de la voye que nous venons
d'indiquer , pourront prendre celle de la Poste .
M. LE COMTE DE CLERMONT permet qu'on
adresse en son Palais , à Paris , tous les Paquets
destinez à la Societé. Les Paquets envoyez de la
sorte doivent avoir pour suscription : A Messieurs
de la Societé des Arts , au petit Luxembourg
à Paris.
Aussi- tôt qu'un Prix sera adjugé , la Societé
avertira le Public dans les differens Journaux de
France et dans les Gazettes , qu'un Memoire ,
commençant par tels mots , portant telle maxime,
et ayant telle matiere pour sujet , a remporté
l'un des Prix . L'Auteur alors fera ses diligences
pour se faire connoître , et dans l'Assemblée destinée
pour donner le Prix qu'il aura obtenu , il
recevra la Médaille , ou la fera recevoir par quel
qu'un chargé de sa Procuration ; dans la même
Assemblée on lira le Memoire , et la Societé le
fera imprimer dans ses Recueils ; elle compte
La Vol.
Fij même
2644 MERCURE DE FRANCE
même d'y faire imprimer les Ouvrages , qui n'é
tant pas jugez dignes des Prix , paroîtront ce
pendant meriter de voir le jour.
On apprend de Rome , que le Lord Raidelif,
Gentilhomme Anglois , Catholique , qui y étoit
depuis quelque temps , y étoit mort ; il a fait un
Testament , dont le Cardinal Gentile est Execu
seur, par lequel il laisse au Chevalier de S.Geor
ge une belle collection de Médailles d'or.
On écrit de Londres , que le 13. Novembre , le
Docteur Clifton eut l'honneur de presenter au
Roy et à la Reine , son nouveau Traité de la
Medecine des Anciens et des Modernes.
On mande de Kings - Weston , dans le Comté
de Somerset , qui appartient à M. Southwel,
Secretaire d'Etat pour l'Irlande , que des Ouvriers
travaillant à applanir une Montagne voisine .
y avoient trouvé plusieurs Corps humains embaumez
, avec des Inscriptions sur cuivre , par
lesquelles il paroît que ces Corps y étoient inhumez
depuis près de 2000. ans.
: 1
On a appris par des Lettres écrites à bord da
Vaisseau de guerre le Tigre , le 16. Octobre dernier
, que les Experiences faites par M. Woodyer,
avec les Instrumens qu'il a inventez pour la connoissance
exacte des Longitudes , avoient par
faitement réussi , et que les Officiers de Marine
qu'on avoit embarquez avec lui , pour être té
moins de ses opérations , étoient prêts à lui don
ner des Certificats favorables.
Il paroît depuis peu deux Estampes nouvelle
1. Val .
lement
DECEMBRE. 1732. 2645
lement gravées par le sieur Desplaces , d'après
Carle Maratte , du Cabinet du Prince de Monaco,
Duc de Valentinois , dont l'une répresente Diane
et Acteon , et l'autre Diane au Bain ; elles se
vendent chez Desplaces , ruë de la Jussienne.
>
M. Petit , ancien Chirurgien Major des Gardes
du Corps du Roy , Compagnie de Charost , a
trouvé , dit- il , le moyen de guérir toutes sortes
de Maladies Venericnncs si inveterées
qu'elles puissent être , par un Remede qui opere
par la transpiration pendant deux ou trois heures
tous les matins , sans que le Malade se trouve
affɔibli ; au contraire , les forces augmentent sans
qu'on soit obligé de garder la Chambre ni d'observer
un régime exact. Il donne avis à ceux qui
se croiront attaquez de cette maladie, qu'ils n'ont
qu'à lui écrire et bien détailler leur état , si pour
lors il juge à propos qu'on prenne son Remede, il
l'envoyera dans une Lettre par la Poste , avec un
Memoire bien instruciif de la façon de le prendre
, ce qui est très - aisé . Sa demeure est toûjours
rue des Saints Peres , à l'Hôtel de Brissac , à Paris.
"
Cantates Françoises à voix seule et symphonie,
dédiées au Duc de Luxembourg , Pair de France
et Gouverneur de Normandie ; composées par
M. Gervais , de Rouen , Livre second. Elles se
vendent chez le Clerc , rue du Roule , à la Croix
d'Or , et Chez Boivin , rue S. Honoré , à la Re
gle d'Or. Le prix est de six livres.
On vend aux mêmes adresses , une Cantate séparée
, du même Auteur , intitulée , Ragotin , on
la Serenade Burlesque. Le prix est de deux livres.
Le sieur Baradelle , Ingénieur pour les Instru-
I. Vol. Fij 1 mens
2646 MERCURE DE FRANCE
mens de Mathématique , donne avis au Public ,
qu'il a construit un Calendrier sur les faces d'un
Porte-Crayon à Compas , long de 4. pouces , qui
marque cinquante années , ce Calendrier a huit
faces. Sur la premiere , l'on voit les années et les
mois pour les jours de la semaine; et la seconde
marque les jours du mois et de la semaine , indiquant
les jours de la semaine sur lesquels tombent
le premier et les autres jours du mois qui
répondent à ceux de la semaine.
La troisiéme , marque les années et les mois
pour la Lune.
La quatrième , donne les momens de la nouvelle
et de la pleine Lune , et du premier et du
dernier quartier , pour chaque mois ; on y trouwe
aussi l'âge de la Lune , à tel moment qu'on
voudra.
La cinquième face marque les années pour les
Fêtes mobiles : et celle de la sixième , marque les
mois des Fêtes mobiles ; elle sert à trouver les
jours où arrivent les Fétes mobiles.
La septième , marque l'Epacte pour toutes les
années qui sont nottées . Enfin , dans la huitiéme,
on trouve les pouces et les lignes ; on peut les
mettre sur les Equerres que l'on place ordinairement
dans les Etuys de Mathématiques , ou sur
des lames d'argent ou de cuivre.
Il fait de ces Calendriers sur des Porte- Crayons
d'or et sur des Porte - Crayons d'argent où de
métail ; il vend aussi toutes sortes d'Instrumens
de Mathématique. Sa demeure est toûjours sur le
Quay de l'Horloge du Palais , vis-à- vis les grands
degrez de la Riviere , à l'Enseigne de l'Observatoire.
1. Vol AIR
DECEMBRE. 1732. 2647
د ي
2646 MERCURE DE FRANCE
men
qu
Po
ma
fac
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21
dey
DECEMBRE. 1732.
2647
ᎣᎣ
AIR BACHIQUE.
LE
E Champenois , le Bourguignon ,
Font part de leur bon vin à maint autre Canton
Si Bacchus en plantoit de pareil en Bretagne ,
On y connoîtroit mieux la valeur de ce don ;
Et loin d'en envoyer en Bourgogne , en Chame
pagne ,
Tout couleroit par le gozier Breton ,
Même la lie et le bondon.
Les paroles sont de Me Malcrais de
la Vigne.
BRUNETTE.
Pour
l'adorable Celimene ,
Je brûle d'un feu si charmant ,
Que je ne puis un seul moment ,
M'en éloigner sans quelque peine :
Je l'aime tant , tant , tant , tant , tant
Que mon coeur n'est jamais content.
Elle étale aux yeux tant de charmes ,
Qu'Amour en seroit amoureux ,
Auprès d'elle l'on est heureux ,
I. Vol.
Sany
FY
2648 MERCURE DE FRANCE
Sans gémir ni verser de larmes :
Je l'aime tant , &c.
諾
Quand dans le chemin de Cythere ,
Nous nous regardons tendrement ,
Elle me dit d'un ton charmant ,
Oui , les Dieux t'ont fait pour me plaire ,
Je t'aime tant , & c.
M
Ne ralentis jamais ta flame ,
Brule toûjours des mêmes feux ,
Cher Amant , pour combler mes voeux
Répons aux transports de mon ame :
Je t'aime tant , tant , tant , tant , tant
Que mon coeur n'est jamais content..
Statatet:
Par M. Affichard.
SPECTACLES.
L'A derniere Comédie
A derniere Comédie que les Comédiens
François joüerent à Fontainebleau
, fut celle des Abderites , dont l'è
xecution fut parfaite , ainsi que celle du
Balet , dans lequel les meilleurs Sujets
de l'Opera danserent. Vous avons parlé
1. Vel de
DECEMBRE. 1732. 2649
de cette Piece en un Acte , dans le Mercure
de Juillet , page 1652. au sujet d'une
Représentation qui en fut donnée au
Palais de Bourbon .
Les mêmes Comédiens remirent au
Théatre sur la fin du mois dernier , la
Comédie de l'Important , de l'Abbé Bruys,
dont le sieur Quinault joue le principal
Rôle dans la grande perfection , et la
petite Dlle Dufresne , âgée de s . à 6. ans ,
y joue un Rôle avec des graces une
vivacité et une intelligence fort au- dessus
de son âge.
Nous parlerons dans le second Volume
du Mercure de ce mois , d'une nouvelle
Piece qu'on repete actuellement sur ce
Théatre , sous le titre du Complaisant.
La Tragédie de Cassius et Victorinus
n'ayant été représentée au Théatre françois
qu'une au deux fois tout au plus par
semaine , il ne nous a pas été possible de
retenir la disposition du Poëme , scene par
scene, c'estpourquoi nous n'en donnerons
pas un Extrait bien précis ; le nom de M
de la Grange doit suffire au Lecteur , pour
lui persuader que rien n'y a manqué du
côté de ce qu'on appelle Théatral ; nous
n'avons guere d'Auteurs qui s'y connois,
sent mieux que M. de la Grange . Il a pris
I. Vol F vj
2850 MERCURE DE FRANCE
son sujet , selon toutes les apparences,dans
Gregoire de Tours ; voici ce que cet Historien
en dit : C'est dans ce lieu , c'est- à - di-
're à Clermont en Auvergne , que Cassius
èt Victorinus , unis en Jesus - Christ par un
amour vraiment fraternel, ont gagné le Royau
me des Cieux auprix de leur sang; car l'Antiquité
rapporte que Victorinus fut esclave
d'un Grand - Prêtre des faux Dieux , &
qu'ayant souvent exercé ses persécutions dans
un bourg qu'on appelloit communément le
bourg des Chrétiens , il en trouva un qui
s'appelloit Cassins , qui l'amena à la foi
de Jesus Christ par ses prédications etpar ses
miracles ; il en fut si touché que renonçant
au culte des Idoles , et consacré par le baptê
me , il se donna tout entier à l'exercice de
toutes les vertus chrétiennes . Peu de tems après
ayant été tous deux associez à la palme du
Martyre , ils monterent ensemble au Royaume
des Cieux.
M. Baillet ne dit rien là- dessus qui ne
s'accorde parfaitement à ce que nous venons
de dire ; voici ses paroles : S. Cassi
et S. Victorin honorez à Clermont en Auver
gne le 15. de Mai, avec 6266. Martyrs tueż
par des barbares idolâtres , venus d'au- delà
du Rhin. S. Prix , Evêque de Clermont aw
VII. siècle avoit composé leurs Actes , qui
sont perdus. Victorin servoit un Prêtre ido-
I. Vol. lâtrei
DECEMBRE. 1732. 2651
$
Son
latre ; mais par la fréquentation qu'il avoit
avec Cassi , il se convertit et fut martyrisé.
corps et celui de S. Cassi se gardoient
encore à Clermont au dixième siécie.
Voilà tout ce que l'Histoire Ecclésiastique
a fourni à l'Auteur de la Tragédie en
question ; ce qu'on appelle la Fable étoit
en bonnes mains . M. de la Grange a ennobli
les personnages dont il avoit besoin ;
Victorinus , de simple serviteur ou esclave
d'un Grand Prêtre , eft devenu Grand - Prêtre
lui - même , et Cassius à qui Gregoire de
Tours ne donne aucune qualité, que celle de
Prédicateur de l'Evangile, est tiré de l'obscurité
ou peut- être le Ciel l'avoit fait naî
tre , pour se voir Pere d'un Empereur
sans avoir été Empereur lui-même ; ce.
Claudius que M. de la Grange lui donne
pour fils , ne peut être que celui qu'on
appelle Claude le Gothique pour Victorinus
, il ne suffisoit pas pour accommoder
l'action théatrale aux moeurs du ems,
d'en avoir fait un Grand Prêtre il falloit
lui donner une fille digne de la recherche
d'un Empereur ; cette fille s'appelle Justine
, et c'est elle qui donne lieu au peu
d'amour qui regne dans cette Tragédie ;
on auroit même fouhaité qu'il n'y en eut
point eu du tout .
Le premier Acte est employé presque
I. Vel.
tour
2652 MERCURE DE FRANCE
tout entier à en exposer le sujet . Justine,
fille de Victorinus , Grand-Prêtre des
faux Dieux , ouvre la scene avec sa confidente
, laquelle la felicite sur la nouvel
le dignité de Claudius son Amant que
Parmée vient d'elever à l'Empire. La joie
de Justine est balancée par la crainte de
Favenir , la clémencé que Victorinus son
Pere exerce envers les Chrétiens la fait
trembler pour lui ; elle sçait que Claudius
est porté à les persecuter par un motif
qu'on apprend dans la suite de la Piece ;
son Pere , loin de calmer ses allarmes .
les redouble ; cependant il lui commande
d'accepter la main qui la doit élever à
l'Empire , quand même elle seroit teinte
du sang de celui qui lui a donné la vie.
Victorinus s'ouvre avec plus de liberté à
son confident : il lui dit qu'aussi - tôt qu'il
a appris la prochaine arrivée de l'Empe
reur , il a mis Gelas en lieu de seureté ;
ce Gelas qui passe pour son esclave , est
un Chrétien qui par un effet miraculeux
a sauvé sa fille Justine d'un monstre auquel
elle étoit dévouée par les Oracles
des Dieux Son confident tâche de le rassurer
en lui représentant que l'amour de
l'Empereur pour sa fille , l'empêchera
bien de donner la mort à unChrétien qui
a sauvé sa Maîtresse.
I. Vol. L'arrivée
DECEMBRE. 732 2653
L'arrivée deClaudius redouble la frayeur
de Victorinus ; ce Prince lui apprend
qu'en approchant de ce lieu, que l'Auteur:
n'a pas designé aux spectateurs , il est en
tré dans des souterrains , où des Chrétiens
célebroient leurs mysteres ; que ces victi
mes se sont jertées en foule au devant du
fer qui les attendoit ; qu'un seul de cette
troupe attendoit la mort sans la chercher,
qu'il n'a pû soutenir l'aspect de ce vénerable
vieillard , sans un saisissement qui
Pa rendu immobile : qu'il a ordonné qu'on
l'épargnat il se flatte que ce Chrétien ,
rouché de sa clémence, pourra lui appren
dre quels ont été les meurtriers de son .
Pere , qui ayant disparu depuis quelques
années,sans qu'on en ait jamais oui parler,
avoit donné lieu de soupçonner que les:
Chrétiens dont il étoit alors le plus ardent
persecuteur , l'avoient assassiné . Le
portrait que Claudius fait de ce vieillard ,
;
"
le lieu , et toutes les autres circonstances
ne laissent point douter Victorinus que
ce ne soit Gelas ; il demande grace pour
lui à l'Empereur , et pour le mieux exciter
à la clémence , il lui dit que ce Chré
tien a sauvé Justine d'une mort certaine
Claudius attribue le respect et les sentimens
de tendresse qu'il a conçus à l'aspect
de ce Chrétien à une espece de
pres
I. Vola sentiment
2654 MERCURE DE FRANCE
sentiment qui lui a annoncé au fond du
coeur l'obligation qu'il lui avoit.
Le vieillard eft bientôt présenté à Clau
dius qui ne peut le revoir sans trouble ;
on verra dans peu que c'est un nouveau
pressentiment que la nature ajoute à celui
de la reconnoissance , et que ce premier
partoit de la même source. Gelas résiste
avec fermeté à la priere que Claudius lui
fait de renoncer au Christianisme , ou du
moins de le feindre , pour se dérober à la
fureur du peuple , des Prêtres et même de
l'armée. Claudius ajoute à cette priere le
motif qui le porte lui-même plus particuliérement
à persécuter ceux qu'il croit
avoir été les meurtriers de son Pere Cassius.
Gelas après lui avoir dit que les Chrétiens
sont incapables de pareils forfaits ,
lui annonce que son pere est encore vivant
, qu'il est plus près de lui qu'il ne
pense , mais qu'il ne le connoîtra qu'après
qu'il lui aura fait donner la mort à luimême
, par qui il apprend qu'il est encore
en vie . Cette espece d'Oracle prononcé
par une bouche si respectée , met Claudius
dans une très cruelle situation ; il'ne
sçait à quoi se résoudre , et charge Victorinus
, qui arrive , d'arracher le malheureux
à la mort.
Cette Scene entre Gelas et Victorinus
I. Vol. est
DECEMBRE. 1732. 2655
mais
est une des plus interessantes de la Tragédie,
et c'est pourtant celle qui a donné
plus de prise à la Critique ; nous allons
en exposer le fond pour mettre nos Lecteurs
en état d'en juger. Dans la Scene
précédente les Spectateurs viennent d'apprendre
que Cassius n'est pas mort ,
ils ne s'attendent pas à le revoir revivre
en la personne de Gelas même ; ce
même Gelas , qui ne s'est pas découvert
à son propre fils , se fait connoître à Victorinus
pour ce même Cassius que Claudius
croit avoir été assassiné par les Chrétiens
, et qu'il vange par tout ce que sa
fureur lui peut inspirer de plus cruel
contre ces innocentes victimes. Ce Cassius
avoit été , comme nous l'avons déja dit ,
un des plus implacables persecuteurs des
Chrétiens ; il raconte à Victorinus comment
il a été converti à la Foy ; cette
description est très- belle , l'Auteur n'a
pas crû en pouvoir choisir un modele
plus frappant que dans les Actes des
Apôtres , et les Spectateurs lui ont sçû
bon gré de l'avoir puisée dans une source
si capable d'inspirer une sainte terreur.
Mais comme ce qui nous saisit le plus
dans un Ouvrage , nous paroît le plus
digne de nos reflexions , on examine cette
Scene avec plus de séverité que toutes
I. Vol. les
2656 MERCURE DE FRANCE
les autres ; on ne souffre qu'avec beaucoup
de peine qu'un pere , dont le fils est
prêt à devenir le parricide , ne se fasse
pas connoître à lui ; on pese le silence
avec le motif, et le motif n'est pas toutà-
fait satisfaisant. Le faux Gelas dit à
Victorinus qu'il a fait serment de ne se
faire connoître à personne pour Cassius :
pourquoi, donc, dit-on, découvre-t'il son
nom et sa condition à Victorinus ? Son
serment est-il moins violé et ne seroitil
pas plus raisonnable qu'il eût juré de
ne se faire jamais connoître à son fils , de
peur que la tendresse påternelle ne le
trahit jusqu'au point de retomber dans
ses erreurs par une foiblesse dont il craindroit
dej ne pouvoir triompher ? ce motif
auroit quelque lueur de vrai - semblance
, et contribueroit un peu à faire excuser
l'indiscretion du serment. Ce ser.
ment , ajoûte- t'on , seroit toûjours trèscondamnable
, puisqu'il seroit fait contre
son propre fils , qui , par le silence de
son pere , perd la grace de la conversion ,
et par l'erreur dont ce même pere devient
complice , est visiblement exposé à
devenir parricide : un pere , dit-on , est
obligé parmi les Chrétiens , à élever son
fils dans la seule Religion où il peut se
sauver , et celui- cy laisse le sien dans le
1. Vol.
Paganisme
DECEMBRE. 1732 2657
.
Paganisme qui doit le perdre à jamais.
Voilà les plus fortes Critiques qu'on a
faites sur cette Tragédie ; achevons d'ins-
* truire le Lecteur de ce qui lui reste encore
à sçavoir. Victorinus après quelques
objections très-sensées qu'il a faites à Ĉassius
, lui promet le secret qu'il lui demande
, d'autant plus qu'il s'y est déja
engagé par serment avant que de rien
apprendre. L'Auteur a même pris soin
de le faire jurer , non-seulement par les
Dieux des Payens , mais par le Dieu que
Cassius adore , et qu'il brule d'impatience
de connoître pour l'adorer à son tour.
Les Prêtres qui lui sont subordonnez sont
bien loin d'une si heureuse disposition ;
le fanatisme s'empare de leurs coeurs , jusqu'à
refuser l'entrée de leur Temple à
leur Empereur , s'il ne leur livre le faux
Gelas ; le Peuple et l'Armée suivent un
exemple si pernicieux ; la désobéïssance
et la félonie regnent par tout ; Victorinus
déja à demi Chrétien , pour réprimer,
cette insolence , tire une épée que Gelas
avoit mis entre ses mains , comme un
gage assuré de la victoire ; le saint enchantement
, s'il nous est permis de nous
expliquer ainsi , se trouve en deffaut
on lui arrache cette épée dont l'Auteur
• besoin pour un nouvel incident théa-
>
2. d. Vol.
tral
2658 MERCURE DE FRANCE
tral ; cette fatale épée est reconnue pour
être la même dont Cassius étoit autrefois
armé. Claudius est confirmé par là dans
la croyance où il a toûjours été , que ce
sont les Chrétiens qui ont assassiné son
pere ; il accuse Victorinus d'avoir part à
ce meurtre, et ordonne qu'on l'aille chercher
pour le punir de sa perfidie ; le faux
Gelas dit à Claudius que Victorinus est
innocent de ce meurtre, et lui déclare que
c'est lui-même qui a donné cette épée à
son ami ; Claudius irrité lui demande de
qui il la tenoit lui-même ; le faux Gelas lui
dit que c'est un secret qu'il ne sçauroit
lui réveler. Claudius ne doutant plus
que ce ne soit lui - même qui a tué son
pere , ordonne qu'on le mene à la mort ;
le faux Gelas reçoit cet Arrêt comme une
grace , et lui promet en reconnoissance
qu'il va bien-tôt reconnoître son peres
on emmene la victime ; Justine , dont
nous avons très-peu parlé , parce qu'elle
est très- peu nécessaire à la Piece , vient
protester à Claudius qu'il n'y a plus d'a
mour ni d'hymen pour eux , si Victorinus
son pere , et Gelas , son libérateur , périssent.
Claudius ne peut tenir contre cette
menace ; il ordonne qu'on aille révoquer
les ordres sanglans qu'il a donnez ; Justine
y va elle-même , mais c'en est déja
I. Vol. fait ;
DECEMBRE . 1732. 2659
fait. Victorinus ayant rencontré Cassius
qu'on menoit au supplice , a voulu être le
compagnon de son martyre , sur l'assurance
que Cassius lui a donnée que son
sang versé lui tiendroit lieu de Baptême.
Il s'est déclaré Chrétien , et a été sou
dain accablé d'une grêle de fleches.
Cassius a eu le même sort ; mais le Ciel
a permis qu'il lui reste encore assez de
vie pour venir se faire reconnoître à son
pere , et pour l'inviter à se faire Chrétien
; il lui prédit que bien- tôt un Empereur
doit établir la Foy de Jesus- Christ ,
et l'exhorte à mériter que ce choix lo
regarde cependant Claudius n'est tou
ché que du parricide dont il vient de
se souiller , et son pere expiré , il ne
songe qu'à empêcher Justine de se donner
la mort , ou qu'à mourir avec elle.
Cette Piece , au reste , est très - bien répresentée
par la Dlle Baron , et par les
sieurs Grandval , Sarrazin et le Grand
qui remplissent les principaux Rôles de
Justine , de Claudius , de Cassins et do
Victorinus.
I. Vol. La
2660 MERCURE DE FRANCE
La Sour Ridicule , Comédie de
M. Montfleury.
C
Ette Piéce eut autrefois un grand
succès sous le titre du Comédien
Poëte ; elle fut faite en quatre Actes seulement
, parce que le Prologue étoit tellement
lié à la Piéce qu'il tenoit lieu de
premier Acte ; le Théatre ayant changé
de face depuis la naissance de cette Comédie
, et étant devenu plus épuré , les
Comédiens attentifs à se conformer au
goût du Public , avoient negligé de la remettre
au Théatre ; mais n'ayant point
de nouveauté à donner pendant l'absence
de leurs Camarades , lorsque la Cour
étoit à Fontainebleau , ils en ont hazardé
quelques Représentations , dont le demi
succès a fait voir que le Théatre retomberoit
facilement dans la bassesse d'où
Moliere l'avoit tiré , si on continuoit à
faire rire le Public aux dépens des bienféances.
En effet , on a remarqué à la premiere
Représentation de la Soeur Ridicule
, que les Spectateurs avoient une espéce
de honte de s'y divertir , et que les
ris du Parterre n'étoient pas de bon
alloy ; la pudeur des Dames en fut si
allarmée , qu'à peine s'en trouva - t'il
1. Vol. deux
DECEMBRE . 1732. 2661
deux à la seconde Représentation ; mais
elles se sont enhardies dans la suite
et le nombre des curieuses croissant
tous les jours , on a eu lieu de présumer
que ce goût pourroit bien redevenir
à la mode , s'il se trouvoit encore
des Scarrons et des Montfleuris ; ce.
n'est pas qu'on ne doive faire cas du fond
de la Soeur Ridicule ; l'intrigue en est
très comique , et l'action théatrale y est:
ménagée avec un art infini ; mais il seroit
à souhaiter qu'on y ménageât assez
les oreilles délicates , pour leur épargner
les grossiéretez .
Cette Piéce a été précedée d'un Prologue
nouveau qui a pour titre le Caprice et
la Ressource ; nous en allons donner un
Extrait succint..
Ce Prologue a remplacé celui dont nous
venons de parler , et qui tenoit lieu anciennement
du premier Acte à la Piéce .
Il a été reçû d'une maniere à faire connoître
qu'on ne regrettoit pas le premier ;
il a paru très- vif, mais assez peu correct.
L'Auteur en est anonyme on ne peut
lui refuser la qualité d'homme d'esprit
c'est dommage qu'il se mette au - dessus
des régles dès son premier Ouvrage. L'i-
1. Vol. déc
2662 MERCURE DE FRANCE
dée de son Prologue n'est pas neuf ; la
Voici en deux mots .
Les Comédiens François, en l'absence de
leurs Camarades qui jouent à la Cour, vou
droient amuser la Ville par quelque nouveauté
; ils vont au Parnasse pour en cher
cher une. La Ressource et le Caprice , nouvelles
Divinitez de la façon de l'Auteur
leur conseillent de remettre au Théatre la
Soeur Ridicule ; ils n'osent esperer de réus
sir par un genre de Comédie proscrit depuis
long- tems ; mais la Ressource et le
Caprice les encouragent.
Le Théatre représente le Parnasse , trois
Comédiens ouvrent la Scene ; Crispin
qui est l'un des trois , fait une refléxion
qui ne fait guére d'honneur aux Auteurs
modernes : la voici.
Je fais une refléxion.
Je crois que c'est dans ces Retraites
Qu'habitent les anciens Poëtes
Et de ce côté les nouveaux.
>
Voici la raison qu'il en donne.
C'est que j'entends gazoüiller des oyseaux
"Que j'apperçois des fleurs , une verte prairie ;
Des Bosquets enchantés , des Lauriers , des rui
seaux ;
I. Vol.
DECEMBRE: 1732. 2663
Et je ne vois dans cette autre partie
Que des bourbiers et des crapaux .
délicat.
Ce trait satyrique a paru peu
Nous citons ces Vers pour mettre sous les
yeux du Lecteur l'injustice d'un mépris
qui doit retomber sur celui qui le fait
éclater contre ses propres interêts ; car
enfin , pourquoi , dit - on , s'avise- t'il
d'entrer dans une lice qui n'est qu'un
bourbier N'est-ce pas se mettre luimême
au rang des crapaux , que de se
mêler parmi ces Auteurs Modernes , dont
il se fait une si vilaine idée ; on dira peutêtre
pour l'excuser que ce n'est pas lui qui
parle ainsi , mais les Comédiens ; Il faut
donc qu'il leur en ait bien imposé par le
brillant de son coup d'essai , pour leur
faire dire du mal de ces mêmes Auteurs ,
qui leur donnent assez souvent des nouveautez
utiles pour eux , et agréables au
Public. Après ces deux refléxions , que
les Spectateurs ont faites avant nous , passons
à quelques Fragmens de l'Ouvrage
qui ont fait plaisir par la vivacité de la
Critique que l'Auteur répand abondamment.
Ici c'est la Ressource qui parle.
Après avoir joui des plaisirs de la vie ,
Une Coquette enfin subit les loix du tems ?
>
1. Vol. On G
2654 MERCURE DE FRANCE
On redouble le rouge et les ajustemens ;
Mais quand la Nature est flétrie ,
Bien - tôt tout l'art n'y peut plus rien.
Et bien , alors par mon moyen
Elle a recours à la prudoterie .
Je suis mere de l'Industrie ;
La Nature vous forme avec mille défauts
J'ai pour les réparer les secrets les plus beaux ;
Je dérobe avec art une épaule qui chocque
Sous un tourbillon de cheveux ;
Et sous un panier monstrueux ,
Je cache une taille équivoque.
Par des ajustemens differemment placés
Je donne des mines riantes ,
Tendres , naïves , innocentes ;
Je fais sortir des yeux qui sont trop enfon
cés ;
J'ai jusqu'à cent façons de gorges différen
tes , & c.
Une jeune veuvé soupire ,
Et regrette l'Epoux qui régnoit sur son coeur ?
Elle succomberoit à son triste martyre ;
Je lui trouve un consolateur.
L'Amour se fait sentir au coeur des jeunes.
filles ?
Il faut surprendre les Mamans ?
On a recours à moi ; j'endors les surveil
lans ;
I. Vol.
Je
DECEMBRE. 1732
2665
Je fais taire les chiens , je fais tomber les grilles.
Au milieu des amusemens ,
Il faut songer à menager sa gloire!
J'arrange tout si bien que l'Hymen ne peut
croire
Que l'Amour ait pris les devans.
On peut aisément juger par les Vers
l'on vient de lire que , que l'Auteur n'est
pas si crapau ; le Public est trop équitable
pour ne le pas tirer du bourbier avec
bien de ses Confreres qu'il y plonge indistinctement.
Dans la troisiéme Scene le Caprice s'exprime
ainsi en parlant de la Mode.
C'est moi , selon ma fantaisie ,
Qui régle tous ses mouvemens.
Arbitre des évenemens ;
Je fais et les plaisirs es les maux de la vie ;
J'invente tous les jours de nouveaux change
mens ;
Et j'ai , quand il m'en prend envie ,
Mille visages differens.
Dans cette inconstance éternelle ;
C'est envain qu'on croiroit rencontrer la Raison
:
C'est moi qui tiens sa place ; et , sans comparaison
>
t
I. Vol. Gij J'ai
666 MERCURE DE FRANCE
J'ai beaucoup plus de sujets qu'elle.
La raison ne vient pas toujours quand on l'ap
pelle ;
Et le Caprice est toujours de saison..
La Ressource finit ainsi ce Prologue ;
en s'adressant au Parterre.
Protegez mes Acteurs , ils ont droit de l'attendre.
Quel autre effort pouvoient ils entreprendre ,
Si la Piéce ne prend pas bien ?
Quand la Ressource ne peut rien , *
Il ne reste qu'à s'aller pendre.
Le Caprice pour eux doit auffi travailler.
Pour capter votre bienveillance ,
Ce n'est pas trop le lieu d'aller vous rappele
Jer ,
Qu'il est un peu de votre connoissance ;
Il en sera tout ce que vous voudrez :
Vous même vous déciderez ;
Ne consultez que l'indulgence :
Vous allez régler nos destins ;
Que notre Piéce réussisse.
Applaudissez ; battez des mains :
Allons , Messieurs , un bon Caprice
Les deux principaux Roles de la Res
source et du Caprice , ont été parfaite-
I. Vel.
ment
DECEMBRE. 1732. 2667
=
ment remplis par les Dlles Dangeville la
jeune , et la Motte.
, Dans la Saur Ridicule , les Rôles de
Pascal , de Gusman , d'Henrique , et du
Chevalier de Fondsec , sont joüez par les
Srs Poisson , Montmesnil , Grandval et
Dangeville neveu , et la Tante , Babet et
Jacinte par les Dlles Dangeville , Poisson,
et Dangeville la jeune.
La Comédie de la Soeur Ridicule se trouve
dans les Oeuvres de Montfleury au Tome second
, sous le titre general du Comédien Poëte
Piéce qui fut d'abord jouée en cinq Actes , et
dont le premier Acte contient un Sujet détaché
et complet , imprimée ailleurs sous le titre du
Garçon sans conduite , de même que les quatre
Actes suivans , qui forment précisément la Comédie
de la Soeur Ridicule , se trouvent imprimés
à Caen l'an 1700. sous le titre des Amans infortunez
et contens .
4.
Les Comédiens Italiens donnerent le
de ce mois la premiere représentation
d'une Parodie de la Tragédie de Zaire.
Cette petite Piece est intitulée : Arlequin
au Parnasse , ou la Folie de Melpomene.
Comme l'Auteur à qui on l'attribue la
désavoie , nous nous dispenserons de le
nommer ; mais comme nous ne devons
pas moins à nos engagemens envers le Public
, qu'à la modestie des Autheurs qui
veulent se dérober à la gloire qui leur est
J I. Vol. G iij duë¸
668 MERCURE DE FRANCE
düe , nous n'avons garde de nous imposer
silence sur une maniere de Parodier, qui a
parû très singuliere et tout -à- fait neuve
aux connoisseurs ; voicy en peu de mots
l'idée de l'Autheur anonime.
Le Théatre represente le Mont Parnasse,
Arlequin et un de ses camarades forment
le noble dessein d'y monter pour obtenir
de Thalie quelqu'heureuse nouveauté ,
qui attire des spectateurs à leur Théatre.
La difficulté rebute Arlequin ; il ne veut
pas se donner la peine de grimper si haut,
et prétend en être suffisamment dispensé
par l'exemple de bien des Auteurs qui du
pied du Parnasse , prétendent égaler ceux
qui s'élevent jusqu'à la double cime . Il se
croit inspiré , il tient déja le titre d'une
Pece nouvelle ; voilà le Parnasse , dit-il ,
et me voicy ; je n'ai donc qu'à intituler
ma Pifce , Arlequin au Parnasse : son camarade
a beau lui dire , qu'un titre ne suf
fit pas , et qu'il faut inventer de quoi le
remplir , il lui répond que cela pourra
venir chemin faisant.
Thalie vient finir la contestation , et
leur dit qu'elle leur apporte le sujet , attendu
que sa soeur Melpomene vient de devenir
folle tout subitement ; cet heureux
évenement donne lieu à la seconde partie
du titre de la Piece et les extravagan-
1.
ces . I. Vol.
DECEMBRE. 1732. 2669
ces de Melpomene en fournissent le sujet.
Thalie cede la place à Melpomene qui s'as
vance; elle fait entendre qu'elle va rejoindre
Apollon qui doit déliberer en plein conseil
sur les moyens les plus propres à remé
dier aux folles saillies de la Muse tragique.
Melpomene arrive ; l'entousiasme dont
elle est transportée , lui fait tenir des discours
injurieux au Sophocle et à l'Euripide
de la France ; l'idée dont elle est remplie
lui promet des succès infiniment plus
éclatants que tous ceux des Corneilles et
des Racines ; des routes nouvelles s'ou
vrent devant ses pas ; elle y va entrer pour
la premiere fois , et tout lui répond de
remplir dignement la brillante carriere
qu'elle se propose de commencer . Le camarade
d'Arlequin ne lui fait humblement
la réverence que sous le nom de Comédien
François pour Arlequin , ne pouvant
l'aborder à la faveur de la même
imposture , attendu que son habit et son
masque le décéleroient aux yeux de la superbe
Muse , il prend le parti de suivre
Thalie comme Muse de sa connoissance.
Melpomene trompée par le nom
de Comédien François , que le camarade
d'Arlequin se donne , lui dit qu'ils n'ont
ses heureux camarades et lui , qu'à préparer
leurs cofres -forts , et que la riche
,
1. Vol. Güij idée
2670 MERCURE DE FRANCE
idée qu'elle roule dans sa tête sera un Perou
pour leur Troupe. Comme cette idée
n'est pas encore assez débrouillée , la Muse
se jette sur un lit de gazon pour y rêver
et elle s'y endort. Des songes chimeriques
se présentent à elle , et achevent de
lui faire digerer le Chef d'oeuvre qu'elle
s'est promis. Elle s'éveille enfin et fait entendre
que son ouvrage est consommé.
Le Comédien Italien , soi disant Comédien
François , la prie de lui donner sa
Tragédie ; elle ne lui répond que par de
magnifiques promesses réïterées , sans se
donner la peine de lui dire ni quel est le
sujet de sa Piece , ni quelle en est la distribution
: il y a des Auteurs , ajoute- t-elle,
qui croyent se couvrir de gloire, en disant
qu'ils ont fait cinq Actes en trois semaines
, et moi je ne demande que trois minutes
, et si tu en veux voir une épreuve,
je vais te la donner sur le champ: allons ,
poursuit- elle, que les cinq Actes dont j'ai
besoin obéïssent à ma voix ; qu'ils paroissent
à mes yeux. A peine a - t- elle parlé ;
qu'on voit sortir cinq Actes personifiez et
numerotez du premier au cinquième par
une étiquette qui les distingue les uns des
autres.
Chacun de ces Actes , à commencer par
le premier , rend compte de la fonction
I.Vol. qu'il
DECEMBRE . 1732. 2671
qu'il a dans la nouvelle Tragédie qui doit
attirer tout Paris. L'ordre de la marche
théatrale est un peu troublé par une petite
altercation qui s'éleve entre le second et
le troisième , qui se reprochent réciproquement
d'être déplacez ; les autres se
suivent conformément au numero qu'on
leur a assigné.
Le cinquiéme Acte paroit enfin , tout
fier d'être destiné à finir un si bel quvrage
; voici les derniers vers qu'il récite
avec une parfaite sécurité , en parlant de
son Héros.
Du même fer il se perce lui -même ;
A t-onjamais fini par un plus beau Morceaus ?
Melpomene en est si satisfaite qu'elle en
pleure de joie. Quoi ? Muse, vous pleurez !
dit le cinquiéme Acte personifié ; la Muse
remplit le dernier hémistiche , par ces
paroles que l'admiration lui arrache , trèsbeau
, très-bean , très- beau.
Le ravissement de la Muse tragique et
de ses cinq Actes est troublé par l'arrivée
de Thalie , qui dit d'un air malicieux
qu'elle apporte le sixième Acte ; Melpomene
jette sur elle de fiers regards qui lui
annoncent le cas qu'elle fait de l'addition
qu'elle prétend faire à son chef- d'oeuvre ;
mais Thalie rabbat son orgueil , en lui ap-
I. Vol. Gy pre2672
MERCURE DE FRANCE
prenant que le Conseil du Mont sacré
vient de la condamner aux petites Maisons
, et ses cinq Actes à l'oubli . Melpomene
en est au désespoir , et ses cinq Actes
se reprochent les uns aux autres l'affront
qu'ils viennent de recevoir ; on auroit
souhaitté que l'Auteur eut saisi ce
nouvel incident pour critiquer la Piéce
qui est l'objet de la Parodie , et que chaque
Acte fit voir maniere
de reproche
les défauts qu'on y peut censurer.
Les cinq Actes ayant enfin disparu
Melpomene finit par ces Vers , parodiez
du Cid.
par
Pleurez , pleurez mes yeux ; fondez en cataractes
;
Je perds toute ma gloire en perdant mes cinq
Actes.
Au reste 5
tous les Amateurs de Piéces
de Théatre ont été surpris , que l'Auteur
d'une idée si neuve , et si susceptible de
traits comiques , l'ait si négligemment
remplie ; on diroit qu'il n'a voulu donner
qu'une esquisse , pour apprendre aux
faiseurs de Parodies , qu'on peut s'écarter
des sentiers trop battus dans ce genre de
Comédie , qui pourroit être très- utile , si
l'on ne s'y attachoit plutôt à divertir qu'à
instruire et à corriger. Nous n'avons vû
1. Vol.
depuis
DECEMBRE . 1732. 2673
•
,
depuis plusieurs années que très- peu de
Parodies dignes d'être estimées ; telles
sont , Oedipe travesti , Agnès de Chaillot
et le mauvais Ménage ; la plupart
des autres ne sont qu'une imitation servile
des Tragédies qu'elles prétendent tourner
en ridicule ; ce genre est sans contredit
le plus aisé ; mais il s'en faut bien qu'il
soit le plus estimable , et le plus couru ,
à moins qu'on n'y trouve quelque heureux
incident qui attire le Public , soit
par la beauté du Spectacle , soit par quelque
chose de bruyant , tel que la fureur
de Roland , &c.
Le 9 Décembre les mêmes Comédiens
donnerent une Piéce nouvelle en un Acte
et en Vers , sous le titre des Enfans
Trouvez , ou le Sultan poli par l'Amour.
Cette Comédie , bien écrite et ingénieusement
composée est fort applaudie . Nous
en donnerons un Extrait plus détaillé
dans le second Volume du Mercure de
ce mois , actuellement sous presse .
Le premier Décembre , le sieur Hamoche ,
ancien Acteur de l'Opéra Comique , connu de
puis long -tems du Public sous le nom de Pierrot ,
ayant eu ordre de débuter sur le Théatre Italien ,
ily joua trois differens Rôles dans trois Comédies
qui furent représentées le même jour , sça,
1. Vol. voir G vj
2674 MERCURE DE FRANCE
voir dans les Paysans de qualité, le Tour de Carnaval
, et dans le Triomphe de l'Interêt , il a joüé
encore d'autres Rôles dans deux Piéces de l'an
cien Théatre Italien , et il a été applaudi du Public.
Il fit un compliment aux Spectateurs pour
se les rendre favorables , lequel fut terminé par
ces quatre Vers parodiez du Tartuffe.
En vous est mon espoir mon bien , ma quiétude ,
De vous dépend ma peine ou ma béatitude ,
Et je vais être enfin par votre seul Arrêt
Heureux , si vous voulés , malheureux , s'il vous
plaït.
>
Les Décembre , le sieur Thomassin le fils
reparut encore sur le Théatre Italien et joua
dans la Comédie du Je ne sçai quoi , le Rôle du
Maître à Chanter , qui est une Parodie d'un des
Actes du Ballet des Fêtes Venitiennes. Ce jeune
homme joue avee intelligence , et paroît avoir
du talent pour le Théatre ; il peut le perfectionner
s'il s'applique à imiter ceux de son perequi
est en possession de plaire au Public dès qu'il
paroît sur la Scene . Ce nouvel Acteur a été reçû
depuis peu dans la Troupe.
EXTRAIT de la Tragédie de Biblis
annoncée dans le dernier Mercure.
L
E Théatre représente d'abord le Palais
de Neptune ; Amphitrite paroît
sur un Trône , entouré de Nymphes ,
de Nereides, de DieuxMarins, et de Fleu
I. Vol. yes.
DECEMBRE . 1732 267
ves. Amphitrite expose le sujet du Prolo
gue par ces Vers :
Vous qui formez la Cour du Souverain des
Mers ,
Glorieux soutiens de son Trône ,
Célebrez avec moi l'heureux jour où Latone
Evita le courroux de la Reine des Airs :
Par les bienfaits du Dieu de l'Onde ,
Apollon et Diane embellissent le monde..
x
Les Sujets de Neptune et d'Amphitri-.
te célebrent cet heureux évenement
Neptune vient se joindre à cette Fête . Junon
la vient troubler , et fait connoître
son indignation par ces Vers qui lient le
Prologue à la Tragédie.
Neptune est donc toujours contraire à mes de
sirs ! & c.
Ah ! si le Dieu du jour et sa coupable mere
N'ont point éprouvé mon courroux
Du moins faisons tomber mes coups
>-
Sur ce sang criminel qui ne sçauroit me plaire.
Hâtons- nous , suivons ma fureur ;
Que l'Amour seconde ma haine ";
Qu'il allume des feux dont la coupable as
deur
Rende ma vangeance certaine , &c.
La Scene est à Milet. Au premier Acte
I..Vol.
2876 MERCURE DE FRANCE
,
le Théatre représente le Temple d'Apollon.
Caunus , frere de Biblis , ouvre la
Scene avec Ismene , Souveraine de la Carie.
Après lui avoir parlé de son amour
il lui dit que le bonheur que lui fait esperer
la Victoire qu'il vient de remporter
sur les Rebelles de ses Etats , est troublé
par la langueur mortelle de sa Soeur . Ils
implorent tous deux le secours du Ciel.
Biblis vient ; Ismene la laisse avec son
frere.
Biblis ne dit rien à Caunus qui puisse
lui faire soupçonner le détestable amour
dont elle brûle pour lui ; elle lui fait seulement
entendre que les Dieux , et surtout
Apollon dont elle est Prêtresse, sont
irritez contre elle. Pour rendre le calme
à ses Etats et à son coeur , elle le prie
d'accepter la Couronne que sa qualité de
grande Prêtresse du Dieu qui leur a donné
la naissance a fait tomber sur sa tête ;
elle le presse de renvoyer Ismene dans ses
Etats ; ce dernier ordre le surprend ; il
persiste à refuser la Couronne , mais elle
lui apprend que tout est disposé à le reconnoître
pour Roi ; elle lui prescrit ce
qui lui reste à faire par ces Vers :
Le peuple vient ici se ranger sous vos loix ;
Recevez son premier hommage ;
1. Vol
DECEMBRE. 1732. 2677
Il faut
gage
que dans ce Temple un serment vous en-
A respecter les Décrets de nos Rois.
Le couronnement de Caunus est le su
jet de la Fête de cet Acte ; le nouveau Roi,
fait le serment que Biblis lui a imposé ;
le serment est interrompu par le bruit du
Tonnerre, et Apollon fait entendre l'Oracle
que voici.
Tremble , malheureux , tremble , à l'aspect de ces
lieux ;
Laisse joüir Biblis de la Couronne ;
Le plus cruel malheur pour toi seul l'environne ,
Fui ; respecte mon sang , et le Trône et les
Dieux.
Caunus se résout à obéir aux Dieux ; les
peuples sortent avec lui ; Biblis reste seule
et fait connoître que c'est elle que l'Oracle
regarde ; elle s'exprime ainsi :
Quelle fatale ardeur dans mon ame s'allume !
Où suis-je ? qu'est- ce que je voi ?
Le feu mortel qui me consume
Dans un abîme affreux m'entraîne malgré moi è
Le Théatre représente un Port de mer
au second Acte ; on y voit des Vaisseaux
préparés pour le départ d'Ismene .
I. Vol.
Ipis
2678 MERCURE DE FRANCE
•
Iphis , Prince d'Ionie , et amoureux de
Biblis , témoigne sa frayeur sur le péril
de sa Princesse .
Biblis vient le prier d'empêcher le départ
de Caunus ; Iphis refuse de lui
obéir , fondé sur la menace et l'ordre absolu
d'Apollon ; Biblis lui deffend de la
voir jamais , s'il n'éxécute ce qu'elle lui
ordonne ; il se détermine enfin à lui
obeïr , quoiqu'il lui en puisse coûter.
Ismene se plaint tendrement à Caunus
de ce qu'il la renvoye dans ses Etats sans
l'y suivre ; Caunus lui répond qu'il n'ose
l'associer à ses malheurs ; enfin touché
de ses larmes et excité par son amour , il
se réfout à partir avec elle.
Les Sujets d'Ismene et une Troupe de
Matelots,viennent célebrer la Victoire qui
a rétabli leur Souveraine sur le Trône
qu'on avoit usurpé sur elle. Cette Fête- a
fait un très grand plaisir , tant par rapport
aux Danses parfaitement éxécutées
par les Dlles Camargo et Salé , que par les
par la Dile Petitpas. Canevats chantés
La Fête est interrompuë par Iphis , qui
vient annoncer à Caunus que Biblis se
soustrait pour jamais aux yeux de ses
Peuples ; tous les Ioniens le conjurent de
ne point partir et de régner sur eux ;
Caunus oppose à leurs prieres les mena-
I. Vol. ces
DECEMBRE . 1732. 2679
ces d'Apollon ; il ne se détermine à rien ,
et fait entendre seulement qu'il va consulter
les Dieux une seconde fois.
Au troisiéme Acte , le Théatre représente
un Antre ; on y voit un Tombeau en
forme de Pyramide , où sont les Ancêtres
de Biblis . Elle se plaint de son sort par
ces Vers :
Séjour impénetrable à la clarté des Cieux ,
Antres affreux , objets funebres ,
Frémissez avec moi de mon sort rigoureux ;
Mais n'en rougissez pas , Manes de mes Ayeux ;
Je viens cacher mes feux dans l'horreur des te
nebres .
Je n'ai point fait l'aveu du crime de mon coeur
Ma mort va lui donner sa première innocence ,
Ranimez mon courage , excitez la vengeance
Dont je vais punir mon ardeur.
Séjour impenetrable , &c .
Iphis arrive ; Biblis irritée , lui ordonne
de la laisser dans ce lieu d'horreur ; Iphis
lui dit que Caunus viendra bien - tôt se
joindre à lui pour la rendre à la lumiere ;
ce dernier coup accable Biblis ; elle de
mande à Iphis d'où vient que Caunus
n'est point partis Iphis étonné , lui rés
pond que ce n'est que par son ordre exprès
qu'il l'a retenu ; Biblis lui dit qu'il
1. Vol. ne
2680 MERCURE DE FRANCE
s'est retirée
ne devoit point lui obéïr ; elle lui deffend,
d'apprendre à Caunus en quel lieu elle
et exige même un ser
ment de lui sur ce sujet, Iphis la quitte en
l'assurant qu'il amenera bientôt son frere.
Biblis accablée de douleur , s'endort ; le
Théatre change et représente les Champs
Elisées. Des Songes sous la forme d'Amans
heureux et d'Amans malheureux
se présentent à elle ; les premiers expo
sent leurs plaisirs par leurs danses et par
leurs chants , et les derniers expriment
leurs tourmens . Cette funeste image éveille
Biblis en súrsaut ; elle continue à gémir
des maux où le Ciel la condamne.
?
Caunus vient , sa présence augmente
le supplice de Biblis ; elle lui fait même
sentir que plus elle le voit , et plus elle
est malheureuse ; Caunus ne peut rien
comprendre à ce mystere. Biblis prend
enfin une derniere et noble résolution
qu'elle fait connoître par ces Vers qui
finissent ce troisiéme Acte .
Venez , le Ciel m'éclaire ;
Je puis , sans l'offenser , voir encor la lumiere ;
Couronnons de tendres ardeurs ;
Que l'Hymen à jamais vous joigne avec Ismene ,
à
part.
Dieux , que ce Sacrifice appaise votre haine .
I. Vol. Le
DECEMBRE. 1732. 1681
Le Théatre représente au quatriéme
'Acte , un lieu embelli pour celebrer l'Hy
men de Caunus et d'Ismene. Celle- cy se
livre au doux plaisir de l'esperance. Biblis
vient ; ismene lui témoigne sa reconnoissance
au sujet de son Hymen , auquel
elle a bien voulu consentir ; elle la
presse de renoncer au dessein qu'elle a
formé de quitter la Couronne et la vie ;
Biblis lui fait entendre qu'elle est toû
jours dans la résolution de cesser de vivre .
Caunus vient , suivi d'une troupe de
Peuples de divers endroits de la Grece ;
il invite sa soeur Biblis à couronner la
constance d'Iphis , comme Ismene va
couronner la sienne. La Fête commence ;
les Peuples témoignent par leurs chants
et par leurs jeux , le plaisir qu'ils ont de
voir finir leurs malheurs. Biblis invite
Caunus et Ismene à s'approcher de l'Autel
pour être unis à jamais , et leur parle
ainsi :
Approchez, il est temps que l'Hymen vous unisse
Joignez vous à mes voeux au pié de cet Autel ;
Il faut qu'un sacrifice auguste et solemnel ,
Rende à jamais le Ciel à votre Hymen propice.
On amene la victime sous prétexte
de l'immoler : Biblis veut s'immoler ellemême
; Caunus lui retient le bras , elle
s'en plaint par ces Vers :
2682 MERCURE DE FRANCE
Dieux ! faudra- t'il toujours par un funeste sort ,
Me voir retenir à la vie ,
Par cette même main qui me donne la mort.
Au cinquième Acte , le Théatre repré
sente le Palais de Biblis . Caunus commence
à soupçonner l'amour incestueux
de sa soeur , du moins il le fait connoître
par ces Vers qui commencent le dernier
Acte.
Qu'ai-je entendu ? grands Dieux ! et quel Démon
barbare ,
A conduit la main de Biblis ?
Une soudaine horreur de mon ame s'empare ;
Où suis-je qu'ai-je vû je tremble je fré
mis , &c.
Ismene vient s'affliger avec Caunus ,
du funeste présage qui vient de préceder
leur Hymen ; Iphis tout éperdu ,
annonce à Caunus que Biblis persiste
dans le dessein de mourir , et que son
nom est sorti cent fois de la bouche
de cette soeur infortunée. Caunus veut
partir sans la voir , pour obeïr aux Dieux .
Biblis vient , elle prie Iphis , et Ismene
de se retirer ; l'affreuse verité lui échappe;
Caunus en est épouvanté ; elle saisit le
moment de sa mortelle frayeur pour se
frapper.
1. Fol. On
DECEMBRE . 1732. 2683
On a trouvé ce cinquième Acte superflu
et tout le monde convient que la
Tragédie auroit beaucoup mieux fini par
le sacrifice volontaire de Biblis , qui auroit
pû être suivi de l'aveu de son amour
incestueux , auqel cas il auroit fallu mettre
un Acte intermediaire. Au reste cette
Tragédie a été parfaitement execurée.
Les Diles le Maure et Pélissier y ont
soutenu la réputation qu'elles se sont si
justement acquise par la beauté du chant
et par la justesse de l'action . Le sieur Dupré
se fait tous les jours plus admirer par
la noblesse , la legereté et la finesse de sa
danse,
Le Dimanche 14. de ce mois , l'Acade
mie Royale de Musique remit au Théatre
Isis , Tragédie , dont les paroles sont,
de Quinault , et la Musique de Lully. C'est
le ceptiéme Opera de ces illustres Auteurs.
Ils avoient déja fait ensemble Psiché , les
Fêtes de l'Amour et de Bacchus , Cadmus et
Hermione, Alceste, Thesée, et Atys . Isis n'avoit
point été repris depuis 1720. Feu Mile
Fournet y chantoit alors le principal Rôle
et le sieur Thévenard celui d'Hierax,
Dans la nouveauté de cet Opera , les deux
Rôles étoient joüez par la Dile Aubry et
le sieur Gayes et celui de Junon par par
•
1. Vol. la
2684 MERCURE DE FRANCE
la Diles. Christophle. Aujourd'hui ces Rôles
sont remplis par la Dlle le Maure , par
le sieur Chassé et par la Dlle Antier. On
représenta Isis sur le Théatre du Château
de S. Germain en Laye , devant le Roy,
en 1677. il servit de divertissement à la
Cour pendant une partie du Carnaval.
Il parut ensuite sur le Théatre de Paris ,
au mois d'Août de la même année.
2
L'admirable Trio des Parques. Le fil de
la vie , &c. que M. de Lully estimoit tant
lui- même , passe pour le plus beau qu'il
ait jamais fait en ce genre.
Isis , selon M. de Freneuse , dans sa
comparaison de la Musique Françoise à la
Musique Italienne , est le plus sçavant
Opera de la composition de M. de Lully,
et qui cependant eut le moins de succès
dans sa nouveauté,
La plainte de Pan , à la sixième Scene
du troisiéme Acte : Hélas ! quel bruit
entend-je ? &c. est regardée comme un
chef-d'oeuvre , par la maniere dont il l'a
rendue après l'avoir copiée d'après nature ,
à ce qu'on prétend ; car on croit entendre
le même bruit et le même siflement
fait le vent en hyver à la campagne ,
que
dans une grande maison , lorsqu'il s'engoufre
dans les portes , dans les coridors
ou dans les cheminées ; ce bruit ap-
1Vol.
proche
DECEMBRE. 1732. 2685
proche fort du sifflement plaintif que
font les Roseaux et d'autres Plantes de
cette espece agitées par le vent. C'est une
imitation naïve et parfaite de la Nature.
M. le Brun , dans son Théatre Lyrique,
a raison de dire qu'il faut éviter de mettre
sur le Théatre un Dieu favorisé d'une
Mortelle , comme dans cette Piece , parce
qu'on ne s'interesse guere pour un Amant
dont le bonheur égale le pouvoir , à
moins que l'incertitude de la Divinité ne
fasse subsister l'interêt.
On reproche à l'Auteur sur ce Poëme
que la Furie Erinnis , qu'il a introduite
est trop tranquille , &c. Nous parlerons
plus amplement de cet Opera en rendant
compte à nos Lecteurs de son exécution ,
de son succès et des observations du Public
en general , et des Critiques en particulier.
On apprend de Vienne , qu'on y avoit représenté
les . Novembre avec un très- grand succès
, le nouvel Opera d'Adrien , composé à l'oc
casion de l'Anniversaire de laNaissance de l'Empereur
, par le sieur Caldara , Sous- Maître de la
Chapelle de Musique de S. M. Imp.
On a représenté à Londres , sur le Théatre du
Marché au Foin , le nouvel Opera de Caton ,
dont le principal Rôle est chanté par la Signora
Celestine Gismondi , nouvelle Chanteuse Italienne ,
qui est fort applaudie.
1. Vol. IMI.
2686 MERCURE DE FRANCE
IMITATION de l'Ode d'Horace
qui commence par ces mots : Sic te
Diva potens Cypri , &c.
Puisses -tu de l'humide Plaine ,
Heureusement fendre les Flots
Guidé par les freres d'Helenè ,
Et par la Reine de Paphos ;
Vaisseau , daigne Eole exorable ;
T'accorder un vent favorable ,
Enchaîner les vents ennemis ,
Afin qu'à l'attique Rivage ,
Tu portes sans aucun dommage ,
Mon Virgile à ta foi commis.
Quiconque fut l'homme intrépide ,
Qui le premier put s'engager ,
A courir l'Ocean perfide ,
Sur un Vaisseau frêle et leger ,
Sourd aux menaces furibondes ,
Des vents divers qui sur les Ondes ,
Exercent leur droit souverain ;
Oui , quand il tenta cette route ,
Il eut le coeur muni , sans doute ;
Et de chêne et d'un triple airain .
截Quel degré de mort épouvante ¿
1. Vol. Celul
?
DECEMBRE. 1732. 2687
Celui qui peut voir sans terreur ,
Les Monstres que la Mer enfante ,
Ses écueils , ses flots en fureur ?
En vain le Maître du Tonnerre ,
Prudent , a séparé la Terre ,
Du profond abîme des eaux ,
Si le Détroit le plus sauvage ,
Est contraint d'ouvrir un passage,
nos témeraires Vaisseaux .
C'est ainsi qu'à l'humaine audace ;
Les plus grands forfaits coûtent peu.
De Japet l'insolente Race ,
Dans les Cieux déroba le feu ;
Présent à la Terre funeste !
Mille maux , la fievre , la peste ,
Regnerent dès-lors ici bas ;
Bien- tôt leur rigueur excessive ,
Fit
que la mort jadis tardive ,
Vers les Humains doubla le pas.
M
Avec les ailes qu'il sçut faire ,
Dédale s'éleva dans l'air.
Pour s'emparer du fier Cerbere ,
Hercule osa forcer l'Enfer.
Rien aux Mortels n'est difficile,
Notre fureur trop indocile ,
1. Vol.
Αν H
2688 MERCURE DE FRANCE
Au Ciel même adresse ses coups ;
Sans fin nos attentats horribles ,
Excitent les foudres terribles ,
Que Jupiter lance sur nous.
F. M. F.
NOUVELLES ETRANGERES
DE TURQUIE ET DE PERSE.
O
Na appris de Perse que les Troupes de
Roi, qui ont travaillé aux Fortifications
d'une petite Place sur la Mer Caspienne , à six
lieues de Backi,en étoient parties pour joindre la
grande Armée qui est à présent de 180000. hommes
. Elle occupe un Poste avantageux entre
Bagdat et l'Armée des Turcs , de sorte que cette
Place ne pourra que difficilement être secourue.
On assûre que les vivres qu'on y avoit fait entrer
en dernier lieu étoient consommez , et que
Persans se flattoient de s'en rendre maîtres avant
la fin de l'année , ne croyant pas que le Seraskier
qui commande les Troupes du Grand- Seigneur
osat hazarder une Bataille , parce que la
plus grande partie de son Armée est composée
de Soldats levez par force.
les
On a appris depuis que le Serasquier qui commande
l'Armée du G. S. avoit reçû des pleins
Pouvoirs pour signer une suspension d'Armes
pour six mois , pour négocier et conclure un
nouveau Traité de Paix avec le Roi de Perse .
I. Vol
AL
DECEMBRE.
1732 2689
ALLEMAGNE .
N apprend de Vienne , que la maladie con
tagieuse fait beaucoup de progrès dans la
Croatie , malgré les précautions qu'on a prises
pour l'empêcher de s'étendre , et on a été obli
gé d'interdire toute communication avec cette
Province.
Le Décret du Conseil Aulique , publié dans
le Duché de Mekelbourg , donne l'administration
provisionelle de ce Duché au Duc Chrétien
Louis , jusqu'à ce que le Duc Charles Léopold
se soit soumis aux précedens Décrets de ce Conseil
. Il accorde 25000. écus par an à ce Prince
Administrateur , sans compter les revenus de son
Appanage , et 40000. écus au Duc Charles Léopold
, outre les revenus des Bailliages et Douanes
de Domitz et Schwerin.
On vient d'apprendre que les Commissaires
subdeleguez de la Commission Imperiaie ont
fait supprimer les Exemplaires de la protestation
que le Duc Charles Léopold de Meckelbourg
avoit fait publier contre la nouvelle forme de
Régence réglée par le dernier Décret du Conseil
Aulique , et qu'ils ont envoyé en mêmetems
des Lettres circulaires à toute la Noblesse
pour lui communiquer la nouvelle Ordonnance
qu'on doit publier au commencement de l'année
prochaine par rapport à la levée des contributions
dans le pays , où on attend incessamment
un Ministre Plénipotentiaire de l'Empereur pour
installer le Duc Chrétien - Louis en qualité d'Administrateur
du Duché. On croit que ce sera
le Comte de Seckendorf qui sera chargé de
cette commission.
I. Vol. Hij L'Im
690 MERCURE DE FRANCE
L'Imperatrice a été incommodée pendant quelques
jours d'une fluxion catharale , espece de
rhume , qui est devenu une maladie épidemique
owà Vienne , à 708. lieuës à la ronde , et presque
dans toute l'Allemagne.
Il est sorti encore depuis peu 800 Lutheriens
qui vont à Ratisbonne , et un pareil nombre ausquels
la République d'Hollande donne retraite:
600 habitans du Bailliage qu'on croyoit Catholiques
se sont déclarez Lutheriens , et demandent
la permission de quitter le pays.
Des Subsides que l'Empereur a demandé à ses
Etats héréditaires pour l'année prochaine , le
Royaume de Boheme en doit fournir trois millions
200. mille Florins ; la Moravie un million
66066. flor . le Duché de Silesie deux millions
153333. for . la Haute Autriche 450000 flor.
la Basse Autriche un million 1ooooo . flor. la
Stirie , 390000. le Tirol , 12000o . la Hongrie ,
2 millions soocoo. flor . la Transilvanie, 760000.
le Bannat de Temeswar 330000. l'Esclavonie
100000. la Servie , 127000. la Croatie , 24000 .
et les Terres particulieres de l'Empereur en Ita
fie , 200. mille,
ITALIE.
'Abbé Federa a été nommé par le Pape pour
L'aller fonder dans la Calabre un College en
faveur des jeunes Grecs Catholiques : on y recevra
aussi les jeunes Ecclésiastiques Schismatiques
qui voudront s'y faire instruire.
Le Prince Caraccioli , Napolitain , ancien Of
ficier General dans les Troupes du Roi d'Espague
, et qui est âgé de 114. ans , est venu à
Rome passer quelques jours chez le Cardinal
I. Vol. Cien
DE CEMBRE. 1732. 2697
Cienfuegos , dont il a pris congé pour retourner
chez les Hermites de Spolette , où il s'est
retiré.
L'Infant D. Carlos est revenu de Plaisance à
Parme , et l'on assûre qu'il retournera à Floren→
ce au Printems prochain .
On mande de cette derniere Ville que le
Comte Caimo , Envoyé extraordinaire de l'Empereur
, avoit reçu de Vienne un Décret de S.
M. I. que ce Ministre avoit fait remettre au Senat
de Florence par une personne inconnuë
mais que les Senateurs n'avoient pas voulu ouvrir
le paquet , et qu'ils l'avoient envoyé cacheté
aux Secretaires d'Etat du Grand Duc . On a appris
depuis que ce paquet avoit été ouvert par
Ministres du Grand Duc, qui ont eu en cette occasion
quelques conferences avec le Ministre de S.
M. I.
les
On mande de Pontemole , petite Ville du Duché
de Toscane , sur les Confins du Duché .de
Parme et de l'Etat de Genes , que le débordement
des Rivieres y avoit causé de très - grands
dommages ; qu'elles en avoient emporté le Pont
et les maisons voisines démoli l'Eglise de
S. Sebastien , l'Hôpital de S. Antoine , et une
partie du Couvent qui est hors de cette Ville , et
fait périr plus de soo personnes.
A la recommandation du Roi d'Espagne , la
République de Genes a rendu la liberté à M. Camille
Doria , qui avoit été envoyé dans la
Forteresse de Savone , pour donner satisfaction
à S. M. C. d'une insulte faite au Consul Espagnol
de la Bastia.
On mande de Turin , qu'on croyoit que la
Comtesse de Spigno , veuve du feu Roi Victor-
Amedée se retireroit volontairement dans un
Couvent en Piedmont .
I. Vol.
Es- H iij
2692 MERCURE DE FRANCE
ESPAGNE.
E 7. Novembre , on fit partir de Barcelone
un Convoy de 25 Bâtimens de transport ,
escortés par le Vaisseau de Guerre le S. François
, sur lesquels on avoit embarqué quatre Bataillons
et 800. Grenadiers des Régimens des
Gardes Espagnols et Walones .
Le 10. ce Convoy passa à la hauteur d'Alicante
, où il fut joint par les Vaisseaux de Guerre
de Malte , dont on a déja parlé , et par quatre
Vaisseaux de Guerre du Roi , qui n'ayant
pú doubler le Cap Palos , à cause des vents contraires
, étoient entrés dans le Port d'Alicante.
Ces quatre Vaisseaux ont à bord un Bataillon du
Régiment d'Arragon , et 9. Compagnies du Régiment
d'Ultonia , Infanterie ; on a appris depuis
que ce Convoy est arrivé à Oran , dont la
Garnison , au moyen de ce renfort , est composée
présentement de 20 Bataillons et de z Compagnies
de Grenadiers , dont celles des Régimens
des Gardes Espagnoles et Walonnes sont de cent
hommes chacune.
Des Lettres écrites depuis portent que le
Gouverneur du Château de Sainte Croix s'étant
apperçu que les Maures travailloient dans un
Valon au pied de ce Château , avoit fait la nuit
du 11 au 12 de Novembre une sortie de deux
Compagnies de Grenadiers et de quelques Travailleurs
qui les attaquerent et en tuerent un
grand nombre ; qu'on avoit reconnu alors
qu'ils avoient ouvert deux Mines au pied de ce
Fort , mais qu'il leur étoit impossible d'en tirer
aucun avantage , parce qu'il y avoit de ce côté - là
un Rocher d'une dureté impénétrable ; que les
I. Vol.
Maures
DECEMBRE. 1732 2693
Maures qui avoient pris d'abord la fuite , étoient
revenus en plus grand nombre , et qu'ils avoient
attaqué les Grenadiers dans leur Retraite ; mais
que le feu du Fort les avoit obligez de se retirer
après avoir perdu plus de 400 hommes ; que les
Espagnols n'avoient eu que cinq Soldats de tuez
dans cette sortie.
Ces Lettres ajoûtent que quelques déserteurs-
Maures avoient rapporté que le nommé Lazarin ,
homme riche et puissant dans le pays , dont les
Terres étoient situées aux environs de Mosta
gan , à 14 lieues d'Oran , s'étoit retiré avec tousses
effets et bestiaux , pour ne pas être exposé
aux cruautez de Bigotillo , l'un des Generaux
des Maures , et qu'en faveur des Chrétiens , il
avoit levé des Soldats Maures avec lesquels il
avoit enlevé une partie des Troupeaux de Bigotillo
, et les avoit emmené dans des Terres éloignées
, où il s'étoit retranché pour se deffendre
et conserver sa prise. "
·
.. D'autres nouvelles reçues d'Oran portent , que
le 21 Novembre au matin , le Gouverneur de
cette Ville avoit fait une sortie de 10000. hommes
, qu'il avoit attaqué en même tems les
Turcs et les Maures dans leurs Tranchées ; qu'il
les avoit obligez de prendre la fuite après quelque
résistance ; qu'il les avoit poursuivis plus
d'une lieue , et que la Garnison étoit rentrée
dans la Place.
On a appris par des Lettres anterieures , qu'une
Compagnie de Grenadiers du Régiment de
Cantabria , qui étoit dans un poste avancé , l'avoit
abandonné sans qu'on sçut ce qui l'y avoir
obligé ;;
que quelques jours après , cette Compa
gnie se trouvant dans le même poste , les ennemis
étoient venus Pinsulter , que le Lieutenant
I.Vol.
Hitij s'é2694
MERCURE DE FRANCE
s'étoit avancé à la tête de 20 Grenadiers , la
bayonnette au bout du fusil , malgré les ordres
du Capitaine , qui le traitoit de téméraire ; que
ce Lieutenant lui ayant répondu qu'il vouloir
faire voir que ce n'avoit point été par faute de
courage qu'on avoit fait la retraite des jours précédens
, le Capitaine avoit marché avec toute
la Compagnie , que Don François d'Araona ,
Commandant du Château de Sainte Croix , ' et
du second Bataillon du même Régiment , avoit
joint cette Compagnie , qu'ils avoient attaqué
les Maures avec tant de valeur , qu'après leur
avoir tué plus de 200. hommes , ils les avoient
contraints de rentrer dans leurs tranchées.
Les dernieres Lettres reçûës portent , que dans
la sortie que le Marquis de Santa Cruz fit faire
le 21 de Novembre , il avoit fait attaquer tous les
Postes occupez par les Turcs et les Maures , ct
que s'étant apperçû qu'un Détachement des
Troupes Espagnoles avoit été coupé par un
Corps de Cavalerie Maure , et qu'il étoit en
danger d'être taillé en pièces , il étoit sorti de la
Place à la tête d'un autre détachement pour le
secourir , qu'il avoit obligé ce Corps de Cavalerie
à prendre la fuite , qu'en même tems les autres
Troupes Espagnoles avoient chassé les
Maures de tous leurs quartiers ; que le Marquis
de Santa- Crux , Capitaine General et Gouver
neur d'Oran , le Marquis de Valdecanas , Brigadier
des Armées du Roi , et le Colonel Don Joseph
Pinel , ayant eu le malheur d'être tuez dans
ces differentes attaques , et que d'ailleurs ces
Troupes étant extrêmement fatiguées , elles
étoient rentrées dans la Place vers les cinq heures
après midi : que le 23 , l'Officier qui commandoit
dans Oran , à la place du Marquis de
I. Vol. Santa
DECEMBRE . 1732. 2595-
Santa- Cruz , avoit fait une seconde sortie generale
, et qu'ayant attaqué en même- tems tous
les quartiers des Maures , il les en avoit chassés;
qu'on comptoit qu'ils avoient perdu plus de-
1oooo . hommes dans ces deux actions ; que les
Maures ayant passé les Montagnes , n'avoient
pas reparu depuis le23.et que les détachemens de
Cavalerie qu'on avoit envoyés à la découverte
n'en avoient pû apprendre aucunes nouvelles .
>
Ces derniers avis ajoûtent , que du côté des .
Espagnols il y avoit environ 600. hommes de.
tuez , et près de 1500 blessez ; que les Troupes
Espagnoles qui sont encore à Oran montoient à
13000. hommes , et qu'une partie étoit actuellement
campée hors de la Place dans le Camp
que les Turcs et les Maures occupoient , qu'elles
en avoient brûlé les barraques et décruit les
Fortins qu'ils avoient construits et élevez autour
de ce Camp , et que quelques recherches
qu'on eut faites , on n'avoit encore pû trouver
le corps du Marquis de Santa - Cruz .
On mande de Seville , que le Marquis de
Villadarias , Lieutenant General des Armées du
Roi , que S. M. vient de nommer pour commander
en Chef à Oran , à la place du Marquis
de Santa - Cruz , doit s'y rendre incessam
ment.
On écrit de Ceuta que le 14 du mois dernier
il étoit venu du côté de Tetuan un Corps
de Troupes de 4000. hommes d'Infanterie , et de
4000. de Cavalerie , que le même jour le Gouverneur
de Ceuta avoit fait une sortie qui avoit
mis toutes ces nouvelles Troupes en fuite ; les
mêmes Lettres portent que les Noirs de Mique
nez s'étoient soulevez , et qu'ils avoient procla
mé Roi un frere du Roi régnant , lequel s'étoi
mis à leur tête,
I. Vol. Hy D'au
2696 MERCURE DE FRANCE
D'autres Lettres portent que l'Armée du Roi
de Maroc se tenoit encore à plus d'une lieuë de
Ceuta sans oser rien entreprendre ; que le Gouverneur
voulant connoître sûrement l'état de cette
Armée , avoit fait embarquer le 15 de Novembre
so hommes qui avoient mis pied à terre
le 20 dans une plage où ils s'étoient cachez
derriere un Rocher ; que le 21 au matin huit
Maures armez s'étant approchez de ce Rocher
les Espagnols en avoient tué trois et fait deux
autres prisonniers ; que le bruit de la Mousqueterie
avoit attiré les Maures de ce côté là , mais
que les Espagnols avoient eu le tems de se rembarquer
avec leurs prisonniers , desquels on avoit
appris qu'il n'y avoit dans le Camp des Maures
que 4000. hommes d'Infanterie et 15oo . de
Cavalerie.
HOLLANDE , PAÏS- BAS.
Na fait des prieres publiques dans les prin
cipales Villes de la Hollande , à l'occasion
de la nouvelle espece de Vers qui y ont été apportez
par des Vaisseaux revenus des Indes . Ces
Insectes s'étant prodigieusement multipliez , ont
attaqué les Digues du côté de la Zelande , de la
Frise et de la Nort- Hollande. Ils en röngent les
Pilotis , et les perçant d'une infinité de trous
ils les rendent inutiles , de sorte que ces Provinces
se verroient en danger d'être submergées sans
les réparations qu'on est ob'igé de faire tous les
jours à ces Digues. On n'a trouvé jusqu'à présent
aucun moyen de détruire ces Insectes , qui,
vivent également dans la Mer et hors da
l'eau.
-
>.
1. Val BOU
1732. 2697
POOQUET engl ; M. P... C………!
& un malade dris le jour de sa
Fête , avec un présent de Confiture séche
d'Angelique.
CLemond , qu'une amitié sincere
Place au premier rang dans mon coeur
Qui de la raison qui t'éclaire ,
Pourrois faire encor ton bonheur ;
Pourquoi de tes destins alterer la douceur ?
Et nourrir dans ton sein un mal imaginaire ?
Cher ami ; pour ta guérison
Vois ce que l'amitié m'inspire
C'est pour égayer ta raison ,
Que dans mon arriere Saison ,
Je risque de toucher la Lire.
Mais que , dis je , ce n'est point moi
Qui prétends célebrer ta Fête ,
C'est Apollon , c'est lui , je l'entends , je le
voi ,s .
C'est lui qui s'interesse à toi ,
Et par lui , cher Clemond , ta guérison s'a
prête ,
Il est le pere des beaux Vers ,
Il est Dieu de la Médecine ,
Lui-même il vient par ses doux Aure
Dissiper cette humeur chagrine
1
J Vole
Qu HI vi
2698 MERCURE
Qui tient ton esprit dans
Il vient prévenir la ruine
Qui menaçoit ton foible corps ;
Et par la puissance divine
D'une salutaire racine ,
Il va rétablir les ressorts
De ta languissante machine.
Sa main a préparé ¡ es fleurs
Qu'aujourd'hui la mienne te donne ;
Ce cristal qui les environne ,
Est le remede à tes langueurs.
C'est une ambroisie efficace
Pour rassurer un coeur par son mal agitë
Et les habitans du Parnasse
Dans l'usage de cette glace ,
Trouvent leur immortalité .
Mais ce remede , que t'envoye
.
D'un Dieu si bienfaisant l'attentive bonté,
Cher ami reçois- le avec joye ; lo de
Sois toi-même ton Médecin , C
Un innocent, plaisir ; une douce allegresse.
Rend l'esprit vif , et le corps sain ;
Er l'homme n'a point d'assassin-
Plus terrible que la tristesse.
A vaincre ce mortel poison ,
Mon exemple aujourd'hui t'engage
Quoi ! pour monter sur l'Helicon
N'en coûte il rien à mon âge ?
1.Vol.
S
DECEMBRE. 1732 . 2599
9: tou Jauié Aoit cherir
Les con ge our toi fait un ami sincere,
Ose imiter - pour te guérir ,
Ce qu'il entreprend pour te plaire.
P. C.
FRANCE ,
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
>
et
Lde Nove , le Rol revêtu du grand
E 30 Novembre , premier Dimanche
Collier de l'Ordre du S. Esprit , se rendit
dans la Chapelle du Château de Versailles
, où S. M. entendit la Messe
communia par les mains de l'Abbé de
Brissac , Aumônier du Roi en quartier
ensuite S. M. toucha un grand nombre
de malades . L'après midi , L. M. entendi
rent le Sermon du P. Julien , Religieux
Recolet , et ensuite les Vêpres chantées .
par la Musique .
Le premier de ce mois , les Princes et
Princesses du Sang , et les Seigneurs et
Dames de la Cour , en h bits de grand
deuil , rendirent en ceremonie leurs res-
La Veh pects
2700 MERCURE D
pects au Roi , à la Reine
gneur le Dauphin , à l'occa
du Roi Victor Amedée.
•
Le 2. le Nonce du Pape , les Ambassa
deurs et les Envoyés , tous en grand
Manteau de deuil , furent introduits par
le
Chevalier de Sainctot ,
Introducteur
des
Ambassadeurs , dans le Cabinet du
Roi , où ils eurent Audience de S. M. Ils
furent conduits ensuite par le même Introducteur
, à
l'Audience de la Reine , et
à celles de
Monseigneur le Dauphin , de
Monseigneur le Duc d'Anjou , et de Mes
dames de France .
Le Roi a donné au Cardinal de Fleu
ry Grand - Aumônier de la Reine , la
Charge de Premier Aumônier du Roi ,
vacante par la mort du Duc de Coislin
Evêque de Metz.
S. M. a nommé pour son Ambassadeur
auprès de la République de Venise , le
Comte de Froulay , Brigadier des Armées
du Roi,
Le 25 Novembre 1732. les Chanoines
Réguliers de l'Ordre de S. Antoine ont
tenu leur Chapitre Generalen Dauphiné ,"2
J.Vol. où
DECEMBRE. 1732. 2701
où ils ont élû le P. Gaspariny pour leus
Abbé General.
Le Roi a accordé à l'Archevêque de
Vienne la Charge de Premier-Aumônier
de S. M. vacante par la démission volon →
taire du Cardinal de Fleury , Grand- Au
mônier de la Reine. Il prêta Seriment entre
les mains du Roi pour cette Charge
le 28 de ce mois .
La direction des Haras du Royaume a
été réunie au département de M. le Com
te de Maur pas , Ministre et Secretaire
d'Etat , comme elle l'étoit sous le Régne
du feu Roi , au même département.
Les Musiciens de Paris célebrerent le
Mercredi 10 de ce mois , dans l'Eglise de
S. Sulpice , le Service annuel et solemnel
pour leurs Confreres deffunts. L'affluence
fut extraordinaire , et quantité de per
sonnes de con idération s'y trouverent.
Les deffunts , pour la mémoire desquels
se firent les Pricres sont les Sieurs
LE FEVRE , Prêtre , Beneficier de Notre-
Dame : LESCHENAULT Prêtre , ancien
Mître de Musique des Saints Innocens :
GARDINIER Prêtte : MARCHA ND , Orga
niste du Roi : SALOMON , de la Musique-
9
La Vola du
2702 MERCURE DE FRANCE
du Roi : TOUVENELLE , du Concert Spirituel
: MANCEAU , de S. Honoré : Beau-
PUIS , BAUDY pere , et DUMONT , Graveur
en Musique
On dit des Messes basses à toutes les
Chapelles depuis huit heures jusqu'à midi;
et avec la legere contribution que chaque
Musicien s'est imposée pour l'honoraire
de la Cerémonie , on eut bien au- delà de
la dépense ; les Musiciens ne sçauroient
trop tôt donner des marques publiques
de leur reconnoissance à M. le Curé de
S. Sulpice des manieres prévenantes et
génereuses dont il a bien voulu les honorer.
Non seulement il n'a voulu rien
recevoir pour la sonnerie , le luminaire
et la décoration de l'Autel , &c . mais il
daigna même veiller à toute la cerémonie
, au bon ordre et à l'arrangement ;
ensorte qu'au moyen des Suisses qu'il
avoit placez de tous côtez , il n'y eut
pas la moindre confusion .
La Musique fut éxecutée par M. DE LA
CROIX , Maître de Musique de la Sainte
Chapelle ; les voix et les instrumens se
signalerent avec une justesse et une précision
qui se soutinrent jusqu'à la fin . L'Officiant
fut M. Vasselin , Beneficier de l'Eglise
de Paris.
Orationibus Sancta Ecclesia , et Sacrifi-
1. Vol.
cie
DECEMBRE 1732. 2703
sio salutari , et Elemosynis , que pro eorum
spiritibus erogantur , non est dubitandum
mortuos adjuvari , ut cum eis misericordius
agatur à Domino , quàm eorum peccata meruerunt.
August. de verbis Apostoli.
BOUQUET à Madlle Therese M....
de Sens , le jour de sa Fête.
Loin des bords que l'Yonne arrose ,
Pour former un Bouquet digne d'orner to
sein ,
L'Amante de Zephire envain ,
Me présente en ces lieux et le Lys et la Rose.
Therese , est- ce de fleurs dont je dois te cou
vrir ?
Ton teint fait honte aux dons de Flore ;
Les trésors qu'elle fait éclore ,
Un jour les voit naître et mourir ;
Et de Sens à Châlons j'ai vû six fois l'Au
rore
Baigner de pleurs la yoye où je devois courir.
Que t'offrirai-je donc , pour tenir ma pro
messe ?
Des vers la Saone et le Permesse
Ne coulent pas également.
Mon coeur ! il te jura sa constance à Vareil
les ;
*
* Petit Village à trois lieües de Sene
I. Vol
Ec
2701 MERCURE DE FRANCE
Et trois baisers cueillis sur tes levres vermeil
les
Furent le prix de ce serment.
Faut- il qu'une absence cruelle
Mette obstacle en ce jour à mes tendres de
sirs !
Ah ! M. ....
zele ,
quand je viens t'offrir le même
Que n'ai -je les mêmes plaisirs
M. de Broglio , de Martegues en Provence
Le 6. Decembre , les Officiers de la
Chambre de M. le Duc d'Orleans , voulant
donner des marques publiques de
leur attachement et de leur zele au sujet
de l'heureuse convalescence de ce Prince ,
et du Duc de Chartres , son fils unique
firent chanter solemnellement dans l'Eglise
des Peres de l'Oratoire de la ruë
S. Honoré , un Te Deum de la composi
tion de M. Gervais , Maître de Musique
de la Chapelle du Roi et de M. le Duc
d'Orleans , qu'il fit éxecuter par un excellent
Choeur de Musique composé des
meilleurs sujets de chez le Roi , de l'Académie
Royale de Musique , et de Paris ,
Le Te Deum fut précedé du Salut et de
l'Exaudiat,auquel l'Archevê que de Rouen
officia. S. A. R. assista à cette cerémonie
I. Vol.
ac
DECEMBRE. 1732. 2705
›
accompagnée du Duc de Chartres , de
Mademoiselle , du Prince et de la Princesse
de Conty , et d'un très grand nombre
de personnes de distinction . M. le
Bailly de Confland , Premier Gentilhomme
de la Chambre de M. le Duc d'Or.
leans , reçût S. A. R. à la premiere Porte
de l'Eglise , à la tête de tous les Officiers
de la Chambre de ce Prince . La Communauté
des Prêtres de l'Oratoire , ayant રે
leur tête le R. P. General , alla recevoir
cette Princesse à la seconde Porte , et lui
présenta l'Eau benite. Elle fut reconduite
de la même maniere après la cerémonie.
Comme l'Eglise des Peres de l'Oratoire
›
› est ornée d'une belle Architecture , on ne
crut pas devoir ajoûter beaucoup d'orne
mens pour la décorer on avoit placé
seulement un couronnement sur l'Arcade
du Maître-Autel , formé par deux Conso
les qui suportoient un grand Cartouche
C dans lequel on avoit peint symbolique
ment en Camayeu , la Convalescence du
5 Prince. Elle étoit représentée par une fem
me à genoux , priant au pied d'un Autel ,
et tenant à sa main un bâton entouré d'un
- Serpent , et un Coq à ses pieds . Ce Cartouche
étoit surmonté d'une grande Cou
ronne en aigrette , et portant dans son.
[ Vol. COR
2706 MERCURE DE FRANCE
contour dix Girandoles à huit lumieres
chacune , qui se lioieht avec les lumieres
des Pilastres des côtez ; le tout supporté
sur une Balustrade feinte , tres - riche , sur
laquelle on voyoit un Tapis de Turquie,
rehaussé d'or, et drappé pitoresquement.
Cette Arcade et celles des deux côtez
étoient drapées avec des Rideaux de Damas
cramoisi , galonnez d'or , surmontez
d'une Pente festonnée , feinte d'étofes
d'or à gros glands. Ces Rideaux festonnez
aussi au pourtour , tomboient négli
gemment sur les côtez . On avoit placé
au milieu de chacune de ces trois Arcades
un Lustre de 12 lumieres. Les deux Pi
lastres placez aux côtez de l'Arcade du
milieu , étoient décorez de grandes chu
tes de Fleurs , de Palmes et de Lyres . On
voyoit dans le milieu des deux Arcades
des côtez , deux Cartouches , dans lesquels
on avoit representé en Camayeu
rehaussé d'or , la Religion et la Force ,
avec leurs Symboles . Čes chutes étoient
disposées de façon à pouvoir poser sur
les Cartouches , trots Bras , portant s lumieres
chacun . En haut et au bas de la
chute , on avoit posé au pied des Pilastres,
au Rez de chaussée , deux Torches ,
portant chacune une Girandole de Cristal
à sept lumieres .
I. Vol. Tous
DECEMBR E. 1732 2707
>
Tous les autres Pilastres de l'Eglise
tient décorez de la même façon , avec
difference que dans les Cartouches
milieu il n'y avoit point de Figures
seulement des Ecussons aux Armes
Orleans , et des Chiffres qui se repeat
alternativement ; et vis - à - vis de
une des autres Arcades, on avoit plaren
Lustre de 12 lumieres.
n voyoit aussi sur les deux petites.
es de la croisée de l'Eglise , deux ess
de Piramides, en bleu et or , ornées
Palmes et de Lauriers , portant chacurois
Bras à cinq lumieres.
outes ces lumieres étoient disposées
maniere qu'elles ne formoient point
lignes droites , elles serpentoient seuent
, ce qui produit toujours un effet
tant dans toute sorte d'illuminations.
oute cette Décoration , qui a été troud'une
tres - belle ordonnance , a été
e sur les desseins
du sieur le Grand
Architecte
du Roy , et Intendant
des Bâ- ens de M. le Duc d'Orleans
.
Une grande Maison , vis-à- vis l'Eglise
l'Oratoire , occupée par les Sieurs Stoard
et Piet , tous deux Marchands de S.
. R. fut illuminée d'une maniere fort
énieuse , par des Lustres garnis de
gies , et par de gros Flambeaux de
>
1. Vol. cire
2708 MERCURE DE FRANCE
cire blanche, placez sur l'appui du Balcon
par des Girandoles et par une Piramide
garnie de Lampion , posée sur la même li
gne , ce qui produisoit une illumination
tres-brillante,
Le 8. on chanta encore un Te Deum
solemnel , à l'Eglise S. Eustache , Parois
se du Palais Royal , en actions de grac
de la convalescence du Duc d'Orleans e
du Duc de Chartres , auquel l'Archevê
que de Cambrai officia pontificalement
CetteEglise étoit magnifiquement décoré
et éclairée d'une grande quantité de Lus
tres , garnis d'une infinité de Bougic
S. A. R. y assista , accompagnée de M
demoiselle, de la jeune Princesse de Con
ty , et de plusieurs Personnes de la
miere distinction .
EPITHALAME ,
pr
Sur le Mariage de Monsieur ... avec
Mademoiselle ...
Nul
DA
Ans nos Cantons l'Hymen étoit
larmes ,
encens pour ce Dieu ne brûloit au H
meau ;
L'Amour lui refusant ses armes >
Il étoit prêt d'éteindre son Flambeau,
Il suspend enfin sa colere ,
1. Vol J'aim
DECEMBRE.11732 2709
aime encor mieux , dit - il , en mon malheur
Porter mes plaintes à ma mere ,
art . Venus sensible à sa juste douleur ,
Ordonne à Cupidon son frere ,
lui prêter son Arc , ses Traits et son Carquois...
Mars sur tout , certains Traits dont usant avec
hoix ,
gaura triompher des coeurs les plus rebelles,
A l'instant le jeune Daphnis ,
Et la charmante Amarillis ,
De vertus insignes modelles ,
sentent par ce Dieu percez d'un même Trait
Le Tendre Hymen glorieux , satisfait ,
applaudit en secret d'une telle victoire ,
Mais bientôt témoins de sa gloire ,
Nimphes , les Bergers , les Sylvains d'alen
our ,
ns les Jeux , les Festins , dans leurs Danses
Legeres ,
Par les transports les plus sinceres
Font éclater leur joye en ce beau jour.
lie , Alidor , Iris , Cloé , Titire ,
fin tout le Hameau , sur de si nobles feux ;
N'a qu'une voix , forme les mêmes voeux ,
Mais des voeux que l'estime inspire ,
e voix , que sans doute authorisent les Dieux.
Fasse le Ciel , qu'à l'abri de l'envie ,
1. Vol.
te
2710 MERCURE DE FRANCE,
Et dans les liens les plus doux ,
Soient unis pour jamais ces illustres Epoux ,
Que durant vingt lustres de vie ,
Ils goutent la félicité ,
Le bonheur de jouir ensemble ,
D'une aimable posterité ,
Qui les imite et leur ressemble.
Par M. de Sommevesle , de Châlons
D
MORT S.
Ame Catherine de Romanet , veu
ve de Jean Racine , Trésorier de
France à Moulins , Secretaire du Roy , er
Gentilhomme Ordinaire de S. M. mourut
à Paris le 15 Novembre , dans la 79
année de son âge. Elle été inhumée
dans l'Eglise de S. Etienne du Mont , sa
Paroisse , auprès des Cendres de son
Epoux , laissant deux Fils , et trois Filles
de l'illustre Racine tous heritiers de
l'esprit , qui l'a tant fait connoître dans
le monde , et encore plus de la pieté dans
laquelle il mourut en 1699. et qu'elle a
toujours cultivée depuis dans la Retrai
te et dans la Pratique des bonnes oeuvres.
Claude-Roch Titon , Chanoine Regu-
و
1. Vol.
Jier
DECEMBRE. 1732. 2717
lier de Sainte Geneviève , Prieur et Curé
de S. Fulgence de Bourges , mourut en
son Prieuré le dernier Novembre , dans .
la 73 ° année de son âge. Il s'est distingué
par ses talens pour la Prédication . Il a
laissé aussi plusieurs Poësies Chrétiennes,
manuscrites . Il étoit frere de M. Titon du
Tiller , Auteur du Parnasse François ,
exécuté en Bronze . &c.
-
I
de la
Pierre Charles Herault , Abbé de
l'Abbaïe ¡ de Joüy , Ordre de Citeaux ,
Diocèse de Sens, mourut le 1 de ce mois,
dans la 40 année de son âge.
Jacques Alain de Gontault
Branche de Cabreres , distincte de la
Branche de Gontaut de Biron depuis plus
de 200 ans , à present éteinte , Doyen du
Chapitre de l'Eglise Métropolitaine de
Paris , Abbé des Abbayes de S. Pierre de
Lagny , et de S. Ambroise de Bourges
mourut à Paris le 15 de ce mois , âgé
d'environ 67 ans.
Dame Jeanne Françoise Dauvet Desmaretz,
Epouse de François - Louis le Tellier
, Comte de Rebenac , Marquis de
Souvré et de Louvois ; Maître de la
Garde Robbe du Roy , Lieutenant
General pour Sa Majesté au Gouvernement
de Navare et Païs de Bearn ,
Colonel d'un Regiment d'Infanterie de
·
I.Vol. I son
2712 MERCURE DE FRANCE
son nom ; décédée le 17 Decembre, âgée
de 25 ans et demie.
XXXXXXXXXXXXXXX
EPIGRAMME ,
Contre un Medecin qui avoit condamne
l'Auteur dans une maladie.
DansAns le fort de ma maladie ,
Le Medecin Lucas publioit en tous lieux ;
Que c'en étoit fait de ma vie ,
Et que j'aurois bien-tôt le sort de mes ayeux
Mais tout coup r
La fiévre exhale son venin ,
Et le prognostic du Prophete ,
mon mal s'arrête ,
Fait qu'on se rit du Médecin .
Condamne-moi , Lucas , si le mal me ratrape
Car bien loin de me faire tort ,
Si tu juges que j'en échape ,
L'on peut compter que je suis mort.
M. de Mortessaignes de Pradelles,
ADDITION,
Ntion ,
Ous avons omis , faute d'instruction
, de parler de la mort de M.
N. Tartarin , Ecuyer, Bâtonnier des Avocats
du Parlement, Conseiller , Secretaire
I. Vol.
du
DECEMBRE . 1732. 2753
du Roy , et Avocat General de la Reine,
arrivée le onze Septembre dernier. L'omission
ne sçauroit être mieux reparée
qu'en inserant icy l'Eloge public dont
M. le Premier Président a honoré la mémoire
de ce celebre Avocat, le 9 Decembre
, à la rentrée du Parlement. On vient
de nous l'envoyer.
M. le Premier Président dans la suite
de son Discours , des plus éloquens, s'addressant
aux Avocats, dit: La perte de celui
de vos Confreres, qui après avoir passé par
toutes les épreuves , vient de consommer sa
vie dans les fonctions les plus honorables du
Barrean , excite également nos louanges et nos
regrets une vie laborieuse , un travail opiniâtre
, une application infatigable , lui
avoient acquis cette force de raisonnement , ce
fond d'érudition qui éclatoit dans tout ce qui
sortoit de ses mains , et donnoit un si grand.
prix à ses avis. Attaché par les liaisons les
plus intimes aux Magistrats du premier
Ordre , il jouissoit également de leur amitié,
de leur estime , de leur confiance. Appellé ,
par choix dans les Conseils des Princes , son
Suffrage y décidoit souvent des affaires les
plus importantes ; et parvenu aux honneurs
qui ne se déferent qu'au mérite et à l'ancieneté
des services; il goutoit dans la recherche
et Papprobation du public le plus doux fruit
I. Vol. I ij
de
2714 MERCURE DE FRANCE
de ses longs et recommandables travaux .
Tant de distinctions propres à le flater , n'avoient
pas été capables de l'éblouir, et l'on ne
vit peut-être jamais plus de sçavoir , avec
plus de deffiance de ses propres lumieres .
M. l'Avocat General Gilbert de Voisins
dit aussi de tres - belles choses , au sujet
de M. Tartarin , dans sa Harangue du
même jour.
Sur des Fleurs présentées à Mad*** ďHonfleur,
le jour de sa Fête.
B Elle Hismene , ces fleurs naissantes ,
Sur votre sein vont trouver leur tombeau ;
Vos attraits sont divins , vos vertus éclatantes ,
Pouvoient-elles jamais avoir un sort plus beau
Par M. H...
EXTRAIT d'une Lettre
1
écrite
par
l'Auteur du Voyage de Normandie , à
Monsieur...
E suis obligé , pour l'amour de la ve-
Jrité etde la justice, de passer condamnation
sur deux ou trois fautes qui me
sont échappées dans la neuviéme Lettre
que je me suis donné l'honneur de vous
écrire , au sujet de mon Voyage de Basse
Normandie , imprimée dans le Mercure
I. Vol,
du
DECEMBRE. 1732. 2716
au mois d'Octobre dernier. La premiere
faute regarde le temps de l'Episcopat de
S. Renobert , Evêque de Bayeux , que je
reconnois , avec les meilleurs critiques ,
devoir être fixé dans le vir siécle , contre
la Chronologie du Païs , qui fait vivre ce
Saint au ou au 4 siecle , Je devois m'en
tenir là , et ne pas qualifier dans le même
endroit le même Saint de second Evêque
de Bayeux ; ce qui ne peut s'accorder
avec l'exacte verité , et avec la Chronologie
, qui m'a semb'é la mieux fondée.
Il se trouve une autre faute au même
endroit et sur le même sujet; mais elle est
si lourde et si frapante , que nul Lecteur
éclairé ne pourra jamais me l'imputer
personnellement. Je rapporte pour preuve
que S. Renobert n'a vécu qu'au vii
siecle qu'il assista en 630 à un Concile
de Rheims. Au lieu de 630 , on a
Imprimé 1630 ; mais cela , comme je l'ai
dit , ne peut faire illusion à personne.
Cette preuve , au reste du temps de l'Episcopat
de S. Reinobert , avoit déja été
employée par le R. P. Tournemine , dans
le Journal de Trevoux , d'Octobre 1714,
pag. 1780. contre l'Historien du Diocèse
de Bayeux , qu'une Legende fabuleuse a
trompé sur cet article.
Une erreur plus considerable se trouve
I. Vol. I iij
2716 MERCURE DE FRANCE
à la suite de ma Lettre , pag. 2128. à l'oc
casion de la ceremonie de la premiere
Entrée publique des Evêques de Bayeux
dans cette Ville , et de la prise de possession
de leur Eglise ; ceremonie dont
j'ai rapporté le précis , tiré du Procès
verbal dressé en 1662. de ce qui fut observé
en pareille occasion , à l'égard de
M. de Nesmond.
。
à
Une Note mise au bas de cette page
fait remarquer que la même ceremonie a
été renouvellée depuis peu de temps ,
la prise de possession de M. de Luynes
actuellement Evêque de Bayeux , et qu'il
en a paru une Relation en forme de Lettre
, addressée par M. le Chevalier de
S. Jory , à Madame la Duchesse de Chevreuse
, imprimée à Caën . Cette Relation
, continue la Note , où il ne falloit
que de la simplicité et de l'exactitude, est
si pleine d'emphase et de choses déplacées
, qu'on peut dire qu'elle n'a contenté
personne.
Tout cela , à l'exception du renouvellement
de la cerémonie, est erronné ; car la
veritable relation de cette cerémonie , qui
a été faite par M. le Chevalier de S. Jory,
ne merite rien moins que cette qualification
. Si quand on écrit on pouvoit
tout voir d'abord et tout éclaircir par soi-
I. vol.
même
DECEMBRE . 1732. 2717
même , on ne seroit pas sujet à être trompé
, comme je l'ai effectivement été dans
le fait en question . Deux mots vont vous
apprendre comment.
Fort
peu de tems
après
la prise
de possession
de M. de Luynes
, un Professeur
d'Humanitez
à Caen
m'envoya
une
assez
ample
relation
de la cerémonie
, composée
, disoit
- il dans
sa Lettre
, par
M. le
Chevalier
de S. Jory
en forme
de Lettre
.
à M. la Duchesse
de Chevreuse
, et copiée
sur
l'Imprimé
à Caën
. Il est vrai que
cette
copie
étoit
un Ouvrage
tel
que
je
l'ai
représenté
dans
la Note
en question
et que
personne
de tous
ceux
à qui je le
communiqui
n'en
fut content
mais
il
est
vrai
aussi
que
depuis
l'impression
de
ma IX
Lettre
, la veritable
Relation
de
M. de S.Jory
, imprimé
à Caen
chez
Cavelier
, broch
, in -4. de 16 pages
, adressée
à Madame
de
Chevreuse
, m'étant
par
venue
presque
par
hazard
, j'ai
reconnu
un
Ouvrage
tout
différent
, c'est -à- dire
une
bonne
Piéce
, et fort
bien
écrite
. J'ai
appris
depuis
que
la personne
, qui m'avoit
envoyé
la Relation
manuscrite
avoit
pris la liberté
de la défigurer
entierement
par des
Additions
, par
des
changemens
et par tout
le mauvais
qu'il
y mit de son
chef
, et jusqu'à
des Vers
de sa façon
, ce
>
1. Vol. Iiiij. qui
2718 MERCURE DE FRANCE
qui donna lieu à ma remarque un peu
prématurée , et faite sur un veritable mal
entendu .
Je suis d'autant plus fâché de cette et
reur , que je ne sçaurois trop - tôt rectifier
, que plusieurs personnes de mérite
m'ont assûré que M. le Chevalier de S. Jory
, que je n'ai pas l'honneur de connoître
, est un très- galant homme qui pense
et écrit parfaitement bien,ce que je recon◄
nois aujourd'hui moi - même , et que la
Remarque en question porte à faux , et
ne peut jamais le regarder.
L'Acre du douaire de Judith , Comtesse
de Normandie , de l'an 1008. publić
par D. Martenne dans le 1.tom. de ses
Anecdotes , qui contient les noms de plusieurs
Bourgs de Normandie , fait actuellement
le sujet des recherches dont
vous avez besoin . J'ai envoyé votre Mé
moire à notre habile Médecin de Caën .
dont vous me parlez ; je sçai trop ce que
c'est que de s'adresser à des gens superficiels
, ou prévenus de leur prétenduë capacité
. Sa réponse , que j'attens, vous sera
exactement envoyée.
J'ai vû ici cet Été le nouvel Historien
du Diocèse de Rouen . Il continue son
travail avec toute l'ardeur possible , et il
y a tout lieu d'en attendre un bon suc-
I. Vol.
cès.
DECEMBRE. 1732. 2719
cès. Vous avez vû un échantillon de son
exactitude et de son amour pour la verité
dans un des derniers Mercures , à l'occasion
de quelques Endroits de son Histoire
du Diocèse de Meaux . Tous les hommes
peuvent se tromper , mais tous ne sont
pas également disposez à reconnoître leurs
erreurs . Je suis , &c. .
A Paris , lex Decembre 1732 .
MADRIGAL.
A Madlle de Catellan , Maîtresse des
Jeux Floraux de Toulouse pour le
jour de sa Naissance.
L
>
Es Graces en ce jour et les Vertus naquirent
,
Les Dieux en vous les réunirent.
Rendre heureux un Mortel étoit l'objet des
Cieux :
Mais vous avés trompé , trop aimable Cla
rice ,
Par une cruelle injustice ,
Et les voeux des Mortels et l'attente des Dieux.
Ce Madrigal convient à une Demoiselle
qui a meprisé les engagemens du Mariage
pour s'attacher à cultiver les Belles-
Lettres.
1. Vola IV LET6720
MERCURE DE FRANCE
LETTRE de M ... écrite à un de ses
J
amis au sujet des Curiositez qui se trouvent
dans le Cabinet de M. Paul Lucas,
à Paris.
' Ai été , Monsieur , rendre visite à
M. Paul Lucas , recommandable par
tous les Voyages qu'il a faits dans le Levant.
Ce sont , comme vous sçavez , les
plus belles Régions du Monde , où les
Faits historiques de la premiere Antiquité
se sont passez , et où les Sciences et les
Arts ont pris leur origine.
M. P. Lucas a trouvé dans ces agréables
Contrées de quoy satisfaire la curiosité
des Sçavans en beaucoup de genres.
Il m'a fait l'amitié de me montrer
son fameux Cabinet. On y voit un grand
nombre de toutes les raretez que l'on
peut rapporter de l'Orient.
Vous m'avez témoigné , Monsieur , que
je vous ferois plaisir de vous en faire le
détail. Une premiere visite ne m'a pas
permis d'éxaminer à fond tout ce que
j'ai pû y remarquer , mais je vais cependant
vous satisfaire , autant que je le
pourrai.
Je commence par vous dire que je ne
connois point à Paris de Cabinet qui mé-
I. Vol.-
rite
DECEMBRE. 1732. 2721
rite plus d'attention . Ce que j'ai d'abord
regardé comme la piece la plus remarquable
est la figure de la Déesse Cerés , qu'il
a apportée d'Athenes , il y a plus de quarante
ans. Elle a deux pieds quelques
pouces de hauteur. Elle est assise sur un
siege fort singulier, de beau Jaspe floride
Oriental . Toutes les extremitez de la Figure
sont de Bronze , comme la tête , les
mains , les pieds et les attributs qu'elle
tient ; sçavoir un flambeau de paille
de la main droite , et une corne de Bauf
de la gauche . La base est de pierre de
Parangon , pierre de touche, Son habillement
est d'Albâtre blanc.
On voit de plus un grand nombre d'autres
curiositez qui sont uniques ; car ce
Cabinet est rempli d'une grande quan
tité de Bronzes d'Egypte et de tous les
autres Païs du Levant , de la Grece et
de la Macedoine. Il y a entre autres
deux Bronzes qui sont uniques en Eu
rope. Ce sont deux Gimnosophistes qu'il ·
a apportez de Perse.
On y voit une grande quantité de La--
res ou Dieux Penates des Payens . Le nombre
qu'il en a ne pourroit pas être acquis
en plusieurs années .
J'y ai aussi remarqué un Buste antique
de Scipion l'Africain , un autre de
Ivj Man2722
MERCURE DE FRANCE
Manlius , un d'Atis et un de Maximina
Ces deux derniers sont revétus d'Albâtre
Oriental.
Il a six Cabinets remplis de Médail
les antiques et modernes ; beaucoup de
Pierres gravées en creux et en relief de
differentes especes , comme Agates ,
Cornalines , Sardoines , Jaspes et autres.
Il m'a de plus fait voir son Herbier ,composé
d'environ trois mille Plantes differentes,
toutes apportées d'Orient, dontil a écrit
les vertus et les prop ietez . Son Droguier
est des plus curieux ; il est composé
de plusieurs sortes de Drogues inconnues
en Europe , comme la Corne du
pied de la Giraffe , la Gomme Caradeny
le Corail noir et une infinité d'autres Drogues
, dont les qualitez et les effets sont
surprenants.
Je ne vous parlerai point d'un assemblage
de Coquilles tout- à-fait extraordinaire
, mais je n'ai pû m'empêcher d'admirer
les beaux morceaux de Pierres
Orientales dont il a plusieurs Blocs
comme Sardoines , Jaspes , Cornalines et
Jades. Il en a un entre autres qui peseenviron
deux cent livres .
>
De tout ce que j'ai vu dans ce Cabinet;
rien ne m feroit plus de plaisir que d'avoir
une de ces Pierres qui y sont en
1. Vol.
quan
DECEMBRE . 1732. 2723
quantité et dont notre Voyageur n'a
point encore donné de connoissance
jusqu'à présent ; ces Pierres sont dures
comme l'Agathe. Elles sont marbrées de
rouge et de blanc , transparentes et d'un
beau poli ; on leur attribuë de grandes
vertus.
On prétend , par exemple , qu'une
personne qui porte une certaine de ces
Pierres sur soi , ne peut être attaquée de
pleurésie. On l'enchasse dans une Bague
à jour , ensorte que la Pierre touche la
chair , et il faut que toute la monture
soit d'argent. Elle soulage dans l'instant
une personne attaquée de cette dangereuse
maladie et la guérit , dit- on , en
peu de temps. Elle a encore une autre
proprieté , c'est d'empêcher que les mauvaise
humeurs ne se mêlent avec le
sang. Presque tous les Orientaux portent
sur eux de ces Pierres qui sont nommées
en Turc , Doste Kandan , c'est - à- dire
l'Ami du sang. La connoissance de toutes
ces Pierres en general , peut fournir
aux Sçavans une belle matiere de philosopher.
J'aurois à vous parler encore de plusieurs
especes d'animaux qui ne sont
point connus en Europe , et de differentes
Armes des Pays Etrangers , dont ce
1. Vol
Cabinet
2724 MERCURE DE FRANCE
Cabinet est orné . J'espere vous en
faire part dans ma premiere Lettre , en
vous envoyant un détail exact de ce que
j'observerai de plus curieux en visitant
de nouveau ce beau Cabinet , et je suis
persuadé que vous ne regretterez pas le
temps que vous employerez à lire mes
Lettres , dans lesquelles je m'attacherai
toûjours à contenter votre curiosité . Je
suis , Monsieur , & c.
A Paris le 8. Décembre 1732 .
LES SAISONS ,.
CANT ATE
Quan
A mettre en Musique.
Uand l'Air , le Feu , la Terre et l'Onde ,
Furent débrouillez du cahos ;
Vertumne regna seul dans l'Empire du Monde ,
Durant cet âge heureux du premier des Métaux.
Mais lorsque le Dieu du Tonnerre ,
Eut détrôné son pere , on lui ravit ses droits .
Cérés , Bacchus , l'Hyver , par une horrible
guerre ,
Renverserent toutes ses Loix.
Et bien - tôt ses couleurs ne parerent la Tèrre ,
Qu'en ce temps où l'Amour vient vuider son
Carquois.
I. Vol
Air
DECEMBRE. 1732. 2725
Air.
Ah ! sans ce malheur déplorable ,
Que les Mortels seroient heureux !
Le doux Printemps seroit durable ,
L'Amour n'éteindroit point ses feux ;
Do Du Dieu que chante Philoméle ,
Dans ses mélodieux Concerts ,
Tous les coeurs pourroient ainsi qu'elle ,
Jusqu'au tombeau porter les fers.
Ab ! & c..
Récitatif.
Mais quoi ! Vertumine fuit, le tendre Amour s'en
vola
Philoméle gémit en traversant les Airs ,
Et les brulans Sujets d'Eole ,
Embrasent déja l'Univers ,
L'abondante Cérés regne dans les Campagnes;;
C
De ses dons précieux l'or brille en nos Vallons ,
Et l'espoir d'en jouir , de l'Hôte des Montagnes ,
Va faire celui des Sillons.
Air.
Imitons sa sage prudence ,
Après les plaisirs du Printemps,
Pensons à ceux de l'abondance ;
S'ils sont moins doux , ils sont constans.
Que tout encense la Déesse ,
Vol.
Qui
2726 MERCURE DE FRANCE
Qui vient nous donner de beaux jours ,
Quand a disparu la jeunesse ,
Sur l'afle des tendres Amours.
Imitons , & c.
Récitatif.
Dieux ! quel nouveau spectacle à mes yeux se
présente !
Je vois tous les Côteaux de la Pourpre couverts ;
Cérés fait place au Dieu dont la Liqueur char◄
mante ,
Fait les plaisirs de l'Univers.
Pomone vient mêler ses fruits à la vendange ;
Tout charme l'espoir des Buveurs ;
Le Thyrre est triomphant , et le vainqueur du
Gange ,
Reçoit aussi l'encens des coeurs.
Air.
Livrons-nous à la douce
De son agréable boisson ;
yvresse ,
Elle éteint le mal qui nous presse ,
En submergeant notre raison.
Dans cette Liqueur immortelle ,
On trouve la felicité.
L'Amour est perfide , infidelle ;
Bacchus seul est la verité.
Livrons , & c,
I. Vel
Réci
DECEMBRE. 1732. 2727.
Récitatif.
Mais hélas ! l'Hyver vient ravager la Nature ,
Sur un Trône éclatant de nege et de glaçons ,
Et déja nos Forêts ont perdu leur parure ,
Par le souffle des Aquillons.
Tout tremble à son aspect terrible ;
Les seuls plaisirs n'en sont point allarmez
Plus sa rigueur devient sensible ,
Plus des Mortels ils sont aimez.
Air.
L'Hyver, quoiqu'un Dieu redoutable,
Brille à mes yeux de mille attraits ,
En ce qu'il est inséparable ,
Des Jeux , des Ris et de la Paix ;
Son regne est celui des délices ;
Chacun peut sans soins , sans travaux ;
Avoir part aux doux sacrifices ,
Qu'il exige de ses Rivaux .
L'Hyver , & c.
Le Memoire qui suit et que nous don
nons dans les mêmes termes que nous
l'avons reçû , instruira le Public de la
décision d'une grande Affaire Ecclesias
tique.
Le grand Procès touchant la Vicairie
Apostolique et l'Officialité érigée en la
I. Vol.
Villa
2728 MERCURE DE FRANCE
Ville d Antibes dans des temps de trouble
et de schisme , par les Bulles des
Papes Jean XXIII . Marin V et Eugene
IV. a enfin été jugé définitivement par
Arrêt du Conseil d'Etat du 41. Octobre
1732. rendu en faveur de M. d'Antelmi,
Evêque de Grasse ayant repris la suite
de cette affaire , qui dure depuis 150. ans.
L'Arrêt déclare qu'il y a abus dans lesdites
Bulles , et sans s'arrêter à tout ce
qui s'en est ensuivi concernant ladite
érection et le démembrement des fonctions
Episcopales des Evêques de Grasse ,
de leur Jurisdiction en ladite Ville.maintient
l'Evêque de Grasse et ses Successeurs
, dans le droit d'exercer toute Jurisdiction
Episcopale dans ladite Ville et
Territoire d'Antibes , comme auparavant
lesdites Bulles. Il y a eu sur cette Affaire
des Memoires très - curieux , imprimées ,
chez Pierre Prault et la Veuve Saugrain ,
sous le Quay de Gesures , à Paris.
L'Académie Françoise donnera le 25
du mois d'Août prochain , Fête de Saint
Louis , le Prix d'Eloquence fondé par feu
M. de Balzac , dont le Sujet sera , de la
modération dans la dispute , suivant ces
paroles de l'Ecriture Šainte , Responsio
mollis frangit iram , Froverb. ch . 15. V. I
I. Vol. Celui
DECEMBRE. 1732 2729?
Celui qui remportera ce Prix , recevra
deux Médailles d'or au lieu d'une , parce:
que l'Académie n'a point encore donné
le Prix de Prose de l'année 1731. Le même
jour elle donnera aussi le Prix de
Poësie , fondé par le feu Evêque de
Noyon , dont le Sujet sera : Le Progrès
de la Sculpture sous le Régne de Louis le
Grand.
On écrit de Bologne de la fin du mois
dernier , que la sçavante Dona Laura Catherine
Bussy , dont on a déja parlé plusieurs
fois , continue à donner de tems
en tems des marques éclatantes de son
sçavoir et de sa profonde érudition . Outre
les differentes Theses qu'elle a soutenuës
en public avec un applaudissement
general , elle répondit dernierement avec
beaucoup de solidité à diverses questions
qui lui furent faites en présence de trois.
Cardinaux , six Prélats et plusieurs autres
personnes de distinction , par huit
Professeurs en Theologie et en Philosophie
de cette Université. On dit que cette
Sçavante ira dans peu à Rome , à Florence
et à Venise pour s'entretenir avec:
les Académiciens de ces Villes.
On mande d'Italie que le sieur Schiof-
1. Vol.
fino
2720 MERCURE DE FRANCE
fino , celebre Sculpteur de Genes , avoit
fini depuis peu le grand Crucifix de marbre
et plusieurs autres Statues qu'il faisoit
pour le Roi de Portugal.
Le sieur Martin l'aîné , qu'on peut dire
avoir considerablement enrichi les
beaux Arts en Europe , en imitant et
surpassant même à beaucoup d'égards ,
les plus beaux Ouvrages en Vernis unis
et de relief , de la Chine et du Japon ,
donne avis au Public , que pour s'accommoder
au tems et aux personnes qni ne
veulent pas faire une grande dépense , il
entreprend des Lambris , Frises , Plafonds
, impressions , bronzures , peintures
ordinaires , generalement toutes sortes
de Vernis , et autres Ouvrages au prix
courant , pour décorer les Appartemens ,
d'un goût nouveau , agréable , avec figures
de relief et de diverses couleurs.
Il entreprend aussi des Carosses en beau
vernis en avanturine , &c. les fait peindre
et dorer , et garantit la dorure des
injures du tems. Le tout à un prix raisonnable.
Sa demeure est toujours grande ruë da
Fauxbourg S. Denis , chez la veuve Ri
vet , près la Grille.
1. Vol.
ARDECEMBRE
. 1732. 2731
ARRESTS NOTABLE S.
ARe
RREST du 14. Octobre , qui décharge
des droits d'enregistrement et de contrôle ,
les adjudications des Bois des Communautez Ecclesiastiques
et Laïques , Beneficiers et Gens de
Main-morte , faites en vertu d'Arrêts du Conseil
et Lettres Patentes.
AUTRE du 28. Octobre , qui permet la
sortie des grains pour l'Etranger par differens
Ports de Bretagne , en payant dix sols par tonneau
de froment ou méteil , et huit sols par
tonneau de seigle , orge , baillarge et autres menus
grains,
AUTRE du 28. Octobre , qui déboute les
Habitans des Paroisses et Communautez de Comtes
, Cauron et S. Vast en Artois , à eux joints
les Etats de ladite Province , de leurs demandes
er ordonne l'execution de l'Arrêt du 21. Février
1690. et de la Déclaration du premier Août
1721. portant Reglement pour la Régie du Tabac
, la deffense des plantations et les visites des
Employez , dans les Paroisses de l'étendue des
trois lieues de ladite Province d'Artois , limitrophes
de celle de Picardie,
AUTRE du 11. Novembre , qui ordonne
que tous les Exploits de saisies , oppositions ou
empêchiemens à la délivrance et payement des
sommes assignées et employées dans les Etats du
Roy , expedicz pour la distribution ' des deniers
des Fermes , remboursemens des avances des Fermiers
, et tous autres remboursemens , charges er
dépenses concernant la Regie desdites Fermes ,
I. Vol.
seront
2732 MERCURE DE FRANCE
seront visez et paraphez sans frais par le sieur
Gaultier , Receveur general desdites Fermes.
AUTRE du même jour qui ordonne que
Pierre Carlier et ses Cautions , cy - devant Fermiers
Generaux des Fermes- Unies , ne pourront
être assignez qu'en leur domicile à Paris , ni traduits
ailleurs qu'en la Cour des Aydes de Paris ,
pout raison des affaires des Fermes - Unies concernant
ledit Bail .
AUTRE du 22. Novembre , qui ordonne
l'execution de celui du 15. Janvier 1732. en ce
qui concerne les Factures que les Fabriquans doivent
délivrer pour chaque balle ou ballot de
draps destinez pour les Echelles du Levant.
AUTRE du 9. Décembre , enregistré en la
Cour des Monnoyes le 17. qui proroge jusqu'au
dernier Décembre 1733. le prix des anciennes
Especes & Matieres d'or et d'argent.
Le second Volume du Mercure de ce
mois est actuellement sous presse et paroîtra
incessamment.
TABLE
2521
PLes Anies Rivales , Histoire Fabuleuse, 229
Ieces Fugitives , le Travail , Ode ,
Ode sur l'Amitié , 2545
Deuxième Lettre Historique sur le Marquis de .
Rosny ,
Chansons de Mlle de Malçrais ,
2550
2562
Lettre sur la réimpression des Romans de Mile
Missive à l'Infante de Malcrais , & c.
de Scudery ,
Cantate sur la Naissance de J. C.
2567
2570
2575
Ode sur la Convalescence du Duc d'Orleans , & c.
2577
xième Lettre sur Oran ,
2581
equête en Vers au Prévôt des Marchands, 2 , 89
ettre sur l'Histoire de l'Eglise de Meaux , 2591
Mlle Malcrais de la Vigne ,
. Madame ** ›*
2593
2597
Extrait d'un Mémoire sur la vitesse des Eaux ,
&c. 2599
pitre à M. de Voltaire par Mlle de la Vigne ,
onnet ,
Enigmes , Logogryphes , &c.
2605
2613
2614
Nouvelles Litteraires des beaux Arts , &c. Mémoires
pour servir à l'Histoire des Hommes
Illustrés ,
Bibliotheque Germanique , &c.
Prix de la Societé des Arts ,
Nouvelles Estampes ,
Chansons notées ,
Spectacles ,
2618
2627
2639
2641
2647
2648
Cassius et Victorinas , Tragédie , Extrait, 2649
La Soeur Ridicule , & c. 2660
Arlequin au Parnasse , ou la Folie de Melpome- ne , &c.
2667
L'Opéra de Biblis , Extrait , 2674
Isis , Opera remis , 2683
Ode imité d'Orace , 2686
Nouvelles Etrangères , de Turquie et Perse, 2688
Allemagne et Italie ,
2689
Espagne , d'Oran , & c. 2692
Hollande et Pays- Bas , 2696
2697 Bouquet et présent de Confitures .
France , nouvelles de la Cour , de Paris, & c. 2699
Service solemnel pour les Musiciens de Paris, 2701
Bouquet à ***. 2703
Convalescence du Duc d'Orleans , Actions de
Graces , &c.
Epitalame ,
2704
2708
Moris , &c, 3710
Epigramme ;
Addition , mort de M. Tartarin , Ibid.
Extrait de Lettre de l'Auteur du Voyage de Nor
mandie
Maurigal à Mlle de Castellan ,
2714
2719
Lettre sur le Cabinet de M. Paul Lucas , 2720
Les Saisons , Cantate , 2724
Vicairies Apostoliques d'Antibes , 2727
Prix de l'Académie Françoise ,
2728
2731 Arrêts Notables ,
Erraia d'Octobre .
Achante la Palinodic , ajoûtex ,
La page 2140. ligne 14. après le Vers , je
Purgatifs , et Phlebotomie ,
Je m'étois toujours révolté ;
Mais d'une triple maladie.
Par leur secours ressuscité ;
Dans ce Vers d'Horace emprunté
Je chante la Palinodie ,
Et chez lui , &c.
&c.
Errata de Novembre.
Age 2493. 1. 23. de , lisez à. P. 2495. l. 137
Pravet,?. PABravet , l . Blavet. P. 2507. l. 16. Duvay ,
1. Durey.
Fautes à corriger dans ce Livre.
PAge
2584-
1. 1. avec , lisez avoit. P. 2591.
1. 22. 1720. l . 1620. P, 262 1. l . 27. d'Ossal ,
1. d'Ossat. P. 2648. l. d. vous , l . nous. P. 26592
1. i . pere , l . fils . P. 2662. l. 1. neuf, l . neuve.
P. 2674. 1. 19. le , l. șe.
L'Air noté doit regarder la pago 2647
MERCURE
DE FRANCE ,
DEDIE AU ROT
DECEMBRE . 1732 .
SECOND VOLUME.
COLLIGIT
SPARGIT
Fapilio
IR
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER
ruë S. Jacques.
Chez LA VEUVE PISSOT , Quay de
Conty , à la descente du Pont- Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais
M. DCC . XXXII.
Avec Approbation & Privilege du Roy.
A VIS.
'ADRESSE generale eft à
Monfieur MOREAU , Commis an
>
L
540.6
Mercure , vis - à - vis la Comedie Fran-
MSSS
goife , à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets cachetez
aux Libraires qui vendent le Mercure,
à Paris , peuventſe ſervir de cette voye
pour les faire tenir.
On prie très - inftamment , quand on adreſſe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
Jews foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non -feulement de´ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de les perdre s'ils n'en ont pas gardė
de copie.
*
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , on les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de la premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreffes à M. Moreau ,
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps , & de les faire porter fur
Pheure à la Pofte , on aux Meffageries qu'on
lui indiquera.
PRIX XXX. SOLS.
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT AV
DECEMBRE . 1732 .
SECOND VOLUME.
********************
PIECES
C
FUGITIVES ,
en Vers et en Prose.
OD E.
A LA POESIE.
'Est toi , divine Poësie ,
Qu'on entend seule dans les Cieux,
De concert avec l'Ambroisie ,
Tu donnes l'être à tous les Dieux
Apollon te tient lieu de Pere ;
Il commande qu'on te revere ,
Et qu'on t'éleve des Autels.
II. Vol. A ij Les
2734 MERCURE DE FRANCE
Les chastes filles de memoire ,
Ne cessent de chanter ta gloire ,
Et de l'inspirer aux Mortels,
Ils étoient avant te connoître ,
Errans dans le vaste Univers ;
Mais dès qu'ils te virent paroître ,
Charmez de tes accens divers ,
Ennemis de la solitude ,
Ils coururent en multitude ,
Jouir des fruits de ta beauté ;
Bien-tôt leurs rustiques aziles ,
Formerent de superbes Villes ,
Où ton nom seul fut respecté .
Quelle fut alors ta puissance ?
Tu regnois seule dans les coeurs ;
Sans effort et sans violence ,
Tout fléchissoit sous tes douceurs.
Maîtresse de toute la Terre ,
Tu sçus sans le Dieu de la guerre ,
Sur le Trône placer des Rois;
Et des fiers Lions de la Thrace ,
Adoucir la féroce audace ,
Par les seuls charmes de ta voix.
II. Vol.
DECEMBRE . 1732. 2735
On ne vit plus cet air sauvage ,
Regner parmi les Nations;
Chacun de ton divin langage ,
Faisoit ses occupations.
Jusques à la Philosophie ,
Cette fille du Ciel chérie , -
Emprunta l'éclat de tes sons;
Afin d'être sûre de plaire ,
Et de paroître moins severe
En donnant ses sages leçons.
Dans peu sur la double Colline ,
On vit monter tes Favoris ,
Soutenus de l'ardeur divine ,
Dont tu remplissois leurs esprits.
Une Couronne toute prête ,
Les attendoit au haut du faîte ,
Pour prix de leurs rares efforts ;
Les Mortels qui s'en voyoient ceindre ,
N'avoient plus desormais à craindre ,
D'augmenter le nombte des Morts.
Par ton secours le tendre Orphée ,
Jadis dans l'infernal séjour ,
Se sçut élever un Trophée ,
Dont se glorifia l'Amour.
11. Vol.
A iij Pluton
736 MERCURE DE FRANCE
1
Pluton , Némesis , les Furies ,
Suspendirent leurs barbaries ,
Et Cerbere ses hurlemens ;
Aux premiers accords de sa Lyre ,
Les plaisirs dans le sombre Empire ,
Prirent la place des tourmens.
Arion en Proye aux Corsaires ,
'Alloit voir terminer son sort :
Déja par leurs mains sanguinaires ,
Il voyoit préparer sa mort ,
Mais par la puissance infinie ,
De ton attrayante harmonie ,
Il désarma leur cruauté ;
Et força le Peuple de l'Onde ,
A quitter sa Grotte profonde ,
Pour lui rendre la liberté.
Thebes vit jadis ses murailles ,
Renaître à la voix d'Amphion.
Oui , c'est ainsi que tu travailles.
Fille pleine d'invention ;
Tu lui fis faire ce miracle ,
Sans qu'il trouvât aucun obstacle ,
Dans son projet audacieux .
Quel n'est pas ton bonheur suprême ?
11. Vol. La
DÉCEMBRE . 1732 2737
Le Dieu du Tonnerre lui-même ,
Tient de toi le Sceptre des Cieux !
Qu'un Héros gagne des batailles ,
Et renverse mille remparts ;
Que la mort et les funerailles ,
Suivent par tout ses Etendarts.
Quoiqu'en dise la Renommée ,
Cette gloire n'est que fumée ,
Le temps la met vite au tombeau ;
Son bras eût- il lancé la foudre ,
Réduit tout l'Univers en poudre ,
Cela n'est rien sans ton Pinceau ,
Le Dieu qui fit armer la Grece ,
Contre les malheureux Troyens ,
"
Le Dieu qui nous plaît , qui nous blesse ,
Le fait souvent par tes moyens.
De l'ame la plus indocile ,
Tu lui rends la route facile ,
Tu l'y fais regner en vainqueur.
Il en seroit bien moins à craindre ,
Si tu ne l'aidois à se plaindre ,
Quand on l'accable de rigueurs .
Je ne marche dans ta carriere ,
11. Vol.
En-
A iiij
2738 MERCURE DE FRANCE
Encore que d'un pas tremblant ;
De peur de heurter la barriere ,
Qui deffend d'aller en avant.
Heureux si dans cette peinture ,
Ebauche foible et sans parure ,
DeDe ce que peuvent tes attraits ,
Je pouvois avoir l'avantage ,
Que l'on reconnut ton ouvrage ,
Ou du moins quelqu'un de tes traits.
M. de S. R.
EXTRAIT des Plaidoyers prononcez
an College de Louis le Grand.
O
N continue à faire dans ce College
tous les ans avec un succès constant
des Plaidoyers François , qui pour l'ordinaire
se font sur des sujets propres à
former l'esprit et le coeur de la jeune ,
Noblesse qu'on y éleve.
Le Pere de la Sante , Jesuite , l'un des
Professeurs de Rhétorique , en fit réciter
un le 27. d'Août dernier , dont nous allons
donner l'Extrait , et dont voici le
sujet tel qu'il étoit dans le Programme
imprimé.
II. Vol. DEDECEMBRE.
1732. 2739
DELIBERATION concernant la
jeune Noblesse d'un Etat. Sujet traité
en forme de Plaidoyer François , par
les Rhétoriciens du College de LOUIS
LE GRAND.
Le jeune Casimir , Prince des plus ver
tueux qu'ait eûs la Pologne , indigné des désordres
qui commençoient à s'introduire parmi
la jeune Noblesse de sa Cour , pressa
fortement le Roy son pere de réprimer cette
licence par des Loix salutaires. Le Roy
Casimir III. surnommé le Grand , établit
pour cet effet une Commission , à la tête de
laquelle il mit le Prince son fils , avec plein
pouvoir de regler tout ce qu'il jugeroit de
plus convenable au bien public , après avoir
entendu les discours et pris les avis des Commissaires.
Casimir nomme pour la discussion de cette
importante affaire, quelques Seigneurs des plus
reglez et des mieux instruits de la conduite
des jeunes gens ; il leur ordonne de proposer.
en sa présence ce qui leur semble le plus
répréhensible , et même d'indiquer les moyens
qui leur paroissent les plus capables d'arrêter
le cours du mal ; il leur promet au
nom du Roy une place plus ou moins distinguée
dans le Conseil d'Etat , suivant
Putilité plus ou moins grande de la décou-
II. Vol
verte A v
2740 MERCURE DE FRANCE
verte qu'ils feront et de la Loy qu'ils suggereront
en cette Seance.
Le premier qui parle , porte sa plainte contre
le Luxe ou les folles dépenses.
Le second , contre le Duel on le faux
point d'honneur.
Le troisieme , contre l'oisiveté ou la faineantise.
Le quatrième , contre l'indépendance des
jeunes Seigneurs .
Chacun d'eux prétend que le desordre qu'il
releve , mérite le plus l'attention du Prince ,
et la séverité des Loix. Casimir dresse les
articles de la Loy , décide sur l'ordre qu'on
gardera dans l'execution, et regle le rang que
les quatre Commissaires tiendront dans le
Conseil d'Etat. Tel est l'objet de cette déliberation
et du jugement qui la doit suivre.
Casimir , dans un Discours Prélimi
naire , fait voir quelle doit être la vigilance
d'un Prince sur tous les Membres
d'un Etat et particulierement sur la
conduite de la jeune Noblesse , dont les
exemples sont d'une utile ou dangereuse
consequence, parce que donnant des Maîtres
au Peuple , elle doit aussi lui donner
des modelles. Il invite les Seigneurs
qui composent son Conseil à l'éclairer de
leurs lumieres dans la délibération qui
doit préceder le Reglement general.
•
II. Vol.
Ex
DECEMBRE . 1732. 2741
1
EXTRAIT DU I. DISCOURS.
Contre le Luxê.
Les Partisans du Luxe employent deux
prétextes pour colorer leurs folles dépenses
; 1. elles sont , disent -ils , néces
saires pour soutenir leur rang. 2 °. Elles
contribuent même à la gloire et à · l'utilité
de la Nation. Le jeune Orateur employe
deux veritez pour réfuter ces deux
prétextes ; 1º . le Luxe , bien loin de
mettre la jeune Noblesse en état de soutenir
son rang , ruine les esperances des
plus grandes Maisons. 2° . Le Luxe , bien
loin d'être glorieux et utile à la Nation
épuise les plus sures ressources.
Premiere Partie.
Sur quoi est fondée l'esperance d'une
grande Maison ? sur l'opulence qu'elle
possede ou qu'elle attend . Le Luxe épuise
l'une et met hors d'état d'acquerir l'autre.
Sur le mérite de ceux qui la compo
sent ? Un homme livré au luxe n'a
gueres
d'autre mérite que celui de bien arranger
un repas , et d'autre talent que
celui de se ruiner avec éclat sur les places
distinguées qu'elle peut occuper ? mais
ou ces places sont venales , et alors ces
11. Vol A vj jeunes
2742 MERCURE DE FRANCE
jeunes dissipateurs trouveront- ils de quoi
les acheter ou c'est la liberalité du Prince
qui en fait la récompense de la capacité
et de l'application d'un sujet habile et
laborieux ; sont - ils de ce caractere ? sur
les alliances honorables qu'elle peut former
? mais où les trouver ? parmi des
égaux ? qui d'entre eux voudra courir les
risques de voir des biens , le fruit de ses
sueurs , devenir la proye d'un prodigue
qui en a déja tant dissipé ... pour soutenir
une maison chancelante ; il faudra
donc la dégrader , et mêlant un sang
illustre avec celui de quelqu'une de ces
familles ennoblies par une rapide et suspecte
opulence , acheter des biens aux dépens
de l'honneur , et former des noeuds
peu sortables , qui font la honte des Nobles
et le ridicule des Riches ... Qu'estce
qui a forcé tant de familles illustres
tombées par . l'indigence dans une espece
de roture , à s'ensevelir dans le sombre
réduit d'une Campagne ignoré ? quest- ce
qui a confondu avec les fils des Artisans
les descendans de tant de Héros , dont
les mains enchaînées par la pauvreté , ne
peuvent plus manier d'autre fer que celui
des vils instrumens de leur travail ! remontons
à la source : c'est un Pere ou un
Ayeul prodigue qui a donné dans tous les
II. Vol travers
DECEMBRE . 1732 274)
travers du faste . Posterité nombreuse que
vous êtes à plaindre ! faut- il qu'un Pere
dissipateur enfante tant de miseres et désole
tant de miserables ? .. Le luxe n'est
pas moins préjudiciable à l'Etat dont il
épuise les ressources .
Seconde Partie.
Il est certaines occasions d'éclat qui au
thorisent une magnificence extraordinaire
: elle est alors légitime pour le particu
lier , et glorieuse pour la nation. Mais
que ces mêmes Seigneurs n'écoutant que
leur passion pour le luxe , dissipent en .
dépenses frivoles et le bien qu'ils ont , et
celui qu'ils doivent , et celui qu'ils esperent
; c'est un abus criminel , c'est une injustice
criante contre les droits du Prince ,
de leurs créanciers , de leurs enfans et de
la nation entiere , dont elle ruine le commerce
, et dont par- là elle épuise les res
sources.
1
,
Il est certains besoins qui obligent le
Prince à demander des secours pour la
conservation de tout le corps de l'Etat :
si les particuliers prodiguent leurs fonds ,
comment préteront- ils leur ministere au
maintien de tout ce corps ? le commerce
ne sera-t-il pas détruit, quand le marchand,
faute d'être payé, sera hors d'état de payer
11. Fok
luis
2744 MERCURE DE FRANCE
lui-même , et quand obligé de faire une
banqueroute imprévue , il fera succomber
ses correspondants sous ses ruines ,
comment pourvoira un dissipateur à l'éducation
de ses enfans , dont il risque sur
une carte la fortune et la subsistance ? les
domestiques d'un tel maître , renvoyez
sans gages après plusieurs années de services
, ne sont-ils pas réduits à la plus déplorable
mendicité... Quelle inhumanité,
que de se repaître les yeux des larmes ameres
que l'on fait verser à tant de misérables ?
Que ne trempe- t- il ses mains parricides
dans leur sang? que ne leur arrache- t il la
vie , puisqu'il les prive de toutes ses douceurs.
Ce furent ces considérations qui firent
'autrefois proscrire le luxe de toutes les Républiques
bien réglées , comme une des
principales sources du renversement des
Empires... L'Orateur conclut à réprimer
par une severité sans adoucissement une
licence qui est sans bornes ; et à faire , s'il
le faut , un malheureux pour le mettre
hors d'état d'en faire des millions d'autres.
EXTRAIT DU II. DISCOURS.
Contre le Dual.
Le duel , disent ses partisans , est une
II. Vol.
voie
DECEMBRE . 1732. 2745
voie glorieuse pour réparer l'honneur outragé
et c'est , ajoutent- ils , un moyen des
plus éficaces pour former des braves à
l'Etat. Pour détruire ces deux idées chimériques
, l'Orateur en établit deux réelles
, par lesquelles il prouve 1. que le
duel à plus de quoi deshonorer un homme
que de quoi lui faire honneur . 2 ° . Que
l'Etat y perd beaucoup plus qu'il n'y gagne.
Premiere Partie.
La premiere proposition doit paroître
aux duelistes paradoxe , on en établit la
verité sur les causes et les suites du duel .
Les unes et les autres deshonorent la raison
, et doivent le faire regarder comme
une insigne folie et comme l'opprobre de
l'humanité.
De quelles sources partent d'ordinaire
cos combats singuliers ? consultons les ac-.
teurs de ces scenes tragiques ; c'est selon
eux courage, intrépidité, grandeur d'ame.
Consultons l'expérience , c'est fureur ,
emportement , petitesse d'esprit qui ne
peut digerer une raillerie , ce sont tous les
vices qui font les lâches. Tel voudroit passer
pour un Achille , qui n'est au fond
qu'un Thersite decidé. On brave le peril
quand il est éloigné ; approche- t - il ? la pa
II. Vol. leur
2746 MERCURE DE FRANCE
leur peinte sur le visage des champions
annonce le trouble de leur esprit. Les uns
cherchent un lieu écarté, pour n'avoir aucun
témoin qui les censure , les autres
cherchent un lieu frequenté pour avoir
des amis officieux qui les separent . Les
separe- t- on ! on blâme en public comme
un mal dont on doit se plaindre , ce qu'en
secret on regarde comme un bien dont on
se felicite . A - t -on eu du dessous dans le
combat ? les glaives étoient inégaux , un
hazard imprévu a decidé la querelle & c.
D'autres vont au combat avec moins
de lâcheté y vont- ils avec moins de folie
? Quel sujet les arme
communément ?
un étranger paroît dans la ville ; il passe
pour brave , on veut être son ennemi . Il
faut du sang pour cimenter la connoissance
, et pour paroître brave devenir inhu
main . Cent autres sujets plus legers arment
cent autres combatans plus coupables
. Quelles horreurs ! deux rivaux se
font un
divertissement de ces combats
sanguinaires on en a vu autrefois s'enfer
mer dans des tonneaux où ils ne pouvoient
reculer ,et là
renouveller les scenes effrayantes
des cruels
Andabates , qui se
portoient
des coups à l'aveugle , comme pour ne pas
voir la mort qu'ils
s'entredonnoient. On en
a vu d'autres
s'embrasser avant
II. Vol.
que
de
s'égarger
DECEMBRE. 2747 1732
s'égorger , et le symbole de l'amitié devenir
le signal d'un assassinat.
Je n'attaque jamais le premier , dira quel-,
qu'un : Je vous loue; mais pourquoi vous
attaque -t- on ? que n'êtes vous plus humain
, plus poli , plus complaisant ? On
m'attaque sans raison : pourquoi accepter
le cartel ? n'est- il point d'autre voye pour
vous faire justice ? mais si je refuse , je suis
deshonoré ; ouy , si vous n'êtes scrupuleux
que sur l'article du duel... mais l'usage
le veut dites l'abys . Si vous vous trouviés
dans ces contrées barbares , où la loi de
l'honneur veut qu'on se jette dans la flamme
du bucher , sur lequel se consume le
corps mort d'un ami , croiriez - vous pouvoir
sans folie vous assujettir à une si étrange
coutume ? ... mais je compte icy donner
la mort et non pas la recevoir. Combien
d'autres l'ont reçue en comptant la,
donner ? Du moins avoués , ou que vous la
craignez , et deslors vous êtes lâche , ou
que vous la cherchez de sang froid , et
deslors vous êtes insensé , et que vous y
exposant contre les loix de la conscience
vous êtes impie.
Quant aux effets du duel, il n'y a qu'à jetter
les yeux sur ses suites infamantes .L'indignation
du Prince, la perte de la liberté,
de la noblesse, des biens , de la vie ; l'indi
II. Vol. gence
2748 MERCURE DE FRANCE
1
gence , l'inominie qu'il attire sur la posterité
du coupable , tout cela ne suffit - il
pas pour faire voir combien le duël flétric
l'honneur du Vivant et du Mort , du vainqueur
et du vaincu : mais quel tort ne faitil
pas à l'Etat ? c'est ce qui reste à examię
ner.
Seconde Partie.
Prétendre que le duel forme des Braves
à l'Etat , c'est ne pas avoir une juste idée
de la veritable bravoure . Elle consiste dans
un courage intrépide animé par le devoir ,
soutenu par la justice , armé par le zele
pour la deffense de la Patrie. La valeur
des Duelistes a- t'elle ces caracteres ? Au
lieu de produire dans l'ame cette fermeté
tranquille qu'inspire la bonté du parti
pour lequel on combat , elle n'y enfante
que le trouble et ces violens transports
qui suivent toujours les grands crimes. Au
lieu d'allumer dans le coeur et dans les
yeux ce beau feu qui fait reconnoître les
Heros , elle répand sur le visage une sombre
fureur qui caracterise les assassins.
Le Duel est une espece d'image de la
Guerre civile ; le nombre des combattans
en fait presque l'unique difference. Il est
moindre dans le Duel , mais le péril n'en
est que plus certain. Ignorent ils donc
II. Vol. qu'ils
DECEMBRE . 1732. 2749
qu'ils doivent leur sang au service du
Prince ? Leur est - il permis d'en disposer
au gré de leur haine ? et tourner leurs armes
contre les Citoyens , n'est- ce pas les
tourner contre le sein de la Patrie , leur
Mere commune.
En vain veulent - ils s'authoriser pat
l'exemple des anciens Heros . Leurs combats
singuliers n'étoient rien moins que
des Duels , puisqu'ils ne s'agissoit point
entr'eux de vanger des injures particu
lieres , mais d'épargner pour l'interêt de
la Patrie le sang de la multitude. Tel fut
le combat des trois Horaces , et des trois
Curiaces . Les Romains qui lui ont donné
de si justes éloges , étoient les ennemis
les plus déclarez du Duel. On sçait combien
l'ancienne Rome cherissoit le
sang
de ses Citoyens : de là ces Couronnes civiques
pour quiconque avoit sauvé la vie
à un de ses Enfans : de là ces peines décer
nées contre tout Citoyen convaincu d'en
avoir appellé un autre dans la lice sanglan
te ; on cessoit dès- lors d'être Citoyen , et
la profession de Dueliste conduisoit au
rang d'esclave gladiateur.
Les Maures dans un siecle plus barbare
avoient conçû une telle horreur pour ces
sortes de combats , qu'ils ne les permettoient
qu'aux valets chargés du bagage de
II. Vol.
TA
2750 MERCURE DE FRANCE
l'Armée quel modele pour nos Duelistes
?
C'est donc ce monstre qu'il faut exterminer
de la Pologne par une loy aussi sevère
dans son exécution qu'immuable
dans sa durée . Punir certains crimes , c'est
prévenir la tentation de les commettre.
Une punition sévere dispense d'une punition
fréquente . Après tout , le plus sûr
moyen d'abolir le duel dépend des parti
culiers. Qu'ils écoutent la raison aidée de
l'honneur et de la foi ; qu'ils soient hommes
et Chrétiens , et ils cesseront d'être
Duelistes.
EXTRAIT DU III. DISCOURS.
Contre Poisiveté.
L'Oisiveté fait trop d'heureux en idée
pour ne point avoir de Partisans. Que ne
doit pas craindre l'Etat d'un vice qui est
la source de tous les autres. Plus elle a
d'attraits qui la rendent dangereuse , plus
on doit empêcher qu'elle ne devienne
commune ; pour mieux connoître ce qu'on
doit en penser , il faut voir ce qu'on en
peut craindre. 10. Un homme oisif est un
citoyen inutile à la République . 20. il ne
peut lui être inutile sans devenir bien- tôt
pernicieux.
II. Vol. PreDECEMBRE.
1732 2751
Premiere Partie.
Je ne suis , dit un oisif , coupable d'au
eun vice qui me deshonore : je le veux ,
pourroit- on lui répondre ; mais votre fainéantise
ne vous rend- elle pas capable de
tous les vices ? Vous n'entrés dans aucune
Societé mauvaise ; à la bonne heure : mais
quel rang tenez- vous dans la Societé humaine
? Vous n'êtes point un méchant
homme , soit ; mais êtes vous un homme !
Membres d'une même famille, Sujets d'un
même Roi , Parties d'une même Societé
nous avons des devoirs à remplir à leur
égard un oisif peut il s'en acquit
ter ?
-
Comment veut-on qu'un jeune effeminé
, toujours occupé à ne rien faire , ou
à faire des riens , soutienne le crédit de sa
famille pourra- t'il acquerir de la réputa
tion dans un Etat ? elle est le prix du
travail ; rendre des services aux amis attachez
à sa maison ? il n'interromproit pas
son repos pour ses interêts , le sacrifierat'il
aux interêts d'autrui ? Eterniser les
vertus de ses peres , et le souvenir de leurs
travaux il faudroit une noble émulation
, la mollesse en a éteint le feu dans
son coeur sa famille se flattoit qu'il se-
II. Vol. roit
#752 MERCURE DE FRANCE
roit son appui : à peine sçait- il qu'il en est
membre.
Est-il plus utile à la Société civile ? la
Noblesse doit être comme l'ame de tout
ce corps de citoyens : le goût d'un Seigneur
qui gouverneune Province en donne
à tous ceux qui l'habitent : les Sciences
, les beaux Arts , tout s'anime à sa
vûë , tout prend une forme riante : à sa
place substituer un homme oisif; quel
changement ! tout languit , tout s'endort
avec lui ; non- seulement il ne fait aucun
bien , mais il rend inutile le bien qu'on
avoit fait .
Que peuvent attendre le Prince et l'Etat
, d'un homme qui se regarde comme
l'unique centre où doivent aboutir tous
ses sentimens , et toutes ses pensées ? quel
poste important lui confiera-t'on ? Sçaura-
'il remettre ou entretenir dans une Province
le bon ordre , prévoir et réprimer
les maux que l'on craint ? quel embarras!
il ne craint d'autre mal que le sacrifice
de son repos . Chargera t'on ses foibles
mains de cette balance redoutable , qui
pese les interêts des hommes ? quel fardeau
! il faut s'en décharger dans une
main étrangere aux dépens de son honneur
et de nos fortunes . Lui confiera - t'on la
conduite des armées ? quel tumulte ! La
II. Vol. Guerre
DECEMBRE. 1732. 2753
Guerre s'accommoda - t'elle jamais avec la
mollesse ? Ainsi l'oisif devient tout à la
fois la honte de sa famille qu'il dégrade ,
de la Societé qu'il deshonore , de l'Etat
qu'il trahit ; mais son portrait n'est enco
re qu'ébauché , il ne peut être citoyen
inutile sans devenir citoyen pernis
cieux.
2
Seconde Partie.
Dès que le poison de l'oisiveté s'est glisa
sé dans un jeune coeur , il en glace toute
l'ardeur , il dérange tous ses ressorts , il
arrête tous ses mouvemens vers le bien ,
il en fait le theatre de ses passions et le
jouer des passions d'autrui. C'est par là
que l'oisiveté devient funeste aux jeunes
Seigneurs , et ne les rend presque jamais
inutiles qu'elle ne les rende en même
tems pernicieux à l'Etat.
Se refuser au bien , c'est presque toujours
se livrer au mal . Qu'une Maison , où
ces Heros de la mollesse trouvent accès ,
est à plaindre que de vices , un seul vice
n'y fera t'il pas entrer ! ces discours ne feront-
ils point baisser les yeux à la sago
Retenue , à la timide Pudeur ? La Tem
pérance et la Sobrieté seront-elles respectées
dans ses repas ? mais surtout , que no
>
II. Vol. doia
754 MERCURE DE FRANCE
doit pas craindre la République en général
?
Semblables à ces Insectes odieux , qui
ne subsistent qu'aux dépens de la république
laborieuse des Abeilles , et la troublent
sans cesse dans ses travaux utiles ,
ils vivent délicieusement dans le sein et
aux frais de la Patrie , et se servent souvent
de leur aiguillon contre elle. Ils boivent
les sueurs des citoyens laborieux , et
s'enyvrent quelquefois de leur sang.
Ce qui doit armer le plus les loix contre
l'Oisiveté , c'est qu'elle réunit ce que
les trois autres vices qui entrent en concurrence
avec elle ont de plus odieux . Un
jeune oisif qui confie le soin de sa maison
à un perfide Intendant dont il n'exige
presque aucun compte , ne perd- il pas
souvent plus de biens par sa négligence ,
que le prodigue n'en dissipe par son luxe
? Ne le verra- t- on pas secoüer bien -tôt
le joug de la contrainte qui gêne son humeur
, et voulant donner à tous la loy ,
ne la recevoir que de son caprice ? L'amour
des oisifs pour la vie douce est un
préservatif contre la tentation du duel ;
mais la seule idée que l'on a conçue de
leur peu de courage , n'engagera-t'elle pas
de jeunes Duelistes à les attaquer , ne fut
II . Vol. ce
DECEMBRE. 1732 2755
ce que pour se faire une réputation aux
dépens de la leur.
L'Orateur conclut à bannir de toutes
charges ceux qui seront convaincus de ce
vice , et à les noter par quelque punition
qui caracterise leur défaut.
EXTRAIT DU IV . DISCOURS.
Contre l'Indépendance.
L'ame du bon gouvernement c'est le
bon ordre ; le bon ordre ne subsiste que
par la subordination . L'Indépendance en
sappe tous les fondemens ; quand elle se
trouve dans les jeunes Seigneurs , 1º elle
les accoûtume à braver l'autorité ; 20 elle :
les porte à prétendre même au droit d'im
punité.
Premiere Partie.
Pour connoître le danger de l'indépen
dance , il faut voir comment elle se forme
dans la jeune Noblesse , et jusqu'où elle
peut étendre ses progrès contre l'autorité
légitime . La naissance et l'éducation , voilà
ses sources. Comment éleve- t'on les jeunes
Seigneurs ? L'or sous lequel ils rampent
dans l'enfance éblouiit leurs yeux ; le
faste qui les environne enfle leur esprit ;
les plaisirs qu'on leur procure corrom
11. Vol. B pent
2756 MERCURE DE FRANCE
pent leur coeur : mollesse d'éducation qui
fait les délices de l'enfance , et prépar
les révoltes de la jeunesse.
,
La raison est à peine éclose , qu'ils ferment
les yeux à sa lumiere , et les oreilles
à sa voix. Les Maîtres veulent- ils les rap
peller aux devoirs? les flatteurs les en écaret
leur apprennent qu'ils sont plus
nés pour commander que pour obéïr ; à
force de donner la loy , on s'habituë à ne la
plus recevoir. Veut-on s'opposer au mal,
er les confier à des Maîtres plus amis du
devoir que de la fortune ? ils ne plient
que pour se redresser bien- tôt avec plus
de force dès qu'ils en auront la li
berté.
Quel bonheur pour un jeune Indépen
dant , s'il a auprès de lui un Mentor qui
craignant beaucoup moins pour la vie
que pour l'innocence de son Telemaque ,
aime mieux se précipiter avec lui du haut
d'un affreux Rocher , que de le voir se
précipiter dans l'abîme du vice ! Mais
trouve- t'on beaucoup de Gouverneurs de
ce caractere ? Combien flattent leur Eleve
dans ses desirs , se mettent de moitié
avec lui pour ses plaisirs ; et devant être
ses maîtres , deviennent ses esclaves ! détestable
éducation qui d'un indépendant
fait quelquefois un scelerat.
a
II. Vol.
L'In
DECEMBRE. 8732: 2757
>
L'Indépendance conduit à la révolte ;
Eleve intraitable devient fils rebelle ;
mbien en a-t'on vû braver l'autorité
ternelle , outrager la Nature , et d'in
pendans qu'ils étoient , n'avoir besoin
ie de changer de nom pour devenir déturés
? Mauvais fils sera -t'il bon sujet >
"ut-on s'en flatter surtout dans un
oyaume électif, où l'on est quelquefois
nté , de faire avec audace , ce qu'on croit
ouvoir faire avec avantage ?
La plus florissante République de la
rre , Rome la maîtresse du monde
pres
u'entier , se vit sur le point d'être saccaée
et réduite en cendres. Qui alluma
incendie ? une cabale de jeunes factieux ,
onduits par Catilina et possedés du
émon de l'indépendance. Que de sang
e fallut-il pas répandre pour éteindre ce
eu ? Autorité domestique et publique ,
pix divines et humaines , tout est sacrifié
l'impérieux désir de se rendre indépen
Fant, La loi violée s'arme - t'elle du glaive
Four vanger ces attentats ? Après avoir
ravé ses réglemens , ils bravent ses menaet
s'arrogent le droit d'impunité. ›
Seconde Partie.
Si l'on en croit les jeunes Seigneurs inépendans
, leur jeunesse et leur condi-
II. Vol Bij tion
2758 MERCURE DE FRANC
tion les mettent à couvert des loix et
la punition qu'elles prescrivent.
P La jeunesse est l'âge où le feu des
sions s'allume ; c'est donc aussi le tem
où l'on doit s'appliquer à l'éteindre . Fas
il attendre que l'incendie ait pris des fo
ces et se soit communiqué ? trop de se
rité , il est vrai , révolte et fait hair!
devoir , mais trop d'indulgence enhard
et fait violer la loi,
La Noblesse est l'état où les exempl:
sont plus contagieux ; mais c'est dor
aussi l'etat où les punitions sont pl
nécessaires . Les sujets d'un moindre ét
ge regardent ces jeunes Seigneurs autant
comme leurs modéles que comme leur
maîtres . Un coupable de la sorte impuni
fait un million de coupables dans l'esp
rance de l'impunité .
Aussi Rome et Sparte punissoient - elles
séverement l'indépendance et le mépris
des loix dans les jeunes gens de qualité.
Deux Chevaliers Romains furent autrefois
dégradés de leur ordre , et mis au
rang des Plebeïens , pour n'avoir pas as
sez promptement obéï à un Proconsul
Un peu de roture parut alors un excellent
remède contre le vertige de l'indépen
dance. Comme l'élévation du rang produit
les fumées de l'orgueil , l'humilia
tion les dissipe
DECEMBRE. 1732. 275%
EXTRAIT DU V. DISCOURS.
Fait par le Prince après les Plaidoyers:
Casimir après avoir entendu les discours
les Parties , fait sentir le fort et le foible
les raisons alleguées , et en ajoute pluieurs
nouvelles dont le détail seroit long.
Il établit pour principe que le premier
desordre contre lequel doive sévir le Législateur
, est celui qui porte un plus
grand préjudice au plus grand nombre des
sujets ; c'est- à- dire , celui qui est le plus
considérable en lui-même et le plus étendu
dans ses suites. Sur ce principe il éxamine
les quatres desordres proposez , et les balance
long- tems par une infinité de preuyes
que nous sommes fâchez d'omettre
mais que ne nous permet pas la brièveté
que nous nous sommes prescrite dans les
extraits. Il résulte de cet examen que les
jeunes Seigneurs independans sont les
plus coupables , sur tout parce qu'ils violent
la loi fondamentale de l'ordre politique
, c'est-à-dire l'obéïssance et la soumission
: et nous pouvons , dit le Juge , esperer
de mettre un frein à l'amour des folles
dépenses , à la manie du faux point-d'honneur
, à l'indolence et à l'oisiveté des faimeans
par de bons et salutaires Edits : mais
II. Vol. Biij pour
2760 MERCURE DE FRANC
pour l'indépendant , si son caprice le por
te à être dissipateur , dueliste , et ind
lent de profession , en vertu de son syste
me et de ses principes d'indépendance ,
se maintiendra en possession de ces tro
desordres , et ses maximes favorites now
répondent par avance qu'il comptera pow
rien la loi que nous allons porter contr
lui et contre ses consorts.Portons-la cepen
dant cette loi , &c.
Là- dessus le Prince prononce ,1 contre
l'Indépendance , 2 ° contre l'Oisiveté , 3 '.
contre le Duel , 4º contre le Luxe , et il
rend raison de l'ordre qu'il observe en ce
Jugement. Ensuite il porte differentes loix
qu'il croit les plus propres à remedier à
chaque desordre , et telles à peu près qu'Athenes
en porta contre l'Indépendance ,
Lacedemone contre l'Oisiveté Rome
contre le Luxe , et la France avec une partie
de l'Europe contre le Duel.
و
Enfin M. d'Aligre qui avoit été compli
menté par M. le Pelletier de Rosambo sur
la noblesse et la dignité avec laquelle il
avoit présidé à ce Jugement , le felicita à
son tour de la finesse et de la délicatesse
d'esprit qui avoit éclaté dans son discours ;
il fit aussi compliment à M. de Bussy sur
son éloquence et sur son talent à parler
en public ; à M. Petit, sur son beau feu
II. Vol. d'imaginaDECEMBRE.
1732: 2761
d'imagination ; à M. de Verac sur l'élegance
de son Plaidoyer et les graces de sa prononciation
. L'illustre Assemblée souscrivit
sans peine à la justice de ces éloges.
EPITRE à M. de Voltaire , par M. Cle
ment , Conseiller du Roi , Receveur des
Tailles de Dreux.
DEE tes talens admirateur sincere ,
Je t'adresse , illustre Voltaire ,
Ce foible essai que j'ai construit .
Loin des Curieux et du bruit
Si ma Muse ici pour te plaire
Fait par hazard des efforts superflus ,
Ton silence bien - tôt m'apprenant à me taire ,
De mes deffauts me corrigera plus
Que ne seroit le sifflet du Partere.
D'où vient donc ce transport nouveau ?
Les Provinciaux , vas tu dire ,
Connoissent-ils le charme de ma Lire !
Qui ; Voltaire , ici le vrai beau
Sur les coeurs maintient son empire ,
Et , comme à Paris , l'on sçait rire
Des vains efforts d'un débile cerveau.
Jadis , en ce lieu les Druides ,
II. Vol. Bij Fai2762
MERCURE DE FRANCE
Faisoient sous leurs mains homicides ,
Gémir les crédules humains ;
Tu sçais qu'arbitres des destins ,
Aux Mortels simples , sans science ,
Ils faisoient respecter leur trompeuse igno
rance ;
•
Nous vivons sous un autre tems ;
De ces beaux lieux les doctes habitans ,
Desabusés du faux , du ridicule ,
Ont sçû bannir préjugés et scrupule
'Amour du vrai charme ici les esprits
De toi sans cesse en relit les écrits ,
Et ta Henriade immortelle ,
Par des traits touchans , enchanteurs
De la ligue et de ses fureurs
Nous rend la peinture si belle ,
Que nous cherissons les malheurs
Qui de ta muse ont excité le zele.
Charles , Brutus , Edipe , enfans de ton loisir ,
Nous offrent tour à tour un différent plaisir.
De tes Vers la douce harmonic
Tient surtout mon ame ravie ,
Que ne puis-je avec dignité ,
Te peindre ici ma sensibilité !
Et t'exprimer avec ton énergie
A quel point tu m'as enchanté !
Vains efforts , je sens ma foiblesse ,
Et tout mon feu n'est qu'une yvresse ,
!
II. Vol. Dont
DECEMBRE. 1732. 2763
Dont tu ris peut- être à présent.
Reçois du moins ce badinage ,
D'un oeil moderé , complaisant ;
Si Malcrais sçût plus dignement
T'offrir de son pays le fastueux hommage ,
Qu'il te souvienne seulement ,
Qu'inferieurs à son ouvrage ,
Nous l'égalons en sentiment.
Réponse de M. de Voltaire .
Les Vers aimables que vous avez bien
voulu m'envoyer , Monsieur , sont la récompense
la plus flatteuse que j'aye jamais reçûe
de mes Ouvrages. Vous faites si bien mon
métier que je n'ose plus m'en mêler après
vous , et que je me réduis à vous remercier en
simple prose de l'honneur et du plaisir que
vous m'avezfait en Vers. Je n'ai reçû que.
fort tard votre charmante Lettre , et une fievre
qui m'est survenue , et dont je ne suis
pas encore guéri , m'a privé jusqu'à présent
du plaisir de vous répondre. On avoit commencé
il y a quelque- tems , Monsieur , une
Edition de quelques-uns de mes Ouvrages ,
qui a été suspenduë. J'ai l'honneur de vous
l'envoyer toute imparfaite qu'elle est , je vous
prie de la recevoir comme un témoignage de
ma reconnoissance et de l'envie que j'ai de
meriter votre suffrage. Il est beau à vous ,
11. Vol.
By Mon
2764 MERCURE DE FRANCE
1
sieur , de joindre aux calculs de Plutus
l'harmonie d'Apollon . Je vous exhorte à
réunir toujours ces deux Divinitez , elles ont
besoin l'une de l'autre.
Omne tulit punctum qui miscuit utile dulci .
J'ai l'honneur d'être avec beaucoup
d'estime , & c.
XX :XXXXXXXX:XXXXX
LES Changemens divers dans la Nature,
sur la Naissance du Messie .
CANTIQUE pour la Fête des Rois ,
sur l'Air : Au bord d'une Onde fugitive.
Helas ! quelle clarté nouvelle ?
Quel Astre brille dans les Cieux ?
Jamais la nuit ne fut si belle ;
Les Zéphirs regnent en ces lieux.
Flore revient ! Ah quels présages !
Tout rit , tout plaît dans nos Forêts ;
Les Oiseaux ; par leurs doux ramages
Font gouter des plaisirs parfaits .
Déja l'impatiente Aurore ,
Dore nos Champs et nos Côteaux ;
II. Vol.
No
DECEMBRE . 1732. 2765°
Nos Prez reverdissent encore ,
Et les fleurs naissent près des eaux.
Un Dieu fait sentir sa présence ;
Tout enchante dans ces Deserts ;
Les vents redoutent sa puissance ,
Tout a changé dans l'Univers.
Quel bruit de Clairons , de Trompettes.
Se mêle aux doux sons des Hautbois?
Qui regne ici dans ces retraites , ?
Les Bergers sont parmi les Rois.
O ciel que vois -je ? quelle Etoile ?
Conduit les Mages dans ce lieu ?
La nuît se cache avec son voile
Pour laisser voir un Homme-Dieu.
Mes yeux découvrent l'invisible ,
L'Etre premier s'ancantit ;
Je comprends l'incompréhensible ;
Le Verbe Dieu s'assujettit.
Egal à son Pere en puissance ,
Il est de toute Eternité ,
Son Verbe , son Fils , sa substance ,
Sans alterer son unité……
>
11. Vol.
Une
B vj
2766 MERCURE DE FRANCE
Une fille, vierge féconde ,
Augmente sa virginité ,
En enfantant l'Auteur du Monde ,
Sans blesser son integrité .
Du Ciel , de la Terre et de l'Onde
Je vois ici le Souverain ;
Grand Dieu ! que fais-je qui réponde ,
Au feu de votre amour divin ?
Sauveur , pour nous fermer l'abîme ;
Vous avez pris un Corps mortel ;
Si votre coeur sert de victime ,
C'est pour rendre l'homme immortel .
Contre l'orgueil ce Sauveur prêche ;
Mondain , range - toi sous ses Loix ,
l'adorer dans sa Crêche ,
Viens pour
Comme font ces trois puissants Rois,
Ils offrent l'Or à sa Puissance ;
La Myrhe à son humanité ;
Et pour son origine immense ,
L'Encens à sa Divinité.
Venez , Monarques de la Terre ,
Princes contrits , ne craignez pas ;
II Vol
DECEMBRE. 1732. 2767
Il est desarmé du Tonnerre ,
Hâtez-vous , il vous.tend les bras.
Laisse , Mondaine , ta Toilette ,
Dieu connoît les passevolants ;
Porte-lui ton ame bien nette ,
1
C'est-là son Or et son Encens.
hhhhh
REPONSE de Madame Meheult à la
Lettre insérée dans le Mercure du mois
d'Octobre dernier , page 2149. au sujet de
son Histoire d'Emilie , ou des Amours dé
Mile de ....
L
A Lettre que vous avez fait paroître ,
Monsieur,dans le Mercure , ne comble
de tant de gloire , que je ne puis sans
ingratitude me dispenser de vous en marquer
publiquement ma reconnoissance
d'ailleurs la Critique qui succede aux Eloges
me demande une réponse , le silence
dans ces occasions peut être regardé comme
un aveu tacite de sa défaite , un pareil
soupçon me seroit trop injurieux. Une y llet
Femme doit sçavoir se d . ffendre , la ré- Jeune et Jolies
sistance est pour elle une vertu essentielle . Sunaquey has
Dès que l'on est informé , dites- vous , Virta de
II. Vol que resistaner
Ey
Fordipropos.
2763 MERCURE DE FRANCE
que l'amour d'Emilie pour M. de Saint
Hilaire n'est qu'une feinte , l'esprit n'a
plus rien qui l'occupe , et ce vuide est
rempli par de longues conversations qui
ennuyent extrêmement le Lecteur.
Ce sentiment n'est pas assûrement géne
ral , ces longs entretiens ont eu le suffragees
Maîtres dans l'Art d'écrire , mais
chacun a sa façon de penser , et il me sieroit
mal d'en parler davantage .
Les amours de mon Héroïne et du Comte
viennent subitement , ils se plaignent
sans cesse , lors que rien ne semble les
traverser.
La personne qui fait cette objection n'a
jamais aimé véritablement , les allarmes
sont le
partage
des amans , mais l'experience
seule peut prouver ce que je dis.
On m'accuse aussi d'avoir fait mourir
mes Acteurs sans aucune utilité.
Ce raisonnement est si frivole qu'il ne
mérite pas la peine d'être relevé. Je n'ai
cherché dans mon Ouvrage qu'à rendre
les ayantures vrai -semblables : former une
fiction et vouloir éviter le Romanesque ,
est une entreprise assez difficile . Il faut
puiser dans les sentimens , et chercher des
incidens ordinaires. Rien ne l'estplus que
la mort ; la dou! ur que cause un si triste
moment nous touche , nous émeut et nous
11. Vol. arrache
DECEMBRE. 1732 2769
atrache des larmes , d'autant plus volon
tiers que nous sommes tous les jours exposez
à la même peine.
Enfin on me reproche que je ne devois
pas me servir des exemples odieux de Julie
, de Messaline et de Marguerite de Valois
que de semblables portraits ne conviennent
pas dans la bouche d'une Mere.
:
Si l'on me condamne , il faut auparavant
proscrire les Livres qui sont entre
les mains de tout le monde . Pour moi
je n'avois pas 14. ans , que je sçavois l'Histoire
Romaine par coeur . Hé ! qu'auroit
citer Mad. de Reville ? des Elus sancpu
tifiez dès le berceau ? Flore donnoit dans
des foiblesses , et l'application n'eut pas
été juste. Des conversions ? elles sont toujours
précedées du vice , ainsi j'aurois tom .
bé infailliblement dans le même deffaut.
Emilie après son escapade devroit être
plus humble , et refuser sa main à M. de
S. Hilaire pour l'unique motif qu'elle ne
se croit plus digne de lui . C'est penser
trop sagement ; j'eusse mal soutenu
le caractere de mon Héroïne. Une coquette
des plus étourdies ne devient pas
-si- tôt raisonnable.
•
Je ne sçai , Monsieur , si vous trouverez
cette replique suffisante , je suis un
foible Athlete , et si j'ose entrer en lice
II.Yoh avec
2770 MERCURE DE FRANCE
avec vous , c'est moins pour remporter le
prix , que pour vous assurer que je serai
toute ma vie , Monsieur , votre & c .
Brucelle Meheust.
EPITRE ,
A M. l'Abbé Plomet , sur ses Noëls.
Sage Plomet ,dont la plume rapide ,
Juste et sçavante en ses productions
Fut souvent le fidelle guide ,
De nos timides Amphions ,
Reçois avec bonté ces Essais de ma Lyre ;
Eile t'en doit les premiers fruits ,
Puisqu'elle a pris dans tes Ecrits ,
L'entousiasme qui l'inspire.
On t'a vû penetré d'une divine ardeur ,
Du Sauveur des Humains celebrer la Naissance ;
Par tes charmans accords le coupable Pécheur
Sentoit renaître dans son coeur
D'un heureux avenir , la flateuse esperance.
Aux approches de ce grand jour ,
Le Public révéroit dans son impatience ,
Ces marques de ton saint amour ,
Et les chantoit avec reconnoissance :
II. Vol. Mais
DECEMBRE. 1732. 2773
Mais hélas ! il n'a plus cet innocent plaisir ;
II le demande en vain , Plomet le lui refuse
Tes amis seuls , reçus dans ton pieux loisir,
Partagent avec toi les efforts de ta Muse.
Des saints Lauriers que ta main a cueillis ,
Le Public te doit un hommage ;
Mais ces talens qui furent ton partage ,
Te furent-ils donnez , pour être ensevelis ?
Quoi ! craindrois-tu les Critiques cruelles ,
D'un Censeur étourdi ?
Tes Noëls précedens sont tes garants fidelles,
Rime , Plomet, tu seras applaudi.
La pâle jalousie et la haine barbare ,
Voudront semer en vain leurs ennuyeux discours
Le Languedoc charmé , t'admirera toûjours ,
Et la gloire qu'il te prépare ,
Vaut bien le danger que tu cours.
Des honneurs qu'on te doit , sage dispensatrice
L'équitable Posterité ,
Sçaura mieux te rendre justice ,
Et l'on verra la verité ,
Terrasser la noire malice.
Corneille ( dira- t'on ) La Fontaine , Rousseau ,
Despreaux , Racine , Moliere ,
Paroissant animez d'un feu toûjours nouveau ,
Scurent chacun à leur maniere ,
Parcourir sans égaux leur brillante carriere ;
11. Vol.
Heureux
2772 MERCURE DE FRANCE
Heureux de partager entr'eux un don si beau.
Couverts d'une éternelle gloire ,
Leurs noms chéris deviendront immortels ;
Mais parmi les Sçavans que nous vante l'Histoire,
Plomet s'est distingué par ses pieux Noëls.
L'Abbé Cros , de Montpellier.
REFLEXIONS
Sur l'Amour.
E desir d'être aimé est un des plus
grands effets de l'aveuglement des
homes. C'est la ruine des esprits , la
corruption des moeurs , la perte de la liberté
, l'obsession des hommes et le plus
grand de tous les maux ; cependant la
misere humaine nous persuade que c'est
le comble de la felicité.
Tout ce qui a rapport à l'objet aimé
est beau , parfait , admirable : Allucinatur
quisquis amat in eo quod amat. Plutarque.
Ceux qui sont aimez , adoptent les erreurs
et les prennent pour des témoigna
ges des veritez les plus constantes ; ils
II. Vol. croyent
DECEMBRE. 1732. 2773
eroyent ne pouvoir errer. Cela n'est pas
surprenant , car ceux qui nous aiment ne
sçauroient nous faire ouvrir les yeux , et
c'est une grande pitié de ne pouvoir être
repris ni corrigez que par ceux qui ne
sçauroient ni nous reprendre ni nous cor.
riger. Hoc impedit quod nimis nobis pla
cemus. Seneque.
C'est le propre de l'Amour malheureux
de s'abandonner à des soupçons et à des
craintes indignes qu'il condamne lui- même,
et qui , en le persecutant , ne laissent
pas de l'engager dans des démarches souvent
suivies d'un long repentir.
Les craintes de l'amour , disposent toujours
à une confiance flateuse , qui fait
croire avec plaisir ce qui justifie la
sonne qu'on aime.
per-
Quand on mérite d'être aimé , on se
flate toûjours de l'être , et presque toujours
plus qu'on ne l'est en effet .
Plus on aime tard et plus fortement
on aime. •
Urit amor gravius , quò seriùs urimur intus. Ovide
Sape venit magnofoenore tardus amor.
II. Vol. On
2774 MERCURE
DE FRANCE
On ne doit jamais se picquer d'être
le martyr de la vanité ou du caprice
d'une Belle . On doit cesser d'aimer
aussi -tôt qu'on cesse d'être bien traité ;
car pourquoi vouloir malgré la Loi na
turelle , se faire un tourment de ce qu'el
le a donné à l'homme comme un plaisir ?
nous devons cependant plaindre ceux
que l'erreur commune engage dans d'autres
sentimens et qui sont les victimes
de leur propre aveuglement.
Amore si finge fanciullo per signifi
car che per placarsi pretende doni : si
finge però anco cieco , per lasciarsi rapire
quanto possiede.
Il n'est point de forme sous laquelle
l'Amour ne se déguise pour s'insinuer
dans un coeur , jusqu'à prendre celle do
la raison et de la vertu .
Un amour extrême est capable de faire
dire tout ce qu'on ne pense pas , quand on
croit se pouvoir procurer ce qu'on desire.
L'amour est une contagion qui se communique
presque toûjours par la fréquentation
de ceux qui sont susceptibles de
cette passion .
II Vol. Ceux
DECEMBRE. 1732. 2775.
Ceux qui n'aiment pas , ont rarement
de grandes joyes ; ceux qui aiment , ont
souvent de grandes tristesses .
Parmi les Amans la haine n'est bien
souvent qu'un amour déguisé mais
l'indifference est une veritable preuve
d'un amour éteint.
Amantes amoris nebulis obcacati falsa
pro veris accipiunt.
Plus l'amour est contraint , plus il est
ardent. Per vincula cresco.
On s'estimeroit heureux en amour , si
ce qui manque à notre félicité ne faisoit
celle de personne ,
L'amour devient un plaisir bien froid,
s'il n'est attisé par la difficulté.
Quand un coeur tendre est assez irrité
pour devenir cruel , il passe d'un extrémité
à l'autre , et la mesure de sa tendres-"
se naturelle , devient celle de sa cruauté,
L'amour est plus dangereux et plus
outré aux vieillards qu'aux jeunes gens.
L'autunno del' età fassi ad un core ,
Tutt'amor.tutt'angoscia, è tutto ardore. Sperauza.
JI. Vol.
La
2776 MERCURE DE FRANCE
La vertu est une perfection de l'ame ;
l'amour est une imperfection , en ce qu'il
fait aimer en autrui ce qui nous manque
en nous-mêmes.
*
La crédulité, naturelle à l'amour , laisse
farement la raison agir avec toutes ses
lumieres dans l'esprit d'un Amant ; elle
fait trouver possible les choses les plus
étranges , lorsqu'elles s'accordent avec ce
qu'on souhaite.
Laura dell'amore e un'esalatione pesa
tifera , che ci offusca la ragione.
: L'amour vous attaque inutilement , si
Vous vous occupez par le travail et l'application
: Otia si tollas , perere cupidinis
arcus.
Il n'est pas sûr
que l'amour fondé sur
la beauté , dure autant qu'elle ; mais il
est indubitable qu'il meurt avec elle .
Le bon homme Brantome , dit agréa
blement que qui veut être aimé sans aimer
, ressemble à celui qui veut allumer
son flambeau avec une torche éteinte.
Qui aime est plus heureux que qui
II. Vol. est
DECEMBR E. 1732. 27-7
est aimé. Cependant il est plus noble et
il devroit nous être plus agréable d'être
servis , que de servir.
Celui qui a de la haine est plus bla
mable que celui qui est haï . Or celui qui
aime doit l'emporter sur celui qui est aimé,
car celui qui oblige, est plus genereux que
celui qui est obligé. L'amour de l'Amant
fait la reconnoissance de la personne
aimée , comme plus parfait et plus
digne. Les choses inanimées peuvent être
aimées , mais elles ne sçauroient jamais
aimer. Cognosci enim et amari etiam in carentibus
anima existit at cognoscere et
amore rebus animatis. Arist . Melius est
amare quam amari . id . Divinior est amator,
quàm amatus , est enim numinis afflatu persitus.
Plat.
Les Italiens disent proverbialement :
Amore , subito nato morire , se non e nodrito,
dalla speranza.
C'est une grande question de sçavoir
si on a plus de mérite auprès d'une Maîtresse
, en lui
en lui marquant beaucoup d'empressement
, qu'en ne lui en témoignant
que peu.
Chi e amato perde la liberta , perche
II. Vol.
£778 MERCURE DE FRANCE
e obligato a suo dispetto ad amare chi
l'ama.
Quand on a veritablement donné son
coeur , on n'a plus rien qui ne soit au
pouvoir de celle qui le possede .
En guerre et en amour , les yeux sont
les premiers vaincus. Gli occhi , disent
les Italiens , sone sempre principio e fine
L'amore.
Quand on est bien amoureux , on est
très-retenu par la crainte de déplaire à
l'objet aimé. Les médiocres passions inspirent
toutes sortes de téméritez .
L'amour est le Roy des jeunes gens et
le Tyran des vieillards.
Le relâchement et le dégoût suivent
ordinairement les amours où il n'entre
que de la volupté.
Une infidelité qu'on prend soin de
cacher , promet plutôt un retour qu'un
engagement où l'on ne garde point de
mesures.
Comme les petits feux s'éteignent par
II. Vol les
DECEMBRE . 1732. 2779
$
les grands orages , et les grands s'augmentent
; de même l'amour médiocre se refroidit
par les difficultez , mais le grand
s'accroît.
Le Char de l'Amour est tiré par des
Lions , pour montrer que ce Dieu sçaiɛ
soumettre les animaux les plus féroces .
On ne se croit jamais miserable quand.
on aime bien ; mais on croit l'avoir été
quand on n'aime plus.
L'amour est de telle nature , qu'il ne
peut jamais causer de plaisirs tranquilles ;
et soit qu'il donne de la joye ou de la
douleur , c'est presque toûjours en desor
dre et avec tumulte et agitation .
Les premieres passions sont si bien les
plus fortes , qu'on pourroit dire que souvent
plus on aime , moins on sçait aimer.
L'amon qui s'établit par vanité , n'est
evante , et ne peut subsister. L'amour
flé se la beauté , meurt avec elle ;
anour qui vient par des interêts de farise
, n'est qu'avarice ; l'amour que la
jeunesse inspire , n'est que legereté ; l'amour
qui naît du tempéramment , est
C aveugle
2780 MERCURE DE FRANCE
aveugle et grossier ; il n'y a que l'amour
que l'estime et la vertu font naître qui
soit solide et qu'on doive loüer.
>
fait de
Un homme bien amoureux
soi- même un spectacle très-agréable pour
la personne qu'il aime.
La perte des personnes dont nous sommes
aimez , est bien plus irréparable que
celle des personnes que nous aimons.
Une belle femme , d'un esprit médiocre
, fait aisément beaucoup de conquêtes
, mais elle ne les garde pas longtemps
; une femme d'esprit sans beauté
en fait peu et difficilement , mais elles
sont infiniment plus durables.
L'amour et la haine marchent souvent
ensemble. Les Italiens disent , l'odio
non e contratrie d'Amore , ma sequaci d'amore.
Les larmes des femmes et les
des Amans , sont deux choses
bles , l'une ne coûte guere plus que
tre , car la source en est intarissable ; e
comme un Bassin qui se remplit à mig
sure qu'on y puise.
1
II. Vol.
DECEMBRE . 1732 2781
Selon le Proverbe Espagnol : Mucho
sabe la zarra , pero sabe mas la Dona
enamorada .
On a beau dire , une femme est bien
à plaindre quand elle a tout ensemble
de l'amour et de la vertu.
La prudence et l'amour ne sont pas
faits l'un pour l'autre . Tandis que l'amour
croît , la prudence diminuë.
Vouloir qu'on soit amoureux avec mec'est
vouloir qu'on soit fou avec
sure ,
raison.
Dans les commencemens d'une tendre
passion , on est trop crédule ; on l'est
trop peu dans la suite . De - là les inquietudes
, les soupçons , les reproches , les
ruptures.
t
EPITRE ,
De Mlle de Malcrais de la Vigne , à M.
V. D. G. de Marseille , pour répondre à
ses Vers, imprimez dans le Mercure d'Octobre
1732. page 2188 .
Monsieur Onsieur , dont l'ame perplexe ,
S'alambique en cent façons ,
II. Vol. Cij Votre
2782 MERCURE DE FRANCE
Votre idée est circonflexe ;
Sous le grand lambris convexe ,
gens de tous noms.
Il est des
Mais sçavez- vous qu'au beau Sexe
Vos Vers sont injurieux ?
'Arrêtez , Messieurs les hommes ;
Vous êtes si glorieux ,
Que vous croyez que nous sommes ,
Auprès de vous des Atomes ,
Ou des riens harmonieux .
Sçachez pourtant que les Dames ,
Quoiqu'en dise un fol Auteur ,
'Ainsi que vous , ont des ames
les celestes flâmes , Et que
Ont coulé dans notre coeur ;
Cependant n'allez pas croire ,
Ou je garde le tacet ,
Qu'ici je veuille avec gloire ,
Mettre du Docteur Docet ,
Sur ma coëffe le bonnet ;
J'en romprois mon Ecritoire ,
Et m'irois pendre tout net ,
M'étreignant de mon lacet,
Ces Pédans à l'humeur cruë ,
Dès qu'ils s'offrent à ma vûë ,
Me plaisent moins qu'un Valet ,
Qui dans chaque coin de ruë ,
II. Vol.
Fait
DECEMBRE. 1732. 2783
Tait entendre son siflet.
Si je voulois , par exemple ,
Trancher ici du Docteur
Je dirois , mon cher Seigneur ,
Vous , qui fréquentez le Temple
Du Dieu Versificateur ,
Connoîtriez - vous Corine ,
Leontion , Eccello ,
Sapho , Prasille , Occello ,
Théano , Cléobuline ?
Au monde est - il un canton
Qui ne vante des Poëtes ,
>
Qui , quoi qu'ayant des cornettes ,
Ont fait sonner leurs Musettes ,
Sur plus d'un merveilleux ton .
Aussi- bien que Coridon ?
L'Antique et Moderne Rome ,
Vit et voit briller les siens ,
Notre France en a tout comme ,
Ces doubles Italiens ,
Et par tout on les renomme ,
Plus que Donna Giustina ,
Et Signora Colonna.
Si point ici ne les nomme ,
C'est pour abreger chemin ,
Et je croi bien qu'en Provence ,
Le beau Sexe feminin ,
II. Vol
Ciij Mieux
2784 MERCURE DE FRANCE
Mieux qu'en nul endroit de France ,
Fait voir qu'il a l'esprit fin ,
Assaisonné de Science :
Beau Païs des Troubadours !
C'est chez vous que l'Italie ,
De l'Art de la Poësie ,
Apprit les excellens tours.
Mais alte- là , mon génie ,
Je vois que je passerois ',
Pour une grande Pédante ,
.Moi , qui passer ne voudrois ,
Que pour petite Sçavante.
Au surplus bien mieux que vous
Des Vers nous devrions faire ,
La raison en est très claire ,
Si , comme vous dites tous
Caprice domine en nous
Avec cervelle legere. "
>
Mais ce n'est point là le fait ,
Et votre ame impatiente ,
Me demande mon Portrait ;
Je vais être complaisantè ,
Et vous serez satisfait ;
C'est trop , et j'en suis dolente ,
Avoir suspendu l'attente ,
D'un aimable Curieux.
Taille un peu courte , grands yeux ,
II. Vol. Bouche
DECEMBRE.
1732 2785
Bouche riante et vermeille ,
Avec un air de douceur ,
Monsieur l'Auteur de Marseille ,
C'est- là Malcrais ou sa Soeur.
LETTRE de M.... écrite à M. de ..
Commandeur de l'Ordre de S. Jean de
Jerusalem , au sujet d'un Livre nouveau
intitulé : La Vie de Messire François Pic
quet , & c.
Lie
E Livre dont vous me parlez , Mon
sieur , est également curieux et édifiant
, il mérite que vous le lisiez avec
attention , dès que vous serez de retour
de votre Campagne. Le peu que
vous en avez vû dans le petit Journal
de Verdun , n'est pas , comme vous
dites , suffisant pour vous instruire ; il l'a
été seulement pour exciter votre curio
sité et pour former quelques doutes , que
vous me chargez d'éclaircir , les Journaux
Litteraires n'en ayant point encore
parlé.
Le premier de ces doutes roule sur ces
paroles du Journaliste , page 175. du
mois de Septembre. En 1662. M. Picquet
revint en Europe , sans renoncer au Consulat
d'Alep , qu'il fit exercerpar M. Baron.
II. Vol.
Ciiij Ces
1786 MERCURE DE FRANCE
Ces paroles font , sans doute , entendre
que M. Baron ne fut que le Substitut de
M. Picquet , et que celui- cy étant toûjours
le maître du Consulat d'Alep , il y
commit une personne à sa dévotion , &c .
Votre interprétation est juste , Monsieur,
mais le fondement en est peu solide . Les
termes que je viens de rapporter sont
entierement du Journaliste ; l'Historien de
M. Picquet ne parle point ainsi , et vous
avez eu grande raison de douter que
M. Baron , dont vous avez connu la famille
, fort superieure à celle de M. Picquet
, dont vous avez , dis - je , vû les Neveux
se distinguer dans votre Ordre , ait
jamais été le Substitut d'un Consul d'Alep.
Mais comme je ne sçaurois bien remplir
tout ce que vous exigez de moi au
sujet de ce nouveau Livre , sans le lire
attentivement d'un bout à l'autre , je ne
vous dis rien de plus ici sur cet article.
L'occasion d'en parler reviendra à
la suite de mes Observations , que je soumets
d'avance toutes à vos lumieres , ne
les
ayant entreprises que pour vous obéïr,
et pour perfectionner un Ouvrage qui mérite
l'attention de tous les gens de bien.
En voici d'abord le Titre. LA VIE de
Messire François Picquet , Consul de Franse
et de Hollande à Alep ; ensuite Evêque
11. Vol. de
DECEMBRE 1732 2787
de Cesarople ,puis de Babylone,Vicaire Apostolique
en Perses avec titre d' Ambassadeur
du Roy auprès du Roy de Perse , contenant
plusieurs évenemens curieux , arrivez dans
le temps de son Consulat et de son Episcopat
, dans les Etats de Turquie et de Perse ,
et dans les Eglises des deux Empires.Divisée
en trois Livres, I. vol. in 8. de 543. pages
sans la Préface et la Table. A Paris ,
chez la Veuve Mergė , ruë S. Jacques ;
M. DCC. XXXII.
Une assez longue Préface contient d'abord
l'Eloge de M. Picquet, lequel ne présente
rien que de vrai , et de fort touchant.
Elle indique ensuite les sources où l'on a
puisé les Memoires qui ont servi à écrire
P'Histoire de sa vie. On distingue particulierement
ici François Malaval , ce sçavant
Aveugle de Marseille , qui avoit autrefois
projetté de composer lui - même.
cette Histoire , et qui a fourni des lumie-.
res et des secours considerables pour l'exe
cution de celle dont il est question . Les
autres personnes qui ont concouru au
même dessein , sont aussi nommées avec
distinction dans la même Préface .
LIVRE I. qui comprend les commencemens.
de la vie de M. Picquet , l'Histoire de son
Consulat et divers evenemens concernant les
Eglises du Levant et de Turquie
II.Vol Cv François
2788 MERCURE DE FRANCE
François Piquet nâquit à Lyon le jour
de Pâques 12. Avril 1626 ; il étoit fils de
Geofroy Picquet et d'Anne de Monery ,
l'un et l'autre d'une honnête et ancienne
Famille , que l'on mettoit au nombre des
Nobles de la ville de Lyon. L'Autheur
ajoute que Geofroy Picquet avoit été fort
riche , et qu'il passoit pour l'un des plus
considerables Banquiers de Lyon , qui
avoit le plus de crédit et de correspondances
dans toutes les Places de l'Europe.
Je passe , Monsieur , les prémices de la
piété et les premieres études de ce serviteur
de Dieu , qui avançoit à grands pas
dans la carriere de la vertu à mesure qu'il
croissoit en âge ; je passe aussi ses voyages
en divers endroits de l'Italie dont il vit les
principales Villes , et dont il ne revint à
Lyon que vers la fin de l'année 1650.
En 165 le Consulat d'Alep , dont on
décrit ici l'importance et les avantages ,
étant venu à vacquer par la mort de M.
Bonin de Ma.seille , M. Picquet fut nommé
par la Chambre du Commerce pour
remplir cette Charge, et la Cour approu
va ce choix,
Il s'embarqua à Marseille au mois de
Septembre de la même année , et après
avoir débarqué à Alexandrete il se rendit
à Alep au commencement de Decembre.
11. Vol.
On
DECEMBRE. 1732. 2789,
On lui fit une Réception magnifique ;
tous les Consuls à la tête de leur Nation
vinrent le recevoir à l'entrée de la Ville .
et le conduisirent jusqu'à son Palais & c.
Il faut passer ce terme , souvent employé
dans cette Histoire pour signifier la Mai
son du Consul .
Il donna dabord toute son application
au rétablissement des affaires du Commerce,
que la mauvaise foi des Marchands
et l'avarice insatiable des Gouverneurs
avoient fort dérangées . LePacha d'alors s'ap
pelloit Bichir , et non pas Bicier , comme
le nomme notre Autheur ; ses violences
et ses injustices l'avoient rendu fameux
dans l'Orient , et on parloit encore de lui
quand j'étois dans la Syrie. M. Picquet
vint cependant à bout de réprimer ses véxations
; il obtint des ordres précis de la
Porte , par lesquels il lui fut deffendu de
les continuer , et enjoint de donner une
entiere satisfaction au Consul de France ;
et de vivre desormais en bonne intelligence
avec lui.
Divers incidens troublerent depuis cette
intelligence ; mais ils ne servirent qu'à
faire paroître la fermeté et la sagesse de
notre Consul qui eut toujours l'avantage
sur le Pacha , et maintine hautement les
droits et la gloire de la Nation.
II. Vol. Cvj Je
2750 MERCURE DE FRANCE
•
Je ne puis m'empêcher , Monsieur , de
vous dire ici que le narré de l'un de ces
incidens est une espece d'énigme pour
moi , je ne sçai si vous en comprendrez
mieux le sens ? Voici de quoi il s'agit .
» Le courage de ce brave Consul parut
> encore , dit notre Historien , lorsque son
>> Vice-Consul étant investi dans sa Maison
, qui étoit à l'extrêmité d'un fau-
" bourg, par 500 Mores , il alla lui - même
» à son secours à la tête de 200 François ,
» et les chargea si vigoureusement , qu'ils
furent obligez de prendre la fuite , et de
» lui laisser la gloire d'avoir purgé la cam-
» pagne de tous ces brigands , à la grande
» confusion du Pacha , qui negligeoit un
» devoir si essentiel à sa charge &c.
Tout le monde sçait que le Consul d'Alep
n'a point de Vice - Consul dans cette
même Ville ; il y seroit fort inutile. Il
n'est pas moins certain que la Syrie n'est
pas le pays des Mores : d'où seroient donc
venus ceux qui investirent la Maison en
question ? M. le Chevalier Monier , originaire
d'Alep , que vous avez fort connu
à Paris chez le Cardinal de Noailles , qui
a lu tous des premiers cette vie de M. Picquet,
m'a avoué qu'il n'avoit pas mieux
compris que moi l'endroit dont je viens
de parler.
II. Vol.
Cependant
DECEMBRE . 1732. 2791
5
Cependant les affaires du Commerce se
rétablissant de jour en jour , les Droits du
Consulat grossirent à proportion , et M.
Picquet se fit en peu de tems un gros revenu.
Rien n'est plus édifiant que de voir
dans le Livre même le saint usage qu'il
sçut en faire , et le détail de ses grandes
aumônes , particulierement envers les Ecclésiastiques
et les pauvres Eglises du pays.
Ce détail est suivi du recit de la révolte
du Pacha d'Alep , contre lequel le Grand
Vizir envoya Mortasa et non pas Mourthesar
, son Lieutenant , avec un corps de
troupes pour les opposer à ce Rebelle , et
pour commander en sa place dans Alep ,
ce qui ayant été heureusement executé , le
nouveau Pacha donna plusieurs témoignages
d'estime et de considération à M.
Picquet jusqu'à faire pendre le Grand
Douannier devant la porte du Palais
de France , pour vanger les injures qu'il
avoit faites à la Nation dans l'exerci
ce de sa Charge , du tems du Pacha rebelle.
Les Gouverneurs Turcs ne visitent jamais
personne , et ils affectent surtout de
ne pas se mesurer avec les Consuls : c'est
beaucoup quand ils s'acquittent à leur
égard des bienseances reglées. Cependant
le nouveau Pacha prévenu d'estime et
11, Vol.
d'une
2792 MERCURE DE FRANCE
d'une amitié particuliere pour M. Picquet
lui rendit une visite. Le Consul de son côté
répondit tout de son mieux à cet honneur
extraordinaire , il regala le Pacha , et quand
celui- cy montoit à cheval pour s'en retourner
, étant survenu une grosse pluye , M.
Picquet lui fit présenter un très- beau Manteau
d'écarlate de Venise , doublé de bro
card d'or.
Le Pacha revint encore quelques jours
aprés chez le Consul pour demander
ses conseils au sujet de l'Armée des Rebelles
, qui étoit encore assemblée , et
suivoit la fortune de Bichir Pacha.
La bienfeance et les suites de cette affaire
engagerent M. Picquet de visiter à son
tour le Pacha , qui lui rendit de grands
honneurs accompagnez de quelques présens
, sçavoir une veste de drap verd , couleur
cherie des Mahometans , et interdite
aux Chrétiens dans le Levant , une Pelisse
, ou Fourure de Chameau , et le plus
beau Cheval de son Ecurie richement harnaché.
La Pelisse de Chameau vous fera
sans doute rire , c'est apparemment une
méprise que je voudrois bien rejetter sur
'Imprimeur , s'il étoit possible , quoiqu'elle
ne soit pas marquée dans l'Errata. Vous
Sçavez ce que c'est que le poil et le cuir
d'un Chrmeau dont on fait seulement des
11. Vol. cribles
DECEMBRE. 1732. 2793
cribles et d'autres usages les plus grossiers.
Cette visite fut suivie de quelqu'autres
où toute ceremonie étoit bannie ; elles se
passoient dans la nuit pour conferer des
moyens de reduire les Chefs des Rebelles
et de dissiper leur Armée. Le Pacha et le
Consul convinrent enfin d'un moyen qui
fut éxecuté de la maniere qui suit.
Un jour de vendredi , destiné chez les
Mahometans à l'Assemblée generale et
aux Prieres publiques dans la principale
Mosquée , dans le tems de la plus grande
application des Assistans , 12 Imans ou
Ministres de la Religion , pratiquez par
le Pacha , tomberent brusquement sur les
Chefs des Rebelles et leur couperent la
tête. Le Pacha sortit en même tems de la
Ville avec l'Etendart de la Loi , qui fut
incontinent suivi par les troupes rebelles ,
et la tranquillité se rétablit aussi - tôt . C'est
ainsi , dit notre Historien , que Mortasa
assisté des lumieres et du conseil de M.
Picquet , remporta sur Bichir et les compagnons
de sa revolte une victoire &c.
Il se trompe au reste dans ce narré, lorsqu'en
expliquant le terme d'Iman , il dit
que ce sont chez les Turcs une espece de
Prêtres qui exercent leurs fonctions hors.
la ville . Les Imans sont employez dans les
grandes villes , comme dans les petites
II. Vol. Mosquées
2794 MERCURE DE FRANCE
Mosquées , il y en a à sainte Sophie et
dans les autres Mosquées Royales de Constantinople
, et par tout où les Mahométans
ont des Temples.
Cette sanglante Tragedie , qui augmenta
la bonne intelligence entre le Pacha
d'Alep et le Consul François , fut suivie
peu de tems après d'un spectacle plus
agréable ; c'est la fameuse Comedie de Pastor
Fido , dont M. le Consul voulut régaler le
Pacha. On dressa un Théatre dans la Maison
Consulaire : la décoration en étoit
magnifique et bien entendue , et la Piece
fut executée avec tant de succès par de
jeunes Marchands François , que le Pacha
leur fit offrir un présent de deux mille
Piastres , lequel ne fut point accepté . Le
Gouverneur fut charmé de cette Piece ,
surtout de la belle Symphonie dont chaque
Scene étoit suivie. Il y a beaucoup
d'apparence que c'est tout ce que les Turcs
purent admirer.
Le Pacha voulut regaler à son tour le
Consul et laNation Françoise d'uneComédie
Torque , laquelle fut representée dans
son Serrail par les meilleurs Acteurs du
Pays , et qui parut , dit notre Autheur
avoir son agrément dans l'esprit de nos
François . Ceux- ci ne manquerent pas ,
sans doute , de complaisance ; car vous
,
Il. Vol.
n'ignorez
C
DECEMBR E. 1732 : 2795
n'ignorez pas , Monsieur , que les Turcs
n'ont ni regles , ni genie pour ces sortes de
spectacles ; témoin celui dont je crois de
vous avoir parlé , et où je me suis trouvé
un jour chez le Pacha de Damas , qui n'étoit
rempli que de boufonneries , quelquefois
assez grossieres , et dont la ' derniere
Scene fut un bizarre travestissement
des Acteurs , qui parurent habillez à la Françoise
avec des Perruques &c . ce qui augmenta
les éclats de rire et combla le plaisir
des Spectateurs.
C'est à cette occasion que le Pacha d'Alep
offrit au vertueux Consul deux des
plus belles filles et des principales Familles
Turques de la Ville , qui avoient assisté
à cette Comédie , offre qui fut bien
loin rejettée , et sur laquelle le Consul
s'excusa , en faisant confidence au Pacha
du Voeu qu'il avoit fait de quitter le
monde pour embrasser l'Etat Ecclesiasti-
.que , comme il l'éxecuta quelques années
après.
M. Picquet n'avoit alors que trente ans 3
ce qui acheva de lui gagner l'estime et
l'amitié du Gouverneur . C'est à peu près
dans ce même tems que la République
de Hollande le choisit pour son Consul à
Alep et dans ses dépendances : l'agrément
du Roi est ici sous- entendu .
II. Vol.
Ja
2796 MERCURE DE FRANCE
Je ne suivrai point notre Historien
dans tout ce qu'il ajoûte des differens
effets du zele de ce Consul , pour affermin
les Catholiques Orientaux dans la Foi , c
pour soumettre les Schismatiques à l'Eglise
Romaine. Il eut une tendresse particuliere
pour l'Eglise Maronite , toute
Catholique , du Mont Liban ; il faut voir
dans le Livre même tout ce qu'il a fait
pour cette Eglise , qui fut de son tems
extrêmement persecutée ; on ne peut
lire de plus édifiant ni de mieux touché.
L'article des Esclaves Chrétiens que le
pieux Consul soulageoit par ses aumônes
, et dont il rompoit les fers quand il
le pouvoit , est encore de ce même carastere
, on ne sçauroit le lire sans être
émû.
rien
Je ne m'arrêterai point aussi à extraire
le détail de la disgrace qui survint au Pacha
d'Alep , disgrace que l'Auteur attribue
à l'étroite union qu'il avoit avec le
Consul François , laquelle donna de l'ombrage
au G. S. et au G. Viz. M. Picquet
déplora le malheureux sort de son ami
qui fût conduit comme un criminel à
Constantinople ; » craignant que la gran-
» de liaison qu'il avoit cue avec ce Pacha
» ne lui fut nuisible ; parce que dans ce
» pays là on ne manque pas de se défaire
II. Vol. *» ďuDECEMBRE
. 1732 2797
» d'une personne sans bruit ; il résolut de
» se retirer , mais le Seigneur , qui vou-
>> loit encore se servir de son ministere
» pour le bien des Pauvres et de la Reli-
» gion , lui fit differer de deux ans l'exe-
>> cution de son dessein.
Je m'arrête ici , Monsieur , pour ne
point trop fatiguer votre attention , et
pour préparer dans une seconde Lettre
la suite de cet Extrait et de mes petites
Remarques. Je suis , & c.
LES DAMNEZ DE NEVERS ,
A M. Richard de Soultrai , Maître des
Comptes à Nevers , Auteur de l'Ode sur
la Jeunesse. Conte tiré de l'Histoire de
Nivernois de Guy- Coquille.
Bocace , ton heureuse veine
Chanta les Damnez de Ravenne
A ton exemple dans ces Vers
Chantons les Damnez de Nevers ,
Nevers , mon séjour , mon azile ,
Païs charmant où j'ai reçu le jour ,
Nevers , où jadis tint sa Cour ,
Le Comte Hervé , Prince doux et facile ,
II. Vol. Qui
2798 MERCURE DE FRANCE
Qui fit régner dans notre Ville
Les Jeux , les Plaisirs et l'Amour ;
Or il advint qu'emporté par la Chasse ,
Et de ses Chiens ayant perdu la voix ,
Le bon Hervé s'égara dans un Bois ;
De son chemin il cherche envain la trace
Plus il s'avance et plus il s'embârasse ;
La nuit survient , autre calamité ,
Un feu paroît dans cette obscurité ,
Devers ce feu le Prince s'achemine.
Bref au travers de mainte épine
Il vient enfin au lieu tant souhaité ;
Ce lieu , c'étoit d'un Charbonnier la loge
Et le fourneau ; chez cet Hôre se loge
Le triste Hervé de crainte d'avoir pis ;
Le Manant fait les honneurs du logis
Avec un coeur vraiment digne d'éloge ;
Au Prince il sert des pommes , du pain bis ,
Eau surtout claire , en faisant mainte excuse.
En vrai Chasseur Hervé trouva tout bon ;
Car dame faim Cuisiniere dont use
Tout charbonnier , apprêta , ce dit- on ,
Le beau repas du faiseur de charbon ;
Après souper le Charbonnier honnête
Céde son lit , quel lit , bon Dieu !
Un
peu de foin sert en ce lieu
De lit au Prince ; il éleve sa tête
II. Vol.
SAK
DECEMBRE. 1732 2799
Sur un caillou qui lui sert d'oreiller ;
Ce n'est pas tout comme il croit sommeil
ler >
2
Il voit venir d'une vîtesse extrême
Un homme noir montant cheval de même ,
Cet homme tient un poignard en sa main ,
Et méne en trousse une fille éplorée ,
Veut la meurtrir ; mais d'une ame assûréo
Hervé s'oppose à ce dessein ;
Prince , par un effort trop vain ,
Dit l'homme noir , tu terniras ta gloire ,
Respecte ici les ordres du destin
Retien ton bras , écoute mon histoire ,
J'avois quinze ans , si j'ai bonne mémoire ,
Quand je suivis les étendards.
De ton Ayeul , le preux Comte Guillaume,
Sous ce grand Chef j'ai bravé les hazards ,
J'ai parcouru vingt fois tout le Royaume
En combattant , mais pendant les hyvers
Je m'arrêtois avec lui dans Nevers ;
Là , je servis cette beauté cruelle ,
Ce coeur ingrat dont le tien prend pitié ,
Mais je ne pus gagner son
amitié
Les petits soins, l'amour tendre et fidele ,
Les dons , les pleurs , ne pûrent la toucher ;
Pour moi toujours elle fût un rocher ;
Dans ma douleur d'une main criminelle
Pour finir mes tristes amours .
11. vol. J'ai
2800 MERCURE DE FRANCE
J'ai tranché moi-même mes jours ,
Soudain dans la flamme éternelle
Je suis tombé , je le mérite bien ,
Mais la mort qui n'épargne rien ,
A fait périr à son tour l'inhumaine ;
Pour me venger de sa rigueur ,
Ici tous les mois je l'amene ,
Et de ce fer je lui perce le coeur.
Le Revenant ne parla davantage ,
Mais consomma son triste ouvrage ;
Car sur le champ il étendit la main
Par les cheveux il prit la patiente ,
Pour la punir de son dédain ,
Malgré ses cris , il lui perça le sein ,
Et puis encor toute vivante
Il la plongea dans la fournaise ardente ,
Et se brûla lui - même au même feu ;
D'effroi , d'horreur Hervé reste immobile.
Lorsque le jour parût un peu ,
Incontinent le Prince plus tranquille
Au Charbonnier fait son adieu ,
Monte à cheval et pique vers la Ville ,
Ne regrettant la chere ni le lieu ;
A ses Barons Hervé conta l'histoire ,
Tous se signoient , faisant semblant de croire
On manda soudain le Prélat
Qu'on vît bien- tôt arriver sur sa mule ;
C
II. Vol. Le
DECEMBRE. 1732.
2801
bon Evêque plus crédule
it qu'il falloit assembler son Senat ;
ans ce conseil n'étoient jeunes cervelles ,
Dint n'écoutoit Abbés coquets
oins assidus aux Temples qu'aux ruelles ,
ais bien Vieillards venerables , discrets
Qui ne suivoient les doctrines
Padroit Senat ayant déliberé ,
nouvelles,
Dît qu'il falloit pour expier l'offense
onder Convent , mais Convent ayant manse
■bbatiale , ou bien un Prieuré
De Grammont ou de Premontré ;
Ainsi fut fait , une belle Abbaye
Par Hervé fût et dotée et bâtie ;
ar réparer forfait tant odieux
oines au Choeur disent toujours Matine ,
chants dévots font retentir les cieux
Ers dans le tems qu'ils sont à la cuisine ;
Bref , soyés sûr qu'au Prince Fondateur
s en donnent sur ma parole
ur son argent ; n'en rendront une obole ;
n'est point tout , maint grand Prédica
teur
Dans ses Sermons récita notre histoire ,
Et fit pleurer son Auditoire ;
* Du tems du Comte Hervé l'heresie Albigeoise
oit fait quelques progrès dans Nevers.
II, Vol, Ainsi
802 MERCURE DE FRAN
Ainsi fut fait par maint beau Confesseur
Si que le cas Dames sçavoient par coeur ,
L'horrible cas Dames tant bien aprirent ,
Qu'à la parfin toutes se convertirent ,
Et de leur coeur déchasserent soudain
Triste fierté , rigueur , dédain ,
Se faisant même une douce habitude
De clémence et de gratitude ;
Depuis ce tems les superbes Guerriers
Ne trouvent plus dans ces lieux d'inhuma
nes ,
Amans heureux sont ici par milliers ,
Témoins et Bretagne et Touraine ;
Tous ces Amans , grace à la vision ,
N'éprouvent point de tristes destinées ;
Dames croiroient être damnées ,
Si de leurs feux n'avoient compassion ,
Si quelqu'une à leur passion
Est quelquefois un peu severe ,
Soudain sa cousine ou sa mere
La menace de l'homme noir ,
Elle croit Pentendre ou le voir ,
Enfin ce bienheureux usage ,
Malgré les peres , les époux ,
S'est conservé jusques à nous,
Et durera bien davantage ;
* Bretagne e' Touraine sont deux Régimens qui
ent été en garnison à Nevers,
11. Vol. Des
DECEMBRE. 1732 2803
Des Guerriers ce sont là les droits ;
·Mais quant à nous autres Bourgeois
Nous n'en usons , c'est grand dommage ,
Les rigueurs sont notre partage ;
Soultrai , si j'avois vos talens ,
Je ne me plaindrois pas des refus de nos Belles ;
Ou , m'en plaignant enfin j'emploirois des ac
cens ,
si gracieux et si touchans
Que je pourrois bientôt les rendre moins cruel
les ,
Et leur prouver qu'à tous égards
Apollon en amour vaut souvent mieux que
Mars ;
De ce récit quelle est donc la morale ?
Parmi la Fable il faut des veritez ,
Dira quelqu'un , car sans moralités
Tel conte n'est qu'un objet de scandale ;
Moraliser est pour moi terre australe ;
Or moralise qui voudra ,
Sans morale , ma foi , le Conte finira :
Mais,Soultrai , qui de la sagesse
Possede toute la richesse
De sa morale un trait nous restera ,
En attendant je mets un bel et catera.
Pierre de Frasnai , Trésorier de France
à Moulins.
11. Vol. IMI D
1804 MERCURE DE FRANCE
IMITATION de l'Ode d'Horace
qui commence par ces mots : Nullus
argento color est , &c.
D
A M. F. Avocat à Saint Sauveur
le -Vicomte.
Es métaux estimez qu'enserre
Le centre avare de la terre
Ennemi toujours déclaré ,
: Crispe , l'argent aux yeux du Sage
Brille seulement par l'usage
Qu'en sçait faire un coeur moderé.
Les cent voix de la Nymphe aîlée
Par tout vanteront Proculée ;
Et l'amour vraiment paternel ,
Qu'au fort des plus grandes miseres
En lui reconnurent ses freres ,
Rendra son honneur éternel .
Celui , qui maître de son ame
En bannit l'avarice infâme ,
Régne plus souverainement ,
Que si de ses loix redoutées ,
>
II. Vol. L'Eu
T DECEMBRE. 1732 280g
L'Europe et l'Affrique domptées
Portoient le joug docilement.
En vain de la soif qui le presse
L'Hydropique en bûvant sans cesse
Espere calmer la rigueur ;
Il ne fera qu'aigrir ses peines ,
Tandis qu'il aura dans les veines
Le principe de sa langueur .
32
Phraate est remis sur le Trône
Mais de l'éclat qui l'environne
vertu connoissant le prix , La
Bien differente du vulgaire
Pour ce bonheur imaginaire
N'aura jamais que du mépris.
Libre d'une bassesse indigne ,
Et toujours intégre elle assigne
Les vrais honneurs , les premiers rangs
A ceux qui doüez de sagesse
Peuvent regarder la richesse
Avec des yeux indiférens.
F. M. F.
II. Vol. Dij DIS
2806 MERCURE DE FRANCE
******************
DISCOURS sur ces paroles : Le Sago
profite de ses fautes.
L
'Homme sujet aux passions et à l'erreur
, en devient le jouet , quand il
s'y livres orgueilleux autant que miserable
il ne rougit pas de sa misere . Il erre
presque à chaque instant , et attentif seulement
à se dissimuler ses fautes , il ne
pense ni à les réparer , ni à s'en corriger ;
elles se multiplient cependant , et il s'endort
au bord du précipice , où elles vont
bien -tôt l'entraîner,
Mais celui qui a appris à se connoître
soi- même , qui,convaincu de sa fragilité,
loin de se flatter ou de s'étourdir sur ses
égaremens , s'occupe du soin d'y remé
dier ; celui -là est vraiment sage , il s'applique
à connoître ses fautes , et il sçait
en profiter.
elle
I. Partie, Nous fuyons naturellement
tout ce qui peut diminuer en nous l'idéę
de notre excellence ; chimere précieuse
que nous portons par tout avec nous ,
domine sur nos actions et sur nos pensées
; c'est à nos yeux l'empire de la rais
son même ; et si chacun de nous en étoit
JI. Fol
crû
DECEMBRE. 1732. 2807
eru sur son jugement , tous les autres
hommes reconnoîtroient sa superiorité
sans hesiter , et lui donneroient la préference
qu'il se donne lui -même. Or , peuton
avec ces principes penser seulement
qu'on soit susceptible d'erreur , et ne panche
t'on pas vers l'opinion contraire?
,
Supposons cependant comme une verité
connuë , que tous les hommes conviennent
interieurement qu'ils sont sujets à
faillir , le sentiment est inutile s'il ne les
porte à chercher à connoître leurs fautes
pour travailler à se corriger ; et je dis qu'il
n'est que le Sage qui puisse se résoudre
dans cette vûë , à l'examen necessaire
pour les connoître , et que lui seul peut
parvenir à cette connoissance sans s'y
méprendre.
Quel autre que lui pourroit en être capable
? quel autre peut plier sa volonté
et chercher à découvrir toute sa misere ?
Je m'en rapporte à vous hommes du siecle
, soyez vous-mêmes les juges du Sage ;
dites- nous ce qu'il lui en coûte et ce qu'il
merite.
Que vous ayez une répugnance extrême
pour cet éxamen , je n'en suis pas surpris
? car à quoi vous engage- t'il , à des
refléxions qui vous troublent , à des recherches
qui vous gênent , que l'amour
II. Vol. Diij pro
2808 MERCURE DE FRANCE
propre désavoie , et dont il est allarmé
vous aimez cette douce indolence dans
laquelle vous avez accoûtumé de vivre
détournant les yeux de tout ce qui nous
choque , pour ne les arrêter que sur ca
qui vous flatte. Pouvez - vous vous en arracher
sans effort , et rentrer dans vous
même pour y chercher vos défauts ; repasser
sur vos foiblesses , vos caprices , vos
bévûës ; vous regarder, en un mot, par les
endroits les plus humiliants ? de quel
courage n'avez vous pas besoin ? que de
combats à livrer , que d'obstacles à surmonter
; il faut vous vaincre vous- même,
ou, pour mieux dire , il faut soumettre
un Tiran absolu , et quel tiran , l'orgueil
humain avouez le , l'entreprise est audessus
de vos forces ; certe gloire est réservée
au Sage .
Direz- vous que vous en ayez triomphć,
et qu'il ne s'oppose plus à votre dessein ?
ne vous flattés pas , la victoire est grande
, il est vrai , mais elle n'est pas complette
, tenés - vous toujours sur vos gardes
, l'ennemi que vous croyés avoir
dompté est ingenieux à réparer ses pertes
; s'il ne vous résiste plus à force ouverte
, il employera la ruse et l'artifice ,
il ne sera pas moins dangereux dans cette
I. Vol.
espeDECEMBRE.
1732. 2805
espece de combat : le Sage même a de la
peine à s'en garantir.
,
Attendez vous à le voir faire votre
apologie sur tous vos deffauts ; vous les
représenter au moins comme des qualitez
indifférentes , peut-être même comme
des vertus. Il vous déguisera vos fautes
cachera , ou ne vous montrera que dans
le lointain celles qu'il ne pourra pas colorer
, vous justificra sur toutes et les
rejettera sur des causes étrangeres ; sur les
caprices de la fortune , la bizarrerie des
circonstances , la contrainte des bienséances
; en un mot , sur tout ce qui no
dépend pas de vous : et vous serez seul
excusable , irréprehensible , loüable même
; car ne vous y trompez pas ; si dans
le cours de votre vie vous avez acquis
quelque gloire , ou quelque avantage ,
c'est à votre merite seul que vous devez
l'attribuer ; le bien est venu et viendra
toujours de vous , le mal ne peut venir
que de l'injustice du sort .
C'est ainsi que notre orgueil nous joie
il nous aveugle pour nous conduire où il
veut , et comme il lui plaît ; heureux
l'homme qui en a secoüé le jong , qui
sçait éviter ses pieges , et se dérober à ses
souplesses ! Cette felicité n'est pas un présent
de la Nature , ou du hazard ; elle est
II. Vol. Diiij le
2810 MERCURE DE FRANCE
le prix de l'étude , des refléxions , et des
efforts du Sage ; prix inestimable dont le
Sage fait un usage digne de lui , en s'ap
pliquant à connoître ses fautes. Degagé
des liens dans lesquels les autres hommes
sont retenus , aucun obstacle ne l'arrête ;
il foüille dans les replis les plus secrets de
son coeur , éxamine , observe , médite ;
l'amour de la verité l'anime , elle est l'objet
de toutes ses recherches , et la connoissance
de ses fautes ne fait que l'exciter
à des nouveaux progrès. Il ne se borne
pas seulement à les' connoître , il a aussi
l'avantage d'en profiter.
II. Partie. Le Sage n'est pas plus susceptible
de découragement que de présomption
, son égalité ne se dément jamais.
Il est moins troublé , moins abbatu
par la connoissance de ses fautes , qu'animé
à les réparer . Il n'est occupé que du
desir d'avancer de plus en plus dans le
chemin de la vertu , et tendant toujours
à ce but qu'il ne perd pas de vue , il tourne
, en quelque sorte , à son utilité , ou à
sa gloire , ce qui fait le désespoir , ou la
honte de l'homme découragé.
Mais de quels moyens se sert-il ? quelles
sont ses ressources ? le Ciel l'a -t'il
mieux partagé que vous ? ou se trouvet'il
toujours dans des circonstances si fa-
11. Val. yora
DECEMBRE . 1732. 2811
vorables , qu'elles ne lui laissent presque
rien à faire pour réussir ? Non ; vous avez
reçû autant que lui ; ce qu'il a de plus il
le doit à lui-même ; c'est un bien acquis
que vous pouvez acquerir comme lui . Sa
prudence , sa fermeté , sa patience , son
activité , sa vigilance , vertus dont les
semences sont en vous comme en lui ,
mais qu'il a cultivées , lui rendent facile
ce que les vices contraires rendent impossible
pour vous.
D'où vient cette tristesse profonde ? cet
accablement qui vous interdit l'usage des
sens quel est l'évenement funeste qui le
cause ? est - ce un malheur irréparable ? je
le vois ; votre imprudence vous a attiré
quelque disgrace , et votre lâcheté në
vous laisse de sentiment que pour succomber
: approchez , homme foible , venez
apprendre du Sage , que les coups de
la fortune ne doivent jamais ni vous décourager
, ni vous abbattre , et que vos
fautes même peuvent vous être utiles , si
vous sçavez en profiter.
Ses leçons vous toucheront si votre veritable
interêt vous rouche ; il ne les réduit
pas à une théorie stérile ; c'est une
pratique animée , dont il est lui- même
l'exemple. Vous le verrez sensible aux divers
accidens dont sa vie est traversée :
I. Vola
D v mais
2812 MERCURE DE FRANCE
mais d'une sensibilité ingenieuse qui lui
fournit les ressources , les expédiens et les
consolations qui vous manquent. Il s'ap
plique à découvrir les causes de ces accidens
: sont -ils arrivez par sa faute ? c'est
pour lui un sujet d'humilité : mais toujours
ferme , toujours actif, il ne néglige
aucun des moyens honnêtes par lesquels
il peut y rémedier ; prudent, il choisit avec
discernement ceux qui sont les plus propres
pour son dessein ; patient , il attend
sans murmure le succès qu'il peut se promettre
raisonnablement ; modeste , il ne
s'applaudit pas ; la vanité et l'ostentation
n'eurent jamais de part à ses démar
ches.
Son attention s'étend à tout ce que la
combinaison des differentes circonstances
peut lui faire envisager ; rien ne lui échape.
Il trouve toujours dans ses fautes même
ou les moyens de les réparer , ou la
matiere d'un nouveau merite par l'usage
qu'il en sçait faire , et elles lui servent
quelquefois à manifester ses talens inconnus
jusques-là , et qui peut- être l'auroient
toujours été.
Si le Sage ne peut pas réparer toutes ses
fautes , il peut toujours en profiter , et il
en profite en effet : celles qui peuvent être
réparées occupent son activité , sa vigi-
II. Vol.
lance,
DECEMBRE. 1732 2813
lance , sa prudence ; toutes exercent sa
fermeté , sa patience , et son humilité ;
vertus cheries ausquelles il doit cette égalité
d'ame qui forme son caractere , et que
rien ne peut alterer ; elles lui tiennent lieu
des consolations les plus douces , et des
dédomagemens les plus désirables , parce
que les espérances et les avantages du siecle
ne le touchent qu'à proportion du rapport
qu'ils peuvent avoir avec ce bien
précieux qui fait sa felicité .
Mais il a encore d'autres ressources ; accoûtumé
à refléchir et à méditer , les refléxions
qu'il fait sur ses fautes , lui appren
nent à en éviter de nouvelles ; elles lui
servent à former une régle de conduite
qu'il suit éxactement , et qui le garantit
des rechûtes. Ennemi du vice , il fuit les
occasions , et même les apparences du mal.
Zelé sectateur de la vertu , il se porte toujours
au bien , et il aspire sans relâche à la
perfection.
>
C'est là l'objet de tous ses voeux , de
tous ses desirs , de tous ses efforts . Mais
travaillant sans cesse à se rendre meilleur
il est résigné en tout à la volonté de celui
qui couronne la Sagesse . Grand Dieu , faites
que nous soyons ses imitateurs , et
donnez nous un rayon de cette lumiere
qui conduit à la verité , pour qu'avec ce
11:
Vol
Dvj
pi
2814 MERCURE DE FRANCE
divin secours nous puissions connoître
les fautes que nous avons commises contre
votre sainte Loy , les détester , et en profiter
par une penitence salutaire qui les
fasse servir en quelque sorte , à votre
gloire , à l'édification de votre Eglise , et
notre sanctification .
Par M. D. S.
XXXX:XXXXXXXXX***
A Mile de Malcrais de la Vigne
STANCES IRREGULIERES
Pour servir de Réponse à son Madrigal
imprimé dans le Mercure d'Octobre 173 2 .
ΑνAu Parnasse François mon nom est ignoré ; U
Malcrais,de le sçavoir n'ayez aucune envie;
Trouvez bon seulement qu'en stile bigaré
Je vous offre aujourd'hui le Tableau de ma vie.
L'amour propre d'abord y place mon Portrait .
L'attitude n'en est pas sûre ,
Mais l'air de tête n'est pas laid.
Par certains dons de la Nature
Le correctif est apporté
Aux défauts que dans ma figure
II. Vol Auz
DECEMBRE . 1732 2815
!
.
Exagere l'adversité ,
Et de mes amis l'équité
Me sçait venger de cette injure .
Mon esprit curieux cherche la verité
Dont le charme secret l'attire
Après elle , mon coeur n'aspire
Qu'à la parfaite liberté.
Sans accuser le sort , content du necessaire ,
Debarassé des soins qui chargent le vulgaire ,
Je renferme mes voeux dans un petit réduit ,
Loin des Grands , loin des sots , de la pompe et
du bruit
Je n'y songe qu'à satisfaire
Mon penchant pour les Arts , et mon goût solitaire.
A l'ombre des Ormeaux dans mes momens perdus
,
Des champêtres plaisirs je trace des images ,
Je veux qu'en ces petits ouvrages
On me retrouve encor quand je ne serai
plus.
Je ressens l'aiguillon de l'immortelle gloire ,
Et pressé du desir d'assurer ma memoire
Ne pouvant partager les travaux des Guer
Je
riers ,
cultive le Mirthe au défaut des Lauriers.
Mon instinct m'a conduit aux Rives du Per
messe ;
Euterpe quelquefois m'y donne des leçons ,
11. Vol
Sur
2816 MERCURE DE FRANCE
Sur la Flute de Pan je les redis sans cesse
Aux Driades de nos valons ,
Et je décris les lieux où jadis la tendresse
Dicta mes premieres chansons.
Simple sans être sot , Champenois sans ru
desse ,
Ami du naturel je cherche quand j'écris
Plus à toucher les coeurs qu'à flatter les esprits.
Pour la Ville , la Cour , les Grands et leur estime
,
Je n'eus jamais la passion
Que fait naître l'ambition ,
Toujours sur la raison , rarement sur la rime
Je fixe mon attention ,
Et c'est moins la refléxion
Que le sentiment qui m'anime ,
Qui régle mon expression .
Permettez donc, iliustre Fée
Qu'ici j'exprime simplement
Que je regrette amerement
Le tems où la bonne Zirphée
Sensible à mon empressement
M'eut des plaines de la Champagne
Jusqu'aux rives de la Bretagne
Transporté par enchantement.
Les coeurs qu'un desir héroïque
Portoit aux sublimes amours ,
Contre l'absence tirannique
11. Vol. Dans
DECEMBRE . 1732. 2817
Dans son Art trouvoient des secours ;
Son Char plus rapide qu'Eole ,
Plus prompt que l'Aigle qui s'envole ,
Les entraînoit vers leur beauté ;
Je sens leurs flâmes les plus vives ;
O Marne ! pourquoi sur tes Rives ,
Suis-je donc encor arrêté ?
Un coeur n'est pas toujours son maître
Je sçais qu'il viendroit un moment ,
Où le plaisir de vous connoître ,
Se feroit payer cherement .
Mais pour vous voir , pour vous entendre ,
Tout risquer et tout entreprendre ,
Ne me paroît point une erreur.
A vos charmes , Fille divine ,
Dans l'ardeur qui me prédomine ,
Je suis prêt à livrer mon coeur.
OBSERVATION sur l'impossibilité
du Mouvement perpetuel.
Our produire um Mouvement perpetuel
il faut une force
force infinie.
Je prouverai cette proposition après
avoir marqué quelques suppositions que
je crois nécessaires à mon sujet .
Je suppose , 1. que pour construire un
11. Vol.
Mou
2818 MERCURE DE FRANCE
Mouvement perpetuel , selon l'idée que
tout le monde en a , on ne peut se servir
des Elemens que dans une action
qu'on leur donne , et non pas dans celle
qu'ils ont naturellement ; par exemple ,
qui mettroit une roüe sur un Fleuve , ou
une voile au vent , n'auroit pas trouvé
pour cela le Mouvement perpetuel ; il
faut que ce mouvement vienne de l'industrie
des hommes et non pas de la
nature des choses. On voit par là que
le feu n'est pas propre à ce sujet , parce
qu'il exige toûjours une nouvelle matiere
à consumer. La Terre n'y peut servir
tout au plus que pour soutenir les
Machines que l'on pourroit faire à cette
occasion ; il ne reste donc que les corps
solides inanimez , l'eau et l'air , dont il
faut encore exclure les eaux courantes
et les Vents .
2°. Que dans toutes les Machines qu'on
pourroit faire pour conserver le Mouvement
, il faut nécessairement qu'une partie
fasse mouvoir l'autre , comme le Tambour
fait mouvoir lePen lule, et l'eau chasse
l'air d'un Scyphon , & c. car autrement
si aucune partie ne poussoit l'autre , ou
il n'y auroit aucun Mouvement , ou chacune
agiroit par sa propre force , et alors
ce Mouvement ne tireroit pas son prin
cipe de l'industrie des hommes
DECEMBRE. 1732. 2819
30. Que tous les corps tendent naturellement
au centre de la terre , et que
pour qu'un corps en puisse éloigner un
autre , il faut que celui-là contienne une
plus grande force que celui - ci , parce qu'il
lui faut la force d'élever l'autre et de s'élever
lui-même , d'où je conclus qu'on ne
trouvera jamais le Mouvement perpetuel
par deux corps qui agissent réciproquement
l'un contre l'autre .
4°. Que force perpetuelle et force infinie
, sont une même chose ; car quelle
idée avons - nous d'une force infinie , sinon
que c'est une force qui souffrant sans
cesse une dissipation et un écoulement
d'une portion d'elle- même , ne peut cependant
jamais être epuisée ? mais cette
même idée ne convient - elle pas à la force
perpetuelle , puisque nous comprenons
que dans tous les siecles des siecles avenir
on ne sçauroit jamais l'épuiser ?
5°. Que qui dit Mouvement , dit action
, donc , qui dit Mouvement perpetuel
, dit action perpetuelle.
per:
6°. Que qui dit action , dit force , donc
qui dit action perpetuelle , dit force
petuelle ou infinie ; car ce n'est qu'une
même chose . Je vais prouver maintenant
que pour construire une Machine dont
quelque partie soit ou puisse être dans
II. Vol.
un
2820 MERCURE DE FRANC
un Mouvement perpetuel , il faut qu'el
renferme une force perpetuelle ou infini
Pour produire , dans quelque genre qu
ce soit , un Mouvement d'une minute,
faut un certain degré de force , et pour
en produire un de deux minutes , ou pour
conserver le premier dans la seconde mi
nute , il faut deux degrez de force , c
une force d'un degré de force renouvel
lée. Pour un Mouvement de quinze mi
nutes , il faut quinze degrez de force;
donc pour conserver un Mouvement pen
dant une infinité de minutes , il faudra
une infinité de degrez de force , ou une
force infinie.
L'experience est parfaitement confor
me à ce que je viens d'avancer . Ayez une
Horloge à poids , laquelle étant posée à
une certaine hauteur et tirée par un juste
poids de 8. livres , puisse conserver son
Mouvement pendant 24. heures ; si vous
voulez gagner du temps et faire que del
la même hauteur le poids reste deux jours
à descendre , la chose n'est pas difficile,
et on le peut en trois manieres ; sçavoir ,
en ajoutant une roue moyenne , ou en
allongeant la Verge de Pendule , ou en
fin en ajoûtant une ou plusieurs poulies;
mais de quelque biais que vous vous y
preniez , pourvû que vous conserviez
II. Vol.
toûjours
DECEMBRE . 1732. 2821
toujours la même Lentille qui est au bout
du Pendule , yous ne ferez jamais mar
cher votre Horloge deux jours , que vous
ne doubliez le poids , et si vous voulez
qu'elle aille 8. jours , il vous faudra de
toute necessité au moins 64. livres pesant;
d'où je conclus que la force doit tou
jours être proportionnée à la durée du
Mouvement, et que si le Mouvement doit
durer toujours , la force doit agir toujours.
Elle ne le peut si elle n'est ou infinie ou
renouvellée , et ce dernier mot est opposé
à l'idée du Mouvement perpetuel.
Il est encore certain que si jamais le
Mouvement perpetuel pouvoit se trouver,
ce seroit toujours suivant les principes
des Méchaniques , c'est -à-dire , en employant
la force contre la force ; or le
principe universel des Méchaniques ,
prouve également l'impossibilité du Mouvement
perpetuel , le voici : ce que l'on
gagne en temps et en espace ,
on le
perd en forces et ce que l'on gagne en
force on le perd en temps et en espace :
expliquons ce principe dans le cas de
l'Horloge , et nous tirerons ensuite une
conséquence toute naturelle. Votre Horloge
n'alloit qu'un jour et elle en va 8.
vous avez gagné 7. jours de temps , mais
vous avez perdu en force 7. fois la pe-
11. Vol. santcur
2822 MERCURE DE FRANCE
santeur du premier poids , puisqu'au lie
de 8. livres pesant , il en faut 64. De c
principe je conclus que celui qui voudr
gagner infiniment en temps , perdra infiniment
en force , et que le Mouvement
perpetuel ne peut être l'effet que d'un
force infinie ; il est donc absolument im
possible , puisque tous les hommes ensemble
ne sont pas capables de formet
une force infinie .
D'ailleurs les vaines recherches qu'en
ont faites jusques ici tant de personnes
sçavantes , forment une preuve morale
de son impossibilité ; les differens moyens
d'y parvenir qu'on a souvent proposez
et qui ont disparu d'abord après , autorisent
mon opinion , et j'ose ici prédire à
tous ceux qui travailleront à le cherher ,
qu'ils perdront immanquablement les uns
leur temps et les autres leur réputation ,
s'ils hazardent sur cette matiere de donner
un jour quelque chose au Public. Si
quelqu'un vouloit faire l'honneur de proposer
quelque difficulté à l'Auteur de
ces Refléxions , il ose promettre d'y
répondre. Il fait son séjour à Villeneuvekz-
Avignon. Le 21 Août 1732.
B. L. S.
1
II. Vol.
0 :
DECEMBRE. 1732. 2823
LOGOGRYPHE.
Trois mots de trois Lettres chacun ,
Tous trois de suite n'en font qu'un ,
Qu'en épithete on donne au plus habile ,
Dont le premier , du vrai , du sans façon , se dit,
Et le second , d'un animal reptile ;
Pour le troisiéme , il flatte le goût et l'esprit.
AUTRE.
G ....
SEpt lettres de mon nom font toute la structure;
Mon cher Lecteur , veus - tu voir ma figure ?
Elle est très - commune en tous lieux ,
Peut- être en ce moment que ton esprit s'empresse
▲ me chercher bien loin , je suis devant tes yeux,
Si je suis fait avec adresse ,
On fait surtout grand cas de moi ,
Lorsque je suis fils de mon pere ,
Souvent je suis posthume et je n'ai point de mere
J'en ai trop dit , devine , c'est à toi ,
Tu ne peux , je t'entends ; voyons si ce qui reste
Ne sera point pour toi viande trop indigeste ,
Six , sept , trois , cinq de la nuit et du jour
Implacable ennemie ,
II. Vol.
Le
4824 MERCURE DE FRANCE
Le Soleil commençant son tour ,
Vient terminer ma vie ,
Pris en un autre sens , à tout homme d'Eg! ise ;
Je sers utilement ;
Trois, cinq, six, sept, tout blondin qui se frise,
Qui d'un air négligé , sourit nonchalamment ,
Croit m'avoir en partage ,
Ma tête à bas , je sers à votre usage ,
Je nourris dans mon sein mille animaux divers :
L'Eté toûjours liquide ,
Par fois l'Hyver je suis un corps solide ,
Et quoiqu'assez pesant , je monte dans les airs ,
Trois , quatre , cinq , je suis ta nourriture ;
Trois , six , deux , quatre , ainsi qu'on lit dans
P'Ecriture ,
Je menaçai jadis les Cieux ;
Malgré les crimes de ma vie ,
Mon fils après ma mort me mit au rang de
Dieux ;
J'eus les respects d'une Princesse impie :
Mais tôt après je fus abandonne ,
Et par le Peuple Saint dans la fange traîné ;
Trois , six , quatre , chez moi tout le monde
s'empresse
Pendant le Carnaval à montrer son adresse ;
Mais pour me voir la terreur d'un poltron ;
Ajoutez cinq de plus , je me plaits au carnage ,
Et souvent au plus fier courage ,
II. Vol. J'ai
DECEMBRE.
1732. 2825
J'ai fait passer la Barque de Caron :
Jn , deux , trois , quatre , cinq , je suis souvent
utile ,
A maint usage , et sur tout au repas :
Dans un très -grand Empire on ne me connoît pas,
Quoi que je sois à faire très-facile
Vous baillez , cher Lecteur ; je finis et tout net ,
Sept , deux , quatre , cinq , un , je suis votre valet.
Par P. D. C.
XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
J'Inspire
ENIGM E.
' Inspire en même-temps la pitié , le respect ;
Le mépris et l'horreur , cependant mon aspect ,
Suivant certain dicton , doit donner de la joye ,
Et les rares faveurs qu'aux Mortels je déploye
Procurant des plaisirs qu'on ne peut exprimer ;
Ne e devroit- on pas moins craindre et plus
m'aimer ?
Mais ce siecle n'est qu'injustice ,
Que bizarerie ou caprice ;
Car tel me voit avec horreur ,
Qui de porter mon nom se feroit
O vous qui me cherchez avec un sc
Si vous m'alliez trouver par haz
même ,
Vous en auriez de la douleur.
II. Vel. Ce
2826 MERCURE DE FRANC
*
Cependant quand on veut faire une action noi
Mon nom est très -connu ; mais finissons l'h
toire
Des rares qualitez que je reçûs des Dieux ,
De peur que produisant les effets merveilleux ,
Qui montrent à parler au sage ,
On ne me reprochât de n'en pas faire
usage ;
Mais si je m'ouvre trop , Lecteur ,
Empruntant de Sancho l'ordinaire langage ,
J'en pourrois bien trouver l'excuse en votre coeur.
Par M. d'Har.
***** ** :* : *******
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS , &c.
J
OURNAL LITTERAIRE , année
1731. Tome 18 premiere et seconde
Partie. A la Haye , chez P. Gosse et F.
Neaulme , 1731. et 1732. in 12. de 524.
pages , sans les Tables. Voici quelques
Titres de Livres dont on trouve les Ex
traits dans ce Volume,
TRAITE' de la Verité et de la Re
ligion Chrétienne , tiré du Latin de
M. Jean Alfonse Turrettin , Professeur
II. Vol. en
DECEMBRE. 1732. 2827
en Théologie et en Histoire Ecclesiastique
, à Gennes. Sect. 3. de la verité de
sa Révelation Judaïque. A Gennes , chez
Bousquet , &c. 1731. in 8. de 150. pages.
POESIES de M. l'Abbé CHAULIEU ,
et de M. le Marquis de la FARE. Nouvelle
Edition , corrigée et considerablement
augmentée. A la Haye , chez Rogissat
, 1731. in 12. de 257. pages .
ODES sur les affaires du Temps , avec
une Description en abregé de la Hollande
, par l'Auteur des Titans , Tome I.
de 256. pages. Refléxions nouvelles sur
Iliade d'Homere , Tome II . de 236. pag.
Reflexions nouvelles sur l'Iliade d'Homere
avec la Tragédie d'Electre , Tome III. de
256. pages. Le Siecle de Louis le Grand
avec Themire , ou l'Actrice nouvelle sur
le Théatre d'Athénes , Tome IV. de 237.
pages. Les Rues de Madrid , l'histoire de
la Porcelaine et le Combat des Echasses ,
avec plusieurs Satyres et autres Pieces
Tome V. de 259. pages . A Liege , chez
Everard Kints , 1731. in 8.
,
Après les Odes , viennent quatre petits
Poëmes , dont les Titres sont , la Bataille
de Nervinde , le Passage du Ter , Rose
conquise , et la
Métamorphose de Clitie
11. Vol E cn
2828 MER CURE DE FRANCE
en fleur. Le dernier Volume est terminé
par la Description de la Hollande , qui
est très- belle , on en pourra juger par
cet échantillon .
Va contempler ces Digues orgueilleuses
Invincibles Remparts , dont la solidité ,
vagues sourcilleuses Brave les
Du terrible Ocean par l'orage irrité,
Pour regagner son ancien heritage ,
De ses propres Troupeaux l'antique pâturage ;
De son redoutable Trident ,
Le Dieu des Mers près du Rivage ,
Pousse les flots au gré du vent.
Du retranchement immobile ,
Et tous les ans avec soin réparé ,
Neptune , sur ces Bords chaque Hyver attiré ,
Veut en vain penetrer l'impenetrable azile,
Lassé d'un effort impuissant ,
Et de chercher en vain à s'y faire un passage ,
L'Onde en écume au lieu de dépit et de rage ;
Et se retire en mugissant.
Le Siecle de Louis Grand , est un Poëme
partagé en huit Chants , dont le dernier
est destiné tout entier aux Poëtes ;
l'Auteur y dépeint en ces termes le caractere
Chansonnier des François , et les
Elegies de la Comtesse de la Suze .
II. Kol. Jamais
DECEMBRE.
1732.
2829
Jamais l'agréable Thalie ,
Ne badina plus vivement
Que dans la piquante saillie ,
Des Airs qu'on chante en les formant.
Pour animer la
Chansonette,
Chaque mot volontiers se prete
Enfant de la joye et du vin ;
Par pouvoir magique échauffée .
La France des mains d'une Fée ,
Jadis reçut ce don divin.
Avec quelle douce énergie ,
La Suze , à l'ombre des Cyprès ,
Nous réprésente l'Elegie ,
Gémissante dans les Forêts !
Lorsque dans un torrent de larmes ,
Pour un coeur parjure à ses charmes ,
Le sien me paroît éperdu.
Ce n'est point une fausse image ,
C'est un coeur tendre qu'on outrage ,
C'est un Amant qu'elle a perdu.
LE
PHILOSOPHIE ANGLOISE , Ou Histoire
de M. Cleveland ; fils naturel de
Cromwell , écrite par lui - même et traduite
de l'Anglois par l'Auteur des Mémoires
d'un homme de qualité ; enrichie de
Figures en Taille- douce . A Virecht , chez
11. Vol Eij E
2830 MERCURE DE FRANCE
Et. Neaulme , 1732. in 12. Tome I. de
266. pages , sans la Préface. Tome II , de
de 311 , pages. Tome III . de 442. pages
Tome IV. de 309. pages,
"
DICTIONNAIRE de la Langue Françoise
ancienne et moderne , de P. Richelet , aug.
menté de plusieurs Additions d'Histoire
de Grammaire , de Critique , de Juris
prudence , et d'une Liste Alphabetique
des Auteurs et des Livres citez dans le Dictionnaire
. Nouvelle Edition , augmentée
d'un grand nombre d'Articles. A Amster
dam, aux dépens de la Compagnie, 173 2; 24
vol. in 4º .
DICTIONNAIRE Universel de Commerce,
contenant tout ce qui concerne le commerce
qui se fait dans les quatre Parties du
Monde, par terre , par mer , &c. parFac
ques et Philemon Savary , Tomes 3 et 4.
Supplement des deux premiers. A Amsterdam,
chez les fansons et Waesberge 1732 ,
2. vol. in-4.
DISSERTATIONS nouvelles sur les maladies
de la poitrine , du coeur , des femmes,
veneriennes , et quelques autres particularitez
: ou , selon les nouvelles découvertes
; on donne une idée claire et distincte
II. Vol
de
DECEMBRE. 1732 2831
de toutes ces Maladies , par opposition à
l'opinion des Anciens. Par M. Barbeyrac
Docteur en Medecine à Montpellier ; avec
deux Descriptions de Maladies qui n'ont
jamais été écrites : Far M. Boerhave. A
Amsterdam , chez les mêmes , 1731. in- 12 .
PROJET de Souscription pour l'Edition
de l'Histoire Metallique des XVII .
Provinces des Pays- Bas , depuis l'abdication
de Charles V. jusqu'à la Paix de Bade
en 1716. traduite du Holandois de M.
Gerard Van - Loon. A la Haye , chez P.
Gosse , J. Neaulme et P. de Hondt , 1732 .
Cet Ouvrage doit être regardé non seu
lement comme une Histoire Métallique ,
mais encore comme une Histoire Civile ,
Militaire , Ecclésiastique et Genealogique
des Pays- Bas . Elle est tirée des Historiens
les plus estimez , tant géneraux que particuliers
, et confirmée par les Monumens
les plus certains et les plus authentiques ;
ensorte qu'on ne fait aucun doute qu'elle
ne soit préferée à toutes les Histoires des
XVII Provinces qui ont paru jusqu'à présent
, et à tout ce qu'on a encore vu de
plus curieux en ce genre.
S L'Edition sera divisée en 5 vol. in- fol.
qui contiendront 675 feuilles, de très - beau
papier, en caracteres neufs. Il y aura 2945.
II. Vol.
E iij Médail
2832 MERCURE DE FRANCE
Médailles avec leurs revers , gravées par
les meilleurs Maîtres , et expliquées par
l'Autheur.
Ceux qui souscriront auront cet Ouvra
ge pour 90 florins de Hollande le
pour pe.
tit papier , et pour 135 florins le grand pa
pier. Les principaux Libraires de ces Provinces
et des Pays Etrangers recevront les
souscriptions ; et en payant à differens termes
, suivant le Prospectus &c . ils auront
tout l'Ouvrage entier dans le courant de
l'année 1733. On pourra chez les mêmes
Libraires consulter le Prospectus pour une
plus ample instruction .
L'Article XI de la seconde Partie de ce
Journal , intitulé Expériences étonnantes
sur l'Electricité , merire une attention particuliere
de la part des Physiciens. Il contient
la description de plusieurs Expériences
faites en Angleterre par M. Etienne
Gray , et extraites d'une de ses Lettres.
Elles se trouvent aussi décrites dans les
Transactions Philosophiques de la Société
Royale de Londres , num. 366 et 417.
Nous ne rapporterons icy qu'une de ces
Expériences à cause des bornes auxquelles
nous sommes necessairement assujettis,
les Curieux pourront recourir au Journal
même , ou aux Transactions pour être instruits
sur toutes les autres,
II. Vol M.
DECEMBRE. 1732. 2833
M. Gray découvrit au mois de Fevrier
729 pour la premiere fois une Attraction
Electrique dans plusieurs Corps qu'on n'avoit
pas soupçonés jusques- là d'avoir cette
propriété. Il fit là dessus divers Essais suk
les Métaux , pour voir si on ne pourroit
pas les rendre attractifs par le même moïen
qui donne cette qualité à d'autres corps ,
sçavoir en les échaufant , les frottant , les
battant à coups de marteau ; mais ce fut
Sans succès.
Il résolut alors de se servir d'un grand
Tube de Cristal ; car comme le Tube com
munique de la lumiere aux corps quand
on les frotte dans l'obscurité , M. Gray
pensa qu'il pourroit peut-être bien leur
communiquer en même tems de l'Electri
cité , et il ne se trompa pas , suivant les
differentes expériences faites sur les métaux
, les végétaux & c . rapportées dans ce
Journal , que nous obmettons , ainsi que
la Description du Cube en question , pour
venir à l'experience singuliere à laquelle
nous sommes contraints de nous borner.
Ecoutons là-dessus M. Gray lui- même
qui parle ainsi dans sa Lettre dattée du 8.
Fevrier 1731.
» Le 8 Avril 1730 je fis l'expérience suis
vante sur un petit garçon de 8 à 9 ans.
» Il pesoit , tout habillé , quarante et sept
II. Vol. Einj livres
2834 MERCURE DE FRANCE
» livres dix onces . Je le suspendis hori-
» sontalement à deux cordes , telles
qu'on
les employe à secher , le linge. Elles
» étoient d'environ 13 pieds de longueur,
wet avoient des ganses, à chaque bout.
>> Dans la solive de ma chambre , qui avoit
un pied d'épaisseur , on avoit fiché deux
» crochets à l'opposite l'un de l'autre , et
» à deux pieds de ceux - là encore deux au-
» tres de la même maniere , sur ces cro-
» chets on suspendit les cordons par leurs
ganses , en guise d'escarpolettes , le bas
» n'étant élevé au dessus du plancher que
d'environ deux pieds. On mit l'enfant
» sur ces deux cordes , la face en bas , de
» façon qu'une des cordes lui passoit sous
» la poitrine et l'autre sous les cuisses. Les
feuilles de cuivre furent posées sur un
» petit gueridon fait d'une planche ronde,
» d'un pied de diametre , couverte de pa-
» pier blanc et soutenue par un pied d'un
» pied de haut. Comme on eut frotté le
>> Tube , et qu'on le tenoit près des pieds
» du petit garçon , mais sans le toucher ,
son visage attira les feuilles de cuivre
» avec beaucoup de force , jusqu'à les fai-
» re monter à la hauteur de 8 et quelque
fois de 10 pouces. Je mis quantité de
» morceaux de feuilles sur le gueridon tout
» à la fois , et elles s'éleverent toujours
II. Fol.
tour
DECEMBRE . 1732. 2835
» tout à la fois dans le même tems.
» On mit alors le garçon sur le dos , et
» le derriere de sa tête qui étoit couverte
» de cheveux courts , attira , mais non pas
» tout à fait à la même hauteur que son
» visage avoit fait. Après cela on mit
» les feuilles sous ses pieds , sans qu'il eut
» quitté ni souliers ni bas , et le Tube
ayant été tenu près de sa tête , les pieds
» attirerent, mais pas tout à fait à la même
» hauteur que la tête. Après cela on remit
» encore les feuilles sous sa tête , mais il
» n'y eut aucune attraction , non plus que
» quand on tenoit le Tube au dessus des
» pieds , et les feuilles au dessous .
» Le 16 Avril je repetai l'expérience du
» petit garçon , mais l'attraction ne fut
» pas , à beaucoup près , si forte ce jour- là
» que la premiere fois. Les feuilles de cuivre
>> ne monterent qu'à environ 6 pouces. Je
» fis étendre au garçon ses mains horison-
» talement , et je plaçai un petit gueridon
» avec des feuilles de cuivre sous chaque
» main , et un autre plus grand sous son
» visage : après quoi le Tube excité ayant
été tenu près de ses pieds , son visage et
» ses mains attirerent tout à la fois. Je lui
>> donnai alors à tenir dans une main le
»bout superieur d'une ligne à Pêcheur
*L'Auteur a dit auparavant que cette Ligne étoit
*
11. Vol. E v
2836 MERCURE DE FRANCE
» à la petite pointe de laquelle étoit en-
>> chassée une boule de liege , sous laquelle
» on mit les feuilles de cuivre , et le Tu-
» be ayant été frotté et tenu près des pieds ,
la boule attira les feuilles à la hauteur de
» deux pouces , puis les repoussa , et les
attira encore plusieurs fois de suite avec
beaucoup de force.
» Le 21 Avril je réïterai mes expérien-
» ces sur le petit garçon , et je trouvai l'at-
>> traction beaucoup plus forte que la pre-
» miere fois . Les feuilles de cuivre s'éle-
» verent vers son visage à la hauteur de
>> plus d'un pied. Je donnai alors au gar-
»çon dans chacune de ses mains l'extrê
» mité d'une ligne de pêcheur , avec une
» boule de liége à la pointe , et je mis un
» petit gueridon avec des feuilles sous cha-
» que boule. Le Tube ayant été frotté et
» tenu près de ses pieds , les deux liéges
» attirerent et repousserent fortement tout
» à la fois. La longueur de chaque morceau
» de liége étoit d'environ 7 pieds. On mit
» aprèc cela le petit garçon sur le côté gau-
» che , et on lui donna à tenir de ses deux
» mains une ligne à pêcher de 12 pieds de
» long , surmontée au bout d'une petite
» boule de liége d'un pouce trois quarts
» de diamettre : après cela toutes choses
faite d'une longue Canne on Roseau.
Ils Kol étant
DECEMBRE . 1732. 2837
étant préparées , et le Tube près des
» pieds de l'enfant , la boule de liége atti-
" ra et repoussa avec force les feuilles de
cuivre jusqu'à la hauteur de deux pou •
» ces au moins.
>> Remarquez , continue M. Gray , que
» quand je parle de tenir le Tube près des
» pieds de l'enfant , j'entends
que c'étoit
» vis- à vis de la plante de ses pieds ; et
>> quand je dis que c'étoit près de sa tête ,
il faut entendre près du sommet ; car
» quand on tenoit le Tube au dessus de la
» tête ou des jambes , l'attraction ne se
» communiquoit pas si fortement aux au-
» tres parties de son corps.
» Ces Expériences montrent , conclud
» l'Auteur , que les animaux reçoivent en
» plus grande quantité les écoulemens
» électriques , et que ces écoulemens peu-
» vent passer d'eux ailleurs , jusqu'à des
» distances considérables par plusieurs
» chemins tout à la fois , pour peu qu'ils
>> trouvent des passages propres , après
quoi ils déployent leur puissance attrac-
» tive dans les endroits où ils sont par
venus .
: On ne peut pas disconvenir qu'il n'y
aitdu neuf et du merveilleux dans ces Expériences
5 M. Gray se propose de les
ter encore plus loin , encouragé par une
por-
11. Vol B vj nou2838
MERCURE DE FRANCE
nouvelle découverte qu'il a faite touchant
l'attraction des corps colorez , lesquels attirent
, dit- il , plus ou moins à raison de
la couleur dont ils sont , quoique de même
substance , de même volume , de même
poids ; ensorte que le rouge , l'orange
ou le jaune , attirent pour le moins 3 ou 4
fois plus fortement que le verd , le bleu
ou le pourpre. Voilà encore une fois des
Nouveautez susceptibles de bien des Reflexions
; elles prouvent au moins qu'il
reste encore beaucoup de mysteres à découvrir
dans la Nature. Pline qui l'avoit
assez étudiée le pensoit ainsi , nous finirons
par son expression qui ne sçauroit
être plus noble , ni peut-être mieux appliquée
qu'ici : Multa latent in majestate
Natura.
POESIES diverses. Par M. Tanevot.
A Paris , rue S. Jacques , chez Jacq. Co-
Lombat ; et Quay de Conty , chez la Peuve
Pissot , 1732. prix 2. livres relié , in 12.
de 300. pages.
Nos Lecteurs connoissent déja plusieurs
Pieces que nous avons publiées de cet
Auteur , qu'il a retouchées depuis. Nous
ne doutons point du plaisir que fera ce
Recueil , composé d'Odes , Epitres , Dia-
II. Vol.
prices
DECEMBRE. 1732 2839
logues , Fables , Allégories , Elegies , Ca
prices , Epitaphes , Apologies , Madrigaux
, Cantates et autres Poëmes sur divers
sujets, sans compter les Stances ,
Odes , et quelques autres Poësies Chrétiennes
. Donnons quelques morceaux de
ces Poësies pour faire connoître le génie
et le caractere de M. Tanevot.
Les Dieux Luteurs. Fable.
Un homme expert aux combats de la Lute,
Se choisit un Eleve , et par mainte leçon ,
L'ins truit dans tous les tours que cet Art execute ;
Hormis un seul , que pour bonne raison ,
Il se réserve en personne discrete.
Voila dans peu notre nouvel Athlete ,
Robuste , souple , adroit , terrassant tout Luteur,
Qui vouloit contre lui signaler son ardeur.
Enfé de ses succès , par un orgueil extréme ,
Il ose défier jusqu'à son Maître même ;
Celui-cy du combat se défend par bonté ;
Mais forcé par l'Eleve à venir sur l'aréne ,
Il se résout , quoiqu'avec peine ,
A punir sa témerité.
L'adresse sur la force eut toujours l'avantage ,
Le vieil Luteur mettant son secret en usage ,
Fait bien- tôt perdre terre à ce jeune éventé ,
Puis l'étend à ses pieds , tout écumant de rage.
11, Vol
J'ignorois
2840 MERCURE DE FRAN CE
J'ignorois , dit l'Eleve , en lui criant mercy ,
Le tour que tu me fais connoître ;
Je te le gardois , dit le Maître ,
Pour un jour comme celui - cy.
MADRIGAL.
Quelqu'un demandoit à Damis ,
Riche autant qu'il en est en France ,
Si dans cette rare opulence ,
Il se croyoit beaucoup d'amis ?
De ceux que la fortune attire ,
J'en ai , dit - il , à volonté :
Des autres je ne puis rien dire ;
Ay-je été dans l'adversité ?
L'ETINCELLE . Fable.
Une Etincelle petillante,
Admirant son éclat et son agilité ,
Dans l'excès de sa vanité ,
Se croyoit une Etoile ertante.
Mais au moment que son feu l'ébloüit ,
La pauvrete s'évanoüit.
Ce récit a peu d'étenduë ;
Mais s'il instruit assez , n'est- il pas assez long ?
Sur maintes gens il tombe à plomb :
Combien, par leurs projets , se perdent dans la nuë,
Et s'éclipsent au même instant ?
11. Vol.
S'estimer
DECEMBRE. 2841 1732.
S'estimer trop , est une erreur commune.
La moindre lueur de fortune ,
Fait d'un fat un homme important.
L'humaine ambition est toûjours indiscrete :
L'homme luit quelquefois , mais comme une
bluette.
L'Epitre de l'Auteur à ses Livres , est
un morceau très- travaillé , dont nous
voudrions bien orner cet Extrait , mais
sa longueur nous en empêche , nous ne
pouvons cependant nous empêcher d'en
rapporter quelque chose. Voici le commencement.
Celebres monumens des plus sçavantes plumes ,
Chefs -d'oeuvres de l'esprit , agréables volumes ,
Lumiere qui luisez sur mes travaux divers ;
Mes Livres , c'est à vous que j'adresse ces Vers.
Que le Ciel soit serein , ou que l'orage gronde ,
Libre au milieu de vous des embarras du monde ,
Arbitre de mon sort , je me fais seul la loi ,
Et de mon doux loisir ne rends compte qu'à moi.
Tranquille possesseur des seuls biens ou j'aspire ,
J'exerce alors sur vous un légitime empire ;
Je forme en Souverain les plus vastes projets ,
Et sur ma table épars je vois tous mes Sujets.
*De leurs plus belles fleurs les Muses me couronnent
;
II. Vol Rassemblez
2842 MERCURE DE FRANCE
3
Rassemblez sur leurs pas , tous les Arts m'envi
ronnent.
Dans un champ si fécond je n'ai qu'à moissonner ;
Mes voeux toûjours remplis , ne sçauroient se
borner ;
Et je puis , sans sortir du lieu qui vous enserre ,
Parcourir , quand je veux , et le Ciel et la
Terre , & c.
MEMOIRES pour servir à l'Histoire
des Hommes Illustres dans la République
des Lettres , & c. Tome XVIII . de 411 .
pages , sans les Tables. A Paris , chez
Briasson , rue S. Jacques , à la Science ,
M. DCC . XXXII.
" Les Memoires qui font la matiere de
ce XVIIIe Volume , contiennent la Vie
et le Catalogue des Ouvrages de trentecinq
Auteurs , entre lesquels nous avons
choisi l'article d'Antoine Godeau ,
pour
suivre notre coûtume , et pour ne point
exceder les bornes prescrites dans notre
Journal.
Antoine Godeau nâquit à Dreux , Ville
du Diocèse de Chartres , où son pere
étoit Elû , et d'une des meilleures familles
du Lieu , vers l'an 1605 .
Il s'adonna de bonne heure à la Poësie
Françoise , et se fit connoître avantageu
sement de ce côté- là. Il étoit un peu pa-
11. Vol. .rent
DECEMBRE. 1732: 2843
rent de M. Conrart , et logeoit chez lui
¹lorsqu'il venoit à Paris. Les Poësies qu'il
y apportoit de Dreux , donnerent lieu à
M. Conrart d'assembler dans sa Maison
quelques Gens de Lettres , pour en entendre
la lecture , et ces Assemblées furent
proprement l'origine de l'établissement
de l'Académie Françoise , dans laquelle
M. Godeau eut enrrée des premiers .
Ses vûës tendirent d'abord vers le mariage
, et il rechercha la fille du Lieutenant
General de Dreux ; mais se voyant
rejetté , parce qu'il étoit petit et laid , il
quitta sa Patrie et vint s'établir à Paris .
M. Conrart l'ayant fait connoître à
M. Chapelain ; celui - cy le produisit à ,
l'Hôtel de Rambouillet , qui étoit alors
le Tribunal où il falloit faire preuve d'esprit
et de mérite pour être admis au
rang des Illustres ; il y fut goûté , et c'étoit
de lui que Mademoiselle de Ramboüillet
( Julie d'Angennes ) disoit dans
une de ses Lettres à Voiture : Il y a ici
un homme plus petit que vous d'une coudée.
et je vous jure , mille fois plus galant. Sa
taille et l'affection que cette Demoiselle
lui témoignoit , lui firent alors donner
le nom de Nain de fulie.
On voit par-là que si M.Godeau n'avoit
du côté du corps rien qui méritât de l'at-
II. Vol. tention
2844 MERCURE DE FRANCE
tention ; les qualitez de son esprit et son
mérite suppléoient à ce deffaut. Quelque
temps après qu'il se fût fixé à Paris , i
embrassa l'Etat Ecclesiastique ; et l'esprit
de pieté qui lui avoit inspiré ce dessein ,
lui inspira aussi celui de ne plus exercer
le talent et l'inclination qu'il avoit pour
la Poësie , que sur des sujets chrétiens.
Il fit en 1536. une Paraphrase du Cantique
: Benedicite omnia opera Domini Domino
, qui étant bien versifiée et écrite
d'un stile noble et riche , lui attira un
applaudissement general . Elle plut si fort
au Cardinal de Richelieu , à qui il l'avoit
présentée , qu'après l'avoir luë et reluë
en sa présence , il lui dit : Vous me don
nez le Benedicite , et moi je vous donne
Grasse . Jeu de mots , que l'occasion fit
naître ; car l'Evêché de Grasse vaquoit
alors , et le Cardinal qui connoissoit d'ail·
leurs son mérite et sçavoit le bruit que
faisoient ses Prédications , fut par- là déterminé
à le placer sur le champ.
Il fut nommé à cet Evêché l'an 1536.
et fut sacré à S. Magloire au mois de Décembre
de la même année , par Eleonor
d'Estampes , Evêque de Chartres , et depuis
Archevêque de Reims , assisté d'Etienne
Pouget , * Evêque de Dardanie et
* Ce nom est defiguré , il faut dire Etienne de
Puget.
DECEMBRE. 1732. 2849
depuis de Marseille , et de Bertrand Des
pruotz , Evêque de S. Papoul.
Aussi - tôt après son Sacre , il se retira
-dans son Diocèse , pour s'appliquer tout
-entier aux fonctions de l'Episcopat . Il y
annonça avec zele la parole de Dieu , y
tint plusieurs Synodes , composa quantité
d'Instructions Pastorales pour son Clergé
et y rétablit la discipline Ecclesiastique,
Il réunit à l'Evêché de Grasse , par
droit de Patronage , l'Eglise d'Antibes ,
qui depuis que le Siege Episcopal en
avoit été transferé à Grasse , n'avoit été
d'aucun Diocèse , et par ce moyen il
fit revivre la discipline Ecclesiastique ,
dont il ne restoit presque plus aucun
vestige.
y
Il obtint du Pape Innocent X. des Bulles
d'union de l'Evêché de Vence , avec
celui de Grasse , comme son Prédecesseur
Guillaume le Blanc en avoit obtenu de
Clement VIII . Cette union n'étoit pas
contraire aux Canons , et paroissoit bien
fondée , parce que ces deux Evêchez ensemble
n'étoient que de dix mille livres
de revenu ; qu'ils n'avoient aussi ensem,
blee que trente Paroisses , et que les Villes
de Vence et de Grasse n'étoient éloi
gnées l'une de l'autre que de trois lieües.
Cependant voyant que le Peuple et le
II Vol. Clergé
2046 MERCURE DE FRANCE
Clergé de Vence , s'opposoient à cette
union , il aima mieux ceder son droit
que de n'être pas agréable à quelquesuns
de ces Diocesains , et d'avoir à pour
suivre un Procès , et se contenta de l'Eglise
de Vence.
Il assista aux Assemblées generales du
Clergé , tenues en 1645. et 1656. Dans
la premiere il composa et récita , par or
dre du Clergé , l'Eloge de Petrus Aurelius,
qui avoit soutenu vivement les droits des
Evêques contre quelques Réguliers. Dans
la seconde , il fut un des Prélats qui témoignerent
le plus de zele et d'indignation
contre les Propositions de Morale
relâchée, qui avoient été dénoncez à cette
Assemblée , et ce fut par son avis qu'elle
fit imprimer les Instructions de S. Charles
Borromée , dont il avoit inseré une
partie dans ses Statuts Synodaux .
Il passa le reste de sa vie dans son Diocèse
, continuellement occupé, soit à faire
ses visites , soit à prêcher , soit à lire ou à
composer , soit à vacquer aux affaires Ecclesiastiques
ou temporelles de son Diocèse.
J'ai trouvé dans un Livre peu connu ,
intitulé : Le Confiteor de l'infidele Voyageur
, par fen George Martin , Renegat
Extrait de ses Voyages . Lyon , 1680. in 8.
II. Vol. à
DECEMBRE. 1732: 2847
i la page 244. qu'en passant à Vence ,
vit M. Godeau , qui en étoit Evêque ,
et que Dieu l'avoit éprouvé par la perte
hde Îa vûë , qu'il enduroit avec beaucoup
de tranquillité d'esprit ; particularité dont
en je n'ai vû faire mention en aucun autre
endroit,
Il eut une attaque d'apoplexie le 17
Avril 1672. qui étoit le jour de Pâques
, et il en mourut à Vence le 21 du
-même mois , âgé de 67 ans .
Les occupations de son Ministere ne
l'ont pas empêché de composer un grand
nombre d'Ouvrages considerables , tant
en Prose qu'en Vers . Aussi avoit- il une
facilité et une fécondité prodigieuse . Il
disoit ordinairement que le Paradis d'un
Auteur est de composer , que son Purgatoire
est de relire et de retoucher ses
compositions ; mais que son Enfer est
de corriger les Epreuves de l'Imprimeur.
M. Boileau Despreaux n'a pas jugé trop
favorablement de sa Poësie , voici comme
il en parle dans sa Lettre neuviéme à
M. de Maucrois. » Je suis persuadé
>> aussi bien que vous , que M. Godeau est
»un Poëte fort estimable. Il me semble
pourtant qu'on peut dire de lui ce que
» Longin dit d'Hyperide , qu'il est tou-
II. Vol. »jours
2848 MERCURE DE FRANCE
»jours à jeun , et qu'il n'a rien qui remuë
» ni qui échauffe ; en un mot , qu'il n'a
point cette force du stile et cette vivacité
d'expression , qu'on cherche dans
les Ouvrages , et qui les font durer. Je
» ne sçai point s'il passera à la Posterité;
mais il faudra pour cela qu'il réssuscite;
» puisqu'on peut dire qu'il est déja mort ,
» n'étant presque plus maintenant lû de
>> personne.
M. de Maucroix , dans sa Réponse à
cette Lettre de Despreaux , s'exprime ainsi
sur son sujet. Je tombe d'accord que
>> M. Godeau écrivoit avec beaucoup de
» facilité , disons avec trop de facilité. Il
faisoit deux ou trois Vers , comme dit
» Horace , Stans pede in uno . Ce n'est pas
»ainsi que se font les bons Vers. Je m'en
>> rapporte volontiers à votre propre ex-
» périence. Néanmoins parmi les Vers
négligez de M. Godeau , il y en a de
beaux qui lui échappent. Dès notre
>>jeunesse nous nous sommes apperçûs
» qu'il ne varie pas assez . La plûpart de
>>ses Ouvrages sont comme des Logogryphes
car il commence toujours par
» exprimer les circonstances d'une chose ,
» et puis il y joint le mot ; on ne voit
> point d'autre figure dans son Benedicité,
II. Vol. » dans
DECEMBRE. 1732. 2849
dans son Laudate , et dans ses Cantiques.
Le P. Vavasseur , Jesuite , a porté un
agement encore plus désavantageux de
a Poësie de M. Godeau , dans l'Ouvrage
qu'il a publié contre lui , sous le nom de
Candidus Hesychius , et sous ce titre : An,
tonius Godellus Episcopus Grassensis , an
Elogii Aureliani scriptor idoneus , idem
que utrum Poëta ? Constantia ( ou plutôt )
Paris , 1650. in 8. Mais cet Auteur y outre
les choses , et fait voir par ce qu'il dit
contre la personne même de M. Godeau
que la passion avoit la principale part à
sa Critique.
Nous n'ajouterons point ici le Catalo
gue des Ouvrages de M. Godeau fort bien
raisonné et composé de LIX. Articles ,
parce que ce détail nous meneroit trop
Loin .
Voici les noms des autres Sçavans dont
la Vie et les Ouvrages sont rapportez dans
ce XVIII . Tome des Mémoires.
Jean-Jacques Boissard. Jean Alphonse .
Borelli, Jean Broekhuisen . Guillaume Burton.
Isaac Casaubon . Meric Casaubon.
Pierre de Caseneuve. Gautier Charlton.
Louis Cousin. Janus Dousa. Janus Dousa
le fils. George Dousa. Jean de la Fontaine.
Claude- François Fraguier. Leonard Fuch-
II. Vol. sius.
2850 MERCURE DE FRANCE
sius. Jean -Baptiste Gelli. Edouart Herbert
Maurice Hilaret . François - Michel Janigon.
Fean de Labadie. Christian Longo
montan. Jerôme Maggi. Henri Meibonius
RobertMaurison . Augustin Niphus . Severin
Pineau. Bilibald Pirckheimer. Michel Poc-
Gianti. Samuel de Pufendorf. Jean Racine.
Richard Staniburst. Louis Transillo. André
Valladier. Jacques Ware.
LA VIE EST UN SONGE , Comédie héroïque
de M. de Boissy , représentée par
les Comédiens Italiens , au mois de Novembre
1732. prix , 24 sols. A Paris ,
chez P. Prauli , Quai de Gêvres , 1732.
in- 8. de 80 pages , prix 24 sols.
Cette Piéce en Vers libres , n'est pas
une simple Traduction de l'Italien ; on a
senti dans les Représentations , les changemens
avantageux que l'Auteur a faits
dans ce Poëme ; pour donner une idée de
la maniere dont il est écrit , et du caractere
des deux principaux Personnages , nous
insererons ici un Fragment de la Scene
entre Bazile , Roi de Pologne , et Sigismond
, son fils , retenu dans une dure
captivité par son Pere depuis sa naissance.
II. Vol. La
DECEMBRE. 2851 9732.
Le Roy.
Ah ! ces retours affreux et l'horreur qu'ils t'ins
pirent,
Me font trop voir que les Astres sont vrais
Dans le malheur qu'ils me prédirent :
Il est écrit sur ton front irrité ;
Et j'y lis d'un Tyran toute la dureté.
Sigismond.
Pere cruel ! dont la bouche m'outrage ,
Si je suis un Tiran , n'en accuse que toi ;
Par ton ordre , élevé comine un monstre sau→
vage ,
Je ne fais que répondre aux soins qu'on cut de
moi ,
J'imite ton exemple , et je suis ton ouvrage ,
D'autant plus excusable en mon
ment ,
emporte
Que la raison l'approuve , et que ma tiran
nie
Par un juste retour et par un mouvement
Que la Nature justifie
N'aspire qu'à punir les Tirans de ma vie ;
Mais toi , Pere coupable et bourreau de tom
: fils ,
Tu t'es montré cruel contre toute justice ,
Contre les droits humains et les loix du Pays.
Pour m'enterrer vivant dans un noir précipice ,
11. Vol. F Quel
2852 MERCURE DE FRANCE
Quel forfait en naissant avois-je donc commis ?
C'est peu de me cacher à ma Patrie entiere ,
Tu m'as tout refusé jusques à la lumiere :
Pour la premiere fois aujourd'hui j'en joüis.
Dans les transports de sa colere ,
Contre moy , que pourroit imaginer de pis,
Le plus cruel de tous mes ennemis ?
Parens dénaturés , à vos ordres bizares ,
Quoi nos jours innocens seront- ils asservis
?
Serés-vous
res ,
envers nous impunément barba-
Et les ressentimens nous sont - ils interdits ?
Non , non , c'est une erreur dont vous êtes séduits.
Par une sage prévoyance
Les équitables Dieux ont borné vos pouvoirs.
Ainsi que nous , vous avés vos devoirs .
Et si nous vous devons avec l'obéïssance`
Des marques de respect et de reconnoissance ,
Vous nous devés des soins à votre tour ,
Conformes à notre naissance
Et des preuves de votre amour.
RECUEIL des principales décisions s
les Matiéres Beneficiales, extraites des C..
nons des Conciles , et des plus celebres
Auteurs ,conformes aux Edits et Déc
ations du Roi , et à la Jurisprudence
(
II. Vol. Pat
DECEMBRE . 1732. 2853
Parlemens du Royaume , et du Grand-
Conseil. Nouvelle Edition , revûë , corrigée
et augmentée de plus de moitié. Par
M. Drapier , Avocat au Parlement. .2.
vol. in 12. pag. 584. et 586. A Paris
chez Nicolas - Pierre Armand , ruë S. Jacques
1732.
,
EXPOSITION Anatomique de la structu
re du corps humain , par Jacques - Benigne
Winslovv de l'Académie Royale des
Sciences , Docteur , Régent de la Faculté
de Médecine en l'Université de Paris , &c.
vol . in- 4. pag. 740. sans l'Avertissement
et une Table des principales Matieres.
A Paris , chez Guillaume Desprez et Jean
Desessarts , 1732 .
LE REPOS DE CYRUS , ou l'Histoire de
sa vie , depuis sa 16. jusqu'à sa 40. année.
Chez Briasson , rue S. Jacques 1732.
in- 12 . de 380. pages , les trois Tomes.
L'Auteur de ce Livre est M. l'Abbé
Pernetti. Le dessein de son Ouvrage est de
faire voir en quoi consiste la veritable
grandeur d'un Roi , et les differentes vertus
qui doivent former son caractere.
Comme la Fable étoit le meilleur moyen
pour développer les idées qu'on avoit sur
ce sujet , on s'en est servi , mais en tem-
II. Vol. Fijpé
2854 MERCURE DE FRANCE
pérant ce qu'elle a d'outré par la sagesse
du style et de l'invention . Cyrus est le
Heros qu'on fait agir et parler.
. Dans le premier Livre on le met aux
prises avec les passions , et par la maniere
dont il se défait de leurs pieges , il peut
servir de modele aux jeunes coeurs pour
se deffendre contre les charmes de la volupté.
Dans le second , on le représente
occupé des Arts et des Sciences : là , sẹ
trouve une Allegorie interessante des
progrès de la Litterature dans le dernier
siecle , et plusieurs Portraits achevez de
nos Illustres. Dans le troisiémę , on nous
le montre uniquement appliqué aux affaires
et à l'administration de l'Etat ; ce
ne sont que Maximes sages sur le Gouver
nement , que traits de grandeur et d'équi
té , et que moyens prudemment imagi
nés pour rendre les peuples heureux . Tout
cela est écrit d'un style fort naturel , et se
trouve entremêlé de plusieurs Episodes
qui sont autant de morceaux d'histoire
très-attachants .
Dans une Préface de 16 pages , l'Auteur
rend compte du choix et du dessein
de son Ouvrage . Les Maîtres et les Voyages
peuvent rendre un Prince plus sçavant,
dit- il, ils ne peuvent en faire un Heros
, le vrai Heroïsme est l'ouvrage de la
11. Vol.
Na
DECEMBRE. 1732 285 5.
Nature , Alexandre n'avoit appris de
personne à pleurer au récit des Conquê
tes de son Pere. Qui ne sçait que l'éducation
ordinaire sert plus à étouffer l'heroïs
me qu'à le produire ; et qu'en voulant
réformer la Nature , que l'on croit corrompue
en tout , on lá corrompt quelquefois
dans ce qu'elle a de plus parfait ?
il n'y a qu'une maniere de l'aider , c'est
de la connoître , de la suivre , et de ne la
corriger , en quelque sorte , que par ellemême
, en opposant ce qu'elle a de bon
à ce qu'elle peut avoir de vicieux.
Au second Tome , page 12. Cyrus établit
dans sa Capitale des Tribunaux , où
se décidoit sans appel tout ce qui concernoit
les Arts et les Sciences , c'est- àdire
, qu'il créa six Académies. La pre
miere avoit pour objet la Géometric , la
Philosophie , la Physique , la Chimie et
la Medecine ; la seconde étoit consacrée
à l'Eloquence et à la Poësie ; la troisiéme
travailloit sur l'Histoire , les Langues
Etrangeres et les Antiquitez ; les autres
se partageoient , la Musique , la Peinture
et la Sculpture. Il n'étoit permis à personne
de mettre au jour aucun Ouvrage,
qui n'eut été approuvé par l'Académie
dont il dépendoit : cette régle empêcha
qu'on ne multipliat les Livres . et ( ce
II. Vol. Filj qui
2856 MERCURE DE FRANCE
qui en est une suite nécessaire ) qu'il n'en
parut beaucoup de mauvais.
Cyrus fait demander en mariage la fille
du Roi d'Armenie ; ses Ambassadeurs
P'obtiennent facilement de son Pere , lequel
donne les ordres necessaires pour le
prompt départ de la Princesse . Il ne pouvoit
ignorer son impatience ; elle n'avoit
pas employé auprès de lui ces ménagemens
équivoques , qui confondent si souvent
en ces sortes d'occasions le véritable amour
avec le faux ; elle avoit déclaré à son pere
toute sa tendresse pour Cyrus , elle la
trouvoit trop pure et trop raisonnable
pour en rougir ; on ne doit pas craindre
d'avouer qu'on aime quand on aime comme
on doit aimer. Malgré tout son empressement
, elle ne put se séparer de son
pere sans s'attendrir , elle lui avoüa qu'il
n'y avoit que Cyrus au monde qui put
adoucir le chagrin qu'elle avoit de le quitter
; ils se dirent adieu avec beaucoup de
larmes , l'amour vertueux fortifie les sentimens
de la nature au lieu de les détruire....
Tout l'Ouvrage , pour le dire en passant ,
est extrêmement fourni de ces Reflexions
justes et sensées .
On se prépara à Hecatompyle à recevoir
Cassandane ; Cyrus n'oublia rien
pour faire éclater sonamous ; il sçavoit
II. Vol.
DECEMBRE. 1732: 2857
que
le goût de la Princesse d'Armenie pour
les Arts et pour les Sciences ; il voulut
toutes les Académies lui préparassent des
hommages à son arrivée, on n'en avoit jamais
rendu à une femme qui les méritât
mieux qu'elle ni qui fut plus capable
d'en connoître le prix . De toutes les Académies
, celle qui pouvoit se distinguer
le plus en cette occasion , étoit celle de
Musique ; elle avoit pour chef un de ces
hommes rares sur qui la nature semble
quelquefois vouloir essayer ce qu'elle
peut produire de plus parfait en un genre.
Il étoit Grec d'origine et avoit été conduit
par hazard à Hécatompyle dans sa
premiere jeunesse ; jamais homme ne sentit
mieux l'harmonie et tous les ressorts secrets
qui la produisent ; il étoit simple
dans sa composition ; on retenoit ses airs
à les entendre une fois ; il étoit varié , et
dans des Piéces sans nombre , il ne s'est jamais
repeté précis et caracterisé jusqu'à
ôter la liberté d'appliquer ses airs à quelqu'autre
sujet qu'à celui qu'il avoit eu en
vüe; dans la fureur et dans la tendresse
allant aussi loin que ces passions....
Il composa un grand divertissement en
Musique dont on eut dit qu'il à composé
les vers tant ils convenoient à la
Musique ; cependant il n'en étoit pas l'Au-
II. Vol
Fiiij teur
28,8 MERCURE DE FRANCE
tant
teur : c'étoit un Poëte qu'il avoit pris soia
de former à cette espece de Poësie , et qui
se rendit presque aussi inimitable
il est vrai que les Arts s'aident' les uns les
autres, et qu'il ne faut quelquefois qu'un
grand homme pour en faire briller d'autres
qui seroient restez inconnus .………. L'Amour
et la Musique ont plus de rapport
qu'on ne pense ; l'un et l'autre se prêtent
un secours mutuel ; les coeurs tendres sont
generalement plus touchez de la Musique
que les autres ; la Musique à son tour augmente
kur sensibilité , et elle devient un
vrai plaisir pour eux , quand ils aiment.
Independemment des dispositions où se
trouvoit Cassandane à cet égard , elle aimoit
la Musique par inclination ; de tous
les Arts que les hommes ont inventez
c'étoit à son gré celui qui faisoit le plus
d'honneur à l'esprit humain , et qui l'étonnoit
davantage par la diversité et par
la multitude des combinaisons dont elle
est formée ; elle ne voyoit rien dans la
nature qui en eut pu faire naître l'idée :
la prétendue harmonie des Cieux , le choc
des Elémens , le chant des Oiseaux , et
les autres sources d'où on suppose que
les hommes ont tiré la Musique , lui paroi
oient trop éloignées de la vrai - semblai.
ce , elle en auroit attribué la naissance
11. Vol.
DECEMBRE . 1732. 2859
à la mélancolie , parce qu'elle en est le remede
le plus efficace .
On établit un Théatre &c. Deux Poë
tes qui avoient en quelque sorte ouvert
la Scene , étoient rivaux sans être ennemis ,
et plaisoient tous deux , sans se ressemblers
le plus âgé avoit un génie noble ,
élevé , plein de force , fécond , énergique
, faisant des Héros de tous ses personnages
, il est vrai qu'il les avoit pris
dans l'Histoire du peuple le plus fertile
en Grands Hommes , flatant ses Auditeurs
Een leur présentant des modeles au dessus
d'eux , et qu'ils se croyent capables d'imiter
: le plus jeune , avec un génie moins
étendu , moins élevé , moins fort , moins
fertile niême , mais plus soutenu
- égal , plus doux , avoit trouvé le chemin
du coeur et le secret de l'interesser toujours
; toutes les passions qui en dépen
dent avoient place dans ses Piéces ; on l'é
coutoit aussi volontiers que l'autre , quoique
par un motif bien opposé ; ses Auditeurs
croyoient leurs passions pardonnables , en
les voyant authorisées dans les personnages
illustres qu'il mettoit sur la Scene ;
on sortoit des Piéces du premier , l'ame
remplie de grands sentimens et se croyant
capable de ce qu'il y a de plus héroïque :
les Piéces du second attendrissoient le
plus
.. 11. Vol. F.v ccur
2860 MERCURE DE FRANCE
coeur et arrachoient des larmes pleines de
douceur ; on devenoit plus honnête hom
me de l'Ecole de l'un , et plus galant à
celle de l'autre , celui -là avoit peint les
vertus des hommes , et celui cy leurs défauts
; le premier étoit répréhensible dans
son langage qu'il sacrifioit souvent à la
pensée ; il étoit même inégal , et après
s'être élevé jusqu'aux nuës , il rampoit
jusqu'à la terre : le second étoit toujours
le même ; sa Poësie liée , son expression
pure ; il est plus difficile d'être egal dans
le grand que dans le tendre ; on disoit
que
la perfection eut été de rassembler dans
un troisiéme Poëte ce qu'ils avoient de
meilleur l'un et l'autre ; je ne sçai si on
avoit droit de l' sperer , et si le même génie
est capable de réunir des qualités si
opposées ; ce qui en fait voir au moins la
difficulté , c'est que non seulement il n'y
a eu auc in Poëte en Perse qui en soit ve
nu à bout , mais il n'y en a pas eu qui ait
véritablement remplacé l'un des deux.
Cassan lane étoit enchantée de tout ce
qu'elle voyoit ; elle ne contribua pas peu
dans la suite au dessein de Cyrus ; capable
d'être Juge en toutes sortes de scienelle
ne se réserva le droit communément
accordé aux Dames , de juger
du langage ; elle le perfectionna en effet
ces ,
que
11. Vol.
si
DECEMBRE . 1732. 2861
si bien , que les Académiciens avouerent
qu'ils lui devoient le stile naturel , simple
et noble qui prit la place du stile ampoulé,
précieux ou obscur même à force d'être
spirituel et trop du goût de la Nation dans
les commencemens de sa réformation.
Cyrus aprit qu'un Poëte travailloit à
des Satyres , on en louoit la versification,
quoiqu'un peu dure , elle disoit beaucoup
en peu de paroles , on sentoit qu'elle avoit
coûté à son Auteur , qu'il n'y avoit que
le plaisir de médire qui eut pu lui faire dévorer
un si pénible travail . On en récita
quelques vers à Cyrus , leur beauté ne
surprit point son admiration , il les trouva
pleins de malignité , il ne confondit
pourtant point le Poëte avec son Ouvrage,
il distingua le genie de l'abus qu'il en faisoit
, il chercha à le rendre utile et non à
le détruire ; il étoit convaincu que ceux
qui ont des talens méritent des égards ; il
ne croyoit pas au dessous de lui d'en avoir
pour un Poëte , il le fit venir en sa présence
, il le reçut avec bonté , il loua son
genie pour la Poësie , et il lui conseilla de
donner à ses vers un meilleur objet que
la Satyre. Ce n'est point en décriant les
hommes , lui dit- il , que vous les rendrez
meilleurs , c'est les irriter plutôt que les
réformer , la vertu n'a jamais employé les
11. Vol.
Fvj armes
2862 MERCURE DE FRANCE
armes de la satyre pour faire haïr le vice
et se faire aimer ; il est d'ailleurs de votre
interêt de ne pas vous rendre haïssable ,
on craint toujours pour soi ce qu'on aime
à entendre dire contre les autres ,
la haine contre le satyrique vange au
moins les gens vicieux d'avoir été censurez
.
et
Un Poëte comique pensa être découragé,
croyant que Cyrus pensoit de la Comédie
comme de la Satyre , mais on le détrompa
sur ce que ce Prince éclairé distinguoit
très bien la satyre , qui en attaquant
les vicieux ne corrigeoit personne, de
la Comédie qui n'attaque que les vices.Ce
Poëte travailloit avec une facilité d'autant
plus étonnante , qu'elle n'ôtoit rien à la
perfection de ses Ouvrages ; il étoit devenu
la ressource des plaisirs et des fêtes ,
son génie étoit aussi inépuisable qu'il étoit
prompt ; il trouvoit dans les differens caracteres
un fond infini de morale ; on ne
pouvoit lui sçavoir mauvais gré d'avoir
voulu corriger les hommes en les amusant :
son goût et son discernement dans le
choix et dans l'arrangement des sujets ,
qu'il avoit à traiter , étoient inimitables ,
ne présentoit que ce qui devoit plaire ;
la diversité et la multitude des spectateurs
qu'il avoit à contenter, n'ont ser-
II. Vel
vi
DECEMBRE. 1732. 2863
vi qu'à augmenter sa gloire ; il se reproduisoit
en quelque sorte lui -même , et on
retrouvoit en lui les qualitez de mille
Auteurs differens .... On lui attribue la
gloire d'avoir corrigé à la Cour beaucoup
de ridicules , celui des femmes qui font
135 sçavantes , fut le plus marqué. Il n'est
pas étonnant que la science étant venue
à la mode en Perse , les femmes à qui la
nouveauté plaît , ne voulussent se distinguer
aussi par la science , il peut leur
convenir d'être scavantes , mais il ne leur
sied jamais d'en affecter le titre ; il semble
que la science qui gêne , s'assortit
mal avec ses graces naturelles qui font
leur partage ; on exige d'elles de l'esprit ,
et la beauté même la plus parfaite ne les
en dispense pas longtems ; on leur passe
de composer des Ouvrages qui ne dépendent
que de l'esprit.... Les sentimens et
la délicatesse sont leur caractere principal
&c.
On vit s'élever un homme admirable ,
qui sous le voile des Fables déguisa sa morale
: le grand et le tendre , le serieux et
le badin , le naturel et le naïf même , tout
étoit de son ressort ; il n'est point d'état
ni de caractere qui n'y trouvat des leçons,
il employoit à son gré la tendresse du
coeur , la sagacité de l'esprit , le badinage
11. Vol.
le
2864 MERCURE DE FRANCE
le plus aimable ; il apprenoit à penser aux
uns , il donnoit des sentimens aux autres,
il persuadoit à tous , et il est le premier
qui ait introduit dans la Poésie cette jus
tesse et cette précision même , qui paroît
lui être opposée , sans lui faire rien perdre
de ces images brillantes et de ces expressions
heureuses qui distinguent si fort la
Poësie du discours ordinaire...
Insensiblement cet Extrait devient long,
malgré notre attention à nous contenir
dans de justes bornes ; finissons- le par ce
Portrait. Parmi ce grand nombre d'hommes
qui se distinguerent , il n'y en eut
qu'un qui fut tout à la fois Poëte , Orateur
, Historien , Philosophe , Géometre ,
que ne fut-il pas ? admirable dans tous
les genres où il voulut travailler , il épuisa
sa vie avant que d'avoir épuisé son génie ,
et les divers Ouvrages qu'il a laissés auroient
fait la gloire de plusieurs hommes.
Le VI. Tome du grand Recueil des Ecrivains
d'Italie , par M. Murator , imprimé à Milan ,
paroît ici depuis peu . Il est dédié au Cardinal
Bortomée , Evêque de Novarre , et contient onze
Monumens historiques , composez par differens
Auteurs. Le plus considerable est sans doute celui
qui est intitulé : Annales de Gennes , par
Caffaro et ses Continuateurs depuis l'an 1100.
jusqu'en 1293. Ces Annales sont divisées en dir
Livies , dont le dernier est de la composition de
II. Vol Jacques
DECEMBRE . 1732. 2865
Jacques Doria , qui non content de reprendre le
fil de l'Histoire où les Auteurs précedens l'a
voient laissée , et de la conduire jusqu'à l'année
129. est remonté jusqu'à l'origine de Genes , et
supplée ainsi à la Chronique de Caffaro , qui ne
commence l'Histoire de cette Ville qu'au temps
auquel il vivoit.
HISTOIRE ECCLESIASTIQUE pour servir de
continuation à celle de M. l'Abbé FL URY , Tome
XXVI. depuis l'an 1521. jusqu'en 1528. A Paris,
Quay des Augustins , chez Emery , Saugrain et
Martin ; et chez Mariette et Guérin , ruë S. Jacques
, in 4. 1729. pages $ 94.
Pour avoir une juste idée de ce nouveau Volu➡
me , il faut en lire l'Extrait dans le Journal des
Sçavans du mois de Decembre dernier , page 757.
Le second Volume de la suite des Cent Nouvelles
Nouvelles de Madame Gomez , paroît chez la
Veuve Guillaume , rue Dauphine , du côté du
Pont-Neuf
On paroît fort content de la lecture de cet
Ouvrage.
Le 23. de ce mois , l'Académie Royale des
Inscriptions et Belles - Lettres , élut le Duc de
S. Aignan , Chevalier des Ordres du Roy , et
Ambassadeur à Rome , pour remplir la place
d'Académicien Honoraire , vacante par la mort
de l'Evêque de Metz.
M. de Julliennes , qui continuë de faire graver
les OEuvres de feu Antoine Watteau , vient de
faire paroître quatre Estampes d'après les Tableaux
de ce charmant Peintre. Elles ont pour
II. Vol. titre
2966 MERCURE DE FRANCË
titre la Promenade sur les Remparts ; Arlequinjaloux
; la Fileuse et la Marmotte. Ces Estampes
se débitent avec toutes celles gravées précédemment
, chez la Veuve Chereau , ruë S. Jacques ,
aux deux Pilliers d'or , et chez Surugues, Graveur
du Roy , rue des Noyers , vis - à- vis S. Yves.
On apprend par des Lettres de Prague , que le
23. Novembre dernier , il étoit sorti de la Montagne
de Salpêtre qui est derriere la Maison de
Correction , une fumée à laquelle on ne fit pas
d'abord grande attention ; que le 25. il s'en étoit
élevé de grandes flames , qui avoient causé beaucoup
d'effroy dans toute la Ville , qu'on y avoit
envoyé des Troupes pour les éteindre ; que le
4. et le s. de Décembre la Montagne s'étoit enflammé
de nouveau ; que malgré les tranchées
qu'on y avoit faites , le feu s'étoit communiqué
aux Terres voisines du Muldau , Riviere qui tra .
verse la Ville , et que la chaleur brulante de ces
Terres qui sont très sulphureuses , faisoit craindre
que le feu ne se communiquât aux maisons
et que la Ville ne fût embrasée.
Le 29.Novembre ; vers les six heures et demie du
matin , on ressentit à Naples une violente secousse
de Tiemblement de Terre , qui endommagea
plusieurs Eg ises , quelques Palais et un grand
nombre de Maisons , où il y eut quelques personnes
écrasés . La crainte d'un second Trim¬
blement de Terre , détermina la plus grande partie
de la Noblesse et des Bourgeois à se retirer à
la Campagne , et la nuit suivante toutes les grandes
Places de la Ville et des Fauxbourgs furent .
remplies du reste des Habitans , quoiqu'il fit
cette nuit là un froid très-vif,
11. Vel, Le
DECEMBRE. 1732. 2867
Le 30. on reçut avis que ce Tremblement de
Terre s'étoit fait sentir à la même heare dans la
Terre de Labour ; qu'il avoit entierement détruit
a petite Ville d'Ariano et celle de Mirabello ,
dont la plupart des Habitans avoient été écrasez
par la chute de leurs maisons , qu'il avoit causé
beaucoup de dommage à Avellino , et qu'on l'avoit
aussi ressenti à Salerne.
On apprend de Londres , une mort aussi funeste
que singuliere. Le sieur Whitake , mourat
le 8. dans son Appartement à la Tour , ayant été
mordu par un chien enragé , il alla à l'embouchure
de la Tamise se faire plonger dans la Mer ,
et il avoit joui d'une parfaite santé jusqu'au 7.
au soir qu'il assura plusieurs de ses amis qu'il
auroit le lendemain un accès de rage , les priant
d'avoir soin de lui. Il eut effectivement cet accès
qu'il avoit prévu , et il y mourut avec des convulsions
terribles . On a assuré que quelques heures
avant sa mort , il avoit aboyé dix ou douze fois
come un chien , symptome extraordinaire dont
il y a peu d'exemples dans les Malades attaquez
d'hydrophobie.
On écrit d'Hollande , qu'on a imprimé à Amsterdam
une Dissertation sur les Vers qui s'attachent
aux pilliers qui soutiennent les Digues et
qui mettent en grand danger toutes ces differen
tes Provinces. On a fait diverses Analises de ces
Insectes , dont la plus grosse espece est de la
longueur de dix pouces , et la plus petite n'a que
que quatre ou cinq pouces ; ils ont l'un et l'autre
un dard à la tête qui est fort petit ; ils s'insinuent
dans le bois , y prennent accroissement
et le font périr. On ne dit pas qu'on ait trouvé
le secret de faire mourir ces Vers,
II. Vol.
SPEC
2868 MERCURE DE FRAN
***
SPECTACLE
LE
E 9. Décembre , les Comédiens
liens donnerent la premiere Re
sentation des Enfans Trouvez , ou le
tan poli par l'Amour , dont les Sieurs
minique , Romagnesy et Riccoboni ,
les Auteurs . Cette Piéce fut reçuë pe
vorablement du Public à la premiere
présentation , et on prétend qu'une
semblée tumultueuse mêlée de quelq
personnes mal intentionnées , en fut
cause. La Piéce fut écoutée beaucoup?
tranquillement à la seconde Represe
tion et elle a toujours été de plus
plus goûtée et applaudie . Nous allon
cher de mettre le Lecteur en état de
juger.
,
ACTEURS.
Themire ,
Fatime ,
la Dlle Sy
la Dlle la La
Diaphane , Roi de Tripoli , le siew
Themire , le sien
MAR
0
DECEMBRE. 1732: 2869
Carabin , frere de Themire , le sieur Ric-
Orosmin , Visir ,
Un Esclave ,
coboni.
Arlequin
le sieur Sticotti.
Fatime ouvre la Scene , et paroît surprise
de voirThemire plus gaye et plus contente
qu'à l'ordinaire ; elle lui en demande
la raison , et dit :
Quoi ! vous ne tournés plus les yeux vers les
climats ,
Qu ce vaillant François devoit guider nos
pas ?
Vous ne me parlés plus des plaisirs que la
France
Permet notre Sexe avec tant de licence ,
Vous ne l'ignorés pas ; c'est là que les maris
Vivent d'intelligence avec les Favoris ;
Que la femme y bravant la contrainte fatale
,
Ist prude avec renom , coquette sans scan
dale.
Themire lui répond que le Serrail fait
aujourd'hui tout son bonheur , et ajoûte ;
Chez les Mahometans dès l'enfance enfer
méc ,
A leur façon d'agir ils m'ont accoûtumée.
II. Vol.
Tous
2870 MERCURE DE FRANCE
Tout le monde en convient , le Roi de Tri
poli ,
Est malgré sa moustache , un Seigneur trèspoli.
Fatime représente à Themire que ce
jeune Officier qui est parti , et qui va revenir
pour briser leurs fers , se donnera
de la peine en vain. Themire répond que
cet Officier est Gascon , & c. et découvre
en même tems à sa Confidente l'amour
qu'elle a pour le Sultan , et lui apprend
qu'il doit l'épouser dans la journée , Fati
me l'en félicite , et lui dit :
Mais ce coeur qui se livre à de si doux trans
ports ,
En épousant un Turc , n'a - t'il point de remords
Carabin vous a dit cent fois par la fenêtre ,
Que le sang d'un François vous avoit donné
Pêtre ,
Que vous et vos parens dans un combat fatal
,
Aviez subi le joug d'un Corsaire brutal.
Ne vous souvient- il plus que dans une Ga
lere....
Themire.
Ma foi , s'il m'en souvient , il ne m'en souvient
guére.
II. Vol. ThemiDECEMBRE.
1732. 2871
12
Themire continuë , et fait le Portrait
du Sultan.
Qui , si le Ciel aux fers eut condamné sa
vie ,
Si l'Affrique à mes loix se voyoit asservie ,
Ou mon amour me trompe , ou Themire au
jourd'ui ,
Pour l'élever à soi descendroit jusqu'à lui,
Fatime,
Il le faut avouer , cette pensée est belle ,
Mais convenés aussi qu'elle n'est pas nou
velle.
Diaphane arrive , et dit à Therire qu'il
pourroit lui faire un long discours , lui
parler de ses Ayeux et des malheurs des
Sultans , ses Confreres.
Au sein des voluptez bien loin que je m'endorme
,
› Si je tiens un Serrail ce n'est que pour la
forme ;
Les loix que dès long-tems suivent les Mahomets
,
Nous deffendent le vin moi je me le permets,
Tout usage ancien céde à ma politique,
Et je suis un Sultan de nouvelle fabrique.
Parlons seulement de l'amour que j'ai
II.Vol. pour
4872 MERCURE DE FRANCE
pour vous ( poursuit- il . ) Je jure de vous
prendre pour Maîtresse et pour Femme ,
est - ce assez ? Oui , répond Themire, je ne
veux rien de plus , &c.
Orosmin vient annoncer au Sultan le retour
de Carabin .
Pourquoi n'entre- t'il pas , dit le Sultan ,
Orosmin.
Vous sçavez que toujours votre porte est fers
mée.
Le Sultan.
Oui , c'étoit autrefois la régle accoûtumée ,
Mais , il faut que d'entrer , on ait permis
sion ,
Si tu veux qu'au Serrail se passe l'action .
Carabin dit au Sultan qu'il apporte de
France de l'argent comptant , et continuë
:
Grace au Ciel , c'en est fait , et la somme est
complette ;
Commence par lâcher la fille et la soubrete ,
Nous choisirons après dix autres prisoniers,
Quant à moi je demeure , étant court de de
niers ;
Qu'ils partent sur le champ , je resterai pour
gage,
II. Vol. Le
DECEMBRE.
1732. 2873
Le Sultan .
' en rachete que neuf , et met toi du voyage.
Embarque cent Captifs , si tu veux , dit
e Sultan , mais pour Themire , ne croy
as que tout l'or du monde puisse m'enager
à te la rendre. Carabin est fort surris
que le Sultan veuille manquer à sa
parole , à quoi le Sultan répond ;
Lorsque je te promis d'accorder ta demande ,
Ce n'étoit qu'un Enfant , à présent elle es
grande....
Du moins , dit le Gascon , ne me refuse
as ce malheureux Vieillard , puisqu'il n'a
peut-être pas une heure à vivre. Le Sultan
consent de le rendre pourvû qu'il meure
uparavant , &c.
Themire reste avec Carabin , et lui dit
qu'elle est fâchée de ne pouvoir partir
vec lui , mais qu'il peut compter qu'elle
ura toujours beaucoup de déference pour
tous les François , &c.
Alcidor , ce venerable Vieillard , arrive ;
lest soutenu par deux François , sa vuë
st si troublée , et son corps est si foible ,
qu'à peine il peut se soûtenir ; il deman
le où il est , et à qui il doit le bonheur
le revoir la lumiere. Themire répond
II. Vol.
quo
2874 MERCURE DE FRANC
que c'est à ce Cavalier ( en montra
Carabin. )
Alcidor.
Des Chevaliers Gascons je reconnois l'ardeur ,
S'ils n'ont pas de grands biens , ils ont tous
l'honneur.
Themire demande au Gascon comme
il a pû faire pour trouver une somme
considérable. Il répond :
Echapé de mes fers , chose impossible à croire,
Arrivant au pays je me fis Grenadier ,
On ne s'enrichit point à ce noble métier ;
Je me remis sur Mer , et l'ingrate fortune ,
Ne me traita pas mieux dans le sein de Nep
tune.
Je fus repris , Madame , et par un grand bonheur
,
Je vous vis au Serrail malgré le Grand Sei
gneur ;
Eunuques blancs et noirs , Bostangis , Jannis
saires ,
Ne m'empêcherent point de vous parler d'af
faires;
Le trait est surprenant , mais passons là – des-
• Sus.
Or , comme en mon Pays on craint peu les
refus ,
J'allai voir le Sultan , lequel sur ma paro ;
Me laissa repartir pour un projet frivole.
II.Vol.
Avec
DECEMBRE 1732 2875
Avec lui cependant , je m'étois engagé ,
De revenir bien -tôt payer votre congé.
>
De retour dans la France une veuve frin
gante ,
Me prit en mariage aux bords de la Charante.
Elle mourut bien - tôt , une autre succeda ,
Et cette autre en trois mois à son tour déceda.
Je convolai bien- tôt avec une troisiéme ,
Qui mourut en Avril je ne sçais le quantiéme
?
›
Heritier de leurs biens , et plus content qu'un
Roi ,
J'ai vendu trois Châteaux qui n'étoient pas à
moi.
Alcidor leur demande s'ils ne pourroient
leur donner des nouvelles de deux de
ses Enfans , et dit :
pas
Mon fils fut fait esclave , et sa soeur plus petite
,
Au Serrail avec lui , par des Turcs fut conduite.
Il m'arriva ( reprend le Gascon ) même chose
jadis .
> par
A l'âge de quatre ans les Turcs je fus
pris ,
Mené dans le Serrail avec cette personne ,
Et d'être tant soit peu ma soeur , je la soupçonne.
II. Vol. G Themie
2876 MERCURE DE FRANCE
Themire.
Qu'entends-je !
Alcidor étonné.
Ce minois , cet air vif et coquet ,
De ma défunte femme est le vivant por
trait ,
Même à ce que je crois , ce Gascon me ressemble.
Dans quel tems , s'il vous plaît , fûtes- vous pris
ensemble ?
Je ne prétens ici rien décider en l'air :
Surtout en fait d'enfans , on ne peut trop voir
clair.
Carabin .
Je fus , il m'en souvient , pris en mil
seize.
Alcidor.
sept cent
Epoque trop heureuse , et qui me comble d'aise ;
Et quel âge avez- vous à présent ?
Carabin.
J'ai vingt ans.
Alcidor.
Et vous ?
Themire
J'en ai dix-huit.
Alcidor.
Baisez-moi, mes Enfans.´
II. Vol. La
DECEMBRE . 1732. 2877
La reconnoissance se fait d'une maniere
très-comique , le pere embrasse ses enfans
, et poursuit :
Quand je songe en quels lieux je la vois rete
nuë ,
Je n'ose sur ma fille encor jetter la vuë ,
O jour qui me la rens , comment me la renstu
?
Tu pleures , je t'entends.
vertu !
· · tu n'as plus de
Themire avoue ingénument à son pere
que le Sultan l'adore et doit bien tôt l'épouser.
Alcidor lui fait de sanglans reproches
, et se retire outré de désespoir.
Themire reste avec Carabin , qui l'engage
à le suivre , après lui avoir représenté
son crime. Themire y consent après
avoir combattu quelque tems , et dit à
son frere :
Mais du moins tu devrois aller voir notre
Pere ;
Nous le laissons mourir d'une étrange maniere.
Bon , répond Carabin , je le compte
pour mort ; il fait promettre en mêmetems
à sa soeur de se tenir prête pour fuïr
avec lui , et se retire. Themire reste seule,
s'éxamine et se demande à elle -même , si
II. Vol. Gij elle
2878 MERCURE DE FRANCE
elle est Turque ou Françoise , et ne pouvant
pas bien se définir , elle termine son
Monologue par ces Vers qu'elle adresse au
Sultan .
Ah ! puisque ta devois m'épouser dès ce soir ;
Pourquoi m'apprenoit- on aujourd'hui mon de
voir ?
Frere trop rigoureux , du moins pour me l'ap
prendre ,
Jusqu'à demain matin tu pouvois bien attendre.
Le Sultan arrive à la fin du Monologue
pour conduire avec lui Themire à la
Mosquée : venez , lui dit- il ,
Themire l'appercevant
.
Qu me cacher !
Le Sultan.
Que dites-vous ?
Themire,
Je n'ose,
Le Sultan.
Yous n'osez ?
Themire.
Non, Seigneur.
Le Sultan.
Et pourquoi donc ?
II.Vol.
Themire
DECEMBRE . 1732 2875
Themire.
Le Sultan.
Pour cause.
Ah ! je vois ce que c'est , sans doute la pu
deur....
Themire.
Non , ce n'est point cela ; vous vous trompez ,
Seigneur .
Elle prie le Sultan de vouloir bien differer
cet Hymen , le Sultan s'emporte et
dit , lorsque Themire se retire :
Je n'y comprens plus rien , pourquoi partir
si-tôt ?
Dites-moi vos raisons ...
Themire en s'en allant.
Je les dirai tantôt.
Le Sultan reste avec le Vizir ; il commence
à soupçonner Themire d'inconstance
, et Carabin d'être son Rival , le Vizir
lui dit :
Prenez- vous ce Garçon , Seigneur , pour une
bête ,
Vous les avez laissés ensemble tête à tête.
Je ne le ferai plus.
Le Sultan.
1
II. Vol. G iij Le
2830 MERCURE DE FRANCE
Le Vizir.
Vous aurez bien raison ,
Ah ! que la prévoyance est ici de saison !
Themire revient , le Sultan lui fait-encore
des reproches , et lui dit qu'il ne la
reverra jamais. Quoi , Seigneur , répond
Themire , est-il bien assûré que vous ne
m'aimez plus ? Non , rien n'est plus certain....
que j'aimai... que je hais.
Themire éclate de rire , le Sultan lui dit avec
transport,Themire vous riez... elle répond :
Eh !qui pourroit s'empêcher de rire de
toutes vos extravagances et de mon incertitude
? le Sultan tonjours plus amoureux,
ne pouvant pas se contraindre , lui avoie
qu'il l'aime plus que jamais , et que tout
ce qu'il lui a dit , n'étoit que pour rire.
Themire prie le Sultan de lui accorder du
moins une grace. Et de quoi s'agit- il a
répond le Sultan .
Themire.
Permettés que je sorte.
Le Sultan.
Quoi toujours me quitter , et de la mêms
sorte !..
Themire lui dit en sortant, que demain
II. Vol. rous
DECEMBRE. 1732. 2381
aptous
ses secrets lui seront revelez . Le Sul
tan reste avec le Vizir ; un Esclave lui
porte une Lettre adressée à Themire , par
laquelle Carabin lui marque de se rendre
vers la Mosquée par un sentier obscur.
Le Sultan se livre à toute sa fureur , et
ordonne au Vizir d'aller poignarder l'infidelle,
puis le retient, en disant :
Je prétends lui parler , qu'on le fasse venir.
Le Vizir.
Encor un entretien , Seigneur !
Le Sultan.
C'est pour finir.
Finissez sans cela , répond le Visir . ...
mais il me vient une bonne idée , faites
remettre cette Lettre entre les mains de
Themire , et qu'elle ne sache point que
vous l'avez ouverte. Le Sultan approuve
fort le conseil du Vízir , qui promet de
recacheter la Lettre et de la faire rendre
à Themire. Le Sultan resté seul , dit :
Le Vizir a raison , et de cette maniere ,
La conduite sera beaucoup plus réguliere ;
Car si je la voyois , il faudroit lui prouver
Qu'elle m'est infidelle et cherche à se sau-
2
ver.
II. Vol. Giiij Mais
2882 MERCURE DE FRANCE
Mais je n'en ferai rien , et n'osant lui répondre
,
J'oublirois les moyens que j'ai de la confon
dre ;
Je connois ma foiblesse , et sans les employer ,
On me verroit sans fruit encor la renvoyer.
Le Vizir arrive avec empressement ; il
dit au Sultan qu'il a fait rendre la Lettre
à Themire,qui a promis de venir bien- tôt
au rendez-vous trouver Carabin.Themire
y arrive , conduite par Fatime ; on entend
quelque bruit ; elle dit est -ce vous Carabin
? lequel répond , êtes -vous là , ma
sour ? Le Sultan qui s'étoit avancé à l'arrivée
de Themire pour la poignarder, s'écrie
avec étonnement :
Ma soeur ah ! j'allois faire une belle sotise
!
Cet éclaircissement m'épargne une méprise .
Themire.
Que vois -je , le Sultan !
'Ah ! Sandis >
fers.
Carabin.
Nous sommes découverts,
nous allons retomber dans les
Le Sultan à Carabin.
Est-elle bien ta soeur ?
II. Vol. Carabin
DECEMBRE . 1732 2883
Carabin.
Alcidor est son pere.
Je suis fils d'Alcidor , ergo , je suis son frere.
Le Sultan fait encore des reproches à
Themire, et dit ensuite qu'il est trop délicat
pour la garder ; qu'elle peut partir ,
&c. le Vizir ajoûte :
C'est fort bien fait , Seigneur , renvoyés la Ma
toise ;
Qu'elle fasse à Paris l'amour à la Françoise.
Le Sultan dit ensuite que puisquil faut
necessairement que quelqu'un meure , il
va se tuer , mais Carabin l'arrête , en lui
disant :
Ah ! ne vous tuez pas avant notre voyage ;
Car si vous expirez on nous remet en cage ,
Que de la mort au moins nous soyons ga
rantis .
Le Sultan.
Hé bien ! je me tuerai quand vous serés partis.
Le 14 Décembre l'Académie Royale de
Musique remit au Théatre la Tragédie d'Isis.
La grande réputation de Mrs de Lully
et Quinault , Auteurs de cet Opéra , en
doivent toujours garantir le succès ; le
II. Vol.
G v Public
2884 MERCURE DE FRANCE
•
Public l'a revûë avec beaucoup de satisfaction.
Le Théatre représente au Prologue le
Palais de la Renommée ; la suite de cette
Déesse à cent voix , chante ces Vers :
Publions en tous lieux ,
Du plus grand des Heros la valeur triom
phante ;
Que la Terre et les Cieux-
Retentissent du bruit de sa gloire éclatante.
La Renommée anime sa suite à chanter
le Heros de la France et s'exprime
ainsi :
›
C'est lui dont les Dieux ont fait choix ,
Pour faire le bonheur de l'Empire François ;
En vain pour le troubler tout s'unit , tout cons
pire 5
C'est en vain que l'envie a ligué tant de Rois ;
Heureux l'Empire
Qui suit ses loix !
Neptune annoncé par les Tritons ,
vient au Palais de la Renommée , et dit
à la gloire du Heros qu'on celébre :
Mon Empire a servi de Théatre à la Guerre ;
Publiez des Exploits nouveaux;
II. Vol. C'est
DECEMBRE. 1732. 2885
C'est le même Vainqueur si fameux sur la
terre ,
Qui triomphe encor sur les eaux.
La Renommée chante avec Neptune
Vers :
ces quatre
Celebrez son grand nom sur la Terre et sur
Celebrons P'Onde ;
Qu'il ne soit pas borné par les plus vastes
Mers ,
Qu'il vole jusqu'au bout du monde ;
Qu'il dure autant que l'Univers.
Apollon , les Muses et les beaux Arts
viennent se joindre à cette Fête , et se
préparent à aller faire entendre leurs
chants dans une auguste Cour . La Renommée
finit le Prologue par ces Vers à
la gloire du Vainqueur :
Ennemis de la paix , tremblez :
Vous le verrez bien-tôt courir à la victoire :
Vos efforts redoublés
Ne serviront qu'à redoubler sa gloire .
Ce Prologue a été très- applaudi ; la
Dile Antier qui le commence et qui le fi.
nit , n'y a pas peu contribué.
Au premier Acte le Théatre représente
de riantes Prairies , où le Fleuve Inachus
II. Vol.
ser-
G vj
2886 MERCURE DE FRANCE
serpente. Hierax , frere d'Argus et Amant
d'io , fille d'Inachus , se plaint de l'in
constance de sa Maitresse . Pirante , son
ami , paroît surpris de sa tristesse , dans
le temps qu'il va posseder l'objet de son
amour ; Hierax lui répond :
L'inconstante n'a plus l'empressement extrême ,
De cet amour naissant qui répondoit au mien ;
Son changement paroît en dépit d'elle- même ;
Je ne le connoîs que trop bien ;
Sa bouche quelquefois dit encor qu'elle m'aime ;
Mais son coeur ni ses yeux ne m'en disent plus
rien .
Dans la suite de cette Scene , qui est
sans contredit la plus belle de la Piece ,
le même Hierax s'exprime ainsi :
Ce fut dans ces Vallons , où par mille détours ,
Inachus prend plaisir à prolonger son cours ¡
Ce fut sur son charmant Rivage ,
Que sa fille volage , .
Me promit de m'aimer toûjours :
Le Zéphir fut témoin , l'Onde fut attentive ,
Quand Ja Nymphe jura de ne changer jamais ;
Mais le Zéphir leger et l'Onde fugitive ,
Ont enfin emporté les sermens qu'elle a faits .
Io se deffend le mieux qu'elle peut dé
II. vol. l'in
DECEMBRE . 1732. 2887
Pinconstance qu'Hierax lui reproche , elle
le prie de differer son Hymen de quelques
jours , attendu un songe qu'elle a
fait ; elle ajoûte qu'il n'a point à se plaindre
de quelque préference , puisqu'aucun
de ses Rivaux ne l'emporte sur lui , il
lui répond tendrement :
Le mal de mes Rivaux , n'égale point ma peine;
La douce illusion d'une esperance vaine ,
Ne les fait point tomber du faîte du bonheur.
Aucun d'eux, comme moi, n'a perdu votre coeur;
à votre humeur sévere ,
Comme eux ,
Je ne suis point accoûtumé ,
Quel tourment de cesser de plaire ,
Lorsqu'on a fait l'essai du plaisir d'être aimé !
Hierax quitte Io , pour lui épargner
un fâcheux entretien ; lo dissimule moins
en parlant à Mycene , sa Confidente ; elle
lui avoue qu'Hierax se plaint avec justice,
puisque Jupiter est son Rival ; elle ajoûte
qu'elle se deffend autant qu'elle peut contre
l'amour du plus grand des Dieux .
Mycene quitte la place à Mercure , qui
descend et qui annonce aux Peuples queJupiter
vient les rendre heureux ; il parle un
autre langage à Io, à qui il fait tout l'honneur
de la prochaine arrivée de Jupiter ;
la Nymphe tâche encore de se deffendre
II. Vol en
2888 MERCURE DE FRANCE
en faveur d'Hierax. Jupiter descend des
Cieux ; les Peuples s'assemblent pour lui
témoigner leur reconnoissance , & c . Cette
Fête finit le riemier Acte.
Au second Acte , le Théatre est obscurci
par des nuages qui l'environnent
de tous côtez ; lo ne sçait à quoi attribuer
cet évenement ; Jupiter la vient
rassurer , et lui dit que c'est pour tromper
les yeux jaloux de Junon , qu'un nual'environne
; il la
il la presse de répondre
à son amour , elle ne fait que peu de
résistance , et n'a plus d'autre recours que
la fuite.
ge
Mercure vient avertir Jupiter du danger
qui menace ses nouvelles amours ; il
lui dit qu'il vient de voir Iris , et que
sans doute Junon n'est pas loin . Jupiter
allarmé , lui dit d'amuser Iris , et va pourvoir
à la seureté d'Io .
La Scene entre Mercure et Iris est
très -legerement écrite , c'est la derniere
dans ce goût badin que Quinault ait osé
mettre dans ses Tragédies Lyriques ; il
a bien senti que cette sorte de Comique
y étoit déplacée. Rien n'est plus élegant
que la Scene qui suit le Dialogue de Mercure
et d'Iris , elle est entré Junon
et Iris ; en voici deux fragmens : c'est
Junon qui Parle de Jupiter.
II- Vol. Non,
DECEMBRE . 1732. 2889
ར་
Non, non ; je ne suis point une crédule Epouse ,
Qu'on puisse tromper aisément ;
Voyons qui feindra mieux de Jupiter Amant,
Ou dé Junon jalouse ,
Il est Maître des Cieux , la Terre suit sa loi ,
Sous sa toute-puissance, il faut que tout échisse ,
Mais puisqu'il ne prétend s'armer que d'artifice ,
Tout Jupiter qu'il est , il est moins fort que
inoi , &c... ....
L'Amour , cet amour infidelle ,
Qui du plus haut des Cieux l'appelle ,
Fait que tout lui rit-ici bas ;
Près d'une Maitresse nouvelle ,
Dans le fond des Deserts , on trouve des appas
Et le Ciel même ne plaît pas ,
Avec une Epouse immortelle.
Quoique les Vers cités jusqu'ici , soient
les plus beaux de la Piece , nous en aurions
encore à inserer dans cet Extrait ,
qui satisferoient la curiosité du Lecteurs
mais pour éviter la prolixité sur un Opera
fort connu , nous nous contenterons de
suivre l'action théatrale.
Jupiter arrive ; il demande à Junon
quel dessin l'appelle en ces lieux , attendu
qu'elle devoit se rendre dans les
Jardins d'Hébé , pour embellir sa Cour
d'une nouvelle Nymphe ; Junon lui as
11. Vol
sure
2890 MERCURE DE FRANCE
sure qu'elle ne le suivra pas plus loin ,
et qu'elle vient lui demander une nou
velle marque de son amour. Jupiter lu
promet de lui tout accorder ; elle lui
demande la fille d'Inachus ; Jupiter ne
peut se retracter ; il ordonne à Mercure
d'aller tout disposer au gré de la Reine
des Cieux ; ici le Théatre change et represente
les Jardins d'Hébé ; les Nymphes
de cette Déesse qui préside à la Jeunesse,
font la Fête de cet Acte; lo est présentée
à Hébé , pour être un des plus beaux
ornemens de sa Cour.
Le Théatre représente au troisiéme
'Acte , un lieu solitaire , qui sert de demeure
à Argus , auprès d'un Lac. Argus
annonce à lo que Junon l'a commise à sa
garde. Io se plaint de l'oubli de Jupiter.
Hierax veut entrer dans le lieu où Argus
enferme lo ; Argus s'y oppose, et lui
apprend que Jupiter est son Rival .
Mercure , déguisé en Berger , vient à
la tête d'une Troupe qu'il a disposée à
servir l'amour du plus puissant des Dieux.
Il fait entendre à Argus que c'est par l'ordre
de Pan qu'on va celebrer une fête en
l'honneur de Syrinx , que ce Dieu des
Bois a tendrement aimée ; Argus lui répond
qu'il veut bien se prêter à leurs jeux
innocens ; la Représentation de cette pe-
II. Vol. tite
DECEMBRE..1732 . 2893
tite Tragedie l'endort. Mercure se sert
de cet heureux moment de sommeil pour
enlever Io ; mais Hierax qui est present
ne dort pas ; il éveille Argus ; ils implorent
tous deux l'assistance de Junon .
Mercure fait éprouver sa vengeance à Argus
et à Hierax ; d'un coup de Caducée ,
il donne la mort à Argus et transforme
Hierax en Oyseau de Proye. Junon descend
des Cieux .. Mercure se retire et laisse
la malheureuse Io au pouvoir de sa jalouse
Rivale. La Furie Erynnis évoquéc
par Junon sort des Enfers ; Junon lui ordonne
d'exercer ses plus cruelles barbaries
sur sa nouvelle victime ; elle rend la
vie à Argus , qui changé en Paon , vient
se placer sur le devant du Char de Junon
et se met aux pieds de cette jalouse
= Déesse.
Les deux derniers Actes ne roulent que
sur les divers supplices que la Furie fait
éprouver à Io . Cette infortunée Rivale
de l'Epouse de Jupiter est traînée des
- Climats glacez aux Climats brûlans ;
elle se précipite dans la Mer, pour y trouver
la fin de ses peines , et l'impitoyable
Erynnis l'en retire ; elle est enfin transportée
à l'Antre fatal, où les Parques font
leur séjour. Elle leur demande la mort.
Ces trois inexorables Déïtez lui annɔn-
II. Vol. cent
2892 MERCURE DE FRANCE
+
la
cent qu'elle ne peut voir finir ses mal
heurs qu'en fléchissant la colere de Ju
non. Io invoque Jupiter . Ce Maître des
Dieux vient la consoler, mais il lui décla
re que depuis qu'il l'a soumise au pouvoir
de la jalouse Reine des Cieux , il ne
peut la secourir qu'elle n'y consente ; il
ajoute que plus il l'aime , et plus il irrite
son implacable ennemie. Io le conjure
tendrement de l'aimer assez , pour contraindre
sa redoutable Rivale à lui donnet
la mort. Junon vient enfin ; Jupiter
presse de se contenter des maux qu'elle
a faits à Io; Junon ne consent à vaincre sa
vengeance qu'après que Jupiter aura vaincu
son amour. Jupiter le lui promet ; il
en jure par le Styx . Après le serment
Junon appaiste ordonne à la Furie de
ne plus tourmenter lo , et de rentrer dans
les Enfers. Junon consent qu'Io soit mise
au rang des Divinitez que l'Univers adore
; les Dieux descendent des Cieux pour
recevoir cette nouvelle Déesse et pour
l'associer à leur gloire ; les Egyptiens
chez qui cette derniere action se passe ,
viennent celebrer son Apothéose et la reconnoissent
pour leur Divinité tutelaire ,
sous le nom d'Isis.
Voilà quelle est cette Tragedie sur laquelle
on a porté differens jugemens . On
II. Vol. conDECEMBRE.
1732: 2893
onvient que la Musique en est treselle
, et la versification tres - élegante ;
ais on n'y sent point cet interêt , qui
oit être l'ame de tous les Ouvrages de
Théatre ; on rend pourtant juſtice à Quiault
; il y a mis tout ce qui a dépendu
le lui , et si l'on a quelque chose à lui rerocher
, c'est le choix du sujet qui ne
peut rien offrir que de triste et de desagréable.
Au reste cet Opera est tres - bien renis
et tres-bien executé ; le sieur Chassé
qui est chargé du Rôle d'Hierax , et de
Celui de Pan , s'en acquitte tres - bien et
merite parfaitement les applaudissemens
du public , de même que la Dile Antier ,
dans le rôle de Junon ; la Dlle le Maure
a toujours ces sons charmans , et cette
action naturelle qui la rendent si chere
aux Spectateurs. Elle joue le principal
Rôle.
Les Décorations et les Habits répon
dent à la magnificence du Spectacle , et
le Ballet figuré par le S Blondi est tresbien
entendu et tres varié, La Dlle Ca
brillent à
margo et le S Dupré , &c. y
leur ordinaire .
On répete l'Opera d'Omphale pour la
fin du mois prochain.
II. Vol. ch
2894 MERCURE DE FRANC
EGLOGUE
SUR LA NAISSANCE
Q
DE JESUS- CHRIST.
Palemon.
Uel spectacle nouveau se présente à m
yeux
Dans cette obscure nuit qui répand la l
miere ,
*
Quel éclatfrappe ma paupiere ?
Ah ! Bergers , qui veillés dans ces paisibl
lieux ,
Yoyez-vous , comme moi ce Messager des
Cieux ?
>
Il nous parle ; écoutons.
Un Ange.
Mortels , soyez sans crainte ,
Je viens vous annoncer une éternelle paix ,
De vos justes frayeurs n'ayez plus l'ame
atteinte :
Le Ciel sensible à vos souhaits
Répand sur vous le plus grand des bienfaits.
Choeur des Bergers.
Par des Chants de réjouissance -
Têmoignons à l'envi notre reconnoissance .
II. Vol.
Dipl
DECEMBRE. 1732 2895.
Daphnis.
Joüissez d'un destin paisible ;
h ! Bergers , revenez de vos mortels cha
grins ;
Le Ciel à nos soupirs sensible
En faveur des ingrats humains
Désarme son courroux terrible ,
t nous donne des jours tranquiles et sereins
Le Choeur.
Un Dieu naissant te bannit de ces lieux ,
It dissipe à jamais tes complots odieux
Affreux Auteur de nos alarmes ;
Que de notre bonheur tu vas être envieux !
Aussi- bon que puissant , cet Enfant glorieux ,
Tarit enfin nos larmes ,
Et nous ouvre les Cieux.
Licidas.
Admirons la bonté de ce divin Sauveur ,
Parmi nous il vient prendre une humaine
gure ,
Et du faîte de la grandeur
Non content de descendre , il veut souffrir l'ind
jure ,
D'un affreux hyver la rigueur.
II. Vol. Rou
2896 MERCURE DE FRAN
Rougis , perfide créature ,
De voir en cet état réduit ton Créateur.
Alcandre , Daphnis , et le Choeur.
Aimons le Sauveur ,
Suivons sa tendresse :
Aimons le Sauveur
De tout notre coeur.
Alcandre et Daphnis.
Méprisons sans cesse
La vaine grandeur ,
Et tout ce qui blesse
Une sainte ardeur.
Alcandre , Daphnis , et le Choeur.
Aimons le Sauveur ,
Suivons sa tendresse :
Aimons le Sauveur
De tout notre coeur.
II. Vol.
NOU
DECEMBRE. 1732. 2997
NOUVELLES ETRANGERES
DE TURQUIE ET DE PERSE.
Na appris que l'Armée du Roi de Perse
et celle du Grand Seigneur , n'étoient éloinées
l'une de l'autre que d'une demie journée
le chemin, et qu'on ne doutoit plus qu'il n'y cut
bien- tôt un Combat general , si les propositions
faites par le Roi de Perse n'étoient pas acceptées
par le G. S. auquel le Seraskier qui commande
l'Armée Ottomanne , a dépêché un Courrier ; et
l'on assûre que l'Armée Persane est plus nombreuse
que celle des Turcs. On apprend aussi
qu'on a tenu au Serrail un Divan , dans lequel
il a été résolu de conclure un nouveau Traité de
Paix avec la Perse , afin d'être en état de donner
du secours aux Régences de Barbarie , en cas
qu'elles soyent attaquées par quelque Prince
Chrétien.
On mande en dernier lieu de Constantinople
que la maladie contagieuse dont il y est mort
30 à 40000. personnes depuis le commencement
de Juin dernier , est entierement cessée , et que de
tous les Ministres Etrangers , il n'y a eu que
P'Ambassadeur du Roi d'Angleterre qui ait eu
quelques domestiques attaquez de cette maladie.
Les Députez de la Régence d'Alger qui étoient
venus demander du secours au G. S. à l'occasion
de la prise d'Oran par l'Armée Espagnole , sont
II Vol. partis
2898 MERCURE DE FRANC
partis pour retourner chez eux avec esperand
d'être secourus aussi - tôt qu'un nouveau Train
de Paix aura terminé la Guerre entre les Tur
et les Persans,
Dgianum Coggia , dont on avoit publié faus
sement la mort , est attendu à Constantinopl
pour être rétabli dans les fonctions de Capitan
Pacha.
Il y a près de deux mois qu'on joüit dans cett
Ville d'une parfaite tranquillité , ce qui fait
croire que les Jannissaires n'ont plus intention
de se soulever.
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Cons
tantinople , au commencement du mois
dernier.
Près avoir été fort long- tems dans l'incertis
Atude surles affaires de perse et sur lesbruis
confus et incertains qui couroient ici d'une nou
velle révolution arrivée dans ce Royaume , voici
enfin les dernieres nouvelles que l'on en a cues
par voye de Bagdad , et qui ont été envoyées
à la Porte par Achmet- Pacha , Gouverneur de la
même Ville.
la
Lors du Traité de Paix qui fût fait entre le
Grand- Seigneur , et Chah- Thamas , ce dernier
Prince en donna connoissance à Thamas-Kouly-
Kan , son premier Ministre , qui dans ce tems là
étoit à la tête de ses Armées contre les Aghuans.
On dit qu'alors Thamas- Kouly-Kan , soit parce
qu'il étoit bien aise de se préparer un prétexte
pour parvenir au projet qu'il méditoit , feignit
d'approuver ce Traité ; mais dans la suite , s'étant
rapproché d'Ispaham à la tête de son Ar-
11. Vol. mée
,
DECEMBRE . 1732. 2899
ñée , il blâma publiquement Chah Thamas , en
l'accusant d'avoir fait une paix honteuse , et dit
ouvertement qu'il ne consentiroit jamais qu'Erivan
Tiflis , le reste de la Georgie , et les autres
Places qui avoient été cédées aux Turcs , demeurassent
entre leurs mains ; ces plaintes de la
part du premier Ministre , produisirent d'abord
entre le Souverain e lui quelque division , mais
les ménagemens que Schah Thamas étoit obligé
de garder avec un Sujet puissant et maître des
Troupes , le firent consentir à une réconciliation ,
sous prétexte de laquelle Thamas Kouly - Kan
fut appellé à la Cour. Il s'y rendit avec plusieurs
Officiers de son Armée ; mais la premiere
démarche qu'il fit en y arrivant , soutenu par les
Partisans qu'il avoit en grand nombre auprès de
Schah Thamas , fut de se saisir de la personne
de ce Prince. On ne sçait pas bien encore s'il l'a
fait mourir , ou s'il s'est contenté de le faire
enfermer dans une prison , mais on assûre qu'il
a fait reconnoître pour Roi un jeune Enfant , fils
de Schab Thamas , et qu'il s'est fait nommer
lui même Regent du Royaume , et Generalissime
des Armées de Perse ; on ajoûte que c'est un
homme extrêmement belliqueux , d'un caractere
fort violent , qui paroît être dans le dessein d'enlever
aux Turcs géneralement toutes les Conquêtes
qu'ils ont faites sur les Persans , et qu'Achmet
Pacha a écrit à la Porte , que le G. S. n'avoit
point d'autre parti à prendre que de se préparer
à cette Guerre , et se mettre lui - même à la
tête de ses Troupes pour aller combattre en personne
un si puissant ennemi.
Ces nouvelles ont donné lieu à un Conseil ,
auquel ont assisté tous les Ministres et les princi
paux Officiers de la Porte , et dans lequel il a été
/
II. Vol. dé- H
290 MERCURE DE FRANCE
déliberé que le G. S. écriroir des Lettres à tous
les Gouverneurs des Provinces de Perse , pour les
exciter à prendre les armes pour vanger leur Souverain
légitime contre les entreprises de ce nouvel
usurpateur , avec promesse de la part de
S. H. de les soûtenir de toutes les forces de son
Empire dans une Guerre si juste.
RUSSIE.
Malgré lesreprésentations du Roi et de la République de Pologne , la Czarine a envoyé
ordre aux Commandans de ses Troupes
dans le Territoire de Smolensko , d'en faire partir
incessamment pour le Duché de Curlande up
Régiment d'Infanterie et un de Cavalerie , qui y
resteront jusqu'à la mort du Duc Ferdinand de
Curlande .
POLOGNE.
Es Traitez entre l'Empereur et la République
de Pologne ayant été renouvellés depuis le
départ du Roi , conformément aux Constitutions
de la Diette generale de 1726. S. M. a envoyé
des ordres au Major General de la Couronne
qui est actuellement à Constantinople ,
d'en donner part au Grand-Seigneur , et de représenter
à S. H. que le renouvellement de ces
Traitez ne devoit lui causer aucune inquiétude
parce que ce n'étoit plus une alliance offensive
et qu'on en avoit retranché Particle du Traité
de 1677. qui concernoit la levée des Troupes.
Il régne à Léopold et dans toute la Pologne
une fiévre épidémique , accompagnée des mêmes
symptômes que la fiévre qui préceda la derniere
II. Vol. maDECEMBRE
. 1732 2901
maladie contagieuse de cette Province , ce qui a
déterminé le Régimentaire de la Couronne à y
envoyer plusieurs Compagnies d'Infanterie et de
Cavalerie pour garder les passages , et empêcher
que personne ne sorte de la Province sans Certi
ficats de santé.
LE
ALLEMAG n e.
E 8. de ce mois , Fête de la Conception de
la Vierge , l'Empereur , accompagné du
Nonce du Pape et des Chevaliers de la Toison
d'Or , se rendit à l'Eglise Métropolitaine , et y
assista au Service Divin , celebré pontificalement
par le Cardinal- Archevêque de Vienne . Pendant
la Messe , le Recteur magnifique de l'Université
et les quatre Doyens des quatre Facultez , prêterent
Serment entre les mains de l'Evêque d'Antigonie
, Chancelier de cette Université , de défendre
et de soutenir l'Immaculée Conception de
la Sainte Vierge.
Pour prévenir l'entrée des mandians et autres
gens sans aveu dans la Ville de Vienne, on a publié
un nouveau Réglement qui défend aux Maîtres
des différens Métiers de recevoir chez eux aućuns
Compagnons qui ne soient munis de Certificats
de leur travail et de leur séjour chez des
Maîtres des autres Villes d'Allemagne .
Le nombre des Sujets de l'Evêque de Saltzbourg
qui se déclarent Protestans , augmente de jour en
jour , et il y en a déja plus de 1500. du District
de Berchtolzgaden qui demandent à sortir da
pays et à se retirer dans le Duché de Lawembourg
, où ils seront nourris et entretenus pendant
18 mois aux dépens du Roi d'Angleterre.
II. Vol. Hij ITA2502
MERCURE DE FRANCE
ITALIE.
N écrit de Rome que le 14 Decembre , on
publia au Palais du Quirinal , que le l'ape
avoit nommé le Cardinal de Motta , son Légat
à Latere , auprès du Roy de Portugal , afin de
terminer entierement les différends de S.M.Port,
avec le S. Siége,
Le 13.la Fete de sainte Luce fut célébrée avec
les cérémonies accoutumées , dans l'Eglise de
S. Jean de Latran , en mémoire de la conversion
du Roy de France Henry IV . de glorieuse mé
moire. La Messe fut célébrée par M. Fouquet ,
Evêque d'Eleutheropolis ; le Cardinal Ottoboni,
le Cardinal Belluga , le Duc de S. Aignan , Ambassadeur
Extraordinaire du Roy T. Čh . la Duchesse
son Epouse et ses Fils y assisterent , ainsi
qu'un grand nombre de Prélats. Après la Messe
PAmbassadeur donna dans son Palais un Repas
magnifique de 8 couverts , auquel se trouverent
le Card. Ottoboni , les deux Princes Corsini , lẹ
Pr. Vaini , le Duc Lanti, et plusieurs autres personnes
de distinction ,
On a appris de Naples que le Tremblement de
terre du 29 de Nov. dern. a causé beaucoup plus
de dommage qu'on ne le croïoit d'abord ; les
secousses ayant duré près de 15 minutes , sans
interruption , ce qui est sans exemple . , Aux deux
premieres Minutes , plusieurs Murailles furent
renversées , entr'autres , celle de l'Hôpital Royal,
quoique épaisse de plusieurs pieds . Les Eglises ,
les Monasteres et la plupart des Edifices publics
sont très- endommagez , ainsi que les Maisons
particulieres qui sont à demi découvertes et dans
II. Vol.
lesDECEMBRE.
1732 2903
lesquelles on n'entre qu'avec crainte . L'Eglise
Cathédrale s'est ouverte en quatre endroits ; celles
des Carmes , et des Religieux du Mont- Oliver
sont presque entierement ruinées ; le Pont de
Pierre , sur la Riviere de Carola est détruit jusqu'aux
fondemens , ainsi que le Château du Marquis
de Carise, sous lequel ce Marquis, son Epouse
, ses enfans et tous ses domestiques sont demeurez
ensevelis . Le Duc de Colli - Cervino qui y
étoit avec la Duchesse son épouse , en a été retiré
presque mourant ; ses deux filles y ont péri.
Aveilinc , Capouë , la Vallée de Benevent sont
encore plus endommagées.
On mande de Gallipoli , dans la Terre d'Otrante
, que le 1 de Dec. on s'y étoit apperçu
d'un tremblement de terre sous la Mer , dont
les Vagues étoient soulevées avec une violence
terrible , quoiqu'il n'y eut point de vent ; un
gros Vaisseau Anglois , nommé la Catherine ,
fit naufrage dans le Port ; ainsi qu'une Tartane
de Sorento.
ESPAGNE.
Na appris d'Oran , depuis les dernieres
nouvelles que nous en avons publiées , que
les Maures , dans l'action du 21 de Novembre ,
étoient au nombre de 32000 hommes y compris
leur Cavalerie , qui pouvoit monter à 7500
hommes. Les Troupes Espagnoles 'continuent de
travailler à combler les tranchées des Maures ,
principalement sur la Mazera ; élevation qui domine
le Château de Ste Croix , auquel les Maures
avoient fait quelques bréches , qu'on rétablit,
afin de mettre ce Fort à couvert de toute insulte.
On a appris par des Espions qui s'étoient intro-
II. Vol Hiij duits
2904 MERCURE DE FRANCE
duits dans Oran , et qu'on y a arrêtez, que l'Armée
des Maures étoit campée derriere une Montagne
, â deux lieues de cette Ville , Que dans
P'attaque du 21. Bigotillo et deux de ses parens
avoient été blessez ; que le fils du feu Dey d'Alger
, l'un des deux Generaux des Maures , se préparoit
à retourner à Alger avec ses Troupes , et
qu'il ne laisseroit à Bigotillo , que 45 Escoüades
de Turcs , qui font environ 8 à 900 hommes.
Les Lettres d'Oran , du 13 Decembre , portent
que les Maures s'étoient encore éloignez d'une
lienë du Camp qu'ils occupoient , depuis la levée
du Siége de cette Place , et que tous leurs mouvemens
faisoient croire qu'ils avoient dessein de
se retirer entierement ; que le 7 du même mois
on avoit transporté de la Maison de Don Philippe
Ramirez d'Arellans , Maréchal de Camp , l'Ïimage
miraculeuse de N. D, de Penna de Francia,
Patrone d'Oran , à l'Eglise Paroissialle de cette
Ville ; que cette Image avoit été portée pendant
la ceremonie par Don Jean-Ans. Perés d'Aréillano
, que le Roy et l'Archevêque de Tolede ont
nommé Vicaire General de la même Ville ; que
le Commandant de la Place , les Maréchaux de
Camp , les Colonels et les autres Officiers de la
Garnison , avoient assisté à la Procession , et le
lendemain à la Grande Messe , qui avoit été célébrée
dans la même Eglise. Certe Image avoit
été conservée dans la Maison de ce Vicaire General
, depuis la prise d'Oran , par les Maures
en 1707.
J
Le Marquis de Villadarias a été nommé par
le Roy , pour succeder au Marquis de Santa-
Cruz , en qualité de Gouverneur d'Oran ; et il
doit s'embarquer incessamment à Alicante , pour
se rendre à son Gouvernement . S. M. a aussi
II. Vel. nommé
DECEMBRE. 1732. 2905
nommé Lieutenant General de ses Armées , le
Duc de Liria , cy-devant son Ambassadeur Extraordinaire
auprès de la Czarine , et qui est acquellement
à Vienne.
*
Elle a accordé à la Marquise de Santa-Cruz qui
est revenuë d'Oran à Cadix avec toute sa famil
Je , une pension de mille Doublons ; une Com
manderie de 400 Doublons de revenu à son fils
aîné ; une Compagnie de Cavalerie à son second
fils , et une d'Infanterie à son troisiéme.
Par les Lettres d'Oran , du 16. de ce mois , on
apprend que la Garnison continuoit de travailler
aux Fortifications de cette Ville et des Châteaux ,
sans être inquiétée par les Maures , qui sont tou
jours dans leur même Camp.
Celles de Ceuta du 19. portent que 6co. Cavaliers
de l'Armée du Roy de Maroc , étoient
revenus près du Serrail , qui est voisin du Camp
qu'occupoit cy- devant le Détachement de la Cavalerie
et de l'Infanterie de ce Prince ; qu'ils tiroient
depuis huit jours sans discontinuer contre
la nouvelle Palissade qu'on a plantée près de leur
Camp , et qui est déja fort avancée , mais qu'on
A'avoit pu découvrir encore quel pouvoit être
leur dessein .
On a appris par les dernieres Lettres de Ceuta
du 30. Novembre, que les Troupes du Roy de Maroc
s'étoient retirées aussi des environs de cette Place,
et que les differens partis de Dragons envoyez à
la découverte par le Gouverneur de la Ville ,
étoient rentrez sans en avoir appris aucune nouvelle
; mais que la Garnison se tenoit toujours
sur ses gardes , crainte de surprise.
II. Vol Hij GRAN2906
MERCURE DE FRANCE
GRANDE BRETAGNE.
A Duchesse Doüairiere de Marlbourough , va
L'aire batir dans la Ville de 5. Albans , une
Maison de Charité , où elle retirera 40. pauvres
Familles , qui y seront pourvuès de tout ce qui
sera necessaire pour leur nourriture et pour leur
entretien ; les veuves et les enfans des pauvres
Officiers qui ont servi sous le feu Duc de Marlbourough
, seront préferéz à tous autres .
Le 18. de ce mois , on débarqua à la Tour de
Londres, 31 Cerfs , que le Roy à fait venir de ses
Bois d'Hanover , pour les mettre dans les Parcs
de Richmond et de Windsor.
****
MORTS , NAISSANCES
des Pays Etrangers.
L semble que dans ces derniers temps , Dieu
ait bien voulu par sa toute puissance , reculer,
les bornes ordinaires de la vie des hommes. Les
articles qu'on va lire justifieront cette Reflexion.
On apprend de Portugal , que la nommée
Brieres Rodrigues , veuve de Dominique Dias ,
mourut au commencement de ce mois , dans la
Ville de Palmelas , àgée de 123. ans .
Le nommé François Cordeiro , du Bourg de
Montes , prés de la même Ville , y est mort âgé
de 104. ans. et la nommée Antoinette Correa ,
âgée de 115,
Don Philippe Rocabert , Lieutenant dans le
II. Vol. Be
DECEMBRE. 1732. 2907
Régiment des Cuirassiers de Cordoue , mourut
le 8 Décembre , âgé de 114. ans.
On a reçu avis de Dublin , que M. Leland
Gentilhomine Anglois , étoit mort depuis peu
Lignasken , âgé de 140. ans , sans avoir jamais
ressenti la plus legere indisposition.
On écrit d'Anvers , que la femme d'un Fermier
près de cette Ville , étoit accouchée depuis
peu de son quinziéme fils , sans avoir eu de filles.
On assure que l'Empereur fera tenir sur les
Fonts le nouveau né , en son nom ,
cas singulier.
à cause de ce
Suivant les Extraits tirez des Registres Baptistaires
et Mortuaires , depuis le 25. Décembre
1731. jusqu'au 25. Décembre 1732. dont le
rapport en a été fait par les Clercs des diverses
Paroisses de Londres et de Westminster , on a
baptisé 9144 garçons et 8644 filles . faisant ensemble
17788. et il est mort 11655 hommes ou
garçons , et 11703. femmes ou filles , faisant ensemble
23358. par conséquent 1904. personnes
moins que l'année précedente ; on remarque que
parmi ceux qui sont morts , il y en a 9502. audessous
de deux ans ; 1517. entre deux et cinq
ans ; 716. entre 5. et 10 ; 611. entre 10. et 20 ;
1627. entre 20. et 30 ; 2175. entre 30. et 40 ;
2121. entre 40 , et so ; 1741. entre 50. et 60 ;
1581. entre 60. et 70 ; 974. entre 70. et 80 ;
660. entre 80. et 90 ; 121. entre 90. et 100 ; C
9. entre 100. et 10s.
11. Vol.
HV
FRAN2908
MERCURE DE FRANCE
FRANCE ,
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
LA
A veille de la Fête de la Nativité de
Notre Seigneur , le Roi revêtu du
grand Collier de l'Ordre du S. Esprit
se rendit à la Chapelle du Château de
Versailles , où S M communia par les
mains de l'Archevêque de Vienne , son
premier Aumônier : ensuite le Roi toucha
un grand nombre de malades.
Le 25. jour de la Fête , le Roi et la
Reine , qui après avoir assisté aux Matines
, avoient entendu trois Messes à minuit
, assisterent à la Grande Messe célebrée
pontificalement par l'Evêque d'Autun
, et chantée par la Musique.
L'après midi, L. M. entendirent la Prédication
du P. Julien , Religieux Recolet
, et ensuite les Vêpres chantées par la
Musique , ausquelles le même Evêque
officia.
Le 24 Décembre , le Roi accorda à
M. Mithon , Intendant de la Marine à
11. Vol. TouDECEMBRE.
1732. 2909
Toulon , un Brevet de Conseiller d'Etat.
Il y a long-tems que M. Mithon sert sa
Majesté dans differens postes, avec autant
de zele que de succès : Intendant à Saint
Domingue il a mis le bon ordre dans la
Justice , la Police , les Finances et le Commerce.
Il a donné une application particuliere
à la Religion et au Culte divin ,
faisant bâtir plusieurs Eglises dans une
Ville dont il a jetté les fondemens , et
que le tems perfectionnera. Rappellé en
France et Intendant de Toulon , depuis
plus de 13 ans , il s'est distingué par son
équité , par son désinteressement et par
un esprit de charité qui lui a acquis une
estime generale.
Lé 8 Décembre , Fête de la Conception
de la Vierge , il y eut Concert Spirituel
au Château des Tuilleries , où l'on chanta
PExaltabo te Deus , Motet de M. de la
Lande , qui fut suivi d'une Antienne à la
Vierge à grand Choeur , et après plusieurs
Piéces de Simphonies très - bien éxecutées
, le Concert finit par un autre Motet
du même Auteur .
Le 24 et le 25. jour de la veille et Fête
de Noël , on chanta le Motet Exaltabo
dont l'execution fit beaucoup de plaisir
la Dile Courvasier , de la Musique de la
ALL Vol.
Hovj Rai2910
MERCURE DE FRANCE
Reine , y chanta .pour la premiere fois
le récit Audivit , qui fut très- applaudi .
On joua une suite d'Airs des plus beaux
Noëls du sieur Correte , accompagnez
de
la Musette et de la Vielle des sieurs Charpentiers
et Danguy , dont l'exécution fut
parfaite. La Dile Courvasier et l'Abbé
Benoît chinterent ensu te un Moret à
deux voix , de M. Mouret , avec autant de
goût que de précision ; ce Concert fut
terminé par le Cantate , dans lequel la
Dlle Lenner chinta le beau récit Viderunt
avec beaucoup de juste se.
Le 27 il y eut Concert François , on y
chanta l'Apotheose d'Hercule , Divertissement
de M. Campra , qui fut suivi d'une
Cantatille de M. Mouret , que la Dile
.Courvasier chanta avec applaudissement ;
la Dlle Bourbonnois en chanta une autre
du même Auteur qui ne fut pas moins
applaudie. On y éxecuta aussi le Prologue
du Ballet des Fête deThalie du même
Auteur, le Concert fut terminé par le Te
Deum de M. de la Lande.
11 y aura à l'avenir Concert tous les Samedis
de l'année 1733 à commencer par
celui du 3 de Janvier.
Le 13 Décembre , les Comédiens Italiens
représenterent à la Cour la Vie est
11. Vol
442
DECEMBRE. 1732. 1911.
un Songe , Piéce Italienne , traduite en
Vers par M. de Boissy , et la petite Comédie
d'Arlequin poli par l'Amour.
Le 20. les Amans réunis , et Arlequin
au Parnasse , ou la Folie de Melpomene
Parodie de Zaire.
Le Mardi 16 Décembre les Comédiens
François représenterent à Versailles
Jodelet Maître et Valet , et Georges- Dan
din .
1 :
Le 18. Zatre et l'Avocat Patelin.
Le 23. L'Audrienne et le Deuil.
Le 24 Décembre la Lotterie de la
Compagnie des Indes , établie pour le
Cremboursement des Actions , fut tirée en
la maniere accoûrumée à l'Hôtel de la .
= Compagnie. La Liste des Numeros gagnans
des Actions et dixièmes d'Actions
qui doivent être remboursées , a été ren-
= due publique , faisant en tout le nombre
de 319 Actions.
II. Fel CE
2912 MERCURE DE FRANCE
CEREMONIE de la Benediction des
quatre nouvelles Cloches de Abbayt
Sainte Geneviève.
La éré parlé dans le Mercure du mois
d'Octobre de deux Cloches bénites à
Sainte Geneviève au mois de Septembre
dernier par l'Abbé de cette Abbaye : voici
ce qui s'est passé pour la bénédiction de
celles qui restoient.
Le Corps de Ville de Paris s'étant volontiers
engagé de les nommer , on avoit
fait inscrire sur ces Cloches les noms et
les Armoiries de chacun de ces Mrs comme
Parrains , on avoit pris la même précaution
au sujet des Titres , Qualitez et
Blazon de Madame la Comtesse deTrémes
qui devoit être là Maraine.
Pour fixer le jour de la Cerémonie , les
Chanoines Réguliers de Sainte Geneviève
firent une députation à la Ville de huit
Religieux ; ils furent reçûs le 22 Novembre
à la premiere Porte de l'Hôtel de Ville
par les Huissiers en Robe , lesquels les
ayant conduits jusqu'au haut de l'escalier,.
deux Echevins , qui étoient venus au devant
, les introduisirent , et les firent placer
vis-à- vis M. le Prévôt des Marchands.
11 Vol.
après
DECEMBRE . 1732. 2913
après quelques révérences à Mrs de Ville
qui étoient debout .
2
La Compagnie ayant pris séance , le
Prieur de Sainte Geneviève , Chef de la
députation , complimenta ces Mrs sur le
zele , qu'à l'exemple de leurs Ancêtres
ils témoignoient pour la gloire de la Patrone
de Paris , et les remercia de la nouvelle
preuve qu'ils en donnoient dans la
conjoncture présente. Le Discours fini ,
le Procureur du Roi prit la parole , et rap
pellant les bienfaits obtenus par l'intercession
de Sainte Geneviève , loüa le zele
des Religieux à prier continuellement pour
les besoins publics . Le Prévôt des Marchands
résuma ensuite ce qu'on venoit de
dire , et répondit que Mrs de Ville , et
lui en particulier , s'estimoient heureux
de donner cette marque de leur veneration
pour la Patrone de Paris , et de con
courir ainsi à la splendeur de l'Office Divin
dans une Eglise où les Citoyens ont tou
jours éprouvé les faveurs du Ciel ; ik ajoûs
ta quelques mots obligeans pour les Cha
noines Réguliers , et fixa le jour de la Cé◄
rémonie au 27 Novembre , à dix heures
du matin. La Compagnie s'étant levée
les Religieux furent reconduits par les
deux Echevins qui les avoient reçûs .
Le jour de la Cerémonie ainsi arrêté
11. Vol. Mrs
2914 MERCURE DE FRANCE
Mrs de Ville prirent des mesures pour ob
tenir du Roi la permission d'assister à
cette Benediction en grand habit de cerémonie
( comme cela se pratique en pareille
occasion ) le Roi eut la bonté de l'ac
corder.
Le 27 Novembre , le Prévôt des Marchands
, les Echevins et le Procureur du
Roi , se rendirent à l'Hôtel de Ville revêtus
de Robbes de Velours , usitées seulement
dans les plus grandes solemnitez ;
ils en partirent en Carosse , précedez de
quelques Archers de Ville , les autres Archers
ayant le Commandant à leur tête ,
marchoient aux côtez des Carosses , lesquels
étoient suivis de plusieurs autres
Ĉarosses où éroient les principaux Officiers
, et le Colonel des 300. Archers de
Ville.
Mrs de Ville arriverent à 10 heures à
l'Abbaye , et furent d'abord conduits dans
une grande Sale où ils se reposerent pendant
quelque tems . Ils se mirent ensuite
en marche , précedez de leurs Huissiers ,
en Robe mi-partie de rouge et de bleu
accompagnez de l'Etat- Major et des Gardes
en habits d'Ordonnance neufs , ce qui
formoit un grand et pompeux Cortege ,
au bruit des Tambours et des Hautbois ,
et au son des deux premieres Cloches nou
vellement bénites.
DECEMBRE. 1732. 2915
Ces Mrs continuerent leur marche vers
P'Eglise parmi une foule innombrable de
peuple , et une grande quantité de pauvres
à qui on fit distribuer des aumônes
considérables. Ils furent reçûs à l'Eglise
et complimentez suivant la coûtume des
grandes cerémonies ; puis ayant passé au
milieu de la Communauté qui étoit en
haye dans la Nef , ils furent placez sur la
gauche d'un Autel qu'on avoit dressé exprès
, et qui étoit adossé à la porte du
Choeur. Un excellent Concert d'instrument
se fit entendre en même tems , et
ne discontinua point pendant la cerémonie.
La Comtesse de Trêmes arriva peu de
tems après dans un grand Carosse drapé ,
qu'environnoient 30 Valets de pied , cette
Dame étoit en Robe de Cour , préce
dée de ses Pages , de quelques Ecuyers , et
accompagnée de plusieurs Dames de distinction.
Les Chanoines la reçûrent en cerémonie
, elle se plaça ( après avoir été
saluée du Corps de Ville ) auprès du Prévôt
des Marchands et des Echevins ; les
anciens Echevins ( qui étoient en exerci-
Ice quand le Corps de la Ville délibera de
nommer les quatre Cloches ) furent placez
sur la même ligne , de même que les
Conseillers de l'Hôtel de Ville. On avoit
Il. Vel ta
2916 MERCURE DE FRANCE
ri
n
tapissé toute la façade de l'Eglise , pour
annoncer une solemnité extraordinaire
et on avoit couvert de grands tapis da
pied tout le pavé depuis la premiere por
te de l'Eglise jusqu'à celle du Chaur
où étoit l'Autel dont on a parlé.
r
d
d
t La Nef , destinée pour la cerémonie
avoit été ornée par le sieur Guillemont
Tapissier du Clergé et de la Ville , d'une P
maniere fort ingenieuse , de même que
P'Autel , qui étoit orné de 36 grands
Chandeliers d'argent garnis de gros cier
ges aux Armes de la Ville. Vis- à- vis l'Au
tel étoit un magnifique Lustre de cristal
à 18 branches qui donnoit une lumier
des plus brillantes . Au dessus de l'Autel
s'élevoit un magnifique Dais de Velours
brodé d'or , avec un assortiment relatif
orné de Cartouches historiques et symbo
liques , aussi brodez d'or , qui venoient
aboutir au Retable de l'Autel.
Cet Aurel étant placé au fond du mi
lieu de la Nef , il restoit aux deux côtez
un intervale considerable : le tout formoit
une face entiere ornée de tapisseries
semées de Fleur-de- lys d'or , ce qui fai
soit une supe be décoration et un beau
point de vue. On avoit pratiqué une
Tribune sur le Jubé , qui est entre le
Choeur et la Nef , pour la Reine Douai-
II. Vol. riere
DECEMBRE . 1732 2917
tiere d'Espagne ; tout le dedans étoit orné
de Damas cramoisi , le devant fermé
vec des rideaux de la même étoffe , et
T'appui du dehors paré d'un tapis brodé
d'or : la suite de S. M. C. occupoit le reste
"du Jubé , qui étoit aussi orné à proportion
.
Un Amphitheatre de six Gradins occupoit
les deux aîles de la Nef , ils étoient
couverts de Tapis de Perse et de verdure
les Pilliers étoient aussi ornez d'étoffes
depuis les Chapitaux jusqu'au pavé. Cet
Amphithéatre , parallele à la longueur de
la Nef , venoit de chaque côté se termi
ner circulairement à la Porte de l'Eglise .
On avoit pratiqué une autre Tribune à
côté du Jubé des Orgues , qui est audessus
de cette Porte , presqu'au niveau
du Jubé , pour y placer une partie des
Musiciens et des Simfonistes , et le retour
de cette Tribune joignoit les premiers
pilliers de la Nef. Le sieur Dornel , Organiste
de l'Abbaye , fit éxécuter différens
morets de sa composition , convena
bles à la solemnité de la Cerémonie , par
un excellent Choeur de musique composé
de plus de 80 personnes.
On avoit construit au milieu de la
Nef, un quarré de charpente de 20 pieds
de long sur 14 de large , élevé dans une
II. Vol.
juste
2918 MERCURE DE FRANCE
juste proportion , et soutenu par 12 Co
lomnes couvertes de Satin blanc , sur lequel
étoient contournez de distance en
distance des cordons à glands d'or.Le Plafond
de cette Charpente étoit couvert de
Damas cramoisi , et le dessus orné de riches
Tapisseries de verdure. Les pentes
collaterales étoient bordées de franges d'or
en Feston , avec des Aigretes touffues et
panachées aux quatre coins de l'Edifice ,
qui représentoit un somptueux et magni.
fique Dais.
C'est dans cette Charpente qu'on avoit
suspendu les quatre Cloches , disposées
sans se toucher , et sans pouvoir presque
connoître à quoi elles tenoient , les differentes
étoffes dont elles étoient ornées ,
avoient caché les cordages , les poulies , et
les autres machines , &c . Une Toile de
Batiste des plus fines , ornée d'une dentelle
de deux pieds de hauteur et d'un
goût exquis , couvroit les Cloches d'une
maniere également simple et noble.
Une étoffe rouge placée entre les Cloches
et la Toille , relevoit encore la beauté de
la dentelle .
Ce n'est pas le seul ornement dont Mrs
de Ville auroient voulu décorer les nouvelles
Cloches , si le tems limité avoit pû
le leur permettre. Pour suppléer à cette
II. Vol.
amis
DECEMBRE . 1732. 2919
mission , ils font faire actuellement à
Lyon un Drap d'or des plus précieux pour
de magnifiques Ornemens , qui ne serviront
à l'Eglise de Sainte Genevieve
qu'aux jours des Fêtes les plus solemnelles.
L'Abbé de Sainte Geneviève commença
la Cerémonie par une Messe basse .
pendant laquelle le Choeur de Musique
chanta un très - beau Motet. Après la
Messe l'Abbé alla prendre ses Habits Pontificaux
, il revint accompagné de treize
Officiers magnifiquement revêtus , quatre
en Tuniques et neuf en Chapes. Les
Officiers de Justice de l'Abbaye en Robe
parurent en même tems . L'Abbé , selon
ce qui est marqué dans les Rituels , alla
aussi -tôt demander sous l'invocation de
quels Saints les Cloches seroient bénites ;
et cette Rubrique accomplie il tinta chaque
Cloche trois fois , la Comtesse de
Trêmes et le Prévôt des Marchands firent
la même chose , les autres Magistrats tinterent
chacun séparément ; pour faciliter
cet essai de sonnerie , on avoit attaché
plusieurs cordons tissus d'argent , relevés
par des houpes très riches , aux battans
des Cloches .
Differents Pseaumes furent chantés pendapt
cetteCerémonie , soit en Plein-Chant,
I. Vol. avec
2920 MERCURE DE FRANCE
avec l'Orgue , ou en Musique . Les fanfa
res des Trompettes et des Hautbois ac
compagnoient et animoient ce chant. Les
Antiennes préliminaires aux Pseaumes
étoient toujours entonnées à l'Officiant
par le Grand- Chantre qui présidoit au
Choeur avec le Bâton de son Office. L'Abbé
termina la Cerémonie par la Benediction
qu'il donna pontificalement. Il alla
ensuite remercier la Comtesse de Trêmes
et Mrs de Ville , qui répondirent de la
maniere la plus gracieuse.
- La Comtesse de Trêmes fut reconduite
par les Chanoines jusqu'à son Carosse et
Mrs de Ville furent conduits dans un
Appartement de l'Abbaye , où ils ассер-
terent le dîner qu'on leur avoit fait préparer.
Une multitude prodigieuse de eu
ple , qui n'avoit pu être témoin de cette
Cerémonie , s'empressa d'entrer dans l'Eglise
, qui fût ouverte jusqu'au soir pour
satisfaire à la curiosité publique.
11. Vol. MORTS .
DECEMBRE. 1732. 2921
MORTS , NAISSANCES
& Mariages.
R J. B. Deloubere , Receveur Ge-
MRneral des Finances de la Generalité
P'Orleans , mourut âgé de 72 ans , le 25.
Decembre.
François Camille de Neufville Villeroy,
Duc d'Alincourt , Baron de S. Marc.et
Marais , Mestre de Camp du Regiment
de Villeroy , Cavalerie , et Lieutenant de
Roi au Gouvernement de Lyonnois et
Beaujolois , mourut à Paris le 26 Decembre
dans la 33 année de son âge , extrêmement
regretté ; il ne laisse qu'un fils
âgé de 17 mois de son Mariage avec N. de
Bouflers ; il étoit fils du Duc de Villeroy,
et frere cadet du Duc de Retz.
Joseph de Lesqueu de Villemeneust
Brigadier des Armées du Roi , et Commandeur
de l'Ordre Royal et Militaire
de S. Louis, mourut à Paris le 28 agé de 59 ans.
Dame Françoise Herbert de Poiws de
Montgomery My Lord Kenneth Makenzie
, Marquis de Scaforth , Pair d'Ecosse,
Chevalier de l'ancien Ordre de S. André,
II.Vol. dir
2922 MERCURE DE FRANC
dit du Chardon , Conseiller Privé du fe
Roi Jacques II. mourut à Paris le 26 c
ce mois , agée d'environ 80 ans. Elle éto
fille du Lord Guil . Herbert de Montgo
mery , Duc de Powis , Pair d'Angleterre
Chevalier de l'Ordre de la Jarretiere
Grand-Chambellan du Roi Jacques II. e
de Dame Elizabeth de Somerset , fille ca
dette du Marquis de Worcester , ayeul pa
ternel du Duc de Beaufort. Elle a eu de
son mariage avec le Marquis de Scaforth,
le Lord Guill . Mackenzie Marq de Sca
forth , et My Lady Marie Mackenzie
veuve du Lord Jean Caryll.
Le 27 , mourut René Delatour , Marquis
de Soyens , de Montauban , dans la 53. an
née de son âge.
Henry-Charles du Cambout de Coislin,
Evêque de Metz , Duc de Coislin , Pair
de France , Prince du S. Empire , Baron
des anciennes Baronies de la Roche Bernard
et de Pontchateau , Pair et Président
des Etats de Bretagne , Premier Baron de
Champagne , Premier Aumonier du Roi,
Commandeur de l'Ordre du S. Efprit ,
Abbé de l'Abbaye de Bocherville , l'un
des Quarante de l'Académie Françoise et
Honoraire de celle des Inscriptions et
Belles-Lettres , mourut à Paris le 28 Decembre
dans la 69 année de son age. Il fut
II. Vol.
porté
DECEMBRE. 1732. 2923
porté en grand convoy dans l'Eglise Paroissialle
de S. Sulpice , d'où après les Céremonies
ordinaires , il fut transporté en
celle des Religieux Pénitens , dits de Nazareth
, pour y être inhumé dans la Sépulture
de sa Maison.
La nouvelle de sa mort étant arrivée à
Metz , Les Vicaires Géneraux du Diocèse
ordonnerent aussi - tôt des Prieres pour le
repos de son ame , par un Mandement datté
du 2 de ce mois , dans lequel ils s'expriment
en ces termes :
» Le Clergé a perdu en sa personne un
» Chef vigilant et attentif au maintien de
» la Discipline ; les Pauvres, un Pere ten-
» dre et compatissant à leurs miseres , qui
» tenoit sans cesse les mains pleines et ou-
>> vertes à tous leurs besoins ; le Public,un
» grand Seigneur qui a laissé après lui des
» Monumens d'une magnificence égale-"
» ment utile au bien spirituel et tempo-
» rel des Habitans de cette grande Ville et
>> de toutes nos Provinces : nos larmes sont
» donc justes, et la Religion les authorise
» &c. A CES CAUSES & c .
M. le Duc de Coislin a laissé sa Bibliotheque
de Livres manuscrits , dont le
fonds venoit du Chancelier Seguier son
Bisaycul maternel , à l'Abbaye de S Germain
des Prez , où elle étoit en dépôt de-
11. Vol.
.I puis
2924 MERCURE DE FRANCE
puis plusieurs années. Il y a environ 400
Manuscrits Grecs dont le P. de Montfaucon
a donné le Catalogue en 1715. sous le
titre de Bibliotheca Coisliana. 400 autres
Manuscrits Orientaux , Hebreux , Arabes,
Cophtes , Ethiopiens , Arméniens &c. et
plusieurs autres Manuscrits dans les Langues
de l'Europe sur differentes matieres :
ce qui fait en tout environ trois mille Manuscrits.
Le 20 de ce même mois les Religieux
de l'Abbaye Royale de S. Germain des
Prez célébrerent dans leur Eglise un Service
des plus solemnels pour le repos de
l'ame de ce Prélat , qui les avoit toujours
honorez de son amitié et de-son estime.
Plusieurs Seigneurs et Dames de la premiere
distinction assisterent à ce Service.
A leur tête étoient le Prince Charles de
Lorraine , Grand-Ecuyer de France , le
Prince de Lambesc , le Prince de Pons , le
Comte de Roussi qui faisoit les honneurs,
le Duc de Danville , le Comte de Donges
&c. Ces Princes et Seigneurs, qui avoient
aussi assisté au Convoy funébre , dînerent
dans le Monastere après le Service.
Dame Laure de Fitjames , Epouse de
Joachim- Louis de Montagu , Lieutenant
Général pour le Roi de la Province d'Aus
II. Vel
vergne
DECEMBRE. 1732. 2925
vergne et Pays de Cambrailles , Gouver
neur de Brouage , accoucha le 2 Décembre
d'un fils , qui fut nommé Joachim-
François - Xavier par Joachim - Louis de
Montagu de Beaune , Marquis de Bouzols
& c. Chevalier des Ordres du Roi , Lieutenant
Général des Armées de S. M. et
par D. Anne de Bulkelcy , Epouse du
Maréchal Duc de Berwik .
Dame Françoise de Gontaut de Biron
Epouse de Jean- Louis d'Usson , Marquis
de Bonnac , Conseiller d'Etat d'Epée
Ambassadeur du Roi en Suisse , accoucha
le 18 au matin d'un garçon qui
fut baptisé le même jour dans l'Eglise
Collégialle de S. Ours et S. Victor de la
ville de Soleure, et nommé Victor Timoléon.
Ley de ce mois , Le Roi signa le Cons
tract de Mariage du Duc d'Hostun , fils
du Duc de Tallard, Chevalier des Ordres
du Roi , et de Marie - Louise de Rohan
Soubise, avec Mademoiselle de Prie , fille
unique du Marquis de Prie , Chevalier
des Ordres du Roi. La Céremonie des
fiançailles se fit dans l'Apartement du
Cardinal de Rohan , Grand-Aumonier de
France. Le 21 de ce mois et la nuit de ce
jour- là , l'Archevêque de Rouen donna
JL. Vol Iij
2926 MERCURE DE FRANCE
la Bénédiction nuptiale aux nouveaux
Epoux dans la Chapelle du Vieux Louvre,
en présence du Cardinal de Rohan et d'une
très-illustre Assemblée de Parens ; les
nouveaux Epoux furent présentez au Roi
et à la Reine , et la jeune Duchesse d'Hostun
prit possession du Tabouret .
La nuit du 29 au 30 de ce mois , M.
Herault , Conseiller d'Etat , Lieutenant
General de Police &c . épousa en secondes
nôces Mademoiselle Moreau de Sechelles,
fille de l'Intendant de Flandres.
ADDITION.
Nblic ,que Charles Osmont, Libraire ,
Ous . sommes priez d'avertir le Purue
S, Jacques , à l'Olivier , donnera au
mois de Février 1733. les quatre premiers
volumes de la nouvelle Edition du Glossaire
Latin, de M. du Cange, par les RR .
PP. Benedictins.
RECHERCHES INTERES SAN TE S Sur
l'origine, la formation , le dévelopement,
la propagation , la structure , &c. des diverses
especes de Vers à tuyau , qui infestent
les Vaisseaux , les Digues , &c . de
quelques- unes des Provinces- Unies. Par
11. Vel
M.
DECEMBRE. 1732: 2927
M. P. Massuet , Docteur en Médecine .
Ce qui n'est ni moins important , ni
moins curieux , c'est qu'on a joint à cet
ouvrage les Procès verbaux qui ont été
dressez par les Inspecteurs des Digues ,
au sujet des dommages causez par les
Vers,avec leurs differentes figures enTaille
douce , gravées d'après natute. In 8º¸
A Amsterdam , chez F. Changuion .
Le St Curé, chez qui les Curieux trouveront
les 24 Médaillons du Parnasse
François , indiquez dans le Mercure de
Novembre dern.demeure ; au bas du Quay
Pelletier , au Chapeau rouge , à Paris.
DESCRIPTION de la Voute de la Cha
pelle de la Vierge de S. Sulpice , peinte
à Fresque , par M. François le Moyne ,
Peintre ordinaire du Roy. On sçait assez
en France et dans les Pais Etrangers le
rang distingué que cet habile Maître tiens
dans l'Académie Royale de Peinture eð
Sculpture.
L
A Coupolle de la Chapele est ovalde
le ; elle porte dans son grand diamettre
47 à 48 pieds , sur 3 de large : de
la Corniche au sommet de la Voute
19 pieds de renfoncement ; ce qui pro-
II. Vol. Liij duis
#928 MERCURE DE FRANCE
duit 70 pieds de développement sur la
longueur du grand diamettre , et 54 sur
la largeur ; du Rez - de - chaussée à la
seconde Corniche , 56 pieds de haut , et
19. de cette Corniche au sommet , ce qui
fait en tout 75 pieds de hauteur.
Les Figures qui paroissent sur une Terrasse
, près de la Corniche , ont 12 pieds
de proportion , et les autres Figures diminuent
selon leur Plan et selon les Regles
de l'Optique .
Le sujet represente la Sainte Vierge
assise sur un nuage , implorant le Seigneur
, sous la figure d'une grande lumiere
, avec S. Pierre d'un côté, et S.Sulpice
, Patron de la Paroisse , de l'autre
qui intercede auprès de la Sainte Vierge ,
en faveur du Peuple placé au dessous
joignant ses prieres à celles du S. Patron
pour le salut des Paroissiens , et pour
soulagement des Oppressez , des Malades,
des Orphelins , & c.
2
le
La Vierge est environnée d'Anges en
adoration , la regardant comme leur Reine
; quelques- uns portent les différens attributs
qui leur appartiennent; et d'autres
Groupes d'Anges forment un Concert de
Voix et d'Instrumens en son honneur
ce qui se trouve dans la partie opposée
au principal sujet. Ce Concert , pour le
II. Vol.
dire
DECEMBRE. 1732 2929
dire en passant , forme un Groupe admi
rable par son contraste et la suavité done
il est peint ; et ce n'est peut-être pas dans
ce grand et magnifique Ouvrage , ce qui
attire le moins les yeux des Connoisseurs
intelligens.
Dans les deux côtez , en regardant le
principal sujet, on voit à gauche les Vierges
qui se sont mises sous la protection de
Ia Sainte Vierge , lesquelles reçoivent des
Palmes de la main d'un Ange. A la droire
, dans la partie opposée , sont les Peres
de l'Eglise et les Chefs d'Ordre qui ont
écrit des Grandeurs de la Mere de Dieu.
Tout cet Ouvrage a été fini au mois de
Septembre dernier , et il a été rendu public
le premier Dimanche de l'Avent,
Il a attiré un tres-grand concours , et
quoique la plus severe Critique ait pû faire
, et que la modestie de l'Auteur même
lui ait fait avouer qu'il y avoit bien des
choses à désirer dans son Ouvrage ,le plas
grand nombre des gens équitables et
éclairez sont convenus , malgré les discours
et les raisonnemens vagues et peut
être partiaux , qu'on ne peut guéres voit
un plus beau morceau de Peinture en
France.
DESCRIPTION ABREGE' de la Carte ge
erale de la Monarchie Françoise , contenant
II. Vel I ij P'His2930
MERCURE DE FRANCE
P'Histoire du Militaire ancien et moderne , depuis
son origine jusqu'au 15. Février 1730. divisée
en vingt Tables ou Feuilles , enrichies de
Tailles -douces , dessinées , gravées et imprimées
par les plus habiles Maîtres. Inventée et présentée
au Roy le 17. Février 1730. par le sieur
LEMAU DE LA JAISSE , de l'Ordre de
S. Lazare , et ancien Officier de S. A. R. feuë
MADAM E. Sçavoir.
Douze Feuilles pour le dedans de la Carte , sept
pour la Bordure, et une du Titre et Avertissement.
1. Feuille du dedans , grand Dessein Allegorique
du Frontispice , la Dédicace au Roy , et le
Titre de tout l'Ouvrage , orné de Minerve dans
sa gloire , d'Arcs de Triomphes , et des Fortraits
du Roy , de la Reine , d'Henry IV. Chef de la
Maison Royale de Bourbon , regnante , et de
Louis XIV . Bis- Ayeul de SA MAJESTE' .
2. Nouvelle Histoire abregée de la vie des 65 .
Rois de France , avec leurs Portraits , depuis la
fondation de la Monarchie dans les Gaules , jusqu'à
la fin du Regne de Louis le Grand.
3. Chronologie des Grands et Premiers Offi→
ciers Militaires de la Couronne , et des Grands et
Premiers Officiers du Militaire de France , depuis
l'an 978. avec les Chevaliers Commandeurs
des Ordres du Roy , depuis leurs Institutions et
Promotions , jusqu'au 15. Février 1730.
4. Vue et Description de Paris , Chronologic
des Rois de France ; Tige et Généalogie de la
Maison Royale de Bourbon , avec l'origine et la
création des quatre Compagnies des Gardes du
Corps du Roy , de celles des Gendarmes , des
Chevaux - Legers et des Mousquetaires de la Garde
; ensemble celle des Grenadiers à Cheval , détaillées
depuis leur Institution , avec les noms et
dattes des Brévets des Officiers en tête.
II. Vel.
DECEMBRE. 1732. 2931
5. Vue et Description du Château Royal de
Versailles , séjour ordinaire du Roy , Les Généa →
logies et Alliances des cinqBranches de la Maison
Royale de Bourbon , depuis Henry IV . jusqu'à
présent , avec l'origine et la création des seize
Compagnies des Gendarmes , et des Chevaux - Legers
de la Gendarmerie , détaillée depuis leur
Institution , avec les noms et dattes des Brévets
des Officiers .
6. et 7. Le détail et les rangs des cent- vingt
Régimens d'Infanterie Françoise et Etrangere , à
la tête desquels sont les Gardes Françoises et
Suisses de la Maison duRoy , ensuite Picardie premier
Régiment , &c . depuis leur création et institution
, avec l'origine de la premiere Intanterie
et les noms et dattes des Brévets de leurs Officiers
Generaux et Principaux.
୨ 8. et 9 L'origine , le détail et les rangs des cinquante
neuf Régimens de la Cavalerie legere Françoise
et Etrangere ; des quinze Régimens de Dragons
et les noms et dattes des Brevets de leurs
Officiers Generaux et Principaux , avec les Troupes
formées en 823. Compagnies Françoises et
Etrangeres , composées de Batailions , d'Escadrons
et de Brigades. Sçavoir , les cent Suisses ordinaires
du Corps du Roy , les Gardes de la Porte
du Louvre , et les Gardes de la Prévôté de l'Hôtel
du Roy , ou Hocquetons de Sa Majesté , qui
sont de la Maison du Roy , les Cadets Gentilshommes
, l'Hôtel Royal des Officiers et Soldats
Invalides , les Milices du Royaume , les Compagnies
franches et de Partisans , tant à pied qu'à
cheval , la Compagnie de la Connétablie de France
, celle de la Prévôté generale des Monnoyes
de France , et les Compagnies des Maréchaussées
du Royaume , depuis leur création et institution ,
avec les noms et dattes des Brévets de leurs Officiers,
I
10
"
2932 MERCURE DE FRANCE
10. Les Maréchaux de France ; les Lieutenans;
Géneraux et Maréchaux de Camps des Armées.
du Roy , les Brigadiers d'Infanterie , de Cavalerie
et de Dragons ; les Gouverneurs et Lieutenans
Généraux des Provinces ; avec les Armoiries en
Blazon de chaque Province ; et les Maréchaux
Generaux des Logis , des Camps et Armées du
Roy , nommez jusqu'au 15. Février 1730. ensemble
le nombre general des Officiers des Etats.
Majors des Villes fortes et Places de Guerre , avec .
leurs créations et dattes des Promotions.
>
11. Commencement de l'Histoire abregée du
Regne de Louis XV. jusqu'au 15. Février 1730.
le détail et les Institutions des Ordres Royaux
Militaires et Hospitaliers de Notre- Dame du
Mont Carmel et de S. Lazare de Jerusalem . Le
Corps de l'Artillerie de France , détaillé depuis .
son origine ; celui des Officiers Ingénieurs ordinaires
du Roy; la création et lanomination de la .
Dignité de Ministre et Sec. d'Etat de la Guerre;
les Intendans et Commissaires départis du Roy ;
les grands Baillifs et Sénéchaux d'Epée , avec leurs .
Lieutenans ; les Commissaires ordinaires Provinciaux
des Guerres , et géneralement tous les Officiers
principaux en charge brévetez, et par Com
mission du Roy , attachez au Militaire de France,
depuis leur Création et Institution ..
12. Dénombrement géneral des Officiers , tant
en pied que réformez , et des Troupes de France
sur pied , le 15. Février 1730. avec le nombre des
Officiers de chaque Corps de Troupes en particulier
et en general ; l'abregé des Statuts et Institutions
des Ordres du Roy ; le trophée des Grades
, honneurs et récompenses Militaires des .
Officiers ; la Vûë et Description de l'Hôtel Royal
des Invalides, depuis sa fondation jusqu'à present;.
P'Institution et le détail de l'Ordre Royal et Mi-
II. Vd. litaire
DECEMBRE. 1732. 2933
pour
litaire des Chevaliers de S. Louis, par Louis XIV.
honorer la valeur de ses Officiers ; les origines
et changemens arrivez jusqu'à présent dans
les Corps de Troupes qui subsistent ; et les observations
pour la Regle et la discipline des Troupes
, extraites des Ordonnances du Roy et des
Archives respectables de la Chambre des Comptes
de Paris , avec les noms des Auteurs Militai
res , anciens et modernes , dont les Ouvrages ont
servi à la compilation et composition de cette
Carte...
On trouvera au bas des trois dernieres feuilles
les Batailles mémorables , gagnées par les François
, depuis le commencement de la Monarchie
jusqu'à présent ; avec le vrai caractere d'un parfait
Homme de Guerre.
La grande Bordure de cette Carte contient sept
feuilles , ou Tables en Tailles- douces , de pareillegrandeur
, qui comprennent cent- dix Plans des
principales Places de Guerre et Villes maritimes
Frontieres du Royaume , distinguées par Dépar
temens et Gouvernemens Géneraux des Provin--
ces , avec la Description, l'Etat Major , et les Armoiries
en Blazon de chaque Place , et leur distance
de Paris , ainsi de l'une à l'autre ; la: que
Description génerale desRoyaumes de France et
de Navarre , d'un côté , et de l'autre celle du
Royaume de Pologne , d'où est sortie notre Au--
guste Reine ; l'Etat géneral des Garnisons ordinaires
de Gardes à Cheval , Hallebardiers et hom. ·
mes de Guerre à pied , attachez aux Gouverneurs;
et Lieutenans Géneraux des Provinces du Royaudétaillé
depuis leur ancienne Institution jusqu'à
présent ; les quatre coins de la grande Bor--
dure de cette Carte , sont terminez par les Figu
res allégoriques des quatre principaux Vents du
Levant ,du Couchant du Midy et du Septentrion ,,
me ,
•
L-IS.Vely. CA
2934 MERCURE DE FRANCE
en forme de Renommée,aux Trompettes et Bairderolles
de France et de Navarre , en Taille-douce;
on trouvera aussi au haut de la premiere Feuille
de cette Bordure , le modele de l'effet ou de la réduction
de la grande Carte rassemblée dans toute
son étenduë , avec deux Tableaux aux côtez
pour l'Instruction nécessaire à son usage, gravez
en taille-douce .
On a eu soin de graver au -dessus de la Maison
Militaire du Roy , de la Gendarmerie , de
l'Infanterie, de la Cavalerie Françoise et Etrange
re , et des Dragons , ainsi que des Troupes formées
en Compagnie , les differentes figures armées
, tant à pied qu'à cheval , avec leurs Trophées
d'armes anciennes et modernes;et au milieu
de chaque Corps de Troupes, la forme et couleur
de leurs Etendarts, Guidons etDrapeaux Colonels
et d'Ordonnance , représentez en Blazon , ainsi
'que les Uniformes et Armures de toutes les Trou
pes du Roy qui subsistent, avec les Additions pour
la difference de chaque habillement et Equipage.
Cette Carte mise au jour en Janvier 1733. se
vend à Paris , chez l'Auteur , rue et près la Fontaine
de Richelieu , avec les Supplémens annuels
pour expliquer les mutations ou changemens
Militaires , arrivez depuis le 15. Février 1730 .
jusqu'au 15. Février 1732. et successivement
d'année en année le même jour , relatifs à cet Ouvrage
, qui contient vingt grandes feuilles enri
chies de tailles- douces réduites en un Livre broché
et portatif , lesquelles feuilles se joignent en
une seule Carte de sept pieds en quarré, montée
sur Gorge et Rouleau.
L'Auteur annonce qu'attendu la dépense pour
la monture de sa Carte sur Gorge et Rouleau en
entier ou en trois parties , que chacun voudroit
faire plus ou moins riche , ainsi que pour les dif-
II. Vol ferentee
DECEMBR E. 17327 2935
ferentes façons de reliures des vingt feuilles , en
Maroquin ou en Veau , à l'usage des Bibliotheques
, des Cabinets et du transport dans les Provinces
, il s'est déterminé à ne le vendre qu'en
Livre en brochure , grand in folio , couvert de
Papier bleu d'Hollande , doublé de fort papier
blanc , dont le prix est fixé à vingt - quatre livres.
Et la feuille de Supplément aux mutations Militaires
, qui paroîtra chaque année , aussi gravée
en taille- douce , sera de 24 sols seulement.
Le sieur Le Mau de la Jaisse , se chargera volontiers
de faire ensuite accommoder sa Carte
proprement par ses Ouvriers , en telle forme qu'il
plaira , et à juste prix.
TABLE
Ieces Fugitives , Ode à la Poësie , 2733
Plaidoyers prononcez au College des Jésui- P
tes , & c.
Epitre à M. de Voltaire , et Réponse ,
Cantique pour la Fête des Rois ,
2768
2761
2764
Réponse au sujet de l'histoire d'Emilie , & c.
2767
Epitre à M. l'Abbé Plomet 2770 "
Refléxions sur l'Amour , 2772
Lettre sur la Vie de M. F. Picquet , 2785
Les Dainnez de Nevers , Poëme , 2797
Imitation d'une Ode d'Horace , 2804
Le Sage profite de ses fautes , Discours , 2806
Stances à Mlle de Malcrais ,
2814
Impossibilité du mouvement perpetuel ,
Logogryphes , Enigme , &c.
Nouvelics Litteraires des Beaux Arts , &c. Journal
Litteraire , & c
Poësies diverses de M. Tanevot ,
2826
2838
Mémoires pour servir à l'Histoire des Hommes
2817
2823
Ilustres 2
2842
La Vie est un Songe , Comédie ; 2850
Le Repos de Cyrus , ou l'Histoire , &c. 2853
Estampes nouvelles , 2865
Tremblement de Terre à Naples , 2866
Spectacles , les Enfans Trouvez , Parodie , 2868
Isis , Tragédie , Extrait , 2883
Eglogue sur la Naissance de N. S. 2894
Nouvelles Etrangeres , de Turquie et Perse, 2897
Extrait d'une Lettre de Constantinople , 2898
De Russie , Pologne , Allemagne , 2900
D'Italie , d'Espagne et Angleterre , 2902-
Morts singulieres , et naissances des Pays Etran--
gers , 2906
France, Nouvelles de la Cour , de Paris , &c. 2908
Benedictions de quatre Cloches à See Genevieve ,
Morts , Naissances , Mariages ,
Addition ,
2912
2921
2926
Description des Peintures de la nouvelelle Chapelle
de S. Sulpice , 2927
Histoire ou Carte generale du Militaire de
France 29299
Errata du premier Volume de Décembre.
8 ..
Page 2690. 1. 4. 708. lisez 7ou 1. Torcheres. 3
P. 2709. 1. 7. Mars , I. Mais.
P. 2726. l . 14. Thyrre , Thyrse
Fantes à corriger dans ce Livre..
Age 2756. 1. 25. flattent , flatant
PAP. 2778. 1. 8. sone , l. sons.
P. 2827. 1. 2. Gennes , 1. Geneve..
Ibid , 1. 3. idem.
P: 2864. 1. 13. Murator , 1. Muratori..
P. 2921. 1. 3. du bas , Mongomeri¿ ajoûtez
Epouse de
TABLE GENERALE
A
De
L'Année 173 2..
A.
Bderites (les ) Comédie ,. 16522
Abdon S. qui préserve du Tonnerre et de
la grêle ,
Académie Françoise
Des Sciences ,
Des Belles - Lettres ,.
De Montpellier ,.
904
716. 774. 1379 2728.
827. 1388.2447”
826. 2448. 2865
1579
De Marseille ,
De Bordeaux
De la Rochelle ,
2206
2217
2381
De Peinture et Sculpture ,
Imperiale , de Peinture et Sculpture ,
De Chirurgie ,..
2216%
772
133. 548. 1592
Académies d'Italie , 14 .
Adorer, pour respecter , honorer ,. 258.
Ail ,
2362
Akousmate d'Ansacq ; 416
Allure ( 1 ) Opera Comique ,. 2231
Ames Rivales ( les ) Conte , 2527"
1513 Ampoule ( Barons de la sainte )
Amusemens à la mode ( les ) Comédie , 782-982
Antimoine ( Mine d' ) 774
Antiquitez , 631. 1188. 1612. 1809. 2105. 2188 -
Appleine ( S. Nicolas ) 1471
Arbres. Oter leur écorce les rend plus fertiles ,
26297
AI..Vol . Argenis
TABLE
'Argenis de Barclai ,
Arlequin au Parnasse , Comédie ,
Arrêts Notables •
325
2667
458. 1254. 2300. 23 11
Astres ( Méthode pour observer la hauteur des )
Astrologie judiciaire ,
B.
274.693
1554
Assi ( Dona Laura Catherine ) 1389.2729
Bayeux , Ville , BB
Benet ( Mort de Louis )
2117
2443
Bibliotheque Italique , 116. 966. Raisonnée, 330
1371 1781. 1975. De Colomiés , 950. de
sainte Geneviève , 1398. Germanique , 2627
Des Enfans ,
Biblis , Opera ,
Boisrozé ,
1183
2674
2554
Borrontée ( la Comtesse Dona Clelie Grillo ) 120
Boulle ( Mort d'André- Charles ) 552
Bouquet , 354 1242. 1244. 1445. 2407. 2697-
2703. 2714
Bouts Rimez, 493.692.825.856.1735.2165.2360-
2380. 2613
Bureau Typographique , $ 44. 707. 726 857-
C.
1092. 1294.
Alendrier ( Projet d'un nouveau )
Callirhoé , Opera , Callithot
881
137
Cantate , 59. Pluton amoureux , 212. Ariane ,
684 Hipermnestre , 899. Proserpine et le
Fleuve d'Oubli , 1126. La Fausse Inconstance ,
129 1. La Disgrace d'Hébé , 1526. La Jeunesse,
1760. La Naissance de J. C. 2573. Les Saisons
,
Cantique ,
2724
2764
II. Val Ca
DES MATIERES .
Capricieuse ( Eloge de l'humeur ) 1028.1757
Carosse ( Nouveau Train de ) 260
Carte Militaire de la Monarchie Françoise, 2929
Cassius et Victorinus , Tragédie , 2649
Cecile ( sainte ) mal - à - propos Patrone des Musiciens
, 21. 1081
1654
1248
Céremonie anniversaire à Vernon ,
Chanoine en Surplis et en Epée ,
Charlatans ( Canon du Concile de Tréves contre
les )
Charles XII . ( Histoire de )
Cheveu ( le ) Opera Comique ,
Chicoineau ( Eloge de François )
Chirac ( Eloge de Pierre )
905
337
2225
808
803
Coislin ( Mort et éloge de Henri - Charles du
Chypre ( Histoire des Rois de )
Cambout de )
Corégraphie
Cloches de sainte Geneviève ,
College Royal ,
Comédies à Nîmes ,
2922
2000
318
2282.291
26371
347
Conférences entre les Turcs et les Persans , 1736.
Conte ,
Critique ( la ) Comédie ,
Cyrus , le repos de )
D.
Anaüs , Tragi - Comédie ,
1891
822 2797
372. 525
2853
554
Dictionnaire de la Langue Castillane , 2214
Divertissement en Musique ,
Da
Doria ( André )
Duel ,
3482
1954
1982
E.
Au commune , utile dans la Chirurgie , 1585
Eau de
Barege ,
Ecole des Meres ( l' ) Comédie ,
430
1619. 2017
II. Vol. Eglise
TABLE
Eglise tombée en Bourgogne ,
Eglogue,
Electricité ,
Emilie , Roman ,
2502
1032.2894
2832
2149. 2767
Enfant né avec deux Langues , 1395. Extraordi◄
naire dans ses Etudes , 2631
1756 , 2712
453 , 1705 , 2708-
Enfans Trouvez ( les ) Comédie , 2673. 2868
Enigine , 99. 314. 50§. 737. 932. 1155. 1367.
1568. 1768. 1970. 2193. 2410 , 2614. 2825
Epigramme ,
Epitalame,.
Epitaphe ,
Epitre à Uranie , 605. à l'Auteur de l'Epitre à
Uranie , 624 de Voltaire , 1887. 2387. de
Mlle de Malcrais, 2605. 2781. à Lefort , 2077.
à Mile de Malcrais , 2570. 2814. à Voltaire
1761. Réponse , 2763. à l'Abbé Plomet
Epitres héroïques d'Ovide ,
Epreuve des Fées ( l' ) Opera Comique ,
Eriphile , Tragédie ,
434
2770
1180
1820
562
Estampes , 135. 342. $49. 769. 810. 11896
1396. 1609. 1811. 2214. 2449 . 2644 .
2865
Ethiopie Occidentale , 1589
Etudes ( difficulté sur le Traité des ) 1037
Expositiojuris Canonici . 1572
<
F.
Frausse
Able ,
' Fausse inconstance ( la ) Comédie
Faute , le Sage profite de ses fautes ,
Femme furieuse ,
Ferrand éloge de Jacques Philippe ) **
(la ) Comédie
485. 1138. 2144 2398. 2444-
2454
2806
2628
Finances des Romains ,
Franc- Aleu ( défense du )
517
1776
II. Fol. Front
DES MATIERES.
Front ( S. )
G
Allia Christiana ,
G Géométrie ( Elemens de )
Glorieux ( le ) Comédie ,
Godeau (Antoine )
Guespin , origine de ce mot ,
Guinguette ( la ) Opera Comique
H
Elimand ( Chronique d' )-
1993
2434
148. 355
2842.
912. 2142.
2026
298
Histoire des Sciences et des Arts en Italie, 117
Moderne de tous les Peuples , 332. Militaire
du P. Eugene critiquée , 920. Métallique des
Pays-Bas , 2831
Histoire de France aussi difficile à écrire qu'elleest
agréable à lire ,.
Horloge de Sens , 1390. Nouvelle maniere de
construire de grosses horloges ,
935
13122
J..
Aloux ( le Prince ) nouvelle 1529. 1678.
Idille 426.818 . 1941-
Jephté , Opéra , 171
Jettons )
131
Inscription d'Orleans , 1141
Interêts de Village ( les ) Opéra Comique
1817
Journal Litteraire ,
Journaux d'Italie ,
Isis , Opéra ,
$40. 1577. 2826.
127
2683.2883
Juridica minora.( Jacobi Gothofredi ) 1574
IL. Vel
La
TABLE
L.
Angue Orientale ( Traductions d'Ouvrages
2209 cn )
Lanterne veridique ( la ) Opéra Comique , 2027
Lettre à Mlle de Malcrais , 7 ‹ . Réponse , 1264
à un Nouvelliste , 1446. sur l'Ordonnance
de
Bacchus ,
Lexicon medicum ,
Lit de Justice ,
1912
1802
1080
Logogrifes , 100. 315. 505. 739. 933. II55 .
1368. 1568. 1769. 1973. 2193. 2410 2614
2823. expliquez en Vers ,
Longitudes ,
Lucas ( Cabinet de Paul )
M.
7
504 1660
1814. 2644
2729
Machines Explication du principe des ) 661. Pour mesurer la vitesse des eaux
courantes et le sillage des Vaisseaux , 2599
Madrigaux , 725. 2719. traduits du Guarini >
2154
Mahometans ( Litterature des ) 1933
Mahometisme ( Histoire du ) SIO
Meaux ( Histoire de l'Eglise de ) 687.2591
976
Médailles antiques , 8. 437. 1344. 1762. de
Diane de Poitiers , 2139. du Roi ,
Mémoires de Barneveldt , 106. pour servir à
l'Histoire des Hommes Illustres dans la République
des Lettres , 1158. 2618. 2842
Mere Jalouse ( la ) Opéra Comique , 2221
Metrometre
Montmartre ( Conjectures sur la formation de )
Monumens de la Monarchie Françoise ,
1151
2330
977
11. Vel. Motte
DES MATIERES.
Motte ( Mort et Eloge d'Antoine Houdart de
la )
Mouvement perpetuel ,
Musique ( Méthode pour apprendre la )
Mythologie ,
N.
Atalibus ( Pierre de )
N
Nerlin(S. )
Neuilli S. Front , Ville ,
Notre-Dame de Paris ,
62. 320. 1288
2817
841
753
2317
298
467
1400
Nourice. Les Meres doivent être les nourices de
leurs enfans ,
O
O SI
De au Duc de S. Agnan. 1. S. André 17. à
M. Deslandes , 265. Therese , 672. La Jeunesse
, 837. L'Amour , 887. Le Retour du
Printems , 909. à Mlle de Malcrais , 917. à
P'Académie de Marseille , 1024. L'Ambition
1049. A la Princesse de Conti , 1077. La Fuite
du monde , 1088. L'Indiscretion , 1259 Songe
, 1306. La Vie champêtre , 1326. L'Ingratitude
, 1463. Le Mariage du Prince de Conti
1496. La Tragédie Françoise , 1907. 2112 .
Jugement dernier , 1929. Á l'Evêque de Mets ,
2099. Le Travail 2521. L'Amitié , 2545 .
Sur la Convalescence du Duc d'Orleans, 2577.
La Poësie ,
Ode imitée d'Horace , 46. 875. 1109. 1686.
2804. Du Cantique de Moïse , 81. Du Pseaume
II. 199. de l'Exitu , 1337. Du Beatus
1552
vir ,
,
2733
Orage ,
549. 2271.2274
. 2488
Oran (prise d' ) 16-37. 1866. 1953. 2174.258
x
Ovinius
, s'il a été associé à l'Empire
, 675.1709
Paghetti
(mort de)
Palais Royal ,
Palinodie ,
P.
2469
· 395.
2140
II. Vol.
PamTABLE
Pamfili la Princesse Therese Grillo )
Paranimphe , ce que c'est ,
Paraphrase de Jéremie,
Parnasse de Titon ,
Parnasse reformé ( le ) Comédie .
(nr
2440
1136
707
2421
Parterre merveilleux ( le ) Opéra Comique, 2030
Peinture ( discours sur la ) 1787.Essai sur la Peinture
et la Poësie ,
Pendule ,
Phenomene ,
Philosophie hermetique ,
Picquet ( vie de François ) ,
1977
180%
2214
491
2785
Pierre , maniere de les colorer , 972. Premiere
Pierre posée , 1877. Taille lateralē, 2804,2 166;
2399. Extraordinaire dans la Vessie , 2445
Plaidoyers , 2738
Poëme , progrès de l'art des Jardins , 656.2311.
Pinvention de la Poudre ,
Politesse ,
Pompe contre les Incendies
Pot pouri , Pantomine ( le ) Opera comique ,
Procès des sens ( le ) Comédie,
947
823
215
374
1210. 1417
1189 Puget ( Pierre )
Q
Questi
Uestions ,
R,
543
Acine ( mort de la Veuve de )
R
Rage,
2710
2867
Recueil de Pieces d'Histoire et de Litterature,Ƒ08
Réfléxion sur la Physique , 112. 325. 535.1518.
Sur l'Amour , 2772
Rosny a possedé l'Abbaïe de S. Taurin , 1501.
2550
II. Vol.
DES MATIERES.
Scylla. Opera ,
S.
Ciences ( le cours des )
Scuderi (Mile de )
Segrais ( Jean Renaud dey
107
2567
2240
1161
Sennacherib , Tragedie , 2009
Sens Ballet des ) 1196. 1615. 1843
Sensitives ( plantes )
1581
Sermens indiscrets. ( les ) Comédie , 1210. 1408
Sigonius , ( Charles )
Sirmond ( le P. Jacques )
Société des Arts ,
Soeur ridicule. ( la ) Comédie ,
Sonnet ,
Sophie , ( Sainte ) . de Constantinople ,
Spectacle de la nature ( le ) 1983. 2342. Si les
Spectacles sont deffendus ,
Stances ,
232
2389
2619
2639
2660
250.809
1396
413. 1436. 1675
Sublime , ( Traité du ) 2415
Sulpice ( S. ) 2927
T.
Ableaux , 770.819.820. 1610
Tanevot , ( Poësies de ) 2838
Tartarin , ( éloge de ) 2712
Tartre soluble ,
1331
Teigne des feuilles , 1128
Temple antique , 447
Theatro critico universal , 743
These Françoise de Mathématique ; 1651
Theveneau , ( mort de ) 2469
Tontine , ( la ) Comédie , 371
Tremblement de terre , 345. 2056. 2866.2902
Triomphe de l'Amour , ( le ) Comédie , 778
Turquie , 2037. 2898
Tatilina , Déesse , 442
11. Vol. V
TABLE DES MATIERES.
V
V.
2160
1174
Aisseau retarder le sillage d'un )
Verité fabuliste , ( la ) Comédie
yers sur une Ode en Prose , 75. sur Camargo et
Salé , 146. à Me , 229. sur Newton , 259. les
Fines éguilles , 294. au Concierge du Palais
Royal , 402. Remerciment , 463. à Chichon ,
620. à Fourmont , 706. sur le portrait de Salé,
819. Portrait 1040. les Critiques du Mercure ,
1148. au Chevalier de la T. 1247. sur le mois
d'Avril , 1251. à Voltaire , 1511. au Chevalier
de Romieu , 1515. à Dangeville , 1614. à
Pelissier , 1618. au Cardinal de Polignac, 1645.
à Destouche , 2172. à Malcrais , 2188. 2192 .
2594. la fête de Dampierre , 2285. l'Ombre de
Deshoulieres , 2327. Procès du fard , 2339 à
une Jalouse , 2421 sur des irrésolutions, 2431 .
Plainte de Calliope , 2510 sur l'Ecole des Sçavans,
2580.Requête au Prevôt des Marchands,
2589. à Me de ... 2597.
Wers de Hollande ,
2867
Vie est un songe , ( la ) Comedie , 2468.2850
Vieillesse extraordinaire, 169.389.405.2278.2690
Vieux , Village ,
Vin rouge fait avec des Raisins blancs ,
Vins d'Agoust , ( éloge de Jean de )
Volcan ,
Voutes , ( poussée des ) **
Voyage de Normandie ,
Usages , ( bizarerie des )
Vampir ,
Zaïre ,
Tragedie ,
Zy
2906
631
1489
611
2866
1580
631. 2117.2714
88.203. 1114
890
Fin de la Table des Matieres.
1828
1
DO
NOT
CIRCULATE
DE FRANCE ,
DEDIE AU ROT.
DECEMBRE. 1732 .
PREMIER VOLUME.
OUR
COLLIGIT
SPARGIT
A PARIS , IR
GUILLAUME CAVELIEN
rue S. Jacques.
Chez LA VEUVE PISSOT , Quay de
Conty , à la descente du Pont-Neuf.
JEAN DE NULLY, au Palais
M. DCC. XXXII.
Avec Approbation & Privilege du Roy.
A VIS.
L
'ADRESSE generale eft à
Monfieur MOREAU , Commis ar
و
840.6 Mercure vis - à - vis la Comedie Frangoife
, à Paris. Ceux qui pour leur com-
1553 modité voudront remettre leurs Paquets cachetez
aux Libraires qui vendent le Mercure,
à Paris , peuvent fe fervir de cette voye
173 and
December
pour lesfaire tenir.
On prie très-inflamment , quand on adreſſe
des Lettres on Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non-feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardé
de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de la premiere
main, & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreffes à M. Moreau ,
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps , & de les faire porierfur
T'heure à la Pofte , ou aux Meffageries qu'on
lui indiquera.
PRIX XXX . SOLS,
MERCURE
DE
FRANCE ,
DÉDIÉ
AV
ROT.
DECEMBRE .
1732 .
PREMIER
VOLUME.
PIECES
**********
FUGITIVES ,
Su T
en Vers et en Prose.
LE
TRAVAIL.
OD E.
;
Ravail , qui sous un front sévére ;
Es un puissant consolateur
En qui les Vertus ont un pere
Et les vices un destructeur,
Ferme soutien des Républiques ,
Auteur de succès héroïques ,
Et dans la Guerre et dans la Paix ,
A ij Vien
L
1.Vol.
2522 MERCURE DE FRANCE
Vien polir toi-même l'image
Où ma main qui te rend hommage
Veut faire admirer tes attraits.
A ta noble perséverance
Les Dieux accordent leurs présens.
L'Homme te doit sa délivrance
De mille et mille maux cuisans.
En fruits aussi charmans qu'utiles
Les champs par ton moyen fertiles
Le sont pour combler ses desirs ?
Il vit libre sous ton Empire ,
Et de ta rigueur même il tire
L'abondance et les vrais plaisirs,
Si dans le crédit , la richesse
Il trouve du contentement ,
Bien souvent ce n'est qu'une yvresse
Qui se dissipe en un moment.
Foible , malgré sa vaine audace ,
Son coeur à la moindre disgrace
Par eux n'est point superieur ;
Et ces éclatantes chimères
N'étouffent point de ses miseres
Le sentiment interieur.
I.Vol. To
DECEMBRE 1732. 2523
Toi seul , qui du Fer et des Roches
Sçais surmonter la dureté ,
Noble travail , tu te raproches
Du sort de la Divinité.
Toi seul as merité des Temples
A ces Heros dont les exemples
Feront honte à quiconque croit ,
Que la grandeur et l'opulence
De nous livrer à l'indolence
Peuvent nous acquerir le droit.
來
Elle est une source de vices ,
De nécessitez et d'ennuis.
Pour ceux que ses fausses délices
Ont malheureusement séduits.
Des maux,fils de cette perfide ,
Chaque jour , la troupe homicide
Avance le coup d'Atropos ;
Et c'est elle qui dans nos ames
Allumant les desirs infames ,
En bannit l'innocent repos.
Oui , de ses délices fatales
Naissent pour nous couvrir d'affronts ,
Les crimes des Sardanapales ,
Des Egystes et des Nerons.
Sur le bord des plus noirs abîmes
I. Vel.
A iij Elle
524 MERCURE DE FRANCE
Ele endort ses lâches victimes ,
Dignes d'un éternel mépris .
Vile Circé , son charme étrange
En Tirans haïssables change
Des Princes autrefois chéris.
Rappelons-nous l'impure vie ,
Par qui , bravant toutes les loix ,
L'éxécrable fils de Livie
Obscurcit ses premiers exploits .
Tibere en vain par sa vaillance
S'acquit d'abord la bienveillance
Et des étrangers et des siens ;
Au changement qu'il fit paroître ,
Tous cesserent de reconnoître
Le vainqueur des Illyriens.
諾
La gloire que vos coeurs souhaitent ;
Humains , est un bien qui n'est dû
Qu'aux grands courages qui l'achetent
Au prix d'un travail assidu ;
Plus rare en effet , plus celébre
Que l'or qu'en ses eaux roule l'Ebre ,
Elle est bien digne de vos voeux ;
Des Heros elle est le partage ,
Et c'est le plus riche héritage
Qu'ils transmettent à leurs Neveux.
Mais
1.Vol
DECEMBRE.
17320 2525
Mais du moyen qui la procure
Souvent vous n'aimez que le nom :
Et vous vivez comme Epicure ,
En raisonnant comme Zenon ;
Fertiles en projets sublimes
En vain semblez-vous magnanimes ,
Si , trop prompts à se rebuter ,
Vos coeurs qu'assoupit la mollesse
Ne montrent que de la foiblesse
Quand il s'agit d'éxecuter.
Si content d'ébloüir la Terre
Par quelques discours spécieux ,
Alcide n'eut pas fait la guerre
A cent monstres pernicieux ,
Au lieu d'un Heros intrépide
La terre Jadis dans Alcide
N'eut connu qu'un Sophiste vain ,
Et du méprisable vulgaire
Elle ne distingueroit guére
Cet Homme issu d'un sang divin.
Moins pour vivre dans les Histoires
Que pour secourir les Mortels ,
Il gagna d'illustres Victoires ;
Ils lui dresserent des Autels .
Sa vertu portée à détruire
I. Vol. Tout
A iiij
7526 MERCURE DE FRANCE
Tout monstre qui pouvoit leur nuire
Se déclara par des effets ;
Et parcourant la Terre et l'Onde ,
Elle laissa dans tout le monde
Des Monumens de ses bienfaits.
S
Vous , qu'à l'abri de l'indigence
La Fortune semble avoir mis ,
Et qui pour vous pleins d'indulgence
Vous croyez tous plaisirs permis ,
Domtez un penchant détestable
Et par un travail profitable
Vous rendant dignes d'être heureux ;
Au Prince , au Peuple , à la Patrie ,
De vos soins , de votre industrie
Prêtez les secours généreux.
Et vous , sur qui les destinées
Ont éxercé plus de rigueur ,
De vos florissantes années
Mettez à profit la vigueur.
Songez que les remords d'Oreste ,
De Tantale l'état funeste ,
D'Irus la triste pauvreté ,
Sont l'image du sort tragique
Qu'à son esclave létargique ,
Ourdit sans fin l'oisiveté.
1. Vol
LES
DECEMBRE . 1732 2527
f f f f f f f f f f
LES AMES RIVALES ;
HISTOIRE FABULEUSE.
Dde l'Inde, etunRoyaume nommé
Ans une des plus agréables Contrées
›
Mallean , où les femmes ont une autorité
entiere sur les hommes ; dispensatrices
des Loix , l'administration du Gouvernement
les regarde seules , tandis que les
hommes enfermez dans le sein des maisons
, et livrez à des occupations frivoles ,
ont pour tout avantage la parure , le
plaisir de plaire et d'être prévenus , la timidité
, la paresse , et pour devoirs ,
solitude , la pudeur et la fidelité .
la
Ce genre de domination n'a pas toujours
subsisté chez les Malleanes ; il est
l'ouvrage de l'Amour ; les femmes qui
d'abord ne pouvoient avoir qu'un époux,
acquirent avec adresse le droit d'en augmenter
le nombre , dont elles parvinrent
enfin à ne faire que des esclaves .
Cette superiorité ne les a peut- être pas
renduës plus heureuses , si l'on en croit
le souvenir qu'elles gardent encore du ré-
1.Vol. gne A v
2528 MERCURE DE FRANCE
gne de Masulhim , qui fut le plus doux
qu'ayent éprouvé les peuples ; ce Régne
est rapporté dans un des principaux Livres
de la Religion des Indiens : telles
étoient alors les moeurs .
·
Dès qu'une fille avoit atteint l'âge de
dix ans , ses parens lui présentoient douze
Amans convenables par leur âge et par
leur naissance , et ces Amans passoient une
année auprès d'elle , sans la perdre de vuë
un seul moment ; ce temps révolu , elle
pouvoit choisir un d'entre eux ; ce choix
lui donnoit le titre d'époux , et devenoit
une exclusion pour les onze autres ; elle
étoit libre aussi de ne point aimer , c'està
dire , de prendre douze nouveaux
Amans , et de n'avoir point d'époux ;
quelque soin qu'eussent les Amans de
dissimuler leur caractere lorsqu'ils avoient
interêt de le cacher , une fille pendant le
cours de cette année où ils vivoient avec
elle , avoit tout le tems de le pénétrer ;
ainsi on s'unissoit autant par convenance
que par penchant , eh ! quelle felicité accompagnoit
cette union ! Deux époux ne
concevoient pas qu'on pût cesser de s'aimer
, et ils s'aimoient toujours . Peut- être
pour garder une fidelité inviolable , ne
faut-il que la croire possible ?
La Princesse Amassita , fille du Roi
I. Vol. de
'DECEMBRE. 1732. 2529.
de Mallean , étant parvenuë à l'âge d'être
mariée , les plus grands Princes de l'Inde
se disputerent l'honneur d'être du nombre
des douze Amans ; elle étoit bien digne
de cet empressement ; elle joignoit à
une figure charmante , un certain agrément
dans l'esprit et dans le caractere
qui forçoit les femmes les plus vaines à
lui pardonner d'être plus aimable qu'el
les . Parmi les illustres concurrens qui furent
préferés , Masulhim , Prince de Carnate
, et Sikandar , Prince de Balassor , se
distinguerent bien - tôt ; l'un par les graces
avec lesquelles il cherchoit à plaire , et
Pautre par l'impetuosité de sa passion.
Cette tendresse très - vive de part et
d'autre ne mit point cependant d'égalité
entre eux aux yeux de la Princesse. Le
Prince de Carnate interessoit le mieux
son coeur , mais elle n'osa d'abord se l'avouer
à elle- même , dans la crainte de ne
pas garder assez séverement l'exterieur
d'indifférence qu'elle devoit marquer à
ses Amans jusqu'au jour où elle choisiroit
un époux . Elle regardoit comme un crime
les moindres mouvemens qui pou
voient découvrir le fond de son ame :
dans le tableau qu'on se fait de ses dévoirs ,
peut- être faut- il grossir les objets pour
les appercevoir tels qu'ils sont.
I. Vol.
A vj Le
2530 MERCURE DE FRANCE
Le Prince de Carnate étoit dans une extrême
agitation ; la veritable tendresse est
timide ; il n'osoit se flater de l'emporter
sur le Prince de Balassor , toujours occupé
d'Amassita , il joüissoit du plaisir de
la voir sans cesse par le secours du Dieu
des ames , qui lui avoit accordé le pouvoir
de donner l'essor à la sienne ; son
amour lui avoit fait obtenir cette faveur
singuliere. Son ame alloit donc à son gré
habiter le corps d'une autre personne , ou
se placer dans des plantes ; dans des animaux
, et revenoit s'emparer de sa demeure
ordinaire . Ainsi dès que la nuit
étoit venuë , l'ame du Prince de Carnate
partoit et s'introduisoit dans l'appartement
de la Princesse , dont l'accès étoit
alors interdit à ses Amans ; ce secret lui
épargnoit des momens d'absence qui lui
auroient été insupportables , mais il ne
lui donnoit à cet égard aucun avantage
sur son Rival , qui possedoit comme lui
cette merveilleuse liberté d'ame.
La Princesse ne pût si bien dissimuler
le penchant qu'elle avoit pour le Prince
de Carnate , qu'il ne parût à bien des
marques dont elle ne s'appercevoit point ;
c'est l'illusion ordinaire des Amans , ils
croyent que leur secret ne s'est point
échapé , tant qu'ils ne se sont point per-
I. Vol mis
DECEMBRE. 1732. 2531
mis la satisfaction de le trahir ; Masulhimeut
entr'autres cette préference , mais cette
idée flateuse s'évanouissoit bien-tôt ;
inquiet dans ce qu'il osoit se promettre
il falloit pour être tranquille , un mot de
la bouche de la Princesse ; eh ! comment
l'obtenir ? Amassita ne voyoit jamais ses
Amans qu'ils ne fussent ensemble , et ne
leur parloit jamais qu'en public , ainsi on
avoit toujours ses Rivaux pour confi .
dens.
Un jour qu'ils étoient chez la Princesse ,
Masulhim imagina un moyen pour avoir
un entretien secret avec elle ; la conversation
étoit generale , et rouloit selon la
coûtume ordinaire , sur les charmes d'Amassita
: Madame , dit le Prince de Car
nate , n'osant nous flater de vous avoir
plû , nous devons bien craindre de vous
ennuyer ; vous n'entendez jamais que
des louanges , que des protestations éxagerées
peut-être ( quoique . vous soyez
charmante et que nous vous aimions de
bonne foi ( vous ne trouvez que des prévenances
qui ne vous laissent pas un mo
ment le plaisir de désirer ; il est sûr que
si l'un de vos Amans est assez heureux
pour que vous lui sçachiez gré de ce continuel
empressement , les onze autres vous
en deviennent plus insupportables , ose-
1. Vol
rois
2532 MERCURE DE FRANCE
>
rois -je vous proposer un arrangement qui
vous sauveroit de ces hommages dont
vous êtes peut-être excedée. Souffrés qu'au
ard'hui tous vos Amans vous entretien
nent avec quelque liberté un quart d'heure
seulement ; leur amour n'aura qu'à '
s'empresser de se faire connoître , ce quart
d'heure expiré , les sermens , les reproches
les louanges à découvert , enfin
toute cette déclamation ordinaire de la
tendresse ne leur sera plus permise ; il
faudra qu'ils paroissent hors d'interêt dans
tout ce qu'ils vous diront ; ainsi l'enjoüment
, l'agrément de l'esprit prendront
la place du sérieux de l'Amour qui en est
toujours l'ennuyeux dans les Amans qui
ne sont point aimés . Mon coeur ne m'a
fait vous proposer cette conduite que parce
que
si je ne suis pas assez heureux pour
meriter votre foi , ne vous plus parler de
ma tendresse , en est , je croi , la scule
marque qui puisse vous plaire .
La Princesse parut surprise du discours
de Masulhim : votre idée , lui répondit .
elle , est effectivement très - raisonnable ;
il est vrai que si mon coeur s'étoit déja
déterminé ,l'Amant vers lequel ilil pancheroit
, se tairoit comme les autres , et
peut-être que son silence me seroit plus
à charge que l'ennui d'entendre ses Ri-,
I. Vol. vaux,
DECEMBRE . 1737. 2533
vaux. J'accepte cependant le projet que
Votre prudence vous fait imaginer ; je
ne veux pas être moins raisonnable que
vous : la Princesse prit un air sérieux en
achevant cette réponse , sans s'appercevoir
que ce sérieux alors pouvoit ressembler
à un reproche. Amassita commença
dès le même jour cette espéce d'audience ,
à laquelle elle venoit de s'assujettir. Le
tems de la promenade et celui des Jeux
fûrent employés à écouter ses Amans. Les
concurrens du Prince de Carnate eurent
les premiers momens que la Princesse
abrégea souvent d'autorité. Il ne restoit
plus que le Prince de Balassor et lui. Si-
Kandar approcha d'elle avec assez de confiance
de n'être point haï. Dans les momens
ou par le secours des différentes
métamorphoses qu'il pouvoit prendre , il
entroit dans l'appartement d'Amassita
qui n'étoit alors qu'avec ses femmes ; il
avoit remarqué une réverie , une distraction
qui s'emparoit de la Princesse ; il
l'avoit expliquée favorablement pour lui ,
tandis que le Prince de Carnate , sans oser
s'en flater , en avoit tout l'honneur. La
Princesse l'écouta sans jamais lui répondre
, et le quart d'heure à peine achevé :
Souvenez - vous , lui dit - elle , que c'est la
derniere fois que je dois vous entendre
›
1. Vol. elle
2534 MERCURE DE FRANCE
elle fut jointe alors par le Prince de Carnate
, et les autres Amans observerent
avec inquiétude cette espéce de tête à
tête , qui étoit le dernier qu'Amassita devoit
accorder .
Masulhim aborda la Princesse avec un
embarras qui ne lui laissa point appercevoir
qu'elle n'avoit pas une contenance
plus assûrée que la sienne Madame
lui dit- il , à présent je suis au désespoir
de la loi que je vous ai engagée à prescrire
; voici peut-être la derniere fois que
je puis vous dire que je vous aime , que
deviendrai - je si votre choix regarde un
autre que le Prince de Carnate , le plus
tendre de vos Amans ? Alors fixant ses
yeux sur ceux de la Princesse , son trouble
en augmenta , et il cessa de parler.
Amassita qui sembloit ne s'occuper que
d'un tapis de fleurs sur lequel ils se promenoient
, n'étoit rien moins que distraite
; elle ne sentoit plus l'impatience
qu'elle avoit euë de voir finir la conversation
avec ses autres Amans ; elle avoit
trouvé dans leurs discours trop d'empressement
de paroître amoureux , trop d'envie
de plaire . Celui de Masulhim ne lui
parut pas assez tendre ; elle tourna les
yeux sur les siens , sans trop démêler encore
ce qu'elle y cherchoit , et voyant
1. vol.
qu'il
DECEMBR E. 1732 2539
qu'il gardoit toujours le silence : vous
n'avés qu'un quart d'heure , dit elle ; à
ces mots son embarras augmenta , et elle
Lesta à son tour quelques momens sans
parler.
eh Belle Amassita , reprit Masulhim , ch
pourquoi me faites- vous sentir davantage
le peu qu'il durera ce moment , ce seul
moment où je puis vous parler sans voir
mes odieux Rivaux pour témoins ! Ah !
si j'étois l'Amant que vous préfererés ,
qu'il vous seroit aisé de m'ôter mon incertitude
sans que personne au monde
connut mon bonheur ! J'ai obtenu du
Dieu des Ames le pouvoir de disposer de
la mienne , séparée du corps qui la contraint
, elle habite chaque nuit votre Palais
; j'étois cette nuit même avec toutes
ces images que vous n'avés regardées que
comme un songe j'animois ces génies ,
qui sous des formes charmantes répandoient
des fleurs sur votre tête ; je passois
dans ces timbres et dans ces chalu
meaux dont ils formoient des Concerts
et je tâchois d'en rendre les sons plus touchans.
Ce matin j'étois cet Oyseau à qui
vous n'avez appris que votre nom , et qui
vous a surpris par tout ce qu'il vous a dit
de tendre. Que ces momens me rendent
heureux ! ne pouvant me flater d'être ce
I. Vol. que
2536 MERCURE DE FRANCE
>
que vous aimés , j'ai du moins le plaisir .
de devenir tout ce qui vous amuse , et je
serai toujours tout ce qui vous environnera
, tout ce qui sera attaché à vous pour
toute la vie ? Quoi ! vous êtes toujours
où je suis , répondit la Princesse ! Oüi
belle Amassita , reprit Masulhim ; ce n'est
que depuis que je vous aime que j'ai ce
pouvoir sur mon ame , et je ne veux jamais
l'employer que pour vous ; daignés
le partager ce pouvoir si désirable , il ne
dépend que de quelques mots prononcés ;
songés quel est l'avantage de donner à
son ame la liberté de parcourir l'Univers.
Non , interrompit la Princesse , si
j'apprenois ce secret , je voudrois n'en
faire usage que par vos conseils : mon ame
voudroit toujours être suivie de la
vôtre.
A ces mots , Amassita s'apperçut que
son secret s'étoit échapé , mais il ne lui
restoit pas le tems de se le reprocher ; le
quart d'heure étoit déja fini , elle se hâta
d'apprendre les mots consacrés ; elle convint
que le soir même pour faire l'épreuve
de son nouveau secret , dès que ses
femmes la croiroient endormie , son ame
iroit joindre celle du Prince , et ils choisirent
l'Etoile du matin pour le lieu du
rendez -vous. Ils se séparerent ; la Prin-
I.Vol. cesse
DECEMBRE . 1732. 2537°
cesse rentra dans son appartement , et Masulhim
retourna à son Palais. Tous deux
ne respiroient que la fin du jour , et ce
jour ne finissoit point , la nuit vint cependant
, l'ame du Prince étoit déja partic
bien auparavant : enfin elle vît arriver
celle de la Princesse ; elles se joignirent
au plutôt , elles se confondirent , elles
goûterent cette joye , cette satisfaction
profonde que les Amans qui ne sont pas
assez heureux pour être débarassés de leurs
corps , ne connoissent point. Ces ames li
bres ne furent plus qu'amour pur , que
plaisirs inalterables , chacune appercevoit
toute la tend esse qu'elle faisoit naître , et
c'étoit le bonheur parfait qu'elle portoit
dans l'ame cherie , qui faisoit tout l'excès
du sien ; elles ne voyoient nulles peines
à prévenir , nulles satisfactions à désirer
enfin elles ne faisoient que sentir et qu'être
heureuses , et la nuit se passa précipitamment
pour elles ; il fallut s'en retourner.
La Princesse vouloit avant l'heure
ordinaire de son lever , rejoindre son
corps qu'elle avoit laissé dans son lit. Ces
Amans demanderent et se promirent
un même rendez- vous pour la nuit d'ensuite
, et ayant fait la route ensemble , ils
ne se séparerent qu'au moment de retourner
à leur habitation .
I. Vol. On
2538 MERCURE DE FRANCE
:
On croiroit qu'une union où l'ame
seule agit , est exemte des révolutions qui
persécutent les passions vulgaires , mais
l'amour ne va jamais sans quelque trouble
quelle surprise pour l'ame de la
Princesse , lorsque rentrant dans son appartement
, elle apperçût son corps déja
éveillé et environné de ses femmes , qui
s'occupoient à le parer. Le Prince de Balassor
par le secours d'une Métamorphose
avoit entendu les Amans lorsqu'ils se
donnoient rendez-vous à l'Etoile du matin
, et dès l'instant qu'il avoit vû partir
l'ame de la Princesse , il avoit été s'emparer
de sa représentation .
Amassita resta embarassée , éperduë à
un point qu'on ne sçauroit exprimer. Elle
n'avoit plus Mas lhim pour l'aider de ses
conseils ; elle n'étoit point accoûtumée à
disposer de son ame sans être conduite
par celle de son Amant , elle resta incertaine
, errante , formant mille projets et
ne s'arrêtant à aucun.
Il paroît surprenant qu'une ame qui
agissoit librement , ne trouva point d'abord
de ressources pour se tirer de
peine ; mais quand les ames sont bien livrées
à l'Amour , elles négligent si fort
toutes les autres opérations dont elles sont
1. Vol.
capa
DECEMBRE. 1732. 2539
apables , qu'elles ne sçavent plus qu'aimer.
Masulhim qui ignoroit ses malheurs ;
vint à l'heure ordinaire chez la Princesse;
il avoit cette joye si délicieuse , que les
Amans ont tant de peine à cacher quand
ils commencent d'être heureux. Quel
étonnement pour lui de ne point trouver
dans la Princesse ce caractere de douceur
et de dignité qui lui étoit si naturelle !
son langage et son maintien étoient devenus
méprisans à son égard , et marquoient
une coqueterie grossiere pour ses
Rivaux ; car le Prince de Balassor faisoit
malignement agir la fausse Princesse , de
façon à désesperer Masulhim.
Le Prince de Carnate ne pouvoit rien
comprendre à ce changement , il ne pou
voit le croire. Sikandar lisoit dans ses
yeux toute sa douleur , et ressentoit autant
de joye dans le fond de cette ame
dont il animoit le corps de la Princesse
et pour porter à son Rival un coup irrémediable
, il fit assembler les Bramines ,
et leur déclara ( paroissant toujours la
Princesse ) que quoique l'année ne fut
point encore révolue , elle étoit prête ,
' ils y consentoient, à déclarer son Epoux;
on applaudit à cette proposition , et la
I. Vol. fausse
2540 MERCURE DE FRANCE
fausse Princesse nomma le Prince de Balass
or.
Après cette démarche , si funeste pour
Masulhim et pour Amassita , l'ame de
Sikandar partit , et celle de la Princesse
qui étudioit le moment de rentrer dans
sa propre personne , ne manqua pas de
s'en
emparer dès que Sikandar
l'eut abang
donnée .
Mais tous les maux que le Prince de
Balassor venoit de causer ne suffisoient
pas
pas à sa fureur , ce n'étoit pas assez pour
Îui d'avoir obtenu par une trahison le titre
d'Epoux, que son Rival n'auroit voulu
recevoir que des mains de l'Amour , il
voulut encore lui ravir le coeur de la Princesse
, en semant entr'eux des sujets horribles
de jalousie et de haine . Comme il
méditoit ce projet , il apperçût l'ame du
Prince de Carnate qui alloit rejoindre son
corps dont elle s'étoit séparée par inquié
tude . L'ame de Sikandar suivit celle
de Masulhim avec tant de précision
qu'elles y entrerent en même tems ; celle
du Prince de Carnate fut au désespoir de
trouver une compagnie si odieuse , mais
comment s'en séparer ? lui abandonner la
place , pouvoit être un parti dangereux.
Ces deux ames resterent ainsi 'renfermées ,
sans avoir de commerce ensemble. Elles
1. Vol. réso
DECEMBRE. 1732. 2541
résolurent de se nuire en tout ce qu'elles
pourroient , par les démarches qu'elles
feroient faire à leur commune machine.
Il n'y avoit qu'une seule opération à laquelle
elles pouvoient se porter de concert
; c'étoit de songer à la Princesse , et
de conduire chez elle leur personne . Ces
deux Rivaux se rendirent donc ensemble
au Palais d'Amassita . A peine apperçûtelle
Masulhim , qu'elle s'empressa de se
justifier sur le choix qu'elle paroissoit
avoir fait devant ses Etats assemblez. Le
Prince de Carnate attendri par la douleur
de la Princesse , voulut se jetter à ses genoux
, mais cette autre ame qui agissoit
en lui de son côté , troubloit toujours les
mouvemens que le Prince de Carnate vouloit
exprimer: s'il juroit à la Princesse de
l'aimer toute sa vie , l'autre ame lui faisoit
prendre un ton d'ironie qui sembloit
désavouer tout ce qu'il pouvoit dire. Ces
dehors offensans qui étoient apperçûs de
la Princesse , la blessoient ; elle faisoit des
reproches à Masulhim. Il en étoit attendri
, désesperé , mais dans le moment
qu'il la rassuroit par les discours les plus
tendres , l'ame ennemie lui imprimoit un
air de distraction et de fausseté qui les
rebroüilloient avec plus de colere . Enfin
ees deux Amans éprouverent la situa-
Is Vol.
tion
2542 MERCURE DE FRANCE
tion du monde la plus triste et la plus sin
guliere.
Ce cruel pouvoir de l'ame du Prince de
Balassor mit entre eux la désunion et le
désespoir. Les Malleans étoient extrêmement
surpris de voir ces contrastes dans
le Prince de Carnate. Ils ne sçavoient point
encore que dans un Amant l'inégalité et
l'inconstance ne sont que l'ouvrage d'une
ame étrangere qui le fait agir malgré soi ,
et que la veritable reste toujours fidelle
.
Masulhim et Amassita outrément aigris
l'un contre l'autre , Sikandar crut qu'il
n'avoit qu'à reparoître sous sa forme ordinaire.
Il se sépara de l'ame de son
Rival ; c'étoit le jour même où les Malléanes
avoient marqué la cerémonie de
son union avec la Princesse.
Les Bramines s'assemblerent , et la Fête
fut commencée . Quelle situation pour
Masulhim ! la Princesse toujours irritée
contre lui , toujours livrée à la cruelle erreur
que lui avoit causé l'ame de Sikandar
, jointe à celle de son Amant , ne son .
gea plus qu'à l'oublier . Elle se laissa parer
du voile de felicité ; c'est ainsi qu'on appelloit
les habits de cette cerémonie . On
conduisit au Temple des deux Epoux
immortels. Le Prince de Balassor mar-
I. Vol. choit
DECEMBRE : 1732. 2543
choit à côté de la Princesse , et Masulhim
qui voyoit son malheur assûré , suivoit ,
confondu dans la foule et noyé dans la
douleur et dans le désespoir. Le Prêtre et
la Prêtresse firent asseoir Amassita , et
placerent à côté d'elle l'indigne Amant
dont elle alloit faire un Epoux . Le trouble
de la Princesse s'augmenta ; un torrent de
larmes vint inonder ses yeux ; elle sentit
au moment de donner sa foi à un autre
qu'à Masulhim , qu'il y avoit encore un
supplice plus grand que de le croire infidele.
O Mallanes , dit- elle , soyés touchés
du sort de votre Princesse ; il s'agit
du bonheur de sa vie. Elle déclara alors
la trahison de Sikandar , lorsque faisant
parler sa représentation , il s'étoit nommé
lui- même pour l'Amant préferé de la
Princesse : jugés , ajoûta- r'elle , de l'horreur
de ma situation ; si vous me forcés
à être unie avec le Prince de Balassor , je
vous l'ai avoüé : favorisée du Dieu des
ames , j'ai le pouvoir de disposer de la
mienne . Le serment par lequel vous m'attacherés
à un Amant que je déteste , ne
lui livrera que ma représentation ; ma
foi , mes desirs , mon âme enfin , en seront
séparés à tous les momens de ma vie.
Quelle union chez les Malleanes ! je vois
que la seule idée vous en fait frémir . Les
1. Vol. B Mal2544
MERCURE DE FRANCE
Malleanes firent un cri d'effroi , et d'une
voix unanime releverent la Princesse de
ses engagemens .
, Enfin me voilà libre , s'écria- t'elle :
helas ! si le Prince de Carnate m'avoit
toujours aimée , que j'aurois été éloignée
de séparer mon coeur de ma main ! il eut
toujours trouvé en moi mon ame toute
entiere. A ces mots Masulhim se jetta aux
pieds de la Princesse , qui ne lui donna
pas le tems de parler. Elle sentit dans le
fond de son coeur toute l'innocence de son
Amant . Elle le déclara son Epoux , elle le
répeta plusieurs fois , de crainte de n'être
pas assez liée par les sermens ordinaires ,
Masulhim fut prêt d'expirer de joye et
d'amour.
Le désespoir de Sikandar fut égal au
bonheur de ces deux Amans. Il alla cacher
sa honte et sa fureur dans le sein d'une
étoile funeste de laquelle son ame étoit
émanée. Sa fuite ne rassûra pas entierement
les deux Epoux ; et pour prévenir
les entreprises qu'il pouvoit faire contre
eux par le secours de ses Métamorphoses ,
ils convinrent que leurs ames ne quitteroient
jamais leurs corps. Ils aimerent
mieux perdre de leur bonheur et de leur
amour qui étoit cent fois plus parfait lorsqu'il
n'étoit causé que par les purs mou-
1. Vol. vemens
DECEMBRE.
1732. 2545
vemens de leurs ames ; et ce dernier exemple
a été le seul imité. On a perdu dans
le monde l'idée de leur premiere tendresse
, les Amans ne sont plus assez heureux
pour sentir que leur vrai bonheur consis
te dans la seule union des ames .
O D E.
SUR L'AMITIE'.
DEscendez , Nymphe du Permesse ;
Je soupire après vos bienfaits ;
Soutenez- moi dans mon yvresse
Qu'elle éclate par d'heureux traits.
Dans les mouvemens de mon ame ,
Versez cette divine flamme ,
D'où naissent les sons merveilleux ;
Tranquile devant les Menades ,
Des Orestes et des Pilades
Je vais chanter les tendres noeuds,
Douce amitié de l'innocence
Fais régner la naïveté ;
D'une sincere intelligence ,
Daigne affermir la sûreté :
1. Vola
Bij Pa
2546 MERCURE DE FRANCE
Farois au milieu de l'orage ;
Viens dissiper l'épais nuage ,
Qui veut t'obscurcir à nos yeux ;
Quels coeurs pourroient à tes doux charmes
Refuser de rendre les armes ?
Seule , tu sçais nous rendre heureux.
Sentiment généreux , solide ,
Digne de toucher un grand coeur ,
Toi , par qui la raison nous guide
Dans les sentiers du vrai bonheur,
Se pourroit- il que l'imposture
Osat ravir à la Nature
Tes sinceres attachemens !
Et sa venimeuse influence
Donneroit- elle la naissance
A de tristes égaremens ?
諾
Union pure et simpatique ,
Dans tes épanchemens de coeur
D'une trompeuse politique
Tu fais sentir toute l'horreur :
C'est en vain qu'un traître se pare
D'un faux dehors , qui nous prépare
L'appast qu'il nous cache avec art ,
A nous le démasquer habile ,
1. Vol.
Ta
DECEMBRE. 1732 2547
Tu sçais bien -tôt rendre inutile
Son déguisement et son fard.
M
Quelle multitude innombrable
De ces imposteurs odieux
Opose leur haine implacable
A mes accens harmonieux !
Loin d'ici , profane cohuë ,
Revérez ma verve ingenuë ;
Renoncez aux lâches détours ;
Vils enfans de la perfidie
Je déteste la noire envie
Qui vous prête de vains secours
諾
Comme par un heureux présage
Le Palinure vigilant
Prévoit d'un dangereux naufrage
Le déplorable évenement ;
De la trop bouillante jeunesse
Flotant au gré de la molesse
Tu prédis ainsi le malheur ;
•
Mais brisant tes plus douces chaînes ,
Bien-tôt aux Circés , aux Syrenes
Elle se livre avec fureur.
I. Vol. En- B iij
2548 MERCURE DE FRANCE
En vain une injuste Puissance , (a)
Tramant de nouveaux attentats ,
Du jeune Oreste sans deffense ,
Osera ravir les Etats :
Tu sçais dissiper ses allarmes ; ( b )
Tu cours , tu prends en main les armes ,
Tu détruis ces lâches projets ;
Solide appui , sage Minerve ,
Le prompt secours qui le conserve ,
N'est que le fruit de tes bienfaits.
讚
Cede , cruel fils de Plisthene , (c)
Qu'un indigne amour posseda ,
Au zele ardent qui se déchaîne ,
Contre la fille de Leda. ( d )
Lâche Thoas , ton coeur barbare ,
N'a rien qui trouble et qui sépare ,
Deux coeurs fermes et génereux. ( • )
Tel paroît le Scyte intrépide ,
Rachetant d'un Chef homicide , (f)
(a) Egisthe.
(b) Oreste secouru de son ami Pilade , fit périn
Egisthe , et rentra dans ses Etats.
(c) Egisthe.
( d ) Clitemnestre.
(e) Oreste et Pilade en Tauride.
( f) Dendamis consentit à perdre les yeux pour.
racheter des mains des Sarmates , son Ami Amisoque.
Voyez Lucien , dans Toxaris de l'Amitié.
I. Vol.
Amisoque
DECEMBRE. 1732. 2549
Amisoque , au prix de ses yeux.
粥
Mais du vaillant fils de Pelée ,
Découvrant la juste fureur !
Aux yeux d'Hecube desolée ,
Pourquoi seme-t'il la terreur ?
La mort de Patrocle l'anime ;
La pitié lui paroît un crime ;
Hector expire sous son bras ;
Dans la rage qui le dévore ,
Il poursuit le Troyen encore ,
Jusques au-delà du trépas.
來
De la constante Penelope ,
Suivons le fils infortuné.
A la trame qui l'enveloppe ,
1
Le verrons- nous abandonné ?
Non , d'une ardeur vive et sincere ;
Mentor prédit ce qu'il espere , (a)
Au jeune Prince sans appui.
Où la douce amitié domine ,
Le sort fatal en vain s'obstine ,
A nous entraîner avec lui.
Par M. de Peyron , d'Arles en Provence.
(a) Mentor annonce aux Poursuivans de Penelope
le prompt retour d'’Ulisse.
I. Vol. B iiij SE2550
MERCURE DE FRANCE
SECONDE LETTRE de
M. D L. R. à M. A. C. D. V. au
sujet du Marquis de Rosny , depuis Duc
de Sully , &c. contenant quelques Remarques
Historiques.
A
Vant
que de répondre , Monsieur ,
aux autres demandes que vous me
faites au sujet du Marquis de Rosny ,
j'ay encore quelque chose à vous dire
sur votre premiere question concernant
l'Abbaye de S. Taurin , que ce Seigneur
a possedée par la nomination du Roy
Henry III. Outre la double preuve que
je vous ai apportée de ce fait dans ma premiere
Lettre , en voici encore deux autres
qu'il est bon de ne pas omettre.
La premiere est dans le XL I. Chapitre
du I. Vol. des Memoires de
Sully. On voit sur la fin de ce Chapitre
que le Marquis de Rosny étant allé à sa
Terre de Bontin pour quelques affaires
domestiques , le Roy lui écrivit la Lettre
qui suit , pour le faire revenir à Fontainebleau
.
Mon Ami, je ne vous avois donné congé
que pour dix jours , et neanmoins il y en a
1. Voli
déja
DECEMBRE. 1732. 2551
deja quinze que vous êtes parti ; ce n'est pas
votre coûtume de manquer à ce que vous
promettez , ni d'être paresseux : partant revenez-
vous -en me trouver , c'est chose nécessaire
pour mon service , tant pour voir
des Lettres que Madame de Simiers et un
nomme la Font ( qui , à mon avis , est celui
de qui vous sçaviez des nouvelles durant
notre grand Siege ) qui vous écrivent de
Rouen , lesquelles sont en chiffres ; et par si
peu que nous en avons pu déchiffrer ( car
je les ai fait ouvrir ) nous jugeons qu'elles
importent à mon service. Il y en a encore
une d'un nommé Desportes , qui demeure à
Verneuil , lequel vous prie de lui mander
s'il sera le bien venu pour vous parler d'une
chose dont vous conferâtes une fois ensemble
à Evreux dans votre Abbaye de S. Taurin
, que le feu Roy vous donna. J'ay aussi
plusieurs choses à vous dire , et s'en présente
tous les jours une infinité sur lesquelles
je serai bien aise de prendre vos avis , comme
j'ai fait sur beaucoup d'autres , dont je
me suis bien trouvé. Partant , partez en diligence
et me venez trouver à Fontainebleau
Adien. Ce 3. Septembre 1593.
Vous voyez , Monsieur , dans cette Lettre
le fait en question constaté de la main
du Roy ; on y voit aussi que le Marquis
de Rosny se retiroit quelquefois à saint
1. Val
B v Taurin
2552 MERCURE DE FRANCE
›
Taurin d'Evreux , pour gouter dans une
agréable solitude le repos qu'il ne trouvoit
pas ailleurs , et qui ne laissoit pas
d'être encore interrompu dans cette Abbaye
par les affaires importantes qui le
şuivoient par tout.
L'autre preuve se trouve dans le même
premier Vol. des Memoires , Chap. XLVI .
où il est traité de la Négociation que
M. de Rosny fit à Rouen avec l'Amiral
de Villars , pour la réduction de toute
la Normandie. On voit là qu'entre autres
demandes que faisoit cet Amiral de
la Ligue , il voulut avoir les Abbayes de
Jumieges , de Tiron , de Bomport , de
Valasse et de S. Taurin : les Memoires
ne disent point si c'étoit pour lui- même
ou pour ses amis qu'il faisoit cette demande
, mais les Auteurs qui ont écrit
ces Memoires , et qui , comme vous sçavez
, adressent toûjours la parole au Marquis
de Rosny , leur Maître , s'expriment
en ces termes sur cet article.
De tous lesquels points dans quatre jours
vous convintes ensemble et en demeurâtes
d'accord , voire de S. Taurin , quoique
l'Abbaye fût à vous.
Cela , au reste , ne fut pas un simple
projet , l'execution suivit et se trouve
confirmée par le discours que tint M. de
I. Vol.
Rosny
DECEMBRE. 1732. 2553
Rosny au sieur de Boisrosé , que vous
avez lû dans ma précédente Lettre ; ainsi
il est démontré non- seulement que ce
Seigneur a été Abbé de S. Taurin , d'Evreux
; mais on sçait à peu près le temps
et à quelle occasion il eut la generosité
de se dépouiller de cette Abbaye.
On apprend dans le même endroit que
quelque ample pouvoir qu'eût le Mar
quis de Rosny de traiter avec M. de Vil
lars ,, pour l'entiere réduction de la Normandie
, il y eut cependant trois Articles
sur lesquels il ne voulut rien prendre
sur lui.
Les deux premiers concerngient M. de
Montpensier et M. de Biron , et le troisiéme
regardoit le sieur de Boisrozé , à
cause , disent les Memoires , de la haute
qualité des deux premiers , et de l'injustice
qu'il sembloit y avoir en Pautre. Sur quoi
M. de Rosny desira avoir un ordre particulier
de la propre main du Roy , &c.
Vous êtes , sans doute surpris , Monsieur
, de voir ici les petits interêts d'un
simple Gouverneur de Fécamp , mêlez
avec ceux d'un Prince du Sang , Gouverneur
de Normandie et avec ceux de M. de
Biron , que le Roy avoit fait depuis peu
Amiral de France , Charge que M. de
Villars vouloit garder pour lui-même , les
I. Vol. B vj interêts
2554 MERCURE
DE FRANCE
intetêts , dis- je , du sieur de Boisrozé ,
dont l'avanture vous a réjoui dans ma
premiere Lettre , faire un objet considerable
dans la Négociation d'un Traité si
important.
Cela a besoin d'un petit Commentaire.
Je vais vous le faire d'autant plus volontiers
, qu'après avoir un peu maltraité,
ce me semble , ce pauvre G ntilhomme
( en vous parlant de l'avanture de Louviers
) je profiterai de l'occasion pour le
réh biliter dans votre esprit , en vous le
montrant par le plus bel endroit , et je
vous exposerai en même- temps un trait
de hardiesse et de valeur peu commune ;
qui mérite d'être distingué dans notre
Histoire, et que je trouve peu exactement
narré par Mezeray
* et par le P. Daniel.
Je trouve ce fait dans le XLIII. Chapitre
des Memoires , intitulé : Affaires Militaires
et d'Etat. J'en abregerai la narration
tant que je pourrai,sans en rien omettre
d'essentiel .
Fécamp est une petite Ville Maritime
de la Haute Normandie , située à 15.
* Mezeray a défiguré jusqu'au nom de ce brave
homme , qu'il appelloit Bosc Rosé , il lui rend d'ailleurs
justice sur sa valeur. Il s'étoit auparavant
très- distingué dans Rouen assiegé par l'Armée du
Roy en 1592 .
I. Vol.
lieües
DECEMBRE. 1732. 2555
lieues de Roüen vers le Couchant , à 8 .
du Havre de Grace , et à 12 de Dieppe.
Elle étoit munie alors d'une bonne Forteresse
, qu'on appelle aujourd'hui le
Château , élevé sur un Rocher escarpé
qui regarde la Mer . Boisrozé étoit dans
la Place , lorsque M. de Biron l'assiegea et
la prit sur ceux de la Ligue Avant que
d'en sortir il forma le dessein de la reprendre
et il s'y prit de la maniere qui
suit. Après avoir bien instruit deux Soldats
de la valeur et de la fidelité desquels
il étoit assuré , il trouva le moyen de
les faire entrer et admettre parmi ceux
de la Garnison . De son côté il s'assura
de so. autres Soldats ou Matelots , des.
plus déterminez et des plus experts au
métier de grimper aux Hunes par les
cordages , &c. son dessein étoit d'escalader
lui et les siens , le Rocher dont je
viens de parler , et d'entrer par là dans la
Place.
L'entreprise étoit des plus témeraires .
Le Roc en question de cent toises de
hauteur , est non - seulement escarpé et
coupé en précipice , mais son pied est
ordinairement battu de vagues de
la Mer , excepté quatre ou cinq fois de
l'année , au temps des plus basses Marées;
alors durant quelques heures seulement
I. Vol.
La
2556 MERCURE DE FRANCE
la Mer laisse un certain espace sec au
pied du Rocher, ce qui arrive quelquefois
la nuit et quelquefois le jour.
Boisrozé devoit executer son dessein
dans l'un de ces intervales , assez incer
tains , et pour cela il se munit d'un Cable
de longueur convenable pour le Roc qu'il
vouloit gravir, et à icelui d'espace en espace,
fit faire des noeuds pour se tenir des mains, et
des étriers de corde avec de petits bâtons
pour y apposer les pieds. Avec cet appareil
il s'embarqua lui et ses Gens dans
deux Chalouppes et vint par une nuit fort
noire , aborder le plus près du Roc que
la bassesse de l'eau put llee lluuii permettre.
Sur le haut de ce Roc logcoit dans quelque
Hute l'un des deux Soldats gagnez ,
et il veilloit exactement à toutes les basses
marées , pour entendre le signal dont
on étoit convenu . Il ne fut donc pas difficile,
au moyen de ce signal, de jetter une
corde à l'extremité de laquelle fur attaché
le bout du gros cable , que le Soldat
tira incontinent à lui . Le bout du cable
étoit muni d'un crampon de fer qui fut
aussi-tôt attaché dans l'entre- deux d'une
canoniere avec un gros levier .
Après avoir tiré et ébranlé plusieurs
fois le cable pour s'assurer de la solidité
d'une Echelle si périlleuse , Boisrosé fit
1. Vol
d'abord
DECEMBRE. 1732. 2559
d'abord monter l'un des deux Sergens
du nombre des so . hommes , auquel if
se fioit le plus , et l'ayant fait suivre par
tous les autres , il monta lui - même tout
le dernier , afin que nul ne s'en pût dédire
et qu'il leur servit de chasse- avant .
Cette précaution étoit nécessaire , car
dans le temps qu'il fallut employer pour
placer les so. hommes sur cette corde et
à monter les uns après les autres avec
leurs armes bien attachées autour du
corps ,la marée avoit commencé de revenir
et elle étoit déja à six pieds de
hauteur contre le Rocher , que Boisrozé
et les Siens n'étoient encore qu'à moitié
chemin ; desorte qu'étant ainsi pendus et
comme enfilez à ce cable , il ne leur res
toit plus aucune esperance de salut que
par la prise de la Place. Boisrozé , armé
d'un courage intrépide et bien résolu de
mourir plutôt que de reculer , la tenoit
toûjours pour indubitable , lorsque le Sergent
qui montoit le premier , soit à cau
se de l'extreme hauteur où il étoit parvenu
, soit à cause du bruit des vagues
qui venoient se briser contre le Roc
commença de s'effrayer , à dire que la
tête lui tournoit , et qu'il étoit impossi
ble de monter plus haut.
Cet incident étant rapporté de bouche
I- Vol.
en
2558 MERCURE DE FRANCE
en bouche à Boisrozé ; celui cy après
avoir tenté inutilement de faire rassurer
son homme , prit la résolution de l'aller
joindre lui- même , et passant par- dessus
les corps et les têtes de ses Compagnons
suspendus en l'air , il parvint jusqu'à lui
et le rassura aucunement ; puis le poignard
à la main , il le contraignit de continuer
à monter , tant qu'enfin le jour
étant prêt à paroître ils parvinrent tous
sur le haut du Rocher sans autre inconvenient.
Ils furent incontinent reçûs par
les deux Soldats , et connoissant tous ensemble
les êtres et les avenues du Fort , ils
surprirent facilement le Corps de Garde
et les Sentinelles qui étoient du côté de
la Ville , car on ne faisoit aucune garde
du côté de la Mer esrimé inaccessible, On
fit main basse sur eux , et on tailla
en pieces tout ce qui vint successivement
au secours enfin Boisrozé se rendït le
maître du Fort , de quoi il avertit aussitôt
M. de Villars , * tant pour lui de-
* Le P. Daniel dit que Boisrozé mécontent de
Villars , surprit Fécamp et s'y retrancha si bien que
ce Gouverneur , qui vint l'y attaquer , ne put le
forcer , &c.
L'Auteur se trompe et confond ici les choses ,
étant bien certain que Boisrozé ne fit son Expedition
de Fécamp , qu'en faveur de la Ligue et de
M. de Villars , et que sa broüillerie avec ce Ge
meral n'arriva que dans la suite , &c.
DECEMBRE . 1732. 2559
mander du monde , afin de se saisir de
la Ville et de pouvoir la garder , que
pour s'assurer du Gouvernement de la
Place , qu'il croyoit avoir bien mérité .
Vous jugés bien , M. que ce General nè
lui refusa rien mais j'apprends au même
endroit que dans la suite Boisrosé s'étant
brouillé avec lui , et craignant toujours
de perdre son Gouvernement , il se donna
entierement au Roi , et ne voulut plus
reconnoître les ordres de M. Villars . Ce
General le fit investir et le resserra si fort
dans Fecamp , que le Roi , dont le nouveau
Gouverneur implora le secours
vint en personne le dégager , en contraignant
les Troupes de la Ligue de se retirer
, et en donnant tous les ordres néces →
saires pour la conservation du Fort de
Fécamp , dont ce grand Prince reconnois
soit l'importance.
Boisrozé en étoit donc paisible Gouver
neur , lorsque le Marquis de Rosny trai
toit de la réduction de toute la Norman
die avec M. de Villars , et qu'il fut obligé
de passer au nom du Roi toutes les
conditions qu'on éxigeoit , à l'exception
des trois dont il est parlé ci - dessus . Vous
vous souvenez , Monsieur , que la considération
particuliere de Boisrozé formoit
la troisième , et vous voyez à présent que
1. Vol. ca
2560 MERCURE DE FRANCE
ce n'est pas sans raison , M. de Rosny
trouvant de l'injustice de déplacer un si
brave homme , et ne pouvant se résoudre
de le faire de son chef. Il fallut cependant
y venir ; le Roi , à qui les trois articles
furent renvoyés , n'hesita pas de
les passer pour parvenir à un si grand
bien. Je ne vous dis rien du bruit qu'en
fit Boisrozé , vous en sçavez assez par le
récit de l'avanture de Louviers. Le bon
homme , plein de son ressentiment, ignoroit
alors tout ce que M. de Rosny
avoit fait pour le maintenir dans son
poste.
Au reste , dès que le Traité eut été ar
rêté et signé , M. de Rosny en écrivit de
Rouen une Lettre au Roi , dont je ne
rapporterai ici que le commencement
pour abreger.
SIRE ,
La bonté de Dieu , votre vertu et votre
fortune , ont tellement fortifié mon courage ;
et bien heuré mon entremise , que je vous puis
maintenant nommer Duc paisible de toute la
Normandie , & c.
Le Roi ayant reçû cette Lettre , répond
dit le même Courrier , et de sa propar
pre main , au Marquis de Rosny,de la maniere
qui suit.
I. Vol.
MONDECEMBRE.
1732 256%
MONSIEUR ,
J'ai vu , tant par votre derniere Lettre
que par vos précedentes , les signalez services
que vous m'avez rendus pour la Réduction
entiere de la Normandie en mon obeissance
, lesquels j'appellerois volontiers des
miracles , si je ne sçavois bien que l'on ne
donne point ce titre aux choses tant journalieres
et ordinaires , que me sont les preuves
par effet de votre loyale affection , laquelle
aussi je n'oublieraijamais , & c. Adieu mon
Ami. De Senlis , le 14. Mars 1594
HENRY.
Je finis ici ma Lettre , Monsieur, pour
ne plus vous parler de l'Abbaye de
S.Taurin , ni du sieur de Boisrozé.Il falloit
vous faire ce détail pour répondre pertinemment
à votre premiere question , et
ne vous laisser rien ignorer sur une matiere
qui entre si naturellement dans l'é
xecution du projet d'Histoire que vous
avez formé.
J'ai mes Mémoires prêts pour répondre
à vos autres demandes au sujet du Marquis
de Rosny , et je n'oublierai pas ce
que vous me marqués en dernier lieu sur
les variations et sur les méprises de l'Auteur
du Poëme de la Ligue , ou la Hen-
I. Vol. riade
2562 MERCURE DE FRANCE
riade , par rapport à ce Seigneur. Je suis
toujours , &c.
A Paris , le 20 Mars 1732.
CHANSONS faites et chantées à Table
par Mlle de Malcrais de la Vigne du
Croisic , en differens Repas , donnés à
l'occasion du Mariage de sa Cousine
Mlle de Kdin Audet , avec M. Haringthon
, Chevalier de Notre- Dame du
Mont Carmel , et de S. Lazare.
Le Dimanche 16 Novembre , chez
M. de Pradel Audet , Conseiller du Roi
Menuet.
Lorsque deux coeurs ,
Qu'unit un charmant mariage ;
Lorsque deux coeurs ,
Eprouvent les mêmes ardeurs ,
Tout l'embarras du ménage
Ne fait encor qu'augmenter leur amour ;
Et l'on ne sçait dans ce tendre esclavage
Lequel vaut mieux de la nuit ou du jour.
Voi tu ses yeux ,
Son nez fin , sa bouche adorable
I. Vol. Vois
DECEMBRE . 1732. 2568
Voi-tu ses yeux ?
C'est Venus qui brille en ces lieux.
Si cette Déesse aimable
Eut sçû choisir un Epoux tel que toi ;
Mars eut envain d'un commerce durable
Youlu briser entre eux la douce loi.
Un tendre Hymen ,
Cher Oncle , à ma Tante te lie ;
Un tendre Hymen
Tient toujours l'Amour par la main.
Fils bien né , fille jolie ,
A chaque instant vous font cherir vos noeuds .
Qu'en cinquante ans nous puissions pleins de
vie ,
Boire avec vous à vos triples Neveux,
Le Lundi , chez M, de la Piqueliere
air de l'Allure .
Dites - nous , Haringthon , tout de bon ,
Si votre valeur dure ,
Tentez - vous sans affront , tout de bon ,
La galante avanture tout de bon ?
?
M. Goupil de la Piqueliere est un homme de dis
tinction du Croisic , qui a commandé les plus grands
Vaisseaux de la Riviere de Nantes , avec commis
sion en "Guerre, Il y a deux ans qu'il eșt marié à
unejeune et aimable Dame.
1. Vol Voilà
2564 MERCURE DE FRANCE
Voilà ,, compagnon , l'Allure , compagnon .
Voilà , compagnon , PAllure.
Déja de Janneton , * tout de bon ,
Le petit coeur murmure >
De voir mon Apollon , tout de bon ,
Curieux sans mesure , tout de bon.
Voilà , &c.
Son noble vermillon , tout de bon ;
Confirme mon augure ;
Et son oeil plus fripon , tout de bon >
De vos exploits m'assûre , tout de bon.
Voilà , &c.
Avoüez sans façon tout de bon ,
Cousin , que la Nature ,
Vous fait en elle un don , tout de bon ,
D'une rare structure , tout de bon.
Voilà , &c.
Vous sçavez , Haringthon , tout de bon ,
Seconder sa figure ,
Appas , esprit , raison , tout de bon ,
Jeanne est le nom de Baptème de Mme Ha
4
ringthon.
I. Vol Sont
DECEMBRE 1732.
2565
ont en vous , je le jure , tout de bon.
Voilà , &c.
M
En neuf mois un garçon , tout de bon ;
ui rendra sa ceinture ;
De vous deux ce poupon , tout de bon ;
'era la portraiture , tout de bon.
Voilà , &c.
Donnons sur ce jambon , tout de bon ,
'Hôte nous en conjure ,
pargner son flacon , tout de bon ,
eroit lui faire injure , tout de bon.
Voilà , &c.
潞
Sa Dame a sur son front , tout de bon ,
Les Graces en peinture ,
Au corps l'ame répond , tout de bon
C'est la franchise pure , tout de bon.
Voilà , & c.
Le Mardi chez M. de Morvan , sur l'air :
en Cana , Festin notable , &c. ou bien
Croyez-vous que l'Amour m'attrape
&c.
Nous volons de Fête en Fête ;
Par tout nouvelles douceurs ;
Bacchus nous bout dans la tête ,
L'Amour enflamme nos coeurs,
1566 MERCURE DE FRANCE
Quel sort charmant les assemble !
Quel aimable accord entr'eux !
Faisons -les bien vivre ensemble ,
Ils nous feront vivre heureux.
Haringthon chante , et soupire ;
De sa belle Epouse épris .
L'Amour dans tout son Empire-
N'a point d'Amans de leur prix.
L'Epoux dément l'axiome ,
Que prônent de sots Docteurs ,
Disant qu'à Table un grand homme ;
N'est point un grand homme ailleurs.
Le Maitre qui nous régale ,
Fait les honneurs à charmer ,
La Maitresse qui l'égale ,
En tout lieux se fait aimer.
Au Cabinet , à la Table ,
Que Morvan brille à propos ;
Là , par sa plume admirable ,
A Table par ses bons mots .
• Ancien Maire , Major de notre Ville , et
Subdélégué de M. l'Intendant ; il est homme de
Lettres , et proche Parent de M. l'Abbé de Bellegarde,
qui a écrit plusieurs beaux Ouvrages en Prose
1. Vol. LET:
DECEMBRE. 1732. 2567
LETTRE écrite au sujet d'une nouvelle
Edition des Romans de Alle deScudery.
J'Apprends , Messieurs , qu'on réimpri- me et fameux Romans de
Mlle de Scudery ; tous les amateurs de la
politesse et de la galanterie héroïque s'en
réjouissent .
Comme j'ignore le nom de l'Imprimeur
qui entreprend cette Edition , je m'adresse
à vous , pour lui faire sçavoir dans votre
Journal , que presque toutes les descriptions
de Palais et de pays qui sont
dans ses Ouvrages n'ont d'imaginaire que
les noms : cette illustre fille dont le coeur
étoit encore , s'il se peut, superieur à l'esprit
, toujours occupée de ses amis et des
Lieux qu'ils aimoient , se plaisoit à les célébrer.
Toutes ses descriptions ont un fondement
veritable , représentant quelqu'une
des jolies Maisons de campagne des environs
de Paris ; elle y joint ordinairement
le Portrait pris aussi d'après nature
du Maître de la maison ; tous ses amis
étoient d'un mérite rare ; ce qu'il y a eu
de gens fameux dans son siécle , soit à la
Cour , soit dans les Lettres , se sont fait
>
I. Vol. C
un
2568 MERCURE DE FRANCE
>
un honneur d'être en liaison avec elle; de
son tems , les talens étoient infiniment réverés
, je le remarque à là honte de celuici.
Il seroit également curieux et interessant
pour le Public de reconnoître tant de
Portraits faits par cette habile main , et
d'apprendre ce qui a caracterisé ce nombre
infini de gens celébres qui ont illustré
le Régne de Louis XIV, L'Imprimeur
rajeuniroit extrêmement ses anciens Romans
, s'il donnoit la clef des Portraits et
des Descriptions. Ce qui ne paroît qu'une
fiction deviendroit un morceau précieux
pour la Litterature , et très- cher aux descendans
des grands hommes qu'elle a représentez
; ceux qui possedent à présent
les Maisons qu'elle a décrites , et où elle
n'a souvent ajoûté que les ornemens pompeux
, des colomnes de marbre ou de jaspe
, verroient aussi avec joye leurs Maisons
immortalisées ; les habitans des pays
qu'elle a peints y prendroient part ; parlà
, l'ouvrage seroit plus universellement
recherché , et le Public qui ignore souvent
les beautez les plus proches de lui
apprendroit par ces Notes à connoître
les dons que la Nature et l'Art ont répandus
dans tous les environs de Paris.
La difficulté de trouver des gens assez
instruits de ces Anecdotes , pour fournir
r
1. Vol. la
DECEMBRE. 1732. 2569
la clef que je propose , arrêtera peut-être
l'Imprimeur ; mais il doit , en déclarant
son nom et sa demeure dans le Mercure,
demander des secours à ceux qui sont en
état de lui en donner ; si je n'étois pas
en Province je lui en procurerois , je lui
indique toûjours dans Paris M. de Chambord
de l'Académie des Belles - Lettres ,
que je sçais qui travaille à l'Histoire des
Femmes illustres dans les Lettres , et qui
a été ami particulier de Me de Scudery;
M. l'Abbé Boquillon , attaché à elle par
des sentimens qui lui ont fait entreprendre
l'Histoire de cette celebre Fille , Ouvrage
que la délicatesse de son stile peut
rendre aussi agréable que la matiere en
est interessante , et que le Public désire
avec empressement depuis trop long tems.
On peut tirer aussi de grandes lumie- ,
res de Me l'Heritier , à qui nous devons
l'ingénieuse apothéose de Mlle de Scudery,
Ouvrage très-applaudi , et qu'il seroit
fort convenable de réimprimer à l'occasion
de la nouvelle Edition de ses Romans.
On se plaint depuis long- temps de
la négligence avec laquelle la plupart des
Imprimeurs François servent le Public ,
ils ne sçavent presque jamais consulter
les Gens de Lettres et n'ont nul soin d'en-
1. Vol. richir C ij
2570 MERCURE DE FRANCE
richir leurs Editions de ce qui peut les
rendre précieuses ; cette négligence est
absolument contre leur interêt : Les Etrangers
, soit par amour pour les Lettres , soit
par une politique mieux entenduë , l'emportent
de beaucoup sur nous à cet égard.
Je suis , & c.
Le 15. Novembre 1732 .
MISSIVE du Chevalier de Leucotece
à l'Infante de Malcrais , Princesse
Armorique.
L'Enfant gâté de Melpomene ,
Le Berger, habitant les Rives de la Seine ,
1 Et certain Rimeur Marseillois ,
Ja de bon compte sont- ils trois ,
'Auxquels aurai non pas petite affaire ,
Et seront par moi déconfits.
Non par mes très limez et délicats Ecrits .
Lesdeux premiers , en ce genre d'escrime ,
Sont trop ferrus pour moi,qui n'ai raison ni rime,
Comme il convient à tout Chevalier preux ,
Rien ne sçachant , sinon pourfendre en deux ,
Net et jus les arçons , tout Mortel témeraire ,
Osant en conter , ou déplaire ,
A l'objet de ses voeux.
1. Vol.
Parquoi
DECEMBRE. 1732. 2571
Parquoi , Dame de mes pensées ,
Illustre et sublime Malcrais ,
De grace , ne trouvez mauvais ,
Si jambes et têtes cassées ,
Pour commencer ma déclaration ,
Je vous fais députation ,
Quelque matin , du dernier Personnage ,
Pour faire réparation ,
A vous , au Sexe qu'il outrage ;
C'est le devoir de ma Profession,
En tout honneur , bien et discrétion ,
Sommes tenus proteger les Infantes ,
Les faire déclarer charmantes ,
Non moins d'esprit comme de corps ,
En un mot , réparer les torts.
A donc ira le Rimeur de Marseille ,
Droit au Croisil , en l'état dessus dit ,
Illec verra qu'estes merveille ,
Non moins de corps comme d'esprit,
Confessera qu'il se dédit ,
D'avoir écrit que c'est un cas étrange ,
De trouver sous figure d'Ange ,
L'esprit sublime et le sçavoir profond.
Voilà pour un. A l'égard du second ,
De ce Berger à la douce Musette ,
Berger heureux dont demandez le nom
Que ce desir me picque , m'inquiete !
•
Ah ! s'il vous plaisoit moins , certain de sa défaite,
1. Vol. C iij il
2572 MERCURE DE FRANCE
Il n'est baume de fier-à- bras ,
Qui le garantit du trépas .
Mais quoi ! ses chants ont pour vous des appas
L'Echo de votre coeur sans cesse les repete .
Sçachez du moins que sous l'air imposteur
De Berger , de Moutons , de Chien et de Houlette
Il cache un malin Enchanteur ;
Un mortel ennemi de toute votre espece ,
De ceux qui détenoient une pauvre Princesse ,
Pendant des deux et trois mille ans ,
Dans des Châteaux de Diamans ,
Gardez par Dragons et Geans.
Ors attendant que puisse le pourfendre ,
Lui faisant vuider les arçons ,
C'est à vous à vous bien deffendre ,
De ses charmes , de ses Chansons.
Je vous en avertis , ce sont Philtres magiques ,
Ce sont appas qui cachent un poison ,
Riant d'abord , ayant suites tragiques ,
Otant esprit , repos , raison ,
Poison dont le remede est seulement la fuite ;
Mais c'est assez ; vous voilà bien instruite.
Venons enfin à mon dernier Rival ,
Je conviens qu'il n'a point d'égal ,
Si ce n'est Apollon lui - même ;
Mais Preux ne cede ce qu'il aime
* M. de Voltaire.
I. Vol.
Sans
DECEMBRE. 1732 2573.
Sans ferrailler , sans faire appel
Suivant ces us , malgré votre gloire immortelle ,
Malgré tous vos Lauriers , Rival que je querelle,
Avec crainte et respect , agréez mon Cartel.
Malcrais vaut bien qu'on ferraille pour elle,
C'est la raison. Je vous laisse le choix ,
Des armes et du Champ , mais seriez discourtois
Vû vos forces et ma foiblesse ,
Si ne me permettiez d'excepter le Permesse.
**********************
LA
A Piece qui suit est sur un sujet , des
plus interessants pour la Religion et
le plus convenable au temps où nous
sommes. Elle est du R. P. de Belmont ,
Jesuite , Recteur de l'Université et du
College de Pau , déja connu par divers
Poëmes Latins et François , imprimez à
Pau, et goûtez des Connoisseurs.
CAN TАТЕ.
SUR LA NAISSANCES
DE JESUS - CHRIST.
LA Fille du grand Roi que Betlhéem vit naître ,
La fille de David , Pere de tant de Rois ,
Dans sa propre Patric en vain se fait connoître ,
I. Vol. C iiij
L'in
2574 MERCURE DE FRANCE
L'ingrate Betlhéem se rend sourde à sa voix.
Tandis que l'Etranger chez l'Etranger tranquile ,
Y goûte les douceurs d'un paisible repos ,
La Mere de celui qui vient finir - nos maux ,
Erre loin de ses murs , pour chercher un azile ;
Un voile tenebreux lui cache l'Univers.
Le jour depuis long- tems se reposoit dans l'Onde,
A ses pas égarez une Grote profonde ,
Où regnent les sombres Hyvers ,
Parmi de vils Troupeaux offre un triste réfuge :
C'est- là qu'un Dieu Sauveur oubliant qu'il est
Juge ,
Oubliant nos forfaits , et son juste courroux ,
Vient de naître et commence à s'immoler pou
nous.
Air.
Volez, Zéphirs , que votre haleine ,
Dans cet Antre profond ramene ,
La douce chaleur du Printemps.
Pere du jour , avant le temps ,
Recommencez votre carriere ,
Chassez les ombres de la nuit ;
L'Univers étonné languit ,
Dans l'attente de la lumiere :
Chassez les ombres de la nuit.
Quels prodiges divers ! la terre est agitée ,
Elle tremble et frémit d'allegresse et d'effroi :
I. Fol. La
DECEMBRE. 1732. 257.5
La Mer,comme autrefois, craintive, épouvantée,
Suspend ses flots bruyans , pour adorer son Roi ,
Dans un Enfant plein de foiblesse.
Le jour , le plus beau jour à paroître s'empresse :
Dévoilez , cher Enfant , l'éternelle beauté ;
Trop long- temps votre Mere a souffert de vos
larmes :
Montrez- vous , soulagez ses mortelles allarmes.
Vous , qui de cet Enfant craignez la Majesté ,
Et qui vous nourissez dans le Ciel de ses charmes,
Heureux Esprits , chantez , découvrez- nous l'amour
Qui l'anime pour nous en cet affreux séjour.
Ecoutons ; le Ciel s'ouvre , un Choeur d'Anges
s'apprête
A celebrer dans les airs une Fête.
Air.
Le Verbe s'est fait chair pour sauver les Mortels;
Dans ses abaissemens éternisons sa gloire :
Il triomphe des coeurs, pour prix de sa victoire,
Il se verra sans cesse élever des Autels ;
Toujours de sa bonté durera la memoire .
Heureux Mortels , recevez les bienfaits ,
Qu'il vient répandre sur la Terre ;
Déja sa main écarte le Tonnerre ;
Il pleure vos forfaits ,
Il vous offre la paix ,
Et replonge aux Enfers l'impitoyable guerre.
1. Vol. Heu- CY
2576 MERCURE DE FRANCE
Heureux Mortels, recevez les bienfaits ,
Qu'il vient répandre sur la Terre,
On mêle à ces Concerts de rustiques accens ;
De vigilans Bergers accourus vers l'Etable ,
Y portent des coeurs innocens ,
Et forment au Sauveur la Cour la plus aimable ;'
Tandis que pleins d'amour ils pleurent ses douleurs
,
L'un d'eux forme ces sons qu'interrompent >
ses pleurs.
Air.
Foible Enfant , Puissance suprême
Je vous adore et je vous aime.
Vous soulagez tous nos besoins ,
Tout m'annonce vos tendres soins ,
Et vous vous oubliez vous- même
Vous êtes plus pauvre que nous ,
Et tout l'Univers est à vous ,
Foible Enfant , Puissance suprême ,
Je vous adore et je vous aime.
Votre main soutient l'Univers.
Elle transporte les Montagnes ;
Elle fait naître en nos Campagnes ,
Et nourrit mille fruits divers.
Votre voix ramene l'Aurore ,
Qui nous éclaire chaque jour ,
I. Vol. Et
DECEMBRE.
1732 2577,
Et les fleurs qu'elle fait éclore ,
Sont les présens de votre amour,
Foible Enfant , Puissance suprême ,
Je vous adore et je vous aime.
'Ode qui suit,a été envoyée de Mon-
Ltargis , Ville de l'Apanage de M. le
Duc d'Orleans . Elle fit , pour ainsi - dire ,
la clôture des Réjouissances publiques ,
qui furent faites le 16. Novembre par
les R R. Peres Barnabites du College de
cette Ville , à l'occasion du Rétablisse
ment de la santé de leurs A. S.
O D E.
Ville , * qu'après tant de conquêtes ,
Le fier Anglois ne put dompter ,
Sortez de l'allarme où vous êtes ,
Et cessez de vous attrister ;
Le fils de votre auguste Prince ,
Seul espoir de cette Province ,
Survit au danger de ses maux ,
Un secours divin l'en préserve ,
* Les Anglois du temps de leur invasion ne purentjamais
prendre la Ville de Montargis.
1. Vol. Cvj La
2578 MERCURE DE FRANCE
La Providence le conserve ,
Pour multiplier les Héros .
Par le venin le plus à craindre ,
Tous ses sens étoient affoiblis ;
Sa vie étoit prête à s'éteindre ,
Avant deux lustres accomplis;
Mais par une crise subite ,
Ce jeune Prince ressuscite ,
Sa beauté renaît avec lui.
Grand- Dieu , ce miracle s'opere
Par les saintes vertus d'un Pere ,
Qui met en vous tout son appuy.
M
De la pompe qui l'environne ,
Il méprise les vains attraits ,
La ferveur que sa foi lui donne ,
Aspire à des biens plus parfaits :
Ennemi du plaisir frivole ,
Son coeur se dévouë et s'immole ,
Aux rigueurs de l'austerité ,.
Et pour soulager l'indigence ,
Une liberale dépense ,
Se regle sur sa charité.
Qu'il est rare de voir paroître,
I. Vol.
Un
DECEMBRE . 1732. 2579
Un Prince qui dès son printemps ,
Des voluptez se rend le maître ,
Par des triomphes si constans !
Grands du monde , je vous appelle ,
Ouvrez les yeux sur ce Modele ,
Exempt de toute passion ,
Et dont l'oreille favorable ,
N'est jamais sourde au miserable ,
Qui gémit dans l'oppression .
Mais qu'entends-je , quel coup funeste ,
Vient renouveller nos frayeurs !
Est- ce donc le courroux Celeste ,
Qui veut redoubler nos malheurs !
Ce Prince accablé de tristesse ,
Près d'un Fils souffrant qu'il caresse ,
Est frappé du même venin.
Seigneur , secourez l'un et l'autre
Pour votre gloire et pour la nôtre ;
Je crains tout autre Medecin.
Rassurons-nous , calmons nos craintes ;
Déja nos voeux sont exaucez ,
Ils sont tous deux hors des atteintes ,
Dont leurs jours étoient menacez .
Livrons donc nos coeurs à la joye ,
Il est temps qu'elle se déploye ,
1. Zoh
Que
250 MERCURE DE FRANCE
Que nos feux brillent dans les airs ,
Et qu'une Ville si fidele ,
Témoigne du moins par son zele ,
Combien ses Princes lui sont chers.
L
Es Vers qu'on va lire sont adressez
à la Duchesse du Maine , dont tout le
monde connoît le goût sûr , les lumieres
et la protection éclairée qu'elle
accorde aux Gens de Lettres ; ils sont
de M du Vaure , et faits à l'occasion
d'une Comédie nouvelle du même Auteur
, reçue par les Comédiens François ,
sous le titre de l'Ecole des Sçavans , en
5. Actes , avec un Prologue , et lûë à
Sceaux , chez cette illustre Princesse . On
trouva i Piece bien écrite , le Sujet bien
traité , les Caracteres soutenus , & c .
Estre Stre Auteur et sensé , fut toujours difficile ;
Tel est le préjugé de la Cour , de la Ville :
Préjugé contre moi peut être de saison ;
Ai-je dans mon Ouvrage écouté la raison ?
Je l'ignore. Au Public ambitieux de plaire ,
( L'amour propre enfanta ce projet témeraire )
Des faux Sçavans du temps je trace les Portraits ;
Mais qui décidera si j'ai saisi leurs traits ?
I. Vol. ComéDECEMBRE.
1732. 2581
Comédiens en Corps , duppes des apparences ,
Rarement le Public confirme vos Sentences.
Par envie , ou par air, Sçavans , vous blâmez tout
Grand Monde délicat qui possedez le goût ,
Vous êtes trop poli pour être bien sincere.
Quel parti puis -je prendre ? O Ciel ! que dois - je
faire ? . ...
Quel Génie à l'instant se présente à mes yeux !
Vole à Sceaux , me dit- il , on rassemble en ces
Lieux ,
Esprit , talent , bonté , sincerité Romaine ,
Amour des Arts, sçavoir , goût épuré d'Athéne ;
A cette Cour choisie expose tes Ecrits ,
Une Muse y préside , on t'y dira leur prix.
SIXI E'ME Lettre écrite par M. D. L. R.
à M. le Marquis de B. au sujet de la
Conquête d'Oran , &c.
JTE
E n'ai pas conjecturé juste , Monsieur , quand
je vous ai marqué par ma derniere Lettre que
je ne croyois pas d'avoir rien à vous écrire au
sujet d'Oran avant le Printemps prochain ; les
apparences étoient telies , mais l'Evenement a
détruit les apparences : Les Maures se sont mis
en campagne pour executer de grands projets ,
ils veulent batailler en plein hyver, d'un côté devant
Oran , de l'autre devant Ceuta ; il faut vous
rendre compte de leurs Operations ; elles sont
yenues depuis peu à ma connoissance par plu-
I. Vol.
sieurs
2582 MERCURE DE FRANCE
sieurs Lettres écrites d'Espagne et d'Affrique .
Vous sçavez , Monsieur , qu'Oran et Marsalquibir
ont fait partie du Royaume d'Alger , et
quelle a été la consternation de la Ville d'Alger
et de tout le Pais , lors de la prise de ces deux
Places par l'armée du Roy d'Espagne. La retraite
de cette Armée , le départ de la Flote , la mort
du vieux Dey d'Alger , âgé de 88. ans auquel a
succedé le Khaznadar ou Trésorier de la Régence
, tout cela ensemble a fait cesser la consternation
; les Maures ont repris courage et paroissent
disposez à faire de grands efforts pour
reprendre les Places conquises et chasser entierement
les Espagnols des Côtes d'Affrique.
Dabord cette Régence a envoyé un secours
considerable au Dey Bigotillos , qu'on dit être
un Renegat Catalan , cy-devant Gouverneur d'Oran
, lequel pendant une partie du mois de Septembre
à fort inquieté la Garnison , occupée aux
nouvelles Fortifications de cette Place. Les escarmouches
ont été fréquents , toûjours avec grande
perte du côté des Maures , qui cependant ont
reçû d'autres renforts , et enfin ils se sont trouvez
en état de commencer le Siege d'Oran avec deux
Armées , dont l'une est commandée par Bigotillos
, et l'autre par le fils du dernier Dey d'Alger
, qui est Aga des Spahis , ou Commandant de
la Cavalerie.
Leurs premieres vûës ont été de surprendre
quelques- uns des principaux Châteaux qui envi-
Fonnent la Place et dont vous connoissez la się
tuation et l'importance par le Plan general d'Oran
et de Marsalquibir , que je vous ai envoyé.
Le Marquis de Santa-Cruz a pris là - dessus toutes
les précautions necessaires, et a fait les plus sages
dispositions pour la conservation de ces Forts.
1. Vol.
Le
DECEMBRE.
1732. 2583
Le dernier jour du mois de Septembre , les
Maures , suivant le projet que je viens de dire ,
ayant formé un Corps considerable , tenterent de
couper la communication de la Place avec le Fort
de S. Philippe , ils y vinrent dabord avec une
grande intrépidité , mais ils furent repoussez par
un Détachement de Grenadiers , et enfin entierement
chassez par un Détachement de Cavalerie.
L'action fut des plus vives , les Maures y
perdirent près de deux mille hommes , sans les
blessez. Les Espagnols n'eurent que huit hommes
de tuez et quelques blessez.
Le 4. d'Octobre il se donna un combat plus
considerable , à l'occasion d'un convoy, que le
Marquis de Santa- Cruz voulut faire entrer dans le
Fort de Sainte- Croix , et qui y entra effectivement.
Toutes les circonstances de cette Action sont remarquables
et interessantes ; je suis assuré , Monsieur,
que vous me sçaurez bon gré de vous en apprendre
le détail , au risque d'allonger un peu ma
Lettre. Le voici tel qu'il a été envoyé à la Cour ,
et conforme à toutes mes Lettres particulieres.
Le Chevalier Wogan , Colonel de jour , ( 4.
Octobre ) sortit vers les cinq heures du matin
, à la tête d'un Détachement composé de plusicurs
Compagnies de Grenadiers et de quelques
Compagnies de Cavalerie pour escorter un grand
Convoi de Vivres et de Munitions , que le Mar
quis de Santa-Cruz envoyoit au Château de Sainte-
Croix , qui domine la Ville d'Oran , tous les
Châteaux voisins et même l'entrée du Port. Il y
avoit près d'un mois que Bigotillos , cy- devant
Gouverneur d'Oran, assiegeoit ce Château , ayant
placé ses Batteries sur la Mezeta , Montagne fort
élevée et à une portée de fusil , mais séparée du
Château par une gorge très -profonde et très - es-
I. Vol.
carpée.
2584 MERCURE DE FRANCE
carpée. Cette Batterie avec déja fait une breche
considerable à la muraille du Château ; mais la
breche étant inutile aux ennemis , à cause des Rochers
escarpez qui se trouvoient entre leur Camp
et le Château , Bigotillos prit le parti d'appliquer
le Mineur à l'autre côté du demi - Bastion qu'il
avoit battu en breche : les Mines ne firent aucun
effet, parce qu'elles ne penetroient pas le Roc ,
plusieurs assauts qu'il voulut donner par escalade,
firent périr près de 10000. Turcs ou Algeriens ,
fils de Turcs.
Cependant la Garnison Espagnole du Château
de Sainte- Croix , qui n'est que de 500. hommes,
étoit considerablement diminuée par toutes ces
attaques ; et manquant de tout , elle auroit été
obligée de se rendre. C'est ce qui détermina le
Marquis de Santa- Cruz à tout risquer pour la
secourir , ainsi avant que de faire sortir le Détachement
commandé par le Chevalier de Wogan
, il fit faire une fausse attaque du Fort de
S. Philippe sur la batterie des Retranchemens du
is du Dey d'Alger , qui étoit à la droite de la
tranchée des Ennemis , afin d'y attirer les Troupes
de Bigotillos et de dégarnir son poste de la
gauche. Pendant le feu continuel de cette fausse
' attaque , le Chevalier de Wogan , Colonel Com-
'mandant du Détachement , fit avancer quatre
Compagnies de Grenadiers sur la demi Côte entre
les Châteaux de S. Gregoire et de Sainte Croix ,
pour arrêter ceux qui tenteroient de couper le
Convoy par en haut. Il envoya deux autres Compagnies
au bas du Rocher qui est au pied du dernier
de ces deux Châteaux , et il marcha ensuite
en bataille avec le reste de son Détachement , occupant
toute la Plaine par son front jusqu'au
bord du Baranco , gorge profonde , où les Mau-
I. Vol. res
Y
DECEMBRE. 1732. 2585
res et les Turcs se tenoient , ordinairement en
embuscade .
Vers les sept heures du matin , la tête du Convoy
s'étant avancée jusqu'à Sainte - Croix , quelques
Compagnies de la Garnison de ce Château ,
sortirent pour renforcer l'Escorte , et se poste
rent sous le Canon du demi- Bastion , qui fit un
feu si continuel et si violent , que les Maures en
furent épouventez , et s'il eût été permis au Chevalier
de Wogan de contrevenir aux ordres du
Marquis de Santa Cruz , et de passer les bords dų
Baranco , on ne doute point qu'il ne les eût chassez
de leur retranchement, et qu'il n'eût pû jetter
leur batterie dans les précipices; mais le Marquis
de Santa Cruz n'avoit d'autre vue que de secou,
rir le Fort sans rien risquer ; cependant les Ennemis
voyant qu'on ne tentoit pas de passer le
Baranco , revinrent y planter leurs Etendarts par
maniere de défi , et il y eut pendant une heure un
feu continuel de Mousqueterie , qui leur tua.plus
de 1000 ou 1200. hommes. Bigotillos ayant fait
revenir une partie de ses Troupes , que la fausse
attaque du Fort S. Philippe avoit attirée , se détermina
à traverser la gorge du Baranco . Alors
le Chevalier de Wogan fit marcher deux Compagnies
de Grenadiers pour occuper le passage
cette gorge , par lequel les Maures auroient pu
couper le Convoy, ils commencerent à entrer dans
Sainte Croix , ce qui obligea Bigotillos à chan
›
de
ger de dessein , quoique ses Troupes qui étoient
alors dans la gorge , montassent à plus de 15000
hommes ; et après avoir essayé plusieurs décharges
de l'Artillerie du Fort il alla se mettre à
couvert derriere les Rochers qui sont au- dessous
du Château , d'où les bombes qu'on y rouloit
obligerent les Maures de se retirer et de remonter
·
I. VA.
YCIS
2586 MERCURE DE FRANCE
vers leur batterie , dont un coup de Canon bles
sa un Officier Espagnol et couvrit de poussiere le
Chevalier de Wogan .
Vers les neuf heures du matin , toutes les voi
tures du Convoi étant retournées à Oran , après
avoir déchargé leurs provisions dans le Fort de
Sainte Croix , la Cavalerie du Détachement se
mit en bataille du côté de la Marine , pour soutenir
l'Infanterie voisine dans sa retraite . Le
Chevalier deWogan reçut en cet endroit un coup
de fusil qui l'obligea de se retirer et de laisser le
commandement au Marquis de Turbilly , son
Lieutenant Colonel ; il étoit resté vers le Rocher
de Sainte- Croix six Compagnies de Grenadiers ,
dont trois devoient rentrer dans le Château, et les
trois autres retourner à Oran avec le reste du
Détachement .
La Cavalerie , par un ordre mal entendu , commençoit
déja à défiler , et ne pouvoit plus les secourir
, desorte que ces Compagnies furent obligées
de lâcher pied et de se retirer en confusion,
trois sous le Canon de Sainte Croix et le reste du
côté du Fortin de la Marine. Un Capitaine du
Régiment de Dragons de Belgia , nommé le Chevalier
de Wuilts , au desespoir de voir les Maures
courir la Plaine impunément , s'avançà à la tête
de 30. de ses Dragons , les arrêta pour quelque
temps; et après en avoir tué un grand nombre, et
perdu la moitié de sa Troupe , il se retira en bon
ordre.
Les Maures , de leur côté , craignant une sortie
de la Garnison d'Oran , se retirerent par les Rochers
de Sainte- Croix , où ils essuyerent tout le
feu de l'Artillerie du Château , et on compte que
pendant le défilé du Convoy , ils ont perdu prés
de 3000. hommes , parmi lesquels il y a eu 19.
I. Vol. Agas
DECEMBRE . 1732. 2587
Agas ou Officiers de distinction et un des fils de
Bigotillos. Cette journée a été très - glorieuse pour
les Espagnols , malgré la déroute des Compagnies
de Grenadiers qui n'ont pû faire assez iôt leur
retraite.
Le Château de Sainte - Croix a présentement
en abondance toutes sortes de provisions et de
munitions de guerre ; l'entrée du Convoy a tellement
déconcerté les Turcs et les Maures , que
malgré le cordon ou la ligne que Bigotillos avoit
fait faire derriere son Camp , pour empêcher la
désertion , la plus grande partie de sa Cavalerie
la abandonné. Le Détachement de la Garnison
d'Oran n'étoit en tout que de 1300. hommes .
L'Armée des Maures , dont ce Détachement a
soutenu les differentes attaques , était au moins
de 17. à 18000. hommes .
On a appris par des Lettres posterieures , qu'on
avoit construit un Ouvrage entre le Château de
Sainte - Croix et celui de S , Gregoire , pour conserver
la communication entre ces deux Forts ,
qu'on avoit introduit un nouveau secours dans le
premier , dont les Maures continuoient le Siege ,
mais avec moins de vigueur que cy- devant , qu'ils
avoient fait sauter une Mine qui n'avoit point
endommagé la muraille , mais qui avoit tué trois
Mineurs d'une Contremine et blessé trois Grena--
diers , qu'il n'y avoit que trois minutes que le
Marquis de Santa- Cruz et M. de la Croix , Commandant
de l'Artillerie , étoient sortis de cette
Contremine , qu'ils étoient allé visiter ; que les
trois derniers jours du mois d'Octobre , l'Artillerie
des Ennemis avoit fait peu de feu , qu'on
avoit appris depuis que de trois grosses pieces de
Canons qu'ils avoient dans leur batterie de la
Mezetta , il y en avoit deux de crevées ; que les
I. Vel. 1 Maurea
2588 MERCURE DE FRANCE
Maures qui font le Siege du Fort de S. Philippe ,
avoient cessé de tirer depuis cinq jours , ce qu'on
attribue au deffaut de Munitions et aux pluyes
continuelles qui sont tombées pendant ce tempslà
, et qui ont inondé toutes leurs tranchées ; enfin
que la Garnison avoit profité de ce temps pour
élever une nouvelle batterie , qui incommodoit
beaucoup les Ennemis , et que le fils du feu Dey
d'Alger , qui commande au Siege du Fort de
S. Philippe et qui s'en étoit absenté pendant
quelques jours , y étoit revenu .
Cependant il est arrivé à Oran plusieurs se-
Cours de Troupes et de Provisions , ensorte qu'il
y a tout lieu d'esperer que les Maures , après
avoir perdu bien du monde , n'auront fait qu'une
tentative inutile et témeraire. Les principaux Algeriens
sont convenus eux-mêmes en plein Divan
, que sans le secours d'une Flote , qu'ils ne
sont pas en état d'équiper , il leur est absolument
impossible de reprendre cette Place . Il est vrai
que suivant les dernieres Lettres il avoit paru au
commencement de Novembre aux environs d'O →
huit ou neuf Vaisseaux de guerre d'Alger ;
mais ces Lettres ajoûtent que sur les premiers
avis , le Roy d'Espagne avoit envoyé des ordres
précis aux Commandans de trois de ses
Vaisseaux de guerre , de joindre trois autres
Vaisseaux de guerre de Malthe qui sont dans ces
Mers et d'aller attaquer conjointement les Vaisseaux
Turcs ; ensorte , Monsieur , que nous som.
mes actuellement dans l'attente de plusieurs nouvelles
importantes sur la suite des affaires d'Oran.
ran ,
Je renvoye à une autre Lettre celles qui regardent
Ceuta , pour ne point donner ici dans
une excessive longueur, J'ai l'honneur d'être, &c.
A Paris , le 22. Novembre 1732.
I. Vol.
REDECEMBRE.
1732. 2589
REQUESTE presentée à M. le Prévô
des Marchands, Par M. Richer.
T
•
2
Qus les François sujets à même Loy ,
Joivent par tête un tribut à leur Roy ;
Mais il te rend arbitre de la somme ,
Qu'à Paris doit payer chaque homme ,
jage Turgot . Louis , dans tout l'Etat
V'eût pû choisir plus digne Magistrat .
Cette équité, ce zele qui t'anime
Jonne à chacun la taxe légitime ,
Qui lui convient suivant ses facultez ;
it s'il advient que par quelque artifice ,
Le noir mensonge ait surpris ta justice,
.ors du Plaintif les cris sont écoutez ,
es Supplians t'éprouvent secourable ,
in cas pareil sois moi donc favorable,
Grand Magistrat , car un exposé faux ,
J'un impôt juste a fait enfler le taux ,
Quelqu'un t'a peint ma fortune meilleure ;
it plût au Ciel qu'il cût dit verité 3
Mais par malheur trop bien prouve à cette
heure ,
Que ce rapport est sans sincerité ;
Car ce n'est point aux Rives du Permesse ,
Tu le sçais bien , qu'habite la richesse.
Į. Vol
L'es
2590 MERCURE DE FRANCE
L'on ne vit onc dans le sacré Valon ,
Plutus l'aveugle , ennemi d'Apollon.
Le Dieu des Vers à ses enfans ne donne ,
Pour tout loyer qu'une belle Couronne ,
De Lauriers verds , ornement glorieux ,
Qui remplit peu la bourse des Poëtes.
Leurs meubles sont Hautbois , Lyres , Trom,
pettes ,
Faisant ouir des sons mélodieux ,
Pour celebrer Héros et demi Dieux ,
Et Magistrats d'un mérite sublime.
Donc inspiré du Maître de la Rime ,
Qui sçait combien tu prises ses Chansons
Que protegeat toûjours ses Nourrissons ,
J'ai par son ordre écrit cette Requête .
Daigne la lire en faveur de Phébus ;
Et qu'il te plaise , en faisant droit dessus ,
De moderer l'impôt mis sur ma tête ,
Et le réduire au taux que cy - devant ,
Par toi reglé payoit le Suppliant.
Cette Requête a été réponduë favorablement.
1. Vol. LETTRE
DECEMBRE. 1732. 2591
E
****:***********
LETTRE du R. P. Dom Toussaints
du Plessis , écrite de Rouen le 14. Novembre
1732. sur quelques endroits de
son Histoire de l'Eglise de Meaux.
N m'a fait remarquer une ou deux
Ofautes qui me sont échappées dans
l'Histoire de l'Eglise de Meaux , et j'en
avois déja moi-même apperçu une autre.
Il est juste de me corriger ; cette Lettre
pourra servir d'Errata à mon Livre ; je
vous prie , Monsieur , de vouloir bien la
rendre publique.
1º . A la page 427. je dis que le second
Chapitre General de la Congrégation de Saint
Maur , se tint dans l'Abbaye de S. Faron
de Meaux en 1623. Il y eut , à la verité ,
un Chapitre General à S. Faron , le 14.
Septembre 1623. mais ce fut le cinquié
me , et non le second . Le premier fut
tenu à Paris aux Blancs-Manteaux , le 29.
Septembre 1618. Le second , au même
licu , lele 7. Février 1720. Le troisiéme
dans l'Abbaye de Jumiege en Normandie
, le 8. Juillet 1621. Le quatriéme ,
dans celle de Corbie en Picardie , en 1622.
et enfin le cinquième à S. Faron , en 1623 .
I. Vol. D 2º.
2592 MERCURE DE FRANCE
2. A la page 594. dans le Catalogue
des Abbesses de Jouarre , j'ai dit que
Jeanne de Lorraine étoit Professe du
Monastere de Promille , Ordre de Font-
Evraud. On ne connoît point , dit-on ,
de Maison de ce nom dans tout l'Ordre.
Ainsi , ou elle n'étoit pas Professe de l'Ordre
de Fond - Evraud , ou elle l'étoit d'un
autre Monastere .
que
3 ° . A la page 599. dans le Catalogue
des Abbesses de N. D. de Meaux , j'ai dit
Me de Mornay de Montchevreuil
étoit Niece d'une autre Dame de Montchevreuil
, Abbesse de S. Antoine des
Champs à Paris . Elle étoit sa soeur , me
marque- t'on , et non są niece .
A la page 161. où je parle du Monastere
de Raroy , je dis que MM . de
Gesvres se sont approprié la Justice de
ce lieu ; et cette expression a fait de la
peine. C'est donner à entendre , me diton
, qu'ils l'ont usurpée . Cependant je
ne farde point trop mes expressions quand
je veux parler d'usurpation , je ne vais.
point chercher d'autre mot que celui d'usurpation
même. Ici s'approprier ne peut
signifier autre chose qu'acquerir ou acheter
; je renvoye même mon Lecteur à un
Traité de l'an 1618. que j'ai inseré dans
le second Tome , et qui fait foi de cette
I. Vol.
acquisition
1
DECEMBRE . 1732. 2593
acquisition . C'en est assez , je crois , pour
me laver d'un pareil reproche.
A la page 638. de ce second Tome ,
dans le Pouillié , on trouve l'article de
Crouy. Là , dit- on , j'avance que le Curé
de cette Paroisse , en abandonnant Raroy
à celle de Trêmes ou de Gesvres - le- Duc ,
n'a pû transiger sur cela au nom de ses
Successeurs. Or c'est ce que je ne dis en
aucune maniere ; j'observe seulement que
le Curé de Croüy le dit ainsi. Il est vrai
qu'en cela je parois donner quelque poids
à la prétention du Curé de Croüy ; et on
m'objecte une Sentence de M. le Cardinal
de Bissy , qu'on ne date point , mais
qui attache , dit- on , pour toujours à la
Paroisse de Gesvres , les Domestiques du
dehors et les Fermiers de Raroy. Je ne
doute point que cette Sentence ne soit
dans toutes les formes , mais très- certai
nement elle ne m'a point été communiquée.
Il en sera de même apparemment
de plusieurs autres omissions que l'on
l'on aupourra
me reprocher ; mais que
roit tort , par cette même raison , de re
jetter sur mon compte.
J'ai tâché de prouver dans une de mes
Notes ( Tome I. page 698. ) que sainte
Aubierge n'étoit point bâtarde , et que
le Filia naturalis du venerable Bede ne
1. Vol. D ij peut
2594 MERCURE DE FRANCE
peut signifier autre chose que Fille légi
time d'Anne , Roy d'Estanglie , et d'Hereswite
, son Epouse . Comme mes preuves
n'ont pas satisfait également tous mes
Lecteurs , je renvoye ceux qui ont de la
peine à se rendre au troisiéme Tome du
Spicilege de Dom Luc d'Achery , page
258. ils y trouveront que Hardecanut ,
fils légitime de Canut , est appellé filius
naturalis , par opposition même à Harold,
qui étoit son bâtard. Je suis , &c.
A MADLLE de Malcrais de la Vigne
du Croisic en Bretagne.
D'un maritime Port l'ornement et la gloire ,
Aimable et sçavante Malcrais ,
Souffre qu'un Habitant des Rives de la Loire ,
Te témoigne la part qu'il prend à tes succès.
Nantes d'un oeil de complaisance ,
A lieu de regarder le fruit de tes travaux ;
Le séjour où tu pris naissance ,
Est soumis à ses Tribunaux.
Que dis- je , il t'en souvient , vingt fois notre
Rivage,
I. Vol.
Entendit
DECEMBRE . 1732. 2595
Entendit de tes Vers les sons harmonieux ;
Et tu fis dans nos Murs le noble apprentissage ,
De cet . Art si cheri des hommes et des Dieux.
O que j'aime à te voir , en Bergere affligée ,
Du départ d'un Amant en bute aux flots amers
Confier la douleur où ton ame est plongée ,
Aux rapides Oiseaux qui traversent les Mers !
Que des constantes Tourterelles ,
Tu peins bien les tendres amours ,
Et que par ce portrait de leurs ardeurs fidelles ,
Tu dois faire rougir les Amans de nos jours !
Qui peut sans répandre des larmes ,
Qui peut sans frissonner d'horreur
Ecouter le récit des cruelles allarmes ,
Dont la mort de ton Pere avoit saisi ton coeur a
Corisque , Ménalis , quelle délicatesse ,
Respirent vos jaloux débats !
Oui , d'une paisible tendresse ,
Vos soupçons , vos dépits surpassent les appas,
Poursuis, Malcrais, poursuis ; désabuse la Seine,
Qui dans son préjugé contre certains Cantons ,
S'imagine que l'Hipocrêne ,
I. Vol. Diij Dé2596
MERCURE DE FRANCE
Dédaigne d'arroser ceux que nous habitons.
Force-la d'avouer que la terre Armorique.
Connoît Phébus et les neuf Soeurs ,
Et que la Verve Poëtique ,
Y fait sentir aussi ses divines fureurs.
Mais quoi ! sans être si tardive ,
Elle a déja rendu justice à tes accords ,
Et la Marne, comme elle, à tes sons attentive ,
En a fait éclater ses éloquents transports.
Houdart tout prêt d'entrer dans la fatale Barque,
Charmé de tes talens divers ,
Voulut t'en donner une marque,
En vantant à la fois et ta Prose et tes: Vers.
Voltaire, le fameux Voltaire ,
Enchanté comme lui de tes doctes Ecrits ,
Vient d'apprendre à toute la Terre ,
Combien il en sent tout le prix.
C'est donc & honte extrême ! à ta seule Patrie ,
Qu'on peut à juste droit reprocher aujourdhui ,
De ne sçavoir pas rendre à ton rare génie ,
L'honneur qu'elle reçoit de lui.
I. Vol.
Et
DECEMBRE. 1732. 2597
Et moi , que ta belle ame honore ,
Du précieux dépôt de tous tes sentimens ,
Je suis bien plus coupable encore ,
D'avoir tant balancé pour t'offrir mon encens.
Pardonne , illustre Amie , Apollon m'est avare ,
Des faveurs que sans cesse il verse dans ton sein :
Heureux que ma verve bizarre ,
Ait du moins en ce jour secondé mon dessein.
Chevaye , Auditeur à la Chambre des
Comptes de Bretagne.
** :***** XXX :XXXXX
A MADAME DE ***
Qui m'avoit demandé des Vers pour la
desennuyer à la Campagne.
C'est un foible secours que celui d'Apollon ,
Pour charmer les ennuis d'un lieu trop solitaire,
Ils naissent comme ailleurs dans le sacré Vallon .
Telle est notre condition ,
Qu'il n'est rien ici bas où nous puissions nous
plaire.
Vous avez cependant tout ce qu'il faut avoir ,
Pour trouver du plaisir dans une solitude ;
Un esprit sans inquietude ,
Qui re connoît de loix que celles du devoir ,
I. Vol. Diiij Un
2598 MERCURE DE FRANCE
Un coeur religieux que rien ne peut distraire ,
Du soin de s'occuper de son unique affaire.
C'est ainsi que sans peine et sans autre desir ,
Que de la voir renaître encore ,
On voit naître et mourir l'Aurore ,
C'est ainsi que l'on voit soupirer le Zéphir ,
Auprès de la Déesse Flore ,
Sans qu'il nous en coûte un soupir.
Seul au milieu de la Nature ,
Dans les moindres objets on voit le Créateur.
De vos Jardins l'émail , de vos Prez la verdure ,
A leur couleur et leur structure ,
D'une main qui peut tout , font connoître le
trait ,
La Nature a cet avantage ;
Que nous considerions son plus petit Ouvrage ,
Plus on regarde et plus on le trouve parfait.
Il n'en est pas ainsi des hommes ,
Leur mérite de loin a tout un autre prix ,
Mais qui les voit de près , loin d'en être sur
pris ,
Trouve qu'ils sont ce que nous sommes ,
Il n'est qu'un tendre coeur né simple et ver→
tueux ,
Qui gagne à se faire connoître ,
Et sa vertu qui brille en venant à paroître ,
Prend sa lumiere dans nos yeux .
Je m'arrête , aussi - bien j'oublie ,
Que ce discours est un Portrait.
1 Vol.
Mais
DECEMBRE. 1732. 2599
Mais n'en déplaise à votre modestie ,
Je suis charmé de l'avoir fait.
Carelet.
·
EXTRAIT du Memoire de M. Pitot ;
Contenant la Description d'une Machine
pour mesurer la vitesse des Eaux conrantes
, et le chemin ou le sillage des
Vaisseaux; lû à la Rentrée publique de
l'Académie Royale des Sciences >
lendemain de la S. Martin , 12. Navembre
1732.
Mpar
le
R Pitot commence son Memoire
par quelques Refléxions sur les ravages
que causent la plupart des Fleu
ves et des Rivieres , par leurs changemens
de lit et leurs débordemens. Que
pour construire utilement des Ouvrages
capables de prévenir ces désordres , com,
me des Levées , des Digues , des Jettées ,
il est important de connoître le degré
de force ou de vitesse du courant de l'eau,
de voir l'endroit du Fleuve où le courant
est le plus rapide , et de déterminer la direction
du fil de l'eau. Il y a un grand
nombre d'autres occasions ( ajoûte M. Pitot
) où l'on a besoin de connoître la
1. Vol. D v vitesse
2600 MERCURE DE FRANCE
vitesse des eaux des Rivieres , des Aque
ducs , des Ruisseaux , des Fontaines , soit
par la mesure de la jauge des mêmes
eaux , ce qui arrive fort souvent pour des
Projets de Canaux de Navigation , soit
pour connoître la force des eaux sur les
roues de Moulin ou de toute autre Machine
muë par des courans d'eau , et connoître
leurs effets ou leur produit ; soit
enfin pour déterminer l'endroit le plus
avantageux d'une Riviere pour placer ces
mêmes Machines.
et
M. Pitor explique ensuite la Methode
dont on s'est servi jusqu'à present pour
mesurer la vitesse des eaux courantes ,
expose les inconveniens de cette Méthode
, dont les plus considerables sont de
ne pouvoir pas connoître la vitesse de
P'eau dans les endroits où il importe le
plus de la connoître , comme à l'entrée
ou à la sortie d'une Arche de Pont , &c.
La question de sçavoir si la vitesse des
eaux vers le fond des Rivieres , est plus
grande ou plus petite qu'à leurs surfaces,
est curieuse et a souvent partagé les sentimens
des Sçavans ; car suivant les loix
des Hydroliques , la vitesse des eaux vers
le fond doit être plus grande qu'à la surface
; mais d'un autre côté les frottemens
des eaux contre le fond et les bords des
1. Vol Rivieres
DECEMBRE. 1732. 2601
•
Rivieres , sont si considerables , que suivant
les Démonstrations de M. Pitot , sans
les frottemens , la vitesse des eaux des
Fleuves seroit vingt ou trente fois plus
grande qu'elle n'est réellement. Ainsi
sans les frottemens , presque toutes les
eaux courantes seroient des Torrens affreux
dont on ne tireroit aucun avantage
.
Toutes ces questions également utiles
et curieuses , peuvent être éclaircies sur
le champ avec une grande facilité , au
moyen de l'Instrument proposé par M.Pitot
; l'opération en est aussi simple que
celle de plonger un bâton dans l'eau et de
le retirer. Par cette Machine , ajoûte l'Académicien
, on mesurera la juste quan
tité de la vitesse des eaux à telle profondeur
qu'on voudra , et cela aussi aisément
qu'à leur surface. On mesurera aussi
la vitesse de l'eau à l'entrée et à la sortie
des Arches de Pont , et il sera toûjours
aisé de trouver l'endroit du courant où
elle est la plus grande.
Cette Machine est très simple , M. Pitot
la construit de deux façons ; la premiere
consiste à un Tube de verre recourbé
par un bout en entonnoir , ce Tube
est logé dans une rénure faite à une
tringle de bois , taillée en prisme trian-
I. Vol.
Dvj gulaire
2602 MERCURE DE FRANCE
gulaire. Les vitesses sont marquées en
pieds par seconde de temps , sur une
regle de cuivre qu'on peut arrêter le long
de la tringle ; à la seconde Machine , il
y a deux Tubes de verre , dont l'un n'est
pas recourbé et sert pour marquer le niveau
de l'eau. Mais pour donner une description
exacte et complette de ces Machines
, il faudroit joindre ici des figures
et entrer dans des détails que nous renvoyons
au Mémoire de l'Auteur.
Après la Description de la Machine et
des moyens de s'en servir pour les eaux
courantes , M. Pitot rapporte plusieurs
Experiences qu'il a faites sur les Ponts
de Paris , et dans plusieurs autres endroits
de la Seine , où il a pris la vitesse
des eaux , tant à leurs surfaces que dans
le fond. Un des principaux résultats de
ces Experiences est qu'en general la vitesse
des eaux va en diminuant vers le
fond , sur tout aux endroits où elle est
le plus rapide vers la surface , il se trouve
aussi dans quelques endroits des mouvemens
d'eau en tourbillon qui sont cachez,
pour ainsi-dire , dans l'interieur des eaux,
mais que la Machine fait découvrir aisé
و
ment,
M. Pitot ajoûte encore à l'usage de sa
Machine , qu'on pourra faire plusieurs
1. Vol.
autres
DECEMBRE. 1732 2003
autres Observations sur les eaux courant
tes , utiles et curieuses , pour connoître
par exemple , la vitesse moyenne du total
des eaux d'une Riviere. Pour sçavoir si
les augmentations de vitesse sont proportionnelles
aux accroissemens des eaux
ou dans quel rapport , pour voir quelle
est la relation entre les volumes d'eau et
la quantité des frottemens , & c. De - là
M. Pitot passe à la démonstration de l'effer
de la Machine , il fait voir que cet
effet n'est qu'une application très-simple
du principe ou de la loi fondamentale
des Hydrauliques et du mouvement des
eaux ; application dont vrai-semblablement
personne ne s'étoit encore avisé
elle est même très- heureuse pour avoir
de justes déterminations . Car les vitesses
des eaux sont mesurées à cette Machine
par les élevations ou ascensions de l'eau,
et par le principe , les élevations de l'eau
sont comme les quarres des vitesses , une
vitesse double donne une hauteur quadruple
; une vitesse triple donne une hauteur
neuffois plus grande ; ainsi le moindre
changement de vitesse se fait connoître
sur la Machine , par des differences
très -sensibles . Après les Démonstrations
de l'effet de la Machine , M. Pitot
donne les regles pour avoir les vitesses
1. Vol
des.
2604 MERCURE DE FRANCE
N
des eaux courantes en pieds et pouces par
seconde de temps relative aux élevations
de l'eau , et il a joint une Table de toutes
les vitesses en pieds et pouces , correspon
dantes aux élevations de l'eau de pouces
en pouces et même de ligne en ligne.
Mais l'application la plus importante
et la plus utile que M. Pitot prétend qu'on
peut tirer de cette découverte , c'est la
connoissance et la mesure du chemin ou
du sillage des Vaisseaux ; il espere que
les Officiers de Marine et les Pilotes , les
plus obstinez à ne pas recevoir des nouveautez
, seront forcez de convenir qu'on
n'a rien fait jusques à present , de plus
sûr et de plus commode pour mesurer
exactement la vitesse des Vaisseaux. Mais
il n'a point encore déterminé la meillure
façon de placer sa Machine sur le
Vaisseau , elle ne consistera qu'en deux
petits tuyaux fixes , à l'un desquels on
verra le chemin du Vaisseau en toises par
minutes et par heures , comme l'on voit
les dégrez de chaleur à un Thermometre.
Enfin , M. Fitot finit son Memoire en
rapportant quelques Experiences qui ont
rapport au Sillage des Vaisseaux , ayant
remonté la Riviere sur un petit Bateau
à la voile par un assez grand vent , et
mesuré avec sa Machine le chemin du
1
1.Vol. Bateau ;
DECEMBRE. 1732 2605
Bateau ; il assure que ces Experiences
lui ont réussi au - delà de son attente , les
mouvemens du Bateau causez par de grosses
vagues , ne causent aucuns obstacles
à l'effet de la Machine , et il est convaincu
qu'il n'y aura rien à craindre
non plus de la part des Roulis et du Tangage
des Vaisseaux , ce qui est extrémement
avantageux.
EPITRE
A M. Arouet de Voltaire , par Me de
Malcrais de la Vigne , du Croisic en
Bretagne , pour le remercier du présent
qu'il lui a fait de son Histoire de Charles
XII. de sa Henriade et du Recueil de
quelques-unes de ses Tragédies.
TEs deux Héros , Voltaire , enfin sont arrivez;
Bon jour , leur ai - je dit , couple de Rois celebres,
Conquerans dont les noms , de l'horreur des tenebres
,
Ont été par Voltaire à jamais préservez .
Vous êtes - vous bien conservez ,
Pendant la longueur du voyage ?
Auriez -vous essuyé d'un insolent orage ,
Les brusques incommoditez ?
1. Vol
2606 MERCURE DE FRANCE
Non , vos habits brillans ( a ) n'ont point été gatez.
Votre Redingote luisante ,
Faite d'une toile glissante , (b)
Des torrens pluvieux vous a très- bien gardez ;
Mais combien avez - vous suspendu mon attente !
Combien mes plaisirs retardez ,
Ont-ils fait murmurer mon ame impatiente !
Trois fois dix jours , bon Dieu ! pour venir do
Paris
Au Pays des Bretons ! votre marche est trop lente.
Où si je l'ai bien compris ,
Il faut que vous ayez pris
La route des Pirenéés ;
Autrement sans m'étonner ,
Je ne puis m'imaginer ,
Qu'à si petites journées ,
Guerrier veuille cheminer.
Cependant Charles donziéme , (6)
S'offre à mes regards contens >
Mars autant que Mars lui-même
Terrible , armé jusqu'aux dents *
Comme sil alloit se battre.
Quel air d'intrépidité ?
Il est encor tout botté.
(a) Ces Livres étoient couverts de papier marbré.
(b) Ils étoient enveloppez dans une toile cirée.
(c) Allusion à l'Estampe qui est en tête de l'Histoire
de Charles XII.
1. Vol.
Ni
DECEMBRE. 1732. 2607
Ni Charles ni , Henry quatre,
N'étoient de minces Héros ,
Enervés dans le repos ,
Qui craignent la pleuresie .
Et n'épargnent leurs Chevaux ,
Que pour épargner leur vie .
Après avoir attendu pendant un grand
mois , j'ai reçû , Monsieur , le présent
dont vous m'avez honorée. Vous avez
ajoûté à Charles XII . et à la Henriade
que vous me promettiez dans le Mercure
de Septembre , Oedipe , Mariamne
et Brutus. Cette genereuse politesse m'a
surprise agréablement , je n'avois vû jusqu'à
ce jour votre Brutus que par Extrait
; et qu'est-ce qu'un Extrait quand
la Piece est toute belle ? cela ne sert
qu'à mettre le Lecteur en appétit , j'étois
comme celle à qui l'on fait sentir une
Orange , qu'on lui ôte aussi- tôt de dessous
le nez , afin qu'il ne lui en demeure
que l'odeur. La paresse du Messager m'a
fort impatientée , et le feu Pere du Cerceau
n'a jamais murmuré davantage contre
le Messager du Mans . Vous ne sçauriez
croire combien vos Vers et votre présent
m'ont rendue glorieuse.Vedendo dono
cosigentile , non restò nel mio cuore dramma,
1. Vol che
2608 MERCURE DE FRANCE
che non fosse od amista , • fiamma. Personne
ne me vient voir que je n'en fasse
parade à ses yeux ; enfin je ne me troquerois
pas aujourd'hui pour une autre.
Que quelqu'un désormais me dise ,
Que mon Pegase va le trot ,
Que mon Phébus parle ostrogot ,
Et que mes Vers sont Marchandise
A vendre un sou marqué le lot ;
Je répondrai tout aussitôt ,
Esprit fait dans un méchant moule ,
Demandez à Voltaire , à ce fameux Auteur ,
Il sçait comment ma veine coule ,
Et si mes Vers sont sans valeur ;
Marchand d'oignon se connoît en ciboule.
Comme je prise infiniment tout ce qui
sort de votre plume , et que je serois fâchée
de perdre de vos Ouvrages , jusqu'à
la moindre ligne ; je me suis chagrinée
quand j'ai vu qu'à la fin du volume de la
Henriade , il manquoit quelques feuillets
à la vie du Tasse, de cet homme divin
avec qui vous partagez tout mon coeur .
Mais à cheval donné regarde-t - on la bride ?
Ce mot m'est échappé , Voltaire , ami , par
don ,
C'est le Proverbe qui me guide
I. Vol. A
DECEMBRE . 1732. 2609
A faire la comparaison
Qui convient mal au riche don ,
Dont en divers climats mon nom se glorifie,
Exprimons- nous donc autrement ;
Supposons que d'un Diamant
Un humain libéral un autre gratifie ,
Se persuadera-t- on qu'il fut si délicat ,
Qu'à cause d'un petit éclat ,
Dont le défaut laissât la pierre moins finie
D'accepter le présent il fit cérémonie !
Je ne me suis nullement étonnée, quand
j'ai vu par la Piéce que vous m'adressez
que tout ce qu'il y a de beau étoit du ressort
de votre esprit. Vous vous êtes , pour
ainfi dire , signalé en tous genres , Histo
rien du premier ordre , Poete excellent ,
Epique , Tragique , Comique , &c. est - il
quelqu'illustre de l'Antiquité , dont vous
dussiez envier la gloire ? que n'avez- vous
point essayé et en quoi n'avez - vous
point réussi ? j'avouerai pourtant qu'il est
une exception , mais une touchante exception
à faire à la plénitude de votre
contentement : quoi à trente - sept ans vous
Yous trouvez hors d'âge de pouvoir aimer
? vous avez donc été bien amoureux
à vingt , et comme un dépensier vous
avez mangé le fond et le revenu de bon-
I. Vol. ne
2610 MERCURE DE FRANCE
ne heure. Que la condition de certains
hommes est bizarre ! à dix -neuf et vingt
ans vous faisiez des Vers à merveille , à
trente- sept vous vous en acquittez encore
mieux. Helas ! et trente- sept ans en
amour ne représentent que l'ombre , et
le fantôme de votre premiere et douce
réalité !
Votre expérience confirme
La verité de ce qu'on lit ,
Qu'esprit est prompt , mais qne chair est infirme
,
D'ailleurs Ciceron nous a dit ,
Ce docte Ciceron , Professeur en sagesse ,
Que les plaisirs vifs et pressans
Où se laisse avec fougue emporter la jeu
nesse ,
La livrent par avance aux désirs impuissans
De la foible et triste vieillesse.
Je me trompe , Monsieur , et je dois
penser tout autrement fur votre compte.
Si vous quittez l'Amour , c'est que vous
avez découvert tout le faux de ses charmes
et penetré tout le vuide de ses
plaisirs. Votre sort bien loin d'être à
plaindre est digne d'envie , et vous n'en
êtes encore que plus estimable. Vous
avez fait les mêmes refléxions qu'Arioste
>
I.Vol.
dans
'DECEMBRE. 1732. 2611
dans la premiere Stance du chant 24 de
Roland furieux .
Chi mette il piè sù l'amorosa pania ;
Cerchi ritrarlo , è non v'inveschi l'ale ;
Che non è in somma Amor , se non insania ,
Al gindicio dè savii , universale .
C'est trop parler morale , chut , je vois
que toutes les oreilles ne s'y prêtent pas
de la même maniere . Je reviens à Charles
XII. et à la Henriade dont je ne sçaurois
me lasser de vous remercier , Je vous
assure que quoique venus les derniers ils
feront au rang principal dans ma petite
Bibliotheque , et qu'avec vos Tragédies
ce seront mes Livres favoris.
Mais comme je les ai reçus ,
D'un Tafetas changeant légerement vétus ;
J'ai craint que le froid et la brume
Venans avec l'Hiver , afreux porteur de rhume
Ne les eussent incommodez .
C'est pourquoi proprement on a pris leur me
sure ,
Puis on a mis sur eux des habits sans cou
ture ,
D'or magnifiquement bordez ,
A qui le taferas a servi de doublure .
J'accepte avec joye l'amitié que vous
I. Vəl me
2612 MERCURE DE FRANCE
me promettez à la fin de votre Lettre.
Nous nous en sommes donné des preuves
réciproques que je crois aussi sinceres de
votre part qu'elles le sont de la mienne .
Les amitiez que le hazard fait naître sont
durée que les auties.
It be honda coir à moi que la
he pan. Ji voudrois avoir
e de vous être
voys on levende votre présent ;
mais c'est là souhaitter l'impossible.
Quel ch'io vi debbo , posso di parole
Pagare in parte , è d'opera d'inchiostro
Ne che pocho vi dia da imputar sono ,
Che quanto io posso , dar , tutto vi dono .
Vous voudrez bien que les sentimens
de mon coeur suppléent au reste. Je suis
avec toute la reconnoissance , toute l'amitié
er tout le respect possible , Monsicur
, votre très humble , &c.
I. Vol. SONDECEMBRE
. 1732. 2613
XXXXX XX:X:XXXXXXX
SONNET en Bouts Rimez , proposez dans
le Mercure de France du mois de Mai
1732. à M. F ...
AMi le croirois-tu le Dieu qui nous re Boire
Du Dieu qui fait aimer m'a rendu le Butin,
Tu sçais qu'à fuïr leurs traits on perdroit son
Latin;
Quand ils sont de complot comme larron en
Foire
Sur les bords de la Marne ainsi que sur la
Loire,
Satin
Cupidon n'est au fond qu'un franc petit Lutin ,
nous paroît d'abord aussi doux que
Pour rendre notre coeur tendre comme
Mais envain d'Apollon je prendrois le
Pour en Vers bien polis critiquer ce
.
une
Poire
Rabot D
Nabot
Sur ce sujet ma Muse est pire qu'une Souche ,
Oui , Caron m'auroit vu dans son fatal
J'aurois de l'Acheron passé le noir
Bateau
Ruisseau
Avant que j'eusse pû voir l'amour d'un ceil
Pesselier de la Ferté sous Fouare.
Louche,
I.Vol. On
614 MERCURE DE FRANC
On a dû expliquer les mots de l'Eni
me et des Logogryphes du mois dernie
par le Mafque , Présages , Poulet
Sens.
ENIG ME.
nd j'ai de l'eau , ma foi , je n'en
bien du vin à mes repas ;
re devient pleine
..oissement de la Seine :
. : je ne bois que de l'eau seuleme
and elle manque absolument.
XXXXXXXXXXXXXXXXXXX)
Enfant
LOGOGRYPHE.
infortuné du meilleur sang du m
Je ne reçois le jour d'une mere féconde ,
Que pour périr bien - tôt par les mair
bourreau
Qui lui - même devient mon funeste tombe
Quand le dessein est pris , et qu'on veut
truire ,
1. Vol.
DECEMBR E. 1732 2615
Le feu , le fer , et l'eau , tout conspire à me
nuire.
Plus on a soin de moi >
peur ;
plus je dois avoir
Et ce trop heureux tems présage mon malheur.
Combinés mes cinq pieds : fraîche , sombre et
riante
Au plus fort de l'été je suis fort attrayante ;
Discrete , solitaire agrément des Jardins ,
Je suis propre à cacher les amoureux lar
cins.
On me trouve en Europe , on me trouve en
Asie ;
Je suis dans les déserts de l'ardente Libye :
Et dans ce dernier sens ma lugubre noir
ceur ,
>
A l'homme le plus ferme inspire la terreur.
Si vous changez encor mon entiere struc
ture ,
A certains animaux souvent je sers d'armure ;
A d'autres je dénote un signe de bonté.
Et si vous me donnez differente tournure,
En moi l'on trouve un vent de fort vilain augure.
Un peuple belliqueux , par Tacite vanté.
Ce qui du pâle avare augmente la torture .
Un Tribunal à Rome , aux Prélats affecté.
Enfin , à la campagne , un grain qui vous procure
2.
I.Vol. E Ainsi
2616 MERCURE DE FRANCE
Ainsi qu'aux animaux une ample nourri
ture.
T
AUTRE.
A M. l'Abbé R.....
Oi qui bois à longs traits de l'eau de l'Hypocrêne
›
Et qui prens tes plaisirs dans le sacré vallon ,
Tu penses que ma verve ait droit sur la Fon
taine ?
Non , cela n'appartient qu'aux amis d'Apollon
, .
Mais puisqu'un aini le désire ,
Tâchons d'aranger quelques Vers ;
De tout ceci je crains le pire ,
C'eft qu'ils ne soient tous de travers .
N'importe , me dis - tu , je veux des Logogri
phes ,
Je conte qui plus est d'abord les deviner :
J'y consens en voici. Je n'ai que quatre prises
,
Et j'habite un pays très - facile à trouver.
Oui , sans te donner la torture ,
Renverse- moi ; sans rien changer ,
Un not latin fait ma structure ,
Et le sens qu'on y peut
donner.
Dans mon premier état si-tôt qu'on me xeplace
,
Je fais plaisir aux uns , aux autres je déplais ;
I. Vol. Pourvû
DECEMBRE 1732. 2617
Pourvû que de mon nom la derniere on efface
;
Observés que ce mot n'est pas grec mais françois.
De plus le milieu de moi- même ,
Mis à ma fin , en combinant ,
T'apprend dans un péril extrême
Ate sauver d'un élément.
Allons courage , allons i vîtes , mettés mon
>
quatre
D'abord après mon chef , j'habite dans les
cieux.
Otés la penultiéme , alors sans rien rabatre "
Mon chant est ridicule et des moins gracieux.
Enfin j'ai tenu ma parole ;
Tu tiens le mot , j'en suis certain :
Cher ami , j'ai joüé mon rôle ;
J'en promets un autre demain.
L'Abbé D. L. M. de Montargis.
AUTRE.
E ne crains ni chaleur , ni le
JⓇ
glace ,
vent , ni la
Lecteur, en ton jardin peut -être j'ai ma place ;
Mon nom est des plus courts , qu'à rebours je sois
pris.
Je suis un mot burlesque, un terme de mépris.
1. Vol. Eij AV
2618 MERCURE DE FRANCE
D
AUTRE.
Ans mon envers je suis en certains lieux
festé ;
Dans mon endroit , je suis Fête féconde ;
A mon pied près , je suis un Ancien fort
vanté ,
Dans cet état mon coeur ôté ,
Je suis nouveau né dans le monde.
XXXXX: XX :XXX XXXXX ***
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS , &c.
M
EMOIRES pour servir à l'Histoire
des Hommes Illustres dans la République
des Lettres , & c. T. XVII . de 408 .
pages , sans les Tables. A Paris , chez
Briasson , rue S. Jacques , à la Science ,
M. DCC. XXXII.
Voici les noms des Sçavans dont il est
fait mention dans le xvI . Volume des
Mémoires du R. P. Niceron , qui continuent
d'être bien reçûs du Public.
Henri Corneille Agrippa. Pierre Ayrault.
Guillaume Barclay. Jean Barclay.
Gaspard Bauhin . Jean Bankine Jordanus
1. vol. Brit
DECEMBRE . 1732 2619
Brunus. Jean Chapeauville . Hilarion de
Coste. André Dudith. Charles Riviere Dufreny.
Jacques Philippe Foresta . Jerôme Fracastor.
Conrad Gesner. DenisGodefroy l'Historien.
Jacques Godefroy . Theodore Godefroy.
François Guichardin . Louis Guichar
din. Jean Henri Heidedger. J. Gentien
Hervet. Christophe de Longüeil. Gilbert
de Longueil. Charles Paschal. Claude Pocquet
Delivonniere. Modesta Pozzo. Ericius
Puteanus. Jean Savaron. Jacques Sirmond.
Luc Tozzi.
Nous insererons ici , selon notre coûtume
, l'un des articles de ces Mémoires ,
& nous croyons faire plaisir à nos Lectcurs
, de choisir par préférence celui qui
regarde le sçavant Pere Sirmond.
Jacques Sirmond nâquit le 12 Octobre
1559. à Riom en Auvergne , de Jean
Sirmond , Magistrat de cette Ville , et
d'Amable Barrier. Lorsqu'il eut 10 ans ,
ses parens l'envoyerent à Billon , Ville de
la basse Auvergne , pour y étudier dans
le College des Jésuites , qui est le premier
qu'ils ayent eu en France.
Après qu'il eut fait ses Humanitez , il
entra dans leur Compagnie le 26 Juillet
1576. et en reçût l'Habit le 21 Août suivant
dans sa 17 année. Il commença son
Noviciat à Verdun , dont il acheva les
1. Vol. E iij deux
2620 MERCURE DE FRANCE
deux années à Pont-à-mousson , où il fit
ses voeux.
Il étudia ensuite en Philosophie , après
quoi sesSuperieurs connoissant ses talens ,
le firent venir à Paris , où il professa deux
ans les Humanitez , et trois ans la Rhetorique.
Il eut alors l'honneur d'avoir
pour Disciples Charles de Valois , Duc
d'Angoulême , Fils naturel de Charles IX.
et S. François de Sales.
Ce fut pendant ce peu de tems qu'il
acquit une parfaite connoissance des Lan
gues Latine et Grecque , et qu'il se forma
ce beau stile ; qui joint à la solidité
de son jugement , et à la justesse de ses
pensées , a fait estimer tout ce qui est
sorti de sa plume. M. Cousin nous apprend
dans le Journal des Sçavans , qu'il
avoit pris Muret pour son modele , et
qu'il ne laissoit passer aucun jour sans en
lire quelques pages..
En 1986. il commença son Cours de
Theologie , qui dura quatre ans , pendant
lesquels il eut pour compagnon d'études
le célébre Fronton du Duc. Il ne
se contenta pas d'une Scholastique séche
et décharnée , telle qu'on l'enseignoit
alors , il lût avec soin les Saints Peres et
les Auteurs Ecclesiastiques , et entreprit
même dès lors de traduire en Latin quel-
I. Vol. ques
DECEMBRE . 1732 2621
ques Ouvrages des Peres Grecs , et de
composer des Remarques sur Sidonius .
›
A peine fut-il sorti de Theologie , que
le P. Claude Aquaviva , General de sa
Compagnie , l'appella en 1590. à Rome ,
pour être son Secretaire , et il s'acquitta
pendant plus de seize ans de cet emploi
avec un succès qui répondit parfaitement
aux espérances qu'on avoit conçuës de
lui.
Ses heures de loisir étoientemployées à
l'étude de l'Antiquité : il visitoit les Bibliotheques
, et en consultoit les Manuscrits
, il s'appliquoit aussi à l'étude des
Antiques , des Médailles et des Inscriptions
; et les Italiens , quoique jaloux de
la gloire de leur Nation , ne se faisoient
point une honte de le consulter fur ces
sortes de matieres , persuadeź que ses connoissances
pouvoient suppléer aux lumie
res qui leur minquoient.
Le P. Sirmond pendant fón séjour en
Italie , lia un commerce d'amitié avec
les Sçavans les plus illustres , qui y vivoient
alors , & particulierement avec
Bellarmin et Tolet , qui étoient de sa Societé
et avec les Cardinaux Baronius , d'Ossal
et du Perron . Le Cardinal Baronius
tira même de lui de grands fecours pour
ses Annales Ecclesiastiques , principale
ر
ment
1. Vol. E iiij.
2622 MERCURE DE FRANCE
ment par rapport à l'Histoire Grecque
sur laquelle il lui fournit un grand nombre
de Piéces traduites de Greç en Latin.
Il revint à Paris en 1608. et depuis
ce temps-là il ne cessa point d'enrichir
le Public de nouveaux Ouvrages . Il demeura
d'abord environ quatre ans dans
la Maison Professe , d'où il passa sur la
fin de 1612. au College , où il devoit être
plus commodément pour travailler à la
collection des Conciles de France , qu'il
avoit entreprise , et cinq ans après il en
fut fait Recteur.
Le Pape Urbain VIII . qui connoissoit
depuis long-temps son mérite , voulut
l'attirer de nouveau à Rome , et fit écrire
pour cela en France par le P. Vitelleschi ,
qui étoit alors General de la Compagnie ;
mais Louis XIII . ne voulut pas souffrir
qu'on lui ravit un Homme qui faisoit tant
d'honneur à son Royaume , et qui pouvoit
lui rendre de grands services.
Sur la fin du mois de Décembre de l'an
1637. il fut choisi pour être Confesseur
du Roi à la place du P. Caussin . Il eut de
la peine à accepter un poste si délicat ;
quelques-uns même de ses amis , qui ne
songeoient qu'au tems qu'il leur alloit
dérober , jugeoient qu'il lui convenoit
moins qu'à un autres mais enfin obligé
1. Vol. de
DECEMBRE. 1732. 2623
de se soumettre au choix qui avoit été
fait de lui , il se conduisit à la Cour avec
tant de précautions et de prudence , qu'il
n'y donna jamais à personne le moindre
sujet de plainte. Renfermé dans les bornes
de son Ministere , il ne s'y mêla d'aucune
affaire temporelle , et témoigna un
désinteressement si parfait , qu'il n'avança
aucun de ses parens , et ne demanda
qu'un petit Benefice pour M. de la Lande,
son Neveu , auquel même il fut contesté.
Après la mort de Louis XIII. arrivée le
14 Mai 1643. il quitta la Cour , et reprit
ses occupations ordinaires avec la même
tranquillité , que , que s'il ne fut jamais sorti
de sa Retraite.
En 1645. il voulut bien , malgré son
grand âge , aller encore à Rome en qualité
de Député des Jésuites de France
pour y assister à l'élection d'un General
à la place du P. Vitelleschi , comme il
avoit fait trente ans auparavant , après
la mort du Pere Aquaviva , son prédécesseur.
De retour en France , il donna encore
quelques Ouvrages au Public , et il se préparoit
à en mettre d'autres sous la
presse ,
lorsqu'au retour d'une Assemblée tenue
à la Maison Professe , où il s'étoit un peu
I. Vol.
Ev échauffé
2624 MERCURE DE FRANCE
échauffé, en soûtenant son avis , il fut attaqué
d'une maladie , qui peu de jour
après se trouva accompagnée d'un débordement
de bile par tout le corps. Il en
mourut le 7. Octobre 1651. âgé de 92 .
ans.
» Il avoit sçu joindre une grande dé-
» licatesse d'esprit et un discernemen
» très-juste , avec une profonde érudi-
» tion. Il sçavoit en perfection le Grec , le
» Latin , les Auteurs Profanes , l'Histoi-
» re et , tout ce qui s'appelle Belles- Lettres.
Il avoit une connoissance fort
» étendue de l'Antiquité Ecclesiastique ,
» et avoit étudié avec soin les Auteurs du
» moyen âge. Son stile est pur , concis et
» serré. Il affecte néanmoins trop , de se
servir de certains mots des Poëtes
» Comiques. Il méditoit beaucoup sur ce
» qu'il écrivoit , et avoit un art tout par-
» ticulier de le réduire en une Note qui
>> comprenoit bien des choses en peu de
mots , sans être chargée de rien d'inutile
ou d'étranger. Il est éxact , judicieux
, simple , et cependant n'omet
» rien de ce qui est nécessaire. Ses Disser-
» tations ont passé pour un modele sur
» lequel il seroit à souhaitter qu'on se
» format. Quand il traitoit une matiere
» il ne disoit jamais d'abord tout ce qu'il
I. Vol.
sçaDECEMBRE.
1732. 2625
» sçavoit , et se réservoit toujours de nou-
» veaux argumens pour la réplique , com-
» me des troupes auxiliaires , pour venir
au secours du corps de bataille . Il étoit
» désinteressé , équitable , moderé , sin-
» cere , modeste , laborieux , et cepen-
» dant familier , conversant agréablement
» avec ses amis , et appliqué à ses devoirs .
Il s'étoit attiré par son érudition et par
>> ses manieres , l'estime non seulement
» des Sçavans , mais encore de tous les
» honnêtes gens. Il a laissé après lui une
» réputation qui durera pendant plusieurs
siécles. C'est le jugement que M. Dupin
porte de cet Auteur.
Suit le Catalogue raisonné des Ouvrages
du P. Sirmond , qu'on ne sçauroit lire
sans admiration et sans profit. D'un côté ,
le fonds des matieres , et de l'autre l'arrangement
et les Remarques de l'Editeur
ont de quoi satisfaire les Lecteurs intelli
gens . Nous sommes fâchez de ne pouvoir
rapporter ce Catalogue à cause de sa prolixité
. Il contient 55 Articles bien remplis.
Les Antiquaires doivent s'interesser
aux Art. 43. 44. et 45 .
"
RE'FONSE de M. Dulys , Docteur en
Médecine à B ... à la Lettre de M. Dubois
ancien Prévôt et Garde des Maîtres Chi-
- I. Vol. E-vj
fur2626
MERCURE DE FRANCE
rurgiens de Paris , à l'occasion des Mala
dies Chroniques , où on prouve d'une
maniere incontestable la Cure des Maladies
Veneriennes les plus inveterées , sans
distraire les Malades de leurs affaires ; et
celle des Tumeurs froides , sans l'usage
du fer et du feu . A Paris , au Palais
chez Paulus du Mesnil , 1732. brochure
in- 12.
" LES CENT NOUVELLES NOUVELLES de
Madame de Gomez. A Paris , chez la
veuve Guillaume , au bout de la ruë Danphine
, du côté du Pont- Neuf, 1732. in- 12
'de 178 pages.
,
Les Ouvrages que l'Auteur a déja donnez
dans ce genre , réimprimez plusieurs
fois , assûrent un pareil succès à celui- ci ,
qui contient trois Nouvelles : sçavoir , le
Voleur amoureux l'Amour plus fort que la
Nature , et la Fausse Prude. Le Libraire
avertit qu'il donnera un pareil Volume
tous les mois , qui contiendra aussi trois
Nouvelles , et ainsi de suite jusqu'à ce que
le nombre de cent soit rempli. Ces Nouvelles
au reste sont bien écrites , et roulent
sur des matieres divertissantes , tendres
, galantes , comiques , &c.
APPLICATION DE L'ALGEBRE à la Géomé
I.Vol trie
DECEMBRE. 1732 2627
trie , ou Méthode de démontrer par l'Algébre
les Theoremes de Géométrie , et
d'en résoudre et construire tous les Problêmes.
On y a joint une introduction ,
qui contient les réglés du calcul algébrique.
Par feu M. Guinée , de l'Académie
Royale des Sciences , Professeur Royal.
de Mathématique et ancien Ingenieur
ordinaire du Roi . Seconde Edition , revue
, corrigée et considerablement augmentée
par l'Auteur . Chez Quillau , ruë
Galande ; 1733.
"
TRAITE'DE L'ESPERANCE CHRETIENNE ,
contre l'esprit de pusillanimité et de défiance
et contre la crainte excessive . A
Paris , chez Lotin , rue S. Jacques , 1732.
in-12 de 439. pag.
,
'L'ART d'élever les jeunes Princes dès
le berceau , selon les principes de la Physique
, de la Morale , de la Politique et
de la Religion . Par M. de Vallange. A
Paris , chez Gandouin , ruë Git - le - coeur
Prault , Quai de Gêvres ; Lamesle , ruë
de la vieille Bouclerie , et Mesnier au
Palais , 1732. broch. in- 12 . de 96 pag.
BIBLIOTHEQUE GERMANIQUE , ou Histoire
Litteraire d'Allemagne , de Suisse et
I- Vol.
des
2628 MERCURE DE FRANCE
des Pays du Nord , année 1730. Tome ?
19 et 20. A Amsterdam , chez P. Humbert
, 1730. in- 12 de plus de 550 pages .
sans les Tables.
Le deuxième article de ce Volume regarde
les Mémoires de la Societé Royale des
Sciences de Berlin . Troisième . vol. in- 4
1727. avec fig .
Page 38. Il n'y a point de Ville en Allemagne
, ni guére ailleurs , où l'on puis
se faire plus d'Observations Anatomiques
que dans le Théatre de l'Académie de
Berlin. Chaque année on y disséque jusqu'à
soixante cadavres humains , sous la
démonstration de M. Buddéus , Docteur
en Médecine , Professeur en Anatomie
et Directeur de la Classe de Physique et
de Médecine .
>
Pag. 39. Une femme âgée d'environ 20
ans , étant devenue furieuse , fut enfermée
dans une prison , où elle mourut l'an
1726 ; étant ouverte , on remarqua dans
le cerveau quelques singularitez qu'on
ne jugea pas avoir causé la manie , non
plus que celles de la poitrine : mais l'ouverture
du bas- ventre étonna. Outre que
les intestins pliés et entortillés , n'étoient
point dans leur place naturelle , l'ovaire
droit étoit aussi gros qu'un oeuf de poule
; pesoit un once , et au-dedans étoit
1. Vol.
plein
DECEMBRE. 1732. 2629
plein d'une touffe de poils , long de deux
pouces , crépus vers le milieu , et environnés
d'une matiere semblable à du suif
mais séparée en petits grains. Ces poils ,
brulés à la chandelle , rendoient une mauvaise
odeur comme les autres poils , ou
les ongles.
Page 40. M. Trisch , fait part au Public
d'un secret qu'il a appris de M. de Hune-
Ken , Seigneur de Carpzow , et dont il a
lui- même vû les épreuves . Lorsque le
tronc des arbres à quelque chose qui choque
les yeux , ou fait soupçonner quelque
maladie , lorsque l'écorce d'un pomier
ou d'un poirier est trop raboteuse ;
lorsque la résine coule d'un cerisier , ou
qu'ils'y forme de gros boutons , &c. pour
les rendre plus beaux , et en même tems
plus fertiles , il faut leur ôter entierement
toute l'écorce , depuis l'espece de couronne
que forment les premieres branches
jusqu'à terre : ensorte que le bois blanc
de l'arbre soit égal et bien uni. Le tems
le plus propre est le Solstice d'Eté , ou
quand le suc de l'arbre coule plus abondamment
, et il est aisé de le rendre égal
par tout , avec une plume d'oye . Mais
autant qu'on le peut , il faut le deffendre
contre la trop grande ardeur des rayons
du Soleil , ou contre le sable que le vent
I. Vol.
Y
2630 MERCURE DE FRANCE
y peut pousser : soit en étendant des linges
, ou en plantant des roseaux , ou de
quelqu'autre maniere .
Page 46. Mémoire de M. Scheuchzer ,
Docteur en Médecine , et Professeur en
Mathématique à Zurich , &c. L'hyver le
plus doux qu'on eut vû en Suisse depuis
long- tems , fut suivi d'une Eclipse totale
du Soleil , qui arriva le 22 Mai au soir
1724. et d'une inondation furieuse qui
survint deux jours après , avec des Ton- .
neres extraordinaires. Pendant le fort de
l'Eclipse , on vit autour du Soleil un anneau
, ou une couronne lumineuse , deux
fois plus large et plus claire que celle
qu'on remarqua durant l'Eclipse totale de
Pan 176. et que les Astronomes attribuerent
à l'Atmosphere de la Lune. M.
Scheuchzer étoit alors à Kusnac , où le
Soleil se coucha entierement éclipsé : mais
quand il fut sous l'horizon , la clarté
revint , et les ténébres furent dissipées.
L'inondation fit de grands ravages à
l'Eglise et aux environs. Durant la tempête,
le Tonnerre brûla le drap d'un Tailleur
qui travailloit dans son poele , déchira
l'habit qui lui couvroit la poitrine ;
lui arracha un soulier et le blessa en plusieurs
endroits : les fenêtres furent détrui-
I. Vol.
tes
DECEMBR E. 4 2631 1732.
tes , sans que le plomb fut endommagé ;
ailleurs le plomb fut fondu , le verre demeurant
entier en d'autres , les seules
verges de fer furent fsappées : il y eut un
Poele , dont toutes les fenêtres furent jettées
sur le pavé , &c.
,
Page 48. Au mois d'Octobre mourut
un homme , qui un an auparavant avoit
perdu tout d'un coup les cheveux et la
barbe. Au bout d'un tems les cheveux
étoient revenus blancs , déliés comme de
la soye , et crépus comme la laine de
brebis : mais trois semaines avant sa mort ,
ils reprirent leur couleur naturelle. En ce
tems là vivoit un autre homme à qui la
moitié de la barbe devint blanche après
avoir été touchée par une femme , qui à
cause de cela fut cruë sorciere : mais appliquée
à la question , elle ne confessa
rien .
On trouve à la page 18 3. à l'article des
nouvelles de Schwabach , l'extrait d'une
Lettre de M. Baratier , au sujet des progrès
de son fils , cet Enfant précoce , dont
il a été parlé dans le 17. de cette Bibliotheque
, et dont nous avons aussi déja
parlé plusieurs fois nous mêmes. Voici
l'Extrait de cette Lettre .
Par la Grace de Dieu , la santé de mon
fils s'est bien fortifiée depuis deux ans ,
I. Vol. et
2632 MERCURE DE FRANCE
et il continue à faire des progrès dans ses
Etudes , proportionnés à ceux qu'il a fait
ci- devant. Je n'entreprendrai pas de vous
en faire le récit , le tems ne me le permettant
pas. Je dirai seulement en gros
que sa principale étude jusqu'à présent , a
été la Langue Hébraïque , dans laquelle
il a fait de tels progrès , qu'on peut dire
qu'il l'a presque épuisée ; je veux dire
qu'il se trouvera très - peu de mots ou de
passages , si rares ou si obscurs et énigmatiques
qu'ils soyent , dont il ne puisse
rendre raison , dans tout le Canon He
breu ou Chaldaïque de l'Ecriture Sainte.
Il sçait par coeur en Hebreu tous les Pseaumes
, les Proverbes et le Livre de Job ;
outre le Recueil des Passages des autres
Livres de l'Ecriture - Sainte , tant Chaldaïques
qu'Hebreux , dans les Biblia par
va Henr. Optii. Il a écrit pour la seconde
fois un Dictionnaire Hebreu , où il a recüeilli
tous les mots , ou rares , ou diffi
ciles , ou équivoques , qui se trouvent
dans l'Original de la Bible , où il allégue
en même tems les Passages où ils se trouvent
, sur lesquels il exerce sa petite critique.
Il a copié le Livre dont je viens de
faire mention , en Hebreu , avec une Version
de sa façon des Biblia parva. La
Critique et la Philologie Sacrée ont fait
I. Vol.
penDECEMBRE.
1732. 2633
pendant quelque-tems ses délices. Outre
la Synopse de Polus qu'il consulte souvent
, il a parcouru divers bons Auteurs
en ce genre d'Etude , tels que Buxtorfii
Synagoga , Hottingeri Thesaurus Phylologicus
, Carpzovii critica " Sacra , Leusden
Glassins , Bochart , Lightfoot , &c. qu'il
n'a pas lûs à la verité tout entiers , surtout
ces trois derniers , mais dont il a par
couru les Ouvrages à ses heures de récréation
, en s'arrêtant aux endroits qui
lui plaisoient. Présentement il se divertit
à l'Histoire et à la Géographie , tant ancienne
que moderne la lecture de la Geographie
de Bochart lui a fait naître le
goût de cette Science , que je lui laisse
cultiver tout seul , comme il pourra , sans
m'en mêler. Il est d'une avidité extrême
et d'une curiosité insatiable pour toutes
sortes de Langues et de Sciences . Les idées"
qu'il en puise dans les diverses lectures
qu'il fait , irritent de telle sorte sa curiosité
, qu'il voudroit tout d'un coup embrasser
l'Encyclopedie des Sciences . Mais
comme cela le distrait trop des Etudes
qui conviennent à son âge , et l'occupe
roit trop prématurement , je suis obligé
de reprimer cette avidité , et de lui défendre
sous peine des verges , de lire aucun
Livre sans ma permission . Châtiment
I.Vol. qu'il
2634 MERCURE DE FRANCE
qu'il n'a pourtant encore jamais éprouvé ,
depuis cette fois , dont j'ai fait mention
dans mon Traité. Il possede de telle sorte
les Racines Hebraïques , ou Chaldaïques
, de l'Ecriture Sainte , qu'il peut
dire
ce que telle Racine signifie , en Arabe ,
en Ethiopien , en Syriaque , ou faire l'application
de ces diverses significations
dans les passages où ces mots se rencontrent
, pour leur donner diverses interprétations
, ou pour juger des differentes
Versions ; en quoi il fait paroître un jugement
et une étudition qui le feroient
souffrir dans une Conference , ou dans
une conversation de Sçavans avec lesquels
aussi il prend beaucoup de plaisir
de converser.
Page 186. M. J. Seb. Stedler , Professeur
de Mathématique , &c. a observé
sur le grand hyver qu'il y a eu à la fin
de 1728. et au commencement de 1729.
que près des maisons , et même dans des
endroits sabloneux , la terre a été gelée
jusqu'à quinze pouces de profondeur , et
que le froid a été de trois degrez plus
violent qu'en 1709.
ALMANACH ASTRONOMIQUE, Géographique,
Historique, Moral, General , Partic
lier; ( et qui plus est ) veritable, pour
I. Vol.
DECEMBR E. 1732. 2635
1733. dans lequel on trouvera des prédictions
infaillibles pour chaque Saison
et pour chaque mois. Ouvrage curieux et
solide , malgré son titre , avec 12 Couplets
de Centuries chantantes de Me Michel
Nostradamus. Par M. Constantin
Pleurlurault .
Dic quibus in terris et eris mihi magnus Apollo ,
Tres pateat cali spatium non amplius ulnas.
A Paris , chez Antoine de Heuqueville ;
rue Gist-le- coeur , et Louis de Heuqueville ,
Quai des Augustins 1733 .
Le Calendrier Ceremonial , pour l'an
de Grace 1733. où l'on trouvera jour
par jour les singularitez qui arrivent annuellement
à Paris , ou aux environs , sc
vend à Paris chez Antoine de Huqueville ,
pere , rue Gist- le-Coeur , à la Paix; et chez
Louis- Antoine de Huqueville fils , Quai
des Augustins , au dessus de la ruë Pavée
, à la Bonne- Foi.
On vend avec succès chez Gissey , ruë
de la vieille Bouclerie , au bas du Pont
S. Michel , la nouvelle édition du Calendrier
Chronologique et Historique , & c. pour
l'année prochaine 1733. dédié comme
I. Vol.
les
2636 MERCURE DE FRANCE
les huit années précedentes à M. le Duc
d'Orleans.
Ce petit Journal merite quelque préference
par l'exactitude de la Chronologie
, l'ordre et la méthode qu'il renferme,
l'importance et l'étendue des sujets qu'il
traite , et l'agréable varieté qui y régne.
On y trouve sur l'Histoire une nouvelle
suite de chaque année , et un Journal
particulier pour 1732. Les Epoques les
plus nécessaires à sçavoir pour établir
dans la mémoire de la Jeunesse l'ordre
successif des Tems et des faits , et pour
remettre sur la voye ceux qui ont beaucoup
lû. D'ailleurs la disposition et l'arrangement
des Naissances , accompagnées
d'Epoques et de Remarques curieuses
concourent encore à la même utilité , et
le mêlange toujours nouveau des autres
matieres sérieuses et badines , forme un
Recueil utile et convenable à toutes sortes
de personnes , indépendamment de
l'usage general du Calendrier qui est au
commencement .
Ceux qui jusqu'à présent ont bien voulu
concourir de leurs mémoires et instructions
annuelles pour l'ornement de
cet Ouvrage sont priés de les continuer à
l'adresse ordinaire de l'Imprimeur.
-W
l'Ab❤ I. Vol
DECEMBRE. 1732. 2637
L'AbbéPithon Ciort, qui travaille depuis
long- tens à un Nobiliaire du Comté Venaissin,
de la Ville d'Avignon et de la Principauté
d'Orange , avertit les Maisons et
Familles interessées , que l'Ouvrage est
fort avancé. Ceux qui voudront lui fournir
des preuves , sont priez de les lui envoyer
en bonne forme et port franc , à
l'adresse du sieur Bonvalet , Marchand
Epicier , rue du Bacq , Faubourg S. Gera
main, à Paris. L'Ouvrage sera des plus accomplis
en ce genre.
LE
Ouverture du College Royal.
Es Professeurs du College Royal de France ,
fondé à Paris par le Roi FRANÇOIS I. ke
Pere et le Restaurateur des Lettres , reprirent
leurs Exercices et commencerent leur année Académique
le Lundi 17 Novembre. Voici les noms
des Sçavans qui remplissent actuellement les
Chaires de ce fameux College sous l'inspection
de M. Antoine Lancelot , de l'Académie Royale
des Inscriptions et Belles-Lettres , Censeur Royal
des Livres.
Pour la Langue Hébraïque.
Mrs Sallier et Henri .
Pour la Langue Grecque
Mrs Capperonier , et N...
I. Vol. Pour
1838 MERCURE DE FRANCE
Pour les
Mathematiques.
Mrs Chevalier et de Lisle.
Pour la Philosophie.
Mrs Terrasson et Privat de Molieres.
Pour l'Eloquence Latine.
Mrs Rollin et N....
Pour la Médecine , la Chirurgie , la Phar
macie , et la Botanique .
Mrs Andry , Burette , Astruc , et Dubois.
Pour la Langue Arabe.
Mrs de Fiennes , Secretaire , Interpréte ordimaire
du Roi , et Fourmont.
Pour le Droit Canon .
Mrs Capon et le Merre,
Pour la Langue Syriaque.
M. l'Abbé Fourmont.
I. Ve. PRIX
DECEMBRE. 1732 2639
PRIX de la Societé des Arts.
On Altesse Serenissime Monseigneur LE COMTE
DI CLERMONT , Protecteur de la SOCIETE
DES ARTS , ayant bien voulu accorder des fonds
à cette Compagnie pour qu'elle distribuë deux
Prix tous les ans , chaque Prix sera une Médaille
d'or de 300. liv. et toutes personnes , excepté les
Associez qui doivent être Juges , pourront aspirer
à ces Prix. Les deux prémiers se distribueront
à l'Assemblée publique d'après la S. Martin de
l'année 1733
Comme la Societé se fait une loi de ne choisir
pour les sujets des Prix que des questions qui
ayent rapport aux Arts , et que la solution des
problêmes de cette nature dépend souvent moins
de la simple théorie , que d'une longue suite d'experiences
, elle proposera chaque année un plus
grand nombre de questions qu'elle n'aura de Prix
donner l'année suivante ; par ce moyen plus
d'Auteurs seront excitez à travailler : ceux qui
s'attacheront aux matieres , sur lesquelles il n'appartient
qu'à l'experience de donner des décisions,
auront tout le temps nécessaire pour la consulter;
et la Societé recevra des éclaircissemens dont elle
seroit privée, si elle exigeoit qu'on les lui donnât
dans un terme prescrit. Elle propose donc cette
année cinq Sujets , et elle en proposera chacune
des années suivantes autant de nouveaux qu'elle
aura distribué de Prix dans l'année.
Sur la Charruë.
Il n'est pas douteux que les diverses qualitez
des terres , la differente disposition de leurs plans,
et les diverses especes d'animaux qu'on est obligé
I. Vol. F d'em
2640 MERCURE DE FRAN
d'employer pour le labourage , n'exigent de
ferences dans la forme , les proportions ,
nombre des pieces dont les Charrues sont
posées. Cependant les Ouvrieis qui les con
sent , suivent plutôt une pratique aveugle €
cun principe certain , et les Laboureurs re
trent par là plusieurs difficultez , qui peu
seroient aisées à vaincre , si les uns et les
connoissoient mieux les raisons de suivre
rens usages selon les lieux differens. On de
quelle est la meilleure construction de Cha
tant par rapport aux diverses qualitez des t
que par rapport à la differente disposition de
lans.
Sur le Moulin.
Plusieurs personnes habiles se sont appl
avec succès à perfectionner cette Machin
Moulin à vent semble même être porté à s
grande perfection. Il n'en est pas ainsi des
lins à eau , on peut les rendre plus parfaits
ne sont , à plusieurs égards , sur - tout en
minant plus précisément de quelle mani
doivent être construits ; une certaine q
d'eau soutenue à telle hauteur qu'on voudi
poser étant donnée , la Societé desireroit
ajoûtât à une Machine si utile quelque n
perfection , et elle exhorte les personnes q
vailleront sur cette matiere à chercher pri
lement les moyens de tirer des differen
d'eau le meilleur parti qu'il est possible.
Sur les Semences.
Les Livres d'Agriculture sont remplis
verses recettes de préparations destinées à
der les Semences , et souvent en rejettant t
I. Vol.
ge
DECEMBRE . 1732. 2645
gerement tout ce qui porte l'air de secret , il peut
arriver qu'on se prive de quelque pratique utile,
L'un des Prix est réservé à l'Auteur du Mémoire,
dans lequel ces differentes préparations employées
pour féconder les Semences , seront discutées de
la maniere la plus satisfaisante.
Sur le Mercure.
Tous les Artisans qui employent du vif-argent
dans leurs ouvrages , éprouvent ordinairement des
coliques violentes , des tremblemens , des paralysies
, et d'autres maladies. Les Doreurs en or
moulu , ou amalgamé avec le Mercure sont particulierement
exposez à ces accidens. On propose
un Prix à l'Auteur du Mémoire , qui contiendra
quelque nouveau moyen de les prévenir ou de les
diminuer , soit par la préparation du vif- argent,
soit par la maniere de l'employer , ou par quelque
préservatif.
Sur le Ressort du Balancier des Montres.
C'est un accident ordinaire aux Métaux que
de se dilater dans la chaleur , et de se contracter
dans le froid . Par cette raison le Ressort que l'on
met au Balancier des Montres , et qui doit concourir
à la justesse , y devient nuisible. La Societé
demande si l'on ne pourroit pas , soit par le
choix de la matière , soit par la maniere de la
travailler , soit enfin par la forme donnée au
Ressort , ou par quelques autres moyens , rendre
ces Ressorts moins susceptibles des impressions
de l'air , ou du moins rendre les variations de ce
Ressort moins contraires à la régularité des
Montres.
Quoique la Societé destine principalement ses
Prix aux Auteurs qui travailleront sur les Sujets
I. Vol.
Fij qu'elle
1642 MERCURE DE FRANCE
1
qu'elle aura proposez , cependant lorsqu'on lui
présentera quelques ouvrages qui seront sur d'au
tres matieres , mais qui contiendront quelques
découvertes d'une utilité considerable pour les
Arts , les Auteurs de ces Ouvrages pourront prétendre
aux Prix : elle ne donnera la préference
aux Memoires sur les questions proposées que
dans le cas où les autres ne leur seroient superieurs
à nul égard.
Lorsque le nombre des Ouvrages dignes des
Prix , excedera celui des Prix , les deux Médailles
de l'année , seront données aux deux Auteurs qui
auront le mieux réussi , ou si tous ont réussi
également , à ceux qui auront choisi les sujets
dont l'utilité sera le plus generalement reconnue,
Les autres concourront de nouveau l'année suivante,
Si quelque Auteur ayant choisi un Sujet est
prévenu par un autre , et qu'on adjuge le Prix
au second avant que le premier ait envoyé son
Memoire , celui -cy ne perdra point l'espoir d'obtenir
un Prix , pourvû qu'il propose des vûës
nouvelles et superieures à celles que l'autre aura
données .
Les personnes qui voudront concourir pour
le Prix que la Societé doit donner dans son Assemblée
publique d'après la S. Martin de l'année
1733. seront tenues d'envoyer leurs Ouvrages'
dans le cours du mois de Juin , les Etrangers
même ceux qui sont Membres de la Compagnie,
ayant droit aux Prix on avertit les Sçavans qui
voudront travailler , d'écrire ou de faire traduire
en François ou en Latin , les Memoires qu'ils
envoyeront.
2
Une des conditions pour que les . Ouvrages con→
Spurent , c'est que les Auteurs ne se fassent pas
I. Vols connoître
DECEMBRE. 1732: 2643
connoître avant que le Prix soit adjugé ; on re
commande à chacun d'eux de mettre à la fin de
son Memoire une maxime ou quelque passage
d'un Ecrivain. Ceux qui seront à Paris , ou qui
auront dans cette Ville quelqu'un de confiance
pourront envoyer leurs Ouvrages à la Société
tous les jours qu'elle s'assemble . Elle tient ses
Séances chez S. A. S. M. LE COMTE DE CLERMONT
, au Palais du petit Luxembourg , le Dimanche
et le Jeudi de chaque Semaine , depuis
quatre heures du soir jusqu'à six . Le Secretaire
marquera sur les Registres de la Compagnie la
date de la reception de chaque Memoire , la maxime
jointe au Memoire et les mots par lesquels
il commencera ; et l'on délivrera au Porteur un
Extrait des Registres . Ceux qui ne seront pas
à portée de se servir de la voye que nous venons
d'indiquer , pourront prendre celle de la Poste .
M. LE COMTE DE CLERMONT permet qu'on
adresse en son Palais , à Paris , tous les Paquets
destinez à la Societé. Les Paquets envoyez de la
sorte doivent avoir pour suscription : A Messieurs
de la Societé des Arts , au petit Luxembourg
à Paris.
Aussi- tôt qu'un Prix sera adjugé , la Societé
avertira le Public dans les differens Journaux de
France et dans les Gazettes , qu'un Memoire ,
commençant par tels mots , portant telle maxime,
et ayant telle matiere pour sujet , a remporté
l'un des Prix . L'Auteur alors fera ses diligences
pour se faire connoître , et dans l'Assemblée destinée
pour donner le Prix qu'il aura obtenu , il
recevra la Médaille , ou la fera recevoir par quel
qu'un chargé de sa Procuration ; dans la même
Assemblée on lira le Memoire , et la Societé le
fera imprimer dans ses Recueils ; elle compte
La Vol.
Fij même
2644 MERCURE DE FRANCE
même d'y faire imprimer les Ouvrages , qui n'é
tant pas jugez dignes des Prix , paroîtront ce
pendant meriter de voir le jour.
On apprend de Rome , que le Lord Raidelif,
Gentilhomme Anglois , Catholique , qui y étoit
depuis quelque temps , y étoit mort ; il a fait un
Testament , dont le Cardinal Gentile est Execu
seur, par lequel il laisse au Chevalier de S.Geor
ge une belle collection de Médailles d'or.
On écrit de Londres , que le 13. Novembre , le
Docteur Clifton eut l'honneur de presenter au
Roy et à la Reine , son nouveau Traité de la
Medecine des Anciens et des Modernes.
On mande de Kings - Weston , dans le Comté
de Somerset , qui appartient à M. Southwel,
Secretaire d'Etat pour l'Irlande , que des Ouvriers
travaillant à applanir une Montagne voisine .
y avoient trouvé plusieurs Corps humains embaumez
, avec des Inscriptions sur cuivre , par
lesquelles il paroît que ces Corps y étoient inhumez
depuis près de 2000. ans.
: 1
On a appris par des Lettres écrites à bord da
Vaisseau de guerre le Tigre , le 16. Octobre dernier
, que les Experiences faites par M. Woodyer,
avec les Instrumens qu'il a inventez pour la connoissance
exacte des Longitudes , avoient par
faitement réussi , et que les Officiers de Marine
qu'on avoit embarquez avec lui , pour être té
moins de ses opérations , étoient prêts à lui don
ner des Certificats favorables.
Il paroît depuis peu deux Estampes nouvelle
1. Val .
lement
DECEMBRE. 1732. 2645
lement gravées par le sieur Desplaces , d'après
Carle Maratte , du Cabinet du Prince de Monaco,
Duc de Valentinois , dont l'une répresente Diane
et Acteon , et l'autre Diane au Bain ; elles se
vendent chez Desplaces , ruë de la Jussienne.
>
M. Petit , ancien Chirurgien Major des Gardes
du Corps du Roy , Compagnie de Charost , a
trouvé , dit- il , le moyen de guérir toutes sortes
de Maladies Venericnncs si inveterées
qu'elles puissent être , par un Remede qui opere
par la transpiration pendant deux ou trois heures
tous les matins , sans que le Malade se trouve
affɔibli ; au contraire , les forces augmentent sans
qu'on soit obligé de garder la Chambre ni d'observer
un régime exact. Il donne avis à ceux qui
se croiront attaquez de cette maladie, qu'ils n'ont
qu'à lui écrire et bien détailler leur état , si pour
lors il juge à propos qu'on prenne son Remede, il
l'envoyera dans une Lettre par la Poste , avec un
Memoire bien instruciif de la façon de le prendre
, ce qui est très - aisé . Sa demeure est toûjours
rue des Saints Peres , à l'Hôtel de Brissac , à Paris.
"
Cantates Françoises à voix seule et symphonie,
dédiées au Duc de Luxembourg , Pair de France
et Gouverneur de Normandie ; composées par
M. Gervais , de Rouen , Livre second. Elles se
vendent chez le Clerc , rue du Roule , à la Croix
d'Or , et Chez Boivin , rue S. Honoré , à la Re
gle d'Or. Le prix est de six livres.
On vend aux mêmes adresses , une Cantate séparée
, du même Auteur , intitulée , Ragotin , on
la Serenade Burlesque. Le prix est de deux livres.
Le sieur Baradelle , Ingénieur pour les Instru-
I. Vol. Fij 1 mens
2646 MERCURE DE FRANCE
mens de Mathématique , donne avis au Public ,
qu'il a construit un Calendrier sur les faces d'un
Porte-Crayon à Compas , long de 4. pouces , qui
marque cinquante années , ce Calendrier a huit
faces. Sur la premiere , l'on voit les années et les
mois pour les jours de la semaine; et la seconde
marque les jours du mois et de la semaine , indiquant
les jours de la semaine sur lesquels tombent
le premier et les autres jours du mois qui
répondent à ceux de la semaine.
La troisiéme , marque les années et les mois
pour la Lune.
La quatrième , donne les momens de la nouvelle
et de la pleine Lune , et du premier et du
dernier quartier , pour chaque mois ; on y trouwe
aussi l'âge de la Lune , à tel moment qu'on
voudra.
La cinquième face marque les années pour les
Fêtes mobiles : et celle de la sixième , marque les
mois des Fêtes mobiles ; elle sert à trouver les
jours où arrivent les Fétes mobiles.
La septième , marque l'Epacte pour toutes les
années qui sont nottées . Enfin , dans la huitiéme,
on trouve les pouces et les lignes ; on peut les
mettre sur les Equerres que l'on place ordinairement
dans les Etuys de Mathématiques , ou sur
des lames d'argent ou de cuivre.
Il fait de ces Calendriers sur des Porte- Crayons
d'or et sur des Porte - Crayons d'argent où de
métail ; il vend aussi toutes sortes d'Instrumens
de Mathématique. Sa demeure est toûjours sur le
Quay de l'Horloge du Palais , vis-à- vis les grands
degrez de la Riviere , à l'Enseigne de l'Observatoire.
1. Vol AIR
DECEMBRE. 1732. 2647
د ي
2646 MERCURE DE FRANCE
men
qu
Po
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fac
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1
de
21
dey
DECEMBRE. 1732.
2647
ᎣᎣ
AIR BACHIQUE.
LE
E Champenois , le Bourguignon ,
Font part de leur bon vin à maint autre Canton
Si Bacchus en plantoit de pareil en Bretagne ,
On y connoîtroit mieux la valeur de ce don ;
Et loin d'en envoyer en Bourgogne , en Chame
pagne ,
Tout couleroit par le gozier Breton ,
Même la lie et le bondon.
Les paroles sont de Me Malcrais de
la Vigne.
BRUNETTE.
Pour
l'adorable Celimene ,
Je brûle d'un feu si charmant ,
Que je ne puis un seul moment ,
M'en éloigner sans quelque peine :
Je l'aime tant , tant , tant , tant , tant
Que mon coeur n'est jamais content.
Elle étale aux yeux tant de charmes ,
Qu'Amour en seroit amoureux ,
Auprès d'elle l'on est heureux ,
I. Vol.
Sany
FY
2648 MERCURE DE FRANCE
Sans gémir ni verser de larmes :
Je l'aime tant , &c.
諾
Quand dans le chemin de Cythere ,
Nous nous regardons tendrement ,
Elle me dit d'un ton charmant ,
Oui , les Dieux t'ont fait pour me plaire ,
Je t'aime tant , & c.
M
Ne ralentis jamais ta flame ,
Brule toûjours des mêmes feux ,
Cher Amant , pour combler mes voeux
Répons aux transports de mon ame :
Je t'aime tant , tant , tant , tant , tant
Que mon coeur n'est jamais content..
Statatet:
Par M. Affichard.
SPECTACLES.
L'A derniere Comédie
A derniere Comédie que les Comédiens
François joüerent à Fontainebleau
, fut celle des Abderites , dont l'è
xecution fut parfaite , ainsi que celle du
Balet , dans lequel les meilleurs Sujets
de l'Opera danserent. Vous avons parlé
1. Vel de
DECEMBRE. 1732. 2649
de cette Piece en un Acte , dans le Mercure
de Juillet , page 1652. au sujet d'une
Représentation qui en fut donnée au
Palais de Bourbon .
Les mêmes Comédiens remirent au
Théatre sur la fin du mois dernier , la
Comédie de l'Important , de l'Abbé Bruys,
dont le sieur Quinault joue le principal
Rôle dans la grande perfection , et la
petite Dlle Dufresne , âgée de s . à 6. ans ,
y joue un Rôle avec des graces une
vivacité et une intelligence fort au- dessus
de son âge.
Nous parlerons dans le second Volume
du Mercure de ce mois , d'une nouvelle
Piece qu'on repete actuellement sur ce
Théatre , sous le titre du Complaisant.
La Tragédie de Cassius et Victorinus
n'ayant été représentée au Théatre françois
qu'une au deux fois tout au plus par
semaine , il ne nous a pas été possible de
retenir la disposition du Poëme , scene par
scene, c'estpourquoi nous n'en donnerons
pas un Extrait bien précis ; le nom de M
de la Grange doit suffire au Lecteur , pour
lui persuader que rien n'y a manqué du
côté de ce qu'on appelle Théatral ; nous
n'avons guere d'Auteurs qui s'y connois,
sent mieux que M. de la Grange . Il a pris
I. Vol F vj
2850 MERCURE DE FRANCE
son sujet , selon toutes les apparences,dans
Gregoire de Tours ; voici ce que cet Historien
en dit : C'est dans ce lieu , c'est- à - di-
're à Clermont en Auvergne , que Cassius
èt Victorinus , unis en Jesus - Christ par un
amour vraiment fraternel, ont gagné le Royau
me des Cieux auprix de leur sang; car l'Antiquité
rapporte que Victorinus fut esclave
d'un Grand - Prêtre des faux Dieux , &
qu'ayant souvent exercé ses persécutions dans
un bourg qu'on appelloit communément le
bourg des Chrétiens , il en trouva un qui
s'appelloit Cassins , qui l'amena à la foi
de Jesus Christ par ses prédications etpar ses
miracles ; il en fut si touché que renonçant
au culte des Idoles , et consacré par le baptê
me , il se donna tout entier à l'exercice de
toutes les vertus chrétiennes . Peu de tems après
ayant été tous deux associez à la palme du
Martyre , ils monterent ensemble au Royaume
des Cieux.
M. Baillet ne dit rien là- dessus qui ne
s'accorde parfaitement à ce que nous venons
de dire ; voici ses paroles : S. Cassi
et S. Victorin honorez à Clermont en Auver
gne le 15. de Mai, avec 6266. Martyrs tueż
par des barbares idolâtres , venus d'au- delà
du Rhin. S. Prix , Evêque de Clermont aw
VII. siècle avoit composé leurs Actes , qui
sont perdus. Victorin servoit un Prêtre ido-
I. Vol. lâtrei
DECEMBRE. 1732. 2651
$
Son
latre ; mais par la fréquentation qu'il avoit
avec Cassi , il se convertit et fut martyrisé.
corps et celui de S. Cassi se gardoient
encore à Clermont au dixième siécie.
Voilà tout ce que l'Histoire Ecclésiastique
a fourni à l'Auteur de la Tragédie en
question ; ce qu'on appelle la Fable étoit
en bonnes mains . M. de la Grange a ennobli
les personnages dont il avoit besoin ;
Victorinus , de simple serviteur ou esclave
d'un Grand Prêtre , eft devenu Grand - Prêtre
lui - même , et Cassius à qui Gregoire de
Tours ne donne aucune qualité, que celle de
Prédicateur de l'Evangile, est tiré de l'obscurité
ou peut- être le Ciel l'avoit fait naî
tre , pour se voir Pere d'un Empereur
sans avoir été Empereur lui-même ; ce.
Claudius que M. de la Grange lui donne
pour fils , ne peut être que celui qu'on
appelle Claude le Gothique pour Victorinus
, il ne suffisoit pas pour accommoder
l'action théatrale aux moeurs du ems,
d'en avoir fait un Grand Prêtre il falloit
lui donner une fille digne de la recherche
d'un Empereur ; cette fille s'appelle Justine
, et c'est elle qui donne lieu au peu
d'amour qui regne dans cette Tragédie ;
on auroit même fouhaité qu'il n'y en eut
point eu du tout .
Le premier Acte est employé presque
I. Vel.
tour
2652 MERCURE DE FRANCE
tout entier à en exposer le sujet . Justine,
fille de Victorinus , Grand-Prêtre des
faux Dieux , ouvre la scene avec sa confidente
, laquelle la felicite sur la nouvel
le dignité de Claudius son Amant que
Parmée vient d'elever à l'Empire. La joie
de Justine est balancée par la crainte de
Favenir , la clémencé que Victorinus son
Pere exerce envers les Chrétiens la fait
trembler pour lui ; elle sçait que Claudius
est porté à les persecuter par un motif
qu'on apprend dans la suite de la Piece ;
son Pere , loin de calmer ses allarmes .
les redouble ; cependant il lui commande
d'accepter la main qui la doit élever à
l'Empire , quand même elle seroit teinte
du sang de celui qui lui a donné la vie.
Victorinus s'ouvre avec plus de liberté à
son confident : il lui dit qu'aussi - tôt qu'il
a appris la prochaine arrivée de l'Empe
reur , il a mis Gelas en lieu de seureté ;
ce Gelas qui passe pour son esclave , est
un Chrétien qui par un effet miraculeux
a sauvé sa fille Justine d'un monstre auquel
elle étoit dévouée par les Oracles
des Dieux Son confident tâche de le rassurer
en lui représentant que l'amour de
l'Empereur pour sa fille , l'empêchera
bien de donner la mort à unChrétien qui
a sauvé sa Maîtresse.
I. Vol. L'arrivée
DECEMBRE. 732 2653
L'arrivée deClaudius redouble la frayeur
de Victorinus ; ce Prince lui apprend
qu'en approchant de ce lieu, que l'Auteur:
n'a pas designé aux spectateurs , il est en
tré dans des souterrains , où des Chrétiens
célebroient leurs mysteres ; que ces victi
mes se sont jertées en foule au devant du
fer qui les attendoit ; qu'un seul de cette
troupe attendoit la mort sans la chercher,
qu'il n'a pû soutenir l'aspect de ce vénerable
vieillard , sans un saisissement qui
Pa rendu immobile : qu'il a ordonné qu'on
l'épargnat il se flatte que ce Chrétien ,
rouché de sa clémence, pourra lui appren
dre quels ont été les meurtriers de son .
Pere , qui ayant disparu depuis quelques
années,sans qu'on en ait jamais oui parler,
avoit donné lieu de soupçonner que les:
Chrétiens dont il étoit alors le plus ardent
persecuteur , l'avoient assassiné . Le
portrait que Claudius fait de ce vieillard ,
;
"
le lieu , et toutes les autres circonstances
ne laissent point douter Victorinus que
ce ne soit Gelas ; il demande grace pour
lui à l'Empereur , et pour le mieux exciter
à la clémence , il lui dit que ce Chré
tien a sauvé Justine d'une mort certaine
Claudius attribue le respect et les sentimens
de tendresse qu'il a conçus à l'aspect
de ce Chrétien à une espece de
pres
I. Vola sentiment
2654 MERCURE DE FRANCE
sentiment qui lui a annoncé au fond du
coeur l'obligation qu'il lui avoit.
Le vieillard eft bientôt présenté à Clau
dius qui ne peut le revoir sans trouble ;
on verra dans peu que c'est un nouveau
pressentiment que la nature ajoute à celui
de la reconnoissance , et que ce premier
partoit de la même source. Gelas résiste
avec fermeté à la priere que Claudius lui
fait de renoncer au Christianisme , ou du
moins de le feindre , pour se dérober à la
fureur du peuple , des Prêtres et même de
l'armée. Claudius ajoute à cette priere le
motif qui le porte lui-même plus particuliérement
à persécuter ceux qu'il croit
avoir été les meurtriers de son Pere Cassius.
Gelas après lui avoir dit que les Chrétiens
sont incapables de pareils forfaits ,
lui annonce que son pere est encore vivant
, qu'il est plus près de lui qu'il ne
pense , mais qu'il ne le connoîtra qu'après
qu'il lui aura fait donner la mort à luimême
, par qui il apprend qu'il est encore
en vie . Cette espece d'Oracle prononcé
par une bouche si respectée , met Claudius
dans une très cruelle situation ; il'ne
sçait à quoi se résoudre , et charge Victorinus
, qui arrive , d'arracher le malheureux
à la mort.
Cette Scene entre Gelas et Victorinus
I. Vol. est
DECEMBRE. 1732. 2655
mais
est une des plus interessantes de la Tragédie,
et c'est pourtant celle qui a donné
plus de prise à la Critique ; nous allons
en exposer le fond pour mettre nos Lecteurs
en état d'en juger. Dans la Scene
précédente les Spectateurs viennent d'apprendre
que Cassius n'est pas mort ,
ils ne s'attendent pas à le revoir revivre
en la personne de Gelas même ; ce
même Gelas , qui ne s'est pas découvert
à son propre fils , se fait connoître à Victorinus
pour ce même Cassius que Claudius
croit avoir été assassiné par les Chrétiens
, et qu'il vange par tout ce que sa
fureur lui peut inspirer de plus cruel
contre ces innocentes victimes. Ce Cassius
avoit été , comme nous l'avons déja dit ,
un des plus implacables persecuteurs des
Chrétiens ; il raconte à Victorinus comment
il a été converti à la Foy ; cette
description est très- belle , l'Auteur n'a
pas crû en pouvoir choisir un modele
plus frappant que dans les Actes des
Apôtres , et les Spectateurs lui ont sçû
bon gré de l'avoir puisée dans une source
si capable d'inspirer une sainte terreur.
Mais comme ce qui nous saisit le plus
dans un Ouvrage , nous paroît le plus
digne de nos reflexions , on examine cette
Scene avec plus de séverité que toutes
I. Vol. les
2656 MERCURE DE FRANCE
les autres ; on ne souffre qu'avec beaucoup
de peine qu'un pere , dont le fils est
prêt à devenir le parricide , ne se fasse
pas connoître à lui ; on pese le silence
avec le motif, et le motif n'est pas toutà-
fait satisfaisant. Le faux Gelas dit à
Victorinus qu'il a fait serment de ne se
faire connoître à personne pour Cassius :
pourquoi, donc, dit-on, découvre-t'il son
nom et sa condition à Victorinus ? Son
serment est-il moins violé et ne seroitil
pas plus raisonnable qu'il eût juré de
ne se faire jamais connoître à son fils , de
peur que la tendresse påternelle ne le
trahit jusqu'au point de retomber dans
ses erreurs par une foiblesse dont il craindroit
dej ne pouvoir triompher ? ce motif
auroit quelque lueur de vrai - semblance
, et contribueroit un peu à faire excuser
l'indiscretion du serment. Ce ser.
ment , ajoûte- t'on , seroit toûjours trèscondamnable
, puisqu'il seroit fait contre
son propre fils , qui , par le silence de
son pere , perd la grace de la conversion ,
et par l'erreur dont ce même pere devient
complice , est visiblement exposé à
devenir parricide : un pere , dit-on , est
obligé parmi les Chrétiens , à élever son
fils dans la seule Religion où il peut se
sauver , et celui- cy laisse le sien dans le
1. Vol.
Paganisme
DECEMBRE. 1732 2657
.
Paganisme qui doit le perdre à jamais.
Voilà les plus fortes Critiques qu'on a
faites sur cette Tragédie ; achevons d'ins-
* truire le Lecteur de ce qui lui reste encore
à sçavoir. Victorinus après quelques
objections très-sensées qu'il a faites à Ĉassius
, lui promet le secret qu'il lui demande
, d'autant plus qu'il s'y est déja
engagé par serment avant que de rien
apprendre. L'Auteur a même pris soin
de le faire jurer , non-seulement par les
Dieux des Payens , mais par le Dieu que
Cassius adore , et qu'il brule d'impatience
de connoître pour l'adorer à son tour.
Les Prêtres qui lui sont subordonnez sont
bien loin d'une si heureuse disposition ;
le fanatisme s'empare de leurs coeurs , jusqu'à
refuser l'entrée de leur Temple à
leur Empereur , s'il ne leur livre le faux
Gelas ; le Peuple et l'Armée suivent un
exemple si pernicieux ; la désobéïssance
et la félonie regnent par tout ; Victorinus
déja à demi Chrétien , pour réprimer,
cette insolence , tire une épée que Gelas
avoit mis entre ses mains , comme un
gage assuré de la victoire ; le saint enchantement
, s'il nous est permis de nous
expliquer ainsi , se trouve en deffaut
on lui arrache cette épée dont l'Auteur
• besoin pour un nouvel incident théa-
>
2. d. Vol.
tral
2658 MERCURE DE FRANCE
tral ; cette fatale épée est reconnue pour
être la même dont Cassius étoit autrefois
armé. Claudius est confirmé par là dans
la croyance où il a toûjours été , que ce
sont les Chrétiens qui ont assassiné son
pere ; il accuse Victorinus d'avoir part à
ce meurtre, et ordonne qu'on l'aille chercher
pour le punir de sa perfidie ; le faux
Gelas dit à Claudius que Victorinus est
innocent de ce meurtre, et lui déclare que
c'est lui-même qui a donné cette épée à
son ami ; Claudius irrité lui demande de
qui il la tenoit lui-même ; le faux Gelas lui
dit que c'est un secret qu'il ne sçauroit
lui réveler. Claudius ne doutant plus
que ce ne soit lui - même qui a tué son
pere , ordonne qu'on le mene à la mort ;
le faux Gelas reçoit cet Arrêt comme une
grace , et lui promet en reconnoissance
qu'il va bien-tôt reconnoître son peres
on emmene la victime ; Justine , dont
nous avons très-peu parlé , parce qu'elle
est très- peu nécessaire à la Piece , vient
protester à Claudius qu'il n'y a plus d'a
mour ni d'hymen pour eux , si Victorinus
son pere , et Gelas , son libérateur , périssent.
Claudius ne peut tenir contre cette
menace ; il ordonne qu'on aille révoquer
les ordres sanglans qu'il a donnez ; Justine
y va elle-même , mais c'en est déja
I. Vol. fait ;
DECEMBRE . 1732. 2659
fait. Victorinus ayant rencontré Cassius
qu'on menoit au supplice , a voulu être le
compagnon de son martyre , sur l'assurance
que Cassius lui a donnée que son
sang versé lui tiendroit lieu de Baptême.
Il s'est déclaré Chrétien , et a été sou
dain accablé d'une grêle de fleches.
Cassius a eu le même sort ; mais le Ciel
a permis qu'il lui reste encore assez de
vie pour venir se faire reconnoître à son
pere , et pour l'inviter à se faire Chrétien
; il lui prédit que bien- tôt un Empereur
doit établir la Foy de Jesus- Christ ,
et l'exhorte à mériter que ce choix lo
regarde cependant Claudius n'est tou
ché que du parricide dont il vient de
se souiller , et son pere expiré , il ne
songe qu'à empêcher Justine de se donner
la mort , ou qu'à mourir avec elle.
Cette Piece , au reste , est très - bien répresentée
par la Dlle Baron , et par les
sieurs Grandval , Sarrazin et le Grand
qui remplissent les principaux Rôles de
Justine , de Claudius , de Cassins et do
Victorinus.
I. Vol. La
2660 MERCURE DE FRANCE
La Sour Ridicule , Comédie de
M. Montfleury.
C
Ette Piéce eut autrefois un grand
succès sous le titre du Comédien
Poëte ; elle fut faite en quatre Actes seulement
, parce que le Prologue étoit tellement
lié à la Piéce qu'il tenoit lieu de
premier Acte ; le Théatre ayant changé
de face depuis la naissance de cette Comédie
, et étant devenu plus épuré , les
Comédiens attentifs à se conformer au
goût du Public , avoient negligé de la remettre
au Théatre ; mais n'ayant point
de nouveauté à donner pendant l'absence
de leurs Camarades , lorsque la Cour
étoit à Fontainebleau , ils en ont hazardé
quelques Représentations , dont le demi
succès a fait voir que le Théatre retomberoit
facilement dans la bassesse d'où
Moliere l'avoit tiré , si on continuoit à
faire rire le Public aux dépens des bienféances.
En effet , on a remarqué à la premiere
Représentation de la Soeur Ridicule
, que les Spectateurs avoient une espéce
de honte de s'y divertir , et que les
ris du Parterre n'étoient pas de bon
alloy ; la pudeur des Dames en fut si
allarmée , qu'à peine s'en trouva - t'il
1. Vol. deux
DECEMBRE . 1732. 2661
deux à la seconde Représentation ; mais
elles se sont enhardies dans la suite
et le nombre des curieuses croissant
tous les jours , on a eu lieu de présumer
que ce goût pourroit bien redevenir
à la mode , s'il se trouvoit encore
des Scarrons et des Montfleuris ; ce.
n'est pas qu'on ne doive faire cas du fond
de la Soeur Ridicule ; l'intrigue en est
très comique , et l'action théatrale y est:
ménagée avec un art infini ; mais il seroit
à souhaiter qu'on y ménageât assez
les oreilles délicates , pour leur épargner
les grossiéretez .
Cette Piéce a été précedée d'un Prologue
nouveau qui a pour titre le Caprice et
la Ressource ; nous en allons donner un
Extrait succint..
Ce Prologue a remplacé celui dont nous
venons de parler , et qui tenoit lieu anciennement
du premier Acte à la Piéce .
Il a été reçû d'une maniere à faire connoître
qu'on ne regrettoit pas le premier ;
il a paru très- vif, mais assez peu correct.
L'Auteur en est anonyme on ne peut
lui refuser la qualité d'homme d'esprit
c'est dommage qu'il se mette au - dessus
des régles dès son premier Ouvrage. L'i-
1. Vol. déc
2662 MERCURE DE FRANCE
dée de son Prologue n'est pas neuf ; la
Voici en deux mots .
Les Comédiens François, en l'absence de
leurs Camarades qui jouent à la Cour, vou
droient amuser la Ville par quelque nouveauté
; ils vont au Parnasse pour en cher
cher une. La Ressource et le Caprice , nouvelles
Divinitez de la façon de l'Auteur
leur conseillent de remettre au Théatre la
Soeur Ridicule ; ils n'osent esperer de réus
sir par un genre de Comédie proscrit depuis
long- tems ; mais la Ressource et le
Caprice les encouragent.
Le Théatre représente le Parnasse , trois
Comédiens ouvrent la Scene ; Crispin
qui est l'un des trois , fait une refléxion
qui ne fait guére d'honneur aux Auteurs
modernes : la voici.
Je fais une refléxion.
Je crois que c'est dans ces Retraites
Qu'habitent les anciens Poëtes
Et de ce côté les nouveaux.
>
Voici la raison qu'il en donne.
C'est que j'entends gazoüiller des oyseaux
"Que j'apperçois des fleurs , une verte prairie ;
Des Bosquets enchantés , des Lauriers , des rui
seaux ;
I. Vol.
DECEMBRE: 1732. 2663
Et je ne vois dans cette autre partie
Que des bourbiers et des crapaux .
délicat.
Ce trait satyrique a paru peu
Nous citons ces Vers pour mettre sous les
yeux du Lecteur l'injustice d'un mépris
qui doit retomber sur celui qui le fait
éclater contre ses propres interêts ; car
enfin , pourquoi , dit - on , s'avise- t'il
d'entrer dans une lice qui n'est qu'un
bourbier N'est-ce pas se mettre luimême
au rang des crapaux , que de se
mêler parmi ces Auteurs Modernes , dont
il se fait une si vilaine idée ; on dira peutêtre
pour l'excuser que ce n'est pas lui qui
parle ainsi , mais les Comédiens ; Il faut
donc qu'il leur en ait bien imposé par le
brillant de son coup d'essai , pour leur
faire dire du mal de ces mêmes Auteurs ,
qui leur donnent assez souvent des nouveautez
utiles pour eux , et agréables au
Public. Après ces deux refléxions , que
les Spectateurs ont faites avant nous , passons
à quelques Fragmens de l'Ouvrage
qui ont fait plaisir par la vivacité de la
Critique que l'Auteur répand abondamment.
Ici c'est la Ressource qui parle.
Après avoir joui des plaisirs de la vie ,
Une Coquette enfin subit les loix du tems ?
>
1. Vol. On G
2654 MERCURE DE FRANCE
On redouble le rouge et les ajustemens ;
Mais quand la Nature est flétrie ,
Bien - tôt tout l'art n'y peut plus rien.
Et bien , alors par mon moyen
Elle a recours à la prudoterie .
Je suis mere de l'Industrie ;
La Nature vous forme avec mille défauts
J'ai pour les réparer les secrets les plus beaux ;
Je dérobe avec art une épaule qui chocque
Sous un tourbillon de cheveux ;
Et sous un panier monstrueux ,
Je cache une taille équivoque.
Par des ajustemens differemment placés
Je donne des mines riantes ,
Tendres , naïves , innocentes ;
Je fais sortir des yeux qui sont trop enfon
cés ;
J'ai jusqu'à cent façons de gorges différen
tes , & c.
Une jeune veuvé soupire ,
Et regrette l'Epoux qui régnoit sur son coeur ?
Elle succomberoit à son triste martyre ;
Je lui trouve un consolateur.
L'Amour se fait sentir au coeur des jeunes.
filles ?
Il faut surprendre les Mamans ?
On a recours à moi ; j'endors les surveil
lans ;
I. Vol.
Je
DECEMBRE. 1732
2665
Je fais taire les chiens , je fais tomber les grilles.
Au milieu des amusemens ,
Il faut songer à menager sa gloire!
J'arrange tout si bien que l'Hymen ne peut
croire
Que l'Amour ait pris les devans.
On peut aisément juger par les Vers
l'on vient de lire que , que l'Auteur n'est
pas si crapau ; le Public est trop équitable
pour ne le pas tirer du bourbier avec
bien de ses Confreres qu'il y plonge indistinctement.
Dans la troisiéme Scene le Caprice s'exprime
ainsi en parlant de la Mode.
C'est moi , selon ma fantaisie ,
Qui régle tous ses mouvemens.
Arbitre des évenemens ;
Je fais et les plaisirs es les maux de la vie ;
J'invente tous les jours de nouveaux change
mens ;
Et j'ai , quand il m'en prend envie ,
Mille visages differens.
Dans cette inconstance éternelle ;
C'est envain qu'on croiroit rencontrer la Raison
:
C'est moi qui tiens sa place ; et , sans comparaison
>
t
I. Vol. Gij J'ai
666 MERCURE DE FRANCE
J'ai beaucoup plus de sujets qu'elle.
La raison ne vient pas toujours quand on l'ap
pelle ;
Et le Caprice est toujours de saison..
La Ressource finit ainsi ce Prologue ;
en s'adressant au Parterre.
Protegez mes Acteurs , ils ont droit de l'attendre.
Quel autre effort pouvoient ils entreprendre ,
Si la Piéce ne prend pas bien ?
Quand la Ressource ne peut rien , *
Il ne reste qu'à s'aller pendre.
Le Caprice pour eux doit auffi travailler.
Pour capter votre bienveillance ,
Ce n'est pas trop le lieu d'aller vous rappele
Jer ,
Qu'il est un peu de votre connoissance ;
Il en sera tout ce que vous voudrez :
Vous même vous déciderez ;
Ne consultez que l'indulgence :
Vous allez régler nos destins ;
Que notre Piéce réussisse.
Applaudissez ; battez des mains :
Allons , Messieurs , un bon Caprice
Les deux principaux Roles de la Res
source et du Caprice , ont été parfaite-
I. Vel.
ment
DECEMBRE. 1732. 2667
=
ment remplis par les Dlles Dangeville la
jeune , et la Motte.
, Dans la Saur Ridicule , les Rôles de
Pascal , de Gusman , d'Henrique , et du
Chevalier de Fondsec , sont joüez par les
Srs Poisson , Montmesnil , Grandval et
Dangeville neveu , et la Tante , Babet et
Jacinte par les Dlles Dangeville , Poisson,
et Dangeville la jeune.
La Comédie de la Soeur Ridicule se trouve
dans les Oeuvres de Montfleury au Tome second
, sous le titre general du Comédien Poëte
Piéce qui fut d'abord jouée en cinq Actes , et
dont le premier Acte contient un Sujet détaché
et complet , imprimée ailleurs sous le titre du
Garçon sans conduite , de même que les quatre
Actes suivans , qui forment précisément la Comédie
de la Soeur Ridicule , se trouvent imprimés
à Caen l'an 1700. sous le titre des Amans infortunez
et contens .
4.
Les Comédiens Italiens donnerent le
de ce mois la premiere représentation
d'une Parodie de la Tragédie de Zaire.
Cette petite Piece est intitulée : Arlequin
au Parnasse , ou la Folie de Melpomene.
Comme l'Auteur à qui on l'attribue la
désavoie , nous nous dispenserons de le
nommer ; mais comme nous ne devons
pas moins à nos engagemens envers le Public
, qu'à la modestie des Autheurs qui
veulent se dérober à la gloire qui leur est
J I. Vol. G iij duë¸
668 MERCURE DE FRANCE
düe , nous n'avons garde de nous imposer
silence sur une maniere de Parodier, qui a
parû très singuliere et tout -à- fait neuve
aux connoisseurs ; voicy en peu de mots
l'idée de l'Autheur anonime.
Le Théatre represente le Mont Parnasse,
Arlequin et un de ses camarades forment
le noble dessein d'y monter pour obtenir
de Thalie quelqu'heureuse nouveauté ,
qui attire des spectateurs à leur Théatre.
La difficulté rebute Arlequin ; il ne veut
pas se donner la peine de grimper si haut,
et prétend en être suffisamment dispensé
par l'exemple de bien des Auteurs qui du
pied du Parnasse , prétendent égaler ceux
qui s'élevent jusqu'à la double cime . Il se
croit inspiré , il tient déja le titre d'une
Pece nouvelle ; voilà le Parnasse , dit-il ,
et me voicy ; je n'ai donc qu'à intituler
ma Pifce , Arlequin au Parnasse : son camarade
a beau lui dire , qu'un titre ne suf
fit pas , et qu'il faut inventer de quoi le
remplir , il lui répond que cela pourra
venir chemin faisant.
Thalie vient finir la contestation , et
leur dit qu'elle leur apporte le sujet , attendu
que sa soeur Melpomene vient de devenir
folle tout subitement ; cet heureux
évenement donne lieu à la seconde partie
du titre de la Piece et les extravagan-
1.
ces . I. Vol.
DECEMBRE. 1732. 2669
ces de Melpomene en fournissent le sujet.
Thalie cede la place à Melpomene qui s'as
vance; elle fait entendre qu'elle va rejoindre
Apollon qui doit déliberer en plein conseil
sur les moyens les plus propres à remé
dier aux folles saillies de la Muse tragique.
Melpomene arrive ; l'entousiasme dont
elle est transportée , lui fait tenir des discours
injurieux au Sophocle et à l'Euripide
de la France ; l'idée dont elle est remplie
lui promet des succès infiniment plus
éclatants que tous ceux des Corneilles et
des Racines ; des routes nouvelles s'ou
vrent devant ses pas ; elle y va entrer pour
la premiere fois , et tout lui répond de
remplir dignement la brillante carriere
qu'elle se propose de commencer . Le camarade
d'Arlequin ne lui fait humblement
la réverence que sous le nom de Comédien
François pour Arlequin , ne pouvant
l'aborder à la faveur de la même
imposture , attendu que son habit et son
masque le décéleroient aux yeux de la superbe
Muse , il prend le parti de suivre
Thalie comme Muse de sa connoissance.
Melpomene trompée par le nom
de Comédien François , que le camarade
d'Arlequin se donne , lui dit qu'ils n'ont
ses heureux camarades et lui , qu'à préparer
leurs cofres -forts , et que la riche
,
1. Vol. Güij idée
2670 MERCURE DE FRANCE
idée qu'elle roule dans sa tête sera un Perou
pour leur Troupe. Comme cette idée
n'est pas encore assez débrouillée , la Muse
se jette sur un lit de gazon pour y rêver
et elle s'y endort. Des songes chimeriques
se présentent à elle , et achevent de
lui faire digerer le Chef d'oeuvre qu'elle
s'est promis. Elle s'éveille enfin et fait entendre
que son ouvrage est consommé.
Le Comédien Italien , soi disant Comédien
François , la prie de lui donner sa
Tragédie ; elle ne lui répond que par de
magnifiques promesses réïterées , sans se
donner la peine de lui dire ni quel est le
sujet de sa Piece , ni quelle en est la distribution
: il y a des Auteurs , ajoute- t-elle,
qui croyent se couvrir de gloire, en disant
qu'ils ont fait cinq Actes en trois semaines
, et moi je ne demande que trois minutes
, et si tu en veux voir une épreuve,
je vais te la donner sur le champ: allons ,
poursuit- elle, que les cinq Actes dont j'ai
besoin obéïssent à ma voix ; qu'ils paroissent
à mes yeux. A peine a - t- elle parlé ;
qu'on voit sortir cinq Actes personifiez et
numerotez du premier au cinquième par
une étiquette qui les distingue les uns des
autres.
Chacun de ces Actes , à commencer par
le premier , rend compte de la fonction
I.Vol. qu'il
DECEMBRE . 1732. 2671
qu'il a dans la nouvelle Tragédie qui doit
attirer tout Paris. L'ordre de la marche
théatrale est un peu troublé par une petite
altercation qui s'éleve entre le second et
le troisième , qui se reprochent réciproquement
d'être déplacez ; les autres se
suivent conformément au numero qu'on
leur a assigné.
Le cinquiéme Acte paroit enfin , tout
fier d'être destiné à finir un si bel quvrage
; voici les derniers vers qu'il récite
avec une parfaite sécurité , en parlant de
son Héros.
Du même fer il se perce lui -même ;
A t-onjamais fini par un plus beau Morceaus ?
Melpomene en est si satisfaite qu'elle en
pleure de joie. Quoi ? Muse, vous pleurez !
dit le cinquiéme Acte personifié ; la Muse
remplit le dernier hémistiche , par ces
paroles que l'admiration lui arrache , trèsbeau
, très-bean , très- beau.
Le ravissement de la Muse tragique et
de ses cinq Actes est troublé par l'arrivée
de Thalie , qui dit d'un air malicieux
qu'elle apporte le sixième Acte ; Melpomene
jette sur elle de fiers regards qui lui
annoncent le cas qu'elle fait de l'addition
qu'elle prétend faire à son chef- d'oeuvre ;
mais Thalie rabbat son orgueil , en lui ap-
I. Vol. Gy pre2672
MERCURE DE FRANCE
prenant que le Conseil du Mont sacré
vient de la condamner aux petites Maisons
, et ses cinq Actes à l'oubli . Melpomene
en est au désespoir , et ses cinq Actes
se reprochent les uns aux autres l'affront
qu'ils viennent de recevoir ; on auroit
souhaitté que l'Auteur eut saisi ce
nouvel incident pour critiquer la Piéce
qui est l'objet de la Parodie , et que chaque
Acte fit voir maniere
de reproche
les défauts qu'on y peut censurer.
Les cinq Actes ayant enfin disparu
Melpomene finit par ces Vers , parodiez
du Cid.
par
Pleurez , pleurez mes yeux ; fondez en cataractes
;
Je perds toute ma gloire en perdant mes cinq
Actes.
Au reste 5
tous les Amateurs de Piéces
de Théatre ont été surpris , que l'Auteur
d'une idée si neuve , et si susceptible de
traits comiques , l'ait si négligemment
remplie ; on diroit qu'il n'a voulu donner
qu'une esquisse , pour apprendre aux
faiseurs de Parodies , qu'on peut s'écarter
des sentiers trop battus dans ce genre de
Comédie , qui pourroit être très- utile , si
l'on ne s'y attachoit plutôt à divertir qu'à
instruire et à corriger. Nous n'avons vû
1. Vol.
depuis
DECEMBRE . 1732. 2673
•
,
depuis plusieurs années que très- peu de
Parodies dignes d'être estimées ; telles
sont , Oedipe travesti , Agnès de Chaillot
et le mauvais Ménage ; la plupart
des autres ne sont qu'une imitation servile
des Tragédies qu'elles prétendent tourner
en ridicule ; ce genre est sans contredit
le plus aisé ; mais il s'en faut bien qu'il
soit le plus estimable , et le plus couru ,
à moins qu'on n'y trouve quelque heureux
incident qui attire le Public , soit
par la beauté du Spectacle , soit par quelque
chose de bruyant , tel que la fureur
de Roland , &c.
Le 9 Décembre les mêmes Comédiens
donnerent une Piéce nouvelle en un Acte
et en Vers , sous le titre des Enfans
Trouvez , ou le Sultan poli par l'Amour.
Cette Comédie , bien écrite et ingénieusement
composée est fort applaudie . Nous
en donnerons un Extrait plus détaillé
dans le second Volume du Mercure de
ce mois , actuellement sous presse .
Le premier Décembre , le sieur Hamoche ,
ancien Acteur de l'Opéra Comique , connu de
puis long -tems du Public sous le nom de Pierrot ,
ayant eu ordre de débuter sur le Théatre Italien ,
ily joua trois differens Rôles dans trois Comédies
qui furent représentées le même jour , sça,
1. Vol. voir G vj
2674 MERCURE DE FRANCE
voir dans les Paysans de qualité, le Tour de Carnaval
, et dans le Triomphe de l'Interêt , il a joüé
encore d'autres Rôles dans deux Piéces de l'an
cien Théatre Italien , et il a été applaudi du Public.
Il fit un compliment aux Spectateurs pour
se les rendre favorables , lequel fut terminé par
ces quatre Vers parodiez du Tartuffe.
En vous est mon espoir mon bien , ma quiétude ,
De vous dépend ma peine ou ma béatitude ,
Et je vais être enfin par votre seul Arrêt
Heureux , si vous voulés , malheureux , s'il vous
plaït.
>
Les Décembre , le sieur Thomassin le fils
reparut encore sur le Théatre Italien et joua
dans la Comédie du Je ne sçai quoi , le Rôle du
Maître à Chanter , qui est une Parodie d'un des
Actes du Ballet des Fêtes Venitiennes. Ce jeune
homme joue avee intelligence , et paroît avoir
du talent pour le Théatre ; il peut le perfectionner
s'il s'applique à imiter ceux de son perequi
est en possession de plaire au Public dès qu'il
paroît sur la Scene . Ce nouvel Acteur a été reçû
depuis peu dans la Troupe.
EXTRAIT de la Tragédie de Biblis
annoncée dans le dernier Mercure.
L
E Théatre représente d'abord le Palais
de Neptune ; Amphitrite paroît
sur un Trône , entouré de Nymphes ,
de Nereides, de DieuxMarins, et de Fleu
I. Vol. yes.
DECEMBRE . 1732 267
ves. Amphitrite expose le sujet du Prolo
gue par ces Vers :
Vous qui formez la Cour du Souverain des
Mers ,
Glorieux soutiens de son Trône ,
Célebrez avec moi l'heureux jour où Latone
Evita le courroux de la Reine des Airs :
Par les bienfaits du Dieu de l'Onde ,
Apollon et Diane embellissent le monde..
x
Les Sujets de Neptune et d'Amphitri-.
te célebrent cet heureux évenement
Neptune vient se joindre à cette Fête . Junon
la vient troubler , et fait connoître
son indignation par ces Vers qui lient le
Prologue à la Tragédie.
Neptune est donc toujours contraire à mes de
sirs ! & c.
Ah ! si le Dieu du jour et sa coupable mere
N'ont point éprouvé mon courroux
Du moins faisons tomber mes coups
>-
Sur ce sang criminel qui ne sçauroit me plaire.
Hâtons- nous , suivons ma fureur ;
Que l'Amour seconde ma haine ";
Qu'il allume des feux dont la coupable as
deur
Rende ma vangeance certaine , &c.
La Scene est à Milet. Au premier Acte
I..Vol.
2876 MERCURE DE FRANCE
,
le Théatre représente le Temple d'Apollon.
Caunus , frere de Biblis , ouvre la
Scene avec Ismene , Souveraine de la Carie.
Après lui avoir parlé de son amour
il lui dit que le bonheur que lui fait esperer
la Victoire qu'il vient de remporter
sur les Rebelles de ses Etats , est troublé
par la langueur mortelle de sa Soeur . Ils
implorent tous deux le secours du Ciel.
Biblis vient ; Ismene la laisse avec son
frere.
Biblis ne dit rien à Caunus qui puisse
lui faire soupçonner le détestable amour
dont elle brûle pour lui ; elle lui fait seulement
entendre que les Dieux , et surtout
Apollon dont elle est Prêtresse, sont
irritez contre elle. Pour rendre le calme
à ses Etats et à son coeur , elle le prie
d'accepter la Couronne que sa qualité de
grande Prêtresse du Dieu qui leur a donné
la naissance a fait tomber sur sa tête ;
elle le presse de renvoyer Ismene dans ses
Etats ; ce dernier ordre le surprend ; il
persiste à refuser la Couronne , mais elle
lui apprend que tout est disposé à le reconnoître
pour Roi ; elle lui prescrit ce
qui lui reste à faire par ces Vers :
Le peuple vient ici se ranger sous vos loix ;
Recevez son premier hommage ;
1. Vol
DECEMBRE. 1732. 2677
Il faut
gage
que dans ce Temple un serment vous en-
A respecter les Décrets de nos Rois.
Le couronnement de Caunus est le su
jet de la Fête de cet Acte ; le nouveau Roi,
fait le serment que Biblis lui a imposé ;
le serment est interrompu par le bruit du
Tonnerre, et Apollon fait entendre l'Oracle
que voici.
Tremble , malheureux , tremble , à l'aspect de ces
lieux ;
Laisse joüir Biblis de la Couronne ;
Le plus cruel malheur pour toi seul l'environne ,
Fui ; respecte mon sang , et le Trône et les
Dieux.
Caunus se résout à obéir aux Dieux ; les
peuples sortent avec lui ; Biblis reste seule
et fait connoître que c'est elle que l'Oracle
regarde ; elle s'exprime ainsi :
Quelle fatale ardeur dans mon ame s'allume !
Où suis-je ? qu'est- ce que je voi ?
Le feu mortel qui me consume
Dans un abîme affreux m'entraîne malgré moi è
Le Théatre représente un Port de mer
au second Acte ; on y voit des Vaisseaux
préparés pour le départ d'Ismene .
I. Vol.
Ipis
2678 MERCURE DE FRANCE
•
Iphis , Prince d'Ionie , et amoureux de
Biblis , témoigne sa frayeur sur le péril
de sa Princesse .
Biblis vient le prier d'empêcher le départ
de Caunus ; Iphis refuse de lui
obéir , fondé sur la menace et l'ordre absolu
d'Apollon ; Biblis lui deffend de la
voir jamais , s'il n'éxécute ce qu'elle lui
ordonne ; il se détermine enfin à lui
obeïr , quoiqu'il lui en puisse coûter.
Ismene se plaint tendrement à Caunus
de ce qu'il la renvoye dans ses Etats sans
l'y suivre ; Caunus lui répond qu'il n'ose
l'associer à ses malheurs ; enfin touché
de ses larmes et excité par son amour , il
se réfout à partir avec elle.
Les Sujets d'Ismene et une Troupe de
Matelots,viennent célebrer la Victoire qui
a rétabli leur Souveraine sur le Trône
qu'on avoit usurpé sur elle. Cette Fête- a
fait un très grand plaisir , tant par rapport
aux Danses parfaitement éxécutées
par les Dlles Camargo et Salé , que par les
par la Dile Petitpas. Canevats chantés
La Fête est interrompuë par Iphis , qui
vient annoncer à Caunus que Biblis se
soustrait pour jamais aux yeux de ses
Peuples ; tous les Ioniens le conjurent de
ne point partir et de régner sur eux ;
Caunus oppose à leurs prieres les mena-
I. Vol. ces
DECEMBRE . 1732. 2679
ces d'Apollon ; il ne se détermine à rien ,
et fait entendre seulement qu'il va consulter
les Dieux une seconde fois.
Au troisiéme Acte , le Théatre représente
un Antre ; on y voit un Tombeau en
forme de Pyramide , où sont les Ancêtres
de Biblis . Elle se plaint de son sort par
ces Vers :
Séjour impénetrable à la clarté des Cieux ,
Antres affreux , objets funebres ,
Frémissez avec moi de mon sort rigoureux ;
Mais n'en rougissez pas , Manes de mes Ayeux ;
Je viens cacher mes feux dans l'horreur des te
nebres .
Je n'ai point fait l'aveu du crime de mon coeur
Ma mort va lui donner sa première innocence ,
Ranimez mon courage , excitez la vengeance
Dont je vais punir mon ardeur.
Séjour impenetrable , &c .
Iphis arrive ; Biblis irritée , lui ordonne
de la laisser dans ce lieu d'horreur ; Iphis
lui dit que Caunus viendra bien - tôt se
joindre à lui pour la rendre à la lumiere ;
ce dernier coup accable Biblis ; elle de
mande à Iphis d'où vient que Caunus
n'est point partis Iphis étonné , lui rés
pond que ce n'est que par son ordre exprès
qu'il l'a retenu ; Biblis lui dit qu'il
1. Vol. ne
2680 MERCURE DE FRANCE
s'est retirée
ne devoit point lui obéïr ; elle lui deffend,
d'apprendre à Caunus en quel lieu elle
et exige même un ser
ment de lui sur ce sujet, Iphis la quitte en
l'assurant qu'il amenera bientôt son frere.
Biblis accablée de douleur , s'endort ; le
Théatre change et représente les Champs
Elisées. Des Songes sous la forme d'Amans
heureux et d'Amans malheureux
se présentent à elle ; les premiers expo
sent leurs plaisirs par leurs danses et par
leurs chants , et les derniers expriment
leurs tourmens . Cette funeste image éveille
Biblis en súrsaut ; elle continue à gémir
des maux où le Ciel la condamne.
?
Caunus vient , sa présence augmente
le supplice de Biblis ; elle lui fait même
sentir que plus elle le voit , et plus elle
est malheureuse ; Caunus ne peut rien
comprendre à ce mystere. Biblis prend
enfin une derniere et noble résolution
qu'elle fait connoître par ces Vers qui
finissent ce troisiéme Acte .
Venez , le Ciel m'éclaire ;
Je puis , sans l'offenser , voir encor la lumiere ;
Couronnons de tendres ardeurs ;
Que l'Hymen à jamais vous joigne avec Ismene ,
à
part.
Dieux , que ce Sacrifice appaise votre haine .
I. Vol. Le
DECEMBRE. 1732. 1681
Le Théatre représente au quatriéme
'Acte , un lieu embelli pour celebrer l'Hy
men de Caunus et d'Ismene. Celle- cy se
livre au doux plaisir de l'esperance. Biblis
vient ; ismene lui témoigne sa reconnoissance
au sujet de son Hymen , auquel
elle a bien voulu consentir ; elle la
presse de renoncer au dessein qu'elle a
formé de quitter la Couronne et la vie ;
Biblis lui fait entendre qu'elle est toû
jours dans la résolution de cesser de vivre .
Caunus vient , suivi d'une troupe de
Peuples de divers endroits de la Grece ;
il invite sa soeur Biblis à couronner la
constance d'Iphis , comme Ismene va
couronner la sienne. La Fête commence ;
les Peuples témoignent par leurs chants
et par leurs jeux , le plaisir qu'ils ont de
voir finir leurs malheurs. Biblis invite
Caunus et Ismene à s'approcher de l'Autel
pour être unis à jamais , et leur parle
ainsi :
Approchez, il est temps que l'Hymen vous unisse
Joignez vous à mes voeux au pié de cet Autel ;
Il faut qu'un sacrifice auguste et solemnel ,
Rende à jamais le Ciel à votre Hymen propice.
On amene la victime sous prétexte
de l'immoler : Biblis veut s'immoler ellemême
; Caunus lui retient le bras , elle
s'en plaint par ces Vers :
2682 MERCURE DE FRANCE
Dieux ! faudra- t'il toujours par un funeste sort ,
Me voir retenir à la vie ,
Par cette même main qui me donne la mort.
Au cinquième Acte , le Théatre repré
sente le Palais de Biblis . Caunus commence
à soupçonner l'amour incestueux
de sa soeur , du moins il le fait connoître
par ces Vers qui commencent le dernier
Acte.
Qu'ai-je entendu ? grands Dieux ! et quel Démon
barbare ,
A conduit la main de Biblis ?
Une soudaine horreur de mon ame s'empare ;
Où suis-je qu'ai-je vû je tremble je fré
mis , &c.
Ismene vient s'affliger avec Caunus ,
du funeste présage qui vient de préceder
leur Hymen ; Iphis tout éperdu ,
annonce à Caunus que Biblis persiste
dans le dessein de mourir , et que son
nom est sorti cent fois de la bouche
de cette soeur infortunée. Caunus veut
partir sans la voir , pour obeïr aux Dieux .
Biblis vient , elle prie Iphis , et Ismene
de se retirer ; l'affreuse verité lui échappe;
Caunus en est épouvanté ; elle saisit le
moment de sa mortelle frayeur pour se
frapper.
1. Fol. On
DECEMBRE . 1732. 2683
On a trouvé ce cinquième Acte superflu
et tout le monde convient que la
Tragédie auroit beaucoup mieux fini par
le sacrifice volontaire de Biblis , qui auroit
pû être suivi de l'aveu de son amour
incestueux , auqel cas il auroit fallu mettre
un Acte intermediaire. Au reste cette
Tragédie a été parfaitement execurée.
Les Diles le Maure et Pélissier y ont
soutenu la réputation qu'elles se sont si
justement acquise par la beauté du chant
et par la justesse de l'action . Le sieur Dupré
se fait tous les jours plus admirer par
la noblesse , la legereté et la finesse de sa
danse,
Le Dimanche 14. de ce mois , l'Acade
mie Royale de Musique remit au Théatre
Isis , Tragédie , dont les paroles sont,
de Quinault , et la Musique de Lully. C'est
le ceptiéme Opera de ces illustres Auteurs.
Ils avoient déja fait ensemble Psiché , les
Fêtes de l'Amour et de Bacchus , Cadmus et
Hermione, Alceste, Thesée, et Atys . Isis n'avoit
point été repris depuis 1720. Feu Mile
Fournet y chantoit alors le principal Rôle
et le sieur Thévenard celui d'Hierax,
Dans la nouveauté de cet Opera , les deux
Rôles étoient joüez par la Dile Aubry et
le sieur Gayes et celui de Junon par par
•
1. Vol. la
2684 MERCURE DE FRANCE
la Diles. Christophle. Aujourd'hui ces Rôles
sont remplis par la Dlle le Maure , par
le sieur Chassé et par la Dlle Antier. On
représenta Isis sur le Théatre du Château
de S. Germain en Laye , devant le Roy,
en 1677. il servit de divertissement à la
Cour pendant une partie du Carnaval.
Il parut ensuite sur le Théatre de Paris ,
au mois d'Août de la même année.
2
L'admirable Trio des Parques. Le fil de
la vie , &c. que M. de Lully estimoit tant
lui- même , passe pour le plus beau qu'il
ait jamais fait en ce genre.
Isis , selon M. de Freneuse , dans sa
comparaison de la Musique Françoise à la
Musique Italienne , est le plus sçavant
Opera de la composition de M. de Lully,
et qui cependant eut le moins de succès
dans sa nouveauté,
La plainte de Pan , à la sixième Scene
du troisiéme Acte : Hélas ! quel bruit
entend-je ? &c. est regardée comme un
chef-d'oeuvre , par la maniere dont il l'a
rendue après l'avoir copiée d'après nature ,
à ce qu'on prétend ; car on croit entendre
le même bruit et le même siflement
fait le vent en hyver à la campagne ,
que
dans une grande maison , lorsqu'il s'engoufre
dans les portes , dans les coridors
ou dans les cheminées ; ce bruit ap-
1Vol.
proche
DECEMBRE. 1732. 2685
proche fort du sifflement plaintif que
font les Roseaux et d'autres Plantes de
cette espece agitées par le vent. C'est une
imitation naïve et parfaite de la Nature.
M. le Brun , dans son Théatre Lyrique,
a raison de dire qu'il faut éviter de mettre
sur le Théatre un Dieu favorisé d'une
Mortelle , comme dans cette Piece , parce
qu'on ne s'interesse guere pour un Amant
dont le bonheur égale le pouvoir , à
moins que l'incertitude de la Divinité ne
fasse subsister l'interêt.
On reproche à l'Auteur sur ce Poëme
que la Furie Erinnis , qu'il a introduite
est trop tranquille , &c. Nous parlerons
plus amplement de cet Opera en rendant
compte à nos Lecteurs de son exécution ,
de son succès et des observations du Public
en general , et des Critiques en particulier.
On apprend de Vienne , qu'on y avoit représenté
les . Novembre avec un très- grand succès
, le nouvel Opera d'Adrien , composé à l'oc
casion de l'Anniversaire de laNaissance de l'Empereur
, par le sieur Caldara , Sous- Maître de la
Chapelle de Musique de S. M. Imp.
On a représenté à Londres , sur le Théatre du
Marché au Foin , le nouvel Opera de Caton ,
dont le principal Rôle est chanté par la Signora
Celestine Gismondi , nouvelle Chanteuse Italienne ,
qui est fort applaudie.
1. Vol. IMI.
2686 MERCURE DE FRANCE
IMITATION de l'Ode d'Horace
qui commence par ces mots : Sic te
Diva potens Cypri , &c.
Puisses -tu de l'humide Plaine ,
Heureusement fendre les Flots
Guidé par les freres d'Helenè ,
Et par la Reine de Paphos ;
Vaisseau , daigne Eole exorable ;
T'accorder un vent favorable ,
Enchaîner les vents ennemis ,
Afin qu'à l'attique Rivage ,
Tu portes sans aucun dommage ,
Mon Virgile à ta foi commis.
Quiconque fut l'homme intrépide ,
Qui le premier put s'engager ,
A courir l'Ocean perfide ,
Sur un Vaisseau frêle et leger ,
Sourd aux menaces furibondes ,
Des vents divers qui sur les Ondes ,
Exercent leur droit souverain ;
Oui , quand il tenta cette route ,
Il eut le coeur muni , sans doute ;
Et de chêne et d'un triple airain .
截Quel degré de mort épouvante ¿
1. Vol. Celul
?
DECEMBRE. 1732. 2687
Celui qui peut voir sans terreur ,
Les Monstres que la Mer enfante ,
Ses écueils , ses flots en fureur ?
En vain le Maître du Tonnerre ,
Prudent , a séparé la Terre ,
Du profond abîme des eaux ,
Si le Détroit le plus sauvage ,
Est contraint d'ouvrir un passage,
nos témeraires Vaisseaux .
C'est ainsi qu'à l'humaine audace ;
Les plus grands forfaits coûtent peu.
De Japet l'insolente Race ,
Dans les Cieux déroba le feu ;
Présent à la Terre funeste !
Mille maux , la fievre , la peste ,
Regnerent dès-lors ici bas ;
Bien- tôt leur rigueur excessive ,
Fit
que la mort jadis tardive ,
Vers les Humains doubla le pas.
M
Avec les ailes qu'il sçut faire ,
Dédale s'éleva dans l'air.
Pour s'emparer du fier Cerbere ,
Hercule osa forcer l'Enfer.
Rien aux Mortels n'est difficile,
Notre fureur trop indocile ,
1. Vol.
Αν H
2688 MERCURE DE FRANCE
Au Ciel même adresse ses coups ;
Sans fin nos attentats horribles ,
Excitent les foudres terribles ,
Que Jupiter lance sur nous.
F. M. F.
NOUVELLES ETRANGERES
DE TURQUIE ET DE PERSE.
O
Na appris de Perse que les Troupes de
Roi, qui ont travaillé aux Fortifications
d'une petite Place sur la Mer Caspienne , à six
lieues de Backi,en étoient parties pour joindre la
grande Armée qui est à présent de 180000. hommes
. Elle occupe un Poste avantageux entre
Bagdat et l'Armée des Turcs , de sorte que cette
Place ne pourra que difficilement être secourue.
On assûre que les vivres qu'on y avoit fait entrer
en dernier lieu étoient consommez , et que
Persans se flattoient de s'en rendre maîtres avant
la fin de l'année , ne croyant pas que le Seraskier
qui commande les Troupes du Grand- Seigneur
osat hazarder une Bataille , parce que la
plus grande partie de son Armée est composée
de Soldats levez par force.
les
On a appris depuis que le Serasquier qui commande
l'Armée du G. S. avoit reçû des pleins
Pouvoirs pour signer une suspension d'Armes
pour six mois , pour négocier et conclure un
nouveau Traité de Paix avec le Roi de Perse .
I. Vol
AL
DECEMBRE.
1732 2689
ALLEMAGNE .
N apprend de Vienne , que la maladie con
tagieuse fait beaucoup de progrès dans la
Croatie , malgré les précautions qu'on a prises
pour l'empêcher de s'étendre , et on a été obli
gé d'interdire toute communication avec cette
Province.
Le Décret du Conseil Aulique , publié dans
le Duché de Mekelbourg , donne l'administration
provisionelle de ce Duché au Duc Chrétien
Louis , jusqu'à ce que le Duc Charles Léopold
se soit soumis aux précedens Décrets de ce Conseil
. Il accorde 25000. écus par an à ce Prince
Administrateur , sans compter les revenus de son
Appanage , et 40000. écus au Duc Charles Léopold
, outre les revenus des Bailliages et Douanes
de Domitz et Schwerin.
On vient d'apprendre que les Commissaires
subdeleguez de la Commission Imperiaie ont
fait supprimer les Exemplaires de la protestation
que le Duc Charles Léopold de Meckelbourg
avoit fait publier contre la nouvelle forme de
Régence réglée par le dernier Décret du Conseil
Aulique , et qu'ils ont envoyé en mêmetems
des Lettres circulaires à toute la Noblesse
pour lui communiquer la nouvelle Ordonnance
qu'on doit publier au commencement de l'année
prochaine par rapport à la levée des contributions
dans le pays , où on attend incessamment
un Ministre Plénipotentiaire de l'Empereur pour
installer le Duc Chrétien - Louis en qualité d'Administrateur
du Duché. On croit que ce sera
le Comte de Seckendorf qui sera chargé de
cette commission.
I. Vol. Hij L'Im
690 MERCURE DE FRANCE
L'Imperatrice a été incommodée pendant quelques
jours d'une fluxion catharale , espece de
rhume , qui est devenu une maladie épidemique
owà Vienne , à 708. lieuës à la ronde , et presque
dans toute l'Allemagne.
Il est sorti encore depuis peu 800 Lutheriens
qui vont à Ratisbonne , et un pareil nombre ausquels
la République d'Hollande donne retraite:
600 habitans du Bailliage qu'on croyoit Catholiques
se sont déclarez Lutheriens , et demandent
la permission de quitter le pays.
Des Subsides que l'Empereur a demandé à ses
Etats héréditaires pour l'année prochaine , le
Royaume de Boheme en doit fournir trois millions
200. mille Florins ; la Moravie un million
66066. flor . le Duché de Silesie deux millions
153333. for . la Haute Autriche 450000 flor.
la Basse Autriche un million 1ooooo . flor. la
Stirie , 390000. le Tirol , 12000o . la Hongrie ,
2 millions soocoo. flor . la Transilvanie, 760000.
le Bannat de Temeswar 330000. l'Esclavonie
100000. la Servie , 127000. la Croatie , 24000 .
et les Terres particulieres de l'Empereur en Ita
fie , 200. mille,
ITALIE.
'Abbé Federa a été nommé par le Pape pour
L'aller fonder dans la Calabre un College en
faveur des jeunes Grecs Catholiques : on y recevra
aussi les jeunes Ecclésiastiques Schismatiques
qui voudront s'y faire instruire.
Le Prince Caraccioli , Napolitain , ancien Of
ficier General dans les Troupes du Roi d'Espague
, et qui est âgé de 114. ans , est venu à
Rome passer quelques jours chez le Cardinal
I. Vol. Cien
DE CEMBRE. 1732. 2697
Cienfuegos , dont il a pris congé pour retourner
chez les Hermites de Spolette , où il s'est
retiré.
L'Infant D. Carlos est revenu de Plaisance à
Parme , et l'on assûre qu'il retournera à Floren→
ce au Printems prochain .
On mande de cette derniere Ville que le
Comte Caimo , Envoyé extraordinaire de l'Empereur
, avoit reçu de Vienne un Décret de S.
M. I. que ce Ministre avoit fait remettre au Senat
de Florence par une personne inconnuë
mais que les Senateurs n'avoient pas voulu ouvrir
le paquet , et qu'ils l'avoient envoyé cacheté
aux Secretaires d'Etat du Grand Duc . On a appris
depuis que ce paquet avoit été ouvert par
Ministres du Grand Duc, qui ont eu en cette occasion
quelques conferences avec le Ministre de S.
M. I.
les
On mande de Pontemole , petite Ville du Duché
de Toscane , sur les Confins du Duché .de
Parme et de l'Etat de Genes , que le débordement
des Rivieres y avoit causé de très - grands
dommages ; qu'elles en avoient emporté le Pont
et les maisons voisines démoli l'Eglise de
S. Sebastien , l'Hôpital de S. Antoine , et une
partie du Couvent qui est hors de cette Ville , et
fait périr plus de soo personnes.
A la recommandation du Roi d'Espagne , la
République de Genes a rendu la liberté à M. Camille
Doria , qui avoit été envoyé dans la
Forteresse de Savone , pour donner satisfaction
à S. M. C. d'une insulte faite au Consul Espagnol
de la Bastia.
On mande de Turin , qu'on croyoit que la
Comtesse de Spigno , veuve du feu Roi Victor-
Amedée se retireroit volontairement dans un
Couvent en Piedmont .
I. Vol.
Es- H iij
2692 MERCURE DE FRANCE
ESPAGNE.
E 7. Novembre , on fit partir de Barcelone
un Convoy de 25 Bâtimens de transport ,
escortés par le Vaisseau de Guerre le S. François
, sur lesquels on avoit embarqué quatre Bataillons
et 800. Grenadiers des Régimens des
Gardes Espagnols et Walones .
Le 10. ce Convoy passa à la hauteur d'Alicante
, où il fut joint par les Vaisseaux de Guerre
de Malte , dont on a déja parlé , et par quatre
Vaisseaux de Guerre du Roi , qui n'ayant
pú doubler le Cap Palos , à cause des vents contraires
, étoient entrés dans le Port d'Alicante.
Ces quatre Vaisseaux ont à bord un Bataillon du
Régiment d'Arragon , et 9. Compagnies du Régiment
d'Ultonia , Infanterie ; on a appris depuis
que ce Convoy est arrivé à Oran , dont la
Garnison , au moyen de ce renfort , est composée
présentement de 20 Bataillons et de z Compagnies
de Grenadiers , dont celles des Régimens
des Gardes Espagnoles et Walonnes sont de cent
hommes chacune.
Des Lettres écrites depuis portent que le
Gouverneur du Château de Sainte Croix s'étant
apperçu que les Maures travailloient dans un
Valon au pied de ce Château , avoit fait la nuit
du 11 au 12 de Novembre une sortie de deux
Compagnies de Grenadiers et de quelques Travailleurs
qui les attaquerent et en tuerent un
grand nombre ; qu'on avoit reconnu alors
qu'ils avoient ouvert deux Mines au pied de ce
Fort , mais qu'il leur étoit impossible d'en tirer
aucun avantage , parce qu'il y avoit de ce côté - là
un Rocher d'une dureté impénétrable ; que les
I. Vol.
Maures
DECEMBRE. 1732 2693
Maures qui avoient pris d'abord la fuite , étoient
revenus en plus grand nombre , et qu'ils avoient
attaqué les Grenadiers dans leur Retraite ; mais
que le feu du Fort les avoit obligez de se retirer
après avoir perdu plus de 400 hommes ; que les
Espagnols n'avoient eu que cinq Soldats de tuez
dans cette sortie.
Ces Lettres ajoûtent que quelques déserteurs-
Maures avoient rapporté que le nommé Lazarin ,
homme riche et puissant dans le pays , dont les
Terres étoient situées aux environs de Mosta
gan , à 14 lieues d'Oran , s'étoit retiré avec tousses
effets et bestiaux , pour ne pas être exposé
aux cruautez de Bigotillo , l'un des Generaux
des Maures , et qu'en faveur des Chrétiens , il
avoit levé des Soldats Maures avec lesquels il
avoit enlevé une partie des Troupeaux de Bigotillo
, et les avoit emmené dans des Terres éloignées
, où il s'étoit retranché pour se deffendre
et conserver sa prise. "
·
.. D'autres nouvelles reçues d'Oran portent , que
le 21 Novembre au matin , le Gouverneur de
cette Ville avoit fait une sortie de 10000. hommes
, qu'il avoit attaqué en même tems les
Turcs et les Maures dans leurs Tranchées ; qu'il
les avoit obligez de prendre la fuite après quelque
résistance ; qu'il les avoit poursuivis plus
d'une lieue , et que la Garnison étoit rentrée
dans la Place.
On a appris par des Lettres anterieures , qu'une
Compagnie de Grenadiers du Régiment de
Cantabria , qui étoit dans un poste avancé , l'avoit
abandonné sans qu'on sçut ce qui l'y avoir
obligé ;;
que quelques jours après , cette Compa
gnie se trouvant dans le même poste , les ennemis
étoient venus Pinsulter , que le Lieutenant
I.Vol.
Hitij s'é2694
MERCURE DE FRANCE
s'étoit avancé à la tête de 20 Grenadiers , la
bayonnette au bout du fusil , malgré les ordres
du Capitaine , qui le traitoit de téméraire ; que
ce Lieutenant lui ayant répondu qu'il vouloir
faire voir que ce n'avoit point été par faute de
courage qu'on avoit fait la retraite des jours précédens
, le Capitaine avoit marché avec toute
la Compagnie , que Don François d'Araona ,
Commandant du Château de Sainte Croix , ' et
du second Bataillon du même Régiment , avoit
joint cette Compagnie , qu'ils avoient attaqué
les Maures avec tant de valeur , qu'après leur
avoir tué plus de 200. hommes , ils les avoient
contraints de rentrer dans leurs tranchées.
Les dernieres Lettres reçûës portent , que dans
la sortie que le Marquis de Santa Cruz fit faire
le 21 de Novembre , il avoit fait attaquer tous les
Postes occupez par les Turcs et les Maures , ct
que s'étant apperçû qu'un Détachement des
Troupes Espagnoles avoit été coupé par un
Corps de Cavalerie Maure , et qu'il étoit en
danger d'être taillé en pièces , il étoit sorti de la
Place à la tête d'un autre détachement pour le
secourir , qu'il avoit obligé ce Corps de Cavalerie
à prendre la fuite , qu'en même tems les autres
Troupes Espagnoles avoient chassé les
Maures de tous leurs quartiers ; que le Marquis
de Santa- Crux , Capitaine General et Gouver
neur d'Oran , le Marquis de Valdecanas , Brigadier
des Armées du Roi , et le Colonel Don Joseph
Pinel , ayant eu le malheur d'être tuez dans
ces differentes attaques , et que d'ailleurs ces
Troupes étant extrêmement fatiguées , elles
étoient rentrées dans la Place vers les cinq heures
après midi : que le 23 , l'Officier qui commandoit
dans Oran , à la place du Marquis de
I. Vol. Santa
DECEMBRE . 1732. 2595-
Santa- Cruz , avoit fait une seconde sortie generale
, et qu'ayant attaqué en même- tems tous
les quartiers des Maures , il les en avoit chassés;
qu'on comptoit qu'ils avoient perdu plus de-
1oooo . hommes dans ces deux actions ; que les
Maures ayant passé les Montagnes , n'avoient
pas reparu depuis le23.et que les détachemens de
Cavalerie qu'on avoit envoyés à la découverte
n'en avoient pû apprendre aucunes nouvelles .
>
Ces derniers avis ajoûtent , que du côté des .
Espagnols il y avoit environ 600. hommes de.
tuez , et près de 1500 blessez ; que les Troupes
Espagnoles qui sont encore à Oran montoient à
13000. hommes , et qu'une partie étoit actuellement
campée hors de la Place dans le Camp
que les Turcs et les Maures occupoient , qu'elles
en avoient brûlé les barraques et décruit les
Fortins qu'ils avoient construits et élevez autour
de ce Camp , et que quelques recherches
qu'on eut faites , on n'avoit encore pû trouver
le corps du Marquis de Santa - Cruz .
On mande de Seville , que le Marquis de
Villadarias , Lieutenant General des Armées du
Roi , que S. M. vient de nommer pour commander
en Chef à Oran , à la place du Marquis
de Santa - Cruz , doit s'y rendre incessam
ment.
On écrit de Ceuta que le 14 du mois dernier
il étoit venu du côté de Tetuan un Corps
de Troupes de 4000. hommes d'Infanterie , et de
4000. de Cavalerie , que le même jour le Gouverneur
de Ceuta avoit fait une sortie qui avoit
mis toutes ces nouvelles Troupes en fuite ; les
mêmes Lettres portent que les Noirs de Mique
nez s'étoient soulevez , et qu'ils avoient procla
mé Roi un frere du Roi régnant , lequel s'étoi
mis à leur tête,
I. Vol. Hy D'au
2696 MERCURE DE FRANCE
D'autres Lettres portent que l'Armée du Roi
de Maroc se tenoit encore à plus d'une lieuë de
Ceuta sans oser rien entreprendre ; que le Gouverneur
voulant connoître sûrement l'état de cette
Armée , avoit fait embarquer le 15 de Novembre
so hommes qui avoient mis pied à terre
le 20 dans une plage où ils s'étoient cachez
derriere un Rocher ; que le 21 au matin huit
Maures armez s'étant approchez de ce Rocher
les Espagnols en avoient tué trois et fait deux
autres prisonniers ; que le bruit de la Mousqueterie
avoit attiré les Maures de ce côté là , mais
que les Espagnols avoient eu le tems de se rembarquer
avec leurs prisonniers , desquels on avoit
appris qu'il n'y avoit dans le Camp des Maures
que 4000. hommes d'Infanterie et 15oo . de
Cavalerie.
HOLLANDE , PAÏS- BAS.
Na fait des prieres publiques dans les prin
cipales Villes de la Hollande , à l'occasion
de la nouvelle espece de Vers qui y ont été apportez
par des Vaisseaux revenus des Indes . Ces
Insectes s'étant prodigieusement multipliez , ont
attaqué les Digues du côté de la Zelande , de la
Frise et de la Nort- Hollande. Ils en röngent les
Pilotis , et les perçant d'une infinité de trous
ils les rendent inutiles , de sorte que ces Provinces
se verroient en danger d'être submergées sans
les réparations qu'on est ob'igé de faire tous les
jours à ces Digues. On n'a trouvé jusqu'à présent
aucun moyen de détruire ces Insectes , qui,
vivent également dans la Mer et hors da
l'eau.
-
>.
1. Val BOU
1732. 2697
POOQUET engl ; M. P... C………!
& un malade dris le jour de sa
Fête , avec un présent de Confiture séche
d'Angelique.
CLemond , qu'une amitié sincere
Place au premier rang dans mon coeur
Qui de la raison qui t'éclaire ,
Pourrois faire encor ton bonheur ;
Pourquoi de tes destins alterer la douceur ?
Et nourrir dans ton sein un mal imaginaire ?
Cher ami ; pour ta guérison
Vois ce que l'amitié m'inspire
C'est pour égayer ta raison ,
Que dans mon arriere Saison ,
Je risque de toucher la Lire.
Mais que , dis je , ce n'est point moi
Qui prétends célebrer ta Fête ,
C'est Apollon , c'est lui , je l'entends , je le
voi ,s .
C'est lui qui s'interesse à toi ,
Et par lui , cher Clemond , ta guérison s'a
prête ,
Il est le pere des beaux Vers ,
Il est Dieu de la Médecine ,
Lui-même il vient par ses doux Aure
Dissiper cette humeur chagrine
1
J Vole
Qu HI vi
2698 MERCURE
Qui tient ton esprit dans
Il vient prévenir la ruine
Qui menaçoit ton foible corps ;
Et par la puissance divine
D'une salutaire racine ,
Il va rétablir les ressorts
De ta languissante machine.
Sa main a préparé ¡ es fleurs
Qu'aujourd'hui la mienne te donne ;
Ce cristal qui les environne ,
Est le remede à tes langueurs.
C'est une ambroisie efficace
Pour rassurer un coeur par son mal agitë
Et les habitans du Parnasse
Dans l'usage de cette glace ,
Trouvent leur immortalité .
Mais ce remede , que t'envoye
.
D'un Dieu si bienfaisant l'attentive bonté,
Cher ami reçois- le avec joye ; lo de
Sois toi-même ton Médecin , C
Un innocent, plaisir ; une douce allegresse.
Rend l'esprit vif , et le corps sain ;
Er l'homme n'a point d'assassin-
Plus terrible que la tristesse.
A vaincre ce mortel poison ,
Mon exemple aujourd'hui t'engage
Quoi ! pour monter sur l'Helicon
N'en coûte il rien à mon âge ?
1.Vol.
S
DECEMBRE. 1732 . 2599
9: tou Jauié Aoit cherir
Les con ge our toi fait un ami sincere,
Ose imiter - pour te guérir ,
Ce qu'il entreprend pour te plaire.
P. C.
FRANCE ,
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
>
et
Lde Nove , le Rol revêtu du grand
E 30 Novembre , premier Dimanche
Collier de l'Ordre du S. Esprit , se rendit
dans la Chapelle du Château de Versailles
, où S. M. entendit la Messe
communia par les mains de l'Abbé de
Brissac , Aumônier du Roi en quartier
ensuite S. M. toucha un grand nombre
de malades . L'après midi , L. M. entendi
rent le Sermon du P. Julien , Religieux
Recolet , et ensuite les Vêpres chantées .
par la Musique .
Le premier de ce mois , les Princes et
Princesses du Sang , et les Seigneurs et
Dames de la Cour , en h bits de grand
deuil , rendirent en ceremonie leurs res-
La Veh pects
2700 MERCURE D
pects au Roi , à la Reine
gneur le Dauphin , à l'occa
du Roi Victor Amedée.
•
Le 2. le Nonce du Pape , les Ambassa
deurs et les Envoyés , tous en grand
Manteau de deuil , furent introduits par
le
Chevalier de Sainctot ,
Introducteur
des
Ambassadeurs , dans le Cabinet du
Roi , où ils eurent Audience de S. M. Ils
furent conduits ensuite par le même Introducteur
, à
l'Audience de la Reine , et
à celles de
Monseigneur le Dauphin , de
Monseigneur le Duc d'Anjou , et de Mes
dames de France .
Le Roi a donné au Cardinal de Fleu
ry Grand - Aumônier de la Reine , la
Charge de Premier Aumônier du Roi ,
vacante par la mort du Duc de Coislin
Evêque de Metz.
S. M. a nommé pour son Ambassadeur
auprès de la République de Venise , le
Comte de Froulay , Brigadier des Armées
du Roi,
Le 25 Novembre 1732. les Chanoines
Réguliers de l'Ordre de S. Antoine ont
tenu leur Chapitre Generalen Dauphiné ,"2
J.Vol. où
DECEMBRE. 1732. 2701
où ils ont élû le P. Gaspariny pour leus
Abbé General.
Le Roi a accordé à l'Archevêque de
Vienne la Charge de Premier-Aumônier
de S. M. vacante par la démission volon →
taire du Cardinal de Fleury , Grand- Au
mônier de la Reine. Il prêta Seriment entre
les mains du Roi pour cette Charge
le 28 de ce mois .
La direction des Haras du Royaume a
été réunie au département de M. le Com
te de Maur pas , Ministre et Secretaire
d'Etat , comme elle l'étoit sous le Régne
du feu Roi , au même département.
Les Musiciens de Paris célebrerent le
Mercredi 10 de ce mois , dans l'Eglise de
S. Sulpice , le Service annuel et solemnel
pour leurs Confreres deffunts. L'affluence
fut extraordinaire , et quantité de per
sonnes de con idération s'y trouverent.
Les deffunts , pour la mémoire desquels
se firent les Pricres sont les Sieurs
LE FEVRE , Prêtre , Beneficier de Notre-
Dame : LESCHENAULT Prêtre , ancien
Mître de Musique des Saints Innocens :
GARDINIER Prêtte : MARCHA ND , Orga
niste du Roi : SALOMON , de la Musique-
9
La Vola du
2702 MERCURE DE FRANCE
du Roi : TOUVENELLE , du Concert Spirituel
: MANCEAU , de S. Honoré : Beau-
PUIS , BAUDY pere , et DUMONT , Graveur
en Musique
On dit des Messes basses à toutes les
Chapelles depuis huit heures jusqu'à midi;
et avec la legere contribution que chaque
Musicien s'est imposée pour l'honoraire
de la Cerémonie , on eut bien au- delà de
la dépense ; les Musiciens ne sçauroient
trop tôt donner des marques publiques
de leur reconnoissance à M. le Curé de
S. Sulpice des manieres prévenantes et
génereuses dont il a bien voulu les honorer.
Non seulement il n'a voulu rien
recevoir pour la sonnerie , le luminaire
et la décoration de l'Autel , &c . mais il
daigna même veiller à toute la cerémonie
, au bon ordre et à l'arrangement ;
ensorte qu'au moyen des Suisses qu'il
avoit placez de tous côtez , il n'y eut
pas la moindre confusion .
La Musique fut éxecutée par M. DE LA
CROIX , Maître de Musique de la Sainte
Chapelle ; les voix et les instrumens se
signalerent avec une justesse et une précision
qui se soutinrent jusqu'à la fin . L'Officiant
fut M. Vasselin , Beneficier de l'Eglise
de Paris.
Orationibus Sancta Ecclesia , et Sacrifi-
1. Vol.
cie
DECEMBRE 1732. 2703
sio salutari , et Elemosynis , que pro eorum
spiritibus erogantur , non est dubitandum
mortuos adjuvari , ut cum eis misericordius
agatur à Domino , quàm eorum peccata meruerunt.
August. de verbis Apostoli.
BOUQUET à Madlle Therese M....
de Sens , le jour de sa Fête.
Loin des bords que l'Yonne arrose ,
Pour former un Bouquet digne d'orner to
sein ,
L'Amante de Zephire envain ,
Me présente en ces lieux et le Lys et la Rose.
Therese , est- ce de fleurs dont je dois te cou
vrir ?
Ton teint fait honte aux dons de Flore ;
Les trésors qu'elle fait éclore ,
Un jour les voit naître et mourir ;
Et de Sens à Châlons j'ai vû six fois l'Au
rore
Baigner de pleurs la yoye où je devois courir.
Que t'offrirai-je donc , pour tenir ma pro
messe ?
Des vers la Saone et le Permesse
Ne coulent pas également.
Mon coeur ! il te jura sa constance à Vareil
les ;
*
* Petit Village à trois lieües de Sene
I. Vol
Ec
2701 MERCURE DE FRANCE
Et trois baisers cueillis sur tes levres vermeil
les
Furent le prix de ce serment.
Faut- il qu'une absence cruelle
Mette obstacle en ce jour à mes tendres de
sirs !
Ah ! M. ....
zele ,
quand je viens t'offrir le même
Que n'ai -je les mêmes plaisirs
M. de Broglio , de Martegues en Provence
Le 6. Decembre , les Officiers de la
Chambre de M. le Duc d'Orleans , voulant
donner des marques publiques de
leur attachement et de leur zele au sujet
de l'heureuse convalescence de ce Prince ,
et du Duc de Chartres , son fils unique
firent chanter solemnellement dans l'Eglise
des Peres de l'Oratoire de la ruë
S. Honoré , un Te Deum de la composi
tion de M. Gervais , Maître de Musique
de la Chapelle du Roi et de M. le Duc
d'Orleans , qu'il fit éxecuter par un excellent
Choeur de Musique composé des
meilleurs sujets de chez le Roi , de l'Académie
Royale de Musique , et de Paris ,
Le Te Deum fut précedé du Salut et de
l'Exaudiat,auquel l'Archevê que de Rouen
officia. S. A. R. assista à cette cerémonie
I. Vol.
ac
DECEMBRE. 1732. 2705
›
accompagnée du Duc de Chartres , de
Mademoiselle , du Prince et de la Princesse
de Conty , et d'un très grand nombre
de personnes de distinction . M. le
Bailly de Confland , Premier Gentilhomme
de la Chambre de M. le Duc d'Or.
leans , reçût S. A. R. à la premiere Porte
de l'Eglise , à la tête de tous les Officiers
de la Chambre de ce Prince . La Communauté
des Prêtres de l'Oratoire , ayant રે
leur tête le R. P. General , alla recevoir
cette Princesse à la seconde Porte , et lui
présenta l'Eau benite. Elle fut reconduite
de la même maniere après la cerémonie.
Comme l'Eglise des Peres de l'Oratoire
›
› est ornée d'une belle Architecture , on ne
crut pas devoir ajoûter beaucoup d'orne
mens pour la décorer on avoit placé
seulement un couronnement sur l'Arcade
du Maître-Autel , formé par deux Conso
les qui suportoient un grand Cartouche
C dans lequel on avoit peint symbolique
ment en Camayeu , la Convalescence du
5 Prince. Elle étoit représentée par une fem
me à genoux , priant au pied d'un Autel ,
et tenant à sa main un bâton entouré d'un
- Serpent , et un Coq à ses pieds . Ce Cartouche
étoit surmonté d'une grande Cou
ronne en aigrette , et portant dans son.
[ Vol. COR
2706 MERCURE DE FRANCE
contour dix Girandoles à huit lumieres
chacune , qui se lioieht avec les lumieres
des Pilastres des côtez ; le tout supporté
sur une Balustrade feinte , tres - riche , sur
laquelle on voyoit un Tapis de Turquie,
rehaussé d'or, et drappé pitoresquement.
Cette Arcade et celles des deux côtez
étoient drapées avec des Rideaux de Damas
cramoisi , galonnez d'or , surmontez
d'une Pente festonnée , feinte d'étofes
d'or à gros glands. Ces Rideaux festonnez
aussi au pourtour , tomboient négli
gemment sur les côtez . On avoit placé
au milieu de chacune de ces trois Arcades
un Lustre de 12 lumieres. Les deux Pi
lastres placez aux côtez de l'Arcade du
milieu , étoient décorez de grandes chu
tes de Fleurs , de Palmes et de Lyres . On
voyoit dans le milieu des deux Arcades
des côtez , deux Cartouches , dans lesquels
on avoit representé en Camayeu
rehaussé d'or , la Religion et la Force ,
avec leurs Symboles . Čes chutes étoient
disposées de façon à pouvoir poser sur
les Cartouches , trots Bras , portant s lumieres
chacun . En haut et au bas de la
chute , on avoit posé au pied des Pilastres,
au Rez de chaussée , deux Torches ,
portant chacune une Girandole de Cristal
à sept lumieres .
I. Vol. Tous
DECEMBR E. 1732 2707
>
Tous les autres Pilastres de l'Eglise
tient décorez de la même façon , avec
difference que dans les Cartouches
milieu il n'y avoit point de Figures
seulement des Ecussons aux Armes
Orleans , et des Chiffres qui se repeat
alternativement ; et vis - à - vis de
une des autres Arcades, on avoit plaren
Lustre de 12 lumieres.
n voyoit aussi sur les deux petites.
es de la croisée de l'Eglise , deux ess
de Piramides, en bleu et or , ornées
Palmes et de Lauriers , portant chacurois
Bras à cinq lumieres.
outes ces lumieres étoient disposées
maniere qu'elles ne formoient point
lignes droites , elles serpentoient seuent
, ce qui produit toujours un effet
tant dans toute sorte d'illuminations.
oute cette Décoration , qui a été troud'une
tres - belle ordonnance , a été
e sur les desseins
du sieur le Grand
Architecte
du Roy , et Intendant
des Bâ- ens de M. le Duc d'Orleans
.
Une grande Maison , vis-à- vis l'Eglise
l'Oratoire , occupée par les Sieurs Stoard
et Piet , tous deux Marchands de S.
. R. fut illuminée d'une maniere fort
énieuse , par des Lustres garnis de
gies , et par de gros Flambeaux de
>
1. Vol. cire
2708 MERCURE DE FRANCE
cire blanche, placez sur l'appui du Balcon
par des Girandoles et par une Piramide
garnie de Lampion , posée sur la même li
gne , ce qui produisoit une illumination
tres-brillante,
Le 8. on chanta encore un Te Deum
solemnel , à l'Eglise S. Eustache , Parois
se du Palais Royal , en actions de grac
de la convalescence du Duc d'Orleans e
du Duc de Chartres , auquel l'Archevê
que de Cambrai officia pontificalement
CetteEglise étoit magnifiquement décoré
et éclairée d'une grande quantité de Lus
tres , garnis d'une infinité de Bougic
S. A. R. y assista , accompagnée de M
demoiselle, de la jeune Princesse de Con
ty , et de plusieurs Personnes de la
miere distinction .
EPITHALAME ,
pr
Sur le Mariage de Monsieur ... avec
Mademoiselle ...
Nul
DA
Ans nos Cantons l'Hymen étoit
larmes ,
encens pour ce Dieu ne brûloit au H
meau ;
L'Amour lui refusant ses armes >
Il étoit prêt d'éteindre son Flambeau,
Il suspend enfin sa colere ,
1. Vol J'aim
DECEMBRE.11732 2709
aime encor mieux , dit - il , en mon malheur
Porter mes plaintes à ma mere ,
art . Venus sensible à sa juste douleur ,
Ordonne à Cupidon son frere ,
lui prêter son Arc , ses Traits et son Carquois...
Mars sur tout , certains Traits dont usant avec
hoix ,
gaura triompher des coeurs les plus rebelles,
A l'instant le jeune Daphnis ,
Et la charmante Amarillis ,
De vertus insignes modelles ,
sentent par ce Dieu percez d'un même Trait
Le Tendre Hymen glorieux , satisfait ,
applaudit en secret d'une telle victoire ,
Mais bientôt témoins de sa gloire ,
Nimphes , les Bergers , les Sylvains d'alen
our ,
ns les Jeux , les Festins , dans leurs Danses
Legeres ,
Par les transports les plus sinceres
Font éclater leur joye en ce beau jour.
lie , Alidor , Iris , Cloé , Titire ,
fin tout le Hameau , sur de si nobles feux ;
N'a qu'une voix , forme les mêmes voeux ,
Mais des voeux que l'estime inspire ,
e voix , que sans doute authorisent les Dieux.
Fasse le Ciel , qu'à l'abri de l'envie ,
1. Vol.
te
2710 MERCURE DE FRANCE,
Et dans les liens les plus doux ,
Soient unis pour jamais ces illustres Epoux ,
Que durant vingt lustres de vie ,
Ils goutent la félicité ,
Le bonheur de jouir ensemble ,
D'une aimable posterité ,
Qui les imite et leur ressemble.
Par M. de Sommevesle , de Châlons
D
MORT S.
Ame Catherine de Romanet , veu
ve de Jean Racine , Trésorier de
France à Moulins , Secretaire du Roy , er
Gentilhomme Ordinaire de S. M. mourut
à Paris le 15 Novembre , dans la 79
année de son âge. Elle été inhumée
dans l'Eglise de S. Etienne du Mont , sa
Paroisse , auprès des Cendres de son
Epoux , laissant deux Fils , et trois Filles
de l'illustre Racine tous heritiers de
l'esprit , qui l'a tant fait connoître dans
le monde , et encore plus de la pieté dans
laquelle il mourut en 1699. et qu'elle a
toujours cultivée depuis dans la Retrai
te et dans la Pratique des bonnes oeuvres.
Claude-Roch Titon , Chanoine Regu-
و
1. Vol.
Jier
DECEMBRE. 1732. 2717
lier de Sainte Geneviève , Prieur et Curé
de S. Fulgence de Bourges , mourut en
son Prieuré le dernier Novembre , dans .
la 73 ° année de son âge. Il s'est distingué
par ses talens pour la Prédication . Il a
laissé aussi plusieurs Poësies Chrétiennes,
manuscrites . Il étoit frere de M. Titon du
Tiller , Auteur du Parnasse François ,
exécuté en Bronze . &c.
-
I
de la
Pierre Charles Herault , Abbé de
l'Abbaïe ¡ de Joüy , Ordre de Citeaux ,
Diocèse de Sens, mourut le 1 de ce mois,
dans la 40 année de son âge.
Jacques Alain de Gontault
Branche de Cabreres , distincte de la
Branche de Gontaut de Biron depuis plus
de 200 ans , à present éteinte , Doyen du
Chapitre de l'Eglise Métropolitaine de
Paris , Abbé des Abbayes de S. Pierre de
Lagny , et de S. Ambroise de Bourges
mourut à Paris le 15 de ce mois , âgé
d'environ 67 ans.
Dame Jeanne Françoise Dauvet Desmaretz,
Epouse de François - Louis le Tellier
, Comte de Rebenac , Marquis de
Souvré et de Louvois ; Maître de la
Garde Robbe du Roy , Lieutenant
General pour Sa Majesté au Gouvernement
de Navare et Païs de Bearn ,
Colonel d'un Regiment d'Infanterie de
·
I.Vol. I son
2712 MERCURE DE FRANCE
son nom ; décédée le 17 Decembre, âgée
de 25 ans et demie.
XXXXXXXXXXXXXXX
EPIGRAMME ,
Contre un Medecin qui avoit condamne
l'Auteur dans une maladie.
DansAns le fort de ma maladie ,
Le Medecin Lucas publioit en tous lieux ;
Que c'en étoit fait de ma vie ,
Et que j'aurois bien-tôt le sort de mes ayeux
Mais tout coup r
La fiévre exhale son venin ,
Et le prognostic du Prophete ,
mon mal s'arrête ,
Fait qu'on se rit du Médecin .
Condamne-moi , Lucas , si le mal me ratrape
Car bien loin de me faire tort ,
Si tu juges que j'en échape ,
L'on peut compter que je suis mort.
M. de Mortessaignes de Pradelles,
ADDITION,
Ntion ,
Ous avons omis , faute d'instruction
, de parler de la mort de M.
N. Tartarin , Ecuyer, Bâtonnier des Avocats
du Parlement, Conseiller , Secretaire
I. Vol.
du
DECEMBRE . 1732. 2753
du Roy , et Avocat General de la Reine,
arrivée le onze Septembre dernier. L'omission
ne sçauroit être mieux reparée
qu'en inserant icy l'Eloge public dont
M. le Premier Président a honoré la mémoire
de ce celebre Avocat, le 9 Decembre
, à la rentrée du Parlement. On vient
de nous l'envoyer.
M. le Premier Président dans la suite
de son Discours , des plus éloquens, s'addressant
aux Avocats, dit: La perte de celui
de vos Confreres, qui après avoir passé par
toutes les épreuves , vient de consommer sa
vie dans les fonctions les plus honorables du
Barrean , excite également nos louanges et nos
regrets une vie laborieuse , un travail opiniâtre
, une application infatigable , lui
avoient acquis cette force de raisonnement , ce
fond d'érudition qui éclatoit dans tout ce qui
sortoit de ses mains , et donnoit un si grand.
prix à ses avis. Attaché par les liaisons les
plus intimes aux Magistrats du premier
Ordre , il jouissoit également de leur amitié,
de leur estime , de leur confiance. Appellé ,
par choix dans les Conseils des Princes , son
Suffrage y décidoit souvent des affaires les
plus importantes ; et parvenu aux honneurs
qui ne se déferent qu'au mérite et à l'ancieneté
des services; il goutoit dans la recherche
et Papprobation du public le plus doux fruit
I. Vol. I ij
de
2714 MERCURE DE FRANCE
de ses longs et recommandables travaux .
Tant de distinctions propres à le flater , n'avoient
pas été capables de l'éblouir, et l'on ne
vit peut-être jamais plus de sçavoir , avec
plus de deffiance de ses propres lumieres .
M. l'Avocat General Gilbert de Voisins
dit aussi de tres - belles choses , au sujet
de M. Tartarin , dans sa Harangue du
même jour.
Sur des Fleurs présentées à Mad*** ďHonfleur,
le jour de sa Fête.
B Elle Hismene , ces fleurs naissantes ,
Sur votre sein vont trouver leur tombeau ;
Vos attraits sont divins , vos vertus éclatantes ,
Pouvoient-elles jamais avoir un sort plus beau
Par M. H...
EXTRAIT d'une Lettre
1
écrite
par
l'Auteur du Voyage de Normandie , à
Monsieur...
E suis obligé , pour l'amour de la ve-
Jrité etde la justice, de passer condamnation
sur deux ou trois fautes qui me
sont échappées dans la neuviéme Lettre
que je me suis donné l'honneur de vous
écrire , au sujet de mon Voyage de Basse
Normandie , imprimée dans le Mercure
I. Vol,
du
DECEMBRE. 1732. 2716
au mois d'Octobre dernier. La premiere
faute regarde le temps de l'Episcopat de
S. Renobert , Evêque de Bayeux , que je
reconnois , avec les meilleurs critiques ,
devoir être fixé dans le vir siécle , contre
la Chronologie du Païs , qui fait vivre ce
Saint au ou au 4 siecle , Je devois m'en
tenir là , et ne pas qualifier dans le même
endroit le même Saint de second Evêque
de Bayeux ; ce qui ne peut s'accorder
avec l'exacte verité , et avec la Chronologie
, qui m'a semb'é la mieux fondée.
Il se trouve une autre faute au même
endroit et sur le même sujet; mais elle est
si lourde et si frapante , que nul Lecteur
éclairé ne pourra jamais me l'imputer
personnellement. Je rapporte pour preuve
que S. Renobert n'a vécu qu'au vii
siecle qu'il assista en 630 à un Concile
de Rheims. Au lieu de 630 , on a
Imprimé 1630 ; mais cela , comme je l'ai
dit , ne peut faire illusion à personne.
Cette preuve , au reste du temps de l'Episcopat
de S. Reinobert , avoit déja été
employée par le R. P. Tournemine , dans
le Journal de Trevoux , d'Octobre 1714,
pag. 1780. contre l'Historien du Diocèse
de Bayeux , qu'une Legende fabuleuse a
trompé sur cet article.
Une erreur plus considerable se trouve
I. Vol. I iij
2716 MERCURE DE FRANCE
à la suite de ma Lettre , pag. 2128. à l'oc
casion de la ceremonie de la premiere
Entrée publique des Evêques de Bayeux
dans cette Ville , et de la prise de possession
de leur Eglise ; ceremonie dont
j'ai rapporté le précis , tiré du Procès
verbal dressé en 1662. de ce qui fut observé
en pareille occasion , à l'égard de
M. de Nesmond.
。
à
Une Note mise au bas de cette page
fait remarquer que la même ceremonie a
été renouvellée depuis peu de temps ,
la prise de possession de M. de Luynes
actuellement Evêque de Bayeux , et qu'il
en a paru une Relation en forme de Lettre
, addressée par M. le Chevalier de
S. Jory , à Madame la Duchesse de Chevreuse
, imprimée à Caën . Cette Relation
, continue la Note , où il ne falloit
que de la simplicité et de l'exactitude, est
si pleine d'emphase et de choses déplacées
, qu'on peut dire qu'elle n'a contenté
personne.
Tout cela , à l'exception du renouvellement
de la cerémonie, est erronné ; car la
veritable relation de cette cerémonie , qui
a été faite par M. le Chevalier de S. Jory,
ne merite rien moins que cette qualification
. Si quand on écrit on pouvoit
tout voir d'abord et tout éclaircir par soi-
I. vol.
même
DECEMBRE . 1732. 2717
même , on ne seroit pas sujet à être trompé
, comme je l'ai effectivement été dans
le fait en question . Deux mots vont vous
apprendre comment.
Fort
peu de tems
après
la prise
de possession
de M. de Luynes
, un Professeur
d'Humanitez
à Caen
m'envoya
une
assez
ample
relation
de la cerémonie
, composée
, disoit
- il dans
sa Lettre
, par
M. le
Chevalier
de S. Jory
en forme
de Lettre
.
à M. la Duchesse
de Chevreuse
, et copiée
sur
l'Imprimé
à Caën
. Il est vrai que
cette
copie
étoit
un Ouvrage
tel
que
je
l'ai
représenté
dans
la Note
en question
et que
personne
de tous
ceux
à qui je le
communiqui
n'en
fut content
mais
il
est
vrai
aussi
que
depuis
l'impression
de
ma IX
Lettre
, la veritable
Relation
de
M. de S.Jory
, imprimé
à Caen
chez
Cavelier
, broch
, in -4. de 16 pages
, adressée
à Madame
de
Chevreuse
, m'étant
par
venue
presque
par
hazard
, j'ai
reconnu
un
Ouvrage
tout
différent
, c'est -à- dire
une
bonne
Piéce
, et fort
bien
écrite
. J'ai
appris
depuis
que
la personne
, qui m'avoit
envoyé
la Relation
manuscrite
avoit
pris la liberté
de la défigurer
entierement
par des
Additions
, par
des
changemens
et par tout
le mauvais
qu'il
y mit de son
chef
, et jusqu'à
des Vers
de sa façon
, ce
>
1. Vol. Iiiij. qui
2718 MERCURE DE FRANCE
qui donna lieu à ma remarque un peu
prématurée , et faite sur un veritable mal
entendu .
Je suis d'autant plus fâché de cette et
reur , que je ne sçaurois trop - tôt rectifier
, que plusieurs personnes de mérite
m'ont assûré que M. le Chevalier de S. Jory
, que je n'ai pas l'honneur de connoître
, est un très- galant homme qui pense
et écrit parfaitement bien,ce que je recon◄
nois aujourd'hui moi - même , et que la
Remarque en question porte à faux , et
ne peut jamais le regarder.
L'Acre du douaire de Judith , Comtesse
de Normandie , de l'an 1008. publić
par D. Martenne dans le 1.tom. de ses
Anecdotes , qui contient les noms de plusieurs
Bourgs de Normandie , fait actuellement
le sujet des recherches dont
vous avez besoin . J'ai envoyé votre Mé
moire à notre habile Médecin de Caën .
dont vous me parlez ; je sçai trop ce que
c'est que de s'adresser à des gens superficiels
, ou prévenus de leur prétenduë capacité
. Sa réponse , que j'attens, vous sera
exactement envoyée.
J'ai vû ici cet Été le nouvel Historien
du Diocèse de Rouen . Il continue son
travail avec toute l'ardeur possible , et il
y a tout lieu d'en attendre un bon suc-
I. Vol.
cès.
DECEMBRE. 1732. 2719
cès. Vous avez vû un échantillon de son
exactitude et de son amour pour la verité
dans un des derniers Mercures , à l'occasion
de quelques Endroits de son Histoire
du Diocèse de Meaux . Tous les hommes
peuvent se tromper , mais tous ne sont
pas également disposez à reconnoître leurs
erreurs . Je suis , &c. .
A Paris , lex Decembre 1732 .
MADRIGAL.
A Madlle de Catellan , Maîtresse des
Jeux Floraux de Toulouse pour le
jour de sa Naissance.
L
>
Es Graces en ce jour et les Vertus naquirent
,
Les Dieux en vous les réunirent.
Rendre heureux un Mortel étoit l'objet des
Cieux :
Mais vous avés trompé , trop aimable Cla
rice ,
Par une cruelle injustice ,
Et les voeux des Mortels et l'attente des Dieux.
Ce Madrigal convient à une Demoiselle
qui a meprisé les engagemens du Mariage
pour s'attacher à cultiver les Belles-
Lettres.
1. Vola IV LET6720
MERCURE DE FRANCE
LETTRE de M ... écrite à un de ses
J
amis au sujet des Curiositez qui se trouvent
dans le Cabinet de M. Paul Lucas,
à Paris.
' Ai été , Monsieur , rendre visite à
M. Paul Lucas , recommandable par
tous les Voyages qu'il a faits dans le Levant.
Ce sont , comme vous sçavez , les
plus belles Régions du Monde , où les
Faits historiques de la premiere Antiquité
se sont passez , et où les Sciences et les
Arts ont pris leur origine.
M. P. Lucas a trouvé dans ces agréables
Contrées de quoy satisfaire la curiosité
des Sçavans en beaucoup de genres.
Il m'a fait l'amitié de me montrer
son fameux Cabinet. On y voit un grand
nombre de toutes les raretez que l'on
peut rapporter de l'Orient.
Vous m'avez témoigné , Monsieur , que
je vous ferois plaisir de vous en faire le
détail. Une premiere visite ne m'a pas
permis d'éxaminer à fond tout ce que
j'ai pû y remarquer , mais je vais cependant
vous satisfaire , autant que je le
pourrai.
Je commence par vous dire que je ne
connois point à Paris de Cabinet qui mé-
I. Vol.-
rite
DECEMBRE. 1732. 2721
rite plus d'attention . Ce que j'ai d'abord
regardé comme la piece la plus remarquable
est la figure de la Déesse Cerés , qu'il
a apportée d'Athenes , il y a plus de quarante
ans. Elle a deux pieds quelques
pouces de hauteur. Elle est assise sur un
siege fort singulier, de beau Jaspe floride
Oriental . Toutes les extremitez de la Figure
sont de Bronze , comme la tête , les
mains , les pieds et les attributs qu'elle
tient ; sçavoir un flambeau de paille
de la main droite , et une corne de Bauf
de la gauche . La base est de pierre de
Parangon , pierre de touche, Son habillement
est d'Albâtre blanc.
On voit de plus un grand nombre d'autres
curiositez qui sont uniques ; car ce
Cabinet est rempli d'une grande quan
tité de Bronzes d'Egypte et de tous les
autres Païs du Levant , de la Grece et
de la Macedoine. Il y a entre autres
deux Bronzes qui sont uniques en Eu
rope. Ce sont deux Gimnosophistes qu'il ·
a apportez de Perse.
On y voit une grande quantité de La--
res ou Dieux Penates des Payens . Le nombre
qu'il en a ne pourroit pas être acquis
en plusieurs années .
J'y ai aussi remarqué un Buste antique
de Scipion l'Africain , un autre de
Ivj Man2722
MERCURE DE FRANCE
Manlius , un d'Atis et un de Maximina
Ces deux derniers sont revétus d'Albâtre
Oriental.
Il a six Cabinets remplis de Médail
les antiques et modernes ; beaucoup de
Pierres gravées en creux et en relief de
differentes especes , comme Agates ,
Cornalines , Sardoines , Jaspes et autres.
Il m'a de plus fait voir son Herbier ,composé
d'environ trois mille Plantes differentes,
toutes apportées d'Orient, dontil a écrit
les vertus et les prop ietez . Son Droguier
est des plus curieux ; il est composé
de plusieurs sortes de Drogues inconnues
en Europe , comme la Corne du
pied de la Giraffe , la Gomme Caradeny
le Corail noir et une infinité d'autres Drogues
, dont les qualitez et les effets sont
surprenants.
Je ne vous parlerai point d'un assemblage
de Coquilles tout- à-fait extraordinaire
, mais je n'ai pû m'empêcher d'admirer
les beaux morceaux de Pierres
Orientales dont il a plusieurs Blocs
comme Sardoines , Jaspes , Cornalines et
Jades. Il en a un entre autres qui peseenviron
deux cent livres .
>
De tout ce que j'ai vu dans ce Cabinet;
rien ne m feroit plus de plaisir que d'avoir
une de ces Pierres qui y sont en
1. Vol.
quan
DECEMBRE . 1732. 2723
quantité et dont notre Voyageur n'a
point encore donné de connoissance
jusqu'à présent ; ces Pierres sont dures
comme l'Agathe. Elles sont marbrées de
rouge et de blanc , transparentes et d'un
beau poli ; on leur attribuë de grandes
vertus.
On prétend , par exemple , qu'une
personne qui porte une certaine de ces
Pierres sur soi , ne peut être attaquée de
pleurésie. On l'enchasse dans une Bague
à jour , ensorte que la Pierre touche la
chair , et il faut que toute la monture
soit d'argent. Elle soulage dans l'instant
une personne attaquée de cette dangereuse
maladie et la guérit , dit- on , en
peu de temps. Elle a encore une autre
proprieté , c'est d'empêcher que les mauvaise
humeurs ne se mêlent avec le
sang. Presque tous les Orientaux portent
sur eux de ces Pierres qui sont nommées
en Turc , Doste Kandan , c'est - à- dire
l'Ami du sang. La connoissance de toutes
ces Pierres en general , peut fournir
aux Sçavans une belle matiere de philosopher.
J'aurois à vous parler encore de plusieurs
especes d'animaux qui ne sont
point connus en Europe , et de differentes
Armes des Pays Etrangers , dont ce
1. Vol
Cabinet
2724 MERCURE DE FRANCE
Cabinet est orné . J'espere vous en
faire part dans ma premiere Lettre , en
vous envoyant un détail exact de ce que
j'observerai de plus curieux en visitant
de nouveau ce beau Cabinet , et je suis
persuadé que vous ne regretterez pas le
temps que vous employerez à lire mes
Lettres , dans lesquelles je m'attacherai
toûjours à contenter votre curiosité . Je
suis , Monsieur , & c.
A Paris le 8. Décembre 1732 .
LES SAISONS ,.
CANT ATE
Quan
A mettre en Musique.
Uand l'Air , le Feu , la Terre et l'Onde ,
Furent débrouillez du cahos ;
Vertumne regna seul dans l'Empire du Monde ,
Durant cet âge heureux du premier des Métaux.
Mais lorsque le Dieu du Tonnerre ,
Eut détrôné son pere , on lui ravit ses droits .
Cérés , Bacchus , l'Hyver , par une horrible
guerre ,
Renverserent toutes ses Loix.
Et bien - tôt ses couleurs ne parerent la Tèrre ,
Qu'en ce temps où l'Amour vient vuider son
Carquois.
I. Vol
Air
DECEMBRE. 1732. 2725
Air.
Ah ! sans ce malheur déplorable ,
Que les Mortels seroient heureux !
Le doux Printemps seroit durable ,
L'Amour n'éteindroit point ses feux ;
Do Du Dieu que chante Philoméle ,
Dans ses mélodieux Concerts ,
Tous les coeurs pourroient ainsi qu'elle ,
Jusqu'au tombeau porter les fers.
Ab ! & c..
Récitatif.
Mais quoi ! Vertumine fuit, le tendre Amour s'en
vola
Philoméle gémit en traversant les Airs ,
Et les brulans Sujets d'Eole ,
Embrasent déja l'Univers ,
L'abondante Cérés regne dans les Campagnes;;
C
De ses dons précieux l'or brille en nos Vallons ,
Et l'espoir d'en jouir , de l'Hôte des Montagnes ,
Va faire celui des Sillons.
Air.
Imitons sa sage prudence ,
Après les plaisirs du Printemps,
Pensons à ceux de l'abondance ;
S'ils sont moins doux , ils sont constans.
Que tout encense la Déesse ,
Vol.
Qui
2726 MERCURE DE FRANCE
Qui vient nous donner de beaux jours ,
Quand a disparu la jeunesse ,
Sur l'afle des tendres Amours.
Imitons , & c.
Récitatif.
Dieux ! quel nouveau spectacle à mes yeux se
présente !
Je vois tous les Côteaux de la Pourpre couverts ;
Cérés fait place au Dieu dont la Liqueur char◄
mante ,
Fait les plaisirs de l'Univers.
Pomone vient mêler ses fruits à la vendange ;
Tout charme l'espoir des Buveurs ;
Le Thyrre est triomphant , et le vainqueur du
Gange ,
Reçoit aussi l'encens des coeurs.
Air.
Livrons-nous à la douce
De son agréable boisson ;
yvresse ,
Elle éteint le mal qui nous presse ,
En submergeant notre raison.
Dans cette Liqueur immortelle ,
On trouve la felicité.
L'Amour est perfide , infidelle ;
Bacchus seul est la verité.
Livrons , & c,
I. Vel
Réci
DECEMBRE. 1732. 2727.
Récitatif.
Mais hélas ! l'Hyver vient ravager la Nature ,
Sur un Trône éclatant de nege et de glaçons ,
Et déja nos Forêts ont perdu leur parure ,
Par le souffle des Aquillons.
Tout tremble à son aspect terrible ;
Les seuls plaisirs n'en sont point allarmez
Plus sa rigueur devient sensible ,
Plus des Mortels ils sont aimez.
Air.
L'Hyver, quoiqu'un Dieu redoutable,
Brille à mes yeux de mille attraits ,
En ce qu'il est inséparable ,
Des Jeux , des Ris et de la Paix ;
Son regne est celui des délices ;
Chacun peut sans soins , sans travaux ;
Avoir part aux doux sacrifices ,
Qu'il exige de ses Rivaux .
L'Hyver , & c.
Le Memoire qui suit et que nous don
nons dans les mêmes termes que nous
l'avons reçû , instruira le Public de la
décision d'une grande Affaire Ecclesias
tique.
Le grand Procès touchant la Vicairie
Apostolique et l'Officialité érigée en la
I. Vol.
Villa
2728 MERCURE DE FRANCE
Ville d Antibes dans des temps de trouble
et de schisme , par les Bulles des
Papes Jean XXIII . Marin V et Eugene
IV. a enfin été jugé définitivement par
Arrêt du Conseil d'Etat du 41. Octobre
1732. rendu en faveur de M. d'Antelmi,
Evêque de Grasse ayant repris la suite
de cette affaire , qui dure depuis 150. ans.
L'Arrêt déclare qu'il y a abus dans lesdites
Bulles , et sans s'arrêter à tout ce
qui s'en est ensuivi concernant ladite
érection et le démembrement des fonctions
Episcopales des Evêques de Grasse ,
de leur Jurisdiction en ladite Ville.maintient
l'Evêque de Grasse et ses Successeurs
, dans le droit d'exercer toute Jurisdiction
Episcopale dans ladite Ville et
Territoire d'Antibes , comme auparavant
lesdites Bulles. Il y a eu sur cette Affaire
des Memoires très - curieux , imprimées ,
chez Pierre Prault et la Veuve Saugrain ,
sous le Quay de Gesures , à Paris.
L'Académie Françoise donnera le 25
du mois d'Août prochain , Fête de Saint
Louis , le Prix d'Eloquence fondé par feu
M. de Balzac , dont le Sujet sera , de la
modération dans la dispute , suivant ces
paroles de l'Ecriture Šainte , Responsio
mollis frangit iram , Froverb. ch . 15. V. I
I. Vol. Celui
DECEMBRE. 1732 2729?
Celui qui remportera ce Prix , recevra
deux Médailles d'or au lieu d'une , parce:
que l'Académie n'a point encore donné
le Prix de Prose de l'année 1731. Le même
jour elle donnera aussi le Prix de
Poësie , fondé par le feu Evêque de
Noyon , dont le Sujet sera : Le Progrès
de la Sculpture sous le Régne de Louis le
Grand.
On écrit de Bologne de la fin du mois
dernier , que la sçavante Dona Laura Catherine
Bussy , dont on a déja parlé plusieurs
fois , continue à donner de tems
en tems des marques éclatantes de son
sçavoir et de sa profonde érudition . Outre
les differentes Theses qu'elle a soutenuës
en public avec un applaudissement
general , elle répondit dernierement avec
beaucoup de solidité à diverses questions
qui lui furent faites en présence de trois.
Cardinaux , six Prélats et plusieurs autres
personnes de distinction , par huit
Professeurs en Theologie et en Philosophie
de cette Université. On dit que cette
Sçavante ira dans peu à Rome , à Florence
et à Venise pour s'entretenir avec:
les Académiciens de ces Villes.
On mande d'Italie que le sieur Schiof-
1. Vol.
fino
2720 MERCURE DE FRANCE
fino , celebre Sculpteur de Genes , avoit
fini depuis peu le grand Crucifix de marbre
et plusieurs autres Statues qu'il faisoit
pour le Roi de Portugal.
Le sieur Martin l'aîné , qu'on peut dire
avoir considerablement enrichi les
beaux Arts en Europe , en imitant et
surpassant même à beaucoup d'égards ,
les plus beaux Ouvrages en Vernis unis
et de relief , de la Chine et du Japon ,
donne avis au Public , que pour s'accommoder
au tems et aux personnes qni ne
veulent pas faire une grande dépense , il
entreprend des Lambris , Frises , Plafonds
, impressions , bronzures , peintures
ordinaires , generalement toutes sortes
de Vernis , et autres Ouvrages au prix
courant , pour décorer les Appartemens ,
d'un goût nouveau , agréable , avec figures
de relief et de diverses couleurs.
Il entreprend aussi des Carosses en beau
vernis en avanturine , &c. les fait peindre
et dorer , et garantit la dorure des
injures du tems. Le tout à un prix raisonnable.
Sa demeure est toujours grande ruë da
Fauxbourg S. Denis , chez la veuve Ri
vet , près la Grille.
1. Vol.
ARDECEMBRE
. 1732. 2731
ARRESTS NOTABLE S.
ARe
RREST du 14. Octobre , qui décharge
des droits d'enregistrement et de contrôle ,
les adjudications des Bois des Communautez Ecclesiastiques
et Laïques , Beneficiers et Gens de
Main-morte , faites en vertu d'Arrêts du Conseil
et Lettres Patentes.
AUTRE du 28. Octobre , qui permet la
sortie des grains pour l'Etranger par differens
Ports de Bretagne , en payant dix sols par tonneau
de froment ou méteil , et huit sols par
tonneau de seigle , orge , baillarge et autres menus
grains,
AUTRE du 28. Octobre , qui déboute les
Habitans des Paroisses et Communautez de Comtes
, Cauron et S. Vast en Artois , à eux joints
les Etats de ladite Province , de leurs demandes
er ordonne l'execution de l'Arrêt du 21. Février
1690. et de la Déclaration du premier Août
1721. portant Reglement pour la Régie du Tabac
, la deffense des plantations et les visites des
Employez , dans les Paroisses de l'étendue des
trois lieues de ladite Province d'Artois , limitrophes
de celle de Picardie,
AUTRE du 11. Novembre , qui ordonne
que tous les Exploits de saisies , oppositions ou
empêchiemens à la délivrance et payement des
sommes assignées et employées dans les Etats du
Roy , expedicz pour la distribution ' des deniers
des Fermes , remboursemens des avances des Fermiers
, et tous autres remboursemens , charges er
dépenses concernant la Regie desdites Fermes ,
I. Vol.
seront
2732 MERCURE DE FRANCE
seront visez et paraphez sans frais par le sieur
Gaultier , Receveur general desdites Fermes.
AUTRE du même jour qui ordonne que
Pierre Carlier et ses Cautions , cy - devant Fermiers
Generaux des Fermes- Unies , ne pourront
être assignez qu'en leur domicile à Paris , ni traduits
ailleurs qu'en la Cour des Aydes de Paris ,
pout raison des affaires des Fermes - Unies concernant
ledit Bail .
AUTRE du 22. Novembre , qui ordonne
l'execution de celui du 15. Janvier 1732. en ce
qui concerne les Factures que les Fabriquans doivent
délivrer pour chaque balle ou ballot de
draps destinez pour les Echelles du Levant.
AUTRE du 9. Décembre , enregistré en la
Cour des Monnoyes le 17. qui proroge jusqu'au
dernier Décembre 1733. le prix des anciennes
Especes & Matieres d'or et d'argent.
Le second Volume du Mercure de ce
mois est actuellement sous presse et paroîtra
incessamment.
TABLE
2521
PLes Anies Rivales , Histoire Fabuleuse, 229
Ieces Fugitives , le Travail , Ode ,
Ode sur l'Amitié , 2545
Deuxième Lettre Historique sur le Marquis de .
Rosny ,
Chansons de Mlle de Malçrais ,
2550
2562
Lettre sur la réimpression des Romans de Mile
Missive à l'Infante de Malcrais , & c.
de Scudery ,
Cantate sur la Naissance de J. C.
2567
2570
2575
Ode sur la Convalescence du Duc d'Orleans , & c.
2577
xième Lettre sur Oran ,
2581
equête en Vers au Prévôt des Marchands, 2 , 89
ettre sur l'Histoire de l'Eglise de Meaux , 2591
Mlle Malcrais de la Vigne ,
. Madame ** ›*
2593
2597
Extrait d'un Mémoire sur la vitesse des Eaux ,
&c. 2599
pitre à M. de Voltaire par Mlle de la Vigne ,
onnet ,
Enigmes , Logogryphes , &c.
2605
2613
2614
Nouvelles Litteraires des beaux Arts , &c. Mémoires
pour servir à l'Histoire des Hommes
Illustrés ,
Bibliotheque Germanique , &c.
Prix de la Societé des Arts ,
Nouvelles Estampes ,
Chansons notées ,
Spectacles ,
2618
2627
2639
2641
2647
2648
Cassius et Victorinas , Tragédie , Extrait, 2649
La Soeur Ridicule , & c. 2660
Arlequin au Parnasse , ou la Folie de Melpome- ne , &c.
2667
L'Opéra de Biblis , Extrait , 2674
Isis , Opera remis , 2683
Ode imité d'Orace , 2686
Nouvelles Etrangères , de Turquie et Perse, 2688
Allemagne et Italie ,
2689
Espagne , d'Oran , & c. 2692
Hollande et Pays- Bas , 2696
2697 Bouquet et présent de Confitures .
France , nouvelles de la Cour , de Paris, & c. 2699
Service solemnel pour les Musiciens de Paris, 2701
Bouquet à ***. 2703
Convalescence du Duc d'Orleans , Actions de
Graces , &c.
Epitalame ,
2704
2708
Moris , &c, 3710
Epigramme ;
Addition , mort de M. Tartarin , Ibid.
Extrait de Lettre de l'Auteur du Voyage de Nor
mandie
Maurigal à Mlle de Castellan ,
2714
2719
Lettre sur le Cabinet de M. Paul Lucas , 2720
Les Saisons , Cantate , 2724
Vicairies Apostoliques d'Antibes , 2727
Prix de l'Académie Françoise ,
2728
2731 Arrêts Notables ,
Erraia d'Octobre .
Achante la Palinodic , ajoûtex ,
La page 2140. ligne 14. après le Vers , je
Purgatifs , et Phlebotomie ,
Je m'étois toujours révolté ;
Mais d'une triple maladie.
Par leur secours ressuscité ;
Dans ce Vers d'Horace emprunté
Je chante la Palinodie ,
Et chez lui , &c.
&c.
Errata de Novembre.
Age 2493. 1. 23. de , lisez à. P. 2495. l. 137
Pravet,?. PABravet , l . Blavet. P. 2507. l. 16. Duvay ,
1. Durey.
Fautes à corriger dans ce Livre.
PAge
2584-
1. 1. avec , lisez avoit. P. 2591.
1. 22. 1720. l . 1620. P, 262 1. l . 27. d'Ossal ,
1. d'Ossat. P. 2648. l. d. vous , l . nous. P. 26592
1. i . pere , l . fils . P. 2662. l. 1. neuf, l . neuve.
P. 2674. 1. 19. le , l. șe.
L'Air noté doit regarder la pago 2647
MERCURE
DE FRANCE ,
DEDIE AU ROT
DECEMBRE . 1732 .
SECOND VOLUME.
COLLIGIT
SPARGIT
Fapilio
IR
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER
ruë S. Jacques.
Chez LA VEUVE PISSOT , Quay de
Conty , à la descente du Pont- Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais
M. DCC . XXXII.
Avec Approbation & Privilege du Roy.
A VIS.
'ADRESSE generale eft à
Monfieur MOREAU , Commis an
>
L
540.6
Mercure , vis - à - vis la Comedie Fran-
MSSS
goife , à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets cachetez
aux Libraires qui vendent le Mercure,
à Paris , peuventſe ſervir de cette voye
pour les faire tenir.
On prie très - inftamment , quand on adreſſe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
Jews foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non -feulement de´ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de les perdre s'ils n'en ont pas gardė
de copie.
*
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , on les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de la premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreffes à M. Moreau ,
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps , & de les faire porter fur
Pheure à la Pofte , on aux Meffageries qu'on
lui indiquera.
PRIX XXX. SOLS.
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT AV
DECEMBRE . 1732 .
SECOND VOLUME.
********************
PIECES
C
FUGITIVES ,
en Vers et en Prose.
OD E.
A LA POESIE.
'Est toi , divine Poësie ,
Qu'on entend seule dans les Cieux,
De concert avec l'Ambroisie ,
Tu donnes l'être à tous les Dieux
Apollon te tient lieu de Pere ;
Il commande qu'on te revere ,
Et qu'on t'éleve des Autels.
II. Vol. A ij Les
2734 MERCURE DE FRANCE
Les chastes filles de memoire ,
Ne cessent de chanter ta gloire ,
Et de l'inspirer aux Mortels,
Ils étoient avant te connoître ,
Errans dans le vaste Univers ;
Mais dès qu'ils te virent paroître ,
Charmez de tes accens divers ,
Ennemis de la solitude ,
Ils coururent en multitude ,
Jouir des fruits de ta beauté ;
Bien-tôt leurs rustiques aziles ,
Formerent de superbes Villes ,
Où ton nom seul fut respecté .
Quelle fut alors ta puissance ?
Tu regnois seule dans les coeurs ;
Sans effort et sans violence ,
Tout fléchissoit sous tes douceurs.
Maîtresse de toute la Terre ,
Tu sçus sans le Dieu de la guerre ,
Sur le Trône placer des Rois;
Et des fiers Lions de la Thrace ,
Adoucir la féroce audace ,
Par les seuls charmes de ta voix.
II. Vol.
DECEMBRE . 1732. 2735
On ne vit plus cet air sauvage ,
Regner parmi les Nations;
Chacun de ton divin langage ,
Faisoit ses occupations.
Jusques à la Philosophie ,
Cette fille du Ciel chérie , -
Emprunta l'éclat de tes sons;
Afin d'être sûre de plaire ,
Et de paroître moins severe
En donnant ses sages leçons.
Dans peu sur la double Colline ,
On vit monter tes Favoris ,
Soutenus de l'ardeur divine ,
Dont tu remplissois leurs esprits.
Une Couronne toute prête ,
Les attendoit au haut du faîte ,
Pour prix de leurs rares efforts ;
Les Mortels qui s'en voyoient ceindre ,
N'avoient plus desormais à craindre ,
D'augmenter le nombte des Morts.
Par ton secours le tendre Orphée ,
Jadis dans l'infernal séjour ,
Se sçut élever un Trophée ,
Dont se glorifia l'Amour.
11. Vol.
A iij Pluton
736 MERCURE DE FRANCE
1
Pluton , Némesis , les Furies ,
Suspendirent leurs barbaries ,
Et Cerbere ses hurlemens ;
Aux premiers accords de sa Lyre ,
Les plaisirs dans le sombre Empire ,
Prirent la place des tourmens.
Arion en Proye aux Corsaires ,
'Alloit voir terminer son sort :
Déja par leurs mains sanguinaires ,
Il voyoit préparer sa mort ,
Mais par la puissance infinie ,
De ton attrayante harmonie ,
Il désarma leur cruauté ;
Et força le Peuple de l'Onde ,
A quitter sa Grotte profonde ,
Pour lui rendre la liberté.
Thebes vit jadis ses murailles ,
Renaître à la voix d'Amphion.
Oui , c'est ainsi que tu travailles.
Fille pleine d'invention ;
Tu lui fis faire ce miracle ,
Sans qu'il trouvât aucun obstacle ,
Dans son projet audacieux .
Quel n'est pas ton bonheur suprême ?
11. Vol. La
DÉCEMBRE . 1732 2737
Le Dieu du Tonnerre lui-même ,
Tient de toi le Sceptre des Cieux !
Qu'un Héros gagne des batailles ,
Et renverse mille remparts ;
Que la mort et les funerailles ,
Suivent par tout ses Etendarts.
Quoiqu'en dise la Renommée ,
Cette gloire n'est que fumée ,
Le temps la met vite au tombeau ;
Son bras eût- il lancé la foudre ,
Réduit tout l'Univers en poudre ,
Cela n'est rien sans ton Pinceau ,
Le Dieu qui fit armer la Grece ,
Contre les malheureux Troyens ,
"
Le Dieu qui nous plaît , qui nous blesse ,
Le fait souvent par tes moyens.
De l'ame la plus indocile ,
Tu lui rends la route facile ,
Tu l'y fais regner en vainqueur.
Il en seroit bien moins à craindre ,
Si tu ne l'aidois à se plaindre ,
Quand on l'accable de rigueurs .
Je ne marche dans ta carriere ,
11. Vol.
En-
A iiij
2738 MERCURE DE FRANCE
Encore que d'un pas tremblant ;
De peur de heurter la barriere ,
Qui deffend d'aller en avant.
Heureux si dans cette peinture ,
Ebauche foible et sans parure ,
DeDe ce que peuvent tes attraits ,
Je pouvois avoir l'avantage ,
Que l'on reconnut ton ouvrage ,
Ou du moins quelqu'un de tes traits.
M. de S. R.
EXTRAIT des Plaidoyers prononcez
an College de Louis le Grand.
O
N continue à faire dans ce College
tous les ans avec un succès constant
des Plaidoyers François , qui pour l'ordinaire
se font sur des sujets propres à
former l'esprit et le coeur de la jeune ,
Noblesse qu'on y éleve.
Le Pere de la Sante , Jesuite , l'un des
Professeurs de Rhétorique , en fit réciter
un le 27. d'Août dernier , dont nous allons
donner l'Extrait , et dont voici le
sujet tel qu'il étoit dans le Programme
imprimé.
II. Vol. DEDECEMBRE.
1732. 2739
DELIBERATION concernant la
jeune Noblesse d'un Etat. Sujet traité
en forme de Plaidoyer François , par
les Rhétoriciens du College de LOUIS
LE GRAND.
Le jeune Casimir , Prince des plus ver
tueux qu'ait eûs la Pologne , indigné des désordres
qui commençoient à s'introduire parmi
la jeune Noblesse de sa Cour , pressa
fortement le Roy son pere de réprimer cette
licence par des Loix salutaires. Le Roy
Casimir III. surnommé le Grand , établit
pour cet effet une Commission , à la tête de
laquelle il mit le Prince son fils , avec plein
pouvoir de regler tout ce qu'il jugeroit de
plus convenable au bien public , après avoir
entendu les discours et pris les avis des Commissaires.
Casimir nomme pour la discussion de cette
importante affaire, quelques Seigneurs des plus
reglez et des mieux instruits de la conduite
des jeunes gens ; il leur ordonne de proposer.
en sa présence ce qui leur semble le plus
répréhensible , et même d'indiquer les moyens
qui leur paroissent les plus capables d'arrêter
le cours du mal ; il leur promet au
nom du Roy une place plus ou moins distinguée
dans le Conseil d'Etat , suivant
Putilité plus ou moins grande de la décou-
II. Vol
verte A v
2740 MERCURE DE FRANCE
verte qu'ils feront et de la Loy qu'ils suggereront
en cette Seance.
Le premier qui parle , porte sa plainte contre
le Luxe ou les folles dépenses.
Le second , contre le Duel on le faux
point d'honneur.
Le troisieme , contre l'oisiveté ou la faineantise.
Le quatrième , contre l'indépendance des
jeunes Seigneurs .
Chacun d'eux prétend que le desordre qu'il
releve , mérite le plus l'attention du Prince ,
et la séverité des Loix. Casimir dresse les
articles de la Loy , décide sur l'ordre qu'on
gardera dans l'execution, et regle le rang que
les quatre Commissaires tiendront dans le
Conseil d'Etat. Tel est l'objet de cette déliberation
et du jugement qui la doit suivre.
Casimir , dans un Discours Prélimi
naire , fait voir quelle doit être la vigilance
d'un Prince sur tous les Membres
d'un Etat et particulierement sur la
conduite de la jeune Noblesse , dont les
exemples sont d'une utile ou dangereuse
consequence, parce que donnant des Maîtres
au Peuple , elle doit aussi lui donner
des modelles. Il invite les Seigneurs
qui composent son Conseil à l'éclairer de
leurs lumieres dans la délibération qui
doit préceder le Reglement general.
•
II. Vol.
Ex
DECEMBRE . 1732. 2741
1
EXTRAIT DU I. DISCOURS.
Contre le Luxê.
Les Partisans du Luxe employent deux
prétextes pour colorer leurs folles dépenses
; 1. elles sont , disent -ils , néces
saires pour soutenir leur rang. 2 °. Elles
contribuent même à la gloire et à · l'utilité
de la Nation. Le jeune Orateur employe
deux veritez pour réfuter ces deux
prétextes ; 1º . le Luxe , bien loin de
mettre la jeune Noblesse en état de soutenir
son rang , ruine les esperances des
plus grandes Maisons. 2° . Le Luxe , bien
loin d'être glorieux et utile à la Nation
épuise les plus sures ressources.
Premiere Partie.
Sur quoi est fondée l'esperance d'une
grande Maison ? sur l'opulence qu'elle
possede ou qu'elle attend . Le Luxe épuise
l'une et met hors d'état d'acquerir l'autre.
Sur le mérite de ceux qui la compo
sent ? Un homme livré au luxe n'a
gueres
d'autre mérite que celui de bien arranger
un repas , et d'autre talent que
celui de se ruiner avec éclat sur les places
distinguées qu'elle peut occuper ? mais
ou ces places sont venales , et alors ces
11. Vol A vj jeunes
2742 MERCURE DE FRANCE
jeunes dissipateurs trouveront- ils de quoi
les acheter ou c'est la liberalité du Prince
qui en fait la récompense de la capacité
et de l'application d'un sujet habile et
laborieux ; sont - ils de ce caractere ? sur
les alliances honorables qu'elle peut former
? mais où les trouver ? parmi des
égaux ? qui d'entre eux voudra courir les
risques de voir des biens , le fruit de ses
sueurs , devenir la proye d'un prodigue
qui en a déja tant dissipé ... pour soutenir
une maison chancelante ; il faudra
donc la dégrader , et mêlant un sang
illustre avec celui de quelqu'une de ces
familles ennoblies par une rapide et suspecte
opulence , acheter des biens aux dépens
de l'honneur , et former des noeuds
peu sortables , qui font la honte des Nobles
et le ridicule des Riches ... Qu'estce
qui a forcé tant de familles illustres
tombées par . l'indigence dans une espece
de roture , à s'ensevelir dans le sombre
réduit d'une Campagne ignoré ? quest- ce
qui a confondu avec les fils des Artisans
les descendans de tant de Héros , dont
les mains enchaînées par la pauvreté , ne
peuvent plus manier d'autre fer que celui
des vils instrumens de leur travail ! remontons
à la source : c'est un Pere ou un
Ayeul prodigue qui a donné dans tous les
II. Vol travers
DECEMBRE . 1732 274)
travers du faste . Posterité nombreuse que
vous êtes à plaindre ! faut- il qu'un Pere
dissipateur enfante tant de miseres et désole
tant de miserables ? .. Le luxe n'est
pas moins préjudiciable à l'Etat dont il
épuise les ressources .
Seconde Partie.
Il est certaines occasions d'éclat qui au
thorisent une magnificence extraordinaire
: elle est alors légitime pour le particu
lier , et glorieuse pour la nation. Mais
que ces mêmes Seigneurs n'écoutant que
leur passion pour le luxe , dissipent en .
dépenses frivoles et le bien qu'ils ont , et
celui qu'ils doivent , et celui qu'ils esperent
; c'est un abus criminel , c'est une injustice
criante contre les droits du Prince ,
de leurs créanciers , de leurs enfans et de
la nation entiere , dont elle ruine le commerce
, et dont par- là elle épuise les res
sources.
1
,
Il est certains besoins qui obligent le
Prince à demander des secours pour la
conservation de tout le corps de l'Etat :
si les particuliers prodiguent leurs fonds ,
comment préteront- ils leur ministere au
maintien de tout ce corps ? le commerce
ne sera-t-il pas détruit, quand le marchand,
faute d'être payé, sera hors d'état de payer
11. Fok
luis
2744 MERCURE DE FRANCE
lui-même , et quand obligé de faire une
banqueroute imprévue , il fera succomber
ses correspondants sous ses ruines ,
comment pourvoira un dissipateur à l'éducation
de ses enfans , dont il risque sur
une carte la fortune et la subsistance ? les
domestiques d'un tel maître , renvoyez
sans gages après plusieurs années de services
, ne sont-ils pas réduits à la plus déplorable
mendicité... Quelle inhumanité,
que de se repaître les yeux des larmes ameres
que l'on fait verser à tant de misérables ?
Que ne trempe- t- il ses mains parricides
dans leur sang? que ne leur arrache- t il la
vie , puisqu'il les prive de toutes ses douceurs.
Ce furent ces considérations qui firent
'autrefois proscrire le luxe de toutes les Républiques
bien réglées , comme une des
principales sources du renversement des
Empires... L'Orateur conclut à réprimer
par une severité sans adoucissement une
licence qui est sans bornes ; et à faire , s'il
le faut , un malheureux pour le mettre
hors d'état d'en faire des millions d'autres.
EXTRAIT DU II. DISCOURS.
Contre le Dual.
Le duel , disent ses partisans , est une
II. Vol.
voie
DECEMBRE . 1732. 2745
voie glorieuse pour réparer l'honneur outragé
et c'est , ajoutent- ils , un moyen des
plus éficaces pour former des braves à
l'Etat. Pour détruire ces deux idées chimériques
, l'Orateur en établit deux réelles
, par lesquelles il prouve 1. que le
duel à plus de quoi deshonorer un homme
que de quoi lui faire honneur . 2 ° . Que
l'Etat y perd beaucoup plus qu'il n'y gagne.
Premiere Partie.
La premiere proposition doit paroître
aux duelistes paradoxe , on en établit la
verité sur les causes et les suites du duel .
Les unes et les autres deshonorent la raison
, et doivent le faire regarder comme
une insigne folie et comme l'opprobre de
l'humanité.
De quelles sources partent d'ordinaire
cos combats singuliers ? consultons les ac-.
teurs de ces scenes tragiques ; c'est selon
eux courage, intrépidité, grandeur d'ame.
Consultons l'expérience , c'est fureur ,
emportement , petitesse d'esprit qui ne
peut digerer une raillerie , ce sont tous les
vices qui font les lâches. Tel voudroit passer
pour un Achille , qui n'est au fond
qu'un Thersite decidé. On brave le peril
quand il est éloigné ; approche- t - il ? la pa
II. Vol. leur
2746 MERCURE DE FRANCE
leur peinte sur le visage des champions
annonce le trouble de leur esprit. Les uns
cherchent un lieu écarté, pour n'avoir aucun
témoin qui les censure , les autres
cherchent un lieu frequenté pour avoir
des amis officieux qui les separent . Les
separe- t- on ! on blâme en public comme
un mal dont on doit se plaindre , ce qu'en
secret on regarde comme un bien dont on
se felicite . A - t -on eu du dessous dans le
combat ? les glaives étoient inégaux , un
hazard imprévu a decidé la querelle & c.
D'autres vont au combat avec moins
de lâcheté y vont- ils avec moins de folie
? Quel sujet les arme
communément ?
un étranger paroît dans la ville ; il passe
pour brave , on veut être son ennemi . Il
faut du sang pour cimenter la connoissance
, et pour paroître brave devenir inhu
main . Cent autres sujets plus legers arment
cent autres combatans plus coupables
. Quelles horreurs ! deux rivaux se
font un
divertissement de ces combats
sanguinaires on en a vu autrefois s'enfer
mer dans des tonneaux où ils ne pouvoient
reculer ,et là
renouveller les scenes effrayantes
des cruels
Andabates , qui se
portoient
des coups à l'aveugle , comme pour ne pas
voir la mort qu'ils
s'entredonnoient. On en
a vu d'autres
s'embrasser avant
II. Vol.
que
de
s'égarger
DECEMBRE. 2747 1732
s'égorger , et le symbole de l'amitié devenir
le signal d'un assassinat.
Je n'attaque jamais le premier , dira quel-,
qu'un : Je vous loue; mais pourquoi vous
attaque -t- on ? que n'êtes vous plus humain
, plus poli , plus complaisant ? On
m'attaque sans raison : pourquoi accepter
le cartel ? n'est- il point d'autre voye pour
vous faire justice ? mais si je refuse , je suis
deshonoré ; ouy , si vous n'êtes scrupuleux
que sur l'article du duel... mais l'usage
le veut dites l'abys . Si vous vous trouviés
dans ces contrées barbares , où la loi de
l'honneur veut qu'on se jette dans la flamme
du bucher , sur lequel se consume le
corps mort d'un ami , croiriez - vous pouvoir
sans folie vous assujettir à une si étrange
coutume ? ... mais je compte icy donner
la mort et non pas la recevoir. Combien
d'autres l'ont reçue en comptant la,
donner ? Du moins avoués , ou que vous la
craignez , et deslors vous êtes lâche , ou
que vous la cherchez de sang froid , et
deslors vous êtes insensé , et que vous y
exposant contre les loix de la conscience
vous êtes impie.
Quant aux effets du duel, il n'y a qu'à jetter
les yeux sur ses suites infamantes .L'indignation
du Prince, la perte de la liberté,
de la noblesse, des biens , de la vie ; l'indi
II. Vol. gence
2748 MERCURE DE FRANCE
1
gence , l'inominie qu'il attire sur la posterité
du coupable , tout cela ne suffit - il
pas pour faire voir combien le duël flétric
l'honneur du Vivant et du Mort , du vainqueur
et du vaincu : mais quel tort ne faitil
pas à l'Etat ? c'est ce qui reste à examię
ner.
Seconde Partie.
Prétendre que le duel forme des Braves
à l'Etat , c'est ne pas avoir une juste idée
de la veritable bravoure . Elle consiste dans
un courage intrépide animé par le devoir ,
soutenu par la justice , armé par le zele
pour la deffense de la Patrie. La valeur
des Duelistes a- t'elle ces caracteres ? Au
lieu de produire dans l'ame cette fermeté
tranquille qu'inspire la bonté du parti
pour lequel on combat , elle n'y enfante
que le trouble et ces violens transports
qui suivent toujours les grands crimes. Au
lieu d'allumer dans le coeur et dans les
yeux ce beau feu qui fait reconnoître les
Heros , elle répand sur le visage une sombre
fureur qui caracterise les assassins.
Le Duel est une espece d'image de la
Guerre civile ; le nombre des combattans
en fait presque l'unique difference. Il est
moindre dans le Duel , mais le péril n'en
est que plus certain. Ignorent ils donc
II. Vol. qu'ils
DECEMBRE . 1732. 2749
qu'ils doivent leur sang au service du
Prince ? Leur est - il permis d'en disposer
au gré de leur haine ? et tourner leurs armes
contre les Citoyens , n'est- ce pas les
tourner contre le sein de la Patrie , leur
Mere commune.
En vain veulent - ils s'authoriser pat
l'exemple des anciens Heros . Leurs combats
singuliers n'étoient rien moins que
des Duels , puisqu'ils ne s'agissoit point
entr'eux de vanger des injures particu
lieres , mais d'épargner pour l'interêt de
la Patrie le sang de la multitude. Tel fut
le combat des trois Horaces , et des trois
Curiaces . Les Romains qui lui ont donné
de si justes éloges , étoient les ennemis
les plus déclarez du Duel. On sçait combien
l'ancienne Rome cherissoit le
sang
de ses Citoyens : de là ces Couronnes civiques
pour quiconque avoit sauvé la vie
à un de ses Enfans : de là ces peines décer
nées contre tout Citoyen convaincu d'en
avoir appellé un autre dans la lice sanglan
te ; on cessoit dès- lors d'être Citoyen , et
la profession de Dueliste conduisoit au
rang d'esclave gladiateur.
Les Maures dans un siecle plus barbare
avoient conçû une telle horreur pour ces
sortes de combats , qu'ils ne les permettoient
qu'aux valets chargés du bagage de
II. Vol.
TA
2750 MERCURE DE FRANCE
l'Armée quel modele pour nos Duelistes
?
C'est donc ce monstre qu'il faut exterminer
de la Pologne par une loy aussi sevère
dans son exécution qu'immuable
dans sa durée . Punir certains crimes , c'est
prévenir la tentation de les commettre.
Une punition sévere dispense d'une punition
fréquente . Après tout , le plus sûr
moyen d'abolir le duel dépend des parti
culiers. Qu'ils écoutent la raison aidée de
l'honneur et de la foi ; qu'ils soient hommes
et Chrétiens , et ils cesseront d'être
Duelistes.
EXTRAIT DU III. DISCOURS.
Contre Poisiveté.
L'Oisiveté fait trop d'heureux en idée
pour ne point avoir de Partisans. Que ne
doit pas craindre l'Etat d'un vice qui est
la source de tous les autres. Plus elle a
d'attraits qui la rendent dangereuse , plus
on doit empêcher qu'elle ne devienne
commune ; pour mieux connoître ce qu'on
doit en penser , il faut voir ce qu'on en
peut craindre. 10. Un homme oisif est un
citoyen inutile à la République . 20. il ne
peut lui être inutile sans devenir bien- tôt
pernicieux.
II. Vol. PreDECEMBRE.
1732 2751
Premiere Partie.
Je ne suis , dit un oisif , coupable d'au
eun vice qui me deshonore : je le veux ,
pourroit- on lui répondre ; mais votre fainéantise
ne vous rend- elle pas capable de
tous les vices ? Vous n'entrés dans aucune
Societé mauvaise ; à la bonne heure : mais
quel rang tenez- vous dans la Societé humaine
? Vous n'êtes point un méchant
homme , soit ; mais êtes vous un homme !
Membres d'une même famille, Sujets d'un
même Roi , Parties d'une même Societé
nous avons des devoirs à remplir à leur
égard un oisif peut il s'en acquit
ter ?
-
Comment veut-on qu'un jeune effeminé
, toujours occupé à ne rien faire , ou
à faire des riens , soutienne le crédit de sa
famille pourra- t'il acquerir de la réputa
tion dans un Etat ? elle est le prix du
travail ; rendre des services aux amis attachez
à sa maison ? il n'interromproit pas
son repos pour ses interêts , le sacrifierat'il
aux interêts d'autrui ? Eterniser les
vertus de ses peres , et le souvenir de leurs
travaux il faudroit une noble émulation
, la mollesse en a éteint le feu dans
son coeur sa famille se flattoit qu'il se-
II. Vol. roit
#752 MERCURE DE FRANCE
roit son appui : à peine sçait- il qu'il en est
membre.
Est-il plus utile à la Société civile ? la
Noblesse doit être comme l'ame de tout
ce corps de citoyens : le goût d'un Seigneur
qui gouverneune Province en donne
à tous ceux qui l'habitent : les Sciences
, les beaux Arts , tout s'anime à sa
vûë , tout prend une forme riante : à sa
place substituer un homme oisif; quel
changement ! tout languit , tout s'endort
avec lui ; non- seulement il ne fait aucun
bien , mais il rend inutile le bien qu'on
avoit fait .
Que peuvent attendre le Prince et l'Etat
, d'un homme qui se regarde comme
l'unique centre où doivent aboutir tous
ses sentimens , et toutes ses pensées ? quel
poste important lui confiera-t'on ? Sçaura-
'il remettre ou entretenir dans une Province
le bon ordre , prévoir et réprimer
les maux que l'on craint ? quel embarras!
il ne craint d'autre mal que le sacrifice
de son repos . Chargera t'on ses foibles
mains de cette balance redoutable , qui
pese les interêts des hommes ? quel fardeau
! il faut s'en décharger dans une
main étrangere aux dépens de son honneur
et de nos fortunes . Lui confiera - t'on la
conduite des armées ? quel tumulte ! La
II. Vol. Guerre
DECEMBRE. 1732. 2753
Guerre s'accommoda - t'elle jamais avec la
mollesse ? Ainsi l'oisif devient tout à la
fois la honte de sa famille qu'il dégrade ,
de la Societé qu'il deshonore , de l'Etat
qu'il trahit ; mais son portrait n'est enco
re qu'ébauché , il ne peut être citoyen
inutile sans devenir citoyen pernis
cieux.
2
Seconde Partie.
Dès que le poison de l'oisiveté s'est glisa
sé dans un jeune coeur , il en glace toute
l'ardeur , il dérange tous ses ressorts , il
arrête tous ses mouvemens vers le bien ,
il en fait le theatre de ses passions et le
jouer des passions d'autrui. C'est par là
que l'oisiveté devient funeste aux jeunes
Seigneurs , et ne les rend presque jamais
inutiles qu'elle ne les rende en même
tems pernicieux à l'Etat.
Se refuser au bien , c'est presque toujours
se livrer au mal . Qu'une Maison , où
ces Heros de la mollesse trouvent accès ,
est à plaindre que de vices , un seul vice
n'y fera t'il pas entrer ! ces discours ne feront-
ils point baisser les yeux à la sago
Retenue , à la timide Pudeur ? La Tem
pérance et la Sobrieté seront-elles respectées
dans ses repas ? mais surtout , que no
>
II. Vol. doia
754 MERCURE DE FRANCE
doit pas craindre la République en général
?
Semblables à ces Insectes odieux , qui
ne subsistent qu'aux dépens de la république
laborieuse des Abeilles , et la troublent
sans cesse dans ses travaux utiles ,
ils vivent délicieusement dans le sein et
aux frais de la Patrie , et se servent souvent
de leur aiguillon contre elle. Ils boivent
les sueurs des citoyens laborieux , et
s'enyvrent quelquefois de leur sang.
Ce qui doit armer le plus les loix contre
l'Oisiveté , c'est qu'elle réunit ce que
les trois autres vices qui entrent en concurrence
avec elle ont de plus odieux . Un
jeune oisif qui confie le soin de sa maison
à un perfide Intendant dont il n'exige
presque aucun compte , ne perd- il pas
souvent plus de biens par sa négligence ,
que le prodigue n'en dissipe par son luxe
? Ne le verra- t- on pas secoüer bien -tôt
le joug de la contrainte qui gêne son humeur
, et voulant donner à tous la loy ,
ne la recevoir que de son caprice ? L'amour
des oisifs pour la vie douce est un
préservatif contre la tentation du duel ;
mais la seule idée que l'on a conçue de
leur peu de courage , n'engagera-t'elle pas
de jeunes Duelistes à les attaquer , ne fut
II . Vol. ce
DECEMBRE. 1732 2755
ce que pour se faire une réputation aux
dépens de la leur.
L'Orateur conclut à bannir de toutes
charges ceux qui seront convaincus de ce
vice , et à les noter par quelque punition
qui caracterise leur défaut.
EXTRAIT DU IV . DISCOURS.
Contre l'Indépendance.
L'ame du bon gouvernement c'est le
bon ordre ; le bon ordre ne subsiste que
par la subordination . L'Indépendance en
sappe tous les fondemens ; quand elle se
trouve dans les jeunes Seigneurs , 1º elle
les accoûtume à braver l'autorité ; 20 elle :
les porte à prétendre même au droit d'im
punité.
Premiere Partie.
Pour connoître le danger de l'indépen
dance , il faut voir comment elle se forme
dans la jeune Noblesse , et jusqu'où elle
peut étendre ses progrès contre l'autorité
légitime . La naissance et l'éducation , voilà
ses sources. Comment éleve- t'on les jeunes
Seigneurs ? L'or sous lequel ils rampent
dans l'enfance éblouiit leurs yeux ; le
faste qui les environne enfle leur esprit ;
les plaisirs qu'on leur procure corrom
11. Vol. B pent
2756 MERCURE DE FRANCE
pent leur coeur : mollesse d'éducation qui
fait les délices de l'enfance , et prépar
les révoltes de la jeunesse.
,
La raison est à peine éclose , qu'ils ferment
les yeux à sa lumiere , et les oreilles
à sa voix. Les Maîtres veulent- ils les rap
peller aux devoirs? les flatteurs les en écaret
leur apprennent qu'ils sont plus
nés pour commander que pour obéïr ; à
force de donner la loy , on s'habituë à ne la
plus recevoir. Veut-on s'opposer au mal,
er les confier à des Maîtres plus amis du
devoir que de la fortune ? ils ne plient
que pour se redresser bien- tôt avec plus
de force dès qu'ils en auront la li
berté.
Quel bonheur pour un jeune Indépen
dant , s'il a auprès de lui un Mentor qui
craignant beaucoup moins pour la vie
que pour l'innocence de son Telemaque ,
aime mieux se précipiter avec lui du haut
d'un affreux Rocher , que de le voir se
précipiter dans l'abîme du vice ! Mais
trouve- t'on beaucoup de Gouverneurs de
ce caractere ? Combien flattent leur Eleve
dans ses desirs , se mettent de moitié
avec lui pour ses plaisirs ; et devant être
ses maîtres , deviennent ses esclaves ! détestable
éducation qui d'un indépendant
fait quelquefois un scelerat.
a
II. Vol.
L'In
DECEMBRE. 8732: 2757
>
L'Indépendance conduit à la révolte ;
Eleve intraitable devient fils rebelle ;
mbien en a-t'on vû braver l'autorité
ternelle , outrager la Nature , et d'in
pendans qu'ils étoient , n'avoir besoin
ie de changer de nom pour devenir déturés
? Mauvais fils sera -t'il bon sujet >
"ut-on s'en flatter surtout dans un
oyaume électif, où l'on est quelquefois
nté , de faire avec audace , ce qu'on croit
ouvoir faire avec avantage ?
La plus florissante République de la
rre , Rome la maîtresse du monde
pres
u'entier , se vit sur le point d'être saccaée
et réduite en cendres. Qui alluma
incendie ? une cabale de jeunes factieux ,
onduits par Catilina et possedés du
émon de l'indépendance. Que de sang
e fallut-il pas répandre pour éteindre ce
eu ? Autorité domestique et publique ,
pix divines et humaines , tout est sacrifié
l'impérieux désir de se rendre indépen
Fant, La loi violée s'arme - t'elle du glaive
Four vanger ces attentats ? Après avoir
ravé ses réglemens , ils bravent ses menaet
s'arrogent le droit d'impunité. ›
Seconde Partie.
Si l'on en croit les jeunes Seigneurs inépendans
, leur jeunesse et leur condi-
II. Vol Bij tion
2758 MERCURE DE FRANC
tion les mettent à couvert des loix et
la punition qu'elles prescrivent.
P La jeunesse est l'âge où le feu des
sions s'allume ; c'est donc aussi le tem
où l'on doit s'appliquer à l'éteindre . Fas
il attendre que l'incendie ait pris des fo
ces et se soit communiqué ? trop de se
rité , il est vrai , révolte et fait hair!
devoir , mais trop d'indulgence enhard
et fait violer la loi,
La Noblesse est l'état où les exempl:
sont plus contagieux ; mais c'est dor
aussi l'etat où les punitions sont pl
nécessaires . Les sujets d'un moindre ét
ge regardent ces jeunes Seigneurs autant
comme leurs modéles que comme leur
maîtres . Un coupable de la sorte impuni
fait un million de coupables dans l'esp
rance de l'impunité .
Aussi Rome et Sparte punissoient - elles
séverement l'indépendance et le mépris
des loix dans les jeunes gens de qualité.
Deux Chevaliers Romains furent autrefois
dégradés de leur ordre , et mis au
rang des Plebeïens , pour n'avoir pas as
sez promptement obéï à un Proconsul
Un peu de roture parut alors un excellent
remède contre le vertige de l'indépen
dance. Comme l'élévation du rang produit
les fumées de l'orgueil , l'humilia
tion les dissipe
DECEMBRE. 1732. 275%
EXTRAIT DU V. DISCOURS.
Fait par le Prince après les Plaidoyers:
Casimir après avoir entendu les discours
les Parties , fait sentir le fort et le foible
les raisons alleguées , et en ajoute pluieurs
nouvelles dont le détail seroit long.
Il établit pour principe que le premier
desordre contre lequel doive sévir le Législateur
, est celui qui porte un plus
grand préjudice au plus grand nombre des
sujets ; c'est- à- dire , celui qui est le plus
considérable en lui-même et le plus étendu
dans ses suites. Sur ce principe il éxamine
les quatres desordres proposez , et les balance
long- tems par une infinité de preuyes
que nous sommes fâchez d'omettre
mais que ne nous permet pas la brièveté
que nous nous sommes prescrite dans les
extraits. Il résulte de cet examen que les
jeunes Seigneurs independans sont les
plus coupables , sur tout parce qu'ils violent
la loi fondamentale de l'ordre politique
, c'est-à-dire l'obéïssance et la soumission
: et nous pouvons , dit le Juge , esperer
de mettre un frein à l'amour des folles
dépenses , à la manie du faux point-d'honneur
, à l'indolence et à l'oisiveté des faimeans
par de bons et salutaires Edits : mais
II. Vol. Biij pour
2760 MERCURE DE FRANC
pour l'indépendant , si son caprice le por
te à être dissipateur , dueliste , et ind
lent de profession , en vertu de son syste
me et de ses principes d'indépendance ,
se maintiendra en possession de ces tro
desordres , et ses maximes favorites now
répondent par avance qu'il comptera pow
rien la loi que nous allons porter contr
lui et contre ses consorts.Portons-la cepen
dant cette loi , &c.
Là- dessus le Prince prononce ,1 contre
l'Indépendance , 2 ° contre l'Oisiveté , 3 '.
contre le Duel , 4º contre le Luxe , et il
rend raison de l'ordre qu'il observe en ce
Jugement. Ensuite il porte differentes loix
qu'il croit les plus propres à remedier à
chaque desordre , et telles à peu près qu'Athenes
en porta contre l'Indépendance ,
Lacedemone contre l'Oisiveté Rome
contre le Luxe , et la France avec une partie
de l'Europe contre le Duel.
و
Enfin M. d'Aligre qui avoit été compli
menté par M. le Pelletier de Rosambo sur
la noblesse et la dignité avec laquelle il
avoit présidé à ce Jugement , le felicita à
son tour de la finesse et de la délicatesse
d'esprit qui avoit éclaté dans son discours ;
il fit aussi compliment à M. de Bussy sur
son éloquence et sur son talent à parler
en public ; à M. Petit, sur son beau feu
II. Vol. d'imaginaDECEMBRE.
1732: 2761
d'imagination ; à M. de Verac sur l'élegance
de son Plaidoyer et les graces de sa prononciation
. L'illustre Assemblée souscrivit
sans peine à la justice de ces éloges.
EPITRE à M. de Voltaire , par M. Cle
ment , Conseiller du Roi , Receveur des
Tailles de Dreux.
DEE tes talens admirateur sincere ,
Je t'adresse , illustre Voltaire ,
Ce foible essai que j'ai construit .
Loin des Curieux et du bruit
Si ma Muse ici pour te plaire
Fait par hazard des efforts superflus ,
Ton silence bien - tôt m'apprenant à me taire ,
De mes deffauts me corrigera plus
Que ne seroit le sifflet du Partere.
D'où vient donc ce transport nouveau ?
Les Provinciaux , vas tu dire ,
Connoissent-ils le charme de ma Lire !
Qui ; Voltaire , ici le vrai beau
Sur les coeurs maintient son empire ,
Et , comme à Paris , l'on sçait rire
Des vains efforts d'un débile cerveau.
Jadis , en ce lieu les Druides ,
II. Vol. Bij Fai2762
MERCURE DE FRANCE
Faisoient sous leurs mains homicides ,
Gémir les crédules humains ;
Tu sçais qu'arbitres des destins ,
Aux Mortels simples , sans science ,
Ils faisoient respecter leur trompeuse igno
rance ;
•
Nous vivons sous un autre tems ;
De ces beaux lieux les doctes habitans ,
Desabusés du faux , du ridicule ,
Ont sçû bannir préjugés et scrupule
'Amour du vrai charme ici les esprits
De toi sans cesse en relit les écrits ,
Et ta Henriade immortelle ,
Par des traits touchans , enchanteurs
De la ligue et de ses fureurs
Nous rend la peinture si belle ,
Que nous cherissons les malheurs
Qui de ta muse ont excité le zele.
Charles , Brutus , Edipe , enfans de ton loisir ,
Nous offrent tour à tour un différent plaisir.
De tes Vers la douce harmonic
Tient surtout mon ame ravie ,
Que ne puis-je avec dignité ,
Te peindre ici ma sensibilité !
Et t'exprimer avec ton énergie
A quel point tu m'as enchanté !
Vains efforts , je sens ma foiblesse ,
Et tout mon feu n'est qu'une yvresse ,
!
II. Vol. Dont
DECEMBRE. 1732. 2763
Dont tu ris peut- être à présent.
Reçois du moins ce badinage ,
D'un oeil moderé , complaisant ;
Si Malcrais sçût plus dignement
T'offrir de son pays le fastueux hommage ,
Qu'il te souvienne seulement ,
Qu'inferieurs à son ouvrage ,
Nous l'égalons en sentiment.
Réponse de M. de Voltaire .
Les Vers aimables que vous avez bien
voulu m'envoyer , Monsieur , sont la récompense
la plus flatteuse que j'aye jamais reçûe
de mes Ouvrages. Vous faites si bien mon
métier que je n'ose plus m'en mêler après
vous , et que je me réduis à vous remercier en
simple prose de l'honneur et du plaisir que
vous m'avezfait en Vers. Je n'ai reçû que.
fort tard votre charmante Lettre , et une fievre
qui m'est survenue , et dont je ne suis
pas encore guéri , m'a privé jusqu'à présent
du plaisir de vous répondre. On avoit commencé
il y a quelque- tems , Monsieur , une
Edition de quelques-uns de mes Ouvrages ,
qui a été suspenduë. J'ai l'honneur de vous
l'envoyer toute imparfaite qu'elle est , je vous
prie de la recevoir comme un témoignage de
ma reconnoissance et de l'envie que j'ai de
meriter votre suffrage. Il est beau à vous ,
11. Vol.
By Mon
2764 MERCURE DE FRANCE
1
sieur , de joindre aux calculs de Plutus
l'harmonie d'Apollon . Je vous exhorte à
réunir toujours ces deux Divinitez , elles ont
besoin l'une de l'autre.
Omne tulit punctum qui miscuit utile dulci .
J'ai l'honneur d'être avec beaucoup
d'estime , & c.
XX :XXXXXXXX:XXXXX
LES Changemens divers dans la Nature,
sur la Naissance du Messie .
CANTIQUE pour la Fête des Rois ,
sur l'Air : Au bord d'une Onde fugitive.
Helas ! quelle clarté nouvelle ?
Quel Astre brille dans les Cieux ?
Jamais la nuit ne fut si belle ;
Les Zéphirs regnent en ces lieux.
Flore revient ! Ah quels présages !
Tout rit , tout plaît dans nos Forêts ;
Les Oiseaux ; par leurs doux ramages
Font gouter des plaisirs parfaits .
Déja l'impatiente Aurore ,
Dore nos Champs et nos Côteaux ;
II. Vol.
No
DECEMBRE . 1732. 2765°
Nos Prez reverdissent encore ,
Et les fleurs naissent près des eaux.
Un Dieu fait sentir sa présence ;
Tout enchante dans ces Deserts ;
Les vents redoutent sa puissance ,
Tout a changé dans l'Univers.
Quel bruit de Clairons , de Trompettes.
Se mêle aux doux sons des Hautbois?
Qui regne ici dans ces retraites , ?
Les Bergers sont parmi les Rois.
O ciel que vois -je ? quelle Etoile ?
Conduit les Mages dans ce lieu ?
La nuît se cache avec son voile
Pour laisser voir un Homme-Dieu.
Mes yeux découvrent l'invisible ,
L'Etre premier s'ancantit ;
Je comprends l'incompréhensible ;
Le Verbe Dieu s'assujettit.
Egal à son Pere en puissance ,
Il est de toute Eternité ,
Son Verbe , son Fils , sa substance ,
Sans alterer son unité……
>
11. Vol.
Une
B vj
2766 MERCURE DE FRANCE
Une fille, vierge féconde ,
Augmente sa virginité ,
En enfantant l'Auteur du Monde ,
Sans blesser son integrité .
Du Ciel , de la Terre et de l'Onde
Je vois ici le Souverain ;
Grand Dieu ! que fais-je qui réponde ,
Au feu de votre amour divin ?
Sauveur , pour nous fermer l'abîme ;
Vous avez pris un Corps mortel ;
Si votre coeur sert de victime ,
C'est pour rendre l'homme immortel .
Contre l'orgueil ce Sauveur prêche ;
Mondain , range - toi sous ses Loix ,
l'adorer dans sa Crêche ,
Viens pour
Comme font ces trois puissants Rois,
Ils offrent l'Or à sa Puissance ;
La Myrhe à son humanité ;
Et pour son origine immense ,
L'Encens à sa Divinité.
Venez , Monarques de la Terre ,
Princes contrits , ne craignez pas ;
II Vol
DECEMBRE. 1732. 2767
Il est desarmé du Tonnerre ,
Hâtez-vous , il vous.tend les bras.
Laisse , Mondaine , ta Toilette ,
Dieu connoît les passevolants ;
Porte-lui ton ame bien nette ,
1
C'est-là son Or et son Encens.
hhhhh
REPONSE de Madame Meheult à la
Lettre insérée dans le Mercure du mois
d'Octobre dernier , page 2149. au sujet de
son Histoire d'Emilie , ou des Amours dé
Mile de ....
L
A Lettre que vous avez fait paroître ,
Monsieur,dans le Mercure , ne comble
de tant de gloire , que je ne puis sans
ingratitude me dispenser de vous en marquer
publiquement ma reconnoissance
d'ailleurs la Critique qui succede aux Eloges
me demande une réponse , le silence
dans ces occasions peut être regardé comme
un aveu tacite de sa défaite , un pareil
soupçon me seroit trop injurieux. Une y llet
Femme doit sçavoir se d . ffendre , la ré- Jeune et Jolies
sistance est pour elle une vertu essentielle . Sunaquey has
Dès que l'on est informé , dites- vous , Virta de
II. Vol que resistaner
Ey
Fordipropos.
2763 MERCURE DE FRANCE
que l'amour d'Emilie pour M. de Saint
Hilaire n'est qu'une feinte , l'esprit n'a
plus rien qui l'occupe , et ce vuide est
rempli par de longues conversations qui
ennuyent extrêmement le Lecteur.
Ce sentiment n'est pas assûrement géne
ral , ces longs entretiens ont eu le suffragees
Maîtres dans l'Art d'écrire , mais
chacun a sa façon de penser , et il me sieroit
mal d'en parler davantage .
Les amours de mon Héroïne et du Comte
viennent subitement , ils se plaignent
sans cesse , lors que rien ne semble les
traverser.
La personne qui fait cette objection n'a
jamais aimé véritablement , les allarmes
sont le
partage
des amans , mais l'experience
seule peut prouver ce que je dis.
On m'accuse aussi d'avoir fait mourir
mes Acteurs sans aucune utilité.
Ce raisonnement est si frivole qu'il ne
mérite pas la peine d'être relevé. Je n'ai
cherché dans mon Ouvrage qu'à rendre
les ayantures vrai -semblables : former une
fiction et vouloir éviter le Romanesque ,
est une entreprise assez difficile . Il faut
puiser dans les sentimens , et chercher des
incidens ordinaires. Rien ne l'estplus que
la mort ; la dou! ur que cause un si triste
moment nous touche , nous émeut et nous
11. Vol. arrache
DECEMBRE. 1732 2769
atrache des larmes , d'autant plus volon
tiers que nous sommes tous les jours exposez
à la même peine.
Enfin on me reproche que je ne devois
pas me servir des exemples odieux de Julie
, de Messaline et de Marguerite de Valois
que de semblables portraits ne conviennent
pas dans la bouche d'une Mere.
:
Si l'on me condamne , il faut auparavant
proscrire les Livres qui sont entre
les mains de tout le monde . Pour moi
je n'avois pas 14. ans , que je sçavois l'Histoire
Romaine par coeur . Hé ! qu'auroit
citer Mad. de Reville ? des Elus sancpu
tifiez dès le berceau ? Flore donnoit dans
des foiblesses , et l'application n'eut pas
été juste. Des conversions ? elles sont toujours
précedées du vice , ainsi j'aurois tom .
bé infailliblement dans le même deffaut.
Emilie après son escapade devroit être
plus humble , et refuser sa main à M. de
S. Hilaire pour l'unique motif qu'elle ne
se croit plus digne de lui . C'est penser
trop sagement ; j'eusse mal soutenu
le caractere de mon Héroïne. Une coquette
des plus étourdies ne devient pas
-si- tôt raisonnable.
•
Je ne sçai , Monsieur , si vous trouverez
cette replique suffisante , je suis un
foible Athlete , et si j'ose entrer en lice
II.Yoh avec
2770 MERCURE DE FRANCE
avec vous , c'est moins pour remporter le
prix , que pour vous assurer que je serai
toute ma vie , Monsieur , votre & c .
Brucelle Meheust.
EPITRE ,
A M. l'Abbé Plomet , sur ses Noëls.
Sage Plomet ,dont la plume rapide ,
Juste et sçavante en ses productions
Fut souvent le fidelle guide ,
De nos timides Amphions ,
Reçois avec bonté ces Essais de ma Lyre ;
Eile t'en doit les premiers fruits ,
Puisqu'elle a pris dans tes Ecrits ,
L'entousiasme qui l'inspire.
On t'a vû penetré d'une divine ardeur ,
Du Sauveur des Humains celebrer la Naissance ;
Par tes charmans accords le coupable Pécheur
Sentoit renaître dans son coeur
D'un heureux avenir , la flateuse esperance.
Aux approches de ce grand jour ,
Le Public révéroit dans son impatience ,
Ces marques de ton saint amour ,
Et les chantoit avec reconnoissance :
II. Vol. Mais
DECEMBRE. 1732. 2773
Mais hélas ! il n'a plus cet innocent plaisir ;
II le demande en vain , Plomet le lui refuse
Tes amis seuls , reçus dans ton pieux loisir,
Partagent avec toi les efforts de ta Muse.
Des saints Lauriers que ta main a cueillis ,
Le Public te doit un hommage ;
Mais ces talens qui furent ton partage ,
Te furent-ils donnez , pour être ensevelis ?
Quoi ! craindrois-tu les Critiques cruelles ,
D'un Censeur étourdi ?
Tes Noëls précedens sont tes garants fidelles,
Rime , Plomet, tu seras applaudi.
La pâle jalousie et la haine barbare ,
Voudront semer en vain leurs ennuyeux discours
Le Languedoc charmé , t'admirera toûjours ,
Et la gloire qu'il te prépare ,
Vaut bien le danger que tu cours.
Des honneurs qu'on te doit , sage dispensatrice
L'équitable Posterité ,
Sçaura mieux te rendre justice ,
Et l'on verra la verité ,
Terrasser la noire malice.
Corneille ( dira- t'on ) La Fontaine , Rousseau ,
Despreaux , Racine , Moliere ,
Paroissant animez d'un feu toûjours nouveau ,
Scurent chacun à leur maniere ,
Parcourir sans égaux leur brillante carriere ;
11. Vol.
Heureux
2772 MERCURE DE FRANCE
Heureux de partager entr'eux un don si beau.
Couverts d'une éternelle gloire ,
Leurs noms chéris deviendront immortels ;
Mais parmi les Sçavans que nous vante l'Histoire,
Plomet s'est distingué par ses pieux Noëls.
L'Abbé Cros , de Montpellier.
REFLEXIONS
Sur l'Amour.
E desir d'être aimé est un des plus
grands effets de l'aveuglement des
homes. C'est la ruine des esprits , la
corruption des moeurs , la perte de la liberté
, l'obsession des hommes et le plus
grand de tous les maux ; cependant la
misere humaine nous persuade que c'est
le comble de la felicité.
Tout ce qui a rapport à l'objet aimé
est beau , parfait , admirable : Allucinatur
quisquis amat in eo quod amat. Plutarque.
Ceux qui sont aimez , adoptent les erreurs
et les prennent pour des témoigna
ges des veritez les plus constantes ; ils
II. Vol. croyent
DECEMBRE. 1732. 2773
eroyent ne pouvoir errer. Cela n'est pas
surprenant , car ceux qui nous aiment ne
sçauroient nous faire ouvrir les yeux , et
c'est une grande pitié de ne pouvoir être
repris ni corrigez que par ceux qui ne
sçauroient ni nous reprendre ni nous cor.
riger. Hoc impedit quod nimis nobis pla
cemus. Seneque.
C'est le propre de l'Amour malheureux
de s'abandonner à des soupçons et à des
craintes indignes qu'il condamne lui- même,
et qui , en le persecutant , ne laissent
pas de l'engager dans des démarches souvent
suivies d'un long repentir.
Les craintes de l'amour , disposent toujours
à une confiance flateuse , qui fait
croire avec plaisir ce qui justifie la
sonne qu'on aime.
per-
Quand on mérite d'être aimé , on se
flate toûjours de l'être , et presque toujours
plus qu'on ne l'est en effet .
Plus on aime tard et plus fortement
on aime. •
Urit amor gravius , quò seriùs urimur intus. Ovide
Sape venit magnofoenore tardus amor.
II. Vol. On
2774 MERCURE
DE FRANCE
On ne doit jamais se picquer d'être
le martyr de la vanité ou du caprice
d'une Belle . On doit cesser d'aimer
aussi -tôt qu'on cesse d'être bien traité ;
car pourquoi vouloir malgré la Loi na
turelle , se faire un tourment de ce qu'el
le a donné à l'homme comme un plaisir ?
nous devons cependant plaindre ceux
que l'erreur commune engage dans d'autres
sentimens et qui sont les victimes
de leur propre aveuglement.
Amore si finge fanciullo per signifi
car che per placarsi pretende doni : si
finge però anco cieco , per lasciarsi rapire
quanto possiede.
Il n'est point de forme sous laquelle
l'Amour ne se déguise pour s'insinuer
dans un coeur , jusqu'à prendre celle do
la raison et de la vertu .
Un amour extrême est capable de faire
dire tout ce qu'on ne pense pas , quand on
croit se pouvoir procurer ce qu'on desire.
L'amour est une contagion qui se communique
presque toûjours par la fréquentation
de ceux qui sont susceptibles de
cette passion .
II Vol. Ceux
DECEMBRE. 1732. 2775.
Ceux qui n'aiment pas , ont rarement
de grandes joyes ; ceux qui aiment , ont
souvent de grandes tristesses .
Parmi les Amans la haine n'est bien
souvent qu'un amour déguisé mais
l'indifference est une veritable preuve
d'un amour éteint.
Amantes amoris nebulis obcacati falsa
pro veris accipiunt.
Plus l'amour est contraint , plus il est
ardent. Per vincula cresco.
On s'estimeroit heureux en amour , si
ce qui manque à notre félicité ne faisoit
celle de personne ,
L'amour devient un plaisir bien froid,
s'il n'est attisé par la difficulté.
Quand un coeur tendre est assez irrité
pour devenir cruel , il passe d'un extrémité
à l'autre , et la mesure de sa tendres-"
se naturelle , devient celle de sa cruauté,
L'amour est plus dangereux et plus
outré aux vieillards qu'aux jeunes gens.
L'autunno del' età fassi ad un core ,
Tutt'amor.tutt'angoscia, è tutto ardore. Sperauza.
JI. Vol.
La
2776 MERCURE DE FRANCE
La vertu est une perfection de l'ame ;
l'amour est une imperfection , en ce qu'il
fait aimer en autrui ce qui nous manque
en nous-mêmes.
*
La crédulité, naturelle à l'amour , laisse
farement la raison agir avec toutes ses
lumieres dans l'esprit d'un Amant ; elle
fait trouver possible les choses les plus
étranges , lorsqu'elles s'accordent avec ce
qu'on souhaite.
Laura dell'amore e un'esalatione pesa
tifera , che ci offusca la ragione.
: L'amour vous attaque inutilement , si
Vous vous occupez par le travail et l'application
: Otia si tollas , perere cupidinis
arcus.
Il n'est pas sûr
que l'amour fondé sur
la beauté , dure autant qu'elle ; mais il
est indubitable qu'il meurt avec elle .
Le bon homme Brantome , dit agréa
blement que qui veut être aimé sans aimer
, ressemble à celui qui veut allumer
son flambeau avec une torche éteinte.
Qui aime est plus heureux que qui
II. Vol. est
DECEMBR E. 1732. 27-7
est aimé. Cependant il est plus noble et
il devroit nous être plus agréable d'être
servis , que de servir.
Celui qui a de la haine est plus bla
mable que celui qui est haï . Or celui qui
aime doit l'emporter sur celui qui est aimé,
car celui qui oblige, est plus genereux que
celui qui est obligé. L'amour de l'Amant
fait la reconnoissance de la personne
aimée , comme plus parfait et plus
digne. Les choses inanimées peuvent être
aimées , mais elles ne sçauroient jamais
aimer. Cognosci enim et amari etiam in carentibus
anima existit at cognoscere et
amore rebus animatis. Arist . Melius est
amare quam amari . id . Divinior est amator,
quàm amatus , est enim numinis afflatu persitus.
Plat.
Les Italiens disent proverbialement :
Amore , subito nato morire , se non e nodrito,
dalla speranza.
C'est une grande question de sçavoir
si on a plus de mérite auprès d'une Maîtresse
, en lui
en lui marquant beaucoup d'empressement
, qu'en ne lui en témoignant
que peu.
Chi e amato perde la liberta , perche
II. Vol.
£778 MERCURE DE FRANCE
e obligato a suo dispetto ad amare chi
l'ama.
Quand on a veritablement donné son
coeur , on n'a plus rien qui ne soit au
pouvoir de celle qui le possede .
En guerre et en amour , les yeux sont
les premiers vaincus. Gli occhi , disent
les Italiens , sone sempre principio e fine
L'amore.
Quand on est bien amoureux , on est
très-retenu par la crainte de déplaire à
l'objet aimé. Les médiocres passions inspirent
toutes sortes de téméritez .
L'amour est le Roy des jeunes gens et
le Tyran des vieillards.
Le relâchement et le dégoût suivent
ordinairement les amours où il n'entre
que de la volupté.
Une infidelité qu'on prend soin de
cacher , promet plutôt un retour qu'un
engagement où l'on ne garde point de
mesures.
Comme les petits feux s'éteignent par
II. Vol les
DECEMBRE . 1732. 2779
$
les grands orages , et les grands s'augmentent
; de même l'amour médiocre se refroidit
par les difficultez , mais le grand
s'accroît.
Le Char de l'Amour est tiré par des
Lions , pour montrer que ce Dieu sçaiɛ
soumettre les animaux les plus féroces .
On ne se croit jamais miserable quand.
on aime bien ; mais on croit l'avoir été
quand on n'aime plus.
L'amour est de telle nature , qu'il ne
peut jamais causer de plaisirs tranquilles ;
et soit qu'il donne de la joye ou de la
douleur , c'est presque toûjours en desor
dre et avec tumulte et agitation .
Les premieres passions sont si bien les
plus fortes , qu'on pourroit dire que souvent
plus on aime , moins on sçait aimer.
L'amon qui s'établit par vanité , n'est
evante , et ne peut subsister. L'amour
flé se la beauté , meurt avec elle ;
anour qui vient par des interêts de farise
, n'est qu'avarice ; l'amour que la
jeunesse inspire , n'est que legereté ; l'amour
qui naît du tempéramment , est
C aveugle
2780 MERCURE DE FRANCE
aveugle et grossier ; il n'y a que l'amour
que l'estime et la vertu font naître qui
soit solide et qu'on doive loüer.
>
fait de
Un homme bien amoureux
soi- même un spectacle très-agréable pour
la personne qu'il aime.
La perte des personnes dont nous sommes
aimez , est bien plus irréparable que
celle des personnes que nous aimons.
Une belle femme , d'un esprit médiocre
, fait aisément beaucoup de conquêtes
, mais elle ne les garde pas longtemps
; une femme d'esprit sans beauté
en fait peu et difficilement , mais elles
sont infiniment plus durables.
L'amour et la haine marchent souvent
ensemble. Les Italiens disent , l'odio
non e contratrie d'Amore , ma sequaci d'amore.
Les larmes des femmes et les
des Amans , sont deux choses
bles , l'une ne coûte guere plus que
tre , car la source en est intarissable ; e
comme un Bassin qui se remplit à mig
sure qu'on y puise.
1
II. Vol.
DECEMBRE . 1732 2781
Selon le Proverbe Espagnol : Mucho
sabe la zarra , pero sabe mas la Dona
enamorada .
On a beau dire , une femme est bien
à plaindre quand elle a tout ensemble
de l'amour et de la vertu.
La prudence et l'amour ne sont pas
faits l'un pour l'autre . Tandis que l'amour
croît , la prudence diminuë.
Vouloir qu'on soit amoureux avec mec'est
vouloir qu'on soit fou avec
sure ,
raison.
Dans les commencemens d'une tendre
passion , on est trop crédule ; on l'est
trop peu dans la suite . De - là les inquietudes
, les soupçons , les reproches , les
ruptures.
t
EPITRE ,
De Mlle de Malcrais de la Vigne , à M.
V. D. G. de Marseille , pour répondre à
ses Vers, imprimez dans le Mercure d'Octobre
1732. page 2188 .
Monsieur Onsieur , dont l'ame perplexe ,
S'alambique en cent façons ,
II. Vol. Cij Votre
2782 MERCURE DE FRANCE
Votre idée est circonflexe ;
Sous le grand lambris convexe ,
gens de tous noms.
Il est des
Mais sçavez- vous qu'au beau Sexe
Vos Vers sont injurieux ?
'Arrêtez , Messieurs les hommes ;
Vous êtes si glorieux ,
Que vous croyez que nous sommes ,
Auprès de vous des Atomes ,
Ou des riens harmonieux .
Sçachez pourtant que les Dames ,
Quoiqu'en dise un fol Auteur ,
'Ainsi que vous , ont des ames
les celestes flâmes , Et que
Ont coulé dans notre coeur ;
Cependant n'allez pas croire ,
Ou je garde le tacet ,
Qu'ici je veuille avec gloire ,
Mettre du Docteur Docet ,
Sur ma coëffe le bonnet ;
J'en romprois mon Ecritoire ,
Et m'irois pendre tout net ,
M'étreignant de mon lacet,
Ces Pédans à l'humeur cruë ,
Dès qu'ils s'offrent à ma vûë ,
Me plaisent moins qu'un Valet ,
Qui dans chaque coin de ruë ,
II. Vol.
Fait
DECEMBRE. 1732. 2783
Tait entendre son siflet.
Si je voulois , par exemple ,
Trancher ici du Docteur
Je dirois , mon cher Seigneur ,
Vous , qui fréquentez le Temple
Du Dieu Versificateur ,
Connoîtriez - vous Corine ,
Leontion , Eccello ,
Sapho , Prasille , Occello ,
Théano , Cléobuline ?
Au monde est - il un canton
Qui ne vante des Poëtes ,
>
Qui , quoi qu'ayant des cornettes ,
Ont fait sonner leurs Musettes ,
Sur plus d'un merveilleux ton .
Aussi- bien que Coridon ?
L'Antique et Moderne Rome ,
Vit et voit briller les siens ,
Notre France en a tout comme ,
Ces doubles Italiens ,
Et par tout on les renomme ,
Plus que Donna Giustina ,
Et Signora Colonna.
Si point ici ne les nomme ,
C'est pour abreger chemin ,
Et je croi bien qu'en Provence ,
Le beau Sexe feminin ,
II. Vol
Ciij Mieux
2784 MERCURE DE FRANCE
Mieux qu'en nul endroit de France ,
Fait voir qu'il a l'esprit fin ,
Assaisonné de Science :
Beau Païs des Troubadours !
C'est chez vous que l'Italie ,
De l'Art de la Poësie ,
Apprit les excellens tours.
Mais alte- là , mon génie ,
Je vois que je passerois ',
Pour une grande Pédante ,
.Moi , qui passer ne voudrois ,
Que pour petite Sçavante.
Au surplus bien mieux que vous
Des Vers nous devrions faire ,
La raison en est très claire ,
Si , comme vous dites tous
Caprice domine en nous
Avec cervelle legere. "
>
Mais ce n'est point là le fait ,
Et votre ame impatiente ,
Me demande mon Portrait ;
Je vais être complaisantè ,
Et vous serez satisfait ;
C'est trop , et j'en suis dolente ,
Avoir suspendu l'attente ,
D'un aimable Curieux.
Taille un peu courte , grands yeux ,
II. Vol. Bouche
DECEMBRE.
1732 2785
Bouche riante et vermeille ,
Avec un air de douceur ,
Monsieur l'Auteur de Marseille ,
C'est- là Malcrais ou sa Soeur.
LETTRE de M.... écrite à M. de ..
Commandeur de l'Ordre de S. Jean de
Jerusalem , au sujet d'un Livre nouveau
intitulé : La Vie de Messire François Pic
quet , & c.
Lie
E Livre dont vous me parlez , Mon
sieur , est également curieux et édifiant
, il mérite que vous le lisiez avec
attention , dès que vous serez de retour
de votre Campagne. Le peu que
vous en avez vû dans le petit Journal
de Verdun , n'est pas , comme vous
dites , suffisant pour vous instruire ; il l'a
été seulement pour exciter votre curio
sité et pour former quelques doutes , que
vous me chargez d'éclaircir , les Journaux
Litteraires n'en ayant point encore
parlé.
Le premier de ces doutes roule sur ces
paroles du Journaliste , page 175. du
mois de Septembre. En 1662. M. Picquet
revint en Europe , sans renoncer au Consulat
d'Alep , qu'il fit exercerpar M. Baron.
II. Vol.
Ciiij Ces
1786 MERCURE DE FRANCE
Ces paroles font , sans doute , entendre
que M. Baron ne fut que le Substitut de
M. Picquet , et que celui- cy étant toûjours
le maître du Consulat d'Alep , il y
commit une personne à sa dévotion , &c .
Votre interprétation est juste , Monsieur,
mais le fondement en est peu solide . Les
termes que je viens de rapporter sont
entierement du Journaliste ; l'Historien de
M. Picquet ne parle point ainsi , et vous
avez eu grande raison de douter que
M. Baron , dont vous avez connu la famille
, fort superieure à celle de M. Picquet
, dont vous avez , dis - je , vû les Neveux
se distinguer dans votre Ordre , ait
jamais été le Substitut d'un Consul d'Alep.
Mais comme je ne sçaurois bien remplir
tout ce que vous exigez de moi au
sujet de ce nouveau Livre , sans le lire
attentivement d'un bout à l'autre , je ne
vous dis rien de plus ici sur cet article.
L'occasion d'en parler reviendra à
la suite de mes Observations , que je soumets
d'avance toutes à vos lumieres , ne
les
ayant entreprises que pour vous obéïr,
et pour perfectionner un Ouvrage qui mérite
l'attention de tous les gens de bien.
En voici d'abord le Titre. LA VIE de
Messire François Picquet , Consul de Franse
et de Hollande à Alep ; ensuite Evêque
11. Vol. de
DECEMBRE 1732 2787
de Cesarople ,puis de Babylone,Vicaire Apostolique
en Perses avec titre d' Ambassadeur
du Roy auprès du Roy de Perse , contenant
plusieurs évenemens curieux , arrivez dans
le temps de son Consulat et de son Episcopat
, dans les Etats de Turquie et de Perse ,
et dans les Eglises des deux Empires.Divisée
en trois Livres, I. vol. in 8. de 543. pages
sans la Préface et la Table. A Paris ,
chez la Veuve Mergė , ruë S. Jacques ;
M. DCC. XXXII.
Une assez longue Préface contient d'abord
l'Eloge de M. Picquet, lequel ne présente
rien que de vrai , et de fort touchant.
Elle indique ensuite les sources où l'on a
puisé les Memoires qui ont servi à écrire
P'Histoire de sa vie. On distingue particulierement
ici François Malaval , ce sçavant
Aveugle de Marseille , qui avoit autrefois
projetté de composer lui - même.
cette Histoire , et qui a fourni des lumie-.
res et des secours considerables pour l'exe
cution de celle dont il est question . Les
autres personnes qui ont concouru au
même dessein , sont aussi nommées avec
distinction dans la même Préface .
LIVRE I. qui comprend les commencemens.
de la vie de M. Picquet , l'Histoire de son
Consulat et divers evenemens concernant les
Eglises du Levant et de Turquie
II.Vol Cv François
2788 MERCURE DE FRANCE
François Piquet nâquit à Lyon le jour
de Pâques 12. Avril 1626 ; il étoit fils de
Geofroy Picquet et d'Anne de Monery ,
l'un et l'autre d'une honnête et ancienne
Famille , que l'on mettoit au nombre des
Nobles de la ville de Lyon. L'Autheur
ajoute que Geofroy Picquet avoit été fort
riche , et qu'il passoit pour l'un des plus
considerables Banquiers de Lyon , qui
avoit le plus de crédit et de correspondances
dans toutes les Places de l'Europe.
Je passe , Monsieur , les prémices de la
piété et les premieres études de ce serviteur
de Dieu , qui avançoit à grands pas
dans la carriere de la vertu à mesure qu'il
croissoit en âge ; je passe aussi ses voyages
en divers endroits de l'Italie dont il vit les
principales Villes , et dont il ne revint à
Lyon que vers la fin de l'année 1650.
En 165 le Consulat d'Alep , dont on
décrit ici l'importance et les avantages ,
étant venu à vacquer par la mort de M.
Bonin de Ma.seille , M. Picquet fut nommé
par la Chambre du Commerce pour
remplir cette Charge, et la Cour approu
va ce choix,
Il s'embarqua à Marseille au mois de
Septembre de la même année , et après
avoir débarqué à Alexandrete il se rendit
à Alep au commencement de Decembre.
11. Vol.
On
DECEMBRE. 1732. 2789,
On lui fit une Réception magnifique ;
tous les Consuls à la tête de leur Nation
vinrent le recevoir à l'entrée de la Ville .
et le conduisirent jusqu'à son Palais & c.
Il faut passer ce terme , souvent employé
dans cette Histoire pour signifier la Mai
son du Consul .
Il donna dabord toute son application
au rétablissement des affaires du Commerce,
que la mauvaise foi des Marchands
et l'avarice insatiable des Gouverneurs
avoient fort dérangées . LePacha d'alors s'ap
pelloit Bichir , et non pas Bicier , comme
le nomme notre Autheur ; ses violences
et ses injustices l'avoient rendu fameux
dans l'Orient , et on parloit encore de lui
quand j'étois dans la Syrie. M. Picquet
vint cependant à bout de réprimer ses véxations
; il obtint des ordres précis de la
Porte , par lesquels il lui fut deffendu de
les continuer , et enjoint de donner une
entiere satisfaction au Consul de France ;
et de vivre desormais en bonne intelligence
avec lui.
Divers incidens troublerent depuis cette
intelligence ; mais ils ne servirent qu'à
faire paroître la fermeté et la sagesse de
notre Consul qui eut toujours l'avantage
sur le Pacha , et maintine hautement les
droits et la gloire de la Nation.
II. Vol. Cvj Je
2750 MERCURE DE FRANCE
•
Je ne puis m'empêcher , Monsieur , de
vous dire ici que le narré de l'un de ces
incidens est une espece d'énigme pour
moi , je ne sçai si vous en comprendrez
mieux le sens ? Voici de quoi il s'agit .
» Le courage de ce brave Consul parut
> encore , dit notre Historien , lorsque son
>> Vice-Consul étant investi dans sa Maison
, qui étoit à l'extrêmité d'un fau-
" bourg, par 500 Mores , il alla lui - même
» à son secours à la tête de 200 François ,
» et les chargea si vigoureusement , qu'ils
furent obligez de prendre la fuite , et de
» lui laisser la gloire d'avoir purgé la cam-
» pagne de tous ces brigands , à la grande
» confusion du Pacha , qui negligeoit un
» devoir si essentiel à sa charge &c.
Tout le monde sçait que le Consul d'Alep
n'a point de Vice - Consul dans cette
même Ville ; il y seroit fort inutile. Il
n'est pas moins certain que la Syrie n'est
pas le pays des Mores : d'où seroient donc
venus ceux qui investirent la Maison en
question ? M. le Chevalier Monier , originaire
d'Alep , que vous avez fort connu
à Paris chez le Cardinal de Noailles , qui
a lu tous des premiers cette vie de M. Picquet,
m'a avoué qu'il n'avoit pas mieux
compris que moi l'endroit dont je viens
de parler.
II. Vol.
Cependant
DECEMBRE . 1732. 2791
5
Cependant les affaires du Commerce se
rétablissant de jour en jour , les Droits du
Consulat grossirent à proportion , et M.
Picquet se fit en peu de tems un gros revenu.
Rien n'est plus édifiant que de voir
dans le Livre même le saint usage qu'il
sçut en faire , et le détail de ses grandes
aumônes , particulierement envers les Ecclésiastiques
et les pauvres Eglises du pays.
Ce détail est suivi du recit de la révolte
du Pacha d'Alep , contre lequel le Grand
Vizir envoya Mortasa et non pas Mourthesar
, son Lieutenant , avec un corps de
troupes pour les opposer à ce Rebelle , et
pour commander en sa place dans Alep ,
ce qui ayant été heureusement executé , le
nouveau Pacha donna plusieurs témoignages
d'estime et de considération à M.
Picquet jusqu'à faire pendre le Grand
Douannier devant la porte du Palais
de France , pour vanger les injures qu'il
avoit faites à la Nation dans l'exerci
ce de sa Charge , du tems du Pacha rebelle.
Les Gouverneurs Turcs ne visitent jamais
personne , et ils affectent surtout de
ne pas se mesurer avec les Consuls : c'est
beaucoup quand ils s'acquittent à leur
égard des bienseances reglées. Cependant
le nouveau Pacha prévenu d'estime et
11, Vol.
d'une
2792 MERCURE DE FRANCE
d'une amitié particuliere pour M. Picquet
lui rendit une visite. Le Consul de son côté
répondit tout de son mieux à cet honneur
extraordinaire , il regala le Pacha , et quand
celui- cy montoit à cheval pour s'en retourner
, étant survenu une grosse pluye , M.
Picquet lui fit présenter un très- beau Manteau
d'écarlate de Venise , doublé de bro
card d'or.
Le Pacha revint encore quelques jours
aprés chez le Consul pour demander
ses conseils au sujet de l'Armée des Rebelles
, qui étoit encore assemblée , et
suivoit la fortune de Bichir Pacha.
La bienfeance et les suites de cette affaire
engagerent M. Picquet de visiter à son
tour le Pacha , qui lui rendit de grands
honneurs accompagnez de quelques présens
, sçavoir une veste de drap verd , couleur
cherie des Mahometans , et interdite
aux Chrétiens dans le Levant , une Pelisse
, ou Fourure de Chameau , et le plus
beau Cheval de son Ecurie richement harnaché.
La Pelisse de Chameau vous fera
sans doute rire , c'est apparemment une
méprise que je voudrois bien rejetter sur
'Imprimeur , s'il étoit possible , quoiqu'elle
ne soit pas marquée dans l'Errata. Vous
Sçavez ce que c'est que le poil et le cuir
d'un Chrmeau dont on fait seulement des
11. Vol. cribles
DECEMBRE. 1732. 2793
cribles et d'autres usages les plus grossiers.
Cette visite fut suivie de quelqu'autres
où toute ceremonie étoit bannie ; elles se
passoient dans la nuit pour conferer des
moyens de reduire les Chefs des Rebelles
et de dissiper leur Armée. Le Pacha et le
Consul convinrent enfin d'un moyen qui
fut éxecuté de la maniere qui suit.
Un jour de vendredi , destiné chez les
Mahometans à l'Assemblée generale et
aux Prieres publiques dans la principale
Mosquée , dans le tems de la plus grande
application des Assistans , 12 Imans ou
Ministres de la Religion , pratiquez par
le Pacha , tomberent brusquement sur les
Chefs des Rebelles et leur couperent la
tête. Le Pacha sortit en même tems de la
Ville avec l'Etendart de la Loi , qui fut
incontinent suivi par les troupes rebelles ,
et la tranquillité se rétablit aussi - tôt . C'est
ainsi , dit notre Historien , que Mortasa
assisté des lumieres et du conseil de M.
Picquet , remporta sur Bichir et les compagnons
de sa revolte une victoire &c.
Il se trompe au reste dans ce narré, lorsqu'en
expliquant le terme d'Iman , il dit
que ce sont chez les Turcs une espece de
Prêtres qui exercent leurs fonctions hors.
la ville . Les Imans sont employez dans les
grandes villes , comme dans les petites
II. Vol. Mosquées
2794 MERCURE DE FRANCE
Mosquées , il y en a à sainte Sophie et
dans les autres Mosquées Royales de Constantinople
, et par tout où les Mahométans
ont des Temples.
Cette sanglante Tragedie , qui augmenta
la bonne intelligence entre le Pacha
d'Alep et le Consul François , fut suivie
peu de tems après d'un spectacle plus
agréable ; c'est la fameuse Comedie de Pastor
Fido , dont M. le Consul voulut régaler le
Pacha. On dressa un Théatre dans la Maison
Consulaire : la décoration en étoit
magnifique et bien entendue , et la Piece
fut executée avec tant de succès par de
jeunes Marchands François , que le Pacha
leur fit offrir un présent de deux mille
Piastres , lequel ne fut point accepté . Le
Gouverneur fut charmé de cette Piece ,
surtout de la belle Symphonie dont chaque
Scene étoit suivie. Il y a beaucoup
d'apparence que c'est tout ce que les Turcs
purent admirer.
Le Pacha voulut regaler à son tour le
Consul et laNation Françoise d'uneComédie
Torque , laquelle fut representée dans
son Serrail par les meilleurs Acteurs du
Pays , et qui parut , dit notre Autheur
avoir son agrément dans l'esprit de nos
François . Ceux- ci ne manquerent pas ,
sans doute , de complaisance ; car vous
,
Il. Vol.
n'ignorez
C
DECEMBR E. 1732 : 2795
n'ignorez pas , Monsieur , que les Turcs
n'ont ni regles , ni genie pour ces sortes de
spectacles ; témoin celui dont je crois de
vous avoir parlé , et où je me suis trouvé
un jour chez le Pacha de Damas , qui n'étoit
rempli que de boufonneries , quelquefois
assez grossieres , et dont la ' derniere
Scene fut un bizarre travestissement
des Acteurs , qui parurent habillez à la Françoise
avec des Perruques &c . ce qui augmenta
les éclats de rire et combla le plaisir
des Spectateurs.
C'est à cette occasion que le Pacha d'Alep
offrit au vertueux Consul deux des
plus belles filles et des principales Familles
Turques de la Ville , qui avoient assisté
à cette Comédie , offre qui fut bien
loin rejettée , et sur laquelle le Consul
s'excusa , en faisant confidence au Pacha
du Voeu qu'il avoit fait de quitter le
monde pour embrasser l'Etat Ecclesiasti-
.que , comme il l'éxecuta quelques années
après.
M. Picquet n'avoit alors que trente ans 3
ce qui acheva de lui gagner l'estime et
l'amitié du Gouverneur . C'est à peu près
dans ce même tems que la République
de Hollande le choisit pour son Consul à
Alep et dans ses dépendances : l'agrément
du Roi est ici sous- entendu .
II. Vol.
Ja
2796 MERCURE DE FRANCE
Je ne suivrai point notre Historien
dans tout ce qu'il ajoûte des differens
effets du zele de ce Consul , pour affermin
les Catholiques Orientaux dans la Foi , c
pour soumettre les Schismatiques à l'Eglise
Romaine. Il eut une tendresse particuliere
pour l'Eglise Maronite , toute
Catholique , du Mont Liban ; il faut voir
dans le Livre même tout ce qu'il a fait
pour cette Eglise , qui fut de son tems
extrêmement persecutée ; on ne peut
lire de plus édifiant ni de mieux touché.
L'article des Esclaves Chrétiens que le
pieux Consul soulageoit par ses aumônes
, et dont il rompoit les fers quand il
le pouvoit , est encore de ce même carastere
, on ne sçauroit le lire sans être
émû.
rien
Je ne m'arrêterai point aussi à extraire
le détail de la disgrace qui survint au Pacha
d'Alep , disgrace que l'Auteur attribue
à l'étroite union qu'il avoit avec le
Consul François , laquelle donna de l'ombrage
au G. S. et au G. Viz. M. Picquet
déplora le malheureux sort de son ami
qui fût conduit comme un criminel à
Constantinople ; » craignant que la gran-
» de liaison qu'il avoit cue avec ce Pacha
» ne lui fut nuisible ; parce que dans ce
» pays là on ne manque pas de se défaire
II. Vol. *» ďuDECEMBRE
. 1732 2797
» d'une personne sans bruit ; il résolut de
» se retirer , mais le Seigneur , qui vou-
>> loit encore se servir de son ministere
» pour le bien des Pauvres et de la Reli-
» gion , lui fit differer de deux ans l'exe-
>> cution de son dessein.
Je m'arrête ici , Monsieur , pour ne
point trop fatiguer votre attention , et
pour préparer dans une seconde Lettre
la suite de cet Extrait et de mes petites
Remarques. Je suis , & c.
LES DAMNEZ DE NEVERS ,
A M. Richard de Soultrai , Maître des
Comptes à Nevers , Auteur de l'Ode sur
la Jeunesse. Conte tiré de l'Histoire de
Nivernois de Guy- Coquille.
Bocace , ton heureuse veine
Chanta les Damnez de Ravenne
A ton exemple dans ces Vers
Chantons les Damnez de Nevers ,
Nevers , mon séjour , mon azile ,
Païs charmant où j'ai reçu le jour ,
Nevers , où jadis tint sa Cour ,
Le Comte Hervé , Prince doux et facile ,
II. Vol. Qui
2798 MERCURE DE FRANCE
Qui fit régner dans notre Ville
Les Jeux , les Plaisirs et l'Amour ;
Or il advint qu'emporté par la Chasse ,
Et de ses Chiens ayant perdu la voix ,
Le bon Hervé s'égara dans un Bois ;
De son chemin il cherche envain la trace
Plus il s'avance et plus il s'embârasse ;
La nuit survient , autre calamité ,
Un feu paroît dans cette obscurité ,
Devers ce feu le Prince s'achemine.
Bref au travers de mainte épine
Il vient enfin au lieu tant souhaité ;
Ce lieu , c'étoit d'un Charbonnier la loge
Et le fourneau ; chez cet Hôre se loge
Le triste Hervé de crainte d'avoir pis ;
Le Manant fait les honneurs du logis
Avec un coeur vraiment digne d'éloge ;
Au Prince il sert des pommes , du pain bis ,
Eau surtout claire , en faisant mainte excuse.
En vrai Chasseur Hervé trouva tout bon ;
Car dame faim Cuisiniere dont use
Tout charbonnier , apprêta , ce dit- on ,
Le beau repas du faiseur de charbon ;
Après souper le Charbonnier honnête
Céde son lit , quel lit , bon Dieu !
Un
peu de foin sert en ce lieu
De lit au Prince ; il éleve sa tête
II. Vol.
SAK
DECEMBRE. 1732 2799
Sur un caillou qui lui sert d'oreiller ;
Ce n'est pas tout comme il croit sommeil
ler >
2
Il voit venir d'une vîtesse extrême
Un homme noir montant cheval de même ,
Cet homme tient un poignard en sa main ,
Et méne en trousse une fille éplorée ,
Veut la meurtrir ; mais d'une ame assûréo
Hervé s'oppose à ce dessein ;
Prince , par un effort trop vain ,
Dit l'homme noir , tu terniras ta gloire ,
Respecte ici les ordres du destin
Retien ton bras , écoute mon histoire ,
J'avois quinze ans , si j'ai bonne mémoire ,
Quand je suivis les étendards.
De ton Ayeul , le preux Comte Guillaume,
Sous ce grand Chef j'ai bravé les hazards ,
J'ai parcouru vingt fois tout le Royaume
En combattant , mais pendant les hyvers
Je m'arrêtois avec lui dans Nevers ;
Là , je servis cette beauté cruelle ,
Ce coeur ingrat dont le tien prend pitié ,
Mais je ne pus gagner son
amitié
Les petits soins, l'amour tendre et fidele ,
Les dons , les pleurs , ne pûrent la toucher ;
Pour moi toujours elle fût un rocher ;
Dans ma douleur d'une main criminelle
Pour finir mes tristes amours .
11. vol. J'ai
2800 MERCURE DE FRANCE
J'ai tranché moi-même mes jours ,
Soudain dans la flamme éternelle
Je suis tombé , je le mérite bien ,
Mais la mort qui n'épargne rien ,
A fait périr à son tour l'inhumaine ;
Pour me venger de sa rigueur ,
Ici tous les mois je l'amene ,
Et de ce fer je lui perce le coeur.
Le Revenant ne parla davantage ,
Mais consomma son triste ouvrage ;
Car sur le champ il étendit la main
Par les cheveux il prit la patiente ,
Pour la punir de son dédain ,
Malgré ses cris , il lui perça le sein ,
Et puis encor toute vivante
Il la plongea dans la fournaise ardente ,
Et se brûla lui - même au même feu ;
D'effroi , d'horreur Hervé reste immobile.
Lorsque le jour parût un peu ,
Incontinent le Prince plus tranquille
Au Charbonnier fait son adieu ,
Monte à cheval et pique vers la Ville ,
Ne regrettant la chere ni le lieu ;
A ses Barons Hervé conta l'histoire ,
Tous se signoient , faisant semblant de croire
On manda soudain le Prélat
Qu'on vît bien- tôt arriver sur sa mule ;
C
II. Vol. Le
DECEMBRE. 1732.
2801
bon Evêque plus crédule
it qu'il falloit assembler son Senat ;
ans ce conseil n'étoient jeunes cervelles ,
Dint n'écoutoit Abbés coquets
oins assidus aux Temples qu'aux ruelles ,
ais bien Vieillards venerables , discrets
Qui ne suivoient les doctrines
Padroit Senat ayant déliberé ,
nouvelles,
Dît qu'il falloit pour expier l'offense
onder Convent , mais Convent ayant manse
■bbatiale , ou bien un Prieuré
De Grammont ou de Premontré ;
Ainsi fut fait , une belle Abbaye
Par Hervé fût et dotée et bâtie ;
ar réparer forfait tant odieux
oines au Choeur disent toujours Matine ,
chants dévots font retentir les cieux
Ers dans le tems qu'ils sont à la cuisine ;
Bref , soyés sûr qu'au Prince Fondateur
s en donnent sur ma parole
ur son argent ; n'en rendront une obole ;
n'est point tout , maint grand Prédica
teur
Dans ses Sermons récita notre histoire ,
Et fit pleurer son Auditoire ;
* Du tems du Comte Hervé l'heresie Albigeoise
oit fait quelques progrès dans Nevers.
II, Vol, Ainsi
802 MERCURE DE FRAN
Ainsi fut fait par maint beau Confesseur
Si que le cas Dames sçavoient par coeur ,
L'horrible cas Dames tant bien aprirent ,
Qu'à la parfin toutes se convertirent ,
Et de leur coeur déchasserent soudain
Triste fierté , rigueur , dédain ,
Se faisant même une douce habitude
De clémence et de gratitude ;
Depuis ce tems les superbes Guerriers
Ne trouvent plus dans ces lieux d'inhuma
nes ,
Amans heureux sont ici par milliers ,
Témoins et Bretagne et Touraine ;
Tous ces Amans , grace à la vision ,
N'éprouvent point de tristes destinées ;
Dames croiroient être damnées ,
Si de leurs feux n'avoient compassion ,
Si quelqu'une à leur passion
Est quelquefois un peu severe ,
Soudain sa cousine ou sa mere
La menace de l'homme noir ,
Elle croit Pentendre ou le voir ,
Enfin ce bienheureux usage ,
Malgré les peres , les époux ,
S'est conservé jusques à nous,
Et durera bien davantage ;
* Bretagne e' Touraine sont deux Régimens qui
ent été en garnison à Nevers,
11. Vol. Des
DECEMBRE. 1732 2803
Des Guerriers ce sont là les droits ;
·Mais quant à nous autres Bourgeois
Nous n'en usons , c'est grand dommage ,
Les rigueurs sont notre partage ;
Soultrai , si j'avois vos talens ,
Je ne me plaindrois pas des refus de nos Belles ;
Ou , m'en plaignant enfin j'emploirois des ac
cens ,
si gracieux et si touchans
Que je pourrois bientôt les rendre moins cruel
les ,
Et leur prouver qu'à tous égards
Apollon en amour vaut souvent mieux que
Mars ;
De ce récit quelle est donc la morale ?
Parmi la Fable il faut des veritez ,
Dira quelqu'un , car sans moralités
Tel conte n'est qu'un objet de scandale ;
Moraliser est pour moi terre australe ;
Or moralise qui voudra ,
Sans morale , ma foi , le Conte finira :
Mais,Soultrai , qui de la sagesse
Possede toute la richesse
De sa morale un trait nous restera ,
En attendant je mets un bel et catera.
Pierre de Frasnai , Trésorier de France
à Moulins.
11. Vol. IMI D
1804 MERCURE DE FRANCE
IMITATION de l'Ode d'Horace
qui commence par ces mots : Nullus
argento color est , &c.
D
A M. F. Avocat à Saint Sauveur
le -Vicomte.
Es métaux estimez qu'enserre
Le centre avare de la terre
Ennemi toujours déclaré ,
: Crispe , l'argent aux yeux du Sage
Brille seulement par l'usage
Qu'en sçait faire un coeur moderé.
Les cent voix de la Nymphe aîlée
Par tout vanteront Proculée ;
Et l'amour vraiment paternel ,
Qu'au fort des plus grandes miseres
En lui reconnurent ses freres ,
Rendra son honneur éternel .
Celui , qui maître de son ame
En bannit l'avarice infâme ,
Régne plus souverainement ,
Que si de ses loix redoutées ,
>
II. Vol. L'Eu
T DECEMBRE. 1732 280g
L'Europe et l'Affrique domptées
Portoient le joug docilement.
En vain de la soif qui le presse
L'Hydropique en bûvant sans cesse
Espere calmer la rigueur ;
Il ne fera qu'aigrir ses peines ,
Tandis qu'il aura dans les veines
Le principe de sa langueur .
32
Phraate est remis sur le Trône
Mais de l'éclat qui l'environne
vertu connoissant le prix , La
Bien differente du vulgaire
Pour ce bonheur imaginaire
N'aura jamais que du mépris.
Libre d'une bassesse indigne ,
Et toujours intégre elle assigne
Les vrais honneurs , les premiers rangs
A ceux qui doüez de sagesse
Peuvent regarder la richesse
Avec des yeux indiférens.
F. M. F.
II. Vol. Dij DIS
2806 MERCURE DE FRANCE
******************
DISCOURS sur ces paroles : Le Sago
profite de ses fautes.
L
'Homme sujet aux passions et à l'erreur
, en devient le jouet , quand il
s'y livres orgueilleux autant que miserable
il ne rougit pas de sa misere . Il erre
presque à chaque instant , et attentif seulement
à se dissimuler ses fautes , il ne
pense ni à les réparer , ni à s'en corriger ;
elles se multiplient cependant , et il s'endort
au bord du précipice , où elles vont
bien -tôt l'entraîner,
Mais celui qui a appris à se connoître
soi- même , qui,convaincu de sa fragilité,
loin de se flatter ou de s'étourdir sur ses
égaremens , s'occupe du soin d'y remé
dier ; celui -là est vraiment sage , il s'applique
à connoître ses fautes , et il sçait
en profiter.
elle
I. Partie, Nous fuyons naturellement
tout ce qui peut diminuer en nous l'idéę
de notre excellence ; chimere précieuse
que nous portons par tout avec nous ,
domine sur nos actions et sur nos pensées
; c'est à nos yeux l'empire de la rais
son même ; et si chacun de nous en étoit
JI. Fol
crû
DECEMBRE. 1732. 2807
eru sur son jugement , tous les autres
hommes reconnoîtroient sa superiorité
sans hesiter , et lui donneroient la préference
qu'il se donne lui -même. Or , peuton
avec ces principes penser seulement
qu'on soit susceptible d'erreur , et ne panche
t'on pas vers l'opinion contraire?
,
Supposons cependant comme une verité
connuë , que tous les hommes conviennent
interieurement qu'ils sont sujets à
faillir , le sentiment est inutile s'il ne les
porte à chercher à connoître leurs fautes
pour travailler à se corriger ; et je dis qu'il
n'est que le Sage qui puisse se résoudre
dans cette vûë , à l'examen necessaire
pour les connoître , et que lui seul peut
parvenir à cette connoissance sans s'y
méprendre.
Quel autre que lui pourroit en être capable
? quel autre peut plier sa volonté
et chercher à découvrir toute sa misere ?
Je m'en rapporte à vous hommes du siecle
, soyez vous-mêmes les juges du Sage ;
dites- nous ce qu'il lui en coûte et ce qu'il
merite.
Que vous ayez une répugnance extrême
pour cet éxamen , je n'en suis pas surpris
? car à quoi vous engage- t'il , à des
refléxions qui vous troublent , à des recherches
qui vous gênent , que l'amour
II. Vol. Diij pro
2808 MERCURE DE FRANCE
propre désavoie , et dont il est allarmé
vous aimez cette douce indolence dans
laquelle vous avez accoûtumé de vivre
détournant les yeux de tout ce qui nous
choque , pour ne les arrêter que sur ca
qui vous flatte. Pouvez - vous vous en arracher
sans effort , et rentrer dans vous
même pour y chercher vos défauts ; repasser
sur vos foiblesses , vos caprices , vos
bévûës ; vous regarder, en un mot, par les
endroits les plus humiliants ? de quel
courage n'avez vous pas besoin ? que de
combats à livrer , que d'obstacles à surmonter
; il faut vous vaincre vous- même,
ou, pour mieux dire , il faut soumettre
un Tiran absolu , et quel tiran , l'orgueil
humain avouez le , l'entreprise est audessus
de vos forces ; certe gloire est réservée
au Sage .
Direz- vous que vous en ayez triomphć,
et qu'il ne s'oppose plus à votre dessein ?
ne vous flattés pas , la victoire est grande
, il est vrai , mais elle n'est pas complette
, tenés - vous toujours sur vos gardes
, l'ennemi que vous croyés avoir
dompté est ingenieux à réparer ses pertes
; s'il ne vous résiste plus à force ouverte
, il employera la ruse et l'artifice ,
il ne sera pas moins dangereux dans cette
I. Vol.
espeDECEMBRE.
1732. 2805
espece de combat : le Sage même a de la
peine à s'en garantir.
,
Attendez vous à le voir faire votre
apologie sur tous vos deffauts ; vous les
représenter au moins comme des qualitez
indifférentes , peut-être même comme
des vertus. Il vous déguisera vos fautes
cachera , ou ne vous montrera que dans
le lointain celles qu'il ne pourra pas colorer
, vous justificra sur toutes et les
rejettera sur des causes étrangeres ; sur les
caprices de la fortune , la bizarrerie des
circonstances , la contrainte des bienséances
; en un mot , sur tout ce qui no
dépend pas de vous : et vous serez seul
excusable , irréprehensible , loüable même
; car ne vous y trompez pas ; si dans
le cours de votre vie vous avez acquis
quelque gloire , ou quelque avantage ,
c'est à votre merite seul que vous devez
l'attribuer ; le bien est venu et viendra
toujours de vous , le mal ne peut venir
que de l'injustice du sort .
C'est ainsi que notre orgueil nous joie
il nous aveugle pour nous conduire où il
veut , et comme il lui plaît ; heureux
l'homme qui en a secoüé le jong , qui
sçait éviter ses pieges , et se dérober à ses
souplesses ! Cette felicité n'est pas un présent
de la Nature , ou du hazard ; elle est
II. Vol. Diiij le
2810 MERCURE DE FRANCE
le prix de l'étude , des refléxions , et des
efforts du Sage ; prix inestimable dont le
Sage fait un usage digne de lui , en s'ap
pliquant à connoître ses fautes. Degagé
des liens dans lesquels les autres hommes
sont retenus , aucun obstacle ne l'arrête ;
il foüille dans les replis les plus secrets de
son coeur , éxamine , observe , médite ;
l'amour de la verité l'anime , elle est l'objet
de toutes ses recherches , et la connoissance
de ses fautes ne fait que l'exciter
à des nouveaux progrès. Il ne se borne
pas seulement à les' connoître , il a aussi
l'avantage d'en profiter.
II. Partie. Le Sage n'est pas plus susceptible
de découragement que de présomption
, son égalité ne se dément jamais.
Il est moins troublé , moins abbatu
par la connoissance de ses fautes , qu'animé
à les réparer . Il n'est occupé que du
desir d'avancer de plus en plus dans le
chemin de la vertu , et tendant toujours
à ce but qu'il ne perd pas de vue , il tourne
, en quelque sorte , à son utilité , ou à
sa gloire , ce qui fait le désespoir , ou la
honte de l'homme découragé.
Mais de quels moyens se sert-il ? quelles
sont ses ressources ? le Ciel l'a -t'il
mieux partagé que vous ? ou se trouvet'il
toujours dans des circonstances si fa-
11. Val. yora
DECEMBRE . 1732. 2811
vorables , qu'elles ne lui laissent presque
rien à faire pour réussir ? Non ; vous avez
reçû autant que lui ; ce qu'il a de plus il
le doit à lui-même ; c'est un bien acquis
que vous pouvez acquerir comme lui . Sa
prudence , sa fermeté , sa patience , son
activité , sa vigilance , vertus dont les
semences sont en vous comme en lui ,
mais qu'il a cultivées , lui rendent facile
ce que les vices contraires rendent impossible
pour vous.
D'où vient cette tristesse profonde ? cet
accablement qui vous interdit l'usage des
sens quel est l'évenement funeste qui le
cause ? est - ce un malheur irréparable ? je
le vois ; votre imprudence vous a attiré
quelque disgrace , et votre lâcheté në
vous laisse de sentiment que pour succomber
: approchez , homme foible , venez
apprendre du Sage , que les coups de
la fortune ne doivent jamais ni vous décourager
, ni vous abbattre , et que vos
fautes même peuvent vous être utiles , si
vous sçavez en profiter.
Ses leçons vous toucheront si votre veritable
interêt vous rouche ; il ne les réduit
pas à une théorie stérile ; c'est une
pratique animée , dont il est lui- même
l'exemple. Vous le verrez sensible aux divers
accidens dont sa vie est traversée :
I. Vola
D v mais
2812 MERCURE DE FRANCE
mais d'une sensibilité ingenieuse qui lui
fournit les ressources , les expédiens et les
consolations qui vous manquent. Il s'ap
plique à découvrir les causes de ces accidens
: sont -ils arrivez par sa faute ? c'est
pour lui un sujet d'humilité : mais toujours
ferme , toujours actif, il ne néglige
aucun des moyens honnêtes par lesquels
il peut y rémedier ; prudent, il choisit avec
discernement ceux qui sont les plus propres
pour son dessein ; patient , il attend
sans murmure le succès qu'il peut se promettre
raisonnablement ; modeste , il ne
s'applaudit pas ; la vanité et l'ostentation
n'eurent jamais de part à ses démar
ches.
Son attention s'étend à tout ce que la
combinaison des differentes circonstances
peut lui faire envisager ; rien ne lui échape.
Il trouve toujours dans ses fautes même
ou les moyens de les réparer , ou la
matiere d'un nouveau merite par l'usage
qu'il en sçait faire , et elles lui servent
quelquefois à manifester ses talens inconnus
jusques-là , et qui peut- être l'auroient
toujours été.
Si le Sage ne peut pas réparer toutes ses
fautes , il peut toujours en profiter , et il
en profite en effet : celles qui peuvent être
réparées occupent son activité , sa vigi-
II. Vol.
lance,
DECEMBRE. 1732 2813
lance , sa prudence ; toutes exercent sa
fermeté , sa patience , et son humilité ;
vertus cheries ausquelles il doit cette égalité
d'ame qui forme son caractere , et que
rien ne peut alterer ; elles lui tiennent lieu
des consolations les plus douces , et des
dédomagemens les plus désirables , parce
que les espérances et les avantages du siecle
ne le touchent qu'à proportion du rapport
qu'ils peuvent avoir avec ce bien
précieux qui fait sa felicité .
Mais il a encore d'autres ressources ; accoûtumé
à refléchir et à méditer , les refléxions
qu'il fait sur ses fautes , lui appren
nent à en éviter de nouvelles ; elles lui
servent à former une régle de conduite
qu'il suit éxactement , et qui le garantit
des rechûtes. Ennemi du vice , il fuit les
occasions , et même les apparences du mal.
Zelé sectateur de la vertu , il se porte toujours
au bien , et il aspire sans relâche à la
perfection.
>
C'est là l'objet de tous ses voeux , de
tous ses desirs , de tous ses efforts . Mais
travaillant sans cesse à se rendre meilleur
il est résigné en tout à la volonté de celui
qui couronne la Sagesse . Grand Dieu , faites
que nous soyons ses imitateurs , et
donnez nous un rayon de cette lumiere
qui conduit à la verité , pour qu'avec ce
11:
Vol
Dvj
pi
2814 MERCURE DE FRANCE
divin secours nous puissions connoître
les fautes que nous avons commises contre
votre sainte Loy , les détester , et en profiter
par une penitence salutaire qui les
fasse servir en quelque sorte , à votre
gloire , à l'édification de votre Eglise , et
notre sanctification .
Par M. D. S.
XXXX:XXXXXXXXX***
A Mile de Malcrais de la Vigne
STANCES IRREGULIERES
Pour servir de Réponse à son Madrigal
imprimé dans le Mercure d'Octobre 173 2 .
ΑνAu Parnasse François mon nom est ignoré ; U
Malcrais,de le sçavoir n'ayez aucune envie;
Trouvez bon seulement qu'en stile bigaré
Je vous offre aujourd'hui le Tableau de ma vie.
L'amour propre d'abord y place mon Portrait .
L'attitude n'en est pas sûre ,
Mais l'air de tête n'est pas laid.
Par certains dons de la Nature
Le correctif est apporté
Aux défauts que dans ma figure
II. Vol Auz
DECEMBRE . 1732 2815
!
.
Exagere l'adversité ,
Et de mes amis l'équité
Me sçait venger de cette injure .
Mon esprit curieux cherche la verité
Dont le charme secret l'attire
Après elle , mon coeur n'aspire
Qu'à la parfaite liberté.
Sans accuser le sort , content du necessaire ,
Debarassé des soins qui chargent le vulgaire ,
Je renferme mes voeux dans un petit réduit ,
Loin des Grands , loin des sots , de la pompe et
du bruit
Je n'y songe qu'à satisfaire
Mon penchant pour les Arts , et mon goût solitaire.
A l'ombre des Ormeaux dans mes momens perdus
,
Des champêtres plaisirs je trace des images ,
Je veux qu'en ces petits ouvrages
On me retrouve encor quand je ne serai
plus.
Je ressens l'aiguillon de l'immortelle gloire ,
Et pressé du desir d'assurer ma memoire
Ne pouvant partager les travaux des Guer
Je
riers ,
cultive le Mirthe au défaut des Lauriers.
Mon instinct m'a conduit aux Rives du Per
messe ;
Euterpe quelquefois m'y donne des leçons ,
11. Vol
Sur
2816 MERCURE DE FRANCE
Sur la Flute de Pan je les redis sans cesse
Aux Driades de nos valons ,
Et je décris les lieux où jadis la tendresse
Dicta mes premieres chansons.
Simple sans être sot , Champenois sans ru
desse ,
Ami du naturel je cherche quand j'écris
Plus à toucher les coeurs qu'à flatter les esprits.
Pour la Ville , la Cour , les Grands et leur estime
,
Je n'eus jamais la passion
Que fait naître l'ambition ,
Toujours sur la raison , rarement sur la rime
Je fixe mon attention ,
Et c'est moins la refléxion
Que le sentiment qui m'anime ,
Qui régle mon expression .
Permettez donc, iliustre Fée
Qu'ici j'exprime simplement
Que je regrette amerement
Le tems où la bonne Zirphée
Sensible à mon empressement
M'eut des plaines de la Champagne
Jusqu'aux rives de la Bretagne
Transporté par enchantement.
Les coeurs qu'un desir héroïque
Portoit aux sublimes amours ,
Contre l'absence tirannique
11. Vol. Dans
DECEMBRE . 1732. 2817
Dans son Art trouvoient des secours ;
Son Char plus rapide qu'Eole ,
Plus prompt que l'Aigle qui s'envole ,
Les entraînoit vers leur beauté ;
Je sens leurs flâmes les plus vives ;
O Marne ! pourquoi sur tes Rives ,
Suis-je donc encor arrêté ?
Un coeur n'est pas toujours son maître
Je sçais qu'il viendroit un moment ,
Où le plaisir de vous connoître ,
Se feroit payer cherement .
Mais pour vous voir , pour vous entendre ,
Tout risquer et tout entreprendre ,
Ne me paroît point une erreur.
A vos charmes , Fille divine ,
Dans l'ardeur qui me prédomine ,
Je suis prêt à livrer mon coeur.
OBSERVATION sur l'impossibilité
du Mouvement perpetuel.
Our produire um Mouvement perpetuel
il faut une force
force infinie.
Je prouverai cette proposition après
avoir marqué quelques suppositions que
je crois nécessaires à mon sujet .
Je suppose , 1. que pour construire un
11. Vol.
Mou
2818 MERCURE DE FRANCE
Mouvement perpetuel , selon l'idée que
tout le monde en a , on ne peut se servir
des Elemens que dans une action
qu'on leur donne , et non pas dans celle
qu'ils ont naturellement ; par exemple ,
qui mettroit une roüe sur un Fleuve , ou
une voile au vent , n'auroit pas trouvé
pour cela le Mouvement perpetuel ; il
faut que ce mouvement vienne de l'industrie
des hommes et non pas de la
nature des choses. On voit par là que
le feu n'est pas propre à ce sujet , parce
qu'il exige toûjours une nouvelle matiere
à consumer. La Terre n'y peut servir
tout au plus que pour soutenir les
Machines que l'on pourroit faire à cette
occasion ; il ne reste donc que les corps
solides inanimez , l'eau et l'air , dont il
faut encore exclure les eaux courantes
et les Vents .
2°. Que dans toutes les Machines qu'on
pourroit faire pour conserver le Mouvement
, il faut nécessairement qu'une partie
fasse mouvoir l'autre , comme le Tambour
fait mouvoir lePen lule, et l'eau chasse
l'air d'un Scyphon , & c. car autrement
si aucune partie ne poussoit l'autre , ou
il n'y auroit aucun Mouvement , ou chacune
agiroit par sa propre force , et alors
ce Mouvement ne tireroit pas son prin
cipe de l'industrie des hommes
DECEMBRE. 1732. 2819
30. Que tous les corps tendent naturellement
au centre de la terre , et que
pour qu'un corps en puisse éloigner un
autre , il faut que celui-là contienne une
plus grande force que celui - ci , parce qu'il
lui faut la force d'élever l'autre et de s'élever
lui-même , d'où je conclus qu'on ne
trouvera jamais le Mouvement perpetuel
par deux corps qui agissent réciproquement
l'un contre l'autre .
4°. Que force perpetuelle et force infinie
, sont une même chose ; car quelle
idée avons - nous d'une force infinie , sinon
que c'est une force qui souffrant sans
cesse une dissipation et un écoulement
d'une portion d'elle- même , ne peut cependant
jamais être epuisée ? mais cette
même idée ne convient - elle pas à la force
perpetuelle , puisque nous comprenons
que dans tous les siecles des siecles avenir
on ne sçauroit jamais l'épuiser ?
5°. Que qui dit Mouvement , dit action
, donc , qui dit Mouvement perpetuel
, dit action perpetuelle.
per:
6°. Que qui dit action , dit force , donc
qui dit action perpetuelle , dit force
petuelle ou infinie ; car ce n'est qu'une
même chose . Je vais prouver maintenant
que pour construire une Machine dont
quelque partie soit ou puisse être dans
II. Vol.
un
2820 MERCURE DE FRANC
un Mouvement perpetuel , il faut qu'el
renferme une force perpetuelle ou infini
Pour produire , dans quelque genre qu
ce soit , un Mouvement d'une minute,
faut un certain degré de force , et pour
en produire un de deux minutes , ou pour
conserver le premier dans la seconde mi
nute , il faut deux degrez de force , c
une force d'un degré de force renouvel
lée. Pour un Mouvement de quinze mi
nutes , il faut quinze degrez de force;
donc pour conserver un Mouvement pen
dant une infinité de minutes , il faudra
une infinité de degrez de force , ou une
force infinie.
L'experience est parfaitement confor
me à ce que je viens d'avancer . Ayez une
Horloge à poids , laquelle étant posée à
une certaine hauteur et tirée par un juste
poids de 8. livres , puisse conserver son
Mouvement pendant 24. heures ; si vous
voulez gagner du temps et faire que del
la même hauteur le poids reste deux jours
à descendre , la chose n'est pas difficile,
et on le peut en trois manieres ; sçavoir ,
en ajoutant une roue moyenne , ou en
allongeant la Verge de Pendule , ou en
fin en ajoûtant une ou plusieurs poulies;
mais de quelque biais que vous vous y
preniez , pourvû que vous conserviez
II. Vol.
toûjours
DECEMBRE . 1732. 2821
toujours la même Lentille qui est au bout
du Pendule , yous ne ferez jamais mar
cher votre Horloge deux jours , que vous
ne doubliez le poids , et si vous voulez
qu'elle aille 8. jours , il vous faudra de
toute necessité au moins 64. livres pesant;
d'où je conclus que la force doit tou
jours être proportionnée à la durée du
Mouvement, et que si le Mouvement doit
durer toujours , la force doit agir toujours.
Elle ne le peut si elle n'est ou infinie ou
renouvellée , et ce dernier mot est opposé
à l'idée du Mouvement perpetuel.
Il est encore certain que si jamais le
Mouvement perpetuel pouvoit se trouver,
ce seroit toujours suivant les principes
des Méchaniques , c'est -à-dire , en employant
la force contre la force ; or le
principe universel des Méchaniques ,
prouve également l'impossibilité du Mouvement
perpetuel , le voici : ce que l'on
gagne en temps et en espace ,
on le
perd en forces et ce que l'on gagne en
force on le perd en temps et en espace :
expliquons ce principe dans le cas de
l'Horloge , et nous tirerons ensuite une
conséquence toute naturelle. Votre Horloge
n'alloit qu'un jour et elle en va 8.
vous avez gagné 7. jours de temps , mais
vous avez perdu en force 7. fois la pe-
11. Vol. santcur
2822 MERCURE DE FRANCE
santeur du premier poids , puisqu'au lie
de 8. livres pesant , il en faut 64. De c
principe je conclus que celui qui voudr
gagner infiniment en temps , perdra infiniment
en force , et que le Mouvement
perpetuel ne peut être l'effet que d'un
force infinie ; il est donc absolument im
possible , puisque tous les hommes ensemble
ne sont pas capables de formet
une force infinie .
D'ailleurs les vaines recherches qu'en
ont faites jusques ici tant de personnes
sçavantes , forment une preuve morale
de son impossibilité ; les differens moyens
d'y parvenir qu'on a souvent proposez
et qui ont disparu d'abord après , autorisent
mon opinion , et j'ose ici prédire à
tous ceux qui travailleront à le cherher ,
qu'ils perdront immanquablement les uns
leur temps et les autres leur réputation ,
s'ils hazardent sur cette matiere de donner
un jour quelque chose au Public. Si
quelqu'un vouloit faire l'honneur de proposer
quelque difficulté à l'Auteur de
ces Refléxions , il ose promettre d'y
répondre. Il fait son séjour à Villeneuvekz-
Avignon. Le 21 Août 1732.
B. L. S.
1
II. Vol.
0 :
DECEMBRE. 1732. 2823
LOGOGRYPHE.
Trois mots de trois Lettres chacun ,
Tous trois de suite n'en font qu'un ,
Qu'en épithete on donne au plus habile ,
Dont le premier , du vrai , du sans façon , se dit,
Et le second , d'un animal reptile ;
Pour le troisiéme , il flatte le goût et l'esprit.
AUTRE.
G ....
SEpt lettres de mon nom font toute la structure;
Mon cher Lecteur , veus - tu voir ma figure ?
Elle est très - commune en tous lieux ,
Peut- être en ce moment que ton esprit s'empresse
▲ me chercher bien loin , je suis devant tes yeux,
Si je suis fait avec adresse ,
On fait surtout grand cas de moi ,
Lorsque je suis fils de mon pere ,
Souvent je suis posthume et je n'ai point de mere
J'en ai trop dit , devine , c'est à toi ,
Tu ne peux , je t'entends ; voyons si ce qui reste
Ne sera point pour toi viande trop indigeste ,
Six , sept , trois , cinq de la nuit et du jour
Implacable ennemie ,
II. Vol.
Le
4824 MERCURE DE FRANCE
Le Soleil commençant son tour ,
Vient terminer ma vie ,
Pris en un autre sens , à tout homme d'Eg! ise ;
Je sers utilement ;
Trois, cinq, six, sept, tout blondin qui se frise,
Qui d'un air négligé , sourit nonchalamment ,
Croit m'avoir en partage ,
Ma tête à bas , je sers à votre usage ,
Je nourris dans mon sein mille animaux divers :
L'Eté toûjours liquide ,
Par fois l'Hyver je suis un corps solide ,
Et quoiqu'assez pesant , je monte dans les airs ,
Trois , quatre , cinq , je suis ta nourriture ;
Trois , six , deux , quatre , ainsi qu'on lit dans
P'Ecriture ,
Je menaçai jadis les Cieux ;
Malgré les crimes de ma vie ,
Mon fils après ma mort me mit au rang de
Dieux ;
J'eus les respects d'une Princesse impie :
Mais tôt après je fus abandonne ,
Et par le Peuple Saint dans la fange traîné ;
Trois , six , quatre , chez moi tout le monde
s'empresse
Pendant le Carnaval à montrer son adresse ;
Mais pour me voir la terreur d'un poltron ;
Ajoutez cinq de plus , je me plaits au carnage ,
Et souvent au plus fier courage ,
II. Vol. J'ai
DECEMBRE.
1732. 2825
J'ai fait passer la Barque de Caron :
Jn , deux , trois , quatre , cinq , je suis souvent
utile ,
A maint usage , et sur tout au repas :
Dans un très -grand Empire on ne me connoît pas,
Quoi que je sois à faire très-facile
Vous baillez , cher Lecteur ; je finis et tout net ,
Sept , deux , quatre , cinq , un , je suis votre valet.
Par P. D. C.
XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
J'Inspire
ENIGM E.
' Inspire en même-temps la pitié , le respect ;
Le mépris et l'horreur , cependant mon aspect ,
Suivant certain dicton , doit donner de la joye ,
Et les rares faveurs qu'aux Mortels je déploye
Procurant des plaisirs qu'on ne peut exprimer ;
Ne e devroit- on pas moins craindre et plus
m'aimer ?
Mais ce siecle n'est qu'injustice ,
Que bizarerie ou caprice ;
Car tel me voit avec horreur ,
Qui de porter mon nom se feroit
O vous qui me cherchez avec un sc
Si vous m'alliez trouver par haz
même ,
Vous en auriez de la douleur.
II. Vel. Ce
2826 MERCURE DE FRANC
*
Cependant quand on veut faire une action noi
Mon nom est très -connu ; mais finissons l'h
toire
Des rares qualitez que je reçûs des Dieux ,
De peur que produisant les effets merveilleux ,
Qui montrent à parler au sage ,
On ne me reprochât de n'en pas faire
usage ;
Mais si je m'ouvre trop , Lecteur ,
Empruntant de Sancho l'ordinaire langage ,
J'en pourrois bien trouver l'excuse en votre coeur.
Par M. d'Har.
***** ** :* : *******
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS , &c.
J
OURNAL LITTERAIRE , année
1731. Tome 18 premiere et seconde
Partie. A la Haye , chez P. Gosse et F.
Neaulme , 1731. et 1732. in 12. de 524.
pages , sans les Tables. Voici quelques
Titres de Livres dont on trouve les Ex
traits dans ce Volume,
TRAITE' de la Verité et de la Re
ligion Chrétienne , tiré du Latin de
M. Jean Alfonse Turrettin , Professeur
II. Vol. en
DECEMBRE. 1732. 2827
en Théologie et en Histoire Ecclesiastique
, à Gennes. Sect. 3. de la verité de
sa Révelation Judaïque. A Gennes , chez
Bousquet , &c. 1731. in 8. de 150. pages.
POESIES de M. l'Abbé CHAULIEU ,
et de M. le Marquis de la FARE. Nouvelle
Edition , corrigée et considerablement
augmentée. A la Haye , chez Rogissat
, 1731. in 12. de 257. pages .
ODES sur les affaires du Temps , avec
une Description en abregé de la Hollande
, par l'Auteur des Titans , Tome I.
de 256. pages. Refléxions nouvelles sur
Iliade d'Homere , Tome II . de 236. pag.
Reflexions nouvelles sur l'Iliade d'Homere
avec la Tragédie d'Electre , Tome III. de
256. pages. Le Siecle de Louis le Grand
avec Themire , ou l'Actrice nouvelle sur
le Théatre d'Athénes , Tome IV. de 237.
pages. Les Rues de Madrid , l'histoire de
la Porcelaine et le Combat des Echasses ,
avec plusieurs Satyres et autres Pieces
Tome V. de 259. pages . A Liege , chez
Everard Kints , 1731. in 8.
,
Après les Odes , viennent quatre petits
Poëmes , dont les Titres sont , la Bataille
de Nervinde , le Passage du Ter , Rose
conquise , et la
Métamorphose de Clitie
11. Vol E cn
2828 MER CURE DE FRANCE
en fleur. Le dernier Volume est terminé
par la Description de la Hollande , qui
est très- belle , on en pourra juger par
cet échantillon .
Va contempler ces Digues orgueilleuses
Invincibles Remparts , dont la solidité ,
vagues sourcilleuses Brave les
Du terrible Ocean par l'orage irrité,
Pour regagner son ancien heritage ,
De ses propres Troupeaux l'antique pâturage ;
De son redoutable Trident ,
Le Dieu des Mers près du Rivage ,
Pousse les flots au gré du vent.
Du retranchement immobile ,
Et tous les ans avec soin réparé ,
Neptune , sur ces Bords chaque Hyver attiré ,
Veut en vain penetrer l'impenetrable azile,
Lassé d'un effort impuissant ,
Et de chercher en vain à s'y faire un passage ,
L'Onde en écume au lieu de dépit et de rage ;
Et se retire en mugissant.
Le Siecle de Louis Grand , est un Poëme
partagé en huit Chants , dont le dernier
est destiné tout entier aux Poëtes ;
l'Auteur y dépeint en ces termes le caractere
Chansonnier des François , et les
Elegies de la Comtesse de la Suze .
II. Kol. Jamais
DECEMBRE.
1732.
2829
Jamais l'agréable Thalie ,
Ne badina plus vivement
Que dans la piquante saillie ,
Des Airs qu'on chante en les formant.
Pour animer la
Chansonette,
Chaque mot volontiers se prete
Enfant de la joye et du vin ;
Par pouvoir magique échauffée .
La France des mains d'une Fée ,
Jadis reçut ce don divin.
Avec quelle douce énergie ,
La Suze , à l'ombre des Cyprès ,
Nous réprésente l'Elegie ,
Gémissante dans les Forêts !
Lorsque dans un torrent de larmes ,
Pour un coeur parjure à ses charmes ,
Le sien me paroît éperdu.
Ce n'est point une fausse image ,
C'est un coeur tendre qu'on outrage ,
C'est un Amant qu'elle a perdu.
LE
PHILOSOPHIE ANGLOISE , Ou Histoire
de M. Cleveland ; fils naturel de
Cromwell , écrite par lui - même et traduite
de l'Anglois par l'Auteur des Mémoires
d'un homme de qualité ; enrichie de
Figures en Taille- douce . A Virecht , chez
11. Vol Eij E
2830 MERCURE DE FRANCE
Et. Neaulme , 1732. in 12. Tome I. de
266. pages , sans la Préface. Tome II , de
de 311 , pages. Tome III . de 442. pages
Tome IV. de 309. pages,
"
DICTIONNAIRE de la Langue Françoise
ancienne et moderne , de P. Richelet , aug.
menté de plusieurs Additions d'Histoire
de Grammaire , de Critique , de Juris
prudence , et d'une Liste Alphabetique
des Auteurs et des Livres citez dans le Dictionnaire
. Nouvelle Edition , augmentée
d'un grand nombre d'Articles. A Amster
dam, aux dépens de la Compagnie, 173 2; 24
vol. in 4º .
DICTIONNAIRE Universel de Commerce,
contenant tout ce qui concerne le commerce
qui se fait dans les quatre Parties du
Monde, par terre , par mer , &c. parFac
ques et Philemon Savary , Tomes 3 et 4.
Supplement des deux premiers. A Amsterdam,
chez les fansons et Waesberge 1732 ,
2. vol. in-4.
DISSERTATIONS nouvelles sur les maladies
de la poitrine , du coeur , des femmes,
veneriennes , et quelques autres particularitez
: ou , selon les nouvelles découvertes
; on donne une idée claire et distincte
II. Vol
de
DECEMBRE. 1732 2831
de toutes ces Maladies , par opposition à
l'opinion des Anciens. Par M. Barbeyrac
Docteur en Medecine à Montpellier ; avec
deux Descriptions de Maladies qui n'ont
jamais été écrites : Far M. Boerhave. A
Amsterdam , chez les mêmes , 1731. in- 12 .
PROJET de Souscription pour l'Edition
de l'Histoire Metallique des XVII .
Provinces des Pays- Bas , depuis l'abdication
de Charles V. jusqu'à la Paix de Bade
en 1716. traduite du Holandois de M.
Gerard Van - Loon. A la Haye , chez P.
Gosse , J. Neaulme et P. de Hondt , 1732 .
Cet Ouvrage doit être regardé non seu
lement comme une Histoire Métallique ,
mais encore comme une Histoire Civile ,
Militaire , Ecclésiastique et Genealogique
des Pays- Bas . Elle est tirée des Historiens
les plus estimez , tant géneraux que particuliers
, et confirmée par les Monumens
les plus certains et les plus authentiques ;
ensorte qu'on ne fait aucun doute qu'elle
ne soit préferée à toutes les Histoires des
XVII Provinces qui ont paru jusqu'à présent
, et à tout ce qu'on a encore vu de
plus curieux en ce genre.
S L'Edition sera divisée en 5 vol. in- fol.
qui contiendront 675 feuilles, de très - beau
papier, en caracteres neufs. Il y aura 2945.
II. Vol.
E iij Médail
2832 MERCURE DE FRANCE
Médailles avec leurs revers , gravées par
les meilleurs Maîtres , et expliquées par
l'Autheur.
Ceux qui souscriront auront cet Ouvra
ge pour 90 florins de Hollande le
pour pe.
tit papier , et pour 135 florins le grand pa
pier. Les principaux Libraires de ces Provinces
et des Pays Etrangers recevront les
souscriptions ; et en payant à differens termes
, suivant le Prospectus &c . ils auront
tout l'Ouvrage entier dans le courant de
l'année 1733. On pourra chez les mêmes
Libraires consulter le Prospectus pour une
plus ample instruction .
L'Article XI de la seconde Partie de ce
Journal , intitulé Expériences étonnantes
sur l'Electricité , merire une attention particuliere
de la part des Physiciens. Il contient
la description de plusieurs Expériences
faites en Angleterre par M. Etienne
Gray , et extraites d'une de ses Lettres.
Elles se trouvent aussi décrites dans les
Transactions Philosophiques de la Société
Royale de Londres , num. 366 et 417.
Nous ne rapporterons icy qu'une de ces
Expériences à cause des bornes auxquelles
nous sommes necessairement assujettis,
les Curieux pourront recourir au Journal
même , ou aux Transactions pour être instruits
sur toutes les autres,
II. Vol M.
DECEMBRE. 1732. 2833
M. Gray découvrit au mois de Fevrier
729 pour la premiere fois une Attraction
Electrique dans plusieurs Corps qu'on n'avoit
pas soupçonés jusques- là d'avoir cette
propriété. Il fit là dessus divers Essais suk
les Métaux , pour voir si on ne pourroit
pas les rendre attractifs par le même moïen
qui donne cette qualité à d'autres corps ,
sçavoir en les échaufant , les frottant , les
battant à coups de marteau ; mais ce fut
Sans succès.
Il résolut alors de se servir d'un grand
Tube de Cristal ; car comme le Tube com
munique de la lumiere aux corps quand
on les frotte dans l'obscurité , M. Gray
pensa qu'il pourroit peut-être bien leur
communiquer en même tems de l'Electri
cité , et il ne se trompa pas , suivant les
differentes expériences faites sur les métaux
, les végétaux & c . rapportées dans ce
Journal , que nous obmettons , ainsi que
la Description du Cube en question , pour
venir à l'experience singuliere à laquelle
nous sommes contraints de nous borner.
Ecoutons là-dessus M. Gray lui- même
qui parle ainsi dans sa Lettre dattée du 8.
Fevrier 1731.
» Le 8 Avril 1730 je fis l'expérience suis
vante sur un petit garçon de 8 à 9 ans.
» Il pesoit , tout habillé , quarante et sept
II. Vol. Einj livres
2834 MERCURE DE FRANCE
» livres dix onces . Je le suspendis hori-
» sontalement à deux cordes , telles
qu'on
les employe à secher , le linge. Elles
» étoient d'environ 13 pieds de longueur,
wet avoient des ganses, à chaque bout.
>> Dans la solive de ma chambre , qui avoit
un pied d'épaisseur , on avoit fiché deux
» crochets à l'opposite l'un de l'autre , et
» à deux pieds de ceux - là encore deux au-
» tres de la même maniere , sur ces cro-
» chets on suspendit les cordons par leurs
ganses , en guise d'escarpolettes , le bas
» n'étant élevé au dessus du plancher que
d'environ deux pieds. On mit l'enfant
» sur ces deux cordes , la face en bas , de
» façon qu'une des cordes lui passoit sous
» la poitrine et l'autre sous les cuisses. Les
feuilles de cuivre furent posées sur un
» petit gueridon fait d'une planche ronde,
» d'un pied de diametre , couverte de pa-
» pier blanc et soutenue par un pied d'un
» pied de haut. Comme on eut frotté le
>> Tube , et qu'on le tenoit près des pieds
» du petit garçon , mais sans le toucher ,
son visage attira les feuilles de cuivre
» avec beaucoup de force , jusqu'à les fai-
» re monter à la hauteur de 8 et quelque
fois de 10 pouces. Je mis quantité de
» morceaux de feuilles sur le gueridon tout
» à la fois , et elles s'éleverent toujours
II. Fol.
tour
DECEMBRE . 1732. 2835
» tout à la fois dans le même tems.
» On mit alors le garçon sur le dos , et
» le derriere de sa tête qui étoit couverte
» de cheveux courts , attira , mais non pas
» tout à fait à la même hauteur que son
» visage avoit fait. Après cela on mit
» les feuilles sous ses pieds , sans qu'il eut
» quitté ni souliers ni bas , et le Tube
ayant été tenu près de sa tête , les pieds
» attirerent, mais pas tout à fait à la même
» hauteur que la tête. Après cela on remit
» encore les feuilles sous sa tête , mais il
» n'y eut aucune attraction , non plus que
» quand on tenoit le Tube au dessus des
» pieds , et les feuilles au dessous .
» Le 16 Avril je repetai l'expérience du
» petit garçon , mais l'attraction ne fut
» pas , à beaucoup près , si forte ce jour- là
» que la premiere fois. Les feuilles de cuivre
>> ne monterent qu'à environ 6 pouces. Je
» fis étendre au garçon ses mains horison-
» talement , et je plaçai un petit gueridon
» avec des feuilles de cuivre sous chaque
» main , et un autre plus grand sous son
» visage : après quoi le Tube excité ayant
été tenu près de ses pieds , son visage et
» ses mains attirerent tout à la fois. Je lui
>> donnai alors à tenir dans une main le
»bout superieur d'une ligne à Pêcheur
*L'Auteur a dit auparavant que cette Ligne étoit
*
11. Vol. E v
2836 MERCURE DE FRANCE
» à la petite pointe de laquelle étoit en-
>> chassée une boule de liege , sous laquelle
» on mit les feuilles de cuivre , et le Tu-
» be ayant été frotté et tenu près des pieds ,
la boule attira les feuilles à la hauteur de
» deux pouces , puis les repoussa , et les
attira encore plusieurs fois de suite avec
beaucoup de force.
» Le 21 Avril je réïterai mes expérien-
» ces sur le petit garçon , et je trouvai l'at-
>> traction beaucoup plus forte que la pre-
» miere fois . Les feuilles de cuivre s'éle-
» verent vers son visage à la hauteur de
>> plus d'un pied. Je donnai alors au gar-
»çon dans chacune de ses mains l'extrê
» mité d'une ligne de pêcheur , avec une
» boule de liége à la pointe , et je mis un
» petit gueridon avec des feuilles sous cha-
» que boule. Le Tube ayant été frotté et
» tenu près de ses pieds , les deux liéges
» attirerent et repousserent fortement tout
» à la fois. La longueur de chaque morceau
» de liége étoit d'environ 7 pieds. On mit
» aprèc cela le petit garçon sur le côté gau-
» che , et on lui donna à tenir de ses deux
» mains une ligne à pêcher de 12 pieds de
» long , surmontée au bout d'une petite
» boule de liége d'un pouce trois quarts
» de diamettre : après cela toutes choses
faite d'une longue Canne on Roseau.
Ils Kol étant
DECEMBRE . 1732. 2837
étant préparées , et le Tube près des
» pieds de l'enfant , la boule de liége atti-
" ra et repoussa avec force les feuilles de
cuivre jusqu'à la hauteur de deux pou •
» ces au moins.
>> Remarquez , continue M. Gray , que
» quand je parle de tenir le Tube près des
» pieds de l'enfant , j'entends
que c'étoit
» vis- à vis de la plante de ses pieds ; et
>> quand je dis que c'étoit près de sa tête ,
il faut entendre près du sommet ; car
» quand on tenoit le Tube au dessus de la
» tête ou des jambes , l'attraction ne se
» communiquoit pas si fortement aux au-
» tres parties de son corps.
» Ces Expériences montrent , conclud
» l'Auteur , que les animaux reçoivent en
» plus grande quantité les écoulemens
» électriques , et que ces écoulemens peu-
» vent passer d'eux ailleurs , jusqu'à des
» distances considérables par plusieurs
» chemins tout à la fois , pour peu qu'ils
>> trouvent des passages propres , après
quoi ils déployent leur puissance attrac-
» tive dans les endroits où ils sont par
venus .
: On ne peut pas disconvenir qu'il n'y
aitdu neuf et du merveilleux dans ces Expériences
5 M. Gray se propose de les
ter encore plus loin , encouragé par une
por-
11. Vol B vj nou2838
MERCURE DE FRANCE
nouvelle découverte qu'il a faite touchant
l'attraction des corps colorez , lesquels attirent
, dit- il , plus ou moins à raison de
la couleur dont ils sont , quoique de même
substance , de même volume , de même
poids ; ensorte que le rouge , l'orange
ou le jaune , attirent pour le moins 3 ou 4
fois plus fortement que le verd , le bleu
ou le pourpre. Voilà encore une fois des
Nouveautez susceptibles de bien des Reflexions
; elles prouvent au moins qu'il
reste encore beaucoup de mysteres à découvrir
dans la Nature. Pline qui l'avoit
assez étudiée le pensoit ainsi , nous finirons
par son expression qui ne sçauroit
être plus noble , ni peut-être mieux appliquée
qu'ici : Multa latent in majestate
Natura.
POESIES diverses. Par M. Tanevot.
A Paris , rue S. Jacques , chez Jacq. Co-
Lombat ; et Quay de Conty , chez la Peuve
Pissot , 1732. prix 2. livres relié , in 12.
de 300. pages.
Nos Lecteurs connoissent déja plusieurs
Pieces que nous avons publiées de cet
Auteur , qu'il a retouchées depuis. Nous
ne doutons point du plaisir que fera ce
Recueil , composé d'Odes , Epitres , Dia-
II. Vol.
prices
DECEMBRE. 1732 2839
logues , Fables , Allégories , Elegies , Ca
prices , Epitaphes , Apologies , Madrigaux
, Cantates et autres Poëmes sur divers
sujets, sans compter les Stances ,
Odes , et quelques autres Poësies Chrétiennes
. Donnons quelques morceaux de
ces Poësies pour faire connoître le génie
et le caractere de M. Tanevot.
Les Dieux Luteurs. Fable.
Un homme expert aux combats de la Lute,
Se choisit un Eleve , et par mainte leçon ,
L'ins truit dans tous les tours que cet Art execute ;
Hormis un seul , que pour bonne raison ,
Il se réserve en personne discrete.
Voila dans peu notre nouvel Athlete ,
Robuste , souple , adroit , terrassant tout Luteur,
Qui vouloit contre lui signaler son ardeur.
Enfé de ses succès , par un orgueil extréme ,
Il ose défier jusqu'à son Maître même ;
Celui-cy du combat se défend par bonté ;
Mais forcé par l'Eleve à venir sur l'aréne ,
Il se résout , quoiqu'avec peine ,
A punir sa témerité.
L'adresse sur la force eut toujours l'avantage ,
Le vieil Luteur mettant son secret en usage ,
Fait bien- tôt perdre terre à ce jeune éventé ,
Puis l'étend à ses pieds , tout écumant de rage.
11, Vol
J'ignorois
2840 MERCURE DE FRAN CE
J'ignorois , dit l'Eleve , en lui criant mercy ,
Le tour que tu me fais connoître ;
Je te le gardois , dit le Maître ,
Pour un jour comme celui - cy.
MADRIGAL.
Quelqu'un demandoit à Damis ,
Riche autant qu'il en est en France ,
Si dans cette rare opulence ,
Il se croyoit beaucoup d'amis ?
De ceux que la fortune attire ,
J'en ai , dit - il , à volonté :
Des autres je ne puis rien dire ;
Ay-je été dans l'adversité ?
L'ETINCELLE . Fable.
Une Etincelle petillante,
Admirant son éclat et son agilité ,
Dans l'excès de sa vanité ,
Se croyoit une Etoile ertante.
Mais au moment que son feu l'ébloüit ,
La pauvrete s'évanoüit.
Ce récit a peu d'étenduë ;
Mais s'il instruit assez , n'est- il pas assez long ?
Sur maintes gens il tombe à plomb :
Combien, par leurs projets , se perdent dans la nuë,
Et s'éclipsent au même instant ?
11. Vol.
S'estimer
DECEMBRE. 2841 1732.
S'estimer trop , est une erreur commune.
La moindre lueur de fortune ,
Fait d'un fat un homme important.
L'humaine ambition est toûjours indiscrete :
L'homme luit quelquefois , mais comme une
bluette.
L'Epitre de l'Auteur à ses Livres , est
un morceau très- travaillé , dont nous
voudrions bien orner cet Extrait , mais
sa longueur nous en empêche , nous ne
pouvons cependant nous empêcher d'en
rapporter quelque chose. Voici le commencement.
Celebres monumens des plus sçavantes plumes ,
Chefs -d'oeuvres de l'esprit , agréables volumes ,
Lumiere qui luisez sur mes travaux divers ;
Mes Livres , c'est à vous que j'adresse ces Vers.
Que le Ciel soit serein , ou que l'orage gronde ,
Libre au milieu de vous des embarras du monde ,
Arbitre de mon sort , je me fais seul la loi ,
Et de mon doux loisir ne rends compte qu'à moi.
Tranquille possesseur des seuls biens ou j'aspire ,
J'exerce alors sur vous un légitime empire ;
Je forme en Souverain les plus vastes projets ,
Et sur ma table épars je vois tous mes Sujets.
*De leurs plus belles fleurs les Muses me couronnent
;
II. Vol Rassemblez
2842 MERCURE DE FRANCE
3
Rassemblez sur leurs pas , tous les Arts m'envi
ronnent.
Dans un champ si fécond je n'ai qu'à moissonner ;
Mes voeux toûjours remplis , ne sçauroient se
borner ;
Et je puis , sans sortir du lieu qui vous enserre ,
Parcourir , quand je veux , et le Ciel et la
Terre , & c.
MEMOIRES pour servir à l'Histoire
des Hommes Illustres dans la République
des Lettres , & c. Tome XVIII . de 411 .
pages , sans les Tables. A Paris , chez
Briasson , rue S. Jacques , à la Science ,
M. DCC . XXXII.
" Les Memoires qui font la matiere de
ce XVIIIe Volume , contiennent la Vie
et le Catalogue des Ouvrages de trentecinq
Auteurs , entre lesquels nous avons
choisi l'article d'Antoine Godeau ,
pour
suivre notre coûtume , et pour ne point
exceder les bornes prescrites dans notre
Journal.
Antoine Godeau nâquit à Dreux , Ville
du Diocèse de Chartres , où son pere
étoit Elû , et d'une des meilleures familles
du Lieu , vers l'an 1605 .
Il s'adonna de bonne heure à la Poësie
Françoise , et se fit connoître avantageu
sement de ce côté- là. Il étoit un peu pa-
11. Vol. .rent
DECEMBRE. 1732: 2843
rent de M. Conrart , et logeoit chez lui
¹lorsqu'il venoit à Paris. Les Poësies qu'il
y apportoit de Dreux , donnerent lieu à
M. Conrart d'assembler dans sa Maison
quelques Gens de Lettres , pour en entendre
la lecture , et ces Assemblées furent
proprement l'origine de l'établissement
de l'Académie Françoise , dans laquelle
M. Godeau eut enrrée des premiers .
Ses vûës tendirent d'abord vers le mariage
, et il rechercha la fille du Lieutenant
General de Dreux ; mais se voyant
rejetté , parce qu'il étoit petit et laid , il
quitta sa Patrie et vint s'établir à Paris .
M. Conrart l'ayant fait connoître à
M. Chapelain ; celui - cy le produisit à ,
l'Hôtel de Rambouillet , qui étoit alors
le Tribunal où il falloit faire preuve d'esprit
et de mérite pour être admis au
rang des Illustres ; il y fut goûté , et c'étoit
de lui que Mademoiselle de Ramboüillet
( Julie d'Angennes ) disoit dans
une de ses Lettres à Voiture : Il y a ici
un homme plus petit que vous d'une coudée.
et je vous jure , mille fois plus galant. Sa
taille et l'affection que cette Demoiselle
lui témoignoit , lui firent alors donner
le nom de Nain de fulie.
On voit par-là que si M.Godeau n'avoit
du côté du corps rien qui méritât de l'at-
II. Vol. tention
2844 MERCURE DE FRANCE
tention ; les qualitez de son esprit et son
mérite suppléoient à ce deffaut. Quelque
temps après qu'il se fût fixé à Paris , i
embrassa l'Etat Ecclesiastique ; et l'esprit
de pieté qui lui avoit inspiré ce dessein ,
lui inspira aussi celui de ne plus exercer
le talent et l'inclination qu'il avoit pour
la Poësie , que sur des sujets chrétiens.
Il fit en 1536. une Paraphrase du Cantique
: Benedicite omnia opera Domini Domino
, qui étant bien versifiée et écrite
d'un stile noble et riche , lui attira un
applaudissement general . Elle plut si fort
au Cardinal de Richelieu , à qui il l'avoit
présentée , qu'après l'avoir luë et reluë
en sa présence , il lui dit : Vous me don
nez le Benedicite , et moi je vous donne
Grasse . Jeu de mots , que l'occasion fit
naître ; car l'Evêché de Grasse vaquoit
alors , et le Cardinal qui connoissoit d'ail·
leurs son mérite et sçavoit le bruit que
faisoient ses Prédications , fut par- là déterminé
à le placer sur le champ.
Il fut nommé à cet Evêché l'an 1536.
et fut sacré à S. Magloire au mois de Décembre
de la même année , par Eleonor
d'Estampes , Evêque de Chartres , et depuis
Archevêque de Reims , assisté d'Etienne
Pouget , * Evêque de Dardanie et
* Ce nom est defiguré , il faut dire Etienne de
Puget.
DECEMBRE. 1732. 2849
depuis de Marseille , et de Bertrand Des
pruotz , Evêque de S. Papoul.
Aussi - tôt après son Sacre , il se retira
-dans son Diocèse , pour s'appliquer tout
-entier aux fonctions de l'Episcopat . Il y
annonça avec zele la parole de Dieu , y
tint plusieurs Synodes , composa quantité
d'Instructions Pastorales pour son Clergé
et y rétablit la discipline Ecclesiastique,
Il réunit à l'Evêché de Grasse , par
droit de Patronage , l'Eglise d'Antibes ,
qui depuis que le Siege Episcopal en
avoit été transferé à Grasse , n'avoit été
d'aucun Diocèse , et par ce moyen il
fit revivre la discipline Ecclesiastique ,
dont il ne restoit presque plus aucun
vestige.
y
Il obtint du Pape Innocent X. des Bulles
d'union de l'Evêché de Vence , avec
celui de Grasse , comme son Prédecesseur
Guillaume le Blanc en avoit obtenu de
Clement VIII . Cette union n'étoit pas
contraire aux Canons , et paroissoit bien
fondée , parce que ces deux Evêchez ensemble
n'étoient que de dix mille livres
de revenu ; qu'ils n'avoient aussi ensem,
blee que trente Paroisses , et que les Villes
de Vence et de Grasse n'étoient éloi
gnées l'une de l'autre que de trois lieües.
Cependant voyant que le Peuple et le
II Vol. Clergé
2046 MERCURE DE FRANCE
Clergé de Vence , s'opposoient à cette
union , il aima mieux ceder son droit
que de n'être pas agréable à quelquesuns
de ces Diocesains , et d'avoir à pour
suivre un Procès , et se contenta de l'Eglise
de Vence.
Il assista aux Assemblées generales du
Clergé , tenues en 1645. et 1656. Dans
la premiere il composa et récita , par or
dre du Clergé , l'Eloge de Petrus Aurelius,
qui avoit soutenu vivement les droits des
Evêques contre quelques Réguliers. Dans
la seconde , il fut un des Prélats qui témoignerent
le plus de zele et d'indignation
contre les Propositions de Morale
relâchée, qui avoient été dénoncez à cette
Assemblée , et ce fut par son avis qu'elle
fit imprimer les Instructions de S. Charles
Borromée , dont il avoit inseré une
partie dans ses Statuts Synodaux .
Il passa le reste de sa vie dans son Diocèse
, continuellement occupé, soit à faire
ses visites , soit à prêcher , soit à lire ou à
composer , soit à vacquer aux affaires Ecclesiastiques
ou temporelles de son Diocèse.
J'ai trouvé dans un Livre peu connu ,
intitulé : Le Confiteor de l'infidele Voyageur
, par fen George Martin , Renegat
Extrait de ses Voyages . Lyon , 1680. in 8.
II. Vol. à
DECEMBRE. 1732: 2847
i la page 244. qu'en passant à Vence ,
vit M. Godeau , qui en étoit Evêque ,
et que Dieu l'avoit éprouvé par la perte
hde Îa vûë , qu'il enduroit avec beaucoup
de tranquillité d'esprit ; particularité dont
en je n'ai vû faire mention en aucun autre
endroit,
Il eut une attaque d'apoplexie le 17
Avril 1672. qui étoit le jour de Pâques
, et il en mourut à Vence le 21 du
-même mois , âgé de 67 ans .
Les occupations de son Ministere ne
l'ont pas empêché de composer un grand
nombre d'Ouvrages considerables , tant
en Prose qu'en Vers . Aussi avoit- il une
facilité et une fécondité prodigieuse . Il
disoit ordinairement que le Paradis d'un
Auteur est de composer , que son Purgatoire
est de relire et de retoucher ses
compositions ; mais que son Enfer est
de corriger les Epreuves de l'Imprimeur.
M. Boileau Despreaux n'a pas jugé trop
favorablement de sa Poësie , voici comme
il en parle dans sa Lettre neuviéme à
M. de Maucrois. » Je suis persuadé
>> aussi bien que vous , que M. Godeau est
»un Poëte fort estimable. Il me semble
pourtant qu'on peut dire de lui ce que
» Longin dit d'Hyperide , qu'il est tou-
II. Vol. »jours
2848 MERCURE DE FRANCE
»jours à jeun , et qu'il n'a rien qui remuë
» ni qui échauffe ; en un mot , qu'il n'a
point cette force du stile et cette vivacité
d'expression , qu'on cherche dans
les Ouvrages , et qui les font durer. Je
» ne sçai point s'il passera à la Posterité;
mais il faudra pour cela qu'il réssuscite;
» puisqu'on peut dire qu'il est déja mort ,
» n'étant presque plus maintenant lû de
>> personne.
M. de Maucroix , dans sa Réponse à
cette Lettre de Despreaux , s'exprime ainsi
sur son sujet. Je tombe d'accord que
>> M. Godeau écrivoit avec beaucoup de
» facilité , disons avec trop de facilité. Il
faisoit deux ou trois Vers , comme dit
» Horace , Stans pede in uno . Ce n'est pas
»ainsi que se font les bons Vers. Je m'en
>> rapporte volontiers à votre propre ex-
» périence. Néanmoins parmi les Vers
négligez de M. Godeau , il y en a de
beaux qui lui échappent. Dès notre
>>jeunesse nous nous sommes apperçûs
» qu'il ne varie pas assez . La plûpart de
>>ses Ouvrages sont comme des Logogryphes
car il commence toujours par
» exprimer les circonstances d'une chose ,
» et puis il y joint le mot ; on ne voit
> point d'autre figure dans son Benedicité,
II. Vol. » dans
DECEMBRE. 1732. 2849
dans son Laudate , et dans ses Cantiques.
Le P. Vavasseur , Jesuite , a porté un
agement encore plus désavantageux de
a Poësie de M. Godeau , dans l'Ouvrage
qu'il a publié contre lui , sous le nom de
Candidus Hesychius , et sous ce titre : An,
tonius Godellus Episcopus Grassensis , an
Elogii Aureliani scriptor idoneus , idem
que utrum Poëta ? Constantia ( ou plutôt )
Paris , 1650. in 8. Mais cet Auteur y outre
les choses , et fait voir par ce qu'il dit
contre la personne même de M. Godeau
que la passion avoit la principale part à
sa Critique.
Nous n'ajouterons point ici le Catalo
gue des Ouvrages de M. Godeau fort bien
raisonné et composé de LIX. Articles ,
parce que ce détail nous meneroit trop
Loin .
Voici les noms des autres Sçavans dont
la Vie et les Ouvrages sont rapportez dans
ce XVIII . Tome des Mémoires.
Jean-Jacques Boissard. Jean Alphonse .
Borelli, Jean Broekhuisen . Guillaume Burton.
Isaac Casaubon . Meric Casaubon.
Pierre de Caseneuve. Gautier Charlton.
Louis Cousin. Janus Dousa. Janus Dousa
le fils. George Dousa. Jean de la Fontaine.
Claude- François Fraguier. Leonard Fuch-
II. Vol. sius.
2850 MERCURE DE FRANCE
sius. Jean -Baptiste Gelli. Edouart Herbert
Maurice Hilaret . François - Michel Janigon.
Fean de Labadie. Christian Longo
montan. Jerôme Maggi. Henri Meibonius
RobertMaurison . Augustin Niphus . Severin
Pineau. Bilibald Pirckheimer. Michel Poc-
Gianti. Samuel de Pufendorf. Jean Racine.
Richard Staniburst. Louis Transillo. André
Valladier. Jacques Ware.
LA VIE EST UN SONGE , Comédie héroïque
de M. de Boissy , représentée par
les Comédiens Italiens , au mois de Novembre
1732. prix , 24 sols. A Paris ,
chez P. Prauli , Quai de Gêvres , 1732.
in- 8. de 80 pages , prix 24 sols.
Cette Piéce en Vers libres , n'est pas
une simple Traduction de l'Italien ; on a
senti dans les Représentations , les changemens
avantageux que l'Auteur a faits
dans ce Poëme ; pour donner une idée de
la maniere dont il est écrit , et du caractere
des deux principaux Personnages , nous
insererons ici un Fragment de la Scene
entre Bazile , Roi de Pologne , et Sigismond
, son fils , retenu dans une dure
captivité par son Pere depuis sa naissance.
II. Vol. La
DECEMBRE. 2851 9732.
Le Roy.
Ah ! ces retours affreux et l'horreur qu'ils t'ins
pirent,
Me font trop voir que les Astres sont vrais
Dans le malheur qu'ils me prédirent :
Il est écrit sur ton front irrité ;
Et j'y lis d'un Tyran toute la dureté.
Sigismond.
Pere cruel ! dont la bouche m'outrage ,
Si je suis un Tiran , n'en accuse que toi ;
Par ton ordre , élevé comine un monstre sau→
vage ,
Je ne fais que répondre aux soins qu'on cut de
moi ,
J'imite ton exemple , et je suis ton ouvrage ,
D'autant plus excusable en mon
ment ,
emporte
Que la raison l'approuve , et que ma tiran
nie
Par un juste retour et par un mouvement
Que la Nature justifie
N'aspire qu'à punir les Tirans de ma vie ;
Mais toi , Pere coupable et bourreau de tom
: fils ,
Tu t'es montré cruel contre toute justice ,
Contre les droits humains et les loix du Pays.
Pour m'enterrer vivant dans un noir précipice ,
11. Vol. F Quel
2852 MERCURE DE FRANCE
Quel forfait en naissant avois-je donc commis ?
C'est peu de me cacher à ma Patrie entiere ,
Tu m'as tout refusé jusques à la lumiere :
Pour la premiere fois aujourd'hui j'en joüis.
Dans les transports de sa colere ,
Contre moy , que pourroit imaginer de pis,
Le plus cruel de tous mes ennemis ?
Parens dénaturés , à vos ordres bizares ,
Quoi nos jours innocens seront- ils asservis
?
Serés-vous
res ,
envers nous impunément barba-
Et les ressentimens nous sont - ils interdits ?
Non , non , c'est une erreur dont vous êtes séduits.
Par une sage prévoyance
Les équitables Dieux ont borné vos pouvoirs.
Ainsi que nous , vous avés vos devoirs .
Et si nous vous devons avec l'obéïssance`
Des marques de respect et de reconnoissance ,
Vous nous devés des soins à votre tour ,
Conformes à notre naissance
Et des preuves de votre amour.
RECUEIL des principales décisions s
les Matiéres Beneficiales, extraites des C..
nons des Conciles , et des plus celebres
Auteurs ,conformes aux Edits et Déc
ations du Roi , et à la Jurisprudence
(
II. Vol. Pat
DECEMBRE . 1732. 2853
Parlemens du Royaume , et du Grand-
Conseil. Nouvelle Edition , revûë , corrigée
et augmentée de plus de moitié. Par
M. Drapier , Avocat au Parlement. .2.
vol. in 12. pag. 584. et 586. A Paris
chez Nicolas - Pierre Armand , ruë S. Jacques
1732.
,
EXPOSITION Anatomique de la structu
re du corps humain , par Jacques - Benigne
Winslovv de l'Académie Royale des
Sciences , Docteur , Régent de la Faculté
de Médecine en l'Université de Paris , &c.
vol . in- 4. pag. 740. sans l'Avertissement
et une Table des principales Matieres.
A Paris , chez Guillaume Desprez et Jean
Desessarts , 1732 .
LE REPOS DE CYRUS , ou l'Histoire de
sa vie , depuis sa 16. jusqu'à sa 40. année.
Chez Briasson , rue S. Jacques 1732.
in- 12 . de 380. pages , les trois Tomes.
L'Auteur de ce Livre est M. l'Abbé
Pernetti. Le dessein de son Ouvrage est de
faire voir en quoi consiste la veritable
grandeur d'un Roi , et les differentes vertus
qui doivent former son caractere.
Comme la Fable étoit le meilleur moyen
pour développer les idées qu'on avoit sur
ce sujet , on s'en est servi , mais en tem-
II. Vol. Fijpé
2854 MERCURE DE FRANCE
pérant ce qu'elle a d'outré par la sagesse
du style et de l'invention . Cyrus est le
Heros qu'on fait agir et parler.
. Dans le premier Livre on le met aux
prises avec les passions , et par la maniere
dont il se défait de leurs pieges , il peut
servir de modele aux jeunes coeurs pour
se deffendre contre les charmes de la volupté.
Dans le second , on le représente
occupé des Arts et des Sciences : là , sẹ
trouve une Allegorie interessante des
progrès de la Litterature dans le dernier
siecle , et plusieurs Portraits achevez de
nos Illustres. Dans le troisiémę , on nous
le montre uniquement appliqué aux affaires
et à l'administration de l'Etat ; ce
ne sont que Maximes sages sur le Gouver
nement , que traits de grandeur et d'équi
té , et que moyens prudemment imagi
nés pour rendre les peuples heureux . Tout
cela est écrit d'un style fort naturel , et se
trouve entremêlé de plusieurs Episodes
qui sont autant de morceaux d'histoire
très-attachants .
Dans une Préface de 16 pages , l'Auteur
rend compte du choix et du dessein
de son Ouvrage . Les Maîtres et les Voyages
peuvent rendre un Prince plus sçavant,
dit- il, ils ne peuvent en faire un Heros
, le vrai Heroïsme est l'ouvrage de la
11. Vol.
Na
DECEMBRE. 1732 285 5.
Nature , Alexandre n'avoit appris de
personne à pleurer au récit des Conquê
tes de son Pere. Qui ne sçait que l'éducation
ordinaire sert plus à étouffer l'heroïs
me qu'à le produire ; et qu'en voulant
réformer la Nature , que l'on croit corrompue
en tout , on lá corrompt quelquefois
dans ce qu'elle a de plus parfait ?
il n'y a qu'une maniere de l'aider , c'est
de la connoître , de la suivre , et de ne la
corriger , en quelque sorte , que par ellemême
, en opposant ce qu'elle a de bon
à ce qu'elle peut avoir de vicieux.
Au second Tome , page 12. Cyrus établit
dans sa Capitale des Tribunaux , où
se décidoit sans appel tout ce qui concernoit
les Arts et les Sciences , c'est- àdire
, qu'il créa six Académies. La pre
miere avoit pour objet la Géometric , la
Philosophie , la Physique , la Chimie et
la Medecine ; la seconde étoit consacrée
à l'Eloquence et à la Poësie ; la troisiéme
travailloit sur l'Histoire , les Langues
Etrangeres et les Antiquitez ; les autres
se partageoient , la Musique , la Peinture
et la Sculpture. Il n'étoit permis à personne
de mettre au jour aucun Ouvrage,
qui n'eut été approuvé par l'Académie
dont il dépendoit : cette régle empêcha
qu'on ne multipliat les Livres . et ( ce
II. Vol. Filj qui
2856 MERCURE DE FRANCE
qui en est une suite nécessaire ) qu'il n'en
parut beaucoup de mauvais.
Cyrus fait demander en mariage la fille
du Roi d'Armenie ; ses Ambassadeurs
P'obtiennent facilement de son Pere , lequel
donne les ordres necessaires pour le
prompt départ de la Princesse . Il ne pouvoit
ignorer son impatience ; elle n'avoit
pas employé auprès de lui ces ménagemens
équivoques , qui confondent si souvent
en ces sortes d'occasions le véritable amour
avec le faux ; elle avoit déclaré à son pere
toute sa tendresse pour Cyrus , elle la
trouvoit trop pure et trop raisonnable
pour en rougir ; on ne doit pas craindre
d'avouer qu'on aime quand on aime comme
on doit aimer. Malgré tout son empressement
, elle ne put se séparer de son
pere sans s'attendrir , elle lui avoüa qu'il
n'y avoit que Cyrus au monde qui put
adoucir le chagrin qu'elle avoit de le quitter
; ils se dirent adieu avec beaucoup de
larmes , l'amour vertueux fortifie les sentimens
de la nature au lieu de les détruire....
Tout l'Ouvrage , pour le dire en passant ,
est extrêmement fourni de ces Reflexions
justes et sensées .
On se prépara à Hecatompyle à recevoir
Cassandane ; Cyrus n'oublia rien
pour faire éclater sonamous ; il sçavoit
II. Vol.
DECEMBRE. 1732: 2857
que
le goût de la Princesse d'Armenie pour
les Arts et pour les Sciences ; il voulut
toutes les Académies lui préparassent des
hommages à son arrivée, on n'en avoit jamais
rendu à une femme qui les méritât
mieux qu'elle ni qui fut plus capable
d'en connoître le prix . De toutes les Académies
, celle qui pouvoit se distinguer
le plus en cette occasion , étoit celle de
Musique ; elle avoit pour chef un de ces
hommes rares sur qui la nature semble
quelquefois vouloir essayer ce qu'elle
peut produire de plus parfait en un genre.
Il étoit Grec d'origine et avoit été conduit
par hazard à Hécatompyle dans sa
premiere jeunesse ; jamais homme ne sentit
mieux l'harmonie et tous les ressorts secrets
qui la produisent ; il étoit simple
dans sa composition ; on retenoit ses airs
à les entendre une fois ; il étoit varié , et
dans des Piéces sans nombre , il ne s'est jamais
repeté précis et caracterisé jusqu'à
ôter la liberté d'appliquer ses airs à quelqu'autre
sujet qu'à celui qu'il avoit eu en
vüe; dans la fureur et dans la tendresse
allant aussi loin que ces passions....
Il composa un grand divertissement en
Musique dont on eut dit qu'il à composé
les vers tant ils convenoient à la
Musique ; cependant il n'en étoit pas l'Au-
II. Vol
Fiiij teur
28,8 MERCURE DE FRANCE
tant
teur : c'étoit un Poëte qu'il avoit pris soia
de former à cette espece de Poësie , et qui
se rendit presque aussi inimitable
il est vrai que les Arts s'aident' les uns les
autres, et qu'il ne faut quelquefois qu'un
grand homme pour en faire briller d'autres
qui seroient restez inconnus .………. L'Amour
et la Musique ont plus de rapport
qu'on ne pense ; l'un et l'autre se prêtent
un secours mutuel ; les coeurs tendres sont
generalement plus touchez de la Musique
que les autres ; la Musique à son tour augmente
kur sensibilité , et elle devient un
vrai plaisir pour eux , quand ils aiment.
Independemment des dispositions où se
trouvoit Cassandane à cet égard , elle aimoit
la Musique par inclination ; de tous
les Arts que les hommes ont inventez
c'étoit à son gré celui qui faisoit le plus
d'honneur à l'esprit humain , et qui l'étonnoit
davantage par la diversité et par
la multitude des combinaisons dont elle
est formée ; elle ne voyoit rien dans la
nature qui en eut pu faire naître l'idée :
la prétendue harmonie des Cieux , le choc
des Elémens , le chant des Oiseaux , et
les autres sources d'où on suppose que
les hommes ont tiré la Musique , lui paroi
oient trop éloignées de la vrai - semblai.
ce , elle en auroit attribué la naissance
11. Vol.
DECEMBRE . 1732. 2859
à la mélancolie , parce qu'elle en est le remede
le plus efficace .
On établit un Théatre &c. Deux Poë
tes qui avoient en quelque sorte ouvert
la Scene , étoient rivaux sans être ennemis ,
et plaisoient tous deux , sans se ressemblers
le plus âgé avoit un génie noble ,
élevé , plein de force , fécond , énergique
, faisant des Héros de tous ses personnages
, il est vrai qu'il les avoit pris
dans l'Histoire du peuple le plus fertile
en Grands Hommes , flatant ses Auditeurs
Een leur présentant des modeles au dessus
d'eux , et qu'ils se croyent capables d'imiter
: le plus jeune , avec un génie moins
étendu , moins élevé , moins fort , moins
fertile niême , mais plus soutenu
- égal , plus doux , avoit trouvé le chemin
du coeur et le secret de l'interesser toujours
; toutes les passions qui en dépen
dent avoient place dans ses Piéces ; on l'é
coutoit aussi volontiers que l'autre , quoique
par un motif bien opposé ; ses Auditeurs
croyoient leurs passions pardonnables , en
les voyant authorisées dans les personnages
illustres qu'il mettoit sur la Scene ;
on sortoit des Piéces du premier , l'ame
remplie de grands sentimens et se croyant
capable de ce qu'il y a de plus héroïque :
les Piéces du second attendrissoient le
plus
.. 11. Vol. F.v ccur
2860 MERCURE DE FRANCE
coeur et arrachoient des larmes pleines de
douceur ; on devenoit plus honnête hom
me de l'Ecole de l'un , et plus galant à
celle de l'autre , celui -là avoit peint les
vertus des hommes , et celui cy leurs défauts
; le premier étoit répréhensible dans
son langage qu'il sacrifioit souvent à la
pensée ; il étoit même inégal , et après
s'être élevé jusqu'aux nuës , il rampoit
jusqu'à la terre : le second étoit toujours
le même ; sa Poësie liée , son expression
pure ; il est plus difficile d'être egal dans
le grand que dans le tendre ; on disoit
que
la perfection eut été de rassembler dans
un troisiéme Poëte ce qu'ils avoient de
meilleur l'un et l'autre ; je ne sçai si on
avoit droit de l' sperer , et si le même génie
est capable de réunir des qualités si
opposées ; ce qui en fait voir au moins la
difficulté , c'est que non seulement il n'y
a eu auc in Poëte en Perse qui en soit ve
nu à bout , mais il n'y en a pas eu qui ait
véritablement remplacé l'un des deux.
Cassan lane étoit enchantée de tout ce
qu'elle voyoit ; elle ne contribua pas peu
dans la suite au dessein de Cyrus ; capable
d'être Juge en toutes sortes de scienelle
ne se réserva le droit communément
accordé aux Dames , de juger
du langage ; elle le perfectionna en effet
ces ,
que
11. Vol.
si
DECEMBRE . 1732. 2861
si bien , que les Académiciens avouerent
qu'ils lui devoient le stile naturel , simple
et noble qui prit la place du stile ampoulé,
précieux ou obscur même à force d'être
spirituel et trop du goût de la Nation dans
les commencemens de sa réformation.
Cyrus aprit qu'un Poëte travailloit à
des Satyres , on en louoit la versification,
quoiqu'un peu dure , elle disoit beaucoup
en peu de paroles , on sentoit qu'elle avoit
coûté à son Auteur , qu'il n'y avoit que
le plaisir de médire qui eut pu lui faire dévorer
un si pénible travail . On en récita
quelques vers à Cyrus , leur beauté ne
surprit point son admiration , il les trouva
pleins de malignité , il ne confondit
pourtant point le Poëte avec son Ouvrage,
il distingua le genie de l'abus qu'il en faisoit
, il chercha à le rendre utile et non à
le détruire ; il étoit convaincu que ceux
qui ont des talens méritent des égards ; il
ne croyoit pas au dessous de lui d'en avoir
pour un Poëte , il le fit venir en sa présence
, il le reçut avec bonté , il loua son
genie pour la Poësie , et il lui conseilla de
donner à ses vers un meilleur objet que
la Satyre. Ce n'est point en décriant les
hommes , lui dit- il , que vous les rendrez
meilleurs , c'est les irriter plutôt que les
réformer , la vertu n'a jamais employé les
11. Vol.
Fvj armes
2862 MERCURE DE FRANCE
armes de la satyre pour faire haïr le vice
et se faire aimer ; il est d'ailleurs de votre
interêt de ne pas vous rendre haïssable ,
on craint toujours pour soi ce qu'on aime
à entendre dire contre les autres ,
la haine contre le satyrique vange au
moins les gens vicieux d'avoir été censurez
.
et
Un Poëte comique pensa être découragé,
croyant que Cyrus pensoit de la Comédie
comme de la Satyre , mais on le détrompa
sur ce que ce Prince éclairé distinguoit
très bien la satyre , qui en attaquant
les vicieux ne corrigeoit personne, de
la Comédie qui n'attaque que les vices.Ce
Poëte travailloit avec une facilité d'autant
plus étonnante , qu'elle n'ôtoit rien à la
perfection de ses Ouvrages ; il étoit devenu
la ressource des plaisirs et des fêtes ,
son génie étoit aussi inépuisable qu'il étoit
prompt ; il trouvoit dans les differens caracteres
un fond infini de morale ; on ne
pouvoit lui sçavoir mauvais gré d'avoir
voulu corriger les hommes en les amusant :
son goût et son discernement dans le
choix et dans l'arrangement des sujets ,
qu'il avoit à traiter , étoient inimitables ,
ne présentoit que ce qui devoit plaire ;
la diversité et la multitude des spectateurs
qu'il avoit à contenter, n'ont ser-
II. Vel
vi
DECEMBRE. 1732. 2863
vi qu'à augmenter sa gloire ; il se reproduisoit
en quelque sorte lui -même , et on
retrouvoit en lui les qualitez de mille
Auteurs differens .... On lui attribue la
gloire d'avoir corrigé à la Cour beaucoup
de ridicules , celui des femmes qui font
135 sçavantes , fut le plus marqué. Il n'est
pas étonnant que la science étant venue
à la mode en Perse , les femmes à qui la
nouveauté plaît , ne voulussent se distinguer
aussi par la science , il peut leur
convenir d'être scavantes , mais il ne leur
sied jamais d'en affecter le titre ; il semble
que la science qui gêne , s'assortit
mal avec ses graces naturelles qui font
leur partage ; on exige d'elles de l'esprit ,
et la beauté même la plus parfaite ne les
en dispense pas longtems ; on leur passe
de composer des Ouvrages qui ne dépendent
que de l'esprit.... Les sentimens et
la délicatesse sont leur caractere principal
&c.
On vit s'élever un homme admirable ,
qui sous le voile des Fables déguisa sa morale
: le grand et le tendre , le serieux et
le badin , le naturel et le naïf même , tout
étoit de son ressort ; il n'est point d'état
ni de caractere qui n'y trouvat des leçons,
il employoit à son gré la tendresse du
coeur , la sagacité de l'esprit , le badinage
11. Vol.
le
2864 MERCURE DE FRANCE
le plus aimable ; il apprenoit à penser aux
uns , il donnoit des sentimens aux autres,
il persuadoit à tous , et il est le premier
qui ait introduit dans la Poésie cette jus
tesse et cette précision même , qui paroît
lui être opposée , sans lui faire rien perdre
de ces images brillantes et de ces expressions
heureuses qui distinguent si fort la
Poësie du discours ordinaire...
Insensiblement cet Extrait devient long,
malgré notre attention à nous contenir
dans de justes bornes ; finissons- le par ce
Portrait. Parmi ce grand nombre d'hommes
qui se distinguerent , il n'y en eut
qu'un qui fut tout à la fois Poëte , Orateur
, Historien , Philosophe , Géometre ,
que ne fut-il pas ? admirable dans tous
les genres où il voulut travailler , il épuisa
sa vie avant que d'avoir épuisé son génie ,
et les divers Ouvrages qu'il a laissés auroient
fait la gloire de plusieurs hommes.
Le VI. Tome du grand Recueil des Ecrivains
d'Italie , par M. Murator , imprimé à Milan ,
paroît ici depuis peu . Il est dédié au Cardinal
Bortomée , Evêque de Novarre , et contient onze
Monumens historiques , composez par differens
Auteurs. Le plus considerable est sans doute celui
qui est intitulé : Annales de Gennes , par
Caffaro et ses Continuateurs depuis l'an 1100.
jusqu'en 1293. Ces Annales sont divisées en dir
Livies , dont le dernier est de la composition de
II. Vol Jacques
DECEMBRE . 1732. 2865
Jacques Doria , qui non content de reprendre le
fil de l'Histoire où les Auteurs précedens l'a
voient laissée , et de la conduire jusqu'à l'année
129. est remonté jusqu'à l'origine de Genes , et
supplée ainsi à la Chronique de Caffaro , qui ne
commence l'Histoire de cette Ville qu'au temps
auquel il vivoit.
HISTOIRE ECCLESIASTIQUE pour servir de
continuation à celle de M. l'Abbé FL URY , Tome
XXVI. depuis l'an 1521. jusqu'en 1528. A Paris,
Quay des Augustins , chez Emery , Saugrain et
Martin ; et chez Mariette et Guérin , ruë S. Jacques
, in 4. 1729. pages $ 94.
Pour avoir une juste idée de ce nouveau Volu➡
me , il faut en lire l'Extrait dans le Journal des
Sçavans du mois de Decembre dernier , page 757.
Le second Volume de la suite des Cent Nouvelles
Nouvelles de Madame Gomez , paroît chez la
Veuve Guillaume , rue Dauphine , du côté du
Pont-Neuf
On paroît fort content de la lecture de cet
Ouvrage.
Le 23. de ce mois , l'Académie Royale des
Inscriptions et Belles - Lettres , élut le Duc de
S. Aignan , Chevalier des Ordres du Roy , et
Ambassadeur à Rome , pour remplir la place
d'Académicien Honoraire , vacante par la mort
de l'Evêque de Metz.
M. de Julliennes , qui continuë de faire graver
les OEuvres de feu Antoine Watteau , vient de
faire paroître quatre Estampes d'après les Tableaux
de ce charmant Peintre. Elles ont pour
II. Vol. titre
2966 MERCURE DE FRANCË
titre la Promenade sur les Remparts ; Arlequinjaloux
; la Fileuse et la Marmotte. Ces Estampes
se débitent avec toutes celles gravées précédemment
, chez la Veuve Chereau , ruë S. Jacques ,
aux deux Pilliers d'or , et chez Surugues, Graveur
du Roy , rue des Noyers , vis - à- vis S. Yves.
On apprend par des Lettres de Prague , que le
23. Novembre dernier , il étoit sorti de la Montagne
de Salpêtre qui est derriere la Maison de
Correction , une fumée à laquelle on ne fit pas
d'abord grande attention ; que le 25. il s'en étoit
élevé de grandes flames , qui avoient causé beaucoup
d'effroy dans toute la Ville , qu'on y avoit
envoyé des Troupes pour les éteindre ; que le
4. et le s. de Décembre la Montagne s'étoit enflammé
de nouveau ; que malgré les tranchées
qu'on y avoit faites , le feu s'étoit communiqué
aux Terres voisines du Muldau , Riviere qui tra .
verse la Ville , et que la chaleur brulante de ces
Terres qui sont très sulphureuses , faisoit craindre
que le feu ne se communiquât aux maisons
et que la Ville ne fût embrasée.
Le 29.Novembre ; vers les six heures et demie du
matin , on ressentit à Naples une violente secousse
de Tiemblement de Terre , qui endommagea
plusieurs Eg ises , quelques Palais et un grand
nombre de Maisons , où il y eut quelques personnes
écrasés . La crainte d'un second Trim¬
blement de Terre , détermina la plus grande partie
de la Noblesse et des Bourgeois à se retirer à
la Campagne , et la nuit suivante toutes les grandes
Places de la Ville et des Fauxbourgs furent .
remplies du reste des Habitans , quoiqu'il fit
cette nuit là un froid très-vif,
11. Vel, Le
DECEMBRE. 1732. 2867
Le 30. on reçut avis que ce Tremblement de
Terre s'étoit fait sentir à la même heare dans la
Terre de Labour ; qu'il avoit entierement détruit
a petite Ville d'Ariano et celle de Mirabello ,
dont la plupart des Habitans avoient été écrasez
par la chute de leurs maisons , qu'il avoit causé
beaucoup de dommage à Avellino , et qu'on l'avoit
aussi ressenti à Salerne.
On apprend de Londres , une mort aussi funeste
que singuliere. Le sieur Whitake , mourat
le 8. dans son Appartement à la Tour , ayant été
mordu par un chien enragé , il alla à l'embouchure
de la Tamise se faire plonger dans la Mer ,
et il avoit joui d'une parfaite santé jusqu'au 7.
au soir qu'il assura plusieurs de ses amis qu'il
auroit le lendemain un accès de rage , les priant
d'avoir soin de lui. Il eut effectivement cet accès
qu'il avoit prévu , et il y mourut avec des convulsions
terribles . On a assuré que quelques heures
avant sa mort , il avoit aboyé dix ou douze fois
come un chien , symptome extraordinaire dont
il y a peu d'exemples dans les Malades attaquez
d'hydrophobie.
On écrit d'Hollande , qu'on a imprimé à Amsterdam
une Dissertation sur les Vers qui s'attachent
aux pilliers qui soutiennent les Digues et
qui mettent en grand danger toutes ces differen
tes Provinces. On a fait diverses Analises de ces
Insectes , dont la plus grosse espece est de la
longueur de dix pouces , et la plus petite n'a que
que quatre ou cinq pouces ; ils ont l'un et l'autre
un dard à la tête qui est fort petit ; ils s'insinuent
dans le bois , y prennent accroissement
et le font périr. On ne dit pas qu'on ait trouvé
le secret de faire mourir ces Vers,
II. Vol.
SPEC
2868 MERCURE DE FRAN
***
SPECTACLE
LE
E 9. Décembre , les Comédiens
liens donnerent la premiere Re
sentation des Enfans Trouvez , ou le
tan poli par l'Amour , dont les Sieurs
minique , Romagnesy et Riccoboni ,
les Auteurs . Cette Piéce fut reçuë pe
vorablement du Public à la premiere
présentation , et on prétend qu'une
semblée tumultueuse mêlée de quelq
personnes mal intentionnées , en fut
cause. La Piéce fut écoutée beaucoup?
tranquillement à la seconde Represe
tion et elle a toujours été de plus
plus goûtée et applaudie . Nous allon
cher de mettre le Lecteur en état de
juger.
,
ACTEURS.
Themire ,
Fatime ,
la Dlle Sy
la Dlle la La
Diaphane , Roi de Tripoli , le siew
Themire , le sien
MAR
0
DECEMBRE. 1732: 2869
Carabin , frere de Themire , le sieur Ric-
Orosmin , Visir ,
Un Esclave ,
coboni.
Arlequin
le sieur Sticotti.
Fatime ouvre la Scene , et paroît surprise
de voirThemire plus gaye et plus contente
qu'à l'ordinaire ; elle lui en demande
la raison , et dit :
Quoi ! vous ne tournés plus les yeux vers les
climats ,
Qu ce vaillant François devoit guider nos
pas ?
Vous ne me parlés plus des plaisirs que la
France
Permet notre Sexe avec tant de licence ,
Vous ne l'ignorés pas ; c'est là que les maris
Vivent d'intelligence avec les Favoris ;
Que la femme y bravant la contrainte fatale
,
Ist prude avec renom , coquette sans scan
dale.
Themire lui répond que le Serrail fait
aujourd'hui tout son bonheur , et ajoûte ;
Chez les Mahometans dès l'enfance enfer
méc ,
A leur façon d'agir ils m'ont accoûtumée.
II. Vol.
Tous
2870 MERCURE DE FRANCE
Tout le monde en convient , le Roi de Tri
poli ,
Est malgré sa moustache , un Seigneur trèspoli.
Fatime représente à Themire que ce
jeune Officier qui est parti , et qui va revenir
pour briser leurs fers , se donnera
de la peine en vain. Themire répond que
cet Officier est Gascon , & c. et découvre
en même tems à sa Confidente l'amour
qu'elle a pour le Sultan , et lui apprend
qu'il doit l'épouser dans la journée , Fati
me l'en félicite , et lui dit :
Mais ce coeur qui se livre à de si doux trans
ports ,
En épousant un Turc , n'a - t'il point de remords
Carabin vous a dit cent fois par la fenêtre ,
Que le sang d'un François vous avoit donné
Pêtre ,
Que vous et vos parens dans un combat fatal
,
Aviez subi le joug d'un Corsaire brutal.
Ne vous souvient- il plus que dans une Ga
lere....
Themire.
Ma foi , s'il m'en souvient , il ne m'en souvient
guére.
II. Vol. ThemiDECEMBRE.
1732. 2871
12
Themire continuë , et fait le Portrait
du Sultan.
Qui , si le Ciel aux fers eut condamné sa
vie ,
Si l'Affrique à mes loix se voyoit asservie ,
Ou mon amour me trompe , ou Themire au
jourd'ui ,
Pour l'élever à soi descendroit jusqu'à lui,
Fatime,
Il le faut avouer , cette pensée est belle ,
Mais convenés aussi qu'elle n'est pas nou
velle.
Diaphane arrive , et dit à Therire qu'il
pourroit lui faire un long discours , lui
parler de ses Ayeux et des malheurs des
Sultans , ses Confreres.
Au sein des voluptez bien loin que je m'endorme
,
› Si je tiens un Serrail ce n'est que pour la
forme ;
Les loix que dès long-tems suivent les Mahomets
,
Nous deffendent le vin moi je me le permets,
Tout usage ancien céde à ma politique,
Et je suis un Sultan de nouvelle fabrique.
Parlons seulement de l'amour que j'ai
II.Vol. pour
4872 MERCURE DE FRANCE
pour vous ( poursuit- il . ) Je jure de vous
prendre pour Maîtresse et pour Femme ,
est - ce assez ? Oui , répond Themire, je ne
veux rien de plus , &c.
Orosmin vient annoncer au Sultan le retour
de Carabin .
Pourquoi n'entre- t'il pas , dit le Sultan ,
Orosmin.
Vous sçavez que toujours votre porte est fers
mée.
Le Sultan.
Oui , c'étoit autrefois la régle accoûtumée ,
Mais , il faut que d'entrer , on ait permis
sion ,
Si tu veux qu'au Serrail se passe l'action .
Carabin dit au Sultan qu'il apporte de
France de l'argent comptant , et continuë
:
Grace au Ciel , c'en est fait , et la somme est
complette ;
Commence par lâcher la fille et la soubrete ,
Nous choisirons après dix autres prisoniers,
Quant à moi je demeure , étant court de de
niers ;
Qu'ils partent sur le champ , je resterai pour
gage,
II. Vol. Le
DECEMBRE.
1732. 2873
Le Sultan .
' en rachete que neuf , et met toi du voyage.
Embarque cent Captifs , si tu veux , dit
e Sultan , mais pour Themire , ne croy
as que tout l'or du monde puisse m'enager
à te la rendre. Carabin est fort surris
que le Sultan veuille manquer à sa
parole , à quoi le Sultan répond ;
Lorsque je te promis d'accorder ta demande ,
Ce n'étoit qu'un Enfant , à présent elle es
grande....
Du moins , dit le Gascon , ne me refuse
as ce malheureux Vieillard , puisqu'il n'a
peut-être pas une heure à vivre. Le Sultan
consent de le rendre pourvû qu'il meure
uparavant , &c.
Themire reste avec Carabin , et lui dit
qu'elle est fâchée de ne pouvoir partir
vec lui , mais qu'il peut compter qu'elle
ura toujours beaucoup de déference pour
tous les François , &c.
Alcidor , ce venerable Vieillard , arrive ;
lest soutenu par deux François , sa vuë
st si troublée , et son corps est si foible ,
qu'à peine il peut se soûtenir ; il deman
le où il est , et à qui il doit le bonheur
le revoir la lumiere. Themire répond
II. Vol.
quo
2874 MERCURE DE FRANC
que c'est à ce Cavalier ( en montra
Carabin. )
Alcidor.
Des Chevaliers Gascons je reconnois l'ardeur ,
S'ils n'ont pas de grands biens , ils ont tous
l'honneur.
Themire demande au Gascon comme
il a pû faire pour trouver une somme
considérable. Il répond :
Echapé de mes fers , chose impossible à croire,
Arrivant au pays je me fis Grenadier ,
On ne s'enrichit point à ce noble métier ;
Je me remis sur Mer , et l'ingrate fortune ,
Ne me traita pas mieux dans le sein de Nep
tune.
Je fus repris , Madame , et par un grand bonheur
,
Je vous vis au Serrail malgré le Grand Sei
gneur ;
Eunuques blancs et noirs , Bostangis , Jannis
saires ,
Ne m'empêcherent point de vous parler d'af
faires;
Le trait est surprenant , mais passons là – des-
• Sus.
Or , comme en mon Pays on craint peu les
refus ,
J'allai voir le Sultan , lequel sur ma paro ;
Me laissa repartir pour un projet frivole.
II.Vol.
Avec
DECEMBRE 1732 2875
Avec lui cependant , je m'étois engagé ,
De revenir bien -tôt payer votre congé.
>
De retour dans la France une veuve frin
gante ,
Me prit en mariage aux bords de la Charante.
Elle mourut bien - tôt , une autre succeda ,
Et cette autre en trois mois à son tour déceda.
Je convolai bien- tôt avec une troisiéme ,
Qui mourut en Avril je ne sçais le quantiéme
?
›
Heritier de leurs biens , et plus content qu'un
Roi ,
J'ai vendu trois Châteaux qui n'étoient pas à
moi.
Alcidor leur demande s'ils ne pourroient
leur donner des nouvelles de deux de
ses Enfans , et dit :
pas
Mon fils fut fait esclave , et sa soeur plus petite
,
Au Serrail avec lui , par des Turcs fut conduite.
Il m'arriva ( reprend le Gascon ) même chose
jadis .
> par
A l'âge de quatre ans les Turcs je fus
pris ,
Mené dans le Serrail avec cette personne ,
Et d'être tant soit peu ma soeur , je la soupçonne.
II. Vol. G Themie
2876 MERCURE DE FRANCE
Themire.
Qu'entends-je !
Alcidor étonné.
Ce minois , cet air vif et coquet ,
De ma défunte femme est le vivant por
trait ,
Même à ce que je crois , ce Gascon me ressemble.
Dans quel tems , s'il vous plaît , fûtes- vous pris
ensemble ?
Je ne prétens ici rien décider en l'air :
Surtout en fait d'enfans , on ne peut trop voir
clair.
Carabin .
Je fus , il m'en souvient , pris en mil
seize.
Alcidor.
sept cent
Epoque trop heureuse , et qui me comble d'aise ;
Et quel âge avez- vous à présent ?
Carabin.
J'ai vingt ans.
Alcidor.
Et vous ?
Themire
J'en ai dix-huit.
Alcidor.
Baisez-moi, mes Enfans.´
II. Vol. La
DECEMBRE . 1732. 2877
La reconnoissance se fait d'une maniere
très-comique , le pere embrasse ses enfans
, et poursuit :
Quand je songe en quels lieux je la vois rete
nuë ,
Je n'ose sur ma fille encor jetter la vuë ,
O jour qui me la rens , comment me la renstu
?
Tu pleures , je t'entends.
vertu !
· · tu n'as plus de
Themire avoue ingénument à son pere
que le Sultan l'adore et doit bien tôt l'épouser.
Alcidor lui fait de sanglans reproches
, et se retire outré de désespoir.
Themire reste avec Carabin , qui l'engage
à le suivre , après lui avoir représenté
son crime. Themire y consent après
avoir combattu quelque tems , et dit à
son frere :
Mais du moins tu devrois aller voir notre
Pere ;
Nous le laissons mourir d'une étrange maniere.
Bon , répond Carabin , je le compte
pour mort ; il fait promettre en mêmetems
à sa soeur de se tenir prête pour fuïr
avec lui , et se retire. Themire reste seule,
s'éxamine et se demande à elle -même , si
II. Vol. Gij elle
2878 MERCURE DE FRANCE
elle est Turque ou Françoise , et ne pouvant
pas bien se définir , elle termine son
Monologue par ces Vers qu'elle adresse au
Sultan .
Ah ! puisque ta devois m'épouser dès ce soir ;
Pourquoi m'apprenoit- on aujourd'hui mon de
voir ?
Frere trop rigoureux , du moins pour me l'ap
prendre ,
Jusqu'à demain matin tu pouvois bien attendre.
Le Sultan arrive à la fin du Monologue
pour conduire avec lui Themire à la
Mosquée : venez , lui dit- il ,
Themire l'appercevant
.
Qu me cacher !
Le Sultan.
Que dites-vous ?
Themire,
Je n'ose,
Le Sultan.
Yous n'osez ?
Themire.
Non, Seigneur.
Le Sultan.
Et pourquoi donc ?
II.Vol.
Themire
DECEMBRE . 1732 2875
Themire.
Le Sultan.
Pour cause.
Ah ! je vois ce que c'est , sans doute la pu
deur....
Themire.
Non , ce n'est point cela ; vous vous trompez ,
Seigneur .
Elle prie le Sultan de vouloir bien differer
cet Hymen , le Sultan s'emporte et
dit , lorsque Themire se retire :
Je n'y comprens plus rien , pourquoi partir
si-tôt ?
Dites-moi vos raisons ...
Themire en s'en allant.
Je les dirai tantôt.
Le Sultan reste avec le Vizir ; il commence
à soupçonner Themire d'inconstance
, et Carabin d'être son Rival , le Vizir
lui dit :
Prenez- vous ce Garçon , Seigneur , pour une
bête ,
Vous les avez laissés ensemble tête à tête.
Je ne le ferai plus.
Le Sultan.
1
II. Vol. G iij Le
2830 MERCURE DE FRANCE
Le Vizir.
Vous aurez bien raison ,
Ah ! que la prévoyance est ici de saison !
Themire revient , le Sultan lui fait-encore
des reproches , et lui dit qu'il ne la
reverra jamais. Quoi , Seigneur , répond
Themire , est-il bien assûré que vous ne
m'aimez plus ? Non , rien n'est plus certain....
que j'aimai... que je hais.
Themire éclate de rire , le Sultan lui dit avec
transport,Themire vous riez... elle répond :
Eh !qui pourroit s'empêcher de rire de
toutes vos extravagances et de mon incertitude
? le Sultan tonjours plus amoureux,
ne pouvant pas se contraindre , lui avoie
qu'il l'aime plus que jamais , et que tout
ce qu'il lui a dit , n'étoit que pour rire.
Themire prie le Sultan de lui accorder du
moins une grace. Et de quoi s'agit- il a
répond le Sultan .
Themire.
Permettés que je sorte.
Le Sultan.
Quoi toujours me quitter , et de la mêms
sorte !..
Themire lui dit en sortant, que demain
II. Vol. rous
DECEMBRE. 1732. 2381
aptous
ses secrets lui seront revelez . Le Sul
tan reste avec le Vizir ; un Esclave lui
porte une Lettre adressée à Themire , par
laquelle Carabin lui marque de se rendre
vers la Mosquée par un sentier obscur.
Le Sultan se livre à toute sa fureur , et
ordonne au Vizir d'aller poignarder l'infidelle,
puis le retient, en disant :
Je prétends lui parler , qu'on le fasse venir.
Le Vizir.
Encor un entretien , Seigneur !
Le Sultan.
C'est pour finir.
Finissez sans cela , répond le Visir . ...
mais il me vient une bonne idée , faites
remettre cette Lettre entre les mains de
Themire , et qu'elle ne sache point que
vous l'avez ouverte. Le Sultan approuve
fort le conseil du Vízir , qui promet de
recacheter la Lettre et de la faire rendre
à Themire. Le Sultan resté seul , dit :
Le Vizir a raison , et de cette maniere ,
La conduite sera beaucoup plus réguliere ;
Car si je la voyois , il faudroit lui prouver
Qu'elle m'est infidelle et cherche à se sau-
2
ver.
II. Vol. Giiij Mais
2882 MERCURE DE FRANCE
Mais je n'en ferai rien , et n'osant lui répondre
,
J'oublirois les moyens que j'ai de la confon
dre ;
Je connois ma foiblesse , et sans les employer ,
On me verroit sans fruit encor la renvoyer.
Le Vizir arrive avec empressement ; il
dit au Sultan qu'il a fait rendre la Lettre
à Themire,qui a promis de venir bien- tôt
au rendez-vous trouver Carabin.Themire
y arrive , conduite par Fatime ; on entend
quelque bruit ; elle dit est -ce vous Carabin
? lequel répond , êtes -vous là , ma
sour ? Le Sultan qui s'étoit avancé à l'arrivée
de Themire pour la poignarder, s'écrie
avec étonnement :
Ma soeur ah ! j'allois faire une belle sotise
!
Cet éclaircissement m'épargne une méprise .
Themire.
Que vois -je , le Sultan !
'Ah ! Sandis >
fers.
Carabin.
Nous sommes découverts,
nous allons retomber dans les
Le Sultan à Carabin.
Est-elle bien ta soeur ?
II. Vol. Carabin
DECEMBRE . 1732 2883
Carabin.
Alcidor est son pere.
Je suis fils d'Alcidor , ergo , je suis son frere.
Le Sultan fait encore des reproches à
Themire, et dit ensuite qu'il est trop délicat
pour la garder ; qu'elle peut partir ,
&c. le Vizir ajoûte :
C'est fort bien fait , Seigneur , renvoyés la Ma
toise ;
Qu'elle fasse à Paris l'amour à la Françoise.
Le Sultan dit ensuite que puisquil faut
necessairement que quelqu'un meure , il
va se tuer , mais Carabin l'arrête , en lui
disant :
Ah ! ne vous tuez pas avant notre voyage ;
Car si vous expirez on nous remet en cage ,
Que de la mort au moins nous soyons ga
rantis .
Le Sultan.
Hé bien ! je me tuerai quand vous serés partis.
Le 14 Décembre l'Académie Royale de
Musique remit au Théatre la Tragédie d'Isis.
La grande réputation de Mrs de Lully
et Quinault , Auteurs de cet Opéra , en
doivent toujours garantir le succès ; le
II. Vol.
G v Public
2884 MERCURE DE FRANCE
•
Public l'a revûë avec beaucoup de satisfaction.
Le Théatre représente au Prologue le
Palais de la Renommée ; la suite de cette
Déesse à cent voix , chante ces Vers :
Publions en tous lieux ,
Du plus grand des Heros la valeur triom
phante ;
Que la Terre et les Cieux-
Retentissent du bruit de sa gloire éclatante.
La Renommée anime sa suite à chanter
le Heros de la France et s'exprime
ainsi :
›
C'est lui dont les Dieux ont fait choix ,
Pour faire le bonheur de l'Empire François ;
En vain pour le troubler tout s'unit , tout cons
pire 5
C'est en vain que l'envie a ligué tant de Rois ;
Heureux l'Empire
Qui suit ses loix !
Neptune annoncé par les Tritons ,
vient au Palais de la Renommée , et dit
à la gloire du Heros qu'on celébre :
Mon Empire a servi de Théatre à la Guerre ;
Publiez des Exploits nouveaux;
II. Vol. C'est
DECEMBRE. 1732. 2885
C'est le même Vainqueur si fameux sur la
terre ,
Qui triomphe encor sur les eaux.
La Renommée chante avec Neptune
Vers :
ces quatre
Celebrez son grand nom sur la Terre et sur
Celebrons P'Onde ;
Qu'il ne soit pas borné par les plus vastes
Mers ,
Qu'il vole jusqu'au bout du monde ;
Qu'il dure autant que l'Univers.
Apollon , les Muses et les beaux Arts
viennent se joindre à cette Fête , et se
préparent à aller faire entendre leurs
chants dans une auguste Cour . La Renommée
finit le Prologue par ces Vers à
la gloire du Vainqueur :
Ennemis de la paix , tremblez :
Vous le verrez bien-tôt courir à la victoire :
Vos efforts redoublés
Ne serviront qu'à redoubler sa gloire .
Ce Prologue a été très- applaudi ; la
Dile Antier qui le commence et qui le fi.
nit , n'y a pas peu contribué.
Au premier Acte le Théatre représente
de riantes Prairies , où le Fleuve Inachus
II. Vol.
ser-
G vj
2886 MERCURE DE FRANCE
serpente. Hierax , frere d'Argus et Amant
d'io , fille d'Inachus , se plaint de l'in
constance de sa Maitresse . Pirante , son
ami , paroît surpris de sa tristesse , dans
le temps qu'il va posseder l'objet de son
amour ; Hierax lui répond :
L'inconstante n'a plus l'empressement extrême ,
De cet amour naissant qui répondoit au mien ;
Son changement paroît en dépit d'elle- même ;
Je ne le connoîs que trop bien ;
Sa bouche quelquefois dit encor qu'elle m'aime ;
Mais son coeur ni ses yeux ne m'en disent plus
rien .
Dans la suite de cette Scene , qui est
sans contredit la plus belle de la Piece ,
le même Hierax s'exprime ainsi :
Ce fut dans ces Vallons , où par mille détours ,
Inachus prend plaisir à prolonger son cours ¡
Ce fut sur son charmant Rivage ,
Que sa fille volage , .
Me promit de m'aimer toûjours :
Le Zéphir fut témoin , l'Onde fut attentive ,
Quand Ja Nymphe jura de ne changer jamais ;
Mais le Zéphir leger et l'Onde fugitive ,
Ont enfin emporté les sermens qu'elle a faits .
Io se deffend le mieux qu'elle peut dé
II. vol. l'in
DECEMBRE . 1732. 2887
Pinconstance qu'Hierax lui reproche , elle
le prie de differer son Hymen de quelques
jours , attendu un songe qu'elle a
fait ; elle ajoûte qu'il n'a point à se plaindre
de quelque préference , puisqu'aucun
de ses Rivaux ne l'emporte sur lui , il
lui répond tendrement :
Le mal de mes Rivaux , n'égale point ma peine;
La douce illusion d'une esperance vaine ,
Ne les fait point tomber du faîte du bonheur.
Aucun d'eux, comme moi, n'a perdu votre coeur;
à votre humeur sévere ,
Comme eux ,
Je ne suis point accoûtumé ,
Quel tourment de cesser de plaire ,
Lorsqu'on a fait l'essai du plaisir d'être aimé !
Hierax quitte Io , pour lui épargner
un fâcheux entretien ; lo dissimule moins
en parlant à Mycene , sa Confidente ; elle
lui avoue qu'Hierax se plaint avec justice,
puisque Jupiter est son Rival ; elle ajoûte
qu'elle se deffend autant qu'elle peut contre
l'amour du plus grand des Dieux .
Mycene quitte la place à Mercure , qui
descend et qui annonce aux Peuples queJupiter
vient les rendre heureux ; il parle un
autre langage à Io, à qui il fait tout l'honneur
de la prochaine arrivée de Jupiter ;
la Nymphe tâche encore de se deffendre
II. Vol en
2888 MERCURE DE FRANCE
en faveur d'Hierax. Jupiter descend des
Cieux ; les Peuples s'assemblent pour lui
témoigner leur reconnoissance , & c . Cette
Fête finit le riemier Acte.
Au second Acte , le Théatre est obscurci
par des nuages qui l'environnent
de tous côtez ; lo ne sçait à quoi attribuer
cet évenement ; Jupiter la vient
rassurer , et lui dit que c'est pour tromper
les yeux jaloux de Junon , qu'un nual'environne
; il la
il la presse de répondre
à son amour , elle ne fait que peu de
résistance , et n'a plus d'autre recours que
la fuite.
ge
Mercure vient avertir Jupiter du danger
qui menace ses nouvelles amours ; il
lui dit qu'il vient de voir Iris , et que
sans doute Junon n'est pas loin . Jupiter
allarmé , lui dit d'amuser Iris , et va pourvoir
à la seureté d'Io .
La Scene entre Mercure et Iris est
très -legerement écrite , c'est la derniere
dans ce goût badin que Quinault ait osé
mettre dans ses Tragédies Lyriques ; il
a bien senti que cette sorte de Comique
y étoit déplacée. Rien n'est plus élegant
que la Scene qui suit le Dialogue de Mercure
et d'Iris , elle est entré Junon
et Iris ; en voici deux fragmens : c'est
Junon qui Parle de Jupiter.
II- Vol. Non,
DECEMBRE . 1732. 2889
ར་
Non, non ; je ne suis point une crédule Epouse ,
Qu'on puisse tromper aisément ;
Voyons qui feindra mieux de Jupiter Amant,
Ou dé Junon jalouse ,
Il est Maître des Cieux , la Terre suit sa loi ,
Sous sa toute-puissance, il faut que tout échisse ,
Mais puisqu'il ne prétend s'armer que d'artifice ,
Tout Jupiter qu'il est , il est moins fort que
inoi , &c... ....
L'Amour , cet amour infidelle ,
Qui du plus haut des Cieux l'appelle ,
Fait que tout lui rit-ici bas ;
Près d'une Maitresse nouvelle ,
Dans le fond des Deserts , on trouve des appas
Et le Ciel même ne plaît pas ,
Avec une Epouse immortelle.
Quoique les Vers cités jusqu'ici , soient
les plus beaux de la Piece , nous en aurions
encore à inserer dans cet Extrait ,
qui satisferoient la curiosité du Lecteurs
mais pour éviter la prolixité sur un Opera
fort connu , nous nous contenterons de
suivre l'action théatrale.
Jupiter arrive ; il demande à Junon
quel dessin l'appelle en ces lieux , attendu
qu'elle devoit se rendre dans les
Jardins d'Hébé , pour embellir sa Cour
d'une nouvelle Nymphe ; Junon lui as
11. Vol
sure
2890 MERCURE DE FRANCE
sure qu'elle ne le suivra pas plus loin ,
et qu'elle vient lui demander une nou
velle marque de son amour. Jupiter lu
promet de lui tout accorder ; elle lui
demande la fille d'Inachus ; Jupiter ne
peut se retracter ; il ordonne à Mercure
d'aller tout disposer au gré de la Reine
des Cieux ; ici le Théatre change et represente
les Jardins d'Hébé ; les Nymphes
de cette Déesse qui préside à la Jeunesse,
font la Fête de cet Acte; lo est présentée
à Hébé , pour être un des plus beaux
ornemens de sa Cour.
Le Théatre représente au troisiéme
'Acte , un lieu solitaire , qui sert de demeure
à Argus , auprès d'un Lac. Argus
annonce à lo que Junon l'a commise à sa
garde. Io se plaint de l'oubli de Jupiter.
Hierax veut entrer dans le lieu où Argus
enferme lo ; Argus s'y oppose, et lui
apprend que Jupiter est son Rival .
Mercure , déguisé en Berger , vient à
la tête d'une Troupe qu'il a disposée à
servir l'amour du plus puissant des Dieux.
Il fait entendre à Argus que c'est par l'ordre
de Pan qu'on va celebrer une fête en
l'honneur de Syrinx , que ce Dieu des
Bois a tendrement aimée ; Argus lui répond
qu'il veut bien se prêter à leurs jeux
innocens ; la Représentation de cette pe-
II. Vol. tite
DECEMBRE..1732 . 2893
tite Tragedie l'endort. Mercure se sert
de cet heureux moment de sommeil pour
enlever Io ; mais Hierax qui est present
ne dort pas ; il éveille Argus ; ils implorent
tous deux l'assistance de Junon .
Mercure fait éprouver sa vengeance à Argus
et à Hierax ; d'un coup de Caducée ,
il donne la mort à Argus et transforme
Hierax en Oyseau de Proye. Junon descend
des Cieux .. Mercure se retire et laisse
la malheureuse Io au pouvoir de sa jalouse
Rivale. La Furie Erynnis évoquéc
par Junon sort des Enfers ; Junon lui ordonne
d'exercer ses plus cruelles barbaries
sur sa nouvelle victime ; elle rend la
vie à Argus , qui changé en Paon , vient
se placer sur le devant du Char de Junon
et se met aux pieds de cette jalouse
= Déesse.
Les deux derniers Actes ne roulent que
sur les divers supplices que la Furie fait
éprouver à Io . Cette infortunée Rivale
de l'Epouse de Jupiter est traînée des
- Climats glacez aux Climats brûlans ;
elle se précipite dans la Mer, pour y trouver
la fin de ses peines , et l'impitoyable
Erynnis l'en retire ; elle est enfin transportée
à l'Antre fatal, où les Parques font
leur séjour. Elle leur demande la mort.
Ces trois inexorables Déïtez lui annɔn-
II. Vol. cent
2892 MERCURE DE FRANCE
+
la
cent qu'elle ne peut voir finir ses mal
heurs qu'en fléchissant la colere de Ju
non. Io invoque Jupiter . Ce Maître des
Dieux vient la consoler, mais il lui décla
re que depuis qu'il l'a soumise au pouvoir
de la jalouse Reine des Cieux , il ne
peut la secourir qu'elle n'y consente ; il
ajoute que plus il l'aime , et plus il irrite
son implacable ennemie. Io le conjure
tendrement de l'aimer assez , pour contraindre
sa redoutable Rivale à lui donnet
la mort. Junon vient enfin ; Jupiter
presse de se contenter des maux qu'elle
a faits à Io; Junon ne consent à vaincre sa
vengeance qu'après que Jupiter aura vaincu
son amour. Jupiter le lui promet ; il
en jure par le Styx . Après le serment
Junon appaiste ordonne à la Furie de
ne plus tourmenter lo , et de rentrer dans
les Enfers. Junon consent qu'Io soit mise
au rang des Divinitez que l'Univers adore
; les Dieux descendent des Cieux pour
recevoir cette nouvelle Déesse et pour
l'associer à leur gloire ; les Egyptiens
chez qui cette derniere action se passe ,
viennent celebrer son Apothéose et la reconnoissent
pour leur Divinité tutelaire ,
sous le nom d'Isis.
Voilà quelle est cette Tragedie sur laquelle
on a porté differens jugemens . On
II. Vol. conDECEMBRE.
1732: 2893
onvient que la Musique en est treselle
, et la versification tres - élegante ;
ais on n'y sent point cet interêt , qui
oit être l'ame de tous les Ouvrages de
Théatre ; on rend pourtant juſtice à Quiault
; il y a mis tout ce qui a dépendu
le lui , et si l'on a quelque chose à lui rerocher
, c'est le choix du sujet qui ne
peut rien offrir que de triste et de desagréable.
Au reste cet Opera est tres - bien renis
et tres-bien executé ; le sieur Chassé
qui est chargé du Rôle d'Hierax , et de
Celui de Pan , s'en acquitte tres - bien et
merite parfaitement les applaudissemens
du public , de même que la Dile Antier ,
dans le rôle de Junon ; la Dlle le Maure
a toujours ces sons charmans , et cette
action naturelle qui la rendent si chere
aux Spectateurs. Elle joue le principal
Rôle.
Les Décorations et les Habits répon
dent à la magnificence du Spectacle , et
le Ballet figuré par le S Blondi est tresbien
entendu et tres varié, La Dlle Ca
brillent à
margo et le S Dupré , &c. y
leur ordinaire .
On répete l'Opera d'Omphale pour la
fin du mois prochain.
II. Vol. ch
2894 MERCURE DE FRANC
EGLOGUE
SUR LA NAISSANCE
Q
DE JESUS- CHRIST.
Palemon.
Uel spectacle nouveau se présente à m
yeux
Dans cette obscure nuit qui répand la l
miere ,
*
Quel éclatfrappe ma paupiere ?
Ah ! Bergers , qui veillés dans ces paisibl
lieux ,
Yoyez-vous , comme moi ce Messager des
Cieux ?
>
Il nous parle ; écoutons.
Un Ange.
Mortels , soyez sans crainte ,
Je viens vous annoncer une éternelle paix ,
De vos justes frayeurs n'ayez plus l'ame
atteinte :
Le Ciel sensible à vos souhaits
Répand sur vous le plus grand des bienfaits.
Choeur des Bergers.
Par des Chants de réjouissance -
Têmoignons à l'envi notre reconnoissance .
II. Vol.
Dipl
DECEMBRE. 1732 2895.
Daphnis.
Joüissez d'un destin paisible ;
h ! Bergers , revenez de vos mortels cha
grins ;
Le Ciel à nos soupirs sensible
En faveur des ingrats humains
Désarme son courroux terrible ,
t nous donne des jours tranquiles et sereins
Le Choeur.
Un Dieu naissant te bannit de ces lieux ,
It dissipe à jamais tes complots odieux
Affreux Auteur de nos alarmes ;
Que de notre bonheur tu vas être envieux !
Aussi- bon que puissant , cet Enfant glorieux ,
Tarit enfin nos larmes ,
Et nous ouvre les Cieux.
Licidas.
Admirons la bonté de ce divin Sauveur ,
Parmi nous il vient prendre une humaine
gure ,
Et du faîte de la grandeur
Non content de descendre , il veut souffrir l'ind
jure ,
D'un affreux hyver la rigueur.
II. Vol. Rou
2896 MERCURE DE FRAN
Rougis , perfide créature ,
De voir en cet état réduit ton Créateur.
Alcandre , Daphnis , et le Choeur.
Aimons le Sauveur ,
Suivons sa tendresse :
Aimons le Sauveur
De tout notre coeur.
Alcandre et Daphnis.
Méprisons sans cesse
La vaine grandeur ,
Et tout ce qui blesse
Une sainte ardeur.
Alcandre , Daphnis , et le Choeur.
Aimons le Sauveur ,
Suivons sa tendresse :
Aimons le Sauveur
De tout notre coeur.
II. Vol.
NOU
DECEMBRE. 1732. 2997
NOUVELLES ETRANGERES
DE TURQUIE ET DE PERSE.
Na appris que l'Armée du Roi de Perse
et celle du Grand Seigneur , n'étoient éloinées
l'une de l'autre que d'une demie journée
le chemin, et qu'on ne doutoit plus qu'il n'y cut
bien- tôt un Combat general , si les propositions
faites par le Roi de Perse n'étoient pas acceptées
par le G. S. auquel le Seraskier qui commande
l'Armée Ottomanne , a dépêché un Courrier ; et
l'on assûre que l'Armée Persane est plus nombreuse
que celle des Turcs. On apprend aussi
qu'on a tenu au Serrail un Divan , dans lequel
il a été résolu de conclure un nouveau Traité de
Paix avec la Perse , afin d'être en état de donner
du secours aux Régences de Barbarie , en cas
qu'elles soyent attaquées par quelque Prince
Chrétien.
On mande en dernier lieu de Constantinople
que la maladie contagieuse dont il y est mort
30 à 40000. personnes depuis le commencement
de Juin dernier , est entierement cessée , et que de
tous les Ministres Etrangers , il n'y a eu que
P'Ambassadeur du Roi d'Angleterre qui ait eu
quelques domestiques attaquez de cette maladie.
Les Députez de la Régence d'Alger qui étoient
venus demander du secours au G. S. à l'occasion
de la prise d'Oran par l'Armée Espagnole , sont
II Vol. partis
2898 MERCURE DE FRANC
partis pour retourner chez eux avec esperand
d'être secourus aussi - tôt qu'un nouveau Train
de Paix aura terminé la Guerre entre les Tur
et les Persans,
Dgianum Coggia , dont on avoit publié faus
sement la mort , est attendu à Constantinopl
pour être rétabli dans les fonctions de Capitan
Pacha.
Il y a près de deux mois qu'on joüit dans cett
Ville d'une parfaite tranquillité , ce qui fait
croire que les Jannissaires n'ont plus intention
de se soulever.
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Cons
tantinople , au commencement du mois
dernier.
Près avoir été fort long- tems dans l'incertis
Atude surles affaires de perse et sur lesbruis
confus et incertains qui couroient ici d'une nou
velle révolution arrivée dans ce Royaume , voici
enfin les dernieres nouvelles que l'on en a cues
par voye de Bagdad , et qui ont été envoyées
à la Porte par Achmet- Pacha , Gouverneur de la
même Ville.
la
Lors du Traité de Paix qui fût fait entre le
Grand- Seigneur , et Chah- Thamas , ce dernier
Prince en donna connoissance à Thamas-Kouly-
Kan , son premier Ministre , qui dans ce tems là
étoit à la tête de ses Armées contre les Aghuans.
On dit qu'alors Thamas- Kouly-Kan , soit parce
qu'il étoit bien aise de se préparer un prétexte
pour parvenir au projet qu'il méditoit , feignit
d'approuver ce Traité ; mais dans la suite , s'étant
rapproché d'Ispaham à la tête de son Ar-
11. Vol. mée
,
DECEMBRE . 1732. 2899
ñée , il blâma publiquement Chah Thamas , en
l'accusant d'avoir fait une paix honteuse , et dit
ouvertement qu'il ne consentiroit jamais qu'Erivan
Tiflis , le reste de la Georgie , et les autres
Places qui avoient été cédées aux Turcs , demeurassent
entre leurs mains ; ces plaintes de la
part du premier Ministre , produisirent d'abord
entre le Souverain e lui quelque division , mais
les ménagemens que Schah Thamas étoit obligé
de garder avec un Sujet puissant et maître des
Troupes , le firent consentir à une réconciliation ,
sous prétexte de laquelle Thamas Kouly - Kan
fut appellé à la Cour. Il s'y rendit avec plusieurs
Officiers de son Armée ; mais la premiere
démarche qu'il fit en y arrivant , soutenu par les
Partisans qu'il avoit en grand nombre auprès de
Schah Thamas , fut de se saisir de la personne
de ce Prince. On ne sçait pas bien encore s'il l'a
fait mourir , ou s'il s'est contenté de le faire
enfermer dans une prison , mais on assûre qu'il
a fait reconnoître pour Roi un jeune Enfant , fils
de Schab Thamas , et qu'il s'est fait nommer
lui même Regent du Royaume , et Generalissime
des Armées de Perse ; on ajoûte que c'est un
homme extrêmement belliqueux , d'un caractere
fort violent , qui paroît être dans le dessein d'enlever
aux Turcs géneralement toutes les Conquêtes
qu'ils ont faites sur les Persans , et qu'Achmet
Pacha a écrit à la Porte , que le G. S. n'avoit
point d'autre parti à prendre que de se préparer
à cette Guerre , et se mettre lui - même à la
tête de ses Troupes pour aller combattre en personne
un si puissant ennemi.
Ces nouvelles ont donné lieu à un Conseil ,
auquel ont assisté tous les Ministres et les princi
paux Officiers de la Porte , et dans lequel il a été
/
II. Vol. dé- H
290 MERCURE DE FRANCE
déliberé que le G. S. écriroir des Lettres à tous
les Gouverneurs des Provinces de Perse , pour les
exciter à prendre les armes pour vanger leur Souverain
légitime contre les entreprises de ce nouvel
usurpateur , avec promesse de la part de
S. H. de les soûtenir de toutes les forces de son
Empire dans une Guerre si juste.
RUSSIE.
Malgré lesreprésentations du Roi et de la République de Pologne , la Czarine a envoyé
ordre aux Commandans de ses Troupes
dans le Territoire de Smolensko , d'en faire partir
incessamment pour le Duché de Curlande up
Régiment d'Infanterie et un de Cavalerie , qui y
resteront jusqu'à la mort du Duc Ferdinand de
Curlande .
POLOGNE.
Es Traitez entre l'Empereur et la République
de Pologne ayant été renouvellés depuis le
départ du Roi , conformément aux Constitutions
de la Diette generale de 1726. S. M. a envoyé
des ordres au Major General de la Couronne
qui est actuellement à Constantinople ,
d'en donner part au Grand-Seigneur , et de représenter
à S. H. que le renouvellement de ces
Traitez ne devoit lui causer aucune inquiétude
parce que ce n'étoit plus une alliance offensive
et qu'on en avoit retranché Particle du Traité
de 1677. qui concernoit la levée des Troupes.
Il régne à Léopold et dans toute la Pologne
une fiévre épidémique , accompagnée des mêmes
symptômes que la fiévre qui préceda la derniere
II. Vol. maDECEMBRE
. 1732 2901
maladie contagieuse de cette Province , ce qui a
déterminé le Régimentaire de la Couronne à y
envoyer plusieurs Compagnies d'Infanterie et de
Cavalerie pour garder les passages , et empêcher
que personne ne sorte de la Province sans Certi
ficats de santé.
LE
ALLEMAG n e.
E 8. de ce mois , Fête de la Conception de
la Vierge , l'Empereur , accompagné du
Nonce du Pape et des Chevaliers de la Toison
d'Or , se rendit à l'Eglise Métropolitaine , et y
assista au Service Divin , celebré pontificalement
par le Cardinal- Archevêque de Vienne . Pendant
la Messe , le Recteur magnifique de l'Université
et les quatre Doyens des quatre Facultez , prêterent
Serment entre les mains de l'Evêque d'Antigonie
, Chancelier de cette Université , de défendre
et de soutenir l'Immaculée Conception de
la Sainte Vierge.
Pour prévenir l'entrée des mandians et autres
gens sans aveu dans la Ville de Vienne, on a publié
un nouveau Réglement qui défend aux Maîtres
des différens Métiers de recevoir chez eux aućuns
Compagnons qui ne soient munis de Certificats
de leur travail et de leur séjour chez des
Maîtres des autres Villes d'Allemagne .
Le nombre des Sujets de l'Evêque de Saltzbourg
qui se déclarent Protestans , augmente de jour en
jour , et il y en a déja plus de 1500. du District
de Berchtolzgaden qui demandent à sortir da
pays et à se retirer dans le Duché de Lawembourg
, où ils seront nourris et entretenus pendant
18 mois aux dépens du Roi d'Angleterre.
II. Vol. Hij ITA2502
MERCURE DE FRANCE
ITALIE.
N écrit de Rome que le 14 Decembre , on
publia au Palais du Quirinal , que le l'ape
avoit nommé le Cardinal de Motta , son Légat
à Latere , auprès du Roy de Portugal , afin de
terminer entierement les différends de S.M.Port,
avec le S. Siége,
Le 13.la Fete de sainte Luce fut célébrée avec
les cérémonies accoutumées , dans l'Eglise de
S. Jean de Latran , en mémoire de la conversion
du Roy de France Henry IV . de glorieuse mé
moire. La Messe fut célébrée par M. Fouquet ,
Evêque d'Eleutheropolis ; le Cardinal Ottoboni,
le Cardinal Belluga , le Duc de S. Aignan , Ambassadeur
Extraordinaire du Roy T. Čh . la Duchesse
son Epouse et ses Fils y assisterent , ainsi
qu'un grand nombre de Prélats. Après la Messe
PAmbassadeur donna dans son Palais un Repas
magnifique de 8 couverts , auquel se trouverent
le Card. Ottoboni , les deux Princes Corsini , lẹ
Pr. Vaini , le Duc Lanti, et plusieurs autres personnes
de distinction ,
On a appris de Naples que le Tremblement de
terre du 29 de Nov. dern. a causé beaucoup plus
de dommage qu'on ne le croïoit d'abord ; les
secousses ayant duré près de 15 minutes , sans
interruption , ce qui est sans exemple . , Aux deux
premieres Minutes , plusieurs Murailles furent
renversées , entr'autres , celle de l'Hôpital Royal,
quoique épaisse de plusieurs pieds . Les Eglises ,
les Monasteres et la plupart des Edifices publics
sont très- endommagez , ainsi que les Maisons
particulieres qui sont à demi découvertes et dans
II. Vol.
lesDECEMBRE.
1732 2903
lesquelles on n'entre qu'avec crainte . L'Eglise
Cathédrale s'est ouverte en quatre endroits ; celles
des Carmes , et des Religieux du Mont- Oliver
sont presque entierement ruinées ; le Pont de
Pierre , sur la Riviere de Carola est détruit jusqu'aux
fondemens , ainsi que le Château du Marquis
de Carise, sous lequel ce Marquis, son Epouse
, ses enfans et tous ses domestiques sont demeurez
ensevelis . Le Duc de Colli - Cervino qui y
étoit avec la Duchesse son épouse , en a été retiré
presque mourant ; ses deux filles y ont péri.
Aveilinc , Capouë , la Vallée de Benevent sont
encore plus endommagées.
On mande de Gallipoli , dans la Terre d'Otrante
, que le 1 de Dec. on s'y étoit apperçu
d'un tremblement de terre sous la Mer , dont
les Vagues étoient soulevées avec une violence
terrible , quoiqu'il n'y eut point de vent ; un
gros Vaisseau Anglois , nommé la Catherine ,
fit naufrage dans le Port ; ainsi qu'une Tartane
de Sorento.
ESPAGNE.
Na appris d'Oran , depuis les dernieres
nouvelles que nous en avons publiées , que
les Maures , dans l'action du 21 de Novembre ,
étoient au nombre de 32000 hommes y compris
leur Cavalerie , qui pouvoit monter à 7500
hommes. Les Troupes Espagnoles 'continuent de
travailler à combler les tranchées des Maures ,
principalement sur la Mazera ; élevation qui domine
le Château de Ste Croix , auquel les Maures
avoient fait quelques bréches , qu'on rétablit,
afin de mettre ce Fort à couvert de toute insulte.
On a appris par des Espions qui s'étoient intro-
II. Vol Hiij duits
2904 MERCURE DE FRANCE
duits dans Oran , et qu'on y a arrêtez, que l'Armée
des Maures étoit campée derriere une Montagne
, â deux lieues de cette Ville , Que dans
P'attaque du 21. Bigotillo et deux de ses parens
avoient été blessez ; que le fils du feu Dey d'Alger
, l'un des deux Generaux des Maures , se préparoit
à retourner à Alger avec ses Troupes , et
qu'il ne laisseroit à Bigotillo , que 45 Escoüades
de Turcs , qui font environ 8 à 900 hommes.
Les Lettres d'Oran , du 13 Decembre , portent
que les Maures s'étoient encore éloignez d'une
lienë du Camp qu'ils occupoient , depuis la levée
du Siége de cette Place , et que tous leurs mouvemens
faisoient croire qu'ils avoient dessein de
se retirer entierement ; que le 7 du même mois
on avoit transporté de la Maison de Don Philippe
Ramirez d'Arellans , Maréchal de Camp , l'Ïimage
miraculeuse de N. D, de Penna de Francia,
Patrone d'Oran , à l'Eglise Paroissialle de cette
Ville ; que cette Image avoit été portée pendant
la ceremonie par Don Jean-Ans. Perés d'Aréillano
, que le Roy et l'Archevêque de Tolede ont
nommé Vicaire General de la même Ville ; que
le Commandant de la Place , les Maréchaux de
Camp , les Colonels et les autres Officiers de la
Garnison , avoient assisté à la Procession , et le
lendemain à la Grande Messe , qui avoit été célébrée
dans la même Eglise. Certe Image avoit
été conservée dans la Maison de ce Vicaire General
, depuis la prise d'Oran , par les Maures
en 1707.
J
Le Marquis de Villadarias a été nommé par
le Roy , pour succeder au Marquis de Santa-
Cruz , en qualité de Gouverneur d'Oran ; et il
doit s'embarquer incessamment à Alicante , pour
se rendre à son Gouvernement . S. M. a aussi
II. Vel. nommé
DECEMBRE. 1732. 2905
nommé Lieutenant General de ses Armées , le
Duc de Liria , cy-devant son Ambassadeur Extraordinaire
auprès de la Czarine , et qui est acquellement
à Vienne.
*
Elle a accordé à la Marquise de Santa-Cruz qui
est revenuë d'Oran à Cadix avec toute sa famil
Je , une pension de mille Doublons ; une Com
manderie de 400 Doublons de revenu à son fils
aîné ; une Compagnie de Cavalerie à son second
fils , et une d'Infanterie à son troisiéme.
Par les Lettres d'Oran , du 16. de ce mois , on
apprend que la Garnison continuoit de travailler
aux Fortifications de cette Ville et des Châteaux ,
sans être inquiétée par les Maures , qui sont tou
jours dans leur même Camp.
Celles de Ceuta du 19. portent que 6co. Cavaliers
de l'Armée du Roy de Maroc , étoient
revenus près du Serrail , qui est voisin du Camp
qu'occupoit cy- devant le Détachement de la Cavalerie
et de l'Infanterie de ce Prince ; qu'ils tiroient
depuis huit jours sans discontinuer contre
la nouvelle Palissade qu'on a plantée près de leur
Camp , et qui est déja fort avancée , mais qu'on
A'avoit pu découvrir encore quel pouvoit être
leur dessein .
On a appris par les dernieres Lettres de Ceuta
du 30. Novembre, que les Troupes du Roy de Maroc
s'étoient retirées aussi des environs de cette Place,
et que les differens partis de Dragons envoyez à
la découverte par le Gouverneur de la Ville ,
étoient rentrez sans en avoir appris aucune nouvelle
; mais que la Garnison se tenoit toujours
sur ses gardes , crainte de surprise.
II. Vol Hij GRAN2906
MERCURE DE FRANCE
GRANDE BRETAGNE.
A Duchesse Doüairiere de Marlbourough , va
L'aire batir dans la Ville de 5. Albans , une
Maison de Charité , où elle retirera 40. pauvres
Familles , qui y seront pourvuès de tout ce qui
sera necessaire pour leur nourriture et pour leur
entretien ; les veuves et les enfans des pauvres
Officiers qui ont servi sous le feu Duc de Marlbourough
, seront préferéz à tous autres .
Le 18. de ce mois , on débarqua à la Tour de
Londres, 31 Cerfs , que le Roy à fait venir de ses
Bois d'Hanover , pour les mettre dans les Parcs
de Richmond et de Windsor.
****
MORTS , NAISSANCES
des Pays Etrangers.
L semble que dans ces derniers temps , Dieu
ait bien voulu par sa toute puissance , reculer,
les bornes ordinaires de la vie des hommes. Les
articles qu'on va lire justifieront cette Reflexion.
On apprend de Portugal , que la nommée
Brieres Rodrigues , veuve de Dominique Dias ,
mourut au commencement de ce mois , dans la
Ville de Palmelas , àgée de 123. ans .
Le nommé François Cordeiro , du Bourg de
Montes , prés de la même Ville , y est mort âgé
de 104. ans. et la nommée Antoinette Correa ,
âgée de 115,
Don Philippe Rocabert , Lieutenant dans le
II. Vol. Be
DECEMBRE. 1732. 2907
Régiment des Cuirassiers de Cordoue , mourut
le 8 Décembre , âgé de 114. ans.
On a reçu avis de Dublin , que M. Leland
Gentilhomine Anglois , étoit mort depuis peu
Lignasken , âgé de 140. ans , sans avoir jamais
ressenti la plus legere indisposition.
On écrit d'Anvers , que la femme d'un Fermier
près de cette Ville , étoit accouchée depuis
peu de son quinziéme fils , sans avoir eu de filles.
On assure que l'Empereur fera tenir sur les
Fonts le nouveau né , en son nom ,
cas singulier.
à cause de ce
Suivant les Extraits tirez des Registres Baptistaires
et Mortuaires , depuis le 25. Décembre
1731. jusqu'au 25. Décembre 1732. dont le
rapport en a été fait par les Clercs des diverses
Paroisses de Londres et de Westminster , on a
baptisé 9144 garçons et 8644 filles . faisant ensemble
17788. et il est mort 11655 hommes ou
garçons , et 11703. femmes ou filles , faisant ensemble
23358. par conséquent 1904. personnes
moins que l'année précedente ; on remarque que
parmi ceux qui sont morts , il y en a 9502. audessous
de deux ans ; 1517. entre deux et cinq
ans ; 716. entre 5. et 10 ; 611. entre 10. et 20 ;
1627. entre 20. et 30 ; 2175. entre 30. et 40 ;
2121. entre 40 , et so ; 1741. entre 50. et 60 ;
1581. entre 60. et 70 ; 974. entre 70. et 80 ;
660. entre 80. et 90 ; 121. entre 90. et 100 ; C
9. entre 100. et 10s.
11. Vol.
HV
FRAN2908
MERCURE DE FRANCE
FRANCE ,
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
LA
A veille de la Fête de la Nativité de
Notre Seigneur , le Roi revêtu du
grand Collier de l'Ordre du S. Esprit
se rendit à la Chapelle du Château de
Versailles , où S M communia par les
mains de l'Archevêque de Vienne , son
premier Aumônier : ensuite le Roi toucha
un grand nombre de malades.
Le 25. jour de la Fête , le Roi et la
Reine , qui après avoir assisté aux Matines
, avoient entendu trois Messes à minuit
, assisterent à la Grande Messe célebrée
pontificalement par l'Evêque d'Autun
, et chantée par la Musique.
L'après midi, L. M. entendirent la Prédication
du P. Julien , Religieux Recolet
, et ensuite les Vêpres chantées par la
Musique , ausquelles le même Evêque
officia.
Le 24 Décembre , le Roi accorda à
M. Mithon , Intendant de la Marine à
11. Vol. TouDECEMBRE.
1732. 2909
Toulon , un Brevet de Conseiller d'Etat.
Il y a long-tems que M. Mithon sert sa
Majesté dans differens postes, avec autant
de zele que de succès : Intendant à Saint
Domingue il a mis le bon ordre dans la
Justice , la Police , les Finances et le Commerce.
Il a donné une application particuliere
à la Religion et au Culte divin ,
faisant bâtir plusieurs Eglises dans une
Ville dont il a jetté les fondemens , et
que le tems perfectionnera. Rappellé en
France et Intendant de Toulon , depuis
plus de 13 ans , il s'est distingué par son
équité , par son désinteressement et par
un esprit de charité qui lui a acquis une
estime generale.
Lé 8 Décembre , Fête de la Conception
de la Vierge , il y eut Concert Spirituel
au Château des Tuilleries , où l'on chanta
PExaltabo te Deus , Motet de M. de la
Lande , qui fut suivi d'une Antienne à la
Vierge à grand Choeur , et après plusieurs
Piéces de Simphonies très - bien éxecutées
, le Concert finit par un autre Motet
du même Auteur .
Le 24 et le 25. jour de la veille et Fête
de Noël , on chanta le Motet Exaltabo
dont l'execution fit beaucoup de plaisir
la Dile Courvasier , de la Musique de la
ALL Vol.
Hovj Rai2910
MERCURE DE FRANCE
Reine , y chanta .pour la premiere fois
le récit Audivit , qui fut très- applaudi .
On joua une suite d'Airs des plus beaux
Noëls du sieur Correte , accompagnez
de
la Musette et de la Vielle des sieurs Charpentiers
et Danguy , dont l'exécution fut
parfaite. La Dile Courvasier et l'Abbé
Benoît chinterent ensu te un Moret à
deux voix , de M. Mouret , avec autant de
goût que de précision ; ce Concert fut
terminé par le Cantate , dans lequel la
Dlle Lenner chinta le beau récit Viderunt
avec beaucoup de juste se.
Le 27 il y eut Concert François , on y
chanta l'Apotheose d'Hercule , Divertissement
de M. Campra , qui fut suivi d'une
Cantatille de M. Mouret , que la Dile
.Courvasier chanta avec applaudissement ;
la Dlle Bourbonnois en chanta une autre
du même Auteur qui ne fut pas moins
applaudie. On y éxecuta aussi le Prologue
du Ballet des Fête deThalie du même
Auteur, le Concert fut terminé par le Te
Deum de M. de la Lande.
11 y aura à l'avenir Concert tous les Samedis
de l'année 1733 à commencer par
celui du 3 de Janvier.
Le 13 Décembre , les Comédiens Italiens
représenterent à la Cour la Vie est
11. Vol
442
DECEMBRE. 1732. 1911.
un Songe , Piéce Italienne , traduite en
Vers par M. de Boissy , et la petite Comédie
d'Arlequin poli par l'Amour.
Le 20. les Amans réunis , et Arlequin
au Parnasse , ou la Folie de Melpomene
Parodie de Zaire.
Le Mardi 16 Décembre les Comédiens
François représenterent à Versailles
Jodelet Maître et Valet , et Georges- Dan
din .
1 :
Le 18. Zatre et l'Avocat Patelin.
Le 23. L'Audrienne et le Deuil.
Le 24 Décembre la Lotterie de la
Compagnie des Indes , établie pour le
Cremboursement des Actions , fut tirée en
la maniere accoûrumée à l'Hôtel de la .
= Compagnie. La Liste des Numeros gagnans
des Actions et dixièmes d'Actions
qui doivent être remboursées , a été ren-
= due publique , faisant en tout le nombre
de 319 Actions.
II. Fel CE
2912 MERCURE DE FRANCE
CEREMONIE de la Benediction des
quatre nouvelles Cloches de Abbayt
Sainte Geneviève.
La éré parlé dans le Mercure du mois
d'Octobre de deux Cloches bénites à
Sainte Geneviève au mois de Septembre
dernier par l'Abbé de cette Abbaye : voici
ce qui s'est passé pour la bénédiction de
celles qui restoient.
Le Corps de Ville de Paris s'étant volontiers
engagé de les nommer , on avoit
fait inscrire sur ces Cloches les noms et
les Armoiries de chacun de ces Mrs comme
Parrains , on avoit pris la même précaution
au sujet des Titres , Qualitez et
Blazon de Madame la Comtesse deTrémes
qui devoit être là Maraine.
Pour fixer le jour de la Cerémonie , les
Chanoines Réguliers de Sainte Geneviève
firent une députation à la Ville de huit
Religieux ; ils furent reçûs le 22 Novembre
à la premiere Porte de l'Hôtel de Ville
par les Huissiers en Robe , lesquels les
ayant conduits jusqu'au haut de l'escalier,.
deux Echevins , qui étoient venus au devant
, les introduisirent , et les firent placer
vis-à- vis M. le Prévôt des Marchands.
11 Vol.
après
DECEMBRE . 1732. 2913
après quelques révérences à Mrs de Ville
qui étoient debout .
2
La Compagnie ayant pris séance , le
Prieur de Sainte Geneviève , Chef de la
députation , complimenta ces Mrs sur le
zele , qu'à l'exemple de leurs Ancêtres
ils témoignoient pour la gloire de la Patrone
de Paris , et les remercia de la nouvelle
preuve qu'ils en donnoient dans la
conjoncture présente. Le Discours fini ,
le Procureur du Roi prit la parole , et rap
pellant les bienfaits obtenus par l'intercession
de Sainte Geneviève , loüa le zele
des Religieux à prier continuellement pour
les besoins publics . Le Prévôt des Marchands
résuma ensuite ce qu'on venoit de
dire , et répondit que Mrs de Ville , et
lui en particulier , s'estimoient heureux
de donner cette marque de leur veneration
pour la Patrone de Paris , et de con
courir ainsi à la splendeur de l'Office Divin
dans une Eglise où les Citoyens ont tou
jours éprouvé les faveurs du Ciel ; ik ajoûs
ta quelques mots obligeans pour les Cha
noines Réguliers , et fixa le jour de la Cé◄
rémonie au 27 Novembre , à dix heures
du matin. La Compagnie s'étant levée
les Religieux furent reconduits par les
deux Echevins qui les avoient reçûs .
Le jour de la Cerémonie ainsi arrêté
11. Vol. Mrs
2914 MERCURE DE FRANCE
Mrs de Ville prirent des mesures pour ob
tenir du Roi la permission d'assister à
cette Benediction en grand habit de cerémonie
( comme cela se pratique en pareille
occasion ) le Roi eut la bonté de l'ac
corder.
Le 27 Novembre , le Prévôt des Marchands
, les Echevins et le Procureur du
Roi , se rendirent à l'Hôtel de Ville revêtus
de Robbes de Velours , usitées seulement
dans les plus grandes solemnitez ;
ils en partirent en Carosse , précedez de
quelques Archers de Ville , les autres Archers
ayant le Commandant à leur tête ,
marchoient aux côtez des Carosses , lesquels
étoient suivis de plusieurs autres
Ĉarosses où éroient les principaux Officiers
, et le Colonel des 300. Archers de
Ville.
Mrs de Ville arriverent à 10 heures à
l'Abbaye , et furent d'abord conduits dans
une grande Sale où ils se reposerent pendant
quelque tems . Ils se mirent ensuite
en marche , précedez de leurs Huissiers ,
en Robe mi-partie de rouge et de bleu
accompagnez de l'Etat- Major et des Gardes
en habits d'Ordonnance neufs , ce qui
formoit un grand et pompeux Cortege ,
au bruit des Tambours et des Hautbois ,
et au son des deux premieres Cloches nou
vellement bénites.
DECEMBRE. 1732. 2915
Ces Mrs continuerent leur marche vers
P'Eglise parmi une foule innombrable de
peuple , et une grande quantité de pauvres
à qui on fit distribuer des aumônes
considérables. Ils furent reçûs à l'Eglise
et complimentez suivant la coûtume des
grandes cerémonies ; puis ayant passé au
milieu de la Communauté qui étoit en
haye dans la Nef , ils furent placez sur la
gauche d'un Autel qu'on avoit dressé exprès
, et qui étoit adossé à la porte du
Choeur. Un excellent Concert d'instrument
se fit entendre en même tems , et
ne discontinua point pendant la cerémonie.
La Comtesse de Trêmes arriva peu de
tems après dans un grand Carosse drapé ,
qu'environnoient 30 Valets de pied , cette
Dame étoit en Robe de Cour , préce
dée de ses Pages , de quelques Ecuyers , et
accompagnée de plusieurs Dames de distinction.
Les Chanoines la reçûrent en cerémonie
, elle se plaça ( après avoir été
saluée du Corps de Ville ) auprès du Prévôt
des Marchands et des Echevins ; les
anciens Echevins ( qui étoient en exerci-
Ice quand le Corps de la Ville délibera de
nommer les quatre Cloches ) furent placez
sur la même ligne , de même que les
Conseillers de l'Hôtel de Ville. On avoit
Il. Vel ta
2916 MERCURE DE FRANCE
ri
n
tapissé toute la façade de l'Eglise , pour
annoncer une solemnité extraordinaire
et on avoit couvert de grands tapis da
pied tout le pavé depuis la premiere por
te de l'Eglise jusqu'à celle du Chaur
où étoit l'Autel dont on a parlé.
r
d
d
t La Nef , destinée pour la cerémonie
avoit été ornée par le sieur Guillemont
Tapissier du Clergé et de la Ville , d'une P
maniere fort ingenieuse , de même que
P'Autel , qui étoit orné de 36 grands
Chandeliers d'argent garnis de gros cier
ges aux Armes de la Ville. Vis- à- vis l'Au
tel étoit un magnifique Lustre de cristal
à 18 branches qui donnoit une lumier
des plus brillantes . Au dessus de l'Autel
s'élevoit un magnifique Dais de Velours
brodé d'or , avec un assortiment relatif
orné de Cartouches historiques et symbo
liques , aussi brodez d'or , qui venoient
aboutir au Retable de l'Autel.
Cet Aurel étant placé au fond du mi
lieu de la Nef , il restoit aux deux côtez
un intervale considerable : le tout formoit
une face entiere ornée de tapisseries
semées de Fleur-de- lys d'or , ce qui fai
soit une supe be décoration et un beau
point de vue. On avoit pratiqué une
Tribune sur le Jubé , qui est entre le
Choeur et la Nef , pour la Reine Douai-
II. Vol. riere
DECEMBRE . 1732 2917
tiere d'Espagne ; tout le dedans étoit orné
de Damas cramoisi , le devant fermé
vec des rideaux de la même étoffe , et
T'appui du dehors paré d'un tapis brodé
d'or : la suite de S. M. C. occupoit le reste
"du Jubé , qui étoit aussi orné à proportion
.
Un Amphitheatre de six Gradins occupoit
les deux aîles de la Nef , ils étoient
couverts de Tapis de Perse et de verdure
les Pilliers étoient aussi ornez d'étoffes
depuis les Chapitaux jusqu'au pavé. Cet
Amphithéatre , parallele à la longueur de
la Nef , venoit de chaque côté se termi
ner circulairement à la Porte de l'Eglise .
On avoit pratiqué une autre Tribune à
côté du Jubé des Orgues , qui est audessus
de cette Porte , presqu'au niveau
du Jubé , pour y placer une partie des
Musiciens et des Simfonistes , et le retour
de cette Tribune joignoit les premiers
pilliers de la Nef. Le sieur Dornel , Organiste
de l'Abbaye , fit éxécuter différens
morets de sa composition , convena
bles à la solemnité de la Cerémonie , par
un excellent Choeur de musique composé
de plus de 80 personnes.
On avoit construit au milieu de la
Nef, un quarré de charpente de 20 pieds
de long sur 14 de large , élevé dans une
II. Vol.
juste
2918 MERCURE DE FRANCE
juste proportion , et soutenu par 12 Co
lomnes couvertes de Satin blanc , sur lequel
étoient contournez de distance en
distance des cordons à glands d'or.Le Plafond
de cette Charpente étoit couvert de
Damas cramoisi , et le dessus orné de riches
Tapisseries de verdure. Les pentes
collaterales étoient bordées de franges d'or
en Feston , avec des Aigretes touffues et
panachées aux quatre coins de l'Edifice ,
qui représentoit un somptueux et magni.
fique Dais.
C'est dans cette Charpente qu'on avoit
suspendu les quatre Cloches , disposées
sans se toucher , et sans pouvoir presque
connoître à quoi elles tenoient , les differentes
étoffes dont elles étoient ornées ,
avoient caché les cordages , les poulies , et
les autres machines , &c . Une Toile de
Batiste des plus fines , ornée d'une dentelle
de deux pieds de hauteur et d'un
goût exquis , couvroit les Cloches d'une
maniere également simple et noble.
Une étoffe rouge placée entre les Cloches
et la Toille , relevoit encore la beauté de
la dentelle .
Ce n'est pas le seul ornement dont Mrs
de Ville auroient voulu décorer les nouvelles
Cloches , si le tems limité avoit pû
le leur permettre. Pour suppléer à cette
II. Vol.
amis
DECEMBRE . 1732. 2919
mission , ils font faire actuellement à
Lyon un Drap d'or des plus précieux pour
de magnifiques Ornemens , qui ne serviront
à l'Eglise de Sainte Genevieve
qu'aux jours des Fêtes les plus solemnelles.
L'Abbé de Sainte Geneviève commença
la Cerémonie par une Messe basse .
pendant laquelle le Choeur de Musique
chanta un très - beau Motet. Après la
Messe l'Abbé alla prendre ses Habits Pontificaux
, il revint accompagné de treize
Officiers magnifiquement revêtus , quatre
en Tuniques et neuf en Chapes. Les
Officiers de Justice de l'Abbaye en Robe
parurent en même tems . L'Abbé , selon
ce qui est marqué dans les Rituels , alla
aussi -tôt demander sous l'invocation de
quels Saints les Cloches seroient bénites ;
et cette Rubrique accomplie il tinta chaque
Cloche trois fois , la Comtesse de
Trêmes et le Prévôt des Marchands firent
la même chose , les autres Magistrats tinterent
chacun séparément ; pour faciliter
cet essai de sonnerie , on avoit attaché
plusieurs cordons tissus d'argent , relevés
par des houpes très riches , aux battans
des Cloches .
Differents Pseaumes furent chantés pendapt
cetteCerémonie , soit en Plein-Chant,
I. Vol. avec
2920 MERCURE DE FRANCE
avec l'Orgue , ou en Musique . Les fanfa
res des Trompettes et des Hautbois ac
compagnoient et animoient ce chant. Les
Antiennes préliminaires aux Pseaumes
étoient toujours entonnées à l'Officiant
par le Grand- Chantre qui présidoit au
Choeur avec le Bâton de son Office. L'Abbé
termina la Cerémonie par la Benediction
qu'il donna pontificalement. Il alla
ensuite remercier la Comtesse de Trêmes
et Mrs de Ville , qui répondirent de la
maniere la plus gracieuse.
- La Comtesse de Trêmes fut reconduite
par les Chanoines jusqu'à son Carosse et
Mrs de Ville furent conduits dans un
Appartement de l'Abbaye , où ils ассер-
terent le dîner qu'on leur avoit fait préparer.
Une multitude prodigieuse de eu
ple , qui n'avoit pu être témoin de cette
Cerémonie , s'empressa d'entrer dans l'Eglise
, qui fût ouverte jusqu'au soir pour
satisfaire à la curiosité publique.
11. Vol. MORTS .
DECEMBRE. 1732. 2921
MORTS , NAISSANCES
& Mariages.
R J. B. Deloubere , Receveur Ge-
MRneral des Finances de la Generalité
P'Orleans , mourut âgé de 72 ans , le 25.
Decembre.
François Camille de Neufville Villeroy,
Duc d'Alincourt , Baron de S. Marc.et
Marais , Mestre de Camp du Regiment
de Villeroy , Cavalerie , et Lieutenant de
Roi au Gouvernement de Lyonnois et
Beaujolois , mourut à Paris le 26 Decembre
dans la 33 année de son âge , extrêmement
regretté ; il ne laisse qu'un fils
âgé de 17 mois de son Mariage avec N. de
Bouflers ; il étoit fils du Duc de Villeroy,
et frere cadet du Duc de Retz.
Joseph de Lesqueu de Villemeneust
Brigadier des Armées du Roi , et Commandeur
de l'Ordre Royal et Militaire
de S. Louis, mourut à Paris le 28 agé de 59 ans.
Dame Françoise Herbert de Poiws de
Montgomery My Lord Kenneth Makenzie
, Marquis de Scaforth , Pair d'Ecosse,
Chevalier de l'ancien Ordre de S. André,
II.Vol. dir
2922 MERCURE DE FRANC
dit du Chardon , Conseiller Privé du fe
Roi Jacques II. mourut à Paris le 26 c
ce mois , agée d'environ 80 ans. Elle éto
fille du Lord Guil . Herbert de Montgo
mery , Duc de Powis , Pair d'Angleterre
Chevalier de l'Ordre de la Jarretiere
Grand-Chambellan du Roi Jacques II. e
de Dame Elizabeth de Somerset , fille ca
dette du Marquis de Worcester , ayeul pa
ternel du Duc de Beaufort. Elle a eu de
son mariage avec le Marquis de Scaforth,
le Lord Guill . Mackenzie Marq de Sca
forth , et My Lady Marie Mackenzie
veuve du Lord Jean Caryll.
Le 27 , mourut René Delatour , Marquis
de Soyens , de Montauban , dans la 53. an
née de son âge.
Henry-Charles du Cambout de Coislin,
Evêque de Metz , Duc de Coislin , Pair
de France , Prince du S. Empire , Baron
des anciennes Baronies de la Roche Bernard
et de Pontchateau , Pair et Président
des Etats de Bretagne , Premier Baron de
Champagne , Premier Aumonier du Roi,
Commandeur de l'Ordre du S. Efprit ,
Abbé de l'Abbaye de Bocherville , l'un
des Quarante de l'Académie Françoise et
Honoraire de celle des Inscriptions et
Belles-Lettres , mourut à Paris le 28 Decembre
dans la 69 année de son age. Il fut
II. Vol.
porté
DECEMBRE. 1732. 2923
porté en grand convoy dans l'Eglise Paroissialle
de S. Sulpice , d'où après les Céremonies
ordinaires , il fut transporté en
celle des Religieux Pénitens , dits de Nazareth
, pour y être inhumé dans la Sépulture
de sa Maison.
La nouvelle de sa mort étant arrivée à
Metz , Les Vicaires Géneraux du Diocèse
ordonnerent aussi - tôt des Prieres pour le
repos de son ame , par un Mandement datté
du 2 de ce mois , dans lequel ils s'expriment
en ces termes :
» Le Clergé a perdu en sa personne un
» Chef vigilant et attentif au maintien de
» la Discipline ; les Pauvres, un Pere ten-
» dre et compatissant à leurs miseres , qui
» tenoit sans cesse les mains pleines et ou-
>> vertes à tous leurs besoins ; le Public,un
» grand Seigneur qui a laissé après lui des
» Monumens d'une magnificence égale-"
» ment utile au bien spirituel et tempo-
» rel des Habitans de cette grande Ville et
>> de toutes nos Provinces : nos larmes sont
» donc justes, et la Religion les authorise
» &c. A CES CAUSES & c .
M. le Duc de Coislin a laissé sa Bibliotheque
de Livres manuscrits , dont le
fonds venoit du Chancelier Seguier son
Bisaycul maternel , à l'Abbaye de S Germain
des Prez , où elle étoit en dépôt de-
11. Vol.
.I puis
2924 MERCURE DE FRANCE
puis plusieurs années. Il y a environ 400
Manuscrits Grecs dont le P. de Montfaucon
a donné le Catalogue en 1715. sous le
titre de Bibliotheca Coisliana. 400 autres
Manuscrits Orientaux , Hebreux , Arabes,
Cophtes , Ethiopiens , Arméniens &c. et
plusieurs autres Manuscrits dans les Langues
de l'Europe sur differentes matieres :
ce qui fait en tout environ trois mille Manuscrits.
Le 20 de ce même mois les Religieux
de l'Abbaye Royale de S. Germain des
Prez célébrerent dans leur Eglise un Service
des plus solemnels pour le repos de
l'ame de ce Prélat , qui les avoit toujours
honorez de son amitié et de-son estime.
Plusieurs Seigneurs et Dames de la premiere
distinction assisterent à ce Service.
A leur tête étoient le Prince Charles de
Lorraine , Grand-Ecuyer de France , le
Prince de Lambesc , le Prince de Pons , le
Comte de Roussi qui faisoit les honneurs,
le Duc de Danville , le Comte de Donges
&c. Ces Princes et Seigneurs, qui avoient
aussi assisté au Convoy funébre , dînerent
dans le Monastere après le Service.
Dame Laure de Fitjames , Epouse de
Joachim- Louis de Montagu , Lieutenant
Général pour le Roi de la Province d'Aus
II. Vel
vergne
DECEMBRE. 1732. 2925
vergne et Pays de Cambrailles , Gouver
neur de Brouage , accoucha le 2 Décembre
d'un fils , qui fut nommé Joachim-
François - Xavier par Joachim - Louis de
Montagu de Beaune , Marquis de Bouzols
& c. Chevalier des Ordres du Roi , Lieutenant
Général des Armées de S. M. et
par D. Anne de Bulkelcy , Epouse du
Maréchal Duc de Berwik .
Dame Françoise de Gontaut de Biron
Epouse de Jean- Louis d'Usson , Marquis
de Bonnac , Conseiller d'Etat d'Epée
Ambassadeur du Roi en Suisse , accoucha
le 18 au matin d'un garçon qui
fut baptisé le même jour dans l'Eglise
Collégialle de S. Ours et S. Victor de la
ville de Soleure, et nommé Victor Timoléon.
Ley de ce mois , Le Roi signa le Cons
tract de Mariage du Duc d'Hostun , fils
du Duc de Tallard, Chevalier des Ordres
du Roi , et de Marie - Louise de Rohan
Soubise, avec Mademoiselle de Prie , fille
unique du Marquis de Prie , Chevalier
des Ordres du Roi. La Céremonie des
fiançailles se fit dans l'Apartement du
Cardinal de Rohan , Grand-Aumonier de
France. Le 21 de ce mois et la nuit de ce
jour- là , l'Archevêque de Rouen donna
JL. Vol Iij
2926 MERCURE DE FRANCE
la Bénédiction nuptiale aux nouveaux
Epoux dans la Chapelle du Vieux Louvre,
en présence du Cardinal de Rohan et d'une
très-illustre Assemblée de Parens ; les
nouveaux Epoux furent présentez au Roi
et à la Reine , et la jeune Duchesse d'Hostun
prit possession du Tabouret .
La nuit du 29 au 30 de ce mois , M.
Herault , Conseiller d'Etat , Lieutenant
General de Police &c . épousa en secondes
nôces Mademoiselle Moreau de Sechelles,
fille de l'Intendant de Flandres.
ADDITION.
Nblic ,que Charles Osmont, Libraire ,
Ous . sommes priez d'avertir le Purue
S, Jacques , à l'Olivier , donnera au
mois de Février 1733. les quatre premiers
volumes de la nouvelle Edition du Glossaire
Latin, de M. du Cange, par les RR .
PP. Benedictins.
RECHERCHES INTERES SAN TE S Sur
l'origine, la formation , le dévelopement,
la propagation , la structure , &c. des diverses
especes de Vers à tuyau , qui infestent
les Vaisseaux , les Digues , &c . de
quelques- unes des Provinces- Unies. Par
11. Vel
M.
DECEMBRE. 1732: 2927
M. P. Massuet , Docteur en Médecine .
Ce qui n'est ni moins important , ni
moins curieux , c'est qu'on a joint à cet
ouvrage les Procès verbaux qui ont été
dressez par les Inspecteurs des Digues ,
au sujet des dommages causez par les
Vers,avec leurs differentes figures enTaille
douce , gravées d'après natute. In 8º¸
A Amsterdam , chez F. Changuion .
Le St Curé, chez qui les Curieux trouveront
les 24 Médaillons du Parnasse
François , indiquez dans le Mercure de
Novembre dern.demeure ; au bas du Quay
Pelletier , au Chapeau rouge , à Paris.
DESCRIPTION de la Voute de la Cha
pelle de la Vierge de S. Sulpice , peinte
à Fresque , par M. François le Moyne ,
Peintre ordinaire du Roy. On sçait assez
en France et dans les Pais Etrangers le
rang distingué que cet habile Maître tiens
dans l'Académie Royale de Peinture eð
Sculpture.
L
A Coupolle de la Chapele est ovalde
le ; elle porte dans son grand diamettre
47 à 48 pieds , sur 3 de large : de
la Corniche au sommet de la Voute
19 pieds de renfoncement ; ce qui pro-
II. Vol. Liij duis
#928 MERCURE DE FRANCE
duit 70 pieds de développement sur la
longueur du grand diamettre , et 54 sur
la largeur ; du Rez - de - chaussée à la
seconde Corniche , 56 pieds de haut , et
19. de cette Corniche au sommet , ce qui
fait en tout 75 pieds de hauteur.
Les Figures qui paroissent sur une Terrasse
, près de la Corniche , ont 12 pieds
de proportion , et les autres Figures diminuent
selon leur Plan et selon les Regles
de l'Optique .
Le sujet represente la Sainte Vierge
assise sur un nuage , implorant le Seigneur
, sous la figure d'une grande lumiere
, avec S. Pierre d'un côté, et S.Sulpice
, Patron de la Paroisse , de l'autre
qui intercede auprès de la Sainte Vierge ,
en faveur du Peuple placé au dessous
joignant ses prieres à celles du S. Patron
pour le salut des Paroissiens , et pour
soulagement des Oppressez , des Malades,
des Orphelins , & c.
2
le
La Vierge est environnée d'Anges en
adoration , la regardant comme leur Reine
; quelques- uns portent les différens attributs
qui leur appartiennent; et d'autres
Groupes d'Anges forment un Concert de
Voix et d'Instrumens en son honneur
ce qui se trouve dans la partie opposée
au principal sujet. Ce Concert , pour le
II. Vol.
dire
DECEMBRE. 1732 2929
dire en passant , forme un Groupe admi
rable par son contraste et la suavité done
il est peint ; et ce n'est peut-être pas dans
ce grand et magnifique Ouvrage , ce qui
attire le moins les yeux des Connoisseurs
intelligens.
Dans les deux côtez , en regardant le
principal sujet, on voit à gauche les Vierges
qui se sont mises sous la protection de
Ia Sainte Vierge , lesquelles reçoivent des
Palmes de la main d'un Ange. A la droire
, dans la partie opposée , sont les Peres
de l'Eglise et les Chefs d'Ordre qui ont
écrit des Grandeurs de la Mere de Dieu.
Tout cet Ouvrage a été fini au mois de
Septembre dernier , et il a été rendu public
le premier Dimanche de l'Avent,
Il a attiré un tres-grand concours , et
quoique la plus severe Critique ait pû faire
, et que la modestie de l'Auteur même
lui ait fait avouer qu'il y avoit bien des
choses à désirer dans son Ouvrage ,le plas
grand nombre des gens équitables et
éclairez sont convenus , malgré les discours
et les raisonnemens vagues et peut
être partiaux , qu'on ne peut guéres voit
un plus beau morceau de Peinture en
France.
DESCRIPTION ABREGE' de la Carte ge
erale de la Monarchie Françoise , contenant
II. Vel I ij P'His2930
MERCURE DE FRANCE
P'Histoire du Militaire ancien et moderne , depuis
son origine jusqu'au 15. Février 1730. divisée
en vingt Tables ou Feuilles , enrichies de
Tailles -douces , dessinées , gravées et imprimées
par les plus habiles Maîtres. Inventée et présentée
au Roy le 17. Février 1730. par le sieur
LEMAU DE LA JAISSE , de l'Ordre de
S. Lazare , et ancien Officier de S. A. R. feuë
MADAM E. Sçavoir.
Douze Feuilles pour le dedans de la Carte , sept
pour la Bordure, et une du Titre et Avertissement.
1. Feuille du dedans , grand Dessein Allegorique
du Frontispice , la Dédicace au Roy , et le
Titre de tout l'Ouvrage , orné de Minerve dans
sa gloire , d'Arcs de Triomphes , et des Fortraits
du Roy , de la Reine , d'Henry IV. Chef de la
Maison Royale de Bourbon , regnante , et de
Louis XIV . Bis- Ayeul de SA MAJESTE' .
2. Nouvelle Histoire abregée de la vie des 65 .
Rois de France , avec leurs Portraits , depuis la
fondation de la Monarchie dans les Gaules , jusqu'à
la fin du Regne de Louis le Grand.
3. Chronologie des Grands et Premiers Offi→
ciers Militaires de la Couronne , et des Grands et
Premiers Officiers du Militaire de France , depuis
l'an 978. avec les Chevaliers Commandeurs
des Ordres du Roy , depuis leurs Institutions et
Promotions , jusqu'au 15. Février 1730.
4. Vue et Description de Paris , Chronologic
des Rois de France ; Tige et Généalogie de la
Maison Royale de Bourbon , avec l'origine et la
création des quatre Compagnies des Gardes du
Corps du Roy , de celles des Gendarmes , des
Chevaux - Legers et des Mousquetaires de la Garde
; ensemble celle des Grenadiers à Cheval , détaillées
depuis leur Institution , avec les noms et
dattes des Brévets des Officiers en tête.
II. Vel.
DECEMBRE. 1732. 2931
5. Vue et Description du Château Royal de
Versailles , séjour ordinaire du Roy , Les Généa →
logies et Alliances des cinqBranches de la Maison
Royale de Bourbon , depuis Henry IV . jusqu'à
présent , avec l'origine et la création des seize
Compagnies des Gendarmes , et des Chevaux - Legers
de la Gendarmerie , détaillée depuis leur
Institution , avec les noms et dattes des Brévets
des Officiers .
6. et 7. Le détail et les rangs des cent- vingt
Régimens d'Infanterie Françoise et Etrangere , à
la tête desquels sont les Gardes Françoises et
Suisses de la Maison duRoy , ensuite Picardie premier
Régiment , &c . depuis leur création et institution
, avec l'origine de la premiere Intanterie
et les noms et dattes des Brévets de leurs Officiers
Generaux et Principaux.
୨ 8. et 9 L'origine , le détail et les rangs des cinquante
neuf Régimens de la Cavalerie legere Françoise
et Etrangere ; des quinze Régimens de Dragons
et les noms et dattes des Brevets de leurs
Officiers Generaux et Principaux , avec les Troupes
formées en 823. Compagnies Françoises et
Etrangeres , composées de Batailions , d'Escadrons
et de Brigades. Sçavoir , les cent Suisses ordinaires
du Corps du Roy , les Gardes de la Porte
du Louvre , et les Gardes de la Prévôté de l'Hôtel
du Roy , ou Hocquetons de Sa Majesté , qui
sont de la Maison du Roy , les Cadets Gentilshommes
, l'Hôtel Royal des Officiers et Soldats
Invalides , les Milices du Royaume , les Compagnies
franches et de Partisans , tant à pied qu'à
cheval , la Compagnie de la Connétablie de France
, celle de la Prévôté generale des Monnoyes
de France , et les Compagnies des Maréchaussées
du Royaume , depuis leur création et institution ,
avec les noms et dattes des Brévets de leurs Officiers,
I
10
"
2932 MERCURE DE FRANCE
10. Les Maréchaux de France ; les Lieutenans;
Géneraux et Maréchaux de Camps des Armées.
du Roy , les Brigadiers d'Infanterie , de Cavalerie
et de Dragons ; les Gouverneurs et Lieutenans
Généraux des Provinces ; avec les Armoiries en
Blazon de chaque Province ; et les Maréchaux
Generaux des Logis , des Camps et Armées du
Roy , nommez jusqu'au 15. Février 1730. ensemble
le nombre general des Officiers des Etats.
Majors des Villes fortes et Places de Guerre , avec .
leurs créations et dattes des Promotions.
>
11. Commencement de l'Histoire abregée du
Regne de Louis XV. jusqu'au 15. Février 1730.
le détail et les Institutions des Ordres Royaux
Militaires et Hospitaliers de Notre- Dame du
Mont Carmel et de S. Lazare de Jerusalem . Le
Corps de l'Artillerie de France , détaillé depuis .
son origine ; celui des Officiers Ingénieurs ordinaires
du Roy; la création et lanomination de la .
Dignité de Ministre et Sec. d'Etat de la Guerre;
les Intendans et Commissaires départis du Roy ;
les grands Baillifs et Sénéchaux d'Epée , avec leurs .
Lieutenans ; les Commissaires ordinaires Provinciaux
des Guerres , et géneralement tous les Officiers
principaux en charge brévetez, et par Com
mission du Roy , attachez au Militaire de France,
depuis leur Création et Institution ..
12. Dénombrement géneral des Officiers , tant
en pied que réformez , et des Troupes de France
sur pied , le 15. Février 1730. avec le nombre des
Officiers de chaque Corps de Troupes en particulier
et en general ; l'abregé des Statuts et Institutions
des Ordres du Roy ; le trophée des Grades
, honneurs et récompenses Militaires des .
Officiers ; la Vûë et Description de l'Hôtel Royal
des Invalides, depuis sa fondation jusqu'à present;.
P'Institution et le détail de l'Ordre Royal et Mi-
II. Vd. litaire
DECEMBRE. 1732. 2933
pour
litaire des Chevaliers de S. Louis, par Louis XIV.
honorer la valeur de ses Officiers ; les origines
et changemens arrivez jusqu'à présent dans
les Corps de Troupes qui subsistent ; et les observations
pour la Regle et la discipline des Troupes
, extraites des Ordonnances du Roy et des
Archives respectables de la Chambre des Comptes
de Paris , avec les noms des Auteurs Militai
res , anciens et modernes , dont les Ouvrages ont
servi à la compilation et composition de cette
Carte...
On trouvera au bas des trois dernieres feuilles
les Batailles mémorables , gagnées par les François
, depuis le commencement de la Monarchie
jusqu'à présent ; avec le vrai caractere d'un parfait
Homme de Guerre.
La grande Bordure de cette Carte contient sept
feuilles , ou Tables en Tailles- douces , de pareillegrandeur
, qui comprennent cent- dix Plans des
principales Places de Guerre et Villes maritimes
Frontieres du Royaume , distinguées par Dépar
temens et Gouvernemens Géneraux des Provin--
ces , avec la Description, l'Etat Major , et les Armoiries
en Blazon de chaque Place , et leur distance
de Paris , ainsi de l'une à l'autre ; la: que
Description génerale desRoyaumes de France et
de Navarre , d'un côté , et de l'autre celle du
Royaume de Pologne , d'où est sortie notre Au--
guste Reine ; l'Etat géneral des Garnisons ordinaires
de Gardes à Cheval , Hallebardiers et hom. ·
mes de Guerre à pied , attachez aux Gouverneurs;
et Lieutenans Géneraux des Provinces du Royaudétaillé
depuis leur ancienne Institution jusqu'à
présent ; les quatre coins de la grande Bor--
dure de cette Carte , sont terminez par les Figu
res allégoriques des quatre principaux Vents du
Levant ,du Couchant du Midy et du Septentrion ,,
me ,
•
L-IS.Vely. CA
2934 MERCURE DE FRANCE
en forme de Renommée,aux Trompettes et Bairderolles
de France et de Navarre , en Taille-douce;
on trouvera aussi au haut de la premiere Feuille
de cette Bordure , le modele de l'effet ou de la réduction
de la grande Carte rassemblée dans toute
son étenduë , avec deux Tableaux aux côtez
pour l'Instruction nécessaire à son usage, gravez
en taille-douce .
On a eu soin de graver au -dessus de la Maison
Militaire du Roy , de la Gendarmerie , de
l'Infanterie, de la Cavalerie Françoise et Etrange
re , et des Dragons , ainsi que des Troupes formées
en Compagnie , les differentes figures armées
, tant à pied qu'à cheval , avec leurs Trophées
d'armes anciennes et modernes;et au milieu
de chaque Corps de Troupes, la forme et couleur
de leurs Etendarts, Guidons etDrapeaux Colonels
et d'Ordonnance , représentez en Blazon , ainsi
'que les Uniformes et Armures de toutes les Trou
pes du Roy qui subsistent, avec les Additions pour
la difference de chaque habillement et Equipage.
Cette Carte mise au jour en Janvier 1733. se
vend à Paris , chez l'Auteur , rue et près la Fontaine
de Richelieu , avec les Supplémens annuels
pour expliquer les mutations ou changemens
Militaires , arrivez depuis le 15. Février 1730 .
jusqu'au 15. Février 1732. et successivement
d'année en année le même jour , relatifs à cet Ouvrage
, qui contient vingt grandes feuilles enri
chies de tailles- douces réduites en un Livre broché
et portatif , lesquelles feuilles se joignent en
une seule Carte de sept pieds en quarré, montée
sur Gorge et Rouleau.
L'Auteur annonce qu'attendu la dépense pour
la monture de sa Carte sur Gorge et Rouleau en
entier ou en trois parties , que chacun voudroit
faire plus ou moins riche , ainsi que pour les dif-
II. Vol ferentee
DECEMBR E. 17327 2935
ferentes façons de reliures des vingt feuilles , en
Maroquin ou en Veau , à l'usage des Bibliotheques
, des Cabinets et du transport dans les Provinces
, il s'est déterminé à ne le vendre qu'en
Livre en brochure , grand in folio , couvert de
Papier bleu d'Hollande , doublé de fort papier
blanc , dont le prix est fixé à vingt - quatre livres.
Et la feuille de Supplément aux mutations Militaires
, qui paroîtra chaque année , aussi gravée
en taille- douce , sera de 24 sols seulement.
Le sieur Le Mau de la Jaisse , se chargera volontiers
de faire ensuite accommoder sa Carte
proprement par ses Ouvriers , en telle forme qu'il
plaira , et à juste prix.
TABLE
Ieces Fugitives , Ode à la Poësie , 2733
Plaidoyers prononcez au College des Jésui- P
tes , & c.
Epitre à M. de Voltaire , et Réponse ,
Cantique pour la Fête des Rois ,
2768
2761
2764
Réponse au sujet de l'histoire d'Emilie , & c.
2767
Epitre à M. l'Abbé Plomet 2770 "
Refléxions sur l'Amour , 2772
Lettre sur la Vie de M. F. Picquet , 2785
Les Dainnez de Nevers , Poëme , 2797
Imitation d'une Ode d'Horace , 2804
Le Sage profite de ses fautes , Discours , 2806
Stances à Mlle de Malcrais ,
2814
Impossibilité du mouvement perpetuel ,
Logogryphes , Enigme , &c.
Nouvelics Litteraires des Beaux Arts , &c. Journal
Litteraire , & c
Poësies diverses de M. Tanevot ,
2826
2838
Mémoires pour servir à l'Histoire des Hommes
2817
2823
Ilustres 2
2842
La Vie est un Songe , Comédie ; 2850
Le Repos de Cyrus , ou l'Histoire , &c. 2853
Estampes nouvelles , 2865
Tremblement de Terre à Naples , 2866
Spectacles , les Enfans Trouvez , Parodie , 2868
Isis , Tragédie , Extrait , 2883
Eglogue sur la Naissance de N. S. 2894
Nouvelles Etrangeres , de Turquie et Perse, 2897
Extrait d'une Lettre de Constantinople , 2898
De Russie , Pologne , Allemagne , 2900
D'Italie , d'Espagne et Angleterre , 2902-
Morts singulieres , et naissances des Pays Etran--
gers , 2906
France, Nouvelles de la Cour , de Paris , &c. 2908
Benedictions de quatre Cloches à See Genevieve ,
Morts , Naissances , Mariages ,
Addition ,
2912
2921
2926
Description des Peintures de la nouvelelle Chapelle
de S. Sulpice , 2927
Histoire ou Carte generale du Militaire de
France 29299
Errata du premier Volume de Décembre.
8 ..
Page 2690. 1. 4. 708. lisez 7ou 1. Torcheres. 3
P. 2709. 1. 7. Mars , I. Mais.
P. 2726. l . 14. Thyrre , Thyrse
Fantes à corriger dans ce Livre..
Age 2756. 1. 25. flattent , flatant
PAP. 2778. 1. 8. sone , l. sons.
P. 2827. 1. 2. Gennes , 1. Geneve..
Ibid , 1. 3. idem.
P: 2864. 1. 13. Murator , 1. Muratori..
P. 2921. 1. 3. du bas , Mongomeri¿ ajoûtez
Epouse de
TABLE GENERALE
A
De
L'Année 173 2..
A.
Bderites (les ) Comédie ,. 16522
Abdon S. qui préserve du Tonnerre et de
la grêle ,
Académie Françoise
Des Sciences ,
Des Belles - Lettres ,.
De Montpellier ,.
904
716. 774. 1379 2728.
827. 1388.2447”
826. 2448. 2865
1579
De Marseille ,
De Bordeaux
De la Rochelle ,
2206
2217
2381
De Peinture et Sculpture ,
Imperiale , de Peinture et Sculpture ,
De Chirurgie ,..
2216%
772
133. 548. 1592
Académies d'Italie , 14 .
Adorer, pour respecter , honorer ,. 258.
Ail ,
2362
Akousmate d'Ansacq ; 416
Allure ( 1 ) Opera Comique ,. 2231
Ames Rivales ( les ) Conte , 2527"
1513 Ampoule ( Barons de la sainte )
Amusemens à la mode ( les ) Comédie , 782-982
Antimoine ( Mine d' ) 774
Antiquitez , 631. 1188. 1612. 1809. 2105. 2188 -
Appleine ( S. Nicolas ) 1471
Arbres. Oter leur écorce les rend plus fertiles ,
26297
AI..Vol . Argenis
TABLE
'Argenis de Barclai ,
Arlequin au Parnasse , Comédie ,
Arrêts Notables •
325
2667
458. 1254. 2300. 23 11
Astres ( Méthode pour observer la hauteur des )
Astrologie judiciaire ,
B.
274.693
1554
Assi ( Dona Laura Catherine ) 1389.2729
Bayeux , Ville , BB
Benet ( Mort de Louis )
2117
2443
Bibliotheque Italique , 116. 966. Raisonnée, 330
1371 1781. 1975. De Colomiés , 950. de
sainte Geneviève , 1398. Germanique , 2627
Des Enfans ,
Biblis , Opera ,
Boisrozé ,
1183
2674
2554
Borrontée ( la Comtesse Dona Clelie Grillo ) 120
Boulle ( Mort d'André- Charles ) 552
Bouquet , 354 1242. 1244. 1445. 2407. 2697-
2703. 2714
Bouts Rimez, 493.692.825.856.1735.2165.2360-
2380. 2613
Bureau Typographique , $ 44. 707. 726 857-
C.
1092. 1294.
Alendrier ( Projet d'un nouveau )
Callirhoé , Opera , Callithot
881
137
Cantate , 59. Pluton amoureux , 212. Ariane ,
684 Hipermnestre , 899. Proserpine et le
Fleuve d'Oubli , 1126. La Fausse Inconstance ,
129 1. La Disgrace d'Hébé , 1526. La Jeunesse,
1760. La Naissance de J. C. 2573. Les Saisons
,
Cantique ,
2724
2764
II. Val Ca
DES MATIERES .
Capricieuse ( Eloge de l'humeur ) 1028.1757
Carosse ( Nouveau Train de ) 260
Carte Militaire de la Monarchie Françoise, 2929
Cassius et Victorinus , Tragédie , 2649
Cecile ( sainte ) mal - à - propos Patrone des Musiciens
, 21. 1081
1654
1248
Céremonie anniversaire à Vernon ,
Chanoine en Surplis et en Epée ,
Charlatans ( Canon du Concile de Tréves contre
les )
Charles XII . ( Histoire de )
Cheveu ( le ) Opera Comique ,
Chicoineau ( Eloge de François )
Chirac ( Eloge de Pierre )
905
337
2225
808
803
Coislin ( Mort et éloge de Henri - Charles du
Chypre ( Histoire des Rois de )
Cambout de )
Corégraphie
Cloches de sainte Geneviève ,
College Royal ,
Comédies à Nîmes ,
2922
2000
318
2282.291
26371
347
Conférences entre les Turcs et les Persans , 1736.
Conte ,
Critique ( la ) Comédie ,
Cyrus , le repos de )
D.
Anaüs , Tragi - Comédie ,
1891
822 2797
372. 525
2853
554
Dictionnaire de la Langue Castillane , 2214
Divertissement en Musique ,
Da
Doria ( André )
Duel ,
3482
1954
1982
E.
Au commune , utile dans la Chirurgie , 1585
Eau de
Barege ,
Ecole des Meres ( l' ) Comédie ,
430
1619. 2017
II. Vol. Eglise
TABLE
Eglise tombée en Bourgogne ,
Eglogue,
Electricité ,
Emilie , Roman ,
2502
1032.2894
2832
2149. 2767
Enfant né avec deux Langues , 1395. Extraordi◄
naire dans ses Etudes , 2631
1756 , 2712
453 , 1705 , 2708-
Enfans Trouvez ( les ) Comédie , 2673. 2868
Enigine , 99. 314. 50§. 737. 932. 1155. 1367.
1568. 1768. 1970. 2193. 2410 , 2614. 2825
Epigramme ,
Epitalame,.
Epitaphe ,
Epitre à Uranie , 605. à l'Auteur de l'Epitre à
Uranie , 624 de Voltaire , 1887. 2387. de
Mlle de Malcrais, 2605. 2781. à Lefort , 2077.
à Mile de Malcrais , 2570. 2814. à Voltaire
1761. Réponse , 2763. à l'Abbé Plomet
Epitres héroïques d'Ovide ,
Epreuve des Fées ( l' ) Opera Comique ,
Eriphile , Tragédie ,
434
2770
1180
1820
562
Estampes , 135. 342. $49. 769. 810. 11896
1396. 1609. 1811. 2214. 2449 . 2644 .
2865
Ethiopie Occidentale , 1589
Etudes ( difficulté sur le Traité des ) 1037
Expositiojuris Canonici . 1572
<
F.
Frausse
Able ,
' Fausse inconstance ( la ) Comédie
Faute , le Sage profite de ses fautes ,
Femme furieuse ,
Ferrand éloge de Jacques Philippe ) **
(la ) Comédie
485. 1138. 2144 2398. 2444-
2454
2806
2628
Finances des Romains ,
Franc- Aleu ( défense du )
517
1776
II. Fol. Front
DES MATIERES.
Front ( S. )
G
Allia Christiana ,
G Géométrie ( Elemens de )
Glorieux ( le ) Comédie ,
Godeau (Antoine )
Guespin , origine de ce mot ,
Guinguette ( la ) Opera Comique
H
Elimand ( Chronique d' )-
1993
2434
148. 355
2842.
912. 2142.
2026
298
Histoire des Sciences et des Arts en Italie, 117
Moderne de tous les Peuples , 332. Militaire
du P. Eugene critiquée , 920. Métallique des
Pays-Bas , 2831
Histoire de France aussi difficile à écrire qu'elleest
agréable à lire ,.
Horloge de Sens , 1390. Nouvelle maniere de
construire de grosses horloges ,
935
13122
J..
Aloux ( le Prince ) nouvelle 1529. 1678.
Idille 426.818 . 1941-
Jephté , Opéra , 171
Jettons )
131
Inscription d'Orleans , 1141
Interêts de Village ( les ) Opéra Comique
1817
Journal Litteraire ,
Journaux d'Italie ,
Isis , Opéra ,
$40. 1577. 2826.
127
2683.2883
Juridica minora.( Jacobi Gothofredi ) 1574
IL. Vel
La
TABLE
L.
Angue Orientale ( Traductions d'Ouvrages
2209 cn )
Lanterne veridique ( la ) Opéra Comique , 2027
Lettre à Mlle de Malcrais , 7 ‹ . Réponse , 1264
à un Nouvelliste , 1446. sur l'Ordonnance
de
Bacchus ,
Lexicon medicum ,
Lit de Justice ,
1912
1802
1080
Logogrifes , 100. 315. 505. 739. 933. II55 .
1368. 1568. 1769. 1973. 2193. 2410 2614
2823. expliquez en Vers ,
Longitudes ,
Lucas ( Cabinet de Paul )
M.
7
504 1660
1814. 2644
2729
Machines Explication du principe des ) 661. Pour mesurer la vitesse des eaux
courantes et le sillage des Vaisseaux , 2599
Madrigaux , 725. 2719. traduits du Guarini >
2154
Mahometans ( Litterature des ) 1933
Mahometisme ( Histoire du ) SIO
Meaux ( Histoire de l'Eglise de ) 687.2591
976
Médailles antiques , 8. 437. 1344. 1762. de
Diane de Poitiers , 2139. du Roi ,
Mémoires de Barneveldt , 106. pour servir à
l'Histoire des Hommes Illustres dans la République
des Lettres , 1158. 2618. 2842
Mere Jalouse ( la ) Opéra Comique , 2221
Metrometre
Montmartre ( Conjectures sur la formation de )
Monumens de la Monarchie Françoise ,
1151
2330
977
11. Vel. Motte
DES MATIERES.
Motte ( Mort et Eloge d'Antoine Houdart de
la )
Mouvement perpetuel ,
Musique ( Méthode pour apprendre la )
Mythologie ,
N.
Atalibus ( Pierre de )
N
Nerlin(S. )
Neuilli S. Front , Ville ,
Notre-Dame de Paris ,
62. 320. 1288
2817
841
753
2317
298
467
1400
Nourice. Les Meres doivent être les nourices de
leurs enfans ,
O
O SI
De au Duc de S. Agnan. 1. S. André 17. à
M. Deslandes , 265. Therese , 672. La Jeunesse
, 837. L'Amour , 887. Le Retour du
Printems , 909. à Mlle de Malcrais , 917. à
P'Académie de Marseille , 1024. L'Ambition
1049. A la Princesse de Conti , 1077. La Fuite
du monde , 1088. L'Indiscretion , 1259 Songe
, 1306. La Vie champêtre , 1326. L'Ingratitude
, 1463. Le Mariage du Prince de Conti
1496. La Tragédie Françoise , 1907. 2112 .
Jugement dernier , 1929. Á l'Evêque de Mets ,
2099. Le Travail 2521. L'Amitié , 2545 .
Sur la Convalescence du Duc d'Orleans, 2577.
La Poësie ,
Ode imitée d'Horace , 46. 875. 1109. 1686.
2804. Du Cantique de Moïse , 81. Du Pseaume
II. 199. de l'Exitu , 1337. Du Beatus
1552
vir ,
,
2733
Orage ,
549. 2271.2274
. 2488
Oran (prise d' ) 16-37. 1866. 1953. 2174.258
x
Ovinius
, s'il a été associé à l'Empire
, 675.1709
Paghetti
(mort de)
Palais Royal ,
Palinodie ,
P.
2469
· 395.
2140
II. Vol.
PamTABLE
Pamfili la Princesse Therese Grillo )
Paranimphe , ce que c'est ,
Paraphrase de Jéremie,
Parnasse de Titon ,
Parnasse reformé ( le ) Comédie .
(nr
2440
1136
707
2421
Parterre merveilleux ( le ) Opéra Comique, 2030
Peinture ( discours sur la ) 1787.Essai sur la Peinture
et la Poësie ,
Pendule ,
Phenomene ,
Philosophie hermetique ,
Picquet ( vie de François ) ,
1977
180%
2214
491
2785
Pierre , maniere de les colorer , 972. Premiere
Pierre posée , 1877. Taille lateralē, 2804,2 166;
2399. Extraordinaire dans la Vessie , 2445
Plaidoyers , 2738
Poëme , progrès de l'art des Jardins , 656.2311.
Pinvention de la Poudre ,
Politesse ,
Pompe contre les Incendies
Pot pouri , Pantomine ( le ) Opera comique ,
Procès des sens ( le ) Comédie,
947
823
215
374
1210. 1417
1189 Puget ( Pierre )
Q
Questi
Uestions ,
R,
543
Acine ( mort de la Veuve de )
R
Rage,
2710
2867
Recueil de Pieces d'Histoire et de Litterature,Ƒ08
Réfléxion sur la Physique , 112. 325. 535.1518.
Sur l'Amour , 2772
Rosny a possedé l'Abbaïe de S. Taurin , 1501.
2550
II. Vol.
DES MATIERES.
Scylla. Opera ,
S.
Ciences ( le cours des )
Scuderi (Mile de )
Segrais ( Jean Renaud dey
107
2567
2240
1161
Sennacherib , Tragedie , 2009
Sens Ballet des ) 1196. 1615. 1843
Sensitives ( plantes )
1581
Sermens indiscrets. ( les ) Comédie , 1210. 1408
Sigonius , ( Charles )
Sirmond ( le P. Jacques )
Société des Arts ,
Soeur ridicule. ( la ) Comédie ,
Sonnet ,
Sophie , ( Sainte ) . de Constantinople ,
Spectacle de la nature ( le ) 1983. 2342. Si les
Spectacles sont deffendus ,
Stances ,
232
2389
2619
2639
2660
250.809
1396
413. 1436. 1675
Sublime , ( Traité du ) 2415
Sulpice ( S. ) 2927
T.
Ableaux , 770.819.820. 1610
Tanevot , ( Poësies de ) 2838
Tartarin , ( éloge de ) 2712
Tartre soluble ,
1331
Teigne des feuilles , 1128
Temple antique , 447
Theatro critico universal , 743
These Françoise de Mathématique ; 1651
Theveneau , ( mort de ) 2469
Tontine , ( la ) Comédie , 371
Tremblement de terre , 345. 2056. 2866.2902
Triomphe de l'Amour , ( le ) Comédie , 778
Turquie , 2037. 2898
Tatilina , Déesse , 442
11. Vol. V
TABLE DES MATIERES.
V
V.
2160
1174
Aisseau retarder le sillage d'un )
Verité fabuliste , ( la ) Comédie
yers sur une Ode en Prose , 75. sur Camargo et
Salé , 146. à Me , 229. sur Newton , 259. les
Fines éguilles , 294. au Concierge du Palais
Royal , 402. Remerciment , 463. à Chichon ,
620. à Fourmont , 706. sur le portrait de Salé,
819. Portrait 1040. les Critiques du Mercure ,
1148. au Chevalier de la T. 1247. sur le mois
d'Avril , 1251. à Voltaire , 1511. au Chevalier
de Romieu , 1515. à Dangeville , 1614. à
Pelissier , 1618. au Cardinal de Polignac, 1645.
à Destouche , 2172. à Malcrais , 2188. 2192 .
2594. la fête de Dampierre , 2285. l'Ombre de
Deshoulieres , 2327. Procès du fard , 2339 à
une Jalouse , 2421 sur des irrésolutions, 2431 .
Plainte de Calliope , 2510 sur l'Ecole des Sçavans,
2580.Requête au Prevôt des Marchands,
2589. à Me de ... 2597.
Wers de Hollande ,
2867
Vie est un songe , ( la ) Comedie , 2468.2850
Vieillesse extraordinaire, 169.389.405.2278.2690
Vieux , Village ,
Vin rouge fait avec des Raisins blancs ,
Vins d'Agoust , ( éloge de Jean de )
Volcan ,
Voutes , ( poussée des ) **
Voyage de Normandie ,
Usages , ( bizarerie des )
Vampir ,
Zaïre ,
Tragedie ,
Zy
2906
631
1489
611
2866
1580
631. 2117.2714
88.203. 1114
890
Fin de la Table des Matieres.
1828
1
DO
NOT
CIRCULATE
Qualité de la reconnaissance optique de caractères