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1730, 09-10
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tothe
New York Public Library
14Jun 05 .
87
*DM
MERCUA
.



MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT
1
SEPTEMBRE. 1730.
QUE
COLLIGIT
SPARGIT
Chez
A PARIS ,
GUILLAUME CAVE LIER , nu
S. Jacques , au Lys d'Or.
71
LA VEUVE PISSOT, Quay de Conty,
à la defcente du Pont Neuf , au coin
de la rue de Nevers , à la Croix d'Or.
JEAN DE NULLY , au Palais
à l'Ecu de France & à la Palme.
M. D C C. X X X.
Avec Approbation & Privilege du Roy
XXXXXXXXXXXX
L
A VIS .
' ADRESSE generale est à
Monfieur MOREAU , Commis au
Mercure vis - à - vis la Comedie Fran-
Coife , à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets cachetez
aux Libraires qui vendent le Mercure,
à Paris , peuvent fe fervir de cette voye
pour les faire tenir.
On prie très -inftamment , quand on adreſſe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non -feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardé
de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de la premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreffes à M. Moreau ,
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps , & de les faire porter fur
Pheure à la Pofte , ou aux Meffageries qu'on
lui indiquera .
PRIX XX X. SOLS.
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AV ROT.
SEPTEMBRE . 1730 .
XXXXXXXX* XX ***********
PIECES FUGITIVES ,
en Vers & en Profe.
L
PORTRAIT,
ZOON
DE L'HOMME.
As de perdre le tems à lire des Volu
mes ,
Et de gâter fans fin du papier & desi
plumes ,
Pour conferver les yeux que le Ciel t'a donnés
Abandonne , Daphnis , tęs travaux obftinés.
Il vaut mieux déformais embraffer une étude
Qui donne plus de fruit & moins d'inquiétude
A ij Les
1904 MERCURE DE FRANCE
Les Auteurs ont des fens où l'on ne peut entrer
Et des nuits que l'efprit ne fçauroit penetrer ;
Plus on devient fçavant , plus on eft plein de
doutes ;
On s'égare enchemin , pour avoir tro p de routes
Et loin de parvenir jufqu'à la verité ,
On s'éloigne , on fe perd à force de clarté.
Permets que l'homme feul foit l'objet de tes veilles
;
Contemple la Nature , admires ſes merveilles
Et comparant enſemble & fes biens & ſes maux
Juge de fa grandeur même par fes défauts.
Je vais , pour applanir cette rude carriere ,
T'ébaucher de mes Vers l'importante matiere,
L'homme eft un noeud fubtil , dont fans un grand
Lecours ,

On ne peut demêler les plis & les detours ;;
On ne fçauroit à fond tracer fon caractere ;
Tout au dedans eft nuit , tout au dehors mistere;
Il fe cherche , il s'évite , il s'aime , il fe deplaît ,
Et lorfqu'il s'examine , il ne fçait ce qu'il eft.
Il fent bien toutes fois que dans fon ame impure
It conferve l'inftinct d'une heureuſe nature >
fes momens reveillent tous dans fon coeur
que
Les reftes d'un état qui fut plein de bonheur.
Rien ne peut arracher du ſein de fa mémoire
Les marques du débris de fa premiere gloire ;
Un veftige leger , un fillon délicat
Lui préfente toujours l'ombre de cet étag ;
Et
Ses
SEPTEMBRE. 1730. 1905
Ses fens ingénieux à réparer fa perte
Font paffer mille objets dans fon ame deferte
Joindre à fon Etre feul tous les Etres divers ,
Et dans ce petit monde entrer tout l'Univers .
Mais par Les
propres fens , fon ame mal fervic
Ne trouve point de bien qui borne ſon envie.
Ils ont beau fe charger de la Terre & des Cieux
Pour tâcher de remplir ce vuide ſpacieux ,
Tout ce qui n'eft pas Dieu la laiffe toujours vuide
,
Et n'éteint point l'ardeur de fon défir avide :
Cette foif l'accompagne en tous lieux , en tous
tems
Et fes vaftes fouhaits ne font jamais contens.
Cependant, engagé dans une erreur extrême ,
Il fe croit tout rempli quand il l'eft de lui -même,'
Et que fa vanité par un foin decevant
Le fait grand à fes yeux & le groffit de vent.
Les Titres faftueux qu'il ente fur fon Etre
Lui cachent fa nature & le font méconnoître ;
C'eſt un maſque trompeur dont il fe contrefait ,
Et ce mafque eft pourtant ce qui le fatisfait.
On le voit quelquefois , erigeant fon idole ,
Promener fes grands noms de l'un à l'autre Pole
Et fans nul autre droit vouloir être adoré
De quiconque à fes yeux n'en eft pas honoré.
Mais qu'il tranche du grand , & qu'il faffe l'habile
,
D'abaiffer fa hauteur il n'eft que trop facile.
A j Qu'il
1906 MERCURE DE FRANCE
Qu'il porte fes regards dans cette immenſe Tour
Que le Soleil décrit en nous donnant le jour ;
Qu'il meſure des yeux ces machines roulantes
Qu'un luftre mandié rend claires & brillantes ,
Et qu'il compare enfin fous des yeux mieux ouverts
Ce qu'il a de matiere avec tout l'Univers ,
Que pourra - t'il alors à lui-même paroître
Qu'un âtome englouti dans l'ocean de l'être ?
Et qu'un ciron flottant entre le rien & Dieu
Dont la bonté l'a mis dans ce vafte milieu ?
Cet atôme orgueilleux , aidé d'autres atomes
Peut changer , dira-t'on , la face des Royaumes ,
Et quand rien ne s'oppofe à fon defir altier
On le voit décider du fort du monde entier.
Oui ; mais que fon pouvoir eft leger & fragile !
Un petit grain de fable , une vapeur fubtile ,
Que les yeux les plus fins ont peine à demêler ,
L'abat en un inftant , ou le fait chanceler.
C'eft en vain qu'élevé dans une haute place
Il brave des Deftins la fecrette menace ;
Une grimace , un mot le peut à tout propos
Enlever aux douceurs du plus profond repos.
Un fot que la Fortune a tiré de la bouë ,
Pour le faire monter au plus haut de ſa Rouë
Jure qu'il peut aller , fans changer de couleur ,
Du faîte de la gloire au comble du malheur ;
Mais fide l'embraffer la Fortune fe laffe ,
S'il
SEPTEMBRE. 1730. 1907
S'il fe voit accueilli de la moind re difgrace ,
Sa conftance peu propre à fouffrir un revers
Met fon coeur à la gêne , & ſa tête à l'envers. !
De quelque fermeté que l'homme foit capable
Un foufle le remuë , un accident l'accable ;
Il ne paroît conſtant dans ſa force d'efprit
Que dans des tems heureux , & lorfque tout lu
rit.
Pour fufpendre l'effort du plus rare génie ,
Je ne demande pas une force infinie ;
Tout ce qui vient heurter à la porte des fens
Peut rendre fes travaux ou vains ou languiffans;
Le voilà fur le point d'enfanter un miracle ;
Eh bien ! un Moucheron fans peine y met obſtacle
,
Et fon bourdonnement démontant fa raifon
L'oblige de quitter fa plume & fa maiſon .
Une ombre qui fuccede au faux jour qui l'éclaire
Le privant de l'aſpect de l'étoile Polaire ,
Il ne va qu'à tatons dans ſes raiſonnemens ;
L'amour propre toujours regle fes fentimens ;
Loin qu'un plaifir extrême arrête ſa pourſuite ,
Au lieu de s'y fixer , il en aime la fuite ,
Et les Jeux & les Ris ne lui font de beaux jours
Que parceque leur tems ne dure pas toujours.
Quand la douceur chez lui fans intervale abonde
,
Il ne fent point de gout au Nectar qui l'inonde
Un éclat vif & long importune fes yeux ,
A iiij
Un
1908 MERCURE DE FRANCE
Un chemin tout uni lui devient ennuyeux ;
Il veut trouver du haut & du bas dans la vie ;
Il veut que la clarté foit des ombres ſuivie ;
Et qu'un peu de travail ſe mêle à ſes plaifirs
,
Pour ranimer l'ardeur de fes mourans défirs.
Son coeur dans le repos ne trouve point de charmes
>
S'il n'eft le fruit tardif du trouble & des allarmes
,
Et la gloire pour lui ne peut avoir d'appas ,
S'il ne la voit briller au milieu des Combats.
Plus vite qu'un éclair , fans ceffe il paffe , il
erre ,
Du fouhait au dégoût , de la paix à la guerre ,
Le moindre paffe- temps étourdit fes regrets ,
Et le plus foible ennui rend fes plaifirs muets.
Un abord imprévu le releve ou l'opprime ;
Un trait inopiné le tue ou le ranime ;
Sa joye & fes plaifirs naiffent prefque de rien ,
peu de chofe fait ou fon mal ou fon bien .
Le jeune Licidas , vient de perdre ſa mere ;
Cette perte lui caufe une douleur amere :
Il eſt pâle , défait , il pouffe des fanglots ,
Et répand jour & nuit des larmes à grands
Et
flots ;
Si bien - tôt le hazard excite une cohuë
Qui l'oblige en paffant de détourner la vuë.
Ce foible amuſement fait taire fa douleur
Et
SEPTEMBRE. 1730. 1909
Et redonne à fon teint fa premiere couleur.
L'homme en fes changemens eft plus prompt
que la flamme ;
Il ne faut que toucher un reffort de fon ame ;
A cette heure'il eft doux , à cette autre il s'aid
grit ,
D'où lui vient cette humeur ? d'un petit tour
d'eſprit ;
Une fombre penfée , un bizare caprice ,
Altere fon vifage & le met au fupplice ;
Il n'eft point de penfée , il n'eft point de def
fein ,
Qu'un ombrage leger ne dérange foudain .
Il a beau confulter une glace polie ,
Il ne s'y voit jamais fans trouble & fans fo
lie

Et s'il découvre en lui quelqu'infenfible trait ,
D'une haute fageffe & d'un repos parfait ,
Sa raison dont la vuë en mille lieux guidée ,
Ne trouve point d'état fortable à cette idée ,
Reconnoît que fon coeur , dans les plus heureux
temps , (
Jouit d'une fortune expofées à equs vens.
Mais fon orgueil dément par fa délicateffe
L'aveu de fa raifon fur fa propre foibleffe
2
Et faſcinant les yeux par un charme trom
peur ,
Lui déguiſe un phantofme en folide bonheur,
Pour faire évanouir cette vaine chimere ,
A v E&
1910 MERCURE DE FRANCE
Et rendre à fes regards l'horreur de fa mifere
;
Il n'a qu'à rappeller la fuite de les jours ,
Et fe fuivre lui même en leur rapide cours ,
Il n'apporte en naiffant ni force ni fcience ,
Et fans en acquerir , il paffe fon enfance ;
La jeuneffe les livre à cent tyrans divers ,
Dont l'adreffe s'applique à lui cacher fes fers ;
Dans cet état fleuri fon coeur , fans le cons
noîrre ,
Change infenfiblement de prifon & de Maître
,
Et ne pouvant fouffrir qu'on lui faffe la Loi ,
Il obéït toujours , & n'eſt jamais à ſoi.
La colere l'émeût , le plaifir le chatouille ;
La vanité le flatte , & l'intrigue le broüille ;
Il s'éleve , il defcend , il s'écarte , il revient ;
A peine en même affiete uue heure le contient ;
Par la rapidité d'une invincible pente ;
Il fe laiffe entraîner vers l'objet qui le tente
Et donnant tout aux fens qu'il nourrit de
poiſon ,
Il prend ce qu'il lui plaît pour la droite raifon.
Que de faux préjugez , dans fon ame fé
duite ,
S'érigent fierement en régles de conduite !
Que d'épaiffes erreurs , & que d'entêtemens
Dérobent fa défaite aux plus forts argumens !
Il marche fans repos dans une nuit profonde ;
Il
SEPTEMBRE . 1730. 1911
Il flotte au gré des vens dans la Mer de ce
mónde
;
Tout eft écueil pour lui , tout lui fait avoüer
Qu'au moindre fort contraire il eft prêt d'é
chotier.
Quand il eft parvenu dans l'extrême vieilleffe ,
Ses défirs impuiffans atteſtent ſa foibleffe ;
Et de leurs doux objets ſe ſentant déſunir ;
Il s'y rattache encor par le reffouvenir.
Mais la Parque s'apprête à lever la barriere ;
Elle lui vient ouvrir une obfcure carriere ,
Dont l'immenſe étendue eft une éternité ,
Ou de malheurs affreux , ou de felicité.
Comment , regarde- t'il eft dangereux paffage
?
Quels Dieux invoque-t-il pour détourner l'orage
?
Helas prefque toujours on voit qu'en
étourdi ,
>
Faifant contre le Ciel le brave & le hardi ,
Et s'étant raffuré par ce vain artifice ,
La main devant les yeux , il court au préci
pice ,
Et d'un air intrépide , & fans étonnement ,
Va tenter le hazard de cet évenement.
C'eft de cette façon que l'homme Philofo
phe ,
Des malheurs de fa vie ourdit la Cataftrophe
,
Et que fans redouter fon Auteur ni fa fin ,
A vj
Il
1912 MERCURE DE FRANCE
Il fe livre aux rigueurs de fon dernier deftin.
Crains , Daphnis , d'encourir ce terrible défaſtre
;
La foi pour l'éviter nous fert de Phare &
d'Aftre ,
Elle démafqué l'homme & fon divin pinceau ,
Lui fait de fa nature un fidele Tableau.
Je devois l'emprunter pour t'en tracer l'image
;
Mais à ce foible effai , je borne mon ouvrage
,
Et je laiffe à ta main capable de travail ,
Le foin d'entrer un jour dans un plus long
détail.
Androl. Celeftin , âge de 87. ans.
į į į į Ÿ į į į s į į !! ! !!
LETRE QUATRI E'M E
Sur Pufage dubureau Tipografique .
L ne faut pas douter , Monfieur , que
l'exercice du bureau tipografique n'amufe
& n'inftruise l'enfant , si les maitres
ont beaucoup de douceur & de patiance
en lui fefant dire les letres , les filabes
les mots et les lignes , qu'il doit pren- ,
dre dans fa caffette pour les compofer &
décompofer fur la table de fon bureau
en començant par les combinaifons elemaenSEPTEMBRE
. 1730. 1913

bro ,
› mentaires. Ab , eb ib , ob , ub , &c.
Ba , be , bi , bo , bu , & c. mises sur les
cartes dont l'enfant a déja joué , où sur
d'autres , en continuant par les combinaiſons
bla , ble , bli , blo , blu , & c. bra ,
bre , bri , bru , &c. fuivant l'ordre
doné pour la feuille de la caffere.
On peut ensuite faire lire l'enfant sur
des cartes , dont on fera des jeux come
l'on avoit déja fait en montrant à conoitre
les letres : le premier jeu eft pour le
Ab , eb , ib , ob , ub , & c. le fegond
pour le Ba , be , bi , bo bu , &c. le troifiéme
, pour le Bla , ble,bli , blo , blu, &c.
Le quatrième , pour le Bra , bre , bri
bro , bru. Il faut obferver de ne metre
qu'une ou deux lignes sur une carte à
mesure que l'enfant fe familiarife avec les
lignes plus ou moins chargées de filabes
ou de confones combinées avec les cinq
voyeles . Aiant mis à la premiere ligne
le Ba , be , bi , bo , bu , on poura metre à
la fegonde ligne les combinaifons du P ,
letre forte de la letre foible B. Exemples :
1. en deux lignes horizontales , felon la
maniere ordinaire d'écrire ; 2º . ou en
deux lignes perpendiculaires , pour renger
les cartes vis- à - vis les célules de leurs
letres B P , &c. 3 ° . ou en employant
les quatre coins & le milieu des cartes ,
>
come
)
1714 MERCURE DE FRANCE
come on l'a fait ci- devant pour le jeu des
cinq voyèles.
Pa, pe, pi, po, pu..}
Ba pa
be pe
ba
bez
bi >& c.
bu.
Ba, be, bi, bo, bu. } oubi pi
youbo
bo po
bu
pu
L'on combinera de même les letres liquides
l , m , n , r, et les letres doubles
x , y , &c. fans oublier la letre h , & c.
ainfi qu'on l'a fait pour les combinaiſons
de la caffete , et qu'on poura copier en
long & en large fur autant de cartes que
l'on voudra , pour former des jeux abecediques.
En voilà bien affes pour metre au
fait de cete métode. La pratique la fera
paroitre encore plus ingenieufe , fi l'on
étudie l'enfant , et qu'on l'observe bien.
L'on doit peu peu se servir des letres
italiques , et des letres d'écriture : on en a
fait l'experience avec un enfant de trois ans
qui en peu de tems conut tous les diferens
abc , et se servit avec fuccès de plus de
cent celules diferentes , où il tenoit les
letres & les caracteres fimples ou combinés
pour composer ou imprimer sur son
bureau , ce qu'on lui dictoit , ou ce qu'on
lui donoit écrit fur une carte.
à
Quand l'enfant fait composer ou décomSEPTEMBRE.
1730. 1915
composer fur son bureau tous les tèmes
ordinaires & domeftiques , on doit lui en
fournir tous les jours de nouveaux , prenant
d'abord préferablement pour sujet
les parens , les amis , les persones & les
faits dont l'enfant a conoissance , & lui
en donant enfuite en latin & en françois
de deux , trois , et quatre lignes fur la
longueur d'une carte , et d'un caractere
gros , diftinct , à proportion du favoir &
des forces de l'enfant. Après avoir doné
des tèmes fur toutes les perfones , et fur
les faits journaliers que l'enfant conoit
on poura lui en doner fur le Saint du
jour , et sur des fuites hiftoriques , come
109 tèmes fur les 109 époques du jeu hiſto-.
rique du R. P. Buffier ; & semblables sur
l'hiftorique saint ou profane,sur laMitologie,
fur la géografie, &c . On peut aussi doner
une suite de rimes abecediques , &c.
Tous ces tèmes lus & relus devienent une
espece de livre , plus agréable, plus amusant
, et plus utile , que les livres ordinaires
dont on s'eft servi jusques ici.
On poura aussi doner sur des cartes les
terminaisons des declinaifons , et des
conjugaisons , parce que l'enfant se fortifie
à lire le caractere manuscrit ; et qu'il
fe degoute moins d'avoir une ou deux
cartes pour le singulier & le pluriel d'un
nom , d'un pronom , et d'un tems de
yerbe ,
1916 MERCURE DE FRANCE
verbe , que de lire toujours dans un rudiment
odieux . On metra en noir sur
des cartes les adverbes & les prépofitions
du françois , et en rouge les mèmes mots
du latin ; ce qui dans la suite sera tresutile.
Les ouvrages de M. du Marfais , et
le latin construit & expliqué mot à mot
selon fa métode , pouront ètre mis entre
les mains d'un enfant qui comence à lire ,
et qui eft deja en état de faire provifion
de mots , et d'acoutumer son oreille aus
terminaisons des noms declinés & des
verbes conjugués. On trouvera ces noms
declinés , et ces verbes conjugués dans
les cartes ou dans les leçons du rudiment
pratique , qu'on pouroit même doner à
l'enfant , le premier jour de l'exercice
du bureau tipografique.
Dès que l'enfant aura decomposé son
dernier tème , et qu'il en aura fait un
nouveau de quatre ou cinq lignes de bureau
, on poura , pour varier le jeu , le
faire lire quelquefois dans un livre , quelquefois
dans un autre choisi ou fait exprès.
On poura aussi lui redoner de tems
en tenis ses premiers tèmes , ses cartons ,
et tout fon atirail literaire pour badiner
come sa premiere cassete , le casseau portarif
de six celules , le porte tème , de peits
porte- feuilles , un petit sac , & semblables
meubles propres à tenir des ima-
;
ges,
SEPTEMBRE . 1730. 1917
ges , les jeus de cartes , et les tèmes favoris
qui l'amusent & l'instruisent. Il sera
bon surtout de lui faire revoir le samedi
quelques tèmes de la semaine , et du
mois c'est dans ce retour periodique
qu'il sera aisé de juger des progrès de
l'enfant , et de comparer les avantages
de cete metode avec ceux de la metode
vulgaire.
>
Dans les grandes viles , surtout à Paris
, on poura metre à profit le chois de
tous ces imprimés & feuilles volantes qué
l'on crie dans les rues : de même que les
adresses & les enseignes des marchands &
des ouvriers ; outre les images , on trouve
dans ces enseignes des mots dificiles à lire ,
et qui par leur nouveauté donent lieu à
inftruire l'enfant , très sensible à l'aquisition
de tous ces petits éfets literaires , dignes
de sa cassete ; il comence de bone
heure à gouter la proprieté des chofes ; il
est donc bon de lui en montrer l'usage
un petit enfant qui se trouve seul & désocupé
, s'ennuie , il devient souvent à
charge aus autres , au lieu que cete cassete
l'amuse , étant pour lui une maison où
l'ouvrage ne manque jamais : il faut se
preter à l'enfance , si l'on veut réussir
dans l'éducation .
Pendant l'exercice literaire il ne faut
pas negliger de metre l'enfant en état de
badi1918
MERCURE DE FRANCE
badiner avec des jeus de cartes numeriques
;il se familiarisera avec les nombres ,
dont on poura ensuite lui montrer à lire
& à faire les premieres regles , à mesure
qu'il concevra plus facilement les choses.
Si l'on n'a pas des chifres de cuivre & à
jour , pour imprimer les nombres sur
des cartes , on les fera à la main , ainsi
qu'il a été dit en parlant des letres. Après
avoir fait lire à l'enfant les leçons sur les
nombres , on poura lui faire faire de petites
regles fur la table du bureau ; un
peu d'exercice chaque jour fur les nombres
, rendra dans peu l'enfant plus grand
aritmeticien qu'on ne l'eft ordinairement
à cet age là.
Quand un enfant a composé sur son
bureau le françois & le latin de fon tème
, il doit après cela lire tout de suite
& à haute vois , 1º . tout le françois , 2º .
tout le latin , 3 °. chaque mot latin après
le mot françois , 4 ° . chaque mot françois
après le mot latin ; voilà donc quatre
lectures. Cet exercice varié & continué
pendant quelques anées rend un enfant
plus savant qu'on ne l'auroit esperé :
on en sera cependant moins surpris , fi
l'on veut bien faire atention qu'un enfant
en composant ce tème , le lit en
détail plus de cent fois , sans croire l'avoir
lu une seule fois ; c'est ainsi qu'il
aprend
1
SEPTEMBRE . 1730. 1919
ge des
des
aprend par une espece de pratique l'usades
sons , des des letres , des mots ,
parties d'oraison , des terminaisons ,
declinaisons , et des conjugaisons. Ce .
mouvement continuel pour chercher les
cartes dont il a befoin , foit de l'imprimerie
, du rudiment pratique , ou du
dictionaire , entretient le corps en santé ,
et done à l'esprit la meilleure culture
possible .
Pour bien faire pratiquer la métode du
Bureau tipografique , on doit donc acoutumer
l'enfant à metre fur fon Bureau
la copie du tème qu'on lui done , foit de
verfion ou de compofition ; foit en une ,
en deux , ou en trois langues , les unes
fous les autres ; en forte que les deux ou
les trois mots fignifiant la mème choſe ',
foient mis en colone' , l'enfant lira & expliquera
avec plaifir les lignes de ces petitis
tèmes ; cela l'obligera ou lui permet
tra de travailler feul ; ce qui eft un des
plus grands points ; car d'ordinaire les
enfans ne travaillent que par force ou à
l'euil et rarement par gout , fur tout
en l'abſence des autres . Quand le maitre
ne poura pas etre prefent , le premier
venu poura aider à l'exercice du Bureau,
meme un domeftique.
,
On poura doner à l'enfant des temes.
latins , dont la construction soit parfaite,
selon
(
1920 MERCURE DE FRANCE
selon l'ingenieuse & judicieuse métode
de M. du Marsais ; ou des tèmes dont la
construction foit chifrée & numerotée ,
c'eft-à -dire , dont la fuite des mots soit
marquée par la fuite naturele des nombres
, come on l'a pratiqué fur le texte
de Phedre ; ou enfin l'on poura doner
tout de fuite le latin melé avec le fran-
>
çois , si le latin trop fort ne permet pas
l'interlinaire
. On doit essayer de tout ,
et varier toutes les manieres ; cete diversité
eloigne l'ennui & le degout , article
essentiel & sur lequel on ne sauroit faire
trop d'atention . Pour varier encore d'avantage
l'exercice du bureau , on poura
quelquefois doner à ranger sur la table
des vers françois , pour former à la rime
P'oreille de l'enfant , et des vers latins
avec la quantité , pour lui faire voir ,
conoitre & sentir de bone heure les voyeles
longues & les voyeles breves de la langue
latine. On pouroit meme marquer
toujours la quantité en profe come en
vers , si l'on souhaitoit voir de plus grans
progrès dans l'étude de la profodie latine
, pour l'intelligence
de laquele il feroit
bon d'avoir dans quelque logete des
cartes marquées avec les piés des vers ,
qu'on pouroit apeler , cartes spondées
cartes dactiles , & c, pour indiquer le
le pié de deux silabes longues , celui
d'une
SEPTEMBRE . 1730. 1921
d'une longue & de deux breves , & c .
Si l'enfant prend du gout à ces petits
jeus , on poura lui montrer auffi celui
des anagrames , en prenant les letres qu
les cartes des noms & des mots fur lesquels
on veut travailler ; on combine ces
cartes de tant de manieres , que l'enfant
s'en amuse agréablement , sur tout si l'on
a soin de fournir des mots fécons en rencontres
hureuses & agréables , come la
plupart des logogrifes qu'on trouve dans
le Mercure de France ou ailleurs . Si l'enfant
a de l'oreille , on peut lui montrer
les notes de la mufique & essayer avec
des cartes de lui faire folfier les intervales
convenables à sa petite voix . Bien
des gens croiront ces exercices au dessus
de la portée des enfans , mais l'experience
les désabusera , s'il veulent bien en
faire l'essai .
Lorsque l'enfant est fort sur la composition
du bureau , et que les tèmes sont
un peu lons , il prend moins de plaisir
à les décomposet , c'est - à - dire à distribuer
& à remetre les cartes en leurs
cassetins , qu'il n'en a eu en les composant
, cet exercice est plus pénible qu'agréable
, c'est pourquoi il eft bon que de
tems en tems quelcun viene aider à distribuer
les cartes des letres & des fons
dans leurs logetes ; car pour les cartes de
l'arti
7922 MERCURE DE FRANCE.
l'article françois , des noms , des pronoms
, des verbes & de leurs terminaifons
; de meme que pour tous les mots
du dictionaire ; il eft mieux que l'enfant
les passe & repasse lui- meme en revue ,
pour aprendre à les bien conoitre & à les
retenir par coeur à force de les voir , et
de les lire à haute voix come dans la
composition. Il faut que l'euil & l'oreille
soient de la partie; un autre enfant , frere,
soeur , parent , ami , ou voifin , moins
fort fur l'exercice du bureau , s'estimera
hureux de pouvoir etre employé à distribuer
les letres du tème , composé par
le petit docteur.
L'enfant qui comance d'aprendre à
écrire , doit toujours continuer l'exercice
du bureau , afin de ne pas se gate la
main en écrivant des tèmes ou d'autres
chofes que ses exemples. La pratique du
bureau est si aisée & si utile , que l'enfant
doit y travailler jusqu'à ce qu'il puisse
écrire passablement & sans degout les
petits tèmes & les petites versions qu'on
Îui donera à faire ; quand le bureau ne
seroit plus necessaire pour le latin , il le
seroit pour le grec, l'ébreu & l'arabe, pour
l'histoire , la fable , la cronologie , la géografie
, les généalogies ; pour le blason
pour les médailles , et enfin pour les arts
& les siences , puisque ce bureau doit
tenig
"
"
SEPTEMBRE. 1730. 1723
tenir lieu de biblioteque en feuilles ou en
cartes. On ose meme assurer que quand
on doneroit à l'enfant plusieurs bureaux,
soit pour les langues , soit pour les sien-
'ces , il n'en aprendroit que mieux ; il auroit
des idées claires & distinctes des chofes
; l'ordre lui deviendroit insensiblement
familier , & l'on éviteroit par là
cete espece de confusion qui paroit dans
les logetes où l'enfant est obligé de tenir
les letres de plusieurs langues , en noir
& en rouge ; quoique separées par des
cartes doubles ou triples , en petits cartons
, plus courts que les autres cartes.
Un bureau historique metroit l'enfant
au large ; il auroit des logetes diferentes
pour la fable & pour l'histoire ;
cer idées bien ordonées , doneroient à l'enfant
un gout merveilleux pour la meilleure
métode d'aprendre les choses peu à
peu;sans sortir de son cabinet, il parcoureroit
tous les siecles & toute la terre ; il
auroit des suites numerotées des patriarches
, des juges , des rois , des pontifes , des
profetes , du peuple ébreu ; les successions
des souverains du monde ; des listes des
homes illustres dans la fable , dans l'histoire,
dans les arts & dans les siences ; les images
, les medailles y trouveroient leurs placesson
y distingueroit toujours le sacré &
leprofane , l'ancien & le moderne; en un
met
1924 MERCURE DE FRANCE
mot les murailles du cabinet de l'enfapt ne
devroient etre ornées & tapissées que
d'objets amusans & instructifs , àproportion
des facultés des parens , et des vues
qu'ils ont pour l'établissement ou ce qu'on
apelle dans le monde la fortune honorable
d'un enfant.
Pour finir cet article , on peut dire que
le grand segret , après celui de la metode,
c'est de n'exiger d'un enfant qu'une atention
proportionée à fon age & à fa foiblesse
; de faire aimer l'exercice du bureau
, et de rendre ce jeu aussi agréable
qu'il est utile & instructif ; mais sur tout
travailler souvent avec l'enfant , c'est
là un point essentiel , dont trop de maitres
fe difpensent ; et si l'enfant ne travaile
pas , il sera bon de faire travailler
avec lui quelque autre persone qui lui
soit agréable. Il en faut bien etudier le
fort & le foible , lui inspirer le gout de
bones choses , et le desir de pratiquer.
tous ses petits exercices literaires . On ne
doit jamais fraper ni batre l'enfant ¿ que
pour la rechute volontaire dans des fautes
morales d'esprit & de coeur , encore fautil
bien etudier la maniere de punir , et de
rendre la corection utile & eficace , de
quelque nature qu'elle puisse etre , soit
qu'on le prive de quelque chose , soit
qu'on le mortifie par quelque endroit , la
douceur
SEPTEMBRE. 1730. 1925
douceur , la patience , la clemence , ne
doivent jamais quiter un bon maitre qui
étudie l'esprit , le coeur , le naturel & les
inclinations de l'enfant .
On peut, s'il eft necessaire , faire semblant
d'etre en colere au milieu d'un sens
froid , on peut meme entrer dans la colere
, mais toujours avec moderation , maitre
des premiers momens ou mouvemens
d'impatience ; en un mot , la colere doit
etre feinte & teatrale , on doit conserver
la raison & la liberté necessaire à un juge
équitable en faveur de la justice & du criminel
. Bien des maitres fe passionent &
s'aveuglent contre de pauvres enfans ;
l'ignorance , une mauvaise éducation , des
moeurs équivoques , peu d'atachement,un
esprit mercenaire , tout cela contribue à
former des ames feroces & brutales, c'est
aus parens à prendre garde au chois qu'ils
font des maitres.
On ne doit donc avoir recours aus verges
que lorsque l'enfant coupable , impenitent
, indocile, desobéissant , &c. méprise
les remontrances ; mais on ne doit jamais
employer les coups pour l'étude des langues
, à moins qu'on n'ût le malheur de
ne pouvoir mieux faire , chargé d'un indigne
sujet que les parens auroient condané
aux études , plutot que de l'apliquer
aus arts & aus metiers les plus convena-
B bles
1926 MERCURE DE FRANCE
bles à son gout , ou les plus utiles à l'état.
On poura lire , à l'ocasion des chatimens
, le livre de M. Rollin , et une brochure
intitulée : Guillelmi Ricelli Disser
tatio medica adversus ferularum , alaperum ,
et verberum usum in castigandis pueris , nec
non aurium tractionem , &c. ad sanitatis tutulam
, &c. Lipfiæ , 1722 .
Nous voici , Monsieur , à l'article des
tèmes de lecture sientifique , fur lequel
vous avés demandé quelque éclaircissement.
On apèle tèmes sientifiques , les cartes,
au dos desqueles on écrit une ou plufieurs
lignes de françois avec toute l'exactitude
possible sur les accens , sur les sons
de la langue , et sur la veritable ortografe
, en sorte que l'enfant puisse pratiquer
les principes de lecture qu'on lui a donés ,
et qu'il ne soit jamais induit en erreur,
Il n'y a aucun livre qui ait cete exactitude
, et peu de maitres sont au fait de toutes
les minuties qui regardent les sons &
la vraie ortografe de notre langue . Il est
donc bon au comancement de se servir
de ces sortes de cartes , pour avoir un texte
corect & conforme à la doctrine des sons
employés pour bien montrer à lire à un
petit enfant ; et l'on peut faire entrer dans
ces tèmes sientifiques toutes les dificultés
de la prononciation françoise , par raport
à la vieille & à la nouvele ortografe , ainfi
qu'on
SEPTEMBRE.1730 . 1927
qu'on a taché de le faire dans les cinquan-,
te-sept petits articles de la leçon 101 de
PA, B , C , françois.
L'enfant qui aprend à lire ces sortes de
tèmes, lit plutot, plus facilement, et beaucoup
mieux dans les manuscrits que les
autres enfans ne lisent dans les livres ; et
pour rendre l'enfant encore plus habile ,
il faudra lui ramasser des cartes sur lesqueles
on aura fait écrire diverses persones
, ou bien lui faire adresser de petites
épitres de la part des parens , des amis &
des voisins , qui voudront bien se preter
& contribuer de leur part à l'éducation
d'un digne enfants pour lors chacun sera
surpris de voir le grand succès de ce petit
artifice . De la lecture de ces tèmes , de
ces cartes ou de ces épitres , on passe facilement
à cele des livres imprimés en caractere
romain ou italique ; mais il eft bon
au comancement de chercher de beles
éditions corectes & d'un gros caractere ;
après quoi l'on doit peu à peu metre l'enfant
sur toute sorte de livres , et lui faire
remarquer les défauts & les fautes de chaque
ortografe des bones & des mauvaises
éditions , depuis l'anée courante jusques
au tems que l'on comança d'imprimer.Les
abreviations ne doivent pas faire de pei-
, elles fourniront d'autres jeux literaires
; il n'eft pas mal en aprenant à lire ,
Bij
d'a1928
MERCURE DE FRANCE
d'aprendre quelque autre chole de plus.
S'il y avoit quelque livre imprimé corectement
, selon l'ortografe de l'oreille
ou des sons de la langue , il feroit presque
inutile d'épeler ; mais la vieille & la fausse
ortografe, ou la cacografie , exigent que
l'on fasse epeler de tems en tems certains
mots ; en atendant ce livre corect que
nous n'avons pas , l'A B C DE CANDIAC
poura etre de quelque secours pour les
enfans , et pour les maitres dociles , non
prevenus ; car pour les autres il faut les
laisser faire à leur fantaisie , les abandoner
à la vieille ortografe, à la vieille géografie,
aux vieilles grammaires , aus vieilles metodes,
et meme à l'écriture gotique , si elle
est de leur gout , et du gout des parens qui
livrent leurs enfans à de tels guides dans
la republique des letres.
L'heureuse experience des temes sientifiques
donés sur des cartes fit en meme
tems croire qu'un enfant aprendroit
plus facilement de cete maniere , que
dans aucun livre tout ce qu'on souhaiteroit
qu'il aprit , parce qu'à force de manier
, de lire , et de ranger les cartes nu
merotées qu'il voit preparer pour lui , il
sait d'abord par coeur ce qui eft écrit sur
ces cartes ; il se plait d'ailleurs à ce jeu
autant qu'il s'ennuie à feuilleter les li-
VICs donés par les métodes vulgaires. La
revue

SEPTEMBRE. 1730. 1929)
revue & la revision de tous ces jeus de
cartes font plus d'impression sur l'esprit
de l'enfant , , que les
livre.
pages
odieuses d'un
Les temes sientifiques de la langue fran
çoise feront ensuite place aus temes la
latis , aus cartes en grec , en ebreu , en
arabe , &c. sans trop multiplier d'abord
les cartes de l'imprimerie , on poura montrer
à un enfant en peu de jours l'A B C
grec & l'ABC ebreu , qu'on metra à
côté des letres & des sons de la langue
françoise ; le meme nom , la meme carte,
serviront pour les trois langues , et l'enfant
qui trouvera l'aleph , ( 2) et l'alpha
(a) sur la carte de notre a , leur donera
la meme denomination , et aprendra tout
seul à les distinguer les uns des autres .
On donera ensuite des mots , des racines,
et des lignes en grec & en ebreu , afin
que l'enfant aprene à composer ces lignes
sur la table de son bureau tipografique ,
de la meme maniere qu'il y aura composé
des lignes enfrançois & en latin . Cet exercice
sera infailliblement du gout de l'enfant
, sur tout si auparavant l'on a eu soin.
de lui doner des letres , des mots , .et
des lignes , qui imitent la casse des imprimeurs
, &c.
Il est aisé de voir que par cet exercice
un enfant peut facilement entretenir la
Bij lecture
1930 MERCURE DE FRANCE
lecture des quatre langues . Cete imprimerie
compofée de tant de petits volumes
ou de feuilles volantes isolées & detachées.
a une aparence de jeu qui porte l'enfant ,
au badinage instructif. On peut alonger,
renouveler , et varier ce jeu de tant de
manieres , et sur tant de matieres diferentes
, qu'il ne paroit pas qu'en fait de
téorie ou de pratique , on puisse inventer
une métode plus au gout , et plus à
la portée des enfans , que cele du bureau
tipografique , soit pour la santé du corps,
soit pour la premiere culture de l'esprit.
On ne sauroit trouver une métode' generale
, qui en si peu de tems puisse produire
d'aussi grans & d'aussi surprenans
efets. Cependant ceus qui feront atention
à la force de l'habitude ou des actes reiterés
unc infinité de fois , concevront sans
peine la verité de ce que l'on dit ici ; et
les persones qui ont vu & admiré le savoir
du petit CANDIAC à Montpellier,
à Nimes , à Grenoble , à Lion , à Villefranche
& à Paris , ne refuseront jamais le
témoignage du à cete meme verité.
Ceux qui voudront faire aprendre par
coeur les principales regles de la métode
de P.R. come celes de la sintaxe, & c. pouront
les doner à l'enfant sur des cartes
numerotées avec des exemples & des lis
tes de mots au dos de ces mèmes cartes :
mais
SEPTEMBRE. 1730. 1931
}
mais on doute qu'il soit necessaire d'aprendre
ces regles pat coeur il sufit de
les faire lire & relire , et de les expliquer
souvent à mesure que les tèmes donés l'exigeront.
Les auteurs de ces regles condanant
l'uſage & la pratique des maitres
qui donoient les regles en vers latins
ont cru qu'en les metant en vers françois
, il n'y avoit presque plus rien à desirer.
En cela l'on a jugé trop favorablement
des enfans : aprendre une regle par
coeur , c'eft l'operation d'un peroquet ,
d'un enfant , et de la memoire ; savoir
faire l'aplication de cete regle, c'est l'efort
de l'esprit humain. Bien des gens aprenent
les quatre regles d'aritmetique , qui jamais
ne peuvent résoudre le moindre problème.
Ceux qui savent par coeur les regles
de logique , ne sont pas toujours ceux
qui raisonent le mieux : on doit donc bien
distinguer la téorie de la pratique , et ne
pas confondre l'articulation des principes
ou l'étude aveugle des principes apris par
coeur sans les comprendre , selon la métode
vulgaire , avec l'étude pratique & de
sentiment , selon la métode du bureau
tipografique , qui fait marcher en mème
tems la pratique & la téorie , sans qu'il
soit besoin d'atendre qu'un enfant sache
écrire ; avantage inexprimable , et ignoré
jusqu'ici dans toutes les écoles d'Europe.
B iiij On
1932 MERCURE DE FRANCE
On continuera cete matière dans les reflexions
preliminaires du rudiment pratique .
la
Il semble, dira quelcun , qu'on veuille
réduire les premiers exercices literaires
d'un enfant à de simples jeus & amusemens
de cartes , afin qu'il puisse jouer seul
ou avec d'autres. Il eft vrai qu'on souhaiteroit
de donner à l'enfant des roses sans
épines ; et que les maitres & les maitresses
à force de soin , de travail , et d'assiduité,
voulussent bien aprendre leur metier, et à
se faire aimer des enfans plutot que de s'en
faire haïr; efet ataché à l'ignorante & mauvaise
métode vulgaire : au lieu
que par
tode du bureau tipografique , l'enfant se
livre d'abord avec plaisir au jeu instructif
des cartes abecediques , dès qu'il sait articuler
quelques silabes , et qu'il a l'usage
de ses doits & de ses mains pour manier
& ranger des cartes sur la table de son
bureau. On ne parle point ici de ces jeus
en feuilles qui demandent de l'atention ;
une petite societé , et souvent par malheur
, un esprit d'interèt , qui d'accessoire
devient principal , et qu'il n'est pas
toujours aisé de bien diriger. On en par
lera ailleurs.
Malgré tout le bien & tous les avantages
atribués à ces jeux abecediques , on
doit cependant metre les enfans le plus
tot qu'il sera possible dans le gout de lire
les
SEPTEMBRE. 1730. 1933
les bons livres , et dans l'usage de parcourir
les tables des matieres qu'ils con--
tienent : on ne l'entend gueres que des
livres historiques ou à la portée des enfans
, car pour les livres moraux , ils ennuient
&dégoutent l'enfance ; l'instruction
morale se doit doner de vive voix & dans
toutes les ocasions favorables pour faire
plus d'impression sur l'enfant : agir autrement
, c'est perdre sa peine & détruire
dans un sens l'édifice déja comencé ; l'experience
journaliere ne permet pas de le
penser autrement .
J'aurois du , Monsieur , vous dire quelque
chose sur la cassete abecedique , puisque
c'est le premier meuble literaire qu'il
faudroit livrer à un enfant de deux à
trois ans. Cere cassete est habillée ou couverte
des premieres combinaisons élementaires
; la feuille de ces combinaisons est
l'abregé de l'A B C latin & françois , et
l'on ne sauroit y tenir un enfant trop
lontems , pourvu qu'on ait soin de lui
faire dire sur la cassete les combinaisons
non- seulement de gauche à droite , mais
encore de droite à gauche , de haut en
bas & de bas en haut , ou en colones ,
c'est- à-dire en ligne horisontale , et en
ligne perpendiculaire .
Le premier des deux petits cotés à droi
te , contient N. 1. les letres du grand
By A
++
1934 MERCURE DE FRANCE
1
ABC latin avec leur dénomination , ou
le nom doné et preté à chaque consone
pour rendre selon cete nouvele métode
l'art de lire plus aisé.
Le segond des deux petits cotés de la
cassete à gauche , contient , No. 2. le petit
a , b, c, à coté du grand , letre à letre,
afin que l'enfant qui conoit bien les grandes
letres , puisse facilement & presque
de lui-même aprendre ensuite à distinguer
les petites.
La premiere des grandes faces de la cassete
, et sur le devant , contient N ° . 3 .
en deux colones les combinaisons élementaires
du Ab , eb , ib , ob , ub , &c.
Le deriere de la cassete, contient N ° . 4.
et en deux colones , les combinaisons du
Ba , be , bi , bo , bu , &c. dans lesqueles
on fera remarquer les changemens que
l'auteur a cru necessaires pour doner de
bons principes sur les combinaisons Ca,
se , si , co , cu ; Ga , je , ji , go , gu , ; Ja ,
ge , gi , jo , ju ; Sa , ce , ci , so , su ; Ta ,
te , ti- ci , to , tu , &c.
Le dessus du couvercle de la cassete ,
contient No. 5. N° . 6. les combinaisons
du Blà , ble , bli , blo , blu , &c. et celles du
Bra, bre , bri , bro , bru , & c . . . .. . N ° . 7.
les combinaisons des quatre petites letres
ressemblantes b , d, p ,q , combinées avec
leurs quatre capitales , et ensuite avec les
cinq
SETEMBRE. 1730. 1935
cinq voyeles , come Bb , Dd , Pp , Qq,
&c , Ba , de , pi , qu , bo , &c. .... N. 8.
des sons particuliers à la langue françoise.
?
Cete cassete servira à faire dire la leçon
en badinant , et à tenir les cartons &
les jeus de cartes abecediques , qui ont
servi de premiers amusemens à l'enfant.
On trouvera de ces cassetes , de ces cartons
, et de ces cartes abecediques chés
P. Witte, Libraire , rue S. Jacques, à l'Ange
Gardien , vis- à- vis la rue de la Parcheminerie.
XXXXXX :XX :XXXXXXX
O DE
SUR LA NAISSANCE
DE MONSEIGNEUR
LE DAUPHIN.
Prefentée à l'Académie des Jeux Floraux.
QU
>
Uelle eft cette nouvelle aimable ,
Qu'annonce le Courier des Cieux !
D'où naît ce Spectacle agréable
Qui par tout s'étale à mes yeux ?
O puiffans Dieux ! que de merveilles !
Que de voix frappent mes oreilles
B vj
Da
1936 MERCURE DE FRANCE
Devos éloges immortels !
Quel don fi grand fait à la France ,
L'oblige par reconnoiffance ,
A charger d'encens vos Autels ?
Mais que vois -je ? Eft- ce vous , Aftrée ,
Qui defcendez vers les François ?
Peuples ; cette Vierge facrée ,
Vient faire refleurir fes Loix..
J'apperçois marcher fur ces traces ,
Précedé des trois jeunes Graces , *
Un enfant plein de majeſté .
Mon coeur ſent déja ſa puiſſance ,
Et fous le voile de l'enfance
Découvre fa Divinité .
Hâte-toi pour voir ce Miracle ,
Soleil , quitte le fein des Mers ,
Mais où fuit ce divin fpectacle ?
Quel nuage obfcurcit les Airs ?
Un vent impetueux fe leve ,
Son fouffe rapide m'enleve ,
Jufques dans le féjour des Dieux.
Dois -je m'expliquer
ou me taire ?
Dois -je publier le myftere ,
Qui ſe développe à mes yeux.
* Mefdames de Frances
f
Fran
SEPTEMBRE. 1730. 1937
François , voici l'heure fatale ,
Qui doit terminer tous vos maux .
Pour terraffer l'Hydre infernale ,
Le Ciel vous accorde un Heros.

Je la voi ; cette Hydre indomptable ,
En vain à ce coup qui l'accable ,
S'arme de toute la fureur.
LOUIS naiffant , lance fa foudre ,
Ses têtes réduites en poudre ,
Ne font plus qu'un objet d'horreur.
Toi qui pour un Dauphin paifible ,
Formois tous les jours mille voeux ,
Fleury , s'il paroît fi terrible ,
<
Ce n'eft que pour nous rendre heureux.
S'il paroît armé d'un Tonnerre ,
Ce n'eft que pour purger la Terre ,
Des Monitres qui troublent la Paix.
Bientôt fa main prendra la Lyre ,
Et la douceur de fon Empire ,
Surpaffera tous nos fouhaits.
M
Puiffe cet Enfant adorable ,
Croiffant tous les jours en fplendeur ,
A toute la terre habitable ,
Faire refpecter fa grandeur,
Le Janfenifme,
Puiffent
1938 MERCURE DE FRANCE
Puiffent les fages Deſtinées ,
D'une longue fuite d'années ,
Orner fes paifibles vertus ;
Et de cette Tige féconde ,
Faire
pour
le bonheur du Monde ,
Sortir mille nouveaux Titus.
Ainfi dans une Forêt fombre ,
On voit le Cedre précieux ,
Couvrir la Terre de fon ombre ,
Et lever fon front jufqu'aux Cieux.
Ainfi dans de vaftes Campagnes ,
Un Fleuve du haut des Montagnes ,
Roule avec majeſté ſes Flots ,
Et dans fon cours formant cent Iſles ,
Va porter dans toutes les Villes ,
La fécondité de les Eaux.
Mais quelles pompeufes images ,
Viennent encor frapper mes fens ?
Jupiter ( quels heureux préſages )
Admire fes charmes naiffans.
Bacchus , Cerés , Pomone & Flore ,
Courent vers ceete jeune Aurore ,
Mettre leurs prefens à fes pieds,
Cybele offre fon Diadême ,
Neptune , fon pouvoir fuprême ,
Et Phebus fes nobles Lauriers.
DAUSEPTEMBRE.
1730. 1939
de naître , DAUPHIN , tu ne fais que
Et tout reconnoît ton pouvoir ,
Le Heros qui t'a donné l'être ,
Sur toi fonde tout fon eſpoir ,
Voi comme l'Univers s'empreſſe ,
Par mille marques d'allegreſſe ,
De te témoigner ſes tranfports.
Pour en tracer une peinture ,
Voi comme l'Art & la Nature ,
Semblent épuifer leurs tréfois.
Venez , volez, Troupe * immortelle
Venez voir cet Amour nouveau ,
Venez pour marquer votre zele ,
Couvrir de vos fleurs fon Berceau .
Qu'on n'entende plus les Trompettes ;
Bergers , que vos tendres Mufettes ,
Animent feules nos Concerts.
LOUIS a triomphé des vices :
La Paix va faire fes délices ,
Et lui celles de l'Univers.

Pacatum reget patris virtutibus orbem.
* Meffieurs de l'Académie.
L'Abbé LAVIT , d'Agde:
LET1940
MERCURE DE FRANCE
XXXXXXXXXXXXX XXXXXXXXX
LETTRE de M. L.C. S... à M. de
B. Brigadier des Armées du Roy , &
Colonel d'un Régiment Suiffe au Service
de Sa Majesté.
6
MONSIEU SIEUR ,
Quoique Suiffe , j'ai le coeur affez François
pour me joindre aux Concerts unìverfels
de la France ; & à ce titre , je me
réjouis veritablement du fujet de fes vives
acclamations , mais ne fut- ce qu'en
qualité d'homme , je fuis charmé d'un
évenement qui affermit fi generalement
la Paix . C'eſt fans doute le plus grand fruit
de la Naiffance de Monfeigneur le Dauphin
, & dès - là ce Prince doit être reçû
avec empreffement de toute l'Europe.
Je rêvois dernierement au bonheur
qu'un feul homme affure à tant d'autres,
lorfqu'une des Mufes parut devant moi.
Je jugeai que c'en étoit une à fa démarche
noble & mefurée , & à un éclat qui furpaffoit
celui des plus blelles fleurs .
Elle avoit certain air de douce complaifance ,
wx
Que lui donnoit cette Naiffance ,
Et fembloit renoncer à la ſeverité ,
Qu'éloigné la Profperité.
Je
SEPTEMBRE. 1730. 1941
Je me tirai à l'écart rempli de reſpect ,
perfuadé que je ne pouvois rien avoir à
démêler avec une Immortelle que je n'ofois
pas même adorer. Quelle fut ma furprife
, lorfqu'elle m'adreffa ainfi la parole !
O vous , Mortel , qui que vous foyez ,
qui croupiffez dans une molle indolence,
mon infpiration ne fçauroit- elle aller jufqu'à
vous ? mon audace lyrique ne
pourroit-elle vous échauffer ? Un demi
Dieu qui vient de naître , n'eft- il pas un
affez grand fujet pour exciter votre émulation
? Trop grand mille fois ( lui répon
dis- je ) à peine ofai- je chanter le repos que
je goute & le loifir dont je joüis , mes Airs
ne roulent que fur des fujets fimples &
champêtres ; une Mufette eft le feul Inftrument
que je connois , & la Lyre majeftueufe
tomberoit infailliblement de mes
mains.
Prenez -la fans confequence ( pourfuivit-
elle. ) Il y en a trop ( lui répartis-je )
à méconnoître fes talens . Je vous aiderai
( ajoûta- t - elle . ) Ah ! mon incapacité , lui
dis -je , eft au - deffus de votre pouvoir ;
allez donc , reprit-elle d'un air courroucé,
allez begaïer à l'avanture ; mais du moins
femez quelques fleurs fur le Berceau du
nouveau né. Elle part , & je fors de ma
rêverie : de toute cette apparition il ne me
refte que de l'ardeur.Un zele vif mais mal
foute1942
MERCURE DE FRANCE
foutenu , fut tout ce que la Mufe divine
ine laiffe en partage , cependant :,
Je parcourus nos Montagnes ,
Je courus dans nos Campagnes ,
Pour faire de tout mon coeur ,
Un Bouquet à Monfeigneur ,
S'il peche dans l'Ordonnance ,
Ou s'il manque d'agrement ,
C'est qu'on dit ce que l'on penſe ,
Et non pas ce que l'on fent.
Voilà , Monfieur , tout ce qui m'eſt
arrivé , & il ne me faloit pas moins qu'un
Brigadier des plus zelez qu'ait notre Nation
au fervice de la France , pour Confident
de mon zele & mes legers travaux.
Ce ne fera , fi vous voulez , qu'un Fufée
entre mille autres , ou même qu'une fleur
fur tout un Parterre ; mais ce fera affez
de cette fleur , fi l'augufte nom dont elle
fe couvre peut en faire une IMMORTELLE.
J'ai l'honneur d'être , & c.
A Lauzanne ce 1. Octobre 1729.
Nous n'avons reçû cette Lettre qui
contenoit auffi l'Ode qui fuit , que le 28.
Août.

ODE
SEPTEMBRE . 1730. 1943
XXXXXXX: X : X : XXXXX**
ODE
SUR LA NAISSANCE
DE MONSEIGNEUR
LE DAUPHIN,
Redoublez l'éclat de vos Fêtes ,
France , un nouvel Aftre vous luit.
Quel préfage pour vos conquêtes ,
Que le bonheur qui le conduit !
Un jeune Alcide vient de naître ,
Il fort des BOURBONS & doit être
Un jour pere de fes Sujets ;
Que de merveilles j'en augure !
Heureuſe la Race future ,
Qui doit jouir de ſes bienfaits !
Tel qu'un Phénix qui de fa cendre ,
Sort plus brillant , plus glorieux ,
Tel lorfqu'on devoit moins l'attendre ,
LOUIS renaît de fes Ayeux .
En vain la Parque meurtriere ,
Veut précipiter la carriere ,'
Des Princes , * vos tendres amours ;
* Les Princes morts en 1712.
En
1944 MERCURE DE FRANCE
En vain la mort cruelle frappe ,
A fes coups le plus foible échappe
Elle ne peut rien fur les jours.
Les plus auguftes Deſtinées ,
Veillent fur fon facré Berceau ;
Elles refervent fes années ,
Pour quelque Miracle nouveau.
Pallas le couvrant de l'Egide ,
En Philippe lui donné un guide ,
Sçavant dans l'art de bien regner ,
Et dans la plus tendre jeuneffe
Fleury vient graver la fageffe ,
Dans fon coeur qu'il fçut lui gagner.
M
Mais encor trop frêle efperance ,
Dont l'objet peut fi -tôt finir !
Lui feul nourrit la confiance ,
Mais peut-il feul la foutenir ?
Quelle joye il fe multiplie :
Une double chaîne vous lie ,
A votre aimable Souverain ;
Et pour prix de vos voeux finceres
François , le Ciel ne tarde gueres ,
A vous accorder un DAUPHIN,
M
C'en eft fait, vos craintes finiffent;
11
SEPTEMBRE . 1730. 1945
Il affermit votre repos :
Déja vos ennemis frémiffent ,
De voir s'augmenter vos Heros :
La Paix regne dans leur Empire ;
La Diſcorde en fureur , foupire ,
Des Traits qui lui font arrachez,
En attendant que la Victoire ,
Ecrive au Temple de memoire
Des Exploits qui nous font cachez.
PRIERE 2
Pour Monfeigneur LE DAUPHIN,
Ciel ! fais qu'en naiffant il aime la juſtice ,
Qu'à fes Sujets futurs ramenant l'âge d'or ,
Il joigne , s'il fe peut , la fageffe d'Uliffe ,
A la vieilleffe de Neftor.
REPLIQUE du premier Muficien
à l'Ecrit du fecond , inferé au Mercure
de Juin 1730 .
Q
Uelle difference , Monfieur, de votre
Conférence à votre derniere
Réponse ! Là , vous fappiez jufqu'aux
fondemens de ma Méthode d'Accompa
gnement ; ici , vous convenez qu'elle
fuffit
1946 MERCURE DE FRANCE
fuffit feule , & qu'elle a ce merite au -deffus
de toutes les autres.
On doit affez juger de - là , que vous
ne connoiffiez pas ma Méthode , lorfque
vous l'avez attaquée ; puifqu'à la vûë du
feul Plan que je vous en ai donné , vous
paffez tout d'un coup de la Critique à
Approbation ; car lorfque vous dites
page 1082. Tout confideré , je conclus qu'il
étoit plus à propos de l'enfeigner plus tard ;
cela ne fignifie autre chofe , finon , que
comme la meilleure , vous voulez la garder
pour fuppléer aux autres , qui fuivant
ce que vous ajoutez fix lignes plus
bas , ne fuffifent pas pour perfectionner entierement
, fans quelques explications réſervées
aux Maitres : C'eft à ce coup que
la force de la verité vous a fait parler ;
mais il vous fied mal , après un tel aveu ,
de dire que ma Méthode ne vous a pas
réuffi auprès des Commençans : fi cela
eft , il faut que vous l'ayez expliquée
fans fuivre l'ordre du Plan , qui renferme
feul , j'ofe le dire , l'idée la plus claire
, la plus fimple , & la plus préciſe
qu'on ait jamais donné de l'harmonie ,
qui fournit les moyens de pratique les
plus faciles & les plus courts , qu'aucun
Maître ait jamais employés , & qui par
conféquent doit procurer à toutes fortes
de perfonnes , la connoiffance la plus
par
SEPTEMBRE. 1730. 1947
parfaite , & la poffeffion la plus rapide
de l'Accompagnement.
C'eft envain , Monfieur , que pour ravir
de nouveau à ma Méthode le merite
de fuffire feule , vous affectez de dire
qu'elle eft difficile , & que vous m'accufez
de l'avoir remplie de deffauts dans
fa pratique , deffauts qui forment les
fix Objections écrites dans votre Conférence
; vous ne prenez donc pas garde
que vous n'avez rien prouvé ni répliqué
à cet égard : En ai-je agi de même lorfque
j'ai fait voir le cahos qui régné dans
votre Méthode , ou fi vous voulez , dans
votre maniere d'enfeigner . Vos fix Objections
font tombées dès l'examen que
j'ai fait de votre Conférence , & le Plan
donné les anéantit tellement , qu'on peut
prononcer dès à préfent fur ce fujet
fans attendre l'entiere impreffion de la
Méthode ; ce délai que vous prenez ne
vous difpenfe point d'entrer en preuve ;
fi non , ma Méthode comme vous dites
, fuffit feule , & a ce merite au - deffus
des autres ; je m'en tiens à vos termes.
و
9
A quelle extrêmité n'êtes vous pas
réduit , M. après un tel aveu , lorfque
vous vous efforcez de jetter fur ma Méthode
un foupçon de difficulté les
exemples que vous rapportez à cet égard
con1948
MERCURE DE FRANCE
confiftent en un feul fait que vous ne
fçavez pas bien , & qui prouveroit , tout
au plus , le peu de juftice qu'une perſonne
a rendue à fa propre difpofition ; tandis
qu'elle n'a pu s'empêcher de reconnoître
autentiquement la fuperiorité que
Vous venez vous - même , de garantir.
Qu'entendez - vous d'ailleurs par ces explications,
que vous dites être réfervées
aux Maîtres, pour fuppléer aux deffauts de
leur méthode ? S'ils fe réfervent d'explique
les principes qu'ils nous ont donnés,
à la bonne heure ; mais fi ces principes font
encore peu de chofe , en comparaifon
de ceux dont ils n'ont jamais fait mention
; furquoi tombe leur réſerve , fi ce
n'eft fur ce qu'il y a de plus effentiel ?
Rendez leur plus de juftice , & ne leur
imputez pas , comme je l'ai déja dit ailleurs
, une pareille charlatanerie . Pour
vous , M. vous n'en êtes point fufpe &t ;
vous profeffiez la Baffe fondamentale
avant la découverte ; vous critiquiez , ou
enfeigniez ma Méthode d'Accompagnement
avant que de la connoître : mais il
eft bien étonnant , qu'avec de fi grands
avantages , s'il s'agit de réfoudre une
fimple question , vous ne manquiez jamais
de prendre à gauche ; en voici la
preuve.
Vous venez de développer bien du faux,
ditesSEPTEMBRE
. 1730. 1949
dites-vous , dans mon expofé ( Mercure
de Février 1730 , page 262. ) ne vous
avois- je pas affez averti qu'il y avoit là
un conflit de régles oppofées , & réciproquement
fujettes à de fauffes applications
, pour que vous dûffiez bien prendre
garde à ne pas vous y tromper ? Si
c'eft ainfi que vous avez fait ufage de ma
Méthode , je ne fuis plus furpris de fa
mauvaiſe fortune.
Je n'ai parlé en cet endroit que du
feul intervale compofé de trois tons ,
appellé Triton ; ma comparaifon y roule
fur la maniere , dont il eft dit communément
qu'il fe fauve , où par conféquent
il s'agit de deux differents fonds
d'harmonie , l'un pour le Triton , & l'au
tre pour la 6° ; & vous, pour me relever,
vous y faites toujours fubfifter le même
fond d'harmonie , où le Triton peut fe
changer en 8 , en 6 ° , en 3 ° , & en se
Si la chofe peut s'entendre ainfi , je n'y
ai donc pas tout fpecifié ; & vous deviez
me le reprocher ; car ce Triton peut fe
changer encore en une fuperfluë , &
& en une 7 fuperflue , avec le même fond
d'harmonie : ce que j'aurois dû dire¸ £
j'euffe voulu parler d'un pareil changement
, & c'est ce qu'il falloit examiner
avant que de me faire votre objection.
Suppofons cependant que vous ayez
C bien
1950 MERCURE DE FRANCE
>
3
bien rencontré , ce ne fera encore là
qu'un côté de l'objet ; s'il y en a d'autres
, ils ne devoient pas vous échapper :
or fans vous affujettir davantage au
fond des chofes , ouvrez le livre d'Accompagnement
de l'Organifte renommé
que vous citez , vous y verrez , page
XVII. unTriton particulier, qui refte fur
le même degré , pour former enfuite la
se vous verrez deux accords differens
deux differens fonds d'harmonie dans
cette fucceffion , comme dans celle du
Triton , fauvé de la 6° ; & vous pourrez
voir , à votre loifir , qu'en fubftituant
certaines autres Notes à celle qui
porte ici la se , ce même Triton pourra
toujours refter fur le même degré , pour
en former l'8 , la 3 * , ou laj 6. Ĵ'aurois
pû y ajouter la 7 ; mais j'ai craint
que la fuppofition qui y régne pour lors ,
ne fervit à vous écarter encore du point
de la queſtion.
e
Il faut plus de fagacité pour critiquer ;
ne voir qu'un côté de l'objet , c'eft prefque
ne rien voir ; & ne pas voir celui
qui a le plus de rapport à la queftion
c'eft le comble de l'aveuglement , & le
prix ordinaire de toutes vos Objec
tions.
AVIS
SEPTEMBRE. 1730. 1951
AVIS à une jeune Demoiſelle
de douze ans.
MADRIGAL.
Vous êtes jeune & belle , agréez un avis ;
Que je vous donne avant que votre coeur foit
pris.
Cet avis convient à votre âge ,
Le Dieu d'Hymen , le Dieu d'Amour
Egalement jaloux de l'avoir en partage ,
Vont bien-tôt vous faire leur cour.
Je ne fçai point entr'eux quel choix ſera le vôtre
,
Mais ils ont beau vouloir vous plaire tour à
tour ,
N'écoutez jamais l'un fans l'autre.
M. D. M
REPONSE.
Avec un vrai plaifir je reçois les avis ,
Que me donne votre tendreffe ,
Vous les verrez fidellement fuivis.
Oui , toujours de mon coeur , je ferai la maî
treffe ,
L'Amour reclame en vain fes droits ,
Il me vante en vain ſa puiſſance.
Cij Avec
1952 MERCURE DE FRANCE
Avec l'Hymen , s'il n'eft d'intelligence ,
Il ne pourra jamais m'engager fous fes Loix.
R. D. R.
のの
DERNIERE SUITE des Mémoires
de M. Capperon , & c. Sur l'Hiftoire naturelle
, l'Hiftoire Civile & Ecclefiaftique
du Comté d'Eu .
P
*
Our ne rien omettre , Monfieur , fur
ce qui a raport à la piété dans notre
Hiftoire , je ne dois pas , ce me femble ,
oublier une faveur finguliere de la Providence
faite à la ville d'Eu , en la rendant
dépofitaire du Corps de l'Illuftre S. Laurent
, Archevêque de Dublin en Irlande ,
l'an 1181. Ce faint Archevêque paffant
par cette Ville , pour aller joindre le Roy
d'Angleterre , qui étoit en Normandie
Dieu permit qu'il y tomba malade, & qu'il
y mourut le 14 du mois de Novembre.
Six ans après la mort , le Comte d'Eu ;
Henry II. fils du Comte Jean , Religieux
à Foucarmont , dont je viens de parler ,
imitateur de fa piété , en faifant conf-
Voyez les Mercures de Juillet & Aoust ,
$730 truire
SEPTEMBRE . 1730. 1958
truire l'Eglife de Notre -Dame , qui fubfifte
encore aujourd'hui , le tombeau où
repofoit le Corps de ce S.Archevêque fut
ouvert ; il s'y fit , dit- on , tant de miracles
, & les guérifons miraculeufes attirerent
tant de malades à la ville d'Eu
qu'il eft remarqué dans l'original de la
Vie de ce Saint , écrite so ans après fa
mort ,par un Chanoine de l'Abbaye d'Eu ,
chapitre 31. Que quoiqu'on eut abandonné
le Château pour les loger , il ne
fuffifoit pas encore , tant le nombre en
étoit grand.
S Les habitans de la Villè d'Eu , témoins
de toutes ces merveilles , obtinrent après
cinq voïages faits à Rome , que cet illuftre
Saint fût folemnellement canonifé , ce
qui arriva l'onzième jour de Decembre
1226. par une Bulle du Pape Honoré III .
laquelle a cela de fingulier , qu'elle eft la
premiere Bulle de Canonifation où les
Papes aient accordé des Indulgences. Et
ces mêmes Indulgences y font énoncées ,
de la mème maniere qu'on en ufoit dans
les premiers tems , puifque le Pape déclare
qu'il remet vingt jours de la penitence
enjointe à tous ceux qui vifiteront
l'Eglife où le Corps de ce Saint repoſe
foit le jour de fa fête , ou un des jours de
l'octave.
Ceux qui ont tant foit peu de lecture
Ciij fça-
>
1954 MERCURE DE FRANCE
fçavent que les fentimens font fort partagez
fur le tems précis auquel la Poudre
à Čanon a été inventée. Les Hiftoriens
ont auffi fort varié , pour fixer le tems
auquel on a commencé à fe fervir de l'Artillerie.
Grand nombre l'ont placé bien
au deffous de fa veritable époque . Nauclerus
, par exemple , n'en fixe l'uſage
qu'en 1354. Baronius en 1360. d'autres
en 1380. Moreri dit pofitivement qu'avant
l'an 1425. l'Artillerie étoit incon
nuë en France. Mais felon Furetiere dans
fon Dictionaire , M. du Cange eft le premier
qui a découvert dans la Chambre
des Comptes de Paris , qu'on fe fervoit
en France de l'Artillerie dès l'an 1338.
Comme en effet , on y voit un compte
de cette même année , où il eft parlé de
la dépenſe faite pour la Poudre neceſſaire
aux Canons , qui furent employez devant
Puy- Guillaume , Château en Auvergne.
J'efpere qu'on trouvera bon , qu'à ce
titre , lequel jufqu'à preſent , comme je
crois , a paru unique , pour fixer ce point
d'hiftoire , j'en ajoute un autre , tiré des
Archives de notre Hôtel de Ville , qui en
confirme la verité. Il fe trouve dans un
ancien Livre en velin , où font infcrits par
années les noms des Maires & Echevins
depuis l'an 1272. On le nomme le Livre
rouge
SEPTEMBRE. 1730. 1955
rouge , lequel eft en deux volumes . Com
me on a eu foin d'écrire auffi dans ce Livre
ce qui s'eft paffé de plus confiderable
pendant l'adminiftration de chaque Maire
, on lit , volume premier , page 97. le
détail d'une defcente que les Anglois firent
à Tréport , au mois de Mai 1340.de
quelle maniere ils furent heureuſement
repouffez. On y fait obſerver que l'Artil
lerie dont on fe fervit dans cette occafion
y contribua beaucoup ; qu'on en faifoit
alors un fi grand cas , à caufe de la nouveauté
, que celui qui a décrit cette defcente
, remarque comme un grand bonheur
, qu'elle ne fut aucunement endommagée.
Cette ancienne Artillerie fe voit encore
aujourd'hui à Eu , & confifte en deux
groffes Boëtes de fer , qu'on chargeoit
alors de Cailloux ronds , au lieu de Boulets
de fer , comme on en ufoit encore en
1354. même pour les Moufquets , au rapport
de Mezerai , qui dit que ce fut dans
ce temps-là qu'on commença à s'en fervir
dans la guerre d'Italie ; lefquels Moufquets
étoient , dit- il , fi gros , qu'il falloit
deux hommes pour les porter , & on
ne les tiroit que pofez fur deux pieux en
fourchettes. Paffons à un autre fujet.
Le Tombeau fimbolique du Comte
d'Eu , Philippe d'Artois , Connétable de
C iiij France
1956 MERCURE DE FRANCE
France , qui eft dans l'Eglife de Notre-
Dame d'Eu , me paroît meriter qu'on
y faffe attention à caufe de fa fingularité.
Ce qui le diftingue des autres Tombeaux
'de la même Maifon d'Artois qui reſtent
'dans cette Eglife , confifte en ce qu'il eſt
le feul qui foit , non pas fimplement entouré
d'une grille de fer , pour empêcher
qu'on n'en approche , ainfi qu'on en voit
plufieurs autres ; mais en ce qu'il eft enfermé
comme dans une efpece de cage ,
la grille en étant fi proche , qu'on peut
le toucher comme on veut ; ce qui paroît
' d'autant plus myfterieux, que ce tombeau
n'a rien qui exige d'être plus précieufement
confervé que les autres. D'ailleurs ,
Paffectation qu'ont eu ceux qui ont travaillé
ces tombeaux , de pofer des figures
de petits chiens aux pieds de tous ceux
& celles qui y font reprefentez , donne
tout lieu de croire qu'il y avoit en tout
cela quelque chofe de caché.
En effet , c'eft une choſe certaine , que
dans le tems où ces Tombeaux ont été
faits , l'ufage étoit de donner à ceux dont
on voyoit les Repréſentations , certains
ornemens qui défignoient comment ils
étoient morts. Olivier de la Marche , dit
pofitivement dans l'Hiftoire qu'il a compofée
, au rapport de Gui Coquille , dans
fon Hiftoire du Nivernois , que ces petits
chiens
SEPTEMBRE. 1730. 1957
chiens qu'on mettoit alors aux pieds des
perfonnes reprefentées fur les Tombeaux,
fignifioient qu'elles étoient mortes dans
leur lit.Que fi c'étoient des Seigneurs qui
fuffent morts dans un combat , on les reprefentoit
armez de toutes pieces ; au
lieu que s'ils étoient morts , non dans un
Combat , mais ou de bleſſures , ou de maladies
, ou d'autres accidens de Guerre ,
on les reprefentoit également armez de
Cuiraffe , mais n'ayant ni le Cafque en
tête , ni les Gantelets aux mains .
Telle eft juftement , Monfieur , la maniere
dont Philippe d'Artois eft reprefen
té en Marbre fur fon Tombeau , car ce
Seigneur ayant eu le malheur d'être fait
prifonnier par les Turcs , l'an 1396. à la
fameufe bataille de Nicopolis, & de mourir
peu de temps après dans fa prifon ; cela
qui donna lieu pour marquer le genre
de fa mort , de le reprefenter armé , mais
fans Cafque à la tête , & fans Gantelets
aux mains , ayant deux petits chiens à
fes pieds , & d'ajouter une grille qui le
couvre dans fon Tombeau , à celle qui
environne ce même Tombeau, pour mieux
marquer qu'il étoit mort en prifon. Il ne
fera inutile de remarquer que par le
compte que j'ai vu de Roger de Malderée
, alors Receveur du Comté d'Eu , ce
Tombeau où eft la figure de Philippe
Су d'Artois
pas
1958 MERCURE DE FRANCE
d'Artois , de Marbre blanc , de grandeur
naturelle , pofée fur une Table de Marbre
noir , élevée fur le Tombeau , & la double
grille de fer qui l'enferme , n'ont couté
que cent livres , tant l'argent étoit rare
en ce temps - là.
Voicy un autre fait , lequel pour fa fingularité
mérite de trouver icy fa place.
C'eft Monftrelet qui le raporte ' en fon
Hiftoire , volume 1. chap. 125. Cet Hiſtorien
dit que le Roy d'Angleterre Henry
V. s'étant brouillé avec la France , il entra
dans ce Royaume par l'embouchure
de la Seine , le 13. Aouft 1415. avec une
Armée compofée de fix mille hommes
d'Armes , & de 24 mille Archers , d'où
il fe mit en marche , bien réfolu de ravager
tout le Païs qui étoit le long de la côte
jufqu'à Calais. Comme la Ville d'Eu étoit
fur la route , il comptoit bien de l'emporter
d'emblée , & d'en abandonner le pillage
à fes Troupes . Mais il n'en fut pas
ainfi ; car le Comte d'Eu , Charles d'Artois
, s'étant jetté dans cette Place pour la
défendre comme fon propre bien , il ne
tarda pas à lui faire connoître que la chofe
ne lui feroit pas auffi facile qu'il fe l'étoit
promis .
En effet , à peine le Comte d'Eu eut il
reçu avis , que les Coureurs de l'Armée
s'avançoient , qu'il fit faire fur eux une
vigouSEPTEMBRE.
1730. 1959
vigoureuſe fortie.L'attaque fut tres - rude
& ce fut là que fe paffa l'action fingulie
re dont je veux parler. Sçavoir , que dans
le tems que les habitans de la Ville d'Eu
chargeoient rudement les Anglois , un de
fes habitans , nommé Lamelot- Pierre, eut
le malheur de recevoir de la main d'un
Anglois un coup de Lance , qui lui perça
le ventre de part en part; mais ce qui doit
furprendre , c'eft que ce particulier , loin
de perdre toute prefence d'efprit & tout
courage par un coup fi terrible , prenant
la Lance d'une main & fe l'enfonçant
dans le ventre , s'avança toujours jufqu'à
ce qu'il fut à portée de tuer de fon Epée
qu'il tenoit de l'autre main , celui qui lui
avoit donné le coup mortel , & le fit ainfi
expirer en même - temps que lui .
Ce premier effai de valeur que donnerent
ceux qui étoient réfolus à bien défendre
la Ville , n'empêcha pas l'armée
Angloife d'en faire le Siége ; mais les Anglois
y trouvant plus de réfiftance qu'ils
n'avoient efperé , ſçachant d'ailleurs que
l'armée que le Roy de France avoit formée
en peu de temps , s'avançoit pour
les combattre , ils leverent le Siége le troifiéme
jour d'Octobre , & pafferent en Picardie
, où ayant été joints par l'armée
Françoife , le combat fe donna proche
d'Azincourt , dans le Comté de S. Paul.
C vj Je
1960 MERCURE DE FRANCE
Je n'en rapporterai qu'une feule circon-
"ftance fort finguliere , que j'ai tirée de la
Bibliotheque ancienne & nouvelle de le
Clerc , tom . 1. fçavoir , que la plufpart des
Soldats Anglois fe trouvant alors attaquez
d'une violente Diffenterie , ils n'héfiterent
pas , avant le Combat , de fe mettre
à nud de la ceinture en bas , pour évi
ter que de preffans befoins ne vinffent à
les troubler pendant la mêlée , ce qui n'empêcha
pas qu'ils ne remportaffent une entiere
victoire.
Je pourrois raporter un plus grand nombre
de faits ,non moins finguliers que ceux
dont je viens de vous entretenir ; mais
pour éviter une longueur qui pourroit
devenir ennuyeuſe , vous me permettrez
de faire icy Alte, & de reprendre un peu
halene. Je fuis toujours , Monfieur , votre
, &c.
A Eu , ce 1 May 1730.
STANCES
SEPTEMBRE . 1730. 1961 .
STANCES tirées de ces Vers
de Seneque :
Stet quicumque volet potens
Aula culmine lubrico & c.
Thyeft.
DEEmeure qui voudra fur la cime gliffante
D'une Cour fuperbe & brillante ,
Où le fombre fouci regne avec la fplendeur ;
Pour moi , me retirant dans une place obſcure ,
Je veux goûter la douceur pure
Du repos ignoré de la fiere grandeur.
Dans une oifiveté toute pleine de charmes ,
Libre de foins , exemt d'allarmes ,
De ma vertu conftante inſpiré , foutenu ,
Ne concevant jamais d'ambitieuſe envie
Je veux paffer toute ma vie
J
Sans connoître les Grands , fans en être connu
Ainfi lorfque mes jours , amis de l'innocence ,
Suivis du calme & du filence ,
Se feront écoulés loin du bruit importun ,
Chargé d'ans , fans regret je perdrai la lumiere
Et
1962 MERCURE DE FRANCE
Sans
Et j'acheverai ma carriere
pompe ,
fans éclat , en homme du commun.
Une accablante mort étonne , trouble , oppreffe
Celui qui ne formant fans ceffe ,
Pour s'élever plus haut , que de vaſtes deffeins ,
Au milieu de ce luxe , où l'on le vit paroître ,
Expire enfin fans fe connoître ,
Fameux & trop connu du refte des humains.
Bouchet , Chanoine de Sens.
XXXXXXX XX :XXXXXX
ELOGE du R. P. du Cerceau de la
Compagnie de Jefus.
L
E Pere Jean Antoine du Cerceau eft
mort fubitement à Veret , le quatriéme
de Juillet de cette année , âgé d'environ
60, ans. Il éroit né à Paris , l'an 1670 .
& il étoit né Poëte. Il fe diftingua de
bonne heure dans la Compagnie de Jefus
où Dieu l'avoit appellé , par des Poëmes
dont les Connoiffeurs admirerent la Verfification
& la Latinité. Les fujets de ces
Poëmes font les Poules , les Papillons , Baltazar
& l'Enfant Prodigue , Piéce de Thea
tre qu'il a traduite en Vers François , &
qui
SEPTEMBRE . 1730. 1963
qui repréſentée plufieurs fois , a toujours
fait répandre beaucoup de larmes . On a
un Recueil de fes Vers Latins.
,
Il quitta bientôt les Mufes Latines trop
férieufes ingrat à leurs bienfaits , il fe
livra entierement à fon génie qui le portoit
à une Poëfie familiere , fans baffeffe
naïve avec efprit , negligée en apparence,
& travaillée en effet , délicate & piquante
, qui retient quelques termes anciens
de Marot , & qui copie plus exactement
fa maniere de penfer que fon langage.
Le P. du Cerceau étoit original en ce
genre d'écrire ; le Recueil de fes Ouvrages
a été imprimé plufieurs fois chez
Etienne , fans nom d'Auteur ; on y apprend
que les Mufes badines lui atirerent
d'affez grands chagrins . Ses Poëfies ne font
pas les feuls fruits d'un génie heureux ;
les Lettres d'un Abbé à Eudoxe fur l'Apologie
des Provinciales ; deux petites Satyres,
où regne la meilleure plaifanterie , & la
Critique de l'Hiftoire des Flagellan's , écrite
en Latin par l'Abbé Boileau , prouvent
que fa Profe avoit toute la vivacité &
toute la fineffe de fes Vers.
Le P. du Cerceau n'étoit pas borné à
cette efpece d'Ouvrage , dont la délicateffe
fait tout le prix ; il s'élevoit quand
il vouloit en prendre la peine. L'Oraifon
du Dauphin prononcée à Bourges , & imprimée
1964 MERCURE DE FRANCE
primée , ne laiffe pas douter qu'il n'eut
tenu un rang parmi les Orateurs , fi l'éloquence
avoit eu pour lui les attraits de la
Poëfie.
Son efprit étoit de ces efprits faciles
qui prennent aifément toutes les formes .
Sa Compagnie s'eft fervie de fa plume
contre l'étonnante calomnie de Breft , fi
temerairement entrepriſe , fi pleinement
découverte & fi folemnellement jugée.
Les Factums font de lui.
Engagé par quelques circonftances à
donner l'Hiftoire de la derniere Révolution
de Perfe fur d'excellens Mémoires ; cẹt
Ouvrage achevé en peu de tems fait regreter
qu'il n'ait donné au Public que cette
Hiftoire.
,
Ceux entre les mains defquels fes papiers
font tombés pourroient rendre public
un Ouvrage auquel il ne manque
que cinq ou fix pages ; c'eft l'Hiftoire de
Nicolo Gabrins , fils d'une Lavandiere
qui entreprit l'an 1447. de rétablir la République
Romaine. Cet évenement peu
connu , joint les agréables furprifes du
Roman à la verité de l'Hiftoire , on s'étonnera
qu'il n'ait pas mis la derniere
. main à un Ouvrage prefque fini 25. ans
avant fa mort , ceux qui s'en étonneront
n'ont pas connu le Pere du Cerceau ; fon
eſprit lui a rendu de grands fervices , par
recon
J
SEPTEMBRE . 1730. 1965
reconnoiffance il ne le contraignoit pas ,
il en fuivoit avec trop de complaifance
les mouvemens les moins reglés ; combien
d'ouvrages a t'il commencés tandis
qu'une certaine impetuofité d'imagination
duroit , il les pouffoit avec vigueur , il y
employoit les jours & les nuits ; dès que
cette imagination un peu capricieuſe fe
refroidiffoit , il les abandonnoit & les
oublioit entierement. La lifte de fes Ouvrages
commencés feroit longue ; on y
verroit des Commentaires François fur
Horace , fur les Lettres de Pline , fur les
Dialogues de Ciceron de la Nature des
Dieux , aucun des trois n'a paffé quelques
cayers . Il a pouffé plus loin des Ouvrages
d'un moindre projet , entr'autres un
Effai fur le caractere du ftile Poëtique & un
Traité de la Perspective . On n'auroit pas
dû attendre un Traité de Mathematique
d'un homme que les Belles Lettres ont
occupé toute la vie ; mais , je l'ai déja dit,
fon efprit prenoit toutes les formes . Divers
Extraits qu'on lit dans les Mémoires
de Trévoux , aufquels il a travaillé plufieurs
années , en differens tems , prouvent
que les recherches les plus épineufes
ne l'effrayoient pas , & qu'il en foûtenoit
la peine , pourvû qu'il ne fallut pas la
foûtenir long tems. Engagé fur la fin de
fa vie à défendre une explication d'Horacc
1966 MERCURE DE FRANCE
race qu'il avoit fuggerée au P. Sanadon
il est entré dans ce que l'ancienne Mufique
a de plus profond , & de plus inacceffible
; il y a porté la lumiere , & repouffé
les attaques d'un fçavant Adverfaire
avec tant de force que la victoire eft
encore douteuſe ; il aimoit la Mufique ,
jufqu'à la pratiquer , & il a compofé plufieurs
Airs.
La plupart des Pièces que les Penfionnaires
du College de Louis le Grand
jouënt chaque année font de lui ; ils ont
repréfenté plus d'une fois avec un fuccès
conftant Lefaux Duc de Bourgogne , Efope
au College , l'Ecole des Peres , le Point
d'honneur & les Confins. Le fort du
Philofophe à la mode , du Riche imaginaire
& d'Euloge a été moins heureux. Le
Pere du Cerceau cheififfoit bien fon fujet;
il peignoit à merveille le ridicule ; fes caracteres
étoient foutenus ; fon Comique
n'étoit jamais plat ; mais il ſe laiffoit preffer
; il croquoit quelquefois fes Tableaux
& fa Verfification fe fentoit trop de la
précipitation de fon travail ; il auroit
égalé les meilleurs Comiques s'il avoit pû
retoucher fes Piéces , fon génie un peu
trop libertin ne le lui permettoit pas . Les
qualités de fon coeur le rendoient encore
plus eſtimable que la beauté de fon efprit;
il étoit d'un commerce doux & aifé , fans
ambi.
SEPTEMBRE . 1730. 1967
ambition & incapable d'envie. On le
voyoit avec plaifir dans le grand monde ,
& il ne le cherchoit pas : eftimé dans fon
Corps dont il rempliffoit les devoirs fans
oftentation. Les larmes du Prince de Conti
fon Eleve , font l'éloge & de l'illuftre Dif
ciple & du Maître.
XXXX:XXXXXXX: XXXX
LE RENARD ET L'ASNE ,
FABLE.
Difpenfateur des Tréfors du Parnaſſe ,
Phoebus , flambeau du Firmament ,
Daignez favorifer dans fa badine audace
La tentative d'un enfant.
N'ayant fenti dès fes plus tendres ans
Que les brouillards de l'Hypocrêne ;
Souffrez du moins que fes pas chancelans
Suivent de loin le cours de la Fontaine.
Au tems jadis , mille ans avant Deſcartes ,
Qui même de l'inftinct privoit les Animaux ,
Sire Lion , leur Roi , par diverſes Pancartés ,
Nomma hauts Jufticiers , Baillifs & Senéchaux .
Le
1968 MERCURE DE FRANCE
Le projet étoit bon ; il aimoit la Juftice ;
Car , difoit- il ( parlant du Loup )
Qui défendra l'Agneau des dents de ce filou ,
S'il le vouloit gober par goût ou par caprice
Voulons que nos Edits foient donc notifiés
Dans le Reffort de notre dépendance ,
Et que Sujets choifis , avec quelque finance
Soient à l'inftant Bailli -fiés.
Dans le Païs de Sapience
Certain Renard étoit le Senéchal ;
Martin Baudet , parlant par reverence
En étoit Procureur fifcal.
Le premier poffedoit maint tour de Gibeciere,
De feu Maître Gonin il tiroit ſon eſtoc ;
Et quand Janot Lapin plaidoit contre fon frere
L'un perdoit fon Procès , l'autre reftoit au croc.
Dame Poulle plaidant devant Seigneur Renard,
Le fin Matois plumoit fa Cliente à merveilles ;'
Martin , en bon Docteur , fecoüant les oreilles ,
Toujours avec trois dez concluoit au hazard .
Le malheur fut encor que de cette Juftice ,
Pour faire un bon Trio , le Chat fut le Greffier ,
Et
SEPTEMBRE . 1730. 1969
Et la griffe de ce dernier
Des Cliens échapés excroquoit aîle ou cuiffe.
L'ordre du Roi fi mal executé ,
Rendit ces maux d'autant plus incroyables
Que ces monftres impitoyables
Se flattoient de l'impunité.
C'eft ainfi que fouvent tous les hommes déci
dent ;
La partialité guide leurs fentimens.
Défions-nous des jugemens
Où l'ignorance & l'interêt préfident.
EXTRAIT d'une Lettre écrite aux Au
teurs du Mercure le 14. Août 1730. fur
Péloge des Grands Hommes.
O
pre-
N eft très fatisfait de l'éloge de Mignard
, dont vous nous apprenez
qu'on a compofé la vie. Celui qui en eft
l'Auteur a raifon de dire qu'il eft le
mier qui fe foit avifé d'écrire la vie d'un
grand Peintre en notre Langue , & qu'il
a fuivi l'exemple des Italiens qui depuis
long- tems en ont donné de femblables.
il eft vrai cependant que dans la Vie des
Hommes Illuftres de M. Perrault on y
voit
*།
1970 MERCURE DE FRANCE
voit l'éloge de Mignard ; mais cet éloge
eft trop court , & on peut dire la même
chofe des autres Vies que M. Perrault a
compofées ; n'eft- il pas évident que la
plupart des Grands hommes dont il a parlé
, pouvoient lui fournir beaucoup plus
de matiere & de traits remarquables qu'il
n'en a employé dans fon Ouvrage Il
feroit donc à fouhaiter qu'il fe trouvât
quelqu'un affez zelé pour donner à ces
differentes Vies plus d'étendue. M. Perrault
n'a écrit fur chacune que deux ou
trois pages feulement , & quelle proportion
y a-t'il entre le mérite de ces Grands
hommes & le petit Difcours qu'il a renfermé
dans un efpace fi étroit ? Il eſt certain
que l'on pourroit , fi on le vouloit ,
remplir plufieurs Volumes de plufieurs
chofes curieuſes , en racontant les vertus ,
les talens , les actions & les paroles mêmes
de ces illuftres perfonnages en tout
genre , qui ont fait tant d'honneur à la
France & à notre fiecle. Il eft de l'interêt
de notre Nation & du Public qu'on ne
laiffe rien perdre de tout ce qui peut
faire connoître & à notre fiecle & à la pofterité
le caractere de chacun de ces Grands
hommes , n'étant pas raifonnable que l'on
foit obligé d'aller chercher dans d'autres
Ouvrages ce qui devroit être renfermé
dans un feul , ni d'avoir recours à l'avenig
SEPTEMBRE. 1730. 1971
nir à des Mémoires particuliers qui auront
été confervés dans les familles. Ce foin
regarde principalement notre fiecle , &
faute d'y faire attention , on rifque de n'y
être plus à tems quand on voudra l'entreprendre.
La nouvelle Vie de Mignard
fait juger que l'Auteur a voulu fuppléer
à ce qui manque dans celle de M. Perrault
; & fi cela eft vrai à cet égard , il
doit bien l'être davantage à l'égard des
Condés , des Turennes , des Luxem
bourgs & de tant d'autres qui font compris
dans le même Ouvrage. Il faut convenir
pourtant que M. Perrault mérite
d'être loüé du deffein qu'il a eu de recueillir
les noms de ces Grands Hommes ; mais
qu'il n'a point eu affez de loifir pour don
ner à chacun toute l'attention qui étoit
neceffaire. Il feroit donc jufte que quelqu'un
de nos Auteurs qui écrivent fibien
voulut bien l'entreprendre , & s'immortalifer
lui même en immortalifant les autres.
Vous pouvez , Meffieurs , fi vous le
jugez à propos , inferer cette Lettre dans
votre Journal ; comme je n'ai en vûë que
le bien & la fatisfaction du Public , je ne
crois pas avoir befoin de me faire connoî
tre particulierement &c.
BOU
1972 MERCURE DE FRANCE
Q
BOUQUET
D'un Buveur à fon ami.
Ue les OEillets , les Rofes & les Lys
Voltigent fur le fein d'Iris ;
Que le jour de fa Fête
Les plus brillantes fleurs éclattent ſur ſa tête,
Je n'en dis rien : la choſe eſt de ſaiſon ,
Et fouvent faute d'un Guerdon
L'Amant a perdu fa conquête.
Mais pour nous que
loix ,
Bacchus vit naître fous fes
'Ami , penfons plutôt à fuivre un autre choix.
Cent glouglous repetés d'un pétillant Champagne
Valent mieux que les fleurs de toute la campa
gne.
Allons donc celebrer le refte de ce jour
Dans ces lieux fortunés où Bacchus tient fa Cour.
C'est là que l'on goûte des charmes ,
Exemts de troubles & d'allarmes ;
Les Jeux , les Ris & les Plaifirs
Nous donneront des ferenades ;
Et ta Fête chantée au milieu des Rafades
Remplira nos plus chers defirs.
JUGESEPTEMBRE.
1730. 1973
JUGEMENT des Anglois fur la
Mathématique univerfelle , abregée , à
l'ufage à la portée de tout le monde ;
du P. C. J. imprimée à Paris , chez
Simon , rue de la Harpe.
LA
A Mathématique du P. C. fait trop
de bruit à Paris , pour qu'on n'y foit
pas curieux de voir le jugement qu'en
ont porté les Anglois , qui paffent , avec
raifon , pour de fi grands Géometres , &
de fi bons connoiffeurs en cette matiere.
D'abord , rien n'eft plus glorieux au P.C.
ni plus décifif pour le mérite de fon Ouvrage
, que d'avoir été reçû , comme il
l'a été , fans aucune contradiction , fans
même aucune follicitation , dans l'Académie
Royale de Londres , dont il eſt le
premier Membre qu'ait eu fa Compagnie
dans cette illuftre Societé . Du reſte
La Societé Royale s'eft expliqué & a déclaré
qu'elle ne faifoit cet honneur extraordinaire
, & cette finguliere exception
en faveur du P. C. qu'à cauſe de ſa Mathématique.
Voici en particulier comment
un illuftre Membre de cette Societé
parloit de cet Ouvrage dans le Journal
de Londres du mois de Mars 1728 .
à la page 233 .
D TRA
1974 MERCURE DE FRANCE
TRADUCTION de l'Article 26. du
Journal de Londres , Mars 1728. p. 233 .
Le fçavant & celebre P. Caftel , vient
de publier un Ouvrage merveilleux &
extraordinaire ; c'eft un grand in-4. d'environ
700. pages , intitulé : Mathématique
univerfelle , abregée , à l'usage & à la portée
de tout le monde , principalement des jeunes
Seigneurs , Ingenieurs , Phyficiens , Artiftes
, & c. chez P. Simon , à Paris.
Dans les premieres 200. pages de ce
noble Ouvrage,cet Auteur donne un Plan
& une idée generale de toutes les Sciences
Mathématiques , avec une explication
auffi claire qu'élegante de chacune de leurs
branches. Dans l'étendue de ces 200. pages
, tout ce qu'il y a de plus eftimable
& de plus important dans les Sciences
humaines , eft traité fuffifamment. Et
l'Auteur defcend même jufqu'au plus petit
détail, avec une préciſion & une exactitude
inconcevable.
Après ces deux cens pages , il entre
dans la confideration de la Géometrie priſe
en particulier. D'abord il donne divers
Traitez ou Differtations fur la Méthode
& fur diverfes Méthodes d'Invention &
de Doctrine , foit pour toutes les Sciences
Mathématiques en general , foit pour la
Géometrie en particulier.
II
SEPTEMBRE . 1730. 1975
Il vient enfuite à ce qu'il appelle la
Géometrie fimple , dans laquelle il renferme
tous les principes d'Arithmétique ,
d'Algebre & d'Analyſe ; la Doctrine des
Propofitions , celle des Equations fimples ;
enfin les Elemens d'Euclide , & toute la
Géometrie pratique.
De- là il procede à ce qu'il nomme la
Géometrie compofée , contenant en entier
toute la Doctrine du Calcul numerique
& litteral , c'eft - à- dire , l'Arithmetique
& l'Algebre , avec toute la Doctrine de
l'Analyfe compofée , & tout ce qui concerne
les Sections coniques.
En dernier lieu il traite au long de la
nouvelle & plus fublime Géometrie , que
les François appellent la Géometrie tranfcendante
; & c'est ici que nous avons toute.
la Doctrine & la Science des Infinis , expliquez
d'une maniere nouvelle & trèsfinguliere,
également inftructive & agréa
ble , l'Auteur les confiderant dans tous
les jours & points - de -vûë poffibles ; leur
Phyfique, leur Métaphyfique, leur Arithmerique
, les Calculs , exponentiel , integral
, differentiel , comme les François les
nomment ou la Méthode directe ou in- ·
verfe des fluxions ; toute la fcience des
Courbes , leurs defcriptions , comparaifons
, Analyfes & lieux géometriques . Le
tout terminé par un ample Traité des
Dij Qua
1976 MERCURE DE FRANCE
Quadratures , qui contient un grand nom- ,
bre de découvertes toutes neuves & veritablement
curieufes . Entr'autres on y
trouve une Méthode pour les quantitez
infiniment grandes , par où l'Auteur réduit
à une valeur exacte en nombres les
plus petites & infiniment petites differences
des chofes ; il quarre un Cercle infiniment
grand & une portion de Cercle infiniment
petite , auffi - bien qu'une Eclipfe,
& cela avec autant d'exactitude qu'une
Parabole , &c.
Nous ne finirions point , fi nous voulions
détailler les particularitez de tout
ce qui fe trouve de nouveau & de curieux
répandu dans cet excellent Ouvrage ;
mais nous avons deffein d'en faire un rapport
plus exact & plus étendu dans un
autre Journal.
MADRIGAL.
A Mile P ....
A Mour eft aveugle , dit- on;
Il n'écoute que fon caprice ;
Et ne fuit jamais la raiſon.
Corine , à cet Enfant je rends plus de juftice ;
Il m'enflamme pour vous ; vous avez des appas ,
Mille
SEPTEMBRE. 1730. 1977
Mille vertus vous rendent eſtimable :
Or je foutiens qu'en pareil cas ,
Amour voit clair , & qu'il eft raiſonnable
XXXXXX:XX :XX:XXXXX
REPONSE de M. Godin , D. l'Ac.
R. D. S. à un Article des Memoires de
Trévoux , du mois de May 1730. page
910. & fuivantes.
JA
' Ai avancé dans ma Defcription de
l'Aurore Boreale du 19. Octobre 1726 .
imprimée dans les Memoires de l'Acadé
mie Royale des Sciences de la même année,
que les PP. Kircher & Schott avoient
attribué les Aurores Boreales ou d'autres
Phénomenes Aeriens , relatifs , felon moi,
aux Aurores Boréales , à une Reflexion
de quelques objets terreftres fur la furface
des Nuées , capables par une certaine difpofition
, de produire l'effet d'un Miroir.
Cet Article a été relevé dans les Journaux
de Trévoux ; on y prétend :
1. Que j'attribue à ces deux fçavans
hommes un fentiment qu'ils n'ont jamais
eu , fentiment que le P. Schott combat
au contraire bien plus fortement que moi.
2. Que j'ai traduit le P. Schott , à l'endroit
même où il combat fi fortement ce
fentiment pour adopter fon explication du
du Phénomene fans lui en faire honneur.
D iij Je
1978 MERCURE DE FRANCE
Je conviens que lorfque je fis cette Defcription
de l'Aurore Boreale , je n'avois
ni le P. Kircher , ni Schott , & en leur
attribuant ce fentiment prétendu faux ,
j'ai fuivi le P. Zahn , qui leur attribuë
auffi ( Oeconom. Mund. Mirabil. Tome I.
pag. 420. ) & qui cite l'endroit de leurs
Ouvrages où il fe trouve. Si j'ai attribué
faux, Zahn l'a donc fait avant moi ; voyons
s'il s'eft trompé , reprenons les endroits
qu'il cite & de Kircher & de Schott.
Kircher , In Arte magnâ lucis & umbra;
lib. 10. part. 2. cap. I. Natura admirabili
quodam lucis temperamento veluti varia
colorum mifturâ , & temperamento in
aereisfpeculis tanta induftriâ diverfiffima rerum
fimulachra depingit , ut nulla ars bumana
, & c. Et plus bas ; Quod verò varias
animalium voces audiant , id per voces animalium
vicinorum in concavâ * Nube
•aut monte reflexas fieri poſſe nullum dubium
effe debet. Kircher conclut enfin : Patet
igitur aereum fpeculum à naturâ fieri in quo
rerum imagines multiplicata hominibus fe ,ceu
prodigia quadam exhibeant.
Voilà bien clairement des Phénomenes
relatifs aux Aurores Boreales expliquez
par la reflexion de quelques objets terreftres
fur des Nuées qui produifent l'effet
d'un Miroir.
* On trouve rupe dans Kircher ; Zahn lit nube.'
Le
SEPTEMBRE . 1730. 1979
Le P. Schott a dit la même chofe
( Magia natural. part. 1. lib . 4. cap. 1. )
je ne le tranfcris pas ici , mais quand je ne
pourrois pas le citer , on n'aura pas de peine
à le croire, à moins qu'on ignore qu'il
étoit le Difciple , le compagnon d'études,
le copiſte même des Ouvrages du P. Kircher
, des termes duquel il fe fert pendant
des Chapitres entiers .
Mais Schott, dit- on , parle so . ans avant
moi , il expoſe ce fentiment, le combat , &
dit qu'il eft ridicule & contraire à la faine
Philofophie ; j'ai dit la même chofe ;
j'ai donc traduit cet Auteur ; non , car
fans prétendre en être crû , quand j'affure
que je n'ai vu la Phyfique curieufe
du P. Schott , qu'à l'occafion de
cette Critique ; ce n'eft pas traduire un
Auteur , ni même adopter fon fentiment,
que de donner une explication détaillée
de quelque Phénomene dont il a dit un
mot. Belle confequence qu'on tireroit de
ce qu'on trouve en trois ou quatre pages
d'un Livre de Schott , une ou deux phrafes
femblables aux miennes.
Mais pour le fonds ; que prouve con
tre moi le Texte de fa Thefe que Non
funt res alibi in terris exiftentes . & in
aere velut in fpeculo apparentes , rien ,
fi - non que le fentiment du P. Kircher
que j'ai allegué , & que Schott a employé
D iiij
dans
1980 MERCURE DE FRANCE
dans fa Magie naturelle à l'endroit cité
n'eft pas foutenable ; je fuis en cela d'accord
avec Schott , il ne m'a donc manqué
que d'avoir lû fa Phyfique curieufe
pour m'appercevoir qu'il y avoit changé
de fentiment .
Quand je dis que Schott l'a employé
ailleurs , je le traduis ici , * Dicet aliquis
poffe ac folere variis in locis apparere varias
ac prodigiofas Paraftafes , feu reprafentationes
uti. Nos ipfi demonftravimus in
Magia noftra , part. 1. lib . 4. fintagm . 1 .
Exemplo mirabilis Morgana Rheginorum &
aliarum fimilium in aere vaporofo repræſentationum.
Le Critique ajoute enfin que Schott
rapporte , ainfi que moi , la caufe de ces
Phénomenes aux exhalaifons : Sunt vapores,
exhalationes , partes aeris addenfati , dit
cer Auteur dans les Memoires de Trévoux
, c'eft le texte de fa feconde Thefe ,
il y explique donc de quelle maniere ces
vapeurs , cet air condenfé , &c . peuvent
former ces fortes de Phénomenes ; point
du tout , Schott rapporté dans le Trévoux
eft different de Schott dans fes
propres
Livres ; voici fon Texte entier : Sunt vapores,
exhalationes partes aeris addenfati effigiata
in formam Equorum , Hominum fimi-
Phyfic, curiof. loc. cit.
lium
SEPTEMBRE . 1730. 1981
liumque spectrorum non cafu & naturâ , fed
bonorum Geniorum operâ ; autre fentiment
auffi peu fondé que le premier , & bien
different de celui que j'ai eu , & que le
Critique attribue à fon Phyficien .
Cette Réponſe me donne occafion de faire
deux ou trois Remarques fur quelques
Extraits des Memoires de l'Académie de
1726. qui fe trouvent dans le même mois.
des Journaux de Trévoux , page 879. &
fuivantes , & qui regardent plus particu
lierement le Metéore dont il s'agit ici ou
l'Aftronomie.
M. de Mairan , dans fa Defcription des
Aurores Boréales du 26. Septembre & 19.
Octobre 1726. avoit dit :
» La lumiere Septentrionale ou l'Aurore
» Boréale eft un Phénomene très ordi-
» naire dans les Pays Septentrionaux &
» vrai-femblablement auffi ancien que le
» Monde ; cependant les anciens Philoſo-
>> phes ne l'ont point connu , ou n'en ont
» parlé que fous l'idée generique de Phé.
» nomene de feu & de Lumiere celefte .
» M. Gaffendi eft un des premiers qui en
>> ait fait mention & qui l'ait rapporté au
» Nord comme à fon lieu propre & à fa
» veritable origine.
Le Journaliſte dont je ne prétends ici
cependant , auffi-bien que dans ce que
j'ai à dire dans la fuite , ni blâmer ni qua-
D v lifier
1982 MERCURE DE FRANCE
lifier les intentions , donne un fens tout
different à ce commencement du Memoire
de M. de Mairan , & il fait naître
dans l'efprit de fon Lecteur la même idée
qu'il paroît en avoir pris lui-même. » Gaffendi
, dit- il , n'eft pas le premier qui ait
» parlé de l'Aurore Boréale ; Cardan , bien
» d'autres l'ont connue & affez bien con-
» nue avant lui ; que Cardan & bien d'autres
que je pourrois citer , l'ayent connue
fous l'idée génerique de feu , de lumiere
celefte , &c. avant Gaffendi
l'accordera au Journaliſte , & M. de Mairan
l'a dit ; mais qu'ils l'ayent , comme
il ajoûte , affez bien connue avant lui, &
rapportée au Nord comme au veritable
licu de fon origine , c'eſt un fait ailé
à détruire , & que je m'étonne que
le Journaliſte ait avancé ; ce que M. de
Mairan a dit de Gaffendi , eft vrai à la
lettre, il n'a point dit ce que le Journaliſte
lui fait dire, & ce que celui- ci , avance,
il auroit bien de la peine à le prouver.
on
On pourroit croire auffi que le Journaliſte
a voulu préfenter fous un afpect
peu favorable, pour ne rien dire de plus,
f'exactitude de M. de Mairan dans l'Obfervation
& dans la Defcription de l'Aurore
Boréale du 26. Octobre ; comme fi
un Phénomene fi marqué , fi different à
plufieurs égards de ceux qu'on avoit vû
deSEPTEMBRE.
1730. 19831
1723 .
depuis long-temps dans ce genre & fi capable
d'influer fur les explications qu'on
en pourroit donner dans la ſuite , ne mériroit
pas une attention plus particuliere.
Le Journaliſte trouve mauvais que M.Maraldi
ait dit que les Obfervations des Aftronomes
Chinois fur la Comete de
ne font pas exactes ; qu'auroit fait le Journaliſte
lui- même , fi comparant les Obfervations
de cette Comete , faites à Pekin
par le P. Kegler Jefuite , à celles qui ont
été faites le même jour par les Chinois
commis pour veiller à la Tour Aftrono
mique , il avoit trouvé les Obfervations
de ces derniers differentes de celles du
P. Kegler de 6º 30 ' en longitude & de 12 '
en latitude , il auroit conclu , fans doute,
comme a fait M. Maraldi , que les Obfervations
des Chinois ne font pas exactes ;
neanmoins les Obfervations Chinoifes
font affez bien circonftanciées , on y marque
les paffages de la Comete par le Meridien
en heures & en minutes , le 11 &
le 12. Octobre avec la hauteur meridienne
, en degrez & minutes .
3
Celle du P.Kegler faite le 11. eft défectueufe
en ce qu'il ne marque point à quelle
minute précife la Comete paffa par le méridien;
il s'accorde avec les Chinois pour la
hauteur prife le 11. & pour l'Obfervation
du 12.à quelques minutes près dans la hau-
D vj teur
1984 MERCURE DE FRANCE
>
teur méridienne ; on peut donc jufqu'ici
fe fier aux Obfervations Chinoifes ; mais
par ces Obfervations comparées avec celle
que le P. Kegler fit par une Armille Zodiacale
on trouve une difference de
6 ° en longitude , & de 12 ' en latitude
; on pourroit donc conclure que l'Obfervation
du P. Kegler faite par l'Armille
Zodiacale n'eft pas exacte , puifqu'elle
differe de celle que ce même P. & les Obfervateurs
Chinois ont faites au méridien.
Qu'a donc fait M.Maraldi , plein d'égards
& de bonne opinion pour le P. Kegler
il a' conclu plutôt en fa faveur , en faifant
néanmoins remarquer le petit défaut
qui fe trouvoit dans fon Obfervation faite
le 11.
Le triomphe du Journaliſte eft donc
hors de faifon , lorfqu'il dit : » C'est pourtant
a de pareils Obfervateurs que L'AC
»tronomie & la Geographie doivent bien
» de grandes découvertes , & en particu-
» lier une plus grande exactitude ; avant
>> eux l'Afie &c.
Je ne connois aucune découverte en
Aftronomie qui foit due aux Obſervations
de la Chine ; nos Theories Phyſiques
ou Geometriques n'en font ni mieux établies
ni plus éclaircies ; nos Inftrumens
ne leur doivent point leur perfection ;
nos calculs n'en font devenus ni plus aifés
SEPTEMBRE. 1730. 1985.
fés ni plus furs . Il eft faux d'ailleurs que
ce foit aux Obfervateurs Chinois que l'on
doive la poſition précife de quelque Lieu
terreftre ; mais quand cela feroit , eft- ce
à leurs Obfervations mal faites & peu
exactes que font dues toutes ces prétendues
découvertes , & M. Maraldi auroitil
dû trouver bonnes des Obfervations fi
differentes entr'elles ? Si cet habile Aftronome
avoit ainfi décidé , le Journaliſte
l'auroit avec raiſon repris de trop de complaifance
ou de manque de difcernement.
M. Delifle avoit lu en 1723. à l'Académie
un Mémoire fur la longitude de l'embouchure
du Fleuve Miffiffipi ; il y établiffoit
par un grand nombre de raifons
& de comparaifons Geographiques la longitude
de ce point de la Terre, telle qu'il
l'avoit déterminée & placée dans fes deux
Cartes de l'Amerique & de la Louiſiane.
L'occafion de ce Mémoire fut la difference
entre cette pofition & celle qui refultoit
d'une Obfervation du 1. Satellite
de Jupiter , faite fur le Lieu même par le
P. Laval , difference de 11 ° ou de 200 .
lieuës. L'Académie pleine d'égards pour
le Jefuite , dont le mérite lui étoit connu ,
crut malgré les fortes raifons de M. Delifle
ne devoir pas fi tôt prononcer contre
une Obſervation immédiate ; elle jugea
à propos de differer l'impreffion de
ce
1986 MERCURE DE FRANCE
ce Mémoire jufqu'à celle du Livre du P.
Laval , afin que le Public vît en mêmetems
, & comparât les raifons des deux
Adverfaires. La Note miſe au bas du Mémoire
en fait foi . La voici :
» Ce Mémoire a été lû dès l'année 1723.
» mais on n'a pas crû qu'il convenoit de le
>>faire paroître avant que l'Obfervation
qu'il attaque eut été imprimée , & elle ne
»l'a été que depuis peu .
22
>
Ce n'eft donc pas ,comme le Journaliſte
femble l'infinuer en quelque maniere , que
l'Académie ait attendu la mort du P. Laval
pour publier le Mémoire de M. Delifle
; le Jefuite a eu le tems de
répondre aux raifons de l'Académicien
le Mémoire lui avoit été communiqué
par M. Delifle lui même , & quoique mis
dans le Volume de 1726. il n'a été imprimé
qu'en 1728. un an & plus avant la
mort du P. Laval ; la mort n'a donc pas
mis le celebre Aftronome hors d'état de
défendre fon Obfervation.
Il ne l'a point fait il ne la croyoit
donc pas fi bonne que le Journaliſte l'a
penfé ; au refte , cette queftion eft décidée ,
& il paroît que M. Delifle n'a ufé de
pas
tout le droit que lui donnoient fes recher
ches & fes grandes connoiffances en Geographie.
M. Baron envoyé par le Roi dans
l'Amérique Septentrionale pour y faire
des
SEPTEMBRE . 1730. 1989
J'aurois en vain horreur du vice ;
Je fuis forcé d'être méchant .
Qu'on ôte un de mes pieds , je fuis la Capitale
D'un riche & fortuné Pays ,
Où je fuis de féjour , où la Jeuneffe étale
Sa force & fon adreffe en remportant le prix;
Otez-en deux , je fuis un Fleuve teméraire ;
L'ennemi capital du bien ;
Du pauvre Païfan l'aliment ordinaire ;
Un nombre fort connu , bien éloigné du rien ;
Le mot le plus commun , & pourtant le plus
rare ;
Le plus cher vêtement des Riches & des Grands
Otez-en trois , mon fort devient barbare ,
Car il me naît plus de trois cens enfans.
A
Par Paparoche de Carpentras.
AUTR E.
Vec fept pieds je ne fuis bon à rien
Si l'on ne m'en donne huit autres ;
Sans mon ſecond , je fuis le fuperbe ſoûtien
De plus de cent riches Apôtres.
En cet état tranchez ma tête ,
Je change bien de fituation ,
Je ne fuis plus qu'une mauvaiſe bête ;
Lecteur , devinez - en le nom.
NOU:
1988 MERCURE DE FRANCE
HHHHHHHFXX:XXXXXXXXXX
ENIGM E.
E fuis très neceffaire & fur tout aux gour
JE
mands ;
>
Ils ne fe plaiſent pas à me voir immobile ;
J'ai besoin pour leur être utile
Du plus fier des quatre Elemens ;
Trop de lenteur , trop de viteffe
Ne font jamais ce qu'il me faut.
Un jufte mouvement qui ſe fait en lieu chaud
Sur mon cours doit regner fans ceffe ;
On ne peut trop bien le regler ;
Le fruit qu'on en reçoit , c'eft qu'on fe raffafie.
Plus de trois pieds me font aller ;
Et quand je ne vais plus , c'eft l'heure de Sofie.
Soit
LOGO GRIPHE.
MonOn nom compofé de cinq Lettres
Se prend de plus d'une façon ,
Et fans multiplier les Etres
Je fuis Oifeau , Ville & Poiffon ;
que
pole ,
l'on me retranche ou que l'on me tranf
Dix fois je me métamorphofe.
Pris tout entier , rien qu'en me tranſpoſant
Je deviens paîtri de malice ;
J'aurois
SEPTEMBRE . 1730. 1989
J'aurois en vain horreur du vice ;
Je fuis forcé d'être méchant .
Qu'on ôte un de mes pieds , je fuis la Capitale
D'un riche & fortuné Pays ,
Où je fuis de féjour , où la Jeuneffe étale
Sa force & fon adreffe en remportant le prix;
4
Otez-en deux , je fuis un Fleuve teméraire ;
L'ennemi capital du bien ;
Du pauvre Païfan l'aliment ordinaire ;
Un nombre fort connu , bien éloigné du rien ;
Le mot le plus commun & pourtant le plus
rare ;
Le plus cher vêtement des Riches & des Grands.
Otez-en trois , mon fort devient barbare ,
Car il me naît plus de trois cens enfans .
A
Par Paparoche de Carpentras.
AUTR E.
Vec fept pieds je ne fuis bon à rien
Si l'on ne m'en donne huit autres ;
Sans mon ſecond , je fuis le fuperbe ſoûtien
De plus de cent riches Apôtres.
En cet état tranchez ma tête ,
Je change bien de fituation ,
Je ne fuis plus qu'une mauvaiſe bête ;
Lecteur , devinez- en le nom.
NOU:
1990 MERCURE DE FRANCE
XXXXX:XXXXX :XXX :XX
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS &c.
ABR
BREGE' DE L'HISTOIRE D'ANGLETERRE
, avec des Reflexions
Politiques & Hiftoriques fur les Regnes
des Rois , leurs caracteres , leurs moeurs ,
leurs fucceffions au Trône , & tous les
autres évenemens remarquables jufqu'à
la Révolution de 1688. inclufivement.
Tiré des Memoires & des Manufcrits
les plus autentiques , tirez de l'Anglois
de M. Higgons , par M. L. B. D. G. vol.
in- 8. de 414. pages fans la Préface de
l'Auteur , & celle du Traducteur . A la
Haye , chez T. Jonſton , 1729 .
Si nous en croyons l'Auteur Anglois
de cet Ouvrage , c'eft une Maxime reçûe
dans tous les temps & dans tous les Pays
de ne pas écrire l'Hiftoire du fiecle où
l'on vit , & c'eft en confequence qu'il a ,
dit- il, laiffé fon Manuſcrit enfeveli dans la
pouffiere pendant 26. ans . , &c. Cette maxime
paroîtra peut -être trop geherale, &
on pourroit dire bien des chofes en faveur
de l'Hiftoire écrite dans le temps auquel
les évenemens font arrivez . Quoiqu'il en
foit , le Traducteur prétend que de toutes
SEPTEMBRE. 1730. 1991
tes les Hiftoires d'Angleterre celle- cy eft
la plus intereffante , tant pour les Souverains
que pour les Miniftres , & même
pour tous ceux qui fouhaitent apprendre
foncierement la forme du Gouvernement,
les Loix fondamentales, les Maximes , les
Moeurs , les Coûtumes de la Grand'Bretagne
: c'eft de quoi nous laiffons le jugement
au Public .
A l'occafion de cet Ouvrage nous ap
prendrons aux Amateurs de l'Hiftoire ,
que M *** a traduit en François l'Hif
toire generale d'Angletetre , écrite par le
Chevalier Richard Baker , celebre Hiftorien
Anglois , & continuée par J. Philips
, jufqu'au Couronnement du Roi
Charles II . arrivé en 1661. ce qui fait un
Corps complet de toute l'Hiftoire d'Angleterre
, écrite en notre Langue & prête
à imprimer. On y trouve un grand nombre
de Pieces originales qui n'ont jamais
parues dans le Public , & plufieurs autres
chofes très remarquables. Le Traducteur,
au refte, quoique François , doit paffer pour
un homme très -verfé dans la Langue &
dans la connoiffance des affaires & du génie
de la Nation Angloife , ayant paffé
tout jeune en Angleterre , où il a demeuré
plus de quinze ans.
MEMOIRES D'ARTILLERIE ,
recüeillis
1992 MERCURE DE FRANCE
cüeillis par M. Surirey de S. Remy , Lieutenant
du Grand - Maître de l'Artillerie
de France : Ouvrage enrichi de plus de
200. Planches en Taille- douce . Deuxième
Edition augmentée. A Paris , ruë S. Jacchez
Gab. Martin. 2. vol . in-4. prix
ques
40% livres
.
SUITE des Memoires & Avantures
'd'un homme de qualité qui s'eft retiré
du monde. Chez le même . 2. vol . in- 1 z.
3. livres.
OEUVRES de M. Jean de la Chapelle,
de l'Académie Françoife , contenant les
Amours de Catulle , fes Pieces de Théatre
& Difcours Académiques . Chez le
même. 2. vol . in - 12 . 5. livres .
NOUVEAU RECUEIL d'Ouvrages
'de M. de S. Evremont. Idem in- 12 .
35. fols.
ESSAIS HEBDOMADAIRES fur plu
fieurs Sujets intereffans. A Paris , ruë
Jacques , chez Et . Ganeau , 1730. Par
M. Dupuy, cy- devant Secretaire au Traité
de Paix de Rifwick. Brochure de 67. pages
, compris la Préface qui en contient
30. On diftribue ces Effais tous les Lundis
de chaque Semaine .
Cet
SEPTEMBRE. 1730. 1993
Cet Ouvrage ne paroît point du tout
fait à la hâte ; on le trouye écrit , au contraire
, avec grand fọin , & il y a lieu de
croire qu'il fera gouté du Public . L'Auteur
rapporte à la 59. page une Lettre de
M. Abbadic à M. Bayle , où l'on trouve
ce jugement fur les Ouvrages de ce dernier
: F'ai lu votre Journal , fans compliment
il m'a extraordinairement plû ; il y
a par tout de la politeffe , du tour , de l'efprit
, de l'érudition , du raifonnement & un
certain difcernement de Philofophe , une feverité
de raison que tous les grands hommes
&c. n'ont pas
On trouve dans la feconde femaine une
Lettre de M. Le Clerc à M. Bayle , qui
lui parle avec cette franchiſe au fujet de
fon Journal qui commençoit alors à paroître.
On dit en general que l'Auteur des
Nouvelles s'étend trop fur des chofes qui ne
ne font pas fi neceffaires , & qu'on pourroit
aifement réduire ... Quelques autres difent
que ce qu'on fouhaite n'est pas d'avoir tous
les mois des Reflexions de l'Auteur fur les
Livres qu'on imprime , mais des Extraits
fideles par où l'on puiffe voir s'ils meritent
qu'on les achete ou qu'on les life . On enſçaura
bienjuger enfuite fans les lumieres de l'Auteur
qui débite mal à propos ( ce font les termes
d'un homme d'efprit ) fes lieux communs
à l'occafion du titre des Livres .
Le
1994 MERCURE DE FRANCE
Le foin que l'Auteur prend de juftifier
par tout la Religion Proteftante , eft loudble,
dit- on , mais il n'eft pas de faifon , & il
doit referver les remarques qu'il fait fur ce
Sujet pour quelque Livre de Controverſe &c.
On dit que fur l'Article du P. Thomaffin
page 213. il valoit mieux faire un Extrait
des matieres qu'il traite & de la Méthode
qu'il obferve que de le railler & de railler.
les Peres.
Toutes ces Lettres écrites par des Sçavans
ou par des perfonnes de confideration
à M. Bayle , fe font lire avec plaifir.
La penultiéme qui remplit cette feconde
femaine , écrite par M. du Rondel en Septembre
1684. ( toutes les autres font de
cette année ) contient un fait affez ſingulier
; le voici :
A neuf heures du matin , après un quart
d'heure de pluye , le vent venant tout à
coup à écarter les nuages , les pouffa dans
une Vallée , & nous préfenta à quelques
500. pas de Rochefort en Ardenne un des
plus beaux fpectacles du monde ; c'étoit
un Iris tout nouveau ; la matiere qui le
formoit n'étoit point courbée vers la terre
, pour en faire un Arc en Ciel , comme
il arrive d'ordinaire , ni renversée vers le
Ciel , comme il arrive quelquefois . C'étoient
des nuages droits & perpendiculaires
, à peu près comme de longues colonnes
,
SEPTEMBRE. 1730. 1995
Ionnes dont la premiere étoit verte , la
feconde rouge , la troifiéme orangée & la
quatrième bleue , contre le mélange ordinaire
des couleurs de ce méteore . Ces
colonnes étoient toutes claires & tranfparentes
, & laiffoient voir diftinctement les
objets qui étoient derriere , comme des
Bois , des Collines , des Châteaux &c, &
quand elles vinrent à s'évanouir , elles
commencerent par l'orangée & par la
rouge. Ce fpectacle dura environ un demi
quart d'heure. Je ne doute point que
ce Phénomene , que j'appelle nouveau ,
n'ait été vû autrefois ; mais comme perfonne
n'a encore parlé d'un Iris perpendiculaire
, c'eft pour cette raifon que je
l'aiappellé nouveau .
On voit par la troifiéme Semaine que
cet Ouvrage fe foutient ; on y voit le
même ordre , même politeffe de ftile &
même efprit. Il eft queftion ici de Reflexions
fur les femmes ; en voici quel
ques unes.
Les hommes eftiment trop les femmes,
ou ne les eftiment pas affez .
Une femme coquette s'attache plus à
furprendre l'eftime des hommes qu'à la
mériter. Un homme galant eft de même
à l'égard des femmes &c .
La naïveté bien imitée flatte les hom
mes & fait honneur aux femmes ; de tous
les
1996 MERCURE DE FRANCE
"
"
les filets qu'elles nous tendent , il n'y en
a point où nous foyons pris plus agréablement
& plus promtement .
Si le goût que les hommes ont pour les
femmes n'avoit pas fes variations , fes ralentiffemens
, que deviendroient les Arts,
les Sciences & les affaires ?
Les femmes pour ſe garantir de l'amour
ont leur temperamment à furmonter , les
follicitations continuelles des hommes à
foûtenir , les détours artificieux de certaines
Emiffaires à demêler , la force de
l'exemple & de la coûtume à vaincre ;
tout confpire à amollir leur coeur. Dès
l'enfance , pour ainfi parler , de tendres
Chanfons les préparent à être fenfibles au
langage amoureux ; livres , fpectacles ,
entretiens , repas où regne la licence ; il
n'y a rien qui ne concoure à leur faire
fouhaiter de brûler d'un feu qui leur paroit
doux , dont elles fentent en ellesmêmes
la fource , & fans lequel la vie leur
paroît languiffante. Devons- nous être furpris
fi la chafteté eft une vertu fi rare ? &
ne devons-nous pas , au contraire , regarder
avec admiration les femmes qui au
milieu de tant d'écueils évitent le naufrage
?
Il eſt plus aifé à une femme qui n'eft
que belle de faire plufieurs conquêtes
que d'en conferver une : les triomphes
d'une
SEPTEMBRE . 1730. 1997
d'une femme qui a beaucoup d'efprit &
peu de beauté font moins faciles & plus
durables.
Fierté dans le maintien & dans le dif
cours , preuve très équivoque qu'il y en
ait dans la conduite & dans les fentimens.
Il y auroit de l'injuftice à ne pas convenir
que les hommes ont beaucoup d'obligation
aux Dames : ne leur doivent - ils
pas ce qu'ils ont d'agrément dans les manieres
, de délicatefle dans les fentimens ,
de complaifance dans l'humeur , de fineffe
dans l'eſprit ? le defir de leur plaire
eft pour eux un puiffant aiguillon pour
les animer à acquerir du mérite.
Quelque douceur , quelque fincerité
que nous annoncent les yeux , les traits
du vifage , le fon de la voix d'une femme
, nous n'en devons pas être plus affurés
des fentimens de fon coeur : le veritable
caractere des femmes eft communément
incompréhenfible ; elles ont le pri
vilege de tromper les hommes, quand elles
veulent leur foibleffe pour
elles augmente
la difficulté qu'il y a de les connoître
; non feulement ils ne fentent pas
quand elles les trompent avec adreffe ,
mais lors même qu'elles veulent s'épargner
le foin d'y employer l'artifice : foit
par leur art , foit par la vanité des hommes
, elles leur cachent prefque toûjours
E ce
1998 MERCURE DE FRANCE
ce qu'elles ont interêt qu'ils ignorent ,
fur tout quand ils les aiment de bonne
foi , & qu'elles ont fçû les perfuader qu'elles
les aiment.
pas
Nous finirons par cette Reflexion qu'on
trouve à la page 210. J'eftime , Monfieur,
qu'il n'y a que deux fortes de femmes qui
ne foient diffimulées : celles en qui
tous principes d'honneur font éteints , &
qui ont renoncé à tout ménagement pour
leur réputation , & celles qui ayant reçû
de leurs parens une bonne éducation
font comme naturellement vertueufes
n'ont jamais laiffé gliffer dans leur
coeur aucun fentiment qu'elles ne puiffent
avoüer.
LES QUATRE FACARDINS , Conte.
Par M. le Comte Antoine Hamilton.
A Paris , ruë S. Jacques , chez Jean François
Joffe 1730. in 12. de 328. pages.
Cet Ouvrage prefque tout écrit en Profe
, & fort facilement , commence par des
Vers dont nous nous bornerons à mettre
ici quelques Strophes.
Faut- il après le Renard blane ,
Aprés fleur d'Epine la blonde
Après Tarare fon Amant ,
Par un nouveau déc hainement ,
Faire encor troter à la ronde
Et
SEPTEMBRE . 1730. 1999
Et l'heritiere d'Aſtrakan ·
Et le Prince de Trebizonde ?
Les Contes ont eu pour un tems
Des Lecteurs & des partifans ;
La Cour même en devint avide,
Et les plus celebres Romans
Pour les moeurs & les fentimens ,
Depuis Cyrus jufqu'à Zaïde ,
Ont vû languir leurs ornemens
Et cette lecture infipide
L'emporter fur leurs agrémens.
En vain des bords fameux d'Itaque
Le fage & renommé Mentor
Vint nous enrichir du tréfor
Que renferme fon Telemaque ;
En vain l'art de fon Precepteur
Etale avec délicateffe
Dans ce Roman de rare eſpèce
Ce qu'ont d'utile ou de trompeur
La politique & la tendreffe ,
Et cette fatale douceur
( Tendre fille de la moleffe )
Dont s'enyvre un Heros vainqueur
Aux pieds d'une jeune Maitreffe ,
Ou d'une habile Enchantereffe ,
Telle que les peint ce Docteur
É ij
E Inftruit
2000 MERCURE DE FRANCE
Inftruit de l'humaine foibleffe ,
Et curieux imitateur
Du ftile & des Fables de Grece,
La vogue qu'il eut dura peu ,
Et las de ne pouvoir comprendre
Les mifteres qu'il met en jeu ,
On courut au Palais les rendre
Et l'on s'empreffa d'y reprendre
Le Rameau d'or & l'Oifeau bleu :
Enfuite vinrent de Syrie
Volumes de Contes fans fin ,
Où l'on avoit mis à deffein
L'orientale Allegorie ,
Les Enigmes & le génie
Du Talmudiſte & du Rabbin ;
Et ce bon goût de leur Patrie ,
Qui loin de fe perdre en chemin
Parut fortant de chez Barbin
Plus Arabe qu'en Arabic,
- Mais enfin , graces au bon fens ;
Cette inondation fubite
De Califes & de Sultans ,
Qui formoit fa nombreuſe ſuite ,
Deformais en tous lieux profcrite ,
N'endort que les petits enfans,
Ce
SEPTEMBRE . 1730. 2001
Ce fut dans cette Paix profonde
Que moi , miferable pecheur ,
Je m'aviſai d'être l'Auteur
D'un fatras qu'on lut par le monde
Je l'entrepris en badinant ,
Et je fourrai dans cet Ouvrage
Ce qu'a de plus impertinent
Des Contes le vain étalage ;
Mais je ne fus pas affez fage
Pour m'en tenir à ce fragment ,
J'y joignis un fecond étage.
Pour marquer les abfurdités
De ces recits mal inventés ,
Un Effai peut être excufable ;
Mais dans ces Effais repetés
L'Ecrivain lui-même eſt la Fable
Des Contes qu'il a critiqués.
LA RHETORIQUE , ou les Regles
de l'Eloquence. Par M. Gibert , Ancien
Recteur de l'Univerfité , l'un des Profeffeurs
de Rhetorique , au College Mazarin.
A Paris , Place de Cambrai , chez Thibouft
1730. in 12. de 650. pages.
INSTRUCTION pour les Jardins
Fruitiers & Potagers , avec un Traité des
Orangers , & des Reflexions fur l'Agri-
E iij
culture.
2002 MERCURE DE FRANCE
culture. Par M. DE LA QUINTINYE ,
Directeur des Jardins Fruitiers & Potagers
du Roi . Nouvelle Edition , revuë ,
corrigée & augmentée d'une Inftruction
pour la culture des fleurs. A Paris , par
la Compagnie des Libraires. 1730. 2. vol.
in 4.
TRADUCTION des Satyres de Perfe
& de Juvenal. Par le R. P. Tarteron , de
la Compagnie de Jefus . Nouvelle Edition ,
augmentée d'Argumens à chaque Satire.
A Paris , par la Compagnie des Libraires
in 12. 1729 .
OBSERVATIONS CURIEUSES fur
toutes les parties de la Phyfique , extraites
& recueillies des meilleurs Mémoires . A
Paris , Place du Pont S. Michel , chez
Cailleau. 1730. in 12. troifiéme Volume.
COUTUME DE BRETAGNE & Ufances
de quelques Villes & Territoires
corrigée par feu M. P. Hevin , Avocat
au Parlement , fur fon Manufcrit , avec
quelques Arrêts rendus fur plufieurs Articles
de la Coûtume , tirés des Mémoires
de plufieurs celebres Avocats . A Rennes,
chez Guillaume Vatar. 1730. in 4. de 564.
pages , fans la Table. Troifiéme Edition .
D
SETEMBRE . 1730. 2003
DE L'USAGE DES POSTES chez les
Anciens & les Modernes , contenant tous
les Edits , Déclarations , Lettres Patentes,
Arrêts , Ordonnances & Reglemens que
nos Rois ont faits jufqu'à ce jour pour
perfectionner la Police des Poftes , depuis
leur inftitution en France par Louis XI.
le 19. de Juin 1464. jufqu'au dernier Arrêt
du Confeil du 30. Mai 1730. A Paris,
ruë de la Harpe , chez L. D. de la Tour.
in 12. Nouvelle Edition , revûë , corrigée
& augmentée de plus de la moitié.
MAXIMES DE BALTHAZAR
GRACIEN , traduites de l'Efpagnol . A
Paris , Quay des Auguftins , chez Rollin
fils, 1730. Cette nouvelle Traduction eſt
du P. de Courbeville , Jefuite.
REGLES DU DROIT FRANCOIS ,
par
par M. Pocquet de la Livoniere , Confeiller
au Préfidial d'Angers , & ancien Profeffeur
& c. A Paris , ruë S. Jacques , chez
J. B. Coignard in 12. de 711. pages . Prix
trois livres.
LE DIRECTEUR DANS LES VOYES
DU SALUT , fur les principes de Saint
Charles Borromée . A Paris , rue S. Jacques,
chez E. Ganeau in 12. de 416. pages.
Troifiéme Edition ; prix deux livres.
E iiij
JEUX
2004 MERCURE DE FRANCE
JEUX ET
DIVERTISSEMENS propres
à enfeigner le Latin aux petits Enfans
en les divertiffant. Seconde partie de
l'Art d'enfeigner le Latin &c . Par M. de
Vallange. A Paris , Quai des Auguftins ,
& rue S. Facques , chez Gandouin , Laiſnel
&c. 1730. broch. in 12. de 120. pages.
LA NULLITE'
DESORDINATIONS
ANGLOISES ,
démontrée de nouveau
tant pour les faits que pour le Droit
contre la Défenfe du R. P. Le Courayer ,
Docteur d'Oxford & Chanoine Regulier
de Sainte Genevieve. Par le R. P. Le
Quien , Profeffeur en Theologie , de l'Ordre
des Freres Prêcheurs. A Paris , rue
S. Jacques , chez F. Babuti , 1730. 2. VoL
in 12. de plus de 700. pages , fans la Préface
& la Table.
LE DISCIPLE PACIFIQUE de Saint
'Auguſtin fur la Prédeſtination , avec une
Differtation préliminaire touchant l'he
refie des prédeftinations. A Paris , chez
Caillean , Place du Pont S. Michel , 1730.
2. Vol. in 4.
LE
PARADIS
RECONQUIS DE
MILTON , traduit de l'Anglois avec
quelques autres Pieces de Poefies , chez le
même Libraire , 173 %
NouSEPTEMBRE.
1730. 2005

NOUVEAU CUISINIER Royal &
Bourgeois , qui apprend à ordonner toute
forte de Repas en gras & en maigre , &
la meilleure maniere des ragouts les plus
délicats & les plus à la mode & toutes
fortes de patifleries , avec de nouveaux
deffeins de tables. Ouvrage très utile dans
les familles , aux Maîtres d'Hôtel & Of
ficiers de bouche . A Paris , au Palais
chez Cl. Prudhomme 1730. Tome troifiéme
, fervant de Supplément aux deux
premiers volumes.
LES CHARMES DE LA SOCIETE
CHRETIENNE . A Paris , rue S.Jacques,
chez Jacques Etienne 1730. in 12. de 161 .
pages , fans la Préface de 24. Le Cenfeur
dit
que cet Ouvrage lui a paru rempli de
principes très folides , établis avec beau
coup d'ordre , & prouvés avec évidence.
E v EXTRAIT.
2006 MERCURE DE FRANCE
EXTRAIT du Panegirique de S. Louis
prononcé en présence des Académies des
Belles Lettres & des Sciences , auquel
préfidoit M. l'Abbé Bignon , par le Reverend
Pere Dom Leandre Petuzet , Benedictin
Reformé de l'Ordre de Cluni ,
dans l'Eglife des P P. de l'Oratoire de la
rue S. Honoré.
Il prit pour texte ce Paffage de la Sageffe
, Chapitre 9. Envoyez-moi , Seigneur,
la fageffe du Ciel , votre Sanctuaire , qui eft
le Trône de votre Grandeur , afin qu'elle foit
& travaille avec moi.
P
Our prouver que S. Louis a été orné du don
de fageffe , l'Orateur diftingua deux chofes
effentielles dans la Royauté , qu'on ne peut défunir
fans en faire un phantôme. L'une que les
Rois doivent éviter , & ce font les dangers qui
en font incomparables ; l'autre qu'ils doivent
remplir , & ce font les charges qui y font attachées.
Ce font ces Charges & ces dangers qui lui
ont fourni la matiere de l'éloge de S. Louis.
En parlant de l'humilité de ce S. Roi , il dit
qu'il l'avoit portée à un point qu'on auroit peine
à atteindre ; mais qu'elle ne fut point l'effet du
temperament, & que s'il la poffeda dans un fouverain
degré , elle fut en lui une vertu chrétienne.
Jamais il n'y eut une ame plus douce , plus
debonnaire & plus humble, & jamais on n'en vît
de plus remplie de courage. Jamais Prince ne fut
plus difpofé que lui à s'aneantir devant le Seigneur
, & jamais il n'y en eut qui montrât plus
de
1
SEPTEMBRE. 1730. 2007
de fermeté devant les hommes , quand il s'agit de
foutenir les interêts de fa Couronne. Jamais Monarque
n'eut moins d'ambition pour étendre les
limites de fon Royaume , & jamais on n'en trouya
qui eut une plus fainte jaloufie de conferver
celui que le Ciel lui avoit donné pour fon heritage.
Il renonce au droit legitime qu'il avoit fur
le Royaume de Caftille , parce que la conquête
ne pouvoit s'en faire qu'aux dépens du fang de
fes Sujets. Il refuſe genereuſement l'Empire que
Gregoire IX . lui préfente , content de comman
der à ceux que le Ciel avoit foumis à ſa puiſfance
, & fi ce Souverain Pontife veut en revêtir
le Comte d'Artois , frere de ce S. Roi , il fçait
lui faire fentir ,fans s'éloigner de l'obéiffance qu'il
lui doit , qu'il n'appartient pas plus à la puiffance
Ecclefiaftique de toucher au Trône , qu'à là
temporelle de s'ingerer dans le Miniftere Sacré ;
mais il n'oublie rien pour contenir fes Sujets dans
les bornes étroites du devoir ; il porte , quand il
le faut, la terreur dans le coeur de ceux qui trou
blent la tranquillité publique &c.
En parlant de fa charité , il dit que cette divi
ne vertu qui avoit pris de profondes racines dans
fon coeur , ne lui permit pas d'avoir des entrail
les de fer pour le pauvre & le miſerable ; & ſi
Job nous dit que la mifericorde étoit fortie avec
lui du fein de fa mere & avoit crû enſemble ,
qu'on le pouvoit dire avec autant de juftice de
Louis , dequoi le Panegiriſte donna des preuves
par des faits éclatans .
>
En parlant des Charges attachées à la Royauté,
il en diftingua deux aufquelles toutes les autres
peuvent fe rapporter , & dont aucun Roi ne fe
peut difpenfer : l'une d'être équitable à l'égard
de leur peuple , l'autre d'être fidele à Dieu. Il remarqua
avec S. Jacques deux caracteres dans la
E vj Lageffe
2008 MERCURE DE FRANCE
fageffe Chrétienne qui engagent ceux qui la poffedent
à les remplir dignement ; elle n'eft point
diffimulée ; elle le porte avec docilité à tout le
bien qu'on lui propofe.
Quel eft , dit-il , le Roi Chrétien qui réduifie
plus fidelement en pratique ces deux nobles caracteres
Jufte à l'égard de fon peuple , il jugea
fans diffimulation , & avec équité. Fidele à Dieu,
il procura avec un faint zele toutes les bonnes
oeuvres qui pouvoient lui rendre le cu te qui lui
eft dû. I s'étendit beaucoup fur les preuves de
ces deux Propofitions , & retraça de beaux traits
de l'Histoire du S. Monarque.
Il peignit l'état pitoyable où étoit réduite la
Paleſtine , & tout ce que fit l'Eglife pour engager
les Princes Chrétiens à rendre la liberté cette
Terre fainte, où nous avions été délivrez de la fervitude
du démon. En falloit - il davantage , dit-il ,
pour remplir d'une fainte & noble ardeur le Fils
aîné de l'Eglife , & lui faire dire dans l'efprit de
David , je le jure devant le Seigneur , & j'en fais
un voeu au Dieu de Jacob , je n'entrerai point
dans ma maiſon , je ne repoſerai point fur mon
lit , je ne permettrai point à mes yeux de dormir
, ni à mes paupieres de fommeiller , que je
n'aye trouvé le moyen de rétablir le Seigneur
dans fa Maiſon.
Il entra dans le détail de toutes les rencontres
où S. Louis fignaia fon courage & donna à toute
fon armée le charmant fpectacle d'un Héros
vraiment Chrétien , il décrivit le Siege de Damiete
, la perte d'une Bataille qui mit l'armée de
S. Louis aux abois , & enfin la captivité. Que
vos Jugemens , ô mon Dieu , s'écria- t-il , font
impenetrables ! qui n'en admirera la profondeur ,
quand nous voyons dans les chaînes un Roi
Chrétien qui vient pour délivrer d'une cruelle
oppreffion
SEPTEMBRE . 1730. 2009
oppreffion ceux que vous avez rachetez de votre
Sang précieux ; mais ne le perdons pas de vûë
dans cette fâcheufe extremité ; le Seigneur qui
l'humilie eft à fes côtez pour le foutenir . Semblable
à Jofeph , fa fageffe ne l'abandonne pas dans la
prifon , ou comme l'Arche captive chez les Philifins
, ce Heros prifonnier fait plus honorer Dieu
par fa réfignation , que vainqueur des Infideles .
Il parla de fa feconde expedition contre les Infideles
pour aller fecourir les Chrétiens d'Afrique,
qui gémiffoient fans efperance & fans confolation .
Que n'eût - il pas fait , dit-il , pour la gloire du
Seigneur , fi en exigeant le facrifice de fa vie , il
ne le fût contenté de fa bonne volonté... Que ne
puis -je vous le préfenter accablé fous fa Tente
d'une maladie mortelle & prêt à recevoir fa récompenfe
de celui pour lequel il avoit fi glorieufement
combattu. Vit- on jamais une tranquillité
plus inalterable, une réfignation plus parfaite, des
defirs plus ardens de s'unir à fon Dieu , une préfence
d'efprit plus entiere il donne fes ordres
aux principaux Chefs de fon armée & leur recommande
de ne point faire de paix avec ceux
qui n'en avoient point avec Dieu ; il appelle fon
Fils , fucceffeur de fa Couronne , & lui fait des
leçons pleines de lumieres , de fageffe & de charité
; il donne à tous des exemples preffans d'une
folide pieté , il meurt enfin comme Moyfe dans
le baifer du Seigneur , & fi comme ce Patriarche
il n'entre pas en poffeffion de la Terre qui lui
fembloit promife , il va établir fon féjour dans
les Tabernacles éternels .
Après une courte morale le Panegyrifte finit
en s'adreffant à S. Louis & lui difant : Daignez
grand Roi , du haut du Ciel où vous regnez avec
Dieu , recevoir les voeux d'un Peuple zele pour
votre gloire , fidele à votre Sang & plein de
confiance
2010 MERCURE DE FRANCE
confiance en votre puissante protection . Mais
regardez toûjours d'un oeil propice cet augufte
Monarque , qui eft affis fur votre Trône , qui
n'eft pas moins heritier de vos vertus que de vctre
Sceptre, & qui fe voit heureusement renaître
dans un Prince que le Ciel n'a pas refufé à
la ferveur de nos prieres qu'il a accordé à la
falide pieté d'une Reine digne du fublime rang
qu'elle remplit & dont la Naissance affermit
notre esperance & affure notre tranquillité.
Seyez beni , ô mon Dieu , de nous avoirfait un
don fi précieux , confervez les pour en faire un
jour de bonheur du Royaume que S. Louis gouverna
avec tant de fageffe ; formez-le fur ce
modele des veritables Rois , & que semblable
à fon Pere , il exprime avec lui la valeur qui
le rendit redoutable à fes ennemis , la charité
qui le fit pere de fon Peuple , la Religion qui le
fanctifia fur le Trône.
Coignard, débite depuis peu le troifiéme &
dernier volume des OEuvres de S. Bafile, qui comprend
le Traité du S. Efprit & les Lettres rangées
par ordre Chronologique . On a mis dans
l'Appendix XXIV . Difcours que Metaphrafte a
tirés des Ouvrages de S. Bafile , & le Livre de la
Virginité, qu'on a eu tort d'attribuer à ce Saint,
quoiqu'il foit d'un Evêque du quatriéme fiecle.
On voit à la tête du volume une fçavante Préface ,
où l'on examine plufieurs queftions dogmatiques
& enfuite la Vie admirable de ce faint Archevêque.
Ily a huit ans que le fecond Volume de faint
Bafile a paru , & comme plufieurs perfonnes fe
plaignoient de ce retardemcnt , l'Auteur de la
Préface en fait connoître les raifons. Le fçavant
Religieux, dit- il, qui avoit entrepris l'Edition
Dom Julien Garnier , Religieux de S, Germain.
de
SEPTEMBRE. 1730. 2011
'de S. Bafile, étoit déja fort incommodé lorsqu'il
mit au jour le fecond Volume. Cependant l'envie
de rendre fervice au public , l'engagea à
préparer le troifiéme . Il ſe mit à revoir sa Traduction
,y ajoutant de tems en tems des Notes
Hiftoriques , tirées de M. Tillemond , pour ſuppléer
à la Vie de S. Bafile qu'il avoit promife ,
qu'il n'étoit plus en état de compofer. Mais
à peine en étoit - il à la moitié de ce travail
que les forces lui manquerent entierement ,
enfin il mourut le 3. de Juin 1725. Outre le regret
que fa mort caufa à tous fes Confreres , dont
il étoit fort estimé , on eut le déplaifir de voir
qu'un Ouvrage qui étoit attendu des Sçavans .
& que plufieurs avoient déja payé par avance,
ne paroitroit pas fi - tôt ; car quoique les Manufcrits
fuffent déja collationnés fort exactement
, à l'exception néanmoins de celui de M.
le Premier Président de Harlay , il reftoit bien
des chofes à faire pour donner une Edition
exacte , principalement en ce qui regarde l'arrangement
des Lettres par ordre Chronologique
, la vie de S. Bafile & l'examen de fa
doctrine,
Les Lettres de S. Bafile paroîtront bientôt traduites
en François par un Religieux de la Congrégation
de S. Maur , qui a eu communication
des feuilles de la nouvelle Edition , à méfure
que
l'on imprimoit.
&
Il nous refte à dire que Dom Prudent Maran,
Religieux de l'Abbaye de S. Germain des Prez ,
રે qui on doit entierement le troifiéme Tome ,
le plus important de l'Edition de S. Bafile , travaille
à une Edition de S. Juftin , Martir , qui
comprendra auffi ce que nous avons de Tatien ,
fon Difciple, de Menagore & de Théophile d'An-
Lioche , lefquels à l'exemple du faint Martir , ont
écrit
2012 MERCURE DE FRANCE
' écrit dans le fecond fiecle de l'Eglife des Apolo
gies en faveur de la Religion Chrétienne.
Jacques Etienne , Libraire , ruë S. Jacques
diftribue depuis quelque tems un troifiéme Volume
du Dictionnaire Univerfel de Commerce ,
par feu M. Savary , pour fervir de fupplément
aux deux premiers Volumes qui ont été donnés
au Public en 172 & en ont été reçûs avec un
applaudiffement univerfel. Ce Libraire n'a imprimé
ce dernier Volume que pour s'acquitter de la
promeffe qu'il avoit faite de donner par Supplé→
ment , & en faveur dé ceux qui avoient foufcrit
pour les deux premiers Volumes , toutes les ad→
ditions qu'on pourroit recouvrer , & que M. Philemon-
Louis Savary avoit perfectionnées avant fa
mort , qui arriva le 20. Septembre 1727. Il contient
d'excellens Mémoires & des additions cụ→
rieufes pour un grand nombre d'Articles qui n'étoient
pas affez exacts dans les deux premiers
Tomes.
Le même Libraire vient de donner auffi les Livres
fuivans.
Hiftoire ancienne des Egyptiens , des Cartaginois
&c. contenus dans le premier Volume.
>
Tome fecond , contenant les Affiriens , les
Babiloniens , les Medes & les Perfes . Par M.
Rollin , ancien Recteur de l'Univerfité de Paris
Profeffeur d'Eloquence au College Royal , & Affocié
à l'Académie Royale des Infcriptions &
Belles - Lettres.
La fuite de cet Ouvrage qui contiendra les Macedoniens
& les Grecs fera inceflamment fous
preffe ; l'Auteur y travaille avec beaucoup d'affiduité
pour fatisfaire à l'empreffement du Public
qui a enlevé avec avidité les deux premiers Volufumes
lefquels ont une approbation univerſelle
tant en France que chez tous les Etrangers
SEPTEMBRE . 1730. 2013
Montalant , Imprimeur - Libraire à Paris ,
donne avis au Públic qu'on trouve chez lui les
Ouvrages fuivans .
Peż, Thefaurus Anedoctorum Noviffimus. fol.
6. vol. Augufta Vindelicorum 1730.
Ejufdem tom . 6. ſeparatim .
Patavii. Dogmata Theologiæ. fol. 6. vol . And
tuerpia.
Ejufdem , Doctrina temporum , fol z . Vol.
Ejufdem , Vranologium, fol.
Schilteri Antiquitates Teutonica , fol . 3. Vold
Ulmæ 1730.
Bullarium magnum , fol. 10. Vol. 1729. ĽuĮ
xemb.
Ejufdem tom. 6. 7. 8. 9. & 10. feparatim.
Hiftoire Litteraire de la Ville de Lyon. Par le
Pere de Colonia in 4. 2. Vol .
Du même Livre , le Tome 2. fe vend à part
Mémoires pourfervir à l' Hiftoire des Negocia
tions du 18. fiecle . Par M. Lamberti in 4. 8.
Vol.
{
Du même Ouvrage les Tom. 6. 7. & 8. fe
féparent.
Hiftoire de la Vie du Duc d'Epernon , conte
fiant ce qui s'eft paffé de plus fecret à la Cour de
France fous les Regnes d'Henri III . d'Henri IV.
& de Louis XIII . in 12. 4. Vol. 1730 .
La même in 4. 1730. Paris.
Hiftoire des Ouvrages des Sçavans , par Mª
Bafnage in 12. 26. Vol.
Les Voyages d'Adam Olearius , föl. 2. Vol.fig.
La Haye 1730 .
➡ de Thevenot. in 12. 5. Vol. Amft.
Les Colloques d'Erafme , en Latin & en Fran
çois, in 12, 6, Vol . Amſt,
Let
2014 MERCURE DE FRANCE
Les Commentaires fur la Geométrie de Defcartes,
Par Rabvel , in 4. 2. Vol. Lyon 1730.
L'Hiftoire Militaire du Prince Eugene & de
Marlboroug , fol. 3. Vol . in 8. La Haye. 1730.
Les Tom. 2 & 3. du même Livre ſe vendent
મે
part.
Il paroît depuis peu un Ouvrage de Mufique ,
intitulé Concert de Simphonie , par M. Aubert ,
Intendant de la Mufique de S. A. S. M. le Duc ,
Ordinaire de la Chambre du Roi & de l'Acadé
mie Royale. Il fe vend à Paris , chez l'Auteur ,
rue de la Vieille Bouclerie , proche la rue de la
Huchette , à la Chaife Royale , chez le St Boivin
, rue S. Honoré , à la Regle d'Or , & chez
le Sr le Clerc , rue du Roule , à la Croix d'or.
Le prix eft de 3. livres iz fols , les trois parties
féparées. On trouve tous les Ouvrages de l'Auteur
à ces adreffes. Nous parlerons encore de la
fuite de celui- ci ; en attendant , voici un Avertiffement
que l'Auteur a mis à la tête.
Quoique les Concerto Italiens ayent eu quel
que fuccès depuis plufieurs années en France , ou
l'on a rendu juſtice à tout ce que Corelli , Vival
di & quelques autres ont fait d'excellent dans ce
genre , on a cependant remarqué que cette forte
de mufique, malgré l'habileté d'une partie de ceux
de tout le monde
, & fur tout de celui des Dames , dont le jugement
a toûjours déterminé les plaifirs de la
Nation. De plus la plupart des jeunes gens croyant
fe former la main par les difficultés & les traits
extraordinaires dont on charge depuis peu prefque
tous ces Ouvrages , perdent les graces , la
netteté & la belle fimplicité du gout François .
qui l'executent , n'eft pas du gout
On a encore obfervé que ces pieces ne peuvent
s'executer ni fur la fute , ni fur le hautbois ,
que
SEPTEMBRE . 1730. 2015
que par un très petit nombre de gens illuftres
c'eft ce qui a determiné à effayer un genre de
Mufique , qui non-feulement fut plus ailé à entendre
, mais auffi dont l'exécution fut à la portée
des écoliers plus ou moins habiles comme à
celle des Maîtres , & où toutes fortes d'Inftrumens
puffent conferver leurs fons naturels & les
plus imitateurs de la voix , ce qui a toujours dû
& doit toujours être leur objet. Le projet de
l'Auteur a été de joindre des traits vifs & de la
gayeté à ce que nous appellons des chants François
; il ne fe flatte pas de l'avoir rempli , mais
il ouvre la carriere à de plus habiles . Ces Piéces
peuvent s'executer à grand Choeur , comme les
Concerto , & font très utiles pour les Académies,
& tout ce qui s'appelle Orqueftre ; fi elles font
bien reçûës l'Auteur fera fes efforts pour en
donner une fuite nouvelle tous les deux mois
pendant une année.
L'Abbé de Monville , qui travaille actuelle
ment à l'Hiftoire du Prince de Condé , par ordre
du Duc de Bourbon , prie les Sçavans de lui
communiquer les Mémoires anecdoctes qu'ils
gourront avoir fur la Vie de ce grand homme,
EXTRAIT d'une Lettre écrite de la
Hogue en Normandie , au fujet de deux
Monftres marins.
CE
E qu'on vous a écrit de deux Poiffons monftrueux
, l'un mâle , l'autre femelle , d'une
égale groffeur , qui vers la fin de l'année 1729.
échouerent fur ces côtes , dans les Paroiffes de
Ravenoville & de Foucarville , au Val de Cere
Amirauté de la Hogue , eft très- veritable ; mais
9
ce
2016 MERCURE DE FRANCE
cé n'eft pas affez de vous certifier le fait . Pour
contenter amplement votre curiofité , je vous envoye
un deffein exact du mâle , & en voici la
Def
SEPTEMBRE . 1730. 2017
Defcription , avec les dimenfions exactes. Il avoit
42. piés de long & 24. de groffeur à l'endroit du
corps le plus épais , qui étoit vers le milieu , fa
tête feule avoit 14. piés de groffeur ; fes mâchoires
en avoient fix de longueur, L'inferieure étoit
armée de 48. dents très blanches , & groffes, chacune
comme une corne de Taureau ; fa langue
avoit deux piés de longueur , & trois de circonference
; les nageoires trés petites ; fa nature étoit
de 4. piés de longueur , & de près de trois piés
de groffeur. Toute la peau de l'Animal très- noire
& très tendre ; fon boyau étoit de plus de 500.
piés de longueur. Ces Poiffons monftrueux ont
rendu chacun plus de 900. pots d'huile. Enfin on
ne peut guere donner une idée plus jufte de leur
énorme grandeur que par un petit Char que l'on
a fait de l'os du crâne du mâle dans lequel un
homme peut aifément fe placer. Cependant c'eft
une fingularité à ne pas omettre que les усих de
ce Monftre étoient fort petits , enforte qu'ils n'avoient
guere qu'un pouce de grandeur entre les
deux angles . Nos plus anciens Marins difent qu'ils
n'ont jamais rien vû de pareil en ce genre.
pour
On apprend de Londres que dans un Commité
du Confeil tenu à Witchalt , fur la Requête préfentée
au Roi par le S. Wood & fes Affociés
obtenir le Privilege exclufif de faire du fer
avec la mine du charbon de terre. Il fit voir des
fers à cheval , des cloux une Ancre & plufieurs
autres Inftrumens forgés de ce fer par
divers Ouvriers qui en ont fait un rapport avan
tageux.
› ,
L'Académie Royale de Peinture & de Sculpture
a donné cette année à fes Eleves , le jour
de S,Louis , en la maniere accoutumée , les grands
Prix
2018 MERCURE DE FRANCE
Prix, compofés fur deux Sujets tirés de la Bible,
repréfentant l'un Giezi , ferviteur d'Elifée , qui
obtient par furprife les préfens que le Prophete
avoit refufés de Naaman . 4. Livre des Rois chapitre
5. & l'autre , Daniel qui fauve Suſanne ,
comme on la conduit à la mort. Daniel , chap .
13. verf. 45
Le premier & le fecond Prix de Peinture ont
été remportés par les Srs Boizot & Van Reyfchoot.
Ceux de la Sculpture , par les Srs Francin
& Roubillac ; & le premier Prix de l'Architecture
par le St Louis Claude d'Aviler , neveu de feu
Auguftin Charles d'Aviler,Auteur du Cours d'Architecture
, fi connu & fi eftimé.
Jean-Antoine de Barras de la Penne , Commandeur
de l'Ordre Militaire de S. Louis , premier
Chef d'Eſcadre des Galeres du Roi , Inſpecteur
des Conftructions , & Commandant au Port
de Marfeille, mourut dans cette Ville,le 18. Juillet
dernier , âgê de près de 80. ans. M. de Barras
étoit d'Arles & d'une ancienne Maiſon de Provence.
Il s'eft diftingué par fon zele & par fon
attachement au fervice , ainfi que par fes lumieres
& par les connoiffances qu'il avoit acquifes
dans les Mathématiques , fur tout dans l'Hydro- .
graphie & dans tout ce qui concernoit particulierement
fa Profeffion. Il a compofé des Memoires
Hiftoriques & Critiques fur les divers
Ordres de Rames dans les Galeres des Anciens ,
& d'autres Memoires fur la force & l'utilité des
Galeres en particulier , & fur l'importance de la
Marine en general , en plufieurs Volumes qui
n'ont pas été imprimez & qui méritent de voir
le jour.
N. Moulat , Avocat & ancien Affeffeur de
Marfeille , mourut le même jour dans cette Ville
âgé
.
SEPTEMBRE . 1730. 2019
agé d'environ so . ans . Outre le fçavoir dont il
étoit rempli fur toutes les matieres de fa Profeffion
, qu'il a exercée avec beaucoup d'honneur
il a cultivé toute fa vie les Belles- Lettres , & en
particulier la Poëfie pour laquelle il avoit un ta
lent particulier. Député à la Cour en l'année
1715. pour des affaires importantes de la Ville
de Marfeille , il compofa cette belle Ode à la
gloire du Maréchal de Villars , qui fut eftiméd
des connoiffeurs , & qui lui attira des applaudiffemens
légitimes . C'eſt dans ce même temps que
M. Moulat forma à Paris avec un autre Marfeillois
de fes amis , le premier Projet d'un établiffement
Académique à Marseille , ainfi qu'il a été
dit dans le Mercure de France du mois de Décembre
1728. fecond volume , page 2811 .
François de Rémerville , Seigneur de S. Quentin
, de l'Académie Royale des Belles - Lettres de
Marſeille , mourut à Apt en Provence , fa Patrie,"
fur la fin du même mois de Juillet, âgé d'environ
80. ans, il a donné au Public plufieurs Ouvrages de
Litterature , & en a laiffé plufieurs autres de fa
compofition fur l'Hiftoire de Provence , dans laquelle
il étoit très - verfé , auffi- bien que dans l'Hif
toire Généalogique des Maifons illuftres & des
Familles diftinguées de cette Province.
Le fieur Baradelle , Ingenieur du Roi pour les
Inftrumens de Mathématique, demeurant à l'en
feigne de l'Obfervatoire , Quay de l'Horloge du
Palais à Paris , donne avis au Public qu'il y a des
Ouvriers qui contrefont , mais mal , les Ancriers
qui confervent l'ancre plufieurs années fans fe gåter
, lefquels prennent le nom du fieur Baradelle
& le font graver fur l'Ancrier , comme s'il fortoit
de fes mains. Il avertit qu'il les débite lui - même à
Paris, & qu'il n'en donne & aucun Marchandpour
2020 MERCURE DE FRANCE
débiter, Il vend auffi une Jauge approuvée de
P'Académie Royale des Sciences , pour jaug er
toutes fortes de Tonneaux imaginables ; il a
eu égard aux courbures que l'on donne aux Tonneaux,
ce qui embarraffe le plus les Jeaugeurs. Il
vend de fort belles Pierres d'Aimant , que l'on
croit propres pour les mouvemens convulfifs &
bonnes pour les experiences de Phyfique.
CHANSON.
Divin Bacchus , charmant Amour ,
Faites un deftin favorable ,
Aux Convives qui dans ce jour
Font tout l'honneur de cette Table.
Divin Bacchus , charmant Amour ,
Vous le deyez pour votre gloire ,
Puifqu'ils font pour aimer & boire
Les vrais Heros de votre Cour .
******* : X : X: XXXXXX
L
SPECTACLES.
' Académie Royale de Mufique reprit
le 31. Août l'Opera d'Hefione qu'on
avoit remis au Théatre en Septembre
*729 . La Dile Le Maure qui avoit quitté
ى ل ع
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ASTOR
, LENOX
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TILDEN
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6
SEPTEMBRE. 1730. 2021
le Théatre au mois d'Août 1727. y chanta
le Rôle dHefione avec beaucoup d'applaudiffement.
Le Public paroît fort fatisfait
de la rentrée de cette Actrice
dont la belle & grande voix a toujours
fait un extrême plaifir.;
La même Académie voulant prendre
part à l'allegreffe publique pour la Naiſ
fance de Monfeigneur le Duc d'Anjou ,
fit faire des feux & des illuminations devant
la principale Porte le jour que le Te
Deum fut chanté à Notre- Dame , & donna
le 4. Septembre l'Opera gratis au Public.
On joua le Balet du Carnaval & de
la Folie qui fatisfit parfaitement une foule
de peuple qui étoit accouruë de tous les
differens Quartiers de Paris , & qui avoit
commencé dès midi à fe placer. Malgré
ce grand concours tout fe paffa fans confufion
ni defordre par les bons ordres que
les nouveaux Directeurs de l'Académie
avoient donnés.
La même Académie donna le ro. par
extraordinaire le Bal fur le Théatre de
l'Opera ; il fut précedé d'un Concert
compofé de Choeurs & de Simphonies
choifies .
En apprenant à ceux de nos Lecteurs
qui l'ignorent la rentrée de la Dlle Le
Maure à l'Opera , nous fommes bien fûrs
du plaifir que cette nouvelle leur fera ;
F mais
2022 MERCURE DE FRANCE
mais c'eſt à regret que nous leur annon
cerons la retraite du S, Thevenard & de la
Die Prevost , deux Sujets inimitables , l'un
dans le noble & le beau chant & l'autre dans
la danfe legere & gracieufe. Ils ont fait pen
dant très long tems les plaifirs du Public,
qui a toûjours honoré leurs talens de
beaucoup d'applaudiffemens , & il y a
lieu de croire qu'il n'en perdra pas fi tôt le
fouvenir. Leurs penfions viageres font reglées
à 1500.livres & à rooo. livres .
Le 24. Août , veille de la Fête de Saint
Louis , l'Opera Comique donna une petite
Piece nouvelle d'un Acte , en Vaudeville
, intitulée Le Bouquet du Roi , à la
quelle on a fait depuis quelques augmentations
à l'occafion de la Ñaiffance de
Monſeigneur le Duc d'Anjou , Cette Piéce
eft de M. Panard , & la Mufique de M.
Gillier: en voici en peu de mots le Sujet.
Premiere Entrée,
La Ville de Paris perſonifiée , accom→
pagnée de fa fuite , invite fes habitans à
celebrer la Fête du Roi , & chante fur
l'Air : F'entends déja le bruit des armes,
A chanter un fi digne Maître
Tout doit nous porter aujourd'hui ;
Les Dieux même nous font connoître
Qu'ils
SEPTEMBRE. 1730. 2023
Qu'ils fe font déclarés pour lui ,
Et le Prince qui vient de naître
Eft un gage de leur appui.
C'est là le Bouquet que le Ciel lui refer
voit , ajoûte la Ville de Paris ; après quoi
on chante':
Que des Dieux la bonté fouveraine
A fur nous répandu de bienfaits !
D'un Roi charmant , d'une charmante Reine
Nous fommes les enfans plutôt que les Sujets.
Les coeurs , dès qu'on le voit , font à lui fans reſerve
;
Chez elle les vertus ont fixé leur féjour ;
Elle eft l'image de Minerve ;
Il eft l'image de l'Amour.
Les Habitans de Paris forment enfuite
le Divertiſſement , & expriment leur joye
par des danfes & c.
Seconde Entrée.
Les Députés des principales Provinces
de France viennent fe joindre à la Ville
de Paris pour mêler leur joye à la fienne,
& forment chacune un nouveau Balet
dans leur different caractere ; après quoi
le Député de la Normandie chante le
Couplet fuivant , fur l'Air : Pierre Bagnolet
Fij Heu
2024 MERCURE DE FRANCE
Heureux qui fera l'apanage
Du nouveau fils de notre Roi.
La Gascogne,
N'efperez pas cet avantage ;
Vous ne l'aurez pas fur ma foi ;
Ce fera moi.
La Ville de Paris voyant arriver le Député
de la Province d'Anjou , acheve de
chanter l'Air,
Ne conteftez pas davantage ,
Cedez à celui que je voi .
Ce Député chante ces paroles avec ur
Accompagnement de Fanfares.
Triomphe , victoire ;
Honneur à l'Anjou ;
D'ici jufqu'au Perou ,
Que tout chante ma gloire,
Triomphe Victoire &c.
Votre difpute eft vaïne ,
Vous perdez votre peine ;
C'eſt à moi qu'eft deſtiné
Le Prince nouveau né.
Triomphe Victoire &c.
Les autres Provinces paroiffent fort
confternées de cette préference ; la Ville
de Paris leur dit de ne pas s'en allarmer
&
SEPTEMBRE . 1730. 2025
& chante fur l'Air , O reguinqué :
Le Ciel qui vous protege tous
Ne veut point faire de jaloux ;
Allez , allez , raffurez-vous ;
Vous verrez que chaque Province
L'une après l'autre aura fon Prince.
Le Député de la Gascogne répond , Oh!
pour moi je lui cede volontiers le pas , &
chante fur l'Air : Ma raifon s'en va beau
train :
Me
Un deſtin plus rare un jour
payera de mon amour.
*
Toi qui t'applaudis
Des fils de Louis ,
Tu n'as que le deuxième ,
Pour ma Province , Cadedis ,
On garde le douziéme ,
Lon la ,
On garde le douziéme.
Toutes les Provinces fe retirent après
le Divertiffement .
Troifiéme Entrée des Arts.
Cette Entrée eft précedée de trois Scenes.
Dans la premiere , l'Opera Comique
fe plaint à la Ville de ce qu'elle ne l'hos
nore plus de fes vifites dans le Fauxbourg,
* Regardant l'Anjou,
F iij la
2026 MERCURE DE FRANCE
la Ville lui répond qu'elle a de plus juftes
reproches à lui faire , & chante fur l'Air
de foconde :
Tandis que tous mes habitans
Pour un Roi qu'ils cheriffent
Font voir des tranſports éclatans
Dont les Cieux retentiffent ,
L'Opera Comique fe tait ;
It eft dans l'indolence ;
Lui que j'ai vu le premier prêt :
D'où vient donc ce filence
J
L'Opera Comique lui répond qu'il ne
mérite point ce reproche , & qu'il n'a
jamais eu tant de zele : Jugez en , dit-il
par ce que j'ai fait ; s'agiffant d'une matiere
auffi importante ,j'ai cru ... & chante fur
l'Air : M. le Prevêt des Marchands :
Qu'il falloit au facré Valon
Chercher le fecours d'Apollon ;
J'ai choifi pour cette Ambaffade
De mes Acteurs le plus cheri ,
Quoique mon Théatre malade
Ait peine à fe paffer de lui.
Pierot arrive , & fait un recit Comique
de fa reception au Parnaffe , & dit qu'Apollon
étoit fi fort occupé à chaffer la
Profe qui inondoit le facré Valon , qu'il
n'a
SEPTEMBRE. 1730. 2027
n'a pû tirer aucun fecours de lui : A qui
donc auraisje recours ? dit l'Opera Comi
que : A moi , répond l'Amour , qui en
tre dans ce moment fur la ſcene , & chante
fur l'Air : Les filles font fi fottes , lon la :
D'Apollon eft-ce là l'emploi ?
Non , ne vous addreffez qu'à moi ,
Seul je puis vous fuffire.
Tout ce qu'on fait pour votre Roi ,
C'est l'Amour qui l'inſpire ,
Lon la ,
C'est l'Amour & c.
Pourquoi chercher d'autre fecours que le
mien ?dit l'Amour à Pierot , avez - vous
oublié ce que j'ai fait pour vous l'année paf
fe , & chante fur l'Air des Triolets :
N'eft- ce pas moi qui l'an paffé
Pour un Maitre fi débonaire
Vous fit rifquer un coup d'effai
N'est-ce pas moi qui l'an paffé ,
Rechaufai votre coeur glacé ,
Par la crainte de lui déplaire.
N'eft-ce pas moi qui l'an paffé
Dictai l'Hopegué , ma Comere.
L'Amour promet enfuite à Pierot d'aller
prefenter au Roi leurs voeux & leurs
hommages après qu'il aura affifté à la
Fiiij Fête
2028 MERCURE DE FRANCE
Fête que les Arts vont donner , à laquelle
il doit préfider , & chante fnr un Air
nouveau :
L'Amour par ma voix vous appelle ,
Beaux Arts , fignalez votre zele ,
Formez un Monument qui de ce jour heureux
Confacre la mémoire ;
Difputez-vous la gloire
De feconder nos foins & d'embellir nos jeux."
L'Amour fe met à la tête des Arts qui
font une marche , après laquelle ils élevent
un Trophée à la gloire du Roi . C'eſt
une espece d'Obelifque de 12. piés de haut,
terminé par deux Lys , figurant le Roi
& la Reine , & cinq boutons de Lys , figurant
la Famille Royale. Au deffous eft
un Globe tranfparent, avec ces mots, Non
deerunt. Le pied de l'Obelifque forme un
Entablement fur lequel les Arts pofent
chacun leurs Attributs , & au milieu on
voit deux riches bordures , garnies de
toiles , fur lesquelles la Peinture fait peindre
les Portraits du Roi & de la Reine.
Après qu'ils font finis , la Ville de Paris
chante ces paroles fur l'Air d'un Menuet
nouveau :
De ceux qui regnent ſur nous
Voyez vous
L'auSEPTEMBRE.
1730. 2829.
·
L'augufte & brillante image.
Que chacun dans ce beau jour,
¡ Afon tour
Vienne lui rendre hommage..
De ces Aftres les doux regards
Vous font un heureux partage ;
Leur regne eft celui des beaux Arts.
La Décoration du Trophée a été trouvée
très bien imaginée , & parfaitement
bien executée.
Tous les Arts forment un Balet
general
; il eft fuivi d'un Vaudeville , dont
voici quelques Couplets.
La Mufique
Je fuis cet Art mélodietix
Qui forme l'harmonie ;
Souvent les Heros & les Dieux
Occupent mon génie ;
Mais jamais avec tant d'ardeur ,
Je n'exerce ma Lyre
Que quand je chante la douceur
Reine , de votre Empire.
La Peinture.
C'eft moi dont l'Art ingénieux
Imite la Nature ;
De tout ce qu'on voit fous les Cieux
Je trace la figure ;
F Souvent
2030 MERCURE DE FRANCE
Souvent pour peindre votre Roi ,
Je me mets à l'ouvrage ;
Mais l'Amour encor mieux que
En fçait graver l'image.
L'Aftrologie.
Dans les Aftres je lis fans fin,
C'eft moi qui les confulte ;
Ils m'ont appris que le Dauphin
Caufera du tumulte ;
moi
Rempli des charmes les plus dour
Je prévoi qu'il doit rendre
La moitié du monde jaloux
Et l'autre moitié tendre.
La Navigation.
Mon partage eft de naviguer ,
C'eſt à quoi je préfide ,
Jeunes Marins , venez voguer ,
Je ferai votre guide ,
Vous ne payerez point le tribut
Aux caprices d'Eole ,
Et pour vous mener droit au bur
Je porte la Boufole.
L'Art Militaire.
Servez un Prince aimé des Dieux ,
Venez , Jeuneffe aimable ,
Autant qu'il eft charmant , je veux
La
SEPTEMBRE. 1730. 2031
Le rendre redoutable ;
Si tôt que je vois l'Ennemi
Ma contenance eft fiere ,
Et mon oeil jamais endormi
Garde bien la Frontiere.
L'Art de plaire.
Du fecret de parler au coeur
Je fuis dépofitaire ;
Par un regard doux & flatteur
Je montre l'Art de plaire ;
Mais je croi que de mes Leçons
On n'aura point affaire ;
Car ce bel Art eft aux Bourbons
Un Art hereditaire.
Pierrot an Partere.
Si le Prince que nous chantons ,
Meffieurs , vous intereffe ,
Pour le prouver dans nos Cantons
Faites voir plus de preffe ;
Venez, & qu'un fi beau fujet
Pour nos jeux vous reveille ;
Nous vous faifons voir fon Portrait ,
Rendez-nous la pareille,
On trouvera l'Air noté avec la Chanfon
page 2020.
Le premier Septembre on donna ce
F vj
fpecta2032
MERCURE DE FRANCE
fpectacle gratis à l'occafion de la Naiffance
de Monfeigneur le Duc D'ANJOU
On joija la Comédie des Deux Suivantes
dont il a été parlé , & le Bouquet du Roi
Il y eut le même jour Bal dans l'enclos de
la Foire , & des Illuminations . Tout s'y
pafla fans defordre , & au grand contentement
d'une multitude de peuples
que ces Réjouiffances avoient attires , tant
de la Ville , que du Fauxbourg.
Le 5. le même Opera Comique donna
la premiere Repréſentation de deux Piéces
nouvelles en un Acte chacune ; la
premiere a pour titre L'Amour Marin ,
& l'autre L'Esperance , en Vaudevilles ,
& des Divertiffemens , de la compofition
de M. Gillier,
Le premier de ce mois , les Comédiens
Italiens firent éclater leur joye pour la
Naiffance de Monfeigneur le Duc D'ANJou
, avec beaucoup de zele. On alluma
des Feux & on fit des Illuminations dans
les deux ruës où font les Portes de l'Hôtel
de Bourgogne ; ils donnerent gratisle
même jour à une nombreuſe Affemblée
, les trois Comédies des Payfans de
Qualité , du Triomphe de Plutus , & du
May , ornées de Divertiffemens qui fatisfirent
extrémement les Spectateurs. Le
feur Charpentier , excellent Joueur de
Mufette
SEPTEMBRE . 1730. 2033
Mulette , n'y contribua pas peu par les
differens Airs qu'il joüa.
Le 11. les mêmes Comédiens donnerent
une Piece nouvelle en trois Actes
avec des Divertiffemens , de la compofi
tion des fieurs Dominique & Romagnefy,
qui a pour titre , la Foire des Poëtes , l'Ifle
du Divorce & la Sylphide , laquelle a été
reçûë très-favorablement du Public. Voici
l'Extrait de chacune.
LA FOIRE DES POETES.
Un Acteur François & Trivelin de la
Comédie Italienne , fe rencontrent par
hazard , & ſe demandent réciproquement
comment ils ont pû pénetrer dans cet
azile ; Trivelin lui dit qu'il n'a rien de
caché pour lui , & qu'il veut bien fatisfaire
fa curiofité : Vous fçavez , ajoûte-t-il , que
nous en avons très-mal agi avec M les
Auteurs , qui picquez de nos Airs , ont
quitté Paris , dans la refolution de ne nous
plus donner de nouveautez ; que depuis leur
retraite nos Théatres ! anguiffent , &c. &
qu'il vient de la part de fa Troupe , ménager
un raccommodement ; Apollon ,
continue- t-il , a recueilli les Nouriffons
des Mufes , & leur a fait bâtir un Hôtel
magnifique , dans lequel il les entretient
& les nourrit , & tout ce qu'ils vendent
"
eft
2034 MERCURE
DE FRANCE
eft pour leurs menus plaifirs ; après une
defcription comique,l'Acteur François dit
qu'il a befoin d'une Tragédie , & prie
Trivelin de lui préter de l'argent pour
faire cette amplette ; Trivelin s'excufe fur
le befoin qu'il a de deux Comédies &
d'un Prologue , & qu'il fera bienheureux
s'il a de quoi payer une bonne Scene ,
n'ayant fur lui que quinze livres. Après
cette Scene , Trivelin dit à l'Acteur de
le fuivre , & qu'il va le conduire à l'Hôtel
des Poëtes , où ils tiennent une espece
de Foire.
Le Théatre change & repréfente un
Caffe rempli de Poëtes ; on chante en
choeur les paroles fuivantes :
Verfez de ce Caffé charmant ,
H eft notre unique aliment.
Un Poëte.
C'eft vous , aimable breuvage ,
Qui ranimez tous les efprits ;
Si-tôt que nous vous avons pris ,
Des Dieux nous parlons le langage ;
Nous rimons tous à qui mieux mieux,
Et faifis d'une docte extafe ,
Nous nous élevons juſqu'aux Cieux :
L'Onde que fit jaillir Pegaze ,
N'a rien de fi délicieux.
Verfez de ce Caffé charmant , &c.

SEPTEMBRE. 1730. 2035
Il s'éleve auffi - tôt une difpute entre les
Poëtes. Les uns foutiennent que le Caffe
cauſe des infomnies ; les autres , qu'il fait
dormir. Après une courte Differtation ,
Trivelin & l'Acteur François s'avancent ,
les Poëtes offrent leur Marchandife ; l'Acteur
François demande une Tragédie , &
Trivelin deux Comédies & un Prologue ;
un Poëte en propofe une à l'Acteur , qu'il
foutient excellente ; un autre offre à Trivelin
deux Comédies ; ils fe retirent pour
en faire la lecture .
Une jeune fille vient demander à un
Poëte des Couplets de Chanſon pour fe
mocquer de fon Amant , qui eft trop timide
; le Poëte lui donne les Couplets
fuivans , qu'elle chante fur l'Air : Daphnis
m'aimoit fi tendrement.
Quand mon Amant me fait la cour ,
Il languit , il pleure , il ſoupire ,
Et paffe avec moi tout le jour ,
A me raconter fon martyre.
Ah! s'il le paffoit autrement
Il me plairoit infiniment.
L'autre jour dans un Bois charmant ;
Ecoutant chanter la Fauvette ,
Il me demanda tendrement ,
M'aimes-tu , ma chere Liſette :
2036 MERCURE DE FRANCE
Je lui dis , oui , je t'aime bien :
Il ne me demanda plus rien.
Puifque j'ai fait naître tes feux
Rien ne flate plus mon envie ,
Je fuis , reprit -il , trop heureux ;
O jour le plus beau de ma vie
Et répetoit à chaque inſtant ,
C'en eft affez , je fuis content.
De cet Amant plein de froideur
Il faut que je me dédommage ,
J'en veux un , qui de mon ardeur ,
Sçache faire un meilleur ufage ,
Qu'il foit heureux à chaque inftant
Et qu'il ne foit jamais content .
La jeune fille , fatisfaite des Couplets
après les avoir payez au Poëte , s'en retourne
en les chantant ; Trivelin revient.
avec l'Auteur qui lui a propofé les deux.
Comedies , il lui dit qu'il les trouve affez
jolies ; mais qu'il a befoin d'un Prologue ,
fur quoi l'Auteur lui répond : Comme
vous faites ufage de tout, voyez prendre leçon
à nos Apprentifs Poëtes , peut-être vous.
fervirez vous de cette idée pour un Prologue
Trivelin y confent ; auffi- tôt le Profeffeur
de Poëfie s'avance & chante ces paroles
Son
SEPTEMBRE. 1730. 2037
Son Profeffor di Poëfia ,
Della divina freneſia ,
Mon Art inſpire les tranſports ;
I miei canti ,
Sono incanti ;
I dotti , glignoranti ,.
Tout cft charmé de mes accords,
Venité miei cari ,
Scolari ,
A prender lezione ,
Dal dottor Lanternone.
Les Apprentifs Poëtes forment une Danfe
; le Profeffeur interroge un de fes Ecoliers
; ils dialoguent en chantant.
Le Profeffeur.
Pour être Poëte à prefent ,
Quel eft le talent neceffaire ?
L'Ecolier.
Il faut être plaisant ,
Quelquefois médifant ;
Et toujours plagiaire.
Le Profeffeur
Non e quefto ;
Dite preſto ,
Cio che bifogna far ,
Per ben verfificar.
L'E
2038 MERCURE DE FRANCE
-L'Ecolier.
Rimar , rimar , rimar .
Le Profeſſeur.
Bravo ; bene , bene , bene.
De qui faites- vous plus d'eftime ,
De la faifon ou de la rime

L'Ecolier.
La rime , fans comparaiſon ,
Doit l'emporter fur la raiſon.
Le Profeffeur.
Pourquoi cette diſtinction ?
L'Ecolier.
C'est qu'on entend toûjours la rime
Et qu'on n'entend point la raiſon,
Le Profeffeurs
Bravo ; bene , bene , bene.
Pour faire une Piece Lyrique ,
Autrement dit, un Opera nouveau,
Que faut-il pour le rendre beau ?
L'Ecolier.
De mauvais Vers & de bonne Mufique ,
Le Profeffeur.
Bravo ; bene , &c. \\
L'E
SEPTEMBRE. 1730 : 2039
Dans une Tragedie , Ouvrage d'importance ,
Que faut- il pour toucher les coeurs ?
L'Ecolier.
Un fonge , une reconnoiffance ,
Un récit & de bons Acteurs.
Le Profeffeur.
Bravo , bene , &c.
Auffi- tôt on entend une Symphonie
brillante. Le Profeffeur dit que c'eft Minerve
qui defcend ; la Folie paroît dans
le moment , & chante en s'adreffant aux
Poëtes,
Ingrats , me méconnoiffez -vous ?
N'eft- ce pas moi qui vous infpire ?
Qui dans vos tranſports les plus fous
Ay foin de monter votre Lyre ?
Allons , allons , fubiffez tous ;
Le joug de mon aimable empire
Et que chacun à mes genoux ,
S'applaudiffe de fon délire.
Viva , viva la Pazzia ,
La madre dell' allegria ,
Souveraine de tous les coeurs
Et la Minerve des Auteurs,
La Folie conduit les Poëtes à Paris
qui
2040 MERCURE DE FRANCE
qui eft , dit- elle , leur vrai féjour , tous
la fuivent en danfant avec elle & en
chantant :
Viva , viva la Pazzia , &c.
L'ISLE DU DIVORCE.
Valere & Arlequin fon Valet , arrivent
fur le Théatre d'un air triſte , & après
s'être regardez l'un & l'autre , Valere lui
demande s'il s'ennuye autant que lui , à
quoi Arlequin répond que c'eſt à peu près
la même chofe ; Valere ſoupire & témoi
gne les regrets que lluuii ccaauuffee llaa perte de
Silvia , fon Epoufe , qu'il a quittée, malgré
la vertu & fa fidelité , pour fe conformer
aux Coûtumes de l'Ifle , qui autorife
le divorce. Arlequin , à l'imitation
de Valere , marque le chagrin qu'il ref
fent d'avoir abandonné Colombine ; ne
fuis-je pas un grand coquin , ajoûte-t-il , d'avoir
épousé une feconde femme , fans avoir
du moins enterré la premiere. Après avoir
oppofé le caractere d'Orphife à celui
de Silvia , la douceur de Colombine
à l'humeur acariatre de Lifette ; Orphife
& Lifette arrivent ; & comme Orphiſe
de fon côté n'a plus de gout pour Valere ,
elle s'adreffe à Arlequin , & Lifette parle
à Valere. Après une courte converfation ,
Orphife fait des reproches à Valere , &
Lifette
SEPTEMBRE . 1730. 2041
pas
Lifette à Arlequin ; ils fe querellent &
Le trouvent tous les deux très - haïffables,
Orphile dit à Valere qu'il n'en faut
refter là , & que s'il fe prefente une occafion
favorable de fe défunir , il en faudra
profiter ; Nous ne ferons pas affez
heureux , reprend Valere ; pourquoi , Mr ,
répond Orphife ? S'il arrive quelque Vaif
feau étranger.... Hé bien , Mad , s'il en
arrive , dit Valere ; ah ! je vois bien , contínuë
Orphiſe , que vous ignorez une par
tie des coûtumes du Pays , donnez - moi
feulement votre parole ah ! de tout mon
coeur, répond Valere. Orphife fur cette,
affurance fe retire , Lifette en fait de mê
me ; Arlequin & Valere voyant arriver
Silvia & Colombine , s'écartent pour en
tendre leurs difcours.
Silvia , qui croit être feule avec fa Suivante
, fait éclater les fentimens de l'époufe
la plus vertueufe , en fe plaignant
de la perfidie de Valere , qui l'a inhumainement
abandonnée en profitant de l'u
fage établi dans l'Ifle ; Colombine ſe repent
de l'avoir imitée , & de ne s'être pas
vengée du traitre Arlequin ; Valere charmé
de la conftance de fon Epoufe , l'aborde
en la priant de pardonner fon indif
cretion : Je fçai trop , dit-il , que ma pre--
fence ne peut qu'irriter votre jufte colere contre
un ingrat qui ne méritoit pas le bonheur dont il
2042 MERCURE DE FRANCE
ajoui , il n'étoit pas ,fans doute , d'un grand
prix , répond Silvia , puifque vous y avez
fifacilement renoncé? Arlequin dit des douceurs
à Colombine , qui affecte un air de
fierté dont il n'eft pas content . Dans cette
Scene Valere témoigne fon repentir , &
prie inftamment Silvia , s'il fe preſente
quelque favorable occafion de refferrer
leurs noeuds , de ne point s'oppofer à fa
félicité ; Silvia ſe rend enfin à les inftances
, & lui dit que ce n'eft pas d'aujour
d'hui qu'il connoît fon coeur. Valere veut
rentrer avec elle ; mais Silvia le lui deffend
; Non , Valere , dit - elle , reftez ; la
bienfeance condamne jufqu'à l'entretien que
nous avons ensemble , & je ne veux pas
perdre l'estime d'un homme qui a été mon
Epoux ; fi par quelque heureux évenement
vous pouviez brifer la chaîne qui vous attache
à ma Rivale , j'accepterai votre main
je n'aurai d'autre reproche à mefaire que
celui d'avoir trop aimé un ingrat.
Valere fe retire , content de l'affurance
que lui a donnée Silvia ; Colombine veut
fuivre fa Maîtreffe , mais Arlequin l'arrête
en la priant d'avoir pitié d'un amour
renaiffant , qui peut-être n'a pas encore
long-temps à vivre. Après une Scene affez
plaifante Valere.revient avec le Chef de
Ifle , qui lui dit que fon efperance eft
vaine , & que pour donner lieu à un fe
cond
SEPTEMBRE. 1730. 2043
cond divorce il faudroit que des Etrangers
débarquaffent dans l'Ifle , & qu'ils con+
fentiflent à former d'autres engagemens ;
que pour lors , non -feulement lui , mais
tous les Epoux du Pays pourroient , à leur
exemple , le démarier ; Arlequin lui dit
que moyennant un fi beau Privilege, l'Iffe
doit être extrémement peuplée , à quoi
le Chef répond qu'elle n'eft pas encore
connue , que le hazard feul y fait abor
der , & que quand ils y font débarquez
il y avoit so. ans qu'il n'y avoit paru de
Vaiffeaux étrangers.
Orphiſe arrive & annonce à Valere qu'il
vient d'arriver un Vaiffeau étranger ; Arle
quin fe réjouit de cette agréable nouvelle
en fe mocquant du Chef de l'Ifle. Un Infulaire
donne avis à ce Chef qu'il n'y a que
deux femmes dans le Vaiffeau, que l'une eft
l'épouſe d'un Marchand Drapier de Paris,
& que l'autre eft une veuve qui a été ma
riée quatre fois , & qui dit qu'elle n'en
veut pas davantage , M & M Droguer
arrivent en plaignant leur fort & en difant
que les fupplices les plus affreux ne
les forceront point à s'abandonner. Ils
fe témoignent l'amour le plus violent
ce qui fait perdre aux autres l'efperance
de fe démarier ; mais Valere fair tant par
fes difcours féducteurs , qu'il perfuade la
vieille à quitter fon mari ; Orphife de
fon
2044 MERCURE DE FRANCE
fon côté engage M Droguet à brifer
fa chaîne ; Me Droguet , dans l'efperance
d'époufer Valere , quitte fon époux , &
M.Droguet comptant s'unir avec Orphiſe,
fait divorce avec fa femme.
Après ce divorce , Silvia paroît ; Valere
la reprend , Orphiſe quitte M. Droguet en
difant qu'elle va offrir à Dorante une main
qu'il attend avec impatience ; Arlequin
époufe Colombine , & Lifette s'en va pour
en faire autant avec Trivelin ; M. & Me
Droguet reftent très-furpris de cette avanture
; Qu'allons nous devenir , dit Mc Droguet
, vous pouvez vous reprendre , ajoûte
le Chef de l'Ifle , mais cela vous fera compté
pour un divorce : Oh , non , reprennent- ils ,
il vaut mieux attendre ; nous ne sommes pas
venus ici pour abolir les loix. Les maris &
les femmes de l'Ile arrivent pour faire
divorce ; ils forment le Divertiffement
composé de Danfes & d'un Vaudeville.
LA STLPHIDE,
Le Théatre repréfente l'Appartement
d'Erafte. Une Sylphide & une Gnomide y
entrent dans le même moment ; la Sylphide
pofe une Corbeille fur la table , de
même que la Gnomide ; elles font furprifes
de fe rencontrer & fe demandent réciproquement
ce qu'elles viennent faire
dans
SEPTEMBRE. 1730. 2045
dans la chambre d'Erafte . La Gnomide
dit que fon Amant l'attire en ce lieu à
la Sylphide ajoûte que le feul defir.de
yoir le fien l'a conduite dans cet Appartement
; elles fe croient Rivales ; mais
après une petite difpute leurs foupçons
font diffipez ; la Sylphide découvre à la
Gnomide les tendres fentimens pour Erafte
, & la Gnomide avoue fa paffion pour
Arlequin fon Valet. La Sylphide raconte
qu'elle avoit fait partie avec deux Sylphides
de fes amies , de fe rendre vifibles ;
qu'elles allerent fe promener aux Thuilleries,
& que ce fut dans ce Jardin qu'elle
vit Erafte pour la premiere fois , qu'elle
le trouva fi charmant , qu'elle ne put
s'empêcher de l'aimer. Elle fait une agréa
ble defcription des differens Cavaliers
qu'elle vit à cette Promenade ; elle dit
enfuite qu'elle craint que les charmes d'une
de fes Compagnes n'ayent eu plus de
pouvoir que les fiens fur le coeur d'Erafte ,
& que cette incertitude l'accable. Vous
faites injure à vos attraits , répond la Gnomide
; pour moi , je ne me fuis point encore
offerte aux regards de mon Amant , l'éclat
de mes appas ne l'a point ébloui ; c'est dans
une cave profonde où je le vis pour la premiere
fois & où il s'enyvroit avec tant de
grace qu'il auroit charmé la pus infenfible :
mais Erafte vient ici avec fon Valet , écar-
1ons-nous pour les entendre. G Erafte
2046 MERCURE DE FRANCE
1
Erafte en entrant apperçoit la corbeille;
il demande à Arlequin qui l'a lui a envoyée
; Arlequin répond qu'il n'en fçait
rien ; Erafte la découvre , & voit qu'elle
eft remplie de fleurs : Il vaudroit mieux ,
dit Arlequin , qu'elle fut pleine d'argent ,
cela ferviroit à merveille à raccommoder vos
affaires qui font furieufement dérangées . Arlequin
apperçoit auffi l'autre corbeille qui
eft remplie de trufes , avec le nom d'Arlequin
au- deffus ; il eft fort en peine de
fçavoir d'où vient ce préfent ; & après
avoir rêvé un inftant : Ces fleurs , ajoûtet'il
, ont été fans doute envoyées par. Clarice
, votre Epouse future : Ne me parle
point de Clarice , répond Erafte : Comment
continue Arlequin , avez- vous oublié
votre fortune dépend de ce mariage , qu'il
peut feul nous mettre à couvert des poursui
tes de vos Créanciers & des miens , car vous
n'êtes riche qu'en efperance . Votre Oncle eft,
à la verité , entre les mains d'une demie dou
zaine de Medecins ; mais comme ces Meffieurs
ne font jamais de la même opinion
ils ne font point d'accord fur les remedes , le
malade n'en prend point , & par confequent
il peut encore aller loin . Erafte lui dit qu'u
ne paffion violente s'eft emparée de fon
ae , & que rien ne peut l'en arracher
qu'il a vu aux Thuilleries la plus adorable
perfonne du monde ; Arlequin comque
bat
SEPTEMBRE . 1730. 2047
coups
bat toutes les raifons , la Sylphide qui eft
préfente & inviſible , le menace de
de bâton ; Arlequin croit que c'eſt fon
Maître qui lui parle , ce qui fait un jeu
de Théatre des plus comiques. La Gnomide
auffi invifible , donne de petits fouflets
à Arlequin , qu'il croir recevoir de
fon Maître enfin après plufieurs lazzi
très plaifans , deux Créanciers arrivent ,
& demandent à Erafte ce qui leur eſt dû ,
celui ci leur fait un accueil peu gracieux,
ce qui oblige les Créanciers de menacer
Erafte de le pourfuivre en Juftice ; . &
dans le tems qu'ils veulent partir , la
Sylphide & la Gnomide , toûjours invifibles
, donnent chacune aux deux Créanciers
une bourſe qui contient le payement
de chacun ; un des deux Créanciers
après avoir compté fon argent rend à
Erafte quatre louis qu'il a trouvé de plus;
ils fe retirent , en le priant très civilement
d'excufer leur vivacité ; Arlequin croit
fon Maître leur a donné cet argent;
que
Erafte dit qu'il ne fçait ce que tout cela
fignifie &c.
Un Sergent & un Procureur arrivent ;
le Procureur dit qu'il vient de la part
d'Oronte , pere de Clarice , pour fçavoir
quand il veut époufer fa fille. Le Sergent
porte une affignation à Arlequin de
part d'un Cabaretier des Porcherons , la
Gij
Arle
2048 MERCURE DE FRANCE
Arlequin refufe de la prendre. Erafte
donne de mauvaifes raifons au Procureur,
ce qui lui fait dire qu'il le pourfuivra
pour lui faire payer le dédit de vingt mille
ecus qu'il a fait au pere de Clarice . Le
Sergent préfente l'affignation à Arlequin ,
qui ne veut point abfolument la recevoir;
la Gnomide invifible donne un fouflet au
Sergent , & déchire l'Exploit ; le Sergent
fe met en colere contre Arlequin , après
quoi la Gnomide fait difparoître le Ser
gent , qui s'abîme fous le Théatre , & la
Sylphide fait voler le Procureur dans les
airs. Ce fpectacle effraye Erafte ; Arlequin
lui dit qu'il ne voit rien là que de très
naturel , un Sergent qui va au Diable &
un Procureur qui vole. La Gnomide fait
encore quelques niches à Arlequin qui
fort tout épouvanté ; Erafte refte très
étonné de tout ce qu'il vient de voir ;
la Sylphide invifible foupire , & a une
converfation avec Erafte qui la prend pour
un efprit ; la Sylphide l'affure qu'elle
Paime : Vous m'aimez , répond Erafte , eftce
que les efprits peuvent aimer ? ils n'ont
point corps : cette question me fait bien
voir que vous en avez un , répond la Sylphide
: Oui, Monfieur , ils aiment , & avec
d'autant plus de délicateffe que leur amour eft
détaché des fens , que leur flamme eft pure
& fubfifte d'elle-même , fans que les défirs
de
ou
SEPTEMBRE. 1730. 2049
ou les dégoûts l'augmentent ou la diminuent :
Mais je m'étonne , ajoûte Erafte , que Sça
chant ce qui fe paffe dans mon coeur , vous
me faffiez l'aven de votre tendreffe ; car enfin
vous n'ignorez pas qu'il eft rempli de la
plus violente paffion qu'un Amant ait jamais
pu reffentir : Je fuis , dit la Sylphide , une
de ces trois Dames que vous avez vûës aux
Thuilleries ; vous en aimez une : Quoi ! ces
Dames fi charmantes , repart Erafte , font
des Sylphides ! Eb peut- il y en avoir ? La
Sylphide le prie de ne point faire comme
le commun des hommes , qui doutent
des chofes , parce qu'ils ne les comprennent
pas . Erafte la conjure de fe montrer
: Je me rends , ajoûte la Sylphide , &
vais m'expofer à être la victime de votre obftination
allez aux Thuilleries , vous m'y
verrez avec une de mes Compagnes , ne m'y
parlez point , & venez m'inftruire ici de
votre fort & du mien.
Erafte obéit , & part . La Sylphide refte,
& dit qu'Erafte ne trouvera aux Thuilleries
que les deux Sylphides fes amies ,
& que fans fe commettre , elle fera inftruite
de ſes ſentimens . Arlequin revient
dans l'Appartement de fon Maître ;
ne l'y trouvant point , il dit qu'il fera
allé tenir compagnie au Sergent. La Gnomide
furvient , & appelle Arlequin qui
tremble de peur ne voyant perfonne avec
Giij lui
2050 MERCURE DE FRANCE
lui ; la Gnomide le raffure , & lui fait
l'aveu de fa tendreffe , en lui difant qu'elle
eft une habitante de la terre , une Gnomide
qui éprife de fes charmes a quitté
fa patrie pour le rendre le plus heureux
de tous les mortels ; elle lui dit qu'elle a
de grands tréfors à la difpofition , & qu'elle
veut lui en faire part , après quoi la Gnomide
le quitte & l'affure qu'elle va pren
dre un corps , & qu'elle s'offrira bientôt
à fes yeux : Prenez le bien joli , s'écrie
Arlequin , fur tout n'oubliez pas les tréfors
, car fans cela je n'ai que faire de vous
& c.
Erafte revient des Thuilleries ; Arle
quin lui raconte fa converſation avec la
Ġnomide. Erafte eft au defefpoir de ce
qu'il n'a point vû aux Thuilleries l'objet
qu'il adore la Sylphide convaincuë de
Famour d'Erafte fe rend vifible , & paroît
à fes yeux. Erafte tranfporté de joye la
reconnoit , & l'affure de toute fa tendreffe.
Arlequin trouve les Sylphides fort jolies,
mais il croit fa Gnomide bien plus belle ,
& la prie de paroitre avec fon teint de
lys & de rofes : la Gnomide fe rend vifibles
Arlequin en la voyant s'écrie : Ah!
d'eft une taupe , il ne veut point d'elle : la
Gnomide pleure , & fe defefpere : Que je
fuis malheureufe , dit- elle , dd''êêttrree obligée
d'étrangler un fi joli petit homme c'eft notre
coutume
SEPTEMBRE. 1730. 2051
,
coûtume , ajoûte- t'elle , quand nous aimons
un ingrat , nous l'étranglons d'abord . Cette
menace oblige Arlequin de fe rendre : il
lui demande les tréfors qu'elle lui a promis
dans le moment on voit fortir de la
terre un vaſe rempli de richeffes immenfes
: Arlequin ne refifte plus , & dit qu'il
ne fera pas la premiere beauté que les richeffes
auront féduite. Je ne vous Promets
point de tréfors ; dit la Sylphide à Erafte ',
mais les douceurs que je vous promets vaudront
bien les préfens de la Gnomide : venez,
Erafte , je vais dans un inftant vous tranf
porter dans le Palais dont vous devez être
le Maître. La Gnomide s'abîme avec Arlequin
. Le Théatre change , & repréſente
le Palais de la Sylphide , il paroît placé
dans les airs. Cette décoration qui eft du
S' Le Maire , connu par d'autres Ouvrages
de cette efpece , eft une des plus bril
lantes qui ait encore parû , & fait un effet
merveilleux. Ce Palais eft rempli de Sylphes
& de Sylphides qui forment un Divertiffement
tres gracieux. La Dle Silvia
& le S Romagnefy danfent une Entrée
qui a été trés goûtée , de même que la
Die Thomaffin dans celle qu'elle danfe.
La Mufique , qui a été trés applaudie , eft
de M. Mouret , & la compofition du Bálet
qu'on a trouvé brillant , eft de M. Mar
cel.
G iiij VAU
2052 MERCURE DE FRANCE
VAUDEVILLE.
Dans une heureufe
intelligence ,
Nous goutons le fort le plus doux
L'envie & la médifance
Ne réfident point chez nous :
Mortels , quelle difference è
Vivez-vous ainfi parmi nous ?
Exemts de toute défiance ;
Rien n'inquiete nos Epoux ;
Certains de notre conftance
Ils ne font jamais jaloux :
Mortels , quelle difference & c.
Les faveurs que l'Amour difpenfe
Ne fe revelent point chez nous ;
Plus on garde le filence ,
Et plus les plaifirs font doux :
François , quelle difference &c.
Nous joüiffons de l'innocence
Tant que nous fommes fans Epoux ,
Sans marquer d'impatience
De former un noeud fi doux :
Filles , quelle difference &c ,
Bien
SEPTEMBRE. 1730. 2053
-Bien loin d'encenfer l'opulence ,
Ici nous nous eftimons tous ;
L'égalité nous difpenfe
D'un foin indigne de nous :
Flateurs , quelle difference &c.
Un pauvre Auteur dont l'efperance
Eft de vous attirer chez nous ,
Eft plus trifte qu'on ne penſe
Quand fa Piéce a du deffous :
Pour lui quelle difference ,
Lorſque vous applaudiffez tous !
Les Comédiens François ont été des pre
miers à marquer leur zele & leur joye à
T'occafion de la Naiffance du Duc d'An
jou , par des feux , des Illuminations &
par la Repréſentation gratis de la Comé
die du Feftin de Pierre.
Ils ont remis au Théatre depuis peu la
Comédie de la Fille Capitaine , qui eft
fort bien repréſentée.
Le 23. de ce mois , ils remirent la Tra
gédie de Bajazet , dans laquelle la femme
du S Le Grand , Comédien du Roi ,
qui n'étoit jamais montée fur le Théatre,
joia le Rôle de Roxane , & fut fort applaudie.
Gy On
2054 MERCURE DE FRANCE
NOUVELLES ETRANGERES.
TURQUIE ET PERSE.
N mande de Conftantinople que les Ambaffadeurs
du Roi de Perfe qui y étoient venus
pour demander au Grand - Seigneur la reftitution
de quelques-unes des Places qu'il a con
quifes en Perfe pendant la précedente révolu→
tion , étoient partis pour s'en retourner : que
nonobftant ce qui avoit été conclu avec eux on
avoit affemblé le Divan , qu'il y avoit été reſolu
de faire marcher un Corps de Troupes de 40000 .
hommes vers la Georgie , & que le commandement
en avoit été donné au Pacha Cupruli , auquel
S. H. avoit confié la défenſe de ſes conquétes.
Les Lettres de Conftantinople portent qu'on y
avoit appris d'I paham que le Roi de Perfe marchoit
vers Tauris avec une Armée fort nombreufe.
RUSSIE.
Na envoyé un Détachement de Cavalerie
devant des Ambaffadeurs de l'Empereur
de la Chine qui font arrivés fur les Frontieres
& on a donné les ordres neceffaires pour les faire
défrayer pendant leur route.
La Czarine a confirmé par un Decret l'établiffement
de l'Académie des Sciences & .des Arts
de Petersbourg , qui continuera de s'y aſſembler
dans le Palais que le Czar Pierre I. lui a fait bâ
tir
SEPTEMBRE. 1730. 2055
tir ; mais S. M. a ordonné qu'il y eut toujours
un certain nombre d'Académiciens à la fuite de
la Cour.
La Czarine a fait dire aux Négocians Etrangers
établis à Petersbourg & à Archangel qu'elle
feur accorderoit les mêmes privileges qu'aux
Négocians, Mofcovites ,s'ils vouloient prendre interêt
dans le nouveau Commerce de la Perfe &
de la Chine , que S. M. Cz. a réfolu d'établir.
Par les Lettres qu'on a reçûes d'Ifpaham , on
apprend que le Roi de Perfe a refolu de vivre en
bonne intelligence avec la Czarine , & que
Ambaffadeurs qui doivent venir de fa part à Mofcou
font chargés de l'en affurer & de renouveller
les Traités conclus avec la feuë Czarine Catherine.
les
L'Infant Don Emanuel , frere du Roi de Por
tugal , arriva à Mofcou le 14. du mois dernier ,
accompagné de Don Alexandre Deyera & Uzera,
Commandeur de Malte , & fuivi de quelques
Domestiques. Le furlendemain ce Prince alla à
Ifmalow où il fut reçû de la Czarine avec de
grandes marques de diftinction. Le 17.il alla à la
Chaffe avec S. M. Cz. avec laquelle il foupa le
foir. Cette Princeffe a donné ordre à un de fes
Chambellans & à deux de fes Gentilshommes
d'accompagner ce Prince , & de le défrayer pendant
le féjour qu'il fera à la Cour. Il eft logé dans
le Palais du Prince Menzikof , devant lequel il y
a une Garde de 50. hommes.
POLOGNE.
Es Etats du Duché de Curlande ont nommé
des Députés qui font chargés d'ordres &
d'Inftructions pour demander à la Dietté affem.
blée la révocation du Decret que la Commiffion
G vj
Po2056
MERCURE DE FRANCE
Polonoife rendit il y a quelques années à Mittau
pour réduire ce Duché en plufieurs Palati
nats après la mort du Duc Ferdinand .
Le 21. du mois dernier , le Roi arriva de
Dreſde à Warfovie en parfaite fanté.
On apprend de Mittau & des autres Places de
Curlande qu'il y étoit arrivé deux nouveaux Regimens
Mofcovites , & qu'on y en attendoit encore
deux autres de Riga & 1200. Cofaques de
Smolensko. Le Commandant des Troupes du
Duc de Meckelbourg , qui font auffi en quar
tier dans ce Duché , a reçû ordre de la Czarine
d'en augmenter l'Infanterie jufqu'à 4000. hom
mes , & la Cavallerie jufqu'à 1800.
On apprend de Copenhague qu'on y a publié
une lifte des Vaiffeaux que le Roi de Danemarc
fera en état de mettre en mer l'année prochaine,
& fuivant cette lifte , fa flotte pourra être com→
pofée de 38. Vaiffeaux de ligne , de dix Frégates :
& de 36. Galeres.
ALLEMAGNE.
N apprend de Bricg en Silefie que le 227
Juillet on y avoit roué & enfuite, brûlé vif
un Incendiaire qui avoit mis onze fois le feu à
la petite Ville de Pitfcheu .
On écrit de Triefte que la nouvelle Foire avoit
eu tout le fuccès qu'on pouvoit defirer , & que
le concours des Marchands Etrangers y avoit été
très confiderable.
Le Prince de Lobkowits a eu avis de Silefie
que
la petite Ville de Sagan qui lui appartenoit ,
avoit été réduite en cendres , à l'exception du
Château , de deux Eglifes & de vingt Maifons,
Le Roi de Danemarck a promis au Duc d'Holftein-
Ploen de faire fortir de fon Duché les trou
pes
SEPTEMBRE. 1730. 2057
pes Danoifes qui y font en quartier depuis deur
ans , & il lui a permis en même - tems de lever
une Compagnie pour fa garde , & d'en choisir les
Officiers dans les Troupes de S. M. Danoife.
Le Duc Charles Leopold de Meckelbourg a
fait notifier à toute la Nobleffe de fon Duché de
Meckelbourg qu'il avoit réfolu de tenir à Sternberg
une Affemblée des Etats à la fin du mois
prochain. Ce Prince a écrit, dit- on, à l'Empereur,
une Lettre de foumiffion.
Il arriva à Schwerin fur la fin du mois dernier
un Trompette des Troupes de la Commiffion
qui remit à ce Prince une Lettre des Generaux ,
par laquelle on le prie de congédier dans un
certain tems les Milices qu'il a levées depuis fon
retour dans le Duché , & de réduire le nombre
de fes Chaffeurs fur l'ancien pied . On lui a fait
entendre que s'il perfifte à les conferver ,
on blo
quera la Ville de Schwerin avec affez de Trou
pes pour empêcher qu'il n'y puiffe rien entrer ni
en fortir. On ajoute que les Troupes d'execution
fe font depuis emparées des Villages de Lanckau
& de Stneck qui font près de cette Ville , & elles
ont pofé des Gardes avancées dans les Prairies
des environs .
SUITE du Camp de Mulhberg
& Radwiz
E 24. Juin , jour de S. Jean Baptifte , le Roi
Lie
fa magnificence ordinaire. Elle commença à 6.
heures du foir par un grand fouper au Quar
tier du Roi , les Feux de joye enfuite , & à neuf
heures les Troupes fortirent de leurs lignes & fe
mirent en bataille à la tête du Camp. Après qu'on
leur cut donné le fignal du Quartier du Roi , on
fit
2058 MERCURE DE FRANCE
fit trois falves confécutives du Canon , fuivie
chaque fois d'un feu de toute la Moufqueterie.
Ce Feu marqua le temps pour allumer l'Illumination
préparée au-delà de l'Elbe , près du Village
de Riffa , vis -à-vis du Château de Premniz.
L. M. monterent auffi- tôt en Caroffe pour fe
rendre à ce Château . L. A. R. les Princes & la
Princeffe , les autres Princes & toutes les autres
perfonnes de diftinction , de l'un & l'autre fexe ,
les fuivirent.
Les deux Rois arrivez à Promniz , & dès qu'ils
parurent dans la Loge , on donna le premier fignal
par 60. pieces de Canon, au bruit des Trompettes
& Timballes. Entre ce premier fignal & le
fecond , qui fe fit de la même maniere , il ſe paſſa
un quart d'heure pour donner aux Spectateurs le
temps de confiderer les beautez de l'Illumination ,
qui , au dire des Connoiffeurs , étoit des mieux
entendues & des plus fuperbes qu'on eut vû en
Allemagne.
On avoit conftruit exprès un vafte Edifice de
charpente , long de 400. pieds , & au milieu où
étoit repréfenté le Temple de la Paix , un de 160.
piés de hauteur, une toile très-fine en couvroit toute
la façade .On y avoit peint l'Illumination & l'on
avoit appliqué fur la pemture un certain Vernis
qui en la rendant tranfparente , donnoit en même
temps aux couleurs une force & un éclat des
plus virs qui réjouiffoit infiniment l'oeil du Spectate
ur.
La Loge Royale étoit dreflée vis- à-vis & à
450. pas de ' Ilumination , compofée de 40000 .
millest ampes ,qui furent allumées en 15. minutes.
Le Temple de laPaix , d'ordre Ionique , en faifoit
le principal fujet. On y voyoit plufieurs Colom
nes & Pilaftres efpacez avec art & des Peintures
SEPTEMBRE. 1730. 2059
tures des mieux entenduûës , enrichies de Lapis ,
&c. avec des Trophées de Marbre blanc & autres
Ornemens ; les Chapiteaux étoient en Bronze , &
le tout enſemble faifoit un effet admirable ; les
autres parties & les dehors du Temple paroiffoient
conftruits de Marbre d'Egypte de differente couleur
, & tout l'Edifice étoit fi bien difpofé , fuivant
les Regles de l'Architecture & de la Perfpective
, qu'on avoit peine à décider lequel on
devoit le plus admirer , de la magnificence, ou de
la fymétrie.
Ďu milieu du Temple , au- deffus du Sanctuaire
s'élevoit une espece de Piedeltal , fur lequel on
voyoit la Déeffe de la Paix , figure gigantefque
de 22.
pieds de hauteur. Mars la tenoit entre
fes bras. Au-deffus de ces Divinitez , on lifoit fur
une table de bronze , l'Infcription fuivante : Sic
fulta manebit On voyoit au-deffus de l'Infcription
un Trophée pofé fur un Piédeſtal avec une
Lyre , deux Cornes d'abondance , des branches de
Palmier & d'Olivier liées enfemble pour reprefenter
l'affluence de tous les biens , fruits précieux
de la Paix.
Aux deux côtez du Sanctuaire étoient des Arcades
féparées par de doubles Pilaftres , ornez de
Trophées de Marbre blanc : au milieu de ces Arcades
on voyoit en perfpective de chaque côté
une Galerie , dont chacune conduifoit à un Salon.
Ces Salons paroiffoient être en deux Pavillons
foutenus par des Colones ifolées : au- deffus des
Corniches il y avoit plufieurs Trophées attachez
à des Palmiers , & de chaque côté des Renommées
fonnant de la Trompette. Enfin un grand Perron
au bas de l'Edifice , contribuoit becaucoup à en
relever la nobleffe.
Un quart d'heure après avoir donné le fecond
fignal & tiré 1100. coups de fufil , on alluma
τους
2060 MERCURE DE FRANCE
tout à la fois quinze Lettres , placées au bas
-de l'Illumination , formant la Devife dont on
vient de parler. Ces Lettres brillerent durant
plufieurs minutes d'un feu blanc & extrémement
vif. On alluma en même temps les feux courans
à terre , & on fit partir 6000. Fuſées jettées en
partie par des Caiffes , & en partie par des Girandoles
, 30. à la fois de chaque Caiffe & 100. de
chaque Girandole : toutes ces Fufées atteignirent
une hauteur très- confiderable , & firent tout l'ef
fet qu'on en pouvoit attendre.
Durant ce feu des Fufées , des Mortiers de 8.
16. 32. & 64. livres de bale , jetterent 100. Boëtes
remplies de feu de pluye, de Fufées à étoiles &
autres de chacune de 12. roues horifontales &
autant de perpendiculaires , fortirent 70. Fufées
d'une autre forte , & on mit le feu à 1200. Cartouches
& 200. Mortiers de nouvelle efpece , qui
n'ont point d'affut , mais pofez fur leur Trépié
: chaque Cartouche étoit rempli de 22. Fuſées
& chaque Mortier de 21. de deux onces chacune,
& d'une grande quantité d'autres Fufées à terre.
Ce fecond Spectacle dura une bonne demie heure
, après quoi on donna un nouveau ſignal , accompagné
de 2000. coups de Moufquets , & on
vit auffi -tôt le feu Gregeois : 200. Cartouches
chargez chacun de 22. Fufées , 200. Rejettons
fimples & doubles , remplis de 60. Fufées de 2. &
3. onces chacune,& 100. Tonneaux , dont les uns
étoient remplis de 60. Cones , & les autres de 30.
Fufées.Tout ce Feu Gregeois fut jetté dans l'eau
par 12. Bateaux fur terre on tira encore 2000.
Fufées de 6. 12. 25. 50. 75. & de 100. liv. pefant,
zo. Boëtes remplies de feu à étoiles & de pluye
chacune remplie d'autres Boetes , furent tirées ·par
des Mortiers de 45. 96. & 121. livres de bale. 24.
Girandes jetterent chacune 200. Fufées à la fois ,
:
&
SEPTEMBRE . 1730. 206 F
& cent Mortiers de la nouvelle invention dont on
a parlé , en jetterent 21. chacun.
Après ce Feu qui dura autant que le précedent
une nouvelle décharge de 60. Pieces de Canon, fut
donné le fignal pour une feconde efpece d'Illumination.
On vit auffi- tôt la Riviere couverte de 48.
Bâtimens éclairez & remplis de Mufique de guerre
; c'étoit des Chaloupes , des Brigantins , des
Frégates & de très -belles Gondoles parmi ces
Bâtimens brilloit principalement le Bucentaure ,
fuperbe & grand Bâtiment Royal , richement
meublé & illuminé par 30000.Lampions , qui attachez
artiſtement, & jufqu'aux Mats & aux Cordages
, formoient diverfes figures.
Après quelque temps on vit ces Bâtimens defcen-
'dre laRiviere les uns après les autres. Ils étoient précedez
par d'autres Bâtimens, dont quelques - uns repréfentant
des Dauphins,une autre une Baleine jettant
du feu , & c . & à mefure que chaque Batiment
paffa devant les deux Rois , il falua L. M. de fon
Canon & de fes Mortiers , & réïtera encore deux
fois ce falut ; l'un en paffant le Pont de Tonneaux
& l'autre en abordant près du Village de Bober-
Jen.Le Bucentaure s'arrêta devant la Loge Royale.'
L'Orchestre du Roy & les Chanteurs de l'Opera
Italien , qui y étoient , firent la clôture de cette
Fête par une très- belle Serenade . Cette Fête ne
finit que lorfque le jour commença à paroître ,
& il y eut abondance de toutes fortes de Rafraichiffemens
, & c.
Le 25. il n'y eut rien de remarquable , mais le
lendemain 26. jour deſtiné pour le Régal que le
Roi vouloit faire à toute l'armée , on fit diftribuer
la veille à tous les Régimens d'Infanterie & de
Cavalerie les Boeufs , le Pain , le Vin & la Biere'
neceffaires : les Boeufs furent coupez & rôtis par
quartiers ; il y avoit outre cela des Repas particu
liers
2062 MERCURE DE FRANCE
liers que les Chefs de chaque Régiment ou Corps
avoient fait préparer pour régaler leurs Officiers .
Vers les 11. heures du matin , on donna le premier
fignal ; fur quoi toute l'Armée fortit du
Camp fur deux lignes & en bon ordre , fans armes
, les Officiers à là tête . On porta devant chaque
Régiment les Viandes rôties , le Pain , le Vin
& la Biere jufqu'à la grande Place d'Armes devant
le Camp , où chaque Régiment fe rangeoit
fur deux lignes , dans le même ordre qu'il étoit
campé ; chaque Compagnie rangeoit devant fon
front les Viandes rôties , &c. qui lui étoient deftinées
& tous s'étant affis par terre , fe mirent
en devoir de prendre un ample & joyeux Repas.
:
Derriere chaque Régiment on avoit creusé la
terre pour y pratiquer des bancs & une longue
table , à laquelle chaque Chef & Colonel fit fervir
à part de très -bons mets à tous fes Officiers
qui après le fignal donné fe mirent à table ; ces
tables étoient difpofées fur deux lignes , à la diftance
de 100. pas l'une de l'autre ; & les Soldats
étoient affis à une égale distance les uns des autres
, ce qui fit un fort beau Spectacle.
Les deux Rois , qui de la hauteur du Quartier
Royal , avoient pu découvrir cet arrange ment,
en partirent avec toute leur fuite & pafferent les
deux lignes devant les tables des Officiers , pour
les voir manger. L. M. furent faluées par les Officiers
, les verres à la main , & les Soldats firent
éclater leur joye par des acclâmations de Vivent
les Rois , jettant leurs chapeaux en l'air , au bruit
des Tambours & au fon de divers Inftrumens de
M ufique.
Pendant cette Promenade des deux Rois & de
leur Suite , on fit fervir au Quartier du Roi , trois
tables , dont l'une qui étoit ovale , au milieu de
deux autres , & fur une élevation , étoit de 20 .
CouSEPTEMBRE
. 1730. 2063
Couverts pour les deux Rois , leur Famille Roya
le & les Princes Etrangers. Les deux autres tables
qui étoient en long , bordoient tout le Parapet de
deux côtez ,èlles étoient de 100. Couverts chacune,
pour tous les Generaux de l'Armée & pour les
Officiers & autres Etrangers qui fe trouvoient au
Camp.
Derriere la table ovale du milieu , fous une
magnifique Tente Turque , on avoit fait dreffer
une quatriéme table , longue de 40. à so. pieds
& large de dix à couze , fur laquelle il Y avoit
un Gâteau de la même grandeur que la table , &
de 36. Quintaux de poids ; ce Gâteau fut diftri→
bué à la fin du Repas à quiconque en fouhaitoit.
Après que les deux Rois eurent paffé les deux
lignes & vû dîner l'Amée , L. M. retournerent
au Quartier Royal & fe mirent à table , de même
que le Velt- Maréchal , les Officiers Generaux ,
les Officiers Etrangers & autres perfonnes de dif
tinction. Pendant le Repas on but plufieurs fois
au bruit des Canons , qui , au nombre de 48.
étoient rangez fur les Terraffes aux deux côtez .
Vers la fin du Repas , le Velt - Maréchal fe leva
& prefenta au Roi de Pruffe une Lettre au nom
& de la part de toute l'Armée , par laquelle elle
remercoit S. M. Pr. de la bonté qu'elle avoit euë
de ſe trouver à ſes Exercices Militaires , en lui
demandant en même temps la grace de la vouloir
congedier. Le Roi de Pruffe y répondit par toutes
fortes d'expreffions de politeffe , & lui accorda
le congé demandé avec tous les témoignages
d'une entiere fatisfaction.
Là-deffus le Velt-Maréchal & tous les Gene
raux de l'Armée fortirent de table & fe rendirent
au Quartier du Velt -Maréchal , ils y trouverent
tous les Officiers de l'Armée affemblez & formez
en bataillon , dont l'Infanterie tenoit le milieu
avec
2064 MERCURE DE FRANCE
avec 12 pelotons à quatre de hauteur , ayant à
chaque afle neuf pelotons de la Cavalerie à trois
de hauteur. Les Capitaines formerent le premier
rang , les Lieutenans le fecond ; les Sous - Lieutenans
le troifiéme , & les Enfeignes le quatrième.
Les Majors fe rangerent comme Caporaux , aux
aîles de leurs pelotons ; les Lieutenans - Colonels ,
comme Sergens , derriere leurs pelotons , & les
Colonels , comme Officiers , devant les pelotons :
les Generaux fe rangerent devant le Bataillon ,
chacun à fa place , felon fon ancienneté , ayant le
Velt-Maréchal à la tête . Les Officiers de l'Infanterie
marchoient avec leurs Efpontons , & ceux
de la Cavalerie , l'épée haute.
Le Bataillon s'étant mis en marche dans cet
ordre , le Velt - Maréchal le mena aux deux Terraffes
devant le Quartier Royal , où il ſe mit en
deux lignes ; la Cavalerie forma la premiere , &
l'Infanterie la feconde : Ils faluerent tous enfemble
les deux Rois ; les deux lignes s'étant enfuite
remifes en marche par pelotons , elles pafferent
en revûë au pied de la premiere Terraffe , où les
deux Rois s'étoient poftez avec toute leur Cour
& faluerent de nouveau L. M.par pelotons.Le Roi
de Pruffe les remercia fort gracieuſement ; &
comme S. M. Pr. pour donner une marque de
fon entiere fatisfaction , buvoit à chaque General
& à chaque Colonel -Commandant des Régimens,
on fit donner à tous les Officiers , à mesure qu'ils
paffoient par pelotons , des verres qu'ils vuiderent
à la fanté du Roi de Pruffe , au bruit de tout
le Canon ; & après avoir jetté les verres , ils pafferent
de cette façon les uns après les autres , &
le Canon ne ceffa de tirer qu'aprés qu'ils furent
tous paffez. C'eft ainfi que l'Armée prit congé
du Roi de Pruffe , qui la congedia.
Les deux Rois avec toute leur Cour , s'embarquerent
SEPTEMBRE . 1730. 2065
querent
fur l'Elbe le 27. & arriverent au Château
de Lichtembourg , où ils coucherent . Le lendemain
28. L. M. accompagnées des Princes leurs
fils , partirent de Lichtembourg avec toute leur
fuite pour fe rendre à l'endroit de la Chauffée
près de Zulhtsdorff , elles y trouverent d'abord
des gens de la Chaffe en habits verds galonaez
d'argent, avec leurs Chiens, rangez en haye. L'endroit
de la Chaffe & fes avenues étoient embellis
par plufieurs grandes & magnifiques Loges ,
conftruites de verdure. On avoit pris toutes les
précautions pour empêcher qu'il n'arrivât aucun
accident par des coups tirez . Le grand Veneur
à la tête du Veneur de la Cour , des Grands - Maî
tres des Forêts , des Gentilshommes & de tous les
autres Officiers qui dépendent de la Chaffe, étoient
auffi en habits verds richement l'odez .
2
Ils reçurent L. M. en defcendant de leur Chaife
, au fon des Cors de Chaffe & des Hautbois .
Il fe préfenta d'abord une Chaife de Chaffe , tirée
par fix Cerfs apprivoifez , & menée avec beau
coup d'adreffe par deux Garçons de Chaffe , ce
que le Roi de Pruffe ne put s'empêcher d'admirer.
On fit enfuite les préparatifs pour commencer
la Chaffe: Les Chevaliers & autres de la fuite
des deux Rois à cheval & munis de Lances , fe
rangerent à droite & à gauche. L. M. & L. A. R.
avec toutes les perfonnes de diftinction de leur
fuite , s'étant partagez , fe pofterent aux deux côtez
pour tirer. Le Grand Veneur rangea en ordre
tous ceux qui dépendent de la Chaffe , & s'étant
mis à la tête , il paffa avec eux devant les
deux Rois , & alors la Chaffe commença au fon
des Cors & des Hautbois. Il fut tué un grand
nombre de toutes fortes de bêtes fauves & autre
gibier , partie avec des Lances & en forçant avec
des Chiens , & partie par des armes à feu. Il fe
trour
2066 MERCURE DE FRANCE
trouva en tout 1124. Pieces; fçavoir, 804. Cerfs,
203. Sangliers , 97. Chevreuils & Dains , 18.
Lievres & 2. Renards , le tout porté à une Place
& rangé en ordre par les Gens de la Chaffe. Ainfi
finit cette grande & fuperbe Chaffe qui fut faite
avec beaucoup d'ordre & fans aucun accident.
On ſe retira enfuite vers les Loges , où les Tables
étoient couvertes & fervies pour le dîner. Il
y avoit trois tables , dont la premiere deſtinée
pour L. M. L. A. R. les Princes & autres perfon-
Tonnes de diftinction , étoit de 24. Couverts ; &
les deux autres de 20. Couverts chacune , pour
les Miniftres & autres Officiers. Il y avoit outre
cela deux autres tables de 48. Couverts chacune
pour les Gens de la Chaffe. La joye generale &
les deux Rois parurent fort contens ; lorfqu'on
fut hors de table , les deux Rois pafferent encore
quelque temps en converfation , après quoi L. M.
s'embrafferent & fe féparerent avec toutes les
marques poffibles de tendreffe. Le Roi de Pruffe
partit pour Poftdam & le Roi de Pologne retourna
au Camp de Radewitz.
ITALIE.
E 6. Août , le Cardinal Cofcia fit élever fur
la porte de fon Palais les Armes de l'Empereur
& de la Couronne de Boheme , & l'après
midi il reçut la vifite des Cardinaux Allemans qui
font à Rome.
Le 14. le Pape tint un Confiftoire fecret , dans
lequel le Cardinal Ottoboni , Protecteur des affaires
de France , propofa l'Evêché de la Rochelle
pour l'Abbé de Menou de Charnifay , & celui
de Limoges pour l'Abbé de l'Iſle du Gaft. Le Cardinal
de Biffy remit fon Titre de fainte Quirice
& de fainte Julie, & opta celui de S. Bernard aux
Termes
3
SEPTEMBRE. 1730. 2067
Termes. A la fin du Conſiſtoire , le Papé déclara
qu'il avoit fait un Cardinal , mais qu'il le réſervoit
in petto .
L'Abbé Lanti eft prêt à partir pour aller en
France porter au Dauphin les Langes dont S. S.
fit la benediction le 27. de l'autre mois.
L'Abbé Ballarini , Lecteur en Théologie au
College de la Sapience , & en grande réputation
pour fa profonde doctrine , a ant demandé à la
Congrégation de Propaganda fide , la permiffion
d'a ler prêcher l'Evangile dans l'Orient , a été
nommé depuis peu Suffragant du Patriarche de
Conftantinople .
de-
Il s'eft tenu le 7. Août une Congrégation d'Etat
, dans laquelle on a examiné les Memoires
préfentez par les Fermiers du Savon , pour
mander qu'on leur faffe rendre les Preſens particuliers
qu'ils ont faits à diverfes perfonnes dans
le temps de l'Adjudication de cette Ferme , dont
les droits ont été fupprimez depuis peu.
On affure que le Pape a offert fa médiation
pour terminer les differens de l'Empereur avec le
Roi d'Efpagne , & on prétend qu'en cas qu'el
le foit acceptée , S. S. enverra des Nonces Extraordinaires
à Vienne , à la Cour de France &
en Elpagne.
Le Chevalier de S. George étant allé au Quirinal
, le Pape l'y reçut avec de grands témoignages
d'affection , & S. S. lui fit préſent d'une
Cédule de 10000. écus payables à vue par le Tréforier
de la Chambre Apoftolique .
Ce même jour après midi , l'Ambaffadeur de la
République de Venife eut Audience particuliere
du Pape , dans laquelle il lui fit part que les deux
Neveux de S. S. avoient été infcrits fur le Livre
d'or , & que le Prince Don Barthelemi Corfini
ayoit été élu Procurateur de S. Marc , avec rang
de Chevalier de l'Etoille d'Or
Par
5.
2068 MERCURE DE FRANCE
na ,
Par un Decret datté du 12. Août , le Pape a
établi une Congrégation particuliere , compofée
des Cardinaux Camerlingue , Imperiali , Colligola,
du Marquis Neri Corfini , de M. Sacripante,
Tréforier General de Mrs Rieci , Palaggi & La
& du Procureur Fifcal de la Chambre , pour
revoir & examiner les Conceffions & renouvellemens
de Baux & Fermes qui ont été faits au préjudice
de la Chambre & du Peuple , de méme que
les remifes de dettes en tout ou en partie ,
exemptions , les graces & les privileges onereux
accordez fous le dernier Pontificat , ordonnant
fingulierement à tours les Officiers de cette
Chambre qui ont obtenu pour eux quelques unes
de ces remifes , graces ou Privileges , de comparoître
devant cette Congrégation & d'y rendre
compte de leur conduite.
les
Le bruit court que M. Firrao , Nonce à Lif
bonne , fera rappellé , que M. Bichi retournera
Nonce à fa place , & que quelque temps après il
fera fait Cardinal,
Le Pape a ordonné à un de fes Valets de Chambre
qui le fervoit depuis quatre ans , de fe retirer
, parce que , contre la deffenfe , il avoit ofé
lui demander une Place de Cuiraflier , pour laquelle
on lui avoit promis une récompenfe.
Le Roi de Sardaigne a donné la riche Abbaye
de Staffarde , au Cardinal Alexandre Albani , qui
depuis peu eft Protecteur des Affaires de la ŝavoye
& du Piémont,
Le Procureur General de la Religion de Malte ,
s'étant oppofé par un Acte Juridique à la Prife
de Poffeffion que le Cardinal Cibo fit fur la fin
du mois dernier , du Grand - Prieuré de Rome
on ne doute pas qu'il n'y ait un grand Procès
fur cette affaire.
On a appris depuis que le Pape voulant éviter
toute
SEPTEMBRE . 1730. 2069
toute conteftation avec le Grand- Maître de Malthe
, au fujet du Prieuré de cette Ville , qu'il a
donné au Cardinal Cibo , a réfolu de déroger à
› fa nomination , à l'exemple de Pie V. & de créer
une Congrégation particuliere pour examiner
cette affaire.
On a reçû avis de Sicile , qu'une Compagnie
de Soldats Allemands étant allée par ordre du
Vice- Roi au Château de Palerme pour s'y mettre
en garnifon , les Bourgeois qui jufqu'alors avoient
monté la Garde dans ce Château , avoient refufé
de leur en ouvrir les portes ; que quelques Soldats
ayant tiré , les autres Habitans de la Ville avoient
pris les armes , & que le defordre avoit été
très - grand .
en
On a appris de Milan , que le Comte Flavius
Rezzonico & le Marquis Jules Brivio , s'y étoient
battus en duel hors de la porte Orientale ,
prefence des Marquis Fiorenza & Novari , qu'ils
avoient choifis pour leurs Parains , & que le premier
avoit été tué d'un coup d'épée dans la cuiffe
qui lui avoit coupé l'Artere.
>
On a appris auffi que le Tremblement de terre
qu'on reffentit il y a quelque temps à Milan
avoit été plus confiderable à Lufignano , où il
avoit fait tomber la Chapelle de N. Dame du
Mont fur le Varefe , & quelques Maiſons des
environs.
On mande de Genes , que M. Venerofo ,
que le Sénat avoit envoyé dans l'Ile de Corfe
avec des pouvoirs de la République pour traiter
avec les Rebelles de cette Ifle , s'étoit rendu à
leur Camp pour leur faire une derniere exhortation
; mais Pompiliani , leur Chef, lui rép ● udit
que la Nation Corfe voyoit avec douleur qu'une
perfonne auffi diftinguée que lui , voulut s'employer
dans cette affaire , qu'ils reſpectoient tous
H La
2070 MERCURE DE FRANCE
droiture & fon équité ; qu'ils n'oublieroient jamais
fon Gouvernement comme étant digne des
plus grands éloges ; que fa douceur & fa moderation
lui avoient acquis avec juftice le titre glorieux
de Pere de la Patrie , & qu'ils conferveroient
toute leur vie le fouvenir des bienfaits
qu'ils avoient reçûs de fa generofité ; qu'ils l'exhortoient
de prendre leur parti , de proteger un
peuple opprimé qu'on traite de Rebelles , parce
qu'il deffend fa liberté & fes Privileges ; & que fi
le feul interêt l'obligeoit de retourner à Genes
pour la confervation de fes biens , ils lui offroient
Ja Dignité Royale avec une foumiſſion & une
obéiffance aveugle pour les ordres , s'il acceptoir
Je Gouvernement,
?
Les Magiftrats de la Baftia , Ville Capitale de
de l'Ifle , ayant envoyé des Commiſſaires du côté
de la Partie Méridionale de l'Ile pour lever les
contributions annuelles , ils furent furpris par un
Détachement des Rebelles qui les menerent à leur
Camp. Pompiliani leur demanda leurs pouvoirs ;
& après les avoir lus publiquement , il les fit déchirer
avec mépris.
La République ne pouvant réduire ces Rebelles
fans faire de grandes dépenfes , a été obligée de
demander des contributions extraordinaires à fes
Sujets.
Ón vient d'apprendre que fur l'avis donné au
Sénat , que les Rebelles avoient inveſti Ajaccio ,
on a fait partir de Genes trois Barques chargées
de Munitions de guerre , avec 200. Şoldats pour
faire entrer dans la Place , & on apprend en dernier
lieu , qu'il eft arrivé à Genes des Députez de
divers endroits de l'Ifle de Corfe , qui travaillent
depuis quelques jours avec les Commiffaires nommez
par le Sénat , à chercher les moyens de faire
finir les troubles de cette Iſle,
LETSEPTEMBRE
. 1730. 2071
LETTRE du Marquis de Neri Corfini
, neveu du Pape , écrite de Rome
le 22. Juillet , au Grand Duc de Tol
cane .
A Providence qui a daigné jetter les yeux
fur le Cardinal Corfini , mon Oncle , entr'autres
moyens des caufes fecondes , s'eft fervi
efficacement de la haute protection de
Votre Alteffe Royale pour l'élever au Trône
Pontifical. J'en conferverai toute ma vie dans
le plus profond de mon coeur les fentimens de
la plus humble reconnoiſſance ; & joignant cette
obligation fignalée à toutes celles que je tiens
déja de la generofité de V. A. R. je m'appliquerai
fans relâche à lui donner des preuves
éclatantes d'un fingulier dévouëment & d'une·
obéissance parfaite , implorant toujours la proy
tection & les ordres de V. A. R.
RE'PONSE.
La politeffe & la bonté avec laquelle Votre
Excellence s'exprime en m'apprenant la nouvelle
de l'élevation du Cardinal Corfini au Trône
Pontifical , augmentent de beaucoup la confolation
queje reffens , & qui fans contredit eft
la plus grande que j'aye éprouvée de ma vie
d'une élection fi defirée & fi generalement applaudie.
Après avoir rendu à Dieu les actions de gra
ees qui lui font dues par rapport à un avenement
fi heureux & fi important , dont la gloire
rejaillit fur la Patrie . & qui préfente de fi
grands avantages à tout le monde Chrétien ,
Hij je
2072 MERCURE DE FRANCE
je vous dirai que j'ai toujours étéfenfiblement
touché de la vertu du mérite distingué de
S. S.
Je me felicite done avec V. E. du fuccès de
cette élection , & je la remercie de la finguliere
attention qu'elle a bien voulu faire aux bons
offices que j'ai employés pour la faire réussir ,
fouhaitant avec paffion de trouver les occafions
de la fervir, l'afurant que je ferai toujours
une diftinction particuliere de votre perfonne
de fa famille &c.
LETTRE du Grand Duc au Pape.
TRE'S RE'S SAINT PERE , ·
La trés digne & defirée Election de V. S. au
Suprême Pontificat eft pour moi l'une des plus
vives confolations que j'aye jamais éprouvées , à
caufe des grands avantages qu'elle annonce à
toute la Chrétienté & de l'honneur éclatant
qu'en reçoit la Patrie.
J'ai prié le Cardinal Salviati de témoigner à
V. S. le filial & infini refpect que j'ai pour elle ,
de la feliciter dans les termes les plus forts
furfon Avenement au Siege de S.Pierres comme
cette Eminence est parfaitement inftruite
de mes fentimens les plus finguliers à cet égard,
j'espere qu'Elle s'en fera dignement acquittée ,
conformément à mes intentions.
Je fupplie la clémence incomparable de V. S.
de recevoir avec fa bonté ordinaire ces premiers
témoignages de la veneration que je conferverai
toute ma vie pour Elle, de chérir d'un amour
Paternel les Etats que je gouverne ,
& de
employer dans toutes les occafions qu'elle
jugera
SEPTEMBRE . 1730. 2073
jugera propres à lui rendre mes fervices les plus
refpectueux , priant S. S. de m'honorer & toute
ma Maifon de fa Benedicton Apoftolique : &
m'inclinant profondément à fes pieds , elle aura
pour agréable que je les lui baife en efprit .
LERoi&
ESPAGNE.
E Roi & la Reine accompagnés du Prince
& de la Princeffe des Afturies , de l'Infant
Don Carlos, & de l'Infant Don Philippe , partirent
de Cazalla le 20. du mois dernier pour retourner
Seville , où L. M. arriverent le 23. au
foir. L'Infant Don Louis & les Infantes Dona
. Marie Thereſe & Dona Marie Antoinette Ferdinande
, ne partirent de Cazalla que le 22. pour
aller joindre L. M.
Le Roi a nommé le Marquis de Caftellar , Secretaire
d'Etat au département de la Guerre ,
pour fon Ambaffadeur Extraordinaire à la Cour
du Roi T. Ch. & le premier Commis de ce département
fera les fonctions de Secretaire d'Etar
pendant l'Ambaffade de ce Miniftre.
La Flotte de la Nouvelle Efpagne qui partit du
Port de Cadix le 8. d'Août de l'année derniere ,
y arriva de la Vera- Cruz le 18. du mois dernier:
elle eft compofée de trois Vaiffeaux de Guerre &
de 8. Navires Marchands.
On apprend de Seville que L. M. & les Princes
& Princeffes de la Famille Royale jouiffoient
d'une parfaite fanté au Palais de l'Alcaçar , ou
l'Infant Don Louis & les Infantes Dona Marie
Therefe & Dona Marie Antoinette Ferdinande ,
étoient arrivés de Cazalla le 25. du mois dernier.
H iij GRAN
2074 MERCURE DE FRANCE
L
GRANDE BRETAGNE .
E Roi a nommé pour fon Ambaffadeur Ordinaire
& Plenipotentiaire à la Cour de France
le Comte de Waldegrave , ci- devant fon Envoyé
Extraordinaire à la Cour de l'Empereur.
Le Comte de Carliſle a été nommé Capitaine
de l'Equipage du Roi pour la Chaffe du Renard
& du Lievre , Charge qui avoit été fupprimée
fous le Regne du Roi Guillaume.
Il y eut à Londres le 11. du mois dernier un
grand defordre dans l'Eglife Paroiffiale de Saint
Gilles , à l'occafion d'un filou que les Bedeaux
vouloient arrêter ; le bruit qu'ils firent en le pourfuivant
ayant fait croire à quelques Paroiffiens
que l'Eglife alloit tomber , le Ministre fauta de
la Chaire en bas pour fe fauver , & le Peuple
s'empreffant de fortir il y eut deux ou trois
perfonnes d'étouffées dans la preffe , & d'autres
dangereuſement bleffées .

Treize Vaiffeaux de la Compagnie de la Mer
du Sud , arrivés du Groenland n'ont apporté que
12. Baleines . Cette pêche n'a pas été meilleure
cette année pour les autres Nations ; car on apprend
que les Hollandois , les Hambourgois&
les Négocians de Breme qui y avoient envoyé
120. Bâtimens , n'ont pris que 26. Baleines. Les
François & les Biſcayens qui y avoient 36. Navires
n'en ont pris que quatre.
Le Roi a accordé au Comte de Waldgrave ,
fon Ambaffadeur Extraordinaire & Plenipotentiaire
auprès du Roi T. Ch. 1500. livres fterlin
pour fes équipages , & 100. livres fterlin par femaine
pour fa dépenfe ordinaire . On affure que
cet Ambaffadeur a ordre de faire une Entrée publique
à Paris.
Les
SEPTEMBRE . 1730. 2075
Les nouvelles qu'on reçoit de tous côtés d'une
très abondante recolte ont encore fait diminuer
le prix du pain. Hy a cependant quelques Cantons
dont les grains & les fruits ont été ravagés
par des chenilles inconnues jufqu'à préſent ,'
& qui ont huit à dix pouces de long.
Un Courrier depêché par M. Keene , Miniftre
Plenipotentiaire du Roi auprès de S. M. Cat. a
apporté aux Directeurs de la Compagnie de la
Mer du Sud la fcedule originale du Roi d'Eſpagne
pour le départ de leur Vaiffeau de l'Affiente.
On a reçu depuis peu des Lettres de Gibraltar
qui marquent que le Roi d'Efpagne avoit permis
que la Porte de terre fut ouverte , & que la Garnifon
eut communication avec les Espagnols
pour en acheter les provifions dont elle aura be
foin.
HOLLANDE , PAYS - BAS .
ONécritde la Haye qu'on y avoit appris
de Campen , qu'une femme âgée de 103 .
ans qui avoit toujours joui d'une bonne fanté ,
étoit attaquée de la petite Verole qu'elle n'avoir
jamais eu , & dont on efperoit qu'elle fe réta¬
bliroit.
Les Etats Generaux ont reçû la Lettre ſuivante
du Roi de France.
TRE'S RE'S CHERS , GRANDS AMIS ;
Alliés & Confederés :
NOUS ne doutons point que vous n'appreniez
avec joye la Naiffance du Duc d'Anjou
que la Reine , notre très chere Epouse & Compagne
vient de mettre au monde ; & nous fommes
2076 MERCURE DE FRANCE
ن م
mes perfuadés que vous prendrez veritablement
part à un évenement auffi heureux ,
que
nous recevons comme une fuite des benedictions
que le Seigneur répand fur nous & fur notre
Maifon. Sur ce Nous prions Dieu qu'il vous
ait , Très Chers , Grands Amis , Alliés & Confederés
en fa fainte & digne garde . Ecrite à
Versailles le 30. Août 1730.
Votre bon Ami , Allié & Confederé , Signé
LOUIS. Plus bus , Chauvelin.
MORTS ,
NAISSANCES,
Mariages des Païs Etrangers.
étoit
N apprend de Lisbonne qu'Ifabelle Pereira ;
morte à Caftello Mendo , âgée de IIO ans.
La Princeffe Epouſe du Prince Royal de Saxe ,
accoucha à Dreſde le 25 Août vers les dix heures
& demie du matin d'un fecond Prince , qui
fut baptifé le lendemain , & nommé Augufte-
Albert - François - Xavier , ayant été tenu für les
Fonts au nom de l'Empereur , du Roi de France
& de la Reine de Portugal. On fit à cette occafion
une triple falve de l'Artillerie des Remparts
& c.
Le 18 Juillet , le Duc d'Holftein Ploen , épouſa
Coppenhague la fille du Comte de Reventlau .
La Celebration du mariage fe fit dans la Chapelle
du Palais en préſence du Roi , de la Reine
de Danemarck, du Prince Royal & de la Princefle
fon Epoufe,
Le
3:
SEPTEMBRE. 1730. 2077
Le 28 Août , la Cerémonie du mariage du Duc
Ferdinand de Curlande avec la Princeffe , fille de
la Ducheffe Douairiere de Veiffenfels , fe fit à
Dama.
33
FRANCE ,
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
L
Es Religieufes du Monaftere de l'Ave
Maria de Paris ont celebré pendant
huit jours avec beaucoup de folemnité la
Fête de la Canonifation de S. Jacques de
la Marche , & de S. François de Solano,
Religieux de l'Obfervance de S. François.
Le Chapitre de l'Eglife Metropolitaine
alla y chanter la Meffe le 21. du mois.
dernier pour l'ouverture de l'Octave.
Le premier de ce mois , on celebra avec
les cerémonies accoutumées dans l'Eglife
de l'Abbaye Royale de S.Denis le Service.
folemnel qui s'y fait tous les ans pour le
repos de l'ame du feu Roi Louis XIV .
L'Evêque de Grenoble y officia pontificalement
, & le Duc du Maine , le Prince
de Dombes & le Comte de Toulouſe Y
affifterent , ainfi que plufieurs Seigneurs
de la Cour.
Le 13. Août au foir , le Roi alla pofer
Hv
la
2078 MERCURE DE FRANCE
Ja premiere pierre du nouveau Pont qu'on
conftruit fur la Riviere d'Oyſe , vis-à-vis
le Château de Compiegne. M. Dubois
Directeur General des Fonts & Chauffées,
préfenta à S. M. un marteau & une truelle
d'argent & du mortier dans un baffin
pour cette cerémonie.
>
Le 2. Septembre , le Roi de Sardaigne
Victor Amedée II. fit avertir tous les
Princes , les Chevaliers de l'Ordre de
l'Annonciade , les Miniftres , les Secretaires
d'Etat , l'Archevêque de Turin , ›
le Grand Chancelier , les Premiers Préfi
dens , les Generaux & toutes les perfonnes
qui font dans les principaux Emplois
de la Cour , de la Guerre & de la
Juftice , de fe trouver le lendemain à
trois heures après midi au Château de Rivoli.
Le Roi tint un Confeil d'Etat à
l'heure qu'il avoit marquée ; il y déclara
qu'il faifoit une abdication generale de fon
Royaume & de fes Etats en faveur du
Prince du Piémont , fon fils , & ayant
fait entrer tous ceux qu'il avoit mandés ,
un Secretaire d'Etat lut à haute voix l'Acte
d'Abdication . Le Roi Victor fit enfuite
un Difcours auffi digne de la grandeur
d'ame de ce Prince que propre à attendrir
& à confoler tous ceux qui étoient
préfens. Il devoit partir de Rivoli le 4.
pour
1
SEPTEMBRE. 1730. 2079
pour fe retirer au Château de Chamberi ,
que ce Prince a choisi pour y faire fon
féjour.
Le 7. le Comte Maffei , Ambaffadeur
Extraordinaire du Roi de Sardaigne , eut
une audience particuliere du Roi , dans
dans laquelle il notifia à S. M. l'abdication
que le Roi Victor Amedée II . a faite le
3. de ce mois de fes Royaumes & Etats
& de l'avenement du Roi Charles Emanuel
, fon fils , à la Couronne.
Le s. de ce mois , M. Horace Walpool,
Ambaffadeur Extraordinaire du Roi
d'Angleterre , eut une audience particu
liere du Roi , dans laquelle il donna part
à S. M. de la mort de la Princeffe Benedictine
Henriette Philippine , Ducheffe
Douairiere de Brunfwick Hanover. Il fut
conduit à cette audience par le Chevalier
de Sainctor , Introducteur des Ambaffa
deurs.
Le ro . le Roi prit le deuil pour la mort
de cette Princeffe , que S. M. quitta le 18.
Le 8. Fête de la Nativité de la Vierge ,"
ily eut Concert Spirituel au Château des
Thuilleries. M. Mouret fit chanter le Motet
Exaltabo te, Deus, de M. de la Lande,
les S Blavet & Guignon executerent une
Sonnate fur le Violon & la Flute qui fut
très2080
MERCURE DE FRANCE :
très-applaudie. La Dle Petit- Pas chanta
un Motet à deux voix , de la compofition
de M. le Maire , avec autant de legereté
que de préciſion , les Sieurs Aubert
& Senaillé joüerent une Sonnate à
deux Violons , qui fut executée avec une
très-grande jufteffe , les Diler Erremens
& le Maure chanterent un Motet à
deux voix , qui fut très - applaudi . Le
fieur Guignon joüa feul un Concerto avec
cette vivacité que tout le monde lui :
connoît , & le Concert fut terminé
par
le Te Deum de M. de la Lande , avec Timbales
& Trompettes , précedé d'une Symphonie
de Violons , Hautbois , Timballes
, & Trompettes , de la compofition
de M. Mouret.
Le Roi a accordé le Gouvernement de
la Tour de Cordoüan , vacante par la
mort du fieur Defnaut , au fieur Binet
Meftre de Camp de Cavalerie , premier
Valet de la Garde- Robe de Sa Majefté.
Le Roi a donné le Régiment de la
Saarre , au Comte de Boimeux , Meſtre
de Camp du Régiment des Landes , &
S. M. a accordé celui des Landes au
Marquis de Brun.
Le 10. l'Abbé de Menou de Charnifay ,
nommé à l'Evêché de la Rochelle , fut
Sacre
SEPTEMBRE . 1730. 2081
Sacré dans la Cha pelle de l'Archevêché ;
par l'Archevêque de Bordeaux , affifté
des Evêques de Chartres & de Saintes , &
le 17. il prêta Serment de Fidelité entre
les mains du Roi.
L'Affemblée du Clergé ayant fini fes
Séances , les Prélats & autres Députez
qui la compofoient , fe rendirent à Verfailles
le 17 de ce mois , & ils curent
Audience du Roi avec les honneurs qu'on
rend au Clergé , quand il eft en Corps
& avec les Cerémonies obfervées lorfque
les mêmes Députez allerent rendre leurs
refpects à S. M. le 7 de Juin dernier. Le
Cardinal de Fleury , Miniftre d'Etat , &
Premier Président de l'Affemblée , étoit
à leur tête ; & l'Evêque de Nifmes porta
la parole.
Le 19 , le Lord Waldgrave , Ambaffadeur
Extraordinaire duRoi d'Angleterre,
arriva à Versailles avec M. Horace Walpool
, auffi Ambaffadeur Extraordinaire,
auquel il fuccede. Ils eurent Audience
particuliere du Roi , de la Reine , & de
Monfeigneur le Dauphin , étant conduits
par le Chevalier de Sainctot , Introducteur
des Ambaffadeurs.
t
Le 21 , l'Abbé de l'Ifle du Gaft , nommé
2082 MERCURE DE FRANCE
?
mé par le Roi à l'Evêché de Limoges
fut facré dans la Chapelle de l'Archevêché
,, pár l'Archevêque de Paris , affifſté
des Evêques de Marleille & de Chartres.
Il prêta Serment de fidelité entre les
mains du Roi le 24 .
Le même jour 21. l'Evêque de Bethléem
fit avec beaucoup de folemnité la
cerémonie de la Confécration & Dédicace
de l'Eglife des Recollets de Verfailles
fondée par le feu Roi Louis XIV. ils en
avoient obtenu auparavant la permiffiondu
Roi ; le Duc de Noailles , Capitaine
de la premiere Compagnie des Gardes
du Corps , & Gouverneur de Verſailles
affifta à cette cerémonie de la part de
S. M.
Le 25. la Lotterie
de la
Compagnie
des
Indes
, pour
le rembourſement
des
Actions
, fut
tirée
en la
maniere
accoutumée
à l'Hôtel
de
la
Compagnie
; on a
publié
la Lifte
des
numeros
des
Actions
&
dixièmes
d'Actions
qui
feront
rembourfez
, faifant
en tout
le nombre
de
300.
Actions
.
SUR
SEPTEMBRE . 1730. 2083
SUR LA NAISSANCE
DE MONSEIGNEUR
LE DUC D'ANJOU.
ODE
AU ROY.
Oin ce Parnaffe imaginaire ,
Qu'adora jadis l'Univers :
Du Dieu que le Pinde révere ,
Je n'invoque point les Concerts .
Dans mon yvreffe fcrupuleufe ,
De l'Antiquité fabuleuſe ,
Je n'adopte point les erreurs :
Ma gloire feroit bien plus belle ,
LOUIS , fi pour prix de mon zele ;
Ta préfidois à mes fureurs.
K
C'eft à toi que de mon delire ,
Je veux confacrer les tranfports :
De mon audacieufe Lyre,
Mortels , refpectez les accords.
Tranfporté dans la Cour Divine ,
Je vais d'une augufte origine ,
Vous dévoiler tous les fecrets :
Loin des foibles yeux du vulgaire ,
Je
J
2084 MERCURE DE FRANCE
Je vais dans mon vol témeraire ,
Fonder les plus vaftes projets.
SY
Ce puiffant Maître du Tonnerre ,
Qui dans fes decrets abfolus ,
Diſpenſe aux Princes de la Terre ,
Le jufte prix de leurs vertus ;
En voyant les tiennes s'accroître ,
Grand Roi , daigne encor faire naître
Un Prince , objet de tes fouhaits :
Et pour difputer la victoire ;
Plus il voit s'augmenter ta gloire ,
Plus il augmente fes bienfaits.

Peuples , d'une illuftre Naiffance ,
Refpectez les heureux momens :
D'Anjou , d'une jufte efperance ,
A raffermi les fondemens.
J'ai , dans mon amour peu tranquille ,
Tremblé pour l'enfance débile ,
Du prémier foutien de nos Lys :
Mais ma crainte va difparoître ,
Peut -on trembler quand on voit croître,
L'illuftre Race de Louis
S
O Ciel ! de tes Arrêts feveres ,
J'adore l'utile rigueur !
Du
SEPTEMBRE . 1730. 2085.
Du fein de nos maux falutaires ,
Tu fais naître notre bonheur .
Si la mort dans fon cours rapide ,
Trancha de fa faux homicide ,
Les jours des Bourbons au berceau ;
C'eſt qu'en nous enlevant ces Princes , *
Tu réſervois à nos Provinces ,
Le cours d'un Empire plus beau.
Combien d'admirables Spectacles ,
S'offrent à mes yeux enchantez !
Ce Regne fécond en Miracles ,
Fait honte aux Rois les plus vantez .'
En vain pour illuftrer ta gloire ,
Grand Roi , la plus fidelle Hiftoire ,
Te dépeindroit à nos Neveux ;
Tes vertus pafferoient pour fables ,
Si l'on ne les rendoit croyables ,
En les retraçant à leurs yeux.
Que vois -je ? le Ciel favorable ,
Se plaît à prévenir mes voeux.
Ta mémoire à jamais durable ,
Vaincra les temps injurieux .
Déja je vois ta Race illuftre ,
Qui s'apprête à donner du luftre ,
* Le Dauphin. Le Duc de Bourgogne . Le Duc
de Bretagne.
tos6 MERCURE DE FRANCE
A fes héroïques vertus :
Ta gloire en elle renaiffante ,
Calmera la douleur preffante ,
De ceux qui ne te verront plus.
Le Ciel, qui de quelques années
Retarda ta profperité ,
Formoit les hautes deftinées ,
De ta noble Pofterité.
Ainfi la France impatiente ,
Vit d'une Naiffance * éclatante ,
Differer les heureux inftans :
Grand Dieu , lorfque tu nous préparés ?
Des préfens fi grands & fi rares ,
Tu les fais attendre long- temps.

Soutiens genereux de la France ,
Vous , Princes , l'appui de nos Loix ;
Dans une héroïque Alliance ,
Montrez-nous le plus grand des Rois
Pour retracer fes faits fublimes ,
Joignez vos effors magnanimes ,
Uniffez vos nobles travaux :
Sans que leur vertu dégenere ,
Ce que LOUIS feul a pu faire ,
Peut bien occuper deux Héros.
* La Naiſſance de Louis XIV,
Mais
SEPTEMBRE. 1730. 2087.
Mais quoi déja ce Couple augufte ,
Remplit mon attente & mes voeux :
Semblable à fon Pere , il eft jufte ,
Debonnaire , affable , pieux ;
Grand Roi , c'est là ta vraie image ,
Je n'ai point dans un fâche Ouvrage ,
Déguifé les traits du Tableau :
Si tu méconnois la peinture ,
L'Univers entier d'impoſture ,
Pourra difculper mon Pinceau

Quelle eft cette augufte Princeffe ,
Que je vois aux pieds des Autels
Cette humble ferveur qui l'abbaiffe,"
La dérobe aux yeux des Mortels.
Son humilité fcrupuleuſe ,
Bannit cette pompe orgueilleufe ,
Dont les Humains font éblouis :
Glorieux , mais vain ſtratagême !
Ne connoît-on qu'au Diadême ,
L'illuftre Epouse de Louis ?

Le Ciel , qui de cet Hymenée ,
Voulut former les noeuds fi doux ;i
Reünira la deſtinée ,
De ces deux fideles Epoux.
Je vois dans la Voute azurée ,
La place pour eux préparée , Par
2088 MERCURE DE FRANCE
Par leurs Ancêtres * glorieux :
La pieté qui les couronne ,
Eleve un magnifique Trône ,
A la gloire de leurs Neveux.
La Reine étant accouchée heureufe
ment du Duc d'Anjou le 30. Août, à neuf
heures du matin , comme nous l'avons
déja dit , cette agréable nouvelle fut annoncée
à Paris une heure après par le
bruit du Canon de l'Hôtel Royal des
Invalides , du Château de la Baſtille , &
de la Ville , & par la Cloche de l'Horloge
du Palais & par celle de l'Hôtel de
Ville , qui fonnerent jufqu'à minuit.
Le même jour le Parlement & les au
tres Cours fuperieures , l'Affemblée du
Clergé , & c . firent chanter un Te Deum ,
en actions de graces . Le Lieutenant General
de Police rendit le même jour cette
Ordonnance.
Sur ce qui nous a été remontré par le Procu
reur du Roy , que la Naiffance du DUC D'ANJOU
, qui fuccede de fi prés à celle du Dauphin ,
( preuve bien éclatante de la benediction du Ciel
fur cet Etat ) répand dans les coeurs de tous les
François,& particulierement des habitans de cette
Ville , une joye d'autant plus fincere que la perpetuité
de cet Empire dans la famille du Souverain
qui nous gouverne fi heureufement , eft l'ob-
S. Louis, S. Staniflas.
jet
SEPTEMBRE. 1730. 2089
jet de leurs voeux les plus ardents,& que cette Augufte
Famille ne fçauroit s'accroître fans augmenter
leur fatisfaction ; comme dans les témoignages
publics que les Peuples en doivent
donner , il eft de notre miniftere de prévenir les
accidens qui quelquefois réfultent des démonſtrations
de joye qu'un zele fi jufte infpire , & qui ne
font pas toujours accompagnées des précautions
neceffaires à la feureté publique ; il a cru devoir
nous requerir de preferire aux Habitans de cette
Ville le temps & la maniere dont ils exprimeront
leur fenfibilité & ce qu'il eft convenable qu'ils
obfervent pour empêcher qu'il ne furvienne d'Incendie
. Sur quoi Nous ordonnons à tous Bourgeois
& Habitans de cette Ville , d'allumer des
Feux devant leurs Portes, & d'illuminer leurs Fenêtres
; & à tous Marchands de tenir leur Bouti
ques fermées aujourd'hui & le jour qui fera indiqué
pour le Te Deum.Enjoignons expreffement
à tous Proprietaires & Locataires des Maifons
de faire fermer & boucher exactement les Fenêtres
, Lucarnes & generalement toutes les ouvertures
des Greniers des Maifons & autres endroits
dans lefquels il y auroit de la Paille , du
Foin , du Bois , ou autres matieres combustibles ,
& c.
Autre Ordonnance de Police , du 1 Septembre ,
qui ordonne que tous les Bourgeois & Habitans
de la Ville , feront tenus d'allumer des Feux devant
leurs Portes & d'illuminer leurs Fenêtres le
Samedy 2 du prefent mois , jour choifi pour le
Te Deum, qui fera chanté à Notre- Dame, à l'oc
cafion de la Naiffance de Monfeigneur le Duc
D'ANJOU & que tous les Marchands tiendront
leuis Boutiques fermées , &c.
"
La
2090 MERCURE DE FRANCE.
La piété du Roy ne pût fouffrir aucun
délay ; le même jour de cette heureuſe
naiffance , S. M. écrivit la Lettre qui fuit
à M. l'Archevêque de Paris.
MON COUSIN , les tendres témoignages
que je reçois en toute occafion de l'amour & du
zele de mes Sujets , me rendent encore plus fenfible
aux Evenemens de mon Regne qui peuvent
contribuer à leur bonheur. Rien n'eft plus capable
d'en affurer la durée que la Naiffance d'un fecond
Fils , dont la Reine , ma très-chere Epouſe
& Compagne , vient d'être heureufement délivrée.
Cet Evenement eft une fuite des Bénédictions
qu'il plaît à Dieu de répandre fur moi &
fur mon Etat , il excite de plus en plus ma jufte
reconnoiffance envers la Providence Divine ; &
c'eft pour lui rendre les actions de graces qui lui
en font dues , & obtenir de fa bonté par les plus
ferventes Priéres , la confervation de fes préeieux
dons , que je vous fais cette Lettre , pour
vous dire que mon intention eft que vous faffiez
chanter le Te Deum en l'Eglife Métropolitaine de
ma bonne Ville de Paris , au jour & à l'heure que
le grand Maître ou le Maître des Cérémonies
vous dira de ma part. Sur ce, je prie Dieu qu'il
vous ait , mon Coufin , en fa fainte & digne garde.
Ecrite à Versailles le 30 Aouft 1730. Signé ,
LOUIS. Et plus bas , PHELYPEAUX . Et au dos
eft écrit : A mon Coufin l'Archevêque de Paris ,
Duc de S. Cloud , Pair de France , Commandeur
de mes Ordres.
En confequence de la Lettre du Roy ;
M. l'Archevêque donna , le 1 Septembre,
un
SEPTEMBRE. 1730. 2091
an Mandement qui fut reçu avec un applaudiffement
univerfel . En voici la teneur
:
CHARLES , &c. Salut & benediction.
Dieu vient de répandre, mes très- chers Fréres,
une nouvelle Bénédiction fur le Mariage du Roy
& de nous donner un gage éclatant de fa protec
tion fur ce grand Royaume,
Par la Naiffance d'un fecond Fils de France
le premier Trône de l'Europe, ce Trône que tant
de Rois , felon le coeur de Dieu , ont rempli &
dont l'irreligion & l'erreur n'ont jamais approché
, eft environné d'une nouvelle gloire ; le repos
de l'Etat & le bonheur des Peuples font pleinement
affurés .
Dans un évenement fi heureux , le Roy pénétré
de fentimens de Foy & de Religion , reconnoit
tout ce qu'il doit à celui de qui il tient fa Couronne
, qui difpoſe à ſon gré du fort des Rois
qui affermit ou qui renverfe , comme il lui plaît
les Royaumes & les Empires ; & c'eft pour donà
toute la France des preuves de fa reconnoiffance
envers Dieu, que M. veut aſſiſter aux
Actions folemnelles de graces que nous allons
rendre conformément à fes intentions .
ner
A l'exemple du Roy , que les bienfaits de Dieu,
foient pour nous un motif de ranimer notre fer <
veur. Nous fervons un Dieu jaloux , qui felon la
parole de ( 1 ) Jefus - Chrift , exige beaucoup de
ceux à qui il a beaucoup donné. Marquons- lui
notre reconnoiffance en obfervant fes faintes Loix
avec une nouvelle fidélité , & en confervant une
jufte horreur de tout ce qui peut lui déplaire .
Les faveurs qu'il nous accorde & les graces
dont il nous prévient , font autant de titres pour
( 1 ) Luc. 12. v. 48e
2092 MERCURE
DE FRANCE
en demander & pour en obtenir de nouvelles, Joignons donc aujourd'hui avec confiance , felon
le précepte de ( 2 ) S. Paul , aux Actions de graces
, des fupplications
& des Prieres pour la confervation
d'un Roy qui nous gouverne avec tant
de fagefle & de juftice ; profitons de la paix & de
la tranquillité dont nous jouiffons fous fon Empire,
pour vivre felon la parole du même Apôtre
avec toute forte de piété.
Prions pour la fanté d'une Reine dont l'heureufe
fécondité doit être regardé comme le fruit
de fes vertus.
pen-
Demandons avec ferveur , rendons- nous dignes
par notre conduite que Dieu nous conferve les
formez
que
Princes qu'il nous a donnez ,afin
par les
dant long -tems par les inftructions &
exemples de leur augufte pere , la Religion trouve
en eux le précieux avantage dont elle jouit fous le
Regne de S. M. d'avoir dans le Souverain uu fidéle
deffenfeur de fes Autels , & un zélé protecteur
de l'Eglife de Jeſus-Chriſt.
Que celui des Princes qui doit être un jour
l'héritier de la Couronne , le foit auffi des vertus
du Roy ; qu'à l'exemple de S. M. il foit encore
plus touché d'être aimé des Peuples , comme leur
Pere , que de tous les hommages qu'ils lui rendent
comme à leur Maître; & que felon la parole
du S. Efprit ( 3 ) , il regarde la Juftice & la clémence,
comme la veritable force du Trône & fon
plus ferme appui. A ces cauſes , &c.
Cette heureufe Naiffance étant une fuite
des Benedictions que Dieu répand fur
la Perfonne du Roy & fur l'Etats le
-( 2 ) Ad Tim. c. 2. v. 3. & 2,
( 3 ) Prov. 20. v. 28.
premier
SEPTEMBRE. 1730. 2098
mier foin de S.M. dans cet heureux évenement
, a été d'en rendre à Dieu de folemnelles
actions de graces ; & le 2 de ce
mois , le Roy fe rendit à Paris , pour af
fifter au Te Deum , qui devoit y être chanté,
fuivant les Ordres que l'Archevêque de
Paris en avoit reçus de S. M.
Le Roy partit du Château de Verfailles
vers les trois heures après midi , accompagné
, dans fon Caroffe , du Comte de
Clermont , du Prince de Conti , du Prince
de Dombes , du Comte d'Eu & du
Comte de Toulouſe. Les trois autres Caroffes
étoient remplis par les principaux
Officiers de Sa Maifon , & par les Seigneurs
de la Cour. Les détachemens des
Gendarmes , des Chevaux - Legers & les
deux Compagnies des Moufquetaires de
la Garde du Roy , & le détachement des
Gardes du Corps précédoient & fuivoient
le Caroffe de S. M. & le Vol du Cabinet
étoit immédiatement devant le Caroffe de
fuite.
Le Roy arriva vers les cinq heures à la
Porte S. Honoré , d'où S. M. fe rendit à
l'Eglife Métropolitaine.Les Regimens des
Gardes Françoifes & Suiffes étoient rangez
en haye , & préfentoient leurs Armes,
dans toutes les rues par lefquelles le Roy
paffa en allant à l'Eglife Métropolitaine ,
& en retournant à Verfailles.
I Le
2094 MERCURE DE FRANCE
Le Roy fut reçu à la porte de l'Eglife
par le Chapitre , à la tête duquel l'Archevêque
de Paris complimenta S. M. & lui
prefenta l'Eau benite. Le Roy entra dans
f'Eglife au bruit des Trompettes & des
Hautbois de la Chambre , étant précédé
du Grand Maître & du Maître des Cérémonies
, devant lefquels marchoient le
-Roy & les Hérauts d'Armes , & S. M.
alla fe placer au milieu du Choeur , fur un
Prie - Dieu , au deffus duquel étoit un Dais .
Le Duc d'Orleans , le Duc de Bourbon ,
le Comte de Charolois, le Comte de Cletmont
, le Prince de Conti , le Prince de
Dombes , le Comte d'Eu & le Comte de
Toulouſe , le Cardinal de Fleury , les Officiers
de la Couronne, les Principaux Of
ficiers de S.M. & les Seigneurs de la Cour
étoient placez auprès du Roy' pendant le
Te Deum , auquel le Chancelier de France
& le Garde des Sceaux affifterent, étant I
accompagnez de plufieurs Confeillers d'Etat
& Maîtres des Requêtes.
C
>
Le Clergé , le Parlement , la Chambre
des Comptes , la Cour des Aydes & lo
Corps de Ville ayant été invitez en la maniére
accoutumée y affifterent en Robes
de Ceremonie & à leurs places ordinaires
. L'Archevêque de Paris officia pontificalement
au Te Deum , qui fut chanté au
bruit d'une Salve generale des Canons de
la Baftille & de ceux de la Ville.
Lcs
SEPTEMBRE. 1730. 2095
Les Regimens des Gardes Françoiles &
Suiffes y répondirent par trois décharges
de leur Moufqueterie.
Après le Te Deum , le Roy vint faire fa
Priére devant l'Autel de la fainte Vierge ,
d'où S.M.fut reconduite à la porte de l'Eglife
, avec les cérémonies qui avoient été
obfervées à fon arrivée. Et S. M. étant remontée
en caroffe , partit pour retourner
à Verfalles avec le même Cortege qui
l'avoit accompagnée en entrant dans Paris.
Pendant la Marche , les Officiers des Gardes
du Corps qui étoient auprès du carof
fe du Roy,jetterent de l'argent au peuple,
qui par fes acclamations cherchoit à don
ner à S. M. des preuves de fon amour ,de
fon zele & de fa joye.
Le même jour,les Prevot des Marchands
& Echevins qui la furveille avoient fait
'lluminer l'Hôtel de Ville avec beaucoup
de magnificence , firent couler des Fontaines
de vin dans la place , & le foir ils firent
tirer un tres-beau Feu d'artifice, qui
fut précédé d'une décharge de Boëtes &
de Canons de la Ville . Il y eut en même
temps chez le Duc de Gévres , chez les
Prevôt des Marchands & Echevins , ainfi
que dans toutes les rues , des Illuminations
, des Feux & toutes autres marques
de réjouiffance poffible.
I ij On
2096 MERCURE
DE FRANCE
On chanta auffi un Te Deum, avec beaucoup
de folemnité
dans l'EglifeRoyale
de
P'Abbaye
de S. Germain , le Dimanche
3
du même mois , en conféquence
d'un
Mandement
conçu
en ces termes.
Grand -Prieur CLAUDE
DU PRE' , de l'Abbaye Royale de S. Germain des Prez , &c.
La joye répandue dans tous les Ordres du Royau- me , annonce la Naiffance d'un fecond Fils de
France. Don précieux , préfent inestimable
du
Ciel propice à nos Voeux , bienfait marqué au
fceau d'une Providence ſpéciale , augure certain
nouvel d'une félicité conftante ,
appuy du Trê
ne,témoignage éclatant de la protection du Toutpuiffant
fur les années floriffantes du Roy & de la
Reine , gage confolant du Monarque fuprême éternifer le bonheur de la Monarchie . Une
pour époque fi célébre, marquée par un évenement fi
efheureux
, devient le fondement folide de nos
perances , nous montre des fiécles de paix , de
gloire & d'abondance, Au milieu de tant de Profpéritez,
remontons à la fource , l'exemple du Roy
plus preffant encore que fes Ordres , gage. Béniffons l'Eternel,il nous donne des Princes
& des Princeffes dignes par leurs vertus héréditaires
, de faire un jour la gloire & le bonheur
des Monarchies les plus puiffantes. Arrêtons - nous au Prince qui attire aujourd'hui nos Voeux & nos Hommages. Mefurons la reconnoiffance
à la faveur
; régions l'étendue de notre gratitude fur le
prix & le mérite du bienfait. Charmez de l'excellence
du Don , faifons de fa poffeffion un motif
de louanges inimortelles, joignons aux applaudiffemens
les actions de graces. Que la jouiffance
nous eny
d'un
SEPTEMBRE. 1730. 209 %
d'un objet fi précieux nous faffe remonter au
principe que la fin de nos fêtes & de nos réjouiffances,
foit celle de nos retours vers la Main bienfaifante
qui les fait naître , ranimons nos Cantiques.
Il y eut le foir de grandes Démonftrations
de joye dans tout le Diſtrict de l'Abbaye
, des Illuminations , des Feux , des
Fufées , &c. & plufieurs Salves de Coule
vrines , placées dans le Jardin dés Religieux
, lefquelles avoient tiré à l'arrivée
du Roy & pendant le Te Deum .
POUR LA NAISSANCE
DE MONSEIGNEUR
LE DUC D'ANJOU.
O D E.
' Amour n'eft plus Fils unique ,
Et le fein chafte & fécond
D'une Reine magnifique ,
Nous enrichit d'un fecond :
Voyez comme il ſe préſente !
D'une douceur conquerante
Son Orient eft orné ;
Et fa grace fans feconde
"Pour affervir tout le monde
Ne céde qu'à fon Aîné.
I iij Jeux,
t
2098
MERCURE DE FRANCE
Jeux charmans , grace enfantine ,
Qui folâtrez dans fa Cour ;
Vous n'y prendrez point racine ,
Votre Regne n'a qu'un jour ;
De l'illuftre nom qu'il porte
La grandeur déja l'exhorte
A des exploits triomphants
Déja la gloire l'appelle ,
Enfants de Race immortelle
A peine font-ils Enfants.
C'eſt ainſi qu'en fon jeune âge
On nous apprend qu'Appollon
Fit l'effay de fon courage
Sur le monstrueux Pyrhon :
Au berceau le jeune Hercule
De fes hauts faits préambule
Deux Couleuvres étouffa ;
Et le beau fils de Sémélé
Comblé de gloire immortelle
Dans les Indes triompha.
$2
Déja fa tendre mémoire
Se remplit du nom d'Anjou ,
Son joüet , c'eft la victoire ,
Son épée eft fon bijou :
Il mêdite les louanges ,
Enveloppé dans fes langes ;
Dont
SEPTEMBRE. 1730. 209g
Dont il eft embaraffé ;
de Lunes
Et n'attend que peu
Pour venger les infortunes
Des Anjous du temps paffé.
Soyez unis , jeunes Freres ,
D'un noeud ferme autant que doux ;
Et choififfez d'Hémisphères ;
Tout l'Univers eft à vous.
Qu'en fi belle & noble chaîne ,
Jamais les Fréres d'Héleine ( 2 ),
N'entrent en comparaifon

Euffent ces fiers Argonautes
Fait des Princeffes plus hautes
Que leur Commandant Jafon.
O LOUIS , fage Monarque
A qui le Dieu de Sion
Donne une nouvelle marque
De fa Bénédiction
Daigne fa bonté fuprême
Propice à ce coeur qui l'aime
Et le fert fi volontiers ,
Vous donner en récompenſe
Autant de tels Fils de France ,
Que Jacob eut d'héritiers.
1 Rois de Naples & de Siciler
2 Caftor & Pollux.
I iiij Illu
2100 MERCURE DE FRANCE
Illuminations ordonnées par les Prevôt des
Marchands & Echevins de la Ville de,
Paris , pour celébrer l'heureufe Naiffance
de Monfeigneur le Duc d'Anjou , fur les
deffeins , & fous la conduite du fieur
Beaufire le fils , Architecte de la Ville.
LE
E 30 Août le Prevôt des Marchands ,
ayant eu avis fur les fept heures du
matin que la Reine étoit en travail , fe
rendit à l'inftant à l'Hôtel de Ville , où
Mr du Bureau arriverent peu de tems
après fur les deux heures arriva un
Page du Duc de Gêvres , Gouverneur
de Paris , lequel apprit que la Reine
avoit été heureufement accouchée à 9
heures 7 minutes. Le Corps de Ville a
fait préfent à ce Page d'une magnifique
Tabatiere d'or.
A 11 heures , M. le Chevalier de S. An
dré , Enfeigne des Gardes du Corps , arriva
en pofte , & remit à Mrs les Prevôt
des Marchands , Echevins , la Lettre de
Cachet dont il étoit chargé de la part du
Roy , pour annoncer à la Ville la Naiffance
de Monfeigneur le Duc d'Anjou ,
Mrs de Ville firent préſent à cet Officier
d'un Bijoux de prix.
Le Bureau fe tranſporta à l'inftant au
Parlement , & à fon retour vers le midy
il
SEPTEMBRE. 1730. 2101
il fut fait une décharge des Canons de la
Ville , & le Toxin fut fonné jufqu'à minuit.
Le foir , entre 7 & 8 heures , il y eut
une autre décharge des Canons , & un
feu qui fut allumé avec la cerémonie or
dinaire , il y eut deux fontaines de
vin dans la Place de Gréve , & il fut tiré
quantité de Fufées volantes . La face exterieure
de l'Hôtel de Ville fut illuminée
par grand nombre de Falots placez dans
la Lanterne , fur le comble , fur les corniches
& faillies , & par des Luftres garnis
de groffes lumieres , aux Arcades de
S. Jean & du S. Efprit : il y eut auffi quelques
Falots chez M. le Prevôr des Marchands
, fur le fronton de la Porte d'entrée
, & fur le mur de face.
Le Jeudy 31 Août , il y a eu une feconde
illumination à la face de l'Hôtel
de Ville, de,toutes fortes de lumieres . Il y
avoit de gros Falots fur la tête des po-
-teaux de la Banniere du Peron , & une
fuite de Falots fur la Corniche des piéd'eftaux
du premier ordre , & au bas de
l'appui des croifées , toutes les Colomnes
de cet ordre étoient illuminées , ainfi
leurs Chapiteaux. Entre ces Colomnes
il y avoit fix Luftres de fer blanc , fuſpendus
aux ceintres des fix croifées , garnies
de fortes lumieres ; & au- deffus de la
Iv princi
que
2102 MERCURE DE FRANCE
t.
principale Porte , des Falots fur la cori
niche.
Ce premier ordre étoit terminé par un
filet de gros Lampions fur la faillie de
PArchitrave , avec des Plaques qui refléchiffoient
la lumiere , & par une fuite de
Falots fur la corniche. Aux ceintres des
Arcades du S. Efprit & de S. Jean , deux
grands Luftres de fer blanc , portant chacun
75 lumieres.
Le fecond ordre étoit décoré par onze
Luftres de fer blanc , fufpendus au devant
des croifées , portant chacun 57 lumieres
; entre ces Luftres étoient des Falots
placez dans les Niches , & deux
gros Falots fur le fronton des Niches.
Le fecond étoit auffi terminé par un
cours de Falots fur la corniche de l'Entáblement.
d'
Le comble étoit illuminé par 3 grands
Luftres de fer blanc , portant plus de 60
lumieres placées au milieu, au- deffus & à"
côté du Cadran.LesLucarnes étoient illunées
chacune par un Luftre de fer blanc
de 57 lumieres , & par des Falots fur les
Corniches. Le Comble étoit profilé par
des Falots fur le Rempant & fur le Faite.
11
y avoit auffi deux grandes piramides
de lumieres fur les deux poinçons de l'exrêmité
du Faîte. Le Socle & le Pietal
de la Lanterne étoient garnis de
"
Falots ,
SEPTEMBRE. 1730. 2103
Falots , & les Portiques de la grande
& petite Lanterne , garnis de grand
nombre de lumieres fufpendues en dedans
.
Le Samedy , 2 de ce mois , il y eut
un grand Feu d'Artifice élevé dans la
Place de Grève , à quatre Faces & quatre
Portiques d'ordre ruftique ; au milieu des
Portiques étoient des Palmiers , & aux
quatre coins des Vafes enflammez : fur
la Corniche étoient des Groupes de Genies.
Le Socle du couronnement étoit
terminé par la Statuë de Junon . On
voyoit fur chacune des faces des Cartouches
aux Armes du Roi & de la Ville.
Les degrez au rez de-chauffées étoient gar
nis de grand nombre de lumieres. Il y
avoit auffi quatre Fontaines de vin , dif
tribuées aux quatre coins de la Plaçe.
A l'arrivée du Roi à Notre Dame , il
y eut une falve des Canons de la Ville ,
& une autre à fa fortie. Cette arrivée
avoit été annoncée dès les 5 heures du
matin par une décharge des Canons de
la Ville , & par le Toxin .
S
Le Corps de Ville étant de retour du
Te Deum de Notre Dame , & ayant reçû
vers les 7 heures & demie M. le Gouver
neur en la maniere ordinaire , au bas
du Peron de l'Hôtel de Ville , il fut fait
une décharge des Canons de la Ville , &
Ivj the
>
2104 MERCURE DE FRANCE
tiré grand nombré defufées volantes . Enfuite
Made de Trefies alluma l'Artifice ,
placé fur le corps du Feu , par le moyen
d'une Fufée de corde qui avoit communication
à la Loge de M. le Gouverneur.
Auffi - tôt on vit un nombre prodigieux
d'artifices en l'air , ce qui dura pendant une
demie heure , fous diverfes formes , avec
un tel fuccès , qu'on ofe dire qu'il n'y a
guére eu rien de plus complet en ce genre.
L'interieur de la cour de l'Hôtel de
Ville fut illuminé par des Falots fur la
corniche du premier ordre.
Le même jour il y eut des Illuminations
chez chacun de Mrs du Corps de
Ville , & des Fontaines de vin.
La façade de l'Hôtel du Prevôt des
Marchands , étoit illuminée par 6 grands
Ifs à huit pans , garnis de Falots , deux
de ces Ifs accompagnoient la Porte d'entrée
, & les quatre autres accompagnoient
les deux Pavillons en aifle . La principale
Porte étoit décorée par un Chambranle ,
dont les refans étoient de lumieres ; fur
la Corniche & le Fronton , des Falots ;
au devant de chaque Pavillon , en aifle ,
étoit un Portique de lumieres figuré,femblable
à celui de la principale Porte , au
centre duquel étoit un Luftre de fer blanc
de so lumieres. Entre les Ifs , aux côtez
de la Porte étoient des Chambranles de
lumieres ,
SEPTEMBRE . 1730. 2103
lumieres , avec des Luftres de fer blanc
fufpendus au ceintre , garnis de 50
lumieres
chacun. Toute cette illumination
étoit terminée par une fuite de Falots audevant
de la premiere pleinte.
L'Illumination de M. Meſnil , premier
Echevin , étoit compofée d'une fuite de
Falots au-devant de la premiere Pleinte
de la face de fa maiſon du côté des Halles,
au milieu étoit le Chiffre du Roi , accompagné
de deux Luftres de fer blanc &
d'un autre au- deſſus , & plus haut à l'aplomb
des Luftres , étoient trois Fleurs
de Lys de lumieres.
و
M. Befnier , fecond Echevin , avoit audevant
de la face de fa maifon fix Ifs de
figure pentagonne , portant plus de 700 .
lumieres , placez en forme d'Avenue.
*
Il y avoit fur l'appui du Balcon de la
maifon de M. Roffignol , troifiéme Echevin
, une fuitede Falots & ſept Girandoles
de fer blanc , portant chacune so. lumieres,
placées au -devant des Trumeaux.
Entre ces Girandoles étoient fix Luftres
de fer blanc , garnis de 57. lumieres cha
cun , fufpendus au- devant des fix Croifées
du premier étage. On voyoit auſſi à
cet étage deux M de lumieres repréfentant
le Chiffre de la Reine ; & au-deffus
étoient trois Fleurs de Lys , le Chiffre da
Roi en lozange lumineux.
.1
La
2106 MERCURE DE FRANCE
La face de la maifon de M. Lagneau,
quatriéme Echevin étoit illuminée au rezde-
chauffée par deux grands Portiques
de lumieres ceintrez , & deux Vafes . La
Porte d'entrée par un Chambranle & Corniche
à trois rangs de lumieres , avec um
Fronton triangulaire , au deffus duquel
étoit le Chiffre de la Reine, Aux deux Croifées
du premier & fecond étage , étoient
quatre Luftres de fer blanc , garnis de
$7. lumieres chacun , fufpendus aux Linteaux
des quatre Croifées ; au- devant des
Trumeaux entre ces 4. Luftres étoient 3 .
Fleurs de Lys & le Chiffre du Roi en
lozange.
La face de la maifon du Procureur du
Roi étoit illuminée par deux grands Portiques
de lumieres ceintrez ; au - deffus
de chaque Pilaftre defquels étoit une
Girandole de fer blanc , portant so. lua
mieres chacune ; au-deffus de ces deux
Portiques on voyoit le Chiffre du Roi
& trois Fleurs de Lys de lumieres,
,
La face de la maifon de M. Boucot
Receveur , étoit illuminée par un Portique
, dont les Pilaftres étoient en Confo
les & le Fronton contourné , au- deffus des
Pilaftres deux Girandoles de fer blanc, garnies
chacune de so.lumieres. Sous le Fronton
on voyoit le Chiffre du Roi , & au
deffus , entre les Girandoles , une Fleur
de Lys de lumieres II
SEPTEMBRE. 1730. 2107
Il y avoit auffi des Falots chez M. Remy
, ancien Echevin , dans fa cour , &
deux Ifs de lumieres au- devant de fa porte
, avec une Fontaine de vin , ainfi qu'à
tous les autres , comme auffi chez M. le
Roi , ancien Echevin .
CHANSON DE TABLE
A l'occafion de la Naiffance de Monfeit
gneur le Duc D'ANJOU , fur l'Air ,
Compere Gregoire.
JEE veux à mon Maître ,
Boire comme un trou ;
Il vient de nous naître ,
Un beau DuC D'ANJOU :
Vertubleu quel homme , que homme , quel
homme !
Vertubleu ! quel homme que notre bon Ro
De cinq Enfans Pere ,
Agé de vingt ans !
L'avanture eft fiere ;
Buyons , mes enfans. Vertubleu , 86,
Ma foi , nos Provinces ,
S'il va de ce pas ,
A tant de beaux Princes
Ne fuffiront pas. Vertubles , & c
L
2108 MERCURE DE FRANCE
Cherchons leur des titres ;
Verfez- moi du vin ;
Ouvrons les Regiſtres ,
Du Dieu du Raifin. Vertubleu , & c
Champagne & Bourgogne ,
S'offrent à mes yeux ;
11 eft en Gascogne ,
Du jus précieux. Vertubleu , & c.
Ah ! pour notre Sire ,
Quel contentement ,
De fe reproduire
Si facilement. Vertubleu , & c.
Rempliffez mon verre,;
Portons par nos chants ,
Au bout de la Terre ,
Ses heureux talens. Vertubleu , & c,
Cher Bacchus , arrange
Tes bienfaits pour nous ;
Regle la vendange ,
1
Sur des dons fi doux. Vertublen , &c
Pour tant de Naiffances
Voice qu'il nous faur ;
+1
Dans
SEPTEMBRE. 1730. 2109
Dans tes Ordonnances ,
Songe qu'il fait chaud. Vertubleu , &c.
Que pour notre Reine ,
Des Dieux bienfaiſans ,
Notre amour obtienne ,
S'il fe peut , cent ans. Vertubleu , &c.
Mon Dieu ! qu'elle eft bonne !
Vuidons nos flacons :
Les biens qu'elle donne ,
Suivent nos moiffons. Vertubleu , &c.
S'il étoit Grand- Pere ,
Dans dix ans d'icy ,
La plaifante affaire !
Le Vieillard joly ! Vertubleu , &c.
Le jour que la Reine accoucha du
Duc d'Anjou , le Roi entendit à fa Meffe
le Te Deum de M. de Blamont , Sur- Intendant
de la Mufique de Sa Majefté ; il fut accompagné
de Timbales & Trompettes , &
l'execution en fut admirable . Le foir le
Roi eut à fon grand couvert une Symphonie
de la compofition du même Auteur ;
elle fut executée par les Muficiens de la
Chambre & de la Chapelle de S. M. le 3 .
Sep2110
MERCURE DE FRANCE
Septembre , les Vingt - quatre jouerent la
mênte Symphonie pendant le dîné du
Roi , & S. M. en parut fatisfaite.
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Châlons
le 5. Septembre 1730.
Mintendant , n'eut pas plutôt
appris
le Pelletier de Beaupré , notre
la nouvelle de la Naiffance de M. le Duc
d'Anjou , qu'il donna une Fête brillante
& magnifique à tout ce qu'il y a de per
fonnes de confideration dans cette Ville
cette Fête commença Lundi dernier à
8. heures du foir par 2. Fontaines de vin
qui coulerent toute la nuit , fon Hôtel fut
tout illuminé ; le Jardin étoit rempli d'un
infinité de Lampions , de Pots à feu, rangez
avec beaucoup d'art , ce qui faifoit un
très-bel effet ; il y eut Baf, qui fut interrompu
pour voir tirer une quantité
confiderable de Fufées ; on fervit enfuite
un Ambigu avec une profufion , une délicateffe
& une propteté qui fit admirer
Le bon gout de M. l'Intendant , qui pendant
ce Repas ne fe mit à aucune des ,
tables , fe portant par tout pour que rien
ne manquât , répondant à toutes les fantez
qui lui furent portées avec une attention
& une politeffe qui
accompagne
toutes les actions. M. le Pelletier ayant
porté la fanté de S. Majefté , une quantité

SEPTEMBRE. 1730. 2111
de Boëtes & de petits Canons firent trois
décharges ; après le Repas , qui dura
très-long- temps , le Bal recommença jufqu'au
jour ; on fervit toutes fortes de ra
fraîchiffemens & des Glaces en abondance
; tous les Convives fe retirerent avec
une parfaite fatisfaction .
REJOUISSANCES faites à Ren
nes pour la Naiffance de M. le Duc
d'Anjou.
L
Es ordres du Roi étant arrivés à
Rennes , le Te Deum fut chanté à la
Cathedrale par la Mufique du Chapitre;
le Parlement y affifta en Robes rouges ,
& en grand nombre , quoiqu'il foit ent
vacance , ayant à fa tête M. le Préfident
de Caré. Il y eut un grand feu devant la
Maifon de Ville qui fut allumé par les
Maire & Echevins. Le Te Deum fini ,
tout ce qu'il y a de gens qualifiés , tant
du Parlement que de la Nobleffe , de l'un
& de l'autre fexe , fe rendirent à l'Hôtel
de M. le Préfident de Caré , qui les avoit
fait inviter. La Fête commença par un
Concert qui fut executé par les Muft
ciens de l'Académie de Mufique de Rennes.
Les Appartemens qui étoient trèsbien
ornés furent remplis des Dames de
la Ville fort parées , ce qui faifoit un fort
beau fpectacle. On commença par le Te
Deum
2112 MERCURE DE FRANCE
Deum de M. de la Lande , qui fut ſuivi
de plufieurs beaux morceaux de Muſique
qui revenoient au fujet , & qui furent
executés avec tout le gout imaginable ;
les Rafraîchiffemens y furent fervis abondament.
Le Concert étant fini à l'entrée de la
nuit , tout l'Hôtel parut en feu par une
Illumination auffi brillante que bien entendue
; on voyoit à toutes les fenêtres
des Repréſentations , des rochers embrafés
, ce qui faifoit un coup d'oeil charmant.
Au même moment , il fut allumé
un feu devant l'Hôtel de M. le Préfident
au bruit des Tambours & des Boëtes de
la Ville , ce qui fut accompagné d'un
nombre infini de fufées. Toute la nuit
des Fontaines de vin coulerent pour le
peuple qui s'y trouva dans une affluence
étonnante ; tout cela fut fuivi d'un magnifique
foupé , où la délicateffe , l'abondance
& le bon gout regnerent égale
ment ; on y but la fanté du Roi , de la
Reine , de Monfeigneur le Dauphin , de
Monfeigneur le Duc d'Ajou , de toute la
Maiſon Royale , de fon Alteffe Sereniffime
le Comte de Toulouſe & de M. le Maréchal
d'Eftrées ; chaque fanté fut fuivic
d'une falve de Boëtes .
MORT'S
SEPTEMBRE. 1730. 2113
XXXXXXXXXXXXX **** XXXXXXXXX
MORTS , NAISSANCES
& Mariages.
J
Ean - Baptifte Foubert de Bizy , Chevalier de
P'Ordre Militaire de S. Jean de Latran , premier
Secretaire dans les Ambaffades du Marquis
de Bonac à la Porte Ottomanne & en Suiffe ,
mourut le 22. Août , âgé d'environ 42. ans,
Louis de Quelen- Stuart de Cauffade , Comt
de la Vauguyon , Meftre de Camp de Cavaleriee
mourut à Valenciennes le 25. du mois dernier
âgé de 25. ans.
M. Henry de Fabry , Comte d'Autrey , Meſtré
de Camp du Regiment de la Sarre , mourut à
Verfailles le 1. de ce mois , âgé de 42. ans .
Monfieur Benjamin - Louis Frottier , Marquis
de la Cofte Meffeliere , Lieutenant de Roy du
Poitou , mourut à Paris le 5. âgé de 64. ans .
Dame Marie-Anne Delorme , veuve de Meffire
Pierre Debas , Seigneur Dujelle , & au jour de
fon décès époufa M.Louis le Couftellier, Ecuyer,
'Comte de Liliers ; Brigadier des Armées du Roy
Chevalier de l'Ordre de S. Louis , décedée le 8.
Septembre , âgée de 95. ans.
Le 1o. Guichard-Jofeph Duvernay , Confeiller
, Medecin ordinaire du Roy , Profeffeur en
Anatomie & Chirurgie au Jardin Royal des
Plantes , & de l'Académie Royale des Sciences ,
mourut âgé de 82. ans , extrémement regretté.
Le même jour , Louis- Charles , Marquis de
la Châtre , Lieutenant General des Armées du
Roy , & Gouverneur du Fort de Pequay , mourut
à Paris âgé de 69. ans. Il y a quelques an
nées que le Roy avoit accordé au Comte de
Nançai, Mestre de Camp du Regiment de Bearn,
9
$1
2114 MERCURE DE FRANCE
le Gouvernement du Fort de Pequay , en furvi .
vance du Marquis de la Châtre , fon pere .
Le 18. Septembre , Dame Louife de Meures ,
veuve de Jean de Vivans , Marquis de Noaillac ,
Seigneur de Pufches , Montluc , & c. Lieutenant
General des Armées du Roy , mourut dans une
des Terres du Marquis de Jaucourt fon gendre ,
dans le Nivernois , âgée de 51 , ans d'une efquinancie
, après cinq jours de maladie : c'étoit
une Dame très- vertueufe & très-charitable. Elle
laiffe une fille unique qui eft Madame la Marquife
de Jaucourt , heritiere de tous les biens ,
ainfi que de fes vertus.
>
Cefar Alexandre , Comte de Gouffier , veuf
de Marguerite Henriette de Gouffier , époufa le
7. Septembre D. Marie Charlotte de Gouffier
veuve de Charles Madeleine Colbert , Cornette
des Chevaux -Legers de la Garde du Roi .
Anne Leon de Montmorency , fils de Leon de
Montmorency , & de D. Marie Madeleine de
Ponflemotte de l'Etoile de Montbrifeuil , époufa
le 11. D. Anne Marie Barbe - de- ville , fille de feu
Armand , Baron de ville &c . & de D. Anne Barbe
de Courcelles .
Gafpard de Fortia , Marquis de Montreal
Meftre de Camp de Cavalerie , Chevalier de Saint
Louis , veuf de D. Anne Marie de Vaugué, époufa
le 14. Marie- Anne de Fortia , fille de Charles-
Jofeph de Fortia , Confeiller d'Etat , & de feu D:
Marie Madeleine Thomas.
Jofeph d'Apchier , Comte de la Baume &c.
Grand Sénéchal de Provence , fils de feu Philip
pes d'Apchier ; Comte de la Baume &c. & de D,
Gabrielle de Genitoux de la Tourelle , époufa le
23. D. Anne Marguerite Guénet de Franqueville,
fille de feu Touffaint , Marquis de Franqueville ,
&c. & de D, Madeleine d'Anviré de Machon
ville.
}
TABLE
Leces Fugitives. Portrait de l'homme 1903
IVe Lettre fur le Bureau Typografique, 1912
Ode prefentée aux Jeux Floraux 1935
1940
Lettre & Ode fur la Naiffance de M. le Dau
phin
Réplique fur laMéthode d'Acompagnement , 1945
Madrigal 1951
Dernier Mémoire fur l'Hift. du Comté d'Eu , 1952
Stances tirées des Vers de Seneque
Eloge du Pere du Cerceau
Le Renard & l'Afne , Fable
Lettre fur l'Eloge des Hommes Illuftres
Bouquet d'un Buveur ,
1961
1962
1667
1969
1972
Jugement des Anglois fur la Mathématique univerfelle
du P. C.
Madrigal
Enigmes & Logogryphes
1973
1988
Idem
NOUVELLES LITTERAIRES , &C. Abregé de
l'Hiftoire d'Angleterre 1990
-Effais hebdomadaires fur plufieurs fujets , 1994
Les quatre Facardins & c .
Panegyrique de S. Louis , Extrait
1998
2006
2010
Dictionnaire Univerfel du Commerce &c 2012
Cuvres de S. Bafile & c.
Nouveau Concert de fimphonie & c . 2014
Monftre marin , Lettre de la Hogue , & figure
Morts de quelques Sçavans
Chanfon notée & c.
2015
2018
2019
Ibid Spectacles
Le Bouquet du Roi , Piece en Vaudeville , Extrait
2022
La Foire des Poëtes , l'Ifle du Divorce & la Sylphide
&c . Extraits
Vaudeville
2032
2052
Nouvelles Etrangeres , de Turquie & Perfe , de
Ruffic , de Pologne
2054
D'Allemagne, Suite du Camp de Mulhberg, 205
D'Italie
Lettre écrite au Grand Duc
2068
207I
Réponse du Grand Duc , & Lettre de S. A. R. au
Pape
D'Efpagne , Angleterre & Hollande
Morts , Naiflances & c,
2072
2074
2076
France , Nouvelles de la Cour , de Paris 2077
Ode fur la Naiffance du Duc d'Anjou
-2083
Lettre du Roi à l'Archevêque de Paris
Mandement
2095
2094
Autre Mandement , 2096
2097
2100
2117
2120
2123
Ode fur la Naiffance du Duc d'Anjou ,
Illuminations de l'Hôtel de Ville , & c .
Chanfon fur la Naiffance ,
Réjouiffances à Châlons , à Rennes ,
Morts , Naiffances & Mariages , &c.
PA
Errata d'Août.
Age 1719. au fixiéme Vers feratus incidere ,
life fe ratus infidere. P. 1870. I. 12. du Roi,
ôtez ces mots . P. 1871. l . 14. en l . eft. Ibid. 1. 16.
jamais , ajoutez vû. P. 1877. 1. 17. pour l on,
P. 1878. 1. 7. Pampliani /. Pompiliani.
Fautes à corriger dans ce Livre.
Age 1904. ligne 14. de lifez dans.
P. 1910. 1. 23. qu'il lui 7. qui leur,
P. 1911. 1. 14. eſt l. ce
P
P. 1929 1.6. Lalatís l, Latins.
P. 1932. 1. 14. tode l. métode.
P. 1942. 1. 15. & mes l. & de mes.
Ibid. 1. 16 qu'un l. qu'une.
P. 1717.1. 19. cela qui . c'est ce qui.
P. 1993. 1. 6. Abbadic 1. Abbadie,
P. 2004. 1. 22. Prédeftinatiens l. Prédeſtinations,
P. 2052. 1. 7. nous l . vous.
P. 2066. 1. 15. la joye generale , l. la joye fut.
L'Air notédoit regarder la page #2019
MERCURE
7
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU
ROT.
OCTOBRE. 1730 .
QUE
COLL
COLLIGIT
STARCIT
Chez
A PARIS ,
GUILLAUME CAVE LIEK , rue
S. Jacques , au Lys d'Or.
LA VEUVE PISSOT, Quay de Conty,
à la defcente du Pont- Neuf , au coin
de la rue de Nevers , à la Croix d'Or.
JEAN DE NULLY , au lalais,
à l'Ecu de France & à la Palme.
M. D C C. X X X.
Avec Approbation & Privilege du Roy.
XXX :XXXXXXX : XXXXX
AVIS.
L'ADRESSE
'ADRESSE generale eft à

Commis an
Mercure vis - à - vis la Comedie Frangoife
, à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets cachetez
aux Libraires qui vendent le Merure,
à Paris , peuvent fe fervir de cette voye
pour lesfaire tenir.
On prie très -inftamment , quand on adreffe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toûjours pratiqué , afin d'épargner , à nous
Le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non -feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardė
de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , on les Particuliers qui ſouhaiteront
avoir le Mercure de France de la
premiere
main, & plus pron ptement , n'auront
qu'à donner leurs adreffes à M. Moreau ,
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps , & de les faire porter fur
T'heure à la Pofte , ou aux Meffageries qu'on
lui indiquera.
PRIX XXX. SOAS.
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT.
OCTOBRE . 1730 .
XXXXXXXXXXXXXXXXX*****
PIECES
A
FUGITIVES ,
en Vers & en Profe.
AURO Y ,
SONNET.
Son Char autrefois , enchaînant la
Victoire ,
LOUIS , la foudre en main , a fcu
fes hauts faits , par
Forcer fes Ennemis à recevoir la paix ;
Triomphe qu'à jamais confacre la mémoire.
Louis XIV.
A ij Jeune
2116 MERCURE DE FRANCE
Jeune & fage héritier de fon Nom , de fa
gloire ,
Prince , fur qui le Ciel épuifa fes bienfaits ,
L'Europe entiere acorde à tes voeux fatisfaits
Un triomple plus doux , plus difficile à croire.
Digne arbitre des droits des plus grands Potentats
?
Grand Roy , pour rendre enfin le calme à leurs
Etats ,
Ce n'eft plus que fur toi que leur eſpoir fe fonde
La Difcorde aux abois fous tes coups va périr .
'Achéve , heureux LOUIS , donne la paix au
Monde ,
L'effort en eft plus grand que de le conquérir.
Par M. l'Abbé LE BLAN C.
L'AMOUR DEGUISE'.
O DE ANACREONTIQUE,
J
E rencontrai l'autre jour
Cupidon , ce petit traître ;
D'abord pour le Dieu d'Amour
J'eus peine à le reconoître.
Il n'avoit Arc , ni Carquois ,
Ni Traits pour lancer aux Belles ;
Er
OCTOBRE. 1730. 2117
Et pour la premiere fois
S'étoit fait couper les aîles.
Ses yeux étoient fans bandeau ;
La tête de fleurs ornée ,
Il n'avoit que le flambeau
Qui fert au Dieu d'Hyménée;
Amour ainfi déguiſé
Avoit tout l'air de fon Frere :
Le Fourbe ! qu'il eft ruſé !
Il ne fait rien fans miſtere.
Belles , il veut vous tromper;
Telle a toujours été ſage ,
Qui fe laiffe enfin dupper
Par l'efpoir du mariage.
Par le mêmer
CINQUIE'ME LETRE sur l'usage des
Caries pour l'essai du rudiment pratique
de la langue latine , &c.
J'
'Aprens avec bien du plaisir,Monsieur,
que vous ètes à present un peu au fait
du bureau tipografique . L'auteur donera
encore bien des reflexions et des instruc-
A iij
tions
2118 MERCURE DE FRANCE
tions préliminaires sur la suite de l'atirail
literaire d'un enfant ; et le livre sur les
cinquante leçons des trois A , B , C latins
achevera de mètre cette métode dans
un plus grand jour : en atendant ce petit
ouvrage, voici quelques reflexions sur l'usage
des cartes , pour le rudiment pratique
de la langue latine. C'est l'auteur qui
parle.
La métode que j'ai donée pour montrer
les premiers élémens des lètres à un enfant
de 2 à 3 ans , peut également servir pour
lui enseigner ensuite les rudimens pratiques
de la langue latine ou de quelque
autre langue. Il faut toujours continuer
l'usage inftructif des cartes , et varier ce
jeu de tant de manieres , que l'enfant puisse
aprendre beaucoup en ne croyant que se
divertir. Ceus qui feront l'essai de ce jeu.
literaire en conoitront bientot l'utilité.
On a de la peine à s'écarter des vieilles
routes , et à s'éloigner des ancienes méto
des . On montre come l'on a été enseigné
soi-même , et l'on croit ordinaire-,
ment avoir été bien enseigné. Un sofisme
trivial d'autorité et d'imitation tient lieu
de raison : on suit aveuglément la pratique
des autres , au lieu de prendre de
tems en tems des voies diferentes. Que
risqueroit on dans cet essaì ? De perdre
tout au plus quelques anées : on auroit
cela
OCTOBRE . 1730. 2119
cela de comun avec la plupart des écoliers
enseignés selon les métodes vulgat→
res . Mais bien loin de perdre son tems
sans avoir apris ni les choses , ni la maniere
de les étudier , on sera étoné de voir
la rapidité des progrès d'un enfant exercé
suivant la métode du bureau tipografique.
On trouve bien des écoliers qui aïant
étudié des dis et douse ans sous d'habiles
maîtres , travaillé jour et nuit pour
ètre des premiers de leur classe , reçu
bien des pris et des aplaudissemens ; ne
laissent pas néanmoins ensuite de s'apercevoir
de leur ignorance et qu'ils ont mal
employé le tems pendant le long cours de
leurs classes. On doit conciure , par respect
pour les regens , qu'abusés par les métodes
ordinaires , l'abus passoit ensuite sur
leurs écoliers ; le tout de bone foi de la
part des uns , et selon le préjugé de la
part des autres. On se passione ordinairement
contre toutes les nouveles métodes ;
on les condane par provision et sans aucun
examen. Est - ce injustice , est- ce ignorance
; c'est peut-ètre quelquefois l'un et
l'autre ensemble.
Pour faire usage des cartes , on doit les
numeroter
, chifrer ou coter ,
chifrer ou coter , come étant
les feuillets
du livre de l'enfant : ce chifre
sert à ranger les cartes selon le jeu de la
A iiij
suite
2120 MERCURE DE FRANCE
suite grammaticale de l'article , des déclinaisons
, des noms , et des pronoms , et
de la conjugaison du verbe substantif
Sum ( je suis ), et des autres verbes qu'on
trouvera dans l'essal du rudiment pratique.
L'enfant aprendra donc à ranger sur
quelque table les déclinaisons et les conjugaisons
, mais il est mieus qu'il aprene
à les ranger sur le bureau tipografique.
On poura batre et mèler de tems en tems
ces petits jeus de cartes , afin que l'enfant
s'exerce à les remetre lui - mème dans
leur ordre ; ce qu'il fera aisément par le
moyen des chifres dont elles sont marquées.
Il faut qu'il lise ou recite ces cartes
à mesure qu'il les rangera ; et l'on aura
soin de lui doner en abregé les termes de
singulier, pluriel , nominat. gen. dat. ac.
voc. ablat. par les seules letres initiales :
S. P. N. G. D. A.V. Ab . metant sur une
carte en sis colones , les nombres , les cas ,
le mot latin , & c. en sorte que tout parolsse
distingué par les colones , les couleurs
, ou la diference des caracteres
Nom . Lun-a la Lune.
Gen. Lun- a de la Lune.
Dat. Lund à la Lune,&c.
Un enfant peut ensuite décliner les
cinq paradigmes des déclinaisons ou les
seules
OCTOBRE . 1730. 2121
seules terminaisons latines , tantot avec
françois , tantot sans françois , pour va
rier le jeu et se rendre plus fort sur cet
exercice ; il pratiquera la mème chose
pour le jeu des pronoms et des nombres.
Il faudra aussi imprimer ou écrire en
abregé sur des cartes les termes des tems,
des modes , des gerondifs , des supins , et
des participes ; les terminaisons actives et
passives des verbes latins et des verbes
françois , de mème que l'on a doné les
terminaisons des noms et des pronoms ;
ce qui joint à la totalité des combinai
sons des lètres , des sons , des chifres , et
des signes dont on se sert pour la ponctuation
, l'accentuation et la quantité ,
done l'abondance necessaire pour la casse
de l'imprimerie ; ainsi qu'onpoura le voir
dans la planche gravée exprès , et dans
l'article de la garniture du bureau .
>
Pour varier les jeus de cartes on poura
doner celui des déclinaisons avec les
scules terminaisons des cas , le mot latin
et le mot françois étant mis seulement
une fois come un titre , au haut de la
carte, partagée en deus colones , une moitié
pour le sing. et l'autre pour le plur.avec
l'article ou sans l'article pour les noms et
pour les pronoms. Exemple ,
A v Rofa
2122 MERCURE DE FRANCE
Rofa
Sing.
N ...
·
• a
la rose.
Plur.
arum
G.
D.
·
A.
V
&
am as ....
a
â is Ab ...
On fera la mème chose pour les tems
de l'Indicatif et du Subjonctif des verbes
, ne metant le françois qu'à la premiere
persone.
IND .
Pref.
SUB J.
S. S.
Amo , j'aime
Amem , que j'aime,
as
es
et at
P.
amus
atis
ant
P.
emus
etis
ent
Ces jeus de cartes doivent aussi ètre numerotés,
afin que l'enfant puisse les ranger
en une seule colone , les voir d'un coup
d'euil et les lire ou les reciter facilement
de suite , à mesure qu'il les rangera sur la
table du bureau , ou qu'il les parcoûra les
tenant dans sa main. Quand l'enfant saura
bien
OCTOBRE. 1730 , 2123
bien les terminaisons des noms et des
verbes , il déclinera et conjuguera tous
les mots qu'on lui donera. On ne sauroit
trop insister sur cet article , et l'on
poura pour lors se servir utilement des
tables analitiques et à crochets , faites
pour faciliter l'usage des declinaisons et
des conjugaisons , et pour orner le cabinet
d'un enfant .
Lorsqu'on voudra interoger l'écolier
sur les déclinaisons et sur les conjugaisons
, il ne faut pas suivre la métode
peu judicieuse de ces maitres qui demandent
trop tot , par exemple : Coment fait
Musa à l'acusatif plur? Quel est le genit.
plur. de Dominus ? Quelle est la troisiéme
persone du futur indicatif du verbe Amo ?
coment dit-on en latin , ils auroient aimé ?
&c. Ceux-là ne raisonent pas mieus , qui
demandent aus enfans : Combien y a -t - il
de sortes de noms ,
pronoms , de verbes ,
&c. Combien y a-t- il de terminaisons à la
troisiéme déclinaison , &c. Il est visible
que ces questions sont inutiles et hors la
portée d'un petit enfant . D'ailleurs c'est
une erreur de s'imaginer que parce qu'un
enfant aura apris par coeur et de suite un
rudiment latin françois pour la version
, il doiveensuite répondre sur le
champ à des questions détachées ; ou , ce
qui est encore plus dificile , à des quesde
A vj
tions
2124 MERCURE DE FRANCE
tions qui regardent la composition ; il
faudroit pour cet éfet qu'il ût vu et étudié
un rudiment françois- latin , et encore
seroit - il embarassé pour répondre
sur des questions détachées ou de purc
téorie: il est surprenant de voir que l'expérience
n'alt pas désabusé la plupart des
måltres.
Pour examiner un enfant et l'interoger
à propos , il faut lui faciliter la rêponse
, autrement cela le dégoute et le
dépite. On preche trop tot aus enfans la
doctrine de téorie ; on insiste mème trop
là dessus , il sufit de la debiter dansa
pratique et d'en faire sentir pour lors l'usage
et l'aplication ; l'experience demontre
la verité de cete remarque. On peut
aisément embarasser non seulement un
enfant , mais un savant , s'il est permis
d'interoger à sa fantaisie. Ce que je dis à
l'égard des noms , des pronoms , et des
verbes , n'est pas moins vraì à l'égard des
genres , des déclinaisons , des conjugalsons
, de la sintaxe , de toute la grammaire
, et mème de toutes les siénces : savoir
une regle par coeur , la chose est aisée ;
en faire l'aplication , c'est l'éfort de l'esprit
humain. Bien des savans latinistes
seroient peut être embarassés sur le champ,
si on leur demandoit , par exemple :
Quelle est la treisième lètre de l'A , B , C ;
pourquoi
OCTOBRE. 1730. 2125
pourquoi les anciens ont mis le B après l'A
dans l'ordre des lètres pourquoi les mots
dies , facies , &c. ont été apelés de la cinquième
declinaison ; pourquoi l'on a choisi
pour l'exemple de la premiere conjugaison ,
le verbe amo ( j'aime ) , plutôt que canto
(je chante) où le pronom je est sans élision;
ce que fignifient les mots gerondifs, supins .
&c. on doit donc menager un peu plus
les enfans.
Dès que l'enfant a décliné et conjugué
avec des cartes , selon le jeu du rudiment
pratique , il lui sera aisé de composer
sur la table du bureau les tèmes
qu'on lui donera mot à mot sur des cartes
, selon la métode des textes interlinaires
, le françois en noir , et le latin en
rouge , en caractere italique , et encore
mieus , en caractere de bèle écriture pour
instruire et disposer utilement l'imagination
de l'enfant , en atendant qu'il
aprene à former sur le papie. les caracteres
avec lesquels il se sera familiarisé
sur la table de son bureau . C'est pour
lors que l'enfant comencera à se servir
des terminaisons des noms , des pronoms,
et des verbes , en atendant le dictionaire
fait aussi en colombier , dans les
celules duquel on metra les mots écrits.
sur autant de cartes seulement quand
l'enfant en aura besoin ; c'est - à - dire D.
qu'il
2126 MERCURE DE FRANCE
qu'il verra croitre et augmenter son dictionaire
à mesure qu'il croitra lui- mème
en age et en sience , et à mesure qu'il
aprendra sa propre langue.
>
Quoique l'enfant ait le latin de son
tème sur une carte , il ne laisse pas de
faire un exercice qui aproche de la veritable
composition ; car s'il a , par exemple
, dans son tème oramus deum , il
trouvera le mot oro dans la logete des
verbes de la colone O , et le mot deus
à la logete des noms apellatifs de la colone
D; mais il sera obligé de chercher
et de prendre amus dans la logète des
tems où des terminaisons des verbes , etc.
ce que l'on vèra d'une manière sensible
au bas de la planche que j'ai fait graver
exprès. Les cartes des logetes étant étiquetées
, l'enfant aprend d'abord par pratique
et par sentiment le jeu des déclinaisons
, des conjugaisons , et des parties d'oraison
, et se met par là en état de passer
bientot à l'explication d'un texte aisé ,
ou de ses propres tèmes , dont le françois
et le latin sont copiés mot à mot
P'un sous l'autre , et ensuite recopiés sans
aucun françois sous le latin.
L'on peut prendre pour texte des tèmes
, l'abregé historique de la bible , l'abregé
du petit catechisme historique et
de la doctrine cretiène , en latin et en
françois
OCTOBRE . 1730. 2127
françois , l'apendix de la fable du pere
de Jouvenci , l'extrait du Pantheum du
P. Pomey . On poura aussi prendre des
tèmes dans le rudiment pratique sur les
parties d'oraison , en choisissant toujours
les mots du plus grand usage. Les Au
teurs expliqués et construits selon la métode
de M. du Marsais seront d'un grand
secours au comancement pour la lecture
pour l'explication , et pour la composition
dans les deus langues.
termes , pour
D
En suivant la métode du bureau tipografique
, un enfant se voit bientot en
état d'expliquer le latin du nouveau testament
et de l'imitation de Jesus - Christ ;
ce latin sufit pour doner l'abondance des
former l'oreille aus terminaisons
des noms , des pronoms ,, des verbes
, etc. sans que l'on doive craindre
l'impression de la mauvaise latinité sur
l'oreille d'un enfant qui n'est ocupé qu'à
retenir des mots et nulement à charger
sa mémoire d'un stile ou d'un genie auquel
il n'est pas encore sensible ; car je
parle d'un enfant de quatre à cinq ans ,
et quand il en auroit davantage , le nouveau
testament et l'imitation de Jesus-
Christ ne sont pas indignes de ce petit
sacrifice , malgré la fausse délicatesse de
certains, latinistes qui en fesant parade de
leur esprit , manquent souvent de jugement.
On
2128 MERCURE DE FRANCE
On trouvera dans peu l'enfant assés
fort pour lui faire entreprendre la lecture
et la version des fables de Phèdre
dont le texte est numeroté pour la construction
des parties d'oraison ; ou bien
pour lui faire expliquer les textes interlineaires
et construits selon le métode de
M. du Marsais ; l'experience de cet exercice
sur un enfant de cinq à sis ans qui
voyoit Phèdre pour la segonde fois , m'oblige
d'en conseiller l'essai et la pratique
aus maitres non prévenus. Quand je dis
néanmoins que cète métode est simple et
aisée , cela doit s'entendre des principes
dont elle fait usage : la composition et la
multiplicité des outils literaires divertit
et instruit l'enfant ; la peine ne regarde
le maitre et l'ouvrier de tout l'atirail
que l'on done à l'écolier : il n'y est lui
que pour le plaisir varié et instructif de
passer agréablement d'un objet à un autre
en changeant de cartes , de jeu , et de sujet;
ce qui est d'un mérite conu du seuł
artisan et des seuls témoins capables de
juger de l'ouvrage et des progrès . Un
livre alarme un enfant , au lieu que par le
jeu des cartes il ne voit que les pages des
leçons courantes , il forme son livre luimème
, ce qui augmente sa curiosité
bien loin de le dégoûter.
que
Beaucoup de maitres blament cependant
OCTOBRE . 1730. 2129

dant l'usage des textes interlinéaires ou
des textes construits et numerotés , et
pretendent que l'esprit des enfans aïant
moins à faire , cela les retarde de beaucoup
: les persones rigides qui veulent
laisser toutes les dificultés aus enfans,bien
loin de leur en épargner ou diminuer
quelqu'une , ne craignent èles pas de les
trop fatiguer, et de les rebuter ? le fruit des
colèges et du grand nombre en
peut décider
; il est plus aisé de blamer l'usage
de certaines métodes , que d'en inventer
de meilleures . On peut voir là dessus ce
qu'en a écrit M. du Marsais dans l'exposition
de sa métode raifonée , et faire en
mème tems réflexion que les métodes interlineaires
ont toujours été utilement
pratiquées , non seulement pour des en-
Fans , mais pour des homes , quand on a
voulu abreger la peine à ceux qui étudient
quelque langue morte ou vivante .
Nous avons l'ancien testament avec l'interpretation
en latin mot à mot sous l'ebreu
; nous avons de mème le nouveau
testament grec & latin , une langue sous
l'autre mot à mot : j'ai vu une gramatre
imprimée à Lisbone en 1535 dans laquèle
le latin et le portugais , et ensuite l'espagnol
et le portugais , sont une langue
sous l'autre. On a autrefois imprimé à
Strasbourg le parlement nouveau ou centurie
2130 MERCURE DE FRANCE
rie interlinéaire de DANIEL MARTIN LINGUISTE
, dans lequel livre on trouve l'aleman
pur dans une colone et le pur
françois dans l'autre , avec le mot aleman
sous chaque mot françois , et c'est peut
ètre ainsi qu'on devroit le pratiquer ou
l'essayer quelquefois pour la langue latine
, en métant le mot françols du dictionaire
sous chaque mot du pur texte
latin , ce qui au comancement épargneroit
à l'enfant le tems qu'il perd à chercher
les mots dans un dictionaire : exem
ple :
Numquam est fidelis cum potente focietas.
Jamais ètre fidele avec puissant societé.
Si des Téologiens ont cru tirer quel
que utilité de la glose ordinaire de la
bible de Nicolas de Lira , et de l'interprétation
interlinéaire d'Arias Montanus,
pourquoi les enfans doivent ils ètre privés
des livres classiques à glose interlinéaire
s'il est permis de condaner un
usage parcequ'il ne produit pas toujours
le bon éfet dont on s'étoit flaté , il y en
aura bien peu à l'abri de cète critique :
les écoles publiques ne produisent pas
des éfets proportionés au cours des anées
d'étude. S'agit il de nouvele métode , on
deOCTOBRE.
1730. 2131
demande à voir des exemples dans une
pratique continuée : nous en voyons tous
les jours de ces exemples dans les écoles
et dans les coleges ; le grand nombre des
écoliers. ne profite pas ; on auroit tort
cependant d'en conclure l'inferiorité des
éducations publiques ou la superiorité
des éducations particulieres. Il faut com
parer, raisoner, et examiner avant que de
prononcer pour ou contre une métode
qui regarde le coeur et l'esprit.
On poura voir les ouvrages de M. du
Marsals sur les articles 52 & 53 des mémoires
de Trévoux du mois de mai 1723
au sujet de l'interprétation interliné re
page 35. Nous avons aussi , dit ce filosofe
gramairien , quelques interprétations inter
linéaires du latin avec le françois , entr'autres
cèle de M. Waflard , fous le titre de
Premiers fondemens de biblioteque royale
à Paris chés Boulanger , dans les premieres
anées de la minorité de LourS
XIV. mais ces traductions sont fort mal exe•
cutées dans un petit in 12 ° , où les mots sont
fort prèssés , et où le françois qui n'eft qưéquivalant
ne fe trouve jamais juste sous le
latin. Il en est de mème de la version interlinéaire
des fables de Fédre , imprimée en
1654 , chés Benard , libraire du colege des
RR. P P. Jesuites &c.

C'est aux maitres au reste à voir
quand
2132 MERCURE DE FRANCE
quand il faudra oter à un enfant les gloses
interlinéaires : le plu-tot ne sera que
le mieus , si l'écolier peut s'en passer. La
pratique et l'experience guideront plus
surement que les vains raisonemens sur
cet exercice. Lorsque l'enfant faura expliquer
un texte construit ou numeroté
pour la construction , il faut quelques
jours après lui redoner le mème texte
qui ne soit ni construit ni numeroté : c'est
le moyen de juger des progrès de l'enfint,
et de l'utilité des textes interlinéaires ,
ou de la glose proposée et pratiquée pour
les premiers livres classiques que l'on fait
voir à un enfant ; la glose paroit plus necessaire
dans une classe de cent écoliers
pour un seul regent que dans une chambre
où l'enfant a un maitre pour lui seul .
C'est pourtant le regent à la tète de cent
écoliers qui afecte de mépriser le secours
de la glose interlinéaire , pendant qu'un
precepteur s'en acomode chargé d'un
seul enfant ; est - ce sience ou vanité dans
l'un , et paresse ou ignorance dans l'autre ?
La repugnance et le dégout que font
paroitre la plupart des enfans dans l'étude
du latin , du grec, et des langues mor
tes , prouvent en même tems qu'il y a
dans cet exercice literaire ou dans les métodes
vulgaires quelque chose d'étrange
et de contraire au naturel des enfans ; la
graOCTOBRE
. 1730. 2133
gramaire des écoles et leur maniere d'enseigner
la langue latine ont quelque chose
de rebutant et de peu convenable à
l'age et à la portée des enfans ; les rudimens
vulgaires sont ordinairement trop
abstraits ; il faut du sensible , et c'est ce
qu'on pouroit faire dans un rudiment
pratique j'en done l'essai en atendant
qu'un gramairien filosofe et métodiste
veuille bien y travailler lui mème , pendant
que d'autres latinistes s'amuseront
à augmenter le nombre des pieces d'éloquence
qui expirent en naissant , come
celes de téatre qu'on ne represente qu'une
fois.
n'en
On reprend mile et mile fois un enfant
sur la mème regle avant que de le
metre en état de ne plus faire le mème
solecisme : d'où vient cela ? est - ce faute
de mémoire ? les enfans , dit on ,
manquent pas ; ils aprènent facilement
par coeur des centaines de vers et de régles
; il faut donc conclure qu'aprendre
par coeur une régle , ou la metre en pratique
, sont deus choses très diferentes ;
l'une ne dépend que de la mémoire , et
l'autre dépend de l'aplication et de la sagacité
d'un home fait : je l'ai dit bien des
fois ; on peut savoir les régles d'aritmé
tique , d'algebre , 'de géometrie , de logique
etc. et ètre très ignorant dans la pratique
2134 MERCURE DE FRANCE
tique de ces mèmes régles : pourquoi
donc demander tant de sience pratique
dans un enfant qui n'a encore perdu que
sis mois ou un an à aprendre par coeur
quelques régles de gramaìre latine ? n'est
ce pas ignorance ou injustice d'atendre
et d'exiger d'un enfant l'éfort de genie
dont nous somes souvent incapables nous
mèmes.
A l'exemple des prédicateurs , je redis
souvent les mèmes choses , et je risque
come eus de ne persuader que peu de
persones. J'ignore le sort et le succès de
cet ouvrage ,
il me sufit le
pour present
de voir que mon déssein est louable et
utile , et de souhaiter , si cela est vrai ,
que le public en pense de mème. Il semble
que peu à peu je m'éloigne de mon sujet ,
quoique je ne perde jamais de vue la meilleure
route à suivre pour avancer les enfans
dans les exercices literaires . Je reviens
donc aus jeus de cartes : on peut
en doner pour les déclinaisons des noms
grecs , come pour cèles des noms latins ;
on peut doner sur des cartes la liste des
mots latins que l'enfant sait , et y metre
le grec au lieu du françois. Dans la suite
on poura y metre le mot ebreu il ne
s'agit d'abord que de lire ; mais à force
de lecture , l'enfant aprend les termes en
l'une & en l'autre langue , come il aprend
sa
OCTOBRE. 1730. 213.5
sa langue maternele à force d'actes réiterés
, et c'est à quoi les maîtres ne font
pas assés d'atention . On poura aussi metre
sur la longueur des cartes , et en trois
colones , le positif , le comparatif, et le
superlatif de quelques adjectifs réguliers,
et ensuite des réguliers de plusieurs
langues , et toujours simplement pour li
re et pour composer sur le bureau tipografique
, afin que l'enfant comance de
bone heure à voir et à sentir un peu le
raport , le genie , et l'esprit diferent des
langues sur chaque partie d'oraison .
Quand on voudra tenir dans une mème
logete du dictionaire des mots latins , des
mots françois , des mots grecs , et des
mots ebreus on poura , come il a été
dit , séparer les especes diferentes avec de
doubles , de triples cartes , ou de petits
cartons afın l'enfant
que puisse tenir en
ordre et trouver plus facilement toutes les
cartes dont il aura besoin , ainsi qu'on l'a
pratiqué pour séparer les cartes des letres
noires et des letres rouges lorsqu'on a été
obligé de les tenir dans le même trou ,
et que l'on a voulu multiplier la casse de
l'imprimerie pour l'usage du françois
du latin , du grec , de l'ebreu , de l'arabe
etc.
>
>
Quoique l'enfant soit en état d'expliquer
un livre , et de faire la plume à la
main
2136 MERCURE
DE FRANCE
main , un petit tème de composition en
latin , il ne doit pas pour
cela renoncer
à l'exercice du bureau tipografique ; il
poura y travailler seul pendant l'absence
du maître , et suivre pour le grec et l'ebreu
la métode pratiquée pour le latin :
c'est le moyen le plus facile pour faire
entretenir la lecture et l'étude de ces
quatre langues, et pour s'assurerdel'ocupation
d'un enfant , bien loin de l'abandoner
à lui mème et à l'oisiveté trop tolerée
dans enfance ; cète oisiveté produit
la fainéantise et le dégout , pour ne
pas dire l'aversion invincible que
que font
roitre pour l'étude la plupart des enfans
livrés à des domestiques. Tel parle ensuite
de punir les enfans, qui est plus coupable
qu'eus , faute de s'y être pris de bone
heure et d'une maniere plus judicieuse.
Quand on veut redresser un arbre , ou
dresser un animal , on , on profite de leurs
premieres anées : pourquoi ne fait on pas
de mème à l'égard des enfans ? à quoi
veut on les ocuper depuis deus jusqu'à
sis & sèt ans ? c'est là le premier , le vrai,
et souvent l'unique tems qui promete ,
qui produise , et qui assure les succès et le
fruit de l'éducation tant desirée par les
parens.
pa-
Tout le monde convient assés que les
études de colege se réduiroie ntàpeu de
chose
OCTOBRE. 1730. 2137
:
chose si l'on n'avoit ensuite l'art ou la
maniere d'étudier seul avec le secours des
livres et la conversation des savans , il est
donc très important de doner de bone
heure à la jeunesse cet art d'étudier seul,
et enfin ce gout pour les livres et pour
les savans , gout que peu d'écoliers ont
au sortir des classes : ils n'aspirent la plupart
qu'à ètre delivrés de l'esclavage , et
à sortir de leur prétendue galère d'où
peut donc naitre une si grande aversion ?
ce ne sauroit ètre le fruit d'une noble
émulation : mais d'où vient d'un autre
coté que les études domestiques et particulieres
ne produisent pas , ce semble
dans les enfans le dégout que produisent
l'esprit et la métode des coleges ? bien des
enfans au sortir des classes vendent ou
donent leurs livres come des meubles inu-.
tiles et des objets odieus ; ceus qui étudient
dans la maison paternele raisonent
un peu plus sensément , et ne regardent
ordinairement come un martire leurs
exercices literaires ; ils conoissent un peu
plus le monde dans lequel ils vivents au
lieu les enfans des coleges regardent
que
souvent come un suplice d'ètre obligés
de vivre ensemble sequestrés loin du monde
; ils n'ont de bon tems selon eus que
celui du refectoir , de la recréation et de
l'eglise ; ils trouvent mauvais qu'on les
pas
B aille
2138 MERCURE DE FRANCE
aille voir pendant leur recréation ; ils
aiment mieus qu'on les demande pendant
qu'ils sont en classe , afin d'en abreger le
tems ; un enfant qui travaille au bureau
tipografique est animé de tout autre esprit
quèle est donc la cause de cète
grande diference ? la voici :
Si avant que d'envoyer un enfant aus
écoles et en classe , sous pretexte de jeunesse
, de vivacité et de santé , on lui a
laissé aprendre pendant bien des anées le
métier de fainéant , de vaurien et de petit
libertin , il n'est pas extraordinaire de
trouver qu'ensuite il ne veuille pas quiter
ses habitudes , ni changer ses amusemens
frivoles pour d'autres exercices plus
penibles ou moins agréables . On met souvent
et avec injustice sur le conte des coleges
la faute des parens qui n'envoient
leurs enfans en cinquième ou en quatrième
qu'à l'age de 13 à 14 ans , age où ils
se dégoutent facilement des études , et où
ils sentent la honte de se voir au milieu
de bien des écoliers plus petits , plus
jeunes et plus avancés qu'eus. Chacun sait
que quand on veut élever des animaus
ou redresser des plantes , il faut s'y prendre
de bone heure : ignore t'on que c'est
aussi la vraie et la seule manière de réussir
dans l'éducation des enfans le jeu du
bureau tipografique done cète manière
dans
?
OCTOBRE. 1730. 2139
› dans toute son étendue ; il amuse il
instruit les enfans , et les met en état de
faire plu-tot leur entrée honorable au pays
latin , et d'y gouter avec plus de fruit et
moins d'ennui les bones instructions des
habiles maîtres ; enfin le bureau est le
chemin qui conduit à la porte des écoles
publiques , et le bureau formera toujours
de bons sujets capables de faire honeur
aus parens , aus regens , aus coleges et à
l'état. Je n'entre point ici dans la question
indecise sur la préference des éducations
publiques ou particulieres ; on peut
lire là dessus les principaus auteurs qui en
ont parlé depuis Quintilien jusqu'à M.
Rollin et à M. l'abé de S. Pière. Mais
on ne sauroit disconvenir de la necessité
et de l'utilité des écoles publiques ; il
semble mème qu'en general les enfans
destinés à l'eglise ou à la robe devroient
tous passer par les coleges : à l'égard des
gens d'épée ou des enfans destinés à la
guère , il me semble que pour les bien
élever on pouroit s'y prendre d'une autre
manière , et en atendant l'établissement
de quelque colege politique et militaire
, la pratique du bureau me paroit
la meilleure à suivre ; elle abregera bien
du tems à la jeune noblesse , et lui permetra
l'étude de beaucoup de choses inutiles
à un prètre , à un avocat et à un me
Bij decia
2140 MERCURE DE FRANCE
decin , mais qu'il est honteus à un guerier
d'ignorer ; c'est pourquoi je me flate
que la métode du bureau tipografique
sera tot ou tard aprouvée non seulement
des gens du monde , mais encore des plus
savans professeurs de l'université , suposé
qu'ils veuillent bien prendre la peine
d'en aler voir l'usage et l'exercice dans
un de leurs fameus coleges . Si après cela ,
quelque persone desaprouve le ton de
confiance que l'amour du bien public et
de la verité me permet de prendre , j'avoûrai
ingénûment ma faute devant nos
maitres qui enseignant les letres font aussi
profession de cète mème verité ; et je
soumets dès à present avec une déference
respectueuse mes idées et mes raisonemens
à leur examen et à leur décision.
Pour revenir à la métode du bureau
je dis donc qu'èle est propre à doner du
gout pour l'étude , à metre bientot un
enfant en état de travailler seul avec les
livres , avantage si considerable qu'il n'en
faudroit pas d'autres pour lui doner la superiorité
sur toutes les métodes vulgaires.
On comence de bone heure à lui montrer
les letres , les sons , l'art d'épeler
de lire et de composer sur le bureau ; on
lit avec lui , on s'assure peu à peu de
l'intelligence de l'enfant , on l'instruit ,
on l'interoge à propos , on lui ' faît un
jeu
OCTOBRE . 1730. 214: 1
jeu et un vrai badinage de toutes les
questions , on lui enseigne la maniere de
fe fervir des livres françois , et sur tout
des tables des livres qui servent d'introduction
à l'histoire , à la géografie , à la
cronologie , au blason , et enfin aus siences
et aus arts dont il faut avoir quelque
conoissance , come des livres d'élemens
de principes , d'essais , de métodes , d'instituts
, afin de pouvoir passer ensuite aus
meilleurs traités des meilleurs auteurs
sur chaque matière , mais principalement
sur la profession qu'un enfant doit embrasser
, et à laquelle on le destine . Les
savans se fesant toujours un plaisir de
faire part de leurs lumières à ceus qui
les consultent , on ne doit jamais perdre
l'ocasion favorable de les voir et de les
entendre. Quand les parens au reste en
ont les moyens , ils ne doivent jamais
épargner ce qu'il en coute pour choisir
et se procurer les meilleurs maîtres , er
tous les secours possibles dans quelque
vile que l'on se trouve , cela influe dans
toute la vie qui doit être une étude continuèle
, si l'on veut s'aquiter de son devoir
, de quelque condition que l'on soit,
et quelque profession que l'on ait embrassée.
Je fuis etc.
B iij EPI

2142 MERCURE DE FRANCE
DE
EPITRE
A M. l'Evêque de Grenoble.
E tout encens ennemi declaré ,
Si le bon goût ne l'a pas préparé ;
Digne Prélat , à ce timide ouvrage
Je te verrois refuſer ton fuffrage ,
Si le devoir qui me force d'agir
De tes vertus t'alloit faire rougir .
Non la loüange au mérite affortie :
Doit , confultant toujours la modeftie ,
Malgré les loix de la fincerité ,
Sous quelques traits cacher la verité.
Pourquoi faut-il de ma Mufe naiffante
Calmer pour toi l'ardeur impatiente ,
Et taire ici les éloges fans art
Que du public t'offre la voix fans fard ?
Je te dirois que le foible pupille
Trouve à tes pieds un fecourable azile ,
Et que le pauvre a dans ta charité
Un fur -recours contre fa pauvreté ;
Que la fageffe elle -même te guide
Dans les fentiers de la vertu rigide ;
Je dépeindrois , par fes puiffans appas ,
Un peuple entier entraîné fur tes pas.
Pour
OCTOBRE. 1730. 2143
Pour la vertu vif, fans condefcendance ,
On te verroit , conduit par la prudence ,
L'orner de fleurs , dignes de nous charmer ,
Et par cet art nous forcer à l'aimer.
Ainfi jadis une augufte Déeffe
Sçut aux mortels faire aimer la fageffe .'
Aveugle , lâche , efclave de fon coeur ,
Des paffions coupable adorateur ,
L'homme afſoupi dans les bras des délices ,
Trifte jouet des crimes & des vices ,
Se repaiffoit du funeſte poiſon ,
Et de la Fraude & de la Trahifon.
Alors regnoient l'indigne Flaterie ,
L'Ambition , que fuivoient l'Induſtrie ,
La Politique , avec tous leurs refforts ,
Monftres vomis de l'empire des morts.
Au front craintif , la pâle défiance ,
Dictoit les loix de fa fourde fcience ;
La Haine enfin , compagne de ſes pas
Ne laiffoit plus que l'horreur ici bas.
A cet afpect le Maître du Tonnerre
Fut prêt vingt fois d'anéantir la terre ;
» Mais non , laiffons agir notre bonté ;
» Faiſons , dit - il , deſcendre l'Equité
» Chez les Mortels ; la Vertu toute nuë ,
L'Integrité , la Candeur ingenuë
» Vont ſe montrer par mon ordre à leurs yeux.
» Cheriffez-les ; j'en jure par les lieux
B iiij

2144 MERCURE DE FRANCE
» Où fous vos pas rencontrant mille abîmes
» Vous recevrez le prix de tous vos crimes ,
Humains pervers . . . mon pere ,
dit Pallas ,
» Permettez moi de revoir ces ingrats.
En vain , en vain la vertu les éclaire ;
Ses feuls appas ne pourront point leur plaire ;
>> Tous ces mortels & ftupides & lourds
» A ma voix même infenfibles & fourds ,
Trouveront- ils quelque agréable amorce
» Dans la Vertu qui leur paroît fans force ?
» L'Equité feule , au gré de fon flambeau ,
Efpere en 33 vain écarter le bandeau
» Dont l'injuſtice a couvert leur paupiere
» Pour les fouftraire aux traits de fa lumiere.
» Souffrez , grand Dieu , que je fois le témoin
De leurs travaux , & remettez le foin
>>Aux faints détours que m'apprend mon adreff
De rappeller en leur coeur la ſageſſe.
Pallas defcend , & fon char lumineux
Eft foutenu fur les aîles des Jeux ;
D'un doux fourire elle aſſemble les Graces ;
Dit aux Vertus de marcher fur leurs traces.
L'une déja fe couronne de fleurs ;
L'autre des Ris emprunte les douceurs ;
Les Plaifirs nés dans la voute azurée
Suivent auffi cette troupe épurée.
Pallas arrive , & des plus doux Concerts
Déja fa voix fait retentir les airs ;
OCTOBRE. 1730. 2145
Du Dieu du Pinde elle avoit pris la Lyre ;
De Jupiter commençant à décrire
Le grand pouvoir , les exploits , les vertus ,
Elle dépeint les Titans abbatus
Et l'innocence ici bas offenfée ,
De l'ambrofie au Ciel récompenfée ,
Et fous les loix du rigoureux Pluton
Elle décrit l'horreur du Phlégéton.
A ces accens & féduite & captive ,
La Terre prête une oreille attentive.
Pallas fe taît , tend les mains , & fes yeux
Chargés de pleurs fe tournent vers les Cieur
Suis- je , dit- elle , un monftre fi barbare ,
» Et de plaifirs me trouvez- vous avare è
» Voyez , Mortels , la troupe qui me ſuit ,
» Et banniffez l'erreur qui vous féduit.
" La Foi , la Paix , la Candeur , l'Innocence ,
» Filles du Ciel , dignes qu'on les encenſe ,
Que le menfonge & le vice trompeur 30
Vous déguifoient fous de noires couleurs :
» Sont-ce , Mortels , de triftes Eumenides ?
» Où font leurs feux leurs ferpens parricides ?
30 Ouvrez les yeux , & voyez ces plaifirs
» Prêts à combler vos innocens defirs ;
Ces fleurs , ces jeux & ces danfes legeres ,
Sont-ce des pleurs les tristes caracteres ?
L'efprit encor de craintes combattu
L'homme héfitoit à fuivre la vertu ,
B v
>
Quand
2146 MERCURE DE FRANCE
Quand fur le front de l'aimable Déeffe
Un calme heureux fait briller l'allegreffe,
Ainfi l'on voit une douce gayeté
Du Roi des Dieux voiler la Majefté ,
Quand d'un regard arrêtant les orages
Son bras vainqueur diffipe les nuages.
A cet afpect , quel changement heureux !
L'homme furpris le trouve vertueux ;
Il fuit l'éclat d'une vive lumiere ;
Offre à Pallas un hommage fincere ;
Elle l'embraffe , & lui tendant les bras ,
» Relevez-vous , dit - elle , & fur mes pas
» Soyez heureux ; que jamais les allarmes.
» De vos plaiſirs n'empoifonnent les charmes :
» Mais renverfez ces coupables Autels
» Dont les parfums bleffent les Immortels .
A Jupiter offrez vos facrifices ;
» Brulez l'encens , égorgez les Geniffes :
» Voilà l'honneur ; executez fes loix
» De l'innocence il maintiendra les droits ;
» Son bras armé fera fuir l'impoſture ;
» Et des foupçons , l'amitié tendre & pure
› Diſſipera les malignes vapeurs ;
ככ
» Avec la Paix , avec la Foi fes foeurs.
" La Défiance errante & confternée
Se reverra déformais condamnée
» A retourner dans le féjour affreux ,
Où l'Acheron roule fes flots fangeux,
OCTOBRE. 1730. 2147.
» Adieu ... Prélat , à ce portrait fidele
Tu vois Pallas , tu reconnois fon zele ;
Et fous ce trait de la Fable emprunté ,
Qui te connoît , voit une verité.
L'Abbé Bonnot.
XXXXXXX:X :X:XXXXXX
REPONSE du Pere Texte , Dominicain
, à la Lettre du R. P. du Sollier
de la Compagnie de JESUS , imprimée
dans les Mémoires de Trevoux , du mois
de Novembre 1729. page 2078. au ſujet
de la Vie du B. Barthelemi de Bregance
Evêque de Vicence , & Patriarche de
Hierufalem.
MON
,
ON TRES REVEREND PERE ;
Après avoir lû la vie du B. Barthelemi
de Bregance dans le premier Volume
de Juillet , page 280. des Acta Sanctorum
, que V. R. continue avec tant de
fuccès , je crus y pouvoir faire quelques
remarques. Premierement fur la Nobleffe
de fa Naiffance , qu'il a connuë
qu'il a méprisée , mais qu'il n'a jamais
fouhaité qu'on lui difputat, fur tout de la
maniere que V. K. le fait.
B vj Michel
و
2148 MERCURE DE FRANCE
Michel Pie , dites- vous , veut qu'il foit
noble Vicentin , de la Maifon de Bregance
ou Bragance, ainfi appellée du Château
de ce nom. Barbaranus , & après lui
Marchefius (encheriffant fur cette nobleffe)
font venir la Maifon de Bregance de je
ne fçai quel Adrien, à nefcio quo , Comte &
Seig. de ce Château. Je fuis furpris , continuez
- vous , qu'ils ne fe foient pas avifez
de remonter jufques à Antenor , fondateur
de la Ville de Pavie . Lifez , mon R.P. les
Chroniques de Vicence , dans le viii vol .
intitulé Rerum Italicarum Scriptores , &
vous y verrez les glorieux exploits des
Héros de cette Illuftre Maifon , Seigneurs
des Châteaux de Bregance & de Plovins ,
page 41.
Afin d'autorifer le fentiment de ces
Ecrivains , que vous défaprouvez , je me
fuis fervi du témoignage d'un ancien
manufcrit , qu'il m'a paru naturel d'attribuer
à Godus , fe trouvant imprimé.
la fin de fa Chronique , fans nom d'Auteur.
Vous avouez vous - même qu'il y eft,
en difant, ce texte n'eft pas de Godius , il eſt
ajouté à fa Chronique. Pour moi , mon
R.P. j'ai fujet de croire , par la place qu'il
occupe , qu'il en eft un fragment &
j'écris Godus , on dit Chronica Godi , &
*
د
Unfragment , puifque la Société Palatine a
jugé à propos de là lui dennor, & j'écris Godus.
non
OCTOBRE. 1730. 2149
non pas Godii. Ex quibus fuit Bartholomaus
, au lieu de in quibus fuit , comme
on le lit dans votre Lettre , pag. 2082 .
On ne fçait , ajoutez vous , de qui eft -
ce texte : De qui qu'il foit , il a des caracteres
de faux. V. R. aggréera que je me
ferve de fon expreffion , & que je dife ,
de qui qu'il foit , il n'a que des caracteres
de vrai. Elle en fera convaincue par la
réponſe à la Lettre que j'ai écrite à Milan
au retour de ma Miffion du Carême
comme à la fource où le manufcrit a été
imprimé , par les foins de la fçavante
Societé Palatine , une des plus celebres:
Academies de l'Europe , fondée , comme
vous fçavez , par M. le Comte Archinto
neveu du Cardinal Archevèque de Milan
2
de ce même nom. Ma Lettre eft écrite en
Latin , adreffée à M. Argelaty , Directeur
de cette illuftre Societé .
La voicy en partie , traduite du Latin -
en François , le refte eft compris dans la
réponse de M. Argelaty .
"
M. ayant à parler du B. Barthelemi ,
» Evèque de Vicence , en 1256. & cher-
» chant un témoignage de fa Nobleſſe ,
plus ancien que celui deMarzarius, qui
» dans l'hiftoire de cette Ville , liv. 1.pag.
» 127. le fait defcendre de l'illuftre Mai-
» fon de Bregance ; j'ai cru l'avoir heu-
>> reuſement trouvé , ce témoignage , dans
le
2150 MERCURE DE FRANCE
» le 8 vol. pag. 92. de votre riche Ou-
» vrage , qui a pour titre ; Rerum Itali-
" carum Scriptores , où on lit ce qui fuit :
» Voici les noms des Familles Nobles de
» notre Ville, déja éteintes, & dont à peine
>> refte-t-il le fouvenir. Les Comtes , & c.
» les Comtes de Bregance , defquels eft
» defcendu Barthelemi de Vicence , de
>> l'Ordre des Précheurs , Evêque de la
» même Ville.
"
Ha funt familia qua in Civitate noftra nobiles
, erant , & ita extindle funt , ut de eis
vix maneat memoria . Comites , & c. Comites
Bregantiarum , ex quibus fuit Epifcopus
Bartholomæus Vicentinus, de Ordine Pradicatorum.
>> Pour ce qui eft de l'extinction des
douze Familles dont l'Auteur parle
fans marquer l'année depuis laquelle il
» la compte , & de ce trifte oubli qui l'a
» fuivie , l'écriture & l'experience nous
>> perfuadent que tres- peu de tems fuflit
pour l'un & l'autre fort . Periit memoria
» eorum cum fonitus fur tout par rapport
>> aux fucceffeurs mâles , & dans une Ville
» auffi féconde en Nobleffe & auffi cele-
>> bre par fa grandeur qu'étoit alors celle
W
de Vicence , expofée à la tyrannie des
» Ezzelins , qui fe fuccederent & ra-
» vagerent la Lombardie jufques en 1259 .
» La Chronique de Smeregius , pag. 101 .
du
OCTOBRE . 1730 . 2151
C
» du 8 vol. cité , raporte ce qui fuit en
» particulier de la Famille de Bregance .
>> En 1259. un des fils de Rizzard Po-
» deftat , époufa D. Odolia de Bregance ,
» qui partageoit la fucceffion des Sei-
» gneurs de la Maifon de Bregance avec
» D. Deodofie , fille de Jacques de Bre-
» gance. Que fuccedebat hæreditati D.D. de
» Bregantiis , pro medietate , & D. Deodo-
» fia filia Jacobi de Bregantiis pro alia.
Ditiffima & Nobiliffima D. & c. J'efpere
que vous aurez la boncé de répondre à celui
qui eft avec un profond refpect , & c .
>>
>>>
Réponse de M. Argelaty , Directeur de la
Société Palatine de Milan , traduite
de Latin en François.
» M. R. vous fouhaitez que je vous
» réponde fur les trois chefs propofez
» dans votre Lettre , &c. Pour le faire
» avec plus d'exactitude , je les ai expo-
» fez au celebre M. Jofeph- Antoine Sa-
» xius, Préfet de la Bibliotheque Ambroifienne
, afin qu'ayant eu pour partage
,, l'examen des Manufcrits de l'hiftoire de
Vicence , qu'il a enrichis d'une fça-
» vante Préface , il fut mieux au fait de
les réfoudre. Il m'a donc fait comprendre
, 1º . que le veftige d'antiquité du
» manufcrit lui vient uniquement de l'autorité
"
>>
"
2152 MERCURE DE FRANCE.
»torité du fameux Vincent Pinelly , qui
» fleuriffoit vers la fin du 16 ° fiecle , &
» qui le fit tranfcrire d'un ancien Ma-
» nufcrit , gardé dans le Cabinet d'Her-
» cule Fortitia ; & comme Vincent Pinelly
» ce Docteur fi celebre & fi verfé dans
l'antiquité , ne s'attachoit qu'aux ma-
» nufcrits les mieux caracteriſez , il ne
» faut pas douter que celui - cy confervé
» dans le Cabinet d'Hercule Fortitiæ
» n'ait été jugé digne de foy par un ſi
» habile homme.
2º. Pour ce qui eft de l'occafion &
» du tems auquel il fut porté , avec plu-
» fieurs autres manufcrits , de Vicence à
la Bibliotheque Ambroifienne ; vous le
» pouvez voir clairement dans les Lettres
» écrites par le Sçavant M. Saxius , à
» M. Muratori, pour l'Edition de la Chro-
» nique de Dandulo , tom. 11. Rerum Ita-
» licarum , & c.
»
3. Remarquez bien que ce n'eft pas
» fur l'autorité d'Hercule Fortitia , maïs
» fur l'ancienneté du manufcrit qu'il
» avoit acquis , & dont la copie eft dans
» la Bibliotheque Ambroifienne, que vous
pouvez librement ASSURER , ET SANS
>> HESITER QUE LE B. BARTHELEMY , EVIQUE
DE VICENCE , ETOIT DE LA MAISON
» DES COMTES DE BREGANCE . Si dans la
»fuite je viens à découvrir quelque Memoire
OCTOBRE. 1730. 2153
» moire qui puiffe donner quelque luftre
» à votre Ouvrage , je me ferai un plaifir
» de vous le communiquer, afin de vous
» témoigner de plus en plus , & à tous les
gens de Lettres , combien je fuis , tuus
addictiffimus Philippus Argelatus , Me-
» diolani , die 18 Julii 1730 .
>>
On trouvera à la fin de cette Réponſe
une copie exacte de l'original Latin de la
Lettre de M Argelaty.
Vos fentimens , mon R. P. fur l'autorité
de ce manufcrit font bien differens.
La bonne critique vous apprendra de
plus , dites vous , que dans ce Catalogue
même , le paffage dont vous vous ap
puyez uniquement eft interpolé . Le nom.
de notre Bienheureux y eft inferé après
coup , & ce texte a encore d'autres caracteres
de faux : En voicy un ; on y lit : Qui
coronam fpineam donatus à Rege Francorum
portavit Vicentiam.Ce coronam fpineam,
eft là une fauffeté ou une falfification ; il
auroit falu dire : Spinam de corona . Encore
, continuez- vous , Barthelemi ne l'aporta-
t-il pas entiere cette Epine ' , fon
compagnon Afculanus la partagea avec
lui également. C'eft un texte corrompu
dans tout ce Catalogue les Familles feulement
font nommées ; on n'y nomme.
nulle part aucune perfonne en partieulier
, que dans l'endroit où Barthelemi eft
cité
2154 MERCURE DE FRANCE
cité , ce qui prouve que la citation eſt
faite exprès, pour lui & par interpolation .
Mon R. P. avant que de répondre directement
aux prétendus caracteres de
faux du manufcrit , vous agréerez que je
vous propofe ce dilemme : où tous ces
habiles connoiffeurs & exacts critiques
déja nommez, l'ont reconnu faux & interpolé
, ou non ? S'ils l'ont connu tel que
V. R. le dépeint , que ne l'ont- ils profcrit
? A quoy bon Hercule Fortitiæ l'at-
il acquis & confervé dans fon Cabinet
comme une piece rare dont il ne voulut
pas fe deffaifir ; & Pinelli , ce grand génie
fi verfé dans le choix des Originaux manufcrits
, honoré à Pavie , au raport de
Gualde , où il réfidoit depuis 1558. de la
vifite des Cardinaux Baronius & Bellarmin
, en devoit-il être jaloux jufques - là
que d'en demander une copie , ne pouvant
pas acquerir l'original ? L'Eminentif
fime Frederic Boromée , Cardinal en 1587.
& Archevêque de Milan en 1595. coufin
de Saint Charles , l'auroit- il acheté à prix
d'or ,& une groffe fomme , avec tant d'autres
manufcrits de la Bibliotheque de Pinelli
, échappez du naufrage & des mains
des Pirates, pour en enrichir fa Bibliotheque
Ambroisienne ?
Quidquid ditiffima Pinelly Bibliotheca , ac
præfertim manufcriptorum codicum ab incleOCTOBRE.
1730. 2155
mentis Pelagi & Piratarum injuriis fuperftes
fuit multo comparatum auro , & c. immortalis
fame Frederici Cardinalis Borromai , & c.
Préface du 12 vol . Rerum Italicarum , & c.
Enfin la fçavante Société Palatine de Milan
l'auroit - elle donné au public comme
un grand preſent ? Alterum inde beneficium
accipies lector, & c. VETUSTUM hoc exemplar
opere pretium fuit imprimere.
Que fi tant d'hommes de Lettres qui
ont vû en Italie ce texte , ne l'ont pas reconnu
tel que V.R.le dit ; quel jugement
en a- t- elle pû porter à Anvers , où elle n'a
vû ni le manufcrit du Cabinet d'Hercule,
ni la copie de Pinelly .A qui faut- il plutot
en croire ?
Venons aux prétendus caracteres de
faux. En voicy un , dites - dites- vous , on y lit :
Qui coronam fpineam donatus à Rege , & c.
il auroit fallu dire , fpinam de corona.
Bzovius , mon R.P.s'eft fervi des mêmes
termes dans l'Index ou Table du 1 3 vol.
des Annales Ecclefiaftiques, édition d'Anvers
1617. Ab eo , en parlant de ce Don
précieux de S. Loüis , Spinea Corona Dominica
donatur. Et afin que V.R.ne puiffe pas
dire que cet Auteur a cru parler de la Couronne
entiere , on lit, pag. 560. n ° .14 . Ab
eo pignus obtinuit Spinam ex Corona. Le témoignage
de Bzovius auroit - il aufſi un caractere
de faux ?
L'ufage
2156 MERCURE DE FRANCË
L'ufage eft commun & authorifé, mon
R. P. Pars pro toto , da mihi animas ; l'ame
pour tout l'homme , N.B. appelle dans un
de fes Traitez , l'Eglife de la Couronne
celle qui poffede cette fainte Epine.Leandre
, le Convent de la Couronne : Canobium
corona . Defcriptio Italia , pag.733.On
dit : Allons à l'adoration de la vraie Croix,
fans fpécifier d'un fragment de la vraie
Croix . L'Auteur du manufcrit a parlé le
langage commun , & le défaut prétendu
de fon expreffion n'invalidera jamais la
force de fon témoignage.
y
En fecond lieu , fi N. B. eft feul nommé
dans ce Catalogue des douze Familles
nobles , c'eſt une preuve qu'il a été fait à
peu près de fon tems , puifque l'Auteur
Vicentin voulu immortalifer le nom
de fon Evêque , de fon Concitoyen , d'une
fi illuftre Maiſon & d'un Saint , celebre
en fcience & en piété , capable de faire
l'honneur de fa patrie dans la fuite des
fiécles ; qualitez réunies dans N.B. qui ne
l'étoient pas dans un autre.
V. R. ajoute que Smeregius & Léandre
ne le nomment que Barthelemi de Vicen .
ce. Benoît XI . M. R.P. s'appeloit Nicolas
de Trévife . S. Pie V. Michel de Bofco ,
tous deux Dominicains; & l'on fçait qu'Innocent
V. du même Ordre , qui pour le
moins avoit eu autant & d'auffi preffantes
OCTOBRE. 1730. 2157
tes occafions que N.B. d'écrire le nom de
fa famille , n'eft connu que fous le nom de
Pierre de Tarantaife . Telle étoit la coutume
des premiers fiecles de notre Ordre
de prendre le furnom du lieu de la naif
fance. Ce qui eft caufe que nous ignorons
celui de la plus grande partie de nos
Generaux .
fleft tems , M. R. P. d'achever de répondre
à votre Lettre de fix petites pages
& demie , dont il y en a deux remplies
d'un préambule , trois des défauts prétendus
du manufcrit de Milan , & le refte
des deux articles qui fuivent.
?
Vous faites , me dites vous , N. B. Confeffeur
du Roy à Paris en 1240. juftement
dans le tems auquel le P. Echard , après
Ughellus , le fait Maître du Sacré Palais à
Rome , fous Gregoire IX. depuis 1235.
jufques à 1241 .
Vous me permettrez , M. R. P. de vous
faire remarquer qu'il y a dans le texte du
P. Echard ( inter ) entre , & non pas , depuis
; ce qui fait une grande differences
encore voit-on que ce n'eft qu'avec peine
qu'il le met fous ce Pape , ce qui ne peut
tout au plus s'entendre , dit-il , que de la
fin de fon Pontificat.
On fçait que 1240 & 1241.furent les 2
dernieres années de la vie de ce Pape . &
qu'en 1236 , la Miffion de N. B. finit en
Lon
2158 MERCURE DE FRANCE
Lombardie , après laquelle j'ai dit , que
tout concourt à le fuivre en France . Certè
Ughellus hoc munere functum fub Pontificatu
Gregorii I X. refert , quod verifimilius
, pourfuit le P. Echard , de ejus pofterioribus
annis intelligas , inter 1 235 & 1241 .
& forfan ultra ad Innocentium IV. à дно
creatus eft Epifcopus .
Léandre le fait clairementMaître du Sacré
Palais fous Innocent IV. par ces deux
Epoques.
Barthelemi continua en France l'explication
des Ouvrages de S. Denis , qu'il
avoit commencée à Rome . Romam vocatus
Magifter Sacri Palatii factus , coepit , & c.
Dum effet in Galliis , legit , & c. ce qui ne
peut avoir été qu'à la fuite d'Innocent IV.
elu Pape le 24 Juin 1243. & obligé de ce
réfugier à Lion au mois de Decembre 1 244 :
De plus il eft vifible que N.B. paffa de fa
Charge à l'Epifcopat . Venons à la dignité
de Patriarche.
Vous ne vous mettez pas en devoir , me
dites-vous, d'affermir N.B. fur fon thrône
Patriarchal de Jerufalem , où vous le
placez.
Vous fçavez , M.R.P. que j'ai employé
fept pages de mes remarques à le faire ;
au furplus je m'en tiendrai toujours à une
Epitaphe auffi authentique que l'eft celle
de N. B. où on lit fi diftinctement :
Hieru
OCTOBRE . 1730. 2159
Hierufalem Patriarchafuit, dilexit & omnes.
Vous en reconnoiffez l'ancienneté de
près de quatre cens ans par ces mots : >> Les
hommes de ce fiecle peu éclairé ( 1 354. )
» ont cru que les Evêques qui paffoient en
» Orient étoient tout autant de Patriarches
: Apud homines illos vix mediocriter
doctos , idem vifum eft , & c. & vous convenez
de l'uniformité des fentimens de
ceux qui avec le R. P. Zenobrius , de la
Compagnie de Jefus , Recteur du College
de Vicence , ont pû lire cette Epitaphe
à loifir : Notandum Poëtas hos omnes rotunde
appellaffe Bartholomæum Patriarcham .
Le P. Échard en a bien fenti la force . Si
c'étoit la premiere Inſcription , dit- il , on
auroit de la peine à y répondre. Quid
ergo de ejus fepulchrali Epigraphe ? Urgeret
quidem illa fi ea effet que primo ejus tumulo
infculpta. Quelle apparence qu'en renouvellant
l'Epitaphe du Saint , 83 ans après
fa mort , on fe foit avifé d'y ajouter un
titre fi diftingué s'il n'eut pas été à la premiere.
Au refte , M. R. P. fi vous avez
tant de peine à vous perfuader que N.B.
ait pris poffeffion de fon Siége , comme l'a
dit le fçavant P. Papebroch , de la Compagnie
de Jefus & votre prédéceffeur ,
avoüez du moins qu'il y a eu un certain
efpace de temps durant les deux premieres
2160 MERCURE DE FRANCE
res années du Pontificat d'Urbain IV . ( qui
felon le P. ECHARD , offrit cette dignité
à plufieurs fujets ) dans lequel N. B. en a
été revêtu pour mériter ce titre que Monfieur
l'Abbé Chatelain lui donne dans fon
Martyrologe, & qu'on lit fur fon tombeau.
Hierufalem Patriarcha fuit.
Argument pofitif qui prévaudra toujours
fur un foible argument négatif de
l'oubli du nom de N. B. dans le Catalogue
des Patriarches de Jerufalem .
Le P. Elie de Riez n'eft pas non plus
dans celui des Patriaches d'Antioche, & le
Pere Echard * ne laiffe pas de le reconnoître
comme tel & avec juftice , fur le témoignage
d'Acuna , Archevêque de Brague.
que
Puiffiez vous , M.R.P. vivre long- tems
& en fanté , pour l'utilité de la Républi-
Chrétienne , & en particulier pour la
gloire de l'Ordre des Freres Prècheurs, en
faveur duquel vous ajoutez d'une maniere
toutà fait gracieufe en finiffant votre Lettre
: >> Nous continuerons de prendre un
>> foin tout particulier que rien ne nous
Ȏchappe de tout ce qui pourra contribuer
Ȉ la folide&veritable gloire de vos Saints.
Je fuis , mon Tres - Reverend Pere
avec un profond refpect , votre , &c.
* Tume 1. Add.
Coppie
OCTOBRE. 1730. 2161.
COPPIE de la Réponse de M. Argelaty
, Directeur de la Société Palatine de
Milan.
" T
Ria à me poftulas , vir doctiffime, in
humaniffimâ Epiftolâ tuâ præterito
» menfe Maio ad me confcriptâ ; neque.
» moram incuſes rogo , quod ad præfen-
» tem ufque diem diftulerim tibi ferre refponfum
, cum tantis iifque gravibus
» diftrahar curis quod vix me mihi reddere
aliquando poffim . Sed quia animus erat,
eâ quâ par eft diligentiâ quæ poftulas
exactè perficere , clariffimum virum Jo-
»fephum-Antonium Saxium , Bibliothe-
» cæ Ambrofianæ Præfectum exquifivi , ut
ficut ipfe ea Vicentina Hiftoriæ monu-
» menta produxit , eruditâque Præfatione
» ditavit , ita nexus folveret quos inve-
» nifti.
Primò. Ab eodem igitur intellexi ma-
» nufcriptum eum Codicem quo ufus
eft , nulla alia Antiquitatis redolere vef-
» tigia , præterquam quod Vincentii Pi-
» nelli viri præclariffimi auctoritate niti-
» tur: qui fæculo decimo fexto exeunte
» Florens , illum tranfcribi fecit ex anti-
» quo exemplari qui fervabatur in fcriniis
» Herculis Fortitiæ , & quemadmodùm
» Pinellus ipfe antiquâ expertus eruditione
codices melioris notæ quos repe-
C >>rire
2162 MERCURE DE FRANCE
>> rire poterat confulebat , ideò non am-
» bigendum quin ille quoque Herculis
» Fortitiæ FIDE DIGNUM , tanto viro vide-
"
>>
retur.
Secundò. Quò tempore , quâve occa-
» fione fuerit codex ille unà cum aliis
pluribus è Vicentiâ in Ambrofianam
» tranflatus , dilucidè fatis percipere po-
» teris , fi litteras clariffimi Saxii ad eru-
» ditiffimum Muratorium tranfmiffas pro
» editione Danduli , tom. xII . Collectionis
» noftræ rerum Italicarum , impreffi con-
>> fulueris.
>> Tertiò. Te monitum volo , non aucto-
» ritate Herculis Fortitiæ. SED ANTIQUI
» CODICIS , qui penès illum fervabatur
» cujus exemplar inextat in Bibliothecâ
» Ambrofianâ : LIBERE TE ASSERERE POSSE
» BEATUM BARTHOLOMEUM EPISCOPUM
» VICENTINUM A COMITIBUS BREGANTIA-
» RUM ORIGINEM TRAXISSE. Si quæ in dies
» ad opus tuum illuftrandum mihi præ
» manibus fuerint , tibi per Litteras com-
>> municare non negligam.Ut animi erga te
» mei , & litteratos quofcumque viros
# certiùs femper exhibeam teftimonium,
Vale.
Tuus addictiffimus PHILIPPUS ARGELATUS.
Mediolani , die 18. Julii 1730.
LA
OCTOBRE. 1730. 2163
LA NAISSANCE
DE MONSEIGNEUR
LE DUC D'ANJOU.
O D E.
Favorable Fils de Latonne
Je ne t'invoque point en vain
Au vif éclat qui m'environne ,
Je voi , je fens ton feu divin.
J'entre dans un facré délire ;
Puiffe mon orgueilleufe Lyre
Enfanter ces accents vainqueurs ,
Qui naiffent d'un heureux génie ,
Et dont la fublime harmonie
Enchante & ravit tous les cours.
Quel aftre nouveau fur nos têtes
Répand fa brillante clarté ?
Quel Dieu ? de nos tranquilles fêtes ;
Redouble la folemnité !
Ce n'eft pas une vaine image ;
Chafte Lucine , cet ouvrage
Eft-il le fruit de ton fecours ?
Ainfi notre Reine féconde
Cij Par
2164 MERCURE DE FRANCE
Par toy du plus beau fang du monde
Promet d'éternifer le cours.
Mais , que dis-je ? Augufte Princeffe
Ces fabuleufes Déitez
'Aux yeux de ta haute fageffe
Ne font que folles vanitez.
Humble dans fa grandeur extrême
Ton coeur adore un Dieu fuprême ;
Qui confond tous les autres Dieux ;
Et dans cette faveur nouvelle ,
Reconnoit la fource immortelle
Des tréfors les plus précieux,
Déja de fa Toute- puiffance
Tu tiens cet aimable Dauphin ,
Ce Fils dont l'heureuſe naiffance
Eft un don parti de fa main.
Cette main encor libérale
Par un nouveau don qu'elle étale
Vient mettre le comble à tes voeux
Et prodigue elle fait connoître
Dans le Prince qui vient de naître ,
Combien le Ciel nous rend heureux,
Puiffe de ces précieux gages
Le nombre fans ceffe augmenter !
Puille
OCTOBRE. 1736. 2165
Puiffent nos plus parfaits hommages
: Les voir croître & les mériter
Qu'à jamais ton auguſte race ,
De fes ayeuls fuivant la trace ,
A l'Univers donne des Loix ;
Et qu'un jour la terre étonnée
Dans cette race fortunée ,
Compte fes Héros & les Rois !
Quel pompeux fpectacle m'enchante !
Prophanes , fuyez loin de moi ;
Une fainte horreur m'épouvante ,
Tous mes fens font faifis d'effroi.
Quel nouvel éclat ! Les Cieux s'ouvrent ;
A mes yeux les deftins découvrent
Leurs immuables jugemens ;
Dans l'avenir j'oſe les lire ,
Je voi , j'examine , j'admire
Les plus fameux Evenemens.
Dans les Climats où naît l'Aurore}
Je voi des Peuples confternez ;
Malgré l'orgueil qui les dévore
Ils font foumis & profternez.
Un Héros court brifer leur chaîne ,
Il quitte les bords de la Seine ,
Et va dans leur triſte ſéjour ;
Je yoi fon Char brillant de gloire ;
Diij De
2166 MERCURE DE FRANCE
Devant lui vole la Victoire ,
A fes côtez marche l'Amour.
Il vient ; & la guerre fanglante
'Auffi - tôt calme ſa fureur ;
La paix tranquille , bien -faifante
Des efprits diffipe l'erreur.
Cher Prince , à ta clemence extrême
On court offrir un Diadême
Que ta valeur a mérité ;
Ton nouveau Peuple qui t'admire ,
Goute les douceurs d'un Empire
Préférable à la liberté.
Ainfi la Divine Sageffe ,
Verra fes Décrets accomplis ;
LOUIS ; crois en ma fainte yvreffe ,
Le ciel couronnera ton Fils.
Déja ta piété folide ,
Et la vérité qui te guide
De ce fuccès font les garants
De ton fang la fource féconde
Doit à jamais peupler le monde
De Héros & de Conquerants.
D'un héritage légitime ,
L'Orphelin , libre poffeffeur ,
N'ek
OCTOBRE. 1730. 2167
N'eft plus la funefte victime ,
D'un tyrannique raviffeur.
Un Roy , que le ciel daigne inftruire ;
De l'erreur qui cherche à ſéduire¸
Fait triompher la véritéé ;
Qui que ru fois , tremble , coupable ;
Et voi ta perte inévitable
Dans la fouveraine équité .
Enfin le crime fanguinaire
Tombe fous les Loix abbatu
Je vois l'interêt mercènaire ,
Fuïr à l'afpect de la vertu.
L'impofture au maintien perfide ,
La fraude qui lui fert de guide ,
L'audace à l'oeil féditieux ,
Abbandonnent une contrée ,
Qui de la favorable Aftrée
Eft le féjour délicieux.
Peuples , fignalez votre zéle ,
Pour LOUIS , en cet heureux jour
Que tout icy lui renouvelle
Votre refpect & votre amour ;
Puiffe une ingénieuſe addreffe ,
Parmi la pompe & l'allegreffe
Vous prolonger un jour fi beau :
Que mille feux d'intelligence ,
C iiij
Imi2168
MERCURE DE FRANCE
Imitent , pendant fon abfence ,
L'éclat du celefte flambeau.
Qué la joye en tous lieux féconde ,
Enfante des plaifirs divers ;
Que les Cieux , que la Terre & l'Onde
Retentiffent de nos Concerts.
Que dans les Palais magnifiques ,
Que fous les toits les plus ruftiques
Les graces , les ris & les jeux
Soient déformais unis enſemble ;
Qu'un même bienfait les raffemble ;
Qu'à jamais il comble nos voeux.
Par M. de M. D. S. d'Aix
LETTRE de M... fur un Songe.
I
L m'eft arrivé bien des chofes extraordinaires
depuis que je ne vous ai
vûë ; j'ai cu un fonge , Mile ; mais un
fonge comme on n'en à jamais fait , &
qui eft du moins auffi vrai qu'aucun autre.
N'allez pas croire foit conque
ce par
tagion que je vous raconte mon rêve ; je
ne prens point les défauts de ceux que
j'ai l'honneur de connoître ; & pour avoir
le
OCTOBRE. 1730. 2169
le droit de la nouveauté , je le nommerai
vifion , fi vous voulez. Vifion foit. La
mienne a quelque chofe de particulier
par une fuite d'Evenemens arrangés qui
s'y trouvent.
A peine étois-je arrivé dans * * qu'il
m'a femblé être à la porte du Temple de
l'Ennui ; je ne ſçai fi je dormois ou fi j'étois
bien éveillé ; mais il ne me fouvient
point de m'être endormi ; car ma vifion
ou mon rêve , comme il vous plaira de
l'apeller, a commencé dès l'inftant que j'ai
mis pied à terre.
Ici regne un fombre filence ;
Arbres , rochers , deferts affreux ;
Eole & fa terrible engeance
N'abandonnent jamais ces lieux.
Des Ris , des Jeux la Troupe aimable
Eft inconnue en ces triftes féjours ;
Je m'y trouvai , victime déplorable ,
Abandonné de tout fécours.
Quoique je connuffe toute l'horreur de
mon fort , un charme invincible qui eft
répandu dans l'air qu'on y refpire , m'engageoit
malgré moi d'aller jufqu'au Temple.
Je fus reçû à la porte par des femmes
déja fur l'âge qui vouloient encore
plaire , malgré la nature même qui avoit
C v
pourvû
2170 MERCURE DE FRANCE
pourvû de refte à leurs défagrémens ;
elles avoient envain employé tout ce
que Part peut fournir pour recrépir un
vifage dont les rides ne laiffoient pas de
paroître au travers de la pomade dont il
étoit rempli ; & malgré les grimaces que
le dérangement d'un nouveau ratelier
de dents les obligeoit de faire , elles vouloient
compofer une belle bouche. La
porte du Temple me fut ouverte par cette
efpece de femmes , & fe referma fi - tôt
que je fus entré avec un bruit effroïable.
J'en trouvai dans l'interieur un autre effain
qui m'acofta ; c'étoient des Précieufes
qui avec un faux efprit & un fçavoir
fuperficiel vous affomment par un langage
affecté & impertinent. Je me fauvai
le plus vite que je pus de leurs mains ;
mais je tombai , comme on dit , de Caribde
en Scilla ; car à peine avois - je mis
le pied dans le Sanctuaire où elles m'avoient
conduit , que je me trouvai parmi
un nombre infini d'originaux , tous
Miniftres de l'ennui. Je m'y vis auffi - tôt
environné par un tas d'Auteurs. Ah ! la
maudite efpece.
L'un tire un long Poëme Epique ;
L'autre une Piece Dramatique :
Celui - ci dans le doux Lyrique ;
Celui-là pour le bon Comique ,
Prétend
OCTOBRE. 1730. 2170)
Prétend qu'il eft Auteur unique ,
Et d'original il fe pique.
Parmi ces objets fantaſtiques
J'y vis encor des Politiques ,
Qui prétendoient fuivant leurs loix
Diriger le Confeil des Rois.
3
Si je les en avois crûs , ils m'auroient
perfuadé qu'ils avoient des corefpondances
fecrettes avec le Divan , les négocia
tions les plus délicates leur étoient connuës
; ils avoient la clef du Cabinet de
tous les Potentats de l'Univers , & ils
étoient initiés dans tous les Confeils de
l'Europe ; tantôt ils faifoient la guerre ,
tantôt ils faifoient la paix. Ce n'étoit que
tréves , ccoonnggrrééss , interêt des Princes
Places prifes ou renduës , batailles gagnées,
faute d'un General , Campement , Marches
; ils faifoient changer de face à toute
l'Europe , chaffoient des Rois , en remettoient
d'autres en leurs places ; enfin
en un quart d'heure de tems ils firent faire
plus de mouvemens fur la furface de la
terre que fix mille ans n'en pourroient produire.
Je m'éloignai de ces M M. & je fus
repris par un Auteur dont la phifionomie
noire annonçoit l'amertume & le fiel qu'il
avoit dans le coeur ; il me lut mauffadement
, & cependant avec fureur quelques
C vj
Pié2172
MERCURE DE FRANCE
Piéces fatiriques qui attaquoient ouvertement
, & jufqu'au vif , l'honneur de ſes
confreres. Après m'en avoir lû deux ou
trois qui étoient fes morceaux favoris
& vomi mille invectives contre la
Cour & la Ville , il voulut encore en tirer
d'autres ; mais la cruelle fituation où
je me trouvois d'être obligé de les entendre
, me fit tomber dans un fommeil léthargique
dour je ne revins qu'au bout
de quelque tems . J'ignore ce que mon furieux
devint ; je me trouvai feul à mon
reveil dans un coin du Temple ; là , je fis
des reflexions bien triftes Helas ! difoisje
en moi- même , encore fi j'étois amoureux
, je pourrois m'occuper agréablement
; je fongeai dans ce moment à une
perfonne que je connois , & je fouhaitai
violemment de l'aimer , & d'en être aimé.
J'adreffai ma priere à l'Amour , & je l'invoquai
en ces termes :
O toi ! charmant Amour , des doux plaifirs le
pere ,
Quitte l'heureux féjour de Paphos , de Cithere ; }
Hâte-toi , viens me fecour :
Voudrois -tu me laiffer périr
Dieu puiffant aujourd'hui brûle-mol de tes feux...
Comme j'étois encore dans l'entouſiaſme
de mon invocation , je vis paroître
l'Amour
OCTOBRE. 1730. 2173
l'Amour qui me demanda d'un ton railleur
ce que j'exigeois de lui ; je lui dis
qu'ayant toujours été un de fes plus fideles
fectateurs , que l'ayant toujours bien
fervi , j'ofois efperer qu'il ne me refuſeroit
pas une grace ; que je me trouvois
malheureufement enfermé dans le Temple
de l'Ennui , que je le priois inftamment
de me frapper de fes traits pour
Belle que je lui nommois , & de la rendrefenfible
à ma tendreffe . L'Amour m'interrompit
en levant les épaules , & d'une
voix méprilante il me dit ces mots :
Eh ! que penfes- tu faire avec tant de foiblefle ?
Il n'eft qu'un tems pour gouter les plaiſirs :
Quoi ! voudrois-tu , fi loin de la jeuneſſe ,
Conferver dans ton coeur d'inutiles defirs ?
Non , non , à d'autres foins ...
2
la
Ah ! Dieu cruel , m'écriai -je , l'inter
rompant, outré de defefpoir, peux- tu me
reprocher ma foibleffe & n'eft-ce point
à ton fervice que j'ai perdu ma vigueur ?
Je t'en ai recompenfe , repartit-il à l'inf
tant , de quoi te plains-tu ? tant que tu
as jɔui de ton Printems , ne t'ai-je point
fans ceffe offert de nouvelles conquêtes ?
nomme-moi les cruelles que tu n'as pû
fléchir fi tu m'as bien fervi , je t'ai bien
protegé , & entre nous , continua -t'il ,
par
2174 MERCURE DE FRANCE
par quelle qualité éminente meritois- tu
fi fort ma protection ? difpenfe- moi du
détail de tes mérites , il ne tourneroit
qu'à notre confufion . Il s'envole à ces
mots qui me rendirent encore plus trifte ;
j'y entrevoyois une verité peu fatisfaifante
pour moi .
Je pris mon parti d'un autre coté ; je
voulus faire des Vers , croyant que ce
pourroit être un Talifman qui feroit ouvrir
les portes du Temple .
Mis, quoi ? fans l'aveu d'Appollon
Prétend- on s'établir dans le facré Vallon ?
J'eus beau implorer les Mufes , le Dieu -
du Parnaffe , tout fut fourd à ma voix .
Je ne fçavois que devenir , lorfque mon
génie m'apparut : votre génie , me direzvous
? oui , mon génie ; nous en avons
tous un qui veille fur nous , & qui détermine
nos actions. Notre génie eſt toujours
à la portée de nos organes ; c'eft
felon qu'ils font difpofés qu'il agit bien
ou mal ; ainfi il ne faut pas s'étonner
lorfque l'on voit les génies faire commetre
des fautes fi confiderables aux uns ,
pendant qu'ils conduifent fi fagement les
autres : c'eft , comme je l'ai dit , felon les
difpofitions qu'ils trouvent dans les fujets
.
Cette
OCTOBRE . 1730. 2175
Cette difference d'agir dans les génies
fit faire fon fiftême d'efprits au Comte de
Gabelis. Il s'imagina que les diverfes
actions des hommes étoient dirigées par
autant de fortes de génies ; il établit donc ,
comme vous le fçavez , les Gnomes dans
la terre , les Nymphes dans les eaux , les
Sylphes dans l'air & les Salamandres dans
le feu : chaque efpece avoit fes fonctions
differentes. Moyennant cette idée il crut
avoir donné une folution jufte de tout ce
qui arrive dans le monde ; mais il s'eft
trompé bien lourdement .
Je reviens au mien qui m'apparut fous
ma forme , c'étoit le moyen d'être bien
reçû. Je connois bien des femmes à qui
je ferois fûr de plaire , fi je me préſentois
fous leur figure. Notre premiere paffion
, c'eft . l'amour propre. Je vis mon
génie ; il étoit trifte comme moi , & me
dit qu'il ne pouvoit par lui- même me
tirer de l'affreux féjour où j'étois ; mais
qu'il voyoit dans la poche d'un des Miniftres
de l'Ennui un livre qui pouvoir
contenir des fecrets pour fortir du Temple
; il me montra celui qui en étoit porteur
, & difparut.
Je m'approchai de ce Miniftre ; je lui
fis des politeffes qu'il reçût fort bien ; il
m'aprit qu'il étoit Bibliotequaire du Dieu
de l'Ennui : il ajoûta qu'il vouloit me donner
2176 MERCURE DE FRANCE
ner le plaifir d'examiner fes Livres ; j'euffe
bien voulu m'en difpenfer , mais l'envie
que j'avois de poffeder celui qu'il avoit
dans fa poche, me donna la complaifance
de le fuivre. J'entrai dans la Biblioteque
qui étoit d'un bois rembruni , orné par
intervales de faux clinquant qui fatiguoit
plus la vûë qu'il ne la réjouiffoit. Il me
lut le Catalogue de fes Livres : c'étoit ,
il m'en fouvient encore la Dialectique
d'Ariftote , une partie de fa Phyfique ,
le Siftême harmonique de l'Univers par
Pythagore , plufieurs Traités de Morale,
tant des Anciens que des Modernes , tous
les Poëmes Epiques François , Recüeil
des Oraifons Funebres , Piéces fugitives
à la louange des Grands , Opera , Tragédies
& Comédies nouvelles , plufieurs
Romans les Journées Amulantes y
avoient place , & une quantité innombrable
d'autres livres fur differentes matieres
. Mon Conducteur fe récria fur tout
fur un Volume qu'il difoit être un des
plus grands foutiens de leur Temple : c'étoit
les Piéces de Poëfie de * * Comme il
me faifoit la lecture d'une , je vis fes
s'appefantir & fe fermer , comme s'il alloit
tomber dans un profond fommeil .
De peur qu'il ne m'en arrivât autant , je
me faifis au plus vite du livre qui faifoit
tout mon efpoir : jugez quelle fut ma joye
>
yeux,
quand
OCTOBRE. 1730. 2177
quand je vis par le titre que c'étoit les
Oeuvres de Clement Marot. J'ignore par
quelle avanture ce Miniftre fe trouvoit
muni d'un pareil livre . Quoiqu'il en foit,
je l'ouvris avec précipitation ; mais à
peine en avois - je lû la moitié d'une page,
ô prodige incroyable ! le Temple s'abîma
& je me trouvai dans une autre Biblioteque
charmante ; tout s'y fentoit des mains
de la nature , & l'art n'avoit , ou fembloit
n'avoir aucune part à l'ouvrage . Enchantê
d'un fr beau fpectacle , j'examinai les livres
; ils avoient tous pour infcription en
lettres d'or : Remede contre l'ennui ; je les
ouvris l'un après l'autre , j'y trouvai les
Oeuvres d'Anacréon , les Poëfies du tendre
Tibulle & de Catulle les Elegies
d'Ovide , les Satires d'Horace , les Epigrammes
de Martial , les Poëmes d'Homere
, de Virgile , de l'Ariofte & du Taffe,
les Romans de Petrone , de Michel Cervantes
& de Rabelais , les Fables de la
Fontaine étoient proprement reliées avec
celles de Phédre ; fes Contes feuls étoient
placés à l'écart. J'y vis auffi les Comédies
d'Ariftophane , de Plaute , de Terence &
de Moliere ; les Tragédies de Sophocle
d'Euripide , de Corneille & de Racine
étoient fur la même planche ; les Opera
de Quinaut , les Oeuvres de Pavillon &
de Bourfault y tenoient une place hono-
T'hélitois

218 MERCURE DE FRANCE
J'héfitois dans le choix que j'en devois
faire , lorsqu'une grande femme s'avance
vers moi avec un maintien noble , fon
front étoit ferein , dans fes yeux brilloit
la douceur , un air de bonté & de tranquilité
étoit répandu dans toute fa perfonne
: elle vit fans doute ma furpriſe ;
& ouvrant la bouche avec des graces admirables
, elle me tint ce difcours : Je
fuis Uranie , Muſe qui préfide à la Philofophie
; tu t'étonnes , fans doute , de
me voir au milieu de gens qui n'ont jamais
eu le titre de Philofophes dans le
monde ; j'excufe ta furprife. Apprens que
tous ces grands hommes dont tu vois ici
les Ouvrages ont été les feuls & les vrais
Philofophes , & que ceux qui paffent pour
tels dans le monde n'en ont jamais eu que
le nom. La vraie Philofophie , me ditque
elle , confifte à fuir les violens excès ou
conduit une paffion trop emportée , à
regler fes defirs fur une volupté permife;
car c'eſt une erreur qui tient de la folie
de vouloir éteindre les paffions ; il faudroit
éteindre la nature ; ils en font une
fuite indifpenfable . Que les hommes ,
s'écria Uranie , connoiffent peu ce qui
leur eft utile ! les paffions leur ont été
données pour les dédommager des miferes
de l'humanité , & ils les méprifent :
cela eſt incroyable : oüi , continua-t'elle,
les
OCTOBRE. 1730. 2179
les paffions ont été accordées aux fages
comme le plus beau preſent que
les Dieux
ayent pû leur faire ; mais c'eft auffi le
fleau le plus terrible dont ils ſe ſervent
dans leur colere , pour qui n'en fçait pas
faire ufage.
Je ne pûs m'empêcher de paroitre furpris
d'un pareil raifonnement ; je ne pouvois
concevoir comment les paffions faifoient
en même tems tant de bien & tant
de mal . La Mufe s'apperçut de mon
étonnement : Je veux bien , me dit - elle ,
vous défiller les yeux : les hommes font
tous nés avec une même meſure de paſfion
dans le coeur ; la feule difference de
bien employer cette dofe de paffion diftingue
le vrai Philofophe d'avec celui qui
ne l'eft pas. Il en eft des paffions comme
d'un fleuve , qui refferré dans un lit trop
étroit , devient un torrent furieux , brife
& ravage tout ce qu'on pourroit employer
pour refifter à fes efforts ; mais
fi vous lui ouvrez plufieurs routes dans
lefquelles il puiffe s'étendre , alors ce torrent
dont un feul lit ne pouvoit contenir
l'eau , forme , étant divifé , plufieurs ruiffeaux
, dont le cours doux & tranquille
vous offre un fpectacle agréable. L'infenſé ,
femblable à ce fleuve , place fans reflexion
tout ce qu'il a reçû de paffions dans
un unique objet : c'eft en vain alors qu'il
you2180
MERCURE DE FRANCE
voudroit y mettre les digues que la raiſon
lui offre , ce font de trop foibles barrieres
que l'impetuofité de les defirs a bientôt
renversées. Tous les mouvemens de
fon ame . fe portant en foule fur un feul
point , le tourmentent , le defefperenr
le portent à des extrémités horribles , &
ne lui laiffent pas un moment de repos.
C'eft delà que nous voyons des joueurs
furieux , des avares méprifables , des
Amans defefperés , des ambitieux extravagans
; le fage , au contraire , qui reconnoît
la neceffité des paffions , mais
qui connoît auffi le mal qu'elles peuvent
produire , en diminue la violence en les
divifant ; il leur donne differens emplois
pour s'en rendre le maitre , & forme au
lieu d'un torrent qui détruit tout , ces
doux ruiffeaux dont le cours aimable ne
peut porter aucun dommage.
C'eft ainfi que vivent les Philofophes ;
ils jouiffent de tous les agrémens de la vie ,
ils reconnoiffent que le fouverain bien
confifte dans la privation du mal , ils en
évitent jufqu'à l'idée. Les plaifirs , continua
Uranie , font faits pour les hommes;
les chagrins devroient leur être étrangers :
ils dégradent leurs ames , & ne font qu'uné
fuite de la foibleffe de leur nature. Je
te quitte , ajoûta - t'elle , fuis mes confeils ,
entretiens familiarité avec ces grands
hommes
OCTOBRE. 1730. 2181
hommes , tu vivras heureux. A ces mots
elle difparut. La yifion finit.
akakakakaka
D. L. C.
LES JARDINS DE S. MARTIN,
O DE .
A M. de Sainte Marie , Lieutenant.
General de Nevers .
Mufe qui fur les pas d'Horace
Conduis tes plus chers nouriffons ,
Toi , qui du Chantre de la Thrace
Animas les chants & les fons ,
Infpire-moi qu'à ma foibleffe
Succede cette noble yvreffe ,
Supérieure à l'art humain :
Que ces Jardins , que ces Boccages
Soient peints par de vives images
Où l'on reconnoiffe ta main.
Eft-ce Apollon Pan : ou quelqu'autre
Qui tient fa Cour en ces Bofquets ?
Jamais le celebre le Naûtre
N'en a tracé de plus parfaits ;
Les fentiers qui vont & reviennent
Offrent
2182 MERCURE DE FRANCE
Offrent à ceux qui s'y promenent
D
De l'ombre à chaque heure du jouf :
Les lits , les tapis de verdure
Des vaſes l'ordre & la figure
Brillent par tout dans ce féjour.
Là , du Roffignol qui gazouille
J'aime à diftinguer les chanſons ,
De fon gozier qui me chatouille
J'admire les differens fons ;
En l'écoutant je crois entendre
Des fameux Cygnes du Méandre
Les tons les plus harmonieux ;
Et fa voix peut rendre croyable
Ce que nous raconte la Fable
De leurs accens mélodieux.
Tout ce que j'apperçois m'engage
A croire ces lieux enchantés ,
Et mon coeur que le choix partage
Vole de beautés en beautés.
Ici le Dieu du Jardinage
Aux Mortels difpenfe l'uſage
De fes dons les plus précieux ;
Là l'induftrieuſe Pomone
A fçû fe ménager un Trône
Dans un Verger délicieux .
Une
OCTOBRE . 1730. 2183
Une impérieufe Terraſſe
Regne fur un vafte terrain ;

On trouve dans ce qu'elle embraffe
Un Canal , un grand Boulingrin ;
L'un & l'autre trompent la vuë ,
Et cette erreur n'eft reconnuë
Qu'en les voyant ſéparément ;
Entr'eux eft l'Empire de Flore ,
Et les fleurs qu'elle y fait éclore
N'en font pas l'unique ornement.
Un nouveau fpectacle m'emporte ;
Ciel ! quelle carriere à fournir !
Dans le beau feu qui me transporte
Je vais lire dans l'avenir ;
Je vois l'eau qui part en furie ,
S'élancer , retomber en pluye ,
Et fe relever vers les Cieux ;
Que de Baffins , que de Cafcades ,
Séjour charmant pour les Naïades
Qui viendront habiter ces lieux !

Jardins de Mécene & de Pline ,
Ceffez de vous enorgueillir
De tout ce que l'on imagine
Pour vous peindre & vous embellir ;
N'attendez plus notre fuffrage ;
Venez
£ 184 MERCURE DE FRANCE
Venez vous-même rendre hommage
Aux agrémens de S. Martin ;
Cedez : ici tout vous ſurpaſſe ;
Ce Jardin magnifique efface
Tous les charmes du Laurentin .
Vous qu'un refpect aveugle entraîne
En faveur de l'Antiquité ,
Rompez un moment cette chaîne ,
Et jugez avec liberté ;
Vous conviendrez que nos Ancêtres
Etoient , au prix des nouveaux Maîtres
Novices dans l'Art de planter ;
Et votre efprit devenu libre ,
Oublira les Rives du Tibre
Pour ce que je viens de chanter.
Grand Magiftrat , c'eft ton ouvrage ,
Que fi haut je viens d'élever ;
C'est toi qui plantas ce Bocage ;
Tu prens foin de le cultiver :
C'est là que quittant l'air auftere
Que demande ton miniſtere
Tu goutes d'innocens plaifirs :
C'est là
que
marchant fur les traces
Des Cicerons & des Horaces ,
Tu mets à profit tes loisirs,
Mon
OCTOBRE . 1730. 2185
Mon efprit plein de tes merveilles
T'en offre ce leger crayon :
Heureux ! fi le fruit de mes veilles
Mérite quelque attention ;
Mais fi mon Appollon fidele
Eut voulu feconder mon zele ,
J'allois à l'immortalité
Et dans le Temple de mémoire ,
J'aurois pû tranfmettre ta gloire
A la fage pofterité,
L'Abbé Boyfedi.
XXXXXXX : X:X:XXXXXX
EXTRAIT d'une Lettre d'un Curieux
de Province à un ami de Paris , fur quel
ques reftes de la Fête de Bacchus.
L
'Annonce d'un volume in folio fur
les Bacchanales , que je viens de lire
dans le Journal des Sçavans du mois.
d'Août dernier , me fait reffouvenir de
vous faire part d'une chofe qui n'eft peutêtre
pas affez notoire pour être venuë
jufqu'à vous ; je crois que prefque perfonne
n'y a pris garde jufqu'ici , & je me
flatte que M. Egittio l'auroit inferée par
occafion dans fon ample Commentaire, fi
elle eut été de fa connoiffance . Nous ap-
D prochons
2186 MERCURE DE FRANCE
prochons de la faifon à laquelle cette remarque
apartient , je veux parler des vendanges
; c'eft le tems auquel les difciples
de Bacchus renouvelloient leur attention
pour ce qui concernoit le culte de leur
maître, Ce qui pourroit vous furprendre,
c'est qu'il en reste encore des veftiges dans
certains cantons qui ne font pas bien
éloignés de la fameufe Ville où vous faites
votre réfidence. Un fçavant qui y paffa
l'an 1793. au tems de la vendange, apprit
qu'on y mettoit encore alors fur une table,
dans les Preffoirs, une petite ftatuë de
Bacchus affis fur ſon tonneau , & que tous
ceux qui entroient dans le Preffoir la furveille
& le jour de S. Denis , étoient obli
gés de faire une genuflexion devant cette
figure ; & que s'ils y manquoient , ils
étoient condamnés à fouffrir qu'on leur
appliquât,fuper pofteriora,un certain nombre
de coups d'une pele de bois qu'on
appelloit pour cette raifon le ramon du
Baccanat. On ajouta que cette punition
s'executoit en vertu d'une fentence de
fept Païfans, prononcée par le plus ancien ,
& dont il n'y avoit point d'appel ; mais
que ce qu'il y avoit de favorable étoit que
le patient pouvoit fe choisir un Parrain
de la même maniere qu'on l'obſerve dans
les jugemens militaires. Le hazard m'ayant
fait paffer depuis peu dans ces quartiers

OCTOBRE. 1730. 2187
la
là , je me fuis informé fi la cerémonie
duroit encore , & plufieurs Payfans m'ont
affuré que tous les ans ils en font leur
divertiffement au mois d'Octobre , à cela
près qu'ils ne connoiffent gueres Bacchuss
& qu'au lieu de mettre ce marmouzet fur
une table qui feroit embaraffante dans
un Preffoir, on le fiche fur le haut de l'arbre
du même Preffoir . Voilà un changement
de Rit dont j'ai été inftruit fur les
lieux ; le Dictionnaire eft auffi un peu
changé , fuppofé qu'on eut accufé vrai au
fçavant de l'an 1703. Car le ramon du
Baccanat n'eft point la pele , felon qu'ils
s'expliquent aujourd'hui ; mais le Ballay.
La pele a pris le nom de Demoiselle ,
cebile porte le nom de Verre , le panier
'appelle la Paffoire , & ainfi des autres uftenciles
de la Maifon Bacchique ; enforte
qu'il n'eft pas permis de fe fervir d'autres
termes dans l'enceinte de ce venerable laboratoire
, à moins qu'on ne veuille fubir
l'application de la pele qui fe fait aprés
le prononcé folemnel duChef, c'eft - à- dire,
du plus ancien des fept Sages . Difpenfezmoi
Monfieur , de vous nommer les
Villages où s'exerce cette forte de juftice ;
donnez - vous , fi vous voulez , la peine de
remonter quelques vingtaines de ftades le
long du rivage de la belle Riviere , dont
yous favourez les eaux medicinales , &
Dij Vous
>
2188 MERCURE DE FRANCE
vous ferez à portée de voir les chofes par
vous - même ; mais fur tout au cas que
vous y alliez , n'oubliez pas de vous conformer
au Cerémonial autant que vous
croirez le pouvoir faire , & de vous munir
de toute votre attention , fi vous faites
tant que de paffer au delà du veſtibule.
des Preffoirs , & de vouloir en examiner
l'interieur. Je vous avertis encore une fois
que l'on y fait rougir fi impitoyablement
la peau de quiconque a oublié de faire la
reverence prefcrite à la Divinité paffagere
de ce lieu , ou qui ofe employer les
termes d'un Dictionnaire étranger , que
quelque doux que foit le Parrain qu'il
puiffe choifir aprés la faute commife , le
bras s'en trouve toujours fi violemment
fatigué , qu'il eft obligé de garder le lit
pendant plufieurs jours , lorsqu'il a fubi
les peines afflictives de ce Tribunal . C'eſt
tout vous dire , qu'on n'y épargne pas
plus la peau humaine que celle des raifins
lorfqu'ils font fur le plancher ou le
lit du Preffoir , & que les habits du pauvre
patient ne tardent gueres à devenir
de la même couleur que les vafes dans
lefquels on a écrafé le fruit de la vigne.
Revenons à quelque chofe de plus férieux
; il feroit queftion de faire décider
fi ces ufages locaux ne font pas un refte
du Paganifme , & d'examiner s'ils ne nous
peuvent
OCTOBRE. 1730. 2180
peuvent rien apprendre. On remarque
que les Coutumes ufitées parmi les idolâtres
ont perfeveré plus long-tems à la
Campagne que dans les Villes , & que
c'eft delà que le nom de Payen , Paganus,
a été formé. Mais il ne fuffit pas toujours
qu'un ufage foit pratiqué à la Campagne,
& qu'il ait quelque chofe de burlefque
pour être reputé venir du Paganifme.
C'eft le jugement favorable que je porterois
de la coûtume telle qu'elle fubfifte
encore aujourd'hui , fi elle ſe bornoit au
fimple ufage de fixer les noms dont on
fe fervira en faifant le vin , le refte n'étant
que puerilité , fi l'on en ôte la falutation
de l'image de Bacchus. Cependant
on voit dans le fixiéme Concile , dit de
Conftantinople , Can. 62. que les Peres y
défendent certaines fortes de rifées qui
fe faifoient en façonnant le vin , foit au
Preffoir , foit dans les Celliers. Nec execrandi
Bacchi 'nomen uvam in torcularibus
exprimentes invocent , nec vinum in doliis
effundentes rifum moveant , ignorantia vel
vanitate eâ que à demonis impoftura procedunt
exercentes. S'il étoit bien veritable ,
comme le Sçavant de l'an 1703. l'a crû ,
que la falutation de Bacchus ne fe pratiquât
que le 7 & le 9. du mois d'Octobre ,
il y auroit , ce femble , quelque fujet de
douter touchant le veritable jour de la
Diij mort
2190 MERCURE DE FRANCE
>

1
mort des Saints les plus illuftres , dont l'Eglife
paroît avoir fixé le culte à ces deux
jours là , & il ne feroit peut être pas tout
à fait improbable que la Fête de S. Bacque.
n'eut été placée au 7,& celle de S. Denis
au 9. pour faire oublier ces Fêtes Bacchiques
& Dionyfiaques des anciens Payens.
Ön fçait communément que les Grecs appellent
Bacchus Dionyfos . La montagne qui
eft proche Lutece où il y avoit des vignes
dès le tems de Julien l'Apoftat , felon
qu'il nous l'apprend lui - même , fe trouve
avoir eu auffi depuis bien des fiecles
une Eglife confacrée fous l'invocation de
S. Bacque, Martyr ; c'eft aujourd'hui celle
de S. Benoit , matiere à reflexion pour
ceux qui font curieux des Antiquités
Payennes & Chrétiennes . A mon égard ,
je ne prétends rien ftatuer fur des origines
fi obfcures. Contentez- vous fimplement
de l'avance que je vous fais de ma penfée
; je vous permets de la communiquer
à nos amis. Il me paroît plus naturel de
croire que les Fêtes de nos Saints ont été
diftribuées à tel ou tel jour , pour fervir
à effacer peu à peu les ufages du Paganifme
, en changeant leur objet , que de
s'imaginer que ce foit parce que les Calendriers
marquent au 7. Octobre un
S. Bacque & au 9. S. Denis , que les Payfans
du canton dont je vous parle ayent
རྟ་
fait
OCTOBRE. 1730. 2191
fait revivre à ces jours- là d'anciennes folies
profcrites de l'enceinte des Villes.
Quoiqu'il y ait quinze cens ans qu'on a
commencé à prêcher l'Evangile dans la
Cité qui dominoit fur ces lieux là , il a
pû toujours y refter dans les environs
quelque coûtume du Paganifme ' , furtout
dans des endroits auffi peu fréquentés
par les gens d'Eglife que le font les
Preffoirs. Vous fçavez qu'il y avoit encore
dans le fiecle dernier quelques Vil
lages de la France où l'ufage étoit de
mettre dans la main ou dans la bouche
du deffunt une piece de monnoye , pour
payer , difoit on , le paffage de la Barque
Caron ; les foffoyeurs n'étoient pas
fâchés que cet ufage continuât ; ils
profitoient adroitement de la crédulité
des fimples , & l'on peut affurer qu'il y
a des Antiquaires à qui certaines trouvailles
faites par ces fortes d'Officiers
n'ont pas été indifferentes .
18. Septembre 1730.
D iiij LE
2192 MERCURE DE FRANCE
******:XX :XX:XXXXX
LE VERITABLE AMOUR PERDU ;
ET FACILE A RETROUVER.
A Madame la Marquife de G.
D Ans les Archives de Cythere
J'ai lu qu'Amour , tout jeune encor
Dans Arles caché par fa mere ,
Y fit regner autrefois l'Age d'Or.
Dans ce féjour , jadis plein d'Amans tendres ,
Et dont les noms fur les muriers gravés
Malgré le tems font encor confervés ,
D'un coeur brulé d'amour on gardoit juſqu'aux
cendres ;
Ce fut là pour montrer à filer le parfait
Que Cupidon ouvrit fes premiers exercices ,'
Et ne bleffa jamais un coeur que d'un feul trait
Alors de fa bleffure on faifoit fes délices ;
Loin de chercher à s'en guerir ,
Lorfqu'on offroit des facrifices ,
C'étoit d'en mourir, pour obtenir la grace
Alors l'Amant le plus fidele
Toujours confumé d'un beau feu ,
Efperoit tout , fe contentoit de peu ,
Et ne demandoit rien ; fa flamme toujours belle
Toujours libre du joug des fens
ToûOCTOBRE.
1730. 21931
Toujours refpectueuſe & pure ,
Aux plaifirs de l'efprit immolant la nature ,
N'ofoit noircir par des feux inconftans
L'Autel qu'elle avoit fait fumer de fon encens.
Čet heureux tems n'eft plus
fideles
...
nos Bergers in-
D'Amour , du tendre Amour n'ont gardé que les
aîles ,
Et pour le retrouver nos foins font ſuperflus ;
L'homme aime mal , ou n'aime plus ;
A la fidelité l'impofture fait nargue ;
Le veritable Amour feroit- il en Camargue
Je le crois ... dans fes droits pour le faire ren
trer
De G ... n'a qu'à fe montier.
Par M. Mahuet , Avocat au Confeil.
LA VERITABLE CAUSE
de la
perte du parfait Amour.
A la même Dame.
Oui , de G... il eft vrai , dans Arles autre
fois ,
Du plus parfait Amour on refpectoit les loix ;
La fidelité , la conſtance
Faifoient des tendres feux adorer la puiffance ;
Satisfaits de leur flamme auffi- tôt que deux
coeurs
2
Avoient de Cupidon fenti les traits vainqueurs ,
D-y Unis
2194 MERCURE DE FRANCE
Unis jufqu'au tombeau par les plus douces chat
nes ,
Ils goutoient fes plaifirs fans reffentir ſes peines
Qu'ils font changés ces heureux tems !
On n'y voit aujourd'hui que des Amans volages
Dont l'Amour veut en vain par des feux plus
conftans ,
Vers leur premier objet ramener les hommages
Mais pour rentrer dans tous fes droits ,
Vainement dans vos yeux il aiguife ſes armes ;
C'eſt vous qui détruiſez ſes loix :
Cefont vos graces & vos charmes
Dont les traits font plus forts que ceux de for
carquois ,
Qui caufent ce defordre au feín de fon Empire ,
Et par qui la conftance en tous les coeurs expire?
Helas ! depuis que dans ces lieux
De votre efprit & de vos yeux
On voit briller les attraits invincibles ,
Des plus rares Beautés les traits font impuiffans
Pour retenir les coeurs de leurs Amans ,
Et pour les rendre aux vôtres infenfibles.
Sans rappeller ici tous ceux que l'on a vûs ,
Immolant leur premiere flamme ,
Venir à vos pieds abbatus ,
Vous offrir à jamais tous les voeux de leur ame ;
San: chercher ceux qui brûlent en fecret ,
Des fideles Amans n'euffai-je pas moi - même
Eté lemo dele parfait ;
Mais
OCTOBRE , 1730. 2195
Mais comment échaper à ce pouvoir fuprêine
Qui m'a fait éprouver la force de vos coups
Mais ce n'eft pas ici qu'ils portent tous':
Et des lieux de votre naiffance *
Et des lieux où vous paroiffez
Egalement vous banniffez
Tous les devoirs de la conftance ,
Les Etrangers & nos Concitoyens
Sont forcez comme moi d'en rompre les liens.
Par M. de Morand.
و
REPONSE à la Lettre de M. G.
Barréz , Medecin à Pezenas inferée
dans le Mercure du mois d'Aoûc 1730.
au fujet de l'ufage interieur de l'Eau de
vie.
Vficus ,de la durée de l'homme , & la
Ous êtes touché de trop près , Monverité
vous occupe trop fortement pour que
vous n'embraffiez toutes les occafions de
deffendre l'une & l'autre ; le grand interêt
que vous y prenez vous a fait attaquer
fortement l'Auteur des Reflexions qui
ne convient pas avec M. Le Hoc que l'Eau
La Marquife de G ... eft de Marseille , &
'a été mariée à Arles,
D vj fans
2196 MERCURE DE FRANCE
D
de vie foit une eau de mort , ainfi les doutes
que je vous propofe ici briévement
fans vous détourner beaucoup des devoirs
de votre profeffion , vous mettront à
même de montrer votre zele , & de me
détromper fur ce fujet.
En premier lieu , je doute fort que
tous les raifonnemens vagues & les grands
mots d'érethyfme des efprits , de dérangemens
de la diareze, de rythmes , des fonctions & c
puiffent convaincre les perfonnes raiſonnables
de la verité de vos propofitions , &
je tiens que les raifonnemens dénués d'experience
, comme font ceux que vous
nous propofez , & qui ne font pas fondés
fur des principes Mathématiques ,
peuvent prouver le pour & le contre dans
toutes les queftions de Medecine .
2º »>> Pour venir au fait , vous affurez
» que l'Eau de vie eft une eau de mort ,
un poiſon , fur ce qu'elle ne releve les
»forces que pour les abattre peu après ,
»parce que , dites- vous , cette liqueur
» porte les puiffances au-delà de leur jufte
» étendue , d'où étant revenues elles tombent
dans la langueur , tout cela n'eft pas
clair ; connoiffez - vous la meſure de cette
étenduë ? plus un Arc eft bandé , plus it
acquiert de force à fe remettre tout au
plus l'Eau de vie produiroit cette grande
diftenfion par fa quantité : mais qu'eſt-
CC
OCTOBRE. 1730 2197
ce qu'une once d'Eau de vie dans un
corps de 160. livres , ce n'eft pas la 160c
partie de nos liqueurs , & on prend 128 .
onces d'alimens fans craindre cette diftenfion
funefte dont vous nous menacez ;
feroit- ce que l'Eau de vie fait rarefier le
fang ? mais vous nous affurez qu'elle le
coagule.
3 Vous femblez même vous contredire
peu après , & me fourniffez des raifons
de douter de ces langueurs que produit
l'Eau de vie , quand vous dites qu'elle
rend les fibres des muscles plus compactes
plus robuftes , & les muscles plus puiffans.
Ainfi vos propres traits fe tournent contre
vous mais vous pouffez plus loin , &
ajoûtez qu'elle racorait les fibres , en les
obligeant de s'unir par les fortes contractions
que produit cette liqueur dans les
tuyaux , & par la diffipation qu'elle fait
faire de la limphe , & tout de fuite vous
menacez ceux qui ufent de cette liqueur
de voir d'abord leurs tuyaux debridés
effarouchés de la confufion & du defordre
dans les rythmes de leurs fonctions , de l'é--
rethifme de leurs efprits animaux , du dérangement
, de la diarhefe de leur fang , de
fchirres , du calcul de la Goute , de mille
maladies & de la privation de la vie.
Les buveurs d'Eau de vie ne font
de
ce que vous avancez ;
garans
au contraire
perfuadés
pas
ils font
Qu'un
2198 MERCURE DE FRANCE
Qu'un jeune Medecin vit moins qu'un vieil yvros
gne. Regnier , Satyre 10
Ainfi leur témoignage ne vous eft pas
avantageux , s'ils font exposés aux maladies
que vous dites ; les buveurs d'eau
n'en font pas exemts ; ce n'eſt que l'abus
de l'Eau de vie & de l'eau commune ou`
minerale qui produit ces mauvais effets ,
abus que tout le monde blâme , fans traiter
ni l'une ni l'autre de ces liqueurs de
poifon & d'eau de mort. L'Eau de vie
doit être prife moderément , & alors elle
produit mille bons effets , exterieurement
elle réfout les édemes , les éréfipeles , refferre
les playes , en arrête l'hémoragie ;
trop forte dofe , au contraire , elle eft
nuifible , empêche de grandir les petits
chiens qui y font plongés , en durciffant
leurs folides , tue les oifeaux aufquels on
en fait trop boire , durcit les foetus qu'on
y tient long - tems plongés.
à
Intérieurement on en ufe en trois façons
diverſes , ou l'on l'avale , & c'eſt en
grande quantité , fouvent & fans befoin
& alors on ne peut nier qu'elle ne foit
nuifible , quand on la prend à jeun , dans
les chaleurs de l'Eté , dans la fiévre , fur
tout elle nuit aux perfonnes fanguines &
bilicules.
Cet
OCTOBRE. 1730. 2199
Cet excès eft plus pardonable aux
temperamens froids & pituiteux , aux
Pays du Nord &c . on l'employe utilement
fous le nom d'Eau de vie Allemande
pour fortifier les boyaux des hydropiques
à mesure qu'on les purge &c.
Ou bien on l'avale en petite dofe après
de grands repas & dans les foibleffes , &
on fe fert de l'Eau de vie la plus douce
& non de la raffinée , autrement nommée
efprit de vin , & c'eft ainfi qu'en uſent
les perfonnes les plus fages ; cette liqueur
acide & fpiritueufe tombant dans l'eftomac
perd fon activité dans les parties
graiffeufes des alimens , & ne garde qu'u
ne legere force pour irriter & réveiller
la contraction de ce vifcere affaiffé fous
ce poids ; fes acides , fi on veut , fermentant
avec les alimens , fe changent en fels
falés , aident à la divifion des viandes
paffant dans le fang , en accelerent le
cours , hâtent les fecretions , comme la
chaleur , la rougeur , la fréquence du
poux le démontrent , & fes parties fpiritueufes
doivent,felon vous , M. qui croyez.
aux efpritsanimaux , fournir de ces nouveaux
agens qui felon votre langage en
tretiennent la vie & la fanté parfaite.
9
Ou enfin on injecte l'Eau de vie par
de grandes veines dans le corps , comme
on a fait fouvent à des animaux , & alors
elle
2200 MERCURE DE FRANCE
elle agit d'une façon toute differente , &
tue fur le champ , parceque fon acide qui
y prédomine, coagule tout à coup le fang,
n'ayant pas été changé en fel falé ni embaraffe
par des mucilages comme quand
on la prend par les premieres voyes : ce
n'eſt pas le feul remede qui agiffe de deux
façons fi differentes : le nitre , par exemple
, eft un acide qui injecté dans le fang,
le coagule , & pris par la bouche , le divife
, & réfout les arêts dans les maladies
inflammatoires , auffi les Parifiens & les
Allemands en font- ils un grand ufage
dans les cas.
>
Tous ces faits font fi connus , Monfieur
, que je perdrois le tems à vous citer
les Auteurs de ces experiences , &
que j'ai honte qu'un de mes confreres les
ignore ; l'ufage de cette liqueur , s'il eft
moderé, eft très utile pour animer & foutenir
les Soldats * il ne faut pas craindre
que
dans l'Eftomac elle durciffe les fruits
& autres alimens comme elle fait hors du
corps , car elle y fouffre des fermentations ,
& excite des contractions au ventricule
propres à faciliter la digeftion , à divifer
les glaires. Dans le fang elle produit d'autres
bons effets que je ne repeterai plus.
Vina parant animos faciuntque caloribus aptos-
Ovide
Tout
OCTOBRE. 1730. 2201
Tout ce que je dis , au refte , de l'Eau
de vie n'eft pas fi démonftratif que je n'aye
bien des doutes fur ce fujet je fçai feulement
que l'expérience , nonobftant l'autorité
de Fernel & vos raifonnemens , au
toriſe l'uſage moderé de cette liqueur
pourvû qu'on en ufe en tems & lieu .
Tempore quaque fuo , Medici quoque tempora
Jervant ,
Et data non apto tempore quaque nocent.
Pardon , M² , fi je dérobe à vos malades
des momens fi précieux ; continuez →
néanmoins à détromper le Public fur d'au
tres abus , oubliez vos devoirs dans la recherche
de nouvelles verités , celles que Vous
nous annoncez ne nous paroiffent pas tout
à fait fi claires que vous le dites ; n'importe
, je vous loue de ce que fans connoître
la verité vous êtes affez généreux
pour la foutenir , femblable à ces Héros
antiques dont parlent nos Romanciers.
Qui défendant des inconnuës´
Ont porté leurs noms juſqu'aux nuës.
Je fuis &c.
Ziorcal , Docteur Medecin de la
Faculté de Montpellier.
1
L'OM
2202 MERCURE DE FRANCE
******* XXXXXXXX
L'OMBRE DE PETRARQUE
OU LA SORGUE
2
CANTATE.
Préfentée à Madame la Princeffe de Conti
à fon arrivée dans le Comtat:
DAAns ces agréables Vallons
Où de Laure l'Amant fidele
Reveilloit les échos par les tendres chanfons
Que lui dictoit l'Amour pour toucher cette Bellé
Jous un antre à couvert des rigueurs des Saiſons,
Le chef- d'oeuvre de la Nature ,
Sur un lit de gazon , au doux chant des Oiseaux,
Enfin à l'aimable murmure
Qu'en retombant faifoient fes eaux ;
La Sorgue jouiffoit d'un paifible repos :
Quel bruit vient fraper fon oreille !
Quel fpectacle nouveau tout à coup la reveille !
Elle voit à grands cris , fortant de leurs rofeaux ,
Par le plus vif éclat fes Nymphes éblouies ,
Accourir fur ces bords d'étonnement ſaiſies ;
Elles l'appellent par ces mots :
Quelle
OCTOBRE . 1730. 2203
Quelle Divinité nouvelle
Paroît fur ce bord enchanté !
Tant d'éclat , tant de majesté
N'eft pas d'une fimple mortelle .
Jufqu'aux Cieux pouffons nos Concerts
Accourez , notre aimable Reine ;
Voyez fi c'eft la Souveraine
Des Cieux , de la Terre ou des Mers.
Quelle Divinité nouvelle &c .
Elle accourt , elle voit ... quelle furpriſe extrême
A ce divin afpect la faifit à fon tour !
Nymphes , cette Beauté fuprême ,
des Dieux reçût le
Vous ne vous trompez pas ,
jour ,
Dit- elle , elle eft du fang du grand Jupiter même,
Pour loüer fes vertus n'employons point nos
chants ;
Empruntons , s'il fe peut , de plus dignes accens
Toi , qui fur mes aimables rives
Echauffant Pétrarque autrefois ,
Aux tendres accens de fa voix
Rendois mes Nymphes attentives ,
Amour , ranime fes accords ;
Va le chercher aux fombres bords ,
Lui feul peut de cette Déeffe
Chanter dignement les attraits :
Cours ; que Pluton même s'empreffe
A remplir mes juftes fouhaits.
Ain
2204 MERCURE DE FRANCE
'Ainfi parle la Sorgue , & du Royaume fombre
De Petrarque bientôt elle voit fortir l'ombre.
Nymphe , dit- il , à qui j'ai tant de fois
Confié mes tendres allarmes ,
Qui tant de fois fus témoin de mes larmés ,
Pluton dans les Enfers vient d'entendre ta voix ,
Et pour feconder ton attente ,
Il veut bien m'arracher d'auprès de mon Amante.
Mais où fuis-je ! que vois- je ! eh quoy ? dans ces
climats
Auroit- elle fuivi ures pas ?
Que dis-je ? ce n'eft point Laure qui ſe préſente!
Laure brilloit de moins d'appas ;
Jamais rien de fi beau ne s'offrit à ma vûë ;
Jamais rien de fi beau n'a paru fur ces bords.
Nymphe , pour moi ton ame eft envain préve
nue ;
Pour
la louer
mes chants
ne font pas
affez forts ,
Et je fens expirer mes timides accords.
J'avois crû que les Dieux à Laure
Avoient prodigué leurs bienfaits ,
Et
que du Couchant à l'Aurore
Nulle autre n'uniroit jamais
Tant de vertus à tant d'attraits.
Pour rendre fa gloire immortelle
Ma Lyre épuifa fes accords ;
Mais pour cette Beauté nouvelle
Encore ..
OCTOBRE . 1730. 2205
Encore plus parfaite qu'elle
Je tenterois de vains efforts .
Laiffons aux Cignes de la Seine
Le foin de louer tant d'appas ;
C'eft des Chantres de ces climats
Qu'Apollon échauffe la veine.
Laiffons aux Cignes de la Seine
Le foin de louer tant d'appas.
Par M. de Morand , d'Arles en Provence
XXXXXXXXXXXXXXX
D
REFLEXIONS,
Ans les Athées , s'il eſt vrai qu'il y
en ait , la corruption du coeur précede
prefque toujours l'égarement de l'ef
prit , & un mépris orgueilleux des fentimens
populaires les détermine à une opinion
finguliere qui flate leur vanité plus
qu'elle ne perfuade leur raifon .
Dans quelque égarement que tombe
l'efprit humain , il eft impoffible d'éteindre
entierement la lumiere qui nous découvre
l'existence de Dieu , Créateur du
monde &c. & un Athée a , pour ainfi dire,
grand interêt de l'être pour calmer les
juftes
2206 MERCURE DE FRANCE
juftes frayeurs d'une confcience allarmée.
C'eſt un très grand abus de croire que
les maximes Evangeliques ne font guere
compatibles avec de grandes lumieres
& qu'il n'eft rien de fi voifin de l'irréligion
qu'un génie fublime & élevé.
On appelle Athées ceux qui par leurs
'difcours & leurs actions paroiffent fouhaiter
qu'il n'y ait point de Dieux , afin
de n'avoir point de fujet de craindre les
châtimens qu'ils méritent leurs impiétés
& leurs defordres. Dixit infipiens in
corde fuo , non eft Deus,
par
Ce n'eft pas l'incrédulité qui produit le
libertinage ; on affecte d'être incrédule
parcequ'on veut être libertin : on commence
par fuivre fon penchant , & puis
on cherche à le juftifier.
L'homme qui a de l'efprit , & qui con•
fulte les autres , n'eft prefque qu'un demi
homme ; mais celui qui n'en a point , &
qui ne prend confeil de perfonne n'eſt
pas homme.
Il eft difficile de bien choifir ceux à
qui on veut demander confeil : celui des
yieillards eft lent , timide & douteux : la
jeuneffe
OCTOBRE. 1730. 2207
jeuneffe en donne de legers , de violens,
de teméraires ; fi on confulte les Sçavans,
on eft fatigué de leurs longs difcours , &
choqué de leur opiniâtreté : fi on confulte
les ignorans , on eft maître de leurs
avis , mais on en tire peu de lumieres :
fi on s'adreffe aux pauvres , leurs confeils
feront intereffés ; fi on s'adreffe aux riches
, il y aura trop de hauteur & de du
reté dans le parti qu'ils propoferont ; nos
parens , nos domeftiques , pour mieux
nous flater , nous tromperont : les étran
gers ne le donneront pas la peine d'exa
miner la matiere & délibereront fans
attention , ne prenant nul interêt en la
choſe. Plufieurs confeillers embaraffent
peu de confeillers ne fuffifent pas.
2
Qui confulte une fois veut s'éclaircir ;
qui confulte deux fois cherche à douter.
Les Sçavans font pour l'ordinaire dédaigneux
pour les ignorans , & ils font
mal , car ils prouvent par là combien ils
leur reffemblent encore.
L'imitation fervile eft blâmable ; mais
un homme d'efprit fçait habilement fe
rendre propres , & faire paffer dans fes
Ouvrages les beautés de ceux qui l'ont
devancé. On honore ceux qu'on imitę
ayce
1
2208 MERCURE DE FRANCE
avec art ; & un Auteur , même celebre ,
qui feroit profeffion étroite de n'imiter
perfonne , rarement meriteroit-il d'être
imité .
Sur les faits hiſtoriques que nous apprenons
,ou que nous lifons dans les livres
nous devons toujours être en garde contre
l'incertitude qui flatte fans ceffe notre
vanité ; car nous aimons à entendre
nos connoiffances , & quand la verité fe
dérobe à nos recherches , nous nous contentons
de la trouver remplacée par la
fiction que notre crédulité réalife , l'erreur
nous paroiffant moins à craindre
que l'ignorance.
Les hommes d'un gout fûr & délicat
ne font jamais contens de leurs Ouvrages ;
ils ont une fi haute idée de la perfection,
qu'ils ne croyent jamais y être parvenus .
On ne doit pas faire dépendre fes idées
de fon goût ; il faut prendre des guides
plus furs , la raifon & l'experience.
La décadence des Sciences & des Arts
eft fort à craindre ; car on commence à
outrer tout. Le goût des beautés fimples
& naturelles fe perd ; il faudra déformais
du bizarre , de l'étranger & du mefquin
pour
OCTOBRE. 1730. 2209
pour nous toucher ; plus d'un obftacle
s'oppose à la guerilon du mauvais gout.
Le défaut des Medecins , les génies fuperieurs
, tels qu'il en faudroit pour ramener
les efprits, font rares; & quand il s'en
trouve , ils voyent le mal , ils le blâment.
& fe laiffent cependant entraîner par la
foule à laquelle ils veulent plaire : on aime
le nouveau & le fingulier , on ſe ſçait
bon gré de ne pas marcher fur les pas de
fes prédeceffeurs . La défenſe du mauvais
gout devient un interêt de nation ; d'ail.
leurs, quand on pourroit le guerir, quelle
méthode fuivre dans une entrepriſe fi
difficile , où le malade croit être dans une
parfaite fanté , & regarde le Medecin
comme celui qui a befoin de remede ? fi
quelqu'un s'apperçoit de l'erreur commune
, ofera-t'il l'attaquer ? ofera - t'il
s'écarter des routes par où l'on parvient
à la réputation la plus brillante ? ne crain
dra- t'il point de s'expoſer à la dériſion .
On voit tous les jours de petits génies
vuides de lumieres & d'efprit , & pleins
d'amour propre , fe montrer difficiles &
même critiquer hautement dáns les Sciences
& dans les Arts les nouveautés qui
paroiffent , pour ſe faire une réputation
de gens d'efprit & de gout , fe flattant
qu'en attaquant des Auteurs & des Ou-
E vrages
2210 MERCURE DE FRANCE
yrages celebres , on fera grand cas de leurs
remarques , & qu'on les mettra , finon
au deffus , au moins à coté des plus ha
biles.
& و
Quelques Sçavans pleins de bonne opinion
de leurs études , difent par tout , &
croyent même que tout est trouvé
cela parce qu'ils fe perfuadent avec complaifance
qu'ils n'ont plus rien à appren
dre. Ils méprifent hautement les nouvelles
découvertes , & ne daignent pas
les examiner , crainte de fe convaincre
d'une préfomption qui les flate.
Un efprit vain & de mauvaiſe trempe,
quoique cultivé d'ailleurs , parle de tout
avec confiance , & ne peut juger fainement
de rien ; les frais qu'il fait en lecture
& en effort de mémoire , pour paroître
habile , font prefque autant de nouvelles
couches de ridicule qu'il fe donne;
l'orgueil & l'impertinence percent au
travers ; enforte qu'on peut dire avec
Moliere :
Un fot fçavant eft fot plus qu'un fot ignorant.
Et avec un Poëte plus moderne , M.
Pope.
Tel eft devenu fat à force de lecture
Qui n'eut été que fot en fuivant la nature.
La
OCTOBRE . 1730. 2211
La Broche est le mot de l'Enigme du
mois dernier. On a dû expliquer les deux
Logogryphes par Milan & Caroffe.
ENIGM E.
NE cherche point à me connoitre į
Je payerois trop cher ta curiofité ;
Mon effence dépend de mon obſcurité ,
Et fi l'on me découvre, alors je ceffe d'être.
L'on tombe d'accord néanmoins
Que mon pere prudent & fage
M'ayant mis un maſque au viſage ,
Tel qui veut me l'ôter fouvent y perd les foins:
Mais pourquoi me flater d'une efperance vaine
Helas un fort capricieux ,
Pour rendre ma perte certaine
Me place ici devant tes yeux.
Par M. de Morteffaignes de Pradelles.
Dans le Logogryphe fuivant chaque
lettre a fon chiffre felon l'ordre de l'alphabet
; par exemple , le chiffre un défigne
a ; le chiffre deux eft pour 6. & ainfi du
refte.
E ij LO
2212 MERCURE DE FRANCE
XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
LOGO GRIPHE.
A fubftance en deux fens peut aifément
s'entendre ; MA
Dans l'un je fuis un Prince , & dans l'autre un
poiffon ;
Pour en bien arranger chaque combinaiſon
Voici comment il faut s'y prendre :
Quatre , un , & neuf, treize , nombre fatał ,
Font naître certain animal
Qu'on voit plus aux Champs qu'à la Ville,
Chiffre de moins le rend utile ,
C'eft un qu'il faut ôter , & le refte à rebours
Fixera le féjour de mainte babillarde
Pendant le tems de ſes amours.
Vingt , neuf , treize , prenez-y garde
Rendent fouvent l'homme inſenſé.
Par quinze , neuf , treize , d'une Déeffe
L'Arbre à nos yeux fera tracé.
Quinze , un , neuf , treize , on voit , & la chofe
intereffe ,
On voit paroître un aliment
Dont on ufe journellement,
Quatre , neuf, treize & un , font revivre une fille
D'une très antique famille.
Le nombre neuf étant ôté
Et l'un à la place ajoûté ,
Da
OCTOBRE. 1730. 2213
De cette digne fille on reconnoît un frere
Non conçu de la même mere.
Neuf, vingt , quatre & puis un , fi vous faites
marcher ,
Cet ordre vous fera trouver
Des Tribus la plus ancienne .
Quinze , un , vingt , vous font voir une Ville de
Guyenne.
Vingt , un & treize font un meuble de grenier
Toujours très -utile au Fermier
Pour terminer tout affemblage' ,
De ce qui refte on tire un très grand avantage'} །
Quatre , neuf , vingt , un , treize , & Ciel ! quelle
faveur !
Tu nous feras ouvert , Confeil du Grand- Seigneur.
N ... Cédar.
AUTR E
Hvit Lettres compofent mon nom §
Hymne j'ai fait du plus beau ton
Que jamais on chante à l'Egliſe ;
Plus n'auroit pu faire Moïse,
Pour trouver mes variétés ,
Abregeons les difficultés .
Tout mot donc noté d'une bare
Se trouve en moi comme Simare.
Pris d'un certain fens je fuis bois ;
E uj
Pris
2214 MERCURE DE FRANCE
Pris d'un autre fens je fuis mois.
Par moi l'on peut défigner Rome ,
Ainfi que Riviere de some ;
J'offre aux yeux ce qu'on nomme amer ;
Sans moi l'on peut voguer fur mer.
Souvent j'ai vu l'eau de la Sambre
Claire ne plus ne moins que Pambre :
Mais pas n'étions au mois de Mars ,
Préfent étoit un Maitre ès Ars ,
Peu fobre , & fort enclin à boire
Vêtu d'une robe de moire ,
Accompagné d'un fien ami
Qui fit contes dont j'ai bien ri ;
Car prenant la Sambre pour l'oife &
Il vouloit aller à Pontoïfe ,
Puis delà paffer à Siam
Pour y voir un nommé Joramo
Quelquefois fans raifon ni rime
Il danfoit comme un Pantomime
D'autres fois croyant être Roi ,
Il vouloit nous faire la loi ,
Difant qu'il étoit notre Sire.
Il faifoit fa Garde d'un Shire
,
Qui fe donnant pour fier à bras ,
Tranchoit du valeureux foldat ,
"Soldat de la Vierge Marie
Qu'il avoit amené d'Ombrie
La Rofe il fe faifoit nommer ;
OCTOBRE . 1730. 2215
fe difoit de Saint Omer ,
Et foutenoit que plume d'Oïe
N'étoit fi douce que la foie.
Moi fans trop me mettre en foucí
Le reprenant , lui dis que ɓ ;
Là deffus mon homme fe cabre ,
Me menaçant tire fon fabre ;
D'avanture il faifoit fi foir.
Qu'à peine l'on y pouvoit voir.
Pour arme avois un bâton d'orme ;
De fon pourpoint frottai la forme :
Tant le rendis fouple pour lors
Qu'il ne lui fallut plus de mors.
Je crains pourtant deſſus mon amo
Qu'un jour il ne porte la rame .
ののの
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS &c.
ANEGYRIQUE de S. Auguftin ;
Evêque d'Hippone , prononcé dans
l'Eglife des Grands Auguftins , le 28.
Aout 1730. par M. l'Abbé Seguy . A
Paris , chez Coignard fils , Imprimeur du
Roi & de l'Académie Françoife , à la Bible
d'or 1730.
Lo
2216 MERCURE DE FRANCE
Le Lecteur nous fçaura bon gré de lui
'donner un Extrait de ce Difcours , fi digne
de la réputation de fon Auteur. Le
Texte en eft fingulier & frappant , &
l'Exorde dans fa noble fimplicité ne l'eſt
pas moins. Les voici :
In laudem gloria gratia . A la gloire
de la Grace. Epit. aux Ephef. Ch. 1.
Oui , Chrétiens , à la gloire de la Grace
C'est là comme une Dédicace que je
mets à la tête de ce Difcours , ou fi vous
voulez , c'eft le fujer & le fond même
de l'Eloge que j'entreprends. Je le confacre
à la Grace , parce que c'eſt à elle
qu'il appartient fpecialement , & que
toute la gloire d'Auguftin eſt à elle , in
laudem gloria gratie.
Cet Eloge d'Auguftin , fi intereffant
pour les Sçavans , dont ce grand homme
eft l'admiration & l'oracle , pour le peuple
, dont fon ſeul nom réveilla toujours
l'attention , le fera à jamais , Chrétiens ,
pour quiconque s'intereffera aux merveilles
de la Grace . Ecoutez . Cette Grace
qui vous donne la vie fpirituelle à vous,
Juftes , qui avez le bonheur d'en joüir,
qui feule peut vous la rendre à vous ,
pecheurs , qui l'avez perduë ; c'eft elle.
que je vais glorifier. Je vais vous faire
voir dans Auguftin des foibleffes & des
erreurs qu'elle a fait tourner à ſa gloire ,
des
OCTOBRE. 1730. 2217
'des vertus héroïques dont elle a été le
principe , des travaux infinis dont elle a
êté l'objet. Auguftin n'a été coupable , it
n'a été aveugle , il n'a été éclairé , il n'a
été penitent , il n'a eu la fuperiorité dư
génie & l'éminence de la fainteté que
pour la gloire de la Grace , in laudemgloria
gratia. Comment cela , Chrétiens Au
diteurs voici dans la raifon qui s'en
offre le plan de mon Difcours qui fe préfente.
C'est que le changement d'Auguf
tin a été un des coups les plus éclatans
de la puiflance de la Grace , & qu'Auguftin
depuis fon changement n'a vêcu
que pour les interêts de la Grace ; elle
a triomphe de lui , & elle a triomphé par
luis il lui a rendu les armes , & il l'a
fervie jufqu'à en devenir le Heros. En
deux mots , il en a été , en exceptant la
Converfion de Paul , il en a été la conquête
la plus belle , il en a été le Défenfeur
le plus glorieux , in laudem glorie
gratia.
Je n'ai point conçû , Meffieurs , la
vaine efperance d'égaler l'idée que vous
avez d'Auguftin , ni même de pouvoir
vous rendre parfaitement la mienne. Je
viens fuccomber fous le poids que je me
fuis laiffé impofer . Notre impuiffance à
foutenir la grandeur de certains fujets eft
après tout une autre forte d'éloge , & le
Docteur
Ev
2218 MERCURE DE FRANCE
Docteur de la Grace feroit trop rarement
loué , s'il ne l'étoit que par ceux qui
peuvent lui payer tout le tribut de loüanges
qu'il mérite. Auguftin. La Grace. Je
ne cefferai , Chrétiens , de vous préfenter
ces deux objets , quoique bien éloigné
de vouloir vous faire partager votre
reſpect entre l'un & l'autre. C'eſt ainfi
que j'ofe me promettre votre attention.
Oui , je m'en fie à l'interêt du grand
nom d'Auguftin , & plus encore à l'interêt
que doivent prendre vos coeurs à la
gloire de la Grace , In laudem gloria gratia.
Ave & c.
Premiere Partie:
L'Abbé Seguy en entrant en matiere ;
préfente le portrait que voici du jeune
Auguftin.
Failons attention à ce qu'il étoit dès fa
15 année , Chrétiens Auditeurs. Un vif
amour du grand , ou de ce qui en a l'apparence
; mais un penchant prefque invincible
pour le plaifir , une foif infinie:
de la verité , mais hors du feul fyftême
où on la trouve ; un caractere affable , mais
un fecret ſentiment de fa fuperiorité na--
turelle , idées naiffantes de fortune , talens
fuprêmes pour y parvenir , l'efprit
d'affurance qui fubjugue , l'efprit d'infinuation
qui féduit l'ardeur funefte
d'aimer
,

OCTOBRE. 1730. 2219
d'aimer , le don prefqu'auffi funefte de
plaire ; tels étoient de fi bonne heure fes
traits les plus marqués . Mes freres , que
je vous décrive ici les égaremens de fa
raifon & les foibleffes de fon coeur. Je
veux dreffer un trophée à la grace de mon
Dieu qui en fçut faire fa conquête , en
vous faifant voir les obftacles qu'elle a fur
montés , in laudem gloria gratia.
C'eft fur ces égaremens & ces foibleffes
que l'Orateur fonde le premier chef de fa
fubdivifion ; & après avoir décrit , avec
toute la force imaginable, les erreurs d'Au
guſtin , il dit :-
Aimable verité , cher & glorieux partage
des ames humbles , ainfi font fouvent
punis au fein du menfonge ceux que leur
orgueil a rendus indignes de vous . Malgrè
toutes leurs variations , en changeant
d'erreurs , ils ne font que changer d'inquiétudes
; & quand ils ont parcourus
dans leurs égaremens , toutes les opinions
accréditées , plus éloignés de vous que
jamais, ou ils s'en font de nouvelles en fecret,
ou ils en font réduits à regretter dans
un noir cahos lés Systêmes de l'erreur
qu'ils ont comme épuifée.
L'article des foibleffes du jeune Auguf
tin a quelque chofe d'enlevant. L'Orateur
paffe enfuite au fecond membre de ſa ſubdivifion
, de cette maniere :
E vj Toute
2220 MERCURE DE FRANCE
Toutefois au travers des miferes & des
horreurs que ma Religion me découvre
dans une telle vie , je vois les qualitez les
plus éclatantes , & les vertus morales le
plus en honneur. Si les obftacles font
grands , l'importance de la conquête n'eſt
pas moins grande. Connoiffez icy , Chré-
Tiens , ce que c'étoit qu'Auguftin par l'efprit
& par le coeur ; quelque jufte idée
vous ayez de lui , peut-être en eft- il parmi
vous qui n'ont pas affez vivement ſenti en
ces deux points , l'excellence de fon caractere.
que
Car d'abord , je l'ofe affurer , malgré
fes égaremens , jamais la Grace n'eut à
éclairer un efprit fuperieur au fien . Génie
facile , dès l'âge de douze ans , le défefpoir
de fes jeunes Emules , & l'étonnement
de fes Maîtres , il fembloit plutôt
rappeller des chofes oubliées , qu'en ap
prendre de nouvelles ; & fes progrès trop
furprenans, pour n'engager que les fiens à
le foûtenir de toutes leurs forces , porterent
un Etranger à faire auffi tout pour
lui, pour ce jeune homme dont les talens
promettoient la courſe la plus rapide dans
la carriere de l'honneur & de la fortune ;
génie pénétrant , à qui n'échappoit rien
de ce qui eft à la portée de l'efprit humain
; il eut été un de ces Inventeurs des.
Sciences & des beaux Arts , s'il fut venu
dans
OCTOBRE. 1730. 222
dans les premiers âges ; génie étendu qui
embraffoit tout , qui réunit de bonne
heure en lui le Rhéteur habile , le Philofophe
profond ; & qui joignant aux connoiffances
les plus fublimes , à celles des
Arts Liberaux , le mit dans peu de temps
en état d'en compofer des Traitez qu'on
admire ; génie nerveux , né pour manier
la raifon en Maître,& pour lui faire prendre
entre les mains toute la force qu'elle
peut avoir ; génie fubtil , qui le premier
peut -être avoit faifi des fineffes de raifon
nement peu connues avant lui , fouverai
nement propre à tout ce qu'il y a de plusabftrait
, fe tournant , fe repliant avec une
adreffe infinie fur lui- même ; & qui , le
cours de les études à peine fini , le faifoit
regarder comme un homme sûr de vaincre
, de trouver prife fur les autres , & de
ne leur en donner jamais dans la diſpute ;
génie beau , plein de feu & d'agrément ,
qui après avoir enlevé à Rome tous les
fuffrages , fe fignalant à Milan par l'éloga
de l'Empereur & du Conful Bauton , fit
dire avec une espece de tranfport , que
la plus haute vertu pouvoit être fatisfaite
de ces louanges : Ouy , génie à qui pour
égaler au moins les plus fameux Orateurs
de Rome & d'Athénes , il ne manquoit
que leur fiecle & leur pays..
N'allons pas critiques trop inquiets ,
repro2222
MERCURE DE FRANCE
reprocher au prodige de l'Afrique , le caractere
Afriquain ; il avoit affez de quoi
fe le faire pardonner ; eût- il dû naturellement
ne pas l'avoir ; il avoit , & j'en
appelle aux Juges , toute l'ame de la grande
& invariable Eloquence , de l'Eloquence
des choles très - indépendantes™
du ftyle , j'entens l'abondance & l'ordre
, & la chaleur & la penfée , & le fentiment
auffi neceffaire que la penſée :
vraye & folide éloquence qui étoit de lui,
tour & ftyle qui étoit de fon temps , & fur
tout de fa Patrie.
Achevons : Vous ne trouverez rien de
trop à ce Portrait. Génie , peu s'en faut
que je ne dife unique , capable non-feule--
ment de traiter prefque de tout , & de
ramener tout à des principes auffi féconds
que fimples, mais de traiter de chaque
chofe dans le genre d'écrire , convenable
à fa nature , plein fur un feul objet d'une
étonnante multiplicité d'idées , à quelques
redites près ; fuite ordinaire de l'abondance
de l'expreffion & de la hâte du travail ,
moins fréquentes pourtant en fes Ecrits
que ne l'ont prétendu certains Critiques ,
fans fonger qu'il eft des matieres où les
principes ne fçauroient être trop fouvent
préfentez , & que les répétitions neceffaires
ne font pas des redites.
Les qualitez du coeur d'Auguftin , maniées
OCTOBRE . 1730. 2223
niées de main de maître , font accompa
gnées de la réfléxion fuivante,
Mais quoi ? Avoir un coeur fi bien fait
& fi corrompu ,un génie fi rare &fi fujet
à l'erreur?Mais qui fçait fi laDivine Providence
ne permit pas qu'il en fut ainfi d'un
homme femblable , de peur qu'il n'honorat
trop cette nature décheuë , dont il
étoit deftiné à décrier un jour la corrup
tion & la mifére. Il eut trop fait remarquer
ce qu'il y a de grand dans l'homme ,
s'il n'eut fait voir , comme il l'a fait , ce
qu'il y a de foible & de corrompu . Il fut
coupable par fon malheur , & peut - être
auffi pour l'honneur de la Grace : In lau- ~
dem gloria gratia.
و
L'Abbé Séguy paffe enfuite au troifié- -
me membre de fa fubdivifion . Il n'eft' pas
poffible de voir d'image plus vive que celle
où il repréſente les combats intérieurs ,
qui précédérent la converfion de faint
Auguftin . Nous ne rapporterons rien
d'un article qui doit être vû en entier ,
non plus que de la Morale , qui termine
cette premiere Partie.
Seconde Partie:
Comparez , fi vous le pouvez , Chré
tiens , toutes les conquêtes de la Grace ,
tous les Saints ; jamais , jamais nul d'eux
ne lui a mieux rendu qu'Auguftin, le prix
de fes infpirations fecourables. Car je ne
2224 MERCURE DE FRANCE
crains pas de l'avancer ; ce qu'il a fait pour
elle , n'eft pas moins grand que ce qu'elle
avoit fait pour lui : & ne vous allarmez
pas d'une propofition , qui bien loin d'être
injurieufe à la Grace de mon Dieu , l'honore
en effet.Je n'ai en vûë que de la glorifier
cette Grace , lorfque j'en viens glo
rifier le Héros ; In Laudem gloria gratia
& je fçai que vous n'ignorez pas que ce
qu'Auguftin a fait pour Elle , il ne l'a fait
que par Elle. C'eſt par Elle qu'il a été fon
plus glorieux Deffenfeur, qu'il a travaillé
avec tant d'éclat à lui foumettre tous fes
ennemis enfemble ; tous fes Ennemis ,
Chrétiens Auditeurs , je veux dire ceux
qui l'attaquent dans fon effence, ceux qui
Falterent dans fes dons , ceux qui l'étoufent
dans les infpirations. Car voilà tous
les ennemis de la Grace.
Il feroit trop long pour un Extrait de raporter
tout l'article du Pélagianifme , qui
nous paroît un des plus frappans de tous.
Le fecond & le troifiéme chef font pleins
comme le premier , de cette éloquence
originale & toute neuve , qu'a fçu faifir
Auteur ; mais nous n'avons pas le tems
de nous y arrêter. Cette Analyle nous meneroit
trop loin , fans faire d'ailleurs fentir
La beauté du tout fupérieure à toutes les
beautez de détail.
OCTOBRE. 1730. 2225
MEMOIRES pourfervir à l'Hiftoire des
hommes illuftres dans la République des Lettres
avec un Catalogue raisonné de leurs
Ouvrages. Tome XI . Vol. in 12. pages 405.
fans les Tables. A Paris, chez Briaſſon , ruë
S. Jacques , à la Science. 1730.
On trouve dans ce volume les Vies de
trente-fept Sçavans , qui font Profper Alpin
, Annius de Viterbe , François de Belle
foreft , Pierre Bembo , Pierre le Brun , Louis
Bulteau , Jean Cajus , Jean Cheke , Urbain
Chevreau , Daniel le Clerc , François
Combefis , Angelo di Coftanzo , Abraham
Cowley, Jean Deslions , Claude de Ferrieres,
Antoine Galateo , François Hotman ,
Auguftin Inveges , Philippe de Limborch ,
Baptifte Nani , Ferôme Oforio , Mathieu
Palmieri , Mathias Palmieri , Antoine Pa
rent , Paul Paruta , Pierre Petit , François
Poupart , Certorio Quatromani , Jean Raulin
, Maturin Regnier , Jean Chilter , Michel
Servet , Henry de Sponde Auguftin.
Torniel , Pierre Varignon Claude de Vert ,
Jean Facq. Vepher.
,
Nous donnerons, felon notre coutume,
une de ces Vies pour faire connoître le
ftile & l'ordre de l'Auteur des Mémoires,
Nous avons choifi celle du fameux Sponde
Evêque de Pamiers.
Henri de Sponde naquit le 6. Janvier
1568. à Mauleon , petite ville du Païs de
1226 MERCURE DE FRANCE
Soulle , entre la Navarre & le Bearn.
Son pere qui étoit Secretaire & Confeiller
de la Reine de Navarre , Jeanne
d'Albret , le fit tenir fur les fonts de Baptême
par Henri de Bourbon fon fils , qui
fut depuis Roy de France & comme il
faifoit profeffion du Calviniſme , il l'éleva
dans les mêmes fentimens .
I alla faire fes études à Ortez , où les
Réformez avoient alors un College , & il
s'y diftingua par la facilité avec laquelle
il apprit les Langues Latine & Grecque.
Il fit enfuite un voyage en Ecoffe à la
fuite de Guillaume Salufte du Bartas , Ambaffadeur
du Roy de Navarre , & y apprit
en peu de tems la langue du Païs.
De retour en France , il s'appliqua à
Fétude du Droit civil , & du Droit Canon
, dont il lût prefque tous les Livres.
lalla à Tours , où le Parlement de Paris
avoit été transferé ; fon fçavoir , &
fon éloquence dans le Barreau porterent
le Roy Henri IV. à le faire Maître des Requêtes
de la Navarre .
Les Livres de controverfe de Bellarmin
& de du Perron qu'il lut alors avec
avidité , commencerent à lui ouvrir les
yeux fur les erreurs , dans lesquelles il
avoit été engagé ; il fe prêta aux impref
fions de la grace , qui agirent fur lui , &
animé par l'exemple de fon frere aîné
Jean!
OCTOBRE. 1730. 2227
Jean de Sponde , qui avoit déja abandonné
Pheréfie , il en fit abjuration à Paris le 21 .
Septembre 1599. à l'âge de vingt- fept
ans ,
De Sponde réuni à l'Eglife Catholique'
voulut s'engager dans l'Etat Eccléfiaftique
, & obtinten 1599. de l'Evêque d'Oferon
un démiffoire pour recevoir les Ordres
, même hors du Royaume. Cette
derniere claufe étoit neceffaire , parce qu'il
avoit deffein d'aller à Rome gagner le
-Indulgences de l'année fainte.
Il alla effectivement en 1600. à la fuite
du Cardinal de Sourdis , & demeura quel
ques années dans cette Ville , où il reçut
Ordre de Prêtrife le 27 Mars 1606.
La connoiffance qu'il eût du Cardinal
Baronius , & l'étroite amitié qu'il'lia avec
lui , lui fit naître le deffein de faire un
Abregé de fes Annales ; deffein qu'il
exécuta dans la fuite , après avoir obtenu
fon agrément pour cela.
Il revint à Paris en 1606. mais il retourna
quelque tems après à Rome , où
le Pape Paul V.qui l'aimoit beaucoup, lui
commit la révifion des expéditions du
Tribunal de la Pénitencerie.
La confideration qu'on avoit pour lui
en Italie , l'avoit porté à s'y fixer pour le
refte de fes jours , & il ne fongeoit plus
à revenir en France ; mais le Seigneur en
difpofa
1228 MERCURE DE FRANCE
difpofa autrement. Le Roy Louis XIII .
le nomma à l'Eveché de Pamiers au commencement
de l'année 1626. Il fit d'abord
quelque difficulté d'accepter cette dignité
; mais le Pape Urbain VIII. le lui ayant
ordonné , il fe foumit à fes ordres , & fut
facréà Rome par le Cardinal de Marquemont
, Archevêque de Lyon dans l'Eglife
de S. Louis , dont il avoit eu longtems
la conduite , le 16. Août de la même
année , & non pas le 17 Septembre
comme le marque M. Perrault , qui n'a
pas pris garde à l'expreffion latine de fa
vie , die decima feptima Cal. Septembris:
De Sponde vint peu de tems après à
Paris , où le Roy le reçut avec des marques
fingulieres d'eftime. Il fe rendit de- là
a Pamiers , où il fit fon entrée le 23 May
1627. Il s'y appliqua avec beaucoup d'ardeur
à procurer le falut des ames , qui lui
avoient été confiées , & à retirer de l'erreur
ceux qui y étoient engagez. Il faifoit
fréquemment des vifites dans fon
Diocéfe , & y rétablit la diſcipline trop
négligée en quelques endroits.
Le Duc de Rohan, chefdes Huguenots ,
étant entré au mois de Novembre de l'année
de fon inſtallation dans Pamiers par
trahison , de Sponde fe fauva par un trou
qu'on fit aux murailles. L'année fuivante
le Prince de Condé ayant repris la Ville ,
&
OCTOBRE . 1730. 22 29
& les Huguenots ayant été chaffez , le
Pape Urbain VIII, en écrivit à de Sponde
des lettres de compliment , qui marquoient
une eftime extraordinaire de fon
mérite.
Son grand âge lui ayant fait prendre
Jean de Sponde fon neveu pour Coadjuteur
, il revint à Paris dans le deffein de
ſe donner tout entier à l'Edition de fes
Annalles.
Il quitta cette ville en 1642. pour aller
à Toulouſe , où il mourut le 18 May 1643. -
âgé de 75. ans
Il laiffa par fon Teftament , qu'il fit
peu de jours avant la mort , fa Bibliotheque
aux Minimes de Toulouſe , & tous
fes biens à Pierre Frizon de Rheims , Docteur
de la Maiſon de Navarre , avec lequel
il avoit vêcu dans une étroite amitié pen
dant quinze ans,tant à Rome , qu'à Paris,
Son corps fut inhumé dans l'Eglife Cathedrale
de Toulouſe . & on mit fur fon
tombeau cette Epitaphe qu'il s'étoit faite
lui-même.
Hicjacet corpus Henrici Spondani , quona
dam Epifcopi Apamiarum , cujus anima requiefcat
in pace.
Catalogue de fes Ouvrages.
1. Les Cimetieres facrez , Bourdeaux.
1596. in 12. fixième Edition augmentée.
Paris
2230 MERCURE DE FRANCE
Paris 1600. in 12. Item , trad. en Latin
avec de grandes augmentations . Paris
1638. in. 4° . Le but de l'Auteur eft de
faire voir que les Cimetieres ayant toûjours
été regardés comme facrez chez toutes
les Nations & dans toutes fortes de
Religions , les Proteftans avoient tort de
traiter d'injuftice le refus que faifoient , &
qu'avoient toûjours fait les Catholiques
de fouffrir que les Cimetieres de leurs
Eglifes fuffent communs entre eux & les
Proteftans.
2. Annales Ecclefiaftici Cafaris Baronii in
Epitomen redacti¸ Parifiis 1612. fol. L'Auteur
dédia cette premiere Edition au
Clergé de France qui approuva l'ouvrage
, & marqua l'eftime qu'il en faifoit
par plufieurs gratifications confiderables
dont il honora l'Auteur. Il a été imprimé
plufieurs fois depuis. La bonne Edition
felon M. l'Abbé Lenglet , eft celle qui a
paru à Paris chez la Noue en 1639. en fix
volumes in fol. avec la continuation , &
les Annales facrées. La meilleure après
celle- la eft celle qui a été donnée par la
Compagnie des Libraires, à Paris 1647.
fol. 2. vol. & la moindre eft celle de Lyon
de l'an 1660 fol. 2. vol. Il y en a une traduction
Françoife , de même que des Annales
facrées faite par Pierre Coppin , &
imprimée à Paris en 1654. 55. & 57. en
6.vol infol.
3.
OCTOBRE. 1730. 2231
3. Annalesfacri à Mundi creatione ad
ejufdem Redemptionem . Parifiis 1637. fol.
Item . Ibidem 1699. Item Colonia Agr.
1640. fol. Item , Parifiis 1660. ces Annales
font un Abregé de celles de Torniel .
4 Annalium Baronii Continuatio ab anno
1197. quo is defiit ad annum 1640. Pas
rifiis 1639. fol. 2. vol. Il y en a eu plu
fieurs autres Editions depuis .
5. Ordonnances Synodales. Toulouse
1630 in 8° .
6. M. de la Monnoye , dans fa Lettre
fur le prétendu Livre des trois Impofteurs,
attribue à Henri de Sponde un petit
Livre intitulé Le Magot Genevois 1613 .
in 8. p. 98. fans nom de Lieu.
Voyez la vie par Pierre Frizon à la tête
de fa continuation des Annales de Baronius
, dans les Editions faites après fa
mort , & les Hommes illuftres de Perrault.
L'Auteur des Mémoires nous permettra
d'ajoûter ici deux ou trois faits , qui
concernent le fçavant Evêque de Pamiers
& qui fans doute ne font pas venus à fa
connoiffance. Il eft certain que c'eft au
Cardinal du Perron que l'Eglife doit la
converfion d'Henry de Sponde , avant
même que ce Cardinal fût dans les Ordres
facrez : de Sponde & Jean de Salertes
, l'un & l'autre Bearnois , s'attacherent
à M. du Perron dans fon premier
voyage
2232 MERCURE DE FRANCE
voyage de Rome , où ils lui rendirent de
grands fervices pour le grand ouvrage de
la converfion de Henry IV. & ce Prince
ayant nommé du Perron à l'Evêché d'Evreux
en 1595. les deux premiers Canonicats
, dont le nouveau Prélat fut le maître
dans fa Cathedrale , furent donnez à
ces deux fçavans avant l'année 1600. Salettes
fut nommé Evêque de Lefcar en
1609. & mourut en 1632. & Sponde ,
comme on l'a vû ci-deflus , fut Evêque
de Pamiers en 1626. & mouruten 1643 ,
Evreux ne fut , pour ainfi dire , qu'un Cabinet
d'étude pour ce dernier , comme
Condé Maifon de campagne des Evêques
d'Evreux , le fut pour le Cardinal fon
Protecteur , jufqu'à ce qu'il fut nommé à
l'Archevêché de Sens.
REPONSE du Soufleur de la Comédie
de Rouen , à la Lettre du Garçon de
Caffe. A Paris , Quai de Conti , chez Tabarie
, 16 30. broch . in 12. de 71 pages.
L'Auteur s'applique d'abord à détourner
fon ami Claude , de l'envie qu'il a de
devenir homme de Lettres. Qu'est- ce
qu'un fçavant qui ne connoît que fes
Livres & fon Cabinet ? lui dit- il , le mérite
feul ne fuffit pas ; il faut fçavoir prévenir
& fupplanter un Rival , fe faire
adroitement une foule de partifans qui
Vous
OCTOBRE. 1730. 22 3 3
vous entoure , vous flate & rabaiffe les
autres. Il faut avoir l'art de s'infinuer , de
fe faire valoir , de pallier fon ignorance,
& de fe faire même un mérite de ce qu'on
ne fçait pas.
En parlant des talens des Comédiens ,
dans la feconde Lettre , page 14. on applaudit
& on blâme tous les jours par fimples
préjugez , dit l'Auteur , la bonne
mine , un fon de voix , un air gracieux
quelques difpofitions qui femblent promettre
, préviennent fouvent & captivent
les fuffrages ; celui -la eft rejetté par le même
caprice qui fait grace à l'autre , &c.
On blâme enfuite les acteurs qui font
outrez dans leur déclamation , qui expriment
la douleur comme le défelpoir , au
lieu de peindre la trifteffe & l'abattement,
par des plaintes moderées , par des regrets
& des gémiffemens , &c . On blâme
encore ceux qui expriment la tendreffe
par ce qui convient à la douleur ; le caractere
de l'amour étant la timidité , l'im
patience , la langueur , les foupirs en
Aammez , & c.
Quelle fimplicité , quelle vraifem -blance
, dit - on enfuite en parlant du feu
feur Baron ; mais que cette fimplicité
étoit majestueuſe ! il fembloit à l'aifance
avec laquelle il foutenoit fes caracteres
auguftes , que la grandeur lui fut natu-
F
relle a
1
2234 MERCURE DE FRANCE
relle , qu'il fut né pour commander aux
autres . En un mot , on l'eut pris pour
le
Prince même au milieu de fon Palais .
Bien éloigné d'appuyer fur chaque vers &
fur chaque mot , & de faire briller avec
affectation les beautez qui pouvoient
frapper , il ne montroit les penfées que
par les fentimens , ou s'il relevoit quelque
fens ou quelque expreffion , c'étoit
de celles qui femblent cachées , & qui ne
fe produilent point aflez d'elles-mêmes.
Lorfque cet Acteur foupiroit , fe plaignoit
, aimoit , entroit en fureur , tous
les mouvemens étoient tels que fon
amour , fa fureur , fa crainte , &c. paroiffoient
véritables . Il fçavoit caracteriſer
toutes ces paffions , par ce qu'elles ont de
particulier , & non feulement il ne les
confondoit point les unes avec les autres ;
mais il les diftinguoit en elles-mêmes par
mille circonftances propres aux perfonnages
dont il étoit revêtu ; on découvroit
même au milieu de fes tranſports un combat
de Héros & de l'homme paffionné , de
fa fermeté naturelle & du penchant qui
l'entraîne ; enfin un mélange de fa
gran
deur & de fa foibleffe.
En parlant de la Die, le Couvreur , on
lit à la page 31. Jamais elle ne fe préſentoit
fur le Théatre qu'elle ne parut penétrée
; fes yeux annonçoient ce qu'elle
alloit
OCTOBRE . 1730. 2235
alloit dire , fa crainte & fes foupirs étoient
peints fur fon vifage. Au furplus , elle difpofoit
à fon gré de fon coeur & de fes fentimens.
Elle paffoit fans peine de la violence
à une tranquilité parfaite , de la
tendreffe à la fureur , d'une frayeur fubite
au déguiſement , &c . fon vifage étoit fuc-.
ceffivement ferein , trouble , foumis
fier , abbatu , menaçant , emporté , plein
de compaffion . Dans tous ces mouvemens
, le fpectateur la fuivoit fans réfiltance
; il étoit auffi touché qu'elle- même
, fa furpriſe faififfoit , on craignoit
on gemiffoit , on trembloit avec elle , on
pleuroit même avant que de voir couler
fes larmes. Cela n'eft point furprenant
c'eft qu'on ne voyoit rien en elle qui ne
parut réel & effectif. Sa voix fembloit
moins s'exprimer que fon coeur ; mais
elle accordoit toûjours la paffion avec le
caractere general , fans jamais oublier
l'un pour l'autre. Elle étoit noble au milieu
de fes tranfports , fa fierté égaloit
celle de fon perfonnage fans l'outrer ;
Phedre étoit livré à fes fureurs & à fon
amour , fans être au- deffous de fa grandeur.
Mile le Couvreur qui s'étoit formée fur
Baron ( tout le monde ne conviendra pas de
cela ) le contentoit d'être naturelle fans
affecter cette fimplicité. Elle évitoit
Fij l'enflure ;
trop
2236 MERCURE DE FRANCE
1
Fenflure ; mais elle ne defcendoit jamais
au- deffous de la grandeur heroïque. Elle
étoit fimple , fi vous voulez , parce que
la nature a quelque chofe d'aifé , qui approche
de la fimplicité , mais non pas
fimple , comme le fieur Baron . Le fond
de fon jeu étoit naturel , elle rejettoit
tout ce qui peut paroître outré , recherché
, ambitieux , mais elle ne lui refufoit
point certain ornement capable de ren-
Are l'action plus brillante & plus majeftueufe
: enfin pour exprimer entierement
ce que je penfe , je comparerai le gout
de :
la déclamation à celui de la parure dans
les Dames , & je dirai que fans tomber dans
F'excès des unes qui accablent leurs vifages
d'un mélangé de coloris empruntez
ni dans l'indifference des autres qui méprifent
tout ce qui eft étranger à la nature
, elle imitoit celles qui relevent avec
modeftie l'éclat de leur beauté naturelle.
En effet le fimple n'eft neceffaire qu'autant
qu'il faut éviter l'enflure des vers
le naturel eft d'une neceffité indifpenfa
ble dans toutes les parties .
A la page 52. en parlant du Parterre &
des Spectateurs qui décident, on y lit : La
Comédie eft fouvent remplie de gens fans
goût qui ne fçavent rire que d'une farce ,
d'une pointe , d'une poliffonnerie ; la Foire
leur conviendroit beaucoup mieux qu'un
Spectacle
OCTOBRE 1730. 2237
Spectacle plus férieux . Cependant comme
les plus fous font toûjours les plus hardis
& les plus prompts à juger , c'eft fouvent
une femblable cohue qui fifle , ou
qui applaudit au premier caprice.
que
me ,
و
Il eft bien plus aife , continue l'Auteur ,
de remarquer les défauts des Comédiens
de faire mieux ; en effet , il faut tant
de parties pour faire un parfait Acteur
même un bon , qu'il n'eft pas furprenant
qu'il y enait fi peu. Celui- ci aura de l'amais
il manque de voix. Un autre a
tout ce qu'il faut , mais il n'a point de
repréſentation . Il faut donc raffembler la
voix , la mine , les entrailles , le feu , une
longue pratique , une décence naturelle
mille autres petites qualitez dont le défaut
ne faifit point d'abord , mais qui ne
laiffe point de faire un tort imperceptible
au bon qui fe rencontre d'ailleurs. Delà
on conclud , que nous ne devons rebuter
qu'un Acteur , qui après une longue habitude
au Theatre refte opiniâtre dans fes
défauts, fans acquerir aucun talent. Il faut
au contraire fupporter celui qui travaille
à fe corriger , & l'encourager lorfqu'il
fait bien . Mais il feroit à fouhaiter que le
public accordât fon fuffrage avec plus de
difcernement,& n'applaudit qu'au mérite.
PRINCIPES GENERAUX ET RAISONNEZ
Fiij
de
2238 MERCURE DE FRANCE
de la Grammaire françoife , par demandes
& par réponſes , dediés à Monfeigneur
le Duc de Chartres . A Paris , chez Jean
Defaint , Libraire- Juré de l'Univerfué
ruë de S. Jean de Beauvais. 1730. volume
in 12 d'environ 350 pages. prix une
liv. 15 f.
Celui qui a compofé cet ouvrage a
eu deffein d'entrer dans les vuës de M.
Rollin , qui dit dans fon excellent Traité
des Etudes , qu'il feroit à fouhaiter que
l'on compofât pour les jeunes gens une
Grammaire abregée , qui ne renfermât
que les regles & les reflexions les plus
neceffaires . Les gens fenfez fe plaignent
avec raifon depuis long- tems que l'on
faffe employer à la jeuneffe une fi longue
carriere pour leur apprendre le grec & le
latin , & que l'on néglige de leur donner
en même tems des regles fûres pour bien
parler , & pour bien écrire leur propre
langue. On entend tous les jours des gens
habiles d'ailleurs prononcer je trouverrai
pour je trouverai , il mourera , pour il
mourra , &c. On voit très -peu de Lettres
bien ponctuées , bien orthographiées ,
d'où cela vient- il ? fi ce n'eft du peu d'attention
que l'on a d'inftruire les enfans
des regles de leur propre langue.
On ne fçauroit donc trop louer le deffein
que s'eft propofé celui qui a arangé
la
OCTOBRE. 1730. 2239
la nouvelle Grammaire Françoife dont
nous parlons. Ce livre eft très -clair , trèsméthodique
, & rempli de beaux exemples
, qui fervent à faire entendre les définitions
qui fe trouvent néceffairement
dans un ouvrage de cette efpece.
On trouve à la fin de ce Livre un Traité
de l'Orthographe , de la Ponctuation , &
de la Prononciation , où l'Auteur a ramaffé
tout ce qui lui a paru neceffaire fur ces
trois articles.
L'Univerfité de Paris paroît juger fa
vorablement de cet Ouvrage puifque
plufieurs des plus habiles Profeffeurs l'ont
déja mis entre les mains de leurs Ecoliers ,
pour en faire un livre claffique.
On apprend de Palerme qu'on y a im →
primé chez Felicella , un petit Traité in 40
de 150 pages , intitulé della Lithotomia
Dom Joach. Paris , Chirurgien , homme
de Lettres & Académicien , en eft l'Auteur.
Il enfeigne une méthode pour faire la
Taille avec plus de facilité & de fûreté ;
il donne en taille douce la figure des
nouveaux inftrumens qu'il employe
1730.
VOYAGES DU P. LABAT , de l'Ordre des
Freres Prêcheurs, en Eſpagne & en Italie.
A Paris , ruë S. Jacques , chez J. B. de
Fiiij Lepine
2240 MERCURE DE FRANCE
Lepine , fils. 1730. 8. vol . in 12.
VOYAGE DU CHEVALIER DES MARCHAIS
en Guinée , Ifles voifines , & à Cayenne
fait en 1725. 1726. & 1727. contenant
une Defcription très - exacte & très - étenduë
de ces Pays , & du commerce qui
s'y fait , enrichi d'un grand nombre de
Cartes & de Figures en taille douce , &
donné au Public par le R. P. Labat , de
l'Ordre des Freres Prêcheurs. Quay de Gêvres
, chez Sangrain , 1730. 4. volumes
in 12 .
HISTOIRE ROMAINE depuis la fondation
de Rome , avec des Notes hiftoriques
, géographiques & critiques , des
gravures en taille douce , des Cartes géographiques
& des Médailles authentiques.
Par les RR. PP. Catron & Rouillé , de la
Compagnie de Jeſus , 1730. in 4. Tom.
XIII. depuis l'année de Rome 608. jufqu'à
l'année 641. Tom. XIV. depuis
641. jufqu'en 667. Tom. XV.depuis 667.
jufqu'en 690. Tom. XVI. depuis 690. juſqu'en
705. Quay des Auguftins , rue Saint
Jacques , & c. chez Rollin , J. B. de Lepine ,
Coignard , fils. 1730.
> HISTOIRE DE L'EGLISE GALLICANE , dediée
à Noffeigneurs du Clergé. Par le P.
Jacques
OCTOBRE. 1730. 2241
Jacques Longueval , de la Compagnie de
Jefus , 1730. in 4. le premier Tome contient
l'Hiftoire depuis l'établiffement de
la Religion jufqu'à l'année 434. de J. C.
Tome II. depuis 434. jufqu'en 561. Tom.
III. depuis 561 , jufqu'en 648. Tom. IV.
depuis 648. jufqu'en 790. Chez Pierre
Simon , ruë de la Harpe , 1730.
NOUVELLES PENSE'ES fur le Siftême de M.
Defcartes & la maniere d'en déduire les
Orbites & les Aphelies des Planettes :
-Piece qui a remporté le Prix proposé par
l'Académie Royale des Sciences , pour
l'année 1730. Par M. Jean Bernoulli , Profeffeur
des Mathématiques à Bâle , & Membre
des Académies Royales des Sciences
de France , d'Angleterre & de Pruffe.
Chez Claude Jombert , rue S. Jacques ,1730.
.in 4.
LA SCIENCE DE LA JEUNE NOBLESSE
Tom. III. Par le P. Duchêne , de la Compagnie
de Jefus , 1730. in 12. Ce volume
comprend l'Abregé de l'Hiftoire Eccléfiaftique
, en vers François , avec l'Explication
en profe de ces mêmes vers , plus circonftanciés
& plus étendus. Chez Ch.
Moette , rue de la Bouclerie , & P. Simon ,
ruë de la Harpe.
Ey PANE
2242 MERCURE DE FRANCE
PANEGYRIQUE DE S. LOUIS , Roy de
France , prononcé dans la Chapelle du
Louvre , en préſence de Meffieurs de l'Académie
Françoife , le 25. Aouft 1730. Par
M. l'Abbé Ragon , Chapelain de S. A. R.
Madame la Ducheffe d'Orleans . Chez J.
B. Coignard , fils , ruë S. Jacques , 1730 .
Brochure in 4.
RITUEL du Diocèſe de Blois , publié
par l'autorité de Monfeigneur Jean François
Paul de Caumartin , Evêque de Blois.
4 Blois , chez P. J. Maffon 1730. Ở
Paris , chez Barthelemi Alix , Libraire
-ruë S. Jacques , prés la Fontaine S. Severin
, au Griffon. Volume in 4. d'environ
40. pages. Prix 10. livres .
M. l'Evêque de Blois vient de donnerun
Rituel à fon Diocèle pour y établir
une Diſcipline uniforme dans l'adminif
tration des Sacremens , & dans les autres
Cerémonies de la Religion . Cet Ouvrage
eft formé fur le plan & dans le gout
des
plus excellens Rituels qui ont paru en
France. Chaque action ou Cerémonie Religieufe
eft précedée d'une Inftruction
qui exprime en termes fimples , clairs &
précis ce qu'il y a de plus intereffant pour
le Dogme , la Morale & la Difcipline.
On y ajoûte des Exhortations lorſque les
circonftances le demandent ; on y trouve
des
OCTOBRE. 1730. 2248
des formules pour annoncer au Prône les
principaux Myfteres & Fêtes de l'année .
On s'eft exactement conformé aux Ordonnances
de nos Rois & à la Jurifprudence
des Cours féculieres fur plufieurs
points de difciplines & comme le Mariage
eft un des engagemens les plus importans
pour l'Eglife & pour la Societé
Civile , l'Inftruction qui précede l'Adminiftration
de ce Sacrement a été particulierement
communiquée & concertée
avec des perfonnes de la Magiftrature &
du Barreau très refpectables & très éclairées.
Tout l'Ouvrage a été commencé , continué
& confommé fous les yeux & fous
la Direction du Prélat. Dans le magnifique
Mandement qui fert de Préface au
Rituel , il explique ainfi l'ordre & la métode
qu'on y a fuivis » Nous avons con-
» fulte plufieurs perfonnes pieufes &
» éclairées ; c'eſt ſur leurs avis , pris dans
» un grand nombre de Conferences qu'ont
été dreffées les Inftructions que le Ri-
» tuel renferme. Nous nous fommes affu-
» jettis , autant qu'il s'eft trouvé poffible,
» aux Ufages de l'Eglife Romaine dont
>> les Rits font reçûs & refpectés dans l'Eglife
Gallicane depuis tant de fiecles
» aux Coûtumes des Eglifes de Sens & de
» Paris , fucceffivement nos Métropoles ,.
F vj
2244 MERCURE DE FRANCE
D
" & de l'Eglife de Chartres dont notre
» Diocèfe faifoit ci -devant partie. Nous
nous fommes conformés avec refpect
» aux Déclarations du Clergé de France
qui pouvoient y avoir rapport ... Sur
» divers Points de Difcipline , nous avons
» exactement obfervé les Ordonnances de .
>>
nos Rois protecteurs & executeurs des
» Saints Canons & la Jurifprudence des
» Cours féculieres du Royaume. Nous
" avons rapellé les Difpofitions des di-
» verſes Coûtumes qui ont lieu en ce
» Diocèſe au ſujet des Teftamens qui pou-
» roient être reçus par les Curés & Vi-
» caires. Nous avons enfin raffemblé tout
» ce que nous avons jugé neceffaire pour
» votre édification & inftruction , & pour
" la conduite des Fideles. Le Rituel que
» nous vous préfentons n'eft point un
fimple Recueil de Rits & de Cerémo-
" nies ; chaque Inftruction vous donnera
» une expofition abregée & précife du
>> Dogme , de la Morale , de la Difcipline
qui ont quelque rapport au point qui
eft traité.
29
M. de Blois finit fon Mandement par
un beau Paffage de S. Gregoire. » En vous
» préfentant , dit le Prélat , les faintes
Regles que l'Eglife a prefcrites pour la
» fanctification du Peuple Chrétien , nous
yous recommandons de les fuivre avec
ן ג
une
OCTOBRE. 1730. 2245
» une religieufe exactitude , & de remplir
» cependant les devoirs du facré Minif
» tere avec toute la prudence , la douceur
» & la charité que l'Eglife exige de fes
» Miniftres , de ne jamais oublier , que fi
» les Paſteurs font les dépofitaires de l'au-
» torité de Jefus-Chrift ils font auffi les.
» Vicaires de fon amour. Si eft diftrictio
virga queferiat , fit & confolatio baculi que
fuftentet. Sit amor , fed non emolliens ,fit
rigor , fed non exafperans fit zelus , fed
non immoderatè faviens ; fit pietas , fed non
plufquam expediat parcens..
,
Ce Rituel a été publié avec les Ordonnances
Synodales dans le Synode General
tenu à Blois le 5. Septembre dernier.
Maffon a imprimé féparément les Inf--
tructions tirées du Rituel de Blois , in 12. z.
Vol. petit papier. Prix trois livres 10. fols.
Ce Livre le trouvera auffi à Paris , chez
Barthelemi Alix , Libraire , rue S. Jacques.
RECUEIL des Reglemens generaux
& particuliers , concernant les Manufac
tures & Fabriques du Royaume. 4. Vol.
in 4. A Paris , de l'Imprimerie Royale.
M. DCC . XXX.
Tandis que les Preffes ordinaires font
fouvent employées à mettre au jour des
Ouvrages frivoles , ou tout à fait inutiles ,
l'Imprimerie Royale continue de ne publier
2246 MERCURE DE FRANCE
Blier que de bons Livres , & des Ouvrages
d'une utilité generale. Tel eft le Recueil
dont on vient de voir le titre , Recueil
auquel tout le monde peut prendre
interêt , parceque fans être Marchand ni
Ouvrier , perfonne en general ne peut ſe
paffer des chofes qui en font le fujet , &
qu'il ne doit être indifferent à perfonne
d'en fçavoir les differentes Fabriques , &
en quelque façon leur mérite & leur apréciation
, fans parler de la Police exacte
que la fageffe de nos Rois & la vigilance
de leurs Miniftres ont trouvé à propos
d'établir fur le fait des Manufactures pour
le bien du Commerce en general , & pour
la commodité & l'utilité particuliere des
Sujets.
Comme un Ouvrage de cette nature
n'eft gueres fufceptible d'Extrait , il nous
fuffira d'avertir qu'on y trouve par tout
l'ordre & l'arrangement neceffaire pour
la commodité des perfonnes qui auront à
s'inftruire fur tant de differentes matieres;
les Sommaires enfin , les Tables & les
autres fecours que les Lecteurs les plus
difficiles pourroient fouhaiter.
On trouve à la fin du IV. & dernier To-
-me un SUPPLEMENT , contenant les Reglemens
intervenus fur le fait des Manufac
tures pendant le cours de l'impreffion de ce
Recueil. Ces Réglemens font rangés dans
l'ordre
OCTOBRE. 1730. 2247
l'ordre des differentes parties de cette collection
, aufquelles elles appartiennent
par leur efpece , & dont ils font la fuite.
& la continuation .
و
ABREGE DE L'HISTOIRE D'AN
GLETERRE , avec des Reflexions Politiques
& Hiftoriques fur les Regnes des
Rois , leurs caracteres leurs moeurs
leur fucceffion au Trône , & tous les anciens
évenemens remarquables jufqu'à la
révolution de 1688. inclufivement , tiré
des Mémoires & des Manufcrits les plus
autentiques. Traduit de l'Anglois de
M. Heggons , par M. L. B. D. G. Difcite
juftitiam moniti. Virg. A la Haye , chez
T. Jobuften. 1729.
LETTRES DE M. BAYLE , publiées
fur les Originaux , avec des Remarques
par M. de Maifeaux , Membre de la Societé
Royale. A Amſterdam, 1729. 3. Vol.
in 12.
و RECUEIL DES EDITS Déclara
tions , Arrêts & Reglemens qui font pro
pres & particuliers aux Provinces du reffort
du Parlement de Flandres , imprimé
par l'ordre de Monfeigneur le Chancelier,
divifé en deux parties , chez Jacques François
Willervel , 1730. in 4.
RELA
2248 MERCURE DE FRANCE
RELATION de ce qui s'eft paffé à la
Thefe de Théologie dédiée à la Reine ,
foutenue dans l'Eglife des RR . P P.
Recollets de la Ville d'Arles , le 18. Septembre
, 1730. Par M. de Morand. Brochure
in 4. de 25. pages. A Arles , chez
Gafpard Mefnier , &c. 1730 .
Les RR.PP. Récollets de la Ville d'Arles.voulant
donner une preuve authentique de leur reconnoiffance
envers la Maifon de Lefcfincki
réfolurent , à la follicitation du P. Gélafe Mottet,
qui a été deux fois Provincial , de dédier une
Théfe à la Reine . Le P. Gélafe après en avoir obtenu
la permiffion de S. M. écrivit là - deffus à
M. le Maréchal de Villars , Fondateur & Protecteur
de la Maifon d'Arles. Ce Seigneur applaudit
fort à ce projet , & en écrivit auffi- tôt à
MM . les Confuls , Gouverneurs de la Ville d'Arles
, qui fe préparerent à répondre aux intentions
de M. de Villars , & à leur propre zéle.
Ils priérent d'abord les Commiffaires de l'Académie
de Mufique , de leur fournir tout ce qu'ils
avoient de Muficiens de leur Académie ; & pour
rendre la Fête plus agréable & plus accomplie, cn
voulut avoir dans cette occafion une Mufique
compofée exprès. M. de Morand fût chargé de
compofer les paroles d'un Concert, & M.Clavis ,
Maître de Mufique de l'Académie , dé les mettre
en chant .
Les Confuls furent décorer l'Eglife magnifi
quement, & on y plaça quantité de Luftres & de
Girandoles. Un Dais fuperbe par la richeffe & le
gout de fa broderie en or , s'élevoit au milieu ; &
fous le Dais étoit placé le Portrait de la Reine. On
voyoit les Armes du Roy, de la Reine & du Danphim
OCTOBRE. 1730. 2249
phin placées fur de riches Toillettes de Velours
fur la principale porte & en differens endroits.
Tout étant ainfi difpofé , les Confuls en aver
tirent M. l'Archevêque , & joignirent leur invitation
particuliere à celle des PP. Recollets.
M. l'Archevêque indiqua le jour de la Cérémonie
au 18 Sept. Ce jour-là étant arrivé, M. l'Archevêque
, accompagné de fon Chapitre , fe rendit à
J'Eglife fur les deux heures après midi , & fe plaça
au pied du Thrône , du côté droit , ayant
à fa
droite fon Chapitre. Les Confuls s'y rendirent
auffi , précédez des Trompettes & des Hautbois ,
accompagnez de prefque toute la Nobleffe qu'ils
avoient invitée, ils fe placerent au pied du Thrône
de la Reine , du côté gauche , ayant à leur
gauche les Religieux des differens Ordres de cetté
Ville qui devoient argumenter à la Thefe. Il y
avoit un grand nombre de Chaifes & de Bancs
où fe placerent la Nobleffe & les Dames qui
avoient voulu être de la Ceremonie.
Le R. P. Didier , Profeffeur en Theologie, qui
alloit foûtenir cette Thefe , commença fon Acte
par un Difcours tres eloquent, & qui fut fort
gouté , addreffé à la Reine : Il avoit pris pour
texte , ces paroles de Jefus - Chrift , en S. Matth.'
22. 20. De qui eft ce te Image , lefquelles étoient
au deffous du Portrait de la Reine , en taille
douce , qui ornoit la Theſe.
Nous ne donnerons point d'Extrait de ce Dif
cours, qui fe trouve en Latin & en François dans
cette Relation , pour ne pas exceder les bornes
qui nous conviennent .
Après le Difcours , on diftribua les Thefes , &
les paroles imprimées du Concert. Au commen
cement du Concert on tira 60 Boëtes , & enfuite
la Mufique continua & finit avec applaudiffe
Icht
21
2250 MERCURE DE FRANCE
ment. M. Francani , Vicaire General , &c. de
M. l'Archevêque , prononça un autre fort beau
Difcours pour l'ouverture de la Thefe. Un Benedictin
de la Congr. de S. Maur parla enfuite , &
après lui fucceffivement un Dominiquain , un
Carme , un Cordelier , un Trinitaire , un Capucin
, un Jéfuite , un Auguftin déchauffé & un
Carme déchauffé , qui tous complimenterent la
Reine avec beaucoup d'éloquence.
M. de Morand propofa le dernier Argument, à
la priere des Confuls & des P P. Recollets , & fir
un Compliment François à S. M. il y ajoûta une
Ode de fa compofition pour dédommager les
Dames.M.le Chevalier de Remieu , Affocié à l'Académie
d'Arles, prononça encore un Eloge de la
Reine ; aprés quoi le P. Didier termina toute la
Ceremonie , en remerciant la Reine , il remercia
auffi M. l'Archevêque , M. de Villars , les Confuls
& toute l'Affemblée ; il ne démentit point la
qualité d'homme d'efprit,comme il n'avoit point
démenti celle de grand Théologien. On fit une
feconde décharge de Boëtes , aprés laquelle M.
l'Archevêque & les Confuls s'en retournerent
dans le même ordre qu'ils étoient venus , fort
fatisfaits de cette Fête.
M. de la Gueriniere , Ecuyer du Roy , vient de
faire imprimer la quatriéme & derniere leçon
d'un Livre intitulé : ECOLE DE CAVALLERIE ,
contenant un Recueil des principes , qui regardent
la connoiffance dés Chevaux , la maniere de
les dreffer , & generalement tout ce qui peut former
un connoiffeur & un homme de cheval.
Cet ouvrage qui a été composé pour fervir
aux Démonftrations publiques , que l'Auteur a
commencé de faire depuis près d'un an , tous les
Samedis
1
OCTOBRE. 1730. 2251
Samedis dans fon Académie , ruë de Vaugirard ,
en faveur de Mrs les Académiftes & de tous ceux
qui veulent y affifter , ce qui eft tres -utile , nonfeulement
pour tous les jeunes Gentilshommes
qui feront dorénavant leurs exercices , mais encore
pour tous les Officiers & autres perfonnes
qui font dans l'obligation d'avoir des Chevaux.
Tous les Auteurs qui ont écrit jufqu'à prefent
fur cette matiere, n'ont parlé que de chaque partie
en particulier ; les uns fimplement du Manége
, les autres des maladies des Chevaux ; dans
celui- ci on a réuni dans un feul volume toutes les
differentes parties qui ont du rapport aux Chevaux.
On s'eft attaché à y mettre tout l'ordre
poffible ; le ftyle en eft fimple & concis , les définitions
en font claires & dévelopent méthodiquement
les principes que l'on y établit : de forte
qu'on peut aisément parvenir à les mettre en
ufage.
L'Ouvrage eft diftribué en 4 leçons , & chacune
de ces leçons en plufieurs chapitres.
La 1. leçon explique le nom des parties exte
rieures du Cheval , leur fituation , leur beauté &
leurs deffauts.
La 2. regarde l'âge , la difference des poils
l'embouchure , la ferrure , la felle , & c.
La 3. enfeigne à dreffer les jeunes Chevaux
pour le Manége , pour la Guerre , pour la Chaffe
& pour le Caroffe.
Et la 4. renferme un Traité d'Oftéologie du
Cheval , la définition de ſes maladies , les remedes
pour les guérir & un Traité d'Opérations.
Ces 4 parties ont été faites dans la vûë de former
tous les ans un Cours de Cavalerie , qui durera
neuf mois . Le 1. vient d'être interrompu ,
à la 4 partie,par la faifon peu favorable pour les
démonſtrations & les opérations Anatomiques
qui
2252 MERCURE DE FRANCÉ
qui font le fujet de cette 4 partie , & que l'on fe
propofe de faire fur des fujets réels ; mais on
continuera ce cours le Samedy d'après la faint
Martin ; & l'on en recommencera en mêmetemps
un 2 ; ainfi cet arangement , que l'on fuivra
toujours par la fuite , fatisfera & la curiofité
des commençans, & ceux qui ont déja de la connoiffance.
Un Medecin de la Faculté de Paris fe fera un
plaifir d'en faire lui - même les Démonftrations
Anatomiques, à l'exemple d'Herouard , Medecin
d'Henry IV. qui avoit commencé , par les Ordres
de ce grand Roy, de travailler fur cette matiere
; mais la mort de ce Prince interrompit ce
projet , & il ne nous refte qu'un fimple abregé
d'Oftéologie.
Il y a lieu de s'étonner que de pareils exercices
n'ayent point encore été inftituez dans les Académies
, on auroit certainement fait des découvertes
curieufes & neceffaires à la confervation
d'un animal fi utile , car il ne fuffit pas de fçavoir
monter à Cheval avec grace & fermeté , il
faut joindre à ces qualitez celles de fçavoir acheter
& dreffer un Cheval pour fon ufage , le conferver
en fanté , le guérir de fes maladies & accidens
, lui ordonner l'embouchure , la ferrure
& la felle convenable , qui font des connoiffances
abfolument neceffaires , tant pour ceux qui fe'
deftinent au fervice , que pour tous ceux qui ſe
fervent de Chevaux.
Jean Villette , fils, Libraire , rue S. Jacques , à
S. Bernard , vend actuellement la continuation de
la troifiéme partie du Traité de l'Univers matériel
, ou Aftronomie Physique , contenant les
Tables du Flux & du Reflux de la Mer Océane ,
des Afpects , des Planetes avec la Lune, des Vents
quis
OCTOBRE . 1730. 2253
qui pourront être caufez par fa preffion , & du
Paffage de quelques Etoiles fixes par le premier
Méridien , pendant l'année 173 1. avec l'Explication
des Tables , & de leurs ufages. Par le feur
Petit , Arpenteur à Blois . Brochure in 12. de
trois feuilles ; fe vend fix fols.
On a fait un volume de toutes les feuilles de
la Spectatrice , qui ont paru , & des nouvelles
qui n'ont point paru . Il fe vend 24 f. broché , &
35 f. relié en Veau. A Paris , chez la veuve.
Piffot , Quai de Conti ; & au Palais , chezJean
de Null
Armand , Libraire à Paris , vient d'achever
l'impreffion du Recueil des principales Décifions
fur les Dimes , les Portions congrues , les Droits
Charges des Curez primitifs. Extraits des
Canons, des Conciles & des plus celebres Auteurs ,
conformément aux Edits & Déclarations du Roy
& de la Jurifprudence des Parlemens du Royaume
& du Grand Confeil. Par l'Auteur des Décifions
Beneficiales .
Il paroît une Tragédie d'Oedipe , ou des Trois
Fils de Jocafte , mais trop tard pour en pouvoir
donner l'Analyfe ce mois cy. On la débite chez
le Breton , quay des Auguftins , qui en imprime
actuellement deux autres , des neuf Tragédies
d'Oedipe , compriſes dans le Privilege accordé à
l'Auteur des Trois Fils de Jocafte.
On nous écrit d'Amfterdam , que Fr. Changuien
, Libraire de cette Vile , imprime actuel.
Iement un Recueil de Lettres furdifferens fujets,
qui pourront intereffer les curieux . Ce ne fera
d'abord qu'un vol . in 12. de 248 pag. mais qui
pourra
2254 MERCURE DE FRANCE

*
pourra avoir une fuite. La premiere, de ces Lettres
eft fur les Habitans de l'air , & contient des recherches
agréables fur les Oifeaux , & la feconde
roule fur la Fontaine de Veron , près la Ville de
Sens , dont l'Auteur décrit les merveilles & les
propriétez , dont la principale eft que l'eau ſe pétrife
; ce qui donne lieu de rapporter d'autres
exemples de pareilles eaues merveilleufes , & de
faire paroître beaucoup de lecture & de l'érudi
tion. Cet Ouvrage eft de M. le Beuf, Capitaine de
la Milice Bourgeoife de la Ville de Joigny en
Bourgogne.
Hermand Vytvvers , autre Libraire d'Amfterdam,
nous avertit que c'eft lui qui a imprimé en
1723. fur l'Edition de Paris, le Voyage de Syrie
& du Mont-Liban , &c . de M. de la R... fur quoi
il y a une mépriſe dans le Mercure de France du
mois de Janvier 1729. pag. 21. où il eſt parlé de
la réimpreffion de ce Livre.
L'Auteur , qui fait bon gré au Libraire de fon
exactitude , profite de cette occafion pour rétablir
un endroit de fon Livre qui a été obmis par
les Imprimeurs , pour n'avoir pas pris un renvoi
dont la marge du Manufcrit étoit chargée . C'eſt
à la p. 346. de l'Edition de Paris & 279. de celle
d'Amfterdam , dans la Differtation hiftorique
qui regarde la fource & le cours du Jourdain
avant ces mots : Contentons - nous , en finiffant;
lifez ce qui fuit.
93
Mais nous ne fçaurions oublier icy un point
celebre dans l'Hiftoire,& qui a rapport à notre
so Fleuve. C'eft le Triomphe avec lequel l'Empereur
Tite fit fon entrée à Rome , après la prife
» de Jerufalem , & l'entiere réduction des Juifs.
Triomphe dont on éleva depuis un Arc fuperbe
, plufieurs fois gravé & connu de tous les
Antiquaires. On voit dans la Frife de cet Arc ;
93
» parmi
OCTOBRE . 1730. 2255
32
parmi les Figures fymboliques ; & c, la figure
du Jourdain portée en triomphe par des Sol-
» dats Romains. C'eft un Vieillard , couché &
appuyé fur une Urne renversée, pour marquer
plus particulierement par ce fymbole la conquête
de la Judée , & les Juifs vaincus & foumis
à l'Empire Romain. Le P.de Montfaucon
qui n'a pas oublié dans fon grand Recueil cer
Arc de Tite , a fait graver en grand & en plu-
» fieurs Planches , lés principaux fujets de la Frife,
qui en font les plus curieux ornemens. La Figure
du Jourdain , qui eft d'un excellent

30

gout
fe trouve dans la Planche 101.du 4 tom.part.1.
» pag. 162. & merite une attention particuliere.
C. CRISPI SALLUSTII OPERA : qua extant ad
ufum Scholarum Univerfitatis Parifienfis . Ivol.
in 12.Parifiis apud Joannem Defaint , Bibliopol.
Jurat. &c. viâ S. J. Bellovacenfis 1729.
Nous ne manquions pas d'Editions de Sallufte,
accompagnées ou de Commentaires ou de Notes,
mais nous en manquions du merite de celle- cy ,
dans laquelle l'Editeur n'ayant en vue que l'uti
lité particuliere de la jeuneffe , n'a rien épargné
pour arriver à un but fi loüable , & fi fouvent
négligé par ceux qui n'ont penfé qu'à briller
dans cette carriere & à faire parade d'une vaine
érudition. Ce n'eft pas cependant que les perfonnes
avancées dans les Humanitez , les Maîtres
mêmes ne puiffent lire utilement & agréablement
les Notes courtes & choifies , dont le nouvel
Editeur a accompagné le Texte de Sallufte.
Une affez courte Préface dans laquelle il rend
compte de fes intentions, & de l'execution de fon
travail , mérite d'être lûë . On y trouve auffi un
précis de la vie de Sallufte , & un jugement de
cet Hiftorien. Nous ne rapporterons rien de fa
Critique , parce que la latinité de l'Editeur eft fi
purs
2256 MERCURE
DE FRANCE
pure , fon expreffion fi énergique , qu'il y auroit
de la témerité à nous , & de la perte pour le public , fi nous préfumions de bien rendre en
françois tous les traits avec lefquels ce parfait
imitateur de Sallufte a peint fon Auteur.
Contentons -nous de faire connoître Sallufte
des traits équivalens , que nous emprunterons par
d'un celebre Ecrivain François.
םיכ
30
82
Parmi les Hiftoriens Latins , Sallufte a l'air
grand, l'efprit jufte,le fens admirable. Perfonne
n'a mieux exprimé le ftyle fenfé , exact , auftere
de Thucydide. Il eft dur quelquefois dans fes
expreffions , mais il n'eft point fade ; ſa brieveté
lui ôte un peu de fa clarté . Il n'a rien de faux
» dans fes manieres , & il donne du poids à tout
» ce qu'il dit . Ses fentimens font toujours beaux ,
fes moeurs ne fuffent pas bonnes ; car quoique
il déclame fans ceffe contre le vice , & il parle
toujours bien de la vertu . Je le trouve un peu
trop chagrin contre fa Patrie , & mal penfant
contre fon prochain : du refte c'eft un fort
grand Homme. C'eft ainfi que s'exprime le
P. Rapin , dans fes Reflexions fur l'Hiſtoire , art .
28. en rendant admirablement bien ce qu'Avîude
mots de Sal- gelle & Lactance ont dit en peu
lufte , & en ajoutant fon propre jugement ſur cet
Hiftorien .
B3
02
Il nous refte à dire que le Libraire de fon côté
a employé dans cette nouvelle Edition toute la
fagacité de fon Art pour la rendre correcte , &
pour ainfi dire , fort gracieufe , par la beauté &
la netteté des caracteres. N'oublions pas que les
Notes font de M. Heuzet , qui a profeflé avec
réputation au Collège de Beauvais , & qui a donné
les Selecta Hiftoria tum è veteri Teftamento,
cum è prophanis Scriptoribus , qui eft entre les
mains de tout le monde.
EXTRAIT
OCTOBRE. 1730. 2257
EXTRAIT des Paranymphes faits aux
Ecoles de Medecine de la Faculté de
Paris , le 27. Août 1730. Par M. D. A.
MMD
R De la Riviere , Licentié de la Faculté de
Medecine de Paris , fit les Paranymphes
le 27. du mois dernier avec toute la force & la
dignité que requeroient & l'excellence de la Medecine
& la matiere qu'il avoit à traiter.
Le Paranymphe ne fe propofe ordinairement
pour but qu'un fimple éloge , qui fe termine par
une Critique ingénieufe de ceux qui font en Licence.
L'Orateur s'eft attaché à la premiere partie
de cette idée ; mais encore elle n'eft pas la
fcule , ni même la principale qui ait paru l'occuper
; elle eft amenée & foutenue par deux Chefs
qui font le corps du Difcours adreffé à fes Collegues
: Les avantages de l'union , les triftes effets
de la Difcorde. Il fournit les moyens de
cultiver l'une , & combat les caufes qui donnent
naiffance à l'autre , & laiffe échaper de tems en
tems les louanges dues à la Medecine. L'Analiſe
que voici mettra l'execution dans un plus beau
jour. Il repréfente la Medecine avec fes plus
beaux attributs , & foutient que tout cela n'eft
rien , en comparaifon de l'avantage qui lui revient
de l'union des fiens. Il la fait enfuite
paroître
avec tout ce qu'il y a de plus defavantageux
pour elle , & dit que tout cela n'eft rien ,
en comparaifon du dommage que lui cauferoit
leur défunion . C'eft là le tiflu de fon Exorde . Il
entre en matiere.
Après avoir établi la Medecine auſſi ancienne
que le monde , il la propofe comme un préfent
des Cieux : Taniumque ab alto munus alnis
G `am2818
MERCURE DE FRANCE
amplector memoribus : at , proh dolor ! continue
til , hoc purum integrumque confervandi viam
ignoratis , amici Collega . Ce chemin ignoré ,
c'est l'union qui devient le plus bel attribut de la
Medecine : cette union , dit-il , regardée comme
le premier mobile de fa confervation ; ce qu'il
prouve par une comparaifon tirée de l'existence
de notre machine , laquelle ne fubfifte que par le
concours & l'union de toutes les parties , union
abfolument requife pour feconder la puiffance
qui l'anime , & voici ce qu'il en infere : La Medecine
eft - elle donc une ame ? oui , fans doute ,
( pourfuit- il ) Medicina eft fpiritus ille à Dea
infufflatus , perque totum Medicum effufus s
huic totus Medicus fubjicitur fpiritui ; vos aurem
partes eftis , vos eftis membra &c. il donne
affez d'étendue à cette penfée , & paffe delà
aux moyens. Le premier comprend l'Obfervance
des loix ; elle confifte in quodam Medicina culiu
quo quidem neglecto fibi quifque jura folers effingere
, folers harefes effingit innumeras , blandamque
procul deturbantes unionem . Le fecond
combat l'interêt , autorife le mépris qu'on
en doit faire , par la prééminence du Medecin
fur tous les autres hommes , prife de la connoiffance
qu'il a des chofes naturelles : quò verò alfior
illa cognitio , eò magis de Creatoris effentia
mens eadem participat Medicus vir est penè
divinus. L'avide intérêt paroît enfuite comme
un Monftre qui fe dévore lui -même , Vorax
infatiabilis , deficiente victimâ , fefe proprie
deglutiret ore. Le troifiéme enfin , c'eſt l'amour
de la Paix , il en fait un Oifeau qui ne fçait où
fe repofer ; cette fiction lui fait dire Incertam
fixare fi vos ardor urit , dulcis amicâ cantet
unio voce ; fileat horrendum Vultur , fuorum
mox fatiatum jecore , longa peftifero aëra inquinat
OCTOBRE. 1730. 225 9
>
quinat habitu ; fileat mendax Scorpio , hunc
irata evomiit Medicina , bella perfidus ultrò
Aggreditur , illiufque fumma voluptas divifio
fuorum eft . La Difcorde paroît ; il fait une belle
defcription de fes cruels effets. La Medecine en
butte aux traits qui lui font lancés de toutes
parts , eft obligée de chercher une folitude : hie
ergo jacet obfcura , s'écrie- t -il , hic ergo miferis
infcia vivit mortalibus &c. C'est ainsi que
la Difcorde devient ce qu'il y a de plus delavantageux
pour la Medecine. L'Orateur paffe
fa feconde reflexion en difant : Tanta Deus
avertat mala , ipfeque meam aperiat mentem
ut veras acerrima peftis hujus caufas vobis
detegere valeam ; ces cauſes fe réduisent à trois :
la premiere , l'envie que l'on porte à ceux qui
font élevés. La feconde , le mépris que l'on a de
ceux qui font dans l'obſcurité . La troifiéme , la
raillerie qu'on employe aux Paranymphes & les
injures dont elle n'eft que trop fouvent fuivie.
Nous ne fuivrons pas l'Orateur dans fes preuves
; nous nous contenterons de rapporter ce
qu'il dit à l'occafion de la raillerie ufitée dans
les Paranymphes.
Tertia tandem favas arguit objurgationes a
has unde toties pollutus ille locus ; has unde
toties impari Conventu , purpurâ hac contaminata
fanguineis flevit lacrymis ; has unde toties
imis à fedibus tota intremuêre ſchola . Mens
meminiffe hortet , obfcurafque alto libenter finerem
filentio , ni tunc meritò mali labes in
nos poffet refundi , mali , inquam , quod radicitùs
extirpandum ufque huc fortiter fumus
infecuti. Tali vulgò fe jactat illud origine ; num
extinguatur ? ferè numquam aitarum reformidate
avernum facilis quidem defcenfus : primo
leviter congrediuntar animi : Et plus bas:
Gij 味
2260 MERCURE DE FRANCE
at fortè reponet aliquis fermonis atrocitatè
relicta aftutis , levibus licèt uti verbis , fateor
equidem , & inde micat ingenii calliditas , aftuto
redit honos : quin & quâdam voluptate
velut afficitur auditor , dùm folertibus licet obdu&
um nubibus , acumen fentit , explicat . Hoc
qui contràfuis experitur damnis , hoc &planè
diffimili fentit modò : intima penetrat acies
inimica , vulnusque excavat numquam occludendum
, manat unde perpetuò exiftiofum dif
cordia virus. Il remontre à fes Collegues le tort
que cela feroit & à la Medecine & à leur réputation
, & finit en expofant le caractere de chacun
d'eux.
L'un (a) dit- il,affis déja fur une Chaire Royale
du fein des Cadavres forme des Candidats.
L'autre (6) diftingué par desAyeux refpectables
dans la Medecine , s'empreffe à joindre aux prérogatives
de fa naiffance des talens & des vertus
qui lui foient perfonnelles . Celui- ci ( c) renonce
aux fçavantes fpeculations de la Philofophie , &
cherche avec avidité les utiles fecrets de la Medecine.
Celui-la ( d ) enfin déja Medecin par la pratique
qu'il s'eft formée dans une Ville confiderable
, veut encore en obtenir le nom de la plus
celebre Faculté du Royaume,
Ces Portraits ont été fort approuvés. On y a
remarqué une fincerité qui fe trouve rarement
entre des concurrens ; & on a fçû bon gré à
l'Auteur d'avoir le premier banni des Paranymphes
les invectives & la raillerie.
a M.Hunauld.
b M. Guenauld.
CM. Le Hoc.
1 M. Malouin,
M,
OCTOBRE . 1730. 2261
M. Lockman qui a traduit en Anglois plu
fieurs Livres François , entre autres , les Refle
xions critiques fur la Poësie & la Peinture , de
M. l'Abbé du Bas , vient de traduire les voyages
de Jean Gulliver , fils du Capitaine Lemud Gulliver
, écrit en françois par M. l'Abbé̟ D. F.
Harding , Li braire de Londres , vend cette Traduction.
Le 3. Octobre on fit dans les Ecoles de Mé
decine la cerémonie de donner le Bonnet de Docteur
Régent en cette Faculté , à un Medecin de
Province, déja docte & habile dans fa Profeffion ,
(Jean- Baptifte Malouin ) Le Préfident de l'Acte
commença cette cerémonie par un Difcours , qui
congratuloit d'abord le nouveau Docteur de Paris
fur les avantages qu'il recevoit en ce jour , & fur
l'honneur que la Faculté lui faifoit ,en lui donnant
le premier lieu dans fa licence. Il le loua enfuite
fur fa fageffe, & fur fon érudition qui lui avoient
merité la confiance de M. Geoffroy , lequel étant
tombé malade dans le tems même qu'il devoit
profeffer le cours de Chimie au jardin du Roy ,
pria M. Malouin de faire pour lui cette fonction ,
de quoi il s'eft parfaitement bien acquitté , &
avec la fatisfaction du Public. On remarqua que
les Auditeurs entendirent differemment l'expreffion
natalis fapientia , par laquelle le Préfident
loua le nouveau Docteur fur fa fageffe , les uns
crurent qu'il loüoit en lui cette fapience , qu'on
attribue ordinairement aux gens de fon païs ;
car M. Malouin eft de la ville de Caën , les autres
penferent qu'il le loüoit d'être në d'une famille
féconde en gens de Lettres , & cela n'eſt
pas moins vrai,
Le Préfident ayant fini fon Difcours , l'embrafla
comme fon confrere , & lui mit le Bonnet
G iij
fur
2262 MERCURE DE FRANCE
fur la tête , après quoi M. Malouin fit à fon
tour un Difcours fort éloquent , pour remercier
la Faculté de la maniere honorable avec laquelle
elle l'avoit aggregé dans fon Corps , & il fe congratula
lui- même de recevoir le Bonnet de Docteur
, au nom de M. Helvetius , qui devoit préfider
à cet Acte , & qui ne pouvant quitter la
Reine , avoit commis un autre Docteur pour
faire en fa place cette fonction. M. Malouin
prit delà occafion de parler de la Reine & de´
ja naiflance de M. le Duc d'Anjou. Il compli
menta enfin la Faculté fur ce qu'elle avoit l'honneur
de fournir des Médecins au plus puiffant , &
au meilleur des Rois. Ce Difcours fut fort applaudi
, on en admira particulierement la belle la--
zinité on fçait affez que la Faculté de Médecine
de Paris, eft en poffeffion d'exceller en ce genre-là.
M.Hardion, de l'Académie des Infcriptions &
Belles Lettres , fut reçu le 28. du mois dernier
dans l'Académie Françoife, à la place vacante par
la mort de l'Evêque d'Angers. Il fit un Difcours
de remerciment , auquel M. de Mirabaud , Chaneelier
, répondit au nom de l'Académie , & les
deux Difcours furent fort applaudis.
+
On apprend de Londres que le 3 de ce mois ,
le Commité du Confeil affemblé à Whitehall
accorda à M. Guillaume Wood la Charte d'incorporation
, ou le Privilege qu'il demandoit
pour faire fabriquer le fer qu'il a trouvé le
moyen de tirer de la mine du charbon de terre
dont nous avons parlé dans le dernier Mercure
avec la permiffion d'emprunter par foufcription
les fommes qui lui feront neceffaires pour l'établiffement
de fa Manufacture.
Le Docteur Green , Membre du College de
Clare
OCTOBRE. 1730. 2263
Clare à Cambridge , qui eft mort depuis peu ,
laiffé tout fon bien à ce College , à condition"
qu'on fera imprimer fes Ouvrages pofthumes &
qu'on diffequera fon corps pour en mettre le
fquelette dans la Bibliotheque du College , à
côté des Tablettes où font les Livres , dont il lus
a fait préfent de fon vivant..
M. Rifbrach , celebre Sculpteur de Londres ,"
travaille depuis un mois à un magnifique Maufolée
du feu Chevalier Ifaac Newton , Préfident
de la Societé Royale , qui fera placé dans l'E
glife de l'Abbaye de Weſtminſter.
Depuis quelques années il a été inventé en
Angleterre une Machine propre à faire des Tables
de plomb de 20 à 30. pieds de long , fur 5. de
large , aufquelles on a la liberté de donner telle
épaiffeur que l'on juge à propos , par le moyen
d'un Moulin ingénieufement conftruit , dont la
proprieté eft de réduire ces Tables à l'épaiffeur
défirée , en les rendant tout-à - fait unies & parfaitement
compactes , fans pores , pailles, vents , ni
foufflure ; enforte que les Ouvrages conftruits de
ce Plomb , font plus folides , plus beaux & neanmoins
bien moins chers que les autres faits à l'ordinaire,
parce qu'ils y employent beaucoup moins
de matiere.
L'utilité en a été fi bien connue en Angleterre,
que dans tout ce Royaume il ne s'employe plus
d'autre Plomb que celui qui eft fait & laminé au
Moulin.
Cette Machine a donné lieu à la conftruction
d'une autre plus parfaite & plus correcte , qui eſt
actuellement en France , où elle a été examinée
par l'Académie Royale des Sciences , fuivant fon
Certificat du 28. Janvier 1728. par lequel elle
rend compte des avantages confiderables que l'é-
G iiij tabliffe.
હું
2264 MERCURE DE FRANCE
1
1
tebliffe ment de cette Machine en France produ
à l'Etat & au Public.
Une Compagnie , perfuadée de tous ces avantages
, a obtenu pour Pufage de cette Machine un
Privilege exclufif du Roi , qui a été enregistré au
Parlement le 7. Septembre dernier , & en a établi
la fabrique au Fauxbourg S. Antoine , rue de Bercy
, proche le Port au Plâtre , où il y a tous les
jours un concours de Curieux & de Sçavans qui
yont en admirer la beauté.
Ce Plomb eft parfaitement égal , très - uni &
très-compacte,fans aucuns pores ni pailles ,& n'exige
que moitié d'épaiffeur pour avoir plus de
folidité que celui dont on s'eft fervi jufqu'à prefent.
Il eft beaucoup plus uni & plus poli , ainfi l'eau
n'y féjournera point , & parconfequent il fera
de p'us de durée.
Il eft beaucoup plus doux , & recevra mieux
tous les contours que l'on lui donnera , fans fe
fendre ni fe caffer , & il ne fera plus fujet à tant
de réparation.
Sa parfaite égalité fait qu'il fe peut facilement
pefer par fon toifé , ce qui leve tous les inconve
niens de fraude.
Il eft plus leger , ainfi il n'accablera pas les
Edifices fur lefquels il fera pofé, & n'obligera pas
à de fortes dépenfes de charpentes .
La grande extenfion de ces Tables exigera
très - peu de foudure dans les petits Ouvrages , on
s'en paffera entierement , & dans les grands on
n'en employera pas un cinquième.
Il eft aifé de conclure que la réduction fur la
matiere , la durée , l'épargne de foudure , celle des
réparations , feront plus des deux tiers de diminution
fur les Ouvrages de plomberies .
Il eft propre à toutes fortes d'ufages. La feule
vûë
OCTOBRE. 1730. 2265
vue de ce Plomb juftifie fenfiblement aux moins
connoiffeurs , ce qui eft ici avancé.
On en trouvera toûjours dans le Magazin de
toutes fortes de grandeurs & épaiffeurs.
Le fieur Porlier , connu pour les Broderies de
Conftantinople , toujours animé par le defir de fe
diftinguer dans cet Art , vient de donner de nouvelles
marques de fon adreffe & de la délicateffe
du gout qu'il a toûjours eu pour ces fortes d'Ouvrages
, par une piece de Broderie , qu'il a préfentée
à la Societé des Arts , de laquelle il a
l'honneur d'être Membre. L'Approbation que
cette Compagnie lui en a donnée, fait affez connoître
le mérite de fon travail , fans qu'il foit néceffaire
de s'étendre ici là- deffus . On ſe bornera
à un précis de fon Mémoire fur la Broderie , dans
lequel il en releve l'excellence par l'origine , & il
en prouve l'utilité par l'ufage ; il donne auffi une
idée des Outils & des Matieres qui fervent à ce
Travail.
, pour
Sur l'origine de la Broderie , il s'en tient à
ce qui en eft dit dans l'Exode , au fujet de
Bezeleel & Pooliab , que Dieu avoit remplis de
fageffe & appellez par un choix particulier pour
travailler aux Ouvrages du Tabernacle lequel
ils firent les Rideaux , les Voiles & les Habits
des Grands - Prêtres , de fin lin , parſemé d'une
broderie excellente & agréablement variée
pour la diftribution des couleurs ; ce que l'Ecriture
exprime parfaitement, en difant que ces deux
hommes peignoient avec l'aiguille ; ce qui marque
que la Broderie étoit non -feulement connáé
en ce temps- là , mais auffi en ufage pour relever
la beauté des autres Ouvrages de ce faint Tabernacle,
L'Auteur infere delà que fi-tôt que la Broderiea
Gy eté
2266 MERCURE DE FRANCE
été en ufage , elle a trouvé la place dans les befoins
de ceux, qui par l'adreffe de leurs doigts, l'ont miſe
au jour, & que cette même utilité s'eft perpetuée
jufqu'à nous,puifque l'on voit encore aujourd'hui,
lorfque lesSouverains deffendent à leurs Sujets l'excés
du luxe , dont la Broderie fait partie , ils la
réfervent par leurs Edits pour décorer les Tem--
ples , pour leurs pompes particulieres , & celles
des perfonnes qui compofent leurs Cours, & pour
les Etrangers qui y réfident ; il remarque auffi ce
que les Poëtes ont dit de l'excellence & de l'utilité
de la Broderie. Il n'oublie pas dans Homere ,
la Ceinture de Venus; & dans l'Eneïde, que les Coribantes
ou Prêtreffes de Cybelle , étoient vétués
d'habits brodez à l'aiguille , & qu'Acet , Prince
fauvé des flammes de Troyes , tira de fon Tréfor
pour décorer le Maufolée de fon cher fits
Pallás , deux Voiles mêlez de pourpre & d'or ,
qui lui avoient été donnez par Didon , que cette
Reine avoit richement brodés elle- même . Il n'ou--
blie pas auffique Minerve , fous la figure de Mentor
, recommande à Idomenée de porter de la
Broderie au bas de fa robbe , pour être diftingué
d'une maniere conforme à fa Dignité . Il ajoûte
que fon Difciple Telemaque remarquoit entre les
belles qualitez qui le portoit à aimer Antiope ,
fon induſtrie pour les Ouvrages de Broderies ; &
qu'enfin , felon Ovide , la Broderie eft utile aux
Dieux mêmes , qui prenoient la peine de s'y occuper
quelquefois. Comme il le remarque au fixe
Livre de fes Métamorphofes , lorfqu'il décrit Minerve
jaloufe d'Arachné , qui ofa défier cette
Déeffe dans l'execution de cet Art , ce qui la mit
fi fort en colere , qu'elle en tira la cruelle vengeance
de la changer en Araignée ; ce Poéte pour
donner une jufte idée de l'Ouvrage de cette fille ,
dit que Venus allant en Prygie avec Junon & Mi
nery e
OCTOBRE . 1730. 2267
nérve , difputer la Pomme d'Or , elle étoit parée
d'un Chef- d'oeuvre forti des mains induftrieufes
d'Arachné , beauté que le Pirceau d'Apelles eût
été en peine de rendre plus accompli. Junon avoit
La Robbe peinte avec l'aiguille ; pour Minerve ,
comme Déeffe des Arts , ne voulant rien devoir
à une Mortelle , qui d'ailleurs étoit fa Rivale en
adreffe , elle s'étoit revétuë d'un habit tiffu de fes
propres mains;remarques qui prouvent clairement
l'antiquité & l'utilité de la Broderie que l'on devroit
cultiver avec autant de foin qu'une infinité
d'autres Arts à qui l'on donne des prérogatives
qu'elle pourroit fort bien partager avec eux. M.
Porlier auroit pû dire ici quelque chofe de la Broderie
que les Sauvages de Canada font avec les
Picqants des Porcs - Epics, teints en noir , en rouge
& en jaune , plus durable que celle de Soye ,
d'or & d'argent . Memoires de l'Académie des
Sciences.
L'Auteur paffé enfuite à la defcription des Inftrumens
& des matieres qui fervent à la Broderie,
il nomme les noms des differens points de Brodérie
, après quoi fuit un court Eloge de l'Aiguille
, premier Outil du Brodeur , par le fecours
duquel la Broderie imite la Sculpture & la Peinture
; la Sculpture , en ce qu'elle donne du relief
à l'Etoffe, & la Peinture , en ce que l'Aiguille fait
revivre les nuances de Soye , de Laine , d'Or &
d'Argent & autres matieres , avec la même har-´´
monie que le Pinceau & les couleurs . Il ajoûte
une idée de l'habileté que doit avoir le Brodeur
dans les differentes operations de fon travail , qui
font entr'autres de bien connoître les qualitez des
matieres qu'il employe , de fçavoir deffiner ,
du moins d'avoir affez de gout pour juger de la
bonté des Deffeins qui lui font prefentez , &
l'effet qu'ils doivent faire dans l'execution.
Govje, Lee.
2268 MERCURE DE FRANCE
Le fieur Porlier termine fon Memoire par la
Deſcription de la Broderie qu'il pratique & qui
lui eft particuliere , laquelle il a apprife en Turquie
, & qui n'étoit connue cy - devant en France
que par les differens Morceaux qui en étoient apportez
fous les noms de Toillettes , de Mouchoirs,
de Robbes , de Ceintures , &c. toutes Pieces qui
' attiroient l'admiration de ceux qui les acheptoient
& des Ouvriers en Broderie , fans que les uns ni
les autres fe foient jamais donné la peine de découvrir
de quelle façon cet Ouvrage s'executoit.
Le fieur Porlier a par fa patience & par fon ap
plication , porté à un fi grand point de perfection
cette Broderie , qu'il doit avoir lieu d'efperer
qu'on s'adreffera à lui pour executer les plus beaux
& les plus riches Ouvrages de cette efpece . Sa
demeure eft à Paris , ruë neuve S. Etienne , près
les Peres de la Doctrine Chrétienne , chez M. le
Roux , au fecond Appartement fur le devant ,
Quartier S. Marceau.
COPIE DE L'APPROBATION
de MS de la Societé des Arts. ·
Xtrait des Regifires de la Societé des Arts.
EuDimanches
>
Du Dimanche 6 Août 1735. Ce jour le fieur
Porlier, Affocié en la Claffe des Arts de gout de
ladite Societé , a prefenté à la Compagnie un
Memoire fur la Broderie & une Mantille de
Gafe d'Italie , brodée à deux envers Or &
Soyes qu'il a executé de fes mains , le Deffein
qui eft de fa compofition , eft d'un gout étranger
& bien entendu , tous les Rinceaux font en
or & àjour , dans lesquels paffent des fleurs &
feuillages dont les nuances font très vives &
aufi - bienfondues qu'elles le pourroient être dans
la Miniature la plus parfaite ; cet Ouvrage
contient tous les differens points qui fe pratiquent
OCTOBRE . 1730 . 2269
·
quent en Turquie & dans les Indes , qu'aucun
Brodeur de l'Europe n'avoit pú imiter jusqu'à
prefent ; la Compagnie a jugé que cette maniere
de broder pratiquée par te fieur Porlier , pouvoit
être utile au Public , en foi de quoi , voulant
lui donner une preuve certaine de fon habileté
en cet Art , je lui ai délivré le prefent
Certificat pour lui fervir où befoin fera. A Paris
, ce 25. Août 1730. Signé , HYNAULT ,
Secretaire de ladite Societé.
Le 25. & le 26. du mois dernier , on peſa à des
Balances conftruites avec de la charpente & une
Romaine , fur le Port S. Nicolas , les deux groffes
Cloches & les quatre petites , que le fieur Martin
a fondues ici pour le Roi de Portugal , & qu'on
doit embarquer fur la Riviere pour le Havre &
Lisbonne . L'une des groffes pefe 20990. livres ,
& l'autre 19834. Les 4. petites pefent 6000. liv.-
On prétend que toutes ces Cloches n'ont ni le
poids , ni les proportions requifes , & que le Fondeur
n'y a pas employé , à beaucoup près , tout
le Métail qui lui a été fourni .
On mande de Genes , que les huit Cloches que
Te Roi de Portugal y a fait fondre & qu'on a embarquées
pour Lisbonne,pefent près de 64milliers
On a appris de Londres , qu'on y avoit embar
qué pour Lisbonne , deux Globes de cuivre , Pun
Celeſte & l'autre Terreftre , de 42. pouces de dia--
metre , qui y ont été faits pour le Roi de Por
tugal.
Sur
2270 MERCURE DE FRANCE
DES TROPES , ou des differens Sens dans
lefquels on peut prendre un même mot dans une
même Langue. Ouvrage utile pour l'intelligence
des Auteurs , & qui peut fervir d'introduction à
la Rhétorique & à la Logique. Par M. du Marfais.
A Paris , ruë S. Jacques , Chez la Veuve
de Jean - Baptifte Brocas, au Chef S. Jean. in- 8.
Nous croyons que cet Ouvrage fera reçû fa
vorablement du Public.
Sur la Mort de la Chienne du Chevalier
de Folard.
TACALINA, FESTIVISSIMA. AC. OMNIUM. CAEST.
TELLARUM. HIC. SIT A.
MOX. HERI. DELICIA . NUNC.
MOEROR. INGEN S. AC. DESIDERIUM.
O. MALA. MORS. CUR.
IACALINAM. HUMANUM. PENE .
INTELLECTUM. SORTITAM.
GRATIS . RELUCTANTIBUS. TAM ›
DIRE. TRUCIDASTI.
Le fieur Dugeron , ancien Chirurgien d'Armée,
donne encore avis qu'il a le fecret d'une Opiat
fans gout , qui préferve les dents de fe gâter &
de tomber. Il demeure au grand Cloître fainte
Opportune , à Paris.
CHANSON.
Sortez de ma trifte
memoire ,
Tranſports
à mes defirs fi chers jufqu'à ce jour
Tireis
OCTOBRE. 1730 2171
1730..
Tircis n'eft qu'un ingrat ; il y va de ma gloire ,
De triompher de mon amour .
Ah ! du moins , s'il fe peut , qu'à jamais il ignore,
Le pouvoir que l'Amour vainqueur ,
Avoit déja pris fur mon coeur ;
II eût été plus loin encore.
VAUDEVILLE..
L'Autre jour , mon Amant Colas ,
En voulant faire une culbute
Trop ébloui de mes appas ,
?
Se laiffa tomber dans mes bras :
La belle chute !
Un Tendron beau , jeune & fringant,”,
Attaquant Pamis à la Lutte ,
Ne combattoit qu'en reculant ,
Et gagna le prix en tombant :
La belle chute ! :
Une Agnès dont je tais le nom ,
Danfoit un foir dans ma Cahute ,
Par le contour de fon Jupon ,
Mit bas un beau petit Poupon :
La belle chute !
:
Chez
2272 MERCURE DE FRANCE
Chez Philis , un vieux Medecin ,
Dont la feule mine rebute ,
Crachant du Grec & du Latin
Tomba le nez dans un baffin :
La belle chute !
y
Un Caiffier , rogue & pétulant ,
'Aux envieux étoit en butte ;
Par un coup du fort inconftant
Il eft rentré dans le néant :
La belle chute !

Quand avec un bon Compagnon ,
De ce jus d'Automne je flute
Et qu'enyvrez de Bourguignon ,
Nous renverfons table & flacon :
La belle chute !
Quel plaifir dans un beau feftin !
Tandis que Bacchus me culbute
Cupidon , ce petit mutin ,
A fon tour culbute Catin :
La belle chute ! -
SPEC-

YORK
EMC LIBRARY.
ASTOR , LENOX AND
TILDEN FOUNDATIONS,
THE NEW YORK
PUBLIC LIBRARY.
ASTOR, LENOX AND
TILDEN FOUNDATIONS.
OCTOBRE. 1730. 2273
L
SPECTACLES.
E 28. Septembre , l'Académie Royale
de Mufique reprit l'Opera d'Alcione
dont on a donné l'Extrait dans le premier
volume du mois de Juin dernier ,
& le 8. de ce mois on en retrancha le Prologue,
& on donna à la place, à la fin de
la Piece , un Divertiffement d'un Acte ,
intitulé , Le Caprice d'Erato , lequel avoiť
été compofé l'année paffée à l'occafion
de la Naiffance de Monfeigneur le DAUPHIN.
Ce Divertiffement a été exccuté
plufieurs fois avec fuccès à la Cour , en
prefence de Leurs Majeftez : Les paroles
font de la compofition de M. Fufelier ,
& la Mufique de M. de Blamont , Sur- Intendant
de la Mufique du Roi ; voici en
peu de mots le Sujet :
Erato & fes Eleves font entendre leurs
Chants dans des lieux que le Heros de la
France honore fouvent de fa prefence ;
Apollon même anime leurs Concerts,
Minerve vient leur annoncer un nouveau
fujet de fête ; c'eft la Naiffance de Monfeigneur
le Dauphin . Elle s'exprime ainfi :
Louis, à vos Concerts offre un objet nouveau ;
Il
2274 MERCURE DE FRANCE
Il vous donne un Dauphin ; tous les Dieux-l'environnent
;
Les Vertus gardent fon Berceau ;
Les Graces le couronnent .
Apollon ranime Erato & fes Eleves par
ces deux Vers :
Chantez ; de votre fort celebrez les appas ;
Mortels , tous les plaiſirs vont voler fur vos pas.
Minerve fe joint à Apollon , & fait une
feconde Invitation ; le Choeur repete les
deux Vers qu'Apollon a chantez. Erato
commence la Fête par ces Vers , qu'elle
adreffe à fes Eleves.
+3
Par mille Chants nouveaux,fignalons notre hom
mage ;
C'eft ainfi qu'Erato peut exprimer fes voeux
Terpficore , venez , embelliffez nos jeux.
De cent objets divers traçons ici l'image ;
Exprimons nos tranſports dans un caprice heu
reux .
Ces derniers Vers font l'expofition du
Divertiffement ; Terpficore feconde les
Chants d'Erato par fes Danfes legeres.
Erato.
De la faifon nouvelle ,
Je vais vous peindre le retour;
´
De
OCTOBRE. 1730. 2275
De Bergers amoureux , qu'une Troupe fidele ,
Vienne avec moi celebrer ce beau jour.
Après quelques Chants & quelques
Danfes, une Bergere chante cet Air :
Le Printems regne enfin dans ce charmant féjour;
En faveur des plaiſirs il ranime l'ombrage ;
Et déja l'Amant ſuit l'Amour
Qui l'appelle fous le feuillage.
>
Le caprice d'Erato s'étend jufqu'aux Enfers
; mais comme cette Mufe juge bien
qu'une Fête infernale ne convient pas au
fujet qu'elle veut celebrer , elle dit :
Reftez, Monftres affreux , dans le fond des En
fers ;
Refpectez les plaisirs qui charment l'Univers.
Ce bruit infernal lui donne occafion"
de faire regner le fommeil qui doit fervir
à le calmer. Au fommeil fuccedent des
Bacchantes ; une Eleve d'Erato chante ces
quatre Vers :
Bacchus , ne tarde pas ; regne , viens nous faifir ,
De ta douce folie , heureux qui fent les charmes ,
A la trifte Raifon tu ne ravis les armes ,
Que pour les donner au Plaifir .
Erato ordonne une Symphonie qui imi-
το
2276 MERCURE DE FRANCE
te le chant des Oifeaux : elle chante ces
quatre Vers :
Oifeaux , que vos Concerts m'enchantent fur ces
bords !
Vous chantez le Dieu qui m'engage ;
Lorfqu'on a de l'Amour éprouvé les tranſports ,
On entend bien votre langage.
Diane vient le joindre à la Fête ; on entend
une Fanfare de Cors de Chaffe ; on
chante ces deux Couplets :
Diane , tes Jeux ont fçu plaire ,
Au plus charmant des Rois ;
Depuis qu'on le voit dans les Bois ,
Il a fait oublier Adonis dans Cythere.
Amour , vous volez fur les traces ,
Du plus charmant des Rois :
Depuis qu'on le voit dans les Bois ,
Venus dans fes Jardins ne trouve plus les Graces:
Apollon invite Erato & fes Eleves à
fignaler toujours leur zele pour le Roi .
La Fête finit par ces Vers que Minerve
chante :
Zéphirs , quittez la Cour de Flore ,
Pour le beau Lys qui vient d'éclores
L'éclat de ce Lys précieux ,
Dans
OCTOBRE . 1730. 2277
2.
Dans cent climats va fe répandre ;
La terre pouvoit- elle attendre ,
Un plus riche préfent des Cieux ?
Zéphirs , &c.
Auprès de cette aimable Fleur ,
Volez fur les bords de la Seine
Et que votre plus douce haleine
Conferve à jamais fa fraîcheur;
Zéphirs , &c.
Ces Couplets font fuivis d'un Choeur
dont Apollon fournit le fujet.
Le 26. de ce mois , on donna la premiere
Repréſentation de Pyrrhus , nouvel
Opera , qui fut fort bien reçû du Public.
On en parlera plus au long dans le
prochain Mercure .
Le 29. Septembre , l'Opera Comique
donna la premiere Repréſentation d'une
petite Piece d'un Acte en Vaudevilles , &
un Divertiffement , ayant pour titre le
Sylphe fuppofe. Cette Piece fut continuée
les deux jours fuivans , ce qui fit la clôture
du Théatre. 3
Les Comédiens Italiens ont annoncé
unc
2278 MERCURE DE FRANCE
une Piece nouvelle , fous le titre du
Triomphe de l'Interêt.
Au commencement de ce mois , les
Comédiens François remirent au Théatre
la Tragédie de la Mort de Pompée , dans
laquelle la De Le Grand remplit le Rôle
de Cornelie , & fut encore plus applaudie
que dans celui de Roxane qu'elle avoit
joué peu de jours auparavant. C'eſt une
grande perfonne bien faite qui a de la
voix & une belle repréſentation.
Le 8. ils donnerent la Tragédie de
Phedre , dont la Dme de la Traverſe , petite
fille du feu fieur Baron , joua le
principal Rôle ; elle y fut beaucoup applaudie.
C'eft une grande & belle per-
Tonne qui pare bien le Théatre , avec l'air
noble , une grande voix & une belle prononciation.
Quelques jours après , elle
joua le Rôle de Roxane , dans la Tragédie
de Bajazet , & elle y fut encore plus
applaudie. Elle a auffi joué le Rôle d'Ariane
, avec plus de fuccès .
Le 13. on donna fur le même Théatre
le Flateur , Comédie en Profe & en cinq
Actes , de M. Rouffeau, que le Public revoit
avec beaucoup de plaifir.Elle eſt très
bien repréſentée par les fieurs Quinaut ,
Duchemin , Dubreuil , Poiffon & Armand
, & par les Diles Labat & du Bocage.
OCTOBRE. 1730. 2279
ge. Cette Piéce parut dans la nouveauté
y a près de 30. ans ; on l'avoit repriſe
en 1717 & en 1721. au mois d'Avril.
il
On repete actuellement la Comédie
nouvelle du Prince de Noifi ; & les Rôles
de la Tragédie nouvelle de Brutus , par
M. de Voltaire , font diftribués.
శ్రీ శ్రీ శ్రీ శ్రీ
ののぶ
NOUVELLES ETRANGERES.
DE TURQUIE , PERSE ,
ET AFRIQUE.
}
>
N écrit de Conftantinople , qu'il avoit été
réfolu de payer aux Troupes du G. S. les
trois mois échus de leur folde , de leur en avancer
trois autres , & de leur donner 1500 Rifdales
de gratification par Compagnie , pour les mettre
en état d'entrer en campagne. Que le 27. de
Juillet dernier , toutes les Troupes qui étoient
à Conftantinople , avoient reçu ordre de fe rendre
au Camp, qui avoit été tracé près de la Ville'
où l'on avoit envoyé les gros Bagages . Que toutes
ces Troupes avoient défilé vers les neuf heures du
matin , ayant à leur tête un Mufti , qui portoit
રે
l'Etendart verd de Mahomet ; que ce Mufti
étoit fuivi d'un Char , tiré par fix Chevaux ,
magnifiquement harnachez,& fur lequel on avoit
mis l'Alcoran . Que le G.S. accompagné des Princes
fes Fils, armez d'Arcs & de Fléches, & efcorté
de 300 Gardes , marchoit après l'Alcoran, étant
fuivi du G. Viz. de plufieurs Pachas , & des Prin
cipaux Officiers de l'Armée , que S. H. devoit
demeurer dans ce Camp , juſqu'à ce que les autres
2280 MERCURE DE FRANCE
tres Troupes qu'on attendoit de diverfes Provinces
fuiffent arrivées , & qu'Elle reviendroit au Sérail
auffi - tôt qu'Elle auroit vû partir cette Armée,
qu'Elle envoye contre le nouveau Roy de Perſe.
Les dernieres Lettres de Conftantinople portent
que le G. S. avoit fait déclarer la Guerre au
nouveau Roy de Perfe , & que l'Armée de S. H.
qui fera de près de 200 mille hommes , devoit
être commandée par le Prince , fon Fils aîné.
du
On a appris de Ternan , que le Roy de Maroc,
Muley Abdalah , avoit fait exécuter à mort plufieurs
Pachas & autres principaux Maures ,
parti de fon frere , ce qui lui a procuré des fommes
confidérables , ayant fait confifquer tous les
effets qui appartenoient à ces coupables .
L
RUSSIE
Es . Troupes que le Roy de Perfe fait marcher
vers Tauris , dont il veut faire le Siége , faifant
craindre que s'il prend cette Place , il ne fe
détermine à venir affiéger celles que le feu Czar
Pierre I. a conquife vers la Mer Cafpienne ; la
Czarine a pris la réfolution d'augmenter tous les
Regimens d'une Compagnie , & de lever encore
un Corps de 20000 hommes de nouvelles Troupes
, pour remplacer celles qu'on envoye fur les
Frontieres de Perfe , fous le commandement du
General Wicbach , qui partira avec le Baron de
Schaffirof , cy - devant Vice - Chancelier , qu'on a
nommé pour l'accompagner , & pour l'aider de
fes confeils en cas qu'on trouve une occafion favorable
pour renouveller les anciens Traitez .
Un Officier dépêché de Derbent par M.Roman- ·
zoff, Gouverneur General des Pays conquis fur
la Perfe , a rapporté que le Roy de Perfe avoit
raflemblé toutes fes Troupes pour en compofer
OCTOBRE . 1730 . 2231
un Corps d'Armée , avec lequel il puiffe être en
état de livrer le Combat à l'Armée du G.S. ayant
réfolu de rifquer une Bataille , pour être enfuite
paifible poffeffeur du Trône de fes Ancêtres.
On attend à Mofcou un Ambaffadeur du Gr.
Mogol , audevant duquel la Czarine a envoyé
un détachement de 50 Cavaliers , pour l'eſcorter
depuis Tobolskoy jufqu'à Moscou.
On a tranfporté à Mofcou la belle Bibliothe
que du Pr. Dolhoruski ; tous les autres effets
ont été vendus à l'enchere , & les deniers de la
vente remis entre les mains de la Czarine. A l'égard
de la Princeffe Dolhoruski, qui a eu l'honneur
d'être fiancée au feu Czar , on continué de
lui payer regulierement fa penfion annuelle de
12000 Roubles , mais elle n'a pas la liberté de fortir
du Monaftere où elle s'eft retirée.
Il eft arrivé par le Wolga , des matieres d'argent,
de cuivre & d'autres métaux , qui proviennent
des Mines découvertes en Siberie , fous lo
Regne du Czar Pierre I. dont le Gouverneur de
Tobolskoy a la direction generale. La valeur de
ce premier envoi furpaffe de cent pour cent la dépenfe
qu'on a faite depuis près de trois ans, pour
mettre ces Mines en valeur.
Le Prince de Portugal partit de Mofcou pour
retourner en Allemagne le 17 Aouft, après avoir
pris congé de la Czarine , qui lui a fait prefent
d'une Epée d'or , enrichie de diamans , & d'une
Robe à la Moscovite , doublée de Martre Zibeline.
Ce Prince a donné differens Bijoux aux
Gentilshommes de Sa Majefté Czarienne
qui l'ont accompagné pendant fon féjour en
cette Cour. M. Bahr , Chambellan de la Czarine
, & Meff. Freyden & Purchkin , Gentilhommes
de la Chambre de S.M. Czarine ont été
choifis par Elle , pour le conduire à Petersbourg
D
H &
2282 MERCURE DE FRANCE
& à Mittau , avec ordre de le deffrayer jufqu'à
cette derniere Ville , & pour lui faire rendre les
honncurs dûs à un Prince de fon rang.
DANEMARCK.
E Roy a fait publier à Copenhague une Ordonnance
, par laquelle il eft enjoint à tous les
Négocians Danois , qui font le commerce d'Efpagne
& de Portugal , de n'y point envoyer de
Vaiffeaux au deffous de 18 Canons , & montez
d'un équipage proportionné pour les deffendre
contre les Corfaires des côtes de Barbarie , qui
font venus cette année jufqu'à l'entrée de la Manche.
Le feu a pris à la Forêt de Sammalcarleby en
Finlande , fans qu'on fçache par quel accident ,
& il y a eu 18 lieues de terrain , dont les bois
ont été confumez par cet incendie. C'eſt une perte
tres-confidérable , car il y avoit dans cette Forêt
des Arbres d'une groffeur extraordinaire & propres
pour les Chantiers de la Marine.Les Villages
qui fe font trouvez dans cette étendue , ont été
entierement détruits par les flammes.
?
ALLEMAGNE.
A cinquiéme Colonne des Troupes Imperiales
qui doit aller en Italie , & qui fera compofée
de cinq Regimens d'Infanterie , & de quatre
de Cavalerie , a reçû ordre de fe tenir prête à
marcher. Outre ces Troupes , on doit inceffamment
faire partir des Recrues pour les Régimens
qui font déja dans la Lombardie , lefquels ont
perdu beaucoup de Soldats par maladie. On y a
envoyé auffi des ordres de mettre ces Troupes en
quartiers de rafraichiffement , & de prendre les
précau
1
OCTOBRE . 1730. 2283.
précautions néceffaires pour empêcher qu'elles
ne foient à charge aux habitans.
Les Lettres de Temefwart & de Belgrade portent
que le G. S. avoit fait tirer des Garnifons
de Widin & de Nizza plufieurs Compagnies de
Janiffaires , & qu'elles étoient allées joindre l'Arée
que S. H. avoit fait affemoler à l'entrée de
l'Afie , & qui eft partie pour la Perfe.
Comme la maladie contagieufe fait beaucoup
de ravage à Conftantinople & aux environs , on
a envoyé ordre de mettre des Gardes à tous les
paffages pour prévenir la communication.
Le 4 Septembre , les Députez des Payfans dej
Moravie furent préfentez à S. M. Imp . à laquelle
ils porterent leurs plaintes, de ce qu'étant obligez
par les ufages de la Province , de travailler trois
jours de la Semaine pour les Seigneurs Eccleſiaſtiques
, & contraints depuis quelque temps d'em
ployer les autres jours à des ouvrages pub ics, ils
étoient hors d'état de faire fubfifter leur famille.
L'Empereur les a écoutez favorablement,& leur a
accordé deux jours par femaine
pres affaires.
pour leurs
pro
On mande de Schwerin que le Duc Charles
Léopold de Meckelbourg y avoit eu des dépêches
de Petersbourg , dont ce Prince n'avoit pas paru
fatisfait , & l'on ne croit pas qu'il reçoive fi -tôt
les fecours qu'il attendoit de la part de la Czarine
fa belle-four , parce que cette Princefle lui
.confeille de fe foumettre aux Decrets Impériaux.
On a appris de Belgrade , que le 14 du mois
dernier , on y avoit pofé , avec beaucoup de fodemnité
, la premiere Pierre à l'Eglife des Capu◄ .
cins. M.de Thurn,premier Evêque de cette Ville,
en fit la cérémonie , en prefence du Pr. Alexan
dre de Wirtemberg, Gouverneur du Royaume de
Servie , de la Princeffe fon époufe , du General , de
Hij Ma2284
MERCURE DE FRANCE
Marullli , Commandant de Belgrade , du Colonel
Duxat , Ingénieur en chef , du Magiftrat de
la Ville & de plufieurs autres perfonnes de dif
tinction . L'Eglife fut dédiée à S. Eugene , dont
le Prince Eugene de Savoye , qui a fait la conquête
de cette importante Place , porte le nom ;
on y mit à cette occafion le Chronographe fuivant:
EUgen II hoC DeXtra CUftoDJat DJUJ;
trJUMphantis qUoD OCCUpa Verat ensis
EUgenJJ.
Aprés la ceremonie , le Pr. Alexandre de Wir.
temberg donna un fomptueux Repas à quantité
de perfonnes de diftinction , & régala magnifiquement
les Peres Capucins.
L
ITALI E.
Es Cardinaux Petra , Lambertini ; 'Corradini
& Falconnieri , ont été nomméz par le
Pape pour examiner en Congrégation les droits
du S. Siege & ceux du Grand Maître de Malte
fur le Patronage du Grand Prieuré de cette Ville
afin de terminer à l'amiable les differends qui
pourroient naître à cette occafion ,
Le 27 Août , le Pape fit la cérémonie de bénir
dans la Chapelle du Palais du Quirinal lesLanges
deftinez pour le Dauphin & qui doivent être
portez en France par l'Abbé Lanti , Camerier
d'honneur de Sa Sainteté , lequel partit de Rome
les Septembre pour Civita- Vechia , avec fon
neveu , le fils du Comte Soderini & plufieurs
autres Gentils-hommes Romains , pour s'embarquer
fur les Galeres du Pape, qui doivent le conduire
à Marſeille.
Le 3. Septembre au matin , le Sacriftain de
' Eglife dell'Anima de la nation Allemande ; fut
attaqué & maltraité pendant qu'il difoit la Meffe
OCTOBRE. 1730. 2285
par un Pelerin Allemand , fous prétexte qu'il
avoit fait retrancher une partie de l'aumône qu'on
lui faifoit tous les jours . Ĉe Pelerin fut arrêré &
conduit en prifon , & le 5. l'Eglife fut rebenite
par M. Baccari , Evêque de Boyano.
Le 6. le Cardinal Cibo fit préfent au Pape d'un
Calice & d'une Patene d'or enrichis de Pierreies
, qu'on eftime 13000 écus : quelques jours
après le Cardinal Cienfuegos envoya au marquis
Neri Corfini le ſervice d'or dont le comte de
Colalto lui a fait préfent , le priant de l'offrir
au Pape de la part de ce Cardinal & de l'engager
à l'accepter.
Le11. après un Confiftoire fecret , Sa Sainteté
fit publier la Bulle du Jubilé univerfel , accordé
à l'occafion de fon Elevation au Pontificat , l'ouverture
s'en fit à Rome le 17. par une Proceffion
folemnelle qui alla de l'Eglife de N. D. des Anges
, où le Pape avoit celebré la Meffe , à celle
de S. Jean de Latran . Les Cardinaux au nombre
de 32. les Archevêques , les Evêques , le Sénat
Romain , le Connêtable Colonne , l'Ambaffadeur
de la ville de Bologne , le Clergé féculier & régulier
& la principale Nobleffe, affifterent à cette
Proceffion.
Dans ce Confiftoire du 11. Septembre, le Car
dinal Otthoboni, Protecteur des affaires de France ,
Propofa l'Evêché de Digne pour le Pere Antoine-
Amable Feydeau, General de l'Ordre des Carmes
lequel fut lacré le 24. par le Cardinal de Polignac ;
affifté du Pere Fouquet,Evêque titulaire d'Eleute
ropolis , & par M. de la Baume, Evêque titulaire
d'Halicarnaffe.
On a appris en dernier lieu , que le 2 de ce mois
le Pape avoit tenu un Confiftoire , dans lequel Sa
Sainteté avoit fait Cardinaux M.GrimaldiGenois,
Archevêque d'Edeffe ; Nonce ordinaire à Vienne ,
Hij M.
2286 MERCURE DE FRANCE
M. Banther Mafcei , de Montepulciano , Arche
vêque d'Athênes , ci- devant Nonce ordinaire en
France , M. Alexandre Aldobrandini , Florentin ,
Archevêque de Rhodes ,Nonce ordinaire en Efpagne
& l'Abbé Barthelemi Rufpoli , fils du Prince
de ce nom , & Secretaire de la Congrégation
de Propaganda Fide.
On affure que le Pape a fait expedier des Lettres
circulaires à tous les Evêques qui ont été élevez
à cette Dignité par le feu Pape Benoît XIII .
avec ordre de fe rendre à Rome dans deux mois
pour rendre compte de la maniere qu'ils ont ob
genu leurs Evêchez.
Le nouveau Vicaire Apoftolique que le Pape
a nommé pour gouverner le Diocele de Benevent
eft parti pour s'y rendre avec un Receveur , auffi
nommé par Sa Sainteté pour recevoir les revenus
de cet Archevêché.
On apprend de Benevent que le 14. du mois
dernier M. Bondelmonte , Commiffaire Apoftolique
, avoit fait convoquer le Chapitre de
PEglife Metropolitaine ; qu'en vertu du Bref du
Pape dont il avoit fait la lecture , il avoit inſtalé
M. de Nicaftro , en qualité de Vicaire Apoftolique
, & que ce choix avoit été univerfellement
approuvé.
Le Pape ayant fait infinuer au Cardinal Cofcia,
qu'il devoit donner fa démiffion pure & fimple
' de fon Archevêché de Benevent , & ce Cardinal
ayant demandé confeil depuis au Cardinal Falconieri
, on croit qu'il fe déterminera à donner
cette fatisfaction à Sa Sainteté.
1 Le 15. Le Chevalier de S. George accompagné
de fes deux fils , alla au Palais du Quirinal , où
il cut une longue Audience du Pape qui fit préfent
à chacun de fes fils d'un très-beau Reliquaire
d'or , orné de diamans & de rubis.
Le
OCTOBRE. 1730. 2287
Le Pape a fait au Comte de Collato , Ambaffadeur
de L'Empereur , le préfent ordinaire d'un
Corps faint & quelques autres Reliques de dévotion
, & d'un Tableau du fameux Peintre
Penelli.
Il y a une fi grande quantité de Sauterelles
dans la campagne de Rome , que les biens de la
terre en ont fouffert confiderablement ; on a
tenu à ce fujet une Congrégation extraordinaire ,
dans laquelle il a été refolu d'ordonner des
Prieres publiques,
On a apris de Lunigiano que le 26 Aouft , la
premiere Colomne des Troupes imperiales qui
ont ordre de fe rendre en ce pays , dont une
partie eft poffedée par la République de Gênes ,
& l'autre par le Duc de Maſſa-di - Carrara, arriva
à Terra-Roffa. Elle eft compofée de 2500. hommes
d'Infanterie qui camperent dans la prairie
voifine , en préfence du General Comte de Staremberg
qui avoit fait tracer le Camp. Le 27
la feconde colonne auffi de 2500. hommes arriva
vers le foir ; mais la Prairie n'étant pas affez
grande pour contenir tant de monde" on en
détacha deux Bataillons pour les envoyer à Barbarafco
, Marquifat qui appartient au Prince
Don Barthelemi Corfini , neveu du Pape. La
troifiéme Colonne qu'on attend fera de sooo.
hommes d'Infanterie & de 1600. chevaux •
comme les Officiers Generaux qui font au Camp :
veulent être pourvus de tout ce qui leur eft neceffaire
, & que les vivres & particulierement lesfourages
ne font pas abondans , le pays eft fort
incommodé du féiour de ces Troupes

On prétend que le Grand Duc de Florence a
fait affurer le Miniftre de l'Empereur , qu'il ne
recevroit des Troupes Imperiales dans fes Etats ,
qu'en cas qu'il fut attaqué par les Espagnols , &
Hij que
2288 MERCURE DE FRANCE
que le Duc de Parme ayant refufé de traiter avec
le Comte Arconati , qui étoit allé le trouver de
part de S. M. I. le Gouverneur du Milanez
avoit refufé pareillement d'entrer en conference
au fujet des affaires préfentes avec le Marquis
Carali qui réfide à Milan , de la part du Duc de
la
Parme.
L
Par les Lettres d'Ajaccio dans l'Iſle de Corfe
on apprend que les rébelles avoient fait encore de
très grands dégats aux environs de cette ville ; qu'ils
en a oient arraché toutes les vignes & enlevé les
.beftiaux .
ORDONNANCE du Pape pour l'établiffement
d'une Congrégation ,pour
rechercher & punir tous ceux qui ont
malverfé dans le maniment des affaires
fous le dernier Pontificat .
C
Omme nous avons appris par des perfonnes
dignes de foi , & par les bruits publics
lors méme que nous n'étions encore que Cardinal
, que certaines gens employez dans les affaires
fous le precédent Pontificat , ont nonfeulement
malverfé impudemment & injurieu-
Sement
nt dans tout
Ggee qui a été eommis à leurs
foins , tant par rapport aux graces qu'ils ont
accordées , qu'à la justice qu'ils ont fait rendre
aux expéditions qu'ils ont ordonnées smais
auffi qu'au préjudice de l'integrité de cette
Cour , & au mépris de la droiture de Benoît
KIII. notre Predéeeffeur , ils ont tâché de fur
prendre fa Religion par de malignes & fausse
infinuations , de le détourner de l'amour qu'i
a toujours eu pour la Justice , de corrompre fe
bonnes intentions par des artifices trompeurs,>
OCTOBRE . 1730. 2289
& d'empêcher que fa probité & fa vertu ne produififfent
les fruits qu'on en devoit attendre . Et
comme nous nous ferions propofez dé venger avec
éclat l'integrité l'honneur de notre Prédeceffeur
de toutes les embuches qui lui ont été tendues,
des fautes qu'il a ,pour ainsi dire , com
mifes innocemment , Nous croyons qu'à préfent
que nous fommes élevez fur le Trône fuprême
de la Justice , fans aucnn mérite de notre part ,
Nous ne pouvons mieux faire que de mettre en
exécution le pouvoir que nous avons en main s
afin d'effacer les injures atroces qui rejailliffent
fur la droiture & l'integrité d'unfi faint Pontife
, de rendre à notre chere ville & à la
Cour de Rome les degrez d'estime qu'elles fe font
asquifes , de peur que l'Innocent ne souffre
pour le coupable.
Pour cet effet nous créons une nouvelle Con
grégation particuliere , compofée des CardinauxJean
René Imperiali , Louis Pico , Pierre
Marcellin Corradini , Léandre de Porzia
Aufone Bancheri , leur donnant pour Secretaire
Dominique Céfar Florelli , Réferendaire dans
l'une & l'autre fignature : Nous donnons aufdits
Cardinaux pouvoir & ordre de rechercher
tous ceux qui feront coupables de pareils excès ,
crimes délits , ou qui contre tout droit , &
au préjudice du bien public & particulier
auront injuftement prévariqué , tant dans le
Spirituel que dans le temporel : & nous leur ordonnons
par les préfentes , de proceder , foit
par eux- mêmes , foit pardevant tels Tribunaux
Ecclefiafiques & Laïques de cette ville , far
les accufations des Parties , dénonciations , ou
fur ce qu'ils pourront découvrir eux- mêmes , coptre
ceux qui fe trouveront dans les cas fufdits :
voulant en vertu de notre autorité Apofloliy
Hv que
2290 MERCURE DE FRANCE
que , que tous les Tribunaux & Congrégations
de Cardinaux leur tendent la main , à cette
accafion , qu'il leur foit permis d'y prendre toutes
les informations neceffaires , & d'inftruire
des Procès par eux , ou par d'autres Juges qu'ils
pourront commettre pour cet effet , afin d'agir
contre toute chaque perfonne Eccléfiaftique ,
réguliere & féculiere , de quelque qualité ;
condition , ou dignité qu'elles puiffent être ,
Sans excepter aucun Ordre ou Congrégation , pas
même la Societé de Jefus , l'Ordre militaire
de S. Jeand Jeruzalem , Miniftres , Officiers de
Pinquifition, ou autres perfonnes privilegiées ..
Nous ordonnons à nofdits Commiffaires , lorfque
les crimes ci-deſſus énoncez , ou quelque
chofe d'approchant , feront averez engenéral os
en particulier , de les faire punir , foit par euxmêmes,
fort pardes Juges deleguez , dans la perfonne
des coupables , des complices , desfauteurs
& des Confeillers Nous leur permettons pour cet
effet de faire entendré les Témoins requis ; ou en
relles perfonnes que cepuiffe être , Eccléfiaftiques,
réguliers &féculiers ; privilegiés ou non s
d'évoquer enJugement , citer ou faire citer quiconque
fe trouvera dans le cas, de recevoir leurs
difpofitions par écrit , & d'obliger tous les Tribunaux
de cette Cour & de l'Etat Eccléfiaftique
même les Officiers de notre Chambre Apoftolique ,
de leur fournir tous les Actes dont ils pourron
avoir befoin , avec pouvoir de poursuivre les défobeiffans
par amendes pécuniaires , s'il eft befoin
par corps ou par les cenfures fpirituelles , ainfi
que cette Congrégation le jugera convenable.
Et afin qu'elle puiſſe d'autant mieux exécuer
nos ordres
nous lui conferons parces Pré-
Jintes, toute l'autorité , jurifdiction & plenisude
de notre pouvoir , tant par rapport à l'or
dre
OCTOBRE. 1730. 2291
dre de proceder , à la maniere de prouver, & à
la forme dejuger de faire exécuter leurs ju
gemens ; dérogeant pour cet effet à toutes Conftitutions
apoftoliques & regles de notre Chancellerie
, aux Droits & Ordonnances des Conciles
genéraux , Provinciaux & Synodaux , & aux
autres décrets particuliers à ce contraires
quoi qu'on n'en faffe pas-ici mention de mot à
mot , ou felon leurs claufes generales , co-
Donné au Quirinal le 8. Août 1750. Ainfi Nous
plaît , ainfi nous commettons & ordonnons de
notre mouvement . Etoit figné CLEMENT
XII.
Voici la Traduction des Harangues qui ont
té prononcées en Piemontois par le Premien
Préfident de Turin.
U
A U ROY.
Ne grande perte , une grande acquifition,
une douleur profonde , une extrême con--
folation font les fentimens , SIRE , qui ont
partagé nos affections fans divifer nos coeurs
Le Roi Vidor Amedée n'ayant plus rien
defirer pour ſa gloire & pour notre bonheur
met le comble à fon amour pour nous , en nous
donnant un Rot formé de fon auguste main
un Roi femblable à lui- même , moins par l'éclat
de fa Couronne que par la grandeur de fon*
ame.
Les vertus de V. M. l'ont déterminé à las
placer fur le Trône avant le tems ; il regnerois
encore fi V. M avoit donné des preuves moins
éclatantes de fes talens pour le Gouvernements
il auroit confommé en faveur de fes pew
H- vj, ples
2292 MERCURE DE FRANCE
ples le facrifice de fa propre vie , s'il n'avoir
trouvé en V. M. un fils digne d'être son fucceffeur
avant que d'être fon heritier.
Nous avons deux grands Rois , l'un vit fan's
vouloir regner plus long- tems ,
l'autre regne
fans lui avoir survêcu ; l'un moins glorieux
pour avoir porté la Couronne que pour l'avoir
quittée , l'autre auffi grand par fa fenfibilité
à la féparation de fon pere que par fon indifference
à l'acquifition d'un Royaume .
Nous respectons dans la perfonne du fils le
Jouvenir du pere , & dans le fouvenir du pere
nous retrouvons la perfonne du fils , fa vive
image. Auffi nous ftattons - nous SIRE de
retrouver dans CHARLES EMANUEL
an Souverain , un Protecteur un Pere tel
que nous l'avions dans Victor Amedée.
,
Nous fupplions V. M. de recevoir avec bonté
les témoignages de notre amour
hommages.

A LA REINE.
de nos
Un grand Roi fuccede un grand Rois
à une Reine d'une auguste memoire , fuccede
une Reine ornée des plus rares vertus. U
feul jour répare toutes nos pertes , & nous
woyons rempli avec gloire un Trône , au pied
duquel nos coeurs font toujours profternés.
Nous devons au Roi Victor Amedée la grandeur
de nos deftinées , mais nous devons à V.M.
une partie de notre felicité ; s'il nous a donné
un Roi qui eft l'objet de notre confolation , V. M.
a donné un fucceffeur à ce Royaume qui eft le
gage facré de nos esperances .
Le Ciel confervera un Prince dans les yeux
duquel
OCTOBRE. 1730 2293
duquel nous voyons déja briller une de ces
grandes ames que Dieu a destinées à remplir
Sa place fur la terre ; ce même Dieu rendra
toujours V. M. plus féconde , tandis que nos
Souverains regneront pour la gloire de cette
Royale Maifon , V. M. regnera pour rendre fon
nom immortel à fes fucceffeurs.
AU DUC DE SAVOYE.
E Grand Ayeul de Votre Alteffe Royale a
Lagrandifes Etats par la Guerre , illes a
affermis dans la Paix , il les quitte enfuite avec
une grandeur d'ame Jans égale ; les vertus fewles
de votre augufte Pere le placent fur le Trâne
le droit de fucceffion n'a aucune part à
cette poffeffion anticipée ; V. A R. est née d'un
Sang & dans une Maison où la vertu eft hereditaire.
Quelle heureuse esperance pour ses peuples
que ne doivent- ils pas fe promettre de cette
ame majestueuse qui brille déja ſur ſon visage
, de ce fang de tant de Heros qui coule dans
fes veines , de cette éducation qui forme à toutes
les vertus V. A. R. pour notre felicité.
Nous adreffons fans ceffe au Ciel nos voeux
les plus ardens pour la confervation de V. A. R.
vivez long tems , MONSEIGNEUR , mais
regnez tard.
On a appris en dernier lieu de Turin que le
Roi & la Reine de Sardaigne en étoient partis
pour la Foire d'Alexandrie de la Paille , & que
le Roi Victor Amedée vivoit à Chamberi dans
une grande retraite , n'ayant auprès de lui qu'un
très petit nombre d'Officiers & de Domeftiques.
Es2294
MERCURE DE FRANCE
LA
ESPAGNE
A Flote de la Nouvelle Efpagne qui entra le
18. Août dans le Port de Cadix fous l'efcorte
de trois Vaiffeaux de guerre , commandés
par le Marquis de Mari , étoit chargée de
968898. pieces de huit pour le Roi , & de
10481872. pour le compte des Négocians , de
121804. Piaftres en vaiffelle d'argent , de
48671 Piaftres en lingots d'argent , de 135 574
en or monnoyé , & 29152 en lingots d'or. Elle
avoit à bord, outre les matieres d'or & d'argent,
beaucoup de Cochenille , de Vanille , de Cacao ,
de bois de Campeche , de baume , de fucre , de
drogues & racines des Indes Occidentales &
Orientales , d'yvoire, d'écailles & de porcelaines.
Toutes ces Marchandiſes ont été portées dans
lés Magazins pour être diftribuées aux Particuliers
, ainfi que les matieres d'or & d'argent ;
mais on ne fçait pas encore quel fera l'indult
que le Roi retiendra fur ces effets.
Le 10. du mois dernier , le Roi , la Reine , le
Prince & la Princeffe des Afturies , & les Infants
Don Carlos & Don Philippe partirent du Palais
de l'Alcaçar de Seville , & s'embarquerent
fur les Galeres de S.-M. pour fe rendre par le=
Guadalquivir au Port de Sainte . Marie , où l'Infant
Don Louis & les Infantes Dona Marie Therefe
& Dona Marie Antoinette Ferdinande doi
vent fe rendre par terre. On a appris depuis que
L. M. n'étoient arrivées que le 19. à Saint Lucas,
ayant été retenues fur la Riviere par les vents
contraires , & que le lendemain elles étoient allées
par terre au Port de Sainte Marie , où l'Infant
Don Louis & les Lafantes étoient arrivés
dés- le- 171-
On
OCTOBRE . 1730. 229 *
On a embarqué une grande quantité de munitions
de guerre fur les Batimens de tranfport
qui font à la rade de Barcelone. Cependant des
Lettres qu'on a reçues depuis de la même Ville,
portent que l'expedition d'Italie a été fufpendue
, & que les Vaiffeaux de Guerre du Roi qui
étoient à la rade avoient ordre de retourner
à Cadix.
GRANDE BRETAGNE.
ON mande de Londres , que - la Male de Brif--
tol ayant été volée le io . de Septembre au
foir , près de Muydenhein , par un homme qui
monta fur le cheval du Poftillon pour ſe fauver ,
on a publié une Proclamation , promettant la
grace à ce Voleur s'il vient avouer fon crime , &
une récompenfe de 20. livres fterling à ceux qui
le feront arrêter.
M. de Beaufort , Gentilhomme François , que¨
Te Roi d'Eſpagne a nommé fon Agent en cette
Cour , alla le 17. Septembre avec les Directeurs de
la Compagnie de la Mer du Sud , à bord du Vaiffeau
le Prince Guillaume , qui partira dans
peu pour Cartagene & Porto - Bello , pour être
prefent au Jaugeage qui en fut fait ce jour- là ; il
fut reçu par M. Cleland , Capitaine de ce Bâtiment
, au bruit de neuf Canons , des Timbales &
des Trompettes. Après quoi les mêmes Directeurs
le conduifirent à Graveſend , où ils lui donnerent
un repas magnifique. On a donné au Capitaine
de ce Vaiffeau , une Commiffion de l'Amirauté ,
pour attaquer les Forbans & les Corfaires qu'il
pourra rencontrer dans fa route. M. de Beaufort
délivra le 6.de ce mois,aux Directeurs de la Compagnie
de la Mer du Sud , le Certificat du Jau
geage de ce Nayire.……
Tous
2296 MERCURE DE FRANCE
Tous les Vaiffeaux de la Compagnie de la Mer
du Sud , qui étoient allez dans les Mers du Nord,
font rentrez dans les Ports : la Péche qu'ils ont
faite cette année . ne fera pas d'un grand produit
pour la Compagnie , parce qu'ils n'ont pris que
douze Baleines à eux tous.
Le Duc de Riperda , cy -devant Premier Minitre
du Roi d'efpagne, & qui depuis fon évafion
du Château de Ségovie , a paffé près deux ans à
Londres , incognito , fut prefenté au Roi d'Angleterre
le 14. par le Duc de Newcaſtle ,
taire d'Etat.
Secre-
On apprend de Blackftonne , dans le Comte de
Lancaftre , qu'on y a vu un Animal de la figure
d'un Serpent , lequel a fix Verges de long & près
de deux de tour. Comme les Payfans des environs
ont perdu depuis quelque temps plufieurs de leurs
Moutons , ils croyent qu'ils ont été dévorez par
cet Animal.
XXXX:XXXXXXX : XXX**
MORTS , MARIAGE
des Pais Etrangers.
Nnico Carraccioli , Cardinal Prêtre , du Titre
de S. Thomas in Parione Evêque d'Averfa ,
mourut le 3. de Septembre dans le Convent des
Benedictins du Mont Vierge , dans la 89 année
de fon age. Son corps fut expofé le foir dans l'Eglife
de fainte Agathe des Goths , où on lui fit le
fendemain des Obfeques magnifiques , aufquelles
les Cardinaux affifterent , au nombre de 31. après
la Meffe , les Abfolutions & les Encenfemens , il
fu porté dans l'Eglife de N. Dame de la Victoire,
où il restera en dépôt jufqu'à ce qu'on le tranfporte
dans l'Eglife Cathédrale d'Averfa.
Le.
OCTOBRE. 1730. 2297
Le Duc Charles Fitz - Roi , de Cleveland & de
Southampton , Chevalier de l'Ordre de la Jarre
tiere, & l'aîné des Fils naturels du Roi Charles II .
mourut le 20. Septembre , laiffant pour heritier
de fes Terres & de fes biens , fon fils unique Charles
, Comte de Chicheſter , qui a 29. ans , mais
qui n'eft pas encore marié.
Le Prince Nicolas Mauro Cordato , Hofpodar
de Valachie , eft mort en Tranfilvanie au comquencement
de ce mois.
Le Prince Jean Adolphe de Saxe-Weiffenfels ,
a époufé la Princeffe de Saxe-Weiffenfels , fa Niece
, au nom du Duc Ferdinand de Curlande , cette
Princeffe a dû partir le 20. du mois dernier pour
aller trouver le Duc fon Epoux à Mittau
FRANCE
Nouvelles de la Cour , de Paris , & c.
LE
E Marquis de Souvré , Maître de la
Garderobbe du Roi , à été nommé
par S. M. Meftre de Camp d'un Regiment
d'Infanterie , vacant par la démiflion volontaire
du Marquis de la Chenelaye ,
Brigadier des Armées du Roi..
Le Marquis de Lanmari à obtenu la
Compagnie de Gendarmerie , vacante par
la mort de M. Trudaine. Le Marquis de
Bouville a été nommé Sous-Lieutenant
de Gendarmerie , le Marquis de Marignane
,
2298 MERCURE DE FRANCE 1
ne , Enſeigne , & le fils de M. Trudaine ,
Guidon ,
M. de Beaucaire , Meftre de Camp réformé,
a été nommé par le Roi Meftre de
Camp d'un Régiment deCavalerie, vacant
par la démiffion volontaire du Prince de
Lambefc.
Le Roi a donné l'Evêché d'Angers à
Abbé de Vaugiraud , Grand - Vicaire de
çe Diocèfe ; & S. M. a donné l'Abbaye de
Noaillé , Ordre de S. Benoît , Diocèſe de
Poitiers , à l'Abbé Poncet de la Riviere .
Le Marquis de Creil , Brigadier des
Armées du Roi , & Meftre de Camp du
Régiment de Baffigny , a été nommé par
S. M. Capitaine - Lieutenant de la Compagnie
des Grenadiers à Cheval de fa Maifon
, & le Roi a accordé au fils de M. de
Villemur, Lieutenant General des Armées
de S. M. qui commandoit cette Compa
gnie , le Regiment de Baffigny.
Le Roi a nommé le Comte de Rottembourg
, fon Ambaffadeur Extraordinaire
auprès du Roi d'Eſpagne,
Le zo. de ce mois , la Reine fe rendit
à la Chapelle du Château de Versailles ,
où S.M. aprés avoir entendu la Meffe, qui
fut dite par l'Abbé de S. Aulaire, fon Aumônier
en quartier , fut relevée de fes-
Couches , avec les ceremonies accoûtumées
OCTOBRE. 1730. 2299
, par le Cardinal de Fleury , fon
Grand- Aumônier.
mées
Le 21. l'Abbé Lanti , Nonce Extraor
dinaire du Pape , s'étant rendu à Verſailles
, eut la premiere Audience particuliere'
du Roi. Il eut enfuite Audience de la Reine
& de Monfeigneur le Dauphin .
Le Roi Staniflas & la Reine fon Epoufe,
qui font venus incognito , pour paffer quelques
jours à Verfailles avec la Reine leur
Fille , font retournez à Chambord. Pendant
leur féjour à la Cour , le Roi les a
vûs plufieurs fois chez la Reine.
Le Tableau que M. Charles Coypel
fait pour être executé en Tapifferie pour
fe Roi , aux Gobelins , fut expofé dans le
grand Appartement de S. M. à Verſailles,
fe z . de ce mois. Le Roi & la Reine
ont vû çe grand Ouvrage avec plaifir
L. M. en ont marqué leur fatisfaction à
Auteur , qui leur fut préfenté par le Duc
Dantin , toute la Cour a generalement
applaudi à cette admirable compofition .
Ce Tableau a 18. pieds de long fur 11.
de haut , & eft compofé de 30. figures .
Il repréfente le Sacrifice d'Iphigenie ;
on a choifi le moment où cette Princeffe
fe prefente à l'Autel , & dit le dernier
adieu à fon pere , en lui baifant la main .
Agamemnon , penetré de douleur , la
ferre
2300 MERCURE DE FRANCE
,
ferre dans fes bras , & l'on a tâché d'exprimer
la tendreffe d'un Pere fur le viſage
d'un Héros . Il ne paroît point murmurer
contre l'ordre des Dieux , ni vouloir s'oppofer
à leurs volontez , mais il laiffe juger
par fa douleur de la grandeur du Sacrifice
qu'il va leur faire . Neftor & Ulyffe
viennent l'arracher de l'Autel par des motifs
differens , la compaffion fait agir le
premier , la politique engage l'autre à prévenir
les obftacles que la tendreffe du fang
pourroit apporter à une action lui
qui paroît
auffi neceffaire qu'inhumaine. Calchas
& les Prêtres de fa fuite paroiffent
touchez du fort de la jeune Princeffe
ainfi que les Guerriers qui entourent l'Autel
. L'on a imaginé que rien n'étoit plus
capable de faire fentir la compaffion que
doit infpirer un Spectacle fi touchant,
que de la peindre fur le vifage de ceux
même qui font dans l'habitude de répandre
du fang. On a tâché auffi d'exprimer
les differens degrez & les differentes efpeces
de douleurs , felon la varieté d'âges
& de caracteres de ceux qui affiftent à ce
trifte Spectacle , & le plus ou moins d'interêt
qu'ils y prennent. On voit fur le
devant la Nourrice d'Iphigenic qui s'élance
avec fureur pour aller mettre obft
cle à l'accompliffement du Sacrifice . Elle
eft arrêtée par un Guerrier qui pleure luimême
OCTOBRE. 1730. 2301
même de le voir dans la neceflité de s'oppofer
à fon deffein . On y voit auffi deux
femmes de la fuite de la Princeffe , dont
la plus jeune veut fe cacher dans les bras
de l'autre , croyant déja voir le couteau
dans le fein de fa Maîtreffe , mais fa Compagne
, dans laquelle elle penfe trouver
du fecours , tombe elle- même évanoüie
fur elle.L'Autel eft environné de plufieurs
Inftrumens de Sacrifice , tels que le Couteau
facré , la Cuve dans laquelle on reçoit
le fang de la Victime , le Vafe qui
fervoit aux afperfions, la Caffette qui renfermoit
les Parfums , & autres , qui tous
expofez fans nul ménagement , fous les
yeux de la Victime , ôteroient aux Spectateurs
toute efperance , s'ils n'appercevoient
Diane qui defcend & qui donne
à penfer par un regard de compaffion
qu'elle laiffe tomber fur Iphigenie , qu'elle
ne vient que dans le deffein de la fauver,
la Déefle même commence à répandre fur
l'Armée cette vapeur , qui lui déroba la
connoiffance du fort de la Victime .
On préfenta auffi en même- temps au
Roi & à la Reine , deux Tableaux d'Architecture
de M. Meufnier , d'une beauté
finguliere , dont Leurs Majeftez parurent
trés-fatisfaites.
Le Régiment d'Anjou , Infanterie , fenfible à
'honneus
2302 MERCURE DE FRANCE
l'honneur qu'il a d'avoir pour Colonel M. le
Duc d'Anjou , a donné des marques éclatantes
de la joye qu'a caufé fon heureuſe Naiffance. Ce
Régiment eft campé fous Thionville ; les Dames
de la Ville & des environs ayant été invitées ,
ainfi que la plupart des Officiers Generaux & particuliers
du Camp & de la Ville de Mets , fe rendirent
le 18 Septembre au Camp, où tout étoit préparé
pour les recevoir, ce qui forma une très- brillante
Affemblée . La Fête commença par un grand
Bal , où l'on fervit toutes fortes de Rafraîchiffemens
. A l'entrée de la nuit tout le Camp fut illuminé
avec beaucoup de fimetrie ; la façade du
Camp formoit une fuite de Portiques d'un trèsbon
gout. On avoit élevé au milieu de deux Bataillons
, un Arc- de- Triomphe de 50. pieds de
haut , orné de Filaftres , de Corniches & de Confoles
; les Armes d'Anjou étoient placées en grand
dans le milieu, & celles de France dans les côtez.
Les Troupes étant en bataille , firent trois décharges
generales ; on fit dans l'intervale de chaun
feu continuel de Boetes & de Fufées . Ce
cune,
qui fut terminé par deux groffes Gerbes de Fu- fées qui partirent toutes à la fois . Enfuite on fervit
un très grand foupé , ou , pour mieux dire , plufieurs en même temps , pour toute l'Affemblée
. Après minuit le Bal recommença
jufqu'à l'ouver- ture des Portes de la Ville , que chacun fe fépara fatisfait de la Fête & du fujet qui y avoit donné
lieu. On fit auffi diftribuer beaucoup
de vin aux Soldats & aux Habitans que la curiofité y attira
La Ville de Troye , Capitale de la Province del
Champagne , s'eft toûjours diftinguée par fon
zele & fon attachement pour le Roi & pour la
Famille Royale L'année derniere tous les Ordres
de cette Ville firent éclater leur joye à l'occafion
de
OCTOBRE. 1730. 2303
de la Naiffance de Monfeigneur le Dauphin , &
P'Academie de Mufique fe fignala par une Fête
dont on a donné la defcription. Les marques de
ce même zele ont été renouvellées cette année au
fujet de la Naiffance de Monfeigneur le Duc d'An
jou. M. Morel , Chevalier de l'Ordre de S Michel
& Lieutenant General au Bailliage & Siege
Préfidial de cette Ville , qui exerce depuis environ
un an cette Charge avec diftinétion , a donné une
Fête très-galante. Lors des premieres Réjouiflances
Madame la Lieutenante Generale , chez laquelle
fe raffemble ordinairement la meilleure
Compagnie de la Ville , ayant été priée par les
Dames de leur donner un Bal , elle leur répondit
qu'elle leur offriroit volontiers ce plaifir auffi-tôt
que M. l'Intendant feroit en cette Ville , où il devoit
inceffamment faire la tournée. A fon arrivée
le jour ayant été pris au 10. d'Octobre , M. &
Mad. la Lieutenante Generale inviterent la Nobleffe
des environs & les principales perfonnes de
la Ville; la Fête commença à 5. heures par le jeu
dans differens Appartemens , on vit paroître à 7.
heures une Illumination bien entendue au dehors
& au- dedans de la Maiſon , 9. heures on fervit
deux Tables de 25. Couverts chacune , où ſe réünirent
l'abondance ,la délicateffe & le bon gout.Le
Repas fut terminé par une Symphonie qui fur
fuivie du Bal dans deux grandes Sales très éclai
rées , qui dura toute la nuit avec un grand concours
de Mafques. Pendant le Bal on diftribua
toutes fortes de Rafraîchiffemens , & la Compa
gnie fe retira fort fatisfaite. Le Jeudi fuivant l'Academie
de Mufique donna un Concert à M. l'Intendant
, où l'Affemblée fut nombreufe & brillan
ge , & le Concert fut très-bien executé.
Le Dimanche 10. Septembre , les Mariniers de
la
27
2304 MERCURE DE FRANCE
la Pelleterie , joints avec quelques autres pour
témoigner leur joye au fujet de la naiffance de
Monfeigneur le Duc d'Anjou , voulurent fe
ignaler par une Fête qu'ils donnerent fur la
Seine , après en avoir obtenu la permiffion de
Meffieurs les Prevôt des Marchands & Echevins.
Ils tirerent l'anguille dans l'efpace de la
riviere qui fe trouve entre le Pont au Change
& le Pont Notre-Dame , la place étant fort convenable
pour ces fortes d'exercices , parce qu'elle
forme un quarré parfait & que les Spectateurs
s'y trouvent placez de tous côtez à une diſtance
raifonnable.
En conféquence des ordres du Prevôt des Marchands
& Echevins , on fit retirer tous les Batteaux
des Teinturiers & autres, pour rendre le caaal
entierement libre , & fur la permiffion qui
leur en fut accordée , ils arrangerent de grands
Batteaux de fel remplis de chaifes qu'ils louerent
au public & dont le produit leur fut accordé
pour fournir en quelque façon aux frais qu'ils
étoient obligez de faire pour cette Fête ; ils boucherent
toutes les arches des deux Ponts, & tout ce
grand quarré fut bordé par des Batteaux remplis
de Spectateurs , qui étoient en très-grand nombre
, auffi-bien qu'aux Balcons & aux fenêtres
des deux Ponts & des deux Quais .
On avoit orné très- proprement un grand Batteau
deftiné pour Mrs les Prévôt des Marchands ,
Echevins & autres Officiers de la Ville , & dans
lequel il fe trouva auffi beaucoup de Dames : aufſitôt
qu'on le vit approcher , les Mariniers , au fon
des Timbales & des Trompettes , commencerent
vers les 3. heures après midi , le jeu de la Lance
qui devint très - divertiffant les differentes manieres
dont ils tomboient dans l'eau & les differentes
culbutes qu'ils faifoient malgré eux ,
par
Les
OCTOBRE. 1730. 2305
Les combatans de la Lutte étoient montez fur
fix petits Batteaux , à chacun defquels il y avoit
5 Rames. 3. de ces Batteaux étoient peints en
fouge , & les 3. autres en bleu , auffi bien que
les Rames & les Lances; les Rameurs, comme les
Tireurs de Lance, étoient tous habillez de blanc
& avoient des Cocardes, dont la couleur répondoit
à celle des Batteaux où ils étoient . Par les
mouvemens de leurs Rames , ils faifoient revirer
leurs Batteaux à leur gré & s'entendoient fi - bien,
que quand ils fe rencontroient , ils fe touchoient
fi vivement avec leurs Lances , qu'il étoit rare
qu'il n'en tomba quelqu'un dans l'eau , & même
affez fouvent ils étoient renverfez tous les deux .
ce qui réjouiffoit infiniment , & formoit un petit
combat tres-divertiffant.Il y en eut deux, fur tout,
plus fermes que les autres , qui ne furent renver→
fez qu'à la fin. Ce divertiffement dura plus d'une
heure ; en finiffant les Mariniers fe jetterent tous
enſemble dans l'eau , qui fe trouva dans l'inſtant
couverte de Nageurs , dont les divers mouvemens
, joints à l'agitation de l'eau , donnerent
un fpectacle des plus agréables . Ils gagnerent le
Batteau , pour tirer l'Anguille ; & enfuite y étant
arrivez , ils tirerent au fort le rang qui devoit leur
échoir , & furent attacher l'Anguille à une corde,
qui étoit placée au milieu du Quay de Gêvres , à
la hauteur au moins d'un fecond étage , & qui
répondoit à un Tourniquet , du côté de la Pelleterie.
Ordinairement on reconnoît pour Roy celui
qui fans agir des mains , peut avec fes dents arracher
les entrailles de l'Anguille ; mais afin que
le plaifir dura plus long- temps , ils étoient convenus
enſemble que ce feroit celui qui emporteroit
le dernier morceau . Le Plaiſant de ce fpec
tacle fut que dans le temps qu'ils y penfoient le
I moins
2306 MERCURE DE FRANCE
moins , on lâchoit le Tourniquet , ce qui les faifoit
tomber & enfoncer fi avant dans l'eau, qu'ils
étoient tres - long - tems fans reparoître , & fouvent
ils fe trouvoient fi éloignez de l'Anguille
qu'ils ne pouvoient point la ratraper ; ce qui
donnoit lieu à un autre de prendre la place . Il
s'en trouva quelques - uns qui marquoient tant
de courage & de force , qu'ils fe laiffoient enlever,
en tenant la corde feulement des mains , & reftoient
dans cette fituation un temps tres-confiderable
, & quelquefois avoient encore affez de
vigueur pour s'élever & s'y attacher par les pieds.
La Fête fut interrompue pour un moment ,
par la chute d'un Echafaut trop foible , qu'on
avoit élevé fur le Batteau , qui fervoit pour monter
à la corde où l'Anguille étoit attachée. Ce qui
divertit beaucoup le public, dautant qu'ils étoient
tous montez deffus.
Tout le pafla avec beaucoup d'ordre & fans accident
, malgré la grande affluence de peuples qui
y accoururent, attirés la rareté de ces fortes de
fpectacles , dont on n'avoit point vu de pareils
depuis 37 ans.
par
Cela finit fur les fix heures du foir , avec de
grands applaudiffemens de la part des Spectateurs
, pour le Vainqueur que l'on conduifit au
Batteau de Meffieurs les Prevôt des Marchands
& Echevins , où il reçût la récompenfe de fa vic-
Loire.
M. le Cocq , Commis pour le paffage des Ponts,
homme fort entendu , s'eft donné bien des foins
pour conduire cette Fête.
Le 21. de ce mois , on folemnifa dans l'Eglife
de la Maifon de Sorbonne , la Fête de fainte Urfule
qui en eft Titulaire , M. l'Archevêque y offi
cia pontificalement, Un nombre confiderable de
perfonnes
ос
OCTOBRE
. 1730. 2307.
perfonnes de diſtinction y affifterent , & il y eut
felon la coûtume , deux Difcours , l'un en Latin
& l'autre en François , contenant principalement
le Panégyrique de la Sainte.
Le Lundi 23. M. de la Porte , fecond Avocat
du Roi au Châtelet, fit à la Rentrée de cette Jurif
diction , un Difcours fur le Gout ramené à l'Etude
des Loix & à l'Eloquence du Barreau , qui
fut prononcé avec beaucoup de graces & extrémement
applaudi. M. le Lieutenant Civil termina
la Séance par un Difcours très- folide , trèsélégant,
& qui répondoit au caractere de ce Ma
giftrat.
Nous avons crû que le Public verroit
avec plaifir la Piece fuivante , dont la
naïveté ingenieufe a été fort goutée à la
Cour. Elle a été faite par le Pere de la
Sante , l'un des Profeffeurs de Rhétorique,
du College de Louis le Grand , au nom
des jeunes Seigneurs Penfionnaires dans)
ce College.
LETTRE des Penfionnaires du College.
de Louis le Grand , aujeune Marquis de
Cruffol , à Versailles , fur la Fête qui ſe
fit dans ce College , au fujet de la Naiffance
de Monfeigneur le Duc d'Anjou.
CRuffol , noti notre aimable Confrere
Sois en Cour notre Député ;
Comme la Reine cinq fois mere
Te voit d'un oeil plein de bonté ,
I ij
Va
2308 MERCURE DE FRANCE
Va lui demander audiance ,
Sur cette Lettre de Créance ;
Et puis fans autre compliment ,
Racontes-lui naïvement ,
La fubite métamorphofe ,
D'Apollon en Artificier :
Car tel fut ici le Métier ,
Qu'il fit le jour de ſainte Roſe , * )
Jour qui vit un nouveau Fleuron ,
Naître à la Couronne de France.
Et paroître un beau Rejetton ,
De nos Lys feconde efperance.
Le foir de ce jour fortuné
Notre Parnaffe illuminé ,
Offrit un fi charmant ſpectacle ,
Qu'il tenoit prefque du Miracle.
Auffi ce Prince , dans fon temps ,
En doit-il faire d'éclatans ,
Dont nous trouvons l'heureux préſage ,
Dans fon Nom , dans fon Apanage.
D'abord la Fête commença ,
Par le fon guerrier des Trompettes ,
Bont mainte Fanfare annonça ,
(
Un Feu de trois heures complettes.
Pendant que cent bouches de fer ,
Vomiffoient des flammes tonnantes ,
Mille Serpens joüoient en l'air ,
Letrentiémejour d'Août 1730 ,
ATCE
OCTOBRE . 1730. 2309
Avec mille Etoiles volantes.
Enfin les feux hauts , les feux bas ,
Faifoient enſemble un tel fracas ,
Qu'on eût dit que le Mont Parnaffe ,
Du Mont Etna prenoit la place ,
Et que par un nouveau deſtin ,
Apollon devenoit Vulcain.
Pour nous qui fûmes de la Fête ;
Tant que tout ce grand feu dura
Nous difions : quand à notre tête ,
Un jour ce Bourbon marchera ,
Encouragez par fa prefence ,
Et fuivant à l'envi ſes pas ,
Oh ! quel feu ne ferons- nous pas
Sur les ennemis de la France !
Un Aftrologue , cependant ,
Mais Aftrologue veritable ,
Qui jamais ne débita Fable ,
A tout Paris ſe fait garant ,
Qu'étant né dans le mois d'Augufte ,
Prince doux , pacifique & juſte ,
Notre Duc aimera la Paix ,
Qu'aime Louis pour les Sujets.
Mais il y joint pour Horoſcope ,
Que fi quelque Prince en Europe ,
S'avife de reveiller Mars ,
I1 peut compter, fans rien furfaire ,
Que dans les Fils & dans le Pere ,
I iij I1
2310 MERCURE DE FRANCE
Il trouvera de vrais Céfars.
Pour gages fûrs, de leur victoire ,
L'Aftrologue , qu'on en peut croire ,
Sur des preuves dignes de foi ,
Donne , outre leurs vertus guerrieres ,
Les voeux ardens & les prieres ,
De l'Augufte Epouſe du Roi.
Nous en faifons auffi pour
Et comptons que Sa Majefté ,
Obtiendra par fa pieté ,
elle ,
Plus que nous par tout notre zele.
Que n'obtient pas du Roi des Rois ,
Un grand coeur foumis à fes -loix ?
Pour toi , qui de fi près contemples ,
De la Reine les grands exemples ,
Ami , tâche de profiter.
De ce qu'on en peut imiter
Et fuppléant à la diſtance ,
Qui nous dérobe fa prefence ,
'Affure- la très- humblement
De notre parfait dévoûment.
Pour cette fin , par ces Prefentes ,
Qui te ferviront de Patentes ,
Nous te nommons Ambaffadeur ,
Et nous fommes tous de grand coeur
Cher Cruffol , tes amis finceres ,
Tes Serviteurs & tes Confreres ,
Ce premier Septembre , à Paris ,
Au College du Grand Louis.
MOOCTOBRE.
1730. 2311
MODE S.
E qui frappe le plus la vûë & ce
C qui marque davantage le pouvoir
abtolu de la Mode , ce font,fans doute , les
Panniers d'aujourd'hui , plus grands &
plus amples que jamais , que les Dames
de la Ville & de la Province , & les femmes
de tous les Etats & jufques aux plus
petites artifanes & aux fervantes , portent
, avec autant de complaifance que
d'entêtement , depuis près de 20 ans ;
de
quoi on ne fçauroit affez s'étonner , car
n'y eut-il pour le beau fexe que le penchant
au changement & l'amour de la variété
, il femble que ces ufages n'auroient
pas dû fubfifter fi long-temps. Il femble
enfin qu'il y a bien plus à glofer fur la
bizarerie des Panniers , que fur le Vertugadin
de nos ayeules , qui a regné longtemps.
On prétend que cette mode , outrée &
hors de toute raiſon , a commencé en Allemagne
, d'où elle paffa en Angleterre ;
& que les Dames Angloifes ont porté
l'amplure des Panniers au point où nous
la voyons aujourd'hui . Ils ont plus de 3
aûnes de tour ; on les fait tenir en état
par le moyen de petites bandes de Nates ,
faites de Jonc , ou de petites Lames d'Al
cier ,
I iiij
2312 MERCURE DE FRANCE
cier ; mais plus ordinairement avec de la
Baleine ,, qui eft fort flexible , qui fe caffe
moins , & qui rend les Paniers moins pefans.
Ceux qu'on appelle à Coudes , font
plus à la mode que ceux à Guéridons ; on
les appelle à Coudes ,parce qu'ils font plus
larges par le haut & que les Coudes pofent
prefque deffus. Ils forment mieux
l'ovale que les autres.
Avant l'ufage établi des Paniers , fur
tout à l'Opera , toutes les femmes de
Théatre , qui ont ordinairement des habits
fort riches , principalement dans le
férieux , portoient une espece de Jupon ,
qui ne venoit guére qu'à mi-jambe , fait
d'une groffe toile gommée , affez large
pour donner de la grace , tenir les Jupes
en état, & faire paroître la taille. Le bruit
que faifoient ces efpeces de Paniers, pour
peu qu'on les preffa , lui firent donner le
nom de Criardes ; les plus larges n'avoient
pas deux aûnes , & hors le Théatre , il n'y
avoit que les Dames du plus grand air qui
en portaffent.
Les Paniers parurent enfuite , & ils furent
ainfi appellez , parce qu'ils étoient
faits comme une efpece de Cage ou de
Panier à mettre de la Volaille , percez à
jour , n'y ayant que des Rubans attachez
aux Cercles , fait de nates , de cordes , de
jonc, ou de baleines. Aujourd'hui le corps
du
OCTOBRE . 1730. 23 13
:
du Panier eft fait en Juppe , d'une toile
écruë en gros taffetas , fur lequel on applique
les cercles de Baleine. Quelques
Dames d'une grande modeftie , mais en
tres-petit nombre, fe font tenus aux Juppons
piquez de crin , qui ne font pas un
grand volume , & qui font un effet raifonnable.
Les Paniers ont ordinairement cinq
rangs de cercles ; ceux qu'on appelle à
l'Angloife , en ont jufqu'à 8 , & font
beaucoup plus chers . Les prix de ceux en
toile glacée ou en taffetas , font depuis
10 liv. jufqu'à 50 liv. ceux qui font ornez
de galons d'or ou d'argent , & de Broderies
fe payent autrement.
Les taffetas dont toutes les Dames s'habil
lent en Eté font de couleurs extrêmement
& extraordinairement variées , & les plus
barroques font les plus à la mode , fur
tout les grandes rayes , avec des couleurs.
tranchantes & oppolées l'une près de l'autre
; ces taffetas font la plupart glacez.Les
taffetas Aambans font auffi fort à la mode.
Ceux qu'on porte unis font toujours de
couleur de Rofe ou blanc , fur lefquels on
met des Prétintailles aux paremens des
Robes , fur les manches & aux poches ;
quelquefois on les garnis de blondes de
foye ou d'argent.
Les Robes de Toile de Coton brodées
I v de
2314 MERCURE DE FRANCE
de foye , de couleurs vives , qu'on double
de couleur de Rofe , font fort à la
mode. On met avec ces Robes des Jupons
blancs avec des franges en graine
d'épinard , dont quelques - unes ont un
pied de haut. Les femmes de qualité ,
au lieu des Robes dont on vient de parler
, en portent de Mouffeline claire &
brodée en blanc , & doublées de couleur
de Rofe , ce qui fait un effet charmant.
En hyver on porte beaucoup de velours
plein , cizelé ou gauffré , du Damas , du
Satin unis , avec des paremens en prétintaille
, de la même étoffe & découpez ; &
fur tout des Raz de Sicile , qui eſt une
fort belle étoffe. Les couleurs brunes &
aurore ont la préférence fur les autres.
La manche des Robes fe fait toujours
en pagode. Pour les habits à habiller
qu'on ne voit guére qu'aux jeunes perfonnes
& aux nouvelles mariées , il en a
paru cet Eté en étoffes de couleurs unies,
avec beaucoup de prétintailles , de la même
étoffe , découpez ; avec deux rangs de
falbala à la Jupe.
Les Mantilles font toujours fort en regne.
Il y en a de tres- riches en Ecarlates,
en Velours , en Satin, en Blonde, de toute
couleur , en or ou argent , & c . Si c'étoit
la modeftie qui eut introduit cette mode,
les Dames qui en feroient les Auteurs
feroient
OCTOBRE . 1730. 2315
feroient tres-loüables : car cet ajuſtement
ne donne nulle prife à l'efprit de convoitife
. Des gens malins ont cependant remarqué
que les perfonnes qui n'ont pas
affez d'embonpoint , n'ont pas été des
dernieres à prendre la Mantille .
Les Dames portoient l'Hyver dernier
des Manchons auffi grands que ceux des
hommes , & des Palatines de Marte ; les
Palatines d'Eté font de Blondes de foye &
argent , ornées de fleurs artificielles &
broderie. Les plus à la mode font peintes
avec quantité de papillons.
en
Les gros & amples Bouquets de fleurs
artificielles font toujours fort à la mode.
On fait de ces fleurs d'un gout nouveau
qui imitent les Tulipes de toutes couleurs,
mais plus en gris de lin , avec de l'argent
fin & faux .
Il y a des Eventails d'un prix tres-confiderable
, qu'on porte encore exceffivement
grands ; enforte qu'il y a de petites
perfonnes dont la taille n'a pas deux
fois la hauteur de l'Eventail ; ce qui doit
tenir en refpect les jeunes Cavaliers badins
& trop enjoüez .
Les Dames portent beaucoup de Bas de
fil de Coton , dont les coins font brodez
en laine de couleur. Les bas de foye font
brodez en or ou en argent . Les Bas blancs
ont mis les Souliers blancs à la mode ; on
I vj · les
2316 MERCURE DE FRANCE
les porte à demi arondis à l'Angloife , &
le talon fort gros & couvert de la même
étoffe. On porte également des Mules
arondies. Les Souliers longs & pointus ,
avec la piece renverfée fur la boucle , ne
font prefque plus à la mode.
Il n'y a prefque pas eu de chagement
'dans la coëffure des Dames depuis ce que
nous en avons dit l'année derniere. Elles
portent toujours de petites Garnitures
de blonde , ornées de fleurs qui imitent
le naturel , & d'autres fleurs en broderie
qu'on applique fur la coëffure. Il y a auffi
des Garnitures de blonde d'argent fur lefquelles
on applique également des fleurs
brodées. Ces coëffures fe portent un peu
plus hautes , avec une groffe frifure qu'on
appelle Boucles à la Medicis ; la pointe
des cheveux fur le front , relevée en croiffant.
La Dorlote eft une nouvelle coëffure à
deux pieces qu'on porte en negligé ; elle
eft arrondie par le bas , & la dantelle
pliffe autour.
On porte depuis peu des aigrettes de
pierres fauffes , de diverfes couleurs , qui
parent beaucoup , & qui ont un air fort
galant , fans être d'un grand prix . Les
rubans qu'on porte dans les coëffures font
un peu plus larges , toujours auffi legers
& qui coûtent peu , le plus fouvent rayés.
OCTOBRE . 1730. 2317
11 y en a un nouveau de deux couleurs
qu'on appelle le Boiteux , qui eft fort à
la mode.
En parlant des modes , nous n'avons
encore rien dit du blanc & du rouge que
les Dames employent aujourd'hui pour
relever l'éclat de leur beauté. Cet article
eft délicat ; & puifque c'eft aparemment
dans l'intention de plaire , on ne doit pas
les blâmer , & nous fommes bien éloignés
de vouloir defaprouver ce que le beau
fexe met en ufage pour augmenter ce
qu'il a d'agrémens naturels. Mais nous ne
diffimulerons point que le beau naturel ,
non-feulement n'y gagne rien , mais
qu'il y perd infiniment , quand on veut
trop faire valoir des charmes empruntés
par un art outre qui en éloigne toujours
les graces , & ce je ne fçai quoi de fimple
& de naïf qui fait aimer & refpecter les.
Dames.
Oferoit- on hazarder encore une reflexion
fur leur parure & fur les ajuſtemers
recherchés d'une maniere outrée & fouvent
bizarre , avec lefquels les femmes
prétendent plaire & fignaler leur gout ?
on ofe dire qu'elles entendent mal leurs
interêts ; les coeurs bien faits ne feront
jamais bien fenfibles pour des attraits ,
fi on peut le dire , de fi mauvais aloi , où
le fimple , le noble & le gracieux de la
nature
2318 MERCURE DE FRANCE
pounature
font negligés , & quelquefois directement
choqués. Par exemple , bien
des gens qui ont fçû fe garantir du
voir tirannique de la mode , trouvent que
les femmes ne font point fi aimables
aujourd'hui avec leurs petits diminutifs
de cornettes & leurs frifures en
bichon , qu'elles l'étoient lors qu'elles
avoient toute leur chevelure , & qu'on
voyoit ces belles treffes de cheveux ingénieufement
retrouffées & ces belles
boucles tombant négligemment à côté
des joues ou fur les épaules , accommodées
à l'air du vifage , & voltiger fur
une belle carnation .
L'Eftampe en taille douce ci-jointe ,
compofée , deffinée & gravée avec foin ,
pourra donner une idée agréable des divers
ajuſtemens aujourd'hui à la mode.

}
La D¹´e Peromet , Coëffeufe , qui demeuroit
rue de la Harpe , continue avec fuccés à faire
des tours des chignons , des tempes pour les
Dames. Elle les fait d'une façon nouvelle & trésaifée
pour fe coeffer , imitant très bien le naturel
. Elle demeure toujours dans la Cour Abbatialle
de S. Germain des Prez , ruë de Furftemberg
, à Paris.
La mode n'a rien changé aux habits
des hommes depuis nos dernieres remarques,
On continue à porter les chapeaux
affez
OCTOBRE. 1730. 2319
affez petits , fort retrouffés , & prefque
jamais fur la tête. Les jeunes gens les ont
bordés d'un Point d'Espagne ou d'un
galon moyennement large , en or ou en
argent. Quelques- uns les portent unis
avec un plumet de la couleur de l'habit ,
fans broderie ni galon .
9
Les Perruques quarrées longues ne font
prefque plus à la mode , même chez les
Magiftrats qui les portent beaucoup pluscourtes
. Les Perruques crêpées ne le ſont
plus du tout. Les Peruquiers ont beaucoup
rafiné depuis quelque tems dans
l'art d'imiter les cheveux naturels , & en
effet , on les imite fi bien aujourd'hui
qu'il eft impoffible de n'y être pas trom
pé , même en y regardant de très prés
à moins d'y mettre la main , fur-tout
quand on veut s'affujetir à porter un toupet
de fes propres cheveux fur le haut du
front , qu'on retrouffe avec un peigne ,
& qu'on mêle avec ceux de la Perruque.
La poudre dont on ufe à l'excès , qu'on
appelle poudre à graine d'épinard , fert
encore à cacher l'artifice.
9'
Les Perruques naturelles en bourſe ou
en queue font les plus generalement à lạ
mode , principalement chez les jeunes
gens ; elles imitent fort bien le naturel ,
& coutent fort peu ; mais pour celles de
cette eſpece qui laiffent voir les oreilles
à
2320 MERCURE DE FRANCE
à découvert , & qu'on appelle à oreilles
de chien barbet , on peut dire qu'elles
font affez ridicules .
Les Perruques à l'Espagnole ne font
plus guere à la mode ; on les porte moins
longues , & on les appelle des Bonnets ;
en été tout le monde en porte , les uns
plus longs , les autres plus courts.
Les Perruques noüées à la Cavaliere
fe foutiennent encore chez les perſonnes
graves , & qui ne fe piquent pas de jeuneffe.
Il y a des Perruques de chaffe qu'on
appelle Bichons ; elles font un peu plus
longues que les Pérruques d'Abbé , nouées
par derriere avec un ruban , & termi- -
nées par une boucle .
Il y a des Perruques brizées , qu'on appelle
de trois pieces , que quelques per-
Tonnes qui ont leurs cheveux portent
par- deffus dans la grande gelée , pour fe
garantir du froid à la tête . On s'en fert
plus ordinairement dans le Cabinet pour
cacher les papillotes.
Les Bourfes qu'on met aux Perruques
fe portent fort larges & fort hautes , &
paroiffent attachées prefque à la racine
des cheveux , enforte qu'une partie du
col eſt à découvert. On place au haut de
la bourſe fur le froncis un gros noeud de
ruban gommés un large ruban entoure
le col, & vient fe terminer fous le menton,
OCTOBRE . 1730. 2321
ton
qu'on noue ou qu'on agrafe , ce
qui fait à
peu de chofe près le même
effet que les noeuds de ruban qu'on portoit
à la cravate il y a 35 ou 40. ans ; &
il y a tout lieu de préfumer que la mode
en reviendra , fi on reprend l'ufage des
cravates , car on n'en porte prefque plus.
On porte des cols de mouffeline qu'on
attache ou qu'on agrafe par derriere ; &
comme les hommes ne boutonnent prefque
plus leur vefte ni leur jufte-au - corps,
le jabot de la chemife fert comme de
cravate .
I
MODES ANCIENNES , &c.
L ne fera peut- être pas hors de propos , après
avoir parlé des nouvelles Modes , de dire quel
chofe des anciennes , foit dans les habits
foit dans les meubles , les Equipages , & c. des
Loix fomptuaires , du Luxe , &c.
que
En 1549. le Roy Henry II . deffendit pour la
feconde fois , de porter des habits de drap d'or
& d'argent. Il déclara les perfonnes qu'il voulut
n'être pas compriſes dans la deffenſe , & éclaircit
les doutes du Parlement fur fon Edit › par les
interpretations fuivantes .
Le Parlement demandoit fi les Brodures d'orféverie
que portent les femmes fur la tête , & les
Chaînes d'or qu'elles portent en Ceintures & bordures
font deffendues ? Le Roy entend que lef
dites Dorures , Broderies , Chaînes , Patenotes
2322 MERCURE DE FRANCE
& autres especes de Bagues foient comprises
dans la deffenfe.
Si fur ce mot , Paffement , les Bandes de Ve
lours qui font fur les habits & ailleurs , qu'aux
bords , font deffendues . Le Roy n'entend point
qu'il y ait bandes , finon aux fentes bords des
robes.
Si les petits enfans de dix ans & au deffous ,
font compris , foit pour les coeffures , robes, &c.
Ils font compris comme les grands
Si le Tanné en foye eft deffendu fous les robes
de couleur Ledit Tarné n'eft pas deffendu
S'il fera permis aux Gens d'Eglife qui ne font
point Gentilshommes , de porter Soye fur Soye ;
Les Evêques , Abbez premieres Dignitez des
Eglifes Cathedrales & Collégiales pourront porter
Soye fur Soye:
Si fur ces mots , Gentilshommes , les Gens de
Juftice & Robes longues , qui font Gentilshommes
, font compris , & c.
Le Roy entend que les Gens de Robbe longue ,
qui font Gentilshommes , puiffent porter Soyes
en uſer ainsi que les autres Gentilshommes
hormis ès lieux aufquels eft deffendu à nos Offi
ciers porter Robbe de Soye Veut auffi que les
Secretaires de lui de la Maifon & Couronne
de France en puiſſent porter comme Nobles .
Si fous ces mots : Bonnet de Velours , les Chapeaux
& Calottes de Velours font compris. Les
Chapeaux de Velours font compris.
Si fous ces mots de Mécaniques , font compris
les Marchands vendant en détail , & les principaux
Métiers de Paris , comme Orfévres , Apoti
quaires & autres , & fi les femmes des Méchaniques
porteront Soye en leurs bordures & ailfeurs.
Tous Marchands vendant en détail & gens
de Métierfont compris audit Edit ; mais bien
pourrons
OCTOBRE. 1730. 2323
pourront leurs femmes porter foye en Doublu-
Manchons, res, Bords
CHARLES IX. art. 146. de l'Ordonnance
d'Orleans 15 60.
Deffendons à tous Manans & Habitans de nos
Villages toutes fortes de Dorures fur Plomb ,
Fer ou Bois , & l'ufage des parfums apportez des
Païs étrangers & hors notre Royaume , à peine
d'amende arbitraire & de confifcation des Marchandifes
.
Le même Roy , en 1563. fit ce Reglement."
Que tous gens d'Eglife fe vêtiront doréna
vant d'habits modeftes , décens & convenans à
leur profeffion , fans qu'ils puiffent porter aucuns
draps de foye , foit en Robbes , Sayes ,
Pourpoints ou Chauffes aucunement découpez ,
& fi porteront des Soyes longs.
Les Cardinaux porteront toutes Soyes , & tou
tefois difcretement & fans fuperfluité ni enrichif
fement.
Les Archevêques & Evêques en Robbes de Taffetas
& Damas pour le plus , & Velours & Satin
plain en Pourpoints & Soutannes.
Tous nos autres Sujets , de quelque état , di
gnité ou qualité qu'ils foient , fans exception de
perfonnes , fors les Princes , Princeffes , & ceux
qui portent titre de Ducs , ne pourront doréna
vant fe vêtir & habiller d'aucun drap de toile
d'or & d'argent , ufer de pourfilures , broderies ,
Paffemens , Franges , Tortils , Canetilles , Recamars
, Velours , Soyes ou Toiles barrées d'or ou
d'argent , foit en Robbes , Sayes , Pourpoints ,
Chauffes , ou autres habillemens en quelque forte
& maniere que ce foit , fur peine de mille écus
d'amende.
Def2324
MERCURE DE FRANCE

Deffendons en outre à nos fujets , foit hom
mes , femmes , ou leurs enfans , d'ufer és habits
qu'ils porteront , foit qu'ils foient de Soye ou
non ; d'aucunes bandes de broderie , piqueures
ou emboutiffemens de foye , &c . bords ou bandes
de quelque foye que ce foit , dont leurs habillemens
ou partie d'iceux puiffent être couverts
ou enrichis , fi ce n'eft feulement un bord de Velours
ou de Soye de la largeur d'un doigt , où
pour le plus deux bords où arriere- points , aux
bords de leurs habillemens'; de forte que la
façon, tant pour les hommes , que pour les femmes
ne revienne à plus de 60 fols pour chacune
piece d'habillement , & cé pour obvier à la
dépenfe qui fe fait ès façons defdits habillemens,
qui excede tellement la matiere & l'étoffe , qu'au
dieu d'y faire quelque épargne , fuivant notre
intention , il s'en fait plus grande fuperfluité
qu'auparavant ; & ce fur peine de 200 liv.parifis
d'amende pour chacune fois,moitié applicable aux
pauvres & l'autre au dénonciateur , fans aucune
remiffion .
Deffendons en outre à toutes femmes de porter
Vertugales , ayant plus d'une aûne ou une
aûne & demie de tour.
Ne pourront les Demoifelles porter dorures à
la tête , de quelque forte qu'elles foient , fi non
la premiere année qu'elles feront mariées . Bien
pourront porter Chaînes , Carcans & Bracelets ,
pourvu qu'ils foient fans aucun émail ; & ce fur
peine de 200 liv. Parifis d'amende , fans que nos
Juges la puiffent modérer.
Les Femmes de Marchands & autres de moyen
état, ne pourront porter des Perles , ne auffi Ďorures
qu'en Patenottes ou Bracelets , fous les
mêmes peines.
Bouquet
OCTOBRE . 1730 .
2325.
܀܀܀
fe of off of fefe of , off off of of off of offe
BOUQUET préfenté à M.le Marquis
de CHAMBONAS , lejour de S. Louis.
Pour celebrer le jour de votre Fête ,
En vain je cherche , je m'aprête ,
A vous fervir de quelque plat nouveau ,
Ma Mufe eft une franche bête ,
Qui ne peut rien tirer de fon cerveau.
De vous offrir des fleurs , la chofe eft trop commune
,
Peut-être auffi pour vous n'ont- elles point d'ap
pas.
yous faire des préfens ; trop mince eft ma for
tune ;
Et de moi sûrement vous n'en voudriez pas.
Publier vos vertus ; ce feroit vous déplaire.
Et puis je ne fuis pas d'humeur
A m'engager dans une affaire ,
Dont je ne pourrois pas fortir à mon honneur
Recourir aux fouhaits ; ce n'eſt pas mieux l'entendre
;
Vous avez de tout à revendre.
Beau , bienfait , de l'efprit , du bien , des dígnitez
,
Une Epoufe charmante , & dont les qualitez
Sont autant au deffus de celles du vulgaire ,
Que l'eft le fang dont tous deux vous
fortez ;
Après
24
2326 MERCURE DE FRANCE
Après cela pour vous quels fouhaits peut - on
faire ?
A parler franchement je ſuis embaraffé.
Mais , n'en déplaiſe à la fatyre ,
Duffay-je à mes dépens donner matiere à rire ,
Il faut finir , puifque j'ai commencé.
Ce fera par l'aveu fincere
D'un coeur pour vous plein de refpect.
Je vous le garantis droit , & d'un caractere
A ne jamais vous devenir fufpect;
Daignez en agréer l'hommage.
Au défaut de l'efprit , fon zéle fupléra.
En difant ce qu'on fçait , & donnant ce qu'on
On n'eft pas obligé de faire davantage.
Genreau de Grouchy,
Le 25. la Lotterie de la Compagnie des Indes.
pour le rembourſement des Actions, fut tírée en
la maniere accoutumée à l'Hôtel de la Compagnie.
On a publié la Lifte des numeros des Actions
qui feront remboursés au nombre de 300,
Actions.
******:XX:XX:
MORTS , NAISSANCES
& Mariages.
M.
Pierre Chriftophle Cadeau , Maître des
Comptes , mourut à Paris le r8 . dụ
mois dernier , âgé d'environ 70. ans,
>
Le
OCTOBRE . 1730.
2327
Le P. Jean Valbrune de Belair , Abbé de
Chancellade, & Superieur General des Chanoines
Reguliers de cette Congrégation , mourut dans
fon Abbaye le 27 du mois dernier, âgé de 78 ans,
en 1722. le Roi avoit nommé Coadjuteur de cette
Abbaye , le P. Ant. Gros de Belair.
M. Charles- Emanuel de la Vieuville , l'un des
Aumôniers du Roi & Abbé de l'Abbaye d'Abfie
Ordre de S. Benoît, Diocèſe de la Rochelle, mou
rut le 8 âgé de 51. ans .
M. Louis Tiberge , Abbé de S. Sauveur Dandre
, Diocèſe de Boulogne , Directeur du Seminaire
des Miffions Etrangeres , mourut le 9. Octobre
, âgé d'environ 80. ans. On peut dire que
c'étoit un des plus grands & des meilleurs fujets
qui ait été dans l'Etat Ecclefiaftique.
D. Julie Victoire de Rohan Chabot , Prieure
perpetuelle du Monaftere de Notre- Dame de
Lieffe , mourut le 10. agée de 42. ans .
Angelique Fabert , Veuve de François de Harcourt
, Marquis de Beuvron , Chevalier des Ordres
du Roi , Lieutenant General de fes Armées ,
& au Gouvernement de Normandie , & Gouverneur
du vieux Palais de Roiien , mourut le 12 .
de ce mois , âgée d'environ 82. ans . Elle étoit
yeuve en premieres noces du Marquis de Genlis.
Frere Alexandre Antoine de Foudras de Chateauthierri
, Bailli , Grand-Croix & Grand - Maréchal
de l'Ordre de , S. Jean de Jerufalem
Commandeur de la Commanderie de Levreuil
Abbé de Ham & Prieur de S. Marcel- lès - Chalons
, mourut le 13. dans la 67. année de fon
âge.
M. Charles Frederic Kadot , Comte de Seppeville
, Enfeigne de la feconde Compagnie des
Moufquetaires de la Garde du Roi , mourut
Paris le 14. âgé de 27. ans,
M
2328 MERCURE DE FRANCE
M. Jofeph Trudaine , Brigadier des Armées
du Roi , Capitaine Lieutenant de la Compagnie
des Gendarmes de Bretagne , Infpecteur de la
Gendarmerie , & Commandeur de l'Ordre Royal
& Militaire de S. Louis , eft mort depuis peu à
Oify , près d'Amiens , ágé de 58. ans.
Jacques de Metz , Brigadier des Armées du
Roi , ci-devant Meftre de Camp du Régiment de
Vexin , mourut à Paris le 19. de ce mois , âgé
de 47. ans.
Louis Armand du Pleffis , Marquis de Richelieu
, mourut à Paris le 22. dans la 77. année de
fon âge.
D. Henriette Bibienne de Franquetot de Coigny
, Epoufe de Jean Baptifte -Joachim Colbert ,
Marquis de Croiffy , &c. Confeiller d'Etat , Capitaine
des Gardes de la Porte , Meftre de Camp
du Regiment Royal Infanterie , accoucha le 25
Septembre, d'un fils , qui fut tenu fur les Fonts
& nommé Paul - Amaulry , par René-Amaulry de
Montboucher , Marquis de Bordage , &c. & par
D. Catherine-Pauline Colbert de Torfi , Epoufe
de Louis , Marquis du Pleffis - Chatillon & de
Nonant, Maréchal des Camps & Armées du Roy.
D. Marie Voifin , Epoufe de Louis - Thomas du
Bois de Fiennes , Marquis de Leuville, Maréchal
des Camps & Armées , Grand- Bailly du Païs &
Duché de Touraine , Chevalier de S. Louis , accoucha
le 2 Octobre , d'une fille , qui fut tenue
fur les Fonts , & nommé Antoinette - Magdelene
par Antoine-Pierre Comte de Beüil , Lieutenant
General des Armées du Roy , Chevalier de faint
Louis ; & par D. Renée - Magdelene de Rambouillet,
veuve de N.Trudaine , Conſeiller d'Etat
cy devant Prevôt des Marchands .
D. Anne de Caftevas de la Riviere , Epoufe de
Jean-
*
OCTOBRE. 1730. 2329
Jean- Baptifte Charon , Marquis de Menars, Bri
gadier des Armées du Roy,accoucha le 13. d'une
fille, qui fut nommée Charlotte- Loüife,par Louis
Augufte d'Albert Dailly , Duc de Chaulnes
Pair de France,Vidame d'Amiens , Commandant,
& cy- devant Capitaine - Lieutenant de la Compagnie
des Chevaux - Legers de la Garde du Roy,
Lieutenant General de fes Armées , & Chevalier
de fes Ordres , & par D. Diane - Charlotte de
Chaumont Guitri , Epoufe de Pierre de Cafteras,
Comte de la Riviere, Brigadier des Armées du Roi.

"
Le Roy a donné fon agrément au Mariage du
Comte de Taillebourg , fils unique du Prince de
Talmont , de la Maifon de la Trémoüille , avec
Mademoiselle Jablonouski , Palatine de Ruffie
coufine germaine du Roy Stanislas . Le Contrat en
fut figné le 12 de са mois par L.M.ainfi 'que part
le Roy Staniflas, & la Reine fon Epoufe. La célébratiou
a dûë s'en faire à Chambord le 29. Le Roi
a nommé le Comte de Taillebourg, Duc à Brevet.
Il porte à prefent le nom de Duc de Chatellereau.
On fera bien- aife d'apprendre que Charles
Houillie, Chercutier à la Porte de Paris, vis -à -vis
la Boucherie , à la Renommée , vend de tres-bon
Boudin , noir & blanc , des Andouilles fines , de
veritables Pieds à la fainte- Ménéhoud , & de pe
tites Langues de Moutons fourrées , fix fols piéce
, d'un gout exquis.
XXXXXXXXXXXXX
ARRESTS ,
DIT du Roy , portant rétabliffement des
Echarges & Offices fur les Ports ,Quays,
Chantiers , Halles 2, Foires , Places & Marchez de
K La
9
2330 MERCURE DE FRANCE
Ville & Fauxbourgs de Paris , avec le Tarif des
droits attribuez aufdites Charges & Offices , arrêtez
au Confeil le 13. Juin 1730. Donné à
Verfailles au mois de Juin 1730. Regiſtré en
Parlement le 31. Aouſt ſuivant.
ORDONNANCE du Roy du 29. Juillet,
portant que les Chanceliers des Confulats de la
Nation Françoife dans les Pays étrangers , feront
choifis & nommez à l'avenir par Sa Majefté.
ARREST du 29. Août, qui permet aux Etats
'de Languedoc l'établiffement d'une Loterie pour
le Remboursement des dettes de ladite Province ,
laquelle a été ouverte du jour de la publication
de l'Arrêt , aux claufes & conditions qui y font
plus au long expliquées . Les Receveurs de cette
Loterie font , fçavoir :
A Paris, M. l'Amoureux , Caiffier des Etats de
Jadite Province , rue S. Honoré , attenant les
Jacobins.
A Toulouse , M. Marguerit. Caiffiers defdits
A Montpellier M. Vaquier. S Etats .
TABLE.
leces Fugitives. Sonnet & Ode Anacreon
Plectique,
2115
Cinquiéme Lettre fur l'ufage des Cartes pour
P'Effai du Rudiment-pratique de la Langue Latine
, & c.
Epitre à l'Evêque de Grenoble ,
2117
2142
Réponſe du P. Texte à la Lettre du P. Sollier , fur
la Vie de S. Barthelemi de Bragance , &c. 2147
Ode fur la Naiffance du Duc d'Anjou , 2163
Lettre en Profe & en Vers fur un Songe, & c. 2168
Les Jardins de S. Martin , Ode ,
2181
Lettre fur quelques reftes de la Fête de Bacchus 3
2185
Le veritable Amour perdu &facile à retrouver 2192
La veritable cauſe de la perte du parfait Amour ,
2193
Réponse à la Lettre de M. G. Barrez , au fujet de
l'uſage interieur de l'Eau de vie ,
L'Ombre de Petrarque , ou la Sorgue, Cantate ,
Refléxions ,
Enigme , Logogryphe ,
2195
2202
2205
2211
Nouvelles Litteraires des Beaux Arts , Panegyrique
de S. Auguftin ,
? Memoires pour
Illuftres , & c.
2215
fervir à l'Hiftoire des Hommes
2225
Réponse du Soufleur de la Comedie de Rouen , a
la Lettre , & c . 2232
Principes generaux & raiſonnez de la Grammaire
Françoife , &c.
Rituel du Diocèfe de Blois , & c.
2237
2242
Recueil des Reglemens concernant les Manufactures
, & c. 2245
Theſe dédiée à la Reine à Arles , &c. 2248
Ecole de Cavalerie , & c.
2250
Salufte avec des Notes , &c. 2255
Paranymphes aux Ecoles de Medecine , &c . 2257
Reception de M. Malouin de Caën , dans la Faculté
de Medecine de Paris , 2261
Nouvelles Broderies à la maniere de Turquie, 2265
Chanfon notée & Vaudeville , 2270
Spectacles. Le Caprice d'Erato , & c. 2273
Nouvelles Etrangeres , de Turquie , &c.
2279
De Ruffie , 2280
Dannemarc , Allemagne & Italie , 2282
Ordonnance du Pape , &c . 2288
Harangues au Roi , à la Reine de Sardaigne & au
Duc de Savoye , 2295
D'Espagne & Grande Bretagne , 2294
Morts , Mariages des Pais Etrangers , 2226
Sacrifice d'Iphigenie , Tableau prefenté au Roi ,
2299
Réjouiffance fur la Naiffance du Duc d'Anjou ,
&c. 2301
2303
Jeu de l'Anguille fur la Seine , & c.
Lettre des Penfionnaires des Jefuites au fujer de
la Naiffance du Duc d'Anjou , 2307
Modes nouvel. & anciennes,Eftampe gravée, 2 3 1 r
Bouquet ,
Morts , Naiffances ,
Arrêts ,
2325
2326
2329
PAT
Errata de Septembre.
Age 1953. ligne 4. dit- on , effacez ce mot .
P. 1957. 1. 20. qui , effacez ce mot. Ibid. 1. 2 §
& 26. à celle qui environne ce même Tombeau
effacez tout cela. P. 1958. 1. 3. double , effacer
encore ce mot. P. 1959.1 . 6. Lamelot, l. Lancelot
P. 1969. au 4 Vers , incroyables , incurables.
P. 1981. de féjour , l. le féjour . P. 1991. l . 22 .
parues , 1. paru. Ibid. 1. antipenultiéme , ayant
paffé , 1. étant paffé. P. 2098. au 14.Vers , Pirhon,
1. Pithon. Ibid. au 18. Semélé, l.Sémele . P. 2 101
1. 23. Banniere , 1. barriere. P. 2102. l . 27. le
Rampant , l, la rampe. P. 2106. 1. 19. defquels ,
étez ce mot . P. 2112. l . 14. le Préfident , l. le
Premier Préfident. P.2 1 13. 1. 18. époufa , l. époufe.
Fautes à corriger dans ce Livre.
Page
Age 2188. ligne 17. le bras , life le bas.
P. 2208. 1. 9. entendre , l. étendre. P. 2219. 1.
27. épuifée , 1. épousée. l. P. 2234. 1. 24. de Heros,
1. du Heros . P.2235 . 1. 25. livré , l . livrée.P.2250
1. 14. Remieu , l. Romieu. P. 2254. 1. 8. eaues ,
1. eaux. P. 2261. I. 4. du Bas, l . du Bos. P. 2280
1. 10. Ternau , l . Tetuan.
L'Air note doit regarder la page
La Planche des Modes , lapage
2270
2313
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le