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John
Bigelow
to the
"Century
Association
marme
KVIT
MERCURE
DE FRANCE ,
DEDIE AU ROT
JUILLET . 1728 .
SPARGIT
QUE
COLLI
Chez
A PARIS ,
(GUILLAUME CAVELIER ,
S: Jacques , au Lys d'Or.
LA VEUVE PISSOT, Quay de Conty,
à la defcente du Pont Neuf au coin
de la rue de Nevers , à la Croix d'Or.
JEAN DE NULLY , au Palais ,
à l'Ecu de France & à la Palme.
M. D C C. XXVIII.
Avec Approbation & Privilege du Roi.
THE NEW
PUBLIC LIBRARY
336156
ASTOR,
AVIS.
TILDEN' FOUNDATIO-ADRESSE generale pour toutes
chofes eft à M. MOREAU
1005
Commis au Mercure¸vis
- à-vis la Comedie
Françoife , à Paris . Ceux qui pour leur
commodité voudront remettre leurs Paquets
cachetez aux Libraires qui vendent le
Mercure à Paris , peuvent se fervir de
cette voye pour les faire tenir.
On prie très - inftamment , quand on
adreffe des Leures ou Paquets par la Pofte,
d'avoir foin d'en affranchir le Port ,
comme cela s'eft toûjours pratiqué , afin
d'épargner , à nous le déplaifir de les
rebuter , & à ceux qui les envazut ,
celui , non - feulement de ne pas voir
paroître leurs Ouvrages , mais même de
Les perdre , s'ils n'en ent pas gardé de
copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de
la premiere main , & plus promptement ,
n'auront qu'à donner leurs adreffes à M.
Moreau , qui aura foin de faire leurs pade
de les faire quets fans perte temps ,
porter fur l'heure à la Pofte , ou aux Meffageries
qu'on lui indiquera.
PRIX XXX. SO L S.
*
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT
JUILLET . 1728 .
XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
PIECES FUGITIVES ,
en Vers & en Profe.
LES BATAILLES D'ALEXANDRE ,
De le Brun , mifes en Vers Irréguliers ,
& dédiées à Msr le Bret.
Toi , Peintre fameux des Combats
d'Alexandre ,
Le Brun , feconde mes tranfports :
Infpire moi ; j'ofe entreprendre
D'imiter dans mes Vers ces fublimes efforts.
A ij
Par
1496 MERCURE DE FRANCE .
<
Par ton fecours , Moderne Appelle
Le fuperbe Vainqueur d'Arbelle ,
Triomphe une feconde fois ;
Mon Art veut animer tes muettes Images :
De mes fons immortels accepte les hommages ;
Je vais de ton Heros célebrer les Exploits.
(a) Le Granique profond à mes yeux ſe préfente.
Alexandre s'élance , excite fes Guerriers ,
Affronte mille morts , fend la vague écu
mante ;
Déja ſur l'autre rive il cueille des Lauriers .
Je vois fous fes coups redoutables
Tomber des fiers Perfans les troupes innom
brables :
Une noble fureur anime ſes regards.
Ainfi parût Louis , quand l'éclat de fa gloire
Aux bords du Rhin ébloüit la Vict ire ,
Et que dans le carnage elle crut fuivre Mars.
(b ) Ici Darius fuit ; tous fes Chars où l'o
brille ;
( a ) Premier Tableau . ( b ) Second Tableau
D
JUILLET. 172 8 .
1497
De l'avide Soldat font le riche Butin ;
Ce Prince infortuné voit fa trifte Famille
Ceder à fon cruel deftin :
Chaque moment le livre à des craintes nouvelles
;
Un Aigle , déployant fes aîles ,
Couvre la Tête du Vainqueur ;
Pour Darius, quel funeſte préfage ?
Il en frémit de rage :
Mais il paroît encor plus grand que fon malheur.
( a ) Dans ce Tableau , fes Femmes & fa
Mere ,
De l'heureux Alexandre embraffent les genoux
;
Ce Heros eft fenfible à leur trifteffe amere :
Son front eft plus ferain , fes regards font plus
doux ;
Il les confole , il les releve :
Sa bonté genereufe acheve
De calmer leurs vives douleurs :
Modeſte en ſa victoire , il les refpe&te en Reines
;
Ses bienfaits font leurs chaînes :
(a ) Troisiéme Tableau.
A iij C'eft
498 MERCURE
DE FRANCE
.
C'est ainsi qu'un Heros fçait triompher des
€oeurs.
(a) Quels cris tumultueux ! Ciel , quels combats
horribles !
Ces Chars femblent nager dans des fleuves de
fang ;
Je vois deux Heros invincibles
Chercher à fe percer le flanc :
Sur l'énorme animal que le fier Porus monte ,
Alexandre fe jette , il le faifit , le dompte ,
Il a renversé fon rival ,
Porus menace , il rugit , il fe traîne ;
Et , d'un bras tout fanglant , ranimé par la
haine ,
Il veut à fon Vainqueur porter un coup fatal,
(b ) Alexandre l'admire, & fufpend ſa vengeance.
On défarme Porus , autour de ces Heros ,
Tout garde un augufte filence ;
Le Vainqueur adouci , femble dire ces mots :
Soyons amis , Porus , reprenez la Couronne ;
(a ) Quatriéme Tableau .
( b ) Cinquiéme Tablean .
Le
JUILLET. 1728. 1499
Le fort doit-il ravir ce que la vertu donne ;
Malgré vous aujourd'hui je prétens vous fauver.
J'ai conquis vos Etats , & je vais vous les
rendre ;
Du fang de Jupiter les Grecs me font defcendre
;
Mais c'est par ma vertu que je veux le
219
prouver.
( a ) Quel brillant appareil ! quelle pompeufe
Fête !
Babylone reçoit Alexandre en fes murs ,
Mille Lauriers ornent la Tête
Du Heros qui joüir des honneurs les plus
purs.
Cent Rois captifs , foumis à fa puiffance ,
Suivent fon Char , dont la magnificence
De celui du Soleil retrace les beautez :
L'encens fume ; je vois fes Images parées ,
De tout ce que les mers dans ces riches contrées
Offrent de plus fuperbe à nos yeux enchantez .
ENVOY .
Aimables rejettons d'une tige immortelle ,
(a ) Sixième Tableau .
A iiij Qu
535181
1500 MERCURE DE FRANCE.
Qui trouvez dans un pere un augufte modelle
,
Des plus rares vertus ,
Je vous offre en ces Vers ces fameufes Batailles
,
Qui couvrirent de funerailles
Les Champs que Linde arrofe , & les Remparts
d'lius.
S
Les Tableaux de le Brun m'en ont fourni
Pidée ;
Je les ai vû chez vous , mon ama eft poffe
dée
De fon art merveilleux ;
Mais fi vous admirez tant de faits héroïques ,
Daignez fonger qu'il eft des vertus pacifiques
,
Par elles un Mortel peut s'égale Dieux.
Imitez votre illuftre Pere ,
Son exemple eft pour vous l'abregé des leçons
Qu'à votre âge on pourroit vous faire ;
Souffrez que quelquefois vos noms
* M. le Bret , Premier Prefident du Parlement
d'Aix , & Intendant de la Province .
De
JUILLET. 1728. 1501
De leur éclat naiffant , décorent mes Ouvrages.
Puiffent mes Vers répondre aux grandes ace
tions ,
Qui vont vous meriter les plus pompeux fuf
frages ,
Et dont vos moeurs & vos nobles penchans ,
De vos plus tendres ans
Furent toujours pour nous d'affûrez témoignages.
Par le P. Poncy , Jefuite.
"
M. Peffagni , le cadet , Genois , Pen-
Gionnaire au College Royal de Bourbon
à Aix , en Provence , a mis en Vers Larins
ces mêmes Batailles avec beaucoup
de nobleffe & de préciſion.
Αν
LET
1502 MERCURE DE FRANCE .
LETTRE
Ecrite le 31. Juillet , 1727. à M. Dortous
de Mairan , de l'Académie Royale
des Sciences de Paris . Par M. Bouillet
, de l'Académie des- belles Lettres ,
Sciences & Arts de Bordeaux , Docteur
en Medecine de la Faculté de Montpellier
, Profeffeur des Mathematiques &
Secretaire de l'Académie de Beziers. Au
fujet de l'Eclipfe de Soleil , qui doit
arriver le 15. Septembre de cette année.
Extrait des Regiftres de l'Académie de
Beziers , 26. Juin & 24. Juillet
1727 .
CE
E n'eft pas , MONSIEUR , le calcul
des Eclipfes , qui nous fait aujourd'hui
de la peine ; quand on connoît
un peu la Sphère & les differentes projections
: quand à l'Arithmetique & à la
Trigonometrie , on joint un certain uſage
des Tables Aftronomiques , on parvient
affés aifément à prédire ces Phénomenes.
Nous ne travaillons maintenant
qu'à nous rendre leur Obfervation fûre
& aifée. Pour cela , il ne fuffit pas , comme
vous fçavés , d'avoir de bons yeux ,
de
JUILLET. 1728. 1503
de bons Inftrumens , ( ce dernier article
manque prefque toujours dans les Provinces
) & d'avoir même acquis quelque
habitude dans cet Exercice , il faut encore
, outre un lieu convenable , bien des
préparatifs & des précautions qu'il n'eſt
pas toûjours aifé d'employer . Les mefures
que nous avons prifes cette annéecy
, fuffiront - elles pour réüffir dans l'obfervation
de l'Eclipfe de Soleil du 15. de
Septembre prochain ? Vous aurez la bonté,
Monfieur, de les examiner vous- même
fur le détail que je vais vous en faire
& en même-temps vous jugerés par -là
de l'intention où nous fommes de cultiver
tout de bon l'Aftronomie. Je commencerai
par la deſcription de notre Obfervatoire
, je rapporterai toutes les Operations
préparatoires que nous y avons
faites, avec Mrs Andoque , Caillé , de Guibal
, Aftier l'Aifné & le Cadet , & après
l'Extrait du calcul de cette Eclipfe que
je fis fur les Tables de M. de la Hire dès
le mois de Novembre paffé , j'ajoûterai
la maniere dont nous avons réfolu de
nous y prendre pour en faire l'Obfervation
.
Monſeigneur nôtre Evêque , eut la
bonté il y a quelque temps de nous préter
la Tour de fon Palais pour y faire nos
Obfervations , &M.le Chevalier deClapiés ,
A vj
notre
1504 MERCURE DE FRANCE .
notre cher Confrere , & l'un des Membres
de la Societé Royale de Montpellier,
y fit d'abord tranfporter en notre faveur
une partie de fes Inftruments Aftronomiques.
Cette Tour , comme vous
fçavés M. eft haute , fpacieufe , affés bien
percée & prefque contigue à la Tour de
la Cathedrale de St. Nazaire , dont la Latitude
a été fixée par le même M. de Clapiés
à 43 °. 20. Nord , & la Longitude
ou la difference des Meridiens avec l'Obfervatoire
de Paris à 52' . de degré vers
l'Orient ou à 3.2 8". de temps. C'eft un
quarré long , dont les quatre Faces regardent
à peu près les quatre parties du
Monde.
Nous avons , M. dans cette Tour une
Pendule à fecondes, à grandes vibrations ,
avec un quart de Cercle de 3. pieds de
rayon, divifé par le fieur Macquart & muni
de fa Lunette. Nous y avons auſſi un
Teleſcope de 21. pieds de Foyer , un de
12. pieds & quelques autres Lunettes plus
petites , avec tout ce qu'il faut pour les
pointer ou les fufpendre.
M. de Clapiés ne fe contenta point
de nous prêter tous ces Inftruments , il
voulut encore verifier lui - même le quart
de Cercle. Il plaça d'abord dans le qua
dre de la Lunette au Foyer commun de
l'objectif & de l'oculaire 4. fils de foye ,
fe
JUILLET. 1728. 1505
fe croifant & faifant entre eux des angles
de 45 ° . Puis par le moyen du Niveau
de M.Huguens à deux Lunettes d'approche
contrepointées , mis à une hauteur
convenable , il prit differents points
fur l'Horifon, & rectifia par là cet inftrument.
Le même jour il prit les hauteurs
meridiennes du Soleil & de la luifante de
l'Aigle , & par la comparaifon de ces obfervations
, il crut s'être fuffifamment affûré
de la jufteffe de fon quart de Cercle .
Il auroit bien voulu employer encore fe
renverfement , mais il n'en cut alors ni
le temps ni la commodité.
On n'oublia pas en même temps de
prendre la hauteur apparente d'une Montagne
fituée du côté des Pyrenées & élevée
au- deffus du niveau de la Tour de 17′ ,
afin de s'en fervir dans la fuite comme d'un
point fixe pour la verification de cet Inftrument.
On regla auffi la Pendule par le paffage
des Etoiles , jufqu'à ce qu'elle marquât
le temps moyen à quelques fecondes près .
C'eft fur cette Tour, & à la faveur de
ces inftruments que nous avons fait tou
tes les Obfervations Aftronomiques dont
j'ai eû l'honneur de vous entretenir jufqu'ici
. Mais quelque attention que nous
y ayons apportée, quelque foin que nous
ayons pris chaque fois de verifier le
quart de Cercle par la hauteur de cette
Mon1506
MERCURE DE FRANCE .
Montagne & par les hauteurs Meridiennes
du Soleil & des Etoiles , pour prendre
enfuite dans le befoin l'heure vraye
& mettre nôtre Pendule au Soleil , je ne
feindrai point , Monfieur , de vous dire ,
que je n'ai jamais compté que nos Obfervations
euffent le dernier degré de précifion
, & vous m'êtes témoin que c'eft
ainfi que je m'en fuis expliqué dans mes
précedentes Lettres : Car enfin nous n'étions
pas pleinement convaincus de la
jufteffe de nos Machines . M. de Clapiés
étoit même convenu qu'après toutes les
rectifications employées , le quart de Cercle
pouvoit bien hauffer ou baiffer la mire
de quelques fecondes ; ainfi nous ne
pouvions pas être affurés d'avoir par le
moyen de cet Inftrument l'heure vraye
à quelques fecondes près , joint qu'il n'eſt
pas decidé encore fi l'obliquité de l'Ecliptique
eft conftamment de 23 ° . 29′.
comme l'ont prétendu Mrs Caffini & de
la Hire , vers la fin du fiécle paffé , ou
de 23. 28 ′ 24″. comme le prétendoit
M. le Chevalier de Louville en 1716 ,
ce qui eſt un nouvel inconvenient pour
la détermination de l'heure par les hauteurs
du Soleil ou des Etoiles.
Vous me dirés , Monfieur , que pour lever
tous ces fcrupules , il ne nous manquoit
qu'à tracer une Meridienne dans
la
JUILLET
. 1718. 1507
la derniere exactitude , à rectifier nôtre
quart de Cercle par le renverfement &
à comparer dans l'occafion l'heure donnée
par cet Inftrument à celle de la Pendule
reglée exactement fur le temps
moyen , mife d'accord à midy avec le Soleil
& corrigée enfuite par l'Equation de
l'Horloge. A cela j'aurai l'honneur de
vous répondre qu'il y a long -temps que
nous avions reconnu la néceffité de toutes
ces operations , mais que le concours
de plufieurs circonftances peu favorables
ne nous avoit pas permis de
les executer. Ce n'a été que vers la fin
du mois de May de cette année , que nous
avons fongé ferieufement à difpofer toutes
chofes , afin de pouvoir faire avec la
derniere préciſion , non - feulement l'Obfervation
de l'Eclipfe de Soleil que j'ai
annoncée , mais encore plufieurs autres
Obſervations Aftronomiques que nous
avons en vûë , comme celles des Solftices
, des Equinoxes , de la hauteur du
Pole , des Eclipfes des Satellites de Jupiter
, des Refractions , &c . Nous n'avons
pas même pû pratiquer à notre gré tout
ce que nous avions projetté à caufe des
nuages prefque continuels , accompagnés
de Pluye , de Grefle , de Tonnerres ; &
ce n'a été qu'avec bien de la peine que
dans l'efpace d'une vingtaine de jours
nous
1508 MERCURE DE FRANCE .
nous avons pû regler nôtre Pendule par
le moyen des Etoiles ; enforte qu'en 24 .
heures elle ne s'écartât pas de 2 ". du
mouvement moyen du Soleil . Cependant
nous fimes un trou au toit de la
Tour , auquel nous fcellâmes exactement
un petit tuyau , portant une lame de cuivre
percée au milieu pour recevoir l'Image
du Soleil. Nous eumes foin de placer
horisontalement cette lame , de tirer du
centre de fon ouverture une ligne perpendiculaire
fur le plancher , & de deſcrire
du point de rencontre plufieurs circonferences
concentriques : en un mot ,
nous conſtruifimes un Gnomon de 19 .
pieds 1. pouce 7. lignes de hauteur. Le
fieur Tourtrol, Horloger de l'Académie ,
ne nous fut pas d'un petit fecours dans cette
occafion , foit en nous fourniffant tous
lés Inftruments dont nous eûmes befoin >
foit en executant lui même avec beaucoup
d'adreffe tout ce qui lui fut propofé.
Nôtre deffein étoit de tirer le jour même
du Solstice ou le lendemain deux Meridiennes
, l'une par les hauteurs corref
pondantes du Soleil , & l'autre par la
moyen du Gnomon que nous avions achevé
quelques jours auparavant ; mais
le Ciel nous fut tout-à- fait contraire , &
il nous fallut attendre jufqu'au 4. de
Juin pour tirer une Meridienne par le
moyen
JUILLET. 1728. 1509
moyen du Gnomon à la maniere ordinaire
, n'ayant pas même pû faire alors
les Obfervations correfpondantes pour
la rectification de cette Ligne. Ainfi nous
nefûmes pas pleinement fatisfaits de nôtre
operations car quoiqu'en ce jour- là le
changement de déclinaifon du Soleil dans
l'intervalle d'environ 3. heures , ne foit
pas fort confiderable , nous voulions pourtant
y avoir égard. C'eft ce qui nous
obligea d'en venir aux Obſervations correfpondantes
( a ) le 11. de ce mois & de
( a ) Pour avoir le moment auquel le centre .
du Soleil toucheroit nôtre Meridien , & rectifier
par-)
-là nôtre Ligne Meridienne , nous primes
le 23. Juillet 1727. à 8. h. 48 '. 47" du matin
la hauteur apparente du bord fuperieur du
Soleil de 44. 20' 30". & nous atendîmes après
midy que le même bord fe trouvât à la même
hauteur , ce qui arriva à 3. h . 11'.¦11″. de nôtre
Pendule qui avoit été reglée pour être d'ac
cord ce jour- là à midy avec la Merid. après
quoi nous fimes les deux Anologies qu'enfeigne
M. de la Hire pour trouver la correction
qu'il faut faire aux Obfervations correfpondantes
, ce qui nous donna 12". que nous ajoûttâmes
à l'Obfervation du foir , & ayant partagé
en deux le temps qui s'étoit paffé entre
les deux Obfervations , nous trouvâmes que
la Meridienne avoit marqué 12. h . o'. s ' . lors
qu'il avoit été midi au Soleil. Les Obfervations
faites le 11. nous avoient donné 6 ". d'erreur.
Nous ne rapportons pas ici les calculs
faits fur ces Analogies ; il ne fera pas difficile
les
1510 MERCURE DE FRANCE .
3
les reïterer pour une plus grande exactitude.
Le2 3.Nous y apportames chaque fois
la correction telle que M. de la Hire la demande
dans ces Tables Aftronomiques
& nous trouvames toûjours que nôtre Meridienne
avançoit fur le midy vrai de s .
à 6 ' . Cela nous détermina d'adjufter
exactement nôtre Pendule au temps vrai ,
& de fufpendre à une des feneftres qui regarde
le midy un fil de laiton bien tendu
, afin de tirer le lendemain fur fon ombre
une Meridienne qui fût exempte de
toute erreur. Ce qui fut executé le 24 .
de ce mois.
J'oubliois , Monfieur , de vous dire ,
qu'ayant renversé le quart de Cercle , &
procedé comme on a accoûtumé de faire
pour une pareille operation , nous trouvâmes
qu'il hauffoit la Mire de 1 ' . à quoi
nous eumes enfuite toûjours égard , d'autant
plus volontiers que nous avions trouvé
prefque la même erreur (a ) dans l'Obà
ceux qui ont quelque ufage des Tables de
M. de la Hire , de les verifier.
( a ) Le s . Juillet vers les 9. h. 15". du foir
nous obfervames le Paffage d'Antares par le
Meridien avec nôtre quart de Cercle rectifié
fur la hauteur de la Montagne qui nous fert
de point fixe , & nous trouvames la hauteur
apparente de cette Etoile de
d'où ôtant la refraction.
on aura fa hauteur vraye..
•
200 ss ', so' :
2. 32.
• 20. 53. 18.
fervation
JUILLET. 1728.
1511
fervation que nous fimes le 5. de ce mois
du Paffage d'Antares par le Meridien. J'ajoûterai
que depuis cette correction l'heure
donnée par le quart de Cercle s'eft toûjours
trouvée d'accord avec l'heure de la
Pendule , pourvû qu'on eût eu foin de
la rectifier la veille ou le jour même. J'ajoûte
cette condition , car il ne fuffit pas
d'avoir une fois bien reglé fa Pendule , il
faut la verifier de temps en temps : celle
dont nous nous fervons , après avoir fuivi
exactement le moyen mouvement du
Soleil pendant quelques jours , fe derangea
par les grandes chaleurs jufqu'à re
tarder de 14". en 24. heures : & il y a
bien de l'apparence qu'elle avancera par
un temps humide.
Voilà , Monfieur , ce que nous avons
fait jufqu'ici ; dans la fuite nous pourrons
perfectionner nôtre Gnomon , diviſer
la hauteur en 100000. parties égales
, pofer horifontalement fur la Meridienne
une regle de cuivre divifée en parties
aliquotes à la hauteur , appliquer au
à laquelle ajoûtant fa declinai-
> fon Meridionale. >
ou auroit pour la hauteur de
l'Equateur à Beziers
mais cette hauteur a été fixée à.
25. 48. 3 .
46. 41. 21.
46. 40. 0.
Donc l'Inftrument donne 1.21". de hauteur
plus qu'il ne faut.
trou
1512 MERCURE DE FRANCE .
trou un Objectif, & c . Nous ferons même
tout notre poffible pour placer un
autre Gnomon à la Voute d'un Edifice
public , qui aura plus de so . pieds de
hauteur . Mais je remets à une autre fois
à vous entretenir là - deffus , & à vous parler
des taches que nous avons obfervées
prefque chaque jour fur le Difque du Soleil
pendant tout le cours de nos Operations
. Voici maintenant l'Extrait du
calcul de l'Eclipſe de Soleil du 15. Septembre
1727.
Nouvelle Lune à Beziers le 15. Septembre
1727. à 8. h.47 '. 39 " . auquel tems .
210. 53'. 56". my Vrai lieu du Soleil .
21. 53. 56. my Vrai lieu de la Lune
reduit à l'Ecliptique.
21. 53. 58. m Vrai lieu de la Lune
dans fon Orbite.
32 .
33. 25.
61. 18 .
2. 26 .
38. II.
35. 45.
Diametre du Soleil .
Diametre horisontal
de la Lune.
Parallaxe horifontale.
Mouvement horaire
du Soleil .
Mouvement horaire
de la Lune .
Mouvement hor. de
la Lune au Soleil .
3.
JUILLET. 1728. 1513
Declinaifon feptentrionale
du Soleil .
3. 13. 8.
60. 7. 15.
o 38 .
113. 16. 24.
84. 38.
2. 40 .
32. 42 .
Argument de la
Latitude .
Latitude Meridionale
de la Lune.
Angle de l'Ecliptique
avec le Meridien
vers les par-
Orientales ties
dans l'Hemifphere
Septentrional .
Angle de l'Orbite
apparente de la
Lune avec le Cercle
de latitude vers
les parties du
noeud le plus prochain.
Valeur d'un Doigt.
Demi diametre de
la Penombre.
C'eft fur ce calcul & felon la methode
de la Projection inventée par M. Caífini
, & enfeignée par M. de la Hire dans
Tes Tables Aftronomiques , que nous traçames
une grande figure, par le moyen de
laquelle je déterminai le commencement
de cette Eclipfe à Beziers à 6. h . 22'.30 ".
du matin , le milieu à 7. h.14.25 " a la
fin à 8 , h. 7. 20". Sa durée fera de 1 .
"
h .
1514 MERCURE DE FRANCE .
h. 44. 50". & fa grandeur de 6. doigts
Is' minutes.
Il ne me reste à préfent , Monfieur
qu'à vous dire en deux mots , de quelle
maniere nous prétendons faire cette Obfervation
, fi nous fommes affés heureux
pour rencontrer un jour ferein . Une
Machine Parallactique que nous avons
fait conftruire depuis peu fur lad efcription
qu'en a donnée M. Caffini , fupportera
une Lunette de fix pieds avec une efpece
de Micrometre que nous avons fait faire
exprès , confiftant en une platine de cuivre
dont l'ouverture portera 13. fils de
foye paralleles qu'on rangera la veille de
l'Eclipfe , afin qu'ils divifent exactement
le Diametre du Soleil en 12. parties
égales & dont on fe fervira pour mefurer
les Doigts Eclipfés . On mettra au
Foyer d'un Objectif de 2 1. pieds un Tambour
avec un papier huilé fur lequel
ayant pris le Diametre de l'Image du Soleil
, on le divifera en 24. parties égales
, pour avoir en demi - Doigts toutes les
Phafes de l'Eclipfe. Enfin on fe fervira
d'une Lunette de 12. pieds de Foyer pour
déterminer avec plus de précifion le commencement
& la fin de ce Phénomene.
S'il y a pour lors des Taches fur le Difque
du Soleil , & qu'elles viennent à être
couvertes par la Lune , on ne manquera
pas
JUILLET. 1728. 1515
pas de marquer le moment de leur immerfion
& de leur émerfion . On prendra
auffi quelquefois le paffage des bords
du Soleil & celui des cornes de l'Eclipſe
par les files du quart de Cercle & furtout
on n'oubliera point de s'affûrer quelques
jours auparavant de l'état de la Pendule,
de la mettre d'accord avec le Soleil ,
& d'y faire pour la détermination de chaque
Phafe , la correction que demandera
alors l'Equation de l'Horloge . Je fuis ,
Monfieur , & c .
P S. Il y aura , Monfieur , l'année prochaine
1728. trois Eclipfes , deux de
Lune & une de Soleil , la premiere fera
de Lune , lors de l'oppofition de cette
Planette avec le Soleil , qui arrivera le
25. Février
à 7. heures1
9. minutes
du matin
à Beziers
, on n'en
verra
tout au plus
que le commencement
que
nous
déterminerons
bien-tôt fur la figure
que
nous
avons
refolu
d'en
faire. L'autre
fera
de
Soleil
, lors de la conjonction
de cet Aftre
avecla Lune
, qui arrivera
ici le 10. Mars
à 8. h . 7'. 8″ . du foir : Cette
Eclipfe
ne
fera pas vifible
fur nôtre
Hemifphére
,
non plus
que
la derniere
de Lune
, lors
de fon oppofition
qui arrivera
ici le 19 .
Août
à
h. 7 ' . du foir.
S.
LA
1516 MERCURE DE FRANCE .
のの
LA PATTE D'OURS.
P
BALADE.
A Madame Louife de Montagne
de Riquet.
Reux Chevaliers ont été vos ayeux .
Et leurs hauts faits écrits en mainte , hi
toire
Les ont rendus pareils aux demi Dieux.
A cet Empire ils font fi précieux ,
Qu'il ne doit onc en perdre la mémoire :
Si quelqu'un d'eux n'eut été raconté
Par beaux difcours , ne dans vieille chroni
que ,
Votre Ecuffon nous l'auroit moult vanté ,
LA PATTE D'OURS MARQUE NO
BLESSE ANTIQUE,
Sans contredit elle étale à nos yeux
Que , redoutez aux bords de la mer noire ,
Sous eux tomboient les plus audacieux ;
Qu'ils pourfendoient Sarrafins furieux ,
Ily a une Patte d'Ours dans les Armes
de Madame de Riquet.
E
JUILLET. 1728 . 1517
-
Et que Géans leur cedoient la victoire ,
Si leur valeur avoit moins merité ,
En aurions - nous preuve tant authentique ?
Aurions- nous onc dit cette verité ?
LA PATTE D'OURS MARQUE N..
BLESSE ANTIQUE.
Dame Puiffante , en qui les dons des Cieux ,
Moult au deffus du bien qu'on en peut croire ,
Font que chacun vous admire en tous lieux ,
Vous defcendez d'un Sang fi glorieux ,
Et grandement en rehauffez la gloire :
Si grand en vous , eſt merite & beauté ,
Qu'en vous voyant tout fage ainfi s'explique
,
Blazon nous dit mieux fa noble fierté ,
LA PATTE D'OURS MARQUE No-
BLESSE ANTIQUE.
Plus ne voyons Héros ambitieux
Portant Plumarts , tout auffi blancs qu'yvoire,
Faire ès Tournois combats prodigieux
Pour s'attirer un regard gracieux ,
* Cette Dame eft de l'ancienne Maiſon de
Montagne, en Guyenne , & veuve de M. de Riquet
, Préfident à Mortier.
B Felicité
1518 MERCURE
DE FRANCE.
Felicité maintefois illufoire ;
S'il en croit , pour vous auroient joûté ,
Et fait briller leur courage héroïque ,
De leur Ecu , la Deviſe eut été
LA PATTE D'OURS MAR QUE N.-
BLESSE ANTIQUE.
Envoy.
Illuftre Sang , le Ciel de mieux en micux
Va t'élever. Que le Dieu radieux
Enfle pour toy ma veine Poëtique :
Dame fans pair , fon los fera porté
De ce Climat jufques au ſein Perfique
De par vos fils il y fera chanté ,
LA PATTE D'OURS
MARQUE
N
BLESSE ANTIQUE.
Par M. Martel , jeune Genilhomme
de Touloufe.
REFUTA
JUILLET. 1728. 1519
*******
REFUTATION d'un Memoire impri
mé dans le Mercure de Decembre 1727 .
vol. 1. page 2626. fur la Ville de
Saint-Paulien en Vellai , addreffée aux
Auteurs du Mercure de France.
T
' Ai toûjours cru , Meffieurs , que ceux
qui prenoient la peine de vous avertir
des nouvelles Découvertes de Médailles
& autres Antiquitez , par des Lettres
raifonnées fur les lieux où elles fo
font , devoient être exacts dans ce qu'ils
avancent , & ne pas raifonner fur ces
ieux , d'une maniere que les anciens
Monumens peuvent démentir. Je me
rouve trompé dans ce que je viens de
ire fur la Ville de Saint - Paulien en Velai
. La perfonne qui vous a écrit là - deffus,
era plaifir au public, lorfqu'elle lui donera
connoiffance des Infcriptions & des
tatuës que les chutes d'eau ou d'autres
ccidens peuvent faire découvrir ; mais
ne faut pas auffi qu'elle prétende lui
noncer, comme nouvelles, des trouvailqui
font déja anciennes. Curieux com-
- je le fuis, je n'ai pas manqué auffi - tôt
rès avoir lu fa Lettre dans le Mercure,
confulter le Gallia Chriftiana, fur l'Eché
du Puy. Le volume eft imprimé
Bij Ca
1520 MERCURE DE FRANCE.
en 1720. La même Infcription que l'on
rapporte touchant le rétabliffement des
Ponts , y eft en propres termes. Dom
Denis de Sainte Marthe y dit , page 685.
qu'il fe contente de rapporter cette Infcription
entre celles qui ont été trouvées
à Saint Paulien ,& il renvoye au premier
Volume du 4 fiécle Benedictin , d'où il
l'a tirée. On l'y trouve en effet à la page
757. Ce Livre fut imprimé en 1677 .
Ainfi ceux qui fournirent au Pere Mabillon
toutes les Infcriptions de Saint
Paulien, avoient déja vu celle-là . Seroitelle
donc rentrée en terre depuis ce tempslà
, pour reparoître au bout de cinquante
ans ? Il n'y a pas d'apparence. Le Pere
Mabillon ne peut s'empêcher de marquer
de l'indignation contre ceux qui
ont été affez fimples pour placer cette
Infcription fur un Moulin qu'on appelle,
dit-il , le Moulin de Borbolion. Eft - ce là
en effet une place convenable à des Monumens
Antiques ? Celui qui vous écrit,
s'eft abftenu de vous marquer cette circonftance.
Il feroit à fouhaiter pour fon
honneur qu'il ne vous en eût pas tant
dit fur les Antiquitez de fa Ville de Saint
Paulien. Il fe feroit au moins épargné
quelques fautes. Je lui pafferai que cette
Ville eft le Rueffium des anciens ; mais je
ne lui accorderai jamais qu'elle ait été ap
pellée
JUILLET. 1728. 1521
pellée Vellaunodunum . S'il prétend par
là lui approprier ce qui fe lit dans les
Commentaires de Céfar , les habitans
d'Agendicum , des mêmes Commentaires ,
ne fouffriront point qu'on détache ainſi
de leur territoire , ou au moins de leur
voifinage une Ville qui n'eft éloignée de
chez eux que d'une journée ou une journée
& demie . Voudroit- il que Céfar eut
fait faire à fes Troupes , en un feul jour,
90 ou 100 lieuës .
& tous
Quant à Velaunum , je puis affurer que
ce n'a jamais été non plus le nom de la
Ville de Saint Paulien ; mais bien Vellavum
, civitas Vellava ou Vallava. On
peut fe fier en ce point à S. Grégoire de
Tours qui eft un hiftorien ancien & affez
accrédité pour tout ce qui concerne la
Géographie Françoife . Il ne faut que jetter
la vue deffus, au dixiéme Livre de fon
Hiftoire de France , nombre 25.
les titres qui parlent de l'Eglife Epifcopale
du Pays de Vellai , ne s'expriment
point autrement. Une Charte de Charles
de Chauve , de l'an $ 76 . met Wide
venerabilis Ecclefia Vallavenfis Epifcopus.
Un Diplome du Roy Raoul , de
l'an 923. Adelardus Epifcopus Ecclefia
Anicienfis feu Vallavenfis. Un autre titre
de l'an 993. Guido fanita Vallavenfis
Ecclefia fuperno nutu Epifcopus . Une au-
B iij
tre
1522 MERCURE DE FRANCE .
Bulle de Leon IX . In hac Ecclefia Anicienfi
que Vallavenfis feu Podium fanita
Maria dicitur.Il ne s'agit que du changement
d'une Lettre en une autre. C'eſt une
minutie , dira quelqu'un ; mais cette minutie
tire quelquefois à des conféquences
, & je vous en produirai des exemples.
En fait de noms propres , il faut écrire
& parler comme les anciens, lorſqu'on fe
fert de leur langue. Il y a eu des ficcles
où les lettres n & a étoient fi femblables ,
qu'on ne pouvoit prefque pas les diftinguer
C'eft fur tout le quatorziéme & quinziéme
fiecles.De-là font venues tant de bévuës
faites par les Copiftes & adoptées.
depuis par les Imprimeurs. Il faut laiffer
ces liecles d'ignorance pour ce qu'ils font,
& remonter jufqu'à ceux où l'on figuroit
mieux les caracteres, & où l'on avoit plus
de connoiffance des veritables noms locaux.
Où en ferions - nous s'il falloit donner,
tête baiffée, dans les méprifes que le
regne de l'écriture gothique a introduites
dans les noms propres ?
Je ne veux apporter uniquement que
des exemples de la lettre n mife mal à .
propos, en place de la lettre u. Des ignorans
difoient alors Nemanfum pour Nemaufum
, qui eft le vrai nom de la Ville de
Nimes; ils nommoient Auxerre, Antifio- ~
dorum ,
JUILLET. 1728 . 1523
dorum , au lieu de dire Autifiodorum ;
l'Abbaye de Pontlevoy , proche Blois ,
Ponflenius , au lieu de Ponflevius . Je la
trouve ainfi nommée dans une Edition
des Lettres de Philippe , Abbé de l'Aumône
, ou du Petit -Cîteaux . Que ne pour
rois-je pas citer en fait de noms perfonnels
, pour faire fentir la même erreur ?
Les exemples en font encore plus com-
,
muns. On trouve une Andovera & une
Andofledis , parmi les anciennes Princeffes
de France ; au lieu qu'il faut dire Audovera
, Audofledis . On lit Andoënus
pour Audoënus, Gandiofus pour Gaudiofus;
Mandetus pour Maudetus ; Ganfridus
pour Gaufridus . Je paffe fous filence
l'effet que produit ce fimple changement
dans certains noms fubftantifs , comme,
par exemple, fi Anus étoit mis pour Avus.
J'ai vû des manufcrits de la vie fabuleufe
de S. Gengoul , où ce mot fe trouve
écrit des deux manieres dans un endroit
où certainement l'une & l'autre lecture
ne peut pas faire le même fens.
Un autre nom de la Ville de Saint
Paulien , que l'Antiquaire de ce lieu auroit
dû marquer en place de ceux qui
font faux , eft celui de Vetula civitas .
Cette Ville eft ainfi appellée dans des
Titres de huit & neuf cens ans , par op-
B iii pofition
1524 MERCURE DE FRANCE.
pofition à la nouvelle Ville du Puy où
l'Evêché avoit été transferé.
Je le renverrai encore fur cela aux
Actes des Saints Benedictins du P. Mabillon
, qui font un ouvrage que toutes
les perfonnes veritablement curieufes de
l'ancienne Géographie ne doivent nullement
négliger .
Ce 8. Février 1728 .
XXX:XXXXXXXXXXX :X
O DE.
à M. de B. * ".
A Poccafion de quelques réponses peu mefurées
qu'on a faites à fa Lettre
Critique.
Toi , qui confident des fecrets de Neptune
,
Prêtes un nouveau luftre au rang , à la forrune
,
Que tes nobles travaux t'ont aquis dans fa
Cour
Lorfque par tes écrits dévoilant fes merveilles
,
Doctement tu réveilles
D'Apollo n , & de lui l'alliance , & l'amour.
pour
JUILLET. 1728 .
1525
Pour prix de tant de foins fouffre que par
ma rime ,
Ce Dieu calme un moment la douleur qui t'opprime.....
Ne crains rien ..... dans tes yeux je lis ton
embarras ;
Va : la verité fimple en fes mains tient ma
Lyre ,
Et mon divin délire
En éloges flateurs ne fe répandra pas.
Que les tems font changés ! ô demeures
facrées ,
Des Mortels autrefois , à bon droit révérées ,
Des enfans de Minerve , azile redouté ;
Quels foufles empeftés , quelles fureurs fecretes
,
Ont foüillé les retraites.
De l'augufte Science, & de la Verité ?
}
Quel Démon ennemi de leurs facrez myfteres
,
1
A fçû les prophaner ! & de leurs fanctuaires
A l'envie , à l'orgueil , à frayé le chemin ?
Ce n'eft plus aujourd'hui la verité cachée ,
Bv
qui
1576 MERCURE DE FRANCE
Qui par nous eft cherchée,
On cherche à l'emporter fur tout autre Ecrivain.
Ah! ce n'eft point ainfi que tant d'hommes
célébres ,
Ont fçu fe dérober aux épaiffes ténébres ,
Dont les vulgaires noms furent toûjours
fuivis ;
Ils tenoient une route & plus noble , & plus
fûre ,
Et jamais d'une injure
On ne les vit payer un reſpectable avis .
Sçavants plus genereux qu'aujourd'hui nous
ne fommes ,
Afpirant à l'honneur d'éclairer tous les hommes
,
Ils ne vouloient point vaincre en Guerriers
furieux ;
Mais pour leurs coeurs , charmez d'une plus
belle gloire ,
C'étoit une victoire ,
Qu'une docte Leçon qui deffillât leurs yeux.
Tels
JUILLET. 1728. 1327
Tels étoient les Sçavants qu'admira ce bel
âge ,
Toi , dont la probité , la candeur , le courage.
De ces tems regrettés , retracent la fplendeur,
Des fecrets de ton Art , fage dépofitaire ,
Au fçavant téméraire ;
Plus fçavant , tu voulus découvrir ſon erreur'
Son vain raiſonnement d'experience vuide
Pour fonder les replis de l'Element perfide ,
N'a point fié les jours à la fureur des Eaux ,
Et dans fon Cabinet , fpeculatif tranquille s
Du matelot agile ,
Il prétend toutefois regler tous les travaux.
De quel étonnement fut ton ame faifie !
Quand tu vis la fureur , l'aveugle jalouſie ,
Pour prix de tes Leçons , chercher à t'outrager
;
Et l'orgueilleux dépit , qu'un ftyle altier an
nonce ,
Dicter feul la réponse
Dont la reconnoiffance auroit dû fe charger.
*
B vj
M'en
1528 MERCURE DE FRANCE.
M'en croiras tu ? méprife une audace frivole
,
Ainfi que nous voyons de l'impuiffant Eole ,
L'immobile Rocher , braver le vain courroux :
Où comme tu voyois dans tes courſes paffées ,
Les ondes courroucées ,
Se jouer d'un Vaiffeau qui s'expofe à leurs
[coups .
1
*
Une feule vengeance eft digne de ton ame ,
Donne tous ces écrits que le Public reclame ,
Trop long-tems refuſez à ſon empreſſement :
Et qu'alors ce Public , qui de tes adverfaires
Lit les plaintes améres ,
Juge entre tes raifons & leur emportement.
C'eft le prix que tu dois à leurs ingratitudes,
Après cela , renonce à tes longues Etudes ,
Le Public , & ta gloire ont ce que tu promis ¿
Et livre , il en eft tems , cette heureuſe vieilleffe
Que le deſtin te laiffe ,
Aux foins d'une fanté fi chere à tes amis.
Réflexions
JUILLET 1728. 1529
XXXXXXX :XXXXXX :XX
REFLEXIONS fur la Réponse que
M. Pefau de la Tour , Docteur en Medecine
, établi à Saumur , a faite à la
Questionpropofée dans le Mercure d'Octobre
1726. Pourquoi l'on fent de la
douleur à une partie retranchée ,
que l'on a employée dans celui de Janvier
1728.
ON
ن م
N doit, fans doute , avoir obligation
à ceux qui tentent de nouveaux
moyens de parvenir à la découverte de
la verité. Un bel efprit ( a ) de nos jours
va même plus loin : il prétend que l'on a
obligation aux Auteurs des fautes qu'ils
font , parce que leur fentiment trouvant
infailliblement quelque Adverfaire qui en
démontre la fauffeté , c'eft pour lors un
écueil connu , & contre lequel il n'y a
plus lieu de craindre que l'on aille faire
naufrage. Auffi je ne prétends point ôter
à M. de la Tour la gloire d'avoir obligé
lé Public . Mon intention n'eft autre que
de l'engager à mettre fon fentiment dans
un nouveau jour , & à me tirer de l'erreur
où je fuis , felon lui , puifque j'ai
( 4 ) M. de Fontenelle , fur les Anciens &
les Modernes.
adopté
1530 MERCURE DE FRANCE.
adopté l'explication que l'on donne ordinairement
au Phénomene dont eft queftion
. J'entre en matiere .
Je ne trouve point qu'il ſoit ( b) naturel
, & plus ordinaire de fentir de la douleur
à une partie que l'on n'a point qu'à
celles qui reftent . Comme celles qui reftent
font fufceptibles des alterations qui
cauſent la douleur , & que celles qui ont
été retranchées ne font plus dans ce cas ,
la contradictoire de cette propofition me
paroît veritable . Encore faut-il remarquer
que l'on ne fent point de douleur aux
parties dont on eft privé ; puifque ces
parties ne peuvent plus agir fur l'ame : &
que cette penfée de douleur eft une pure
illufion que fait à l'ame le mouvement excité
dans l'organe qui lui tranfmettoit les
mouvemens dereglés de la partie amputée .
Mais c'eft trop s'arrêter fur une bagatelle .
Venons aux principes.
La moëlle de l'épine & le cerveau ſont
des compofes de glandes. C'eft un fentiment
qui loin d'être prouvé , eft combattu
par de très- habiles Anatomiftes ,
entr'autres par M. Ruifel : & pour en avoir.
quelque idée , on doit les confiderer comme
des tamis très-fins , qui féparent du fang
les efprits animaux.
(b ) Differt. p . 81 .
Ibid. p. 82.
Je
JUILLET. 1728. 153
Je m'étois (c) formé des glandes une idée
bien differente. Je les regardois comme
un amas de vaiffeaux enveloppés d'une
membrane commune où la limphe fe
broyoit de nouveau , fe fubtilifoit , & devenoit
propre aux fonctions pour leſquelles
elle étoit détournée vers ces glandes.
Peut -être même s'y impregne-t - elle du
fuc nerveux qui y eft apporté par quantité
de nerfs qui entrent dans la compofition
de la glande. Cette conjecture n'eft
point cependant neceffaire pour expliquer
l'ufage du nerf en ces parties , puifque
l'on y reconnoît une vertu fiftaltique
, qu'on fçait ne pouvoir fubfifter fans
les nerfs. Cette fabrique des glandes ne
donne aucune idée de cette impreffion ,
( d ) que M. de la Tour fuppofe dans le
fuc nerveux des parties aufquelles il eft
deftiné. L'idée de fon tamis n'eft pas plus
favorable à fa fuppofition. La toile du
tamis ne donne aucune figure aux corps
qui y paffent : elle ne fait que féparer les
parties les plus tenues des plus groffieres.
L'imagination , ( e ) qui eft l'union de
(c)V. fur toute cette Doctrine Boerheave.
Inft. Medic. art. 240. & fuiv.
( d ) Ibid. p . 84.
(e) Ibid. p. 83.
1532 MERCURE DE FRANCE.
ces efprits fubtils ( ce font les efprits animaux
) nepeut êtrefrappée que de l'idée de
la partie où eft le trouble qui fait le fentimentpar
le moyen de ces efprits animaux :
car la matiere eft infenfible.
Il s'enfuit de ce raifonnement que dans
le cas propofé on ne doit fentir aucune
douleur , puifqu'on ne la fait confifter
que dans le dérangement de l'imagination ,
& que l'imagination eft materielle , n'étant
que l'union des efprits animaux , qui
font eux-mêmes materiels . L'on ne voit
jufques là
du défordre dans les orgames
, l'on n'y voit par conféquent qu'une
caufe occafionelle de la douleur , qui
n'eft qu'une penfée de l'ame . Puis donc
que l'on ne met point l'ame en jeu dans
toute cette Differtation , l'on n'explique
que la douleur materielle , ce qui n'eſt
point répondre à la queftion .
que
Ces tamis ( f) fubfiftent dans le cerveau
après l'amputation de la partie. Les efprits
animaux s'y filtrent toujours .... Ils fönt
harriés par les nerfs jusqu'au moignon
fans pouvoirpaffer outre , à caufe des fonpapes
ou valvules , & c .
Il y a , ce me femble , une contradiction
entre ces paroles , & celles qui ſont au
haut de la même page , ou expliquant la
douleur cauſée par une épingle qui entre
(ƒ) Ibid. p. 83 .
dans
JUILLET. 1728. 1535
dans la chair , on lit ces paroles , elle comprime
les efprits... le premier preffe comprime
le fecond , & ainfi fucceffivement
jufqu'au fiege de l'imagination. N'eft- ce
point là un reflux manifefte ? Mais par où
prétend- on l'empêcher plus bas ? par des
valvules qui fe trouvent dans les nerfs ;
valvules purement imaginaires , au moins
dont on ne peut démontrer l'exiftence.
Mais fi le fiege de l'imagination eft dans
le cerveau , & que le trouble des efprits
ne puiffe s'y communiquer , l'imagination
ne fera point alterée , & par conféquent
il n'y aura pas de douleur , même
materielle. Enfin de ce que les efprits ne
pouvant entrer dans le nerf qui fe porte
au moignon , font obligés d'entrer dans
d'autres nerfs qui aboutiffent aux parties
voifines , il fe fait un dérangement dans
l'ordre naturel , mais ce dérangement fe
faifant au deffous du fiege de l'imagination
, ne peut le déranger , ni parconféquent
occafionner le fentiment de la douleur.
Si l'ame pouvoit s'appercevoir de ce
dérangement , il s'enfuivroit qu'elle auroit
une connoiffance exacte de la ftructure
du corps qu'elle anime , & de la circulation
des liqueurs. Si cela étoit , les
Anatomistes perdroient leur tems bien
inutilement. Il s'enfuivroit encore que fi
quel1534
MERCURE DE FRANCE .
quelque ramification d'artere s'obitinoit,
Fame devroit fur le champ s'en apercevoir.
L'experience y eft manifeftement
contraire .
A fuppofer que l'ame s'apperçoive de ce
dérangement , ce fentiment de douleur
doit être continuel , puifque la caufe fubfifte
toujours . C'eft aufli une objection
que fe fait M. de la Tour. Mais il répond
(a ) que l'affaiffement des glandes qui
fourniffent les efprits au nerf qui va au
moignon , empêche la filtration des efprits
; & que ce n'eft que dans le cas
d'une fermentation extraordinaire qu'elles
recommencent leurs fonctions . Il
ajoûte que leurs parois s'approchent par
fucceffion de tems.
Si cela étoit vrai , les douleurs devroient
ceffer au bout d'un certain tems :
& ce tems devroit être court , comme
nous le voyons arriver aux arteres ombilicales
, au canal arteriel , au trou ovale :
ce qui ne ſe rencontre pas , puifqu'au
bout de vingt ans on fent encore les mê
mes douleurs.
Je demanderai en fecond lieu à M. de
la Tour , fi des diffections exactes lui ont
fait connoître que cela arrivoit , à faute
de quoi , je regarderai toujours cette ré-
( a ) Ibid. p . 85 .
ponfe
JUILLET. 1728. 1535
ponfe comme une défaite. Enfin je le prierai
de s'accorder avec lui-même , & de
concilier cette réponſe avec ce qu'on lit
plus haut , que ces tamis ( b ) ( les glandes
) fubfiftent toujours , & filtrent les efprits
pour cette partie abfente .
Je finirai par cette reflexion . L'exemple
de l'entonnoir ( c ) prouve bien qu'il
y a du dérangement dans un des moules
où doit entrer le plomb fondu. Je le croi ,
parce qu'il refte de la matiere dans l'entonnoir.
Mais je ne vois que le moule étoit
obftrué , qu'après les avoir tous ouverts .
Si l'on applique la comparaifon au cas
propofé , on ne peut fçavoir à quel endroit
on a mal , qu'après avoir regardé
quelle partie manque. Le contraire arrive
cependant , car nous fentons de la
douleur à une partie avant de faire attention
qu'elle nous manque ; & nous
nous perfuadons que notre ame s'eft
trompée , quand nous voyons que nous
manquons de la partie à laquelle notre
ame attribue la douleur.
>
J'efpere que M. de la Tour ne me fçaura
pas mauvais gré de ces reflexions , puifque
le feul amour de la verité , qualité
abfolument neceffaire à tous ceux qui s'at-
(b ) Ibid. p . 83 .
( c) Ibid. p, .86.
tachent T
A
1536 MERCURE DE FRANCE .
tachent à la Philofophie & à la Medecine
, m'a mis la plume à la main .
Bruhier d'Ablaincourt.
D. M. C. A. D. L. O. S.
L'HYMEN AMOUREUX.
CANTAT E.
Sous le joug de l'Hymen l'Amour affujetti
,
S'endormoit dans les bras d'une fombre pareffe
,
Son front chargé de foins , fon oeil appefanti
,
Nageoit dans des flots de trifteffe,
En vain s'offroient fans voile à fes foibles defirs
,
Les charmes d'une époufe autrefois fa Maitreffe
,
Rien ne réveilloit fa tendreffe ,
Et les plaifirs permis n'étoient plus fes plaifirs.
Devoir , O ! devoir infléxible .
Que ton joug me paroît terrible ,
S'éJUILLET.
1728. 1537
S'écrioit- il dans fa langueur !
Tes loix en rendant legitime
Un plaifir qui veut être un crime ,
En ôtent toute la douceur.
典
Ces beaux yeux , cette aimable bouche ,
Ces bras n'ont plus rien qui me touche ,
J'en puis jouir , & je le dois :
Je le dois... O fupplice extrême !
Aimer, parce qu'il faut qu'on aime ,
Qui le peut quand c'eft une loi ?
Ainfi ce Dieu plaignoit fa deſtinée ,
Quand l'Hymen à fes yeux tout à coup fe fit
yoir ,
Il portoit dans les mains la chaîne infortunée
2
Dont il attache un coeur à fon devoir ;
A cet objet l'Amour s'irrite ,
Prend fon Carquois , frémit , s'agite ,
Et lance enfin un trait vengeur ,
Hymen , ç'en eft fait de ta vie...
Mais non... graces à la fureur
De
1538 MERCURE DE FRANCE .
De la haine qui le tranſporte ,
L'Amour a mal choifi le trait qu'il a lancé ,
C'est un dard enflammé de l'amour la plus
forte ,
Dont l'Hymen vient d'être percé.
來
Enfin à son tour ,
L'Hymen de l'Amour
Reffent la douce violence ,
Et malgré les loix ,
Il goûte à la fois
Et le plaifir & l'innocence.
LETTRE de M. l'Abbé N. fur l'Hif
toire du Peuple de Dieu , &c .
Q
la
Uand je vous ai parlé , Monfieur
pour premiere fois de l'Hiftoire
du Peuple de Dieu , tirée des feuls Livres
Saints , & c. Par le R. P. Berruyer , Jefuite.
Je ne connoiffois ce Livre que par
le Projet imprimé , & je n'ai fait prefque
que vous l'annoncer . Aujourd'hui que
P'Ouvrage paroît , & qu'il s'eft déja ac-
>
quis
JUILLET. 1728. 1539
quis , à jufte titre , les fuffrages du Public
qui le recherche & le lit avec empreffement.
Je crois vous faire plaifir de m'étendre
un peu fur ce Livre , & de vous en
donner une idée plus exacte pour vous en
faire connoître tout le merite.
Le deffein general du P. Berruyer a été
de réduire le Texte Sacré en un corps
d'hiftoire où les Lecteurs , outre la fuite
des faits rapportées dans les Livres Saints,
puffent trouver tous les éclairciffemens ne
ceffaires pour l'intelligence des faintesLettres
, accompagnés de refléxions propres
à les édifier , & à nourrir en eux
l'efprit de pieté & de Religion.
Un deffein fi naturel , & tout à la fois
fi magnifique , n'auroit pas dû , ce femble
, échapper aux recherches de tant de
célebres Auteurs , qui jufqu'ici ont conſacré
fi utilement leurs veilles à l'explication
de l'Ecriture. Cependant le P. Berruyer
eft le premier que nous fçachions
qui l'ait imaginé , du moins eſt- il le feul
qui ait ofé l'entreprendre. Pour en concevoir
toute l'excellence , il fuffit de remarquer
qu'en l'executant , l'Auteur atrouvé
le fecret de réunir dans un feul Ouvrage
tous les avantages des differens Livres
qui fe font faits fur la même matiere
fans tomber dans aucun des défauts qui
font inévitables dans tout autre deffein ,
&
1540 MERCURE DE FRANCE
& qu'on a toujours reproché avec tant de
raifon à ce qui s'appelle Traductions ,
Commentaires , Hiftoire de l'Ancien
Teftament , Réflexions même fur l'Ecriture.
En effet , outre la multitude , la nobleffe
& la varieté des faits que fournit
la feule expofition du Texte Sacré , &
dont la lecture n'eft ni moins agréable ni
moins interreffante que celle des Hiftoires
Prophanes les plus vantées ; l'Hiftoire
du Peuple de Dieu , tirée des feuls Livres
Saints , a cet avantage particulier , que
fans avoir l'inconvenient des Traductions
purement litterales , qui font auffi obfcures
que le Texte même, fans qu'il faille
recourir aux longues difcuffions &aux embarras
énormes desCommentaires, le Lecteur
y trouve fur la route tous les endroits
difficiles de l'Ecriture , ſuffiſament
éclaircis & expliqués avec toute la netteté
& la précifion que demande l'Hiftoire .
Pareillement tout ce qu'il y a d'utile &
de falutaire dans les Livres les plus édifiants
qui fe foient fait,fur cette matiere ,
le retrouve ici en quelque forte , & d'une
maniere encore plus touchante dans le
récit des faits accompagnés de pieufes &
folides réflexions , qui dans un pareil fujet
ne pouvoient manquer de naître fous
la plume d'un Auteur comme le P. Berruyer
, uniquement attentif au bien & à
l'éJUILLET.
1728. 1541
l'édification de fes Lecteurs .
Ainfi à ne confiderer même que le but
general du Livre , on peut dire qu'il n'en
eft aucun qui par l'excellence du deffein
lequel certainement eft unique , & par
l'importance des matieres qui y font traitées
, merite à plus jufte titre les éloges
que lui ont donné jufqu'ici toutes les perfonnes
non prévenues qui l'ont lû. Mais
ce qui doit en relever infiniment le prix
c'eft que l'execution répond pleinement
à tout ce qu'il y a de noble & de magnifique
dans le deffein .
Car l'Hiftoire du Peuple de Dieu eft
non- feulement un Livre de pieté propre
à édifier les Fideles , & à leur infpirer pour
Dieu les fentimens de crainte , d'amour ,
de refpect & d'admiration qui lui font dûs :
c'eft outre cela un Livre de Critique , où
tous les Points obfcurs ou controverfés
de l'Ecriture qui regardent le Dogme
l'Hiftoire , la Chronologie , la Géographie
même font brièvement difcutés , nettement
éclaircis , & fagement décidés : où
toutes les Propheties de l'Ancien Teftament
qui ont rapport au Nouveau , font
heureufement expliquées , & d'une maniere
toujours favorable à notre fainte
Religion , en ce qu'elle rend l'application
que les Chrétiens en font au Meffie , bien
plus facile & infiniment plus digne de
C Dieu
1542 MERCURE DE FRANCE .
;
Dieu. Enfin c'eft un livre de goût , où
l'Auteur a fçu mettre en oeuvre tout ce
qu'une parfaite connoiffance des Belles-
Lettres , jointe à un génie naturellement
beau , fertile & élevé, pouvoit lui fournir
d'agrémens pour embellir fon Ouvrage ;
les faits y font exactement détaillés &
revêtus de toutes leurs circonftances
habilement rangés dans leur ordre , &
rapportés à leurs dattés autant qu'il a été
poffible , racontés d'une maniere nette ,
élegante , & débaraffée de tout ce qui
pourroit y mettre quelque confufion .
Quant à la maniere d'écrire , l'Auteur ,
conformément à la régle qu'il nous en
donne lui-même dans fa Préface , a fans
doute tâché de fe régler fur les divins modeles
qu'il avoit devant les yeux , & l'on
doit lui rendre cette juftice que le plus
fouvent il les a bien imités : il nous paroît
cependant qu'il s'en est écarté
dans quelques endroits , en y employant
trop de figures & de fleurs , quelquefois
même des expreffions ou nouvelles ou
trop recherchées , qui peut- être feront affez
du goût préfent , mais qui certainement
ôtent à la narration quelque chofe
de cette noble & naïve fimplicité , qui
doit être un des principaux ornemens
d'une Hiſtoire du Peuple de Dieu , comme
elle l'eft de l'Ecriture- Sainte,
Les
JUILLET. 1728. 1543
Les difcours que le P. Berruyer a pris
foin d'inferer dans le cours de fon Hiftoire
, pour animer en quelque forte les perfonnages
qui viennent fe préfenter fur la
Scene ; les Defcriptions qu'il a faites des
Païs , des Sieges de Villes , des Batailles
& de mille autres grandes actions dont
la multitude & la varieté contribuent fi
fort à rendre l'Hiftoire fainte , agréable
& intereffante ; tous les Portraits enfin
des Heros du Peuple de Dieu tracés de fa
main , font autant de morceaux achevés ,
aufquels il m'a paru qu'on ne pouvoit
rien ajoûter .
C'eft dans ces endroits fut tout que
l'Auteur fe rend abſolument le maître de
l'efprit de fes Lecteurs .
Tout y eft reprefenté fi fort au naturel ,
les difcours font fitouchants & fi animés ,
que par une espece d'enchantement propre
de la vraie éloquence & de la plus fublime
Poëfie, l'efprit tout occupé des objets
qu'on lui préfente , devient au gré
de l'Auteur fufceptible des impreffions
les plus oppofées . Ainfi l'on s'irrite & l'on
s'afflige avec Moyfe fur les énormes prévarications
d'un Peuple ingrat & grof.
fier ; on frémit d'entendre les reproches
menaçans que fait aux prévaricateurs le
faint Legiflateur : on eft attendri à la
vue du faint Roi David , qui accepte
Cij avec
1544 MERCURE DE FRANCE.
avec foumiffion les plus humiliantes difgraces
, qui fuit devant un fils ingrat qui
le pourfuit , qui malgré cela ne laiffe pas
›
de s'allarmer encore à la nouvelle du
danger de ce malheureux fils , qui pleure
fa mort & en paroît inconfolable. La
trifteffe de Jéremie fe communique infenfiblement
à l'ame , & l'on fe lamente
s'il eft permis de parler de la forte , on
pleure avec le faint Prophete fur les pitoyables
restes de l'infortunée Jerufalem .
La charité genereufe d'un Tobie , que
nulle crainte humaine , nul obſtacle ne
peut arrêter , les allarmes & l'inquiétude
d'une Efther à la vûë des malheurs dont
fa Nation eft menacée , la ferme confiance
d'une Sufanne , victime de fa vertu &
de fon innocence , le zele , le courage ,
le défintereffement & la conftance des
trois Reſtaurateurs du Peuple de Dieu ,
Zorobabel , Efdras , & Néhemie , la noble
fermeté du faint vicillard Eleazar , expirant
au milieu des fupplices pour la confervation
de fa foi , celles des fept Enfans.
connus fous le nom de Machabées , &
la grandeur d'ame de leur genereufe mere
, le zele héroïque de Mathathias & de
fes fils pour la défenſe de la vraie Religion
, mille autres traits enfin , non moins
frappans , & que le P. Berruyer paroît
' être appliqué, particulierement à bien
trai
JUILLET. 1728. 1545
traiter , excitent dans l'ame de vifs fentimens
de tendreffe , de compaffion , de
zele & d'admiration dont on ne peut fe
défendre , & qui par leur furpriſe contribuent
à rendre la lecture du Livre tout- àfait
agréable.
C'eſt pour l'ordinaire à la fuite des grandes
actions , & dans les récits touchants
qu'il en fait , que l'Auteur a fçû mêler
habilement des réflexions folides & ingénieufes
que lui fuggeroit fon fujet . Comme
l'Hiftoite fainte en fournit de tout
genre , il s'eft fait un devoir de n'en omettre
aucune , foit morale , foit politique.
Mais il en eft certaines qu'il faifit toujours
avec plus de plaifir , & ce font celles
qui peuvent plus directement contribuer
à affermir les Fideles dans leur Reli .
gion , à leur infpirer du zele pour fa défenfe
, à leur faire aimer la vertu , & à
leur donner horreur du vice . Alors pour
ufer des termes que l'Auteur applique
aux Ecrivains facrés , on s'apperçoit que
Ja plume eft guidée par fon coeur. Il s'y arrête
avec complaifance , il y revient dès
que l'occafion s'en préfente : peut - être
même trouvera - t - on qu'il le fait trop fouvent
& avec une efpece d'importunité.
Mais il n'y a point à craindre que les mêmes
chofes, quelquefois répetées , perdent
ien de leur prix l'Auteur fçait telle-
C iij ment
1546 MERCURE DE FRANCE.
ment varier les tours & fes expreffions ;
qu'elles ont toujours entre les mains l'air
& la grace de la nouveauté.
>>
Telle est à peu près l'idée que je me
fuis formée des differentes parties qui com
pofent l'Hiftoire du Peuple de Dieu , Mais
enfintoutes parfaites qu'elles font en elles
mêmes , le Lecteur veut quelque chofe
de plus. On attend un Ouvrage dont
» les differentes parties liées enfemble faffnt
un corps unique & entier. On fou-
» haitte une Hiftoire où chaque faitfingu
» lier fe rapporte à une fin generale , dans
» laquelle les perfonnages de concert entre
» eux , entretiennent une Scène non inter-
» rompuejufqu'à l'entier dénouement.....
où les évenemens préparés dans leur cau-
»fe , & revêtus de leurs circonftances , fe
» paßent fous les yeux enforte que leur
» union devienne fenfible. Mais l'Auteur a
tout prévû comme il paroît par les termes
même de fa Préface que je viens de rapporter.
Auffi eft- ce particulierement à l'union
& à l'enchaînement des faits qu'il a
donné tous fes foins. Attentif & exact à
ne jamais s'écarter de la Lettre ( qu'il a
grand foin de mettre à la marge , fous les
yeux du Lecteur , pour garantir fa fidelité
) , il la medite , il l'approfondit , il la
creuſe , il en démêle tous les rapports ,
& en développé tous les fens : il fait plus ,
il
JUILLET. 1728. 1547
il combine , rapproche & réunit tous les
Textes , foit Prophetiques , foit Hiftoriques
, qui peuvent fervir à éclaircir les
faits qu'il raconte . Par ce moyen , fans
autre fecours que quelques fupplémens
paffagers qu'il à quelquefois , mais fobrement
emprunté de l'Hiftoire Profane ,
il a réuffi à nous donner une Hiftoire
Sainte complette & fuivie , dont tous les
évenemens unis entre eux & liés aux
Propheties qui les annoncent , ou aux
conjonctures qui les préparent , forment
un tout unique dont le principal but eft
de faire connoître l'excellence du vrai
Dieu.
Après avoir ainfi tracé le Plan general
que s'eft propofé le P. Berruyer , & m'être
efforcé de vous faire connoître tout
ce qu'il a fçû répandre de beautés & de
grace dans l'execution de fon deffein , il
ne me reste plus qu'à marquer ici l'ordre
particulier qu'il s'eft prefcrit.
Il divife tout l'Ouvrage en fept âges ,
dont voici le précis.
Le premier âge s'étend depuis la création
du monde jufqu'à la mort de Jofeph
en Egypte , & comprend 2370 ans ;
pendant lefquels , à la verité , l'hiſtoire n'offre
à fes lecteurs que tres peu de faits
particuliers. Point de Guerres , de Combats
, de Victoires, de Conquêtes ; point
❤
C iiij
de
7548 MERCURE DE FRANCE .
de ces entrepriſes hardies, de ces fuccès in
efperez ; point de ces chutes ni de ces révolutions
imprévûës , dont le récit furprend
, amufe & fatisfait la curiofité du
Lecteur. Mais au deffaut de ces fortes
d'événemens , ou , comme parle l'Auteur
, les hommes paroiffent toujours avoir
la plus grande part , & jouent leur rôle indépendamment
de la Divinité. On y trouve
un Dieu puiffant , un fouverain Maître
, aux ordres duquel la nature foûmife
& attentive , obéit fans réfiſtance .
On y reconnoît avec crainte & avec refpect
un Juge infléxible , qui dans fa colere
fait pleuvoir fur la terre un déluge
d'eau & de feu la pour purger d'une race
impure , dont les débordemens monftrueux
outrageoient la nature elle- même
& deshonoroient fon Auteur . L'on y
apperçoit enfin un pere tendre , attentif
& mifericordieux , qui parmi cette multitude
infinie d'hommes ingrats & criminels
, choifit & fe ménage une famille de
benediction , d'où fort bien- tôt un peuple
de Saints , dont les vertus modeftes
& fans fafte lui font oublier les prévarications
des autres . Déformais le Seigneur
a fixé fes regards fur elle ; c'eft à fon ggrandiffement
& à fa gloire que chaque
évenement le rapporte ; les difgraces de
Jofeph , fon efclavage , fa capti vité on
élevaJUILLET.
1728. 1549
élevation , fa mort même font autant de
moyens que Dieu prépare ou qu'il employe
pour accomplir fur ce peuple cheri
les deffeins de fa mifericorde.
Suit le fecond âge , qui renferme l'efpace
de 185 ans , depuis la mort de Jofeph
, arrivée , felon le P. Berruyer , vers
l'an du monde 2370. jufqu'à celle de
Moyle en 2555.
Cette feconde partie de l'hiſtoire fainte
n'eft pas plus fournie de faits particuliers
que
que la premiere ; mais dans le peu
de chofes que l'Ecriture nous apprend du
féjour des Hébreux en Egypte , des voies
que Dieu employa pour les en faire fortir,
de leurs voyages pendant l'efpace de quarante
années dans les déferts de l'Arabie
, l'Autheur n'a pas laiffé de trouver
de quoi occuper agréablement fon Lecteur.
Les miracles fans nombre que le Seigneur
Dieu opera pour tirer fon peuple
de la fervitude d'Egypte ; ceux qu'il continua
de faire par le miniftere de Moyfe ,
pour foulager les Ifraëlites dans leurs befoins,
ou les punir de leurs prévarications .
La promulgation de la Loy de Dieu que
le faint homme reçut fur le Mont Sinaï ,
les divers reglemens qu'il fit pour la Religion
, la Milice , le Gouvernement civil
& politique de la Nation , le zele , le courage
, la vigilance du S. Législateur & de
C v fon
1550 MERCURE DE FRANCE .
fon frere Aaron , pour la conduite du
peuple dont Dieu les avoit chargez ; au
contraire , l'inconftance , l'ingratitude &
l'indocilité de ce même peuple ; la mort
de Moyſe à la vuë de la terre promiſe
fes derniers difcours ; tout cela joint à
quelques faits particuliers dont le S. Efprit
nous a confervé la mémoire , a fourni
au P. Berruyer une affez ample matiere
, qu'il a fçu employer d'une maniere
toute propre à édifier & à plaire.
Le troifiéme âge qui fuit , eft de 380.
ans , à compter depuis la mort de Moyfe
en 2555 jufques à l'établiffement de la
Monarchie en 2935.
*
›
C'eft icy que l'Hiftoire commence à
devenir de plus en plus interroffante . On
y voit d'abord les Ifraëlites occupez à
conquerir la Terre de Chanaan fous lat
conduite du brave Jofué. La valeur du
Chef & des Soldats , fecondée par l'affiftance
miraculeufe du Dieu des armées
ne trouve aucun ennemi capable de lui
réfifter. A leur approche les Murailles des
Villes tombent d'elles - mêmes les Rois
& les Peuples de la Paleftine liguez contre
eux , cedent aux premieres attaques ,
fe débandent , prennent la fuite & ne
peuvent en fuyant éviter de périr fous
l'épée meurtriere des Soldats du Seigneur.
Il est vrai que leurs infidelitez fufpendent
JUILLET. 1728. ISS !
dent quelquefois pour un temps le cours
rapide de leurs victoires ; mais les fautes
font à peine expiées , qu'ils recommencent
à vaincre de nouveau. Abbatus fous
le joug des Tyrans aufquels Dieu les
avoit livrez en punition de leurs crimes ;
on les voit fe relever tout à coup , rompre
leurs fers , & fous la conduite des
Héros que Dieu fufcite en leur faveur ,
faire trembler à leur tour des ennemis
qu'ils regardoient auparavant comme
leurs Maîtres . Othoniel , Aod , la Propheteffe
Debbora , Baruc , Gedeon , Jephté
& Samſon , furent les glorieux inftrumens
dont Dieu fe fervit fucceffivement
pour executer ces prodiges , & rendre à
la nation fainte tout l'éclat que fes ennenemis
vouloient lui ravir. Heureufe fi elle
eut mérité par la fidelité que Dieu le lui
confervat ! mais toûjours criminelle , le
Seigneur fon Dieu qui jufques- là s'étoit
fait lui- même fon Conducteur & fon
Chef, l'abandonna enfin à la conduite des
Rois qu'elle avoit demandez .
Icy commence le quatriéme âge , qui
s'étend depuis l'an 2935 , jufques à l'an
3027 , & ne renferme dans l'efpace de
92 ans qu'il a duré , que les Regnes de
Saul , de David & de fon Fils Salomon.
Comme les actions de ces trois premiers
Rois du peuple faint , font affez connuës ;
pour C vj
352 MERCURE DE FRANCE .
>
pour abreger , fe ne m'arrêterai pas à en
donner le détail . La feule chofe que je
crois devoir vous faire remarquer icy
c'est l'habileté avec laquelle l'Auteur a
fçu faire entrer dans le corps de l'Hiſtoire
le Livre de Ruth . Il lui paroît fort
vrai-femblable que le Prophete Nathan ,
où même Salomon , fils de David , le
compofa pour fermer la bouche à ceux
qui reprochoient au S. Roy l'obſcurité
de fa race . Ainfi le P. Berruyer ayant a
raconter dans fon fecond Livre le choix
que Dieu fit de ce Prince pour gouverner
Ifraël dans la place de Saül qu'il avoit
reprouvé , il a jugé que l'Hiftoire de Ruthtrouveroit
fort naturellement fa place à la
fin du premier Livre & feroit regardée
comme une agréable Epiſode.
C'est un des morceaux de l'Ecriture
écrit avec plus de fimplicité , & raconté
d'une maniere plus touchante ; auffi l'Auteur
a - t- il fidelement copié fon modele ,
en décrivant l'avanture de Ruth , avec une
naïveté qui fait plaiſir .
Paffons au cinquiéme âge , qui commence
à l'an 3027 , & ne finit qu'à l'an
3399.
L'Auteur le divife en deux parties. La
premiere contient la féparation du Peuple
de Dieu en deux Royaumes ; celui de
Juda & celui d'Ifraël . La feconde reprefente
JUILLET. 1718 . 1553
fente au Lecteur les châtimens rigoureux
dont Dieu punit les impietez du Royaume
d'lfraël.
Le fixiéme âge s'étend depuis l'an
3399 , juſqu'à l'an 3684 , & contient
les playes mortelles dont Dieu frappa le
Royaume de Juda en punition de fes révoltes
.
Il eſt divifé en trois parties ; la premie
re contient l'enlevement des Juifs en captivité
par Nabuchodonofor , avec la ruine
de Jerufalem & du Temple.... La feconde
nous inftruit de leur féjour à Babylone
& dans la Perfe , fous differens
Rois. La troifiéme enfin nous offre leur
retour de la captivité avec leur rétabliffement
dans la Terre fainte.
Enfin le feptiéme âge , qui comprend
l'efpace de 199 ans , depuis l'an 3684 .
jufqu'à l'an 3883 , nous reprefente le
Peuple de Dieu gemiffant d'abord fous la
cruelle perfecution d'Antiochus , Roy de
Syrie ; mais on le voit auffi tôt reprendre
fous les Machabées une nouvelle vigueur
& fe remettre en poffeffion de fa liberté ,
jufques vers le temps de la naiffance du
Meffie.
Les Lecteurs qui aiment dans un Livre
tout ce qui s'appelle expeditions militaires
, intrigues de Cour , négociations politiques
, mouvemens & révolutions d'Etat
3
1554 MERCURE DE FRANCE .
tat , trouveront affurément dans les trois
dernieres Parties de l'Hiftoire du Peuple
de Dieu , dont je viens de vous donner
le précis en peu de mots , de quoi fatisfai
re leur curiofité. Car il eft tres- peu d'Hiftoire
prophane qui fourniffe des évenemens
plus éclatans ou en plus grand nombre.
Le P. Berruyer ne s'eft pas feulement
contenté de les rapporter tous, mais encore
en réuniſſant tous les textes des Ecrivains
facrez qui pourroient avoir quelque
rapport entr'eux , il a fçu donner à ces éve
nemens un enchaînement & une fuite
que perfonne avant lui n'avoit ofé entreprendre
de leur donner. C'eft cet ordre &
cet enchaînement que tout Lecteur éclairé
& attentif ne pourra s'empêcher d'admirer,
principalement dans ce qui regarde
les Rois d'Ifraël , dont l'Auteur à l'aide
d'une Chronologie la plus exacte qui
ait encore paru , a fixé les Regnes & la
fucceffion d'une maniere précife. Il étoit
à craindre qu'en lifant l'Hiftoire fainte ,
le Lecteur ne confondit fouvent dans fon
efprit les affaires des deux Royaumes féparez
. C'est pourquoi l'on s'eft fur tout
appliqué icy à les bien diftinguer ; & la
reflemblance des noms ou des faits n'y
met pas la moindre confufion . Au refte
ceux qui cherchent à s'édifier , trouveront
toujours icy comme dans les premiers
JUILLET. 1728. 1559
miers âges , la main du Seigneur qui fe
montre fenfiblement jufques dans les expéditions
les plus prophanes. Point d'évenement
qui ne foit clairement annoncé
plufieurs années , & quelquefois même
plufieurs ficcles auparavant par des Prophetes
fufcitez de Dieu pour inftruire ,
reprendre & corriger les peuples d'Ifraël
& de Juda. C'eſt dans le 5 & 6 âge, fur
tout que paroiffent avec plus d'éclat ces
Envoyez du Seigneur , & certainement le
détail de leur conduite , de leurs difcours
& de leurs actions , n'eft pas ce qu'il y a
de moins interreffant dans l'Hiftoire . Elie,
Elifée , Ifaye , Jonas , Jérémie , Ezechiel,
Baruch & Daniel occupent la fcene avec
fuccès jufqu'au retour de la captivité.
Après quoi au lieu de Prophetes qui ne
parurent gueres depuis le rétabliffement
de Jerufalem ni du temps des Machabées
, l'Hiftoire fainte offre des Héros
zélez pour leur Religion dont toute la
conduite & les actions font autant de modeles
des plus héroïques vertus.
Cet Ouvrage divise en fept Volumes in
4.fe vend à Paris chez la veuve Saugrin
, Knapen , Cailleau, la veuve Piffots
Huart & Bordelet.
STANCES
1556 MERCURE DE FRANCE .
XX:XXXXXXXXXXX : XX
STANCES.
ENvain de Salomon vous me citez l'exemple
.
Pour me faire trembler au feul nom de l'a--
mour ;
Je ne crains point fes traits , je mépriſe le
temple ,
Où fes lâches fujets l'adorent chaque jour :
Que fur les plus grands coeurs ,fes Loix foient
fouveraines
;
Que l'Univers entier gémiffe dans fes chaînes,
Je ne ferai jamais de fes adorateurs :
Quelque foit fon pouyoir , qu'inceffamment
on prône
On ne me verra point approcher de fon Thrône
,
Pour attirer fur moi fes funeftes faveurs .
Qu'Hercule trop épris de la beauté d'Omphale
En tournant fes Fufeaux , l'afsure de fes feux ,
Afervir Dalila , que Samfon fe ravale ,
Lui dife fon fecret , lui livre fes cheveux ,
Que
JUILLET. 1728. 1557
Que Salomon atteint de l'amoureuſe flame ,
Aux femmes qu'il adore , afferviffe fon ame
Jufqu'au point qu'à leurs Dieux il dreſſe des
Autels ,
De ces Héros captifs j'admire la foibleffe ,
Je vois ,fans m'effrayer , leur extrême moleffe,
Et je me fens plus fort , que ces fameux Mortels.
S
Qu'on ne s'étonne pas de voir tant de courage
;
Heureux triomphateurs d'un fexe trop charmant
,
D'autres que moi jadis ont fçû fuir l'efclavage
,
Et les dangers divers , où l'on tombe en aimant
:
Hippolite de Phedre a furmonté les charmes ,
Ses éloges flatteurs , fes prieres , fes larmes ,
Ses longs gemiffemens , ne pûrent l'attendrir
;
Jofeph à Putiphar , à fon devoir fidelle ,
Eft infenfible , eft fourd à la voix qui l'appelle,
Il méprife , il rebutte un coupable défir.
Mon
1558 MERCURE DE FRANCE.
Mon ame à ces affauts ne peut être expoſée,
Je n'ai point ce qu'il faut pour plaire , pour
charmer ,
Je n'ai ni de Jofeph , ni du fils de Thefée ,
Ces graces dont les traits , peuvent tout enflamer
:
Mais j'ai les fentimens de Jofeph , d'Hyppolite
,
Et même , fans chercher mon falut dans la
fuite ,
Je pourrois triompher des plus brillans appas
;
Amoureux feulement des filles de mémoire ,
1
Je mets à les fervir mon plaifir & ma gloire ,
Trop heureux , fi mes foins ne leur déplaiſent
pas.
Par M. BOUCHET ,
Chanoine de Sens.
LET TRE de M. D. L. R. écrite à M...
le 4 Mai 1728. au fujet de l'Hiftoire
de la Ville & des Seigneurs de Coucy ,
&c. par Dom Touffaints du Pleffis .
ONvient , Monfieur , de publier le Livre pour lequel vous vous interreffez,
& avant qu'il parvienne en entier
JUILLET. 1728 . 1559
tier jufques chez vous , je vais , fuivant
ma coûtume , vous en faire une espece
de détail.
En voici le titre : HISTOIRE de la
Ville & des Seigneurs de Coucy , aves
des Notes ou Diẞertations , & les Pieces,
juftificatives. Par Dom Touffaints du
Pleffis , Benedictin de la Congregation de
S. Maur. A Paris , chez François Babuty
, ruë S. Jacques , à Saint Chryfoftome ,
1728. avec Approbation & Privilege du
Roy , in 40. pages 113. pour l'Histoire ,
& 225. autres pages pour les Notes , les
Pieces juftificatives , & deux Tables .
Le P.du Pleffis dédie fon Livre à S.A.
S. M. le Duc d'Orleans , Sire de Coucy,
Premier Prince du Sang. Cette Hiftoire
ne pouvoit paroître fous de plus heureux
aufpices. L'Europe entiere a retenti
autrefois du nom de Coucy , & ce nom
celebre n'eft point encore effacé de la
mémoire des hommes. Ceux qui l'ont
porté , fe font eux-mêmes rendus recommandables
par toutes les grandes qualitez
qui forment les vrais Héros . Enfin ,
dit Dom du Pleffis , le Ciel nous a donné
un Prince heritier de leur Domaine , &
qui non feulement a fçu réunir en lui toutes
leurs vertus , mais qui les furpaſſe encore
autant par les fiennes propres , que
par
1560 MERCURE DE FRANCE.
par l'Augufte Sang qui coule dans fes
veines .
Après l'Epître dédicatoire , on voit une
Préface que l'on pourroit regarder comme
une Differtation compofée , pour détruire
la prévention qui regne encore dans
un certain nombre de Lecteurs , contre les
Hiftoires particulieres, & où l'Auteur démontre
, pour ainfi dire , l'utilité de ces
fortes d'Ouvrages . Car l'Hiftoire tant generale
que particuliere a pour but effentiel
d'inftruires on peut lui donner encore
pour objet celui de plaire & d'amufer; or
dans tous ces trois points , on ne peut nier,
dit notre Auteur , que l'Hiftoire particuliere
ne l'emporte de beaucoup fur la generale
. Celle - cy ne renferme pas tous les
faits ; on peut dire même à cet égard que
ce n'eft qu'un choix & un triage de ce
qui a paru à l'Hiftorien de plus beau & de
plus éclatant... Une Hiftoire generale eft
à la bien définir , un veritable abregé de
toutes les Hiftoires ; il femble , continuë- til
, qu'on ne peut mieux la comparer qu'à
une Mappemonde , qui négligeant le détail
des Cartes particulieres , ne nous reprefente
l'Univers qu'en racourci . Les
Hiftoires particulieres font au contraire
univerfelles en leur efpece ; rien n'y échape
à la diligence de l'Auteur ; le moindre
détail , la moindre circonftance ; tout lui
est
JUILLET. 1728. 1561
eft précieux. Je paffe , Monfieur , quantité
d'autres réfléxions de l'Hiftorien ,
qui tendent toutes à prouver la préférence
que l'on doit aux Hiftoires párticulieres
, fur les generales .
Trois Auteurs differens avoient deja
tenté de donner l'Hiftoire de Coucy ; je
dis , Monfieur , qu'ils n'avoient que tenté
, car notre Auteur affûre que ce fujet
n'avoit pas encore été bien traité. Lallouette
, Duchefne , & Jovet y avoient
travaillé avant Dom D. P. Le premier y
a fait entrer les trois quarts de fon Traité
des Nobles , imprimé à Paris en 1577.
Le fecond en a fait un Traité exprès imprimé
auffi à Paris en 1631. conjointement
avec l'Hiftoire Génealogique des
Maifons d'Ardres , de Guifnes , & de
Gand , en un vol. in fol . Enfin le dernier
s'eft mis fur les rangs en 1682 , & fon
Hiftoire qui fut imprimée à Laon en un
petit volume in 16 , n'eft qu'un Abregé
fort fuccint des deux premiers Ecrivains.
Dom du Pleffis vient à la fuite de ces
trois Auteurs. Il a divifé fon Ouvrage en
trois Parties. La premiere eft le corps même
de l'Hiftoire , qui n'eft diftinguée , ni
par Livres , ni par Chapitres , à caufe de
fon peu d'étendue. Il s'eft contenté de
marquer les années en marge , & il a
ajoûté
1562 MERCURE DE FRANCE.
ajouté au haut de la page les noms des
Seigneurs de Coucy qui ont rapport à ces
années.
Dans la feconde Partie qui comprend des
Differtations ou des Notes étendues fur divers
endroits de l'Hiftoire même , qui demandoient
quelque difcuffion , mais qui
auroient peut- être déplû à une partie des
Lecteurs,fi on en avoit chargé le Texte ,
on y trouve quantité d'Obſervations cu
rieufes fur divers points de Géographie , de
Chronologie , d'Antiquitez , de Genealogies
même des Familles Etrangeres . Du
chefne, Lallouette , & Jovet y font corrigez
en quantité d'endroits , & l'Auteur a
pouffé la Critique fur un affez grand nom
bre d'autres Auteurs.
La troifiéme Partie eft un Recueil d'Actes
& de Piéces authentiques tirées de diverfes
Archives. Je vais , Monfieur , entrer
dans le détail de ces trois Parties .
Coucy en Latin , Codiciacus , ou Codieiacum
, & par contraction , Cociacus
ou Cociacum , eft un nom commun à une
Ville , & à un Village , diſtants l'an de
l'autre d'un quart de lieuë , dans le Diocèfe
de Laon , fur les Frontieres de celui de
Soiffons , & à trois petites lieuës de celui
de Noyon. L'un & l'autre eft en Picasdie
& faifoit autrefois partie de ce qu'on appelloit
la Comté de Vermandois , quoiqu'ils
JUILLET. 1728. 1563.
qu'ils foient aujourd'hui renfermez dans
le Gouvernement General de l'Ile de
France . Le Village, qui paroît être plus ancien
que la Ville , porte le nom de Coucy
- la -Ville ; & la Ville , celui de Coucy
fimplement , ou de Coucy le Château .
L'Auteur fait la defcription de cette Ville,
dont la fituation paroît des plus agréables
. C'eſt au Château de Coucy qu'eft
bâtie cette fameufe Tour , qui n'a point,
dit-on , d'égale , ni pour fa hauteur , qui
eft de cent foixante & douze pieds , ni
pour fa circonference , qui en a trois cent
cinq. Cette Tour eft fans communication
avec le Château , & on n'y entroit
que par un Pont - Levis . Pour la garantir
contre toute attaque , on avoit élevé tout
autour une forte muraille de dix - huit
pieds d'épaiffeur , & de pierre dure . C'eft
ce qu'on appelloit la Chemise dela Tours
mais le Cardinal Mazarin la fit fauter
après le Siege de l'an 1652. Tous les Ingénieurs,
ajoûte Dom du P. conviennent
qu'avant l'ufagé de la Poudre cette Tour
étoit abfolument imprenable . On tire des
Fauxbourgs de cette Ville les meilleurs
Artichaux , & les meilleures Afperges qui
mangent fe peut- être en France.
La Terre de Coucy eft connue dès le Re
gne de Clovis I. Après le Baptême de ce
Prince , c'est-à- dire , dès le commencement
1564 MERCURE DE FRANCE
>
ment du fixiéme Siècle , les habitans de
Coucy chargez de taxes & de fubfides
eurent récours à S. Remi , & le prierent
de demander au Roi , pour lui & pour
fon Eglife , le tranfport de tous les droits
qu'ils étoient obligez de payer au Domaine.
Ils efperoient par ce moyen de
voir diminuer leurs , contributions , ce
que l'Evêque obtint du Roi , avec le con .
fentement des Principaux Seigneurs de la
Nation. Ainsi , voilà l'Eglife de Reims
en poffeffion de la Terre de Coucy . Au
commencement du dixiéme fiécle, Hervé,
Archevêque de Reims , fit bâtir une Fortereffe
à Coucy. Cette fortereffe fut conftruite
fur une Montagne voifine , au midi
du Village , & elle paroît avoir donné
naiffance à la Ville.
Après la mort de Séulfe , Succeffeur
d'Hervé , qui arriva en 925. Herbert II .
Comte de Vermandois , obtint du Roi
Raoul , & du Pape Jean X. l'Archevêché
de Reims pour un de fes fils , nommé
Hugues , âgé feulement de cinq ans ; &
comme le bas- âge de ce Prince ne lui
permettoit pas de prendre foin par luimême
du fpirituel & du temporel de fon
Eglife , le Comte fon pere , eut l'adminiſtration
de tous fes revenus , & le Château
de Coucy tomba ainfi entre fes
mains l'an 930. Elle appartenoit encore
au
JUILLET. 1728. 1565
au Comte Herbert qui en donna la garde
à un nommé Anfeau , vaffal de Bofon
frere du Roi Raoul , en récompenſe du
Château de Vitry en Pertois , que cer
Anfeau avoit remis entre les mains .
Quelque- tems après , c'est-à- dire
en 943. Herbert étant mort , & le Roi
Louis d'Outremer ayant emmené à Laon
le jeune Richard , Duc de Normandie ,
Olmond , Gouverneur de ce Prince
trouva moyen de le tirer de cette priſon ,
en le cachant dans une botte de foin , &
l'emporta jufqu'au Château de Coucy ,
qui venoit de paffer en la puiffance de
Bernard, Comte de Senlis , Oncle Maternel
du jeune prifonnier , & Coufin iffu
de germain de l'Archevêque Hugues .
Ainfi l'Eglife de Reims fe voyoit infenfiblement
dépouiller de cette partie de fon
Domaine ; & quelques efforts qu'elle ait
fait depuis pour y rentrer , elle s'eft vuë
à la fin contrainte de fuccomber , & de
renoncer à un bien qu'elle avoit poffedé
jufques-là à fi jufte titre.
On ne fçait point fi Bernard fut maître
de Coucy jufqu'à la mort : quoiqu'il en
foit , Hugues le Grand , Comte de Paris ,
& Thibaud , Comte de Tours & de Chartres,
y partagerent enſemble leur autorité ;
mais Louis d'Outremer ayant affiegé
Reims , & s'en étant rendu le maître en
D 949 .
1566 MERCURE DE FRANCE.
949. Il contraignit Hugues & Thibaud
de remettre le Château de Coucy entre
les mains d'Artaud , pour lors Archevêque
de Reims . Ainfi , Monfieur , voilà
P'Eglife de Reims rentrée en poffeffion
d'un bien qui lui avoit été ufurpé . Cette
poffeffion ne fut pas long - tems tranquille ,
car Thibaud la reprit l'année fuivante.
Huit ans après , c'eft à dire , vers l'an
958 , certains vaffaux de l'Archevêque
Artaud entrerent par furprife dans la Ville
de Coucy , mais elle retomba encore entre
les mains de Thibaud , fans qu'on
fçache de quelle maniere il en vint à bout .
L'obftination de ce Prince à vouloir fe
maintenir dans un bien qui ne lui appartenoit
pas , anima contre lui le zele d'Odolric,
Archevêque de Reims , Succeffeur
d'Artaud. Thibaud fut excommunié en
964 , & la crainte des foudres de l'Eglife
, dir l'Hiftorien , lui fit faire l'année
fuivante ce que toute la puiffance des
hommes n'avoit point encore pû gagner
fur lui. Il rendit à l'Archevêque la Ville
& le Château de Coucy . Mais l'Archevêque
le rendit à Eudes fon fils ; ainfi le
Domaine de Coucy fut perdu pour l'Eglife
de Reims , à qui il ne refta plus pour
les fiécles à venir que le fouvenir de fon
ancienne poffeffion , & un fimple furcens
de foixante fols par an qu'elle fe réíerva.
JUILLET. 1728. 1567
Eudes , fils du Comte Thibaud , ne
laiffa pas à fes Defcendans la Seigneurie
de Coucy . Divers Chevaliers l'ont tenuë
après lui , jufques fur la fin du Regne de
Henry I. mais on ne fçait pas de quelle
Maiſon ils étoient , & leurs noms ne font
pas même venus jufqu'à notre connoiffance.
On trouve un Alberic, Seigneur de
Coucy , en 1059 , & cet Alberic eft la
tige de la premiere race des Seigneurs de
cette Ville , fur lesquelles Dom du P. fait
rouler principalement la fuite de fon Hiſtoire.
Alberic eft connu par une Charte
de l'an 1059 , par laquelle il paroît que
fon deffein étoit de fonder un Monaftere
à Nogent, au bas de la Montagne de Coucy
, ce qui s'executa dans la fuite ; car
le Monaftere qui porte aujourd'hui le
nom d'Abbaye de N. D. de Nogent fous
Coucy , fut bâti à un quart de lieuë , &
au midi de la Ville , fur la rive droite de
la petite riviere d'Ailette , & dans un
fond , où l'on découvrit une quantité
prodigieufe de cercueils remplis d'offemens
, & difpofez de maniere , qu'un de
ces cercueils faifoit le centre de plufieurs
autres qui fe trouvoient rangez autour
en forme de cercle , fans que l'on pût
diftinguer à aucune marque certaine , fi
c'étoit un Cimetiere de Chrétiens ou de
Payens .
Dij Albe1568
MERCURE DE FRANCE .
Alberic paroît avoir eu un fils , nommé
com ne lui Alberic , & qui lui fucceda ;
cependant notre Auteur , n'en trouvant
point de marque certaine , le trouve
obligé de paffer legerement fur cet article
, & d'établit Enguerrand pour Succeffeur
d'Alberic , dont il paroît avoir été
petit- fils . Son pere s'appelloit Dreux de
Boves ou de Coucy. Les Hiftoriens lui
donnent également ces deux noms . Dreux
eut de fa femme , dont on ignore le
nom , quatre enfans. Enguerran 1, Robert,
Anfeau & Mathilde . Enguerrand fut l'aîné
de tous . Sa memoire eft devenue célebre
dans l'Hiftoire. Enguerrand prit
alliance dans la Maifon de Roucy , avec
Ade , fille de Letard de Roucy , heritiere
de Marle , ce qui éleva fa Maifon jufqu'à
l'honneur de toucher de fort près à celle
de Baudouin du Bourg , Roi de Jerufalem
. Il eut de ce Mariage un fils , nommé
Thomas , & qui lui fucceda après fa
mort , qui arriva vers l'an 1116. Il paroit
être le premier de fa Maifon qui ait
pris dans fes titres celui de Seigneur de
Coucy, par la grace de Dieu , en quoi fes
Succeffeurs l'ont quelquefois imité . Il
mourut vers l'an 1 1 30. Il laiffa de ſa
premiere
femme , dont on ne nous apprend
point le nom , trois enfans , deux fils &
ane fille les deux fils furent Enguerrand
JUILLET. 1728. 1569
rand II. nommé communément Enguerrand
de la Fere , Seigneur de Coucy ,
de Marle , & c . & Robert , Seigneur de
Boves . La fille nommée Melifende , époufa
Hugues , Seigneur de Gournay , au
Païs de Caux .
Enguerrand II. fe maria avec Agnès ou
Ade , fille de Raoul de Beaugency , propre
niéce de Raoul , Comte de Vermandois
, & fille de Mahaud , coufine germaine
du Roi ; enforte que par ce Mariage
la Maifon de Coucy devint alliée
à la Maifon Royale. Enguerrand ne laiffa
que deux fils , Raoul I. & Enguerrand.
Raoul fucceda à fon pere. Il époufa en
premiere nôces Agnès , feconde fille de
Baudouin le Batiffeur , Comte de Hainaut
, dont il eut trois filles. Yoland , qui
époufa en 1184. Robert II . Comte de
Dreux , petit-fils du Roi Louis le Gros
qui eft enterrée dans l'Abbaye de Braine ,
auprès de fon mari. Ifabeau , femine premierement
de Raoul, Comte de Rocy , fecondement
de Henry , Comte de Grand-
Pré, & Ade , femme de Thierry , Seigneur
de Beures en Flandres .
Raoul prit une feconde femme nommée
Alix , propre foeur du Comte de
Dreux fon Gendre ; & par cette nouvelle
alliance , il eut l'honneur de devenir gendre
lui -même d'un Fils de France , & cou-
D iij
fin
1570 MERCURE DE FRANCE.
fin germain par fa femme du Roi Philippe
Augufte. Les enfans qu'il eut de ce
fecond Lit , furent Enguerrand III . Thọ-
mas , Raoul , Robert , & Agnès.
Avant que de partir pour la Terre-
Sainte il partagea les Terres entre fes enfans
du fecond lit , ou plutôt il inſtitua
fon principal heritier Enguerrand III.
Celui ci merita le furnom de Grand , qui
lui fut donné , foit par les grandes alliances
qu'il fit , foit par le grand rôle qu'il
> joua fur le Théatre du monde , foit enfin
par les grandes qualitez qui brilloient en
fui , quoi qu'un peu obfcurcies quelquefois
par de grands défauts. Un de fes principaux
foins fut de faire obſerver la juſtice
dans toutes les Terres de fon Domaine.
Coucy faifoit anciennement partie de la
Comté de Vermandois , & fe gouvernoit
felon les Loix & les Coûtumes de ce
Pays.
Enguerrand qui affecta l'indépendance
plus qu'aucun Seigneur de fon tems , &.
qui s'étoit fait une petite Souveraineté
fit quelques changemens à ces ufages , ou
revêtit de fon autorité ceux qui s'étoient
introduits infenfiblement fous fes Prédeceffeurs.
C'eft ce qu'on appelle aujourd'hui
la Coûtume de Coucy , qui depuis
Enguerrand a tenu lieu de Loi dans la
Ville & dans une partie de fon reffort , &
qui
JUILLET. 1728. 1571
qui a enfin été autorifée par le Roi , depuis
la réduction qui en fut faite fous fes ordres
en 1556. Enguerrand fut marié avec
Euftache , foeur & heritiere de Raoul
& de Jean I. Comtes de Roucy. Il prit en
vertu de cette alliance letitre de Comte
de Roucy . Euſtache & Enguerrand fe
féparerent ; celui - ci époufa en fecondes
nôces Mahaud , fille de Henry Duc de
Saxe , foeur de l'Empereur Othon IV.
petite-fille de Henry II . Roi d'Angleterre
, & d'Eléonor de Guienne , Reine
de France , niéce de Richard 1. auffi Roi
d'Angleterre , & veuve de Géofroi III .
Comte de Perche .
Cette alliance bien plus illuftre que la
précédente , ne contribua pas peu à rehauffer
l'éclat de fa maifon. Il prit auffitôt
le nom de Comte du Perche , dont fa
femme confervoit le titre ; mais elle mourut
vers l'an 1210. fans pofterité. Versce
même tems la Croifade contre les Albigeois
fe publioit par toute la France , &
une infinité de Seigneurs prenoient les
armes pour foûtenir la querelle de l'Eglife
contre lesHérétiques . Enguerrand fe croi .
fa en 1209. & alla joindre l'année fuivante
l'armée du Comte de Montfort ,
qui avec ce fecours fe rendit maître de la
Fortereffe de Cabaret.
Une ancienne Chronique remarque
D iiij qu'en
1572 MERCURE DE FRANCE .
qu'en cette occafion Dieu vengea Enguerrand
de ceux qui l'avoient trahi.
Le merite & la profperité ne font prefque
jamais à couvert de l'envie. Enguerrang
étoit dans le cas , & il n'eft pas furprenant
qu'il ait eu des ennemis . Peutêtre
que ceux- cy l'engagerent à la Croifade
, dans le deffein de lui tendre des embuches,
& de l'y faire périr.Peut-être auffi
ne penferent- ils à fe défaire de lui qu'après
qu'il eut joint l'armée du Comte de
Montfort. Quoiqu'il en foit l'Auteur de
la Chronique femble infinuer qu'Enguer
rand fur affez heureux pour éviter le dan⚫
ger , & que ceux qui avoient conjuré fa
perte eurent au moins la honte de n'avoir
pû y réüffir . On voyoit encore il y a quelques
années à Coucy une grande Pierre
taillée en relief, qui pourroit bien, au fentiment
du nouvel Hiftorien , avoir été un
fymbole de cette confpiration , pour apprendre
aux fiécles futurs , que la rage &
les efforts des ennemis d'Enguerrand ne
purent rien contre lui . Cette pierre qui
fervoit comme de Fronton à la porte par
où l'on entroit dans la groffe Tour, reprefentoit
un Lion , ou un animal à peu près
femblable , qui fe jette fur un jeune Sei
gneur , prêt à le mettre en pieces , pen
dant que celui - ci le tient tellement à couvert
de fon épée & de fon Bouclier , que
cet
JUILLET. 1728. 1573
cet animal furieux -ne trouve aucune priſe
fur lui. On a interpreté ce combat d'une
autre maniere; mais notre Auteur a expliqué
dans fes Notes les raifons qui l'empêchent
de fe rendre à l'interprétation commune.
Pour éviter icy une longue digreffion
, je me réſerve à vous parler de cette
pierre à la fin de ma Lettre , & dans l'or .
dre obfervé par le Pere du Pleffis ; c'eft - àdire
, en vous parlant de fes Notes fur
l'Hiftoire de Coucy .
Enguerrand ne fut pas plutôt de retour
de la Guerre contre les Albigeois , que le
Roy voulut lui-même lui donner une
troifiéme femme. Il jetta les yeux fur
Jeanne, fille aînée de Baudouin fon beaufrere
, Comte de Flandres & Empereur de
Conftantinople ; mais ce projet n'eut
point de fuite. Enguerrand époufa Marie ,
fille de Jean , Seigneur de Montmirel en
Brie.Il en eut plufieurs enfans . Quelquesuns
moururent fort jeunes , & furent enterrez
dans l'Abbaye de Prémontré.Raoul
II. & Enguerrand IV.lui fuccederen : l'un
après l'autre . Raoul II . fils aîné d'Enguerrand
III.& Seigneur de Coucy après
fon pere , ne tient fa place dans l'Hiftoire
, que par la feule action qui termina
glorieufement fa vie , lorfque S. Louis
fit le voyage d'Outre - mer. Raoul fe croifa
avec lui , & fe trouva l'an 1250. à la
D v bataille
1574 MERCURE DE FRANCE .
bataille de la Maffoure où il fut tué l
avoit épousé Philippote, troifiéme fille de
Simon de Dammartin , Comte de Ponthieu,
& de Montreuil , & veuve de Raoul
d'iffoudun II. Comte d'Eu , & en avoit
eu un fils nommé Enguerrand , qui mourut
jeune avant fon pere ; enforte que la
fucceffion de Coucy paffa à Enguerrand
IV. fon frere puilné.
Enguerrand IV.fut marié avec Marguerite
, fille d'Othon III.Comte de Gueldres
& de Marguerite de Cléves, dont il n'eut
point d'enfans. Après la mort de cette
premiere femme , il fe remaria en 1288.
avec Jeanne, fille aînée de Robert de Bethune
, Comte de Flandres , & d'Yoland
de Bourgogne , Comtelle de Nevers ; mais
il n'eut point non plus d'enfans de cellecy
, & tous les biens pafferent à fes neveux.
Il mourut le 20 Mars 13 i 1. &
fut enterré à Long Pont , auprès de Marie
de Montmirel fa mere.
Enguerrand IV. ne laiffant point d'enfans
, tous fes biens devoient paffer à Marie
de Coucy , l'aînée de fes foeurs , ou à
ceux qui la reprefentoient . Cette Dame
avoit époufé en premieres nôces en 1239 .
Alexandre II. Roy d'Ecoffe , & en fecondes
Jean d'Acre,grand Bouteiller de France;
il n'y eut point d'enfans du ſecond lit,
& elle n'eut du premier qu'AlexandreIII.
Roy
JUILLET. 1728. 1575
Roy d'Ecoffe. Celui - cy époufa premierement
Marguerite ,fille de Henry III . Roy
d'Angleterre ; fecondement , Yoland de
Dreux , de laquelle il n'eut point d'enfans.
Sa premiere femme lui en donna trois ,
Alexandre & David , Princes d'Ecoffe
morts fans pofterité , & Marguerite femme
de Haganon , fils de Magnus III . Roy
de Norvegue , laquelle ne mit au monde
qu'une fille , qui mourut jeune ; enforte
que toute la fucceffion de Coucy regarda
Alix , derniere fille d'Anguerrand III .
·
Celle cy avoit époufé Arnoult III .
Comte de Guifnes , & en avoit eu quatre
enfans . Beatrix qui mourut Abbeffe de
Blandek en 1287. Baudouin qui ne laiffa
que des filles . Enguerrand qui continua la
pofterité mafculine de la Maiſon , & qui
fût le chef de la feconde race , ou de la
feconde famille de Coucy. Je paffe fous
filence , Monfieur , Jean , quatrième fils
d'Alix , comme n'étant point de mon
fujet.
Enguerrand , fils d'Arnoult III . herita
donc par fa mere du Domaine de Coucy ,
& c'eft de lui fous le nom d'Enguerrand
V. dont je vais parler Il fut marié avec
une de fes parentes nommée Chrétienne
de Bailleuil , niéce de Jean de Bailleuil ,
qui fucceda depuis au même Alexandre
III. au Royaume d'Ecoffe . Leurs nôces
Dvj furent
1576 MERCURE DE FRANCE .
furent célébrées en Ecoffe avant l'an 1285,
& ils repafferent depuis en France , où EnguerrandV.
eut pour fon partage à la mort
d'Enguerrand IV.les Seigneuries de Coucy
, de Marle , & c. Enguerrand V. retint
toute fa vie le nom & les armes de Guifnes
; mais fa pofterité reprit celui de Coucy
qu'elle a gardé jufqu'à la derniere héritiere
de cette Maiſon . Il eut cinq enfans
de Chrétienne de Bailleuil fa femme.
Baudouin & un autre , dont on ne sçait
pas le nom , moururent jeunes . Guillaume ,
Seigneur de Coucy , continua la ligne aînée
; Enguerrand , Seigneur de Condé en
Brie , devint Vicomte de Meaux , & c.Enfin
Robert fut Chantre de l'Eglife de
Cambray .
Guillaume époufa dès l'an 131 1. Ifa
beau , fille de Guy III. de Châtillon ,
Comte de S. Paul , Grand- Bouteiller de
France , & , en faveur de ce mariage, Enguerrand
fon pere le mit en poffeffion de
la Baronnie de Coucy dont il prit le ti
tre , du vivant même de fon pere. Guillaume
laiffa fix enfans qui partagerent
la fucceffion . Enguerrand VI. Seigneur
de Coucy , Jean , Raoul , Aubert, Marie
& Ifabeau . Enguerrand VI . eut après la
mort de fon pere les Seigneuries de Cou
cy , Marle , &c. Le Roy Philippe de Valois
le maria en 1338. avec Catherine
d'Autri
JUILLET. 1728. 1577
d'Autriche , fille de Léopold , & de Catherine
de Savoye. Il mourut vers l'an
1347. & ne laiffa qu'un fils nommé Enguerrand
VII . fon feul & unique heritier,
fous la tutelle de fa mere .
Celui- cy eft le dernier Seigneur de fa
Maiſon qui ait poffedé la Terre de Coucy
; c'eft à lui proprement que fe termine
l'hiftoire des Seigneurs de cette Ville.
Enguerrand épouſa Iſabelle , feconde fille
d'Edouard III . Roy d'Angleterre . Ce der
nier eut de grands démêlez avec le Roy
de France ; & comme Enguerrand étoit
fujet , allié & vaffal de ce Prince , il regardoit
comme un crime de porter les
armes contre lui Gendre & vaffal d'un
autre côté du Roy d'Angleterre , il lui paroiffoit
indigne de fon Sang de fe déclarer
contre lui ; il jugea donc plus à propos de
demeurer neutre ; mais comme il fe preſentoit
ailleurs de la gloire à acquerir , il
prit congé du Roy & porta fes armes du
côté de l'Italie , dans une Croiſade que
firent Urbain V. & Gregoire XI . contre
les Visconti.
Enguerrand fut d'un grand fecours à
ces deux Papes. Il revint enfuite en France
, où il trouva le Roy , qui avoit encore
de forts démêlez avec l'Angleterre . Enguerrand
embraffa alors le parti du Roy
de France, à qui il jura une entiere fidelité.
1578 MERCURE DE FRANCE.
lité. Les preuves qu'il lui en donna , dit
notre Hiftorien , ne furent point équivoques.
Il renvoia en Angleterre la Princeffe
ifabeau fa femme , & ne garda auprès de
lui que Marie , ſa fille aînée.
Le Roi de Navarre ne donnant pas
moins d'inquiétude à la France , que les
Anglois , Charles V. envoya Enguerrand.
en 1378. avec le fieur de la Riviere , en
Normandie , pour réduire toutes les Pla
ces de cette Province qui obëïffoient aux
Navarrois. Enguerrand affiegea d'abord
la Ville de Bayeux , qui fe rendit. Il s'empara
enfuite de Carentan , de Molineaux ,
de Conches , de Paffy , & generalement
de toutes les Places qu'il attaqua. Evreux
& Cherbourg tenoient encore , & il n'étoit
pas ailé d'en venir à bout .Enguerrand
ferra néanmoins la premiere de fi près ,
qu'elle ouvrit enfin fes Portes , & elle fut
reçûë à compofition . Cette Campagne fut
très glorieule pour le Seigneur de Coucy .
Ce fut , felon toutes les apparences , peu
de temps après fon retour qu'il inftitua un
Ordre de Chevalerie , nommé de la Couronne,
dont il eft fait mention dans l'Acte
de la fondation des Celeftins de Soiffons .
Le premier Sceau d'Enguerrand où l'on
trouve des Couronnes , par rapport à cet
Ordre , eft de l'an 1379. Il y avoit des
Dames & Demoiselles de l'Ordre. Enguerrand
JUILLET. 1728. 1579
guerrand prit une feconde alliance avec
Ifabeau , fille de Jean I. Duc de Lorraine
& de Sophie de Wirtemberg. Il eut de ce
mariage une fille unique nommée Iſabeau,
comme la mere , qui époufa à Soiffons
en 1409. Philippe Comte de Nevers ,
fils puifné de Philippe le Hardy , Duc
de Bourgogne. Enfin Enguerrand ayant
pris les armes en 1396. pour aller combattre
contre les Turcs , il fut fait priſonnier
à la bataille de Nicopoli , & il mourut
l'année fuivante. Avant que de mourir
il avoit ordonné par fon teftament que
fon corps feroit apporté en France pour
être inhumé dans le Monaftere des Celeftins
, qu'il avoit fondé en 1390. près de
Soiffons , cependant on n'y tranfporta que
fon coeur.
La Comteffe de Soiffons, fa femme, contracta
une feconde alliance avec Etienne
de Baviere , pere de la Reine Ifabeau ,
époufe de Charles VI . Marie , l'ainée des
filles d'Enguerrand avoit époufé en 1383.
Henry de Bar , fils ainé de Robert Duc de
Bar , & de Marie , foeur du Roi Charles V.
Elle ſe porta d'abord pour heritiere de
tous les biens d'Enguerrand & s'en mit
en poffeffion. Mais lfabeau fa cadette demanda
partage & lui intenta un procès.
Louis Duc d'Orleans ne négligea rien
pour l'engager à lui vendre la Baronie de
Coucy.
1580 MERCURE DE FRANCE ,
Coucy. Marie s'en deffendit long - temps
mais à force de pourfuites le Duc obtin
ce qu'il demandoit. La Baronie de Couc
lui fut vendue en partie pour le prix d
quatre cens mille livres , par contract paí
fé le 15 Novembre 1400. fomme alor
très- confiderable. Le procès qu'Ifabeat
avoit intenté à ſa foeur duroit toûjours
& il fut continué de la part du Duc &
par Robert de Bar , fils de Marie de Cou--
cy. L'Arrêt qui intervint fur ce fujet eff
du 11. Août 1408. Il adjugea à Ifabeau
la moitié de Coucy . Cette moitié ne confiftoit
qu'en deux cens mille livres qui
reftoient à payer de la vente , & que le
Duc d'Orleans , qui demeura feul & unit
que poffeffeur de ce Domaine , fut condamné
à remettre , non entre les mains
de Robert de Bar , mais en celles d'Ifabeau.
Cependant Ifabeau mourut trois ans
après & ne laiffa qu'une fille , nommée
Marguerite de Nevers , laquelle mourut
fix mois après la mere ; enforte que la
fucceffion d'Enguerrand , c'eſt - à- dire , la
portion que le Duc d'Orleans n'avoit
point achetée , revint toute entiere à Robert
de Bar.
Elle paffa de lui dans la Maiſon de Luxembourg
& enfuite dans celle de Bour
bon , & fut enfin réunie au Domaine de
la Couronne korfque Henry IV. monta
fur
JUILLET. 1728. 1581
fur le Trône. AinG tous les biens de la
Maiſon de Coucy retournerent au Roy
à deux diverfes reprifes , premierement
lorfque le Duc d'Orleans fucceda à Charles
VIII. fous le nom de Louis XII. (econdement
, lorfque Henry IV. fucceda
à Henry III . Depuis cette époque la terre
de Coucy n'a plus été démembrée de la
Couronne , elle a feulement fait quelquefois
partie des apanages de nos Princes.
C'eft fous ce titre qu'elle a appartenu autrefois
à Claude de France , fille de Loüis
XII. Enfuite à François de Valois , fils de
Charles , Batard de Charles IX. Enfin à
Philippe de France , Duc d'Orleans , frere
unique de Louis XIV . dont le petit- fils
Louis d'Orleans I. du nom Duc d'Orleans
, Premier Prince du Sang , eft aujourd'hui
en poffeffion .
Voilà , Monfieur , ce que j'ai crû devoir
vous dire de l'Hiftoire de Coucy. Il me
refte à vous rendre compte des Notes &
des Pieces juftificatives qui l'accompagnent
, lefquelles ont leur curiofité. Ce
qui fera la matiere d'une feconde Lettre
qui fuivra de près celle - cy. Je fuis ,
Monfieur , &c.
麵
ELEGIE .
1582 MERCURE DE FRANCE .
រ
ELEGI E.
Qus , chez qui l'interêt & l'orgueil tourà-
tour ,
Pour féduire les coeurs , prennent le nom d'amour
,
Fuyez ; affez long - temps votre indigne artifice
A furpris de mes voeux le tendre facrifice ;
Ne venez plus offrir vos coupables Beautez.
A vos yeux contre vous juſtement révoltez .
Un objet plus aimable & plus digne d'eſtime ,
S'attire de mon coeur l'hommage légitime,
Et ce choix glorieux qu'approuve ma raiſon .
Me venge hautement de votre trahifon .
A toute heure , en tous lieux , prefente à ma
memoire ,
Eriphile , fur vous remporte la victoire ,
Eriphile , des Dieux l'ouvrage le plus beau ,
Et que je veux aimer au - delà du tombeau ;
Si j'ai pû foupirer pour d'autres que pour elle ,
De mes égaremens fa vertu me rappelle;
Tel
JUILLET. 1728. 1583.
Tel on vit autrefois pour la Nymphe Eucharis
, (4 )
D'une imprudente ardeur le fils d'Ulyffe épris;
Mais Mentor , ou plutôt la Sageffe elle- même ,
Sçut enfin le fouftraire à fon erreur extrême.
par d'autres yeux le bleffa de fes L'Amour
Traits.
Brillant par fes vertus plus que par fes attraits,
Antiope ( 6) lui plut , fans prétendre lui plaire.
Douceur , bonté , fageffe , efprit , art de ſe
taire ,
Modeftie , enjoûment , prudence , activité ,
Tout en elle augmentoit l'éclat de ſa beauté.
Vous êtes à tel point femblables l'une
l'autre ,
Qu'en traçant fon portrait , j'ai fait auffi le
vôtre ,
Jeune Eriphile. Au moins , fi par un fort plus
doux ,
Vous trouviez tout en moi , comme moi toat
en vous !
(a) (b) Voyez les Avantures de Telemaque ,
fils d'Uliffe , par M. l'Archevêque Duc de Cambray
, 1.7 Tom. 1. & Liv 22. 23. Tom. 1. de
l'Edition de 1720. à Paris , chez Jacques
Etienne.
Mais
1584 MERCURE DE FRANCE
Mais que dis - je ? Pourquoi fouhaiter l'impoffible
?
Pour tout mérite , helas ! je n'ai qu'un coeur
fenfible.
Heureux , cent fois heureux , s'il peut vous
contenter !
De ce charmant efpoir laiffez- moi me flater.
Que doit- on en amour chercher , que l'Amour
même ?
Et qui peut vous aimer autant que je vous
aime ?
Non , Je ne puis comprendre , encor moins
exprimer ,
Le beau feu dont pour vous je me fens confumer.
Quand verrai- je pour prix de ma perfeve
rance ,
Le don de votre main combler mon eſperance?
L'Hymen , pour éclairer ce fortuné lien
Au Flambeau de l'Amour allumera le fien .
Dans les Jeux , dans les ris , au gré de notre
envie ,
Nous coulerons enfemble une innocente vie ;
Nous nous entretiendrons , l'un de l'autre enchantez
,
De ces riens amoureux mille fois repetez.
Quel plaifir de vous voir tendrement me foùrire
! .... Daignez
JUILLET. 1728. 1585
Daignez preffer l'Hymen où tout mon coeur
alpire :
Si le ſuccès répood à mes voeux les plus doux,
Je vais de mon bonheur rendre les Dieux
jaloux.
Par M. Cocquard , Avocat au Parlement
de Dijon.
***** : **** : ******
PENSE'E fur le Paradoxe Géométrique ,
inferé dans le premier volume du Mercure
de ce mois , page 1 122 .
I l'on prend la moitié de C. B. A.
Schon prendela de
une progreffion , on aura la
moitié de la fomme de la progreffion
, foit que le nombre
des termes en foit fini ou infini
.
-
-
I
I
I
I
I
5
Si deux progreffions A & B
ont autant de termes l'une que 4
l'autre , & que chaque terme I
de la progreffion A foit plus
grand que le terme correfpondant
de la progeffion B ; c'eft
à -dire,que le premier terme de
la progreffion A , foit plus 7
L
× 12 - ] + ~ [ 6-12-12 -12
I
J --
10 9
I I
6 12 11
I
14 15
grand
1586 MERCURE DE FRANCE .
-
grand que le premier de la
progreffion B , le fecond plus
grand que le fecond , &c. la 1
fomme de la progreffion A fera 9
plus grande que la fomme de
la progreffion B.
-
I
ΤΟ
-
16
I
19
II 22 21
I
12
Suppofons deux progreffions L
A & B dont tous les termes
foient des fractions qui ayent 24 23
pour numerateur l'unité . Dans
la progreffion A , les dénominateurs
font les nombres impairs , pris
de fuite , ainfi le premier terme fera I
divifé par I , le fecond ſera , le 3º terme
, & c. & dans la progreffion B , les
dénominateurs feront les nombres pairs
pris de fuite. Ainfi le premier terme ſera
2, le fecond , le troifiéme ž , & c .
Si les deux progreffions ont un même
nombre de termes , foit finis , foit infinis
, la fomme de la progreffion A , fera
plus grande que la fomme de la progreſ-
Lion B.
Dimonftration.
Le premier terme de la progreffion A,
eft plus grand que le premier terme de la
progreffion B , le fecond plus grand que
le fecond , &c. donc la fomme de la
progreffion A , plus grande que la ſomme
de la progreffion B,
JUILLET. 1728. 1587
Suppofons une progreffion C , compofée
de fractions , qui ayent toutes pour
numerateur l'unité , & pour dénominateurs
les nombres naturels , pris de fuitę
1 , 2 , 3 , 4 , 5 , &c. Ainfi les termes
feront :
Si l'on prend une progreffion B , compofée
de fractions qui ayent toutes pour
numérateurs l'unité , & pour dénominateurs
les nombres pairs , pris de fuite 2 ,
4, 6 , 8 , &c. enforte que les termes
foient ,,,, & c .
Si les deux progreffions ont autant de
termes l'une que l'autre , la fomme de la
feconde fera la moitié de la fomme de la
premiere .
Démonftration.
Le premier terme de la feconde progreffion
, eft la moitié du premier terme
de la premiere progreffion ; le fecond la
moitié du ſecond , &c . Donc la fomme
de la feconde progreffion , moitié de la
fomme de la premiere progreffion .
Remarquez bien que pour la verité de
la propoſition , la feconde progreffion
B , doit avoir autant de termes que la
premiere C ; & par confequent que dans
la premiere progreffion C , le nombre des
termes qui ont des nombres pairs pour
dénominateurs
, n'eft que la moitié du
nombre
1588 MERCURE DÉ FRANCE.
nombre des termes qui compofe la feconde
B , puifqu'il n'eft que la moitié du
nombre des termes qui compofent la premiere
C, s'y trouvant autant de fractions
qui ont un dénominateur impair qu'il s'y
en trouve qui ont un dénominateur pair.
Ainfi fi la premiere progrellion C fe
partage en deux progreffions A & B , dont
A renferme les dénominateurs impairs ,&
B , les dénominateurs pairs ; les fommes
de ces deux progreffions A , B , ne feront
pas égales , mais la fomme de A fera
plus grande.
*
LETTRE de M. de Fontenelle , Secretaire
Perpetuel de l'Académie Royale
des Sciences , an P. Caftel , Jefuite ,
fur le Paradoxe Geometrique , inferé
dans le Mercure de Juin . 1. vol. Ecrite
de Paris le 11. Juillet 1728 .
MoxON REVEREND PERE ,
Je lûs hier dans le Mercure de Juin
votre Paradoxe , qui effectivement en eft
un des meilleurs , & comme vous dites
qu'il faut être Géometre infinitaire pour
le réfoudre , je crûs que j'y pourrois
mordre , parce que les idées de l'infini ,
dont
1
JUILLET. 1728. 1589
dont j'ai prétendu me foulager par l'im
preffion de mon Livre , me font pourtant
encore affez familieres.Et , en effet, je trouvai
dans le moment la folution que voicy,
qui me paroît , à priori , comme vous le
fouhaitez .
J'ay dit dans les Elemens de la Géometrie
de l'Infini , page 24. que a étant
le premier terme d'une Progreffion
Arithmétique , m fa difference , & n le
nombre de fes termes , fa fomme eft
2a + nn [ X 2
2
Si je veux prendre par cette formule
la fomme de la fuite infinie des
Pairs de la fuite naturelle où a≈2 ,
m2, n , & la fomme de la fuite
infinie des impairs , où a1 , & m² & n
les mêmes que dans l'autre , je puis faire
le calcul de deux manieres , toutes deux
légitimes.
1.J'aurai pour les Pairs , 4 + ∞ ×
4. 4
&
pour les impairs , 2x². Les
deux fommes font donc égales , & chacune
eft la moitié de 2 , fomme de la
fuite naturelle infinie .
2
2. Mais je puis dire auffi pour les
pairs, 4x2—120+00 +002 , fans faire
difparoître le premier terme de cette
grandeur complexe , jufqu'à ce que
-
4 4
E je
1590 MERCURE DE FRANCE .
je l'aye comparée à la fomme des impairs
Cette fomme fera 2x + 4
**
Or en ôtant prefentement la fomm
des impairs de celle des pairs , j'aura
40022 , difference de
deux fommes , & difference infinie , mai
qui n'empêche pas leur égalité , parc
qu'elles font d'un ordre fuperieur .
ment ,
En general , toutes les fois qu'on trou
vera d'un côté , que deux grandeurs fon
égales , & de l'autre qu'elles ne le fon
pas , ce qui ne peut venir que de ce qu'or
les aura envifagées ou calculées differem:
il fe trouvera toûjours qu'elles fe
ront infinies d'un certain ordre , & au
ront une difference de l'ordre inferieur
Mes Elemens font pleins de ce Principe ,
& il n'y a qu'à en faire l'application . Vous
êtes le maître de faire de ceci tout ce
qu'il vous plaira je vous laifferois le
même pouvoir fur des chofes beaucoup
plus importantes. Je fuis avec refpect
Mon Reverend Pere , & c,
7
LE
JUILLET. 1728. 1591
********************
LE VERITABLE AMOUR.
E long d'un mur étoient juchez
LE
Deux Pigeons contens & fideles ,
Les yeux l'un fur l'autre att achez
Et n'éployant qu'un peu leurs aîlos.
Un Moineau plein d'activité ,
Ou plutôr plein de pétulance
Traitoit cette tranquillité
D'inquiétude, d'indolence ,
De dégoût , de caducité.
Parle mieux de notre tendreffe ,
Dit la Colombe avec douceur
L'amour est moins pour nous une courte careffe
Qu'un long épanchement du coeur.
kikkakakakakakakakakakaki
DESCRIPTION de la Ligne Meridien.
ne de l'Eglife de S. Sulpice , avec l'explication
de fes ufages . Par M. Sully .
1728.
AVERTISSEMENT.
Ly a plufieurs années que j'ai penſé à
quelque moyen praticable ,& à la portée
de tout le monde , pour connoître avec
E ij juftefe
1592 MERCURE
DE FRANCE .
jufteffe tous les jours de l'année , l'heure
vraie du Soleil , à quoi ſe doivent rapporter
tous les inftrumens dont on fe fert
pour la mefure du temps , & furtout les
Horloges publiques.
C'eſt une chofe auffi incommode que
bizare , que dans une Ville comme Paris ,
l'on foit expofé à une fi grande difcordance
& incertitude fur le vrai temps dujour ,
comme l'on a toujours été jufqu'à prefent.
Il n'a point parû aisé d'y apporter de remede
auffi efficace que Pinconvenient eft
general ; & qui foit tel , que tout le public
en puiffe profiter à la fois..
La frequente vûë de la belle & fpatieuſe
Eglife de S. Sulpice , fituée dans un des
plus beaux quartiers de Patis , me fuggera
un expedient qui me parut d'abord
affez heureux & fuffifant : pour cet effet.
J'imaginai d'y tracer une Meridienne, &
le même jour que cette penfée me vint
dans l'efprit , je la communiquai à M. le
Curé de S. Sulpice , perfuadé qu'elle lui
feroit agréable . La premiere idée d'utilité
publique , ne laiffa pas à une perfonne
qui a tant fait pour elle , le temps d'héfiter.
Dans le même inftant , M de S.Sulpice
goûta ma propofition , en fouhaita
Pexecution , & me fit l'honneur de me
prier d'y donner mes foins. J'acceptai avec
joye cette agréable commiffion , & je
m'en
JUILLET. 1728. 1593
m'en fuis acquitté avec un extrême plaifir
, flatté d'avoir pû contribuer quelque
peu que ce foit à des vüës fi nobles & à
l'embelliffement & à l'éclat d'un ſi magnifique
Edifice .
Je donne icy l'explication & les ufages
de cette Ligne pour la fatisfaction du public
, & pour fervir d'éclairciffement aux
perfonnes curieufes de fçavoir de quoi il
s'agit .
Four que le Lecteur ne trouve plus aucune
difficulté fur le moyen de connoître
le vrai midi , tous les jours qu'on ne voit
pas le Soleil , & pour en avertir tout Paris
à l'inftant de midy , tous les jours de
l'année , il ne faut qu'ajoûter en deux
mots , que par le moyen d'une Pendule
bien reglée , & d'un fignal dont la maniere
eft déja conçue & arrêtée , on par
viendra à l'uniformité dans l'heure par
toute la Ville , & il y a lieu de préfumer
que chacun fe fera un plaifir de s'y conformer.
Notez , que , tous les Cercles de la
Sphere font divifez en 360 degrez , le
dégré en 60 minutes , la minute en 60
fecondes , & la feconde en 60 tierces , & c .
& ces dégrez , minutes , fecondes & tierces
font ainfi marquez , ", " ,
exemple , 230, 31 ' , 15 25
" J!!
, par
En tems , l'année moyenne eft de 365
E iij jours
1594 MERCURE DE FRANCE.
fe- jours , s heures , 49 minutes
condes. Ces parties du temps font ainf
notées , 365 , sh , 49 " , ".
DESCRIPTION de la Ligne Meridienne
de faint Sulpice.
C
Ette Méridienne n'eft à prefent autre
chofe qu'une ligne tracée fur le
pavé , au vrai Nord & Sud, avec les foins
& les attentions qu'éxigent de pareilles
operations , & dont on pourra donner un
plus grand détail , pour la Tatisfaction des
Curieux & des Sçavans.
Les rayons du Soleil paffans par une
ouverture circulaire d'un pouce de diametre
, pratiquée dans une plaque de
laiton , folidement attaché au côté Occidental
de la Fenêtre méridionale de la
croifée, & à la hauteur de 75 pieds, forment
fur le pavé une image ovale d'environ
10 pouces & demie de long & 9 &
de large , au Solstice d'Eté ; laquelle ima
ge augmente en longueur & en largeu
tous les jours jufqu'au Solstice d'Hyver;
& revient en diminuant de la même maniere.
Le Mouvement de l'Image, étant directement
contraire au mouvement journalier
apparent du Soleil, fe fait fur le pavé
d'Occident en Orient , & le vrai midi
1
JUILLET. 1728. 1595
eft, lorfque cette image fe trouve partagée
exactement en deux portions égales , par
la ligne Méridienne .
Par ce moyen l'on peut connoître tresexactement
l'inſtant du Midi vrai , tous
les jours de l'année que le Soleil paroît
à midi ; ce qui en fait le principal ufage .
Il eft cependant neceffaire d'avertir de
quelques particularitez ceux qui veulent
tirer de cette Meridienne toute l'utilité
dont elle eft fufceptible dans l'ufage ordinaire
.
1. Les jours Solaires de midy à midy ,
ne font pas parfaitement d'égale longueur
pendant toute l'année ;de maniere qu'une
Pendale' ou une Montre bien réglée , ne
peut pas s'accorder long temps avec le
mouvement du Soleil . Par exemple , cette
année 1728.une Pendule bien réglée fur
le temps moyen , étant mife jufte au Soleil
au premier Janvier , doit avancer
dans ce mois de 10 ' : s". Au mois de Février
, elle doit avancer de 40 ' , & tarder
d'i ' : 55". En Mars tarder de 8' : 32 ".
En Avril , tarder de 6 ' : 57 ". En May, tarder
$ 3 avancer 1 ' : 16 ″. En Juin avan
cers : 47 En Juillet avancer 2 ': 44 '
tarder o 7. En Aouft , tarder s' : 54 ″.
En Septembre , tarder g' : so ". En Octobre
, tarder , s' : 44". En Novembre ,
avancers : 27". Et en Decembre, avan-
E iiij
"
"
cer
1596 MERCURE DE FRANCE
cer 14 : 22". On peut s'inftruire plus à
fond fur cette matiere dans la Connoiffance
( a ) des temps , imprimé tous les
ans, par ordre de l'Académie Royale des
Sciences ; ou dans un petit Livre , qui a
pour titre : Methode ( b ) pour regler les
Montres & les Pendules , aufquels on renvoye
le Lecteur pour le détail de cet article
, qui eft tres- important pour la jufte
mefure du temps.
2º. L'Equation du mouvement du So
leil étant bien connue avec fes ufages ,
on peut trouver le Midy- vrai par la ligne
Méridienne de trois manieres .
La premiere de ces manieres , qui eft la
plus apparente , & qui paroît la plus naturelle
, eft d'obferver l'inftant que l'image
fe trouve divifée en deux parties éga
les par la ligne Méridienne ; car c'eſt alors
que
le centre du Soleil eft au Méridien ,
& c'est le vrai point de midy. Mais on
ne peut obferver ce point de la divifion
de l'image que par eftime , & à 4 , à s
fecondes près; il fe peut auffi , qu'un nuage
paffant devant le Soleil , vers le temps
que le centre de l'image approche de la
( a ) Chez Mariette , ruë S. Jacques ,
Colonnes d'Hercules .
AHX
(b ) Chez Dupuis , rue S. Jacques , à la Conronne
d'Or.
ligne
JUILLET. 1728. 1597
ligne , en empêche l'obfervation , ou la
rende moins exacte.
On connoîtra donc le point de midy
avec plus de jufteffe , en obfervant l'inf
tant que le bord Oriental de l'Image com
mence à toucher à la ligne, ou bien , l'int
tant que le bord Occidental la quitte ; ce
que l'on peut diftinguer avec plus de précifion
& à moins de deux fecondes près.
L'obſervation eft la plus complette
qu'elle puiffe être ; lorfqu'on void de fuite
, le commencement , le milieu & la fin
du paffage de l'Image par la ligne ; mais
elle eft fuffifamment jufte , lorfqu'on ne
voit diſtinctement qu'une feule des trois .
Le Difque du Soleil employe le tems
de 2 minutes à 2 minutes & demie , à paffer
par le vrai Méridien qu'on imagine
dans le Ciel ; & l'Image employe ce même
temps & 12 fecondes de plus , par une
raifon d'Optique compofée du diametre
de l'ouverture qui tranfmet les rayons du
Soleil au pavé , & l'infléxion d'une partic
de ces rayons , qui touchant les bords de
l'ouverture dans leur paffage fe divergent
& caufent un pénombre qui fe forme
fur les bords de l'Image ; de maniere que
lorfque le Soleil n'employe, par exemple
que 2 : 18" . à paffer par le Méridien celefte
, l'Image employera 2 : 30 '. à paffer
par la ligne , tirée fur le pavé.
E v Le
1598 MERCURE DE FRANCE .
Le Soleil même n'employe pas toujours
le même temps à paffer par le Méridien
celefte , par une autre raifon d'Optique ,
prife de fon plus ou moins d'éloignement
de la terre , en differentes faifons de l'année
; ce qu'il convient d'expliquer plus
diftinctement , afin de faire obferver plus
exactement le Midy- vrai , par l'attouche
ment des bords de l'Image à la ligne Méridienne.
LaTable fuivante priſe de la connoiffance
des temps , fuffira pour cet effet
Table des temps du paffage du Difque
le Méridien de 10 en 10 du Soleil
par
jours , pendant toute l'année.
JUIN. JUILLET.
AOUST.
jours. min. fec. jours . min. fec. jours min fec.
2' :-18" 10 2-12" 19 2';- 17" ΤΟ
20 2 :- 18 20 2 : -16 20 2 :- 18
30 2-18
30 2 : -14 30 2 :1-10
SEPTEMB . OCTOBRE . NOVEMB.
10 2: -9'1 10 1 :-10" 16 2':-17"
20 2 : - 9 20 2-12 20 2-19
10 2 : - 9 30 2-14 30 2 :-21
DECEMBRE. JANVIER . FEVRIER.
10 2
"
22 ΤΟ 2' : 21" 10 2′ : 14"
20 2 : 22 20 2 : 19 20 2 : II
30 2 : 22 30
2 : 16 32 2 : 10
Mars
JUILLET. 1728. 1599 .
MARS. AVRIL. MAY.
10 2 : 10"
20 2 : 9
10 2 : 9' 10
"
2' : 14"
20 2 : 10 20
2 : Is
30 2 : 8 2 : 16 30 2 : 12 30
En ajoûtant par tout 12 " aux temps
marquez dans la Table , on aura le tems
du paffage de l'image du Soleil par la ligne
meridienne , pendant toute l'année.
Le tems du paffage de l'Image connu ,
on aura de même le vrai Midy , par l'attouchement
des bords à la ligne , en ajoûtant
au tems de l'attouchement du bord
Oriental , la moitié du tems du paffage
du Difque du Soleil par le Meridien , plus
6". ou en ôtant du tems de l'attouchement
du bord Occidental la moitié du
tems du paffage du Difque , plus 6".
&
Exemples.
Le 30 , Août , le Difque du Soleil employe
2 : 10 ". à paffer par le Meridien
par l'addition de 12". de plus , l'Image
du Soleil employe en ce jour 2 : 22 "
à paffer par la ligne meridienne : le bord
Oriental de l'Image venant à y toucher ,
il faut encore la moitié de 2 ' : 22 ", qui
eft 1 : 11 ". pour que le centre de l'Image
arrive à la ligne ; (çavoir 1 ' : s" , moitié
du tems du paffage du Difque , plus
1
Evj 6"
1500 MERCURE DE FRANCE .
6", moitié de l'Exés 12 " que l'Image employe
à paffer par la ligne . En ajoûtant
donc 1' 11 ". au tems de l'attouchement
dudit bord , on a le vrai Midy .
› le 2de Exemple. Le 20. Decembre
Difque du Soleil eft 2 ' : 22 " à paffer par
le meridien , plus 12 " , exés du paffage
de l'Image par la ligne ; elle y employe
en ce jour 2 : 34 " , le bord Occidental
quittant la ligne, marque 1 ' : 17 ". après ,
midy .
,
La bande ou Zone élliptique qu'on voit
tracée fur le pavé au commencement de
par
la ligne , eft le chemin décrit P'Ima.
ge du Soleil , le jour du Solftice d'Eté
le 21. Juin 1728.Depuis 11.heures du matin
juſqu'à midy, & 45 ' ,fur laquelle l'Image
a parcourue à raifon d'environ 4. pouces
par minute . L'on y voit cette infcription ,
Solstice d'Eté du 21 Juin 1728. & fur
le milieu eft gravée la figure de l'Image
partagée en deux par la ligne meridienne ,
de la grandeur qu'elle avoit le jour du
Solſtice à midy.
La petite ligne qui traverſe l'Image
& qui coupe à angles droits la meridienhe
, eft le chemin par où a paffé le centre
de l'Image : l'interfection commune de
ces deux lignes , dénote la vraie hauteur
Solftitiale du centre du Soleil , & c'est
proJUILLET.
1728 .
1601
proprement à ce point d'interfection que
commence la ligne meridienne .
Caracteres & chiffres qu'on trouve marquez
fur cette ligne.
Commençant par le point vertical qui
eft marqué en cuivre incrufié dans une
groffe pierre fous l'épaiffeur de la porte
meridionale , & fuivant la ligne jufqu'au
point Solſtitial d'Eté , on verra deux colonnes
de chiffres .
Sur celle de la gauche , & qui eft continuée
enfuite tout le long de la ligne meridienne
, eft marqué , Divifion de la ligne
en milliémes parties de la hauteur
verticale ; & fur la colonne de la droite ,
les degrez & minutes de la diftance du
Zenith au Tropique du Cancer.
Enfuite de la bande Elliptique , où eſt
marqué le figne de Canger ou l'Ecreviffe
l'on trouve fix colonnes de chiffres qui
regnent tout le long de la ligne , dont
trois font d'un côté , & trois de l'autre ,
ayant chacune fon titre qui lui fert d'explication.
>
Du côté Occidental de la ligne , font :
1º . Les Heures & Minutes du lever
du Soleil de 5 en 5 minutes. -؟
s
2º. Le ieu du Soleil
dans
l'Ecliptique
aux fignes
defcendans
; les caracteres
&
noms
de ces fignes
& leurs
degre
3.
1602 MERCURE DE FRANCE .
3. La continuation de la divifion de
la ligne , fous le titre de Tangentes , aux
milliemes parties du rayon , laquelle divifion
fert de baſe à l'emplacement de toutes
les autres parties dont cette ligne fe
trouve ornée.
4º. Du coté Oriental de la ligne , font
marquez les degrez de la déclinaifon du
Soleil , tant Septentrionale que Meridionale
de côté & d'autre de l'Equateur , juſqu'à
l'un & l'autre Tropique.
5°. Le lien du Soleil dans l'Ecliptique.
aux fignes afcendans , les caracteres &
noms de ces fignes , & leurs degrez.
6°. Les Heures & Minutes du coucher
du Soleil de s ens minutes.
Toutes ces infcriptions font placées dans
l'ordre ci- deffus , au commencement de
la ligne , dans l'intervalle qui fe trouve
entre le figne du Cancer & les deux fignes
du Lion & des Gemeaux .
Les colonnes de chiffres qui leur appartiennent
, font chacune liées par une
ligne ponctuée , de chiffre en chiffre
dans toute la longueur du pavé , de côté
& d'autre de la ligne meridienne. Il reſte
encore à remarquer.
7°. Que les lieux des fignes dénotent
l'entrée du Soleil dans chacun de ces fignes.
8°. Qu'on appelle fignes defcendans ;
les
JUILLET. 1728. 1603
les fignes que le Soleil parcourt en defcendant
de la plus grande hauteur , qui ,
à notre égard eft l'entrée de l'Ecreviffe
Solſtice d'Eté , jufqu'à fa moindre hauteur
qui eft , l'entrée du Capricorne , Sotftice
d'Hyver. Les fignes qui portent ce
titre de fignes defcendans font : l'Ecreviffe
, le Lion , la Vierge , la Balance ,
le Scorpion , & le Sagittaire , dont les
degrez font marquez du Sud au Nord
dans l'ordre que l'Image du Soleil les parcourt.
9°. Qu'on appelle fignes afcendans ,
les fignes que le Soleil parcourt , en afcendant
de fa moindre hauteur , au Solftice
d'Hyver , jufqu'à fa plus grande hauteur
au Solſtice d'Eté. Les fignes qui portent
ce titre de fignes afcendans , font :
le Capricorne , le Verfeau , les Poiffons
le Belier , le Taureau , & les Gemeaux ;
dont les degrez font marquez du Nord
au Sud dans l'ordre que l'Image du Soleil
les parcourt.
`10º. Pour la plus parfaite intelligence
des deux derniers articles , l'on a écrit
du côté Occidental de la ligne , ces mots :
fignes defcendans , & pour défigner les
chiffres appartenans à chacun de ces fignes
en particulier , l'on répete les titres
de degrez de l'Ecreviffe , degrez du Lion ,
degrez de la Vierge , &c. jufqu'au Sagite
1604 MERCURE DE FRANCE .
gittaire , du Sud au Nord ; & du côt
Oriental de la ligne , l'on a repeté de mê
me , les titres des degrez des fignes afcen
dans , depuis le Capricorne jufqu'aux G
meaux.
11 °. L'on a marqué de 10 en 10 jour
le tems du paffage du Difque du Soleil pa
le meridien célefte , fuivant la Table ci
deffus .
12. L'on a de plus ajoûté du côt
Occidental de la ligne , les fecondes 8
les tierces d'un degré d'un grand cercle
prifes du point perpendiculaire à l'ouver
ture , & continuées jufqu'au bout de l
ligne.
L'on a par ce moyen cinq chofes à cha
que obfervation ; ayant toujours égard at
centre de l'Image , qui reprefente le cen
tre du Soleil.
1º. Le vrai Midy.
2º. Le tems du paffage du Difque du
Soleil par le meridien .
3 °. Les degrez & minutes de la dé
clinaifon du Soleil de l'un & l'autre côté
de l'Equateur , qui eft marqué fur cette
ligne fous le titre de point Equinoxial.
4°. L'heure & minute du lever & du
coucher du Soleil ; dont le premier
doublé donne la longueur des nuits , &
le fecond la longueur des jours.
So. Le lieu du Soleil dans l'Ecliptique
julJUILLET
1728. 1605
jufqu'aux minutes de degré du figne où
il fe trouve au tems de l'obſervation.
Un fixième article qu'on peut obſerver
en tout tems . C'eſt une partie proportionelle
d'un degré de la circonference de
la terre , dans une étenduë fenfible , &
mefurée exactement .
Cette ligne d'un bout à l'autre de la
croifée contient 1 " : 54" environ , ce
qui fait la 1945me partie d'un degré &
la 700282me partie de la circonference
de la terte.
Si l'on fuppofe une ligne de cette longueur
portée fur l'Equateur , & en même
tems le mouvement journalier de la terre
fur fon axe , cette ligne , ou une portion
de l'Equateur de même longueur pafferoit
par le meridien en 75" ; ou bien , une
portion de l'Equateur qui auroit 8 fois
la longueur de cette ligne , y pafferoit par
feconde . Mais fi l'on fuppofe la terre immobile
, & le mouvement journalier dans
le Soleil , & que cet Aftre foit éloigné
de la terre de 8380. diametres terreftres ,
ou de 24. millions de lieuës , l'eſpace
que le Soleil auroit à parcourir feroit inconcevable.
La viteffe de fon mouvement
feroit , de 2195 diamettres de la terre
par heure , de 362 des mêmes diametres
par minute , & de 1747 lieuës par
conde.
12
fc-
Quoi1606
MERCURE DE FRANCE .
Quoique cette ligne ait 176 pieds fu
le pavé de l'Eglife , qui eft la longueu
de la croifée , elle ne fuffit cependant pa
pour recevoir les rayons du Soleil vers 1
Solstice d'Hyver ; il auroit fallu qu'ell
eut eu plus de 240 pieds. Pour y fup
pléer on a élevé une colonne en form
d'obélifque à l'extremité Septentrional
de la ligne , de 25 pieds de haut
qui reçoit l'Image depuis le commence
ment de Novembre , où elle fe peint e
montant , juſqu'au 23 Decembre , Sol
ftice d'Hyver, & jufqu'au commencemen
de Février en defcendant ; la ligne & fe
accompagnemens font peintes fur l'obé
lifque , qui n'en eft qu'une continuation
& ce fupplément devient plus commod
pour l'ufage ordinaire , que n'auroit ét
la continuation de la ligne meridienne fu
un pavé qui auroit eu toute l'étenduë requife.
On ne parlera point ici des ufages de
cette ligne qui ne regarde proprement
que les perfonnes qui font au fait des
principes de l'Aftronomie , ni des additions
& des embelliffemens dont elle eft
encore fufceptible ; j'en pourrai parler
ailleurs , & en même- tems rendre compte
aux Sçavans des méthodes que j'ai fuivies
& des foins que je me fuis donné
pour la tracer avec toute la jufteffe qu'on
y
JUILLET. 1728. 1607
y peut fouhaitter. On ne s'eft propofé ici
qu'une Deſcription claire & abregée , qui
foit à la portée & à l'ufage de tout le
monde .
SUITE
des Logogrifes arithmetiques .
a. b. c. d. e. f. g. h. i . j . k. l . m. n. o.
J. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. 15.
p. q. r. s. t. u. v . x. y . z .
16. 17. 18. 19. 20. 21. 22. 23. 24. 25.
41. Logogrife de fix lettres , ou de fixe
nombres.
Le quarré de la re égale deux fois la 2de
I
La Rq . du de la 2 plus le de la s }
égale la Rq. de la 1º . plus la 3º.
Le quarré de la 3º . égale la Rq. de la
fomme des 3. 4. & 5. moins la Rq.
de la z . plus le de la 6 .
2
i
re
Le quarré de la de la 4°. égale la 4º.
plus le Q. de la .....moins la 3 °.
La se . plus la Rq. de la 3º. égale la fomme
des se. 6. divifée par deux fois là 3º.
Le double du Q. de la s . égale la fomme
des 3 °. 4°. & 5º.
Le Q. de la 6°. égale la fomme des trois
premieres.
41°
1608 MERCURE DE FRANCE.
42. Logogrife de buit lettres.
La . eft arithmétiquement à la 3 comme
la s . à la 4 °.
La 2° . eft géométriquement à la 5. comme
la 7°. à la 3 *.
La 3. moins trois , égale la 4 ° .
La 4. égale la 6 ° .
La 6. égale le Q. de la se.
La 7. égale quatre fois la 2de.
La 6 ° . eft géométriquement à la 4. comme
la 2de, à la 8 .
La fomme totale eft foixante- neuf.
43. Logogrife de fept lettres.
re
La Rq. de la 1. égale deux fois le Q. de
la 2 de.
Trois fois le cube de la 2 de. égale la Rq.
du produit de la 2. par la 6° .
Le 13de la 3. égale la de la 7 ,
La Rq. de la Rq. de la 4. égale la Rq.
de la re.
La 5. eft arithmétiquement à la 6°. comme
la Rq. de la 6 ° . l'eft à la 1 .
Le Q. de la 6. égale quatre fois la 3 * …….
moins la Rq. de la 6º.
...
La 7. plus deux , égale quatre fois la Rq.
de la 4 .
La 2. plus la Rq. de la 1. égale la R.
cube de la s ... plus un.
Le double de la 1. eft géométriquement
à la 4º. comme la 1ª . à la 5º .
JUILLET. 1728 . 1609
44. Logogrife de quatre lettres.
Le Q.de la . plus le Q.de la 2 °... moins
les deux racines , égalent 684 .
Le produit des deux premieres , plus leur
fomme , égalent celle de 3.24.
Le Q. de la 3. plus le Q. de la 4°....
moins les deux racines , égalent la fom.
me de 392 .
Le produit de la 3. par la 4. plus leur
fomme , égalent 239.
45. Logogrife de trois lettres .
La fomme des quarrez des deux premieres
... moins celle de leur produit
, & du ¦ de la 2º . égale le Q. de
la 3 .
Le Q. de la 2º... moins le produit des
deux premieres plus la de la 1. égale
le Q. de la 3º.
Le Q. de la 3 .... plus le produit des 2º. &
.... moins le Q.de la 2. égalent 181 .
46. Logogrife de trois lettres.
Le Q. de la 1. & celui de la 2 .... plus
les deux racines égalent le double, produit
des deux premieres , plus celui des
deux dernieres.
Le Q. de la 1. plus la R. de la 2. égalent
le produit des 2 ° . 3 ... plus deux
fois la
Ctre
610 MERCURE DE FRANCE .
Quatre fois la 2 °... plus le Q. de la
égalent quatre fois le produit de la
par le Q. de la 2 .
La fomme de trois fois la 1. & 2 °. é
le celle des 2º. & 3º.
La 2. plus le de la 1º. égalent un , p
le cube de la 2º.
47. Logogrife de cinq lettres.
La Rq. de la fomme des 1. 4. égale
Rq. de la Rq. de la fomme des 1. 2
La 4. plus la Rq. de la 2. moins la
égalent un , plus la Rq. de la fomme d
1º. & 3 *.
❤
1
Neuf fois la 1. égalent la fomme des 2
& 3°. plus deux.
La Rq. de la 4. égale la Rq. du de la i
Le produit des 4 °. & 5º. égale la moiti
de la fomme des trois premieres.
Somme totale cinquante-huit .
48. Logogrife de fept lettres.
7
La 1º. eſt arithm . à la 3 °. comme la 2º
eft à la 7 °.
La 2º. égale deux fois la 1. plus un.
La fomme de deux fois la 3. égale la 2º.
moins le444de la 4º. égale à la sº.
Les 4°. sc. plus un égalent le Q. de la 6º.
La égale la Rq . de la 7. plus la de la 1ª.
La 7. égale quatre fois la 6º.
La fomme totale eft 89.
4
EX
JUILLET. 1728. 1611
EXPLICATION des deux Logogriphes
Aithmetiques de M. le Cloutier Desnouettes
, inferés dans le Mercure de
Juin 1728. Tome premier , Logogriphe
26. de deux lettres or . Logogriphe 27.
de fix lettres. Andely. Lettre écrite de
Vernon, le 12. Juillet.
Οι
Ui , Seigneur le Clouftier.vous valez un
mont d'or
26
J'admire vos beaux Vers , mais votre Arithmetique
,
Me fait tourner la tête , & je ne puis encor
Expliquer à mon gré votre fçavoir mas
gique .
A force de calculs , mon efprit affoibli ,
Me feroit volontiers jetter par la fenêtre ;
.... J'enrage. cependant , afin de vous connoître
,
27
Dans un petit moment je pars pour Andoly,
Jefuis , &e.
Dorvilliers de Vernon ,
EX.
1612 MERCURE DE FRANCE.
EXTRAIT DE LETTRE
écrite d' Andely le 15. de ce mois
parM. le Clouftier.
P
faire
Ermettez - moi , Monfieur , de vou
part ici de mes Réflexions a
fujet des Enigmes & des Logogriphes
ou Gryphes. Je croi que pour faire un
Enigme dans l'exactitude qu'elle deman
de , il faut qu'elle foit courte , & de plu
que l'on y marque quelques contradic
tions apparentes ; fans cela ce n'eft plus
ce me femble , qu'un tiffu de périphrafe
qui forment un galimatias Poëtique , 8
qui repetent fouvent la même chofe
Les conditions que je defirerois fe trou
vent dans celle du Sphinx qu'Oedipe de
vina ; comme tout le monde fçait , cell
que Samfon propofa aux Philiftins , ef
encore de la même efpece .
Le Logogryphe eſt une combinaiſon de
differentes parties d'un mot qui en for
ment d'autres ; il tient le milieu entre l
Rebus & l'Enigme . C'eft un mot emba
raffé & mifterieux , ou un filet qui arrête
l'efprit pendant quelque- tems . Il faut dond
que la perfonne qui en propofe quelqu'un
le donne jufte , & fi elle donne le moyen
d'en faire la diffection , pour ainfi dire
il faut qu'il foit jufte & bien exprimé , que
l'orJUILLET.
1728. 1613
l'ortographe en foit exacte , enfin que
chaque combinaifon contienne au plus un
Vers ou deux. Dans celui que vous avez
inferé ce mois - ci dans le Mercure , l'on
trouve un deffaut d'ortographe , Limaçon
ne s'écrit point avec une S. car alors on
devroit prononcer Limazon , puiſque cette
lettre fe trouve entre deux voyelles , de
plus le nom de Soliman ne s'y trouve encore
que par anagramme , & l'Auteur, au
lieu d'indiquer l'arrangement du mot, dit
fimplement qu'on y doit trouver le nom
d'un Empereur.
Vous voudrez bien me pardonner cette
petite Critique , & les Auteurs des deux
Logogryphes ci- deffus ne doivent pas s'en
formalifer . Ils voudront bien excufer celui
qui a mis ces petits jeux d'efprit en branle
, puifque les deux premiers qui ont paru
au Journal font de moi , mon deffein
n'eft pas de mordre leur Ouvrage , mais
de le mettre dans la perfection que j'ai
remarquée dans ceux qu'on propoſe en
latin dans les Claffes , je recevrai de bonne
part
auffi leurs avis & le votre en pareil
cas.
R EX1614
MERCURE DE FRANCE.
EXPLICATION de l'Enigme du Mercure
de May dernier.
LEE MMeerrceunre en main, je rêvois ,
Au mot de l'Enigme nouvelle :
Eh ! quoi ? pour une bagatelle ,
Rêver fi long - tems ! j'enrageo is.
Quand tour à coup je le tiens , oüi , j'en
jure ,
Dis-je auffi -tôt, en jettant le Mercure....
Non , dit Phébus , tu le tenois.
De Moulins .
EXPLICATION du Logogryphe du
Mercure de Juin , fecond Volume.
' Ai bien rongé mes doigts pour deviner
I'maison ;
Mais j'aperçois ici mainte combinaiſon :
Ah ! bon Dieu , que de mots font dans ce
Logogryphe ,
Si je ne les dis tous, je confens qu'on me biffe.
En voici deux latins , qui font nos & puis jam ;
Je rencontre Sion , auffi -bien que siam ;
Voilà May , voilà fon . aimons , en eft un
autre,
Hé
JUILLET. 1728. 1615
Hé quoi ! je trouve auſſi Simon le bon Apôtre,
Je tiens l'adverbe mais , & la particule on.
Comment peut-on penfer tant de mots dans
Maifon ,
Par Me d'Orvillers , âgée de 13. ans
demi, à Vernon , ce 19. Juillet 1728 .
Redingotte & Limaçon , font les vrais
mots de l'Enigme & du Logogryphe du
premier volume de Juin . On a dû trouver
dans ce dernier , Lima , Capitale du
Perou , le Son , Maçon & Soliman , &c..
Le mot de l'Enigme du fecond volume
de Juin , eft la Lancette.
B L LL LS LL
ENIGMES ET LOGOGRYPHES
nouveaux d'un même Auteur.
PREMIERE ENIGME. }
Voyageufe de mon métier ,
Je parcours la plaine azurée ;
L'efpece dont je fuis , peut fe glorifier
De toutes les couleurs dont Iris eft parée ›
Souvent arrêtée en mon cours ,
Je tombe en des mains fanguinaires,
Fij Qui
1616 MERCURE
DE FRANCE .
Qui me forcent encor de prêter mon fecours ,
A l'affaffinat de mes peres ,
Que de biens , que de maux je procure aux
humains !
Miniftre du Public & celui du myftere ,
Je travaille de toutes mains ;
1
Et fans parler , je ſçais ne me pas taire .
I I.
DEmoidans mon vrai fens , votre corps ſe
Dans un autre fouvent j'empoiſonne les ames :
Mais dans l'un & dans l'autre , également
profcrit ,
La prudence ou la faim me fait livrer aux
Aammes.
III.
A Mon gré je m'ouvre un paſſage ,
Dans le fentier le plus étroit ;
Ma tête laiffe à chaque endroit
Un fûr témoin de mon voyage,
Depuis le Paftre juſqu'au Roy ,
Tout joüit de mon induſtrie ;
Et pour leur fervice je lie
Ce qu'ils n'uniroient pas fans moi.
IVI
JUILLET. 1728 . 1617
IV.
Ous fommes quatre enfans d'une grande
famille NOLLS No
Et nous nous paffons de nos foeurs ,
A notre tête eft la troifiéme fille ;
Et notre aînée a les feconds honneurs.
Celle qui de nous quatre a la taille plus grande
A la troifiéme place a foumis fa fierté ;
Et par diftinction la derniere demande ,
Un petit ornement fur fon chef ajoûté.
Nous compofons un tout : mettez-vous à fa
quête;
Et fi vous le trouvez , demandez - le d'abord ,
Pour vous guérir du mal de tête ,
Que vous aura caufé peut - être cet effort.
Premier Logogryphe.
SIX pieces compofent mon tout ,
Car j'en retranche une inutile .
Peut-être fi c'eft votre goût ,
De votre chef ai - je affermi l'azile.
Ma premiere piece de moins ,
Je fuis pour qui n'a rien unfecours favorables
Otez m'en une encor , je tends pour vos be
foins ,
Fii Si
1618 MERCURE DE FRANCE.
Aux Hôtes des Forêts un piege redoutable.
Si l'ortographe ici manque de bons témoins ,
Pour le fon elle eft veritable ;
Autre piece de moins , le vainqueur de la nuit,
Tous les jours chez moi prend naiffance ;
Otez m'en encore une , avec ce qui la fuit ,
J'appelle ou j'impofe filence ;
Allez enfin en certains lieux ,
Prononcer fortement ma derniere partie ,
Par l'offre d'un breuvage & fain & gracieux ,
On y viendra répondre à votre envie ,
Cette efpece d'Enigme eft neuve en bonne fois
Devinez- la , Lecteur , & pardonnez- la moi
I I.
Azile frais &
pacifique ,
Je refonne fouvent d'une tendre Muſique ,
Si l'on m'ôte un membre à trois pieds ,
Il me refte deux parts faciles à connoître :
Par l'une que de gens noyez !
Et pour l'autre combien qui s'expoſent à l'êtrel
IIL
JUILLET. 1619 1718.
I I I.
U'on life à l'ordinaire ou qu'on life à
Q
rebours ,
Je fuis toûjours la même chofe.
Le genre humain me doit fes jours ,
Quoique de fon trépas je fois auffi la cauſe.
J
I V.
E fuis dans mon total une affez laide chofe ;
M.is en revanche auffi ,fi vous me démembrez,
Chaque membre qui me compoſe ,
En contient que vous aimerez .
Si vous m'otez un membre de derriere ,
Le refte n'est qu'un jeu pour vous.
Si vous m'ôtez la tête entiere ,
Le refte eft fort folide & grand ami de tous.
Prenez prefentement mon milieu, je vous offre
Un meuble des plus précieux ,
Qui va quelquefois mal , tantôt bien , tantôt
mieux ,
Le tout felon que va le coffre.
Si vous m'ôtez la tête encor ,
Mes autres membres font confreres ;
Accufez de rouler fur l'or ,
F iiij
Tous
1620 MERCURE DE FRANCE.
Tous deux fuyant loin de leurs meres ;
Et tous deux voyageant toujours
Chacun chez même Hôteffe allant finir fon
cours ,
Raffemblez ma queue & ma tête ,
Je n'admets que du bon , du meilleur qu'il fe
peut ;
On me recherche , on me fait fête ;
Mais je fuis rare , & ne m'a pas qui veut.
Pour ne rien paffer fous filence ,
Retranchez quatre parts de mon commencement
,
Je fais un gage fûr , que fouvent la prudence
Préfere à la foi du ferment.
Vous vous creufez la cervelle , je gage ,
Pour deviner tout ce détail ;
Ne vous fatiguez pas , & laiffez - là l'ouvrage;
Car pour aprétier au jufte ce travail ,
Perte de tems , pur badinage.
NOU
JUILLET. 1728. 1621
XXXX:XXXX XXX:XXXX
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS , & c.
ISCOURS prononcez dans l'Académie
'Françoife , le Lundy 28. Juin
à la Reception de M. l'Abbé de Rothe
lin. A Parts , de l'Imprimerie deJ.-B. Coi
gnard,fils , in 40. de 17. pages.
M. l'Abbé de Rothelin commence fon
Difcours par l'éloge de l'illuftre Confrere
auquel il fuccede ; M. l'Abbé Fragnier ,
dit - il , joignoit une érudition étenduë ,
exacte & folide à cette fimplicité de coeur
qui accompagne prefque toujours le veritale
fçavoir. Ses longues & pénibles études
n'avoient en rien alteré la douceur naturelle
de fes moeurs ; le tréfor de fes con- .
noiffances étoit ouvert à tous ceux qui l'approchoient
; il ne l'étala jamais avec fafie ,
il ne le ferma jamais par humeur , & c .
ble
Après l'avoir loué fur la parfaite intelfigence
qu'il avoit des Langues Grecque
& Latine , & fur l'élegance avec laquelle
il verfifioit dans cette derniere , il acheve
fon éloge par ce trait de modeftie : Tel
étoit , Meffieurs , le fçavant Academisien
qui fait l'objet de vos regrets ; voas
ོ་ ང་ Avez
1622 MERCURE DE FRANCE .
avez voulu lui donner un fucceffeur dont
le zele & la docilité fuffent le principal
merite , pour encourager les amateurs des
Lettres pour leur apprendre qu'on
fçait faire des graces fur le Parnaſſe
comme on fçait y rendre juftice.
نم
Ce modefte retour fur lui - même eft
fuivi d'un tribut légitime qu'il rend à
l'illuftre Corps , dont il devient un des
Membres voici comment il s'exprime.
L'illuftre Compagnie à laquelle vous
m'avez affocié , a formé ou raffemblé depuis
fa fondation prefque tous les hommes
rares qui ont paru dans les differens ordres
de l'Etat. C'eft de votre fein , Meffieurs ,
que font fortis en foule ces Philofophes , ces
Hiftoriens , ces Orateurs , ces Poëtes , dont
les Ouvrages marquez au coin de l'immortalité
, ont porté la gloire de notre Nation
plus loin encore que ne l'avoient portée nos
Conquêtes , & ont forcé des Peuples ennemis
du nom François , à préférer à leur
Langue naturelle , celle d'un Vainqueur
dont ils fubiẞoint le joug avec peine.
:
De - là , par une tranſition raturelle
, il paffe à l'éloge du Cardinal de
Richelieu C'eft fans doute , dit- il , ce
que prévoyoit le grand Cardinal à qui vous
devez le projet de votre établiſſement. Convaincu
qu'il n'y avoit pas moins d'honneur
àfaire fleurir les Lettres dans ún Empire,
JUILLET . 1728. 1623
pire , qu'à le faire refpecter par la force
des armes , & par la fageffe du Miniſtere ,
ilfe chargea de la partie qui le regardoit ,
& vous confia l'autre. Il finit cette partie
de fon Difcours par ces mots : le, Cardinal
de Richelieu étoit lame de l'Europe ,
feul digne d'annoncer Louis XIV. an
monde. Il le laiffa dans l'enfance , mais
dans la route de cette grandeur dont l'éclat
a relevé depuis la majesté du Trône même
,
"
& ce grand Prince , pourſuit-il , a
difparu : il étoit mortel ; mais il regne encore
par tout. La diffolution , la licence
l'injustice , l'hérefie , l'impieté , & tous
ces monftres que doivent étouffer les Rois
tremblent au feul nom de Louis , nom chér
à la vertu , à la Religion , aux Arts , aux
Sciences aux Lettres .
>
Selon la coûtume établie , l'éloquent
Orateur paffe au Chancelier Seguier
celui , ajoûte- t- il , qui pofa les fondemens
de votre Académie , l'avoit en quelque
façon laiffée en minorité. Après fa more
le Chancelier Seguier vous fervit comme
de Tuteur ; il dicta lui même vos Statuts
& donna che lui un azile à votre Compagnie
naiffante & presque errante dans
ces commencemens .
C'eft de -là que M. l'Abbé de Rothelin
prend occafion de revenir à LoUIS LE
GRAND , qui donna à l'Académie Fran-
F vj soife
1624 MERCURE DE FRANCE:
çoiſe la protection du Trône , en la raffemblant
dans fon propre Palais , & s'en
déclarant Protecteur. En vain , continuatil
, en parlant de leur reconnoiffance
envers leur Augufte Bienfaiteur , En vain,
vous entreprenez encore chaque jour de
nous tracer un portrait fidele de ce parfait
Souverain ; ce Chef- d'oeuvre eft audeffus
de l'Art, il étoit réservé à la nature ; c'eſt
elle qui a tranfmis avec le fang, lame héroïque
de Louis XIV. à fon digne Succeffeur.
Auffi voyons - nous que notre jeune
Monarque ne s'étudie qu'à fuivre en tout
la volonté de fon Augufte Bifayeul , on
connue par les effets , ou interpretée par la
prudence , &c.
De-là , après avoir auguré la gloire du
Régne de Louis XV. il attribue les biens
que fes vertus répandront fur les Peuples ,
à la fageffe du grand Cardinal qui les a
cultivées , & qui a la fatisfaction de les
voir croître tous les jours fous les yeux.
C'eft , dit- il , ce Prélat refpectable fur qui
LOUIS LE GRAND , après avoir acquis
par un long Régne une connoiffance parfaite
des talens & du merite des hommes,
jetta les yeux pourfaire paffer heritage de
fes vertus Royales à l'heritier de fa Conronne.
Cet éloquent Difcours finit par ce grand
évenement , qui fait aujourd'hui l'attente.
de
JUILLET. 1728. 1625
de toute l'Europe ; voici en quels termes
s'explique M. l'Abbé de Rothelin :
Faffe le Ciel , pour le bonheur de la France,
que les confeils de ce Miniftre pacifique
, reftent gravez à jamais dans le coeur
de fon Augufte Eleve ; & que l'éducation
du Dauphin que nos voeux demandent avec
tant d'ardeur , foit confiée à des mains fi
pures, & formée fur des principes auſſiſo-
Lides & auffi fages.
Ce Difcours prononcé avec beaucoup
de grace , fit un plaifir infini à toute l'Af
femblée. M. l'Abbé Gedoin , Directeur
de l'Académie , y répondit avec une éloquence
qui lui eft naturelle ; il employa
Lurtout ce ftyle mâle & ferme qu'il entreprenoit
de louer dans M. l'Abbé Fraguier.
Il fit voir combien la perte d'un fi digne
Académicien étoit difficile à réparer ; fon
zele pour l'Antiquité alla auffi loin qu'on
le puiffe porter ; M. l'Abbé Fraguier
dit-il , fans rabbattre du merite des Modernes
, fans leur refuser le degré d'eftime
qui leur eft fi legitimement dû , foûtine
toujours qu'en Poësie nous n'avions rien de
comparable à Homere & a Virgile , ni
rien qui approchât de Demofthene , & de
Ciceron pour l'éloquence . Avoit- il tort
Meffieurs depuis quand l'Académie
Françoife s'éloigneroit- elle d'unfentiment ,
ont à mon avis , dépendra toujours fa gloi
re
1626 MERCURE DE FRANCE.
re & fa réputation ? Jamais l'Académie
n'a varie fur ce point.
Après avoir parlé des divers talens de
M. l'Abbé Fraguier , il adreffa ces mots
à M. l'Abbé de Rothelin .
Tel a éte votre Prédeceffeur , Monfieur :
pour le remplacer nous avions befoin d'un
homme dont la réputation pût juſtifier notre
choix dans l'esprit du Public. Un merite
réel , mais obfcur , ne fuffijoit pas ; il
nous falloit un merite réel , mais éclatant ,
c'est par ce motif que nous avons jetté
les yeux fur vous , & c.
Cette justice que M. l'Abbé Gedoin
rendît à M. l'Abbé de kothelin , lui concilia
tous les fuffrages des amateurs du
vrai merite .
MEMOIRES LITTERAIRES de la
Grande - Bretagne. Par Michel de la Roche
, Auteur des cinq Tomes de la Bibliotheque
Angloife . Tome I. Tome II.
& Tome III. A ta Haye , chez Ifaac
Vaillant , 1720. in 12. de 260. pages ,
fans l'Avertiffement , dans lequel l'Auteur
rapporte les raifons qu'il a eûës de
changer le titre de fon Livre.
EXTRAIT du 30me Volume des Mé
moires Philof phiques de la Societe Royale.
Janvier & Février 1719. & c.
و
EXEMJUILLET.
1728. 1627
EXEMPLE REMARQUABLE
de la
grande & prompte végetation des Raves.
Piéce communiquée à la Societé Royale
par M. Defaguliers , Docteur en Théologie
, & Membre de cette Societé .
Le 2. de Juillet 1702. à Sutton Colfield
, dans la Province de Warwick , on
fema de la graine de rave dans un champ
proche d'un étang dont il faifoit autrefois
partie. Les raves commencerent
paroître en moins de trois jours . Les racines
furent groffes comme des noix au
bout de trois femaines , & environ 15.
jours après , le Jardinier vendit un grand
nombre de ces raves , dont la groffeur
égaloit celle des groffes pommes. Le 12 .
Août , on arracha une rave qui pefoit
avec fa racine & fes feuilles deux livres
un quart . En même tems on pela une
once de la même graine de rave que le
Jardinier avoit femé . Enfuite on compta
mille grains de cette once , & on divifa
le refte en petits tas , à peu près égaux
aux mille grains qui avoient été comptés
, & on trouva que l'once entiere contenoit
plus de 14600. grains ; & ce
nombre multiplié par 46 , qui eft la quantité
d'onces que la rave pefoit , produit
671600 , c'eft à dire , le nombre des
grains requis pour égaler le poids de la
raye.
Le
1628 MERCURE DE FRANCE .
1
Le 21. d'Otobre , on arracha une- au
tre rave du même champ , & on trouva
qu'elle pefoit plus de dix livres & demie ;
de forte qu'en fuppofant l'accroiffement
toujours égal & uniforme , le grain qui
produifit cette rave augmenta fon poids
15. fois à chaque minute.
LETTRES écrites à des Medecins diftingués
, & à d'autres Sçavans Membres
de la Societé Royale , &c . contenant
diverfes Obfervations de Medecine , d'A
natomie & de Chirurgie , avec des Remarques
nouvelles & curieufes fur la Botanique.
On y a joint une Lettre écrite à
feu M. Baynart , Docteur en Medecine
qui contient de nouvelles experiences fur
l'ufage du bain froid , & des Obfervations
qui peuvent fervir à le rendre plus
falutaire. Ouvrage embelli de Tailles- douces.
Par Patric Blair , Docteur en Medecine
, & Membre de la Societé Royale
à Londres , 1718. in - 8 ° . de 149. pages.
Livre Anglois. L'Auteur dit qu'il a obſervé
que les enfans ne font jamais noüés ,
pourvû que les Nourrices ayent foin de
les tenir propres , de leur donner une
nourriture moderée lorsqu'ils en ont befoin
, & de les plonger dans de l'eau froide
tous les matins.
Le bain froid eft auffi fort
avantageux
*
aux
JUILLET
. 1728. 1619
aux adultes. C'eſt un très-bon moyen de
conferver la fanté , mais ce bain eſt dangereux
fi on s'en fert mal à propos. Quand
on fe trouve foible & abbatu , on doit fe
baigner fréquemment dans une Riviere
en Eté & pendant la châleur du jour , &
enfuite chez foi tous les matins ou lorfqu'on
le juge convenable . On ne doit pas
le faire dès qu'on s'éveille , ou lorfqu'on
eft en fueur. Après le bain on doit toujours
fe faire frotter pour dégager les pores
, & c. On ne doit pas fe baigner après
avoir fait trop d'exercices , parce que le
refferrement des pores qui font alors fort
ouverts , ne fçauroit manquer de produire
de mauvais effets.
On trouve dans la 3 Lettre écrite au
Chevalier Sloane , 19. Obfervations de
Medecine & de Chirurgie , & c .
Un Couvreur nommé Raoul Valiance
de la Ville de Pefth en Ecoffe , ayant eû
long- tems une hydropifie que l'on croyoit
incurable , entreprit de fe percer le ventre
avec un Canif , & il en fortit une fi grande
quantité d'eau , que fon lit en fut inondé.
Cet homme guérit peu à peu ; il vêcut
encore 12. ans , & mourut d'une autre
maladie .
RECUEIL de diverfes Piéces de M.
Locke , qui n'ont jamais été imprimées.
ou
1630 MERCURE DE FRANCE .
ou qui ne fe trouvent point parmi fes
Ouvrages , publié par l'Auteur de la vie
de M. Jean Hales , &c . A Londres , chez
Franklin , 1720. in 8 °. de 362. pages
d'un gros caractere , fans l'Epitre Dédicatoire
, l'Eloge de M. Locke & l'Index .
En Anglois.
Dans une Lettre que M. Locke écrivit
à M. Oldemburg , il lui fit fçavoir qu'il
avoit reçû de la nouvelle Providence ,une
des Ifles de Bahama , la Relation fuivante
.
» Parmi les choſes extraordinaires dont
» j'ai oui parler , celle- ci me paroît la
>> plus remarquable . Plufieurs poiffons de
» cette mer font venimeux ; ils caufent de
>> grandes douleurs aux jointures de ceux
>> qui en mangent. Ces douleurs conti-
»> nuent quelque - tems , & enfin elles
>> ceffent après une démangeaifon qui du-
» re deux ou trois jours. Il eft à remar
» quer que tous les poiffons de la même
>> efpece ne font point venimeux , & que
» ceux qui le font , ne font du mal qu'à
» certaines perfonnes. Les hommes ne
» meurent jamais de ce mal , mais les
« chiens & les chats en meurent quelque-
» fois.
ESSAY DE BOTANIQUE , où l'on
traite de la ſtructure des fleurs , de la fruc
tifiJUILLET.
1728. 1631
tification des Plantes , des differentes méthodes
de les reduire fous certaines claffes
; de leur generation , de leurs fexes
& de la maniere dont la femence eft impregnée
; des Animalcules dans le fperme
des mâles ; de la nutrition des Plantes &
de la circulation de la féve dans toutes les
faifons , qui répond à celle du fang dans
les animaux. Ouvrage contenant plufieurs
Remarques curieufes & diverfes Découvertes.
Le tout enrichi de figures par Patrick
Blair. A Londres , chez les Innys
1720. in 8. de 414. pages , fans la
Préface qui en contient 16 , les Tables
des Matieres & l'explication des figures .
En Anglois.
La Botanique a été fort cultivée dans
la Grande- Bretagne ; elle y eft parvenuë
à un haut degré de perfection. Le Docteur
Grew eft le premier qui ait décou
vert les deux fexes des Plantes , & l'on
convient que fi Morriſon n'a pas inventé
la méthode de ranger les Plantes fous certaines
claffes , il l'a du moins rétablie .
M. Blair a entrepris de travailler fur ces
deux fujets , pour les rendre plus intelligibles
. On trouve dans fon Livre ce qui eft
particulier aux Plantes , & ce qui leur eft
commun avec les animaux ; ce font , pour
ainſi dire ,les deux parties de fon Ouvrage.
La premiere eft deftinée à l'ufage de
ceux
1632 MERCURE DE FRANCE .
ceux qui étudient la Botanique , & l'autre
à l'ufage de ceux qui ont fait des pro⚫
grès dans cette fcience .
DISSERTATION fur la Lettre de Ponce-
Pilate à Tibere ,touchant Jefus - Chriſt,
par Myftagogus . A Londres , 1720. in
8°. de 36 pages en latin.
Quelques anciens Peres ont parlé de la
Lettre qui fait le fujet de cette Differtation
. L'Auteur en déplore la perte ; &
il entreprend de faire voir que ce n'étoit
point une piece fuppofée.
Il remarque d'abord que l'hiftoire de
Jefus Chrift ne pouvoit pas être inconnuë
à Pilate , & il rapporte ce que l'on
trouve dans les quatre Evangeliftes touchant
la Mort & la Réfurrection du Sauveur.
Pilate fut , fans doute , étonné des
prodiges qui accompagnerent cette Mort
& cette Réfurrection .
Ce Gouverneur ne pouvoit pas fe difpenfer
de faire fçavoir à l'Empereur Ti
bere , des évenemens fi merveilleux . C'eſt
ce que l'Auteur tâche de prouver par
diverfes
raiſons .
1. Les Generaux d'armées & les Gouverneurs
de Provinces avoient accoutumé
d'informer le Souverain des chofes
remarquables qui arrivoient dans les
Pays où ils étoient.
Pilate
JUILLET.
1728. 1633
Pilate , conformément à cette coûtume
, comme Eufebe le témoigne , écrivit
une Lettre à Tibere , pour lui apprendre
P'hiftoire de Jefus- Chrift.
2. Les Difciples de Jefus croyoient
qu'il étoit le Meffie prédit par les Prophetes.
Les Juifs l'accufoient d'avoir
pris le titre de Roy & d'être ennemi de
l'Empereur. Ils attendoient alors le Meffie
qui devoir , felon leurs idées , fubjuguer
le monde entier. Tacite & Suetone
nous apprennent que ce bruit fe répandit
dans l'Empire Romain . Toutes ces chofes
obligerent Pilate de faire fçavoir à Tibe
re ce qui s'étoit paffé dans la Judée par
rapport à Jefus- Chriſt .
3. Les Romains faifoient beaucoup
d'attention aux prodiges. Croira - t- on que
Pilate ait négligé d'informer l'Empereur
de toutes les merveilles que l'on vit pendant
la Paffion de Jefus Chrift ? Croirat-
on qu'il ait négligé de lui apprendre la
Réfurrection du Sauveur ?
4. Il paroît par l'hiftoire de Tibere ;
que ce Prince ordonna que l'on recueillit
tous les évenemens remarquables pour
compofer l'hiftoire de fon temps . Voilà
une nouvelle raiſon qui devoit obliger
Pilate à écrire uue Lettre à cet Empereur
touchant Jesus - Chriſt.
Tertullien , dans fon Apologetique,
chap.
# 634 MERCURE DE FRANCE .
chap . 21. dit formellement que Pilate
écrivit une relle Lettre. Si ce Fait étoit
faux , Tertullien ne l'auroit point avancé
comme un Fait certain . Eufebe rapporte
aufli le même Fait.
L'Auteur ne doute point que Tibere
n'ait propofé au Senat de mettre Jeſus-
Chrift au nombre des Dieux , comme
Tertullien l'affure ; mais , dit - il, le Senat
ne jugea pas à propos d'accepter cette
propofition , parce que l'Empereur avoit
lui-même refufé les honneurs divins ; car
il ne voulut pas qu'on lui bâtit des Tem
ples , & qu'on établit des Prêtres en fon
honneur .
On donnera la fuite de ces Memoires
litteraires.
LE CHIRURGIEN DENTISTE , OU
Traité des dents , où l'on enfeigne les
moyens de les entretenir propres & faines
, de les embellir , d'en réparer la
perte & de remedier à leurs maladies ;
à celles des gencives , & aux accidens
qui furviennent aux autres parties qui
font voifines des dents. Avec des Obfervations
& des Réflexions fur plufieurs cas
finguliers. Ouvrage enrichi de quarante
Planches en taille douce . Par Pierre Fauchard
, Chirurgien Dentiſte. A Paris ,
ruë S.Jacques, chezJean Mariette, 1728.
2.
JUILLET. 1728 . 1635
1. vol. in 12. contenant enſemble 802.
pages , fans l'Epicre & la Préface .
Il paroît que l'Auteur a beaucoup de
zele pour l'avantage du Public & pour
l'inftruction des perfonnes qui veulent
s'avancer dans fon Art ; puifqu'il donne
dans fon Ouvrage beaucoup de connoiffances
qui lui étoient particulieres &
qu'une pratique de trente années lui a
fait acquerir.
L'heureux fuccès de fa longue experience
ne pouvoit être mieux confirmé
que par les éloges & les Approbations
qui font à la tête de fon Livre , & qui
lui ont été donnez par plufieurs des plus
celebres Docteurs de la Faculté de Medecine
de Paris & par un grand nombre
de très - habiles Chirurgiens de la même
Ville.
Comme il eft très-neceffaire de bien
faire connoître le fujet dont on a à traiter,
l'Auteur commence par expliquer la nature
des Dents , leurs differentes ftructures
, leurs differens ufages , la maniere
dont elles croiffent , quelles font leurs
veines , leurs arteres , leurs nerfs , &
quelle eft la fubftance de l'émail dont elles
font revêtues : il donne auffi une explication
fur les alveoles , dans lefquels
elles font enchaffées , & fur les gencives,
De-là il paffe à la maniere de conferver
1636 MERCURE DE FRANCE .
ver les dents , enfeigne le régime néceffaire
pour leur confervation , & propofe
plufieurs moyens d'entretenir leur netteté
& leur blancheur , & d'affermir les gencives.
Il parcourt enfuite toutes les maladies
de ces parties , qu'il réduit à trois claſſes :
la premiere eft de celles qui font produites
par des caufes exterieures ; la feconde
, de celles qui attaquent la partie
des dents , renfermée dans les alveoles &
les gencives , & la troifiéme , de celles qui
étant occafionées par les dents , peuvent
être nommées accidentelles . Il en enfeigne
les caufes , le pronoftic & le dianoftic . Il fait
connoître enfuite l'inutilité & même le
danger des remedes qu'offrent les Empiriques
, à qui une hardieffe témeraire tient
lieu de théorie.Il propofe en même temps
plufieurs autres remedes .
Avant que d'enfeigner la maniere d'operer
, il entre dans un détail exact de l'ordre
dans lequelfont placées les dents , de leurs
differentes furfaces & des noms qu'il faut
leur donner ; remarquant très - judicieuſement
qu'il eft important de ne s'y point
tromper , fur tout lorfqu'on en donne des
defcriptions , ou qu'il s'agit d'une confultation.
Il inftruit fur les attitudes que
doivent prendre le fujet & l'Operateur ,
fuivant les circonstances , Après quoi il
fait
JUILLET. 1728. 1637
୮
fait obferver les précautions qu'il faut
prendre pour ôter les dents ; ce qu'on
doit faire pour ouvrir la bouche , lorfqu'elle
eft violemment refferrée par quelque
mouvement convulfif ou autre accidents
comment on doit operer dans les
maladies des gencives , foit pour celles
que leur caufe la fortie des dents , foit
pour leur excroiffance ordinaire , l'Epoulis
, ou excroiffance charnuë , le Paroulis
ou abſcès , les ulceres & les fiftules qui leur
furviennent , & de quelle maniere on
opere quand le fcorbut s'eft emparé des
dents , des gencives & des os des mâchoires.
Après avoir fait quelques remarques
fur plufieurs accidens très- fâcheux que
caule la carie des dents aux parties offenfées
qui leur font voifines , l'Auteur donne
foixante & onze Obfervations , acpagnées
de Reflexions fur beaucoup de
cas intereffants & curieux , & c'eſt parlà
qu'il finit fon premier volume.
Les bornes où nous devons nous renfermer
dans ces fortes d'Extraits , ne nous
permettent point d'entrer dans le détail de
ces Obfervations. Tout ce que nous en
pouvons dire , c'eft qu'elles nous paroiffent
auffi fages qu'utiles , & qu'elles font
autant de preuves de la capacité , des lumieres
& des bonnes intentions de celui
qui les a faites,
G On
1638 MERCURE DE FRANCE
Ón fent bien que l'Auteur s'eft appliqué
à fe rendre clair & intelligible à tout
le monde , dans fon premier volume ;
Dans le fecond , il femble s'être réfervé
pour ceux de fa Profeffion , quoiqu'il
contienne cependant beaucoup de chofes
utiles que bien des Particuliers peuvent
mettre à profit. Il y fait voir d'abord
que les Inftrumens de fer ou d'acier
ne nuifent point aux dents , quand il s'agit
d'operer ; & ayant décrit ceux qui
font propres en detacher le tartre ou
tuf , il montre la maniere de s'en fervir
avec fuccès pour nettoyer la bouche. II
paffe enfuite à l'ufage & au choix des limes
, & à la néceffité de limer les dents
en certaines occafions .
à
Il décrit les Inftrumens convenables
pour les ruginer , les plomber , les cauterifer
, lorfqu'elles font cariées , & les redreffer
quand elles font tortuës, mal arrangées
& luxées, enfeignant la meilleure maniere
d'y parvenir & les remedes les plus
efficaces .
Il donne les moyens de les raffermir
quand elles font chancelantes , faifant
connoître que le fecours de la main &
l'ufage du fil d'or , font imcomparablement
plus fûrs que les Opiates & les Liqueurs
tant vantées pour leur raffermiffement
& leur guérifon , dans des Affiches,
JUILLET. 1728 .
1639
ches , où l'on ne vife , pour l'ordinaire ,
qu'à furprendre le Public.
Aprés avoir décrit avec foin les Inftrumens
nommez , Déchauffoir , Pouffoir ,
Pincettes ou Daviers & Levier , ſervant
à ôter les dents , & en avoir montré l'ufage
, il donne la defcription d'un nouveau
Pelican de fon invention ; & faiſant
connoître l'utilité de cet Inftrument , il
s'étend fur toutes les précautions qu'il
faut prendre pour ôter les dents , fur toutes
les circonstances , fur la façon d'y bien
réüffir , & fur les impoftures des Charlatans
à cet égard .
Il prouve que les dents peuvent être
remifes dans leurs alveoles, & y reprendre
racine ; que même on peut en tranfplanter
d'une bouche dans une autre , & il
réfute ce que quelques Auteurs ont dit
de contraire aux diverfes experiences
qu'il en a faites .
Comme après avoir ôté les dents , il
peut furvenir des hémorragies & des fluxions
, l'Auteur enfeigne des Stiptiques
& autres remedes pour les arrêter & les
guérir.
L'ornement de la bouche & la réparation
qu'on y peut faire , lorfqu'il en eft
befoin , étant un des principaux objets de
l'Auteur , il n'oublie rien de ce qui peut
apprendre à y placer des dents artificielles
Gij qui
1640 MERCURE DE FRANCE
qui puiffent fuppléer à celles qui manquent.
Il enfeigne de quelles matieres
elles doivent être faites ; quels Inftrumens
fervent à les fabriquer ; comment on peut
y ajoûter un émail artificiel ; & enfin tout
ce qui eft neceffaire pour les attacher artiftement.
Il donne la deſcription d'une Machine
qui tient lieu de toutes les dents fuperieures
& celle d'un double dentier. Ces
deux differentes Machines font de veritables
marques de l'efprit fubtil & de l'adreffe
de l'Auteur , dont le génie paroît
encore dans l'invention de cinq Obiurateurs
du palais , ou plaques fervant à boucher
les trous qu'une carie fcorbutique
ou autre auffi maligne , peut avoir faits
à cette partie de la bouche. Il décrit avec
un grand foin ces cinq Obturateurs ,
dont deux font en partie dentiers : il fait
le détail de toutes les petites Pieces ingénieufement
imaginées qui fervent à les
fufpendre & à les affujettir , & enfeigne
de quelle façon on peut les introduire &
les mettre en place.
Enfin ce dernier Tome paroît un effort
d'indultrie & de patience ; & nous croyons
qu'on regardera l'Ouvrage entier comme
la production d'une perfonne qui ne
pouvoit manquer de réüffir , en joignant
beaucoup de talent à beaucoup d'experience
. Ce
JUILLET 1728. 164 %
Ce Traité eft terminé par quelques Remarques
critiques fur un Chapitre touchant
les dents , qui fe trouve dans un
Livre de Chirurgie , imprimé depuis quel
ques années.
ENTRETIENS avec Jefus- Chrift dans
le tres faint Sacrement de l'Autel , contenant
divers Exercices de pieté pour honorer
ce divin Myftere , & pour en approcher
dignement . Parun Religieux Benedictin
, de la Congrégation de S. Maur ;
nouvelle Edition , plus correcte & plus
ample que les précedentes . A Paris , ruë
S. Severin , chez J. Vincent , 1728.in 12 .
LA SCIENCE PARFAITE DES NOTAIRES
, ou le moyen de faire un parfait
Notaire , contenant les Ordonnan
ces , Arrêts & Reglemens rendus , touchant
les fonctions des Notaires , tant
Royaux qu'Apoftoliques ; avec les Stiles,
Protocoles, Formules & Inftructions,
&c. nouvelle Edition , revuë , corrigée &
augmentée ; par M. Claude - Jofeph de
Ferriere , Doyen des Docteurs , Regent
de la Faculté des Droits de Paris , & ancien
Avocat au Parlement. A Paris, ruï
S. Jacques , chez J. Ofmont, 1728.2.vol .
in 4°.
Ġ iij
Le
1642 MERCURE DE FRANCE.
LE NOUVEAU TESTAMENT de N.
S. J.C. traduit felon la Vulgate. Nouvelle
Edition. A Paris , ruë de la Parcheminerie
, chez Jofeph Bullot , & rue S. Jacques
, chez Henry. 1728. 2. vol. in 12 .
gros caractere , liv. & en un petit vol .
in 12. 2 liv.
HISTOIRE DE LA MILICE FRANÇOISE
, & des changemens qui s'y font
faits depuis l'établiffement de la Monarchie
Françoile dans les Gaules, jufqu'à la
fin du regne de Louis le Grand. Par le
R. P. G. Daniel , de la Compagnie de Jefus
, Auteur de l'Hiftoire de France. A
Paris , Quay de Gévres , chez la veuve
Saugrain & Prault ; Place de Sorbonne &
rue S. Jacques , chez Cailleau & Borde
let. 1728. 2. vol . in 4° . avec fig.
de COLLECTIO JUDICIORUM
novis Erroribus , &c . Recueil des Jugemens
, contre les nouvelles erreurs qui fe font
élevées , & qui ont été condamnées depuis
le commencement du douzième fiecle , juf
qu'à l'année 1632. & des Jugemens doctrinaux
des Univerfitez fameufes ; entr'autres
de celle de Paris , d'Oxfort , de Louvain
; avec des Notes , des Obfervation
des Pieces qui concernent la Théologie
Par M. Dupleffis Dargentré , Docteur d
Sorbonne, & Evêque de Tulle . A Paris
Plac
UILLET. 1728. 1643
Place de Sorbonne , chez André Cailleau .
1728. infol. premiere partie , 548. pages
, & feconde partie 370 , qui comprend
les Pieces depuis 1521. jufqu'en
1632 .
AMBROS 11 CATHARINI vindiciæ
, de neceffariâ in perficiendis Sacramentis
intentione Theologica Difputatio,
operâ ac ftudio Fr. Jacobi Hyacinthi
SERRI , Ord. Præd . Doct. Sorbonici &
in Academiâ Patavinâ Primarii S. Theolog
æ Profefforis . Nova Editio aucta &
emendata.Parifiis, apud Aug.Dan.Chaubert,
viâ vulgò dictâ de Hurepois, ad ripam
Auguftinianorum , fub fignis Prudentia
& Fama , 1718. in 8 °. pag. 144.
Le R. P. SERRI , Dominicain François,
Docteur de Sorbonne, premier Profeffeur
de Théologie en l'Univerfité de
Padoue , & celebre par plufieurs Ferits
qu'il a publiez en faveur de l'Ecole de
S. Thomas , & par fes difputes avec le
R. P. Daniel Jéfuite , fit l'année derniere
imprimer cet Ouvrage à Padoue , où il a
eu un grand fuccès.
Le P. Serri informé qu'on avoit deffein
de le réimprimer à Paris , a jugé à
propos d'y faire des changemens & des
Additions confiderables , & de les faire
tenir au Libraire , qui de fon côté n'a rien
G iiij épargné
1644 MERCURE DE FRANCE .
,
épargné pour faire honneur au fçavanz
Dominicain , & fe faire honneur à luimême.
On peut dire , en effet , que par
rapport à la beauté du papier , & des
caracteres & à la correction , nous
avons eu depuis longtemps peu de Livres
ſi bien imprimez . Pour que les Exemplaires
de cet Ouvrage fe répandent plus
facilement dans le public , le Libraire le
vend à un prix très modique , c'eſt- à-dire
24 fols.
Le IVe volume de la nouvelle Edition
de Polybe , traduit par le R. P. Dom Vin.
cent Thuillier , avec les Commentaires ,
&c. de M. le Chevalier de Folard , enrichie
de Plans & de Figures , s'imprime
actuellement , & ne tardera pas de paroître.
On mettra en vente à Paris au commencement
d'Aouft , chez Michel Brunet , en
la Grand'Salle du Palais , & chez Etienne
Ganeau , aux Armes de Dombes ; chez
François Joüenne , à S. Landry , & chez
Huart l'aîné , à la Juſtice , tous trois ruë
S. Jacques , un nouveau Livre intitulé :
Réthorique ou l'Art de connoître & de
parler , avec la maniere d'écrire des Lettres
; en un volume in 12 , par M. Claufier.
Les
JUILLET. 1728. 1645
Les principales connoiffances de la
Philofophie y font appliquées à l'Elo❤
quence ; & pour ce qui regarde la maniere
d'écrire , on cite pour modeles fur
chaque forte de Sujet les meilleures Lettres
de Ciceron , de Pline , & de Politien .
Cette Méthode , en enfeignant ainfi la
Rhétorique , peut auffi fervir d'introduction
à la Philofophie pour ceux qui n'en
ont pas encore de connoiffance , & apprendre
fon principal ufage à ceux qui
l'ont étudiée. En un mot, elle peut,en raprochant
ainfi les Sciences qu'embraſſe
la Philofophie , de leur fin commune qui
eft d'éclairer l'efprit dans toutes fortes de
matieres , donner aux études qu'on fait
faire en France à la jeuneffe , un effet
beaucoup plus prompt & beaucoup plus
grand ; & fuppléer au deffaut de la Logi
que & de la Morale , dans les Païs où
l'on n'en fait pas .
ANALECTES de l'Abbaye de Fulde
dans lefquels on prouve par d'anciens titres
que les femmes font capables de fucceder
aux Fiefs qui relevent de l'Abbaye:
de Fulde; & où l'on trouve plufieurs Queftions
qui concernent les matieres Féodales
& Militaires d'Allemagne. Par M.
Jean Georges Eftor , à Strasbourg , chez
Dulßcker. 17.27 . in fol. de 88 pages en
latin.. Gy Precis
1646 MERCURE DE FRANCE .
PRECIS des Inftitutions du droit Belgique
, par rapport principalement au
Reffort du Parlement de Flandres . A
Lille , chez Prevost. 1727. 339 pages.
LES METAMORPHOSES D'OVIDE ,
traduites en François par M. du Ryer , de
P'Académie Françoiſe , avec de nouvelles
Explications à la fin de chaque Fable . A
la Haye , chez Goffe & Neaulme ; & à
Paris , chez Chaubert. 1728. 4 vol . de
plus de 300 pages chacun .
LA VRAIE MANIERE de contribuer
à la réunion de l'Eglife Anglicane à l'Eglife
Catholique , on Examen de differens
endroits de deux livres , l'un intitulé : Dif
fertation fur la validité des Ordations
des Anglois , & c. & l'autre : Deffenſe de
la Differtation fur la validité des Ordinations
des Anglois . Par M. François Vivant
, Prêtre , Docteur , Chanoine, Chancelier,
Vicaire General de Paris . A Paris,
ruë de la Harpe , chez P. Simon . 1728 .
´in 4 °.
LIVRES que Cavelier , Libraire , ruë
S. Jacques , près la Fontaine S. Severin ,
a nouvellement reçû des Païs Etrangers .
Juillet 1728 .
Bibliotheque Germanique . Année 1727 .
tome
JUILLET. 1647 1728 .
tome 14°. in 8. Amft. 1727 .
Tillotson , Sermons fur la Repentance ;
traduits de l'Anglois . Par Beaufobre.in
8. Amft. 17 28 .
L'Enfant. Sermons fur divers Textes de
l'Ecriture Sainte . in 8. Amft. 1728 .
Philips. La Monarchie des Hebreux ,
traduit de l'Eſpagnol . 4.vol. in 12. La
Haye. 1727.
Hiftaire Litteraire de l'Europe , contenant
l'Extrait des meilleurs Livres, & c.
6 vol . in 8. La Haye. Janvier 1726 .
jufqu'en Decembre 1727. inclufivement
.
Clarcke. De l'Exiftence & des Attributs
de Dieu , de la Religion naturelle , & c .
traduit de l'Anglois , feconde Edition
augmentée . 3 vol. 8 Amft. 1728.
La Chapelle.Bibliotheque Angloife,tome
15, premiere partie. 12. Aft . 1727.
Kempheri ( Ger. ) Rei Venaticæ Scriptores
. 4. Lug. Bat. 1727 .
Gorter. ( Jo ) de Secretione Humorum è
Sanguine ex Solidorum fabrica & Humorum
indole demonftrata. 4. Lug-
Bat. 1727
Vvepteri. ( Jo . Jac. ) Obfervationes
Médico- Practica de Affectibus Capitis
internis & externis.4 . Schafufii.1727.
Hoffmanni . ( Frid . ) Differtationes Phif.
Medica Selectiores & Decades duæ, 4 .
G vj
vol
1648 MERCURE DE FRANCE :
vol. 8. Lug.- Bat. 178. & 1719 .
Luyfini . ( Aloifii ) Aphrodiſiacus , five de
Lue venerea , continens omnia quæcumque
de hac re hactenus ab omnibus
Medicis funt confcripta cum Præfatione
Boerhaave . Fol . 2. vol. Lug.
Bat. 1728.
Cockburn. ( Guil. ) virulentæ Gonorrhea
caufa & curationes . 8. Lug.Bat. 1717 .
Hovius. ( Jac. ) de circulari Humorum
Motu in oculis . 8.fig.Lug. - Bat . 1716 .
Dißertation fur les Vapeurs qui nous arrivent.
Par M. Viridet , Medecin à Morge.
in 8. Iverdon. 1726.
On trouve les Livres fuivans chez Pierre-
François Giffart , rue S. Jacques , à l'Image
Ste Therefe.
RERUM ITALICARUM Scriptores . I 2 .
vol. in fol. Mediolani.
ISTORIA DIPLOMATICA , che Serve
d'Introduzione all'arte critica in tal ma--
teria. in 4. In Mantoua . 1727 .
OPERE VARIE CRITICHE di Ludovico
Caſtelvetro , colla vita dell ' Autore,.
Scritta dal Sig. Propofto Lodovico-
Antonio Muratori. in 4. in Milano.
1727.
Du Sauzet , Libraire Amfterdam , fait
traduire de l'Anglois & publiera bien - tôt
un
JUILLET. 1728. 1649
un Livre iutitulé : Difcours hiftoriques,
critiques & politiques fur Tacite , conte
nant des Réfléxions qui mettent dans un
nouveau jour les vûës artificieuſes , & la
conduite tyranique des Empereurs Romains;
l'Esprit de fervitude & la Flatterie
baffe & rampante du Sénat , des Grands
& du Peuple ; les fuites fatales du pouvoir
arbitraire , &c. & les avantages de
la liberté , le Génie des Cours ; le danger
& la licence des Armées ; la folie & l'extravagance
des Conquêtes & des Conquerans
; avec le caractere de Tacite; l'Apologie
de cet Hiftorien , contre fes Cenfeurs,
& un Jugement fur fes Traducteurs
& fes Commentateurs , &c. Par M. Gor--
don , in 1.2 ..
On mande de Conftantinople du commencement
du mois dernier que l'Imprimerie
que le Grand Vizir a établie dans le
Serrail , eft prefque dans fa perfection.
On y compte actuellement 36. Appren
tifs qui travaillent fous la direction de
huit Grecs qui fçavent parfaitement la
Langue du Pays & les autres Langues
Orientales. Ils ont prefenté des Effais
en Grec , en Arabe & en Turc aux
Principaux Officiers de la Cour qui leur
ont promis leur protection contre les menaces
du Mufti , qui voudroit détruire ce
nouvel
1650 MERCURE DE FRANCE .
nouvel établiffement , qu'il traite de fleau
du Grand Dieu , auffi préjudiciable , ſelon
lui , aux (ujets du Grand - Seigneur, que
la maladie contagieufe qui afflige actuellement
la Capitale de l'Empire . Le bruit
court cependant que les menaces qu'on
lui a faites de le dépofer , l'ont rendu plus
traitable.
On apprend de Liſbonne que M. Ma
noel Telles de Silva , Marquis d'Alegrette
, Secretaire de l'Académie Royale
d'Hiftoire de Portugal , a publié en Por
tugais le premier Tome de l'Hiftoire de
cette Académie , dédiée au Roy de Portu
gal , in 4. chez Jean. Antoine Dafylva
1727.
•
On trouve chez ce Libraire , le Recüei
des Piéces & Mémoires de cette Acadé
mie depuis 1721. qu'elle a commenc
fes Affemblées jufqu'en 1726 , inclufi
vement . 6. vol . in fol.
On trouve chez le même un Catalo
gue Chronologique , Hiftorique , Génea
logique & Critique des Reines de Portu
gal , & des Princes leurs fils. Par Do
J. Barboza , Clerc- Regulier , & Membr
de l'Académie, en Portugais , in 4 .
On mande de Londres que le 22. d
mois dernier , un Jardinier d'Oxford pré
fent
JUILLET. 1728. 1651
fenta à L. M. plufieurs grapes de railin
noir parfaitement mûr , d'une groffeur
& d'une beauté extraordinaire , que le
Koi & la Reine reçûrent très - gracieufement
, & firent une gratification confiderable
au Jardinier . On remarque que
depuis quelque tems l'Art de l'Agriculture
& du Jardinage font extrêmement
cultivés en Angleterre.
Les Lettres de Liſbonne portent qu'on
y avoit écrit de Campo - Mayor , que le
30. du mois de May dernier on y avoit
vû un phénomene,dont la direction étoit
du Sud au Nord . Sa clarté effaçoit celle
de la Lune , & il finit en fe difpofant en
rayons qui fembloient tomber à terre &
avec un bruit plus violent que celui d'un
coup de Canon .
Le ficur Maffé vient de finir un Tableau
de Coriolan qui attire l'attention
de tout ce qu'il y a de perfonnes curieufes
& intelligentes. C'eft avec la plume
qu'il fait tous fes Tableaux , mais il la
manie fi bien , qu'on diroit que les couleurs
font réunies & fondues avec la même
harmonie que pourroit le faire un
pinceau de mignature. Le Coriolan eft
fans couleur & à l'ancre feule . On y remarque
une parfaite intelligence ; car ou
tre
1652 MERCURE DE FRANCE .
tre que toutes les figures font des mieux
caracteriſées par les differents geftes & attitudes
qui expriment au vrai leurs divers
fentimens , toutes les draperies font
par hachures comme au burin , fans avoir
le grand clair des Eftampes , où l'on ne
peut diftinguer les chairs ; car hors le
linge il n'y a point d'étoffe qui doive
avoir un pur blanc fur le plus éclairé ;
de plus , cela empêche la rondeur. Le
fieur Maffé imite en ceci la Peinture ; &
par le menagement de fes ombres , il
éclaire comme elle fes étoffes , ce qui donne
aux Carnations un tendre & une expreffion
que le burin ne fçauroit attraper.
D'ailleurs , les Eftampes ont les hachures
des habillemens des femmes auffi groffes
que celles des hommes, pour faire le fort
des ombres. M. Maffé les fait très - fines ,
quoi qu'égales en force à celles des hommes
; de forte qu'il femble qu'on pourroit
deviner les couleurs naturelles des
chofes par le menagement varié des ombres
qu'il fçait donner aux habillemens
& aux carnations de fes figures . On y
diftingue une chair brune & éclairée d'une
chair blanche qui eft dans l'ombre ; ce
qui fait que dans fon point de vue le Tableau
paroît un bas - relief de marbre tané.
Enfin le fuccès en eft tel , que M. de
Largilliere , auffi recommandable par fa
proJUILLET.
1728. 1653
probité que par fon pinceau , n'a pû refufer
au fieur Maffé une approbation authentique
, qui marque le cas qu'il fait
de fon rare talent & de fon nouvel Ouvrage
voici les propres termes de cette
approbation qui fait honneur à celui qui
la donne comme à celui qui la reçoit.
J'ai vu un Deffein de M. Maffé , deffiné
à la plume , reprefentant Coriolan qui fe
laiffe fléchirpar Volomnia , fa femme &
fes enfans , fa mere & les Dames Romaines
, lequel Deffein a plus de trois pieds de
long fur deux de hauteur ; ce qu'il y a
d'extraordinaire , c'est l'amour avec lequel
ce Deffein eft executés le relief, la moleffe ,
le tendre & la rondeur des chairs , les expreffions
& caracteres , & que la nature
ait donné & doüé de ce talent ledit fieur
Maffé , par le zele qu'il a toujours eu ,
&
continue d'avoir pour le Deffein; ce qui le
rend admirable , & m'oblige à lui donner
ce Certificat de l'eftime particuliere que
j'ai pourfa perfonne & fon merite. A Paris
, le 6. Juin 1728. Signé , Largiliere.
Ledit fieur Maffé demeure ruë Neuve
S. Etienne du Mont , près les Peres de la
Doctrine , dans la maifon de M. de Chavance
1654 MERCURE DE FRANC
vance , à la premiere porte Cock
main droite .
CHANSON.
Uffi prompt qu'un éclair dans les
perfé ;
Plus fugitif qu'un flot qu'un autre f
place ,
O toi , dont chaque inftant s'effac
Par un inftant auffi - tôt effacé.
Rapide tems , en vain dans ta vîte
trême ,
Tu fembles fans retour t'anéantir toi t
Je ne me plaindrai pas de toi.
Sans ce Nectar & la Beauté que j'aime
Tu coulerois encor trop lentemen
moi.
St
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* ASTOR
, LENOX
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JUILLET. 1728 1659
į į g g į g g Į Į j & į į į į į į į į į s
おおのの
SPECTACLES.
EXTRAIT de la petite Piece qui a
pour titre , la Bonne Femme , Parodie
de l'Opera d'Hypermnestre , annoncée
dans le dernier Mercure.
ACTEUR S.
Danaüs , Roy d'Argos . Lefieur Thevenot.
Hypermneftre , fille de Danaüs , la Dil
Lyncée , fils d'Egyptus .
L'Ombre de Gelanor.
Silvia.
Arlequin.
Arcas , Confident de Danaus , le fieur
Romagnefi.
Le grand Prêtre d'Ifis , Pantalon.
Matelottes .
Matelots.
}
danfans .
la De Thomaffin.
Une Matelotte ,
Choeur
d'Egyptiens .
Choeur
d'Argiens .
Combattans .
SCENE PREMIERE.
Le Théatre reprefente plufieurs Tombeaux
, & au milieu le Maufolée de Gelanor
, Roy d'Argos. On voit dans la
Perfpective le Soleil qui s'éleve peu à
peu .
Danaus
1656 MERCURE DE FRANCE .
Danaus , Arcas.
Arcas felicite Danaüs fur le choix qu'il
a fait des Fils d'Egyptus pour fes cinquante
filles ; Danaus lui répond que ce
jour n'eft pas fi heureux qu'il fe l'imagine
; mais , lui dit Arcas : Seigneur, fi cette
alliance vous faifoit tant de peine , que ne
refufiez- vous la paix ?
Danaus , fur l'air , Pierre Bagnolet .
Pouvois -je foutenir la guerre ?
Et ne fçais - tu pas comme moi
Que la moitié de la terre
D'Egyptus reconnoît la loy ?
1
t
Voila pourquoi , bis.
Je n'ai pu foûtenir la guerre ,
Parce qu'il eft plus fort que moi.
Il a , continue- t- il , plus de Soldats
je n'ai de fujets ; & quel fujet ?
Sur l'air : On dit que vous , &e.
Ils fe reffouviennent encore
De Gelanor.
Arcas.
Ils ont grand tort ;
Ne fçavent- ils pas qu'il eft mort ?
que
Et
JUILLET. 1728. 1657
Et que toute Ombre
Du Palais fombre
Jamais ne fort.
Oui , mais c'est moi qui l'ai tué , ajoûte
Danais , & qu'importe ? replique Arcas,
nefalloit-il pas toûjours qu'il mourut ♪
SCENE II.
Hypermneftre étonnée de voir fon pere
dans un féjour fi lugubre , l'exhorte à le
quitter ; mais Danaus lui témoigne fes
allarmes.Hypermneftre lui dit de fe livrer
à la joye, par le couplet fuivant , fur l'air;
Allons guai.
Par un deftin profpere
Avant qu'il foit deux ans ,
Vous vous verrez grand pere
D'un regiment d'enfans.
Allons
guay.
Danaus répond à fa fille , qu'il attend
fes Gendres avec impatience ; qu'il a promis
Lyncée à fon amour, & qu'il luitiendra
parole.Il parut icy , par l'ordre d' Egyptus
, ajoûte Hypermnestre . Vous me vantates
fon merite , vous m'ordonnâtes de
Paimer
1658 MERCURE DE FRANCE .
l'aimer; je ne balançai pas un inftant à
executer vos ordres ; car une fille doit toujours
obéir à fon pere ; mais eft il quelque
bonheur pour moi lorfque je vous vois
enfeveli dans une profonde trifteffe ? Quel
nouveau chagrin peut encore vous agiter
? Danaus lui raconte le fonge qu'il a
fait par le couplet qui fuit , fur Pair :
Diablezot.
Ma fille , j'ai vu cette nuit
De Gelanor l'Ombre implacable :
Dans ma chambre il a fait grand bruit ,
D'une voix rauque & formidable ,
Arrête , arrête , m'a- t- il dit :
Hypermnestre.
Croyez-vous que Pluton renvoye
Les morts qu'il tient dans fon cachot →
L'Acheron lache- t-il fa proye ?
Diablezot.
Ce n'eft pas tout. Ecoutez le refte , continue
Danaüs , fur l'air : J'apperçus l'autre
nuit en fonge.
Les Dieux l'ont armé de la foudre ,
Soigneux de venger fon trépas ;
J'ai
JUILLET. 1728. 1659
J'ai vû mon Trône en mille éclats ,
Et mon Palais réduit en poudre.
Hypermnestre.
Ah ! vos fonges font trop mauvais ,
Puiffiez-vous ne réver jamais.
Danaus , fur l'air : Reveillez- vous .
Je vais lui donner une fête ;
Ce fpectacle fera nouveau ;
Allons , enfans , que l'on s'apprête
A l'amufer dans fon Tombeau.
Il ordonne à Hypermnestre de fe retirer
en verité le bon-homme radote , dit
Hypermneftre en fortant .
SCENE III.
Après cela vient une marche de Guerriers
en Crêpes & en longs Manteaux
noirs autour du Maufolée de Gelanor.
Après cette marche , qui fe fait au fon de
la Symphonie & des Timbales , Danaüs
chante le couplet fuivant , ſur l'air : 0 reguingué.
Ombre d'un Prince infortuné
Que j'ai moi-même affaffiné
Oh
1660 MERCURE DE FRANCE
Oh reguingué , oh l'on lan la ,
Soyons amis , plus de querelle ,
Pardonne cette bagatelle .
Le Soleil auffi - tôt s'éclipfe , le Tonnere
gronde. Arcas chante fur l'air : Je ne
fuis né ni Roy ni Prince.
Le jour pâlit , la terre tremble ,
Quel pouvoir contre nous raflemble ,
-Et confond tous les Elemens.
tre.
On entend des Siflets derriere le Théa-
Quels fiflemens ! ... l'Ombre cruelle
Reçoit nos Divertiſſemens
Tout comme une Piece nouvelle .
Tout le peuple fuit. L'ombre de Gelanor
, qui eft d'une grandeur démesurée ,
fort de fon Tombeau , & chante les paro
les fuivantes , fur l'air des Pendus.
Tous tes regrets font fuperflus ,
Bien-tôt un des fils d'Egyptus
Pour me venger de ton audace ,
Tiran , va regner en ta place
Mon
JUILLET. 1728. 1661
"
Mon fang fut répandu par toi ,
Il verfera le tien pour moi.
Danaus troublé par cette réponſe ,chante
fur l'air: On vous en ratiffe.
Que mon coeur eft agité !
Ah ! par cette obſcurité
Tu redoubles mon fupplice ;
Dis -moi lequel me tuera.
L'Ombre , en rentrant dans fon Tombeau.
On vous en ratiffe ,
On vous en ratiſfera.
Danaüs refte feul .
Danaüs , fur l'air : Comment faire.
Ombre inhumaine , expliquez -vous ;
Sur qui doivent tomber mes coups ?
Dans une telle Pépiniere ,
Il s'agit de developer :
Celui que ma main doit frapper ;
Comment faire ?
H Danaus
1662 MERCURE DE FRANCE,
Danaüs , continue fur l'air :
Reveillez - vous .
Voyez la plaifante vétille !
Je n'ai , pour fortir d'embarras
Qu'à tuer toute la famille ;
Et je ne m'y tromperai pas..
SCENE IV.
Le Théatre change , & reprefente une
Mer agitée.
Hypermnestre témoigne l'impatience
qu'elle a de voir Lyncée , par ces deux:
couplets , dont le premier eft fur l'air :
Sorte de vos retraites.
Ah ! quel affreux Orage !
Ceffez , vents furieux ›
D'exercer votre rage
Sur l'objet de mes feux :
Dans vos grottes profondes
Rentrez en ce moment ;
Doux Zéphirs , fur les Ondes
Conduifez mon amant.
Auffi tôt la tempête ceffe , & Hypermneftre
chante cet autre coupler :
Le
JUILLET. 1728. 1663
Le
temps eft calme , & le vent doux ;
Dépêchez- vous
Mon cher époux :
L'Hymen vous attend au Port ;
Pour vous y faire un heureux fort.
Ce Dieu dans ce jour,
D'accord avec l'amour ,
Va couronner l'ardeur qui nous preffe :
Faifons fur ces bords
Eclater nos tranſports
Et que nos tendres défirs
Comblez par les plaifirs
Dans nos coeurs renaiffent fans ceffe:
SCENE V.
Une Troupe de Matelots & de Marelottes
s'avancent fur le rivage , & appelle
Lyncée en chantant.
Avance , avance .
Répons à fon impatience.
Après le divertiffement des Matelots ,
Lyncée traverse les Flots à la nage .
Hij SCENE
1664 MERCURE DE FRANCE.
SCENE VI.
Lyncée , en voyant Hypermneftre , Parodie
; ces paroles de l'Opera : Cher objet
du plus tendre amour, &c.
Ca , Fanchon ,
Mon petit bouchon ,
Ca , ma Chere ,
2
Faites faire
Du feu , car j'ai le friffon.
Hypermnestre.
Cher Epoux ,
1
Je tremblois pour vous
Lyncée.
Des Poiffons , l'humide canaille ,
Les huitres à l'Ecaille ,
De moi, tout étoit jaloux :
Mais enfin ,
L'amour bien plus fin ,
M'a , malgré l'orage ,
Conduit à la plage ;
Je promes
De n'en dériver jamais,
As
JUILLET. 1728. 1665
Ils fe témoignent mutuellement le plaifir
qu'ils ont de fe voir , &c . Après
cette Scene Danaüs arrive , reconnoît
fon gendre , & l'embraffe , en lui difant :
fur l'air : De néceffité , néceffitante .
Au Temple , l'Hymen vous appelle ;
Hypermneftre à Lyncée.
Entrez-y donc :
Lyncée.
Je vous fuis,ma Belle ;
Danaus.
Tout eft prêt pour la céremonie ;
Lyncée.
Oh ! point de façons , je vous en prie.
SCENE VIIL
Le Théatre change , & reprefente le
Temple d'Ifis ; le Grand Prêtre y paroît
accompagné de fes Miniftres. Danaüs
Hypermneftre & Lyncée , entrent dans
le Temple ; on approche l'Autel de l'Hymen
, où Lyncée & Hypermneftre pofent
la main , le Grand-Prêtre reçoit leurs
ferment.
Hiij Hy
1666 MERCURE DE FRANCE.
Hypermnestre chante.
De ma vive flamme ,
Hymen , fois le garant.
Lyncée.
Je jure à ma femme
D'être toujours conſtant.
Hypermnestre.
Je vous ferai fidelle ;
J'en fais , cher Amant
Le ferment.
Lyncée.
Helas ! ma Belle ,
L'Amour le fait , mais l'Hymen le dément.
Danaus ordonne que l'on ouvre les portes
du Temple , & que tout le Peuple y
entre pêle-mêle pour prendre part à la
Fête ; le Peuple entre dans le Temple ,
& c.
>
Après le divertiffement , Arcas vient
dire à Danaüs d'aller calmer par
fa préfence l'infolence des mutins. Auffitôt
Lyncée prie le Roi par le couplet fuivant
, de fouffrir qu'il fignale fa valeur
contre eux , fur l'air : Ce n'eft point par
effort qu'on aime .
De
JUILLET . 1728. 1667
De vous , que j'obtienne une grace :
Souffrez qu'en cette occafion ,
Sur cette vile populace :
Je faffe une belle action.
Danaus.
Allez donc vous battre à ma place
Lyncée , en s'en allant.
Le beau- pere eft un pen poltron.
Danaus reste avec fa fille , & paroît
fort embarraffé : Je ne fçais , dit- il , comment
elle recevra le beau compliment que
je vais luifaire. Après lui avoir fait connoître
les obligations qu'elle lui a , il
chante le couplet fur l'air : Que je aberis ,
mon cher Voifin.
Ma fille , l'on a réfolu
D'immoler votre pere s
J'ai besoin de votre vertu ,
Hypermnestre.
Et qu'en voulez - vous faire ?
Elle doit armer votre bras , répond Danaus.
Hypermneftre lui demande fur qui
doit tomber la vengeance : Son nom vous
fera trembler , ajoûte Danaus . Hyperm-
Hiiij neftre
1668 MERCURE DE FRANCE.
neftre l'affûre que pour diffiper fes injuftes
foupçons, elle eft prête à faire un nouveau
ferment.
Danaus , fur l'air : Ah ! qu'il est beau ,
l'Oyfeau.
A vous parler fincerement ,
Je crains que le fecond ferment
N'ennuie. , n'ennuie ,
Jamais on n'en fit tant
En Normandie.
Ecoutez celui-ci , lui dit Hypermneftre
; mais qu'on m'apporte l'Autel , car
fans celaje ne fçaurois jurer.
Hypermnestre , air du Charivari.
Malgré le reſpect ſincere
Que j'ai pour toi .
Si je ne venge mon pere ,
Hymen, fais moi
Manquer de foi dès aujourd'hui
A mon mari.
Danaus raffuré par le ferment de fa
fille , lui préfente un poignard , & chante
ce couplet , fur l'air : Contre un engagement.
Di
JUILLET. 1728. 1669
Du plus funefte fort
Ma tête eft menacée ,
Pour empêcher ma mort
Va
percer
Hypermnestre.
Qui?
Danaus.
Lyncée,
Hypermnestre.
Quelle loi fanguinaire ,
Helas ! m'impofez- vous ?
Me convient- il , mon pere ,
De percer mon époux ?
Danaus lui apprend que l'Ombre de
Gelanor lui a prédit tantôt qu'un des
fils d'Egyptus lui raviroit la vie & la
Couronne ; que fes foeurs n'ont pas fait
tant de difficulté , & qu'elles font bien
plus réſoluës ; il l'a renvoye , en lui ore
donnant d'executer le ferment qui la lie .
Hypermnestre fort . Danaus refte , & dit
qu'il a pris de fi juftes meſures , que Lyn-.
cée ne pourra fe fouftraire à fa vengeance,
& qu'à la faveur de la nuit on va l'affic
ger de toutes parts.
Hv SCENE
1670 MERCURE DE FRANCE .
D
SCENE XIII.
Le Théatre change , & reprefente la
façade du Palais de Danaus . Une nuit
très - obfcure régne fur le Théatre . Hypermneſtre
y paroît feule , un poignard à
la main , elle chante fur l'air : Depuis que
j'ai vû Nanette .
Juftes Dieux ! que dois-je faire ?
Quoi ! cédant à fon courroux ,
Mes foeurs par l'ordre d'un pere
Affaffinent leurs époux ?
O nuit , de tes voiles fombres ,
Quel eft le fatal fecours !
Toi , qui ne devois tes ombres
Qu'au triomphe des Amours.
SCENE XIV.
Lyncée avec une Lanterne à la main ,
en pet-en-l'air , en bonnet de nuit & en
pantoufles , vient chercher fa femme ; il
Papperçoit & en voyant le poignard
qu'elle tient , il lui demande ce qu'elle en
veut faire. Hypermneftre ne fçait que lui
répondre , & dans l'excès de fa fureur
elle veut fe fraper. Lyncée l'arrête. Auffi
- tôt
JUILLET. 1728. 1671
tôt le Tonnere gronde , les éclairs brillent
. Lyncée chante fur l'air : la faridondaine
, lafaridondon.
Mais quel tonnere , quels éclairs ,
Etonnent la Nature ?
Ces feux qui brillent dans les airs
Sont d'un finiftre augure.
Choeur des fils d'Egyptus.
Quelle fatale trahiſon ,
La faridondaine , la faridondon ,
Dieux ! O Dieux ! on nous traite ici
Biribi ,
A la façon de Barbarie
A
Mon ami.
Lyncée reconnoît les voix de fes freres ;
& dans le temps qu'il veut aller les fecourir
, il entend un Choeur d'Egyptiens
qui chantent ;
Aux armes camarades ,
Autre Choeur d'Argiens derriens le
Théatre , fur l'air : Jefuis un bon Soldat.
A
Portons dans le combat ,
Tita ta
H vj L'hor1672
MERCURE DE FRANCE .
L'horreur & le carnage.
Que Lyncée abbatu •
Tu , tu , tu .
Cede à notre courage.
Comment,morbleu , dit Lyncée , on parle
de moi , Ab! chien de beau pere , vous
faites donc des vôtres ? Tout à l'heure nous
allons voir beau jeu ; mes amis , commen .
cez toujours. Hypermneftre effrayée rentre
; auffi-tôt on fonne la charge ; il fe
fait un combat en ordre , des Egyptiens
contre les Argiens ; Lyncée vient avec
un grand bâton , avec lequel il met fes
ennemis en fuite , & refte Vainqueur .
SCENE XVI.
Hypermneftre feule arrive toute tremblante
, & chante les quatre couplets fuivans
:
Premier couplet , fur l'air : le flon flon,
Quelle horreur ! quel tapage !
Où porter mes regards
Le fang dans ce carnage
Coule de toutes parts.
Se.
JUILLET. 1728. 1673
"
Second coupler , fur l'air : du Frere
Endouillard.
Mais quel fpectacle à mes yeux fe découvre
La terre s'entr'ouvre ,
Je vois des enfers
Les fuplices divers.
Troifiéme , fur l'air : Vous n'avez pas
befoin qu'on vous confole.
Je vois mes foeurs fur l'infernale rive :
Quel eft le but de leurs foins empreffés ?
Elles voudroient d'une onde fugitive ,
Fixer le cours dans des Tonneaux percés.
Quatrième ,fur l'air : Je ne fuis né ni Rei
ni Prince.
Non , vos mains font trop criminelles ;
cruelles ,
Des Dieux n'efperés pas ,
Appailer le jufte courroux ;
Vous puiſez vainement , perfides
Vous avez tué vos époux ;
Vos Tonneaux feront toujours vuides..
SCENE XVII.
Lyncée vient apprendre à Hypermnef
tre
1674 MERCURE DE FRANCE .
tre le fuccès du combat ; lui dit de le fuivre,
& voyant Danaus foutenu par deux
Gardes : Ah ! continue- t - il , vous verrez
que j'aurai tué le beau-perefans y penſer.
SCENE DERNIERE.
Hypermnestre , en voyant fon pere ,
s'écrie :
O Ciel ! quel horrible ſpectacle !
Ta main vient d'accomplir l'Oracle.
Danaus , fur l'air : Colin , va t'en dire
à Nanette.
Non , fille perfide , c'eſt toi ;
Qui trahis ton pere & ton Roi;
Pour l'amour de ce miferable ,
Je voudrois pouvoir avec moi ,
Tous deux vous entraîner au Diable.
Lyncée lui répond , allez y toujours devant,
mon cherpapa , & chante fur l'air :
& zeste , zefte , zeste.
Et zefte , zefte , zefte ,
Grands Dieux , quelle fureur !
Danaus.
Vite , que l'on m'emporte.
Lyneie.
JUILLET. 1728. 1675
Lyncée.
La rage le tranſporte.
Hypermnestre.
Il expire , Seigneur.
O Ciel ! quel coup funeſte ›
Il ne faut pas quitter le Roi .
Lyncée .
Et zefte , zefte , zeſte ,
Puifqu'il eft défiant , croyez- moi ,
Songeons au refte.
Le fieur des Effars , Comédien de Province
, ayant obtenu un ordre du Duc
de la Tremouille , Premier Gentilhomme
de la Chambre du Roi en année , reprefenta
fur le Théatre François le 13. le 14.
& le 19. de ce mois , les principaux Rôles
dans les Comédies d'Efope à la Cour
de l'Avare , de Tartuffe , &c.
Au commencement de ce mois , les
Comédiens François ont remis au Théa
tre la Tragédie de Britannicus de Racine ,
dont l'execution fait un extrême plaifir.
Le fieur Baron y joue le Rôle de Burshus.
Le
1676 MERCURE DE FRANCE .
Le 17. Juillet , les Comédiens Italiens
donnerent la premiere reprefentation
d'une petite Piéce nouvelle en Profe,
& en un Acte ,intitulé : Arlequin Arbitre.
L'Auteur qui ne fe nomme pas , a
voulu parodier quelques Scenes de la
Comédie du Procureur Arbitre , jouée au
Théatre François au mois de Février dernier.
•
La place nous manque pour l'Extrait de
la Princeffe d'Elide , Opera nouveau
qu'on joue avec beaucoup de fuccès depuis
le zo . de ce mois. On le trouvera
dans le prochain Mercure.
Les Comédiens François doivent remettre
au Théatre , le premier jour
d'Août , la Princeffe d'Elide , Comédie
héroïque de Moliere , mêlée de chants ,
de Symphonies & d'Entrées de Ballets .
Le Concert établi au Château des
Tuilleries , ayant été interrompu à cauſe
des grandes chaleurs , recommencera le
15. Août prochain , Fête de l'Affomption
de la Vierge. Le fieur Simard , qui a
feul préfentement ce Privilege , fur la démiffion
du lieur Philidor , avec l'agré
ment du Roi , a pris toutes les mesures
convenables pour rendre ce Concert en-
)
core
JUILLET. 1728. 1677
core plus brillant . Le fieur Mouret , Auteur
de plufieurs Ouvrages de Muſique ,
connus & eftimés du Public , eft chargé
du choix des Sujets qui fe préfenteront
pour être admis au Concert, de même que
de toutes les Piéces qui y feront chantées ,
& de leur execution. Il prie les amateursde
Mufique de lui indiquer & de lui
adreffer les meilleurs Sujets dont ils pourront
avoir connoiffance , foit à Paris , où
dans les Provinces , tant pour la voix
que pour les inftrumens ; on leur fera des
conditions avantageufes felon leurs talens.-
Le fieur Mouret demeure toujours fur la
Place du Palais Royal , proche le Caffe de
la Regence.
On a diftribué ( dans la Salle du Concert
) les Gradins qui font face à la Tribune
; de forte que l'on pourra faire retenir
des places féparées depuis quatre juſqu'à
huit , fur le pied de quatre livres
chacune ; on ne payera que trois livres
aux places des Gradins qui font à côté de
la Tribune , & deux livres au Parquet
comme à l'ordinaire.
TT
NO
1678 MERCURE DE FRANCE .
NOUVELLES DU TEMPS.
L
TURQUIE
nier à Tunis un Vaiffeau d'Amfterdam
avec des Poudres , des Boulets , du Gaudron ,
des Toiles de Voiles , des Ancres & autres
munitions , pour remplir les conditions auf
quelles la République d'Hollande s'eft enga
gé avec la Regence de Tunis , par le dernier
Traité qu'elle a fair avec elle.
On a reçû avis que le Bey de Tunis avoit
fait mettre aux fers plufieurs des Principaux
habitans de cette Ville , qu'il avoit relegué à
Suz le pere & le frere defon neveu rebelle
& que depuis leur départ , il les avoit fair
étrangler en chemin . Ces Lettres ajoûtent que
les autres habitans qui font dans le parti du
Bey , commençoient à tranfporter leurs Mara
chandifes & leurs effets dans les Montagnes
pour les garantir en cas que l'Efcadre du Roi
T.Ch. vienne les bombarder.
On a appris de Miquenez que Muley Abdemelec
qui avoit été proclamé Roy à la place
de Muley-Hamet Debey , fon frere , y avoit
fait fon Entrée publique dans le mois de May
dernier avec beaucoup de pompe & aux acclamations
des habitans ; qu'il avoit nommé
immédiatement après plufieurs Grands de
fon Royaume pour aller à la Mecque y porter
de riches préfens au Tombeau de Mahomet ,
en reconnoiffance des faveurs qu'il a reçûës.
Ces
JUILLET . 1728. 1679
Ces Lettres ajoûtent , qu'il a fait de fi bons
réglemens pour l'adminiftration de la juſtice ,
qu'on a tout lieu d'efperer un Gouvernement
doux fous un Prince fi Debonnaire.
On a reçû avis que le Bey de Tripoli avoit
déclaré au Conful de l'Empereur , que la Regence
avoit réfolu de ne plus obferver le Traité
de paix qu'elle avoit faite il y a environ
deux ans avec S. M. Imp.parce qu'il étoit trop
défavantageux à la Regence.
RUSSIE.
E Czar a accordé à la Princeffe Ottokefa-
Federowna , fon Ayeule , 50000. Roubles
tous les ans , outre fa penfion ordinaire ,
& a auffi augmenté confiderablement le nombre
de fes Domeftiques.
Le Vaiſſeau de Guerre , Pierre le Grand , de
110. piéces de Canon , conftruit depuis un
an, doit être tranfporté de Petersbourg à
Cronstadt fur des machines faites exprès.
On a eu avis que le Prince Menzikoff étoit
entierement rétabli de fa maladie , & qu'it
avoit été conduit fur fes Terres , accompagné
d'une partie de fa famille.
Le Czar ayant fait examiner dans fon Confeil
les offres avantageufes qui lui ont été
faites de la part de l'Empereur de la Chine ,
par rapport au commerce de ce Pays , S. M.
Cz. a réfolu de faire partir tous les deux ans
une Caravane pour la sûreté des Marchands
qui voudront aller à la Chine , ou y envoyer
leurs Marchandiſes.
Deux Officiers s'étant battus en duel à Moſ
cou, & l'un deux ayant été tué, on a publié & affiché
un Edit qui condamne à mort tous ceux
qui fe battront dorénavant en duel , de même
que
1680 MERCURE DE FRANCE.
que ceux qui ferviront de feconds. Ceux qui fe
feront battus à la fuite d'une querelle , & fans
appel ni rendez - vous , feront condamnés à
travailler pendant un certain tems aux fortifications
des Forterefles.
Le Prince Dolhorucki qui commande les"
Troupes du Czar en Perfe , écrit que les
Troupes du Sultan Acheraf n'avoient pas encore
abandonné les quartiers qu'elles avoient
pris le long de la mer Cafpienne , mais qu'elles
ne faifoient aucun mouvement ; que l'Aga
qui commande celle du Grand Seigneur en
Georgie , avoit fait faire diverfes propofitions
d'amitié au General Mofcovite , & lui
avoit fait efperer qu'il en auroit in ceffamment
des preuves plus certaines par l'arrivée des
Commiffaires de S H. charges de pleins pouvoirs
pour travailler au réglement des limites
des Provinces conquifes fur la Perfe par le
feu Czar & par les Troupes Ottomanes.
M
POLOGNE .
Stadzinski , Miniftre de la République
de Pologne à Kili , écrivit fur la fin du
mois dernier au Grand General de la Couronne
, que le Kan des Tartares étoit venu
camper avec fes Troupes à trois lieues de cette
Ville , & que ce Prince ayant appris que Murza
Driantimier étoit en marche avec 12000.
Calmuques pour faire une invafion dans la Pologne
, avoit envoyé ordre au Sultan Galga
d'aller au devant de lui avec fes Troupes, pour
l'empêcher d'entrer dans le Pays
Le Comte Maurice de Saxe s'eſt juſtifié auprès
du Roi & des Senateurs , de tout ce
qu'on lui avoit imputé au fujet de l'Election
éventuelle que les Etats du Duché de Curlande
JUILLET. 1728 .
1.681
lande avoient faite en fa faveur de forte
qu'ayant réuni tous les efprits , on croit qu'il
Trouvera un grand nombre de Partiſans dans
prochaine Ďiette generale , où l'on doit déliberer
de nouveau fur cette affaire.
DANNEMARG.
9
E Roy a fait dire aux Miniftres des Puiffances
qui lui ont fait des Repréſentations
au fujet du commerce de la Compagnie d'Altena
, que cet établissement étant le même qui
fubfifte à Copenhague depuis plus de 200 ans
S. M. avoit lieu de s'étonner qu'on en prit om
brage:qu'au refte elle confentoit que cette affai
re fut portée au Congrès de Soiffons , pour faire
voir à fes Alliez qu'elle ne craignoit point de
les avoir pour juges.
LE
ALLEMAGNE.
E 17. Juin , l'Empereur & l'Imperatrice
partirent de Laxembourg pour Neuftadt ,
avec le Pr. hereditaire de Lorraine.
Le 21. L. M. Imp . allerent dîner à Glonitz &
coucher à Mehrzufchlag.
Le 22. elles dînerent à Kiemberg , & le foir
elles arriverent à Pruck fur la More , d'où elles
partirent le lendemain; & après avoir dîné
à Frayenlutten , elles firent l'après - midy leur
Entrée publique à Gratz, Capitale de la Stirie.
Les Députez des Etats de la Province allerent
audevant de l'Empereur , jufqu'au Château de
Geftin , qui appartient au Comte d'Athemis.
Le 24 Fête de S. Jean- Baptifte l'Emper. accompagné
des Chevaliers de la To fon d'Or ,
qui font du voyage , tint Chapelle publique
dans l'Eglife des jéluites , où il entendit la
Meffe
1682 MERCURE DE FRANCE .
Meffe , celebrée pontificalement par l'Evêque
de Seckau .
On apprend de Drefde du commencement
de ce mois , que les Etats de l'Electorat de
Saxe ont obtenu du Roy de Pologne une Ordonnance
qui deffend aux Familles Catholide
s'affembler dans des Maiſons particu- ques
lieres , & qui leur ordonne de faire l'exercice
de leur Religion dans les Chapelles qui leur
ont été accordées. Le Pr. Electoral de Saxe as
obtenu de S. M. la permiffion d'en faire bâtir
une à la Maifon de plaifance de Wermfdorf.
On écrit de Prague qu'un jeune Etudiant de
cette Ville ayant été trompé par un Juif, duquel
il venoit d'achepter uneCanne d'Eſpagne,
& le Juif ayant refufé de lui rendre le
prix
qu'il en avoit reçû . il l'en avoit frappé de
plufieurs coups , ce qui avoit fait affembler la
populace & excité un grand tumulte ; que la
Garnifon étant accourue pour appaiſer le défordre,
les Etudians s'étoient attroupez , croyant
qu'on vouloit enlever leur camarade, qu'il y
avoit eu plus de vingt hommes tuez de part &
d'autre , & un plus grand nombre de bleffez s
que toutes les maifons des Juifs avoient été
pillées par les Etudians ; contre lefquels le
Commandant avoit été obligé de faire poincer
le Canon en plufieurs endroits de la Ville,
& de faire venir 300 Cuiraffiers du Regiment
de Caraffe qui eft en quartier aux environs.
Le Pacha qui s'étoit refugié à Trieſte , a été
conduit depuis peu à Fiume , où il doit s'embarquer
pour Naples , pour y être plus en sûreté.
Le Duc de Meckelbourg eft retourné à Dantzic
, après avoir reçû avis que toutes les repreſentations
qui avoient été faites de fa part au
Confeil Aulique , avoient été rejettées, & qu'il
ne
JUILLET. 1728. 1683
ne pourroit plus efperer de rien faire changer
au Decret de ce Confeil..
On a appris que le Prince Chrétien Loüis a
eu plufieurs conferences, tant avec les Minif
tres du Duc de Meckelbourg , fon Frere, qu'avec
les Subdeleguez de la Commiffion Impé
riale de Roftock , au fujet de l'adminiftration
du Duché, mais comme on n'a encore pris aucune
réfolution, on doit publier inceffamment
les Lettres circulaires de l'Emper. pour convoquer
l'Affemblée de la Nobleffe & des Etats
de Meckelbourg , afin de les engager par ferment
à approuver la nouvelle adminiftration
ordonnée par le dernier Decret du Confeil
Aulique. Le Duc de Meckelbourg de fon côté
a fait deffendre à fes Sujets de fe foumettre à
ce Decret fous peine de la vie, & le Gouverneur
de Domitz a ordre de fe deffendre jufqu'à
la derniere extrêmité.
On apprend de Drefde , que le 14. du mois
dernier, le Roy de Pologne arriva à Frauſtadt
& qu'il y fut reçû avec des démonftrations
extraordinaires de joye des Grands de Pologne
, qui y étoient venus pour rendre leurs
refpects à S. M. qui y figna le 18. les Univerfaux
pour la tenue de la prochaine Diete generale
de Pologne à Grodno , & partit le 20,
pour Drefde, où elle arriva le 21. en parfaite
fanté
ITALIE.
Es chaleurs ont été fi exceffives dans le
LRORoyaume de Naples , pendant le mois dernier,
que plufieurs Payfans font morts en travaillant
à la Campagne.
Dans le Confiftoire fecret , tenu à Rome le
14. Juin , où le Pape fit la ceremonie de fermer
& ouvrir la bouche au Card . Gotti, le Cardinal
1684 MERCURE DE FRANCE.
dinal de Polignac , en l'abſence du Card.Ottoboni
, Protecteur des affaires de France , propofa
l'Evêché de Bayonne pour l'Abbé de la
Vieuville , Doyen de l'Eglife Cathedrale de
Nantes. Le Card. Cienfuegos , chargé des affaires
de l'Emp. préconifa M.Charles Spinofa,
Evêque titulaire de Trical , pour l'Evêché
d'Anvers.
Le 16. au matin, M Jean- Baptifte Spinola,
Genois , prit poffeffion de la Charge de Gouverneur
de Rome , & de celle de Vice . Camerlingue.
Le Pape a envoyé M. Fizella à Benevent ,
pour y expedier des Lettres circulaires aux
Evêques & Abbez de la Province , afin qu'ils
ayent à s'affembler dans cette Ville au mois
d'Octobre prochain , pour la tenuë d'un Concile
Provincial, auquel S. S. a deffein d'affifter.
Le Pape ayant été informé que les affaffinats
devenoient affez frequens , tant à Rome
que dans l'Etat Ecclefiaftique, à caufe de l'impunité.
S. S. a réfolu de ne plus accorder de
graces ni de commutation de peine pour ces
fortes de crimes , & elle a fait publier un Edit,
qui réduit aux quatres principales Eglifes de
Rome , & à trois jours feulement , l'azile accordé
aux Meurtriers .
On mande de Milan , que les Terres du
Comte Charles Borromée , qui font les plus
belles d'Italie , & les mieux fituées pour le
commerce, devoient être dans peu érigées en
Principauté.
Les Lettres de Bologne , portent que le Chevalier
de S. George y étoit revenu de Parme
le dix-neuf du mois dernier , & que fon fils
aîné avoit reçû de la Ducheffe Doüairiere de
Parme , un prefent confiderable de Vaiffelle
d'argent , de Bijoux & de Pierreries.
Luc
JUILLET. 1728. 1685
Luc Grimaldi , nouveau Doge de la Répu
blique de Gennes , qui fut couronné le 5. du
mois dernier , donna quelques jours après un
repas magnifique , où il fe trouva plus de 400.
perfonnes.
Le Cardinal Pereira , ni l'Ambaffadeur de
Portugal , n'ont point encore rendu vifite à
l'Infant Dom Emanuel , qui fe prépare à
partir de Gennes dans peu.
On mande de Turin , que le Roi de Sardaigne
avoit résolu de tirer de la Savoye un grand
nombre de garçons & de filles , pour établir
une Colonie dans les Vallées.
Le Cardinal Albéroni eft revenu d'Ancone
à Rome avec fon. Neveu , que le Pape a nommé
Prélat du Palais & Referendaire de l'une &
l'autre fignature.
L'Ambaffadeur du Roy de Portugal , qui
s'étoit retiré de Rome à Gennes , s'embarqua
le 22. du mois dernier pour Marſeille , où l'on
affure qu'il paffera l'Eté , après quoi il continuera
fa route pour Lifbonne.
ON
GRANDE BRETAGNE.
des
Na ouvert depuis peu à Whitehall ,
Livres de Soufcriptions pour ceux qui
voudront prêter de l'argent à quatre pour cent
aux Entrepreneurs du nouveau Pont qu'on
doit bâtir fur la Tamife , entre Fulham &
Putney. Cet emprunt , autorifé par un Ace
de Parlement , eft de 30000 livres fterlin .
On a reçû avis de la Virginie , que le Gouverneur
& le Conful de cette Province y
avoient ordonné un jour de jeûne & de Prieres
, pour demander à Dieu qu'il daigne pré
ferver ce Pays de la famine dont il eft mena cè,
les Chenilles ayant détruit tous les fruits de
la terre.
I
Qu
1686
MERCURE
DE FRANCE
. On append de Cantorbery
, qu'on a pêché entre Heckenbury
& Stile- Bridge , un gros Poiffon qui a trente pieds de long , d'une ef- pece inconnue
, ayant la tête comme un Tau- reau , & deux pieds comme un homme.
FRANCE
,
Nouvelles
de la Cour , de Paris , &c.
L&
E 29. du mois paffé , jour de S. Pierre
& S. Paul , les Moufquetaires
du Roy- de la feconde
Compagnie
, Brigade
de Li- gonez , en quartier
au Village
de Fayel , après avoir donné plufieurs
petites Fêtes champêtres
, celebrerent
celle des Saints
Apôtres
, qui arrivoit
la veille de leur dé- d'une maniere
édifiante
& folempart
, nelle , avec le concours
des Peuples
de tous les Villages
circonvoifins
. Ils affifterent
tous à la grande
Meffe Paroiffiale
laquelle
fut chantée
en Mufique
, accompagnée
de divers Inftrumens
, la plûpart de ces Meffieurs
ayant pour cela les talens
neceffaires
. Le Curé les en remercia
par un Compliment
fort poli , à la fuite de
fon Prône. Ils affifterent
auffi à Vêpres
, chantées
par eux - mêmes
en Mufique
, & au Salut , pendant
lefquels
Offices
il y
eut Expofition
du S. Sacrement
,
Su
JUILLET. 1728. 1687
Sur less. heures du foir , on commença
les Danfes , pendant leſquelles on dé◄
fonça plufieurs muids de vin , & on jetta
de l'argent , aux acclamations du Peuple
qui ne ceffoit de crier VIVE LE ROY ,
& de faire des voeux pour l'heureuſe délivrance
de la Reine . On fit plufieurs
tours d'adreſſe & de Gobelets , qui amuferent
& furprirent extremement l'Affemblée
champêtre .
par
A neuf heures la grande Avenuë , dans
laquelle on danfoit , fut illuminée d'une
maniere ingenieufe , ce qui faifoit un fort
beau fpectacle. Les Danfes durerent jufqu'à
onze heures , & furent terminées
un grand feu de joye , accompagné de
fufées , &c. Comme le feu déclinoit , on
y jetta tous les muids vuides : Alors les
Moufquetaires fe joignirent aux Habitans
& danferent un Branle à l'entour
après quoi ils fe retirerent & attendirent
à table l'heure de leur départ , laiffant le
Pays rempli d'idées avantageufes de leur
politeffe , de leur liberalité & de leur zele
pour le fervice du Roy .
On écrit d'Avignon , du 5. Juillet , que
le 15. du mois paffé les RR . PP . Jefuites
firent avec beaucoup de folemnité , la
Fête de la Canonifation des Saints Louis
de Gonzagues & Staniflis Kostka , de leur
Compagnie cette Fête dura 8. jours
I ij &
1688 MERCURE DE FRANCE. A
& fut foutenue par un grand concours
des Habitans de la Ville qui venoient
admirer la décoration de l'Eglife , & afſiſter
aux Offices Divins , chantez fucceffivement
par tous les Chapitres Séculiers &
Réguliers , qui fe font efforcez à l'envi ,
de faire honneur aux PP. de la Compa
gnie. Entre autre Décoration , le jour de
P'ouverture de l'Octave , la cour du Col❤
lege fe trouva ornée de tout ce que le
bon goût & la Litterature peut fournir
pour ces fortes de Décorations .
M. le Duc de Bouillon , qui a été trèsdangereufement
malade à Pontoife , a pris
le Kermes Mineral , & a été faigné. Il ſe
porte à prefent fort bien. M. Aftruct eft
fon Medecin. La Ducheffe de Bouillon
avance heureuſement dans fa groffeffe .
M. de Villeneuve , cy - devant Lieute
nant General de la Senechauffée de Marfeille
, nommé à l'Ambaffade de la Porte
Othomane , a été fait Confeiller d'Etat , &
il fe difpofe à partir pour Conftantinople.
Le 5. Juillet , M. Deftouches , Sur-Intendant
de la Mufique du Roi , & Directeur
de l'Académie Royale de Mufique ,
commença à faire executer en Concert ,
par ordre de la Reine & en fa prefence ,
dans le Salon de la Paix , l'Opera de Telemaque
, dont il a fait la Mufique ,
& continua les deux jours fuiyans. L'execution
JUILLET. 1728. 1689
xecution, en fut parfaite & fit beaucoup
de plaifir à S. M. & à toute la Cour.
Les Rôles de Calypfo & d'Eucharis , furent
chantez par les Des Antier & Péliffier
; ceux de Telemaqué & d'Adrafte ,
tomberent en partage aux fieurs Dumefni
& Dangerville ; ces quatre Sujets s'en acquitterent
au gré de tout le monde. Cet
Opera fut reprefenté pour la premiere
fois à Paris au commencement du mois
de Décembre de l'année 1714. avec un
très -grand fuccès. On s'attend à le revoir
Phyver prochain fur le Théatre .
Le 21. Juillet après midi , le Roy fic au
Champ de Mars , près de Marly , la Revûë
des quatre Compagnies des Gardes
du Corps & de celle des Grenadiers à
Cheval. Ces Troupes vinrent enfuite dans
la Cour du Château de Verſailles , & elles
défilerent devant la Reine .
Le Roi a donné au fils aîné du Marquis
de Caftries , le Gouvernement de Montpellier
, qui vaquoit par la mort de fon
pere.
(
Le 4. M. Bernard , Maître des Requê
tes & Sur- Intendant de la Maifon de la
Reine , prêta ferment entre les mains du
Roy , pour la Charge de Grand Croix ,
Prévôt & Maître des Ceremonies de l'Ordre
Royal & Militaire de S. Louis .
Le 18.S. M. entendit dans la Chapelle
I iij du
1590 MERCURE DE FRANCE .
du Château de Verfailles , la Meffe , pendant
laquelle l'Evêque de Vence prêta ferment
de fidelité entre les mains du Roy.
Le 3. & le 17. de ce mois , la Reine
entendit la Meffe dans la même Chapelle
& S. M. y communia par les mains
de M. l'Abbé de Pontac , fon Aumônier
en quartier.
Le 14. le Cardinal de Noailles , Archevêque
de Paris , donna un Mandement
pour ordonner des Prieres au fujet
de la groffeffe de la Reine , conçû en
ces termes :
" Les bienfaits de Dieu infpirent la
>> confiance de demander de nouvelles
»graces. Il a commencé de répandre fes
» benedictions fur le Mariage du Roy ,
»par la naiffance de deux auguftes Prin-
» ceffes , & la feconde groffeffe de la Rei-
>> ne a rempli toute la France d'efperance
» que Dieu combleroit nos defirs en nous
» donnant un Dauphin , l'objet de nos
» voeux les plus ardens. S. M. fouhaite
»que nous ordonnions des Prieres dans
»notre Diocèſe , pour l'heureuſe déli-
» vrance de la Reine , & nous fuivons
» également les fentimens de notre coeur
>> & les mouvemens que l'obéiffance nous
» infpire , en demandant à Dieu qu'il con-
>>ferve une Princeffe que fes vertus & fa
»pieté rendent fi chere à notre augufte
» MoJUILLET.
17 : 8 . 1691
»Monarque & fi précieuſe à tout le
» Royaume. A CES CAUSES , & c .
Le 17. du même mois , le Cardinal de
Biffy, Evêque de Meaux , Abbé Commandataire
de l'Abbaye Royale de S.Germain
des Prez , donna auffi un Mandement fur
le même fujet , dont voicy la teneur.
» Les enfans , dit l'Ecriture , font un
wheritage qui vient du Seigneur. Pour
>>l'obtenir , cet heritage , Sa Majefté fou-
» haite qu'on ordonne des Prieres pour
» l'heureufe délivrance de la Reine. Nous
"ne pouvons qu'avec joye nous confor-
» mer à des intentions fi dignes d'un Roy
très- Chrétien . Attirons donc par tous
»> nos voeux fur cet augufte Monarque
" qui fait en même temps les délices & le
bonheur de fon Peuple , les benedic-
» tions que le Prophete Roy promet
» ceux qui craignent le Seigneur. Que
»> norre pieufe Reine , fon Epouse , foir
ndans fon Palais comme une vigne féconde
» & fes Enfans comme de nouveaux plans
nd'Oliviers autour de fa table. Puiffent en
"effet les Enfans de fes Enfans le perpe-
> tuer fur le Trône de S. Louis & de Louis
>>le Grand ; fe former comme lui fur ces
>> grands modeles , & mettre toute leur
» gloire à en être les fideles Imitateurs .
"A CES CAUSES , & C.
9
Le 28. de ce mois , vers les huit heu-
I iiij res
à
1692 MERCURE DE FRANCE.
res un quart du matin , la Reine accoucha
heureuſement d'une Princeffe , &
S. M. fe porte auffi -bien qu'on puiffe le
fouhaiter.
XXXXXXXXXXXXX :XX
MORTS , NAISSANCES
& Mariages.
A Rmand, Marquis de Belſunce & de Caf- telmoron, Baron de Gavaudun , Seigneur
de Born , de Vieilleville , & c. Grand Sénéchal
, & Gouverneur de l'Agenois & Condomois
, mourut le 23. Juin à fon Château de
Born en Agenois , âgé de 90. ans . Il avoit
épousé en 1668. Anne de Caumont -Laulun
foeur du fameux Duc de Laufun , & petite
niéce du dernier Maréchal Duc de la Force
qui en confideration de cette alliance , fit donation
de la Terre de Caftelmoron à Armand
de Belfunce. De ce mariage font nez 10. Armand
de Belfunce , Marquis de Caſtelmoron ,
mort en Flandres de fes bleffures à la Campagne
de 1712. où il commandoit la Gendarmerie.
20. Henri - François - Xavier de Belfunce
Evêque de Marfeille , Abbé de N. D. de
Chambons , Diocèſe de Viviers , & de Monmorel
, Diocèse d'Avranches , fi connu par
fon zele pour la Religion qu'il a toujours foûtenue
avec une fermeté digne des premiers fiécles
de l'Eglife , & par fon genereux & tendre
attachement pour fon Troupeau , à qui il a
fourni , durant la derniere pefte qui a affligé
Marſeille , tous les fecours temporels & fpirituels
.
JUILLET. 1728. 1693
tuels , ayant facrifié à cet effet tous fes biensjufqu'aux
meubles de fon Palais , & mille fois.
expofé la vie avec un courage héroïque aux
horreurs de la mort. Il a achevé de faire voir
combien les Marfeillois , dont la confervation
lui avoit tant coûté , lui étoient devenus chers,
quand nommé en 1723. à l'Evêché de Laon
feconde Duché- Pairie du Royaume , il a refufé
conftamment la nouvelle Dignité , malgré
le revenu confiderable , & le rang diftingué.
qui y font attachez. 3 °. Antonin de Belfunce ,
Capitaine de Frégate , mort en 1712 40. Charles
Gabriel de Belfunce , Marquis de Caſtelmoron
, ci - devant Colonel du Regiment de Belfunce
, depuis Brigadier de Cavalerie , Capitaine
Lieutenant des Gendarmes Bourgui
gnons , Chevalier de S. Louis , aujourd'hui revêtu
de tous les titres du Marquis fon pere.
59 Anne-Marie- Louife de Belfunce , ci - deyant
Grande - Prieure de l'Abbaye de Saintes
aujourd'hui Abbefle du Roncerai, Dame d'Angers
.
·
La Maifon de Belfunce eft une des quatre
premieres Maifons de Navarre , où elle fet
maintient avec éclat depuis près de fix cens
ans, y ayant poffedé les plus éminentes Digni
tez où la haute Nobleffe peut afpirer , comme
celle de Grand- Ecuyer , de Grand- Chambellan ,
de Ricombre , c'est- à dire , Chef d'Armée , & c.
Encore aujourd'hui les Seigneurs de Belfunce
font à la tête de la Nobleffe du Pays , & jouiffent
de grands Privileges à Bayonne , où ils
ont la préféance dans toutes les occafions de
sérémonies , avec la franchiſe de tous droits
d'entrée & de fortie . Cette illuftre & ancienne
Mailon eft partagée en deux branches , dont la
cadette , qui vient de perdre fon Chef , ef établie
depuis l'an 163.1 . dans l'Agenois , & s'eft
Iv allig
1694 MERCURE DE FRANCE .
allié depuis aux Maifons de Laufin , de la For-.
ce , de Biron , & c. tandis que la branche aînée
tenoit deja par des alliances fouvent réiterées
aux plus grandes Maifons de Navarre , comme
à celle de Gramont , de Luxe , d'Armendaxits
, d'Efchaux , & c. Les armes de Belfunce
font de tems immémorial les mêmes que celles
des anciens Princes de Béarn : ce qui fait
croire bien plaufiblement qu'il y a un raport
d'origine entre les deux maifons. Depuis environ
trois fiécles les Seigneurs de Belfunce
ont ajoûté un Dragon aux armes de Béarn par
conceffion du Roi de Navarre , Charles III.
dit le Noble , en memoire de ce qu'un Chevalier
de Beltunce vers l'an 1407 , tua aux environs
de Bayonne un Dragon qui y faifoit de
grands ravages
Le 25. Juin , mourut à Paris , âgé de 68 .
ans , Auguftin Charles Perrochel , Prêtre , Licentié
de la Faculté de Theologie de Paris
, Archidiacre , & Chanoine de l'Eglife de
Paris.
Auguftine Françoife de Choifeuil , fille de
Celar- Augufte , Duc de Choifeuil , Pair de
France , & de Dame Marie- Gabriel de la Baume
le Blanc de la Valiere , mourut à Paris le
de ce mois , âgée de 31. ans deux mois , fans
avoir pris d'alliance.
3
Marie Magdelaine de la Varenne , époufe de
Edme Ravan de Vielbourg , Chevalier , Marquis
de Mienne , Seigneur de S. Germain fur
Eaulne , des Granges , Thou , & c. Lieutenant
General le Roi au Gouvernement
pour
du Nivernois & Dorziois , mourut à Paris le
3. Juillet âgée de 75. ans.
Claude Biet , Premier Apotiquaire du corps
du Roi , dont il a été parlé dans le Mercure
du mois de May dernier , au fujet du Diſcours
qu'il
JUILLET. 1728. 1695
qu'il fit devant S. M. fur la compofition de
la Thériaque , mourut à Verfailles le 18 Juillet.
Il étoit fort eftimé par la probité , & par
fa capacité.
,
Simon-Marie Triotan , Comte de Harville
fils de M. Efprit Juvenal de Harville des Urfins
, Marquis de Traifnel, & de Dame Louife-
Magdelaine le Blaru , mourut à Paris le 9 .
Juillet , âgé de 18. mois.
Le 20 , Jean Chriftophe , Baron de Pentenriedter
d'Adelhaufen , Confeiller d'Etat intime
de l'Empereur , Confeiller du Confeil Aulique
& du Confeil fuprême de Flandres , Ambaffadeur
Plénipotentiaire de S. M. Imp . au
Congrès de Soiffons , y mourut , après quel
ques jours de maladie , âgé de so. ans .
D. Hippolite Grimaldi de Monaco , Ducheffe
de Valentinois , époufe de Jacques François
- Leonor de Grimaldi , Duc de Valentinois
, & d'Etouteville , Pair de France , Sire
de Matignon , Lieutenant General de la Province
de Normandie , accoucha le 20. Juillet
d'une fille , qui fut nommée Louife - Françoife-
Therefe , par François Duc de Harcourt ,
Pair de France, Capitaine des Gardes du Corps ,
Chevalier des Ordres du Roi , Lieutenant General
de la Franche Comté , repreſenté par
Claude Henri de Harcourt fon pere , & par
Dame Marie- Therefe Spinola , époufe de Paul-
Edouart Colbert , Comte de Creuilly , Brigadier
des Armées du Roi.
Le 25 le fils du Duc d'Epernon , né le 15 .
Février de l'année derniere , fut tenu fur les
Fonts de Baptême par leRoi & par la Comteffe
deToulouſe. CetteCéremonie fe fit dans la Chapelle
du Château de Verfailles par le Cardinal
de Rohan , Grand Aumônier de France : le
Curé de la Paroiffe y affifta.
I vj
M.
1696 MERCURE DE FRANCE.
M. Louis- Marie de Maulnorry , Chevalier ,
Seigneur de Sury , &c. Confeiller du Roi en
fa Cour de Parlement , fils de feu M. Claude
de Maulnorry , Chevalier , Seigneur d'Aubigny
, &c. Confeiller en la Cour des Aides , &
de Dame Marie de la Dehors , époufa le 6.
Juillet , Damoiselle Marguerite-Urfule Bourtyl
, fille de feu François Bourtyl , Ecuyer ,
Confeiller du Roi , Contrôleur Provincial des
Guerres , & de Dame Marguerite de Martin.
M. Adolphe Charles de Rommilley, Chevalier
, Seigneur , Marquis de la Chefnelaye , Brigadier
des Armées du Roi , époufa le Juillet
Delle Anne Diane Dauvet Defmarets , fille de
féu François Dauvet , Chevalier , Comte Def
marets , Grand- Fauconnier de France , & de
Dame Marie-Robert ..
ARREST.
RRET du
?
Juillet 1728. rendu à Ver-
A failles , fur le vu de l'avis & jugement
des Cardinaux , Archevêques & Evêques affemblés
extraordinairement à Paris ,fuivant les
ordres de S. M du 9. Avril dernier , par lequel
le Roi ordonne la fuppreffion de l'Ecrit qui a
pour titre Confultation de Mis les Avocats
du Parlement de Paris , au sujet du Jugement
rendu à Ambrun contre M. l'Evêque de Senez
, &c.
Le Roy ayant été informé de l'affectation
avec laquelle on a répandu dans le Public un
Ouvrage imprimé fous le titre de Confutation
des Avocats du Parlement de Paris , au fujet
JUILLET. 1728. 1697
duJugement rendu à Ambrun contre M. l'Evêque
de Senex , du trouble que cet Ouvrage excitoit
dans les efprits déja trop agitez fur les
matieres qui y font traitées , & des mauvais
effets qu'il pouvoit produire contre la Doctrine
de l'Eglife , les principes de la Hierarchie ,
& le respect qui eft dû à l'autorité fpirituelle
& temporelle. S. M. toujours attentive à recourir
aux lumieres des Evêques pour s'inftruire
elle - même , & pour faire inftruire fes
Sujets fur ce qui regarde le Dogme , ou le lan
gage de la foy , avant que de faire ufage de la
puiffance qu'elle a reçûé du Ciel , pour proteger
les décifions de l'Eglife , a jugé à propos
de confulter les Prélats que les affaires de leurs
Diocèfes avoient appellés à Paris , & plus de
36. Cardinaux , Archevêques & Evêques af
femblés par fon ordre pour donner leur avis
& leur Jugement au fujet d'un Ecrit qui a
bien moins le caractere & le ftile d'une Confultation
d'Avocats , que celui d'un Ouvrage de
contention & de difpute fur des Points de
Religion , ont crû devoir écrire en commun
une Lettre à S. M. par laquelle ils lui reprefentent
:.
Que les veritables idées qu'on doit avoir de
L'Eglife & de la Puiffance fpirituelle , font ou
alterées , ou obfcurcies dans la Confultation
des Avocats ; qu'on y réduit le Corps des Paf
teurs , en qui réfide cette puiffance , à nepou
voir l'exercer que de l'aveu du refte de l'Egli
fe , ce qui ne peut s'entendre que des Minif
tres du fecond ordre , & des Laiques mêmes s
foumettant auffi les Paſteurs au troupeau , &
donnant lieu par là de revoquer en doute l'autorité
de toutes les Décifions & de toutes les
Cenfures de l'Eglife , que cette Doctrine fair
dépendre du jugement arbitraire , que chacun
peuss
1698 MERCURE DE FRANCE ,
peut porter fur le confentement tacite, ou préfumé
du Corps entier de l'Eglife.
Que la Confultation ne répand pas moins
d'incertitude fur l'acceptation des Decrets du
S. Siége. Ce n'eft point par les Actes, c'eſt par
les motifs des Evêques qui y ont concouru
que les Avocats veulent qu'on en décide &
rendant tous les Fideles , juges de ces motifs
ils leur fourniffent des prétextes pour difcuter
à leur gré l'acceptation la plus authentique , &
pour éviter par là de fe foûmettre à la doctrine
acceptée; ce qui tend à combattre les décifions
des Conciles Generaux , autant que les jugemens
des Papes , acceptez par les Evêques , &
à favorifer , au moins indirectement , ceux qui
voudroient établir dans le fein de l'Eglife cet
efprit particulier , que les Sectes qui en font
féparées , ont fubftitué à ſon autorité infaillible
.
Que d'ailleurs on n'éleve fi haut dans la Confultation
des Avocats , les décifions des Conciles
Oecuméniques, que pour déprimer celles
que les Evêques unis à leur Chef, prononcent
dans leurs Diocèfes ou dans des Conciles particuliers
; comme fi l'Eglife difperfée avoit
moins de pouvoir , que l'Eglife affemblée ; &
comme s'il n'y avoit pas eu infiniment plus
d'erreurs condamnées par des jugemens de cette
nature , fuivis du confentement exprès ou
tacite du Corps des Pafteurs , qu'il n'y en a eu
de profcrites par des Conciles Generaux .
Qu'après avoir ainfi ébranlé les premiers
principes fur les décifions de l'Eglife , on entreprend
de décrier les Cenfures , qu'elle fait
en general d'un certain nombre de propofitions
avec des qualifications refpectives, & de
faire regarder ces Cenfures comme inutiles , &
même comme nuifibles , malgré les exemples
qu'on
>
JUILLET. 1728. 1699
qu'on en trouve dans l'antiquité , malgré l'au
torité du Concile de Conftance , fi juftement
révéré dans le Royaume ; & celle de plufieurs
Bulles des Papes , qu'on y a reçûës avec la plus
grande unanimité;par où il femble qu'on cherche
à reftraindre le pouvoir de l'Eglife , & à
éloigner les Fideles du refpe &t & de la foûmiffion
qu'ils ne doivent pas moins à ces fortes
de déciſions , qu'aux autres jugemens qu'elle
prononce.
Que c'eft par ces differens dégrez , que de
fimples Laiques s'érigeant en Juges des Juges
mêmes de la foy , exercent leur critique fur le
fond de la doctrine , & font une déclamation
injurieufe contre une Conftitution , faite ou
confirmée par trois Souverains Pontifes , acceptée
en France par cinq Affemblées du Clergé
, reçûë par toute l'Eglife , & revêtuë tant
de fois du caractere de l'autorité Royale .
Que pour réfifter à cette multitude de fuffrages
, réunis en faveur de la même Bulle, les
Auteurs de la Confultation cherchent envain
une reffource dans l'appel au futur Concile qui
én a été interjetté fans l'ordre ou la permiffion
du Roy , fans aucun aveu , ni de l'Eglife Gallicane
, ni de la Nation. Appel qui dans la
conjoncture préfente, doit être confideré comme
un appel frivole & illufoire , où l'on invoque
temerairement le fecours de l'Eglife univerfelle
, contre ce que l'Eglife univerfelle
même a adopté, en recevant la Conftitution.
Appel enfin déclaré de nul effet pour le paffé ,
& deffendu pour l'avenir par une Loy folemnelle
, qui a été enregiftrée dans tous les Parlemens
du Royaume , & que les Auteurs de la
Confultation veulent cependant éluder en fuppofant
contre une difpofition fi préciſe , que
cette Loy referve un Appel qu'elle interdit formellement.
Qu'il
1700 MERCURE DE FRANCE .
Qu'il n'eft pas furprenant après cela, que le
Souverain Pontife ne foit pas plus refpecté
qu'il l'eft dans l'Ouvrage des Avocats. Qu'on
y affecte de ne lui donner que la qualité de
Chefvifible dans l'Eglife , au lieu de celle de
Chef vifible de l'Eglife, qui lui appartient légitimement.
Que la maniere dont on s'y explique
fur la Primauté , qu'il a de droit divin
peut donner lieu de la réduire à une fimple
Prérogative d'honneur ou de dignité; & qu'on
y employe des expreffions capables de faire entendre
, que les Caracteres qui diftinguent le
Pape des autres Pafteurs , ne font fondez que
fur un droit purement pofitif & non fur l'inftitution
de Jefus- Chrift même ; doctrine tant
de fois condamnée dans les Novateurs des derniers
fiecles , foit par l'Eglife de France , ou
par la Faculté de Théologie de Paris , que les
Avocats qui ont travaillé en cette occafion fur
des Mémoires infideles , auront regret fans
doute de l'avoir renouvellée , & dé n'en avoir
pas prévû les dangereufes confequences.
Et comme après avoir combattu l'autorité
fpirituelle & temporelle dans ce qui regarde la
Conftitution Unigenitus , ils ont auffi attaqué
l'Ouvrage des mêmes Puiffances , à l'égard de
la fignature du Formulaire , les Prélats affemblez
par l'ordre de S.M. lui ont reprefenté fur .
cette matiere :
Que les Auteurs de la Confultation trompez
par des Libelles profcrits ou pleinement refutez
, fe font efforcé de rendre vain & inutile fė
pouvoir qui appartient à l'Eglife , d'exiger la
condamnation non feulement des erreurs , mais
des Auteurs ou des Livres qui les enfeignent
pouvoir dont l'Eglife a joui dans tous les
temps , & qu'on ne fçauroit revoquer en dou
te fans fe jetter dans l'étrange extremité de
foûtenis
JUILLET. 1728. 1701
foûtenir , ou qu'elle eft dans l'erreur depuis fa
naiffance , fur le droit qu'elle s'eft toujours attribué
d'obliger fes enfans à dire anathéme
avec elle aux Auteurs & aux Ouvrages qu'elle
condamne , ou qu'il fuffit pour lui obéir , de
prononcer cet anathéme des lévres pendant
que le coeur le dément interieurement.
Qu'au lieu de s'arrêter aux Monumens publics
, unique moyen de connoître sûrement le
veritable efprit de l'Eglife , les Avocats ont
voulu juger de ce qui fe paffa fous le Pontificat
de Clement IX. par des Actes fecrets , contre
lefquels les deux Puiffances fe font également
élevées,lorfqu'elles ont été inftruites de l'abus
qu'on en vouloit faire pour réduire toute la
foumiffion des Fideles en cette matiere , à ne
point parler ni écrire contre les jugemens rendus
par l'Eglife , fur les Auteurs ou fur les Livres
qui font l'objet de fa cenfure; & que loin
de fe conformer à la décifion litterale de la
Bulle : Vineam Domini Sabaoth , reçûë unanimement
par toute l'Eglife , les Avocats n'ont
travaillé qu'à la détruire par des interpréta
tions qui font évidemment contraires au Texte
, & qui ont été combatuës par ceux mêmes
dont les Avocats femblent avoir entrepris la
deffenfe.
Enfin les Prélats affemblez par l'ordre de S.
M. ont ajouté à ces réfléxions que le but de
tous les efforts des Auteurs de la Confultation
, n'a été que d'attaquer le Concile d'Ambrun
, & de juftifier le Prélat que ce Concile a
condanné. Mais qu'outre qu'on ne fçauroit
excufer la liberté qu'ils fe font donnée de juger
d'un Concile fans en avoir vû les Actes,
de fuppofer des faits de violence ou de contrainte
, fans aucun commencement de preuve
, & de croire l'Accufé ſur ſa parole, au lieu
de
1702 MERCURE DE FRANCÉ .
de mettre la préfomption du côté du Ttibunal
, fuivant les regles les plus communes de
la juftice & de la raifon , tout ce qu'ils alléguent
d'ailleurs contre les formes obfervées
dans ce Concile , n'a pour objet que de
prétendues irrégularitez dans un jugement
rendu fur des moyens de Récufation , frivoles
& illufoires , dont celui qui les propofoit , renonçoit
à rapporter la preuve , & qui tendoient
manifeftement à rendre tout jugement
impoffible , où fe réduit à des maximes fauffes
en elles - mêmes , ou mal appliquées fur le
choix des Prélats , qui doivent concourir avec
ceux de la Province pour le jugement canonique
d'un Evêque .
Qu'après avoir difcuté fi exactement les principaux
points qui font traitez dans la Confultation
; & rétabli avec tant de foin les veritables
principes qui doivent être la regle des
fentimens & de la conduite des Fideles , par
rapport aux décifions & aux jugemens Ecclefiaftiques
, les Prélats affemblez par ordre de
S. M. s'étoient crû obligez de déclarer que les
Auteurs de la Confultation ont avancé , infinué
, favorisé fur l'Eglife , fur les Conciles , fur
le Pape , fur les Evêques , fur l'autorité & la
forme de leurs jugemens , fur la Bulle Unigeni
tus , fur l'appel au futur Concile , & fur la fi
gnature du Formulaire , des maximes & des propofitions
temeraires , fauffes , tendantes au
Schifme , & dont la plupart ont été juſtement
profcrites , comme injurieufes à l'Eglife , deftrutives
de la Hierarchie , fufpectes d'herefie
& même beretiques ; qu'ils ont attaqué le Concile
d'Ambran temerairement , injustement &
au préjudice de l'autorité Royale , & de respect
qui est dû à un nombre confideraôle de Prélats
& au Pape même .
Une
JUILLET. 1728. 1703
Une déclaration fi précife de plus de trente
Cardinaux , Archevêques & Evêques , ayant
été fuivie de la priere qu'ils ont fa te au Roy
d'accorder à l'Eglife en cette occafion , le fecours
& la protection qu'ils lui demandoient
avec les plus vives inftances & au nom de Diew
même : S. M. s'eft portée d'autant plus volontiers
à feconder leur zele , & à répondre à
leurs voeux , que , quand elle ne feroit pas excitée
par des motifs fi preffans , à profcrire ,
pour le bien de l'Eglife , un Ouvrage dont
elle connoît à prefent tout le danger , elle feroit
obligée de le faire , pour s'acquitter de
ce qu'elle doit à fon autorité , à la confervation
de l'ordre public & à la tranquillité de
fon Royaume. Elle ne fouffrira donc point
qu'on abuſe , comme on l'a fait en cette occafion
, du nom de plufieurs Avocats celebres
, qui font en poffeffion de la confiance de
fes fujets dans ce qui regarde les differens des
Particuliers , pour émouvoir les efprits fur
des affaires generales , où la Religion &
l'Etat font également intereffez , pour les
ébloüir par des raifonnemens dont la plupart
des Lecteurs ne font pas capables de
difcerner exactement la force ou la foibleffe ,
& pour leur rendre fufpect tout ce qui vient
des Puiffances , à qui Dieu a réfervé le droit
de les éclairer ou de les conduire fur des matieres
fi importantes : la multiplication affectée
des fignatures qu'on a fait mettre au
bas de la Confultation , comme pour faire
impreffion par le nombre. La liberté avec laquelle
on y a agité des queftions de Doctrine ,
fur lefquelles les Avocats ne peuvent que fuivre
, comme Enfans de l'Eglife, ce qu'elle juge
à propos de leur preferire , & comme Sujets
du Roy , ce que S M. croit devoir faire
pour
1704 MERCURE DE FRANCE.
pour appuyer les Jugemens Ecclefiaftiques.
Enfin les efforts qu'on y a faits pour combattre
ou pour éluder les Loix qui font neanmoins
le feul fondement folide des avis que
les Avocats doivent donner à ceux qui les
confultent , font des circonftances qui font
encore mieux fentir le grand inconvenient
qu'il y auroit à tolerer ou à diffimuler un Ecrit
qui pourroit avoir des fuites fi dangereuses.
Sa Majefté veut croire même que quand les
Avocats , dont on a furpris la fignature par des
Mémoires pleins d'artifice , fur plufieurs queftions
étrangeres à leur profeffion , qu'ils n'ont
pû approfondir fuffifamment, auront bien fenti
toutes les conféquences qui en résultent , &
qu'ils n'ont pas affez apperçus ( comme les
Prélats qui ont examiné leur Ouvrage , leur
ont fait la justice de le penfer ) ils ont trop de
droiture & de fageffe pour n'être pas affligés
d'avoir fuivi des guides trompeurs , & de leur
avoir prêté des talens dont S. M. fçait qu'ils
font d'ailleurs un fi bon ufage pour le fervice
du Public , & c'eſt par un effet de cette prévention
favorable aux Avocats , & honorable
à leur Miniftere ; que S. M. veut bien ne
faire tomber fa feverité que fur l'Ouvrage
auquel ils ont eu la facilité de foufcrire. A
quoi étant neceffaire de pourvoir , en éloignant
tout ce qui peut entretenir une divifion ,
dont le Roi defire fi ardemment la fin . Veu ladite
Lettre contenant l'avis & le Jugement def
dits Cardinaux , Archevêques & Evêques affemblés
par fon ordre , & tout confideré . Sa
Majefté étant en fon Confeil , a ordonné &
ordonne que ledit Ecrit ayant pour titre , Confultation
des Avocats du Parlement de Paris
au fujet du Jugement rendu à Ambrun contre
M. l'Evêque de Senez , fera & demeurera fupprimé
JUILLET. 1728. 1705
primé , comme contenant des propofitions oppofées
à la Doctrine de l'Eglife , injurieuſes à
fon autorité , contraires aux Loix de l'Etat ; &
en conféquence , que tous les Exemplaires qui
en ont été répandus dans le Public , feront inceffamment
rapportés au Greffe du fieur Herault
, Maître des Requêtes , & Lieutenant
General de Police de la Ville , Prêvoté & Vicomté
de Paris , pour y être fupprimés . Fait
S. M. très- expreffes inhibitions & deffenfes à
tous fes Sujets de quelque état ou condition
qu'ils foyent , d'en retenir ni diftribuer aucuns,
à peine de punition exemplaire contre ceux
qui s'en trouveront faifis. Voulant au furplus
que la Déclaration de S. M. du 10. May dernier
, fur les peines qui feront prononcées
contre les Auteurs , Imprimeurs où Diſtributeurs
de Livres , Libelles , ou autres Ecrits ,
qui feroient faits , fous quelque titre que ce
put être , contre les Bulles reçûës dans le
Royaume , ou contre le refpect dû au Souverain
Pontife , aux Evêques , ou à l'autorité
Royale , foit executée felon fa forme & teneur.
Enjoint , &c.
APPROBATION.
T'Ay lû par ordre de Monfeigneur le Garde
des Sceaux , le Mercure de France du mois
de Juillet , & j'ai crû qu'on pouvoit en permettre
l'impreffion . A Paris , le 4. Août 1728 .
HARDION.
TABLE ,
TABLE.
Plecesfugitives . Les Batailles d'Alexandre ,
Poëme , 1417
Lettre fur l'Eclipfe du Soleil de l'année derniere
, & c.
La Patte d'Ours , Balade ,
1504
3518
Réfutation d'un Mémoire au fujet de la Ville
de S. Paulien , en Velay ,
Ode à M. de B ***
1519
1526
Réflexions fur la raifon pourquoi on fent de ..
la douleur à un membre qu'on n'a point , 1529
L'Hymen amoureux , Cantate, 1536
Lettre fur l'Hiftoire du Peuple de Dieu , & c.
Stances ,
1538
1556
Lettre fur Hiftoire de la Ville & des Sei-
7558
1582
Penfée fur le Paradoxe inferé dans le premier
gneurs de Coucy ,
Elegie ,
volume de Juin ,
le même Paradoxe ,
Le veritable Amour , Poëme ,
1585
Lettre de M. de Fontenelle au Pere Caftel , fur
1589
1591
Defcription de la Ligne Meridienne dans la
nouvelle Eglife de S. Sulpice ,
Suite des Logogriphes arithmétiques ,
Explication de deux Logogryphes ,
Ibid.
1607
1611
Extrait d une Lettre fur le même fujet , 1612
Explication de l'Enigme de May & du Logogryphe
du 2. volume de Juin',
Enigmes & Logogryphes nouveaux ,
1614
1615
Nouvelles Litteraires , & c. Difcours de l'Abbé
de Rothelin , Extrait ,
Memoires Litteraires de la Grande - Bretagne ,
1621
1626
VeVegetation
prompte & remarquable des Raves
,
Sur le Bain froid , & c.
Poiffons venimeux aux bêtes ,
Effai de Botanique , & c.
7627
1628
1630
Ibid.
Differtation fur la Lettre de P. Pilate à Tibere,
1632
Le Chirurgien Dentiſte ouTraité des dents, 1634
Livres nouveaux des Pays Etrangers , depuis
peu en vente à Paris ,
Tableau fingulier , fait à la plume ,
Chanfon notée ,
1646
1651
1654
Spectacles , la Bonne Femme , Parodie d'Hy
permneftre , Extrait , &c.
1655
Nouvelles du Temps , de Turquie , Ruffie ,
Pologne, Danemarc & Allemagne, &c, 1678
D'Italie , Portugal , & c.
Grande- Bretagne ,
1683
1685
France, Nouvelle de la Cour , de Paris , & c 1686
Morts , Naiffances & Mariages ,
Arrêt Notable ,
1692
1696
L'Auteur de la Lettre écrite de Paris le 14
Juin , en nous envoyant l'explication des 15 .
Logogryphes arithmétiques & celle du Logo.
gryphe en Vers , donne l'Errata des lignes fuivantes.
Mercure de Juin , fecond Volume ,
page 1405.
Il y a plufieurs fautes d'imprefion dans les
expreffions Algebriques qui font dans cette
page . On doit lire les trois premieres lignes
de la maniere fuivante.
xx+ 1 = yy + [ x+ 1×x + 1= yy +
xx+1 = Y +Ixy + I
x+1 × x +1 = Y + I × V →!
4
Dans la même page , vers le bas , il y a
√g +1 lifez , √9 +1 & deux lignes après ,
Vg+1 . lifez √9+1 .
Dans les deux endroits il faut lire le chiffre
9. au lieu de la lettre g.
Autre Errata du 2. vol . de Juin.
Age 1354. ligne 20. Et Marie- Catherine de
Teffon , 1. & de Catherine Teflon,
P. 1452. 1. 6. ces Actes , l . cet Acte.
P. 1461. 1. 9. Efclava , 1. Efclave.
P. 1468.1. 4. du bas , Cantacuzen , l . Cantacuzene
.
P. 1472. I. 12. la Revue , & c. l. le 2. Juin , les
deux Rois après avoir fait la Revûë du
P. 1473. l. 28. L. AI . R. 1. Leurs Majeſtez.
Fautes à corriger dans ce Livre.
Age 1518.1 .
Page
2. croit , l . étoit.
P1. l. 15. de, / du.
1571.
1.
P. 1585.1. 10. de ce mois , l . de Juin.
P. 1656. l. 12. de la terre , l . de cette terre.
Ibid. 1. 18. quel fujet , l. quels ſujets.
L'Air noté doit regarder la page . 1654
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AV ROY.
A
OUT . 1728 .
QUE
COLLIGIT
SPARGIT
Chez
A PARIS ;
( GUILLAUME CAVELIER , re
S. Jacques , au Lys d'Or.
LA VEUVE PISSOT, Quay de Conty,
à la defcente du Pont Neuf au coin
de la rue de Nevers , à la Croix d'Or.
JEAN DE NULLY , au Palais,
à l'Ecu de France & à la Palme.
M. D C G. XXVIII.
Avec Approbation & Privilege du Roi.
រ
L'A
AVIS.
ADRESSE generale pour toutes
chofes eft à
à M.
MOREAU ,
Commis au Mercure¸vis - à- vis la Comedie
Françoife , à Paris . Ceux qui pour leur
commodité voudront remettre leurs Paquets
cachetez aux Libraires qui vendent le
Mercure à Paris , p.uvent fe fervir de
cette voye pour les faire tenir.
On prie très - inftamment , quand on
adreffe des Lettres ou Paquets par la Pofte,
d'avoir foin d'en affranchir le Port ,
comme cela s'eft toûjours pratiqué , afin
d'épargner , à nous le déplaifir de les
rebuter , & à ceux qui les envoyent ,
celui , non - feulement de ne pas voir
paroître leurs Ouvrages , mais même de
les perdre , s'ils n'en ont pas gardé de
copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de
la premiere main , & plus promptement ,
n'auront qu'à donner leurs adreſſes à M.
Moreau, qui aura foin de faire leurs pa
quets fans perte de temps, & de les faire
porter fur l'heure à la Pofte , ou aux Mef-
Jageries qu'on lui indiquera.
PRIX XXX. SOLS..
MERCURE
DE FRANCE ,
DEDIE AU ROT.
A OUT.
茶茶
1728 .
XXXXXX
PIECES FUGITIVES ,
en Vers & en Profe.
APELLE ET PROTOGENE ,
L
HISTORIETTE ,
A M. de la R ***.
A R** ne croi pas quefur les grande
fuccès ,
La gloire uniquement fe trouve répanduë
;
Souvent par de legers effais ,
Du plus rare génie on connoît l'étenduë .
A ij
Prêtes
1706 MERCURE DE FRANCE .
Prête-moi deux momens de cette attention ,
A fervir le Public , fans relâche affidue ,
Elle ne fera point perduë ,
Sije puis te prouver ma Propofition.
Apelle ( comme Pline a foin de nous l'apprendre
, )
Faifoit noble figure à la Cour d'Alexandre ;
Charmé des grandes qualitez ,
Dont cet illuftre Peintre ébloüiffoit la Grece .
Le vainqueur des Perfans lui marquoit fa
tendreffe ,
Et répandoit fur lui fes liberalitez ,
Jufqu'à lui ceder fa Maîtreffe. (a)
Son goût déterminoit le goût du Courtiſan ,
Chacun de fes vertus devenu Partiſan ,
Etoit ami du Peintre , ou fe picquoit de l'être ,
Et démêloit en lui , fur l'éxemple du Maitre ,
L'honnête homme de l'Artifan.
Comblé d'honneurs & de richeffes ,
Qui ne croiroit , ami , qu'Apelle fut content ?
Rien moins. Protogene , fans ceffe ,
(a ) Campafpe , dont Apelle étoit devenu
amoureux en la peignant.
Par
AOUT. 1728. 1707
Pár l'émulation l'alloit inquiétant.
Protogene avoit le mérite
D'un Peintre de diftinction ;
Il joignoit le grand goût à la correction ,
Jamais hardi deffein n'eut plus fage conduite,
Ni plus fier coloris dans l'execution ,
Et pour la réputation .
Rhodes qui l'admiroit , devenoit trop petite.
Apelle est forcé d'en gémir ,
Il croit que d'un Rival la gloire le dégrade ,
Ainfi que Thémistocle empêchoient de dormir
Les Victoires de Miltiade.
Mais , me dira quelqu'un , fe laiffer maîtriſer
Par un tranſport jaloux ! un ami d'Alexandre !
Et pourquoi non ? Je panche à l'excufer .
Un Peintre , un Courtifan , pouvoit- il s'en
deffendre ? (a)
Quoiqu'il en foit , notre homme tourmenté,
Du nom que Protogene acquiert par la Peinture
,
Veut lui-même aller voir fi c'eft Portrait flatté,
Ou fi la Renommée a peint d'après nature.
(2 ) Profeffions fujertes à lajalousie.
A iij Gene
1708 MERCURE DE FRANCE
Gens d'efprit ont bientôt affemblé leur Confeil ;
Il monte un Bâtiment freté pour le Négoce ,
Il arrive au Port du Soleil ,
Entre les jambes du Coloffe. (4)
Il n'eut pas peine à rencontrer ,
La demeure de Protogene :
Fiers d'un tel Citoyen , tous la vouloient
montrer.
Une troupe d'enfans en tumulte l'y mene :
Autre coup d'aiguillon . Il monte l'eſcalier ,
Plein d'un empreffement , pour le coup inutile,
Il ne trouve dans l'Attelier ,
Qu'une vieille Concierge , & le Maître eſt en
Ville.
Une toile en ce lieu fe montroit par hazard ,
Sur un Chevalet élevée ,
(a) Le Coloffe de Rhodes , auffi - bien que la
Villé, étoient dédiez au Soleil . Je fais ici un
petit Anachronisme , mais ce n'est pas par ignorance.
Le Coloffe de Rhodes ne fut érigé que
fous Démétrius , c'est- à- dire , environ trente
ans après la mort d'Alexandre : mais de tout
temps il a été permis aux Poëtes de raprocher
les évenemens , témoin Virgile , qui , pour faire
rencontrer Enée avec Didon , a paſſé pardeſſus
trois fiecles de diftance .
Pour
a
A OUT. 1728. 1709
Pour quelque chef- d'oeuvre de l'Art ,
Veu fa grandeur fans doute réſervée ;
Apelle, d'un Pinceau rencontré fous fes pas ,
D'un trait fi délicat , fi jufte , la partage ,
Qu'on n'eût pu faire davantage ,
Avec la Regle & le Compas ;
Et dit en foûriant , aimable Favorite ,
Du fameux Protogene , alors qu'il reviendra ,
Par cette marque il apprendra ,
Quel eft celui qui le vifite .
Protogene au logis à midi retourné ,
D'un fi noble Cartel ne fut pas étonné ;
Mais d'une autre couleur , par une adreffe infigne
,
En deux , de fon Emule il diviſe la ligne.
A cette toile , Æglé , garde bien de toucher ,
Et fi dans quelque temps notre Hôte
Retourne fur fes pas , comme il fera fans faute,
Pendant qu'en ce réduit je courrai me cacher,
Indique- lui du doigt la ligne parallele ,
Qui partageant la fienne , en fait une jumelle,
Et di , voilà celui que vous venez chercher.
A iiij
An
1710 MERCURE DE FRANCE .
Au grand Peintre de Cos , (a ) cette Epreuve
eft montrée ;
Elle lui femble faite exprès pour le flétrirs
Dans l'oeil & dans la main fon ame concentrée,
S'indigne que far elle on ait fçû rencherir :
D'une troifiéme ligne il coupe la feconde :
Rien de fi délié n'a paru dans le monde ;
Ni les cheveux naiffants de la jeune Phryné ,
Ni les filets trompeurs , où fut empriſonné
Mars avec la fille de l'Onde ,
Ni ceux du Tiffu d'Arachné.
Je n'ajoûterai point qu'à cet effort fublime ,
Protogéne fléchit & ne ripofta point ,
Combien pour fon Rival chacun d'eux cut
d'eftime ,
Ni par quelle amitié l'un à l'autre fut joint :
Je dirai feulement , qu'à cette experience ,
La docte Antiquité donna la préference ,
Sur les Ouvrages les plus beaux ,
Ou l'égala du moins pour fa rare excellence ,
Aux plus parfaits Originaux .
On ne fe laffoit point de paffer en revûë ,
(a ) Ile de l'Archipel , Patrie d'Apelle , à
prefent Lango.
Ces
A OUT. 1711 1728 .
་
Ces traits dont la jufteffe & la fubtilité,
En fe dérobant à la vûë ,
Défioient la Pofterité.
Peut-être encor long - temps les Critiques habiles
,
En auroient admiré l'inimitable jeu ,
Si les Vitelliens , dans les guerres civiles ,
Au Palais des Cefars n'avoient pas mis le feu.*
Mais pourquoi, diras -tu, cette vieille Rubrique ?
Aquel propos ? Pour quel effet ?
Cette demande eft jufte , il faut que je m'explique
;
Encore un mot ou deux , te voilà fatisfait.
Si l'on peut quelquefois d'une infipide Fable ,
Tirer par les cheveux quelque moralité ,
Pourquoi ne pourroit - on d'un récit veritable ,
Récüeillir quelque utilité?
Effayons.Beaux Efprits , ne croïez rien d'indigne
D'une févere attention :
D'un point , d'une virgule , & par fois d'une
ligne ,
Dépend de vos Ecrits la réputation.
* C'est dans cet embrasement que perit ce
bel
Ouvrage.
DE SENECE',
A v LET
1712 MERCURE DE FRANCE .
LETTRE du R. P. Emanuel de Viviers
, Capucin & Correspondant de
l'Académie Royale des Sciences de Paris
, écrite de Toulouse le premier Juin
1728. aux Auteurs des Mémoires de
Trévoux . !
MEES REVERENDS PERES ,
Je viens de voir dans vos Mémoires du
mois de Janvier dernier la Critique que
vous avez faite de la feconde Edition de
mon Calendrier perpetuel ; j'avois pris la
liberté de vous en envoyer un Exemplaire
au commencement de Février de
l'année 1727 , & de l'accompagner d'une
Lettre , où je vous priois de l'inferer dans
vos Mémoires , fi vous l'en jugiez digne.
Une année s'étoit écoulée ; & je ne m'y
attendois plus , lorfque vous vous êtes
enfin déterminez à en faire mention ;
mais il paroît que ce n'a été que pour le
décrediter. Vous auriez trouvé ma réponſe
dans la troifiéme Edition que j'ai donnée
au Public , fi votre Critique étoit plutôt
venue à ma connoiffance : mon Calendrier
n'est plus une grande feuille , mais
un
A OUT. 1728. 1713
un Livre in 12. d'environ 1 1 2. pages ,
& ce qui ne doit pas être une petite confideration
, c'eft qu'il eft muni de plufieurs
Approbations authentiques de Juges
très competens en cette fcience , &
que M. de Grillon Archevêque de Toufoufe
, l'a honoré de fa protection , & a
bien voulu qu'il parût fous fes aufpices ;
je n'ignore pas que la Critique des Ouvrages
eft toujours utile au Public , lorfqu'elle
tend à éclaircir la verité qui doit
être le feul objet de nos recherches , &
c'eft par -là même que j'ai lieu d'efperer
que la Critique que vous avez faite de
mon Calendrier confirmera la bonne opinion
qu'en ont conçue les Connoiflcurs ,
puifqu'elle me donne occafion , en me
juftifiant , de faire connoître de plus en
plus fa jufteffe & toute l'exactitude que
j'y ai apportée.
1°. Vous dites , mes Reverends Peres
que l'ufage de l'Eglife Romaine étant de
n'indiquer le premier jour du mois Palcal
Lunaire qu'après le jour de la conjonction
des deux luminaires , ou ce qui
eft la même chofe de ne commencer les
années Lunaires que par le fecond jour
après celui de la conjonction . Je n'ai pas
fuivi cet ordre , lorfque j'ai annoncé dans
mon Calendrier pour premier jour de la
nouvelle Lune Pafcale du 22. Mars de
Pan-
A vj
1714 MERCU DE REFRANCE .
{
l'année paffée , qui étoit le jour de fa
conjonction , & vous conclués de- là que
j'ai dû la placer felon l'intention de l'Eglife
au 24. Mars , comme elle fe trouve
dans le Calendrier Gregorien . Je ne ſçai
mes R. P. d'où vous avez tiré que
l'ufage de l'Eglife Romaine eft de n'indiquer
le premier jour Pafcal qu'après le
jour de la conjonction ; le deffein du Pape
dans la correction du Calendrier , a
été de fe conformer à l'ufage établi par
l'autorité du Concile de Nicée. Or cet
ufage eft de prendre le jour de la conjonction
de la Lune avec le Soleil , pour
premier jour de la Lune Pafcale , comme
on n'en fçauroit douter , en comparant
les nouvelles Lunes qui résultent du Cycle
de 19. années établi par l'autorité du
Concile, avec les jours des nouvelles Lunes
moyennes & céleftes : en voici la preuve .
L'an 323. qui eft la premiere de ce
Cycle , le Nombre d'or fut par conféquent
premier , lequel étant cherché dans
P'ancien Calendrier , fe trouve vis- à - vis
le 23. Mars , où il marque la nouvelle
Lune Paſcale pour cette année là , & la
nouvelle Lune moyenne calculée pour ce
mois de Mars , ou , pour mieux dire , la
conjonction moyenne de la Lune avec le
Soleil , fe trouve par les Tables Aftronomiques
le 23. de Mars , à cinq heures
aprè
A OUT. 1728. 1715
après midy, au Meridien de Rome , d'où
il réſulte que l'ordre établi par l'autorité
du Concile , a été de prendre pour le premier
jour de la Lune , celui de fa conjonction
avec le Soleil , en quelque heure
du jour qu'elle arrive ; l'intention du
Pape Gregoire , dans la réforme du Calendrier
, a été de fe conformer à l'uſage
du Concile de Nicée ; donc l'ufage de
l'Eglife Romaine, doit être de prendre le
jour de la conjonction de la Lune avec
le Soleil , en quelque heure que cette coujonction
arrive pour premier jour de la
Lune , & non pas le jour d'après fa conjonction.
Clavius , à la page 65. du Calendrier
, dit , qu'on peut , & qu'on doit
célebrer Pâques dans le 15. de la Lune,
en oppofition de la Lune avec le Soleil
lorfqu'elle arrive un Dimanche , mais entre
l'oppofition & la conjonction précedente
ou fuivante il y a 14. jours 18.
heures qui font 15. jours à fix heures près:
donc il prend pour premier jour de la Lune
Paſcale le jour de la conjonction . Ce
principe établi , il en résulte que j'ai fuivi
l'ufage de l'Eglife dans la nouvelle Lune-
Paſcale de l'année 1727 , lorſque j'ai marqué
dans mon Calendrier , le 22. de
Mars pour fon premier jour , fon 14.
tomba le 4. Avril , & l'oppofition de la
Lune avec le Soleil arriva le s , veille des
·Ra
1716 MERCURE DE FRANCE .
Rameaux ; donc la Pâque , felon l'ordre
de l'Eglife , devoit fe célebrer le Dimanche
fuivant ; cependant on la célebra huit
jours après , mais voici une preuve certaine
que le plein de la Lune s'étoit formé
le Samedy 5. Avril , j'obſervai la Lune
ce jour-là à fon lever avec une Lunette
de 14. pieds de foïer , c'étoit fur les 6 .
heures & quelques minutes du foir ; fon
bord Occidental allant vers fon dernier
quartier , étoit un peu échancré , tandis
que fon bord Oriental , par où elle finit
fon plein , étoit parfaitement rond &
éclairé , à minuit cette échancrure avoit
augmenté confiderablement , ce qui eft
une preuve que fon plein avoit paffé il y
avoit quelque tems , vous n'ignorez pas
mes R. P. que la Lune après fon
plein a fon bord Occidental échancré , &
que la Lune avant fon plein a fon bord
Oriental échancré , ainsi qu'on peut le
voir par les figures fuivantes A. B. C.
C'est par de femblables obfervations
réïterées depuis plufieurs années que j'ai
remarqué que la plupart des Epactes des
Tables Pafcales , ne fe trouvent plus aux
places anciennes , que les nouvelles & pleines
Lunes s'en font éloignées vers le commencement
des mois , d'un , & le plus fou
vent de deux jours entiers , & voilà d'où
vient qu'on célebre la Pâque quelquefois
un
'A OUT. 1728. 1717
Bord
oriental
La Lune
apres
le plein
a Son bord occidental
Echancré
A
Dental
oriental
Bord
Septentrion
La Lun
en Son plein
parfaitement
Ron
B
midi
Bord
Occidental
Bord
La Lune
qpulaeniltne
oriehnSotorandal
Echancre
C
ental
Bord
1718 MERCURE DE FRANCE .
un mois trop tôt , & d'autre fois huit
jours plus tard , comme il eft arrivé l'année
paffée ; on la célebre un mois trop tôt
toutes les fois que nous avons d'Epacte
23 , & cette Epacte qui étoit placée par
ordre de l'Eglife au 8. de Mars , qui affigne
le premier jour de la nouvelle Lune
Paſcale , fe trouve à préfent au 6. dudit
mois , & fon 14. qui fe trouvoit au tems
du Concile de Nicée , au 2 1. Mars , n'arrive
à préfent que le 19. dudit mois ; c'eſt
ce que je vais démontrer
par quelques
exemples . En 1723. l'Epacte Gregorienne
étoit 23 , la nouvelle Lune felon les
Tables Aftronomiques
arriva le 6. de
Mars à trois heures 54. minutes du foir
fon 14. tomba le 19. Mars , mais le Calendrier
donna le 14. de la Lune Paſcale
deux jours après , c'eft- à - dire , le 21. de
Mars , on la prit pour Paſcale , & comme
elle arriva un Dimanche
, on la célebra le
Dimanche
fuivant 28 Mars . Cependant
felon la régle de l'Eglife,la nouvelle Lune
Pafcale , ou le premier jour de l'année
Ecclefiaftique
ne devoit commencer
cette
année- là que le 5. Avril du premier mois
Lunaire , & le 14. de la Lune arrivant
le 18. Avril qui étoit un Dimanche , la
Pâque devoit être célebrée le Dimanche
fuivant 25. Avril , & non pas le 28. Mars.
comme on fit , c'est- à- dire , qu'on la célebra
A OUT. 1728. -1719
lebra environ un mois trop tôt ; le premier
mois Lunaire dont il s'agit ici , n'a
point d'autre commencement ni d'autre
premier jour que celui de la nouvelle Lune
Paſcale , qui ne peut commencer plu-
τότ que le huitiéme Mars , & tous les au
tres jours fuivans , jufqu'au cinquième
Avril inclufivement . Ce défaut d'avancement
du premier mois Lunaire de l'année
Ecclefiaftique , fait que dans une même
année on célebre deux fois la Pâque , fçavoir
, le premier mois & le dernier mois
de l'année Lunaire ; il peut arriver même
qu'on célebrera la Pâque avant l'Equinoxe
du Printems , felon la remarque du
R. P. de la Maugeraye , dans vos Mémoires
de Novembre dernier, où il dit fi l'Equinoxe
arrive le 23. Mars , & que la
Lune commence le huitième Mars , Pâque
fe célebrera le 22. Mars avant l'Equinoxe,
& parconféquentPâques fe célebrera le dernier
mois de l'année , & on paffera une année
fans Pâques.
Pour réformer ces erreurs , je propoſe
des Epactes corrigées dans la page 7. &
10. de mon Livre , au moyen defquelles.
faifant toujours quadrer l'Equinoxe du
Printems Ecclefiaftique avec l'Aftronomique
, on évitera de célebrer déformais.
la fête de Pâques ou trop tôt , ce qui arriveroit
aux années 1742.1761.1780 .
17990
1724 MERCURE DE FRANCE
1799. 1924. 1962. 1981 , & c. outrop
tard , ce qui arriveroit en 17 44. 1766 .
1778. 1843. 1908 , & c . Au lieu que
par mes nouvelles Epactes on trouvera
que j'ai rendu aux Tables Pafcales toute
la jufteffe que le Pape Gregoire XIII . s'étoit
propofée dans la réforme du Calendrier
, ce qui n'a manqué , felon la remarque
du fameux Caffini , que pour
n'avoir pas fuivi le projet qui en avoit
été dreffé, & approuvé par tous les Princes
Chrétiens . ( Mémoire de l'Académie de
1701. page 108 .
2º. Vous m'objectez , mes R. P.
que mes Epactes ne font pas perpetuelles ,
de même que le Cycle ou roue des Lettres
Dominicales , & vous n'en apportez
aucune preuve ; il eft vrai que les Epacres
Grégoriennes n'y font pas perpetuelles
, parce qu'elles ne peuvent fervir que
jufqu'en 1900. mais pour mes nouvelles
Epactes , il n'en eſt pas de même ; larouë
du Cycle Solaire ou Lettres Dominicales
les rend perpetuelles ; cette roue eft
divifée en fept cercles , chacun defquels
contient en fa circonference un Cycle de
28. années , ce qui la rend perpetuelle ;
cette roue eft la clef de 365. lettres qui
font placées avec les Epactes dans les 12 .
mois de l'année , qui indiquent pour toujours
le Dimanche , le Lundy , le Mardy ,
4
& c.
A OUT. 1728. 1721
&c. fans qu'il foit neceffaire de fe fervir
de l'étiquete ; il fuffit feulement qu'on
fçache chaque année quelle eft la Lettre
Dominicale , pour fçavoir les autres jours
de la femaine qu'on trouvera par le moyen
de ladite rouë. J'ai l'honneur d'être , mes
R. P. &c.
F. Emanuel de Viviers , Prédicateur
Capucin , Correfpondant de l'Académie
Royale des Sciences de Paris.
>
Le Livre du P. Emanuel de Viviers
fe vend à Touloufe chez Pierre Dales ,
près S. Rome , & chez la veuve Dangerout
Marchande de Tailles - douces à
l'enſeigne de l'Enfant Jefus . Il eft intitulé :
Calendrier perpetuel , plus exact que tous
ceux qui ont paru jufqu'à prefent , dans
lequel on trouvera les Epactes corrigées par
des obfervations très- exactes de Lunaifons ,
qu'on a remarquées dans le Ciel depuis plufieurs
années , fouvent differentes de celles
qu'on trouve dans les Tables Aftronomiques.
Troifiéme Edition augmentée. ATou
loufe , de l'Imprimerie de la veuve Henault.
L'Auteur y propofe des Epactes ,
au moyen defquelles faifant toujours
quadrer l'Equinoxe du Printems Eccléfiaftique
avec l'Aftronomique , on évitera
de célebrer déformais la fête de Pâques ,
Oil
1722 MERCURE DE FRANCE.
eu trop τότ ou trop tard , ce qui eſt arrivé,
& arriveroit encore plufieurs fois . Les
calculs en font juftes , d'un grand travail
; & en s'y conformant , on peut compter
fur une régle certaine. C'est le fentiment
de M. le Prefident Bon , de la Societé
Royale des Sciences de Montpellier,
de M. Defplaces , connu par fes Ephemerides
, de feu P. Saguins , Sçavant
Minime , & de M. Muraffon , Chancelier
de l'Eglife & de l'Univerfité de Toulouſe.
IDILLE.
ADieu , cher & riant Bocage
Où j'ai paffé mes plus heureux momens ;
Un deftin rigoureux m'éloigne pour longtemps
,.
De cet agréable rivage.
Petits Oyfeaux , que votre fort
Me paroîtra digne d'envie !
Que je regretterai la vie ,
Qu'avec vous fur cet heureux bord
Je paffois fans mélancolie !
Que de regrets ,, que de foupirs ,
vont
A OUT. 1723 1728 .
Vont fuivre mes plus doux plaifirs !
Tous les jours , hors du lit , auffi - tôt que l'Aurore
Venoit répandre un déluge de pleurs,
Infaillibles témoins que fes tendres ardeurs
Pour fon Amant duroient encore ,
Je voyois profiter de fes vives douleurs ,
Bacchus , Cerés , Pomone , & Flore.
Du Laboureur actif , prêt à combler les
voeux ,
Phoebus fortoit du fein de l'Onde ,
Montoit fur fon char lumineux ,
Et de mille rayons entourant fes cheveux ,
Rendoit la joye & la lumiere au monde ,
Oyfeaux , qu'alors j'étois heureux !
Sur le fommet d'une coline ,
Me promenant une heure ou deux ,
Jamais la ridicule mine
D'un Pédant plus ' rempli d'orgueil que de
doctrine ,
Ne m'infpiroit de foins fâcheux ;
Affis fous un épais feüillage ,
J'écoutois prefque tout le jour
Votre doux & tendre ramage ;
Quel
1724 MERCURE DE FRANCE.
Quel plaifir ! j'entendois les échos d'alentour
,
Répeter à l'envi cet amoureux langage :
Je le répetois à mon tour ;
On ne me voyoit point , plein d'une folle
yvreffe ,
De mes
croaffemens fatiguer Apollon ;
Affez d'autres de mon efpece .
En font avec même rudeſſe
Retentir le facré vallon.
Pour moi , connoiffant ma foibleffe ,
Je préferois le lierre aux Lauriers du Permeffe
,
Et fi je
fuccombois au defir de chanter ,
Euterpe , par pitié venoit me vifiter ,
Et manioit ma flute avec tant de juſteſſe ,
Qu'elle m'infpiróit ſa tendreſſe
En m'apprenant à l'imiter.
Petits Oyfeaux , helas ! puis- je trop régretter,
Ce cher féjour où je vous laiſſe ?
On me contraint à le quitter :
N'approuvez-vous pas ma trifteffe ?
Sans moi , perchez fur un roſeau ,
Ou bien fur la cime d'un Hêtre ,
Vous
A OUT. 1725 1728 .
Vous ferez de vos chants retentir ce Côteau
;
Je ne vous pourrai plus avec mon chalumeau
,
Répondre une chanfon champêtre ,
Ni vous apprendre un air nouveau.
Eloigné de ces lieux , cheris de la nature,
Je ne verrai plus l'Onde pure ,
D'une fontaine , ou d'un ruiffeau ,
D'un Pré toujours fleuri , careffer la verdure
Et faire par fon doux murmure ,
Sur l'herbe bondir un troupeau ;
Ah ! pourquoi falloit - il que d'un féjour fi
beau
Un fort cruel me vint fi-tôt exclure !
O regrets fuperflus ! je vous perds , lieux charmants
;
Je n'en puis dire davantage ;
Adieu donc , paifible Bocage ,
Og j'ai paffé mes plus heureux momens,
EX4726
MERCURE DE FRANCE .
J :skakakakaka ******
EXTRAIT d'une Lettre écrite d'Alep
à M. D. L. R.fur les affaires de Perfe ,
le 15. Janvier 1728 .
JE ne compte pas , Monfieur , après
yous avoir envoyé plufieurs Mémoirés
fur la guerre de Perfe , de vous donner
la premiere nouvelle de la Paix conclue
entre les deux principales Puiffances
qui y font interreffées ; vous l'aurez fans
doute apprife avant la reception de cette
Lettre par la voye de Conftantinople ou
par celle d'Allemagne ; mais au lieu de
cette nouveauté , qui n'en feroit pas une
pour vous, je vous envoye une Piece affez
curieufe fur cet évenement , dont je vous
garantis l'autenticité , & qui doit paffer
pour rare en Europe .
Vous fçavez ce que je vous écrivis au
mois d'Aou£ 1727. fur les apparences
d'une prochaine paix , dont je vous marquois
les raifons , &c. Je ne doutai plus
d'une prompte
conclufion , lorfque quelques
jours après nous vîmes arriver en
cette Ville Richidy Effendi, nouveau Cadilesker,
ou Intendant de l'Armée du G.S.
en Perfe , venant de Conftantinople pour
fe rendre en pofte à Hamadan , avec une
fuite de quatre-vingt perfonnes. Je fçus
par
AOUT. 1728. 1727
par le Pacha même d'Alep , que le G. Vizir
l'avoit choifi exprès comme un homme
de tête , & confommé dans les affires
, pour être le principal inftrument de
la paix , que la Porte fouhaitoit ardemment
depuis les dernieres pertes , ayant
des ordres très - précis d'y porter le Seraf
kier Achmet Kupruli Pacha , lequel étant
jeune , avide de gloire & à la tête d'une
nouvelle & puiffante armée , ne fongeoit
qu'à pouffer la pointe , & à réparer la
difgrace éclatante dont je vous ai parlé
dans une de mes dernieres Lettres . L'évevement
a juftifié le choix du premier Vizir.
Car comme d'un autre côté le Sultan
Acheraf ne défiroit rien tant que la
paix avec les Turcs, fes plus redoutables
voiſins ; on n'a pas été long- temps à apprendre
les premieres nouvelles de cette
paix , qui a été traitée , les armes à la
main, par des gens également habiles , &
enfin conclue au mois de Septembre dernier,
à la fatisfaction des deux Puiffances.
›
Le premier jour de Decembre fuivant ,
c'est- à- dire , il y a feulement fix femaines
il arriva icy un Courier extraordinaire
, envoyé par le G. Vizir au Pacha
d'Alep, avec des dépêches importantes au
fujet de ce grand évenement, pour lequel
on fit auffi- tôt des réjouiffances publiques.
Je ne manquai pas dans cette occa
B fion
1728 MERCURE
DE FRANCE .
fion d'aller faluer le Pacha , qui non feulement
me reçut , à fon ordinaire , gracieu -
fement ; mais me mit en main la Lettre en
original que le Vizir lui a écrite par ce
Courier , avec un Mémoire , contenant
les 12. articles de la Paix concluë & ratifiée
de part & d'autre. Le Pacha fit plus ,
me connoiffant curieux & affez verſé dans
la Langue Turque depuis mon long féjour
de Conftantinople
, il m'offrit de me
la laiffer copier dans fon cabinet ; ce que
je fis : & après l'avoir remercié de cette.
faveur , je me retirai chez moi pour faire
far cette copie, que je fuis bien aife de garder
, la Traduction Françoife que je vous
envoye,
LETTRE du Grand Vizir , écrite au
Pacha d'Alep.
MON
>>
TRES-HONORE' PACHA ,
Par la de Dieu Tout - puiffant , grace
>> après avoir donné tous nos foins dans
» cette heureuſe année , à former une ar-
» mée formidable de plus de 150000
>> hommes de diverfes Provinces de l'Em-
» pire , tous bons Soldats & enfans de la
» victoire ; particulierement ceux d'E-
» gypte & de Tartarie , dont l'ennemi eft
prefque
AOUT. 1728. 1729
>>
"
prefque roujours la proye . Ces Trou-
>> pes fe feroient rendues dans la Plaine
» d'Hamadan pour marcher vers la Ville
d'Ifpaham , dequoi les Aghuanis étant
>> bien informez , ils firent de férieuſes
» réfléxions ; & ayant enfin reconnu par
>> eux-mêmes l'état des forces de la fubli-
»me Porte Ottomane , aufquelles ils ne
pouvoient réfifter fans s'expofer à un
péril évident , ils n'ont pas trouvé de
» plus sûr moyen pour s'en garentir, que
» de fléchir la clemence de l'Empereur
» des Croyans , en lui demandant hum-
» blement la paix . C'eft pour cela qu'ayant
» écrit plufieurs Lettres & envoyé des
» Ambaffadeurs , ils ont offert que les
» Pays conquis dans la Perfe depuis le
» commencement de la Guerre , juſqu'à
>> prefent , feroient joints au vaſte Empire
» Ottoman , & que les Canons & autres
» Pieces d'artillerie , qui étoient reftez.
l'année derniere fur le Champ de ba-
» taille , feroient totalement rendus , ajou-
» tant d'autres avantages confiderables
» contenus en douze articles ou conditions
, pour fervir de fondement à une
» paix folide , qui feroit le fujet de leur
falut.Sur quoi le Seraskier Achmet Pa-
» cha , ayant fait affembler tous les Officiers
generaux de l'Armée , les Vizirs ,
" les Pachas , & c . confulté le Livre faint
>>
»
>>
>>
Bij
&
1730 MERCURE DE FRANCE .
"
"
"3
D
ច
>>
» & confideré enfin que cette paix étoit
» demandée avec inftance , par des Gens
qui n'ont avec nous qu'une même Religion
, & qui font vrais Mufulmans ;
» toute l'affemblée conclut que le Sultan
» notre Maître youdroit bien accorder
leur demande , recevoir & accepter les
propofitions cy- deffus mentionnées &
tipulées dans la Ville d'Hamadan , fous
les promeffes authentiques , faites de
» part & d'autre , lefquelles font depuis
» parvenues à la Porte de felicité , & ont
» été confirmées & ratifiées dans toutes
» les formes. C'est pour vous donner avis
» de cette importante nouvelle , qui égale
celle d'une victoire , que nous vous écri-
» vons la prefente , afin qu'à fon arrivée
faffiez à tous les Muful- part
» mans de votre Jurifdiction , pour qu'ils
s'en réjouiffent , & qu'ils demeurent
» dans une entière tranquillité fous la pro-
» tection , la justice , & la bienveillance
», de notre Maître , le Commandeur des
» Fideles , & qu'ils prient continuellement
» pour la confervation de fa perfonne &
» la profperité de fon Empire. Ecrit à
Conftantinople , Ville Impériale , &c .
l'an de l'Hégire de notre Prophete 1139 .
Le Chiffre ou Seing du G. Vizir , qui eft
à la marge de fa Lettre , contient ces
mots : Le Pauvre , l'Abjet , le Prince des
>>> vous en
23
ג כ
PrinAOUT.
1728. 1731
Princes IBRAHIM RAHIM PACHA.
Vous ne ferez pas furpris , Monfieur
de la teneur de cette Lettre , & du fafte
qui y regne ;vous qui fçavez que les Turcs
dans les conjonctures les plus délicates ,
parlent toujours en Conquerans , & pour
ainfi dire , en Maîtres du monde.
Voicy les douze articles dont je vous
ai parlé cy- deffus , qui étoient joints à la
Lettre du G. Vizir.
I. Que la Priere publique fe feroit
dans Ifpaham , au nom du G. S. dans tou
tes les Mofquées.
II. Que la Monnoye feroit frappée au
nom du SultanAcheraf,par tout le Royaume
de Perfe.
III. Que chacun garderoit les Conquetes
qu'il a faites , avec la reftrition portée
dans l'article X.
IV. Que le G. S. regarderoit le Sultan
Acheraf, fur le même pied qu'il regarde
le Kam des Tartares , c'eſt- à- dire , comme
un Allié de la Porte Othomane , qu'elle
fera obligée de deffendre , en cas qu'on
l'attaque .
V. Que le Sultan Acheraf fera obligé .
de fournir dans toutes les occafions au
G. S. un fecours de Troupes , au même
nombre de celles qu'il retire du Royaume
d'Egypte .
VI . Qu'il y aura une entiere liberté de
Biij com1732
MERCURE DE FRANce.
commerce entre les deux Empires , par
Mer & par Terre.
VII. Que toute l'Artillerie du G. S.
reftée l'année derniere fur le Champ de
Bataille , fera renduë.
VIII. Que le Sultan Acheraf payera
tous les ans au G. S par forme de redevance
, la fomme de 20000 Tomans.
IX. Que de plus ce Prince le dédom -
magera de tous les frais de la Guerre depuis
fon commencement.
X. Qu'il rendra au G. S. le pays de
Huveizé , avec les Villes en dépendantes ,
qui ont été reconquifes fur les Turcs , durant
cette guerre .
XI. Que le Sultan Acheraf ne pourra
jamais prendre le Titre abfolu d'Empereur
ni de Roy de Perfe , mais de Prince
de l'Empire Othoman , Allié de la Porte.
XII. Enfin qu'on fe fournira mutuellement
les fecours & les munitions de
guerre & de bouche dont on pourroit
avoir beſoin dans les occafions preffantes.
Quoique ces Articles me viennent de
bonne main , je ne voudrois pas garantir
qu'ils foient tous également férieux &
d'une execution abfoluë . On prétend en
effet qu'il y en a eu , outre ces douze ,
quelques- uns de fecrets , qui ne font con .
nus que des Plenipotentiaires & de peu
de
AOUT. 1728.
1733
de perfonnes , leíquels fervent comme de
correctif à ceux qui paroiffent les plus
onereux au nouveau Sultan . de Perfe :
Quoiqu'il en foit , je n'ai jamais pû parvenir
à avoir de la part du Pacha d'autre
éclairciffement , quand j'ai pris la liberté
de le preffer fur cette matiere, qu'un ſourire
, affez capable d'autorifer ce que je
viens de dire .
Je pourrois , Monfieur , accompagner
la Lettre du G. Vizir & ces 12 articles de
quelques Remarques; mais outre qu'elles
allongeroient trop ma Lettre , cela me
paroît affez inutile , par rapport à vous
qui n'ignorez pas l'Hiftoire , la Religion
& les interêts des Puiffances du Levant.
Je me contenterai de vous faire remarquer
, par rapport au premier article , que
le G. S. y eft reconnu par Acheraf , pour
Souverain Chef de la Religion & de l'Empire
des Mufulmans , fucceffeur des Califes,
& c.qualitez que les quatre principales
Sectes des Mahometans * Sunnites , ou
* Ce font ceux qui , outre le Texte de l'Alcoran
, reçoivent encore la Sunna , ou le Corps
des Traditions des faits & dits de Mahomet.
On les appelle Sunnites , ou Traditionnaires ,
divifez en quatre Sectes principales , toutes
Orthodoxes & oppofées aux Alides ou Se &tateurs
d'Ali. Ceux- cy font appellez par les autres,
Chyaites , ou heretiques revoltez , & c.
divifez auffi entr'eux en plufieurs Sectes.
Bij Tradi
1734 MERCURE DE FRANCE .
Traditionnaires , foy - difant les feuls Orthodoxes
, ne lui conteſtent pas. Acheraf
& fes Aghuanis font Sunnites , comme les
Turcs ; & dans toute cette Guerre ce fin
Politique a fçu tirer avantage de cette
conformité d'opinions . Cela n'empêchera
pas, felon moi, que dans les jours d'Af-
Temblée ou de la Priere publique du Vendredy
, après avoir prié pour le G. S. &
pour toute fa Maifon , on ne faffe auffi
mention du Sultan Acheraf, Prince regnant
fur la Perfe . C'eft ainfi qu'on en
ufoit du temps même des Califes , dont
les derniers n'avoient plus que les droits
honorifiques des Mofquées , & une ombre
d'autorité.
Il arriva cependant qu'Acheraf , lorſqu'il
envoya pour la premiere fois un Miniftre
à la Porte pour négocier quelque accommodement
, prit . dans fes Lettres &
dans les pouvoirs de fon Envoyé la qualité
ou quelque chofe d'approchant , de
Chef on de Prince des Musulmans de
Perfe. Il n'en fallut pas davantage pour
faire rejetter & l'Envoyé & toutes les propofitions
, le G.Vizir lui déclara avec aigreur
que les Mufulmans ne pouvoient
avoir qu'un feul Chef qui étoit l'Empereur
fon Maître , & lui ordonna de fortir
inceffamment de les Etats .
J'ai vu dans quelque Mémoire que
cette
'AOUT. 1728. 173 5
cette rupture arriva parce que l'Envoyé
d'Acheraf donnoit à fon Maître le Titre
de Grand Sophi de Perfe ; ce qui eft abfolument
faux , & capable de perpetuer
l'erreur où les Européens font tombez à
cet égard. J'étois alors à Conftantinople,
& j'ai fçû par gens en place , & qui
avoient interêt de ne rien ignorer que la
chofe arriva de la maniere & pour le fujet
que je viens de dire . Cet Envoyé , au
refte, n'auroit pas orné le Prince Acheraf
d'un grand titre , en lui donnant celui de
Sophi , qui eft devenu mépriſable , inufité
en Perfe même ; & ne peut d'ailleurs
convenir , en un certain fens , qu'à cette
Dynaftie des Rois modernes de Perfe ,
dont Schah- Huffein , qui vient d'être dé
trôné , eſt le dernier . J'ai vû plufieurs
Lettres de ce Prince qui n'y prend jamais
la qualité de Sophi.
Encore une réfléxion , c'eft fur le VIII.
article , par lequel Acheraf s'oblige de
payer vingt mille Tomans par an au G.S.
Je crois que cette fomme ne fera pas
payée fort régulierement , & qu'elle eft
ftipulée feulement pour honorer le Traité;
ainfi on pourroit prefque fe difpenfer
d'en faire l'évaluation . Vous fçavez , cependant
qu'en Perfe le Toman n'eſt pas
une Monnoye , mais que c'eft une valeur
fixe en elle-même, comme en Angleterre
B v
la
1736 MERCURE DE FRANCE .
la Livre fterling. M. Thevenot , l'un de
nos plus fçavans Voyageurs , & qui ſur la
Perfe , en particulier , eft en toutes choſes
fuperieur à Chardin , & encore plus à
Tavernier, M. Thevenot , dis - je , qui étoit
en Perfe en 1664. & qui y eft mort ,
m'apprend que de fon temps le Toman
valoit 15 Piaftres , ou 50 Abaffis , chacun
de 18. fols de notre monnoye , ce qui
fait monter le Toman à 45 livres de France
; mais j'apprends auffi dans le Pays
d'où je vous écris , que depuis ce tempslà
les chofes ont changé , & que par raport
à la hauffe de notre monnoye, le Toman
vaut aujourd'hui , ou eft eftimé envi-
Fon 60 livres. Ainfi c'eft environ la fomme
d'un million de livres qu'Acheraf
payera annuellement , ou ne payera pas à
la Porte Othomane .
Au refte , Monfieur , à confiderer la
grandeur , la rapidité , & les fuites de la
révolution de Perfe , on ne peut s'empê
cher d'y reconnoître la main de Dieu ,
qui a fans doute voulu humilier d'une maniere
éclatante un Prince & une Nation
livrez depuis long - temps à la moleffe &
aux vices qui en font les fuites inévitables
. Quelle chute , en effet, pour un Monarque
, l'un des plus grands de l'Afie , le
plus fuperbe , peut - être , & le plus faftueux
, qui prenoit les Titres d'Empereur
du
A QUT. 1728 . 1737
du Monde , de refuge du Genre humain ,
de Collegue du Soleil, de Maître de la For
tune, & c. & dont la Cour ,dans toutes les
Expeditions qui s'y faifoient , étoit nommée
La Porte fur laquelle roule toutl'U
nivers , fans parler de la grandeur de fon
origine, la plus illuftre de tout le Mahometifme
, comme deſcendant en droite ligne
de Huffein , fecond fils d'Ali & de
Fatime , fille de Mahomet ; ce qui faifoit
encore donner à ce Prince les Titres
particuliers
de Vicaire de la Grace , de Tres-
Saint, de Lieutenant de Dieu dans la Perfes
ajoutant à fon nom celui de Schah , ou
de Roy par excellence : Grande matiere à
réfléxions .
Le temps nous apprendra fi le Conquerant
ou l'Ufurpateur qui eft aujourd'hui
fur la Scene, & qu'on peut compter comme
le troifiéme Fléau de la Nation Perfanne
, demeurera paifible poffeffeur de
cette Couronne ; plufieurs en doutent fur.
des fondemens qui paroiffent plaufibles .
On publie icy que le Prince Thamas a
fait alliance avec le Mogol , d'autres difent
avec le Roy de la Chine , & qu'il entrera
bien- tôt en Perfe avec une puiffante
armée . D'un autre côté on parle d'un
Prince parent d'Acheraf , qui prétend lui
difputer fes conquêtes , du moins les par
tager. Je ne vous donne tout cela que
B vj pour
1738 MERCURE DE FRANCE:
pour des bruits affez incertains . En attendant
je vous promets de continuer de
vous faire part des fuites de cette étrange
cataſtrophe , & de vous informer exactement
de tout ce que j'apprendrai de
vrai & d'intereffant durant le féjour que je
dois faire dans cette Province voiſine des
Etats de Perfe . Je fuis , Monfieur , & c.
******* :XXXXXX :XX
SUR MON PROCE'S.
Soulagé du poids d'un Procès ,
Dont, graces à Bally , ( a) je fors avec fuccès :
Je viens , Mufes , je viens dans vos charmans
Boccages ,
Refpirer à loifir , & de vos Rudiments ,
Reprendre enfin les premiers errements.
Thémis a reçû mes hommages ,
Et par la voix de fes Miniftres faints , (6)
A confacré mes innocens deffeins .
Mais dût- elle toûjours me donner fes fuffrages,
Divines Soeurs , ne permettez jamais
Que votre Nourriffon fréquente fon Palais .
(a) Mon Procureur.
(b) M. le Premier Preſident , M. le Prefident
Turgot.
Vous
A OUT. 1728. 1739
Vous mêmes , qu'avez- vous penſe ?
Lorfque dans l'affreufe Grand'Salle ,
Vous m'avez vû femillant , empreflé ,
Conjurer par mes cris la Chicanne infernale ,
Et repouffer le trait qu'elle m'avoit lancé.
Ha ! difiez- vous alors , c'eſt en vain qu'Hypocrene
,
L'avoit de fon Onde abreuvé.
Une autre foif le devore & l'entraîne
Vers ce vil interêt dont nous l'avions fauvé.
Non , Muſes . C'eſt à tort quevous formiez ces
plaintes.
Vos maximes toûjours dans mon coeur font
empreintes ,
Mais dans cet incident loüez mes foins ac
tifs.
Il falloit d'une Epouſe chere ,
Et d'Orphelins que j'aime en pere ;
Recouvrer les biens fugitifs .
Je l'ai fait. Ou plutôt un fage Miniſtere ,
Dans fa fource a tari le mal.
Car lorfqu'on nous a peint dans une Comedie
, (4)
Un Procureur affable , integre , liberal ,
(a) Le Procureur Arbitre,
De
1740 MERCURE DE FRANCE .
De cette fidelle copie ,
J'ai dans Bally trouvé l'Original .
M. Tanevot.
XXX :XXXXXXXXXXX :X
1I. LETTRE fur l'Hiftoire de la Ville
& des Seigneurs de Coucy , & c. Par
Dom Tonfaint du Plessis , Benedictin
de la Congrégation de S. Maur , &c .
Ja
E vous ai rendu compte , Monfieur
dans ma précedente Lettre , le plus na
exactement qu'il m'a été poffible , du
Corps de la nouvelle Hiftoire de la Ville
& des Seigneurs de Coucy , ce qui en
compofe la premiere Partie , fuivant le
Plan de l'Auteur. J'entreprens dans cette
feconde Lettre , de vous donner une idée
de la II. Partie , qui comprend des Differtations
ou des Notes affez étendues fur
divers endroits de l'Hiftoire même , lefquelles
auroient couru rifque de déplaire,
fi on les avoit mifes dans le Texte. Ces
Notes font au nombre de LXVIII . &
concernent divers points de Géographie ,
de Chronologie , d'Antiquitez , de Généalogies
, même des Familles Etrangeres :
Les précedens Auteurs de la même Hiftoire
y font corrigez en plufieurs endroits
&
A OUT. 1728. 1741
& le nouvel Hiftorien n'a pas craint de
pouffer la critique fur un affez grand
nombre d'autres Ecrivains , perfuadé ,
dit-il , que ceux- cy ne lui en fçauroient
pas mauvais gré , & que ceux qui travaillent
pour le Public ne doivent chercher
que fon utilité aux dépens même de ce qui
peut leur en coûter. Il ajoûte à cela , qu'à
fon égard on ne lui fera jamais plus de
plaifir que de lui montrer les propres fautes.
Vous jugerez , Monfieur , du mérite
de ces Notes , par celles que j'ai crû devoir
vous rapporter ici : j'en ai omis plu
fieurs autres , quoique curieufes , qui formeroient
un volume , au lieu d'une Lettre .
>
NOTE I. Je nomme Ailette , la petite
Riviere qui paffe à Nogent fous Coucy.
C'eft auffi fon veritable nom , & c'eft ainfi
qu'il doit s'écrire , contre l'ufage de quelques-
uns , qui s'imaginant que ce mot
eft dérivé du Latin , Electa , à caufe de
la bonté du Poiffon de cette Riviere
écrivent Elette. Guibert de Nogent l'appelle
Aquila ; & cette autorité fuffit pour
faire fentir qu'on a dit d'abord Aiglette ,
d'où s'eft formé par adouciffement le mot
d'Ailette , qui a prévalu depuis . C'est donc
par erreur que l'on trouve le mot de Delette
dans les Cartes de Sanſon , furtout dans
celle de l'Evêché de Làon , gravée en 1703
Delette n'eft qu'un mot populaire formé
du
1742 MERCURE DE FRANCE.
du veritable nom de cette Riviere , & de
l'article qui le précede , lorfqu'on dit la
Riviere d'Ailette. Mais cette corruption
a été la fource d'une autre faute plus groffiere
, que l'on trouve dans le Dictionnaire
Géographique de Thomas Corneille,
à l'article de Nogent-fous - Coucy ; ou au
lieu de mettre Delette , qui cependant në
valoit rien , on a laiffé échapper Delelle,
qui vaut encore moins .
NOTE VIII . Je laiffe à ceux qui entreprendront
d'écrire l'Hiftoire ou les Antiquitez
de l'Abbaye de Nogent , la difcuffion
de ce que rapporte l'Abbé Guibert
(a ) d'un Autel qui étoit dédié en ce
lieu avant la naiffance de Jefus Chrift ,
à la Vierge qui devoit enfanter , & de la
converfion d'un Roy d'Angleterre , qui
y vint finir les jours , après avoir fait le
Voyage de Jerufalem , au temps même
de la mort de Jefus -Chrift . Il ne s'agit
ici que de la fondation de l'Abbaye de
Nogent , & je la place vers l'an 1076 .
Ce qui prouve cette date , c'est qu'Henry
étoit déja Abbé de S. Remi , lorfqu'il fut
élû pour être premier Abbé de Nogent ,
& qu'Henry n'a fiégé à S. Remy que vers
l'an 1076. A fuivre le calcul des Freres.
de fainte Marthe , ( b ) il faudroit reculer
(a) Guib . Nogent. de Vita fua. b . 20 0.
(b) Gall. Chrift.
la
A OUT. 1728. 1743
la fondation de cette Abbaye jufqu'après
l'an 1080. Car fi on les en croit , le
Prédeceffeur d'Henry fut dépofé en 1080.
au Concile de Lyon ; ainfi Henry n'auroit
pû être élû Abbé de S. Remy qu'en
1080. au plutôt. Mais c'eft une erreur :
on ne trouve dans ce Concile de Lyon
aucun veftige de dépofition , ni de l'Abbé
de Saint Remy , ni même d'aucun
autre Abbé . Peut - être ces illuftres Freres
ont -ils eû en vûë un fimoniaque ,
que l'Archevêque Manaffés vouloit introduire
à la place d'Henry.(a ) Quoiqu'il en
foit, on a des preuves certaines qu'Henry
étoit Abbé de S. Remy , dès l'an 1076 .
puifqu'il foufcrivit cette année en cette
qualité à une Charte de Manaffés , Archevêque
de Rheims . On fçait d'ailleurs
qu'il n'a guere pû l'être avant ce même
temps , puifqu'après la mort de l'Abbé
Herimar , qui arriva en 1075. le Siége
vaqua quelques années. C'eſt donc vers
1076. qu'il faut fixer l'Epoque de la
fondation de Nogent. Je ne m'arrête
point à une certaine Tradition qui fait
Enguerrand premier Fondateur de cette
Abbaye. Ce Seigneur pourroit , en quelque
maniere , meriter ce titre par fes bienfaits
; mais l'Hiftoire veut quelque chofe
(a) Marlot. Hift. Metrop, Rem. T. 1.
de
1744 MERCURE DE FRANCE .
de plus exact. Alberic eft le premier en
date , & doit par confequent avoir tous
les honneurs de la fondation . Il y a plus ,
& , ce qui tranche la difficulté , c'eft 1 ° .
que du temps d'Aiberic , foit que ce foit
le même que celui de l'an 1059. foit que
c'en foit un autre , il y avoit des Moines
à Nogent ; d'où je conclus que l'Abbaye
fut fondée avant le temps d'Enguerrand
premier. 2 °. C'eft que Thomas de Marle,
fait mention lui-même dans une Charte,
que l'on trouvera parmi les Pieces juftificatives
des Seigneurs de Coucy les Prédeceffeurs
, qui ont fait du bien à l'Abbaye
de Nogent. Or cette expreffion fuppole
manifeftement plus d'un bienfaicteur.
Donc , Enguerrand fon pere ne fut pas le
premier.Donc il ne doit point être regardé
comme le veritable Fondateur .
NOTE XXIX. Le P. Daniel a remarqué
dans fon Hiftoire de France , que du
temps de Charles VII . il n'avoit point encore
été permis à aucun Duc ni Comte
qui fût Feudataire de quelque Couronne,
de fe dire dans fes Titres , Seigneur , par
la grace de Dieu , d'un tel ou d'un tel endroit
, & que ce fut pour cette raifon que
le Roy deffendit expreffément au Comie
d'Armagnac , qui fe fervoit de cette formale
, de l'employer à l'avenir. Il eſt cependant
A OUT . 1728. 1745
pendant bon de remarquer qu'il y a dans
du Chefne , (a) un Titre de Raoul , premier
Seigneur de Coucy , qui commence
ainfi : In nomine fanita & individua Trinitatis
. Ego Radulphus , Dei gratia , Cociaci
& Ma la Dominus , & c. Et on trouvera
parmi les Pieces juſtificatives de cette
Hiftoire , deux autres Titres femblables.
L'un de Thomas de Marle , & l'autre d'Enguerrand
III.
NOTE XXXIII . Enguerrand II . eft
un de ces Heros , dont les faifeurs de Ro-.
mans n'ont point craint d'amplifier l'Hiftoire
des traits de leur imagination : c'eſt
lui , dit Jovet , après Lalouette , quoique
celui- cy l'appelle » Enguerrand I. qui par
»fon courage & par fon adreffe a furmonté
» la force d'un Lion , dont l'Hiftoire eft fi
>> fameufe dans le Pays , comme il paroît
» par ce qui fuit. Ayant été averti qu'il y
>> avoit dans la Forêt de Coucy & dans les
>> lieux circonvoifins , des bêtes fauvages
» qui y faifoient de grands defordres , &
qu'il y en paroiffoit une épouventable ,
>> entre autres , ayant la figure d'un Lion ,
>> qui allarmoit tous les Villages d'alen-
»tour ; le defir de la combattre , lui fit
» chercher le lieu où elle fe retiroit ordi-
"
33 nairement , & l'ayant rencontrée , il s'at -
tacha tellement à elle , qu'après l'avoir
( a) Hiftoire de la Maifon de Coucy.
» affez
1746 MERCURE DE FRANCE.
» affez long- temps combattue feul , il la
» tua. En mémoire de laquelle victoire ,
»la figure de cette bête , qui avoit la
>>reffemblance d'un Lion , fut taillée en
» pierre avec la grandeur. & fa groffeur ,
»telle qu'elle fe voit encore aujourd'hui
» dans la Place de Coucy , pour ſervir à
» la pofterité de marque & de trophée de
» cette infigne victoire. Cette prétenduë
victoire fut auffi fculpée dans la pierre
qui étoit au-deffus de la porte par où on
entroit dans la groffe Tour , & qui lui
fervoit comme de fronton .
Je remarque en paffant que cette derniere
pierre ne fubfifte plus. Un Procureur
de la Ville la fit enlever il y a environ
dix ans , pour en faire un évier.
Il n'eut pour cela qu'à faire fauter la
figure qui étoit au milieu ; car la pierre
etoit déja creuſée avec des rebords tour autour.
Cet homme, comme l'on voit, avoit
un grand goût pour l'Antiquité . ( a) Heureulement
nous n'avons pas tout perdu ;
car Jovet nous en a confervé la figure
qu'il a fait graver dans fon Hiftoire des
Seigneurs de Coucy , & c'eft le feul endroit
par où cette Hiftoire peut meriter
(a)C'est par un pareil deſtin qu'un beau Marbre
antique , orné d'une Infcription Romaine , fert
aujourd'hui d'auge au Puits des Minimes de
Marseille ,felon M. de Ruffy , Hift, de Marſeille.
d'être
A OUT. 1728. 1747
d'être recherchée . Nous la donnons d'après
cet Hiftorien , pour donner matiere
à la critique des curieux de la baffe Antiquité.
33
» Des Fêtes de réjouiffance , pourfuit le
» Roman , ( a) furent alors inftituées en
» l'honneur de cet Enguerrand ; & une
» ceremonie qui s'obferve encore prefen-
>> tement par l'Abbé de Nogent , qui eft
» de la Fondation de cette Maifon , lequel
" eft obligé de prefenter trois fois l'an des
» Riffoles , ( espece de Gateaux , ) au Seigneur
de Coucy , ou à fes Officiers dans
» la Place où eft à prefent ce Lion , &
>> ce en preſence de ces mêmes Officiers ,
qui en font Acte & Registre . Cette ce-
>> remonie a toûjours continué jufqu'à pre-
» fent , en memoire & en confideration du
>> bien & du repos que les Habitans du
" pays ont eû en la mort de cette ctuelle
» bête. Voici comment elle fe pratique .
» L'Abbé de Nogent ou fon Fermier en fa
33
place , vêtu d'un habit de Laboureur &
» de Semeur , le foüet à la main , doit pa-
»roître dans la place de Coucy , monté
»fur un cheval propre à aller à la Cha-
» ruë , auquel il ne doit rien manquer ,
>> pas feulement un clou ; & faifant plufieurs
tours en claquant fon foüet , eſt
(b)C'est toujours la Narration de Jovet , dans
fon Hiftoire des Seigneurs de Coucy .
» arrêté
1748 MERCURE DE FRANCE .
» arrêté & vifité de toutes parts : & s'il ne
» manque rien à fon équipage, il eft reçû à
» faire les foy , hommage & les prefens dont
>> il vient d'être parlé. Ces chofes étoient
» autrefois reprefentées dans le Château
» de Coucy , fur des Tapifferies , qui y ont
» toûjours curieufement été confervées juf-
» qu'au temps d'Enguerrand VII . qui
» époufa Marie de Lorraine , fille de Hen-
>> ry , Duc de Lorraine , après le décès duquel
Enguerand , ces Tapifferies ont été
»portées en Lorraine , oùelles font encore
» prefentement .
"
Mais comme une Fable naît fouvent d'une
autre Fable, on a encore debité ( a ) que
❤ce fut un Hermite qui conduifit Enguer-
> rand au repaire de la bête ; que celui -cy
>> l'ayant apperçûë près de lui plutôt qu'il
ne s'y étoit attendu , s'écria dans fa fur-
» prife : S. Jean , tu me l'as de près montré,
» & que delà eft venu le nom de Prémon-
»tré , à la celebre Abbaye qui fut bâtie en
→ ce mê me lieu fort peu de temps après.
On voit quel fond il y a à faire fur
une pareille Etymologie , fans parler de
l'Anachronifme qui met fous Enguerrand
II. la Fondation de l'Abbaye de
Prémontré , qui étoit déja fur pied dix ans
avant la mort de Thomas de Marle . A
l'occafion neanmoins de la naiffance de
(a) Le Paige, Bibliot . Pramonftrat. L. x.c. 2 .
cette
A OUT. 1728. 1749
cette Abbaye , je ne puis m'empêcher de
relever une faute qui eft échappée à M.
Baillet dans la Vie de S. Norbert : ce Saint,
dit - il , » choiſit en 1120. un Valon fort
>>defert , appellé Prémontré , pour y jetter
» les fondemens de fon Ordre. Il y avoit
» là , ajoûte - t - il , les reftes d'une Chapelle
>> abandonnée par les Religieux de S. Vin-
» cent de Laon , qui en avoient été autre-
» fois les maîtres. C'eft - à- dire , felon cet
Auteur , que les Religieux de S. Vincentne
faifoient plus le Service Divin dans
cette Chapelle , & même qu'elle ne leur
appartenoit plus . Or c'eft ce qu'il eft difficile
de trouver dans l'Hiftoire ( a ) de la
Fondation de Prémontré. Cette Hiftoire.
dit fimplement que le terrain étoit ingrat,
& que par cette raifon les Religieux n'en
retiroient que peu ou point de profit : &
la même Hiſtoire ajoûte que l'Evêque de
Laon, pour fatisfaire S.Norbert, qui avoit
choifi ce lieu , tout inhabitable qu'il paroiffoit
être, le demanda aux mêmesReligieux ,
& l'obtint moyennant quelque échange.
M.Baillet écrivoit quelquefois un peu vîte.
Je fuis contraint , Monfieur , pour
abbreger , de ne pas rapporter toute cette
(a) Cette Hiftoire fe trouve dans une Charte
de Barthelemy , Evêque de Laon , rapportée par
l'Auteur de la Biblioteque de Prémontré , que
l'on vient de citer.
abbreger
1750 MERCURE DE FRANCE
Note qui eft fort longue , dans les propres
termes de notre Hiftorien . Il continue fa
Critique par quelques Reflexions,toujours
par rapport à l'Hiftoire du Lion qu'inguerrand
II . combattit , qui tendent à détruire
cette Hiftoire. Un Lion dans les
Bois de Coucy ou de Prémontré doit ,
dit- il, furprendre . L'Evêché de Laon n'eft
point le climat des Lions , & c . Cela eft
en effet furprenant : on répondra peut-être
que dans la narration de Jovet , il n'eft
pas parlé bien abfolument d'un Lion .
Une entre autres , ayant la figure d'un
Lion , & plus bas , la figure de cette bête
qui avoit la reffemblance d'un Lion , fut
taillée , &c. dit Jovet .
Quoiqu'il en foit , Dom du Pleffis croit
avoir démontré l'erreur. Ce n'eft pas ,
ajoûte- il , qu'il ne foit permis de remonter
à la fource , quand on le peut ; & je ne
crois pas que dans le cas préfent il foit bien
difficile d'y parvenir. Il propofe enfuite
deuxconjectures,qui paroiffent plaufibles ,
tant fur l'origine de la redevance des Riffoles
, que fur la pierre du Lion . Entendons
- le parler lui- même fur cette Pierre ,
qui fait le dernier article de fa Differtation .
Pour ce qui eft de la Pierre du Lion
je crois être affez bien fondé à n'y reconnoître
qu'Enguerrand III. Car comme ce
Seigneur a bâti à neuf le Château de Coucy
A OUT. 1728. 1751
cy , il me paroît plus naturel de lui appliquer
ce Monument qu'à aucun de fes
Prédeceffeurs. Mais à examiner les chofes
par
de près , je ne fçai fi on ne pourroit pas
imaginer , que ce n'eft qu'un fymbole
de quelque ennemi violent qui auroit attenté
fur la vie d'Enguerrand III . & dont
celui- ci auroit tendu par fon adreffe &
fa valeur les efforts inutiles . Cette
conjecture eft fondée fur le texte d'une
ancienne Chronique dont j'ai fait ufage
dans le corps de cette Hiftoire , mais
qu'il eft bon de rapporter ici en fon entier
: Anno 1209 , dit cette Chronique ,
Ingelrannus de Marla , Dominus de Cuceio
pro fide Chriftiana contra hæreticos
Albigenfes fideliter agonizans , de proditoribus
fuis ultus eft per eum , pro quo ipfe
in ejus hoftes ulcifci paratus fuit.
NOTE XLVIII . J'aurois pû , à l'exemple
de Jovet , embellir l'hiſtoire de
Raoul II . d'un trait affez curieux que l'on
trouve dans Mezerai & dans quelques autres
Auteurs . Mais outre que quelquesuns
de ces Auteurs mettent l'hiftoriette
dont il eft queſtion fur le compte de
Raoul I. plutôt que fur celui de Raoul II.
d'autres le rapportent , non à un Seigneur ,
mais à un Chatelain de Coucy. Je ne fais
* Voyez Duchefne. Hift , de la Maifon de Coucy.
Preuves , p• 359.
C aucun
1752 MERCURE DE FRANCE .
aucun doute que ce conte , ne foit un veritable
Roman : Néanmoins , pour ne rien
omettre de ce qui peut toucher de près
cette Hiftoire , je tranfcrirai ici mot pour
mot un chapitre prefque entier des anciens
Poëtes François de Fauchet , qui eſt
celui de tous nos Auteurs , qu'on lira le
plus volontiers fur ce fujet.
! לכ
>>
Après les chanfons de Monfeigneur
Gaces Brulez , dit Fauchet
*
fui-
>> voient les chanfons du Chatelain de
» Coucy , duquel une bonne Chronique
» que j'ai , porte ce témoignage ; On
temps que le Roy Philippes régnoit , & le
Roy Richart d'Angleterre vivoit , il y
avoit en Vermandois un autre moult gentil ,
gaillard & preux Chevalier en armes
qui s'appelloit Regnault de Coucy , & étoit
Chatelain de Coucy . Ce Chevalier fut moult
amoureux d'une Dame du Pays qui étoit
femme du Seigneur de Faiel. Moult orent
de poine & travail pour leurs amours ce
Chaftellain de Coucy & la Dame de
Fayel fi comme l'hiftoire le raconte qui
parle de leur vie , dont il y a Romans
a Romans propre.
Oradvint que quand les voyages d'outremerfe
firent, dont il eft parlé ci-deffus
que les Rois de France & d'Angleterre y
furent , ce Chaftellain de Coucy y fut
pour ce qu'il exercitoit volontiers les ar-
Fauchet , Anciens Poëtes Franc. L. 2, ch. 176
:
>
>
mes.
t
A OUT. 1728 1753
mes. La Dame de Fayel quand elle fût
qu'il s'en devoit aller , fit un laqs de foye
moult bel & bien fait ; & y avoit de fes
cheveux ouvrés parmi la foye : dont l'oenvre
fembloit moult belle & riche , dont il
lioit un bourrelet moult riche par deffus fon
beaume , & avoit longs pendans par derriere
, à gros boutons de perles . Le Chaſtelain
alla outremer , à grand regret de laifferfa
Dame pardeçà . Quand ilfut outremer
, il fit moult de Chevaleries , car il
étoit vaillant Chevalier ; & avoit grand
joye qu'on rapportât par deçà nouvelles
de fes faits , afin que fa Dame y prit plaifir.
Si advint qu'à un Siége que les Chrétiens
tenoient devant Sarrazins outremer
ce Chatelain fut feru d'un quarel au côté
bien avant : duquel coup il lui convint
mourir. Si avoit à fa mort moult grand regret
à fa Dame ; & pour ce appella unfien
Ecuyer , & lui dit : Je te prie que quand
je ferai mort , que tu prennes mon coeur &
le mettes en telle maniere que tu le puiffes
porter en France à Madame de Fayel, &
l'envelopes de ces longes ici , & lui bailla
le las que fa Dame avoit fait de fes cbeveux
, & un petit efcriniet où il avoit plufieurs
anelez & diamans que la Dame lui
avoit donnés , qu'il portoit toujours av int
lui pour l'amour & fouvenance d'elle.
Quand le Chevalier fut mort , ainfi le fit
Cij PE1754
MERCURE DE FRANCE.
le
corps ,
+
l'Ecuyer : & prit l'efcriniet , & lui ouvrit
prit le coeur & fala & confit
bien en bonnes épices , & mit en l'efcriniet
avec le las de fes cheveux , & plufieurs
anelés & diamans que la Dame lui
avoit donnés , & avec une Lettre moult
piteufe , que le Chastelain avoit écrite à
fa mort , & fignée de fa main. Quand
l'Ecuyer fut retourné en France , il vint
vers le lieu où la Dame demeuroit , & fe
bonta en un bois prés de ce lieu ; & lui
mejadvint tellement qu'il fut vû du Seigneur
de Fayel , qui bien le connut. Si vint
le Seigneur de Fayel à tous deux fes privés
en ce bois , & trouva cet Ecuyer : auquel
il voulut courirfus en dépit de fon Maître
qu'il hayoit plus que nul'homme du monde.
L'Ecuyer lui cria merci ; & le Chevalier
lui dit: ou je te occirai , ou tu me diras où
eft le Chatelain. L'Ecuyer lui dit qu'il
étoit trépaffé : & pour ce qu'il ne l'en vousloit
croire , & avoit cet Ecuyer paour de
mourir , il lui montra l'efcriniet pour
faire certain. Le Seigneur de Fayel prit
l'efcriniet , & donna congé à l'Ecuyer. Ce
Seigneur vint à fon Queux , & lui dit
qu'il mit ce coeur en fi bonne maniere ,
l'appareillaffe en telle confiture , qu'on en
put bien manger. Le Queux le fit , & fit
d'autre viande toute pareille , mit en
bonne charpente en un plat : & en fut la
Dame
Pen
جم
(
A OUT. 1728. 1759
Damefervie au dîner ; & le Seigneur mangeoit
d'une autre viande qui lui reffembloit
: & ainfi mangea la Dame le coeur
du Chatelain fon ami . Quand elle ot mangié
, le Seigneur lui demanda : Dame ,
avés-vous mangé bonne viande ? & elle
lui répondit qu'elle l'avoit mangée bonne.
Il lui dit : pour cela vous l'ai -je fait appareiller
car c'eft viande que vous avés
moult aimée. La Dame qui jamais ne penfa
que ce fut , n'en dit plus rien. Et le
Seigneur lui dit derechef : fçavez - vous
que vous avez mangé ? Et elle répondit
que non . Et il lui dit adonc : or fçachiés
que vous avez mangé le coeur du Chaftelain
de Coucy . Quand elle ot ce , fi fut en
grand penfée pour la fouvenance qu'elle
eut de fon ami ; mais encore ne pût- elle
croire cette chofe jufqu'à ce que le Sei
gneur lui bailla l'efcriniet & les Lettres .
Et quand elle vit les chofes qui étoient dedans
l'efcrain , elle les connut ; fi commença
lire les Lettres : Quand elle connutfon
figne manuel & les enfeignes , adonc commença
fort à changer , & avoir couleur :
& puis commença fortement à penser.
Quand elle or penſe , elle dit à fon Sei
gneur : il est vrai que cette viande ai - je
moult aimée ; & crois qu'il foit mort , dont
eft dommage , comme du plus loyal Chevalier
du monde. Vous m'avès fait manger
Ciij Jon
1756 MERCURE DE FRANCE .
fon coeur ; & eft la derniere viande que je
mangerai oncques ; ne onques je ne mangeai
point de fi noble ne de fi gentil . Si
n'eft pas raifon que après fi gentil viande ,
je en doye mettre autre deffus : & vous jure,
par ma foi , que jamais je n'en mangerai
d'autre après cette- ci. La Dame leva du
dîner , & s'en alla en fa chambre , faifant
moult grand douleur, & plus avoit de
douleur qu'elle n'en montroit la chere ; &
en celle douleur a grands regrets & complaintes
de la mort de fon ami , fina fa vie
mourut. De cette chofe fut le Seigneur
de Fayel courroucé ; mais il n'y pût mettre
remede , ne homme , ne femme du monde.
Cette chofefut fçûe par tout le Pays , &
en ot grand guerre le Seigneur de Fayet
aux amis de fa femme ; tant qu'il convint
que la chofe fut rappaifée du Roy & des
Barons du Pays . Ainfi finerent les amours
du Chatelain de Coucy & de la Dame de
Fayel.
>>
>
J'euffe pûs , continue Fauchet , met-
» tre la même hiſtoire en autre lángage
» mais j'ai pensé que pour plus grande au-
» torité , il falloit feulement copier ce que
>> j'avois trouvé de ces amours étranges
>> & merveilleufes . Jehan de Nôtre Dame,
» qui a écrit des Poëtes Provençaux , fait
» ce même conte de Tricline Carbonelle ,
femme de Raimond de Silhans, Seigneur
» de
A OUT. 1728.
1757
» de Rouffillon , amie de Guillem de Ca-
» beftan , Poëte Provençal ; & Bocace
» en dit prefqu'autant de la femme du
» Comte de Rouffillon en la IX.Nouvelle
» de la IV. Journée de fon Livre , appellê
» Decameron. Toutefois je vous puis affu-
» rer que cette hiftoire eft dans une bonne
» Chronique qui m'appartient , écrite
» avant 200. ans.
Après les longues & curieufes Notes
dont vous ne voyez ici qu'un échantillon
, fuivent les Piéces juftificatives de
l'Histoire de Coucy . Elles meritent une
attention particuliere , & je me propoſe
de vous en rendre compte dans une troifiéme
& derniere Lettre. Je fuis , Monfieur
, & c .
XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
SONNE T.
Sur le Neant des biens de ce Monde.
Mortels
Ortels , foibles jouets d'une aveugle
Déeffe ,
Reconnoiffez enfin quelle eft la vanité
D'un bien qui difparoît avec tant de viteſſe ,
2
Et dont on eft privé pendant l'Eternité,
L'homme, au lieu de tâcher d'acquerir la fageffe
,
C iiij Court
1758 MERCURE DE FRANCE :
7
Court après un bonheur qui n'eft que vanité.
Hélas ! que deviendront la grandeur , la rîcheffe
,
Quand de notre trépas l'Arrêt fera dicté ?
Vous voyez Salomon au milieu des délices ,
Paffer rapidement de l'innocence aux vices :
Ofez- vous vous flatter d'être plus vertueux ?
Méprifons les appas de ces Etres fragiles ,
Ils ne peuvent jamais ſuffire à tous nos voeux ,
Ce n'eft qu'en les fuyant qu'ils nous feront
utiles.
LETTRE de M. Caperon, ancien Doyen
de S. Maxent , à M. *** fur des
Corps trouvez en terre fans être beaucoup
corrompus .
'Unique fujet , Monfieur , qui a apporté
quelque interruption dans le
commerce Litteraire qui eft entre nous
depuis plufieurs années , eft l'entrepriſe
que vous fçavez que j'ai faite , de connoître
, autant qu'il me fera poffible , les
Sels
A OUT. 1728. 1759
Sels qui font dans l'air , dans l'eau , dans
la terre , dans le fang & dans les humeurs . "
Quelles font leurs differentes figures ,
fuivant lefquelles il fera facile , je croi ,'
de connoître leurs qualitez & les effets
qui peuvent en provenir . Le fuccès de
mes entrepriſes ne m'a pas peu encouragé.
J'ai trouvé pour cela une méthode toute
nouvelle , facile & très- fimple , ce qui
m'exempte d'avoir recours à la Chimie ,
qui n'eft,felon moi , que très- préjudiciable
pour parvenir à la connoiffance de la Nature,
parce qu'elle apporte des changemens
extraordinaires dans les parties des corps
qu'on foumet à fes Operations. J'aurai
Phonneur de vous faire part de mes découvertes
: en attendant je vais renouveller
notre commerce , en vous envoyant
quelques Reflexions fur certains corps
qu'on trouve dans terre prefque en leur
entier .
Il m'eft tombé depuis quelques jours
entre les mains , la copie d'un Procès ver
bal , dreffé à Quebec dans le Canada
le vingt de Juillet dernier , par ordre des
M. l'Evêque de Quebec , au fujet des
corps de trois Religieufes Hofpitalieres
de la même Ville , lefquelles ont été exhu
mées après avoir refté dans la terre plu
Geurs années , & que bien loin de s'être
trouvez totalement pourris ou corrompus,
C-y avoienes
1760 MERCURE DE FRANCE .
avoient encore plufieurs parties dont la
chair étoit dans fon état naturel .
La premiere étoit inhumée depuis vingt
cinq ans , & cependant on trouva encore
fes pieds , fes mains & une grande partie
de fon corps en très- bon état. On trouva
de la feconde , quoique morte en 17 03.
les pieds , les jambes , le dos , les épaules ,
P'oreille droite , une partie de la peau de
la tête , & du fang épanché , qui confervoit
même encore fa couleur naturelle
. Enfin on trouva de la troifiéme ,
morte en 1708. les deux pieds feulement
: & quoique ces parties , aufquelles
celui qui a fait le Procès verbal , donne
le nom de Reliques , ayent été exposées à
la veneration du Public pendant 15. jours,
il ne leur eft arrivé aucun changement .
On marque feulement qu'elles ont operé
plufieurs Miracles .
Tel eft , Monfieur , le fait ainsi qu'il eft
rapporté , & fur lequel je eroi qu'il n'eft
pas inutile de faire ces reflexions , parce
que cette efpece d'incorruptibilité qu'on
remarque dans certains corps , arrivant
affez fouvent , il eft neceffaire que le Public
n'y foit pas trompé , en venerant
aveuglément , comme corps de veritables
Saints , tous ceux qui fe trouvent dans
cette difpofition. Au contraire , comme
il fe rencontre plufieurs perfonnes , qui
par
-
A" 1728. 1761 OUT.
par un prétendu efprit fort , fe font une
gloire d'être peu favorables aux Miracles,
il eft à craindre que regardant toûjours
cette incorruptibilité
comme une chofe
purement naturelle , on ne néglige trop
ce premier figne éclatant que Dieu peut
donner de la fainteté confirmée de fes
Serviteurs .
Oui , Monfieur , il eft vrai que ce n'eſt
pas une choſe tout-à fait rare de trouver
ainfi des corps inhumez depuis long - tems ,
& qui ne foient ni pourris ni corrompus :
car fans fortir des bornes de ma connoiffance
, feulement pour ce pays cy ; je
vous dirai qu'en 1640. les Dames Urfulines
de cette Ville ayant abandonné le
lizu où elles s'étoient placées d'abord ,
pour le retirer dans la belle maiſon que
Madame Catherine de Cléves , Ducheffe
de Guife & Comteffe d'Eu , leur avoit fait
bâtir , qu'elles occupent depuis ce tempslà
; lorfqu'on vint à exhumer les corps
de celles qui étoient mortes dans ce premier
domicile , on trouva celui d'une de
ces Religieufes , inhumée depuis 18. ans ,
lequel etoit encore dans tout fon entier ,
quoique les autres fuffent pourris & corrompus.
20 .
Il y a environ 2 o . ans , que dans un Village
proche le Bourg d'Airaines , en Picardie,
qui n'étoit éloigné de S. Maxent , où je
Cvj
de1762
MERCURE DE FRANCE.
demeurois pour lloorrss , que de 4. à 5. lieuës,
on trouva le corps d'une Dame , dont
les chairs n'étoient aucunement corrompuës,
quoiqu'il y eût au moins 6o.ans qu'il
eût été inhumé. Enfin , fans fortir de ma
propre famille , la même chofe eft arrivée
au corps d'une de mes proches parentes ,
coufine germaine de mon pere , nommée
Elizabeth Capperon , Religieufe Hofpitaliere
à Gentilly , près Paris , lequel
ayant été exhumé en 1715. 65. ans après
fa mort , s'eft trouvé pareillement non corrompu
, ainfi qu'il me le fut mandé par
le Secretaire d'un digne & pieux Prélat ,
par ordre d'une perfonne de confidé
ration , qui fouhaitoit avoir les Memoires
que je pourrois fournir touchant la naiffance
& la vie de cette Religieufe parce
que , difoit-on , il s'y étoit fait des Apparitions
& des Miracles .
+
Je pourrois facilement , Monfieur , mult
tiplier confiderablement le nombre de
femblables faits , fi je voulois vous rapporter
ce que des perfonnes dignes de foy
m'ont dit avoir vu de leurs propres yeux ,
& ce qui en a été mis fi fouvent dans les
Nouvelles publiques , où vous l'avez ,ſans
doute,lû plufieurs fois comme moy : mais
fans m'arrêter à ces faits qui font également
certains & frequens , venons à ce
qu'on peut dire fur ce ſujet.
Je
A OUT. 1728. 1783
Je fuis d'abord perfuadé que cette in
corruptibilité peut le faire trés- naturellement
, furtout dans certains corps ; &
pour s'en perfuader tout d'un coup , il ne
faut que rappeller ce qui fe paffe tous
les jours à Toulouze , où l'on trouve
fouvent des corps qui ont été long - temps
enfouis dans la terre fans qu'ils s'y foient
pourris ; ce qui arrive plus particuliere
ment dans le Cloître des Cordeliers , d'où.
le Foffoyeur les retire pour les faire fecher
dans le Clocher , d'où il les porte
enfuite dans la fameufe Cave où les Curieux
les vont voir rangez fur leurs pieds
le long des murailles ; & cela fans que
perfonne s'avife de les regarder comme
des Corps de Saints ; non - plus que celui
de Charles de Bourbon , tué en 1927-
au Siege de Rome , qu'on voit encore aujourd'hui
en entier & deffeché au Château
de Gayette en Italie , fi l'on en croit
l'Auteur de la Defcription de Paris. Tome
I. page 122 .
Enfin,pour confirmer ce que je viens d'a
vancer , que l'incorruptibilité d'un corps
n'eſt pas une marque certaine de fainteté
& fur laquelle on puiffe compter ; c'eft
que l'Antipape Pierre de Lune , connu
fous le nom de Benoît XIII. étant mort
dans le fchifme , après avoir été excommunié
par le Concile de Pile , & enfuite,
par
1764 MERCURE DE FRANCE
par celui de Conftance , ayant été inhumé
fans ceremonie dans la Fortereffe de Panifcole
, au Royaume de Valence , fon
corps fut trouvé fix ans après entier , où
il est refté jufqu'à prefent fans le corrompre.
On dit même que pareille chofe arrive
fort fouvent chez les Turcs , dont je
ne fuis pas furpris ; car cela fe
très - naturellement .
peut faire
Cela fe peut d'abord , en ce que certains
Sels mineraux peuvent fe rencontrer
par hazard dans les endroits de la terre
où on vient à inhumer quelque corps , &
ces Sels étant quelquefois de la nature du
Salpetre , & d'un Salpetre fixe & difficile
à fe diffoudre , tel . qu'il s'en trouve ſouvent
dans la terre & dans les Fontaines , où
il forme diverfes pétrifications : fi donc
cette efpece de Sel s'infinue dans les intervales
des fibres & dans les fibres mêmes
des parties d'un corps , à la faveur
de l'humidité de la terre qui lui fert de
vehicule ; c'est alors que bien loin de les
diffoudre , s'il n'eft que médiocrement
abondant , il les affermit feulement & les
empêche de fe corrompre ; à peu près
comme fait le Sucre , qui eft un veritrable
Sel aux fruits qui font confits ; & c'eſt
juſtement comme la chofe le fait dans le
Cloître des Cordeliers de Toulouze : c'eft
ce qui eft arrivé au corps de l'Arabe qu'on
voit
A OUT 1728. 1765
voit à Paris entier & deffeché , dans le
Cabinet des raretez de l'Abbaye de fainte
Geneviève .
Que fi ce même Sel s'introduit beaucoup
plus abondamment dans un corps ,
non- feulement il l'empêche de fe corrompre
, mais il le pétrifie alors entierement ,
& c'eft ce qui arrive en Turquie , & principalement
du côté de l'Arabie , où cette
efpece de Sel eft fi abondante , dit l'Abbé
Rouffeau, qu'on y trouve fouvent des Serpens
, des Melons , & jufqu'à de groffes
pieces de bois pétrifiées .
Ce n'eft pas dans ce Pays - là feul que
cette efpece de Sel fe rencontre ,puifqu'on
trouve de ces fortes de pétrifications dans
une infinité d'endroits . J'ai moi - même
trouvé ici des figures de Champignons
& jufqu'à des Plantes & des Herbes pétrifiées
. Voila , Monfieur , la premiere
maniere par laquelle les corps puiflent fe
conferver long- temps .
La feconde , par laquelle un corps peur
devenir exempt de corruption , confifte
dans fa difpofition propre & particuliere ;
car vous fçavez que dans les hommes la
qualité du fang & des humeurs varie en
bien des manieres ; foit que cela vienne
des parens dont ils font nez , ou des alimens
dont ils fe font nourris , ou des
licux qu'ils ont habitez , & de la qualité
de
1765 MERCURE DE FRANCE
de l'air qu'ils ont refpiré , où des contentions
de l'efprit qu'ils ont eûës & qui ont
dérangé les digeftions & les excretions
naturelles , ou enfin de certaines maladies
dont ils ont été attaquez. Or par tel de
ces moyens que ce puiffe être , s'il arrive
qu'un Sel acide auftere , vienne à dominer
extraordinairement dans le fang . &
les humeurs , c'en eft affez pour que les
fibres des chairs & celle des parties membraneufes
, tendineufes , cartilagineufes ,
empreignées de cette efpece de Sel , deviennent
plus fermes , plus ferrées & même
comme racornies , paffez -moi ce terme
, ce qui en même temps leur donne
moins de facilité à fe corrompre.
Cette caufe naturelle de l'incorrupti
bilité d'un corps , paroît , Monfieur , fenfiblement
dans le Paon , qui eft un Oiſeau
naturellement mélancholique , & qui fe
plaît à être feul fur les toîts des bâtimens,
dont la chair ne fe corrompt pas comme
celle des autres animaux , ainfi que je l'ai
experimenté moi - même ; car ayant lû
dans S. Auguſtin , Livre 21. de la Cité dé
Dieu , Ch. 3. qu'il en avoit fait l'experience
, & fçachant que d'autres l'avoient
fait comme lui , je mis , il ya fix ans , un
morceau de la cuiffe d'un Paon dans mon
Cabinet , où elle eft reftée jufqu'à prefent
fans fe corrompre , s'étant feulement deffechée
A OUT. 1728.1767
fechée & durcie comme du bois . Tel étoit
apparamment le corps de Henry III . dit
l'Impuiffant , Roy de Caftille , lequel , à
ce que dit Mariana , dans fon Hiſtoire
d'Espagne , étoit devenu fi maigre & fi
fec , qu'il ne fut pas neceffaire de l'embaumer
après la mort pour le conferver.
Comme c'eft cet acide dominant dans
le fang & dans les humeurs , qui produit
naturellement cet effet , & qui forme ce
que les Anciens nommoient un temperamment
mélancholique , il s'enfuit que cela
doit plutôt arriver aux perfonnes qui ,
par l'exercice violent de leur efprit , leurs
aufteritez & leur retraite , diffipant davantage
les parties fpiritueufes de leur fang
contribuent à lui faire prendre , ou au
moins à augmenter cette qualité particuliere
, laquelle même peut auffi quelque.
fois lui furvenir , ou s'augmenter plus
promptement , par certain caractere fpecial
de quelque maladie ....
Lors donc que des corps
ainfi difpofez,
viennent encore par hazard à être inhumez
dans une terre où il fe rencontre de
ce Salpetre dont j'ai parlé cy- deffus , fans
doute que dans ce cas , ces corps fe corrompront
beaucoup moins aifément que
les autres qui feront inhumez dans le même
lieu . C'eft ainfi que les bois de hêtre &
d'aune , ont une qualité particuliere qui
les
1768 MERCURE DE FRANCE.
les rend comme incorruptibles , lorfqu'ils
reftent totalement enfermez dans l'eau
ou dans des terres humides , ce qui n'arrive
pas à quantité d'autres bois .
Il ne faut pas même croire que la chaux
mife fur ces fortes de corps , doive les
faire plutôt diffoudre & corrompre , elle
n'eft propre , au contraire, qu'à rendre
plus fixes & moins diffolubles les Sels qui
contribuent à empêcher leur corruption :
ce qu'il eft aifé d'obferver aux murailles
qui foutiennent des Terraffes , ou qui forment
des voutes expofées à l'air , au travers
defquelles il exude un Salpêtre tellement
fixé par la chaux contenue dans le
mortier de ces murailles, qu'il eft impoffible
de le faire fondre dans l'eau , ainfi que
je l'ai éprouvé : d'où il s'enfuit que la chaux
doit rendre ce Sel d'autant plus propre à
empêcher la corruption des corps , où il
fe rencontre par hazard .
Vous voyez donc , Monfieur , qu'il
s'en faut bien que ce foit une marque affurée
de la fainteté d'une perfonne , que de
trouver fon corps non corrompu & même
entier , quoiqu'il ait refté long- temps
dans la terre, & quoiqu'on y ait mis même
de la chaux : la chofe doit au contraire paroître
d'autant plus naturelle , lorfque le
corps , loin de fe trouver dans tout fon
entier , il n'y en a que quelques parties ,
furtout
A OUT. 1728. 1769
furtout celles qui font naturellement les
plus folides ; car il eft alors à préfumer
ou que les Sels de la terre n'ont particulierement
agi que fur les endroits où ces
parties étoient pofées , ou qu'elles le font
mieux confervées , parce que ces Sels n'étant
pas fuffifamment abondans , leur effet
n'a été fenfible qu'aux endroits dont les
fibres étoient plus fermes & plus ferrées .
Concluons donc , Monfieur , que deux
chofes font neceffaires pour que l'incorruptibilité
d'un corps foit une marque
affurée de fainteté. Il faut en premier lieu
que la perfonne dont le corps fe trouve
en cet état , ait vécu dans une grande
pieté, & même qu'elle ait fait des actions
de vertu qui ayent eu quelque chofe
au- deffus du commun , n'étant pas à préfumer
que Dieu veüille faire éclater fa
Toute- puiffance pour relever un mérite
qui n'a rien qui le diftingue. Comme les
jugemens des hommes font fouvent trèsdifferens
de ceux de Dieu , parce qu'ils
ne voyent que les dehors , il eft encore néceffaire
, pour n'être pas trompé dans cette
occafion d'incorruptibilité , que le Tout-
Puiffant confirme par d'autres Miracles
bien éxaminez & bien avérez , que ces
premiers préjugez de fainteté font d'une
certitude hors de tout doute . Je fuis , Monfieur
, & c .
ODE
1770 MERCURE DE FRANCE .
O D E.
En l'honneur des faints Staniflas , Koska ,
& Louis de Gonzagues , canonifez par
le Pape Benoît XIII.
Quelle Divinité
m'appelle ,
Et m'invite à chanter des noms fi glorieux >
Eft- ce donc qu'une voix mortelle ,
Peut chanter des Héros que couronnent les
Cieux ?
Les Rois dans leurs pompes frivoles ,
S'ennyvrent de l'encens des prophanes Humains
;
Dieu feul prononce les paroles ,
Qui peuvent raconter la grandeur de fes Saints.
M
Epouſe du Dieu qui couronne ,
L'éclatante vertu par tes divins Decrets ,
Tu parles , c'est lui qui l'ordonne ,
Je vais de leur grandeur ébaucher quelques
traits.
Dis
A OUT. 1728. 1771
Dis-moi quelle route abbregée ,
De ces jeunes Héros précipitant les jours ,
Les fit monter à l'Apogée
Des fublimes vertus par des fentiers fi courts.
Leur enfance fut alaitée ,
Au fein toûjours fécond de l'humble pieté ;
Des vices l'halene empeftée ,
N'environna jamais leur Berceau redouté.
Grand Dieu ! que l'enfance eft diferte ,
Quand tu daignes par elle exalter ta grandeur
, **
Et quand par elle eft découverte ,
Du ſein de ta bonté , l'immenſe profondeur.
A peine ouverts à la lumiere ,
Leurs yeux virent du Ciel briller fes fondemens
,
Qu'ils mefurerent la Carriere ,
Qu'ouvrent pour y monter tes faints Commandemens.
De ta craïnte en Héros fertile ,
Dans
1772 MERCURE DE FRANCE .
Dans un âge plus mûr leurs grands coeurs
prévenus ,
Ne laifferent point inutile ,
Ce germe précieux de toutes les vertus.
La pénitence aux yeux auſteres ,
L'ardente charité , l'humble componction ,
La foi qui vit dans les Myſteres ,
Ce fondement facré de la Religion.
Et l'efperance inébranlable ,
Qui des tentations fçait conjurer les flots ,
La patience inalterable ,
Qui du
Héros
ceau des revers
marque
les vrais
Et tant d'autres vertus fublimes ,
Que l'exemple d'un Dieu confacra parmi
nous ,
Virent dans ces coeurs magnanimes ,
De leur feverité des zélateurs jaloux .
*
Du fiecle trompeuſes amorſes ,
Pour
A OUT. 1728. 1773
Pour les vulgaires yeux , preftiges trop puiffants
,
Que vos charmes ont peu de forces ,
Où la vertu fait voir fes attraits innocens !
*
Prêts à dompter dans la retraite ,
De la chair & du fang les efforts conjurez ,
Ils commencent par la défaite
Des fuperbes tyrans dans le fiecle adorez.
諾
L'ambition imperieuſe ,
Leur vit brifer fon Sceptre , à fes Sujets fi dur;
Et de la volupté flatteuſe ,
Ils foulerent aux pieds le Simulacre impur.
Du Sauveur , heureuſe Milice.
C'eftfous tes Etendarts qu'ils vinrent fe ranger,
Quand l'Eternel à fon fervice ,
Par un triple ferment les voulut engager.
Jouis en dépit de l'envie ,
Joüis de la douceur d'un ſpectacle fi beau ,
Et
1774 MERCURE DE FRANCE.
Et ne craints point que l'herefie ,
Vienne te difputer ce triomphe nouveau.
Méprife l'impuiffante rage ,
D'un Monftre fi fouvent terraffé par tes coupsi
Son courroux qu'on vit d'âge en âge ,
Contre toi déchaîné, te doit être bien doux .
Tu fçais que ta gloire eſt égale ,
Soit qu'en tous lieux les noms de tes Saints
foient femez ,
Soit qu'en ton fein l'Hydre infernale ,
Te difpute l'honneur de les avoir formés.
來
Et vous nos auguftes modeles ,
Dignes objets du culte & des voeux des Mor
tels ,
Faites qu'imitateurs fideles ,
Nos coeurs de vos vertus foient les dignes
Autels.
ELOGE
A OUT. 1728. 1775
**:*XX*XXXXXXXX :**
ELOGE du R. P. Daniel , de la Compagnie
de Jefus.
LA
A mort vient d'enlever à la République
des Lettres & à la Compagnie de
Jefus, en particulier , l'un des hommes les
plus diftinguez de cette illuftre Compagnie.
C'eft le R.P. Gabriel Daniel , natif
de Rouen , fi connu par le grand nombre
d'Ouvrages qu'il a donnez au Public , &
qui ont été reçûs avec une eftime univerfelle.
Dieu l'avoit pourvû des plus rares talens
, furtout pour les hautes Sciences ,
d'une conception aifée & prompte , d'une
pénétration à laquelle rien n'échappoit
d'une droiture de fens & de raifon , qui
d'abord lui faifoit appercevoir en chaque
matiere le folide & le vrai , & démêler
du même coup d'oeil , par une préciſion
merveilleufe le faux & l'apparent ; d'une
juſteffe & d'une netteté parfaite dans l'arrangement
de fes penfées qu'il exprimoit
avec la même clarté qu'il les avoit conçûës
; deforte que les queftions les plus
épineufes & les points ou de Doctrine ou
de Critique les plus enveloppez , fembloient
perdre fous la plume toute leur
D obfcurité
1776 MERCURE DE FRANCE .
obfcurité ; & qu'il fçavoit les mettre à la
portée des efprits les moins intelligens ;
enfin d'une pureté de langage qui jufques
dans les fujets les plus férieux & les plus
graves , donnoit à la maniere d'écrire tout
l'agrément d'une diction correcte & polie.
Čes heureux talens ne font pas demeurez
inutiles dans les mains du P. Daniel .
Dès fa premiere jeuneffe il les cultiva par
une étude affiduë ; perfuadé que fans une
conftante application , les difpofitions naturelles
ne peuvent fuffire ; il n'omit aucun
des moyens & des foins neceffaires
pour s'enrichir de toutes les connoiffances
propres de fon état . Auffi les progrès
qu'il fit dans le cours des années & les
fruits qu'il recueillit , répondirent pleinement
à l'affiduité de fon travail . Il paffa
par les exercices ordinaires dans fa Compagnie
: il enfeigna les Belles - Lettres ,
profeffa la Philofophie , la Théologie , &
par tout il s'acquit la réputation d'un excellent
Maître , & fut generalement regardé
comme un mérite du premier ordre.
il
Quelques Ouvrages qu'il compoſa &
qui ne furent pour lui que des effais , déterminerent
les Superieurs à lui épargner
la fatigue d'enfeigner , & à ne lui donner
plus d'autre emploi que celui d'écrire . Il
ne profita point de ce repos pour prendre
plus de relâche. Il eut plus de loifir, & il
fut
A OUT. 1728. 1777
fut plus maître de fon temps ; mais dans
la diftribution de ce temps il n'eut pas
moins d'occupation . Il en eut même davantage
. Ce fut alors que le P. Daniel ſe
traça lui -même le deffein d'une nouvelle
Hiftoire de France & des fçavantes Differtations
dont il l'a accompagnée. Perfonne
n'ignore combien cette Hiftoire a
été applaudie dans le monde , & avec
quel empreffement elle a été recherchée ,
non feulement des François , mais des
Nations étrangeres . Elle a illuftré fon
Auteur , & lui a mérité le titre d'Hiftoriographe
de France , fpecialement énoncé
dans le Brevet d'une penfion confiderable
que le feu Roy lui affigna pour reconnoî
tre le fervice qu'il avoit rendu à la Nation.
Ce celebre & infatigable Auteur ne s'en
tint pas là , mais pour la perfection de
fon Hiftoire , il y ajoûta dans la fuite
l'Hiftoire de la Milice Françoife , & on
efpere trouver dans fes papiers l'Histoire
des Rois de France par les Médailles ,
qu'il avoit entrepriſe & fort avancée . Au
refte , quoique des Ouvrages d'une telle
étendue euffent de quoi l'occuper tour entier
, il étoit néanmoins toûjours difpofé
à les interrompre felon les conjon tures
& les occafions , pour la deffenſe de l'Eglife
& celle de fa Compagnie. Rien ne
Dij l'ar1778
MERCURE DE FRANCE.
l'arrêtoit dès qu'il s'agiffoit de l'un ou de
l'autre. Son feu s'allumoit alors , & dans
l'ardeur de fon zele , il fe déroboit , fans
héfiter , à un travail qui devoit lui plaire,
& fe chargeoit d'un autre qu'il jugeoit
plus important. C'eſt à ce zele qu'on eſt
redevable des divers Traitez , Réponſes ,
Entretiens , Lettres , Remontrances & autres
Ecrits , où il déploya toute la force
de fon efprit Théologique .
Mais ce qu'il y eut de plus eftimable
dans le P. Daniel , c'eft fa vie réguliere
& digne de fa Profeffion . Ce fut
tout enfemble & un habile homme & un
homme vrayement Religieux . Jamais les
Occupations ne le détournerent de la
moindre obſervance. Il avoit une grande
fimplicité de foi & de culte ; car en
matiere de Religion , il étoit ennemi des
fingularitez ; il fuivoit les routes communes
& employoit toute fon érudition à
éclaircir & à bien établir les veritez déja
connues. Autant qu'il édifioit au- dedans ,
autant a - t- il édifié au- dehors les perfonnes
féculieres de tous les états avec qui il
étoit en relation . Il a gouverné pendant
trois ans la Maifon Profeffe de Paris .
comme Superieur , fans que fon attention
& fa vigilance dans les fonctions de fa
Chorge , l'ayent empêché de vaquer à les
études & de les continuer.
་
་
1
1
Dien
A OUT. 1728. 1779
Dieu lui réſerva fur la fin de fes jours
une grande benediction , felon l'Evangile,
c'eſt - à - dire , une rude croix à porter. Il
y a fix ans qu'il eut une attaque d'Apoplexie
qui le conduifit prefque à la mort ;
il en revint cépendant & parut reprendre
fa fanté. L'année fuivante , une feconde
attaque le mit dans un nouveau danger
quoique moins évident & moins prochain;
mais après cès deux attaques , une autre
qui furvint la troifiéme année , lui caufa
une paralyfie fur la langue & le réduiſit
dans une extréme foibleffe , de forte qu'il
ne pouvoit plus articuler fes mots en parlant
, & qu'il n'eut plus la force de marcher
& de fe foutenir . Il a paffé trois ans
entiers dans cet état , ne vivant que pour
fouffrir. Son unique confolation étoit de
reconnoître la volonté de Dieu , qui l'éprouvoit
, de l'adorer & de s'y foumettre.
Il tomba peu de jours avant fa mort dans
une défaillance generale qui fit juger que
fon heure approchoit. Il y apporta une
derniere préparation , il reçût les Sacremens
avec une finguliere édification , &
le 23. de Juin 1728. fur les dix heures
du matin il mourut en la 80° année de
fon âge & la 62 depuis fon entrée dans
la Compagnie de Jelus.
Diij L'ode
1780 MERCURE DE FRANCE .
L
L S LL LL g g g
'Ode qui fuit a été faite pour la céremonie
anniverfaire du Palinod ou
Puy , établie en l'honneur de la fainte
Vierge , dans l'Univerfité de Caën . Nous
avons donné l'explication de ce terme &
l'origine de la Ceremonie dans plufieurs
de nos Journaux .
LE Triomphe de la Croix du Sauveur ,
laquelle après avoir refté pendant 18c .
ans dans un lieu fale & fouterrain , fur
trouvée entiere & fans corruption par
PImperatrice fainte Helene.
ODE
Loin de moi , Deïté
prophane ,
Qui tiens ton être de l'erreur ,
Mon efprit détrompé condamne ,
Les voeux que t'adreffa mon coeur :
Apollon , loin de ton Parnaffe ,
Porté fur l'aîle de la Grace ,
Je cherche un plus folide appui.
A mes yeux s'offre le Calvaire :
Là j'entends la voix falutaire ,
Du vrai Dieu qui m'appelle à luï.
A
A OUT. 1781 1728 .
A ce fpectacle , Ciel & Terre ,
Soyez faifis d'étonnement :
Je voi sle Maître du Tonnerre ,
Souffrir , mourir honteufement .
Victime de notre malice ,
Lui-même il s'offre en facrifice :
Un Bois infame eft fon Autel :
Dieu Saint , quel eft donc votre crime a
Pourquoi vous faire la victime
C'est moi qui fuis le Criminel .
滁
Dans fon Sang fécond prend naiffance i
De Chrétiens un Effain nombreux :
L'humble foy , l'amous , l'efperance ,
Déja triomphent en tous lieux.
Fontaines , que vante la Fable ,
Avez - vous rien de comparable ,
A cette divine Liqueur ?
Vos Eaux forment de vains Poëtes :
Mais ce beau Sang fait des Athletes ,
Qui des tourmens bravent l'horreur.
Que ton fort eft digne d'envie,
Diiij
Arbre
1782 MERCURE DE FRANCE.
Arbre rougi d'un Sang divini
Tu portes l'Auteur de la vie ,
Et le falut du genre humain.
Que le Chêne ait le privilege ,
D'avoir un Dieu qui le protege :
Que le Laurier vante le fien :
La Croix au Monde plus propice ,
Depuis cet heureux Sacrifice ,
Eft l'Arbre chéri du Chrétien.
En vain l'amour propre murmure .
Chacun porte ce facré Bois ;
S'il eft pefant pour la Nature ,
La grace en adoucit le poids.
On aime les propres fupplices :
On fait fes plus cheres délices ,
Des mépris , des affronts , des feux.
La Croix eft une fainte Echelle ,
Par où de fa prifon mortelle ,
Le coeur s'éleve vers les Cieux.
Quoi je verrai tomber ma gloire .
Par ce vil & foible Inftrument !
Dit
A OUT.
1783 1728.
Dit le Payen , ... Que la mémoire ,
En périffe éternellement :
Dans une Grotte fouterraine ,
Le Chrift , l'inftrument de fa peine ,
Enſemble feront confondus :
Sur ce Mont * plaçons une Image ,
Si le Chrétien vient rendre hommage ;
L'hommage fera pour Venus.
Si ton oeil perce les lieux fombres ,
Grand Dieu , voi l'affront , vange-toi s
Fais fortir du noir fein des ombres ,
Ce dépôt utile à la Foi .
Il m'écoute , une auguſte Reine ,
Que guide une main fouveraine ,
Le rend aux voeux de l'Univers.
Ciel ! contre fa propre Nature ,
Ce Bois exemt de pourriture ,
A bravé les ans & les vers.
La Croix , malgré le Paganiſme ,
* L'Empereur Adrien fit élever fur le Calvaire
la Statuë de Venus , &c.
D v Des
1784 MERCURE DE FRANCE .
Devient refpectable aux Mortels .
Sur les debris du Judaïsme ,
Je lui vois dreffer des Autels.
De l'ame fainte , elle eft la gloire ,
Du Guerrier Chrétien , la victoire ,
L'éternel effroi des Démons .
Les Rois la placent fur leur Trône ,
Et c'eft d'elle que leur Couronne ,
Emprunte fes plus beaux rayons.
Que vois- je ? un Dieu perce la nuë.
Quel Sceptre tient- il en fes mains ?
C'eft la Croix ; fa voix abfolue ,
Va regler le fort des Humains.
Monftreinoüi dans la Provence ,
Quelle fureur , quelle impudence ,
T'a contre ton Juge acharné ?
Dans ton fang lave ce noir crime ;
Et fois toi- même la victime ,
Des feux où tu l'as condamné.
Pierre de Briis , qui un jour de Vendredy-
Saint , brûla en Fanatique toutes les Croix
qu'il trouva , & fut enfuite brûlé.
ALA
OUT.
1785
1728 .
ALLUSION.
Ce Bois exemt de pourriture ,
Vierge , eft de ta gloire un crayon.
Ainfi tu fors brillante & pure ,
Du fein de la corruption .
Par un fort plus digne d'envie ,
Tu portes le vrai fruit de vie ,
Par qui le monde eft racheté ,
Malgré l'aveugle erreur qui gronde ,
Nous publierons par tout le Monde ,
Ton éternelle pureté
REMARQUES fur le Mercure
de Juin , par M. L. C. D. L.
I
L y a quelque temps qu'un de meṣ
amis , qui voit ordinairement le Mercure
de France , y trouva un Paradoxe
propofé aux Géometres , par le P. C.
Il le copia & me l'apporta ; & comme
il y a une difficulté affez finguliere dans
ce Paradoxe , & dont la folution ne fe
prefente pas d'abord , j'ai crû qu'elle méritoit
que quelqu'un en donnât l'éclairciffement.
Voici l'endroit en queſtion.
D vj
Ex1786
MERCURE
DE FRANCE
Extrait du Mercure de Juin 1728 .
&
Si l'on prend tous les nombres fractionnaires
naturels à l'infini ; c'est - à - dire
ceux dont le Numerateur
eft l'unité ,
dont les Dénominateurs
font tousles nombres
naturels fucceffivement
, 1 , 2 , 3 , 4,
&c . on aura cette fuite infinie de fractions
, LL , & c. Il eſt démontré
que la fomme des alternatifs pairs , eft
égale à la fomme des alternatifs impairs ,
c'est-à -dire que ,, &c . eft la mê-
I I I
I 23-4 569
I
I I I
I I
me fomme que ,, & c . qui eft la
fomme des alternatifs impairs. La Démonſtration
en eft facile , car en divifant
la fuite entiere par 2. c'est - à- dire , multiplant
tous les Dénominateurs de la premiere
fuite par 2. on aura cette ferie ou
fuite ,, qui eft celle des Dénominateurs
pairs qu'on a trouvée cy - deffus ,
laquelle eft parconfequent la moitié de la
fuite entiere , dont la fuite des impairs
eft parcónfequent l'autre moité. Or il
n'eft pas moins démontré, que fi de tous
les impairs on ôte tous les pairs , le refte
ne fera pas . puifqu'au contraire , felon
Mercator , adopté par les plus habiles
Géometres de ce fiecle , cette fuite
1 - + - , & c. eft la valeur d'un
Quadrilatere hyperbolique &c. Jufqu'ici
ce font les termes du P. C.
2 3
L
4
A OUT. 1728. 1787
Solution de la difficulté.
I I I I
-
12 3 4 569
Pour abreger les expreffions , je vais
nommer chaque fuite ou ferie par une
Lettre , foit donc la fuite entiere , premierement
propofée , fçavoir ,
& c. nommée A. la ferie qui n'a que les
termes impairs pour Dénominateurs , qui
eſt ,, & c . foit B. Celle qui n'a
pour Dénominateurs de fes termes que
les nombres pairs , qui eft ,, &c.
foit nommée C.
3
I I
32 4 6 8 >,
4
Enfin la fuite ou ferie qui eft formée
par la divifion par 2. des termes de la
fuite A. ou ce qui eft la même choſe ,
par la multiplication de tous les Dénominateurs
de cette fuite A. par 2. qui
eft & c. foit nommée D.
Il est évident que chaque terme de cette
derniere ferie n'eft que la moitié de chaque
terme correfpondant de la ferie A.
& que cette derniere ferie D. a autant de
termes que la ferie A. puifque chaque
terme de A. a fourni un terme à D. donc
la ferie D. fera précisément la moitié de
la premiere A. cela eft incontestable.
Mais la férie C. des termes pairs , n'a
que la moitié des termes de la premiere
ferie A. puifqu'elle n'eft compofée que
des termes qui avoient des Dénominateurs
pairs , & que tous les termes qui avoient
des
1788 MERCURE DE FRANCE .
des Dénominateurs impairs, n'en ont point
fourni à cette ferie C. or il y avoit dans la
ferie A. autant de termes qui avoient des
Dénominateurs impairs , que de ceux qui
en avoient de pairs , car il y a autant de
nombres impairs qu'il y a de nombres
pairs ; donc la ferie C. n'a que la moitié
des termes de ce qu'avoit la ferie
A. mais la ferie D. a autant de termes
que la ferie A. donc cette ferie D. a le
double des termes de la ferie C. mais tous
les termes de ces deux feries font égaux
en valeur , donc celle qui a le moins de
termes doit être moindre que celle qui
en a le plus ; or toute ferie ayant un nombre
infini de termes , la moitié d'un nombre
infini eft infini : donc la ferie C.manque
d'un nombre infini de termes qu'a la ferie
D; mais comme ce nombre infini de termes
qui lui manquent , fait la derniere moitié
de cette ferie , & que la premiere moitié
a auffi un nombre infini de termes , il
s'enfuit que tous les termes de cette feconde
moitié qui manque , font infiniment
petits ; or un nombre infini de termes
, chacun infiniment petits , fait une
quantité finie ; donc la ferie C. eft moindre
que la ferie D. d'une quantité infinie,
mais nous avons vû que la ferie D. étoit
exactement la moitié de la ferie A. donc
la ferie C. eft moindre que la moitié de A.
d'une
A OUT. 1728. 1789
d'une quantité infinie , & que la ferie B.
qui avec C. compofoit la ferie A. fera
donc plus grande que la moitié de A. de
la même quantité, dont C. eft moindre que
cette même moitié ; donc la ferie C. eft
fort éloignée d'être égale à B. comme on
le croyoit , ce qui s'accorde avec les
Démonftrations de Mercator , mais que
je ne me fouviens pas d'avoir vûës . Ainfi
ces deux feries C. & D. n'étoient égales
qu'en apparence, puifqu'elles n'avoient pas
le même nombre de termes , à quoi il eft
quelquefois neceffaire de prendre garde , ſi
l'on ne veut pas tomber dans l'erreur .
Mais ce qu'il y a de plus fingulier dans
tout ceci , eft que le P. C. voyant d'un
côté un Axiome clair , fimple & inconteftable
& de l'autre une Démonſtration ,
à ce qu'il croyoit , qui étoit contraire , ait
pris le parti de s'en tenir à la prétenduë
Démonftration contre l'Axiome ; quelle
Démonftration peut l'emporter contre un
Axiome , & furtout contre un Axiome
auffi évident que celui - cy ? Une Démonftration
a toûjours plufieurs parties qu'il
eft neceffaire de difcuter les unes après
les autres , & l'on n'eft fûr de ſa verité
que quand on l'a affez examinée pour être
convaincu qu'on n'a paffé aucune de ces
parties fans examen , & qu'on a clairement
compris la liaifon que toutes ces
partics
1790 MERCURE
DE FRANCE
.
parties avoient entr'elles , au lieu que
l'Axiome en queſtion eft d'une telle fimplicité
, & d'une telle évidence , que l'efprit
de quiconque a un peu de bon fens,
ne fçauroit refufer fon confentement à
cette verité , & il n'eft aucunement néceffaire
d'être Géometre pour cela , bien
loin d'être infinitaire ; auffi l'Auteur n'at'il
pas mieux réüffi , lorfqu'il a avancé fans
aucune preuve , du moins qu'il ait donnée
, que la Quadrature du Cercle de
› Monfieur Leibnits , n'étoit que le refte de
deux quantitez égales ôtées l'une de l'autre
, la Quadrature du Cercle de Monfieur
Leibnits eft telle , c'eft cette ferie ,
1
I 3
à-dire
•1 +1= 1 , c'eſt -
7 9
11 13 15
c'eft
que
17 199
1
dont on
13 179
fouftrait cette autre, ++++ 3 7 II 15 19
Mais
on ne voit pas fur quoi fe fonde le P. C.
pour dire que ces deux feries font égales ,
elles different l'une de l'autre d'un nombre
égal à l'aire du Cercle , felon M. Leibnits
, l'aire du quarré circonfcrit au même
Cercle , étant exprimé par l'unité , &
en general lorfque deux feries font formées
de termes alternatifs , qui vont tous
en diminuant , celle qui a le plus grand
premier terme eft toûjours plus grande
que celle dont le premier terme eft moindre
, parce que le premier terme l'emporte
fur
A OUT. 1728. 1791
fur tous les autres , ainfi dans les deux
feries cy -deffus B. & C. la ferie B. dont
le premier terme étoit ou 1. étant plus
grand que le premier terme de la ferie C.
doit l'emporter fur B. d'une quantité finie
, quoiqu'on ne puiffe pas pour cela
feul dire au jufte de combien . Ainfi nous
attendons la prétendue Démonftration
que le P. C. promet & fon Axiome auffi ,
qui doit être quelque chofe de curicux .
*****
XXXX
XXXXXXXXXX
EXPLICATION du Logogryphe
du 2. volume du mois de Juin 1728 .
fur les mêmes rimes.
Maifen , eft nom François , fix lettres le
Composent >
Qui prenant par la fin, de ſuite ſe Tranſpoſent,
Font nos , jam , mots latins , chacun d'une
Moitié ,
Et l'Anagramme aimons , engage à l' Amitié ,
Une Lettre de moins , eft Simon, nom d'Apôtre ,
Dans les deux tiers d'un bout , dans les deux
tiers de l'
Siam , Sion , fe trouvent à
Autre
L'envers
Le temps eft May , le Son perce les Airs ,
L'adverbe eft Mais , on , eft la Particule :
A Logogriphe obfcur , jamais je ne Recule
+ 4 ++
1792 MERCURE DE FRANCE .
Autre Explication .
! Ma foi mon ami , j'entens le Logogryphe
,
Tu ne te riras plus de mon attention ,
Et comme un Chat qui tient Meffer Rat fous
fa griffe ,
Voici bien mot pour mot fon Explication .
Nos , jam ..... quoi , du Litin ? Eh ! oui , l'on
en demande ,
Mais deux mots feulement & non une legende,
Et pour te mettre au fait , le vrai nom eft
Maiſon ,
Ce mot pris à rebours ainfi fe latinife ....
La raiſon... la raiſon c'elt ſa combinaiſon ,
Or écoutez jufqu'où j'en ferai l'analyſe ;
L'Anagramme eft flatteur , qui me dir Son Ami,
M'engage par retour à ne l'être à demi ……
Et du mot de Maiſon , comment faire un
Apôtre ....
Otes- en l'a , tu vois qu'on y trouve Simon ,
Dans les deux tiers d'un bout , dans les deux
tiers de l'autre ,
Royaume de Siam , Montagne de Siom 3
Plût à Dieu, que pour moi, qu'aifément je découvre
,
Dans la moitié du mot , & qui ( pour peu que
j'ouvre
Ou
A OUT. 1728. 1793
Ou la bouche, ou la main , foit autres mou
vemens )
Fends neceffairement l'air qui nous environne,
Cent ans , toûjours heureux , fût le terme du
temps ,
Que de ce même mot , l'autre moitié nous
donne !
Mais on ....ô! pour le coup , fans penfer à
cela ;
J'ai trouvé les deux tiers , & l'autre ..... oüi ,
m'y voilà ,
Mais forme notre adverbe , on eft la particule ,
Et comme il faut avoir perdu toute raifon ,
Pour attaquer un mur dans l'efpoir qu'il re
cule ,
Le Logogryphe eft juſte & fon nom eſt Maiſon,
M.Lombard, Avocat au Bailliage Royal
de S. Flour, dans la haute Auvergne , demourant
à prefent à Estampes.
EXPLICATION des deux Logoà
gryphes du mois de Juin.
Adis , dit un Auteur , n'importe en quel
JAdiChapitre ,
Un Limaçon , non pas une Huître ,
De Siam à Lima tranſportoit ſa Maiſon ;
Mais
1794 MERCURE DE FRANCE.
Mais les deux tiers reftez fur le Mont de Sion s
Le firent repentir de paffer par l'Empire
Du puiffant Soliman on entendit le Son
Que fait tel animal quand il pleure & foupire.
Il fallut prendre en gré. Depuis le mois de
May .
Temps où tout crie , aimons , où tout rit , toug
eft guay ,
Notre éclopé garda la chambre ,
Prefque jufqu'au mois de Novembre ;
Car ce ne fut qu'au jour de faint Simon ,
Qu'un Expert & Maître Maçon ,
Répara le manoir du malheureux Reptile ;
Encore manqua- t- il d'y perdre fon Latin ,
Il auroit peu perdu , car il n'en fçavoit brin :
Si vous ôtez jam nos & quelques mots de ſtile ,
Qu'il répetoit fouvent. Mais quand il n'auroit
fçû
Que la particule on : qu'importe ici , pourvû
Qu'il fçût bien fon métier . Cette Hiſtoire apo
cryphe ,
Du refte nous fait voir , que fos un grand
danger ,
Un Limaçon ne fçauroit voyager ,
Si ce n'eft dans un Logogryphe.
Le P. de Sermaife.
A OUT.
1728. 1795
Les Logogryphes du dernier Mercure
ont été faits fur Ormeau , Eve , Tripotage,
& Apprêt. Voici l'Explication du
dernier.
E veux dans un Chapeau , qu'on mette de
JE
Y'apprés ,
Il devient pour ma tête un bien plus für azile.
Otant l'a de ce mot , un ami
par un prêt ,
Quand je fuis fans argent , m'offre un fecours
utile.
De preft retranchant p . il me reste des rets ;
Par le moyen defquels , avec mince équipage ,
Je pends à mon crochet les Hôtes des Forêts ;
Dont je fais,s'il me plaît, un abondant carnage,
L'r ôté, refte l'Eft , où le Soleil brillant
Recommence fon cours , chaffant la nuit obf
cure.
L'é de moins, par unft , on accourt à l'inftant.
Ce même ft auffi - tôt le filence procure.
Retranchant I's enfin , refte pour tout un #3
Lequel dans un Caffé , fait offrir un breuvage ,
S'il eft bien prononcé , leger , bien apprêté ,
Très - fain à l'Eftomac , & d'un charmane
ufage.
On
1796 MERCURE DE FRANCE.
On a dû expliquer les quatre Enigmes
par la Plume , le Poulet , l'Eguilie & le
Caffe.
REPONSE du P. Caftel , J. à la Lettre
de M. de Fontenelle , fur le Paradoxe
Géometrique.
MONSIEU ONSIEUR ,
J'ai reffenti plus de plaifir que je n'ai
eu de furpriſe de la prompte & belle réfolution
que vous m'avez envoyée du Paradoxe
Géométrique. Et pour qui ces
fortes de Réfolutions feroient-elles réfervées
, fi ce n'étoit pour vous ? Je vous l'ai
dit dans d'autres Lettres : Je m'imagine
que tous les recoins de la Géometrie de
l'infini vous font connus , & que les Paradoxes
des autres , font à votre égard ,
des veritez anciennes , familieres & prefque
triviales. Celui dont il s'agit ici , découle
immédiatement de la Géometrie de
l'infini. Car dès qu'il eſt établi que deux
grandeurs font égales , quoiqu'elles different
d'un infiniment petit , il eft démon.
tré auffi que deux grandeurs different d'un
infiniment petit , quoiqu'elles foient égales.
A OUT 1728. 1797
les . Mais du refte , toutes chofes démontrent
la verité du Paradoxe . Car les Anti-
Infinitaires , qui s'amufent à chicaner fur
les apparences , au lieu de s'inftruire folidement
du fond des chofes , regardent
tout ce fyftême de l'infini comme ruineux
& plein de mille contradictions . Or j'ofe
dire que nous n'avons rien de mieux lié
ni qui fe concilie mieux en foi & avec
tout le reste , que toutes les parties de ce
Systême , & qu'il n'y a pas de veritez
géometriques plus fécondes en Démonftrations
& en Démonftrations faciles ,
que celles de l'infini , lefquelles ne font
Paradoxes que parce que le fujet fur quoi
elles roulent , eft naturellement élevé &
peu à la portée des efprits vulgaires. Ce
Paradoxe en particulier , que vous déduifez
fort bien de votre Théorie , peut fe
démontrer de vingt manieres differentes.
Par ex. je le retrouve dans la formule nn
plus n: 2. de la fomme des nombres 1.2.3.
4. &c. Car lorfque n eft infini , la formule
ek toûjours n n plus n: 2 . mais elle eft auffi
la fimple moitié de n'n. Or celle-ci ôtée de
celle- là laiffen: 2. qui s'accorde avec votre
00:2 à merveille, quoiqu'en difent les Anti-
Infinitaires , qui feroient bien embarraſ❤
fez à expliquer comment un Systême plein
de faufferez , n'eft pas plein de contradictions
, & comment en prenant les che
mins
798 MERCURE DE FRANCE .
mins les plus divers , on y aboutit toujours
au même but.
Voici une Démonftration par induction
plus intelligible pour tout le monde . Je
mets tous les nombres impairs 1. 3. 5. 7.
& c. d'un côté , & tous les pairs 2. 4.6.
8. & c. d'un autre côté. Enfuite je prens
la fomme 4. des deux premiers impairs
je la compare avec la fomme 6. des deux
premiers pairs , & je remarque que 4. differe
de 6.d'un tiers. Mais prenant la ſomme
9. des trois premiers impairs , je la trouve
differente feulement d'un quart de la ſomme
12. des trois premiers pairs. Enfin
comparant la fomme des quatre premiers
termes , la difference n'eft que d'un cinquiéme
; prenant cinq termes de parr &
d'autre , la difference des fommes n'eft
qu'un fixiéme , & toûjours les differences
diminuent . Donc , lorfque l'augmentation
des termes eft auffi grande qu'elle peut
être, les differences font auffi petites qu'elles
peuvent être . Elles font donc nulles.
Car tout ce qui exiſte peut être encore
plus petit qu'il n'eft. Mais c'est géome .
triquement qu'elles font nulles , étant
arithmétiquement quelque chofe & même
infinies.
Autre Démonftration géométrique . Concevons
un Triangle plein de lignes paralleles
à fa bafe , mais fi plein que ces
lignes
A OUT. 1728. 1799
lignes foient infiniment voifines,fans intervalles
contigues & collées l'une à l'autre.
Les yeux ne voyent point cela , mais l'efprit
le conçoit. Je prends la baſe que j'appelle
la premiere de ces lignes , je ne
prends pas la feconde , mais la troifiéme ,
je laiffe la quatriéme , je prends la cinquiéme,
& toûjours alternativement toutes
les impaires depuis la bafe jufqu'à la
pointe. Je les réunis toutes en un Triangle
; or je le puis , & il est démontré qu'un
Triangle qui a même bafe que le précedent
& une demie hauteur , eft le meme
que celui que je forme ainfi de toutes les
ordonnées impaires du premier. J'en forme
maintenant un nouveau de toutes les
lignes paires du même premier Triangle.
Or je prétends que ces deux Triangles
partiels font exactement égaux l'un à
l'autre dans la plus grande rigueur géometrique
, quoique toutes les lignes integrantes
du fecond foient plus petites que
toutes celles du premier. Je le demontre,
& cette Démonftration eft auffi rigoureufe
qu'aucune de celles d'Euclide. Car
ces deux Triangles enfemble font égaux
au grand. Or le premier des deux eft la
moitié exacte de ce grand , donc l'autre
en eft auffi la moitié exacte . Je démontre
la mineure. La bafe du premier eft la mêmeque
celle du grand , & fa hauteus eft
E la
1800 MERCURE DE FRANCE .
la moitié jufte de la hauteur du grand ,
puifque j'ai pris la moitié des lignes du
grand : Donc ce qu'il falloit démontrer.
Voici encore une Démonftration qui vous
paroîtra peut être d'un gout nouveau ,
quoiqu'à la portée de tout le monde. Je
l'appelle le Balancement des Series . Elle
confifte à démontrer que deux chofes font
égales , en montrant qu'elles font inégales
, mais également , l'une furpaffant
l'autre autant que l'autre la furpaffe ; de
même qu'on pourroit prouver l'égalité &
l'équilibre de deux forces Méchaniques ,
en faifant voir qu'elles fe furmontent alternativement
& fe balancent autour du
même centre d'équilibre . Or la ferie des
pairs 2. 4. 6. 8. &c . comparée à celle des
impairs 1.3 . 5. 7. &c . terme à terme , la
furmonte ; 2. furmonte 1 ; 4. furmonte
3. & c. & l'excès total eft la moitié de
toutes les unitez à l'infini . Mais fi de la
fuite des impairs 1. 3. 5. &c. j'ôte le premier
terme 1. que je la réduiſe à 3. 5. 7°
9. &c. & que je la compare ainfi tronquée
avec 2. 4.6 . 8. &c . celle- la , quoique
diminuée , furmontera maintenant
celle-cy , car 3. furpaffe 2. &c . je puis
m'en tenir là ; mais pour mettre la Démonftration
à l'abri de toutes les chicanes
, je puis encore ôter le premier terme
de la fuite des pairs , & l'ayant réduite à
4.
A OUT. 1728. 1801
4.6. 8. 1o . & c . la comparer avec 3.5 .
7.9. &c. & puis comparer 5. 7.9.11 .
&c. avec 4. 6. 8. & c .
Quoique tout cela ne foit que diverfes Démonſtrations
de la même choſe, je compte
, Monfieur , que vous ne le trouverez
pas inutile , finon pour les Géometres
du moins pour rendre tels ceux qui ne le
font pas. Car je vous avoue que je fuis
affez zelé Partifan de la Géometrie , pour
être fenfible à tous les difcours qu'on tient
fur fon compte , à l'occafion de l'infini
. Je fçais bien qu'on peut méprifer
ces difcours , & aller toûjours fon train
en travaillant de plus en plus , à votre
exemple , pour la perfection de la Géometrie
de l'infini . Mais j'avouë mon fɔible
en ce point. Je me demande quelquefois
à moi même , & je prends la liberté
de le demander auffi aux Géometres.
Pour qui travaillons- nous , en perfectionnant
à l'infini la Géometrie ? Dès les Elemens
de notre ſcience on ne nous entend
déja plus. C'est bien pis dans notre
Géometrie de l'infini : nous ferions bien
heureux qu'on voulût convenir qu'on ne
nous y entend plus ; mais on nous regarde
comme des gens égarez qui heurtent
à chaque pas le lens commun . C'eft leur
faute, difons- nous ; mais nous fommes
un fi petit nombre qui le difons , que je fe-
E ij rois
›
1802 MERCURE DE FRANCE .
rois prefque tenté de dire que c'est la
nôtre ; furtout lorfque je fais attention
qu'après tout , ceux qui nous condam .
nent ne font pas des perfonnes qu'on
puiffe méprifer. Sentez vous , Monfieur
combien on eft à plaindre d'avoir à méprifer
les difcours des perfonnes qu'on
cftime le plus , & combien il feroit fla
teux au contraire d'en être applaudi , & de
pouvoir leur applaudir à fon tour ? je fçais
bien que c'eſt leur faute de condamner
une fcience qu'ils n'entendent pas ; mais
n'eft - ce pas la nôtre s'ils ne l'entendent
pas ? Car enfin , c'eft pour eux que
nous faifons des Livres , & s'ils ne nous
entendent pas , qui eft- ce qui nous entendra
? Que prétendons -nous ? Que fans
nous entendre , ils foufcrivent à tous nos
Paradoxes ? Ils n'ont garde , & nous les
mépriferions fort s'ils en étoient capables,
S'ils ne s'y rendent pas , convenons donc
encore affez que nous ne nous fommes pas
expliquez , & tâchons à nous mieux expliquer.
C'eft le parti que j'ai pris & que je
prendrai toûjours , perfuadé qu'en multipliant
les Démonftrations & les Explications
, on multiplie les Géometres ,
chofe à laquelle je vife depuis long temps
& pour la perfection du genre humain à
qui la Géometrie eft fi utile & fi neceſſaire,
& pour la gloire de la Géometrie &
des
A OUT. 1728. 1803
des Géometres qu'on admirera d'autant
plus qu'on les connoîtra mieux : J'ajoute
même pour votre gloire , puifqu'après le
bel Ouvrage que vous venez de donner ,
la Géometrie ne peut acquerir un Parti
fan que vous n'acquericz un Admirateur.
Et c'eft- la pour moi un nouveau motif
de travailler à faciliter cette fcience ,
étant avec refpect. Monfieur , votre , & c.
CASTEL , Jef.
J
P. S. Je remplirai la page en ajoûtant
que la ferie pleine des impairs 1.3.5.7 .
9. &c. eft exactement égale à nn car 1 .
& 3. font 2. fois 2 ; 1 & 3. & 4. font
3 fois 331 & 3 1 & 3 & 5 & 7. font 4 fois 4.
&c. Et que de même la ferie pleine des
pairs 2. 4. 6. & c. eft égale à nn plus n,
car 2. 4. 6. 8. & c . eft le double de 1. 2 .
3.4. & c. les feries dont vous parlez dans
votre Lettre , & dont j'ai parlé dans la
mienne pour m'y conformer , ne font que
des demi feries pour le nombre des termes ,
& des quarts de feries pour la fomme .
܀܀********************
ENIGM E.
A Deux chofes bien differentes ,
Un même nom convient , ce nom qu'il faut
trouver ,
Sans le fecours des Remarques fuivantes
E iij
Pourroit
1804 MERCURE DE FRANCE .
Pourroit , Lecteur , te faire trop rêver.
Pour te faciliter ce que tu te propoſes ,
Je te dirai que l'une de ces chofes ,
S'exprime en genre mafculin ,
Et l'autre en genre feminin.
L'une eft gracieufe , agréable ,
D'un accueil doux & favorable
Et très - volontiers fe produit.
L'autre toûjours eft ténebreuſe .
Timide , inquiéte , ombrageuſe ,
´Et s'effarouche au moindre bruit.
L'une fait toujours bonne mine ,
L'autre ne vit que de rapine ,
Et ravage par tout où fon corps peut paffer.
L'une n'eft qu'un gâte ménage ;
D'amour & d'amitié l'autre eft un témoignage.
Mais un moment auffi fuffit pour l'effacer.
AUTRE ENIGME.
LA faifon des frimats établit mon uſage ,
Des Climats qu'arrofe le Tage ,
J'ai paffé depuis peu fur des bords plus char
mans.
Je
A OUT. 1728 . 1805
Je me vois en des lieux où le bon goût préfide,
Et c'eft toûjours lui qui décide
De ma couleur & de mes ornemens.
La Prude trouve en moi dequoi fe fatisfaire;
Mais peut-être qu'Iris penfe differemment.
Une Coquette rarement ,
Dérobe-t-elle aux yeux ce qui lui fert à plaire.
Je conviens au déguiſement ;
Mais j'en dis trop , il faut me taire.
LOGOGRYPHE.
On tout eft infini , quoique chofe co-
M° recte ;
Ma fin eft un arbre fans fruit ;
Me lifant à rebours , je mépriſe un Inſecte ;
Lettre de moins , c'eft fait , je fuis fec , je fuis
frit.
G ...... T.
XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS , & c.
TR
RAITE ' de la vraye & de la fauffe
Spiritualité. On verra dans la vraye
les conduites que Dieu tient fur les ames
qu'il
1806 MERCURE DE FRANCE.
qu'il appelle à la perfection , & ce qu'elles
font pour y correfpondre ; au lieu que
dans celle qui eft fauffe , l'on n'y trouve
que des idées creufes , des erreurs & de
Pillufion. On y joint un Examen de quelques
Livres fort répandus dans le Public ,
attribuez à feu M. de Fenelon , Archevêque
de Cambray . Par M. l'Abbé de Brion.
A Paris , ruë S. Jacques , chez Etienne ,
& ruë S. Victor , chez Berton , 1728 .
in 12.
Cet Auteur , dit M. le Moine , Docteur
de la Maifon & Societé de Sorbonne,
Chanoine de S. Benoît , Cenfeur de ce
Livre , Feft rendu celebre par plufieurs
Ouvrages qu'il a déja donnez au Public ,
touchant les matieres de Spiritualité , fait
voir dans celui - cy qu'il y a acquis beaucoup
de lumieres & d'experience . Les
principes & les regles qu'il y donne , pour
difcerner la vraye Spiritualité de la fauffe,
font veritables , folides & tirées du fond de
la fainteThéologie . La conduite qu'il y enfeigne
pour porter les ames à la pieté la
plus fublime , n'a rien qui ne s'accorde
parfaitement avec les bonnes moeurs . Ce
qu'il reprend dans les Livres qu'il attaque
dans fon Supplement , eft tout - à- fait répréhenfible.
J'ai confronté foigneufement
les Extraits qu'il a faits de ces Livres , les
erreurs qu'ils contiennent , relevées &
réfutées
A O Ú T. 1728. 1807
réfutées avec beaucoup de fageffe & de
moderation , & cette réfutation d'autant
plus utile & neceffaire , que les Livres
qu'on réfute ont un grand débit dans
le monde , où plufieurs en font eftime
parce qu'ils n'en connoiffent pas le mauvais
, qu'il étoit important de leur faire
connoître , & même dans les Communautez
de Religieux & de Religieuſes ,
où ils ne pourroient produire que des
effets pernicieux , fans un tel préfervatif
qu'une main charitable leur prefente :
c'eſt mon avis.
Catalogue des Oeuvres de M. l'Abbé
de Brion .
Confiderations fur les plus importantantes
veritez du Chriftianifme , & c. un
vol . in 12. prix 1. liv . 15. fols .
Paraphrafe fur les trente premiers Pleaumes
de David , où l'on verra que le fens
fpirituel eft le vrai fens du Roy Prophere,
& qu'on y renferme les principaux fecrets
de la vie interieure , 2. vol . in 12. prix
4. liv. 10. fols.
Suite de la Paraphrafe , &c. Tome III.
& IV. 2. vol. in 12. prix 4. liv . 10. fols .
Paraphrafe fur divers Pleaumes choifis
, 2. vol. in 12. 3. liv. 10. fols.
Paraphrafe fur le Pfeaume Beati immaculati
, ' 1. vol . in 12. 2. liv. 5. fols.
E v La
1808 MERCURE DE FRANCE.
La Vie de la très fublime , contemplative
Soeur Marie de Sainte Therèſe , Carmélite
de Bordeaux , où l'on voit la conduite
que Dieu a tenue fur elle pour l'élever
à la plus parfaite union & à la plus
fublime contemplation. 1. vol . in 12 .
2. livres 5. fols.
-
Lettres fpirituelles de la Soeur Marie
de Sainte Therèſe , Religieufe Carmelite
de Bordeaux , où l'on verra l'éminence
d'une grace qui fçait s'accommoder à la
portée de divers efprits , & dire à chacun
ce qui lui convient pour le porter à Dieu ,
2. vol. in 12. 4. liv. 10. fols.
INSTRUCTION pour bien faire la
Confeffion generale , avec l'Examen des
pechez. Augmentée des Oraifons & des
Actes devant & après la Communion .
A Paris , rue S. Victor , chez G. Ch.
Berton , 1727. in 24.
MANUEL DE DEVOTION , contenant
divers Exercices de pieté , en faveur
des bonnes Ames . Edition nouvelle, revûë
& augmentée . Chez le même , in 24. 1728.
LE PETIT TRESOR DE LA Mis-
SION , ou Pratiques & Inftructions fur
les principaux devoirs de la vie chrétienne
, quatriéme Edition , revûë , corrigée
& augmentée. Chez le même. in 18.
LES
A OUT. 1728. 1809 .
LES SAGES ENTRETIENS d'une ame
qui defire fincerement fon falut , &c . qua.
triéme Edition, in 2 4.Chez le même, 1728 .
DEFFENSE du Traité de l'Amitié , de
feu M. de Sacy , ou Critique du Livre
nouveau , intitulé : Réflexions fur l'Amitié,
compofé par M. du Puy , cy- devant
Secretaire au I raité de la Paix de Rifwik,
avec une Epitre Dédicatoire adreffée à
l'Auteur. AParis , ruë S. Jacques , chez
Moreau , 1728. brochure in 12. de 36 .
pages .
LETTRE de M. Gauger , ancien Avocat
en Parlement , & Cenfeur Royal , fur
la differente réfrangibilité des Rayons de
la Lumiere , & l'immutabilité de leurs
couleurs , où l'on réfout les principales
difficultez contre l'une & l'autre . Avec
le Plan de fon Traité de la Lumiere &
des Couleurs. A Paris , ruë S. Jacques
chez Simart, 1728. brochure in 12 de
59. pages , &c .
>
CONNUBIA FLORUM Latino Carmine
demonftrata Auctore D. de la Croix ,
M. D. Cum Interpretatione Gallica ,
D ******* Parifiis , ex Typographia
Theobuftea , è regione Collegii Regii.
M. DCC . XXVIII. cum Permiffu.
E vj
C'est1810
MERCURE DE FRANCE
C'est - à - dire , LES MARIAGES DES
FLEURS , prouvez en Vers latins , par
D. de la Croix , Docteur en Medecine ,
avec une Traduction Françoife. Par M.
D ******* . A Paris , de l'Imprimerie
de Thibouft , Quartier du College Royal.
M. DCCXXVIII . Avec Privilege.
Cette Brochure , qui n'eft en tout que
de 47 pages , y compris l'Avertiffement,
eft écrite d'une maniere à fatisfaire les
Lecteurs , foit par l'harmonie des Vers ,
foit par le tour des frafes , foit enfin par
la folidité des raifonnemens . L'Auteur
qui fe dit Irlandois , y explique d'une maniere
fi claire & fi courte la géneration
& la nutrition des Plantes , qu'il ne refte
là- deffus rien à defirer. L'Ouvrage en
forme de Lettre , eft adreffé au frere de
l'Auteur , & eft precedé d'un Avertiffement
qui explique les termes peu connus ,
dont fe fervent les Botaniftes dans l'Anatomie
des Fleurs. Nous croyons ne pouvoir
mieux introduire nos Lecteurs dans
l'efprit de l'Auteur qu'en leur expofant
quelles ont été fes Etudes , ce qu'il explique
auffi dans les cinq premiers Vers
de cette Lettre.
Que mentis natura foret , qua fabrica rerum
Quifve opifex , primis quaſivi , Frater ab
Annis .
Multus
AOUT. 1728. 1811
A
Multus erat , dulcifque labor , nec inutilefenfi ,
Cartefiumque Patrem & Neutonia caſtra ſecutus
,
Menfa remetiri diverfis callibus aftra..
De - là il paffe à fes Etudes de Botanique
& au progrès qu'il y a fait fous M. Vaillant
: c'eft- là qu'il explique la nutrition
des Plantes & les attentions qu'il faut
apporter pour les conferver ; nous nous
contenterons de rapporter pour exemple
ce qu'il dit du Therebinthe , & de la néceffité
de l'incifer.
Exin agricola truncos fub vere recidunt ;
Ni faciant , nimia laticum fub mole laborants
Innumera peftes , nodi , Caricfque fequuntur,
Et fitiens moritur malè plenis fontibus arbor.
Il fait enfuite la comparaifon des hommes
abandonnez à l'oifiveté , dans lefquels
la trop grande abondance de fang
cauſe les mêmes maux que dans ces arbres
, ce qu'il explique d'une maniere
auffi élegante que perfuafive.
"
Il faudroit copier prefque tout le Livre
fi on vouloit ne rien omettre de ce qu'il
y a de beau & de neuf dans ce petit Ouvage
; les Lecteurs y trouveront de quoi
s'.nftruire agreablement. Nous finirons.
par
1812 MERCURE DE FRANCE :
par le Méchanifme , fuivant lequel M. Vaillant
enfeignoit que les Plantes concevoient
: Après avoir prouvé que les
Plantes ont des oeufs , & qu'il y a mêlange
defemences ; voici ce que l'Auteur
dit :
Exin conceptos utero cupidiffima foetus ,
Mater alit , moriturque lubens , ubi visa
propago ,
Grandior , extinctofque habilis renovare parentes.
Altera deinde parens tellus , ubi lapfa feraci,
Semina concepit gremio , falibufque liquatis ,
Jam laxa patuere via : Vagus humor hiantes ,
Arietat in tubulos , Vafa emollita patefcunt .
Et fenfim admittit fegnes radicula fuccos :
Illi agro lenti motu enituntur in altum , &c.
Le P. Bafile , Provincal des Auguftins
Déchauffez , & le P. Simplicien , Auteur
de l'Hiftoire Généalogique & Chronolo -
gique de la Maiſon Royale de France
des Pairs , Grands Officiers de la Couronne
& de la Maiſon du Roy , &c. eurent
l'honneur de prefenter au Roi , le
2. de ce mois , le troifiéme & le quatriéme
volume de cette Hiftoire . On commença
A OUT. 1728. 1813
mença dès le lendemain à délivrer aux
Soufcripteurs ces deux volumes . On continuë
de travailler à cet Ouvrage , & on
efpere de le donner en entier dans le temps
promis par le Projet.
:
Le Réſultat des Conferences tenuës il
y a quelque temps au vieux Louvre , paroît
imprimé in 4. fous ce titre Lettre
des Cardinaux , Archevêques & Evêques
affemblez extraordinairement à Paris , par
les ordres du Roy , pour donner à S. M.
leur avis & jugement fur un Ecrit imprimé
, qui a pour titre : Confultation de
Mrs les Avocats du Parlement de Paris ,
au fujet du Jugement rendu à Embrun ,
contre M. l'Evêque de Senez . Cette Lettre
fignée par 31. Cardinaux , Archevêques
& Evêques , a 103. pages. L'Arrêt
du Confeil , où l'on réfume toutes les'
raifons de ces Prélats , eft inferé dans le
dernier Mercure , page 1696 .
TRAITE DES LIQUEURS , Efprits
ou Effences , & la maniere de s'en fervir
utilement , par François Guiflier du Verger,
Maître Diftilateur en Art de Chimie
à Paris , établi à Bruxelles , imprimé à
Louvain , chez Guillaume Stryckvvant ,
à la Lampe d'Or. 1728. in 12. de 169.
pages , ffaannss ll''EEppiittrree , l'Avant-propos ,
l'AP1814
MERCURE DE FRANCE .
PApprobation & la Table . Et fe vend à
Paris , rue S. Jacques , chez Cavelier!
La longue experience de l'Auteur fur
Le fujet qu'il traite , les Obſervations curieufes
& utiles qu'il donne fur une matiere
qui n'avoit point encore été traitée
dans un fi grand détail , le grand ufage
enfin qu'on fait aujourd'hui des Liqueurs,
rendent , ce femble , cet Ouvrage affez
intereffant pour que le Public en apprenne
avec plaifir le deffein .
L'Auteur après un Avant - propos , dans
lequel il explique , pour ainfi - dire , la
naiffance de la Chimie & l'utilité de cet
Art , diviſe d'abord fon Ouvrage en quatre
Chapitres.
Dans le premier il traite des Liqueurs
rafraîchiffantes , il explique l'ufage qu'on
en doit faire , & il parle à ce fujet des effets
nuifibles que produifent ces Liqueurs
prifes à contre- temps , comme lorfque le
corps eft échauffé & fatigué par quelque
exercice violent ; il paffe de- là à l'origine
des Liqueurs rafraîchiffantes qu'il femble
attribuer à la deffenſe que fit Ma
homet en Turquie, de boire du vin ni des
autres Liqueurs fermentées ; les bons
Mufulmans , dit - il , tâcherent de s'indennifer
par des Eaux agréables & des Sorbets
délicieux , de la perte fenfible qu'ils
faifoient. I entre enfuite dans le détail
de
A OUT. 1728. 1815
chaque Liqueur rafraîchiffante , il en explique
les qualitez & la maniere de s'en
fervir utilement.
Dans le fecond Chapitre , il parle des
Liqueurs Spiritueufes , c'eſt - à- dire , de
celles dont les Eaux de vie & l'Efprit de
Vin font la baſe , & comme un Artiſte
ne fçauroit faire de bonnes Liqueurs Spiritueufes
s'il n'a une parfaite connoiffance
des Eaux de vie qu'on peut y employer,
il en examine les differentes efpeces , il
donne des marques pour les connoître &
des moyens , tant pour les blanchir & les
corriger , que pour adoucir celles qui
font trop violentes & pour en augmenter
l'activité quand elles font trop foibles . Il
examine enfuite les proprietez des Liqueurs
Spiritueufes en general ; il preſcrit
les cas & le temps où elles peuvent convenir
& où l'on en ufe avec fuccès , mais
il confeille furtout de n'uſer jamais de ces
Liqueurs , à jeun & lorfque l'eftomach eft
vuide d'alimens ; il parle dans ce même
endroit de l'Eau de vie , dont l'ufage eft
depuis quelque temps devenu fi familier
chez le Soldat & l'Artifan ; il attribue
la premiere caufe de ce grand ufage aux
Hollandois. Il rapporte que les Négociants
& les Commandans des Vaiffeaux
Hollandois , perdoient fouvent une bonne
partie de l'Equipage d'un Vaiffeau en allant
1816 MERCURE DE FRANCF :
lant aux Indes , quand il étoit queſtion
de paffer la ligne , & que le refte étoit
prefque tout malade & languiffant à ne
pouvoir faire la manoeuvre , malgré toutes
les Liqueurs rafraîchiffantes qu'on
employoit pour les remettre , tandis que
certains Matelots qui ufoient , comme à
la dérobée, de quantité d'Eau - de -vie, fournifloient
feuls à ce que les autres ne pouvoient
faire,& reftoient pleins de vigueur
& de fanté. Le préfervatif de ces Marelots
fut découvert ; on n'attribua d'abord
qu'à leur bon temperament les bons ef.
fets de l'Eau - de - vie ; mais après plusieurs
experiences qu'on a toûjours vù très - bien
réüffir , ils fe font déterminez à charger
leurs Vaiffeaux d'une bonne provifion
d'Eau - de - vie , & c'est avec ce fecours
qu'ils affrontent , pour ainfi - dire , tous les
jours les dangers d'un paffage qui leur
étoit autrefois fi difficile & fi funefte ;
l'Auteur fait à ce fujet quelques Reflcxions
fur les bons effets que produifent
certaines Liqueurs Spiritueufes , lorfque
le corps eft agité , c'est - à- dire , lorfque
les humeurs font miles dans un grand
mouvement par quelque exercice violent ;
il conclut qu'on peut en ufer modérement
& à propos , mais jamais à jeun.
Voulant enfuite remonter à l'origine
des Liqueurs fpiritueufes , M. du Verger
s'arrête
A OUT. 1728. 1817
s'arrête à l'Hypocras , qui eft la plus ancienne
Liqueur de notre connoiffance ,
il croit pouvoir , attendu la conformité
du nom , en attribuer l'invention à Hypocrate.
Cette Liqueur a fait pendant un
très long- temps les délices de tous les
feftins , heureux fi nos peres s'en étoient
tenus là ! mais l'homme , toûjours plus
induſtrieux pour fa ruine , lorfqu'il s'agit
de flatter fon goût , ne fçauroit fe fixer
à cette falutaire fimplicité qu'on ne connoît
plus dans les repas . L'Italie & le
Piemont commencerent à vouloir rafiner
fur cette Liqueur , en y ajoûtant l'Eſprit
de Vin ; les Italiens ont enfuite inventé
le Populo , les Piémontois , le Roffoli ,
après quoi vint enfin le Perficot de Turin ,
qui a été la premiere Liqueur diftillée qui
ait paru . C'est ainsi qu'infenfiblement eft
venue enfin cette quantité de Liqueurs
fpiritueufes , moins condamnables , à la
verité , par leurs qualitez propres , que
par l'abus qu'on en fait tous les jours .
L'Auteur entre enfuite dans un détail du
gout de chaque Nation pour les Liqueurs ;
il paffe de - là à l'examen de chaque Liqueur
fpiritueufe en particulier .
Dans le troifiéme Chapitre , l'Auteur
fe propofe de parler fous le nom d'Eaux
ou Liqueurs chaudes , du Caffe , du Thé,
& du Chocolat. En examinant les qualitez
du
1818 MERCURE DE FRANCE.
du Caffé , il approuve fort le Traité particulier
qu'en a donnéM.Silveſtre Dufour,
mais il ne convient pas de tous les bonsef
fers que lui attribue cet Auteur, il regarde
fe Caffé comme propre en certaines occafions,
& dans certains temperamens, à rectifier
les ferments digeftifs , à faciliter la
tranſpiration, & à donner aux efprits une
nouvelle activité ; mais il trouve auffi
d'autre part que fort fouvent il deffeche
les folides , & communique au fang une
âcreté très- nuifible à la fanté ; il conclud
enfin , en difant que l'ufage moderé du
Caffé peut en être bon , que le fréquent
ufage en eft peu confeillable , & que l'ex
cès en eft très- pernicieux ; il rapporte
enfuite comment & par qui le Caffé a
été introduit en France ; il explique les
differentes manieres de le préparer ; à l'égard
du Caffe au lait , il en approuve fort
l'ufage pour les temperamens chauds &
fecs.
C'eft après avoir beaucoup parlé du
Caffé , que l'Auteur fait
part au Public de
fa découverte fur la femence d'un arbriffeau
très-connu & plus que conmun ,
dans laquelle il a reconnu des qualitez fi
femblables à celles du Caffé du Levant ,
qu'il ofe la nommer Caffè de l'Europe :
ce nouveau Caffé n'eft pourtant autre cho.
que la femence du Genêtfauvage , confe
nu
AOUT. 1728.
1819
nu en Botanique , fous le nom de Genista
angulofa & fcoparia , G. B, cycifus fcoparius
vulgaris vel Genista vulgaris trifolia
flore luteo Gall. Cytife.
Cette femence bien conditionnée , le
torrefie , fe réduit en poudre & s'infuſe
comme le Caffé , & on peut s'en fervir
aux mêmes ufages ; P'Auteur pouffe même
la chole jufqu'à dire qu'on ne doit craindre
aucune mauvaiſe fuite de cette Liqueur
, comme du Caffé , dont elle furpaffe
toutes les bonnes qualitez , fans en
avoir les défauts. Il affure avoir trompé
avec cette femence , foit à l'eau , foit au
lait , pluGeurs bons connoiffeurs ; cependant
, dit - il , quand on eft prévenu &
qu'on s'attache à l'examiner , on y trouve
une amertume beaucoup plus fenfible &
un montant moins fort & moins fin que
celui du Caffé.
L'Auteur ajoûte que la femence du Genêt
d'Eſpagne , cultivé dans les jardins &
qui croît abondamment dans nos Provinces
Meridionales de France , eft moins
amere , & qu'ainfi on pourroit la préferer
, fi on lui trouvoit d'ailleurs les mêmes
qualitez,
Le Thé , dit l'Auteur , eft la feuille d'un
Arbufte des Indes . Le premier nous a été
apporté de la Chine. Cette Feüille contient
un fel effentiel , volatil , huileux , elle
eft
1820 MERCURE DE FRANCE.
eſt âcre & un peu amere au gout , fes
vertus font de laver & de déterger les premieres
voyes & d'aider la dépuration du
fang , foit par une douce tranfpiration ,
foit en augmentant la fecretion de l'urine;
ce font là les bons effets du Thé , lorfqu'il
eft pris moderément . M. du Verger dit
avoir fait plufieurs fois l'experience de
convertir le Thé verd en Thé bouc , qui
s'est trouvé fort bon , ce qui lui fait préfumer
avec raifon que le Thé bouc qu'on
nous apporte , n'eft pas tel qu'on le prend
fur l'Arbriffeau , comme quelques uns le
croyent , mais que pour le rendre tel que
nous l'avons , on trempe ces feuilles dans
quelque décoction particuliere qu'on prépare
dans le Pays. A l'occafion du Thé,
il traite dans ce Chapitre , de quelques
Plantes cultivées ou fauvages , dont on
ufe de même que du Thé , comme font la
Meliffe de Moldavie , la Sauge , les Vulneraires
de Suiffe , &c.
Ce Chapitre finit par l'examen du Chocolat.
L'Auteur après avoir long- temps
obfervé les differens effets qu'il produit
fur des fujets de different temperament ,
paroît embaraffé à prononcer fur l'ufage
qu'on en doit faire , chacun doit en cela
fe confulter foi-même. On peut cependant
avancer & même foutenir que cette
Liqueur convient , pour l'ordinaire , aux
VieilA
OUT. 1728. " 1821
Vieillards & aux Gens d'étude . Nous devons
aux Efpagnols & aux Portugais , la
premiere découverte de cette boiffon ; ils
trouverent dans les conquêtes qu'ils firent
en Amerique , certains Peuples barbares
qui ne mangeoient d'autre pain que celui
qu'ils faifoient avec le Cacao ; leur efto
mach ne pouvant fe faire à une nourriture
fi groffiere & fi pefante , ils y ajoûterent
des Epiceries ; leur induftrie enfin leur
fuggera de faire avec ce même Cacao
un breuvage délicieux & nourriffant , en
y ajoûtant le Sucrè , l'Ambre , le Muſc ,
le Baume du Perou , & enfin la Vanille ,
la Canelle & le Gerofle : il finit cet article
après avoir expliqué la maniere de faire
& de préparer le Chocolat , dont la meil
leure compofition confifte dans le choix
des Drogues & dans une jufte proportion
des Aromates avec le Cacao.
Dans le quatriéme & dernier Chapitre,
il est fait mention des Efprits ou Effences
après bien des digreffions & bien des géne
ralitez ; il entre dans le détail des Efprits &
des Effences les plus ufitées ; il en expli
que les vertus & la maniere de s'en fervir,
& il joint à chaque article des obfervations
qui peuvent être utiles aux Artistes .
On trouve à la fin de ce Livre une Approbation
très- avantageufe de la Faculté
de Medecine de l'Univerfité de Louvain.
On
1822 MERCURE DE FRANCE.
On fentira peut- être par cer Extrait combien
le Livre fe reffent d'avoir été composé
& imprimé loin de Paris. L'Auteur a pris
foin fort prudemment d'avertir le Lecteur
qu'ilne s'attache qu'aux choſes dont il veut
donner quelques notions , & nullement à
la diction pure , à l'élegance , ni à la politeffe
du langage .
Il faut convenir qu'il eſt plein de bonnes
intentions. Le Kemede qu'il donne ,
page 21. pour guerir la Diffenterie , &
qu'il croit fouverain , en eft une preuve.
Prenez , dit - il , 2. bonnes Mufcades , groffierement
pilées , 20. grains de Poivre
entiers & 20. Cloux de Gerofle , une once
de Canelle concaffée , & autant d'écorce
de vieux Chêne , rapée groffierement
faites bouillir le tout dans trois pintes de
lait , jufqu'à la diminution d'un quart ,
paffez par un linge , divifez en 4. parties
égales , qu'on fera prendre au Malade , de
fix heures en fix heures , & c.
Le Punch, Liqueur Angloife , compofée
de Vin blanc , d'Eau- de - vie , de Citrons
, de Sucre & de la mie de Pain , n'eft
pas au gré de l'Auteur . Il voudroit pour
la rendre falutaire , fubſtituer l'eau commune
à la place de l'Eau- de - vie .
Il ne traite pas mieux le Vatté , Liqueur
forte , inventée à Graffe en Provence , par
un nommé Gerard , compofée d'Efprit de
Vin ,
AOUT. 1728.
1823
Vin diftilé avec des Bergamotes , ambré &
fort peu fucré Cette Liqueur, dit- il , fut défendue
, ainfi que le Pitrepitre qu'il appel .
le Liqueur infernale , compofée d'Elprit
de Vin rectifié , avec quelques Zeftes de
Citron, & très -peu de fucre. Il met prefque
au même niveau les Eaux - de-vie de
Dantzich , &c . mais il fait un grand élode
l'Eau des Barbades , & en rapporte
ge
l'origine à peu près en ces termes :
Un François , Provençal de Nation ,
Diftilateur de fon métier , ayant été pris
fur Mer par un Armateur Anglois en
1696. fut mené prifonnier à la Barbade.
Il remarqua qu'on faifoit de la Piquette
avec les écumes , marcs & immondices
des Sucres , pour fervir de boiffon aux
Domestiques & Efclaves . On rempliffoit
de grandes Cuves d'eau & de ces groffiéretez
, à quoi on ajoûtoit des fleurs & pelures
d'Oranges & de Citrons , de la Canelle
& du Gerofle. Cette Liqueur ex- ›
polée au Soleil , fermentoit & devenoit
très forte , mais l'habile Provençal la rectifia
& la rendit par fes foins la plus
agréable de toutes les Liqueurs. On tâche
de l'imiter en France , en Angleterre &
ailleurs ; mais on ne fçauroit parvenir à lui
donner le gout délicat , non - plus que la
force & l'odeur , l'Efprit de Vin qu'on
fubftitue à l'Eſprit de Sucre , confervant
F toûjours
1824 MERCURE DE FRANCE:
toûjours une petite âcreté qu'il contracte
du pepin du Raifin . L'Eau Cordiale de
Colandar de Genève , approche beaucoup
de la fineffe de l'Eau des Barbades .
L'Eau d'Or doit être composée de
fix Cordiaux ; il y doit entrer de l'or préparé
par extinction , édulcoration & battu.
L'Efprit de Canelle doit dominer.
L'Efcubat eft une Liqueur Angloife ,
compofée de Vulneraires & Aromates ,
dont le Baume & la Mente font la baze .
M. du Verger prétend que pour faire
d'excellent Caffé , il faut faire bruler
la Féve , la moudre groffiérement & l'employer
tout de fuite , ajoûtant que fi toutes
ces operations font plus lentes , le Caffé
perd beaucoup de fa qualité, & n'eſt plus
fi bon .
DICTIONNAIRE BOTANIQUE , à
l'ufage des perfonnes curieufes & appliquées
à la culture des terres ou des Jardins
, contenant en Latin & en Anglois ,
le nom de toutes les Plantes connuës ,
leur defcription , & la maniere de les cultiver
fans qu'il en coûte beaucoup de
peine , foit qu'elles foient du pays , ſoit
qu'elles foient étrangeres. Par M.Richard
Bandley , Profeffeur en Botanique dans
Unive fité de Cambridje. A Londres ,
chez T. Woodward. 2. vol. in 8.
Les
A OUT. 1728 . 1825
LES CESARS de l'Empereur Julien,
traduits du Grec , par le feu Baron de
Spanheim , fe vendent à Amfterdam , chez
l'Honoré. in 4. contenant plus de 300 .
Médailles ou anciens Monumens, gravez
par B. Picart.
Pierre Mortier, Libraire à Amfterdam ,
imprime les Secrets du grand & petit Albert
, en 2. vol . in 12. avec figures.
Le Cardinal Marini a fait imprimer à
Rome , la Vie du Pontife regnant , depuis
la Promotion au Cardinalat jufqu'à
prefent.
On apprend de Londres , que le 10. du
mois dernier , M. Derham prefenta à la
Societé Royale , de très - bon Papier gris
& gris- blanc , fait d'Orties & d'autres
Plantes.
On prépare à Londres une nouvelle
Edition des Satyres de Regnier , fur le
Plan contenu dans une feuille volante ,
que nous venons de recevoir , & que fa
briéveté nous engage d'inferer ici .
De tous les Auteurs celebres , dont les Ouyrages
ont été multipliez par un grand nombre
d'Editions , Regnier eft peut être celui
qui a le plus fouffert de la négligence des Imprimeurs
, de l'ignorance des Copiftes, & de la
Fij témerité
1816 MERCURE DE FRANCE
>
témerité des Editeurs . Ses Poëfies contiennent
d'ailleurs quantité de faits hiftoriques &
d'allufions , que l'éloignement des temps a dérobez
à notre connoiffance; fans parler de l'obfcurité
qui résulte de l'embarras même de fon
expreffion défaut que l'on voudroit bien pouvoir
excufer dans un Poëte fi fenfé & fi éner
gique.
C'eft ce qui a déterminé un Homme de Lettre
, fort verfé dans ce genre de Litterature ,
& qui demeure en France , à préparer une Edition
correcte des Oeuvres de Regnier , avec
un Commentaire qui en pût rendre la lecture
plus agréable & plus facile. Voici une idée
generale du travail de l'Editeur .
I. Le Texte eft exactement corrigé . Pour cet
effet on a raffemblé & conferé toutes les Editions,
au nombre de quinze ou feize, dans chacune
defquelles il y a des differences fort notables
; outre qu'il n'y en a aucune qui ne ſoit
remplie de fautes effentielles , fans en excepter
même celles qui ont été faites pendant la vie
de l'Auteur ; d'où l'on peut préfumer que fon
indifference pour fon propre Ouvrage alloit
jufqu'à négliger d'en revoir les épreuves.
II. On a recueilli avec ſoin toutes les Imitations
, qui ne font pas en petit nombre : car ,
outre les fréquentes Imitations des Poëtes Latins
, Regnier a pris des Pieces prefque entieres
des Poëtes Italiens ; & ces larcins qu'il a
faits chez les Etrangers , ne font connus prefque
de perfonne.
III. Les Notes font faites fur le modele de
celles qu'on a données fur les Oeuvres de
M. Boileau Defpreaux ; avec cette difference
que l'Auteur de celles - ci a eu le bonheur de
travailler fous les yeux de M. Defpreaux luimême,
& de concert avec lui ; au lieu que les
ÉclairAOUT.
1728.
1827.
ciffemens fur Regnier ne viennent que
un fiecle après la mort. Il a donc fallu
rer des Ecrivains de ce temps - là . On ofe
atter d'avoir recueilli tout ce qui peut avoit
rapport à l'ancien Satirique François , foit
pour les Faits perfonnels , foit pour la Critique;
& bien loin d'avoir négligé les fecours qui fe
prefentoient d'eux-mêmes , on a recherché avec
foin ceux que les confeils des Amis éclairez
ont pû fournir .
IV. Ily a dans le Recueil que l'on offre au
Public, plufieurs Pieces , qui n'ayant pas été pu
bliées pendant la vie de Regnier , ont été inferées
dans les diverfes Editions qui ont paru
après la mort. Comme elles avoient été ajoû
tées aux précedens Ouvrages , fucceffivement,
& à meture qu'elles s'étoient prefentées , on
ne s'étoit attaché, jufqu'à preſent , ni à les ranger
dans leur ordre naturel , ni à leur donner
les titres qui leur convenoient. On a donc crû
devoir faire l'un & l'autre : on a diſtribué tous
les Ouvrages de Regnier en fix claffes differentes
, fous les titres de Satires , Epîtres , Elégies
Poëfies mêlées , Epigrammes , & Poëfies
fpirituelles.
V. On rapporte dans la Préface que l'on
trouvera à la tête de cette Edition , tout ce
que l'on a pú apprendre touchant la Vie de
Regnier par les papiers journaux de fa famille,
dont on a eu la communication. Inutilement
en chercheroit- on des particularitez dans les
Auteurs contemporains : ils fe font contentez
de louer le talent , & de citer les Ouvrages de
notre Poëte , fans parler de fa perfonne . Les
fentimens des Auteurs fur Regnier fuivront
cet abregé de ſa Vie.
Après avoir rendu compte du travail du
nouvel Editeur , on doit encore avestir qu'une
Fiij perfonne
1828 MERCURE DE FRANCE.
perfonne qui demeure depuis long temps dans
cette Ville de Londres , & qui eft très connue
dans la République des Lettres , tant par fes
propres Ouvrages , que par les belles Editions
qu'elle a procurées d'Auteurs illuftres , a bien
voulu fe charger de la direction & de la correction
de celle - cy.
U
Les Libraires fe propofent d'ailleurs de n'épargner
ni foins ni dépenfes pour qu'elle foit
aufli belle , qu'exacte : elle fera même enrichie
d'un Frontispice & de plufieurs Vignettes , le
tout gravé en taille douce par les plus habiles
Maîtres de Paris.
Nous croyons que le Public recevra avec
plaifir la propofition que nous lui faifons , de
foufcrire pour un Quvrage auffi curieux . Il
contiendra un volume in 4.dont tous les Exemplaires
feront imprimez fur le même papier &
lesmêmes caracteres que le Projet: l'Impreffion
fera achevée vers la fin de l'année courante 1728
Le prix pour les Soufcripteurs fera d'une Guinée
, moitié fera payée prefentement, & l'autre
en recevant l'Exemplaire en feuilles . On pourra
foufcrire jufqu'à la fin du mois de Septembre
1728. Il en fera tiré très - peu d'Exemplaires audelà
des Soufcriptions , & le prix de ceux - là
fera d'une Guinée & demie
Les oufcriptions feront reçues , à Londres ,
chez Lyon& Woodman , Libraires ; & à Paris,
chez G. Martin , Coignard fils , & Guerin laî
mé , rue S lacques , & Rollin & Montalant ,
Quay des Auguftins.
Le P. Antinori a fait imprimer à Rome,
Panggirici Sacri è Difcorfi Morali , del
P. Dominico Maria Antinori , D. C.D.G.
L'Ouvrage eft dédié au Cardinal Barberin,
Vices
1
A OUT. 1728. 1829
Vice-Doyen du Sacré College. vol . in 8 .
de 265. pages 1720. chez Roffy .
M. Jean B. Capaffo , Docteur de l'Uni
verfité de Naples , y a donné un Traité de
l'origine & du progrès de la Philofophie
& des Sectes des Philofophes . Il parle de
leur vie & expofe leurs Syftêmes. Hiftoria
Philofophia Synopfis & c. Ouvrage
in 4. de 472 pages , dedié au Roy de
Portugal 1728 .
On apprend de Londres que la Reine
d'Angleterre a chargé le Docteur Harris ,
Profeffeur en Hiftoire moderne dans l'Univerfité
de Cambridge , de traduire en
Anglois les Mémoires Hiftoriques de M.de
Thou , dont M. Buckley a fait depuis
quelques années une collection complette.
COPIE d'une Lettre écrite par l'Electeur
de Mayence , aux RR. PP. Catrou &
Rouillé , de la Compagnie de Jefus ,
Antes de l'Histoire Romaine , pour
laquelle fun Alteffe Electorale avoit
Auferit en leur envoyant chacun fon
Portrait frappé ſur une Médaille d'or.
a
MES
REVERENDS PERES ,
Le plaifir & la fatisfaction
que m'a don
Fiiij né
1830 MERCURE DE FRANCE.
la lecture de 12. volumes de l'Histoire
Romaine , dont vous avez enrichi le Public
, eft tel queje ne l'ai vû finir qu'avec
peine ; j'ai bien voulu vous en informer ,
mes R. Peres , & vous marquer en mon
particulier l'obligation que je vous en ai
par deux Médailles d'or que je vous envoye
; je voudrois que cette marque de
l'eftime que je fais de vos Ouvrages pût
vous engager à le continuer jufqu'au dernier
des 12. Cefars ; je me perfuade aifément
que la plus grande partie de ceux
qui aiment l'Hiftoire y prendront le même
interêt que moi ; j'attens les 4. derniers
Tomes avec beaucoup d'empreffement ,
& je fuis , mes Reverends Peres , votre
affectionné Loth . Franç. Electeur de
Mayence.
་༨ ་
A Mayence , ce 4. Juillet 1728 .
EXTRAIT d'une Lettre d'Italie
du 8. Juill. t.
L
E Marquis Caponi a trouvé à Rome
dans un fouterrain fur un mur , une
Peinture antique ; elle reprefente un Architecte
, tête & pieds nuds , habillé de
vert . Il tient de la main droite fon Graphium
, & de la gauche fes Tablettes pour
deffiner avec la Regle divifée en Palmes.
A côté de lui eft fon équerre & fon
aplomb.
A OUT. 1728 1831
aplomb. La figure a deux Palmes de hauteur.
Le Marquis Caponi a fait fcier le
mur & porter la Peinture chez lui .
M. Bianchini a découvert dans la Planette
de Venus , des taches , non - pas mobiles
ou paffageres , mais permanentes &
conftantes , deux defquelles font en forme
de Boucliers échancrez , pareils à ceux
que l'on trouve fur les Médailles . Il a
fait graver la figure de ces taches fur un
Globe qui peut avoir un demi pied de
diametre , & a donné à ces taches , qu'il
regarde comme des Mers & Golphes , &
aux Détroits qu'elles forment , les noms
de ceux qui ont découvert l'Amerique
& celui des Seigneurs Portugais qui ont
fait la conquête des nouvelles découvertes
; il a donné auffi un grand efpace à
M" de l'Académie Royale des Sciences
de Paris & un autre à la Societé Royale
de Londres. Le Livre qu'on doit imprimer
fur les Découvertes , paroîtra au mois de
Novembre prochain, & fera dédié au Roy
de Portugal.
Le Cardinal de Polignac & M. Bianchini
, ont vu avec les verres de Campa
na , dans une tache lunaire que l'on appelle
le Platon , une espece de fente à travers
de laquelle on apperçoit une grande
lumiere ; au lieu que tout cet endroit étoit
auparavant très- uniforme & très obſcur.
M.
1
1832 MERCURE DE FRANCE.
M. Bianchini a calculé que cette fente
doit être longue de près de dix - huit lieuës,
& M. le Cardinal conjecture que le nou-
´veau Phénomene ne peut être arrivé que
par une espece de tremblement de Lune ,
qui aura écarté des Montagnes ou ſéparé
une Montagne en deux . Tout cela fera
mieux développé dans le Livre de M. Bianchini
, & fera mis avec toutes les preuves
du fait & toutes les conjectures dont certe
matiere eft capable .
1
TREMBLEMENT de Terre arrivé à
Strafbourg. Extrait d'une Lettre écrite
de cette Ville le 4. Août 1728 .
L
In
y eut hier fur les quatre heures après
midi , un tremblement de Terre , qui
penfa renverser la Ville ; cela fut violent
& dura une bonne minute . Tout le
monde craignit d'être écrasé dans fa maifon.
Les mouvemens ébranlerent les cloches
, les firent fonner. Il n'y a gueres de
rues où il ne foit tombé plufieurs cheminees
, qui ont écralé plufieurs perfonnes ;
j'étois dans ma chambre , où j'ai crû que
le corps de logis alloit tomber . Mon lit
mi table , mes chailes , tout fut en mou̟-
vement , comme partcut dans la Ville.
On croit que se Tremblem at a été
general
dans toute l'Alface , il a même r‹ commencé
A OUT. 1928. 1835
mencé cette nuit à deux heures , mais non
pas fi fort : on voyoit remuer les maiſons
& tout le monde s'enfuyoit . Dieu veuille
que cet évenement n'ait point de fuites.
AUTRE Extrait d'une Lettre écrite le
même jour à M. de Mautour , par
M. fon frere , Abbé de l'Abbaye de
Hautefeille en Lorraine , diftante de
feize lienes de Strasbourg.
H
Ier entre quatre & cinq heures après
un
midi , il arriva ici un Tremblement
de ferre des plus violens , ce qui donna
P'épouvente à tous mes Religieux & à tout
le monde. L'Eglife , les Batimens vieux
& nouveaux de l'Abbaye , eurent de gran .
des fecouffes ; cependant nous en avons
été quittes pour la peur & pour la chute
de quantité de Tuilles , &c .
Le Tremblement de Terre s'eft auffi
fait fentir à Francfort le même jour , ainfi
qu'à Offenbach , à Hanau , à Manheim.
& plus encore à Worms. On mande auffi
de Suiffe , qu'on a fenti quelques fecouffes
à Bâles & à quelques autres endroits.
Le Pere Lucini , Dominiquain , Commiflaire
du S. Office , frere du feu P. Lucini
, auffi Dominiquain , Evêque de Gravina
, a publié à Rome un Cuvrage fur
F vj Le
1834 MERCURE DE FRANCE
le Sacrement de Baptême , dont le Pape
été fi fatisfait, qu'il a fait venir ce Religieux
à Rome pour l'employer felon fes talens ,
& le récompenfer de ſes travaux Litteraires
pour la deffenſe de la doctrine de l'Eglife.
On mande de Pavie que des ouvriers
travaillant dans l'Eglife de S. Pierre in
Coelo Aureo , avoient trouvé auprès d'un
des pilliers de cette Eglife un Tombeau
de marbre , dans lequel étoit une caiffe
d'argent , & au dedans de celle- ci , un
Cercueil de plomb, fur lequel étoient gravés
ces mots , Corpus fancti Auguftini .
M. Pertufari , Evêque de Pavie , l'abbé
des Chanoines Reguliers & le Superieur
des Auguftins drefferent un Procès verbal
de cette découverte , & l'envoyerent au
Pape , qui a nommé depuis le General de
l'Ordre des Auguftins , l'Evêque de Pavie
, l'Abbé des Chanoines Reguliers &
d'autres Ecclefiaftiques pour faire les recherches
neceffaires , afin d'établir le verité
de cette Relique. Les Commiffaires de
S. S. fe font affemblés ; le corps trouvé
dans le Tombeau dont on vient de parler
, a été declaré être celui de S. Auguftin
; à cette occafion on a chanté à
Pavie un Te Deum folemnel au bruit de
plufieurs falves d'Artillerie , & le foir il
y a eu des illuminations dans toute la
Ville
AOUT. 1728. 1835
Ville. Les Religieux de l'Ordre de S. Auguftin
, à Rome , font de grands préparatits
pour celebrer la découverte du Corps
de leur Fondateur .
On a reffenti dans l'Abruzze plufieurs
fecouffes de tremblement de terre trèsviolentes
, qui ont caufé beaucoup d'effroi
aux habitans de cette Province.
Ileft tombé depuis peu une grête fi prodigieufe
dans la Province de Bary , que
les Payfans qui travailloient à la campagne
en ont ététués.
On a fait à Venife , fur la fin du mois
dernier , l'épreuve d'un Canon nouvellement
fondu, qui eft de suo . livres le boulet
, & qui ne peut fervir qu'à la mer. D
On a fait depuis peu à Madrid un Traité
avec un Marchand de Genes qui s'eft
engagé de faire des toiles de coton & des
toiles peintes auffi- belles que celles que
l'on tire des Indes Orientales. Les modeles
qu'il en a fournis font efperer que
fes
Manufactures réuffiront .
Le fieur Jacques Collier , Horloger
demeurant rue de la Vieille Bouclerie à
Paris , a préſenté au mois d'Avril de la
prefente année 1728 , à l'Académie Roya
le des Sciences , une Pendule à répetition
1836 MERCURE DE FRANCE .
tion , qui fonne les demi quarts avec les
tons differens , & a le tout on rien , dont
l'execution eft differente à plufieurs égards
de ce qui fe pratique dans les Montres.
La façon de lever les marteaux ) felon les
>> termes du Certificat d'Approbation don.
» né audit fieur ) eft ingenieufe & fimple ,
» & augmente fi peu l'ouvrage des répe-
» titions ordinaires , que, vû la commodité
>> qui en réfulte , il y a apparence que le
» Public préferera cette forte de Répeti-
» tion.
Cette Répetition fe peut placer dans
toute forte de Pendules , foit nouvelles
foit anciennes.
Le fieur Bailleul , Géographe , demeurant
à Paris, rue S. Severin, au Soleil d'or,
vis- à-vis l'Eglife , donne avis , qu'il a
fait graver la Carte de la Forêt de Compiegne
& de l'Aigle , avec les Environs
où font marquées les nouvelles routes que
le Roy y a fait faire . Préſentée à Sa Majeſté
le 30. Juillet 1728. Le prix eft de fix
livres.
>
L'Académie des Sciences & des Arts de
Petersbourg étoit occupée au commencement
du mois dernier à examiner un Livre
qui lui a été envoyé par M. Horrbou , Afronome
duRoi deDanemarc,&Profeffeur
2
AOUT. 1728. 1847
à Copenhague ; il concerne le Syſtême
de Copernic, dont l'Auteur prétend prou
ver la folidité , & en particulier en ce qui
regarde le mouvement de la terre . Cette
Compagnie a fait l'Anatomie d'un Elephant
, & fait actuellement celle d'un
Lion de la Menagerie du Czar.
L'Académie des Arcadi s'affembla à
Rome au commencement du mois de
Juin dernier , pour y admettre le Duc de
Matalone , Prince de l'Empire , M. Bianchi
& Dom Jean Delvaſto.
On a appris de Lisbonne , que M. le
Quien de la Neupfile , Chevalier de l'Ordre
de Chrift , & Affocié Veteran de l'Académie
Royale des Infcriptions & Belles-
Lettres de Paris , à qui S. M. Port. avoit
accordé 3000. Reys de Penfion pour
écrite l'Hiftoire de Portugal en François
y mourut fur la fin du mois de Juin dernier.
J
Le Remede de M. le General la Mothe
, dont toutes les Nouvelles publiques
ont parlé , continuant de faire de trèsbons
effets , S. E. M. le Cardinal de
Fleury , a propofé au Roi de l'acheter ce
que S. M. a eu la bonté de faire depuis.
peu pour le bien public .
La Liqueur & la Poudre que débite le
fieur Buot , produit des effets fi prodigieux
2
1838 MERCURE DE FRANCE .
gieux , felon l'Avis imprimé que Mrs les
Médecins du Roi & de la Reine qui en
ont fait des experiences réïterées par euxmêmes
fur plufieurs & differentes maladies
les plus dangereufes & les plus inveterées
, ont rendu juftice à Pexcellente
bonté & utilité de ce Remede , en purifiant
le fang au dernier degré , & lui redonnant
la fluidité , comme il eſt prouvé
par les Privileges & Brevets qui lui ont
été donnez pour les diftribuer , tant dans
Paris que dans toutes les Provinces du
Royaume , avec deffenfes à toutes perfonnes
de contrefaire l'une & l'autre , ou
débiter fans fa permiſſion.
Ledit fieur Buot demeure ruë Jacynte , à
la Porte Cochere attenant M. Bouquet ,
Echevin de Ville , au fecond appartement .
Par diverfes Lettres de Paris , & des
Provinces , nous avons reçû l'Explica
tion de la fuite des Logogrifes Arithmétiques.
26. Or. 27. Andeli. 28. Juin.
29. Dieu. 30. Dieu . 31. Eve. 32. Noé.
33. Pan. 34. Mars . 35. Rome. 36. Po.
37. If. 38. Limaçon. 39. Foy. 40. Ay.
Nous ne donnons pas le Logogrife
Arithmétique envoyé de Bayone , quelque
Curieux qu'il puiffe être , parce que
l'Auteur n'a pas eu l'attention d'en don
ner le mot , felon notre avis du Mereure
de Juin , page 1400 . Nous
sgn |
3765 166
wh 29
THE NEW YORK
PUBLIC LIBRARY.
ABTOR, LENOX AND
TILDEN FOUNDATIONS.
が
354P
BRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND TILDEN
FOUNDATIONS
Av
A OUT. 1728. 1839
Nous ferons part au Public le mois prochain
, d'une Lettre & d'une nouvelle
Table des fons de la Langue Françoiſe ,
pour varier & abreger l'expreffion des
Logogrifes Arithmétiques.
XX :XXXXXXXXXXX :XX
CHANSON.
H Elas ! je vous perds en ce jour ;
Je vous perds , Objet que j'adore ,
Et je vous perds fans efpoir de retour.
Puis- je vous voir partir & refpirer encore >
Grands Dieux , quel eſt votre couroux ,
De vouloir m'enlever Sylvie ?
S'il ne faut plus l'avoir , lancez fur moi vos
coups ;
Abfent de fes beaux yeux , que faire de la
vie ?
SPECTACLES.
LesComédiensFrançois remirent au
E Dimanche , premier de ce mois
Théatre La Princeße d'Elide , Comédie
héroïque de Moliere , mêlée de Chants ,
de
1840 MERCURE DE FRANCE .
dé Symphonies , & d'Entrées de Balets.
La Delle le Couvreur , & les Srs de la
Torilliere & Quinault y jouent les principaux
Kôles . La Delle Labat y danfe une
Entrée avec toute la nobleffe & les graces
poffibles. Cette Piéce n'avoit pas été
jouée depuis le mois de Février 17 2 2. On
peut voir dans le Mercure de ce moislì
page 121. ce que nous en avons dit , &
quelques Anecdotes de cet Ouvrage que
Moliere avoit pris dans Auguftin Møret ,
Poëte Eſpagnol. Nous y renvoyons le
Lecteur .
Le lendemain ils remirent au Théatre
la Tragedie de Regulus de Pradon , dont
le fieur Baron joue le principal Rôle d'une
maniere inimitable . Le Partere , avec les
gens du meilleur gout , l'appelle fe Rofcins
de notre fiécle.
L'Académie Royale de Mafique dón
na le 20. Juillet , la premiere reprefentation
de la Princeffe d'Elide , Balet héroïque
. Cette Piece fut fort applaudie ,
& l'on ne doute pas du fuccès . Les paroles
font de M*** . La Mufique eft de
M. de Villeneuve ; & quoique ce foit ici
fon coup d'èffai dans ce genre , il y
réuffi d'une maniere à faire fouhaiter qu'il
continue. Voici un Extrait du Poëme.
a
PROA
OUT. 1728. 1841
PROLOGUE.
A Scene eft fur le Théatre même de l'Académie
Royale de Mufique. On voit pa
roitre dans le fond l'Amour fur un Trône ,
ayant à fes côtez Polhymnie & Terpficore
Mufes de la Mufique & de la Dante ; les Acteurs
chantants & danfants, y font en qualité
d'Eleves de l'une & de l'autre ; l'Amour a
chargé ces deux Mufes de dicter fes Loix ,
elles invitent leurs Eleves à augmenter la gloi
re de leur Maître. Voici comme elles s'expliquent
dans un Duo :
Heureux Sujets de l'amoureux Empire ,
Ecoutez nos tendres leçons.
Dans nos Danfes ,
Terpficore.
Polhymnie.
Dans nos Chanſons •
Enfemble.
C'est l'Amour feul qui nous inſpire.
Terpficore invite les Acteurs danfants , 2
contribuer au triomphe du Dieu qui préĥde
au lieu de la Scene , par ces Vers.
Vous qui tratez aux yeux une vive peinture ›
Des fentimens les plus feerers ,
Faites briller les plus beaux traits
Que l'Art ingenieux ajoûre à la Nature,
Efies
1842 MERCURE DE FRANCE.
Eftes-vous agitez de la fureur de Mars ?
14 J
Que Bellone elle- même enflâme vos regards ,
Au bruit des terribles Trompettes.
L'Amour , le tendre Amour rend- il vos coeurs
heureux ??
Que ce Dieu fi charmant vienne animer vos
jeux.
Au bruit des paisibles Mufettes.
Après ces dix Vers , dont les derniers font
mélez de Trompettes & de Hauts-bois , Terpficore
adreffe ces deux autres Vers à une de
fes Eleves.
Et vous dont par mes foins tous les pas fono
dreffez ,
Mufe charmante , commencez.
L'Eleve de Terpficore commence une Entrée
qui eft comme une Ecole de Danfes. Après
une feconde Entrée où l'Eleve favorite danſe
feule, Venus defcend des Cieux ; l'Amour s'applaudit
de rendre les yeux de fa mere témoins
des honneurs qu'on lui rend fur les bords de
la Seine ; mais Venus n'eft pas contente de la
maniere d'aimer qu'on y pratique. Voici com
me elle parle à fon Fils :
Au milieu des Jeux & des Fêtes ,
Je rougis des honneurs que tu crois recevoir :
Tes plus ardens Sujets ne chantent ton pouvoir,
Que pour publier leurs conquêtes ;
Après
AOUT. 1728. 1843
Après ce trait de critique , Venus dice fes
leçons aux Amans , en ces termes :
Quand le plus charmant des vainqueure
Vous a foumis àſon Empire ,
Faites parler vos yeux par de tendres langueurs
Ce langage vous doit fuffire ;
Sur vous le tendre Amour répand- il fes faveurs?
Triomphez au fond de vos coeurs ,
Mais foyez heureux fans le dire .
Quelques Vers que Venus chante encore, lient
le Prologue à la Piece ; elle les adreffe aux Eleves
de Polhymnie & de Terpficore Les voici.
Et vous dont mon fils a fait choix ,
Pour dicterfes fuprêmes loix ,
Secondez les voeux de fa Mere ;
Apprenez aux Amans de cet heureux séjour ,
Qui fait mieux triompher l'Amour ›
Ou de l'éclat , ou du Myftere.
On voit dans la Piece que l'Amour myfterieux
l'emporte fur l'Amour éclatant . Ce Prologue
a été trouvé neuf & ingenieux.
ACTE I.
Le Théatre reprefente une Forêt voifine du
Cirque, où l'on vient de celebrer les Jeux
Olympiques . Terfandre , après en avoir rem
porté le prix , a diſparu aux yeux de la Princefle
,
1844 MERCURE DE FRANCE .
ceffe qui devoit le couronner de fa propre
main de peur que fon amour ne fe trahît ; il
expofe que la fierté de cette Princeffe l'oblige à
garder le filence.
Amaryllis ( c'eft ainfi que l'Auteur appelle
l'Héroine de la Piece , ) vient demander raifon
de fa difparition à ce Prince : il lui répond , en
parlant du prix :
La main qui le difpenfe eût donné lieu de croire
Quej'ai combattu pour l'Amour ;
Je n'ai vaincu que pour la gloire.
Amaryllis annonce de nouveaux Jeux qu'Iphis
ordonne , & qui font confacrez au Dieu
Pan , dont l'Auteur fait defcendre cette Princeffe
; elle y invite Terfandre , qui lui promet
de lui obéir & fe retire.
Amarillis , picquée de voir que Terfandre
la fuit toûjours , en témoigne fon reffentiment
à Doris , la Confidente , par ces Vers :
Des plus fuperbes Rois , pour moi l'ardeur
éclatte ,
Mille coeurs viennent me chercher.
D'un feul la conquête me flatte ,
Et c'est le feul que je ne puis toucher.
Doris lui dit , que tant d'autres Héros
qu'elle a foumis à fes loix , doivent la confoler
de l'indifference d'un feul. Amaryllis lui ré
pond :
Un coeur qui ne fe donne pas ,
Offense toûjours des appas ,
Accoйa
AOUT. 1728.
1845
Accoûtumez à la victoire ;
Le refus d'un foupir nous eft injurieux ;
Et ce qu'on difpute à nos yeux ,
On le dérobe à notre gloire.
Doris lui fait entendre que l'Amour ſe venge
de fon infenfibilité par l'indifference de
Terfandre , & que ce D eu irrité pourroit bien
porter fa vengeance plus loin. Cette menace
rappelle à Amaryllis un fonge qu'elle a fait ;
le voici :
Au milieu d'une nuit profonde ,
J'ai vu briller le Char de la Mere d'Amour.:
Elle avoit moins d'attraits , lorfque fortant de
londe
,
Elle vit le flambeau du jour ,
Pourfaire le bonheur du monde :
Tremble , m'a- t- elle dit , mon Fils eft irrité
De ton infenfible fierté :
Il est prêt d'en prendre vengeance ;
Il va fignaler sa puissance ,
Aux depens de ta liberté.
La Déeffe & le Char ſe couvrent d'un nuage;
J'en vois partir un Trait vengeur :
Il vole , &Je fait un paſſage ,
Jufques dans le fond de mon coeur.
La Fête fuit immédiatement cette Scene , c'eft
Iphis
1846 MERCURE DE FRANCE .
Iphis qui l'ordonne pour honorer fa Princeffe
en la perfonne du Dieu des Bergers , dont elle
a reçu le jour. Ce Prince à la fin de la Fête invite
Amaryllis, au nom de fes Peuples, à choi
fir un époux ; elle lui répond fierement que fon
coeur n'eft pas fait pour fouffrir un Vainqueur.
Terfandre prenant le contrepié de ce que fon
Rival vient de lui dire , l'invite à regner toujours
fur elle- même : ce nouveau trait d'in
difference oblige Amaryllis à faire cefler la Fête;
& comme elle s'apperçoit que fon coeur reffent
des mouvemens , qui jufqu'alors lui ont
été inconnus , elle finit ce premier Acte par ces
deux Vers , qui ont rapport au fonge qu'elle
a fait :
Courons au Temple de Venus
Et du cruel Amour détournens la vengeance.
ACTE I I.
Le Théatre reprefente la partie exterieure du
Temple de Venus .
Amaryllis fe plaint à Venus de l'indifference
de Terfandre & l'invite à venger un outrage
qui lui eft commun avec elle.
Doris vient ; la Princeffe lui demande bruſ
quement : d'où vient que Terfandre qu'elle a
mandé n'eft pas venu avec elle ; Doris lui dit ,
qu'il obêira bientôt à fes ordres ; elle eft fur
prife de fon trouble & de fon impatience.
Amaryllis en témoigne toûjours plus ; elle ne
peut fouffrir que le coeur de Terfandre perfifte
dans fon infenfibilité ; elle craint un moment
après qu'il ne foit que trop fenfible pour quel.
qu'autre: il n'importe , ajoûte-t - elle :
Il faut tout tenter,
PONT
A OUT. 1728. 1847
Pour le foumettre à mon Empire :
Le pouvoir de mes yeux peut - il mieux éclatter?
Si jamais à l'Amour il n'a rendu les armes ,
Quel doux triomphe pour mes charmes ,
De pouvoir enfaire un Amant ?
Et fi déja quelqu'autre Belle ,
Lui caufe un amoureux tourment >
Quej'aurai de plaifir d'en faire un infidelle !
Amaryllis voyant paroître Terfandre , ordonne
à Doris de fe retirer & de tâcher de
penetrer, fi ce Prince n'aime point ailleurs ce
que cette Confidente peut faire par le moyen
d'Arcas , dont elle eft aimée , & à qui Terfandre
fon Maître peut avoir fait part du fecret
de fon coeur.
Cette Scene a paru fort ingenieufe . Amaryl
lis remercie Terfandre du zele qu'il vient de
faire éclatter pour fa gloire contre le témeraire
Iphis ; & pour lui en témoigner fa reconnoiffance
, elle lui dit que toutes les Beautés de fa
Cour viennent fe plaindre à elle de fon indifference.
Voici comment elle s'explique :
S
Amaryllis .
i vous ne vouliez pas apporter vos hommages ,
A mille objets charmans dont brille ce fejour ,
Pourquoi quitter d'Argos les tranquilles Rivages
?
Que veniez-vous chercher au milieu de ma
Cour.
G Ter-
୮
1848 MERCURE DE FRANCE .
Terfandre.
La gloire de braver l' Amour ,
Dans le plus beau de fes Ouvrages.
Non , n'esperejamais devenir mon vainqueur ;
Amour , j'ai triomphé de tes plus fortes armes :
Non , jamais avec plus de charmes ,
Tu ne peux attaquer mon coeur.
Amaryllis.
Quand on voit un objet aimable ,
Peut-on garder fa liberté?
C'est un tribut indifpenfable ,
Que le coeur doit à la Beauté,
Térfandre
Pourformer une Chaire aimable ,
L'objet le plus charmant doit aimer àson tour:
C'est un tribut indifpenfable ,
Que la Beauté doit à l'Amour.
Amaryllis .
C'eft affez ; je crois vous entendre ;
Si l'on vous offroit un coeur tendre ,
Vous vous laifferiez enflammer.
Terfandre.
Je ferois un ingrat fi j'ofois m'en deffendre ;
Mais j'aime mieux encor être ingrat
mer.
que
d'ai-
AmaA
OUT. 1728. 1849
Amaryllis à part.
Quel dépit !
Terfandre à part.
Quelle violence!
A Amaryllis.
Nymphe , vous gardez le filence !
Vous devez approuver l'aveu que je vous fais.
Amaryllis.
Votre indifference m'étonne i
Mais puis je condamner l'exemple que je donner
De nos coeurs , à l'envi , gardons l'aimable paix.
Terfandre .
Pour vivre heureux , n'aimons jamais.
Enfemble.
Amour , ce n'est pas fur nos ames ,
Que tu lances des Traits vainqueurs:
Va , fuis , nous défions tes flammes :
Cherche à regner fur d'autres coeurs .
L'indifference prétenduë de Terfandre , eft
un nouvel aiguillon pour animer Amaryllis à
triompher d'un coeur fi fier ; elle le fait connoître
dans un court Monologue ; & voyant
venir Arcas avec Doris , elle fe retire pour
laiffer à cette derniere le temps de penetrer fi
Terfandre n'aime point ailleurs , comme elle
l'en a chargée à la fin de la feconde Scene de
cet Acte. Gij La
1850 MERCURE DE FRANCE .
La Scene entre Arcas & Doris a fait beau
coup de plaifir . Ces deux Confidens joüent au
plus fin , enforte que le fecret de Terfandre
n'eft point penetré.
La Fête de ce fecond Acte eft consacrée à
Venus , qu'Amaryllis vient prier d'appaiſer la
colere de fon fils , qu'elle lui a annoncée dans
le fonge du premier Acte. La victoire que Venus
a autrefois remportée fur le Dieu de la
Guerre , donne lieu à un bruit de Trompettes
& à un Choeur , qu'on a trouvé un des plus
beaux de la Piece. Après cette premiere Fête ,
la Grande - Prêtreffe de Venus & les autres
Prêtreffes de cette Déeffe, en celebrent une autre
dans un genre qui convient à leur caractere .
L'Acte finit par un Oracle queVenus prononce
par la bouche de fa Grande- Prêtreffe, le voici :
Un feul Mortel que je prefere à tous
Au coeur d'Amaryllis eft en droit de prétendre :
Des Amans , il eft le plus tendre ;
J'en veux faire un heureux Epoux.
Iphis explique cet Oracle en fa faveur , Terfandre
garde le filence , & Amaryllis qui croit
que l'Oracle regarde Iphis , paroît accablée de
douleur .
ACTE III.
Ce dernier A &te eft , fans contredit , le plus
beau de la Piece; on en a trouvé toutes les Scenes
intereffantes ; le Lecteur en va juger.
Le Théatre reprefente un Jardin ; Terfandre
& Amaryllis y viennent rêver , à l'inſçû l'un
de l'autre. Amaryllis appercevant Terfandre
forme le deffein de penetrer dans fon coeur ,
par
1
A OUT. 1728. 1851 1 par un artifice que l'Amour vient de lui infpirer.
Pour abreger , nous ne mettrons ici que
la derniere moitié de cette premiere Scene :
Amaryllis.
L'Oracle de Venus que vous venez d'entendres
Sur le choix d'un Epoux détermine mon coeur.
Terfandre.
Eh! quel eft cet Epoux ?
Amaryllis.
C'est l'Amant le plus tendre
Terfandre.
Eh ! quel eft cet Amant ?
Iphis ?
Amaryllis.
Iphis eft mon Vainqueur.
Terfandre.
Amaryllis.
Lui portez-vous envie ?
Terfandre.
Quoi ? votre ame à l'Amour est enfin affervie.
Amaryllis.
Ceft Iphis , qui pour moi brule des plus beaux
feux ;
C'est le plus tendre Amant que je vais rendre
heureux.
Vous rougiſſez de ma foibleſſe.
Giij Ter
1852 MERCURE DE FRANCE .
Terfandre , après un petit filence.
Non, mais j'admire en ce moment ,
Par quel étrange évenement ,
L'Amour , d'un trait fatal , au même inftant
nous bleffe.
Amaryllis à part.
Vous aimez ! quel jaloux tranfport !
Terfandre.
L'Amour a triomphe de mon coeur& du vôtre ;
Il nous gardoit le même fort >
Sans nous avoir faits l'un pour l'autre .
Amaryllis à Terfandre , qui veut fe retirer.
Que je fache à mon tour quel est votre Vainqueur.
Terfandre.
Daignez voir un moment des Jeux que l'on apprête
;
Vous apprendrez dans cette Fête ,
Pour qui le tendre Amour a réſervé mon coeur.
Ici Amaryllis commence à s'appercevoir que
fon coeur eft peut- être allé plus loin qu'elle
n'a crû. Voici comment elle le fait connoître
aux Spectateurs :
Pour une autre que moi la Fête fe prépare !
Bien- tôt ma honte fe déclare ;
Une autre est l'objet de ſon choix!
Au
A OUT. 1853 1728 .
Au milieu de ma Cour j'ai donc une Rivale ;
Nom cruel , prononcé pour la premiere fois ,
Tu mefais reffentir une horreurfans égale.
Amour , tu n'es que trop vengé ;
Tu vois couler mes larmes.
Mon coeur t'a cent fois outragé.
J'ai brave tes plus fortes armes :
Mais mon deftin e ft bien changé ,
J'ai mêprifé tes Traits ; on dédaigne mes charmes
.
Amour tu n'es que trop vengé ;
Tu vois couler mes larmes.
Iphis , à qui Teifandre vient d'apprendre
que c'eft lui qu'Amaryllis préfere à tous fes
Rivaux , fe prefente aux yeux de cette Princeffe
, en Amant heureux . Amaryllis paroît picquée
de l'indifcretion , ou plutôt de l'indiffe
rence de Terfandre ; le mot d'ingrat , qui lui
échappe dans un premier tranfport de colere ,
ouvre les yeux à Iphis , il lui répond brufquement
:
Ah ! de ce nom lorsque vous l'appellez ,
Vous m'en faites fçavoir plus que vous ne
voulez .
Je lis jufqu'au fond de votre ame ,
Et Terfandre eft votre Vainqueur :
En le rendant jaloux du bonheur de ma fiáme ,
Vous vouliez furprendre fon cour
Giiij Ce
1854 MERCURE DE FRANCE .
Ce reproche irrite Amaryllis ; elle deffend &
Iphis de paroître jamais à fes yeux. Iphis lui
répond en la quittant :
En m'ordonnant de fuir vos funeftes attraits ,
Votre colere me fait grace :
C'eft fans regret que je quitte ces lieux :
Ingrate , c'en est fait ; je vais loin de vos yeux ,
Vous oublier , s'il eft poffible ;
Je laiſſe à mon Rival le ſoin de me venger ;
Et du moins en partant , il m'eft doux de fonger
Que vous n'aimez qu'un inſenſible.
Iphis fait affez connoitre par ces derniers
Vers , qu'il emporte le trait dont il eft bleffé.
Amaryllis fe plaint de fon fort ; mais voyant
approcher la nuit , elle veut fe retirer.
Le Théatre s'obfcurcit par une nuit naturelle
, & le jour revient à la faveur d'une illumination
que Terfandre a ordonnée. Quelques
- uns des Spectateurs ont d'abord pris le
change fur cette nuit & fur ce nouveau jour;
mais après un peu de reflexion on a compris
que la nuit étoit naturelle & le jour artificiel ;
peut- être l'Auteur auroit dû mieux ménager
cet incident , qui a induit en erreur . Amaryllis
qui veut d'abord fe retirer , fe détermine enfin
à refter pour découvrir fa Rivale.
Cette Fête nocturne , donnée par Terfandre
à une prétendue Rivale d'Amaryllis , eft compofée
d'Argiens dégaifez. Leur Prince les invite
à chanter la gloire de l'objet qu'il aime ;
Amaryllis ne peut foutenir ce triomphe odieux.
Elle
A OUT. 1728. 1855
Elle preffe Terfandre de lui faire connoître fa
Rivale ; voici la derniere moitié de cette Scene.
Amaryllis.
Laiffons un frivole entretien :
Expliquez- vous , je vous l'ordonne.
Terfandre .
C'est en vain que mon coeur brule du plus beau
feu s
Je crains qu Amarillis jamais ne me pardonne
D'avoir aimé fans fon aveu ;
Vous condamnerez ma tendresse :
Rien ne peut raffurer mes timides efprits ,
Laiffez-moi mon fecret.
Amaryllis.
Tenez votre promeſſe
Je pardonne tout à ce prix.
Terfandre.
Ceft me promettre plus que je n'ofe prétendre.
Amaryllis.
Pour la derniere fois .....
Terfandre.
Reine , vous l'ordonnez:
Mais enfin cet amour....fi parfait & fi tendre...
Si vous- même ...
Gy Ama
1856 MERCURE DE FRANCE .
Amaryllis.
Arrêtez. Je ne veux rien apprendre.
Terfandre.
Inhumaine , eft-ce ainfi que vous mepardonnez?
Je vous livre votre viðime ;
Vengez- vous , mon coeury confent :
Mais fongez en me puniſſant ,
Que vos yeux ont fait tout mon crime.
Calmez votre injufte rigueur ;
Ou je perce à vos yeux ce coeur , ce trifte coeur ,
Qui vous aime , qui vous adore.
Amaryllis,
Non,d'unfi tendre amour , je ne m'offense pasi
Mais vous m'avez trompée , hélas !
Ne me trompez- vous pas encore !
Cette Scene finit par un Duo. La Fête recommence.
Un Trône eft dreffé pour l'Amour , à
qui tous les Peuples viennent ren re hommage
; Terfandre dit galamment à Amaryllis :
Le Dieu qui m'a foumis à fon doux esclavage ,
Sur ce Trône éclatant que l'on vient de dreffer,
De cent Peuples divers va recevoir l'hommage :
Reine , vous êtes fon image :
C'est à vous de vous y placer.
Terfandre
A OUT. 1728.
11857
Terfandre conduit Amaryllis au Trône deftiné
pour l'Amour. La Féte a paru des plus
brillantes , & la Piece finit par un Choeur ,
qui au jugement des connoiffeurs , eft un des
plus beaux qu'on ait entendus.
Y
Les Acteurs chantans & danfans , executent
parfaitement ce Balet. Ceux qui s'y diftinguent
le plus font la D'le Hermance , le fieur
Triboult , le fieur Chaffé & la Due Peliffier. Les
Dilles Prévôt , Camargo & Salé les fieurs du
Moulin , Laval , y ont brillé à leur ordinaire.
Le nouveau Directeur de l'Académie Royale
a fait voir dans toute l'ordonnance de cet Opera
, combien il eft capable de cet Emploi. Le
Balet eft de la compofition du fieur Blondy ,
& tout le monde l'a trouvé parfaitement bien
deffiné.
L'Académie Royale de Mufique a fufpendu
les repreſentations de cet Opera pour être repris
l'hyver prochain & joué les Mardis.
Le 17 de ce mois , on remit au Théatre
Bellerophon , dont on peut voir l'Extrait
dans le Mercure d'Avril dernier.
L'Opera Comique continue toûjours avec
fuccès les Répreſentations d'Achmet & Almanfine.
Nous n'avons pas donné d'Extrait de cette
Piece , parce qu'il auroit fallu tomber neceffairement
dans des répetitions de chofes déja
imprimées dans ce Journal , où le Lecteur fera
peut-être bien aife de lire ce Jujet dans toutes
fes circonftances. L'Hiftoire d' Almanfine , d'Attalide,
du Vizir Amulaki & d'Achmet, fon fils,
eſt inſerée dans le Mercure d'Août 1721. page
36. & la fuite dans celui d'Octobre de la même
année , page 29. Au refte , ce sujet a été parfaitement
bien & très- ingenieufement traité ;
G vj
les
1858 MERCURE DE FRANCE.
les Auteurs n'ayant omis aucune des circonftances
intereffantes ; le grand fuccès de cette
Piece en eft une bonne preuve. Nous pourrons
donner quelques couplets de ceux qui ont fait
le plus de plaifir .
λ >
Le fieur Hamoche & la Dile Delifle , font les
principaux Acteurs de ce Théatre . Le fieur
Nivelon , arrivé depuis peu d'Angleterre ,
dont le pere a fait autrefois tant de plaifir par
differentes danfes de caractere , qu'il danioit
aux Opera Comiques , y danfe une Entrée de
Payfan en fabots avec une adreffe admirable.
Il a toute la legereté & la jufteffe
imaginable , & dans les attitudes les plus burlefques
& les plus contortionnées ; bien loin
de faire paroître aucun effort , il femble qu'il
met de la grace par tout. L'air de Violon qu'il
danfe , eft de fa compofition. Le fieur Salé , arrivé
auffi de Londres , danfe un air de Tambourin
, de la compofition du ficur Gilliers ,
avec une grande vivacité. Ces deux Danfeurs
ont dansé en dernier lieu une Entrée en Pierrot
& Perrette , qui eft géneralement applaupar
de nombreufes Affemblées.
die
Le 23 . le Duc de Bourbon & Mademoiſelle
de Clermont fa foeur , accompagnez de plufieurs
Seigneurs & Dames , honorerent cette
Piece de leur prefer ce , de même que la Ducheffe
de Bourbon Doüairiere & la Ducheffe
de Bourbon , qui voulurent voir la même Pięce
le 26. de ce mois .
Le 28. on donna à la fuite d'Achmet & Almanfine
, une Piece nouvelle en un Acte , ſous
le tie de l'Antre de Laverna ..
On doit donner le Jeudy z. Septembre , c'eft
à dire après plus de 60 reprefentations confécutives
, d'Achmet & Almanfine , une autre
Piece nouvelle , en deux Actes intitulée , la pe..
nelope Françoiſer-
On
A OUT. 1728.
1859
On a appris de Florence , qu'on y repreſenta
au commencement du mois dernier , un trèsbel
Opera fur le Theatre Ughi , qui fut honoré
de la prefence du Grand Duc & de la Grande-
Princeffe Douairiere , qui furent extrémement
fatisfaits d'entendre chanter la fameufe Tarchotti.
Le 15. Fête de l'Affomption de la Vierge , le
Concert recommença au Château des Tuilleries
; le fieur Mouret fit chanter deux Motets
à grands Choeurs , qui furent fort applaudis ;
le premier , Exultate jufti in Domino , de feu
M. de la Lande , & l'autre , Benedicto Dominus
Deus , de M. Campra. Les Dies Antier &
le Maure , on chanté dans les deux Motets des
morceaux qui ont fait un plaifir infini.Les fieurs
le Clerc & Blavet , dont on a déja eu occafion
de parler avec éloge , joüerent féparément des
Concerte fur le Violon & la Flute , qui furent
très- goûtez & dont l'execution parut d'une
grande précision. Le fieur Guignon , qu'on a
déja entendu avec plaifir , & qui eft Ordinaire
du Concert , jouera un Concerto dans le premier
Concert , qui fera donné le 8. Septembre
prochain , Fête de la Nativité de la Vierge.
Le Concert d'Inftrumens que l'Académie
Royale de Mufique donne tous les ans au Jardin
du Château des Tuilleries, à l'honneur de la
Fête du Roi , a été executé le 25. de ce mois par
un grand nombre d'excellens Simphonistes de
la même Académie , qui joüerent'plufieurs beaux
morceaux de Mufique de M de Lully & dequelques
autres . Maîtres modernes , il y eut
un très grand concours de peuples & de gens
de confideration , que ce Concert ne manque
jamais d'attirer , mais que la pluye qui furvint
incommoda beaucoup.
NOU
1860 MERCURE DE FRANCE .
XXXXXXX :XXXXXX :XX
NOUVELLES DU TEMPS.
TURQUIE.
Na publié à Conftantinople au mois de
Juin dernier , une Ordonnance pour reformer
le luxe & les débauches exceffives.
La pefte fait de grands ravages dans plufieurs
endroits de cet Empire , elle s'eft communiquée
dans la Capitale , mais on prend
toutes les précautions imaginables pour en arrêter
le progrès .
Voici les avis qu'on a reçûs de Perfe. Un
des freres de Miri- Mamouth , ufurpateur de
la Couronne de Perfe , s'eft déclaré heritier
du défunt , & en cette qualité s'étant fait reconnoître
à Schiras , il a fait fommer le Sultan
Acheraf de lui ceder le Trône , ou de fe
préparer à une Guerre fanglante , ayant à ce
deffein raffemblé tout ce qu'il a pû trouver de
monde pour en former une Armée avec laquelle
il puiffe faire quelque entrepriſe confiderable.
Ce nouveau Concurrent a fait paffer au fil
de l'épée , ou batonner jufqu'à la mort laplupart
de ceux qui ont ofé lui réfifter , ou qui
en vertu des Capitulations qu'ils avoient obtenues
en deffendant leurs Villes , ont voulu
s'opposer à la fuppreffion de leurs Privileges
au pillage de leurs maifons , & à l'enlevement
de leurs femmes & de leurs filles.
Ce Rebelle ayant reçû la nouvelle , que le
Prince Thamas , fils du Roi dépoffedé , “ étoit
My entré
A OUT. 1728. 1851
entré dans le Royaume à la tête d'une Armée
de 20. à 25000. hommes , fe laiffa emporter à
une fi furieufe colere , qu'il fit mourir en fa
préſence plufieurs jeunes enfans qu'il avoit en
ôtage .
Ď'un autre côté , le Sultan Acheraf ayane
été abandonné d'une partie des Perfans qui
fuivoient fon parti dans la derniere Guerre
contre les Turcs , tient les autres dans une fi
grande contrainte , qu'ils n'ont plus qu'une
ombre de liberté.
Il n'y a point de crime que fes Gardes ne
commettent tous les jours avec impunité ; les
Marchands , principalement les Européens ,
font très - fouvent contraints de lui payer des
taxes injuftes , & lorfque le payement ne s'en
fait pas aux jours indiqués , ils courent le rif
que de voir leurs effets confifqués , & leurs
maifons pillées . On efpere cependant quelque
foulagement à ces maux depuis qu'il s'eft
formé un troifiéme parti , qui a pour but d'af
foupir les Guerres Civiles , & l'on affûre qu'il
a déja raffemblé une Armée en état de tenir la
Campagne.
RUSSIE .
E Czar a deſtiné des fonds pour faire fortifier
l'Ile de Nargin , qu'il a pris la réfolution
de peupler , quoique le terrain en ſoit
fort mauvais.
On mande de Mofcou que le Prince Gallitzin
étoit prêt à partir pour aller commander
les Troupes Mofcovites qui font fur les
Frontieres de Perfe , avec des pleins pouvoirs
pour figner avec les Commi aires du Gr. S.
& ceux du Sultan Acheraf le Traité qui reglera
les limites des Conquêtes faites par le feu
Czar
1862 MERCURE DE FRANCE
し
Czar du côté de la Mer Cafpienne. Il a eu
ordre de faire comprendre dans l'Acte de Réglement
des limites qu'il doit figner , une
Montagne où l'on a découvert des Mines d'or
vers la fin du Regne du feu Czar , înais auſquelles
on n'a pu travailler à caufe des troubles
de Perfe.
On a reçû avis que la Princeffe Menzikoff
étoit morte de chagrin , & que fon époux étoit
traité à prefent avec beaucoup plus de rigueur
que dans le commencement de fa difgrace.
Le Czar a donné à la Czarine Douairiere
fon Ayeule , 2000. familles de Payfans pour
augmenter fes revenus .
Le Vice-Amiral Synawin a reçû ordre de
mettre à la voile avec les neuf Frégates qui
font à Cronfloot & à Revel , fur lesquelles on
a enbarqué des vivres & des munitions de
Guerre pour trois mois .
On a envoyé ordre au General Wieſbach
qui com nande dans l'Ukraine , de fe joindre
aux Tartares , en cas que les Colaques perfiftent
dans leur rebellion , de traiter ces derniers
avec une extrême rigueur , & de ruiner
entierement leurs habitacions. Ce General´ a
ordre d'en agir ainfi à l'égard de tous ceux qui
fe font retirés avec leurs familles fur les Terres
du Gr . S
Les Commiffaires de la Chambre du Commerce
à Peterſbourg ont été à Ladoga où ils
ont déclaré libre la navigation du grand Lac
dont cette Ville porte le nom. Il y eut une
grande Fête à cette occafion ; les Generaux
Apraxin & Munich , firent diftribuer des rafraîchiffemens
au peuple. Ce Lac qui pare
pour le plus grand de l'Europe , eft long d'environ
36. milles d'Allemagne , en tirant du
Nord au Sud ; il en a 20. de large de l'Et à
roueft!
A OUT. 1728. 1863
l'Ouest. Le Canal que le feu Czar y a fait faire
pour la communication avec Petersbourg
à coûté plus de trois millions de Roubles , &
fon entretien eft d'une très grande dépense .
L
POLOGNE .
Es Lettres de Caminiec & de l'Ukraine
portent que les Tartares de la Crimée s'étoient
répandus le long des bords du Pruth ,
& qu'ils y mettoient le feu aux pâturages.
On écrit de Dreſde que le Comte Maurice de
Saxe y eft attendu de Berlin , & qu'il y doit
époufer la Princeffe de Radzivil , veuve du
Comte de Flemming , à laquelle le Roi permet
en faveur de ce fecond mariage , de conferver
l'adminiftration des biens de la fucceffion
de ce Feldt Marechal.
On mande de Meckelbourg que M. Erneſt
Erich , Commandant de Domits , avoit envoyé
à Schwerin un détachement de 130.
hommes pour en garder le Château & en empêcher
l'entrée aux Troupes d'execution ; que
la Ville de Neuftadt , réfidence du Duc Chrétien
Louis , avoit été entierement confumée
par le feu , & qu'on n'avoit pû conferver que
le Château.
On arrêta au commencement du mois dernier
, près de Caminiec , quinze Chariots chargés
d'armes à feu , achetées à Breslau & à
Leipfic pour les Troupes que le Gr. Viz. a
fait camper vers les Frontieres de Pologne.
→ On reçût avis fur la fin du mois dernier
que le nommé Bialkowski , l'un des Chefs des
Cofaques Rebelles , avoit formé le projet de
venir attaquer la Ville de Stanislawow ; que
les Cofaques de Szazower avoient ravagé celle
de Siczy & qu'après en avoir pillé jufqu'aux á
orne
1864 MERCURE DE FRANCE .
ornemens des Eglifes , ils y avoient laiffé des
Soldats avec ordre d'emmener avec eux les
Marchands & leurs Effets , & de mettre enfuite
le feu à la Ville .
ALLEMAGNE.
On a publié dans l'Electorat d'Hanover le
Mandement fuivant.
EORGE , Roi de la Grande Bretagne ,
G c. Duc de Brusevick & Lunebourg >
Archi Tréforier & Electeur du S Empire Ro- !
main. Il eft connu à un chacun qu'on a projetté
à Altena d'y ériger une Compagnie de Commerce
aux Indes Orientales , dans le deffein d'établir
des Actions : mais comme , felon toute
apparence , ce Projet n'aura pas lien , & que
ceux qui mettent leur argent dans ces Actions
courent rifque de le perdre , nous avons jugé à
propos de publier non -feulement cet avertiffement
, mais de défendre auffi par la Prefente
à tous nos Sujets de nos Domaines en Allema.
gne , de faire le moindre commerce dans ces
Actions , ou de prendre part en aucune maniere
à cette Compagnie , fous peine de payer le
Quadruple de la fomme qu'ils pourroient y
avoir mife , dont la moitié fera donnée au Dénonciateur
& l'autre moitié poriée dans notre
Tréfor. Voulons que ceux qui ne feront pas
en état de payer ladite fomme , foyent punis pu
bliquement. Et afin que perfonne n'en prétende
caufe d'ignorance , nous avons fait imprimer
la Prefente & afficher aux lieux ordinaires.
Signé , Baron de Goertz. Fait à Hanovert
le 1. Juin 1728.
La Chambre Imperiale a fait remettre 400 .
mille
A OUT. 1728 1865
mille écus à Varfovie , afin de mettre la République
de Pologne en état de prendre toutes
les précautions neceffaires pour la fûreté du
Royaume en cas d'invafion de la part des Turcs.
L'Electeur de Cologne revint à Bonn , au
commer.cement du mois dernier , après avoir
pafle deux mois au Château de Bull pour y
prendre le divertiffement du vol du Heron.
Cette Chaffe a fi bien réuffi , qu'on a pris 140 .
de ces Oifeaux
On mande de Kiel , qu'un Ingenieur du Duc
d'Holftein , avoit prefenté à ce Prince le Projet
d'un Canal de Communication pour joindre
la Mer du Nord à la Mer Baltique , en le commençant
à Tonningen , & c.
Le Prince hereditaire de Lorraine , n'accompagnera
pas l'Empereur dans le voyage qu'il
doit faire à Trieste & à Fioumé. Le Prince
Emmanuel de Portugal s'y rendra pour faluer
S. M Imp. après quoi il ira faire fa réfidence
à Lintz , dans la haute Autriche.
Le differend que le Cardinal de Sinzendorff
a eu à Prefbourg avec le Comte de Kinski ,
venoit de ce que ce Cardinal avoit refufé de
faire au Comte la premiere vifite qui lui étoit
duë en qualité de Grand - Chancelier de Bohëme
à l'Affemblée des Etats.
L'Empereur ayant ordonné à ce Cardinal de
faire cette vifite , non en qualité de Cardinal ,
mais en celle de Vaffal , ce Cardinal a obéi &
il s'ett rendu chez le Comte de Kinski , en habit
court d'Ecclefiaftique Hongrois , une écharpe
au côté & un petit Bonet rouge fur la tête .
Il avoit choifi un mauvais Caroffe à deux chevaux
, avec des harnois de campagne & fans
aigrettes , & il a reçû depuis la vifite du Comte
de Kinski avec le même habillement.
M. de Scehefted , Plenipotentiaire du Roi de
Danc
1866 MERCURE DE FRANCE.
1
Dannemarc au Congrès de Soiffons , arriva à
Paris le 5. de ce mois.
On écrit de Petersbourg , que le General
Jogozinski , en devoit partir pour le Congrès
de Soiffons , où il fera le fecond Miniftre Plenipotentiaire
du Czar.
ENTRE'E SOLEMNELLE de l'Empereur
& de l'imperatrice , fait à
Gratz le 23. Juin 1728 .
'Empereur ayant réfolu d'honorer de fa préfence
les Duchés de Stirie , de Carintie &
de Carniole , comme il avoit fait fes autres
Etats hereditaires , en recevoir en mêmetems
l'hommage , partit pour cet effet le 17 .
Juin deLaxembourg pour Neustadt, accompagné
de l'Imperatrice Regnante , de lArchi- Ducheffe
Marie-Therefe , & d'une nombreuſe fuite. Après
avoir féjourné trois jours à Neuftad , L. M. I,
en partirent le 21. elles dinerent à Glognitz ,
& paferent la nuit à Merzuflach . Le 22 , la
Cour dina à Kienberg , & arriva le foir à
Pruch fur la Mure . Le lendemain fur le mily
LM. 1. arriverent à Fronleuthen , où elles furent
complimentées par les Deputés de la Province
après y avoir dîné , elles continuerent
leur voyage vers Gratz. Let Etats du Pays
s'étant aſſemblés à deux heures après midy chés
le Capitaine de la Province , fortirent en trèsbel
ordre pour aller au devant de L. M. I. jufqu'a
un fuperbe Pavillon qu'on avoit dreſſé à
quelque distance de la Ville. Ils étoient tous
vêtus magnifiquement , montés fur de beaux
Chevaux , & pricedés de Trompettes & Timbales
de la Province. Quelques Compagnies des
Regimens de Stharenberg de Paderborn ,
qutow
A OUT. 1728. 1867
qu'on avoit pofiés près de ce Pavillon , y attendirent
L. M. I. Enfeignes deployées , ayant à
leur tête toutes fortes d'inftrumens de musique
militaire. Sur lesfix heures , l'Empereur , l'imperatrice
Archi - Ducheffe Marie-Therefe entrerent
dans ce Pavillon . L. M. I. y furent com
plimentées fur leur heureuſe arrivée
des Etats par le Maréchal de la Province , qui
fit à cette occafion un très- beau Difcours , auquel
S.M. I.répondit enaffurant fes fideles Etats
de fa clémence & de fa bienveillance , après
quoi S. M. I, donna à tous fa main à baifer
, au nom
>
Après cette ceremonie , l'Empereur vêtu d'un
habit brodé , couleur de feu , monta , quoiqu'il
plut bien fort , un très - beau Cheval blanc
couvert d'une houffe fuperbement brodée &parfemée
de bijoux , & fit fon Entrée dans l'ordre
fuivant.
> tant de
La marche commença par un détachement du
Regiment de Dragons de Paderborn , à Cheval
avec leursTambours & Etendarts. Enfuite vinrént
les Patrouilles de l'Empereur , les Pages &
les Officiers des Miniftres Imperiaux , les Confeillers
d'Etat & autres Seigneurs
la Cour que du Pays. Les Chevaux de Manege
de l'Empereur avec les Officiers des Ecuries.
Les Trompettes & Timbaliers de l'Empereur.
Les Fouriers de la Cour . Les Seigneurs de la
Cour de la Province. Les Confeillers d'Etat
de l'Empereur. Le Majordome- Major de l'Empereur.
Le Herault d'Autriche feul . Le Heraut
d'Espagne entre les Herauts d'Hongrie & de
Bohéme . Les deux Herauts de l'Empire : tous
en habits de cérémonie avec leurs Bâtons Le
Grand Maréchal de la Cour Imperiale , la tête
découverte , & portant l'épée nuë , précedoit
l'Empereur , qui en entrant dans la porte de la
Ville , fut reçu par le Magiftrat en corps fous
2419
1868 MERCURE DE FRANCE.
un riche Dais , porté par huit Echevins : Les
Trabans quelques Valets de pied marcherent
aux deux côtés de S. M. I. Le Grand Ecuyer fe
tenoit à la premiere barre de la porte , à la
gauche , & le Grand Chambellan à la derniere
barre, tous deux à Cheval Les Bourguemeftres,
après un compliment fort court & convenable
au fujet , préfenterent à l'Empereur les Cefs
de la Ville dans une bourse de drap d'or , fur
un Carreau de velours , que S. M. accepta , &
vendit enfuite au Magiftrat . L'Imperatrice en
Caroffe , avec la Ser. Archi- Ducheffe , affife
vis-à -vis de S. M. I. Aux deux côtés du Caoffe
marchoient quelques Valets de pied. Le
Majordome-Major , le Capitaine des Trabans
, à cheval . Les Pages de l'Empereur à
cheval Les Trompettes & les Timbaliers de la
Compagnie des Archers. Le Capitaine des Archers.
Les Dames de la Cour dans leurs Caroßes.
La Marche fut fermée par un autre détachement
du Régiment de Paderborn.
Quatre Compagnies de Bourgeois étoientfous
les armes, rangées le long des ruës par où
L.M. 1. pafferent , depuis la porte de la Ville
jufqu'au Palais. On continua la Marche jufqu'à
l'Eglife des Jefuites . L. M. 1. y defcendirent
, furent complimentées à la porte de
l'Eglife par le Recteur de l'Univerfité de Gratz,
quifit un Difcours enLatin. Le Comte de Liechtenstein
, Evêque de Seccovie , préfenta enfuite
de l'Eau benite à L. M. I. après quoi elles
furent conduites à l'Autel par huit Prélats en
habits Pontificaux , fous un Dais de drap d'or ,
porté par quatre Doyens . L'Evêque entonna le
Te Deum , qui fut chanté par la Musique de
la Cour , &c. au bruit d'une triple décharge
du Canon.
Après la Cérémonie , il y eut un fuperbeƒeſ.
tim
A OUT. 1728. 1869
tin au Palais . Les plats furent portés par les
Etats du Pays , qui fervirent S. M. I. pendant
le Repas.
ITALIE.
L s'eft formé une troupe de bandits qui fe
propofent de venger la mort de l'affaffin
Barboni de Corinaldo , executé à Rome au
commencement du mois dernier . Le Gouverneur
de cette Ville en ayant été informé , a
envoyé après eux le Barigel & les Shires , avec
ordre de ne leur faire aucun quartier.
On a appris de Civita- Vecchia , que la Galere
Capitane du Pape y étoit rentrée en fort
mauvais état , avec 24. Rames brifées. Elle .
fut furpriſe au commencement du mois de
Juillet d'une tempête qui la jetta fur un Rocher
de l'ile Gianitta ; comme elle étoit en
grand danger de périr , les forçats trouverent
moyen de le déchaîner & fe fauverent enfuite
fur les Rochers , mais M de la Motte qui
commandoit cette Galere , les pourfuivit avec
40 Soldats, l'épée à la main , & les obligea d'y
rentrer.
Le Pacha du Grand Caire qui s'étoit refugié
à Triefte , ayant obtenu de l'Empereur la
permiffion d'aller à Naples paffer quelque
temps , y arriva le 27. du mois de Juin dernier.
Il alla defcendre au Château neuf , où
on lui avoit fait préparer un Appartement. Le
fur lendemain il rendit vifite au Cardinal d'Althan
, qui le reçut très - poliment . Il a auffi
rendu vifite à la principale Nobleffe , dont il a
été fort bien reçû .
On mande de Rome que les Cardinaux de
la Congregation qui concerne les affaires de
Portugal , ayant fait de nouvelles réflexions
fur
1870 MERCURE DE FRANCE
fur la Lettre pleine de foûmiffion que M.Bichi,
cy devant Nonce à Liſbonne , avoit écrite au
Pape , ils font convenus qu'il falloit lui écrire
que s'il veut fe rendre digne de la faveur qu'il
demande , & fe concilier les bonnes graces
de S S. & du Sacré College , il ne peut mieux
faire que de fortir du Royaume de Portugal ,
de paffer en Espagne , & d'y attendre les or
dres du Pape.
On affûre qu'il a été décidé dans la dernie
re Congregation fur les affaires de Savoye ,
que les Evêchés , Abbayes & autres Benefices
Confiftoriaux des fujets du Roy de Sardaigne ,
qui mourront à Rome , feront à la nomination
de ce Prince , auffi- bien que les Benefices de
ceux des Titulaires qui mourront dans ſes
Etats .
•
On a appris de Rome qu'un jeune homme
rentrant chez lui au mois de Juin dernier
trouva que fa mere avoit affaffiné fon époufe;
fur les reproches qu'il lui fit de l'atrocité de
fon crime , elle fe jetta fur lui avec une telle
furie , qu'elle l'auroit étranglé s'il n'eut trouvé
le moyen de tirer fon épée & d'en donner
deux coups à fa mere , dont elle mourut prefque
fur le champ.
Les Religieufes de Cortone ont obtenu du
Pape un Bref qui leur permet d'aller en proceffion
vifiter le corps de la Bienheureufe Marguerite
de Cortone , qui a été canonifée depuis
peu.
Le Comte de Saftago , nouveau Viceroy de
Sicile , arriva le 18. du mois dernier à Naples
fur une Galere de la République de Gênes ,
& le lendemain il partit pour Meffine.
Le Roy de Sardaigne ayant laiffé à la difpofition
du Pape deux Abbayes de mille écus
chacune de revenus , qui vacquent dans le
Piémont
A OUT. 1871
1728.
Piémont , S. S. les a données aux Cardinaux
Celleri & Gotti
On mande de Venife que le Chevalier André
Cornaro, qui y eft revenu depuis peu de
fon Ambaffade de Vienne , & le Chevalier
Pierre Capello , qui a été Ambaffadeur Extraordinaire
de la même République à Rome ,
ont été choifis par le Grand Confeil pour aller
à Trieſte en qualité d' Ambaffadeurs Extraordinaires
de la République, complimenter l'Empereur.
2
Des Lettres de Rome du 15. Juillet portent
, que le Cardinal Gotti , Dominicain , fi
connu à Bologne & à Milan par fa vertus &
dans toute l'Italie par fon érudition , avoit reçû
le Chapeau en plein Confiftoire ; & qu'après
la cérémonie il fit un remerciment au Pape
, dans lequel fa modeftie ne parut pas
moins que fon éloquence. S S. lui répondit
avec beaucoup de bonté & d'édification .
On a publié à Rome une Ordonnance qui
défend le port & l'ufage des couteaux à pointe
, dits couteaux de Génes , & on fait une
vifite exacte chez tous les Marchands qui en
vendent. Un Domeftique de M. Cibo , qui a
été trouvé faifi d'un femblable couteau , à été
arrêté , & on lui fait fon procès , ſon Maître
ayant refufé de parler en fa faveur.
Il est arrivé à Rome un Prince du Mont-
Liban qui revient en dernier lieu d'Eſpagne .
Dans une Audience particuliere qu'il a obtenuë
du Pape , il l'a prié d'envoyer un autre
Evêque au Mont- Liban à la place de celui qui
y eft actuellement. S. S. qui l'a reçu avec
beaucoup d'accueil , lui a accordé ce qu'il demandoit
, & lui a fait préfent de quelques Mé
dailles & de quelques Reliques.
On mande de Venife que le Magiftrat de la
H Santé
1872 MERCURE DE FRANCE.
Santé a publié une Ordonnance qui défend
tout commerce avec l'Etat Ecclefiaftique , à
l'occafion de la tenue de la Foire de Sinigalia
qui a été réfolue à Rome , où le 12. du mois
dernier , l'Ambaffadeur de la République eut
une Audience particuliere du Pape , dans laquelle
il lui fit des plaintes au fujet de la permiffion
accordée pour l'ouverture de cette
Foire. Ce Miniftre eut enfuite unc Conférence
avec le Cardinal Cienfuegos , au fujet de l'interdiction
de tout commerce entre le Royau,
me de Naples & l'Etat Ecclefiaftique , qui doit
être publié dans peu par ordre de l'Empe
reur
Le 18. du mois dernier , le Tribunal de la
Santé à Florence , manda plufieurs Officiers ,
aufquels il donna ordre d'aller planter des
Barrieres fur les Frontieres & paffages de l'Etat
Ecclefiaitiqne ; & comme les Princes d'Italie
ont réfolu de fufpendre tout Commerce
avec les Puiffances dont les Sujets auront eu
la permiffion de fréquenter cette Foire , le
même Tribunal a fait publier une nouvelle
Ordonnance , par laquelle il interdit l'entrée
libre en Tofcane à toutes perfonnes qui vien
dront de l'Etat Ecclefiaftique , obligeant même
à la quarantaine les Particuliers qui n'auroient
fait que paffer fur les Terres du Pape ,
avec défenfes à tous les Sujets du Grand- Duc
d'aller à la Foire de Sinigaglia fous peine de
la vie . On a publié à Milan de pareilles défen
fes par rapport à cette Foire.
ESPAGNE.
N executa le 19. du mois de Juin dernier
à Barcelone , le fameux Raymond
Gaardicola , dit Ramenet de Valls , Chef de
BriA
OUT. 1728.
1873
Brigands , qui a caufé autrefois de grands défordres
dans la Catalogne.
On affure que la Cour continue d'être dans
la réfolution de lever un Indult extraordinaire
de dix huit trois quarts , outre les cinq pour
cent accoûtumés , tant fur les Effets du Vaiffeau
arrivé depuis peu au Port du Paffage ,
que fur ceux qu'on attend par les Gallions.
Quelques Miniftres Etrangers ont fait fur cela
des reprefentations , mais ils n'ont pas encore
reçû de réponſe favorable.
Le Baron d'Uart , Gouverneur de Gironne ,
a envoyé à Madrid le Traité qu'il a conclu
avec les Commiffaires du Roi de France , av
fujet de la reftitution reciproque des déferteurs
& des meurtriers.
Le Prince des Afturies eft parfaitement rétabli
, il eft déja forti plufieurs fois , & n'e
point du tout marqué de la perite verole.
PORTUGAL.
N mande de Lisbonne qu'on y avoit reçû
avis par les Lettres de Mazagaon , que
la nuit du 16 au 17. du mois de May dernier
, les Maures s'étoient mis en embufcade
dans differens endroits autour de cette Place ;
que la Sentinelle avoit été furpriſe par un détachement
de Maures auquel elle échapa , parce
qu'on envoya contre eux la Cavalerie qui
étoit dans la Place ; mais comme ils étoient
au nombre de 600 hommes , on ne pût pas
les empêcher de s'emparer des premiers retranchemens
exterieurs. On fut oblig de faire
marcher l'Infanterie ; & la premiere Compagnie,
commandée par le Capitaine Manuel.
Azevedo- Cotinho , commença & continua
l'attaque de ces retranchemens jufqu'à l'arri-
Hij vée
1874 MERCURE
DE FRANCE.
vée du refte de l'Infanterie qui reprit ce Pofte ,
où les Maures eurent 20. hommes de tués &2
un plus grand nombre de bleffés.
Quelques jours après cette action , il arriva
à Mazagaon un Officier Maure pour apprendre
au Gouverneur que Muley- Abdemelec étoit
Maître abfolu des Etats du feu Roi de Maroc ,
fon Pere, & que fon frere Muley -Achmet avoit
été pris & conduit à Tafilet fous une bonne
escorte. Cet Officier remit au Gouverneur
une Lettre du Roi , fon Maître , en réponſe de
celle le Gouverneur lui avoit écrite pour
le feliciter fur fon avenement à la Couronne.
Il lui propofe par cette réponſe le rachat gereral
des Captifs Portugais , & la liberté de '
Commerce entre les deux Etats.
que
On publia à Liſbonne le s . Juillet , trois
nouveaux Décrets du Roi , par un defquels
S. M. après avoir fait défenfes à tous fes Sujets
d'avoir aucun commerce ni correfpondance
avec la Ville de Rome , ordonne à
tous les Sujets du Pape de fortir inceffamment
de ce Royaume. Il eft défendu de recevoir dans
les Ports de Portugal aucune Marchandiſe venant
de l'Etat Ecclefiaftique , & l'on a affiché
à la du Bureau de la Pofte des Lettres
porte
que le terme de 25. jours expiré , on n'y rece
vra aucune Lettre pour Rome , que celles
qui en viendront ,ne feront point diftribuées.
On imprime par ordre de S M. un Manifefte
adreffé à tous les Princes Catholiques pour
juftifier fa conduite avec le S. Siege.
&
GRANDE BRETAGNE.
Es Commiffaires établis pour la conftruc
LES
tion d'un nouveau Pont à Londres fur la
Tamife , n'ayant pû trouver a emprunter què
7000$
A OUT 1728.
1875
5000. liv. 'fterlin des 30000. dont ils ont befoin
pour leur entreprife , ils offrent préfentement
d'hypothequer à perpetuité les peages
qui feront levés fur ce Pont en vertu de l'Ac.
te du Parlement qui en permet la conſtruction.
·Le 13. du mois dernier le Procureur General
remit au Grand Juré de Weſtminſter un
Bill d'accufation de haute trahifon contre le
Duc de Wharton , contre lequel plufieurs Officiers
de la Garnifon de Gibraltar ont dépofé
qu'ils l'avoient vû fervir dans les Troupes du
Roy d'Espagne pendant le Siége, & monter la
tranchée .
M. Como , fameux Banquier de Londres
qui depuis quelques années étoit Agent du
Duc de Parine , reçût ordre le même jour de
fortir du Royaume dans 48. heures , à l'os La
fion des avis qu'on a eu que pendant le féjour
que le Chevalier de S. George a fait à Parme, le
Duc de Parme lui avoit fait rendre les mêmes
honneurs que le Pape lui fait rendre à Bologne.
En vertu de cet ordre , M. Como partit
Te furlendemain , accompagné d'un Meffager
d'Etat ; mais comme il eft fort eftimé en Angleterre
, & qu'il y fait un très-grand Commerce
, on croit qu'il renvoyera fes Lettres
de Créance à Parme pour pouvoir revenir à
Londres.
On a reçû avis que les Corfaires de Salé
avoient rompu la Tréve avec l'Angleterre , &
qu'ils couroient fur les Vaifleaux Marchands
de certe Nation.
On écrit de Londres que le 28. du mois dernier
, à une heure du matin , le feu prit à l'attelier
des Tonneliers du Roy à Portſmouth, &
qu'il y confuma pour plus de 4000. liv. ſterlin
de Tonneaux & de douves.
Hiij Le
1876 MER CURE DE FRANCE.
Le 29. on dépêcha un Courier au Colonel
Stanhop , Ambaffadeur Plenipotentiaire du
Roi au Congrès pour lui porter l'Etat que
les Commiffaires du Commerce & des Plantations
ont fait dreffer des plaintes que les Négocians
Anglois prétendent avoir fouffertes
pendant la rupture avec l'Espagne.
Il eft arrivé à Bristol 26240. boiffeaux de
blé de quatre au feptier des Pays Etrangers ,
1326. de feigle , 300. d'orge , 916. d'avoine ,
& 211. barils de farine. Cependant le prix du
pain ne diminuë point , quoiqu'on ait déja
expofé dans les Marchés du bled de la derniere
recolte .
Le 7. de ce mois , les Commiffaires de l'Amirauté
mirent en commiflion feize Vaiffeaux
de Guerre fçavoir , deux de 80. Canons cha-
S. n . 4. de 70 , deux de 60 , fapt de so . & un
de 20 .
Des 21. Vaiffeaux que la Compagnie de la
Mer du Sud a envoyé cette année dans le
Groenland , deux ont péri dans les glaces , &
les 19. autres n'ont pris que 13. Baleines ; de
forte qu'on croit que la Compagnie abandonnera
cette Pêche , qui ne lui rapporte jufqu'à
préfent aucun profit.
Le Contre- Amiral Cavendish a été nommé
Vice-Amiral de l'Efcadre Blanche , à la place
du Vice- Amiral Hopfon , qui eft mort à la
Jamaique , & le Capitaine Jean Balchen a été
fait Contre- Amiral de l'Efcadre Bleue , à la
place du Vice Amiral Cavendish,
MORTS
A OUT. 1928. 1877
XXXX :XXX *XX *XX :XXXX
L
MORTS DES PAYS
Etrangers.
E Prince Armand de Lichtenftein de Nicolfbourg
en Silefie , Duc de Troppau &
de Jagherndorf , Comte de Rittberg , Grand-
Veneur de l'Empereur , mourut à Vienne le 4,
de ce mois dans la 62, année de fon âge.
M. Santini , cy- devant Nonce en Pologne ,
mourut à Varfovie le 5. du mois dernier aprèstrois
jours de' maladie.
L'Amiral Hopfon mourut fur les Côtes des
Indes Espagnoles le 20. May dernier. C'eft le
fecond Amiral qui eft mort dans ces Mers - là
dans l'efpace d'un an . Son corps a été porté
en Angleterre , à bord du Vaiffeau le Pompée ,
qui y eft arrivé de la Jamaique.
Jkkkkk
FRANCE ,
粒糕
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c .
O
Naffure que les Milices du Royaume
s'affenibleront après la récolte
dans les lieux definez pour apprendre
l'exercice & les autres évolutions militaires.
Le Roy a accordé au Prince de Bouil
Hij lon ,
1878 MERCURE DE FRANCE
lon , la Charge de Grand- Chambellan de
France , vacante par la démiffion du Duc
de Bouillon , fon pere .
On a jugé à la Primatie de Lyon la
Caufe de Made de Rapalli . Elle a été reçue
à faire preuve des violences & furprifes
dont on s'étoit fervi pour lui faire
époufer M. de Rapalli , Banquier , lequel
a appellé au Parlement de cette Sentence
.
Le 30. du mois dernier , le Roy entendit
dans la Chapelle du Château de Verfailles
la Meffe de Requiem , pour l'Anniverfaire
de la feuë Reine Marie - Therefe
d'Autriche , époufe du feu Roy
Louis XIV .
S. M. a nommé M. de Bauffan , Maître
des Requêtes , Intendant de la Generalité
de Poitiers , & M. Dodart , fils du
Premier Medecin du Roy , auffi Maître
des Requêtes , Intendant de la Generalité
de Bourges.
M. Milhau , Confeiller au Sénéchal &
Siege Préfidial de Montpellier , ayant été
nommé par le Roy Chevalier de l'Ordre
de S. Michel le 3. Juillet , fut reçû Chevalier
de cet Ordre le 7. de ce mois , par
le Maréchal Duc d'Etrées , Commiffaire
nommé par S. M.
Les Abbés de Bellefonds & de Choiſeul
ont été nommés Aumôniers du Roy.
Le
A OUT. 1728. 1879
Le 12. de ce mois , l'Evêque , Comte
de Beauvais , prêta ferment , & prit Séance
au Parlement , en qualité de Pair Ecclefiaftique
de France.
Le même jour , le Duc de Rohan Chabot
, fut reçû au Parlement en qualité de
Pair de France .
La Reine eft rétablie de fes couches , &
S. M. eft en parfaite fanté.
2
Le 12. Août , les Députés des Etats de
Languedoc eurent audience du Roy
étant conduits en la maniere accoûtumée ,
par le Marquis de Brezé , Grand- Maître
des Cérémonies , en furvivance du Marquis
de Dreux , fon pere , & par M. Defgranges
, Maître des Cérémonies. Ils furent
préfentés à S. M. par le Duc du Maine
, Gouverneur de la Province , & par
le Comte de S: Florentin , Secretaire
d'Etat. La Députation étoit compofée de
l'Evêque d'Alet pour le Clergé , du Comte
de Lordat pour la Nobleffe , de Mrs de
Lauzieres & Verot pour le Tiers Etat &
de M. Joubert , Syndic General de la
Province. Le même jour , les Etats de
Languedoc curent l'honneur de complimenter
Mefdames de France.
Le 17. le Corps de Ville , le Duc de
Gêvres , Gouverneur de Paris , étant à
la tête , eut à Verfailles Audience du Roi
avec les cérémonies accoûtumées . Il fac
Hoy pre1880
MERCURE DE FRANCE.
préfenté par le Comte de Maurepas , Secretaire
d'Etat , & conduit par le Mar
quis de Brezé & par M. Defgranges . Mrs
Remy , Notaire , & le Roy , Marchand ,
nouveaux Echevins , prêterent entre les
mains de S. M. le Serment de fidelité >
dont le Comte de Maurepas fit la lecture.
Le Scrutin ayant été prefenté par M. de
Meliand , Confeiller au Parlement , qui
parla avec beaucoup d'éloquence .
Le même jour , le Corps de Ville eut
l'honneur de rendre ſes reſpects à la Reine
& à Mefdames de France.
>
Le 18 vers les fix heures du foir , le
Roi partit de Verfailles pour aller à Fontainebleau
, où S. M. doit faire quelque
féjour.
M.Le Sachet , PremierCommis duComte
de S. Florentin , Secretaire d'Etat , a été
fait Chevalier de l'Ordre de S. Michel.
A propos de quoi nous inferons ici
le nouveau Réglement que le Roy , Chef
& Souverain Grand- Maître des Ordres
de S. Michel & du S. Efprit , veut être
obfervé à l'avenir pour celui de S. Michel.
Sa Majefté s'étant fait reprefenter les Sta
tuts & Ordonnances de l'Ordre de S. Michel
des années 1460 & 1476. confirmés en
1665 par lefquels il eft ordonné que les Chevaliers
dudit Ordre s'affembleroient pour te
nir
A OUT. 1728. 1881
nir Chapitre , dans une Salle des Cordeliers de
Paris , auquel Chapitre préfideroit un Chevalier
, Commandeur des Ordres du Roy , qui
feroit à cet effet commis par S. M. & en fon
abfence le plus ancien Chevalier de S. Michel ;
& après la Grande Meffe célebrée , être dans
ledit Chapitre propofe les Réglemens neceffaires
à l'effet de maintenir , conferver & accroître
l'Ordre dans l'honneur & laDignité convenable.
Vû auſſi par S. M. la Déclaration du 9.
Septembre 1665. par laquelle l'Affemblée des
Chevaliers de S. Michel , qui devoit être le 29 .
Septembre , conformement aux anciens Statuts
, eft fixée au 8. May de chaque année
Fête de l'Apparition de S. Michel : & le Roy
étant informé que depuis plufieurs années lefdits
Chevaliers ne fe font point affemblés , &
que la célebration des Meffes & Services n'eft
point executée ; à quoi voulant pour voir , &
que les Statuts des Rois , fes prédeceffeurs
foient inviolablement obfervés : S. M. de l'avis
des Chevaliers & des Commandeurs , Of
ficiers de fes Ordres , a ordonné qu'à l'avenir
:
2
>
I. Les Statuts & Ordonnances du Roy
Louis XI. des années 1469. & 1476. & ceux
du feu Roy des 12. Janvier & 9. Septembre
1665. feront executés felon leur forme & teneur.
II. Tous les Chevaliers de l'Ordre de S.Michel
affifteront en corps chaque année en habit
convenable > & le grand Cordon noir ondé
par deffus l'habit en écharpe , le 8. May ,
Fête de l'Apparition de S. Michel , en l'Eglife
des Cordeliers de Paris , pour y entendre la
Grande Meffe qui fera célebrée folemnellement
pour S. M. Chef & Souverain , & les
Chevaliers & Officiers vivans ; & en cas
H vj d'em-
2
1882 MERCURE DE FRANCE:
d'empêchement , tel autre jour qui fera re
glé par le Chevalier Commandeur des Ordres ,
Commiffaire de S. M.
III. Lefdits Chevaliers affifteront pareillement
en ladite Eglife le premier Lundy de
l'Avent de chaque année , au Service & à la
Meffe qui feront celebrés pour le repos des
ames des Rois , Chefs & Souverains , des
Chevaliers & Officiers décedés ; à l'égard de
ceux qui ne pourront y affilter pour caufe de
maladie , ou de leur abfence , ils chargeront
un de leurs Confreres d'apporter leurs excufes
au Chapitre : & fi quelqu'un d'eux , ou Officiers
dudit Ordre decedoit , la famille en informera
le Commandeur , Prevôt , Maître des
Ceremonies des Ordres du Roy , pour en faire
part aux Chevaliers par le Heraut , dans le
premier Chapitre qu'ils tiendront après ce décès
arrivé.
IV. Lefdits Chevaliers , après la Meffe &
les Services fixés par le prefent Réglement ,
s'affembleront en Chapitre dans une Salle du
Convent defdits Religieux Cordeliers , pour
veiller à l'execution des Statuts & Ordonnances
, & propofer les moyens neceffaires à l'effet
de maintenir & accroître l'honneur & la
Dignité de l'Ordre.
V. Des déliberations faites dans leſdits Chapitres
, qui feront fignées par le Prefident &
les Chevaliers , fera tenu Regifre par celui
qui fera commis par le Commandeur - Secretaire
des Ordres de S. M. & ce Regiftre , à la
fin de chaque année , lui fera remis en Origi
nal avec les Piéces & Titres Originaux , pour
être déposés dans les Archives des Ordres du
Roy.
V. Le Commandeur- Prevôt , Maître des
Ceremonies des Ordres du Roy , réglera la
Marche,
A OUT. 1728. 18835
Marche , les Rangs , Séances , & tout le Cérémonial
, & chargera le Heraut & l'Huiffier de
tenir la main à l'execution , fi mieux n'aime y
commettre : auquel cas il en joindra toujours
au Heraut & à l'Huiffier de s'y rendre , poury
remplir les fonctions de leurs Charges , &
executer ce qui pourra leur être prefcrit par
le Chevalier - Commandeur des Ordres du Roi,
Commiffaire de S. M.
VII. Le Commandeur Grand- Tréforier des
Ordres du Roi délivrera fa Procuration au
fieur de Barmond , Chevalier de l'Ordre de
S.,Michel , pour recevoir pendant fa vie le revenu
de la Fondation faite par ledit fieur de
Barmond > pour l'execution annuelle des
Prieres fixées par le préfent Réglement , conformement
à ce qui eft porté par le Contrat
de Fondation du 14 Avril 1728. lequel Contrat
figné au nom & par ordre du Roy par le
fieur Abbé de Pomponne , Commandeur-
Chancelier , & Sur- Intendant des deniers des
Ordres de S. M. le Roy veut être executé fe-
Jon fa forme & teneur.
VIII: La Recette & dépenfe des arrerages
de ladite rente feront employées dans les
Grand- Tréforier comptes du Commandeur ,
des Ordres du Roy, & la dépenfe paflée ſur
un Extrait du Regitre des déliberations , dans
lequel fera fait mention de la Célebration defdites
Meffes & Services , & de la diftribution >
qui doit être faite après lefdites Aſſemblées
aux Chevaliers & Officiers préfens , des Médailles
fpecifiées dans ladite Fondation , & fur
un Etat certifié par ledit fieur de Barmond
des frais defdites Mefles , Services & Mér
dailles. Fait à Verſailles le 25. Avril 1728. Signe
, Louis . Et plus bas , Phelypeaux.
Le:
1884 MERCURE DE FRANCE.
Le 22. de ce mois , l'Abbé de la Vieuxville
, Evêque de Bayonne , fut Sacré
dans l'Eglife Cathedrale de Meaux , par
le Cardinal de Biffy , affifté de l'Evêqué
d'Angers & de l'Evêque d'Europée
Coadjuteur de l'Evêque d'Orleans .
Le 24. M. Schefted , Ambaffadeur
Extraordinaire & Plénipotentiaire du Roi
de Dannemarck, au Congrès de Soiffons,
eut une Audience particuliere du Roi à
Fontainebleau , à laquelle il fut conduit
par le Chevalier de Sainctor , Introducteur
des Ambaffadeurs .
Le 25. Août , jour de la Fête de faint
Louis , Roi de France , l'Académie Françoife
la folemnifa felon fa coûtume , dans
la Chapelle du vieux Louvre. M. Beaujard
, Chefcier de S. Germain Lauxerois®,
célebra la Meffe , pendant laquelle on
chanta un fort beau Motet en Mufique, de
la compofition du freur Dornel. Après la
Meffe , M. l'Abbé de la Paufe , Prédicateur
du Roi , prononça le Panegirique de
S. Louis , avec beaucoup d'éloquence .
Le même jour , l'Académie Royale des
Belles -Lettres , & celle des Sciences , fo-
Iemniferent auffi la Fête du même Saint
dans l'Eglife des Peres de l'Oratoire . II
y eut pendant la Meffe un Motet chanté
en Mufique , de la Compofition du fieur
du Bouffet , après laquelle l'Abbé Aulanier
,
A OUT 1728. 1885
nier , Prédicateur du Roi , prononça fort
éloquemment le Panegirique de S. Louis.
L'Efcadre des Vaiffeaux & des Galeres
du Roi , commandée par M. de Grandpré
, Chef d'Eſcadre , qui étoit arrivée
le 17. Juin dans la Rade de Tunis , en eſt
partie le 8. Juillet , après que le Bey a
eu donné toutes les fatisfactions qui lui
ont été demandées au fujet des infractions
faites aux Traités de Paix par quelquesuns
de fes Capitaines & fujets. Il a fair
châtier exemplairement ceux qui les ont
commiſes , & reftituer en argent les
dommages qu'ils ont caufés , foit aux
Vaiffeaux François , foit aux Bâtimens
Errangers navigant fur les côtes de France
, aufquels la réparation en fera faite
au retour de l'Efcadre de S. M. Ila auffi
rendu tous les Efclaves François pris fous
Pavillon Etranger , & les Etrangers pris
fous Pavillon du Roy , & il y a ajoûté
par forme de réparation , vingt autres Ef
claves Catholiques de toutes Nations ,
que S. M. renverra dans leur Pays , en
leur faifant fournir ce qui leur fera neceffaire
pour y retourner.
Le 15. de ce mois , Fête de l'Affomption
de la Vierge , le Roy vêtu du grand
Collier de l'Ordre du S. Efprit , entendit
La Meffe dans la Chapelle du Château de
Verfailles , & S. M. communia par les
mains
1886 MERCURE DE FRANCE.
mains du Cardinal de Rohan , Grand
Aumônier de France ; enfuite le Roy
toucha un grand nombre de malades .
L'après -midy S. M. accompagnée du Duc
d'Orleans & du Prince de Conty , affifta
aux Vêpres & à la Proceffion .
Le même jour , la Proceffion folem.
nelle de l'Eglife Métropolitaine , qui ſe
fait tous les ans à pareille jour , en execution
du Vou de Louis XIII. fe fit à
Paris avec les céremonies ordinaires . Le
Parlement , la Chambre des Comptes , la
Cour des Aydes , & le Corps de Ville y
affifterent en la maniere accoûtumée . Il
ſe fait à peu près dans le même temps
Paris une autre Proceffion dont on n'a
jamais parlé , & dont le Public fera
être bien aile d'être inftruit.
peutà
MEMOIRE fur la grande Confrerie
de Notre- Dame aux Seigneurs , Prêtres
& Bourgeois de Paris , & c.
Cat
Ette Confrerie eft une des plus anciennes
& des plus illuftres Affemblées Chrétiennes
du Royaume. Elle doit fon origine à quelques
pieux Ecclefiaftiques & à quelques Bourgeois
de Paris , qui firent entre eux une espece
de Congrégation de 72. perfonnes , lefquelles,
à l'imitation des 72. Difciples , faifoient profeffion
d'être plus particulierement attachez au
divin Auteur de notre juftification. Le bruit
des vertus de ce petit Troupeau s'étant bien-
τός
A OUT. 1728. 1887
tot répandu , plufieurs perfonnes confiderables
eurent de l'empreffement pour être reçûs dans
cette Societé , & les Rois mêmes furent bienaifes
d'en être. Philippe- Augufte , S. Louis ,
Philippe le Bel , Charles V. & le feu Roy
Louis XIV. de glorieufe mémoire , y ont laiffé
des marques de leur pieufe liberalité.
Elle eft compofée d'Ecclefiaftiques & de
Laiques , & elle a deux Dignitez principales ,
fçavoir , celle d'Abbé & de Doyen. S. E. M. le
Cardinal de Noailles , Archevêque de Paris ,
remplit la premiere , comme ont fait plufieurs
de fes Prédeceffeurs , & M. le Premier
Préfident du Parlement , la feconde. Il y a enfuite
un Prieur , qui eft aujourd'hui M. Goulard
, Archidiacre & Chanoine de l'Eglife de
Paris . Il y a auffi un Receveur qui reçoit le
revenu de la Confrerie & un Greffier , qui
rédige les déliberations du Bureau , où il fe
trouve tous les Mardis 16 ou 18. perfonnes
choifies de tous les Ordres , du nombre des
Confreres , pour réfoudre ce qui fe prefente
de plus important.
Trente Ecclefiaftiques , Confreres , font tous
les jours de l'année le Service dans plufieurs
Eglifes de Paris , & particulierement en celle
de fainte Magdelaine de la Cité, où l'on celebre
folemnellement la Meffe toutes les Fêtes de la
Vierge.
Cette Confrerie , dans laquelle fe font rece
voir les Chanoines de l'Eglife Métropolitaine
& les Curez de Paris , a des Titres fort anciens
& une Cenfive dans la Ville & les Fauxbourgs.
L'Auteur des Antiquitez de Paris , dit que fes
Statuts furent renouvellez en 1469. environ
30c. ans après fon Inftitution. Le Roi S. Louis
la dota de plufieurs heritages en 1258. auffibien
que le Roi Philippe IV. en 1293. Tous
lea
1888 MERCURE DE FRANCE.
les ans les Confreres font une Proceffion folem
nelle dans l'Octave de la Fête de l'Affomption ,
en une des Eglifes qu'ils choififfent , & tous les
Ecclefiaftiques ont droit d'y porter l'Etolle . On
ỳ fait des Prieres pour le Roi , pour toute la
Famille Royale , pour la profperité du Royaume
& pour la confervation de la Ville de Parisa
Le Roi cut à Fontainebleau le jour de
la S. Louis , pendant fon diné , une gran
de Symphonie , compofée & conduite par
M. de Blamont , Surintendant de la Mufique
de S. M. Elle fut executée par tous
les Inftrumens de fa Mufique , qui ont
eu l'honneur de la fuivre . Les Haut-Bois
des Moufquetaires , qui avoient été mandez
, s'y joignirent & l'execution
fut pare
faite : ce font les vingt- quatre qui jouent
ordinairement ce jour - là devant le Roi ;
lorfqu'il n'eft point en campagne. Le foir,
S. M. entendit pendant une partie de fon
foupé, les fieurs Danguy & Charpentier,
P'un jouant de la Vielle , & l'autre de la
Muzette , dont ils s'acquitterent parfaitement
bien ; ils donnerent toute forte d'Airs
de differens Auteurs .
Le 27. de ce mois , a été recû Confeiller
au Parlement de Paris , & dans
une Commiflion aux Requêtes du Palais,
M. Jean- Bonaventure Lelay , Chevalier ,
Seigneur de Guebriant , fils de Jean - Bonaventure
Lelay , Seigneur de Villemaré ,
du Pledis - Lelay , de Guebriant , &e.
2
4
LieuA
OUT. 1728. 1889
Lieutenant de Mrs les Maréchaux de
France en Bretagne , originaire de la même
Province , d'une Nobleffe de très- ancienne
extraction , bien marquée dans les
Hiftoires dès le 13 fiecle . Le 6. Mars
1711. Germain Lelay , un de fes fils ; fut
auffi reçû Confeiller au même Parlement .
Il mourut en Italie le dernier de Décembre
1715. revenant de voyager dans les
Cours de l'Europe , avec l'agrément da
Roy.
BENEFICES DONNEZ.
L'AbbayedeGraiftain , Ordre de S.Benoît,
Diocèle de Lizieux , vacante par le décès
de M. de Levi , dernier Titulaire , a été donnée
à M. le Berceur de Fontenay , Prêtre du
Diocèfe de .... & Aumônier
ordinaire de la Reine , à la charge d'une penfion
de 300. livres pour M. Damoifet , Prêtre
Curé de Trun , Diocèfe de Séez .
Le Prieuré de Royalpré , Diocèſe de Lizieux
, Ordre du Val - des - Choux , fous la Regle
de S. Benoît , vacant par le déc's de
M. Dupuy , en faveur de M. Jacques- Charles
de Heudey de Pommainville , Prêtre du Diocèfe
de Séez à la charge de 2000. livres de
penfion ; fçavoir , 1500 liv. à M. Remy de
Sautereau , Clerc Tonfuré du Diocèfe de Grenoble
, & eo liv. à M. Henry Lucas , Prêtre
du Diocèfe de Paris.
>
L'Abbaye Commandaraire de S. Jean d'Angely
, Ordre de S. Benoît , Diocèse de Saintes' ,
vacante par le décès du dernier Titulaire , en
faveur de l'Abbé de Pezé , Prêtre du Diocèſe
du
1890 MERCURE DE FRANCE .
du Mans , & Aumônier de S. M. à la charge
de 1800. liv . de penfion , en faveur de M. Jean-
Baptifte de Caltelänne , Diacre du Diocèfe de
Poitiers.
L'Abbaye de Ferrieres , Ordre de S. Benoît ,
Diocèfe de Poitiers , vacante par le décès de
M. Ballon , dernier Titulaire , en faveur de
M. Pierre Jacques de la Boifiere , Prêtre du
Diocèfe de Bayonne,
L'Abbaye de Belle -Etoille , Ordre de Prémontré
, Diocèle de Bayeux , vacante par le
décès de M. de Villelongue , dernier Titulaire ,
en faveur de M. Jean - Gedeon Thinet d'Armouville
, Clerc Tonfuré du Diocèfe de Paris
& Chevalier Clerc de l'Ordre Militaire de
S. Louis.
L'Abbaye de N. D. de Chartres , Ordre de
S. Auguftin , Diogèfe de Saintes , vacante par
le décès du dernier Titulaire , en faveur de
M. de Beingues.
L'Abbaye Reguliere de S. Leger,Ville & Diocèfe
de Soiffons , Ordre de S. Auguftin , vacante"
par le décès du Pere Colas , dernier Titulaire ,
en faveur du Pere Antoine - Mathurin Niceron,
Prêtre, Chanoine Régulier de la Congrégation
de fainte Geneviève , à la charge de 400 liv. de
penfion pour le fieur Vicaire , Prêtre & Curé
de faint Etienne de Caën .
L'Abbaye de Montreuil , Ordre de Cîteaux,
Diocèle de Laon , vacante par le décès de la
Dame de Beaufort , en faveur de Dame Marie
Angelique Louife . Eugenie d'Estampes , Religieufe
Bernardine .
L'Abbaye de Fontaine-Jean , Ordre de Cîreaux
, Diocèſe de Sens , à l'Abbé Mehée
d'Auqueville..
MORTS
A OUT. 1728. 1891
MORTS, MARIAGES
Mc
·
R Pierre - Philippe Jacques de Vitry ,
Chevalier, Seigneur de Dorcher, mourug
â Paris le 25. Juillet , âgé de 44. ans , 11 mois,
François Rouxel de Medavy , Marquis de
Grancey , Lieutenant General des Armées du
Roi & Gouverneur des Villes & Citadelles de
Dunkerque , mourut le 30. Juillet , ne laiffant
point d'enfans de for mariage avec Dame N.
de Bethune , fille de Louis Comte de Bethune ,
Brigadier des Armées du Roy , Gouverneur
de la Ville & Château de Romorantin , & c.
& de Dame N. de Harcourt , foeur du feu Maréchal
Duc de Harcourt. Rouxel de Médavy ,
& c. porte d'Argent à trois Cogs couronnez de
gueules , deux & un.
Dame Geneviève - Philippe Pietre , veuve de
Charles , Comte d'Aubigné , Chevalier des
Ordres du Roy , Gouverneur pour S M du
haut & bas Berry , mourut à Paris le 4. de ce
mois , âgée de 66. ans.
Martin de Morvilliers , de la Paroiffe d'Hefcamps
, Diocèse d'Amiens , y mourut le 9.
ce mois dans fa 110e année.
de
Jean - Armand Dulan , Chevalier , Comte
Dattemand , mourut le 14. Août , âgé d'envi-
Ion 15. ans.
M. François Hebert , Evêque & Comte d'Agen
, mourut à Paris le 20. du même mois ,
âgé de 78. ans.
Le même jour , Louis- François de Rouxel
de Medavy , Comte de Grancey , Chef d'Efcadres
des Armées Navales de Sa Majefté , mourut
à Paris , âgé de 61 ans & demi .
Le 13. Juillet , Guy Michel de Durford de
Lor1892.
MERCURE DE FRANCE .
Lorges , Duc de Durfort , Meftre de Camp de
Cavalerie , fils mineur, âgé de 23. ans , de Guy
de Durfort , Duc de Lorges , Comte de Quintin
, & de Dame Elizabeth- Genevieve de Chamillart
, époufa Dame Elizabeth- Philippine de
Poitiers , fille mineure de Ferdinand de Poitiers
, de Rye & d Anglure , Comte de Poitiers
& de Neuf- Châtel , & c . & de Dame Marie-
Geneviève Henriette Gertrude de Bourbon, de
Melauze , Marquife de Montpezat , Comteffe
Douairiere de Poitiers. Le Celebration de ce
Mariage fut fait avec beaucoup de folemnité
& en prefence d'un grand nombre de perfonnes
de qualité.
On a parlé tant de fois dans differentes occafions
de l'ancienne & illuftre Maifon de Durfort
qui tire fon origine des anciens Cadets de la
Maifon de Foix , que nous ne repeterons point
ici ce qui a déja été dit fur fon illuſtration ;
c'eft une des meilleures de Gascogne , & qui a
de plus grandes alliances.
Celle que le Duc de Lorges vient de faire , en
mariant le Duc de Durfort , fon fils ainé , avee
Me de Poitiers , n'eft pas moins confiderable ,
tant par la naiffance que par les grands biens de
cette Dle,qui jouit à prefent enFranche - Comté
de soooo.liv de rentes dans les plus belles Terres
du Royaume , & 25000. liv . de rentes qui lui
reviendront encore après la mort de la Comteffe
de Poitiers fa mere.
Tout le monde fçait que les Comtes de Poitiers
ont toujours été regardez comme les plus
grands Seigneurs de Franche- Comté , par l'ancienneté
de leur naiſſance , ainfi l'on peut dire
que jamais Mariage n'a été mieux afforti.
Les nouveaux Epoux étoient déja fort proches
parens , la grande- mere de la Comteffe de
Poitiers , étant foeur de feu Mrs les Maréchaux
de Lorges & de Duras.
Le
1
"
A OUT. 1728. 1893
Le Lundi 12. Juillet dernier , les plus proches
parens du Duc de Lorges , qui font
Mrs de Duras , de Bouillon , de la Trimouille
& de Roucy , furent invitez de le trouver à s ,
heures après midi à l'Hôtel d'Evreux , Fauxbourg
S. Honoré , que le Duc de Lorges avoit
emprunté du Comte d'Evreux pour y celebrer
le Mariage , fon Hôtel étant trop petit pour y
pouvoir contenir les tables neceffaires pour la
quantité de Seigneurs & de Dames qui y
étoient invitez.
A l'heure marquée on commença parla
fignature du Contract , après laquelle la Mufique
, placée dans un Sallon , ie fit entendre,
Les Seigneurs & Dames allerent s'y placer ,
à l'exception de ceux qui aimerent mieux refter
dans les autres Apartemens , où il y avoit
differentes tables de jeux,
Le fieur Mouret , très habile Muficien , que
le Duc de Lorges avoit chargé du foin de la
Mufique, avoit choifi plufieurs beaux morceaux
de differens Opera , qui furent executez dans
la derniere perfection par les meilleurs Acteurs
& Actrices de l'Opera , fur tout les Diles
Antier & Hermens s'y diftinguerent d'une maniere
à charmer tous les Auditeurs . La Mufique
finit par un Choeur du Balet de l'Europe
Galante , dont voici les paroles :
Tendres Amans , raffemblons - nous ,
Dans ces lieux que l'Ameur apprête ;
Quel plaifir peut être plus doux ?
S'il fe trouve ici des jaloux ,
L'Amour ne les amene que pour les tromper
tous,
Après
1894 MERCURE DE FRANCE .
Après le Choeur , l'on entendit fous les fenêtres
dans le Jardin , un Tambourin , fuivi d'une
troupe de Mafques,danfans le long de la Terraffe.
Cette Troupe entra dans le grand Sallon &
compofa un Balet charmant , qui fut fuivi de
quantité de danfes les plus brillantes que le
fieur Blondy , chargé du foin du Balet , fit executer
par tout ce qu'il y avoit de meilleurs
Danfeurs & Danfeufes de l'Opera. Les D les
Camargo & Sallé s'y furpafferent , toute la
Compagnie en fut enchantée , ainfi que des
fieurs Blondy , du Moulin & Laval .
Le Comte de Duras & le Chevalier de Lorges
, danferent auffi plufieurs Entrées , qu'on
trouva très- bien pour leur âge. Le Balet finit
par une contre-danfe de tous les Maſques , au
fon du Tambourin. Cette legere Troupe fortit
en danſant par la même porte, & laifla dans
un contentement parfait toute l'illuftre Affemblée
, qui fut auffi agréablement qu'inopinément
furpriſe de voir tout d'un coup le beau
Jardin de l'Hôtel d'Evreux illuminé de la maniere
la plus ingenieufe & la plus galante.
Ce fpectacle admirable attira pendant route
la nuit dans les allées du Roule & des Champs
Elifees, une quantité prodigieufe de Carroffes ,
dont la multiplicité des flambeaux , dans leurs
mouvemens lents ou rapides , qu'on voyoit au
travers des arbres , faifoit un nouveau fpectacle
des plus finguliers. Il fembloit que le tems
avoit pris plaifir à donner un nouvel éclat à
cette magnifique Fête , par le calme qui regnoit
dans une nuit très noire.
A dix heures , le fieur Gondart , ancien &
fameux Maître - d'Hôtel de feu M. le Premier
Prefident de Mefmes , que le Duc de Lorges
avoit charge de l'ordonnance du Feftin , vint
avertir qu'on avoit fervi . A l'inftant quatre
grandes
A OUT. 1728. 1895
grandes Arcades , qui donnent dans une Salle
magnifique , s'ouvrirent , & on la trouva iuperbement
éclairée. Il y avoit au milieu une
table en long de vingt- cinq couverts ; la magnificence
du fervice & de la vaiffelle furprit
extrémement , ily eut double fervice d'Entrées ,
& d'entre-mets ; les meilleurs Cuifiniers de
Paris s'y furpafferent par des Ragouts nouyeaux
, & d'un gout exquis; & les Officiers les
imiterent pour la fomptuofité & la délicateffe
dú Deffert, & c . Mais l'impatience que le Duc de
Lorges avoit de conduire les nouveaux Mariez
à l'Eglife , & de voir la derniere conclufion
d'une alliance qu'il y avoit fi long- temps
qu'il defiroit , empêcha que l'on ne vit une
des plus belles chofes & des plus fingulieres
de ce fuperbe Feltin ; c'étoit tout un Service
de Sorbet glacé , reprefentant toutes fortes de
Fruits , & dans lefquels tous les gouts étoient
flatez . On ne donna pas le temps de les fervir ,
le Duc de Lorges ayant prié les Convives
d'abreger. Ce Service qui étoit entierement
de la faifon , car il faifoit fort chaud , fut abandonné
à la foule du monde qui avoit été attiré
pour voir la Fête , & que les Suiffes n'avoient
pû refufer; deforte qu'il y eut plus de 2000 .
perfonnes dans le Jardin & dans l'Hôtel , qui
trouverent , non feulement de quoi le rafraîchir
en Liqueurs de toute efpece , mais bien
plus , il fe forma quantité de tables fucceffivement
, les unes plus , les autres moins nombreufes
, dans l'Hôtel & dans le Jardin , ce qui
reprefentoit en quelque façon aux yeux , une
Comedie pleine de Scenes vives & picquantes
après une pompeufe & grave Tragedie , à quoi
on avoit pû comparer le grand Repas .
Les Dies de l'Opera , qui avoient une t ble
ticuliere dans une des Pieces attenant le grand
I Sallon
1896 MERCURE DE FRANCE.
Sallon , donnerent un nouveau plaifir en chan
tant plufieurs Airs à boire , qui charmerent
tout le monde.
Le Feu d'artifice commença auffi- tôt qu'on
fut forti de table , & il fut auffi galant & aufli
bien imaginé que le refte de la Fête , qui fut
par- la très agréablement terininée , l'Artificier
ayant inventé plufieurs Pieces nouvelles qu'on
n'avoit point encore vues ; entr'autres un
Combat de Dragons , qui fit un plaifir infini
A deux heures du matin on conduifit les
nouveaux Maricz à l'Eglife de S. Rech , que
Pon trouva toute illuminée . Deux Pries Dieu
étoient preparez au bas du Maître Autel pour
les Mariez.
L'Evêque de S. Brieux , ami du Duc de Lorges
, voulut lui en donner une marque , en faifant
la Celebration du Mariage, qu'il commença
par un beau Difcours adreffé aux jeunes
Mariez.
La Ceremonie finie , on les conduifit à l'Hôtel
de Lorges , qui étoit auffi entierement illuminé;
on fit mettre la jeune Ducheffe à fa
Toilette , dans l'Appartement de la Ducheffe
-de Lorges, fa belle mere, qu'elle lui avoit cedé;
& le temps que dura la Toilette ne fut pas
le moins gai de la Fête , s'il en faut juger par
les éclats de rire des Dames qui y affifterent.
Du affure que la nouvelle Duchelle de Durfort
, âgée feulement de 12. ans , qui raflemble
toutes les vivacitez de l'enfance & toutes les
graces de la jeuneffe , y tint des difcours trèsnaits.
Le lendemain , tous les Seigneurs & Dames
vincent à la Toilette de la Mariée ; on alla enfuite
à Paffy , à la Maifon de Campagne de la
Ducheffe de Lauzun , foeur du Duc de Lorges ,
qui donna le Lendemain de la Nôce.
MARIAGE
A QUT. 1728. 1897
MARIAGE du Duc de Bourbon aves
la Princeffe de Hoffe -Rhinfels .
L'
'Illuftre Maifon de Heffe eft divifée
en plufieurs Branches : Heffe- Caffel ,
Heffe- Khinfels , Heffe- Darmſtadt , Heſſe-
Hombourgs , &c . L'ainé de cette Maifon
eft N. Landgrave de Heffe - Caffel , pere
de Frederic 1. Roy de Suede , à préfent
regnant.
•
La Princeffe Caroline , aujourd'hui
Ducheffe de Bourbon , née le 18. Août
1714. eft la troifiéme fille d'Erneft - Leopold
, Landgrave de Heffe - Rhinfels
né le 25. Juin 1684 , & d'Eleonore- Marie-
Anne de Loweſtein , née le 22. May
1688. dont la Famille eft compofée du
Prince Jofeph , fils aîné , né le 23. Septembre
1705.
De la Princeffe Polixene - Chriftine .
Jeanne , époufe du Prince de Piémont
née le 21. Septembre 17 06 .
>
Alexandre François , né le 8. Decembre
1710.
Eleonore-Philippine , née le 1o . Octo .
bre 1712.
Conftantin , né le 2 1. May 1716 .
Chriftine Henriette , née le 24. Novembre
17 17.
-
M. de Fortia , Confeiller d'Etat , char-
I ij gé
1898 MERCURE DE FRANCE.
grave
gé des pouvoirs du Duc de Bourbon ;
étant arrivé à Rotembourg , où le Landde
Heffe - Rhinfels fait la réfidence ,
le 27. du mois de May dernier , il fut
complimenté de la part de ce Prince par
le Baron de Bouchenau , Confeiller Intime
, lequel l'alla prendre le lendemain
dans les Caroffes de la Cour , & le conduifit
à l'Audience du Landgrave , qui le
reçut très - favorablement . M. de Fortia ,
allant à Rottembourg , paffa à Darmſtad ,
où ilcomplimenta le Landgrave Darmftadau
, au fujet de ce Mariage. Le 29. & le
30. on dreffa les Articles du Contrat de
Mariage , & c.
Le Comte de Matignon , Chevalier des
Ordres du Roi , nommé par S. M. pour
fe rendre auprès du Landgrave & de la
Landgrave de Heffe- Rhinfels , à l'occafion
du Mariage du Duc de Bourbon
avec la Princeffe , leur fille , arriva le
23. Juin il eut Audience le lendemain
& partit deux jours après , s'étant acquitté
dignement de fa commiffion , & ayant
reçû tous les honneurs dûs à fon caractere .
Le Contrat de Mariage du Duc de Bourbon
avec cette Princeffe , fut figné à Rotembourg
fur fulde , le 26. Juin , par
M. de Fortia.
Le lendemain , le Prince Alexandre de
Heffe- Rhinfels , à qui le Duc de Bourbon
avoi
A OUT. 1728. 1899
ávoit envoyé la procuration , époufa la
Princeffe , fa foeur . La céremonie fut faite
par
& il y eut à Rottembourg pendant plufieurs
jours des réjouiffances & des fêtes
éclatantes au fujet de cet augufte Mariage
.
Le Vicomte de Tavanes , Chevalier des
Ordres du Roy , Premier Gentilhomme
de la Chambre du Duc de Bourbon , arriva
à Rottembourg le 30. pour complimenter
la nouvelle Ducheffe de Bourbon
le Landgrave & la Landgrave de Heffe-
Rhinfels , & c.
Le 2. Juillet , la Ducheffe de Bourbon
partit de Rottembourg dans les Caroffes
du Landgrave , fon pere , avec une nombreufe
fuite , accompagnée du Prince
Alexandre , fon frere , & de plufieurs Dames.
Elle arriva le s . à Mayence , où la
Princeffe , Doüairiere de Naffau Uzingen
, qui étoit partie de Francfort le méme
jour , la reçût . Le Vicomte de Tavanes
partit de Rottembourg le même jour ,
Juillet pour Caffel , pour complimenter
de la part du Duc de Bourbon le Landgrave
de Heffe-Caffel , comme Chef de la
Maiſon.
2 .
Le 8. la Princeffe arriva à Landau au
bruit d'une triple Salve de Canon , ayane
été reçûë à quelque diftance par le Com .
I iij man1900
MERCURE DE FRANCE .
mandant de la Place . S. A. S. en partit
le 1 o . pour Strafbourg , où elle arriva le
même jour , au bruit de plufieurs Salves
de l'Artillerie , & avec les honneurs accoûtumés
. Elle fut complimentée de la
part du Duc de Bourbon , par le Vicomter
de Tavannes , Chevalier des Ordres du
Roy , qui préfenta à Madame la Ducheffe
les Dames qui doivent être auprès d'elle ,
& les Officiers deftinés à la fervir.
Le 12. cette Princeffe partit de Strafbourg
dans les Equipages du Duc de
Bourbon , & continua fa route par Saverne
, Mets , & c .
Le 21. Juillet , la Ducheffe de Bourbon
Douairiere , arriva après midy au Château
de Sarri , Maifon de plaifance de
l'Evêque Comte de Châlons , fituée à
une lieuë de cette Ville. Le Duc de Bourbon
, le Comte de Charolois & le Comte
de Clermont y arriverent le foir.
Le 22. après midy , la Ducheffe de
Bourbon arriva à Notre Dame de l'Epine ,
Village à deux lieuës au - delà de Châlons ,
efcortée par un détachement du Régiment
Dauphin , Dragons , à la tête duquel étoient
trois Capitaines ; le Marquis de Vaffé qui
en eft Meftre de Camp s'y trouva. A quelque
distance de cet endroit , la Ducheffe
de Bourbon , Doüairiere , le Duc de
Bourbon , le Comte de Charolois & le
Comte
AOUT. 1728 ngor
Comte de Clermont , qui étoient montés
en Caroffe pour aller recevoir cette Princeffe
, mirent pied à terre , & dans le moment
la Ducheffe de Bourbon defcendit
de fon Caroffe avec le Prince Alexandre ,
fon frere , la Marquife de Carman , fa
'Dame d'Honneur , la Comteffe d'Aubeterre
& la Marquife de Rouflillon , fes
Dames de compagnie . La Ducheffe de
Bourbon vint faluer la Ducheffe de
Bourbon , Douairiere ; le Duc de Bourbon
, le Comte de Charolois , & le Comte
de Clermont & quelques autres Seigneurs
eurent auffi l'honneur de la faluer
, étant préfentés par la Ducheffe
Douairiere de Bourbon. Enfuite le Duc
& la Ducheffe de Bourbon monterent
dans le Caroffe de la Ducheffe de Bourbon
, Douairiere , & ils arriverent vers
les fix heures du foir à Sarri , où l'Evê--
que de Châlons les reçût avec beaucoup
de magnificence.
Toute cette illuftre Compagnie fut
dans l'admiration des graces , de la beauté
, des manieres nobles & engageantes ,
& de l'efprit de la jeune Ducheffe de
Bourbon , qui n'a pas encore 14. ans accomplis
.
Le Duc de Bourbon remercia les Trou
pes , & retint le Marquis de Vaffé à fouper
il fit donner une épée d'or au Capi-
I iiij taine
1902 MERCURE DE FRANCE.
taine qui commandoit le Détachement ,
& une Tabatiere d'or à chacun des deux
autres Capitaines. On fit diftribuer auffi
une gratification à chaque Dragon . On a
exercé la même generofité , par les ordres
du Duc de Bourbon , à l'égard des autres
Troupes qui fe font trouvées fur le paffage
de la Ducheffe de Bourbon.
Avant le fouper il y eut promenade dans
les agréables jardins de Sarri , & plufieurs
Tables de jeu dans les Appartemens . La
Ducheffe de Bourbon , Douairiere , fit
préfent à la Ducheffe de Bourbon d'un
Collier , d'un Bracelet & de Boucles d'oreille
d'un très-grand prix . On fe mit à
table à dix heures. Ce repas fut des plus
fomptueux.
Vers les deux heures du matin , M. de
Tavannes , Evêque de Châlons , en habits
Pontificaux , donna la benediction
Nuptiale aux Auguftes Epoux dans la
Chapelle de Sarri , & prononça un trèsbeau
Difcours. La Meffe fut célebrée par
M. de Vaux , fon Grand- Vicaire .
La Ducheffe Douairiere de Bourbon ,
le Duc & la Ducheffe de Bourbon , féjournerent
le 23. à Sarri , d'où la Ducheffe
de Bourbon partit le lendemain
pour le rendre à Chantilly.
Elle arriva à Meaux le 27 , & le 28. à
Dammartin , qui appartient au Duc de
BourA
OUT. 1728.
1903
8
Bourbon. Elle fut complimentée fur la
route par le Pere Cavilier , Superieur des
P P. de l'Oratoire du College établi à
Juilli , à la tête de la Communauté , &
fuivi de tous les Penfionnaires au nombre
de plus de 300. dont plufieurs haránguerent
la Princeffe en Latin , en François
& en Allemand ; S. A. S. les reçût trèsgracieuſement.
Les habitans de Dammartin reçurent'
la Ducheffe de Bourbon avec toutes les
démonftrations poffibles de joye & de:
respect.
Le 29. Juillet , la Ducheffe de Bour
bon étant partie de Dammartin à deux
heures après midy , M. de Sarobert , Capitaine
de Chantilly , avec fon Lieutenant
& 24. Gardes , alla audevant de S. A. S.
jufqu'à une lieuë de Dammartin , & après
avoir été préſenté par la Marquife de Carman
, fa Dame d'Honneur , il conduifit:
la Princeffe par les routes de la Forêt d'Ermenonville
jufqu'à celle de Chantilly , à
l'entrée de laquelle on trouva une Compagnie
de 60. hommes de la Bourgeoifie
de Chantilly , très- leftes & bien montés
, précedés de Timbales , Trompettes
& Haut bois
1
La Ducheffe de Bourbon fut reçûë à
une lieuë & demie de Chantilly par las
la: Ducheffe Douairiere de Bourbon , le
I»y® Due
1904 MERCURE DE FRANCE .
Duc de Bourbon , le Comte de Charo
lois , le Comte de Clermont , Mademoifelle
de Charolois , Mademoiſelle de
Clermont , accompagnés d'un grand nombre
de Seigneurs & de Dames de la premiere
qualité , qui s'étoient rendus au
Château de Chantilly . Cette illuftre &
brillante Compagnie étoit partie en Caroffes
à fix & à huit Chevaux, & partie en
Caleches découvertes .Ce fuperbe & nombreux
Cortege étoit fuivi de tous les Gentilshommes
attachés à la Maifon de Condé,
& de la Nobleffe des environs de Chantilly
, très - bien montés & très- leftes.
Au lieu de la rencontre , tout le monde
mit pied à terre , & après les embraffemens
& quelques momens d'entrevuë , la
Ducheffe de Bourbon monta dans la Caleche
de la Ducheffe de Bourbon Doüairiere
, qui fut ſuivi de tout le Cortege
& on arriva par la Table au Château de
Chantilly , au bruit d'une triple Salve de
toute l'Artillerie.
La Ducheffe Douairiere de Bourbon , conduifit
la jeune Ducheffe de Bourbon , accompagnée
des Princes , Princeffes & de
toute cette fuperbe Cour , dans le grand
Appartement . Elle y reçût tout le monde
avec dignité , avec une douceur & une
affabilité, qui lui gagnerent les coeurs de
Outes les perfonnes qui eurent l'honneur
de
*
C
A OUT. 1728. 1905
de l'approcher : elle témoigna à plufieurs
repriſes fon contentement & fon extrême
fatisfaction.
Il y eut le foir grande illumination au
Château , & on dreffa dans la grande Anti-
Chambre deux Tables de 25. couverts
qui furent fervies avec la plus grande magnificence.
Après le fouper , on mena la
Ducheffe de Bourbon au petit Château ,
dans le nouvel Appartement qu'on lui
avoit préparé , où elle coucha .
Le lendemain , M. de Sarrobert fignala
fon zele & fon attachement par un Fête
auffi galante qu'ingenieufe , elle fut generalement
applaudie. A cinq heures du
foir , une nombreuſe troupe , affemblée
dans la Galerie des Cerfs , diviféc en
fix Quadrilles , fe mit en marche , traverfant
l'Orangerie , pour fe rendre au
Château par la principale porte , dans
l'ordre fuivant.
La premiere Quadrille étoit compofée
de la Compagnie Bourgeoife à pied , avec
leurs Trompettes , Haut-bois , &c . Elle
fut préfentée à la Princeffe par M. de Sarrobert
, qui fit le Difcours fuivant.
MADAME ,
Nous venons témoigner à V. A. S. notre
joye fur fon heureufe arrivée : nos voeux
I vi font vj
19.06 MERCURE DE FRANCE . '
font à moitié accomplis par le Mariage
que vous venez de contracter avec votre
Augufte Epoux. Dien nous faffe la grace
de les voir accomplis par une heureuſe fecondité.
Nous vous reconnoißons , Ma.
dame, pour notre Maîtreffe. Nous vous
ferons fidelement & inviolablement attachés
toute notre vie , avec tout le zele
& le refpect imaginable. Voici le peuple
de ce lieu qui vient vous rendre fes hommages
, & vous préfenter fes petites of
frandes.
Le S. Paquereau , reprefentant le Magifter
de Chantilly , parla en ces termes :
MADAME ,
Les grandes joyes font muettes , ainfi
que les grandes douleurs ; ce n'eft donc
que par leur filence que les habitans de
Chantilly peuvent exprimer la joye qu'ils
reßentent , en apportant leurs hommages
aux pieds de V. A. S. Puiffiés- vous , Madame
, en comblant de bonheur votre Augufte
Epoux, jouir l'un & l'autre pendant
une longue fuite d'années de la felicité la
plus parfaite.
La feconde Quadrille étoit composée
des Bourgeoiles de Chantilly, qui , après
avoir eu l'honneur de faire la réverence
à la Princeffe , lui préfenterent divers Pâtés
2
A OUT. 1728 1907
tés , Gâteaux , Baignets & autres fortés
de pâtifferie de leur façon.
?
Les Jardiniers formoient la troifiéme
Quadrille . Ils avoient à leur tête le fieur
Charpentier , habillé en Jardinier , & le
fieur Dangui , l'aîné , habillé en Payfan ;
l'un jouant de la Mufette , & l'autre de
la Vielle . Le Jardinier de l'Orangerie
offrit dans une Corbeille un fuperbe
Bouquet , entouré de plufieurs autres pluspetits
très -artiftement compofés . Les
autres Jardiniers vinrent enfuite préfenter
leurs offrandes , qui confiftoient , fçavoir
, en fept grandes Corbeilles remplies
de Melons , de Figues , de Bigareaux ,
d'Abricots , de Mures , de Pêches & de
Prunes ; & en douze autres grandes Corbeilles
, remplies d'Oranges , de Citrons ,
de Concombres , d'Artichaux , de Salades
; les deux dernieres étoient rempliesde
toutes fortes de légumes .
Le fieur Charpentier , accompagné par
le fieur Dangui , chanta ces deux Couplets.
On trouvera l'Air du premier , qui
eft du fieur de la Vigne , noté au bas de
la Chanfon gravée , pag. 1839.
Ces enfans des Pleurs de l'Aurore ,
Ces Fruits & ces brillantes Fleurs ,
Rréfens de Pomone & de Flore ,
Cedent
1908 MERCURE DE FRANCE.
Cedent à vos vives Couleurs :
En ces lieux tout vous rend hommage ,
Recevés notre foible encens ,
Et que des plaifirs fans nuage ,
Soyent le partage de vos ans.
Second Coupletfur l'Air du Branle
de Metz .
Dans ces lieux tout vous adore
A vos yeux tout vient s'offrir
Les Fruits font prompes à meurir,
Les Fleurs s'empreffent d'éclore.
Fruits charmans , aimables Fleurs ,
Renaiffés à chaque Aurore ,}
Fruits charmans , aimables Fleurs ,
Secondés nos tendres coeurs.
Vingt -quatre jeunes filles de Chantilly
habillées de blanc , ornées de Bouquets &
de Guirlandes de fleurs naturelles , tenant
des feftons de fleurs , formoient la
quatriéme Quadrille . Elles avoient à leur
tête le fieur de la Vigne en Berger , jožant
de la Mulette. La premiere chanta le
Couplet fuivant , fur l'Air : Vous qui
vous mocqués de nos ris.
Venés
A OUT. 1728. 1909
Venés regner fur tous les coeurs
Dans ce riant Bocage ;
Par ces Guirlandes , par ces Fleurs ,
Jugés de notre hommage.
De l'innocence de nos moeurs ›
Vous y voyés l'image .
Après ce Couplet , ces jeunes perfonnes
formerent un double rond , danferent
au fon des Mufettes , & fe rangerent
enfuite à l'autre bout de la Salle .
La Dame Baptifte , Gouvernante de la
Laiterie , accompagnée du fieur Dangui ,
le jeune , habillé en Payfan , joüant de
la Vielle , paroiffoit à la tête de la cinquiéme
Quadrille , fuivie de 22. filles
de la Menagerie , vêtues de blanc , &
ornées de quantité de rubans de diverfes
couleurs. Les garçons de la Menagerie
galamment habillés , venoient après . Les
uns & les autres firent leurs préfens , fçavoir
, la Dame Baptifte portoit deux douzaines
d'Ortolans dans une Corbeille artiftement
ornée de fleurs & de rubans.
En l'offrant à la Princeffe , elle chanta
ce Coupler fur l'Air Ton humeur eft
Catherine , & c .
La Déeffe d'Erycine
Per1910
MERCURE DE FRANCE.
Permettoit à tous Mortels ,
Pour lui fonder fa Cuifine ,
D'orner ainfi fes Autels :
De même qu'à la Déeſſe ,
J'offre à vos jeunes attraits ,
Notre commune allegreffe ,
Et les coeurs de vos fujets .
M. de Sarrobert le fils , âgé de dix ans,
portoit une cage remplie de petits Oifeaux,
qui s'envolerent tous dans l'inftant qu'il
les eut prefentez à la Princeffe. Un autre
jeune garçon conduifoit un Agneau blanc ,
orné de quantité de rubans. Quatre gar
çons de la Ménagerie , portoient un Veau
gras tué & bien paré , dans une grande
Corbeille. Les quatre premieres filles qui
venoient enſuite , portoient la tête du
Veau , la freffure , la fraiſe & les pieds.
Les autres portoient , fçavoir , une corbeille
remplie de petits Pains de Beurre ,
comme ceux de Vanves , un gros
ge blanc à la crême , deux autres efpeces
de Fromage caillé, à la Royale , deux grands
Vafes de Porcelaine pleins de Crême , fix
Canetons , comme ceux de Rouen , deux
Dindons vivans , d'un plumage extraordinaire
, deux autres Dindons de differen-
Fromatea
A OUT. 1728. 1918
>
deux
tes couleurs , un panier de Pigeonneaux
tuez deux Dindons gras tuez ,
Oifons , fix Poulets en vie , quatre Poules
graffes, des Tortues en vie,deux Cochons
de lait , en vie , fix Tourterelles , & c .
Suivoient fix Gardes - Chafes , dont
deux portoient un grand Faon de Chevreuil
, tué ; deux autres , une corbeille
remplie de 24. Lapreaux & de fix Levreaux
, & les deux derniers , une autre
corbeille où il y avoit 2 4. Perdreaux , 1 2.
Faifandeaux , 12. Cailles & 4. Alebrans.
Après toutes ces offrandes faites à la
Princeffe , le St de la Vigne chanta ce
Coupler , fur l'Air du Cotillon.
On voit dans ce charmant féjour ,
L'Hymen & les Ris , les Jeux & l'Amour ,
Pour rendre cette Fête complette ,
Bacchus en ce jour,
Avec nous entonne à fon tour :
On voit dans ce charmant féjour ,
L'Hymen & les Ris , les Jeux & l'Amour.
Immédiatement après ce Coupler , les
Vielles & les Muzettes joüerent le même
Air , fur lequel on danía très-gayement .
Les jeunes filles en Guirlandes , formerent
encore un double rond & tout le reste de
cette bande joyeuſe ſe ſignala par d'autres
danfes
1912 MERCURE DE FRANCE .
danfes extrémement vives & legeres.
Le Magifter de Chantilly , fuivi de fest
Ecoliers & de fes Ecolieres , ayant chacun
un bouquet à la main , étoit à la tête de
la 6 ° Quadrille. Après les reverences faites
à la Princeffe , Sr Paquereau , qui reprefentoit
le Magifter , chanta fur l'Air:
Qand Iris prend plaifir à boire.
Sur vos pas à l'envi tout vole ,
Ecoliers & Maître d'Ecole ;
Tour à tour nous nous empreffons.
La même ardeur pour vous nous intereffe.
Pour moi dans toutes mes leçons ,
J'infpire à ces jeunes garçons ,
Un zele ardent pour leur Princeffe.
Après ce Couplet , M. de Sarrobert
ouvrit le Bal , au fon des Vielles & des
Mufettes . Enfuite la Fête , de particulie
re devint generale , le Duc de Bourbon ,
les Ducheffes de Bourbon , les Princes
les Princeffes , les Seigneurs & les Dames,
danferent à leur tour. La jeune Ducheffe
de Bourbon & le Prince Alexandre , fon
frere , danferent une Allemande avec une
juſteffe & des graces qui charmerent tout
le monde. Après quoi les garçons & les
filles qui compofoient les Quadrilles ,
s'emparerent de la Salle du Bal & danſe .
rent
A OUT. 1728. 1913
rent très long-temps . Les rafraîchiffemens
de toute elpece , étoient abondamment
diftribuez , & c. Cette galante Fête fut terminée
à la fatisfaction de tout le monde.
M. de Sarrobert avoit préparé pour le
lendemain Dimanche premier Août , une
nouvelle Fête , que le mauvais temps fit
remettre au Lundy .
On avoit élevé 12. Portiques ornez de
feuillages , fur la grande Terraffe de la
grande Cour du Château , 6. du côté du
grand Efcalier qui regarde le grand Parterre
, & 6. du côté de la Rampe qui fait
face à l'Avenue de Paris , vis - à- vis les uns
des autres.
Dans les Portiques du milieu , on voyoit
fur une platteforme de 15. pieds d'éleva
tion , deux Fontaines de Vin jailliffantes
de 7. pieds de haut. Un bel Oranger en
caiffe , chargé de fruits , faifoit la féparation
des deux Fontaines , dont le Vin tomboit
, à la grande fatisfaction des yeux &
des gofiers alterez , dans des Baffins de
plomb de 5. pieds en quarré ; il y avoit
à chacun un robinet , autour duquel le
concours des flacons , &c . n'étoit pas
médiocre.
Dans chacun des autres Portiques , on
avoit pratiqué deux efpeces de Boutiques ,
où l'on voyoit un étalage charmant &
folide, pour les gens de bon appétit.Cette
grande
1914 MERCURE DE FRANCE :
grande profufion de Vitouaille , confiftoit
en Pains de plufieurs efpeces & en toutes
fortes de viandes rôties. 2 4 Ecuyers -Tranchans
, galamment vêtus pour cet office ,
étoient prépofez pour faire la diftribution
des vivres , trois à chaque Bureau , ce qui
compofoit 8. Atteliers , où perſonne n'étoit
oifif.
Le plaifir de boire & de manger n'étoit
pas le feul qu'on avoit préparé à la foule
du monde dont toutes les Cours du Château
de Chantilly étoient pleines . Outre
12. Jeux de Quilles , on avoit pratiqué
4. Salles de verdure avec des Inftrumens
vis à - vis les 16. Fontaines de Vin . Les
danles s'ouvrirent à 4. heures après midi ,
au premier fignal de la Fête , qui fut don
né
par deux falves de 24. pieces de Canon
& de 36. Boëtes. Ce fut alors auffi
que le Vin commença à couler abondamment
, que les Ecuyers - Tranchans eurent
de l'occupation , & que tout fut animé à
un point qu'on ne peut pas décrire.
Ce fpectacle fit un extrême plaifir aux
Princes , Princeffes & à toute l'illuftre
Compagnie qui étoient aux fenêtres du
Château. Les danfes , furtout , amuferent
infiniment par leur diverfité & la fingularité
de leur execution . Les jeunes gens de
l'un & de l'autre fexe qui les compofoient,
étoient fort leftes , prefque tous habillez de
de
A OUT. 1728. 1915
blanc, avec quantité de rubans & de fleurs.
Cependant , le Vin qui couloit à grands
flots , augmentoit la gayeté de la Fête , la
bonne humeur étoit generale , & après
maints Difcours & maintes Chanfons Bacchiques
, mêlées d'acclamations & de fou.
haits
pour la profperité du Duc & de la
Ducheffe de Bourbon , on vit plus d'un
Sancho - Panía dans l'état du plus parfait
contenteinent, fatigué de babil & de bonne-
chere , ceder aux douces vapeurs du
fommeil . On en trouva en cet état une
très- grande quantité fur les Terraffes &
dans les Jardins.
. Cette Fête qu'on peut appeller charmante
, par le beau defordre , par la fingularité
& par la varieté des Tableaux , dura
jufqu'à la nuit ; mais vers les 6. ou 7 .
heures , c'eft- à- dire dans le temps le plus
tumultueux de la Fête , M. de Sarrobert
vint prendre l'élite des Danfeurs & des
Danfeufes qu'il fit entrer dans la Salle du
grand Appartement , où un nouveau Bal
le forma au fon des Vielles & des Muzettes.
La jeune Ducheffe de Bourbon ,
qui en fut avertie , quitta le Jeu, & y vinc
avec toute fa Cour . Elle y danfa avec les
autres Princes & Princeffes jufqu'à huic
heures , qu'on fat fe promener en Caleche
découverte.
Après le fouper , on vit un fpectacle
très-éclatant ; c'étoit le Parterre de l'O1916
MERCURE DE FRANCE .
rangerie , dont les Compartimens étoient
entierement illuminez par des Terrines
qui en marquoient tout le deffein . A minuit
on entendit une falve de l'Artillerie .
Ce fut le fignal du Feu d'artifice qui commença
aufli- tôt & qu'on trouva auffi magnifique
que
bien executé. Il commença
parune très -grande quantité des plus grolfes
fufées , après quoi la Piece- d'eau parut
toute en feu , par la quantité des Balons
d'eau , des Dauphins , des Pots - à- feu ,
Girandoles , & c. Ce magnifique fpectacle
fut terminé par une grande Girande.
Le Mardy 3. on prit le divertiffement
de la Chaffe & de la promenade . La Duceffe
de Bourbon alla voir la Ménagerie
& la Fontaine Minerale .
Le 4. les Officiers & Domestiques de
S. A. S. reprefenterent dans une Salle du
grand Appartement , la Comédie de Dom
Japhet d'Arménie , qui fut fort applaudie.
Le 5. il y eut Chaffe du Cerf; tout l'Equipage
étoit habillé de neuf ce jour -là ,
toutes les Princeffes y allerent. La Ducheffe
de Bourbon , en habit de Chaffe ,
auffi riche que galant , vit la mort du
premier Cerf aux Etangs , le Duc de
Bourbon lui en prefenta lui- même le pied.
On prit un fecond Cerf , & le foir , on
donna aux flambeaux , avant le fouper le
fpectacle de la Curée des deux Cerfs , au
fon des Cors , & c,
AOUT, 1728.
1917
La Ducheffe de Bourbon , qui a paru
charmée des Fêtes qu'on lui a données ,
& des magnificences de Chantilly , en
paitit le 9. de ce mois , pour Paris , & arriva
à 6. heures du foir à l'Hôtel de Condé
, où elle fut reçûë avec de grandes démonftrations
de joye . Cette Princeffe alla à
Verfailles le 14 de ce mois, accompagnée
de la Ducheffe de Bourbon Douairiere ,
de toutes les Princeffes de la Maifon deCondé:
elle fut prefentée au Roy & à la Reine,
qui la reçurent très-gracieufement,
P
TABLE.
&
Ieces fugitives . Apelles & Protogene, & c.
1705
Lettre du P. Emanuel de Vivier , aux Auteurs
des Mémoires de Trévoux ,
Idylle ,
Lettre fur les affaires de Perfe ,
1716
1722
1726
Lettre du Grand- Vifir au Pacha d'Alep , 1728
Sur mon Procès , Vers ,
Deuxième Lettre fur la Ville & les Seigneurs
6
de Coucy ,
Sonnet fur le néant , &c.
Lettre fur des corps en entier ,
Ode ,
Eloge du P. Daniel , Jefuite ,
Le triomphe de la Croix , Ode ,
1739
1740
1757
1758
1770
1775
1780
Remarques fur le Paradoxe propofé aux Géometres
, 1785
Explication des Logogrifes & Enigmes , 1791
Réponſe du P. Caftel à M. de Fontenelle , 1796
Enigmes & Logogrife , 1803
Nouvelles Litteraires des B aux Arts , & c.
Traité de la vraie & de la fauffe ſpiritualité ;
1805
1809
Mariage & Generation des fleurs , & c.
Traité des Liqueurs , Elprits ou Effences, & c.
1813
Satyres de Regnier , nouvelle Edition , 1825
Lettre de l'Electeur de Mayence ,
Extrait d'une Lettre d'Italie ,
Tremblement de Terre , & c.
1829
1830
1832
Le Corps de S. Auguftin retrouvé , & c. 1824
Chanfon notée ,
Spectacles ,
La Princeffe d'Elide , Extrait',
1833
Ibid
1840
La Princeffe d'Elide , Balet , P'Opera Comique
,
Concert aux Thuilleries , & c.
1857
1859
Nouvelles du Tems , de Turquie & de Ruftie ,
1860
1863
De Pologne , d'Allemagne ,
Entrée folemnelle de l'Empereur à Gratz , 1866
D'Italie , d'Eſpagne & de Portugal , Grande-
Bretagne , & morts étrangeres , 1869
France,Nouvelles de la Cour,de Paris , & c. 1877
Nouveau Reglement pour l'Ordre de S. Michel
,
1881
Confrerie de N. D. aux Seigneurs , Prêtre & c.
1886
Benefices donnez
Morts & Mariages ,
1889
1891
Mariage du Duc de Bourbon, 1897
Fautes à corriger dans ce Livre.
Page 1768.1. 14. excede , lifex exhale.
P. 1769. après la dre ligne , lifez cette
datte , à la Ville d'Eu , le premier Avril 172 8.
P. 1824.1 3. Colandar , I. Colandon.
P. 1839. 1 13. l'avoir , l. la voir.
L'Air noté doit reg arder la page 1839
MERCURE
!
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT.
SEPTEMBRE . 1728 .
QUE
COLLI
COLLIGIT
STARGITS
Chez
A PARIS ,
R
GUILLAUME CAVELIER , në
S. Jacques , au Lys d'Or.
LA VEUVE PISSOT, Quay de Conty,
à la defcente du Pont Neuf , au coin
de la rue de Nevers , à la Croix d'Or .
JEAN DE NULLY , au Palais,
à l'Ecu de France & à la Palme..
M. D C C. XXVIII.
Avec Approbation & Privilege du Roi
LADE
A VIS.
'ADRESSE generale pour toutes
chofes eft
à M. MOREAU ,
Commis au Mercure „ vis - à - vis la Comedie
Françoife , à Paris. Ceux qui pour leur
commodité voudront remettre leurs Paquets
cachetez aux Libraires qui vendent le
Mercure à Paris , peuvent se fervir de
cette voye pour les faire tenir.
On prie très - inftamment , quand on
adreffe des Lettres ou Paquets par la Pofte,
d'avoir foin d'en affranchir le Port ,
comme cela s'eft toûjours pratiqué , afin
d'épargner , à nous le déplaifir de les
rebuter , & à ceux qui les envoyent ,
celui , non- feulement de ne pas voir
paroître leurs Ouvrages , mais même de
les perdre , s'ils n'en ont pas gardé de
copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de
la premiere main , & plus promptement ,
n'auront qu'à donner leurs adreſſes à M.
Moreau , qui aura foin de faire leurs pa-
& de les faire quets fans perte temps ,
porter fur l'heure à la Pofte , on aux Mef
fageries qu'on lui indiquera.
de
PRIX XXX, SOLS.
MERCURE
DE
FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT
SEPTEMBRE . 1728 .
{XXXX
PIECES
XXXXXXXXXX
FUGITIVES ,
en Vers & en Profe.
ODE
En l'honneur des Saints Staniflas
& Gonzague.
Es Cieux , de l'immortelle gloire ,
L Sont le veritable féjour ;
Dans cette lumineufe Cour ,
Eft le vrai Temple de Memoire :
Sont- ce deux Favoris de Mars
2 ..
A ij Qu'on
1918 MERCURE DE FRANCE.
Qu'on y reçoit , & puis - je croire ,
L'Apotheofe des Cefars
Non , toute la Terre enchaînée ,
Ses Rois domptez & mis aux fers ,
Des dépouilles de l'Univers ,
La pompe d'un triomphe ornée ,
Des Vainqueurs altiers & cruels ,
N'élevent point la deſtinée ,
Jufqu'à celle des Immortels.
La main du Très - Haut ne couronne
Que ces genereux Combatans ,
Qui partagerent dans le temps
La fainteté qui l'environne ;
Et qui pour mériter le rang
Que fa jufte Bonté leur donne ,1
Ont fçû prodiguer tout leur fang,
Lui-même , au- deffus du Tonnerre ,
Il guide leurs pas triomphans ,
Venez , leur dit-il , mes enfans ,
YEST
Vous
SEPTEMBRE . 1728. 1919
Vous êtes les Dieux de la terre .
Il fe fait lui-même le prix
Des pieux travaux de la guerre ,
Travaux pour fa gloire entrepris.
Staniflas & Louis s'avaneent ;
Du Dieu fort , du Dieu des vertus ,
Des longs combats pour lui rendus ,
Les Regards feuls les récompenfent ;
Leurs pieds foulent l'azur des Cieux ,
Et les vertus qui les encenſent ,
Volent en foule devant eux.
Aux doux Parfums qu'elles exhalent ,
Cent Monftres hydeux enchaînés ,
Frémiffent d'être condamnez
Aux fers honteux qui les ravalent ;
Pour ces fiers Enfans de l'orgueil ,
La pompe que ces lieux étalent
N'eft qu'un trifte fujet de deüil.
Ce font ces tenebreux génies ,
Qui , jadis Citoyens des Cieux ,
A A iij Par
1920 MERCURE DE FRANCE .
Par leurs efforts audacieux ,
Se couvrirent d'ignominies ,
Et qui , jaloux du fort des Saints ,
Par de cruelles tyrannies ,
Se fignalent fur les Humains.
Ils ont pris les noms de nos vices
Et fous des dehors empruntez ,
De nos folles cupiditez ,
Ils fomentent tous les caprices ;
Séduits par mille appas flateurs ,
Nous fommes les lâches complices,
Des premiers prévaricateurs .
Mais toûjours le jeune courage ,
Dont s'étoient armé nos Héros ,
Diffipa leurs lâches complots ,
Malgré la foibleffe de l'âge ;
Et fur leurs Trônes envahis ,
Fux-mêmes écumant de rage ..
Placent Stanillas & Louis.
Là l'Eternel avec largeffe ;
Leut
SEPTEMBRE . 1728. 1911:
Leur prodigue fa majeſté ;
Ils boivent l'immortalité
Dans les fources de l'allegreffe ,
Et toujours de nouveaux plaifirs
Dans une douce & fainte yvreſſe
Viennent noyer tous leurs defirs .
LETTRE écrite par un Medecin de
Province à un autre Medecin
Sujet du Traité des differentes Saignées
de M. Silva , Docteur en Medecine
.
V
Ous me faites honneur , Monfieur ,
de me demander mon fentiment
fur le Traité que M. Silva , mon Contemporain
, & ancien ami vient de donner
au Public.
J'ai lu cet Ouvrage avec plaifir , l'Auteur
y joint à une profonde érudition des
raifonnemens folides , & un langage épu
ré. Le Chapitre 7. dans lequel il traite
de la Saignée du col , eft le feul qui me
paroiffe répréhenfible . En effet , l'Auteur
y perd de vue les principes établis dans
les Chapitres précedents , & dont il fe
fert dans les fuivans contre M. Hecquet.
A iiij Difons
1922 MERCURE DE FRANCE
оп
Difons plus , dans ce Chapitre 7. on
trouve à chaque page des contradictions .
Il ne faut qu'objecter M. Silva à luimême
, on trouvera à chaque page de fon
Livre une doctrine contraire à celle qu'il
enfeigne dans le 7. Chapitre. Il déduit
furtout dans le Chapitre z . que les révulfions
& dérivations fe font dans tous les
cas dès l'origine du tronc afcendant ou
defcendant . Nulle exception dans l'axiome
reçû de tous les Phyficiens & Méchaniciens
, Liquida eâ parte velocius feruntur
quâ minor eft refiftentia. Si par des
Saignées qui ont précedé , le volume du
fang fe trouve diminué de moitié , la
dérivation fera moindre , & plus lente
de moitié , cateris paribus ; mais de dire
que la Saignée de la jugulaire qui lors de
la plénitude des vaiffeaux étoit dérivative
pour le cerveau , devient révulfive pour
cette même partie , lorfque les vaiffeaux
font moins pleins , c'eſt un Paradoxe infoutenable
.
On convient avec M.Silva , que la carotide
externe reçoit plus de fang par la
Saignée de la jugulaire , mais cela arrive
en tout état de plénitude des vaiffeaux .
M. Silva a donc tort de n'admettre cette
-verité quedans les tems que les vaiſſeaux
ont été défemplis par des faignées précedentes.
Il a encore plus de tort de conclùre
SEPTEMBRE. 1728. 1923
re que la carotide interne en reçoit moins ,
& de cette conféquence abfurde M. Silva
en tire plufieurs autres qui ne le font
pas moins. On ne trouve point dans
tout ce Chapitre cet enchaînement de
preuves qu'on admire dans le refte de
l'Ouvrage , ni ces démonftrations aufquelles
l'efprit ne peut fe fouftraire .
"
Il feroit inutile de répeter ce que
M. Silva avance au fujet de la dérivation
en tout état de plénitude des vaiffeaux
& de retracer la marche qu'il fait faire
au fang dès la fortie du coeur . Cette marche
eft invariable auffi -bien que les loix
fur lefquelles elle eft fondée. C'eft de cette
marche toujours conftante qu'on peut
conclure que fi le tronc afcendant fournit
plus de fang à la carotide externe par
la faignée de la jugulaire , c'est parce que
la carotide interne en reçoit une plus
grande quantité , aufli-bien que tous les
vaiffeaux des parties fuperieures qui font
des ramifications de ce tronc.
M. Silva cite quelques heureux fuccès
de la faignée du col . On lui répondra ce
qu'il répond à M. Bianchi , que quelquesuns
de ces fuccès font dûs au hazard ; difons
mieux , le mal étoit leger , & le Malade
affez vigoureux pour le furmonter
malgré la mauvaife.manoeuvre. En effet
les occafions de cette faignée font rares.
A v Elle
1924 MERCURE DE FRANCE
Elle n'eft jamais indifpenfablement ne
ceffaire , fon utilité jamais évidente , ſon
omiffion jamais dangereufe & toujours
prudente , puifqu'on ne rifque en l'omettant
que le retardement de la guérifon du
malade , étant conftant que le fang brifera
par des circulations réïterées ces foibles:
digues qui s'oppofoient à fon paffage.
1
Je penfe donc que le feul cas qui peut
permettre la faignée de la jugulaire , eft
lorfqu'un Medecin dans le traitement d'une
maladie foporeufe prefque guérie par
des faignées du pied réïterées plufieurs
fois en peu de tems , & autres fecours
voit fon malade fe plonger aifément dansl'affoupiffement.
C'est alors que par une
faignée dérivative , le fang qui avoit circulé
lentement dans le cerveau , & y
avoit formé quelques legeres concretions ,
peut trouver par un abord plus rapide de
promptes reffources ; c'eft ce que M. Deidier
, Profeffeur de Montpellier , nous
infinue dans une Thefe de Apoplexia , à·
laquelle il préfida en l'année 1706. voici
fes termes : Si autem multoties & brevibus
intervallis miffo ex faphenâ fanguine
exhibitis, & repetitis Cathareticis & Emeticis
, adhuc confopitus fit æger propter fanguinem
in grumos hærentem , hanc perfectamjugularem
feliciter derivari docuit experientia
Quo
SEPTEMBRE. 1728. 1925
Quoique cet avis foit très - falutaire &
autorifé par quelques exemples , & que
je puiffe moi- même citer que je l'ai vû &
pratiqué une fois depuis peu avec ſuccès ,
cette faignée ne doit être ordonnée que
par un ancien Praticien qui y a mûrement
refléchi . Un jeune Medecin doit ſe tenir
fur les gardes , crainte de prendre en fait
d'indications l'ombre pour la réalité.
D'ailleurs , qui eft le Medecin prudent
qui voulant foulager le cerveau d'une
quantité de fang qui l'accable , ne frémi-
Foit pas fur les dangers de la ligature ?
Elle eft moins forte qu'au bras , & même
qu'au pied. On en convient ; mais elle
ralentit le cours du fang plus ou moins
& pendant plus ou moins de tems , fuivant
que cette faignée fe fait plus vite ou
plus lentement. Čela feul ne fuffit- il pas
pour augmenter l'engorgement des vaiffeaux
du cerveau ? Si la faignée ſe fait
promptement , avec quelle rapidité cette
partic fera- elle furchargée ? Si elle fe fait
lentement , la diftribution du fang ent
fera pendant cet intervale d'autant plus
lente au moyen de la ligature , Ubique
anguftia .
Le bandage qui fe fait après la faignée ,
comprime réellement affez pendant 24 .
heures pour rallentir un peu le cours du
fang jufqu'après la réunion des levres
A vj de
1926 MERCURE DE FRANCE.
de la playe : autre inconvenient .
Je finis par une obfervation que M. Sil.
va fait ( quafi perfunctoriè ) que des ſignes
équivoques d'inflammation de la
pleure ou du poumon faifis par un Medecin
peu attentif , peuvent lui faire
prendre le change . Alors la difficulté de
refpirer ne fert pas peu à la féduire , tandis
que tout l'appareil d'une fcene tragique
eft dans le cerveau , dont l'affaiffement
ou l'augmentation du volume par
la diftenfion des vaiffeaux ', comprime le
cervelet. J'en ai vû des exemples depuis
quelques années . Cette obfervation auroit
demandé un peu plus de prolixité .
La longueur de ma Lettre vous fera dire
que je vous accorde plus que vous ne demandiez.
On annonce un Ouvrage Anatomique
de la façon du fieur Croiffant ; votre tems
& le mien font trop précieux pour l'employer
à de pareilles lectures. On nous
menace de traits de Chronologie auffi
abfurdes que ceux du fieur Dubois , fon
Confrere. Je fuis , &c .
RESEPTEMBRE
. 1728. 1927
XXXXX: XXXX : XXXXXX
REFLEXIONSfurla Lettre d'un Medecin
de Province,aufjet du Traité de l'u
fage des differentes fortes de Saignées.
L'objection que l'on fait contre la
Doctrine établie dans le Chapitre 7 .
du Traité de l'Ufage des Saignées , n'a pas
échapé à M. Silva ; elle fe préfente trop
naturellement à l'efprit , pour n'avoir
point été prévûë par un Auteur qui a
long- temps medité fa matiere , & qui
dans la vue de rendre fon Ouvrage meilleur
& plus utile , l'a communiqué à de
bons Connoiffeurs , & a profité avec docilité
de leurs avis . Il ne diffimule point
la difficulté qu'il a trouvée en traitant cette
matiere , il donne modeftement pour des
conjectures, ce qu'il établit à cette occafion
, quoique plus plaufible que tout ce
qui avoit été dit fur le même fujet . Et il
avertit que fa Théorie fur la faignée du col,
fi elle n'eft examinée avec attention , femble
d'abord oppofée à ce qu'il enfeigne
dans le cours de fon Traité : Voici les
propres termes extraits de fa Préface.
Il paroît que ces principes auroient dû
me conduire à condamner la faignée du col
dans les embarras du cerveau ; parce qu'il
femble que cette faignée ne peut qu'être dé-
?
rivative
1928 MERCURE DE FRANCE .
rivative dans ces cas , & que tout fon effet
doit fe réluire à augmenter l'engorgement
des vaißeaux du cerveau . Je fai que ce
raifonnement en a impofé à plufieurs Medecins
qui blament hautement cette faignée
dans ces circonstances mais je me fuis
défié d'une conféquence qui m'engageoit à
profcrire une faignée recommandée de tout
tems, pratiquée avec fuccès par plufieurs célebres
Praticiens dont nous avons les obfervations
, & dont j'avois moi- même éprouvé
Les bons effets en plufieurs occafions , &c.
Et dans le corps de l'Ouvrage , premiere
Partie , page 226. & fuivantes . Si ce
qui coûte le plus à un Auteur , étoit toujours
ce qui fatisfait le plus fes Lecteurs ,
le Chapitre précedent ( qui eft celui où
M. Silva traite des effets & de l'ufage de
la faignée du col ) n'auroit befoin ; ni d'apologie
ni d'éclairciffemens ; mais les difficultez
que j'ai trouvées en traitant cette
matiere , n'ont pu être furmontees de maniere
qu'elles ne fe faffent encore fentir , quelque
foin que je mefois donné pour les éclaircir.
Qu'on ne s'imagine pas qu'il m'auroit
été aife d'éviter tant d'embarras , en difant
que la faignée de la jugulaire agit
comme purement évacuative ; car cette
théorie fi commode & fifimple ne peut d'ailleurs
contenter des efprits raisonnables
lorfqu'ils fçauront qu'elle est démentie par
1
L'excSEPTEMBRE.
1728. 1929
Pexperience qui fait connoître que ce n'eft
pas comme evacuative précisément , que
cette faignée opere toujours fur le cerveau
En effet , quelquefois elle le charge d'une
maniere manifefte : d'autres fois elle le dégage
très -promptement ; ce qui fuppose
qu'il y a des occafions cù par fon moyen
les vaißeaux du cerveau fe tendent de plus
en plus , & qu'il y a des circonstances où
ils fe dégonflent par ce fecours . Ces obfervations
, que tous les Praticiens ont fans
doute, faites plufieurs fois , m'ont empêché
auffi de la regarder comme toujours révulfive
; fentiment que nous aurions adopté
avec d'autant plus de plaifir , que deux
grands Medecins l'ont établi avec la confiance
la plus capable d'entraîner ceux
qui avec raifon font prévenus en faveur de
leur merite mais comme on ne peut concilier
cete opinion avec le mauvais fuccès
dont cette faignée , faite prématurement
eft affez souvent fuivie , il afallu conclure
que dans des cas elle est révulfive par rapport
au cerveau , ainfi qu'ils le démontrent:
mais aue dans d'autres états du corps ,
elle doit être tout l'oppofé . Enfin , comment
fe réfoudre à la croire dérivativ fans
exception , quand on
la tête
que
qu'aucune autrefaignée n'avoitpu débarraffer
, devient quelquefois libre peu
res après qu'on a tiré du fang de la jugu-
:
on voit
9
d'heulaire
3
1930 MERCURE DE FRANCE .
laire , qu'on a démontré que la dérivas
tion fur une partie engorgée , eft dangereufe
? Toutes ces reflexions que nous avons
faites plus d'une fois avant que de nous
déterminer à rien décider fur la maniere
dont cette faignée agit dans les embarras de
La tête , nous ont porté à préferer le fentiment
qu'elle eft non feulement évacuative ,
mais auffi dérivative & révulfive pour le
cerveau ,felon les differentes quantitez de
fang qu'il y a alors dans le corps de ceux
fur qui on la pratique . Mais comme de
très -bons efprits à qui nous avons communiqué
notre Ouvrage , & dont les décifions
font d'un
grant poids , ont eu beaucoup
de peine à fe prêter à notre fyftêne , &
qu'ils foutenoient que cette faignée devoit
toujours ou déterminer le fang au cerveau ,
ou toujours l'en éloigner , puifque les pofitions
des vaiffeaux demeurent les mêmes,
nous avons cru devoir répondre à cette difficulté
qui pourroit arrêter nos Lecteurs
& les jetter dans des doutes fur ce que nous
avons avancé , & que nous sommes prêts
cependant à facrifier à d'autres idées , de
quelque part qu'elles nous viennent , fi elles
font plus claires & plus folides que les
nôtres trop contents d'avoir pû par nos
conjectures être l'occafion de la découverte
de quelque verité démontrée .
,
Mais examinons en détail les raiſons
t
1
qui
SEPTEMBRE. 1728. 1937
qui empêchent que ce 7. Chapitre ne
trouve grace devant les yeux du Critique ;
on pourroit cependant fe difpenfer de ce
foin, & renvoyer au Traité même des faignées
d'où ces objections ont été tirées , &
l'on verra qu'on n'a pas choifi les plus
fortes.
Il est vrai que toute faignée attire une
dérivation tout le long du canal arteriel
dont les rameaux répondent à la veine ou .
verte , c'est une doctrine que M. Silva
a répandue dans tout fon Ouvrage d'après
le fameux Bellini . Il eft donc certain
que par la faignée de la jugulaire on détermine
plus de farig dans le tronc commun
des carotides. Mais il fait voir que
fi cette nouvelle quantité de fang attirée
dans le tronc eft plus grande que celle qui
fe porte de furcroît dans la carotide externe.
Alors la carotide interne en recevant
plus qu'auparavant , la faignée de
la júgulaire eft dérivative pour le cerveau :
or c'est ce qui arrive quand la quantité
de fang qui eft dans le corps eft confiderable
, parce que la grandeur de la dérivation
répond au volume du fang qui eft
dans les vaiffeaux . Auffi eft - ce le cas où
M. Silva deffend cette faignée dans les
maladies du cerveau ; mais fi la quantité
de fang que la faignée de la gorge attire
dans le tronc des carotides , eft précifément
1932 MERCURE DE FRANCF .
ment la même , que celle qui à l'occafion
de cette faignée eft portée de plus que
dans le cours ordinaire de la circulation
dans la carotide externe qui répond à la
veine piquée, alors il ne fe porte ni plus ni
moins de fang qu'avant la faignée dans la
carotide interne , & par conféquent cette
faignée ne doit être regardée dans cette circonftance
ni comme dérivative , ni comme
révulfive , & elle eft purement évacuative ,
c'eſt- à - dire , qu'elle ne tend ni ne détend
pas plus les vaiffeaux du cerveau que ceux
des autres parties . Enfin , fi le volume
du fang eft exceffivement diminué , &
qu'on pratique alors la faignée de la gorge
, la quantité du fang qui eft déterminé
dans la carotide externe , étant plus gran
de que celle qui eft portée de furcroît dans
Le tronc commun des carotides. Alors ce
que l'externe reçoit de plus que le tronc
commun , eft dérobé à l'interne , & par
une fuite neceffaire la faignée de la jugulaire
prive le cerveau d'une partie du fang
qu'il auroit reçû fans cela , & ainfi elle eft
alors révulfive pour les vaiffeaux qui font
dans l'interieur du crâne .
Cette théorie qui a paru très - ingenieuſe
à ceux mêmes qui font d'un fentiment
oppofé , fe trouve confirmée dans le Livre
de M. Silva , par des exemples , & prouvée
prefque démonftrativement par un calcul
exact
SEPTEMBRE . 1728. 1933
exac, ſuivi dans les fuppofitions des differentes
quantitez de fang qui fe trouvent
dans le corps dans les commencemens &
dans les progrès des maladies . Pour attaquer
ce que M.Silva prouve, il auroit fallu.
faire voir que les exemples qu'il rapporte
font impoffibles , & que les calculs qu'il
fait font faux , fans quoi on avance lege
rement que le fentiment de cet Auteur
eft un Paradoxe infoutenable , & cela ne
doit feduire que les Lecteurs peu attentifs
. Car après tout , quand on a tiré la
moitié du fang par des faignées précedentes
, la dérivation qu'on fait dans le tronc
des carotides eft de moitié moins grande
qu'elle n'auroit été , fi l'on avoit executé
la faignée de la gorge dans l'état de la
plus grande plenitude. Cependant on tire
la même quantité de fang par cette faignée
dans un espace de temps peu different
, ( car on n'employe qu'une minute
de plus quand les vaiffeaux font defemplis ; )
il faut donc que la dérivation particuliere
qui arrive dans la carotide externe par
cette faignée , quand le volume du fang
eft extrémement diminué , foit prefque
égale à celle qui s'y fait lorfque le fang
abonde dans le corps : donc ce nouvel
abord de fang dans la carotide externe
doit être plus grand alors que dans le
tronc des carotides , & doit le faire pas
conice1934
MERCURE DE FRANCE
confequent aux dépens de la carotide interne.
Ainfi , quoique la pofition des vaiffeaux
ne varie point , il doit arriver que
la même faignée , qui dans certaines circonftances
, porte du fang au cerveau ,
l'en détourne dans d'autres cas.
Il eft affez ordinaire que l'envie de
critiquer , engage à donner de fauffes interprétations
à des expreffions qui font
fufceptibles de plufieurs fens. Mais il eft
furprenant qu'on faffe dire à un Auteur
des chofes
diamétralement oppofées à
celles qu'il a établies clairement , qu'il a
répetées fans équivoque , & dont enfin
il a tiré des conféquences fuivies . Voilà
le cas où le trouve le Medecin de Province
à l'égard de celui de Paris : on fait
dire à celui-ci , que ce n'eft que dans le
temps que les vaiffeaux font bien défemplis
, que la carotide externe reçoit plus
de fang que l'interne , par la faignée de
la gorge ; cependant M. Silva , pag. 191
prouve par un calcul exact , que dans l'état
de plénitude il paffe à chaque pulfation
du coeur pendant la faignée de la
gorge de dragme de fang dans la carotide
externe , tandis qu'il n'en coule
que dans l'interne.
Le Lecteur peut s'affurer par lui même
de ce fait , ce qui le mettra à portée
de juger que non - feulement l'Anonime
n'a
SEPTEMBRE. 1728. 1935
n'a pas refléchi fur la matiere qu'il traite,
(ce qui feroit peut - être trop exiger de lui )
mais qu'il n'a pas même lû l'endroit qu'il
critique. Ainfi il n'a pas affez mefuré fes
expreffions , quand il traite d'abfurdes
les confequences de l'Auteur du Traité
de l'ufage des differentes fortes de faignées
, & ces termes durs n'auroient pas
dû lui échapper , quand même il auroit
raiſon, contre un homme qui ne feroit pas
fon ancien ami.
L'Anonime avance que fi la carotide
externe reçoit plus de fang par la faignée
de la jugulaire , c'eft parce que l'interne
en reçoit une plus grande quantité. Cette
propofition ne fçauroit être vraye , qu'au
cas que la carotide externe fut une branche
de l'interne , ou au cas qu'il arrivât
à la carotide interne , par la faignée , un
changement qui y déterminât plus de fang
qui fit que le tronc commun en reçût luimême
davantage , & qu'il en pût fournir
davantage à la carotide externe ; mais
Pune & l'autre de ces fuppofitions eft
fauffe , & par confequent la propofition
que l'on voudroit en inferer , l'eft auffi .
1º. La carotide externe ne vient point
de l'interne , mais elles partent toutes
deux d'un tronc commun , ainfi la quantité
de fang qui coule dans la carotide
interne ne doit point fe partager avec
l'exe
1936 MERCURE DE FRANCE.
l'externe , & par confequent elle ne peut
poir
point fervir,fuivant les regles ordinaires de
la diftribution , à augmenter le fang qui
coule dans cette derniere artere .
2 ° . Il n'arrive aucun changement à la
carotide interne par la faignée , qui puiffe
y déterminer fpécialement plus de fang
qu'auparavant . En effet ce changement ,
s'il étoit réel , ne pourroit venir que de
la diminution particuliere de la réſiſtance
que le fang trouvoit à y couler , mais il eſt
certain que la faignée du col ne diminuë
point la réfiftance , que le fang trouve à
paffer dans les rameaux de la carotide
interne , cette faignée donc ne doit point
contribuer à faire couler le fang plus
abondamment dans cette artere . Son effer
fe réduit à hâter le cours de la circulation
dans la jugulaire externe , d'où le
fang fort , & dans tous les rameaux de
la carotide externe qui aboutiffent dans
cette veine , c'eft par là qu'elle appelle
dans cette carotide une plus grande quantité
de fang , & c'eft- là l'unique raifon qui
fait que la carotide externe reçoit alors
plus de fang ; ainfi loin de pouvoir dire ,
comme fait l'Anonime , que la carotide
externe reçoit plus de fang pendant la faignée
, parce que l'interne en reçoit davantage
; il faut dire , au contraire , fi l'on
veut parler jufte , que la carotide interne
n'en
SEPTEMBRE . 1728. 1937
n'en reçoit davantage par cette faignée
dans certains cas , que parce qu'alors il
en doit couler davantage dans la carotide
externe , ce qui appelle une plus grande
quantité de fang dans le tronc commun
& met par conféquent la carotide interne
en état de s'en reffentir.
que
L'Anonime affure qu'un Medecin prudent
doit fremir des dangers qui mena-.
cent le cerveau par la ligature qu'on applique
au col pour executer la faignée de
la jugulaire , & quoiqu'il convienne qu'elle
eft moins ferrée qu'au bras & au pied ,
il ne fçauroit fe raffurer fur le péril que
court une partie auffi effentielle à la vie .
Il auroit du faire réflexion que ce n'eft
la jugulaire externe qui eft comprimée
par la ligature dans la faignée du col ;
& qu'ainfi cette compreffion , fût - elle
capable de produire les effets qu'il lui attribue
, n'interefferoit en rien le cerveau ,
mais d'ailleurs a- t- il crû tout de bon que
cette compreffion fût autant à craindre.
qu'il le dit ? n'a - t - il pas dû comprendre
que le fang qui revient par cette veine
comprimée , en revient plus facilement ,
tant que la faignée dure , parce que le
paffage qu'il fe conferve dans le canal de
la veine , malgré la compreffion, joint à la
nouvelle iffue que la faignée lui procure ,
lui donne plus de liberté pour couler qu'il
n'en
1938 MERCURE DE FRANCE :
n'en avoit auparavant, & qu'ainfi loin que
le cours du fang foit ralenti pendant la ſaignée
, comme l'Anonime voudroit le perfuader,
il eft au contraire réellement acceleré,
& c'eft - là ce qui fait l'efficacité de
cette faignée.
Cela prouve que la ligature , qu'on
fait avec beaucoup de circonfpection &
que quelques Chirurgiens même ne font
point pour faigner de la gorge , ne peut
point être alleguée comme un inconvenient
qui doive détourner de l'ufage de
la faignée de la jugulaire , lorſqu'elle eſt
bien indiquée . L'Anonime en fournit luime
une preuve , puifqu'il la confeille dans
les affoupiffemens qui fubfiftent malgré
les autres fecours pratiquez avec méthode.
Il ne craint point non-plus dans ce
cas que le bandage qu'on laiffe autour du
col foit fuivi de rien de funefte , & il a
raiſon , il n'eft pas plus ferré qu'une cravate
, on peut même s'en paffer aifément.
C'eft ce que les meilleurs Chirurgiens font
tous les jours , & dans ce cas ils fe contentent
de mettre fur l'ouverture de la
veine un emplâtre de maftich.
Ce petit nombre de Reflexions , qui
font tirées du Livre même que l'on deffend
, fuffisent pour applanir les difficultez
que l'Anonime propofe. On eft furpris
qu'un homme qui fe dit Medecin ,
ignore
SEPTEMBRE . 1728. 1939
ignore dans ce fiecle qu'il n'y a pas dans
l'homme un tronc afcendant de l'Aorte ,
erreur dans laquelle il est tombé deux fois
dans fa Lettre. On efpere que cette derniere
Reflexion ne lui fera pas inutile.
******
AU GRAN D-MAITRE
DE L'ORDRE SOCIAL.
SUPPLIQUE.
UN Champenois franc & loyal ,
Portant le Capot de Novice ,
Au Chef de l'Ordre Social ,
(A qui Dieu foit toûjours propice , )
Vient demander très humblement ,
De lui bailler arrosement ,
Dans fon illuftre Confrairie ,
}
Dont l'utile établiffement ,
Lui fait defirer grandement ,
Les marques de Chevalerie.
Plufieurs fe font au temps jadis ,
Moulez fur les preux Amadis ,
Et pour los & renom acquerre ,
1
Ont fuivi le Dieu de la Guerre ,
Cherchans & par monts & par vaux ,
B Des
1940 MERCURE DE FRANCE .
Des avantures , des travaux ;
Ou bien dans les Places publiques ,
Avec Devifes authentiques ,
Et couverts de luifans harnois
Ont fait & Behours & Tournois ,
Pour avoir guerdon de la Dame ,
Dont ils avoient fenti la flamme :
Mais ces Champions valeureux ,
Et tous ces braves Amoureux
Cachoient fous leur heaume gothique,
Efprit paffablement ruftique ,
Et tel , iffu du plus haut lieu ,
Ne fçavoit fa croix de par Dieu.
Alors la fuperbe ignorance ,
Dominoit ès Marchez de France ,
Et ce n'étoit plus qu'aux Mouftiers ,
Ou chez la Gent porte Tonfure ,
Que l'on trouvoit en nos quartiers ,
Un rayon de Litterature ;
Foible rayon certainement ,
Comme on le voit appertement ,
Dans maint Poëte & Legendaire ,
Et maint Hymne de Breviaire ,
Or
SEPTEMBRE . 1728. 1940
Or quant eut le bon Roi François ,
Un peu purgé l'eſprit Gaulois ,
Dans l'Ecole de gentilleffe ,
Ont vû s'exercer la Nobleffe ,
Et jà le front de nos Guerriers ,
D'Apollon ceignit les Lauriers ;
Jà qui fçavoit porter la Lance ,
Sçavoit auffi faire Romance.
Depuis la Déeffe des Arts ,
Retourna dans le Champ de Mars
Aujourd'hui Pallas la vaillante ,
N'exclut Minerve la Sçavante ;
De ce l'exemple ſpecial ,
Nous donne l'Ordre Social ,
Qui fous Privilege & beau Titre ,
Affemble à Verdun fon Chapitre ;
Où l'on n'admet pour Chevaliers ,
Que Damoiſels & Bacheliers ,
Qui font la preuve à fuffifance ,
Et de courage & de ſcience ,
Et qui peuvent fans defarroi ,
Servir les Dames & le Roi ,
En guerre pouffer la proüeffe ,
Bij En
1942 MERCURE DE FRANCE :
En Paix ne croupir en pareffe ,
Par des litteraires ébats ,
Remplacer affauts & combats ,
Et ne pouvant par la victoire ,
Affurer leurs Los & Memoire ,
L'Eternifer par les Vertus ,
Dont leurs Grand -Croix font revétus ;
J'entens le gout , la courtoifie ,
L'efprit galant , la Poëfie ,
L'amour des Arts & des Ecrits ,
Qu'ont enfanté les beaux efprits.
Quand tels prud'homs je confidere ,
D'être nommé pour leur Confrere ,
Me point la noble ambition.
Ainfi , quoique de mon merite ,
La portion foit très- petite ,
Je nourris cette paffion ;
Er pour obtenir la Médaille ,
Je veux prouver vaille que
Primò , je produis loyauté ,
Et franchiſe dont fuis doté.
Secundò , defir efficace ,
vaille ,
De dignement remplir ma place ,
Et
SEPTEMBRE . 1728. 1943
En me tenant bien à l'écart ,
De tout fat & froid guoguenard ,
Evitant les fauffes pensées
Et les phrafes rapetaffées ,
Les Acroftiches , lès Rébus ,
Et les avortons de Phoebus .
Tertiò , j'avance & j'aflure ,
Que je n'ai tache de roture ,
Ni fur l'efprit ni fur le coeur ,
Où j'enfere le pur honneur ,
Et pour Demoiſelle très - digne ,
Amour, qui jamais ne forligne.
Quartò , j'allegue le Blafon ,
Que je porte fur Ecuffon ,
Où l'on voit en champ d'efperance ,
Tour & Donjon de patience ;
Quant au Cafque , il a pour Cimier ,
Branches de Myrthe & de Laurier ,
Comme étant de mon apanage ,
Et les fupports font Signes blancs ,
Symbole des loyaux Amans ;
Je n'en dirai pas davantage ,
Requerant le Grand- Commandeur ,
Biij Que
1944 MERCURE DE FRANCE .
Que pour le droit de mon paffage ,
Il accepte ce mien labeur,
Petit pour l'efprit fophiftique ,
Qui veut du ftile frelaté ,
Grand pour l'efprit Philofophique ,
Qui fent le poids de verité .
*XX**
TABLE des vrais fons de la Langue
Françoife pour les Logogryphes
A rithmétiques.
Douze Confones , fçavoir , fix foibles
fix fortes.
1.be
2.pe
3.ze
4.fe
5.de
6.te
7.ve
8.fe
9.je
10.che
11.gue
12.ke
Employez quelquefois pour les caracteres de
( b.bb.p.exemp.Bombe , bas , & c .
P. PP. ex. pompe , pas , &c .
z. x.1. ex. caze , zele , & c .
c.cc.f. ff. ç. fç. fc. x . z . ci . ti.
pl. ex. caffe , cele , & c .
d. dd ex . don , Bade , & c .
t . th. tt . bt. &. gr. lt.
ex .
Ton , pate , & c.
pt.
ft .
v . f. w. ex. vin , vive , & c .
f. ff. ph . ex . Fin , vif, &c.
j.ge.gi. ex. Gige , juger, &c.
che. fch.ex.chiche ,chucheter.
g. gg gu. ghe . ghi , ga . go .
ex. guerir , &c .
k. c. cc . ch. cq. q . ca. ke . ki.
co. qu . x. ex. Querir, &c .
SEPTEMBRE. 1928. 1945.
13.le
14.me
15.ne
16.re
Quatre Lettres ou Sons ,
vulgairement appellez
liquides.
Employez
pour
1. 11. ex. Mal , mule , &c .
m . mm. ex. Sem , même , &c .
n. nn. m. ex . None , & c .
r . rr . rh . ex . cas , rire , &c.
Caracteres pour les deux
fons moüillez .
18.Theil.ill.ille.lh.ex . fille,ail, &c .
Sgn. ex. vigne , &c.
17.gne
}
Marque de l'afpiration .
19. he } { } { he ...
dans Heros.
Quatorze voyelles .
20.a ว Caa. â. as . ha . has . em. ex.
21.é fermé
22.i
23.0
24.u
25.è ouvert
26.e muet
27.eu
28.0u
habit , &c.
æ. oe. ai. hé. és. ét . ex. Noé.
i.y. is.ys.hi.hy. ix.ex. Ifis .
oo. ô. au . eau. ho . hos. ao.
ex . eau , &c.
u . û . ü. hu , hus . eu . ex. nu.
è . ê. ès. hè . hès . ai. ay. ais.
aien. ayen. ei . ey.
oi. oy .
ois. oys. eis . oien , & c.
ex . fer , & c.
c…….. dans juſte….. ai ... dans
faifons , &c.
eu. æu . oeu . heu . eus. oei ,
&c. ex. feu , & c .
ou.oû. ous . aou . où . on.ex.
onaille
B iiij Cing
1946 MERCURE DE FRANCE :
29. a
30.
é
31. i
32. o
33.ũ
34. ye
35. xe
36.0i
37.ui
38.ieu
39.ien
40.0in
Pour Dans les mots
Cinq voyelles nazales .
an.en aën. aon. ans. em . ean.
ex. Paon , & c.
en . ein . aim . ain . im . in. ym.
yn. ex. bien , & c .
in. im....dans ingrat , impoffible
, &c.
on . om . aon . ahon. um . un.
ex. fon , &c .
un.eun.um.ex.un lundi ,& c.
Deux Lettes doubles .
Si . y. ï. iï. ex . moyen , &c.
f.z.kle.gz.ex. axe, exil, &c;
Cinq Diftongues .
г
Roy.
Pluye.
Dien-
Bien.
Soin.
LETTRE fur la précedente Table.
ONSIEUR ,
La fuite naturelle des nombres qui ré-
1 3
pondent aux Lettres de l'a , b , c , &c.
n'allant que jufqu'à vingt - cinq , on a pû
réfoudre la plupart des Logogryphes arithmetiques
4
SEPTEMBRE. 1728. 1947.
metiques , par la feule infpection du Problême
, & fans fuivre la voye generale de
l'Analife : voici maintenant une nouvelle
Table de la fuite naturelle de 40. nombres
qui répondent à la Table des Sons,
dont on fe fert pour exprimer tous les
mots de la Langue Françoife ; car ordinairement
il y a bien plus de lettres que
de fons dans les mots , & c'eft ce qu'il eft
bon d'apprendre à diftinguer par l'oreille
& par les yeux .
Cet a , b , c rendra le jeu des Logogryphes
d'autant plus inftructif, qu'il indiquera
le moyen le plus fûr pour noter ,
pour ainfi dire , exactement & par prin
cipes , tous les mots felon leur veritable
prononciation , à la quantité près , dont
il ne s'agit pas totalement ici, & de laquelle
on ne fçauroit donner de regles précifes
, faute de caracteres pour l'exprimer.
Les exemples rendront ceci plus fenfibles
, fuppofez qu'en opperant fur un Logogryphe
arithmétique , on trouvât les
nombres 28. 20. 18. fur lefquels auroit
été donné le Logogryphe de trois fons ou
de trois nombres , pour lors la Table indiquera
les fons ou - a - lhe , qui répondent à
ces trois nombres 28. 20. 18. ce qui
abregera beaucoup, puifqu'au lieu des fept
lettres du mot ouaille , & des fept nombres
qui leur répondent , on peut donner-
By le
1948 MERCURE DE FRANCE
le même Logogryphe en trois fons & en
trois nombres, ce qui feul rend cet a, b, c,
de beaucoup préferable à l'autre.
Il est vrai qu'il refteroit encore une
petite operation à faire , c'eft qu'il faudroit
fubftituer l'Ortographe des yeux
à celle de l'oreille ; mais la feule infpection
du mot oualhe , écrit felon les
regles des fons & de l'oreille , rappelleroit
d'abord le mot ouaille , écrit felon
les regles des ïeux & de l'ufage.
Quand il y auroit même quelque peine
à traduire ainfi en faveur des ïeux , l'ortographe
de l'oreille , cet exercice pourroit
encore plaire à la jeuneffe qui , en
fait de Langue, fe picque de juger fainement
des regles & de l'ufage . On a vû
un enfant de quatre à cinq ans capable
de cet exercice ; il diftinguoit tous les fons
des mots qu'on lui prononçoit ; il eſt vrai
que cet enfant connût toutes les lettres
à trente mois , & qu'à trois ans il lût
le Latin & le François , par la méthode
des fons & par le Jeu du Bureau Tipographique
, dont il fera parlé dans un Ouvrage
intitulé : Premiers Elemens des Lettres
, contenant l'A , B , C , raisonné de
CANDIAC , & c.
Un autre exemple rendra peut- être ceci.
plus intelligible , fi l'on veut donner un
Logogryphe arithmetique fur le mot
CHOISEUL
SEPTEMBRE. 1728. 1949
CHOISEUL , On trouve & l'on compte ,
au rapport de l'oreille , ces cinq fons
ch-oi - z-en-l , qui répondent aux cinq
nombres 10. 36. 3. 27. 13. pour le Logogryphe
en queſtion , &c.
Cette Methode des fons eft même déja
pratiquée en bien des occafions , où l'on
a égard à l'oreille plutôt qu'aux feux ,
comme dans le Mercure François du mois
de Juin , tome premier , au mot Limaçon,
l'Auteur de ce Logogryphe en Vers , aïant
changé le e cedillé en la lettre f. pour y
trouver le nom de SOLIMAN un autre
en ôtant la cedille , y auroit trouvé la
Ville de MACON.
>
Les Poëtes , Racine même , font fouvent
rimer à l'oreille, ce qui ne rime point
aux yeux.
Non , non, je ne veux plus demeurer engagé
Pour un coeur où je vois le peu de part que j'ai
Dépit amoureux , Moliere .
Monfieur , ce galant homme a le cerveau bleffé
Ne le fçavez -vous pas? je fai ce que je ſaš .
L'Etourdy , Moliere .
* Ala rigueur onpeut dire qu'on entend deux
fons dans la vraye diftongue oi ; mais elle ne
fait qu'une fyllabe , c'est pourquoi on ne lui donne
qu'un nombre.
B vj
Tel
1950 MERCURE DE FRANCE:
Tel dut être le prix de ma témerité ,
Quand fur un Corps divin, aveugle j'attentai.
Eneide , Segrais .
Vaincu , chargé de fers , de regret confumé ,
Brûlé de plus de feux , que je n'en allumai.
" 1
Qu'Hermione eft le prix d'un Tiran opprimé,
Que je le hais enfin autant que je l'aimai.
Andromaque.
Scrupuleux fur cette licence qui ne
choque jamais l'oreille , les Poëtes n'ont
pas la même délicateffe , lorfqu'ils fe contentent
de rimer aux jeux , cependant le
Public n'écoute que les fons , & ne regarde
que les perfonnes ou leurs geftes .
Attaquons dans leurs murs ces Conquerans fi
fièrs ,
Qu'ils tremblent à leur tour pour
pres foyers .
leurs pros
Mitridate.
Malgré tout fon orgueil ce Monarque fi fièr ,
Afon Trône , à fon lit daigna l'affociér.
Hé bien brave Acomat , fi je leur fuis fi chèr ,
Que des mains de Roxane , ils viennent m'arrachér
.
Bajazet.
Son frere plus que lui , commence à me tou
chéra
}
Devenant
SEPTEMBRE . 1728. 1951
Devenant malheureux , il m'eſt devenu chèr.
Thébaide.
Songez y bien, Madame, & fi je vous fuis chèr,
Venez , Prince , venez , je vous ai fait cherchér.
Berenice .
Et lorfqu'avec tranfport je penfe m'approchér,
De tout ce que les Dieux m'ont laiffé de plus
chèr.
Phédre.
La Table des fons de notre Langue
pourra donc fervir à rectifier les abus des
Poëtes , & furtout des faifeurs d'Anagrammes
, qui confondent encore l'ufage
de l'i & de l'u voyelles , avec celui de l'j
& de l'v confonnes , ces quatre fons n'ont
aucun rapport entre eux. Une autorité
vague & défectueuſe , un uſage fondé ſur
l'ignorance & le deffaut de reflexion , ne
rendront jamais bonne & jufte une mauvaiſe
& fauffe Anagramme , à prefent que
ces quatre fons ont enfin obtenu chacun
un different caractere. Ainfi les mots
beau , Jean , river , ne doivent point donner
bave , aîné, jurer, &c . ni le mot Dieu,
ceux de Jude , vide , ni le mot Jefus ?
ceux de cives , latin , visés , Cieux , Suiffe,
cuiße, cuife , ceux - ci ; ni enfin le mot Ives
celui de Jeus , &c.
Les
1952 MERCURE DE FRANCE .
Les perfonnes qui aimeront mieux
donner lettre à lettre les nombres des Logogryphes
arithmetiques , plutôt que de
fuivre la regle des fons , pourront le faire
à leur choix , puifque toutes les lettres
de l'a , b , c , & c . fe trouvent dans la Table
des quarante fons fimples ou compofez
de notre Langue ; c'eft en faveur de
ces perfonnes qu'à la fin de cette Lettre
on a mis une autre Table rangée felon
P'ordre de l'Alphabet & relative à la
premiere .
La plus grande difficulté roulera fur les
équivoques des noms propres & des noms
appellatifs , exprimez par les mêmes fons
& non par les mêmes lettres , comme dans
le Logogriphe du Dieu Pan , des deux
fons pe an , répondant aux deux nombres
2. & 29. qui peuvent également répondre
aux mots Paon & Pan , fignifiant des
chofes differentes .
Mais cette difficulté d'ortographe ou
de quantité , ne regarde point abfolument
celui qui veut réfoudre le Problême , il
fuffit qu'il trouve les nombres cherchez
& qu'il donne les fons qui répondent à
ces mêmes nombres , fans s'embaraffer de
l'ortographe des ïeux , qu'autant qu'il
voudra la trouver , non en qualité d'Arithmeticien
& d'Algébrifte , mais en
qualité d'homme d'efprit qui veut s'en
faire un autre plaifir On
SEPTEMBRE. 1728. 1953
On peut encore ajoûter en faveur de
cette nouvelle Table qu'elle fervira , pour
ainfi- dire , d'Echometre aux Etrangers &
aux perfonnes de la Province , qui pourroient
douter de la veritable prononciation
de certains mots . Par exemple , fi de
Marſeille , de Montpellier & de Grenoble,
on demandoit la veritable prononciation
des quatre mots fuivans ; Anguile , frilleux
, leger, vuide , il feroit aifé de ré- ,
pondre que le fon 18 ° du the mouillé
doit fe faire entendre à la fin du mot Anguille
& non dans le mot frileux ; que
le fon 25 de l'è ouvert , s'entend dans
La derniere fyllabe du mot legèr ; & que le
24º fon ou la voyelle u eft muette dans
le mot vuide , qu'on prononce comme s'il
étoit écrit vide.
C'eft ainfi
que l'on pourra faire des queftions
& de veritables Logogriphes arithmétiques
, à l'égard de certains mots peu
ufitez dans la converfation , & dont la
prononciation n'eft pas même bien connuë
, du moins dans les Provinces , comme
celle des mots Faoner, Tahon , S. Laon,
Craon , Secret , &c . on pourroit faire la
même chofe , à l'égard des mots dont le
genre paroît douteux , & c .
Il femble que pour donner une idée
plus jufte & plus exacte du nombre des
fons de la Langue Françoife , il auroit
peut1954
MERCURE DE FRANCE .
peut-être fallu fe contenter de la Table
des trente- trois fons fimples de la Langue,
fans y ajoûter les deux lettres doubles x ,
y , & encore moins les cinq diftongues
oi , ui , ieu , ien , oin ; mais fçachant que
les Grammairiens ne font pas d'accord
fur la nature des fons qui compofent ceux
de la diftongue oi , dans les mots bois ,
poix , &c. que les uns croient prononcer
boès , poès avec l'o & l'è ouvert ; les autres
, bouès , pouès avec l'ou ; les autres ,
bouas , pouas , avec l'a , &c . l'on a crû
devoir faire entrer la diftongue oi dans la
Table des fons , en attendant que la prononciation
en foit plus déterminée ; on
peut dire la même chofe à l'égard de
la diftongue oin , dans le mot foin , &c .
qu'on croit prononcer foèn ou fouèn ou
fouan , &c .
L'introduction d'une ou de deux diftongues
neceflaires
pour prévenir bien de
petites difficultez
fur la prononciation
,
à fait prendre le parti d'ajoûter encore
dans la Table des fons , les trois autres
diftongues
ui , ieu , ien , des mots lui ,
lieu , bien , qui ne donnent qu'une fyllabe.
L'ufage des nombres répondant à ces diftongues
, abregera l'expreffion
& le calcul
des Logogriphes
arithmetiques
.
On auroit pû , & même peut-être dû
donner toutes les diftongues employées
quelSEPTEMBRE.
1728. 1955
·
quelquefois pour une feule fyllabe , comme
celles d'ia , iau , ié fè , io , iam , ion ,
oe, ue, bui,uin, oui , & dans les mots diable,
miauler , pitié , fièl , fiole , diantre , Baftion
, poëme, écuelle , huile, quinquagefime,
oui , affirmation , & c . Cette attention ne
feroit pas inutile pour faire connoître
plus furement au Lecteur le nombre précis
des fyllabes de chaque mot ; c'est pourquoi
dans la fuite on pourroit augmenter
la Table & la pouffer jufqu'au nombre
52. & même plus loin , felon l'abondance
& la découverte des fons ou l'augmentation
des caracteres & diftongues autori
fez par le bon ufage.
A l'égard des lettres doubles x , y , il
eft plus fimple & plus raifonnable de marquer
leurs differens ufages par le meme
chiffre , que d'avoir un chiffre particulier
pour chacun de ces ufages , enforte que
les fons differens kse , gze , & c . ont le
même caractere & le même chiffre pour
les mots écrits Alexandre , examen , & c .
l'emploi des lettres doubles x , y , ne don
ne donc qu'un nombre pour chaque double
lettre , quoique ces lettres aient un
double fon qui exigeroit deux nombres
pour chacun , ainfi que la Table le démontre.
On ne prétend pas que cette Table enfeigne
l'Orthographe à ceux qui l'ignorent.
1956 MERCURE DE FRANCE .
rent. Vivant fans l'étude Anatomique de
notre corps , nous pouvons auffi parler
& nous entendre fans faire l'Analife des
fons de notre Langue. On fçait qu'il y a
toûjours eu peu de Voyans & parmi eux
encore moins de Praticiens ou de travailleurs.
Il eft bon d'obſerver que lorfque les
confonnes d'une fyllabe ou d'un mot
font immediatement fuivies de la voyelle
fervile & auxiliaire de leur dénomination ,
on peut fe difpenfer de prendre un nombre
pour cette voyelle ; par exemple , le
mot Cane , pourroit être exprimé par les
nombres 12. & 15. répondant au fon Ka
& au fon Ne. En voilà plus qu'il n'en
faut pour mettre au fait de cet exercice
les perfonnes bien intentionnées & non
prévenues ; car pour les autres , à moins
d'un miracle , on ne doit pas le flatter de
leur paroître jamais intelligible. Je fuis ,
47. Logogryphe.
&c.
TABLE des Sons de la Langue Frangoife
, rangée felon l'ordre de l'a , b , c ,
ordinaire , & c.
20 4 21 25
26 $
a , b , c , d , ¿fermé é , é ouvert , e muet , f,
? 11 19 22 9 12 13 14 15 23 2 12 16 4
jgu , h , i , je , k , l , m , n , o , p , q , I , f,
6 24 7 35 34 3
4
10 8 16 6 7
I ,u , v , x , y , z , c , ch , phạnh , th , w ,
gn,
SEPTEMBRE . 1728. 1957.
27 18 28 29 30 33 36 37
gn , ill , eu , ou , á , é củ , ou , i , ô , ù , ôi , ui ,
38 39 40
ieu , ien , oin.
LOGOGRIFES ARITMETIQUES
fur les nombres répondant aux fons
de la Langue Françoife felon la Table ,
ou l'a , b , c , ci- deffus .
49. Logogrife de quatre nombres ou de
quatrefons.
Le 2 égale le 1er plus huit.
Le 3 égale les duier. 3
Le 4 égale le 1er plus le 3º plus un.
La fomme totale eft foixante un.
50. Logogrife de quatre nombres ou de
quatrefons .
Le 1er plus le 2 égalent le moins
neuf.
Le 2 plus le 3 égalent trois fois le
4 .... moins cinq .
e
Le 3e plus le 4 égalent 19. fois le 1er.
La fomme totale , cinquante- trois.
1. Logogrife de quatre nombres où de
quatrefons.
Le 1er plus un égale le 2e plus huit.
Le 2º moins deux égale le 3º•
Le
1958 MERCURE DE FRANCE.
Le 3 plus neuf égale le 4° .
e
La fomme totale 76.
52. Logogrife de quatre nombres ou de
quatre fons .
Le 1er plus le 2e égalent le 3 * moins un.
Le 2 plus le 3 égalent trois fois le 4º
moins fix .
Le 3 plus le 4
plus cinq .
...
égalent deux fois le re
La fomme totale 91.
53. Logogrife de cinq nombres ou de
cinq fons.
e
Le 2 eft égal au double du 3 *.... plus deux .
Le 3 eft la du 4º plus un .
Le4 égale 4 fois le 5 .... plus un.
Le 5 eft trois fois le 1er.
La fomme totale 74 .
54. Logogrife de deux nombres ou de
deux fons .
La fomme des deux quarrés égale celle
de 674.
La fomme des deux cubes divifée par celle
des deux racines , égale celle de 499 .
Le 1er nombre eft le plus grand.
55. Logogrife de deux nombres ou de
deux fons .
La fomme des deux nombres égale 34 .
La
SEPTEMBRE . 1728. 1959
La difference de leurs cubes égale 21736 .
Le 1erdes deux nombres eft le plus fort.
56. Logogrife de trois nombres ou de
trois fons.
Le 1er eft aritm . au 2 comme le 3 eft
à dix .
Le 2 eft géometr. au 3 comme le 1er
à 25
I
Le 3e eft aritm . au 1er comme le 2e à 30 .
XXXXXXX : XXXXXX : XX
TRIOLETS ,
Sur le mois de Septembre.
SEptembre eft le plus beau des mois ,
C'est lui qui dépoüille la Treille :
Chantons donc tous à haute voix ,
Septembre eft le plus beau des mois ;
C'eſt lui dont Bacchus a fait choix ,
Pour donner fa Liqueur vermeille :
Septembre eft le plus beau des mois ,
C'est lui qui dépoüille la Treille.
Ce jus que nous aimons toujours ,
1.
Cc
1960 MERCURE DE FRANCE .
Coule en ce beau mois de Septembre
Nous recevons pendant fon cours
Ce jus que nous aimons toujours ,
Et qui feul fait nos plus beaux jours ,
Depuis Janvier jufqu'en Decembre ;
Ce jus que nous aimons toujours ,
Coule en ce beau mois de Septembre.
።
De ce nectar délicieux ,
Ufons pour charmer la trifteffe :
Buvons de ce jus précieux ,
De ce nectar délicieux ;
Mais dans nos repas gracieux ,
Que Bacchus jamais ne nous bleffe :
De ce nectar délicieux ,
Ufons pour charmer la trifteffe.
Bacchus pris fans précaution .
Peut caufer une folle guerre ;
Ami , de fotte opinion ,
Bacchus pris fans précaution ,
Enfante l'indifcretion ;
Plus
SEPTEMBRE . 1728. 1961
Plus tranfparente que le verre :
Bacchus pris fans précaution ,
Peut caufer une folle guerre.
BOUCHET.
PLAIDOTER de Mercure , Avocat
General en la Caufe des Champenois &
des Drufiens , au Tribunal de M. DE
SENECE' .
M
ONSIEUR , puifque c'eſt dans un
Ouvrage qui porte mon nom , &
fous mon Afcendant qu'a pris naiffance
une fameuſe conteſtation , qui diviſe aujourd'hui
deux Nations confiderables , &
que les principaux Chefs des deux Partis
font convenus de remettre réciproquement
leurs interêts entre vos mains pour
être jugez par vous fouverainement &
en dernier reffort . Je crois qu'il ne m'eft
pas permis de garder le filence , & que
c'eft à moi , exclufivement à tout autre ,
d'exercer dans cette caufe le Miniftere du
Magiftrat Public , c'eſt -à- dire , de parler
& de donner mes conclufions fur une
affaire auffi importante à la Difcipline
Litte
1962 MERCURE DE FRANCE .
Litteraire , qu'à l'honneur de ces deux
Nations.
Au refte , Monfieur , quoique je fois
Mercure , & que toute l'Antiquité m'ait
reconnu pour le Dieu de l'Eloquence , je
vous déclare que je n'abuferai pas de mes
talens : il ne tiendroit qu'à moi de vous
bercer par de belles Frafes , & de vous
endormir enfin par un difcours fleuri , qui
s'éloigneroit du Fait , à l'imitation de
tant d'Orateurs Anciens & Modernes ;
ce qui feroit mal remplir mon Miniſtere ,
car il ne s'agit ici que d'expofer & d'inf
truire , & non pas de briller & de féduire
.
Ornari res ipfa negat , contenta doceri.
J'entre donc dans mon Sujet fans autre
préambule , Vous fçavez , MONSIEUR ,
que les Triolets , dont vous êtes le Reſtaurateur
, & une belle Ode fur la Table .
imprimée dans le Mercure de Mai 1727 .
page 906. & 913. ont donné lieu à la
querelle dont il s'agit ici . Une Dame ou
Demoiselle de la Ville de Dreux , qui
préside à une Societé de gens d'efprit &
de gout , crut trouver & dans l'Ode &
dans les Triolets quelque chofe qui avoit
befoin d'interprétation. Elle vous l'a demanda
, Monfieur , avec beaucoup de
politeffe par une de fes Lettres , que mes
SeSEPTEMBRE
. 1728. 1963
Secretaires imprimerent dans leur Journal
du mois d'Août fuivant , page 1252 .
Vous y êtes prié au nom de cette Societé
de vouloir indiquer la fituation topographique
des Vignobles d'Ai, de Chaffagne,
& de Riez. Tout le monde , dit on , n'étant
pas à portée de la bien fçavoir , &c.
On vous prie auffi de donner quelque
clarté fur le Poiffon d'Avril , l'Afperge
& les Moufferons : non pas que ces noms
employez dans vos Triolets ne foient bien
intelligibles d'eux- mêmes ; mais par rapport
au fens dans lequel ils font là employez
, &c. Enfin , dans la même Lettre
vous étes invité d'inftruire les Demandeurs
fur l'origine & les regles des
Triolets , dont on vous croit l'Inventeur
, & c.
Cette Lettre inferée , comme je viens
de dire, dans le Mercure d'Août , ne fut
pas longtemps fans réponſe . Quelques
Champenois mirent auffi - tôt la main à la
plume , & envoyerent au Mercure des
Triolets inferez dans une Lettre datée
du 21. Septembre 1727. en infinuant
que le tout s'est fait en bûvant du meilleur
Champagne . Ils font imprimez avec
l'Extrait de la Lettre dans le Mercure
d'Octobre , page 2189. Que vous dirai
- je , Monfieur , de cette production ?
On n'y trouve rien moins que la poli-
Cteffe
1964 MERCURE DE FRANCE.
teffe Françoiſe : fans égard pour le fexe ;
fans égard à la fituation des lieux , fans
égard aux bienféances , on y traite fort
mal les Demandeurs : car on les traite
tant en Profe qu'en Vers , d'ignorans outrez
, &c. A gauche , c'est le chemin de
Dreux , eft , felon ces Champenois , un
Proverbe qui les regarde , & dont il les
prient galamment de leur apprendre l'origine
, &c. Telle eft , Monfieur , cette
Réponſe , qui n'étoit ni demandée ni attendue
, on peut dire , ni meritée .
Pour vous , MONSIEUR , , à qui feul
appartenoit le droit de répondre , comme
feul prié de le faire , vous le fîtes d'une
maniere digne de vous , c'est - à - dire
toute oppofée à celle des Champenois.
Votre Réponse datée du 28. Septembre, eſt
dans le même Mercure d'Octobre , immédiatement
à la fuite de la Lettre Champenoiſe
, comme étant venuë pofterieurement.
Quel contrafte que celui de ces
deux Piéces jointes enſemble dans le même
volume , écrites fur le même fujet ?
Dans la premiere , les Auteurs rompent
en vifiere , ils veulent infulter , il rampent
dans leur ftile & n'apprennent rien :
dans la feconde , l'Auteur , loin d'offenfer
, inftruit poliment & agréablement,
Son ftile eft fimple , mais noble & naturel.
Je dois ici une juſtice aux Champenois
;
SEPTEMBRE .
1728. 1965
nois , c'eſt de croire qu'en cette occafion
ils ont été mortifiez & édifiez tout enfemble
; mortifiez d'avoir écrit avec tant de
hâte &
d'indifcretion , édifiez de l'exemple
& de la leçon que vous leur
donnés.
La Réponſe , au refte , ou plutôt la
Réplique de la Dame de Dreux ne fe fît
pas long- temps attendre . Elle parut dans
le
Mercure de
Novembre , page 2396.
On n'y trouve rien moins que l'ignorance
& l'air épais que l'Epitre
Champenoiſe &
les Triolets prêtent aux Druxiens. On
s'y deffend avec efprit & politeffe , on
peut ajoûter avec avantage , furtout à
l'égard du Proverbe par lequel on infulte
aux Druxiens. A gauche , c'est le chemin
de Dreux . Car les adverfaires font priés à
leur tour de dire l'origine de celui- ci :
Quatre vingt - dix - neuf Moutons & un
Champenois font cent bêtes, Cinq Triolets
achevent de ripoſter. On y plaifante
agréablement : ils finiffent , MONSIEUR ,
en vous établiffant juge de la Conteſtation
.
Prenez pour juge SENECE' ,
D'une Critique fi nouvelle ;
De ma part fi j'ai mal penſé ,
Je prens pour juge SENECE' :
Cij Et
1966 MERCURE DE FRANCE:
r
Et quand il aura prononcé
Noyons dans Ai la querelle ,
Prenez pour juge SENECE' .
D'une Critique fi nouvelle.
La Dame infultée ne pouvoit pas , fans
doute , faire un meilleur choix , & il
paroît que les Parties adverſes y ont donné
les mains : voilà donc votre Tribunal
bien & dûëment faifi de cette Cauſe ;
mais voyons ce qui a fuivi. Nulle réponfe
de la part des Auteurs de la premiere
Lettre. On peut dire que ce filence leur
a fait honneur : heureux fi quelques Compatriotes
prenant la choſe d'un autre biais,
croyant toute la Province intereffée
dans le Proverbe des Moutons , qui n'étoit
qu'une plaifanterie en recrimination :
heureux , dis-je , fi quelques Compariotes
ne fe fuffent avifés de mettre encore
des Triolets fur la Scene en faveur
de la Champagne , & à la dérifion des
Dreuxiens.
Mais avant que je vous rende compte
de cette Piéce , l'ordre veut , MoNSIEUR
, que je n'oublie pas un incident
qui l'a précedée. Une Lettre écrite de
Paris le 27. Octobre 1727. & fignée
Roger : Lettre d'un ftile grave , & prefque
Stoïcien , parut dans le même Mercure
SEPTEMBRE . 1728. 1967
cure de Novembre page 241 8. L'Auteur
y traite mal les Dreuxiens , principalement
pour avoir ignoré qu'Ai eſt une
Ville de Champagne. Il fupplée à cette
ignorance , & il les inftruit auffi fur la fituation
de Chaffagne , & c. Il ne paroît
pas fi fçavant fur la fituation de Riez ,
avouant qu'il ne connoît pas ce lieu
mais qu'on l'a affuré que Riez eft un Vignoble
de Bourgogne : telle eft la Lettre
incidente d'un homme qui n'a aucun interêt
à la conteftation , qui écrit pour
écrire , & c .
La Réponſe de la Dame eft inferée
dans le 1. vol . de Decembre fuivant
page 2652. Le Cenfeur y eft renvoyé à
I'Almanach pour apprendre que Riez n'eſt
pas un Vignoble de Bourgogne , mais une
Ville de Provence , & on lui confeille
d'aller à l'école.
Feüilletez mieux votre Almanach ,
Monfieur R. je vous l'ordonne ,
Raifonneur ab hoc & ab hac ,
Feüilletez mieux votre Almanach :
Allez dans ce nouveau Tric- trac ,
A l'Ecole , & je vous pardonne :
Feüilletez mieux votre Almanach ,
Monfieur R, je vous l'ordonne.
Ciij Ces
1968 MERCURE DE FRANCE .
Cependant les nouveauxTrioletsCham
penois , dont je viens de parler , font préparés
, & paroiffent enfin dans le Mercure
de Janvier 1728. page 71. dattez du
18. Decembre précedent. Les Dreuxiens
y font encore taxez de prendre à gauche ,
&c. & d'être au moins demi- Normands ,
&c . Plufieurs Champenois Lettrez y font
cités par oppofition aux 99. Moutons ,&c.
& fans nier l'exiftence du malin Proverbe
, on en détourne le fens à l'avantage
de la Nation Champenoiſe de cette maniere
:
Le Champenois n'a du Mouton ,
Que la candeur , non la bétife ;
Tel eft le vrai fens du dicton ,
Le Champenois n'a du Mouton ,
( Dupe en cela , qu'y feroit- on ? )
Que la bonne foi , la franchiſe.
Le Champenois n'a du Mouton
Que la candeur , non la bétife.
Enfin , MONSIEUR , & c'eft , fans doute
, ce qu'il y a de meilleur dans cette
nouvelle faillie A l'exemple de la Dame
de Dreux vous êtes pris pour arbitre de
ce grand differend , ce qui acheve de con.
firmer
SEPTEMBRE. 1728. 1969
firmer le droit que vous ayez de juger les
Parties.
Sur un débat fi férieux ,
Répand les jeux de ta Critique ,
En Triolets judicieux ,
Sur un débat fi férieux ,
Auteur ſenſé , mais gracieux
SENECE' verſe un ſel attique :
Sur un débat fi férieux ,
Répand les jeux de ta Critique
Il ne falloit pas s'attendre que les Dreuxiens
demeuraffent en refte. La même
Dame met la main à la plume pour la
derniere fois , & répond aux derniers
Triolets défobligeans. Sa Réponſe intitulée
: Fin des Triolets, & c . eft inferée dans
le Mercure de Juin dernier , 1. vol .
page 1099. C'est une Lettre qui va droit
au fait , qui démontre que le nouvel adverfaire
s'écarte exprès du vrai fujet de la
querelle , & que fon interprétation du
Proverbe des Moutons eft fophiftiquée
&c. L'article qui concerne le fameux La
Fontaine , mis à la tête des Champenois
Lettrés , eft réjoüiffant. Depuis cette Réplique
toute la Champagne garde le filence
: enforte que l'affaire eft de part
Ciiij &
1970 MERCURE DE FRANCE .
& d'autre en état d'être jugée .
Car je ne crois pas , MONSIEUR.
que je doiye m'arrêter à ce qui a été produit
incidemment par certains efprits
mal faits , qui n'étant point mêlez dans
la querelle , & prenant de travers des chofes
qui ne les regardent point , fe font
avilés d'écrire des Lettres anonimes mal
digerées & farcies de Triolets piquans
dont les uns vous ont été adreffées , &
les autres à mes Secretaires . Si je fais
l'honneur à ces Phantomes , contre lefquels
des gens fenfez ne doivent point fe
battre , de faire ici quelque mention de
leurs productions , c'eſt pour vous rendre ,
MONSIEUR , une partie de la juſtice qui
vous eft dûe , ces Lettres ayant procuré
au Public la belle Piéce dont vous
avés enrichi le 1. vol . du Mercure , page
2640. fous le titre de Lettre Apologeti-
&c. datée du 7. Decembre 1727 .
Votre modeftie m'empêche d'en faire l'éloge
; mais vous me permettrez de ne pas
paffer fous filence un endroit de cette
Lettre qui eft de confequence pour le
fujet dont il s'agit ici. Les Anonimes ont eu
la temerité de vous imputer la citation du
Proverbe imaginaire du Chemin de Dreux.
Vous répondez ce qui fuit:
que,
» Le reproche que l'on me fait d'avoir
» cité ce Proverbe , eft.une pure calomnie
» dont
SEPTEMBRE. 1728 . 1971
» dont je demanderois réparation , fi je
fçavois à qui la demander. Je ne connois
» point ce Proverbe , & ne fçai pas mê-
» me ce qu'il fignifie . J'ai été toute ma
» vie du fentiment qu'il ne falloit jamais
» blâmer en general une Nation , ni une
» Communauté , & que par tout il fe
» trouve des perfonnes de merite . Quant'
» à la Ville de Dreux , je n'y fus de ma
» vie , & je n'en connois ni la fituation
» ni les Habitans , fi ce n'eft par un fort
» bel endroit de fon Hiftoire , qui m'ap-
>> prend qu'elle a tiré fon nom de ces fa-
>> meux Druïdes , qui dans les bons fie-
>> cles de l'ancienne Gaule , y avoient
» établi le fiége principal de leur Reli-
» gion , & de leur Philofophie ; & je ne
» doute aucunement que les femences de
>> leur Doctrine & de leur vertu ne ſe
foyent perpetuées dans leurs Defcen
» dans.
Une déclaration fi précife & fi fenfée
a dû couvrir d'une égale confufion les
Auteurs du prétendu Proverbe , & ceux
qui ont eu la temerité de vous l'imputer.
Vous aviez quelque raifon de croire que
l'imputation venoit de la part de ceux qui
s'y trouvent intereffez , mais je fçai qu'ils
n'ont jamais eu cette penſée , & que vous
êtes en veneration à Dreux comme à Paris
, & par tout où l'on fe pique d'hono`
rest
1972 MERCURE DE FRANCE :
rer le vrai merite & la belle érudition:
Oui , MONSIEUR , je fçai que les Dreuxiens
penfoient bien fur votre fujet avant
qu'on eut vû dans le Mercure la justice
que vous leur rendez par les belles paroles
que je viens de citer.
Il ne me refte plus , pour ne rien omettre
, qu'un mot fur certaine Lettre écrite
le 10. Janvier dernier , & fignée le Maire
d'Ai ,fuivie de Triolets qui vous font
adreffez par l'Auteur de la Lettre . Elle
eft inferée dans le Mercure de Janvier ,
page 76. On y trouve de la gayeté , &
la répetition du quolibet , à gauche , &c.
contre les Citoyens de Dreux. Les Triolets
vous regardent , MONSIEUR , uniquement,
& ne font faits avec les 2. ou 3 .
Notes Hiftoriques qui les accompagnent ,
que pour blâmer la préference que vous
avez donnée au vin de Rheims , fur celui
d'Ai , dans votre Lettre du 28. Septembre
1727. ci-devant citée . Tout cela né
peut être regardé que comme un incident
frivole , qu'ont fait naître l'amour
de la Patrie , & la paffion d'écrire .
Tels font , MONSIEUR , le commencement
, les progrès & les incidents du
Procès que vous avez à juger , fur lequel ,
après en avoir réduit le précis dans les
bornes les plus étroites qu'il m'a été poffible
, j'ai à donner mes conclufions . Deux
Qu
SEPTEMBRE . 1728 1973
ou trois refléxions fuffiront pour les déterminer,
1º. C'eſt une maxime inconteſtable
que dans les procedés qui deviennent des
querelles férieufes , les Aggreffeurs ont
toujours le premier tort & le principal
tort.
2º. Attaquer des perfonnes de gayeté
de coeur , & les infulter fur le blâme
general
d'une Nation , ou d'un Corps , eft
un procedé qui merite repréhenfion .
3°. On a toujours regardé comme peu
avifez tous ceux qui n'ayant perfonnellement
aucun interêt dans les conteftations
qui fe préfentent , s'y mêlent fans en être
requis , brouillent & aggravent les chofes
, au lieu de les pacifier en les éclairciffant.
J'applique , MONSIEUR , ces maximes
à la caufe dont il s'agit ici : les Auteurs
des deux Lettres Champenoifes font
précisément dans le cas de la premiere &
de la feconde refléxion . Les Auteurs des
Lettres fignées , Pune Roger , & l'autre le
Maire d'Ai , & les Ecrivains anonymes
qui ont fait paffer jufqu'à vous , Monfieur
, des Lettres & des Triolets mal mefurés
, tombent dans le cas de la 3º Reflexion.
Cvj CON .
1974 MERCURE DE FRANCE.
CONCLUSIONS.
Dans ces circonftances , toutes chofes
mûrement peſées , j'eftime qu'il y a lieu
de condamner les Auteurs des deux premieres
Lettres , folidairement & fans di
vilion , à tenir & eftimer les Habitans de
Dreux pour gens de bonne fame & renommée
, droits , finceres & bien avifés ,
reconnoître qu'ils ne font en aucune fa
çon Normans , ni demi- Normans , la
Ville de Dreux étant toute Françoife ,
tant au ſpirituel qu'au temporel ; en outre
de faire en particulier à la Dame de
Dreux directement offenfée dans lefdites
deux Lettres , & dans les Triolets y
joints , telle fatisfaction qu'il vous plaira
, MONSIEUR , d'arbitrer , au moyen
de quoi ladite Dame & les autres Ci
toyens de Dreux , feront tenus de les recevoir
à pardon , & de reconnoître réciproquement
la Nation Champenoife pour
Nation diftinguée du côté de l'efprit , de
la franchiſe & de la generofité ; avec injonction
aux uns & aux autres , de tenir
pour abfurdes & malignement fabriqués
tous Quolibets, Proverbes, Dictons , &c.
* Dreux eft du Diocèfe de Chartres , du Reffort
du Parlement de Paris , & de l'Orleanois .
pour le Gouvernement.
contre
SEPTEMBRE. 1728. 1975
contre l'honneur des deux Nations , défenſes
de s'en fervir à l'avenir , fous peine
d'amende , & c.
2
A l'égard de la Lettre fignée Roger
le débouter de fon'intervention avec dépens
, le condamner à faire inceffamment
un cours de Topographie Françoi
fe , de quoi il rapportera Certificat en
bonne forme du Profeffeur qui l'aura
inftruit , bien & dûëment légalisé par les
Maire & Confuls de la Ville de Riez.
Pour ce qui regarde l'Auteur de la Lettre
, fignée le Maire d'Ai , le débouter
pareillement de fon intervention , avec dépens
, & défenfes à lui de fe fervir à l'avenir
du Dicton employé dans ladite
Lettre , fous les peines ci - deffus . Ordon--
ner que la préference du Vin de Kheims
fur celui d'Ai , fubfiftera telle que vous
l'avez établie , défenfes au contraire .
Et quant aux Ecrivains cachés , qui par
Lettres indifcretes & par Triolets abfurdes
, fe font immifcés dans la querelie
les condamner , fi découverts & appréhendés
peuvent être , à fubir la peine
portée par la loi deCaligule contre les Auteurs
d'une mauvaiſe Piece , * fçavoir de
* Caligula , tefte Sueton. Cap. 20.Lugduni in
Galliâ , certamina Oratoria ea lege inftituit ut
qui maximè difplicuiffent , fpongia linguave ,
(cripta à fe delerent , nifi maluiffent aut fe
l'effa
1976 MERCURE DE FRANCE .
l'effacer avec la langue , ou avec une
éponge ; fi mieux n'aiment les Délinquants
, conformément à ladite loi , être
plongez dans la plus prochaine Riviere ,
après avoir été rudement battus à coups
de ferule.
que
mê-
Et afin d'arrêter la licence de ceux qui,
à l'imitation des Ecrivains Champenois ,
Parties dans cette Cauſe , attachent une
Note de blâme , de fufpicion , & prefd'infamie
aux termes de Normand &
de Normandie , fans avoir égard aux bonnes
qualités & aux avantages confiderables
qui fe trouvent dans la Nation &
dans la Province de ce nom , fans confiderer
, dis - je , que l'une & l'autre ,
me tout le Pays du Maine y joint , font
de tout temps fous ma protection particu
liere faire très expreffes inhibitions &
défenſes à toutes perfonnes de fe fervir de
ces termes ou d'autres équivalents dans
l'efprit ci deffus marqué , à peine de telle
amende qu'il vous plaira de prononcer ,
appliquable au profit des pauvres Plai
deurs des deux Provinces. Moyennant
quoi , j'eftime , Monfieur , que le Jugement
qui doit intervenir , formé par votre
équité & par vos lumieres , terminera
heureuſemeut une affaire , qui , après
rulis objurgari , & in proximum flumen mergs.
Lub.in Juvenal.
avoir
SEPTEMBRE. 1728. 1977
avoir attiré l'attention du Public , fervira
de régle pour le paffé , d'exemple & de
loi pour l'avenir.
*****:XXXXXXX :XXX
EPIGRAM M E.
UN Magifter , grand Choriſte au Pupitre
,
Au demeurant un Baudet en ſurplis ,
Etant requis de tranflater l'Epitre ,
Ne put paffer In diebus illis .
Parbleu , pourtant , dit- il , fi je fçai lire ,
De ces deux mots , je comprens l'un fort
bien ;
Car in die , les Indes nous veut dire ;
Pour bufillis , ma foi je n'en fçai rien .
LETTRE fur le Paradoxe du P. C. J.
E premier Volume de votre Journal
de Juin m'étant tombé entre les
mains , j'ai vu , Monfieur , page 1122 .
& fuiv. que le P. C. prétend établir ce
Paradoxe , que la difference des deux
grandeurs égales n'eft pas toujours nulle .
1978 MERCURE DE FRANCE .
Il tâche de le prouver , en rapportant les
deux fuites 1 plus plus , &c . & plus
plus , &c. qui font égales , dit- il , &
dont la difference eft néanmoins une grandeur
fenfible. Mais le P. C. oublie d'a
vertir les Lecteurs que ces deux fuites
forment des quantitez infiniment gran.
des ; ce qui feroit tout-à-fait propre à
faire ceffer le Paradoxe , pour les perfon
nes même qui ne feroient nullement Géometres.
En effet , le fini s'évanoüiffant
lorfqu'on le compare à l'infini , & n'étant
rien par rapport à lui , tout le monde
fçait qu'on peut regarder comme égales ,
deux grandeurs infinies , auffi - tôt que l'une
ne furpaffe l'autre que d'un excès li
mité. D'où il fuit que les deux feries dont
il s'agit , formant des quantités infinies
& étant égales , mais non pas d'une éga
tité rigoureuse , il'eft très- poffible , qu'en
ôtant l'une de l'autre il ne tefte pas zero
abfolu ; mais une certaine grandeur dé
terminée. Au furplus , on voit très aiſément
que les deux feries 1 plus plus }
&c. & plus plus , &c. compofées
d'un égal nombre de termes , ne font pas
rigoureusement égales : car jointes enfemble
elles font i plus plus plus plus
plus , &c. & chacune des deux fuites
devroit donc être la moitié de cette fom-
2 &
me:mais la fuite plus plus , &c . au
lieu
SEPTEMBRE . 1728. 1979
d'être moitié de toute la fomme , ne l'eſt
ici , comme on voit , que des trois premiers
termes ; & fi on pouvoit les deux
fuites à l'infini , la feconde plus plus
&c. ne feroit encore moitié que de la
fomme 1 plus plus } plus ¦ plus ¦ plus /
&c. continuée feulement jufqu'à la moitié
du nombre de fes termes . Or la ferie
plus plus , & c . étant toujours de cette
forte moindre que la moitié de la fomme
I plus plus plus plus plus , &c. il
faut neceffairement que la premiere ſerie
1 plus plus , & c . foit plus grande ; &
ainfi il n'eft point furprenant , fi elle
furpaffe l'autre d'une quantité déterminée.
C'est ce qui arrive auffi , comme le fçavoient
déja les Géometres : mais le P. C.
ajoûte que cela doit arriver ainfi , à priori.
Je finis , Monfieur car je n'ai nulle.
ment envie de priver le Public des refléxions
de cet Auteur . J'ai l'honneur d'être
très-veritablement , votre très humble
& très- obéïffant ferviteur.
>
B. H. D. R..
LETTRE
1980 MERCURE DE FRANCE .
LETTRE du P. C. à M. de la Roque,
au fujet du Paradoxe Géometrique .
ONSIEUR ,
J'ai l'honneur de vous renvoyer la ſeconde
Lettre anonime fur le Paradoxe
Géometrique.Comme on ne vous l'a apparemment
adreffée que pour la rendre pu
blique , ce feroit dommage de priver de
cette fatisfaction un Auteur, qui, fans dou
te , a fait de fon mieux en l'écrivant ,
quoique je me ferois bien paffé d'une
critique , que fon Auteur n'oſe avoüer
aux yeux du Public . Ce n'eft pas la feule,
& il en vient de paroître une autre du
même caractere dans le dernier Mercure
de Juillet , page 1585. Si l'on fait bien ,
pourquoi cherche - t - on les tenebres ? Et
puis ne viendra-t - on pas encore dire que
c'est moi qui fais toutes ces critiques ,
comme l'ont dit quelquefois ceux mêmes
qui en étoient les Auteurs, & qui auroient
bien fçû fe faire connoître fi elles avoient
réüffi , mais qui me les attribuoient dès
qu'ils en voyoient le mauvais fuccès . On
n'en ufe pas ainfi lorfqu'on n'a en vûë que
le bien de la choſe & la verité ; & je vous
avouë
SEPTEMBRE . 1728. 1981
avouë que j'aurois laiffé tomber ces deux
nouvelles critiques fans réponſe , fi l'Auteur
de la premiere ne m'étoit connu , &
fi je ne l'eftimois même affez pour paffer
par deffus cette formalité , dont je le pric
cependant de ne pas fe diſpenſer une autre
fois , au cas que la réponſe que je m'en
vais avoir l'honneur de lui faire , ne lui
paroiffe pas fuffifante.
1º. Je pourrois me contenter d'oppofer
aux deux anonimes , la Lettre auffi folide
qu'obligeante , dont M. de Fontenelle
m'a honoré à cette occafion . Mais je n'ai
befoin que d'eux mêmes pour mettre le
Paradoxe à couvert de leurs attaques. Ils
vont au même but tous deux , l'un en
voulant prouver qu'il eft faux , l'autre en
ſe donnant pour un homme pour qui c'eſt
une verité commune. Mais à quelque but
qu'ils aillent , ils me permettront de les
mener au mien . Un Paradoxe eſt une
verité réelle , jointe à une faufſeté apparente.
Qu'on joigne les deux critiques enfemble
, l'un prouvera à l'autre que c'eſt
une verité , & celui- ci prouvera à celui-là
qu'il y a une apparence de fauffeté . Ce
qu'il falloit démontrer.
•
2º. Le dernier anonime prétend que
je n'avois qu'à avertir que les deux feries
étoient infinies , pour faire ceffer le Paradoxe
. C'eſt là une maniere de ſe donner
рпол
1982 MERCURE DE FRANCE
pour un homme qui fçait la choſe ; mais
1º . j'aurois eu beau en avertir , je ne
l'aurois appris qu'à ceux qui le fçavoient
déja. 2 °. Plufieurs de ceux à qui on l'a
dit depuis , l'ont nié , & je crois pouvoir
citer le premier anonime , pour preuve
qu'on peut être Géometre & avoir beau
coup d'efprit fans le croire. 3 ° . Le Paradoxe
eût ceffé , dit - il , pour ceux qui font le
moins Géometres , & cependant aujourd'hui
même on connoît des gens d'efprit
qui font même Géometres jufqu'à un
certain point, pour qui c'eſt un Paradoxe
& quelque chofe de pis .
3. Ce fecond anonime même , qui
fe donne pour infinitaire & pour un homme
pour qui ceci n'eft point un Paradoxe,
me permettra de lui faire remarquer qu'il
n'a pas même pris l'état de la queſtion ,
& qu'il n'eft nullement de ceux pour qui
le Paradoxe eût ceffé. Car ce Paradoxe
ne confifte pas à dire que deux chofes
ôtées l'une de l'autre laiffent un refte réel
lorfqu'elles ne font pas rigoureufement égales
. C'eſt ainſi qu'il l'entend , mais ce n'eſt
pas ainfi que je l'ai entendu , ni qu'il faut
l'entendre. Il s'agit de deux choſes trèsrigoureusement
, très -géometriquement éga
les , qui ne laiffent pas , étant ôtées , de
fe trouver arithmétiquement inégales . Et
c'eft , pour llee ddiirree eenn paffant , cette diftiction
SEPTEMBRE. 1728. 1983
tiction entre l'égalité géometrique & l'egalité
arithmetique , qui donne le propre 启
priori , & le dénouement complet du Paradoxe
.
4°. Mais aucun des anonimes n'a pris
la chofe du côté le plus intereffant . Ils
fe font arrêtez aux préliminaires qui font
une affaire depuis affez long - temps démontrée
par les Géometres. Le plus fingulier
n'eft pas que deux quantitez égales
ayent une difference infiniment petite par
I I I
2 3 4
rapport à elles , ni que dx foit nul par
rapport à x , ou 2xdx , par rapport à xx.
Tous ces dx font quelque chofe de fort
abftrait & de fort vague , que la plupart
des gens regardent tout au plus comme
des êtres de raifon qui n'ont point de lieu
hors de l'idée des Géometres. Au lieu
qu'on fçait ce qu'on dit , lorfqu'on dit
que la difference de 1. , & c . eft
II2 , c'est-à - dire une fuite dont tous les
termes ont l'unité pour numerateur &
pour dénominateurs fucceffifs 1. fois 2 ,
3 fois 4. 5 fois 6. 7 fois 8. , & c . à l'infini
; qu'un Triangle a pour fa differen
tielle , 1. plus 1. plus 1. plus 1. & c . que
l'integrale d'une ligne eft 1 , 2 , 3 , 4, &c.
que le quarré de 1 plus 1. plus 1. & c.
eft 1 , 3 , 5 , 7, &c. ou 2 , 4, 6 , & c. que
le quarré de 1 , 3 , 5, 7, & c . eft & c . que
la Quadrature de la Parabole eft 2, 8 , 18 ,
2 129
I
32
1984 MERCURE DE FRANCE:
32 , &c ; &c. car on s'eft trop preffé de
juger de ce Paradoxe , lorſqu'on s'y eſt
borné, & qu'on n'a pas vû que ce que j'y
indiquois , valoit peut- être mieux que ce
que j'en découvrois.
9
5. Cependant comme c'eſt une clef,
je dois en établir la verité exacte & rigoureufe
, contre les oppofitions des deux
anonimes dont l'un , en le regardant
comme non exact , & l'autre comme non
rigoureux , le font également efforcez de
le ruiner , mais inutilement , rien n'étant
plus géometriquement vrai. J'ai affez démontré
cette verité géometrique & l'égalité
rigoureufe des deux fuites , dans ma
Réponse à M. de Fontenelle , & je terminerois
ici cette Lettre , fi je n'avois rien
de nouveau à ajoûter. Les deux Critiques
n'en ont pas ufé de même , car ils n'ont
dit que ce que j'avois ſuffiſamment indiqué
, & qu'ils pouvoient bien ſuppoſer
que je fçavois & que tout le monde fçavoit
, puifque c'étoit même mon deffein de
faire remarquer que 1. furpaffoit , que
furpaffoit , & c.
6. Mais c'eſt la Démonſtration que
j'ai indiquée de l'égalité des deux fuites
qui a été , contre mon intention, un piege
pour ceux qui le font trop preffez de dire
leur avis fur une matiere affez délicate &
qu'il eft bon d'avoir long- temps remaniée
avant
SEPTEMBRE . 1728. 1985
I I
avant que d'en parler , furtout pour contredire.
Pour démontrer que 1. & c . eft
égale à &c.j'ai 24 dit qu'il n'y avoit qu'à
prendre la moitié de la ferie entiere 1.1 } & c
ce qui donne , &c . c'eſt - à - dire, tous
les pairs. C'est là- deffus qu'on a crû pouvoir
trouver à mordre ; car , a-t- on dit
il s'agit ici des pairs qui font alternatifs
dans la ferie entiere 1 . ; , &c. & dont
le nombre eft deux fois moindre que ceux
qu'on trouve en divifant chaque terme
de cette ferie entiere par la moitié. Or fi
ceux- ci font la moitié de cette ferie entiere
, a t'on ajoûté, les autres qui font ent
un nombre infiniment plus petit , font
beaucoup moindres que la moitié , &c .
On a crû ce raifonnement évident.
I
7°. Mais j'avois averti dès l'entrée du
Paradoxe , que plus on fait d'ufage de
fon efprit , plus on trouve de raisons de fe
défier de fes propres lumieres ; que les chofes
qu'on croit le mieux entendre , &c . j'avois
même averti en finiffant qu'il falloit
être Géometre infinitaire pour démêler
tout ceci. Ce que j'avois dit en general ,
j'ai le plaifir de le voir fe verifier en détail.
M. de Fontenelle eft infinitaire &
cela fans équivoque , auffi a - t - il bien démêlé
ce Paradoxe , peut- être moins parce
qu'il eft infinitaire , que parce qu'il s'y eft
porté avec une modeftie & une efpece de
défiance
1986 MERCURE DE FRANCE:
défiance que l'on ne peut fe laffer d'admirer
au commencement de fa Lettre ,
p. 1588. du Journal de Juillet . L'air captieux
de la Démonſtration indiquée , ne
lui a pas impofé un moment , & il a vû
d'un coup d'oeil que cette ferie qui a deux
fois plus de termes que l'autre , ne laiſſe pas
de lui être exactement égale , le furplus de
fes termes n'étant rien par rapport à elle.
8°. Comme ce celebre Auteur ne s'étoit
pas arrêté aux fuites factionnaires ,
& qu'il étoit allé tout de fuite aux afcendantes
que je n'avois fait qu'indiquer dans
le Paradoxe , c'eft fur ces feries afcendantes
que j'ai fait rouler la Réponſe que j'ai
eu l'honneur de lui faire. C'eft pourquoi
je dois indiquer ici une nouvelle Démonftration
appropriée aux feries fractionnaires
. Comme j'ai démontré les feries afcendantes
par le Triangle , je puis démontrer
les defcendantes par l'hyperbole ,
qu'il n'y a qu'à concevoir divifée en une
infinité d'ordonnées , dont les paires formeront
une nouvelle hyperbole ou demie
hyperbole égale à celle des impaires qui
leur font alternatives . Mais il y a une
autre maniere de divifer une hyperbole
en deux ; c'eſt en faifant paffer entre
fa circonference & fes afymptotes une
autre hyperpole qui partage en deux
toutes les ordonnées & cette ma
>
niere
SEPTEMBRE . 1728. 1987.
niere fe rapporte à la Démonftration indiquée
dans le Paradoxe de Juin . Voilà
tout ce que j'avois à dire là - deffus. Siles
Critiques répliquent , je les prie de me
faire l'honneur de mettre leur nom à leur
Ouvrage autrement je me croirai difpenfé
de leur répliquer moi-même , d'autant
mieux qu'en voilà , je penfe , affez
pour les vrais Géometres infinitaires , feuls
Juges dans cette matiere . Je fuis , &c .
Ce 8. Juillet.
XXX:XXXXXXXXXXX :X
TRADUCTION du fecond
Epithalame de Catulle , fur les Noces
de Manlius & de Julie.
Vefper adeft , juvenes confurgite , &c.
Le Poëte invite les jeunes garçons & les
jeunes filles au Chant Nuptial.
'Apperçois de la nuit l'Etoille avant- cou-
J'Ariere ,
Qui renouvelle fa carriere.
Enfans , il faut quitter la table & fe lever ,
L'Epoufe doit bientôt dans ces lieux arriver ,
Celebrez cette nuit à l'Hymen deſtinée.
✪ hymenée, Hymen ! viens Hymen, hymenée !
D Et
1988 MERCURE DE FRANCE :
•
Et vous qui pour ce Dieu , formez déja des
voeux ,
Jeunes filles , venez ; prenez part à ces jeux ,
L'Etoille qui préfide à l'amoureux Myftere ,
Brille déja fur l'Hemiſphere ,
Ce n'eſt pas vainement qu'on nous voit affemblez
,
Il faut qu'avec nos chants , les vôtres foient
mêlez ,
Pour réjouir l'Epoufe fortunée .
O hymenée, Hymen ! viens Hymen,hymenée !
Choeur des jeunes Garçons.
La Palme qu'il faut mériter ,
Chers Compagnons , n'eft pas facile à remporter.
Les Filles pour leurs Chants, méditent des merveilles
,
Mais fi nous détournons nos yeux & nos
oreilles ,
Nos Chants & nos efforts deviendront fuperflus.
Elles auront toute la gloire ,
Par elles nous ferons vaincus ;
Vous fçavez que les foins précedent la vic
toire .
Soyons donc attentifs & concertons nos voix,
Leur
SEPTEMBRE. 1728. 1989
Leur Hymne ne doit pas plutôt être entonnée.
Que nous devons répondre & chanter à la fois.
O hymenée , Hymen ! ô Hymen , hymenée !
Choeur des jeunes Filles.
O Heſper , n'es-tu pas des Cieux ,
L'Aftre le plus fatal , le plus pernicieux ,
De ta trifte influence on a beau fe deffendre.
Ton pouvoir arrache du ſein ,
D'une mere allarmée , & qui refifte en vain ,
Sa fille dans un âge tendre.
Pour la livrer à l'Epoux plein d'ardeur.
Que pourroit faire plus un ennemi vainqueur.
Dans une Ville abandonnée
Afon indifcrete fureur?
O hymenée , Hymen ! Hymen , ô himenée !
Choeur des Garçons.
O Hefper , n'es - tu pas des Cieux ,
L'Aftre le plus aimable & le plus gracieux.
L'on confirme par toi les noeuds du mariage ,
Tout ce que les parens , les Epoux ont juré,
De plus faint & de plus facré ,
N'a rien qui pour toûjours les lie & les engage,
Que ton éclat brillant ne paroiffe à leurs yeux.
Dij Pour
1990 MERCURE DE FRANCE.
Pourroit- on défirer de la faveur des Dieux ,
Une plus douce deſtinée ?
O hymenée , Hymen ! Hymen , ô hymenée;
Choeur des Filles .
Vois la difgrace qui nous fuit ,
Hefper , tu nous ravis une de nos compagnes.
La Garde a beau veiller , dès que con Aftre
luit,
Le voleur qui de jour erre dans les campagnes,
Se cache à la faveur des ombres de la nuit.
Mais quand changeant de nom , tu finis ta
carriere .
Prêt de quitter notre Hemiſphere ,
Tu furprens ce voleur au même lieu caché.
On fçait ce que Louvent, Heſper , t'a reproché,
Fille , jeune & timide à l'Hymen deſtinée ,
Qui dans le fecret de fon coeur ,
En reffent nuit & jour l'impatiente ardeur.
O hymenée , Hymen ! Hymen , ô himenée !
Choeur des Garçons.
Une fleur dont on voit briller le vif émail,
Qui du fer de la bêche ou des pieds du bęſtail ,
1 N'a point été brifée ,
Que le Soleil nourrit , qu'embellit la rofée .
Et
SEPTEMBRE. 1728. 1991
Et que careffent les Zephirs ,
Attire du paffant les yeux & les defirs.
Mais fi- tôt qu'elle perd cette beauté flétrie ,
Par l'indifcret attouchement ,
D'une main qui ternit fon plus grand ornement
>
Elle eſt abandonnée , elle n'eſt plus chérie.
Telle une jeune fille , encor dans la candeur ,
Qui fçait conferver ſa pudeur ,
De tout le monde eft defirée.
Mais dès qu'elle a perdu la fleur ,
De la vertu , dont elle étoit parée ,
Elle perd auffi- tôt fes plus doux agrémens ,
Elle cefle de plaire à la troupe bien née ,
Des Compagnes & des Amans.
O hymenée , Hymen ! Hymen , ô hymenée !
Choeur des Filles .
La Vigne qui naît dans les Champs ,
Sans aucun Art & fans culture ,
Ne produit qu'un fruit brute , âpre de fa nature
,
Ses rameaux mal nourris , font foibles & pan
chans.
Mais , par fon propre poids , d'elle- même accablée
,
E iij Eprou
1992 MERCURE DE FRANCE.
Eprouvant chaque jour l'infulte du paſſant ,.
Aux pieds duquel elle eft foulée ,
Si d'un Ormeau voifin , quelle embraffe en
croiffant ,
Elle reçoit l'appui. Pour elle l'on s'empreffe ,.
Et plus d'un Ouvrier la cultive fans ceffe.
Telle une fille fans Epoux.
Qui perd de fes beaux jours l'ufage le plus
doux ,
Vieillit dans le mépris . Mais fi dans le jeune
âge ,
Elle veut fe foumettre au joug du mariage ,
A fon Epoux , à ſes Parens ,
Dont elle fatisfait les voeux les plus ardens .
Elle devient plus chere après la foi donnée..
Q hymenée › Hymen ! Hymen , ô hymenée ! .
Choeur des Garçons & des Filles .
Toi , qui dois ceder aux tranſports ,
D'un amour tendre & conjugale ,
Avec ton jeune Epoux dans l'ardeur nuptiale
Ne tente pas de vains efforts.
La partie entre vous ne feroit pas égale.
De tes parens il faut fuivre la loi :
De ta virginité non plus que de ta foi ,
TH
SEPTEMBRE. 1728. 1993
Tu n'es pas feule la maîtreffe.
Ceux dont tu tiens le jour , partagent avec
toi ;
Le pouvoir du deſtin qui pour eux s'intereffe,
Avec ta dot ils ont cedé leurs droits
A l'Epoux dont ils ont fait choix.
Comment feule contre eux pourrois- tu te deffendre
,
A leurs defirs il eft temps de te rendre.
Parens , Epoux , Hymen , Amour , tous d'une
voix ,
T'ont déja condamnée .
O hymenée , Hymen ! Hymen , ô hymenée !
Manlius, pour quiCatulle a fait deux Epithalames
, étoit d'une famille illuftre dans
Rome , & celebre par les grands hommes
qu'elle a produits. Par fon Mariage avec
Julie , il étoit allié à la famille de Jules
Cefar. Catulle étoit né auprès de Veronne,
dans une prefqu'ifle agréable nommée Sirmion
, au Lac de Garde , où fon depere
meuroit , lequel fut grand ami de Cefar.
La curiofité & le defir d'apprendre infpira
à Catulle dans fa grande jeuneffe , l'inclination
de voyager dans l'Afie . Il fie
quelque féjour en Bythinie dans le temps
que Cefar y étoit pour la feconde fois ,
Diiij, à
1994 MERCURE DE FRANCE .
le
à fon retour d'Alexandrie à Rome. Mais
il fit connoiffance dans la Macedoine avec
Manlius , qui en étoit Gouverneur ,
même dont parle Ciceron dans fon Oraifon
contre Pifon. Ce fut lui qui amena
Catulle à Rome , où il s'adonna â l'étude
de la Poëfie , pour laquelle il eut un génie
galant , tendre & facile ; mais ſa Muſe
quelquefois un peu trop libre & trop peu
retenue dans les expreffions , comme il
fe voit dans quelques- unes de fes Poëfies
, marquoit en lui un air de paffion
& de licence affez répandu parmi les jeu.
nes Romains de fon âge & de fon temps.
On peut dire de lui ce que Quintilien
difoit d'Horace : Horatium in quibufdam
nolim interpretari. Apparamment cet Orateur
vouloit parler de la 8 ° & de la 1 2º.
Ode du 5 Livre & de quelques endroits
de fes Satyres. A cela près , Horace renferme
tous les caracteres de la Poëfie
fçavante , hiftorique , politique , critique ,
morale & galante . C'eft le Poëte de tous
les honnêtes gens de tous âges & de tous
états. Outre Lefbie , qui fut la paffion
dominante de Catulle & la plus délicate ,
il aima mieux encore Hypfitille , qui étoit
de Veronne. Mais les fens & la débauche
eurent plus de part à celle- ci que le coeur
& l'efprit , fi on en juge par une Poëfie
qu'il a faite pour elle .
Morean de Mantonr.
SEPTEMBRE . 1728. 1995
LE JUGEMENT DE TMOLE.
CANTATE ,
De Made l'Heritier.
Orfqu'on eft animé par l'Amour & la
gloire ,
Peut- on manquer d'être vainqueur ?
Quand de beaux yeux regnent fur un grand
coeur ,
Ils le guident à la Victoire .
Dans les Jeux , aux Combats pleins d'une
noble ardeur ,
Il cueille des Lauriers d'éternelle mémoire.
Lorsqu'on eft animé par l'Amour & la gloire ,
Peut- on manquer d'être vainqueur ?
Sur les hauts fommets du Mont Tmole ,
Pan faifoit refonner fa Flute & fes Chanfons ,
Le Prince qui dora les Ondes du Pactole ,
Souvent en admiroit les fons.
Sur la foi de Midas , plein d'une folle audace,
Pan ofe défier par fes ruftiques Airs ,
Le Dieu dont les charmans Concerts ,
Dy Font
1996 MERCURE DE FRANCE:
Font les délices du Parnaffe.
Pour juge de leur differend ,
Ils choififfent Tmole à l'inftant.
Ils fentent un dépit que l'Amour accompagne.
Tmoles s'étant affis fur fa verte Montagne ,
Glorieux de juger de fi fameux talens ,
Pan fit entendre ainfi fes champêtres accens.
Ne nous plaignons point que les Belles
Tiranniſent nos coeurs par trop de cruauté. »
C'est notre peu de fermeté ,
Qui les rend fi cruelles.
Si lorfque nous voyons nos foupirs impuiffans,
Auffi-tôt à leurs loix nous devenions rebelles ;
Elles nous offriroient l'encens ,
Que nous prodiguons pour elles.
Pan, rempli d'un ardent courouxý -
Ne reprit qu'un moment haleine:
Il aimoit la Nymphe Cyrene :
Souvent la Belle à fes genoux ,
Voyoit Apollon d'un oeil doux' ;
Et Pan n'attitoit que fa haine.
i
Pour
SEPTEMBRE 7728. 1997
Pour piquer fon Rival & le rendre jaloux ,
Il cache fous ces mots les malheurs de fa
chaîne.
Lorfque l'Amour nous donne du chagrin,
Implorons de Bacchus le fecours favorable.
Bien fouvent le verre à la main ,
On rend fa Maîtreffe traitable.
Un bel objet plein de dédain
Pour un infipide Blondin ,
Cherira d'un buveur l'enjoûment agreable."
Vivent les plaifirs de la table .
Vive l'Amour d'accord avec le vin.
Pan ayant achevé la folâtre Mufique >
De fa Chanfon Bacchique ;
Tmole dit au Dieu du jour , ›
Votre Lyre tendre ,
Doit fe faire entendre ,
Enfin à fon tour :
Ce difcours fait lever le beau- fils de Latone ;
Couronné de Lauriers , vétu de pourpre &
d'or ,
Il brille plus lui- même encor
Que tous les ornemens dont l'éclat l'environne.
Dvj
11
1998 MERCURE DE FRANCE.
Il prend fa Lyre, & d'un ton gracieux ,
Anime par ces mots fes fons harmonieux.
Quand un bel objet a ſçû plaire ,
Il a beau faire foupirer ,
Le doux plaifir de l'adorer ,
Touche un coeur délicat & fçait le fatisfaire.
Toujours les Heros & les Dieux ,
Et fur la Terre & dans les Cieux ,
Ont aimé de cette maniere.
Partiſans de Bacchus, dont la troupe vulgaire,
Deshonore le nom d'Amant ;
Par votre bizare enjoument ,
Et votre Mufique groffiere ,
Vous efperez en vain d'être heureux en aimants
Lorfqu'une Belle veut fe rendre ,
Ce n'eft qu'au vif empreffement ,
D'un Amant délicat, galant, foumis & tendre.
Tranfporté du plaifir touchant ,
Que donnoit Apollon par fa Lyre & fon chant.
Tmole jugea qu'il avoit la victoire ,
Et que Pan vainement prétendoit à la gloire
D'atteindre
SEPTEMBRE. 1728. 1999
D'atteindre par fa Flute à la noble douceur ,
De la Lyre de ce Vainqueur.
Que cet Arrêt fut doux pour la Nymphe Cyrene
!
Cachée à l'ombre des Buiffons;
Elle avoit entendu les diverfes Chanfons
Des deux Rivaux qui vivoient fous fa chaîne.
Senfible au tendre amour
Du charmant Dieu du jour ,
Elle cede au penchant qui vers ce Dieu l'entraîne
,
Et court plus legere qu'un Fan ,
Accroître fon triomphe , & la honte de Pan.
Mais pendant qu'en ces lieux , à l'envi tout
s'empreffe ,
D'applaudir fans réſerve à l'équitable Arrêt ,
Que Tmole a prononcé pour le Dieu du Permeffe
,
Midas feul déclame fans ceffe ,
Que l'Arbitre a fuivi la gue ou l'interêt :
La Lyre eft fans appas pour fon oreille épaiffe ,
Et la Flute feule lui plait. 1
Chacun rit de fa manie ;
Mais
2000 MERCURE DE FRANCE.
T Mais ce n'eft pas encor tout ,
Dans l'inftant elle eft punie.
Apollon irrité de fon bizare gout
Change fes oreilles de forme ,
Et pour le comble de fes maux ,
A
De celles du plus vil de tous les animaux ,
Elles ont la grandeur énorme.
2
Si tous les mauvais connoiffeurs ,
Etoient marquez à des marques pareilles :
O Ciel ! que l'on verroit d'oreilles !
Etaler à nos yeux leurs difformes longueurs.
***
LETTRE de M. le Curé de S. Quën
de Vignacourt, Diocèse d' Amiens , écrite
le 6. Asût 1728. au fujet des Perce
oreilles , &c.
Our fatisfaire la curiofité d'un grand
Pnombre de perfonnes qui fouhaitent
apprendre ce qui eft arrivé depuis 17268-
au fils du fieur Lafitte , Chirurgien au
Bourg de Domard-les- Ponthieu , dans le
Diocèle d'Amiens , au fujet des Perceoreilles
, qui fortent de fa tête par les
Oreilles
SEPTEMBRE . 1728. 2001
oreilles , & quelquefois par le nez ; je
crois ne pouvoir rien faire de mieux , que
de vous prier de vouloir encore inferer
dans l'un de vos Mercures , les circonftances
que j'ai l'honneur de vous mar--
quer fur ce fait , & je fuis perfuadé que
le Public n'en fera pas moins frappé qu'il
l'a été de la lecture des deux Lettres que
vous lui avez communiquées par le moyen
de vos Journaux , & en dernier lieu par
celui de Juin de 1726. 2. vol .
Ce fait pourroit paffer pour un Paradoxe
, s'il n'y avoit pas autant de témoins
pour le prouver , qu'il y a de perfonnes
dans le pays, fans compter les gens
de diftinction qui ont voulu s'en affurer
par eux mêmes ; cependant on veut nous
perfuader qu'on n'en croit rien à Paris &
dans d'autres Villes confiderables , où l'on
fe pique de penfer jufte. Si cela eft , nous
ne pouvons répondre autre chofe que de
demander fr on peut croire fûrement ce
que l'on voit : ce principe admis , nous
affurons le Public que nous rendons témoignage
à la verité.
M. du Vernay , habile Chirurgien &
Membre de l'Academie des Sciences , paffant
par Abbeville en 1726. fut informé
par M. Bellot , aujourd'hui Doyen
des Medecins de cette Ville , de la con--
tinuation de ce fait , & l'ayant prié de
vouloir
2002 MERCURE DE FRANCE .
vouloir bien lui dire ce qu'il en penſoit ,
il détermina M. Bellot à faire prendre au
Malade pendant 15. jours , matin & foir ,
un bol fait avec 7. grains de Mercure
doux & autant de Diaphoretique mineral
, incorporez dans de la Gelée de Groifeilles
ou de Pommes , aprés deux faignées
du bras , à quelques jours de diftance
& une purgation d'infufion de
Sené , & c.
Le fieur de Lafitte ayant reçû cette Ordonnance
, commença de la mettre en
oeuvre, & il avoit tout lieu d'en efperer un
heureux fuccès ; car il fortit de la tête
du jeune homme une quantité prodigieuſe
de ces Infectes ; mais comme ce Remede
aiguifoit fort fon appetit , & que d'ailleurs
fon pere étoit obligé de fortir con
tinuellement à caufe des maladies populaires
qui regnoient dans les lieux circonvoilins
, il n'obferva point le régime
qui convenoit en pareil cas ; au contraire
faififfant tantôt un bon chanteau de pain ,
tantôt de la viande ou des fruits , à l'inf
çû de fa mere , il devint bien- tôt dans un
état déplorable ; car fon corps le trouva
couvert de plufieurs abfcès dans des parties
dangereules , ce qui détermina le fieur
de Lafitte d'interrompre le Remede.
Non feulement il n'a pas été poffible
de compter les Perce - oreilles qui font fortis
SEPTEMBRE . 1728. 2003
tis de la tête de ce jeune homme pendant
l'année 1727. mais le nombre en
a été encore plus confiderable cette prefente
année . Le fieur de Lafite , déclare
& affure avec fa femme , qu'ils en ont
vû fortir 62. de fes oreilles le 30. Juillet
dernier , & que la veille il en étoit forti
plus de 20. Ce qui doit plus étonner
le Public , c'eft qu'il y a plus de 5. ans
qu'il en eft travaillé . Il en fort peu l'hyver
; mais le mois de May étant venu ,
ils recommencent à paroître & ne ceffent
de fortir qu'à la fin de Novembre . Il
eft vrai qu'il n'en fort pas tous les jours ,
mais au moins il eft rare qu'une femaine
ou au plus une quinzaine fe paffe , fans
qu'il en forte. Ils font la plupart fort
gros , & l'on n'en voit point de pareils
fur les fleurs ou dans les fruits . Depuis
deux ans il ne les fent plus ni fortir ni
rentrer ; au refte , il n'eft point fourd ,
il ſe porte affez bien , il a toûjours grand
appétit ; mais fon teint pâlit beaucoup ,
& l'on croit remarquer en lui un commencement
de ſtupidité. Quoiqu'il ſouffre
beaucoup pendant l'été , il fouffre
bien davantage en hyver ; deforte que
fon pere a crû le perdre l'hyver dernier.
Parmi un fi grand nombre de fçavans
Medecins , ne s'en trouvera- t - il point
quelqu'un
2004 MERCURE DE FRANCE.
quelqu'un qui rompe le filence pour nous
dévoiler , autant qu'il eft poffible , ce
myftere de la nature ? Car il nous paroît
intereffant de connoître les Parties ou
Sinus , dans lefquels ces Infectes font
renfermez , ces Sinus doivent être ſpacieux
pour en contenir un fi grand nombre.
Il ne l'eft pas moins de fçavoir ce
qui fait leur nourriture , & comment ils
n'ont encore endommagé aucun vaiffeau ,
& caufé quelques abfcès , alteré même let
tympan de louie ; il n'eft pas moins à
fouhaiter qu'on découvre un Remede
propre à exterminer ces Infectes & à en
détruire l'Ovaire , & c .
La Lettre qu'on vient de lire eft nonfeulement
fignée de M. de Savoye , Curé
de S. Ouën & Doyen Royal de Vignacourt
, mais elle eft accompagnée d'un
Certificat du Curé & des Ecclefiaftiques
de la Paroiffe de Domard & des Officiers
de la Baronie & Senechauffée dudit lieu
de Domard ; fçavoir , les Lieutenant General
, Procureur Fifcal , Maire & Echevins
, &c. qui atteftent tous la même cho
fe. Il y a auffi une Lettre particuliere du
Medecin qui a vû le Malade , fignée Bellot
, & datée d'Abbeville le 16. Août
dernier , qui confirme tout ce que M. le
Curé de S. Quën a écrit là- deffus .
2.
EX
SEPTEMBRE . 1728. 2008
XXXXX
EXPLICATION
de l'Enigme du
mois de Juin.
Que
Ue le Mercure eft prévoyant !
Comme il voit que l'hyver s'approche incef
famment !
Que la femme déja préparé ſa Capote ,
Il nous offre une Redingote.
Moulins , ce 29. Août 1.728 ..
EXPLICATION
du Logogryphe
du même mois .
Ciel , que les goûts font differens
Qu'il eft peu de Mortels contens !
L'un comme un Limaçon renfermé dans fa
coque ,
A Paris, à Lima , préfere une bicoque ,
D'un Inftrument mélodieux ,
Ecoute avec plaifir le Son harmonieux .
L'autre aime les Lauriers & la Palme immortelle
,
Qu'on cueille dans les Champs de Mars .
Celui - ci plus rêveur qu'un Maçon fans truelle,
Porte de tous côtez fes farouches regards ;
En.
2006 MERCURE DE FRANCE.
En un mot , je ne vois aucun Mortel enFrance ;
De Paris à Quimper , de Mâcon à Coutance ,
Qui puiffe être à couvert des deftins ennemis
,
Fût-il par fa bonté , fa valeur , fa puiffance ,
Plus craint que Soliman , plus aimé que LOUIS .
Moulins , id.
EXPLICATION de la " , de la 3′ &
de la 4 Enigme du Mercure de
Juillet 1728.
EN me reveillant le matin ,
Et mettant la Plume à la main ,
Ma femme a cherché fon Eguille ,
Pour travailler avec fa fille ;
Mais un mal de tête d'abord ,
A tous trois nous a fait grand tort ,
Pourquoi ne point laiffer l'Ouvrage ?
Je n'étois pas fort echauffé ,
J'ai pris un tant foit peu courage ;
Pour faire d'excellent Caffé.
D'Orvilliers , de Vernon.
ExSEPTEMBRE.
1728. 2007
Explication du fecond Logogryphe du
même Mercure.
Pourquoi tant creufer mon cerveau ?
Ce Logogrypge- cy n'eft- il pas fur l'Ormeau ?
Oui , c'eft le mot , ou ce doit l'être ,
Il eft fort facile à connoître ,
Otant I'm , il refte eau d'autre part il refte or;
Laiffons donc celui - là , cherchons ailleurs
encor.
D'Orvilliers , de Vernon.
Explication du 3 Logogryphe , idem.
fur les mêmes rimes .
PouOur trouver ici même chofe ,
Lifant à l'ordinaire , ou lifant à rebours ,
Eve , à qui nous devons nos jours
Du gentil Logogryphe eft encore la cauſe.
D'Orvilliers , de Vernon ,
Explication du 4 Logogryphe , idem .
Ay maudit mille fois l'Ouvrage ,
J'AY
Mais je n'ai point perdu courage ,
En rencontrant d'abord Tripot ,
J'ai vu que je n'étois pas fot ;
J'ai
T008 MERCURE DE FRANCE.
J'ai vu le Po , j'ai vû le Tage ,
J'ai vu mitonner le Potage ,
Après que la groffe Margor ,
Avoit bien fait bouillir le Pot
Ce n'eft pas tout, j'ai vu triage s
Enfin , j'ai découvert Stage ;
Avec cela fuis-je capot ?
Oui , fi je n'en dis davantage ;
Expliquons donc tout en un mot ;
Bon Dieu , le plaiſant Tripotage.
D'Orvilliers , à Vernon , le 15. d'Août
1728 .
Les deux Enigmes du mois dernier ,
ont été faites fur les mots de Souris &
de Mantille. On a dû expliquer le Logogryphe
par le mot Tarif.
PREMIERE ENIGME.
' Ay de l'eaù qui n'eſt point humide ,
J'AY
Du feu qui n'a point de chaleur ,
Quoique mon corps foit fans couleur ,
La matiere en est bien folide,
Sur
SEPTEMBRE. 1728. 2009
Sur les Rofes fouvent on me trouve couché ;
Mais par un fort affez bizarre ,
Ce n'eſt pas une chofe
rare ,
De me voir fur la Croix fortement attaché.
Des Dames d'un haut rang je quitte peu l'oreille
,
Et fors très- rarement des mains des Courtifans
;
Mais par une diſgrace à nulle autre pareille .
On me force à fervir de fimples Artiſans.
DEUXIE' ME ENIGME.
E fuis né prifonnier , petit & miferable ,
Souvent de ma priſon on me délivre à table,
J'engendre des enfans , prifonniers comme moi,
Et je porte le nom d'un Roy.
J'engendre dans mon fein l'image de monPere.
Je ne fuis point le Dieu de l'Ifle de Cythere ,
J'habite pourtant dans les coeurs :
Ici Mortels verfez des pleurs ,
Un de mes logemens à tué votre Mere ,
Et nous caufa bien des malheurs.
TROISIE' ME ENIG ME.
Ntiere en France & deux tiers en
E
Afrique
Tel qui porta mon nom fut un grand politique.
Ma
2010 MERCURE DE FRANCF :
Ma tête fans fuccès , jamais rien n'entreprit ;
Sans elle je fuis tout efprit.
Dans mon être fimple & phyfique ,
Je ſuis bonne à la chair auffi-bien qu'au poiſſon;
Mais fi par hazard on s'applique
A me prendre d'autre façon ;
Lors dans mon humeur flegmatique ,
Je pourrois bien noyer plus d'un Gaſcon.
LOGOGRYPHE.
Au changement par la Nature ,
Je fuis fans ceffe deſtiné ;
Et de même mon nom imitant ma figure ,
En diverfes façons peut être combiné.
Qu'on le divife en deux parties ,
Et que de la premiere on retranche la fin ,
On trouvera le nom d'un infigne coquin ,
Dont maintes Maifons font forties.
Otez-en le chef à fon tour ,
Et vous mettrez foudain des fubftances au
jour ,
Qui ne font point aneanties.
De la derniere part les ufages divers ,
Rap
SEPTEMBRE. 1728. 2011
Rappellent le nom d'une Ville ,
Et d'un Pape auffi faint qu'habile :
Mais lorsqu'au rebours on l'enfile ,
On trouve l'heureux jour qui fauva l'Univers .
Sans chef, la premiere partie ,
La fin de l'autre part pour la fienne prétend ;
De cette maniere affortie ,
Elle eſt un mot Hebreu que tout le monde en
tend :
De la moitié de la premiere ,
Et des trois quarts de la derniere ,
Vous compofez encor le nom d'un fruit vanté ,
Que l'on feme en hyver , & qu'on mange en
été.
Enfin de rares affemblages ,
Me font le Dieu des Vents & la Nymphe des
Bois.
L'endroit où les enfans vont recevoir des loix,
Et la Fête des Mariages ;
On me trouve chez l'Epicier ,
Je galoppe avec le Courier ,
Je fuis le Compagnon du Maître d'Eliſée ,
Terme de Géometre , Acteur dans la Médée ,
Un fer utile & meurtrier.
Ami Lecteur, quoique tu tentes ,
E Toutes
2012 MERCURE DE FRANCE
}
Toutes ces formes differentes ,
Prouvent que tu perdrois de ta peine les fruits ,
Si tu voulois me voir toûjours tel que je fuis,
Par M. Medy de Seon , de Marfeille.
AUTRE LOGOGRYPHE.
A
Me ni corps , ne fuis qu'un nom ,
Quoique fimple être de raiſon ,
A mon approche on s'effraye , on enrage ,
De mon Entier voilà l'image.
Me démembrant , de mes morceaux
Naîtront divers biens , divers maux.
De mes trois parts , les deux dernieres
Font des Troupes les plus guerrieres ,
De fages , de difcrets fuyards.
Et de mes deux premieres parts ,
Se font accords en Bémol , en Béquarre
Si mon chef eſt ſeul , gare ,
Il jure, à ce qu'on dit ,
On le voit fuivre en récompenſe ,
De trois Lettres dont le produit ,
Donne un tréfor plus rare qu'on ne penfe.
Et pour achever ce bonheur,
Joignez
SEPTEMBRE. 1728. 2013
Joignez à ces trois la derniere ,
Vous vous ferez formé , Lecteur ,
D'un vrai bien , la mefure entiere.
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS , & c.
H
ISTOIRE des Grands Chemins de
l'Empire Romain , contenant l'origine
, le progrès & l'étenduë quafi incroyable
des chemins militaires , pavez
depuis la Ville de Rome jufqu'aux extrémitez
de fon Empire ; où le voit la
grandeur & la puiffance incomparable.
des Romains ; enfemble l'éclairciffement
de l'Itineraire d'Antonin , & de la Carte
de Peutinger. Par Nicolas Bergier , Avocat
au Siege Préfidial de Rheims. Nouvelle
Edition , revûë & corrigée , enrichie
des Cartes qui reprefentent les Grands
Chemins de l'Empire . A Bruxelles , chez
J. Leonard , 1728. 2. vol. in 4. & fe
trouve à Paris , ruë S. Jacques , chez
F. Giffart . Nous avons publié l'année paffée
le Programme de la Soufcription de
cet Ouvrage.
HISTOIRE LITTERAIRE de la
Ville
E ij
2014 MERCURE DE FRANCE .
Ville de Lyon , avec une Bibliotheque
des Auteurs Lyonnois , diftribuez par
fiecles. Par le P. Dominique de Colonia
D. L. C. D. J. A Lyon , chez Bigollet ,
vol. in 4.
SENTIMENS NOUVEAUX , ou Préceptes
fur la Grammaire , la Rhétorique,
la Poëfie & la Philofophie , pour appren
dre à ceux qui fans faire profeffion d'étude
, aiment la lecture , les regles fixes
& certaines , tirées de la raifon , pour
juger des Ouvrages d'efprit , d'une ma
niere à fe faire honneur dans les Cercles .
A Paris , rue de la Harpe , chez la venve
Qudot , 1728.in 12 .
Q. HORATII FLACCI Carmina , &c .
Les Poëfies d'Horace rétablies dans leur
ordre naturel & dans leur premiere pureté.
Par le R. P. Sanadon , de la Compagnie
deJefus. Traduction d'une ancienne
Hymne fur les Fêtes de Venus , avec
des Reflexions critiques fur la même Piece.
A Paris , chez la Roche , Cavelier,
Robuftel, Huart l'aîné & Chaubert. 1728.
in 18. de 348. pages pour les Poëfies
d'Horace , & 63. pages pour l'Hymne,
HISTOIRE DE L'ACADEMIE ROYADES
SCIENCES , année 1725. avec les
Méf
SEPTEMBRE . 1728. 2015.
Memoires de Mathématique & de Phyfique
pour la même année , tirez des Regiftres
de cette Académie . A Paris , de
I primerie Royale , 1727. in 4. 153 .
pages pour l'Hiftoire & 354. pour les
Memoires : Planches 14.
C'est le 28 Volume depuis 1699 .
LE COURTISAN PREDESTINE ' ,
ou le Duc de Joyeuſe , Capucin , diviſé
en deux Parties . Par feu M. de Cailliere ,
Marechal de Batailles des Armées du Roi,
& c. Nouvelle Edition , revûë , corrigée
& augmentée de Notes pour fervir à l'intelligence
de quelques faits de l'Hiftoire ,
rapportez dans la Vie de ce Duc. A Paris
, Quay des Auguftins , chez Mufier ,
1728. in 12 .
L'ART DE SAIGNER , accommodé
aux principes de la circulation du fang ,
où l'on explique toutes les circonstances
qu'il faut obferver pour bien faire la Saignée
, & où l'on donne les moyens de remedier
aux accidens dont elle eft quelquefois
fuivie. Nouvelle Edition , revûë
& augmentée par M. D. Ancien Prévôt
de la Compagnie des Maîtres Chirurgiens
de Paris . Rue de la Harpe , chez la veuve
d'Houry , 1728. in 12 .
E iij
LA
2016 MERCURE DE FRANCE
LA RELIGION CHRETIENNE , prouvée
par l'accompliffement des Propheties
de l'Ancien & du Nouveau Teftament ,
fuivant la Méthode des SS. Peres. A Paris
, chez Efprit Billiot , Gab . F. Quillan ,
&c. 1728. in 4. de 286. pages , fans l'Epitre
, la Préface & la Table.
ESSAI PHILOSOPHIQUE fur la Providence
. A Paris , chez Gregoire Ditpuis
, 1728. in 12. de 337. pages .
GRAMMAIRE ITALIENNE , à l'ufage
des Dames , avec des Dialogues & un
Traité de la Poëfie . Par M. l'Abbé Antonini.
A Paris , Quay des Augustins ,
& rue S. Jacques , chez Rolin & Bordelet
, in 8 .
Briaffon , Libraire , ruë S. Jacques , fait
imprimer des augmentations au Voyage
du Tour du Monde , par le Gentil , dont
il a acheté toute l'Edition & le Privilege .
Il y a mis des Planches neuves & de meilleur
goût que les précedentes s'étant
fervi pour cela de Graveurs fort eftimez.
Ce Livre paroîtra dans deux ou trois
mois. On trouve auffi chez le même Libraire
, toutes les Comedies qui compofent
le Théatre Italien , en cinq volumes ,
qui fe vendoient ci - devant chez Flahault.
avec le Dédain affecté , &c .
TRAITE'
SEPTEMBRE. 1728. 2017
TRAITE ' de la Peinture & de la Sculp
ture , par Mrs Richardfon , pere & fils .
A Amfterdam , chez H. Vytvverff, 1728 .
3. vol. in 8.
JUSTIFICATION DE LA MORALE
& de la Doctrine de l'Eglife de Rome
& de toute l'Italie , contre un Livre anonime
qui a pour titre : la Morale des Jefuites
, & de la Conſtitution Unigenitus ,
comparée avec la Morale des Payens . Par
M. Matthieu Petitdidier , Evêque de Ma-
' cra , Abbé de Senone. A Estival , chez
J. Martin Hellier , 1727. in 12. de
316. pages , & fe trouve à Paris , Quay
des Auguftins, chez Guill . de Bure .
RELATION de l'ouverture du corps
d'une femme trouvée prefque fans coeur,
précedée de l'Hiftoire de la maladie qui
a caufé la deftruction de ce vifcere , par
le fieur Soumain , Chirurgien Juré à Paris
& de feu S. A. R. Monfeigneur le Duc
d'Orleans . A Paris , chez Nicolas Pepie ,
ruë S. Jacques , au grand S. Bafile , 17 28 .
in 12. de 30. pages.
Cette Relation comprend deux parties ;
dans la premiere , l'Auteur fait une Hiltoire
affez détaillée de la maladie de feuë
Mile Heuzé ; fes premieres incommoditez
commencerent au mois de Décembre de
E iiij l'année
2018 MERCURE DE FRANCE .
脊
l'année 720. elle fut attaquée d'une fievre
continuë , avec fluxion de poitrine
& une toux feche , elle guérit de cette
maladie , mais la toux fubfifta ; environ
un an après , elle reffentit un battement
de palpitation à la partie anterieure de la
poitrine du côté droit , entre le troifiéme
& quatrième des cartilages qui uniffent
les côtes avec le fternum , en comptant
de haut en bas .
Ce battement n'incommoda pas beaucoup
la Malade jufqu'au commencement
de l'année 1724. il commença dèflors à
augmenter fi confiderablement , qu'à la
fin de l'année 172 5 on apperçut une élevation
très- fenfible dans l'endroit même
où le faifoit auparavant fentir le battement
, l'élevation & le battement répondoient
à l'étendue de la paume de la main,
la Malade reffentoit dans cette partie des
douleurs qui devinrent infenfiblement
très aiguës & s'étendirent juſqu'à la partie
pofterieure & fuperieure de la poitrine ,
ces douleurs étoient beaucoup plus violentes
pendant la nuit que durant le jour.
L'élevation & la circonfcription de la
tumeur s'accrurent beaucoup pendant le
cours de l'année 1727. tous les fymptomes
enfin de fa maladie , comme la
toux , la difficulté de refpirer , les fyncopes
, les fuffocations , &c. augmenterent
SEPTEMBRE. 1728. 2019
rent confiderablement jufqu'au jour de
fa mort , qui fut le 19. de Mars de la
prefente année 1728 .
On fit le lendemain l'ouverture de fon
corps , & c'eft le détail de cette ouverture
qui fait le fujet de la feconde Partie
de la Relation . L'ouverture du cadavre
fut faite par les S Soumain & Bajet ,
Chirurgiens , en prefence de plufieurs perfonnes
. Après avoir emporté les téguments
& féparé le fternum d'avec les côtes &
les clavicules , on apperçut des prolongemens
membraneux , qui partant de deffous
le fternum en forme de rayons , alloient
former à droite & à gauche des
adherences entre le poulmon , la pleure
& le diaphragme ; on trouva dans le côté
gauche de la poitrine un épanchement
d'environ deux pintes d'une eau rouffâtre,
les lobes du poulmon étoient fort engorgez
& de couleur livide , leurs vaiffeaux
étoient variqueux & extrémement dilatez ;
on obferva au- deffous du fternum , une
tumeur de figure conique , fort confiderable
, de couleur blanche , jaunâtre , dont
la furface étoit écailleufe & inégale &
qui répondoit au côté droit de la poitrine,,
furtout par fa pointe.
On renverfa enfuite le fternum , qu'on
trouva carié dans fa partie moyenne in-
, pour mettre cette tumeur à décou →
Ev vert
terne ,
2020 MERCURE DE FRANCE
vert ; elle étoit formée par la dilatation
du pericarde , avec lequel une grande partie
du médiaftin s'étoit confondue par
coalefcence ; après l'avoir ouverte , on
ne découvrit dans fa cavité qu'une portion
charnuë , oblongue , prefque platte ,
qui avoit trois travers de doigt en longueur
, deux en largeur , & environ un
pouce dans fa partie la plus épaiffe ; elle
étoit de couleur jaune tanné & d'une confiftence
très- molle ; elle occupoit le côté
gauche de la cavité , & n'étoit attachée
nulle part : on peut affurer que ce nétoit
autre choſe qu'une portion du ventricule
gauche du coeur , dans la pointe de la◄
quelle on appercevoit encore un reſte de
cavité , tout le refte du coeur ayant été
détruit. En examinant la face interne du
péricarde , on remarqua trois grandes embouchures
& deux petites , qu'on à reconnûës
être , foit par leur fituation , foit
par
la diffection , les embouchures des
grands vaiffeaux du coeur ; les trois grandes
étoient pour la veine cave afcendante
, pour la veine cave defcendante &
pour l'aorte ; des deux petites , l'une étoit
pour l'artère & l'autre pour la veine pulmonaire
: tous ces vaiffeaux étoient fans
valvules .
-L'Auteur finit par quelques conjectu
res qu'il forme fur la deftruction du coeur.
1
SEPTEMBRE, 1728. 2021
Il feroit à fouhaiter qu'un Phénomene aufli
fingulier trouvât des éclairciffemens , &
qu'on pût fur tout expliquer comment la
circulation a pû fe foutenir , quoiqu'imparfaitement
, nonobftant la deftruction
de ce vifcere , auquel on a toûjours don--
né le nom de Primum vivens & ultimum
moriens.
METHODE DE MUSIQUE , felon un
nouveau Systême très - court , très- facile
& très-fur , approuvé par M" de l'Académie
Royale des Sciences , & par les
plus habiles Muficiens de Paris. Dédiée
à la Reine. Par M*** Prêtre du Diocèle
de Genéve . A Paris , ruë de la Harpe
chez P. Simon , 1728. in 8. de 216. pages
, fans la Préface , &c .
›
On trouve chez le même Libraire , le
Breviaire Romain , la Méthode du Plein-
Chant , notez felon ce nouveau Systême
& la Réponse à la Critique , &c .
On s'acquitte aujourd'hui envers le Public
, dit l'Auteur , de la promeffe qu'on
lur a faite , en lui offrant ici la Méthode
de Mufique pour apprendre à la chanter
régulierement , en general , & en très- peu
de temps
.
REPLIQUE de M. de Barras , à la Réponſe
du P.dę la Maugeraye , inferée dans
E v les
2022 MERCURE DE FRANCE.
les Memoires pour l'Hiftoire des Scien
ces , Mars 1726. Article 25. Brochure
in 12. de 75. pages . A Marſeille , chez
Dominique Sibié , 1728 .
Dans cette Réplique , M. de Barras fe
deffend , non - feulement contre le P.de la
Maugeraye, mais il embraffe dans la même
querelle les Peres Caftel & de Languedoc,
Jefuites , fans oublier l'Auteur des nouveaux
Commentaires fur Polybe . » J'ay
» profité , dit il , à l'égard de ce dernier ,
>> de cette occafion pour donner quelque
>> figne de vie , & pour montrer que tant
>> qu'un honnête homme a l'épée au côté
» & la plume à la main , il n'eft jamais
hors d'état de fe deffendre , & c.
que
Comme il eft prefque impoffible que
dans les conteftations Litteraires , il n'échappe
toûjours quelque vivacité & quelchofe
de defobligeant , qui ne peut
jamais tenir lieu de preuves & de bonnes
raifons , M. de Barras , qui paroît
perfuadé de cette vivacité , par rapport à
fon Ecrit, marque fur la fin de la Réplique
une confideration particuliere pour la Robbe
de fon principal Adverfaire : J'ai témo
gné , dit -il , en plus d'un endroit , &
il fi it ainfi fa Lettre : la confideration &
le re pect que j'avois pour la perfonne de
mes Adverfaires , en general pour la
Compagnie de Jefus, dont ils font Membres,
!
&
SEPTEMBRE. 1728. 2013
& à laquelle j'ai l'honneur d'être afilié.
NOUVEAU SYSTESME DE PHILO
SOPHIE , établi fur la nature des chofes
connues par elles -mêmes, mises en parallele
avec l'opinion des anciens Philofophes,
fur les premiers principes de la Nature &
fur lefquels on n'a rien trouvé de fixe &
de ftable jufqu'à prefent. Auquel on a
jont un Traité de la Nature de l'ame &
de l'existence de Dieu , prouvée l'une &
l'autre par une chaîne fuivie d' Argumens
capables de convaincre les plus incrédules
les plus opiniâtres . A Paris , chez le
Breton , Quay des Auguftins , 2. vol.
in 12 .
Le titre magnifique de ce Livre ne ref
femble point à tant d'autres qui promettent
beaucoup & ne tiennent rien . L'Auteur
de ce nouveau Systême de Philofophie
n'a rien avancé qu'il n'ait executé ;
& qu'il n'ait executé , au fentiment de
plufieurs perfonnes , avec toute la netteté,
la précifion & la force poffible. Jufqu'à
prefent , felon eux & felon l'Auteur , les
Philofophes anciens & modernes , avoient
marché à tâtons dans la vafte & épineufe
carriere de la Philofophie ; de la diverfité
de leurs opinions naiffoient chaque
jour de nouvelles difficultez , qui , loin
d'éclairer les hommes , les jettoient dans
de
2024 MERCURE DE FRANCE .
de nouveaux embarras . Mais tout va être
applani par le ſecours de ce nouveau Syſtême
qui ne laiffe , felon l'Auteur , rien
d'incertain fur ces matieres.
Il prétend avoir raffemblé les preuves
les plus claires & les plus convaincantes
pour détruire les fauffes idées que l'on a
introduites dans la Philofophie. Il veut
porter la lumiere dans le fein des ténebres,
& rendre la Philoſophie à l'uſage de tous
les hommes.
Pour y parvenir avec tout l'ordre qu'exige
cette matiere , il la divife en trois
Chapitres , qui font le fujet du premier
Volume. Dans le premier il explique les
quatre premiers principes fur lefquels
roule tout fon Syftême. Dans le fecond
il fait voir la convenance qu'il y a
entre les faintes Ecritures & fes fentimens :
il répond aux objections que les Journaliftes
de Trevoux ont faites contre lui ; il
réfute , felon fes principes , l'opinion de
M. Defcartes fur l'Etendue , & finit ce
Chapitre par des Réflexions fur le Temps ,
qu'il prouve être un Etre diftinct des autres
Etres , ayant fes modes comme eux ,
auffi bien que le mouvement . Cette opinion
nouvelle a attiré l'attention de tous
les Philofophes , qui ont crû jufqu'ici que
la durée des chofes n'étoit point diftinguée
des chofes qui durent . Enfin dans
le
SEPTEMBRE. 1728. 2025
le troifiéme Chapitre , il prétend qu'on
ne peut acquerir la connoiffance de fon
Ouvrage , que par des Réflexions intellectuelles
, & il finit en récapitulant avec
beaucoup d'exactitude , tout ce qu'il a
avancé dans le corps de l'Ouvrage , pour
en rendre les impreffions plus fortes &
plus utiles.
Le fecond Volume renferme des Réflexions
fur la nature de l'Ame , & un
Traité fur l'Exiſtence de Dieu . Les Ouvrages
qui ont parû jufqu'à prefent fur
cette matiere , ne doivent pas empêcher
qu'on ne life avec utilité celui - ci . L'Auteur
nous affure qu'il n'a rien omis de
ce qui pouvoit le rendre eftimable ; pour
cela il a commencé par expliquer la nature
de l'Ame & fes operations ; de- là il
paffe à la démonftration de l'Exiſtence
de Dieu , & aux rapports neceffaires qui
font entre le Créateur & les Créatures ;
il n'oublie pas ceux que l'homme a avec
la Loi Divine & Civile , & avec les Etres
Phyfiques & moraux : tout cela accompagné
de démonftrations fi fortes que
l'Auteur affure qu'elles doivent frapper
les plus incrédules. Il finit ce Traité important
en proteſtant qu'il s'eft ſervi de
fes lumieres , que fon Syftême n'eft établi
que fur les Reflexions qu'il a faites fur la
Nature en general. On voit par là combien
2016 MERCURE DE FRANCE.
bien on s'abufe quand on s'imagine qu'il
y a des matieres fur lefquelles on ne peut
rien dire de nouveau. On a crû jufqu'à
prefent qu'on ne pouvoit pouffer la lumiere
naturelle plus loin que les modernes ont
fait. Ce fera au ublic à juger fi celui
qu'on prefente , n'abrege pas une infinité
de difficultez qu'on trouve dans la
Philofophie nouvelle . Au refte , l'Auteur
eft un Magiftrat également recomman
dable par la naiffance , par fon âge & par
fa probité.
Il paroît un Livre intitulé : l'Histoire
Sacrée de la Providence & de la conduite
de Dieu fur les hommes , depuis le commencement
du Monde jufqu'aux temps
prédits dans l'Apocalipfe , tirée de l'Ancien
& du Nouveau Teftament , reprefentée
en cinq cens Tableaux gravez d'après
Raphaël & autres grands Maîtres ,
& expliquée par les paroles mêmes de
PEcriture en Latin & en François . It fe
vend chez l'Auteur , rue du Four , Fauxbourg
S. Germain , vis - à - vis l'Hôtel
d'Hambourg, & à Pâque 1 729.il fe vendra
rue du Foin , du côté de la ruë de la Harpe
, au Heaume , Quartier de Sorbonne.
L'Ouvrage complet forme trois volumes
, petit in folio ; dédié à la Reine , par
le fieur de Marne , que Sa Majesté vient
d'ho
SEPTEMBRE. 1728. 2027
d'honorer du titre de fon Graveur ordinaire
tant pour récompenfer fon zele , que
pour reconnoître le foin & l'application
qu'il a apportée à cet Ouvrage.
On peut dire qu'on n'à point encore vû
paroître de Recueil des Hiftoires Sacrées
de la Bible que l'on puiffe comparer à
celui- cy , ni pour le nombre des fujets, ni
pour la beauté des Deffeins ; & pour ne
laiffer rien à defirer on a gravé au bas
de chaque Planche , non -feulement les
fujets qu'elle contient en general , mais
encore une Explication Latine & Françoiſe
de ces fujets , & le précis de ce que
les Livres Saints en difent . Cet Ouvrage
peut être d'un grand ornement & d'une
grande utilité pour inferer & faire relier
dans des Bibles & autres Livres qui traitent
de l'Ancien & du Nouveau Teftament.
HISTOIRE DU THEATRE ITALIEN ,
depuis la décadence de la Comedie Latine
; avec un Catalogue des Tragédies &
Comédies Italiennes , imprimées depuis
l'an 1500. jufqu'à l'an 1660. & une
Differtation fur la Tragedie Moderne. Par
Louis Riccoboni , in 8. de 3 20. pages avec
17. Figures des Habits des perfonages caracteriſez
de ce Théatre , & un Poëme
Italien fur la maniere de reprefenter ,
c'eft-
:
2018 MERCURE DE FRANCE.
c'eft à- dire , fur l'art de la déclamation
& du gefte Théatral .
Cet Ouvrage eft compofé de pluſieurs
parties differentes ; on y trouve d'abord
une Differtation fur l'origine & fur l'antiquité
des Pieces Dramatiques en Italie.
La décadence de l'Empire Romain entraîna
celle des Lettres , & par confequent
celle de la Tragedie & celle de la Comedie
réguliere . Le zele de la Religion concourut
à faire abolir ces Spectacles , onles regardoit
nonfeulement comme un des Actes de Religion
du Paganiſme , mais encore comme
une chofe propre à fortifier l'attachement
des Peuples pour l'Idolâtrie , & par confequent
comme contraire au progrès du
Chriftianifme. On fçait avec quelle force
les Peres déclamoient alors contre le
Théatre. Cependant leurs prédications
furent fans fruit tant que l'Empire ſubſiſ
ta lorfqu'il eut été entieremenr détruit
dans l'Occident , que les Vifigoths furent
maîtres de l'Espagne , les Francs de la
Gaule , les Vandales de l'Afrique & de la
Siçile , & les Oftrogoths de l'Italie ; ces
Nations barbares abolirent des Spectacles
qui étoient d'une très- grande dépense &
qui ne devoient pas être de leur gout. Les
anciennes Comedies & les anciennes Tragedies
rouloient fur des avantures & réprefentoient
des moeurs totalement inconnues
à
SEPTEMBRE . 1728. 2029
à ces Peuples ; elles étoient d'ailleurs écrites
dans une Langue qu'ils n'entendoient pas ,
c'étoit beaucoup pour eux que de comprendre
le Latin barbare de la populace
que nous trouvons fur quelques Monuments
de ces temps là.
De tous les Spectacles du Cirque , les
Oftrogoths ne conferverent que les Chaffes
& les Combats d'animaux , le courage &
l'addreffe des Beftiaires , flatterent leur humeur
guerriere ; mais comme la bravoure
des Nations du Nord , étoit jointe à l'humanité
, elles ne purent fouffrir les Spectacles
dans lefquels on faifoit un jeu de
verfer du fang humain , & elles abolirent
les Gladiateurs de tous les Spectacles du
Théatre. Les Oftrogoths ne conferverent
que les Mimes & les Pantomimes , efpece
de Comediens , qui par leurs geftes &
par leur figure , plutôt que par leurs difcours
, excitoient le rire des Spectateurs.
Les Pieces de ces fortes d'Acteurs roulant
toutes fur des intrigues de Valets &
de gens de la lie du peuple , comportoient
un langage groffier & barbare , qui par là
étoit à la portée des Auditeurs.
L'Auteur croit que le nom & l'habillement
de ces Acteurs s'eft conſervé dans
l'Italie. Apulée défigne l'habit des Mimes
par le nom general de Centunculus , qui
marque un vêtement compofé de pieces
rap2020
MERCURE DE FRANCE .
rapportées de differentes couleurs , ce qui
reffemble fort à l'habit d'Arlequin. Ces
Mimes étoient nuds- pieds ou du moins
avec des chauffures plattes , ce qui les taifoit
nommer Planipedes , à la difference
des Acteurs de la Comedie , les Socci de
ces derniers , quoique moins élevez que
le Cothurne , qui étoit une efpece d'Echaffe
, l'étoient cependant affez pour hauf
fer la taille des Acteurs. Quelques- uns de
ces Mimes avoient la tête rafe & fe barbouilloient
de fuye ; ce qui nous reprefente
le mafque & la chauffure d'Arlequin
. Quelques uns de ces Mimes étoient
vétus de blanc & ils formoient une espece
particuliere défignée par la couleur de l'habit.
Dans le Royaume de Naples & dans
la Calabre , le perfonnage & l'habit du
Polichinelle reprefentent ces Mimes blancs
des Anciens.
Les Acteurs bouffons de la Comedie Italienne
n'ont pas feulement confervé l'habit
des anciens Mimes, ils en ont encore gardé
le nom. On les nomme Zanni ou Dfanni,
ce qui eft une legere alteration du nom
Latin Sannio , dérivé de Sanna , Plaifanterie,
raillerie, brocard. Un ancien Grammairien
Latin nous apprend que ces Acteurs
étoient nommez Sanni , auffi- bien
que Sanniones. Cette derniere découverte
avoit été entrevûë par M. Ménage ,
qui
SEPTEMBRE. 1728. 2031
qui l'avoit abandonnée trop legerement
fur la foi d'un fçavant Italien , comme le
fait voir l'Auteur.
On ignore abfolument l'état du Théatre
en Italie depuis l'invafion des Lombards
, quoique l'on ait bien des raifons de
croire qu'il continua toûjours d'y avoir
des Comédiens ou des Mimes . On fçait
feulement que S. Thomas d'Aquin parle
au milieu du treiziéme fiecle de la Comedie
comme d'un Spectacle qui fubfiftoit
depuis longtemps . Ce Pere examine
même fi l'on peut exercer cet Art lans
pecher contre le Chriftianifme , il le nom .
ine l'Art des Hiftrions , parce que ces
Spectacles ne confiftoient alors que dans
les plaifanteries des Mimes . Il le croit
indifferent en lui - même & une chofe
bonne pour le délaffement dont les hommes
ne peuvent fe paffer , il n'en condamne
que l'excès par lequel on feroit
fon unique occupation d'une choſe frivole
, où l'abus , par lequel on fe permettroit
dans ces Spectacles des actions.
E ou des paroles contraires à la pureté des
moeurs & à l'honnêteté publique .
De ce que les Acteurs de la Comedie
Italienne ont confervé le nom & l'habil-
I lement des Mimes Latins , l'Auteur de
la Differtation eft fort porté à croire qu'ils
ont gardé auffi la forme des Farces Atellanes
»
2032 MERCURE DE FRANCE .
lanes , reprefentées par les Mimes : &
comme la Comédie Italienne ancienne fe
jouoit à l'impromptu , il foupçonne que
les Atellannes fe jouoient de même , il
en auroit pû trouver des preuves au moins
très probables dans l'antiquité .
Cette Comedie impromptu occupa feu.
le les Théatres d'Italie juſqu'à l'an 1300.
mais peu après on vit des Comedies plus
régulieres , l'Auteur en nomme une qu'il
croit plus ancienne que le Dante , & au
plus tard de la fin du quatorziéme fiecle ;
la Calandra , Comedie en profe du Cardinal
Bibiena , eft , felon lui , anterieure
au 16 fiecle , elle fut imprimée en 1520 .
mais plus de 30. ans après avoir été faite.
Peu après cette Comedie on en vit paroître
un grand nombre , conduites aſſez
régulierement & écrites avec foin par les
meilleurs Poëtes de ce fiecle , dans lequel
l'Italie produifit un grand nombre d'Ecrivains.
Le Triffino & le Rucellai , publierent
alors des Tragedies. On trouve
dans la Sophoniſbe du Tricin , des beautez
que le plus parfait des Tragiques François
n'a pas dédaigné d'imiter . L'exemple
du Triffino & du Ruccellai , fut fuivi par
leurs Compatriotes , on vit un grand
nombre de Tragedies , peut -être trop regulieres
, car elles font fouvent des copies
ferviles des Originaux Grecs. Par là elles
pouvoient
SEPTEMBRE. 1728. 2033
pouvoient devenir froides , & pour y remedier
, leurs Auteurs choififfoient les fujets
les plus terribles & les plus propres à frapper
l'imagination de leurs Spectateurs , ils
alloient jufqu'à employer non -feulement.
le Tragique du Spectacle , mais encore
l'atroce & le funefte ; deforte que le
moyen qu'ils avoient pris pour arrêter
les Spectateurs , fut peut- être ce qui les
éloigna .
Les Comédies régulieres n'avoient
point paffé fur le Théatre public , elles
étoient reprefentées par des Societez
d'honnêtes gens , qui fous le nom d'Académiciens
, joüoient en certain temps
devant un Auditoire invité les Piéces
qu'eux-mêmes ou des Poëtes de leurs
amis avoient compofées.
Les Comédiens de profeffion continuerent
de jouer à l'impromptu des Comédies
dont ils inventoient & dont ils concertoient
les Sujets.
En 1611. Flaminio Scala Comédien
illuftre , & Chef d'une troupe célebre
fit imprimer le Recueil de les propres
Comédies en forme d'Arguments ou
de Canevas , difpofez à peu près comme
Ele Scenario qui eft expofé derriere le
Théatre de la Comédie Italienne , mais
un peu moins concis . La conftruction de
ces Fables du Scala étoit foible & même
mau2034
MERCURE DE FRANCE
mauvaiſe au jugement de l'Auteur qui le
plaint fur tout de ce qu'elles étoient pour
la plupart très-fcandaleufes. Ce fut vers
l'an 1560 , & du vivant de Flaminio
Scala que les femmes furent introduires
fur la Scene Italienne. Avant ce tems ,
c'étoient de jeunes garçons fous des habits
de femmes qui joüoient ces Rôles.
Un Comédien Italien dans un Livre
imprimé en 1616. nous apprend que de
fon tems les Académies ne furent pas les
feules qui reprefenterent des Comédies
régulieres ; les Comédiens de profeffion
en repréſenterent plufieurs , & il y eût
des Auteurs qui en compoferent exprès
pour eux.
>
La décadence des Lettres en Italie , arrivée
au
commencement du dix ſeptiéme
fiécle , caufa celle du Théatre ; on abandonna
les Tragédies & les Comédies écrites
pour mettre à leur place des Comédies
imitées ou même traduites de
l'Eſpagnol
qui étoient fouvent un mêlange de Tragique
& de Comique, comme dans la vie
eft un fonge dans le Feftin de Pierre , & c.
Ces fortes de Piéces partageoient le Théa.
tre avec les Comédies Italiennes , joüées
impromptu à l'ancienne maniere . M. Pabbé
d'Aubignac croyoit que l'Italie n'avoit
jamais connu d'autres Drames que
ceux - là , mais c'eſt une ignorance dont
l'AuSEPTEMBRE
. 1728. 2035
' Auteur ne peut concevoir comment un
auffi habile homme que l'Abbé d'Aubignac
a été coupable.
L'Auteur paffe enfuite à l'examen des
perfonnages de cette Comédie impromptu.
On trouve dans les Canevas de Flaminio
Leala , les quatre Mafques de la
Comédie Italienne , & les quatre Dialectes
qui y font encore ; les deux Vieillards
, dont l'un parle Venitien , & l'autre
Boulonois . Les deux Zanni ou Bouf.
fons qui parloient Bergamafque ou Lombard
, felon le Pays dans lequel on reprefentoit.
L'Auteur croit que Nuzante ,
Auteur & Comédien en même temps .
eft l'Inventeur du Mafque des deux Vieillards
, & que c'eſt lui qui a introduit lạ
varieté des Dialectes. Ce Nuzante mourut
en 1542. Les divers Cantons de l'Italie
imaginerent des Mafques , des Habits
, des Caracteres & des Jargons differens.
Ce qui eft plaifant pour un Pays
ne l'étant pas toujours ailleurs , faute de
connoître le modele du ridicule que l'on
met fur la Scene. La domination des Efpagnols
en Italie , introduifit les Capitans
qui étoient des Copies outrées de
l'oftentation , de bravoure que l'on reproche
à cette Nation. L'excellence des
Acteurs qui joüoient ces mauvailes Piéces
, cachoient à la plupart des Specta-
F teurs
2036 MERCURE
DE FRANCE
.
teurs l'imperfection
de ces mêmes Piéces.
Aufli la Comédie étoit - elle très-confiderée
; l'Auteur conferve une Copie des
Lettres de Nobleffe données par l'Empereur
Mathias au Cecchino , qui repreſentoit
les Rôles d'Arlequin .
Les plus graves Perfonnages
ne dédaignoient
pas de fe mêler du Théatre , du
moins pour le régler , & l'Auteur prouve
que S. Charles Borromée avoit nommé
une perfonne pour examiner même les
Canevas des Comédies jouées à l'impromptu
, & que fur fon rapport ce faint
Evêque approuvoit
ces Canevas , & les
fignoit de la main .
Après ce détail hiftorique , l'Auteur
rend compte des avantages & des défa
vantages de cette maniere de jouer à
l'impromptu. Quelque vivacité & quelque
verité qu'elle jette dans le jeu des Acteurs
, elle eft fujette d'ailleurs à de grands
inconveniens qu'il ne diffimule pas . L'impromptu
fuppofe des Acteurs qui ayent
beaucoup d'efprit , & qui s'énoncent avec
facilité , avec pureté & avec grace . Il
faut que leur imagination échauffée &
pleine du Sujet , leur fourniffe des difcours
convenables , & il faut que cela fe trouve
également dans les interlocuteurs qui
dialoguent enfemble , il faut qu'ils fçachent
s'écouter & fe répondre mutuellement
SEPTEMBRE . 1728. 2037
ment , il faudroit que celui qui répond
pût prévoir jufqu'où ira le fentiment de
celui qui lui parle , & qu'en répondant
à ce qu'on lui dit , il préparât l'Auditeur
à ce que l'on va dire . En un mot , dans
l'impromptu il faut fe remettre fur le hazard
du fuccès d'une Scene qu'un habile
homme pourroit ne pas rendre, quoi qu'il
y employât tout le loifir & tout le travail
poffible. Cet aveu que l'Auteur fait des
inconveniens de l'impromptu eft d'une
grande force ; car il eft rare que le Public
s'en foit apperçu dans les Scenes purement
Italiennes , qu'il a jouées de cette
façon avec la Deile Flaminia , fa femme
& fouvent il y a eû telle de ces Scenes
aufquelles ceux qui entendent l'Italien
ont avoué que l'on ne pouvoit rien defirer
même pour la précifion du Dialogue.
Les Acteurs médiocres fe fervent pour
fe tirer d'affaire dans les Scenes où ils
font embarraffez de l'expedient des Lazzi,
c'eſt- à- dire , de certains Jeux de Théatre
qui interrompent le fil de l'action de la
Scene , & qui donnent le tems à ces Acteurs
de penfer à ce qu'ils diront lorfqu'il
faudra y revenir. Ces Lazzi font
proprement de l'appanage de l'Arlequin ,
qui par fon Caractere de balourd . & d'étourdi
, eft en droit d'interrompre l'ac-
Fij tion .
To38 MERCURE DE FRANCE .
tion. Ils doivent fervir à renouer ce qu'ils
ont coupé , c'eſt à - dire , que pour être
bons , ils doivent ramener les interlocu
teurs & les Spectateurs à la matiere dont
ils les avoient écartez . Telle est l'idée que
l'Auteur donne des Lazzi , idée de laquelle
les Lazzi que l'on voit fur le
Théatre , ne s'écartent que trop fouvent,
comme il en convient lui - même ; cependant
cette idée doit fervir à difcerner les
Lazzi bien imaginez , & à condamner
ceux qui font vicieux .
L'impromptu regna feul fur le Théatre
Italien depuis l'an 1690. Si l'on joüoit
quelques Comédies écrites , elles fe fentoient
du mauvais gout , & ne reffem ,
bloient en rien à celles du bon fiécle . Pour
mettre ces dernieres fur le Théatre , il
fallut les traveftir , en prendre feulement
le Canevas , & abandonner le détail du
Dialogue & la fuite des Scenes aux hazards
de ce même impromptu.
Cette mode dura long- temps , parce
qu'elle fe foûtenoit par l'excellence des
Acteurs , dont le merite en donnoit aux
mauvaiſes Piéces qu'ils reprefentoient.
Mais ces excellens Acteurs qui joignoient
la culture que l'efprit reçoit par l'étude
& par une éducation liberale aux graces
du corps & de l'action , manquerent
vers
l'an 1680. & les Acteurs ignorans qui
leur
SEPTEMBRE . 1728. 2039
leur fuccederent , deftituez d'efprit , de
talents & de moeurs , eurent recours pour
foûtenir leurs miferables farces aux fottifes
& aux obfcenitez . Une feule troupe
s'étoit préfervé de cette licence , & avoit
confervé la modeftie . Cette troupe qui
avoit quitté l'Italie, & qui paffa en Aliemagne
, avoit à fa tête le grand pere &
la grand'mere de la Delle Flaminia , femme
de l'Auteur. Pietro Cotta, jeune hom
me , né à Rome , entra dans cette troupe.
Comme il avoit de l'efprit , de la fcience
& des moeurs , il s'attacha à purger le
Théatre des licences dont il avoit été rempli.
Le bruit que faifoient en deçà des
Monts les Tragédies Françoifes lui donna
l'idée de ramener la Tragédie fur les
Théatres d'Italie , dont elle avoit été bannie
depuis fi long - temps. Il reprefenta une
Tragedie Italienne d'un Auteur célebre
& réuffit ; encouragé par ce fuccès , il
ofa mettre fur la Scene les Traductions
des plus célebres Tragédies Françoiles ,
& il força , pour ainfi dire , les Spectateurs
à en fupporter la repréſentation.
Car le plus grand nombre de ces Spectateurs
, accoûtumez aux bouffonneries des
Zanni , croyoient que l'on ne devoit aller
au Théatre que pour y rire.
Cotta ayant quitté le Théatre , l'Auteur
âgé de 24. ans , & depuis deux ans
Fiij Chef
2040 MERCURE DE FRANCE .
Chef d'une Troupe de Comédiens réſolut
de fuivre fon exemple. Il mit fur la Scene
les bonnes Tragédies des anciens Auteurs
, & donna même celles des Auteurs
Modernes. Pour menager fes Spectateurs
il entremêloit les repréſentations de ces
Tragédies de celles des Comédies ordinaires
, où le jeu de Théatre domine , &
où l'on cherche feulement à faire rire le
Spectateur aux dépens même du bon fens
& du vrai- femblable .
La moitié de l'Ouvrage reftoit encore
à faire , & il falloit ramener le goût de
la bonne Comédie. L'Auteur commença
par accoûtumer fes Spectateurs à voir des
Comédies plus régulieres , en leur donnant
des imitations des Comédies Françoifes
jouées à l'impromptu , & dans lefquelles
il faifoit entrer les Acteurs mafquez.
Il donna enfuite des Traductions
fuivies de quelques - unes de ces mêmes
Comédies , & il en repréſenta qui étoient
entierement de lui . Son coup d'effai fut
la Femme Jaloufe ; elle eft connuë du Pu.
blic , & elle a été repréſentée ici avec fuccès
dans les deux Langues.
Le fuccès de cette Piéce qui ne rouloit
point fur une intrigue amoureuſe , lui fit
elperer que les Spectateurs pourroient
fouffrir une Comédie fans mafques & fans
Arlequin , écrite en Vers ou en Profe
avec
SEPTEMBRE. 1728. 2041
2
avec foin , & dans laquelle l'impromp
tu n'auroit point lieu. Il fentoit la
grandeur de l'entreprife : le Public avoit
bien voulu venir quelquefois à la Comédie
pour n'y point rire , mais il n'étoit
pas sûr qu'il confentît à rire d'un autre
Spectacle que de celui auquel il étoit accoûtumé.
Ainfi il chercha à s'appuyer du
nom d'un Auteur célebre ; il choisit une
Comédie de l'Ariofte qu'il mit avec de
legers changemens , en état de paroître
fur la Scene fans choquer les moeurs. Le
nom de l'Ariofte caufa un contre-temps
fâcheux , le Partere s'attendît à voir une
Piécé tirée du Poëme de l'Ariofte , & ne
voyant paroître ni Roland , ni Angelique
, ni Bradamante , ni Roger , il reçut
fr mal la Piéce , qu'elle ne put être achevée.
Ce fut dans ce tems là que l'Auteur
fut appellé par Monfeigneur le Duc d'Orleans
, & qu'il reçut ordre de choisir
une Troupe , & de l'amener en France
; c'eft à cette Epoque que l'Auter .
finit la premiere Partie de fon Ou
vrage.
La feconde contient un Catalogue des
Tragédies & des Comédies Italiennes
compofées depuis l'an 15oo . jufques vers
1650. Les Tragédies font au nombre de
240. toutes en Vers , à l'exception d'une
feule qui eft en Profe. Les Comédies écri-
F iiij tes
2042 MERCURE DE FRANCE .
tes , foit en Vers , foit en Profe , font fans
comparaison en plus grand nombre , &
cela doit fuffire pour défabufer ceux qui
croyent que l'Italie n'a point de Tragedies
ni de Comédies régulieres .
Les Italiens connoiffent les noms de
139. Auteurs Tragiques , & de plus de
288. Auteurs Comiques qui ont fleuri
dans l'espace de 150. ans , fans compter
les anonimes les Auteurs des Paftorales
, ni ceux des Drames facrez dont il
n'eft pas queſtion dans ce Catalogue .
"
Ce Catalogue n'eft pas une fimple lifte.
L'Auteur y a répandu diverfesRemarques
au fujet des Piéces & de leurs Auteurs
qui plairoient , fans doute , aux Amateurs
de la Litterature du Théatre . Nous renvoyons
au Mercure prochain l'abregé de
la troifiéme Partie . Cependant avant que
de finir , nous ne pouvons nous empêcher
de rapporter une refléxion de l'Aureur.
Les Critiques Italiens , admirateurs
de l'Antiquité , ont décidé que les Tragé
dies Italiennes font audeffous du médiocre
, en comparaifon de la Tragédie Grecque.
Si l'on vouloit juger des Tragédies
Italiennes fur cette décifion , ne tomberoit-
on pas dans le cas d'un Etranger
qui s'en tenant à la maniere dont les zelateurs
de l'Antiquité ( le P Raprin , M. Dacier
, &c. ) parlent de la Tragédie Françoife
SEPTEMBRE. 1728. 2043
çoife , croiroit que les Piéces de Corneille
& de Racine ne meritent pas d'être
lûës . Ces Tragédies Italiennes s'éloignent
beaucoup moins du Théatre Grec
que les Françoifes ; & fi la perfection dépendoit
de la reffemblance avec les Anciens
, les Tragédies Italiennes l'empor
reroient de beaucoup fur les Françoifes
.
MASTURE DES VAISSEAUX ; & c.
A Paris , ruë S. Jacques , chez Cl. Jombert
, 1728. in 4 ° . de 164. pages & 5•
Planches gravées.
REFLEXIONS fur le premier & le fecond
Tome des Commentaires de Polybe
, faits par M. Follard , & fur fon Livre
de la nouvelle Découverte , avec des
Refléxions Militaires & Hiftoriques . A
Paris , rue S. Jacques , chez Ganeau ,
1728. in 12. de 118. pages.
REMARQUES SUR HOMERE , avec
la Traduction de la Préface de l'Homiere
Anglois de M. Pope , & d'un Effai fur
la Vie & les Ecrits de ce Poëte , par le
même Auteur. A Paris , ruë S. Jacques ,
chez Martin , & Quai des Auguftins
chez la veuve Contelier , 1728. in 12 .
F v HIS
2044 MERCURE DE FRANCE :
+ HISTOIRE de la derniere Révolu
tion de Perfe . 2. vol . in 12. A Paris
chez Briaffon . ruë S. Jacques , 1728 .
METHODE de Mufique felon un nouveau
Systême très- court , très facile &
très-fùr , approuvé par Meffieurs de l'Académie
Royale des Sciences , & des plus
habiles Muficiens de Paris , dédié à la
Reine . Par M .... Prêtre . 1. vol. in 8 °.
A Paris , chez Pierre Simon , ruë de la
Harpe , à l'Hercule , 1728 .
Ce Livre contient l'execution du nouveau
Systême de Mufique dont il eft parlé
dans quelques Mercures.
Le Breton , le pere , vient de publier une
Traduction du Poëme de M. Pope , célebre
Poëte Anglois , dont le Sujet eft
l'Enlevement de la Boucle de cheveux de
Sylvie , rien n'eft , dit on , plus politique
& plus ingénieux que cette Fiction.
LA
CHRONOLOGIE DES ANCIENS
ROYAUMES , Corrigée , à laquelle on
a joint une Chronique abregée , qui contient
ce qui s'eft paffé anciennement en
Europe , jufqu'à la Conquête de la Perfe
par Alexandre le Grand , traduite de
l'AnSEPTEMBRE.
1728. 2045
P'Anglois de M. le Chevalier Ifaac Newton.
A Paris, chez Martin , Coignard fils,
& Guerin , Libraires , ruë S. Jacques
& Montalant , Quai des Auguftins ,
1728. in 4. de 416. pages , fans la
Préface.
Le Public attendoit avec impatience
cet Ouvrage de M. Newton , & l'on
peut dire que l'impreffion n'a rien fait
diminuer de l'idée avantageufe que les
gens habiles en avoient conçue , en lifant
le court Extrait qui avoit donné lieu à
quelques difputes . Le Traducteur y a
joint une Préface très- curieuſe , & trèsintereffante
; il décrit d'abord en fimple
Hiftorien , tout ce qui s'est écrit pour ou
contre , à l'occafion de cet Ouvrage . I
feroit à fouhaiter que toutes les difputes
des gens de Lettres fuffent traitées avec
la même politeffe . Ce n'eft pas qu'il ſoit
toujours de leur avis ; mais il les critique
avec tant de modeftie , qu'il faudroit
être de bien mauvaife humeur pour s'en
plaindre. Enfuite il développe les principaux
Points du Systême Chronologique
de M. Newton ; il ne fe laiffe pas féduire
par fes idées nouvelles , il montre adroitement
par où elles peuvent donner prife à
la Critique. Cela n'empêche point que
le Traducteur n'eftime infiniment cer
Ouvrage.
Fvj » Je
2046 MERCURE DE FRANCE :
•
>> Je n'ignore pas , dit il , que le Sy
» tême de M. Newton eft regardé comme
» une nouveauté trop hardie ; cependant
» quand on fe reprefente que l'ancienne
Hiftoire Profane eft remplie de confu-
>> fion , que les Grecs qui ont écrit tard
» font célebres par leurs menfonges & par
>> leurs impoſtures , & que les Egyptiens ,
» entêtés d'une chimerique Antiquité ,
» ont remplis de fictions leur Hiftoire ;
>> il eft difficile de condamner un génie du
>> premier ordre , qui cherche à s'ouvrir
» une route nouvelle pour débrouiller ce
cahos. Que fi l'on confidere avec atten-
» tion l'enchaînement heureux de fes
» idées , le mêlange ingénieux de faits de
» toute efpece , heureufement préſervez
» de cette féchereffe , qui femble infépa-
» rable de la ſcience des temps , les Ta-
» bleaux que forment l'origine des Bourgs
» & des Villes , la naiffance des Sciences
» & des Arts ; enfin les conféquences qui
naiffent fi rapidement des faits emprun-
» tés des anciens Auteurs : en faveur de
>> tant de beautez , ceux même qui n'a-
>> dopteront pas les idées , pardonneront
» à un tel Ecrivain la liberté qu'il s'est
>> donnée .
Le Traducteur après avoir rapporté l'éloge
que les adverfaires de M. Newton
ont fait de la Chronologie abregée ,ajoûte :
Quelle
SEPTEMBRE . 1728. 2047
>
» Quelle plus noble idée ne ſe formerent-
» ils pas de l'Ouvrage entier ? En effet
>> tout ce qui peut rendre l'érudition cu-
>> rieufe s'y trouve raffemblé ; Mytholo-
>> gie neuve & ingénieuſe , combinaiſons
» heureuſes , évenemens rapprochez avec
>> beaucoup d'art , détails curieux , re-
» cherches profondes , allufions finement
» démêlées , étymologies fçavantes , voilà
» en gros ce quifrappera tout efprit non
» prévenu ; on doit furtout admirer ces
» connoiffances dans le plus célebre de
>> tous les Géometres : on fçait que ces
» Meffieurs tiennent à grand honneur de
» méprifer la fcience des faits .
Nous rapporterons ce morceau de la
Préface pour faire connoître le ftile du
Traducteur , & pour préfenter une idée
de l'Ouvrage , dont nous ne fçaurions
donner un Extrait fans nous engager dans
de longues & fçavantes difcuffions , qui
excederoient nos bornes ordinaires .
Henry & Lamefle achevent d'imprimer
un Livre interreffant , intitulé : Traité
de la charité envers le Prochain , & de fes
vrais caracteres , tiré des Livres faints ,
dans lequel on expofe par la pure parole de
Dien , les Devoirs generaux & particuliers
à l'égard du Prochain. C'est un volume
2048 MERCURE DE FRANCE.
lume in 12. de soo . pages , dédié à la
Reine.
د
Henry , rue S. Jacques . vis -à-vis
S. Yves , a imprimé un Livre intitulé :
La vraie & fauffe Religion , dédié à
M. Herault. Par le R. P. Pietre de S. Benoît
, Carme du grand Convent de Paris.
C'est un in-12 . de 519. pages. On y démontre
la fauffeté de laReligionProteftante
, & la verité de la Religion Catholique .
TRAITE DE LA PENITENCE , imprimé
chez Ganeau, aux- Armes de Dombes
. A Paris , 1728. dédié à la Reine .
On peut dire que ce Livre renferme
tout ce qu'il faut enfeigner & pratiquer
fur la Penitence , enforte qu'il peut tenir
lieu de Traité de Théologie , & qu'il
fuffit fur cette matiere , pour les Ecclefiaftiques
qu'on éleve dans les Seminaires
, pour les Curez , pour les Prédicateurs
, pour les Miffionnaires, & pour tous
les Fideles .
Deluffeux , Libraire , proche S. Etienne
d'Egrès , a imprimé un Traité de la Meſſe ,
où l'on établit qu'il y a neuf Dogmes de
foi décidez fur ce divin Sacrifice , combattu
par un Auteur moderne.
La
SEPTEMBRE. 1728. 2049
La veuve Mazieres , rue S. Jacques
à la Providence , a imprimé un Livre intitulé
: La vraye Maniere d'entendre la
Meffe. Il y a trois chapitres : dans le premier
, on explique ce que c'eft que la
Meffe. Dans le deuxiéme on rapporre
des prieres fort édifiantes tirées des Peres
& des anciennes Liturgies , pour reciter
pendant la Meffe . Dans le troifiéme , on
expofe les fruits qu'on doit retirer de ce
Myftere .
La même débite les Actes du Concile
d'Embrun , en un volume in - folio.
Coignard , fils , rue faint Jacques , au
Livre d'or , débite l'Inftruction Paſtorale
du Cardinal de Biffy contre les appels , &
un Cathechifme du même Cardinal fur
la Conteſtation preſente .
EXTRAIT d'une Lettre écrite de
Lisbonnefur un évenement
extraordinaire.
Dominga
Fernándeo , fille , âgée de 24 ans , fe maria en Février 1727 .
avec André de Caftro , Marchand & habitant
de la Ville de Caraminhal. Cette
femme , après fept mois de mariage , fit
une chute qui lui caufa un vomiffement .
Le 8 Février 1728. elle accoucha d'un
garçon ,
2050 MERCURE DE FRANCE.
garçon , le 20 d'Avril d'une fille , le 26
du même mois , d'un garçon ; le 27. de
deux autres garçons ; le 29. d'un autre ,
& le 30 encore d'un autre : aucun de ces
enfans n'a reçu le batême , fice n'eſt la
fille. Le 5. May , cette femme accoucha
encore de deux filles & d'un garçon ;
mais on ne fçait pas fi ces derniers ont été
baptifés; on marque feulement que la
mere avoit reçû l'Extrême - Onction . La
Marquife de Parga , dans les Terres de laquelle
fe trouve fituée la Ville de Caraminhal,
eft allé voir cette femme , & en a fait
prendre foin. Cet évenement fi extraordinaire
eft attefté par une Lettre que la
Marquise de Parga a écrite à la Marquife
de Valladares , qui demeure à Vigo en
Galice : ainfi il n'y a pas lieu de le révo
quer en doute.
AUTRE Extrait d'une Lettre de Portugal.
N mande de Villeneuve de Famili
Ocation qui eft dans le Territoire de
-Buccellos dépendant de la Juridiction de
Vermoin , que le 8. May dernier il y tomba
une quantité prodigieufe de grêle d'une
telle groffeur , que les fruits de la terre
en furent très- endommagés. Sur l'aprèsmidy
cette grêle fut fuivie d'une grande
pluye , & on apperçut à l'Occident vers
la
SEPTEMBRE. 1728. 205
la Paroiffe de faint Julien de Kalendario
à un quart de lieuë de Familication une
colomne formée par une efpece de fumée,
au centre de laquelle on voyoit quelques
flammes ; cette colomne s'avançoit vers
l'Orient en forme de tourbillon , toujours
en direction droite , & avec un
mouvement fi impetueux , que tout ce
qu'elle rencontroit , elle l'enveloppoit
& le rejettoit en l'air , rompant & déracinant
les plus gros arbres , avec un bruit
parmi lequel on entendit comme de voix
confufes. Ce Phénomene parut jufqu'à
la Ville de Familication , dans laquelleon
tenoit ce jour-là une grande Foire de
denrées & beftiaux , ce qui y avoit attiré
un grand concours .
Il est difficile d'exprimer la conſternation
que ce Phénomene caufa , les
beftiaux forcerent les enclos où on les tenoit
enfermés , & les chevaux prirent le
mord aux dents , fans pouvoir être retenus
par ceux qui les montoient ; cependant
il n'y eut point d'autre dommage
dans la Ville ; la colomne en queſtion fe
tourna du côté du Sud , & parcourut
avec la même furie les Paroiffes de faint
Jacques d'Antas & de Requiation jufqu'à
celle de Vermoin , où elle fe diffipa
ayant fait de grands ravages par tout le
Territoire qu'elle parcourut.
ME
>
2052 MERCURE DE FRANCE .
MEMOIRE du fieur Lagache fur l'invention
nouvelle d'un Inftrument d'Aftronomie
, &c.
N eft en peine de fçavoir quelle eft la
meilleure méthode d'obſerver les hauteurs
fur mer par le Soleil & par les étoiles ,
foit avec des Inftrumens déja connus , foit
avec des inftrumens de nouvelle invention.
Le fieur Lagache d'Amiens a inventé fur ce
fujet une Sphere marine & aftronomique
( mouvante , fi l'on veut , ) de la derniere fimplicité
; on y connoîtra tous les vents , & elle
fera trouver à toute heure fur Mer & dans
l'inftant les Meridiens tout autour de la terre ,
Pheure & les minutes , tant du Soleil que de la
Lune , les longitudes & les latitudes , ce qui
fe rapportera auffi également avec les étoiles
connués. Tout cela le fera par une application
avec la bouffole , qui donnera,même les
preuves de toutes les operations. Comme c'eft
le Soleil & la Lune qui reglent toutes chofes ,
ce fera auffi par eux -mêmes qu'on fe reglera
la nuit comme le jour.
Cette Spere fera toujours pointée au Midy
perpendiculairement & horizontalement , &
démontrera le Nord & le Sud , le Levant & le
Couchant , par l'éguille de la bouſſole , à laquelle
elle fera appliquée ; ladite bouffole fera
connoître le Pole à fon ordinaire , l'un reglera
l'autre , fuivant les endroits où l'on fe trouvera
fur Mer. Par cet aplomb , on connoîtra
les hauteurs du Soleil & des étoiles , les longitudes
& les latitudes où elles fe trouveront
au Ciel , pour les rapporter à celles où l'on
fe trouvera fur Mer par les calculs ordinaires
qui
SEPTEMBRE . 1728. 2053
qui feront aifez à faire , toutes chofes étant
marquées fur cette ſphere.
L'Auteur offre d'envoyer fa nouvelle Sphere
à Meffieurs de l'Académie Royale des Sciences
, ou à quelque bon Pilote , pour en faire
l'experience.
Ledit fieur Lagache a trouvé le fecret d'arrêter
fur le champ les Chevaux qui prennent
le mord aux dents , en donnant lieu au poitrail
de leur tomber fur les jambes de devant ;
ce qui les tient pris , & les arrête tout court ,
de forte qu'ils ne peuvent plus bleffer perfonne
par leurs écarts. Cela fe fait en déta
chant les deux courroyes de cuir qui foûtiennent
le poitrail au couffin où ils font attachez
au haut des épaules ; & en les attachant
avec un cordon à noeud coulant , que le Cocher
ou le Maître même étant dans le caroffe ,
pourra tirer dans le moment que les Chevaux
prendront le mord aux dents , ou bien les arrêter
enſemble au conffin avec une clavette , où
ledit cordon fera attaché . L'experience en a
été faite pluſieurs fois.
TERME employé dans les Chartes dont
on demande la fignification. Extrait
d'une Lettre , &c.
J
"' ai cru jufqu'ici que le mot Bigre étoir
un terme bas , ridicule , injurieux ,
fabriqué dans quelque Halle , &c . Cependant
il fe trouve employé dans les
Chartes Latines & Françoifes depuis le
12. fiécle : En voici deux preuves.
Et habebit Domina Abbatiffa fanai
2954 MERCURE DE FRANCE .
tti Salvatoris duos Bigros in Forefta Do
mini Regis , & c .
J'ai droit d'envoyer mon Bigre dans les
forêts du Roy , avec les Bigres dudit Seis
gneur Roy.
On ne doute pas que les Experts dans
la diplomatique , ne donnent la vraye fignification
de ce terme par le moyen du
Mercure qui en a déja propofé d'autres.
M. du Cange , dont j'ai confulté le Gloffaire
, s'eft contenté de propofer ce même
terme , mais il ne l'a pas expliqué .
* Archives de l'Abbaye S. Sauveur d'E
vreux .
Les Amateurs de Mufique feront bien
ailes d'apprendre qu'on commence à
graver les Motets de feu M. de la Lande,
Sur- Intendant de la Mufique du Roy. I
en paroîtra deux à la fin du mois de Decembre
, un ancien & un moderne , &
on continuera de les donner deux à deux.
AVIS AU PUBLIC pour l'impreffion d'un
Dictionnaire François & Latin , compofé fur
un fiftême nouveau , & c. Par M. Manavit
de Toulouse.
C'eft le titre d'une feuille volante imprimée
à Toulouſe , dans laquelle , après avoir
parlé en general de l'utilité des Dictionnaires,
& du goût prefent pour cette forte de Livres ,
on expofe le plan & l'utilité particuliere de
celui que prépare M, Manavit. Les mots françois
SEPTEMBRE . 1728. 2055
çois s'y trouveront richement hiftoriez par des
Notes Françoifes & Latines , c'est - à- dire , de
fi beaux endroits de Litterature , que le Lecteury
trouvera de quoi fatisfaire fa curiofité ,
de quoi s'inftruire.
Cet Ouvrage eft, dit-on,augmenté d'environ
fix mille mots , foit François , foit Noms propres
de Villes , & lieux du monde , foit de
Noms de Plantes , de Mineraux , d'Animaux ,
qui ne font point dans les autres Dictionnaires.
Celui - ci era intitulé : Anthologie des Dictionnaires
François ou Latins , ou LE CALEPIN
de la jeunesse , pour ſe perfectionner dans quelque
Profeffion où l'on foit appellé.
"
On voit aufli par cette feuille imprimée que
le Roy vient d'accorder à l'Autheur un Privilege
general , pour faire imprimer & débiter
dans tout le Royaume fon Diction
,,naire. Le Mercure de France annonça cette
Anthologie des Dictionnaires au mois de
Septembre 1725. p. 2039. Le Journal des
Sçavans en fit de même au mois de Mars
1729. p . 785. en l'honorant d'un jugement
favorable. Et l'Hiftoire litteraire imprimée
» à Amfterdam , a fait voir à toute l'Europe
l'utilité & l'importance de cet Ouvrage ,
qui n'eft claffique que pour le rendre plus
"propre à toute forte d'Etats .
"
"
Enfin , après avoir répondu à quelques objections
, l'Autheur élevé , comme il le dit ,
dans la Typographie , & s'étant principalement
attaché a la correction des Livres , &c. croit
qu'il fuffit de l'expofition du deffein de fon
Dictionnaire pour faire juger qu'il eft digne,
non-feulement de la curiofité de ceux qui
»compofent la Republique des Lettres , mais
encore de celle des Princes & des Grands
puifque ce qui fait fa nouveauté , leur conviendra
•
2056 MERCURE DE FRANCE :
» viendra. Elle confifte à inftruire de toutes
⚫ choſesen peu de tems, & par la feule lecture.
NON EST IN TOTO DOCTIOR ORBE LIBER.
L'Autheur n'auroit rien rifqué d'attendre ce
grand éloge de la bouche du Public , après le
luccès de fon Ouvrage.
On écrit de Londres que le 3. Volume
in-folio des Oeuvres de M. de Boulainvillier
paroît chez Dunoyer. Il contient
14. Lettres fur l'ancien gouvernement de
France. L'hiftoire abregée de ce Royaume
depuis le commencement de la Monarchie
jufqu'à Charles VIII . Plufieurs
Memoires prefentez au Duc d'Orleans ,
Regent de France . Deux Tables alphabetiques
; la premiere , pour les Generalitez
de France contenues dans les deux
volumes , qui ont déja paru ; la feconde
, pour les matieres hiftoriques contenuës
tant dans le premier , que dans le
troifiéme volume.
On propofe par Soufcription dans la
même Ville : Introduction d'un Systême
general philofophique & Pratique de
Hydroftatique & de l'Hydraulique . Par
M. Etienne Switzer. Le but eft de donner
les meilleures methodes , pour élever
& conduire les eaux dans les bâtimens
& les jardins. Le prix eft de 18 .
fchelins en feuille , & une guinée rélié.
Ce
SEPTEMBRE. 1728. 2057
Ce livre eft orné de plufieurs planches .
On imprime à Amfterdam l'Hiftoire
de George I. Roy de la Grande Bretagne
, qui contient l'Hiftoire de tous les
grands évenemens de l'Europe , depuis
la Paix d'Utrecht , jufqu'à la mort de ce
Prince , écrite par le Lord R. . . , & enrichie
de plufieurs Pieces curieufes & authentiques
, tant par rapport aux affaires
du Nord , qu'à celle de la quadruple Al-
·liance & celle d'Hanover.
Le fieur Philippe Cooely , Corroyeur
de Dublin , a obtenu une Patente du Roy
d'Angleterre , pour faire valoir le fecret
qu'il a trouvé de teindre le cuir en écarlate
& en bleu , à l'imitation du Maro-
Equin de Levant,
On.mande de Londres que le fieur
Charles Gervafe , premier Peintre du
Roy d'Angleterre , a commencé depuis
peu les Portraits de L. M. qui doivent
être placés dans l'Hôtel de Ville , aux
dépens de la Ville de Londres.
= peu
Le 19. du mois dernier , on prefenta
au Roy d'Angleterre , un Animal qui
vient des Indes , & qu'on nomme Armadillo
ou Tatufie. Cet animal eft de la
groffeur
2058 MERCURE DE FRANCE .
groffeur d'un Chat , ayant le corps couvert
d'écailles , la tête femblable à celle d'un
cochon , les jambes hautes d'environ
trois pouces , & une queue longue de
deux pieds .
Les Planches originales de Jacques Callot ,
d'Etienne de la Belle & d'Ifrael Sylveftre , célebres
Graveurs , que le fieur Jacques Fagnani
a en fa poffeffion , font à vendre à un
prix très raifonnable. Il en fera d'autant meilleure
. compofition , que fon grand âge ne lui
permet pas
de continuer fon commerce.
Celles de Callot font au nombre de soo,
fçavoir :
La Tentation de S. Antoine.
Le Siege de Breda , de la Rochelle , de l'lfle
de Rhé , grandes pieces .
Vues du Pont neuf , ou Tour de Neſle , &
celle du vieux Louvre.
Le Nouveau Teftament , dix pieces.
L'Enfant prodigue , onze pieces .
1
La grande & la petite Paffion & une petite
Ovale .
Martyres des Apôtres .
Vie de la Vierge.
Les grands Apôtres avec leur martyre dans
les fonds.
Triomphe de la Vierge..
Les Saints de l'année.
Les grandes Miferes de la Guerre, 18. feüilles
Les petites miferes de la Guerre, 7. feuilles.
Les Ballets de Nancy , 10. feuilles.
Carroufel de Nancy , le Parterre de Nancy &
la Foire de Florence.
Toutes fortes de Figures pour deffiner.
Les Caprices.
CroSEPTEMBRE
. 1728. 2059.
Grotefques , Comédiens , &c.
Oeuvre de Labelle.
Les grands Païfages .
Vues de Rome , avec des Antiquitez principales
.
Les Vûës du Port de Livourne.
Grands Convois d'Arras.
Ports de Mer.
Plufieurs Livres à deffiner.
Vûës de France & d'Italie.
Toutes fortes de Figures à la Perfienne.
Château S. Ange.
Les Embarquemens , & c.
Les Planches de Labelle,grandes & petites,
confiftent en 259.
Celles de Sylveftre confiftent en 1000. Planches
, tant grandes que petites : Sçavoir ,
La Vue de Rome en general , & celle de faint
Pierre en particulier.
Campo -Vaccino , qui font les Antiquitez des
Palais des Empereurs.
Les principales Eglifes des Stations de Rome.
Les Antiquitez de Rome , fuite .
Vûës des plus belles Maifons , Palais & Jardins
de Rome.
Vûës de Florence , Eglifes & belles Maifons.
Vues des Maiſons Royales de France , Meudon
, Fontainebleau , Vaux , Luxembourg ,
Seaux , S. Cloud.
Grande vûë de Paris , toutes Eglifes de Paris
& belles Maifons de Paris & de France.
Ville de Madrid , Seville & autres Villes d'Efpagne.
Ledit fieur Fagnani voulant quitter fon commerce,
vendra tous fes Bijoux , Curiofitez de
G toutes
2060 MERCURE DE FRANCE .
toutes fortes , Tableaux & Eftampes d'Italie
& autres. Il en fera très bonne compofition.
Sa demeure eft ruë de la Monnoye , à
Paris.
SUITE des Medailles du Roy.
E 24. Aouft dernier , veille de faint
Louis , il fut prefenté au Roy , fuivant
la coûtume , une Medaille dont
nous ne donnons ici que le Revers , parce
que le Portrait de S. M. qui en fait
la face , eft fur toutes les Medailles que
nous avons fait graver qui regardent
l'Hiftoire de ce jeune Monarque ; nous
avons cru inutile de le repeter en cette occafion
, & jugé qu'il étoit au contraire
plus à propos de mettre au moins une
année d'intervale , afin qu'on puiffe remarquer
la difference des traits de fon augufte
vifage.
Ce revers reprefente Hercule debout,
tel à peu près qu'on le voit fur une Medaille
antique confulaire , legerement
couvert d'une peau de Lion , ayant près
de lui fa maffuë , & tenant à la main une
lyre . Il a à fes pieds deux Globes , &
quelque attribut de la Peinture & de la
Sculpture ; on découvre dans le fond de
la Medaille une partie de Bibliotheque.
Pour legende HERCULES MUSARUM ,
l'Hercule des Mufes . Le Coin eft de M.
le Blanc. On
LES
HERCU
MUSA
MDCCXXVIII,
VM.
SEPTEMBRE. 1728. 2061
On mande d'Auxerre que des Moif
fonneurs ont découvert dernierement ,
proche la Ville de Brienon - l'Archevêque
, à cinq lieues d'Auxerre , un grand
pot rempli de Medailles du bas Empire.
Comme il y en avoit au moins trente ou
quarante livres, on promet de nous donner
avis des plus confiderables qui auront
été remarquées , s'il s'y en eft trouvé
dans une fi grande quantité , ainfi qu'il
ya lieu de l'efperer .
L'Académie Royale des belles - Lettres
, Sciences & Arts de Bordeaux propole
à tous les Sçavans une Medaille
d'or de la valeur de 300 liv... Ce
prix fondé par le feu Duc de la Force ,
eft promis à celui qui expliquera avec le
plus de probabilité , la nature, l'action , &
la propagation du feu. Il fera diftribué le
25. Aouft 1729.
Jean-Baptifte Couture , Profeffeur d'Eloquence
au College Royal , Infpecteur
du même College , Penfionnaire de l'Académie
Royale des Belles Lettres , &
ancien Recteur de l'Univerfité , mourut
à Paris le 16. du mois dernier dans la
foixante -dix -neuviéme année de fon âge.
Les beaux Arts ont fait une très gran-
Gij
de
2062 MERCURE DE FRANCE
de perte en la perfonne de M. de Lalouette
, Beneficier & ancien Maître.de
Mufique de l'Eglife de Paris , mort le 3 1
Aouft dans un âge trés- avancé. Le 9 de
ce mois , on celébra un Service folemnel
pour le repos de fon ame , dans l'Eglife
des Grands Auguftins , par le foin
de M's Guillery , de la Croix , Petouille
& Gaumay , Maîtres de muſique
de S. Germain l'Auxerrois , de la Sainte
Chapelle , de Notre- Dame, & de l'Egliſe
des SS. Innocens. Un très- grand nombre
de Muficiens invitez employerent
tous leurs talens & toute leur capacité ,
pour rendre leurs derniers devoirs à cet
illuftre mort.
La mort nous a enlevé auffi depuis peu
un autre Muficien très- celebre , que tous
lesJoueurs de Viale regrettent infiniment,
c'eſt M. Marets . Il avoit porté cet Inf
trument à un haut dégré de perfection .
Outre fon merite particulier pour la
Viole , il avoit un grand talent pour la
Compofition, ayant fait plufieurs Opera,
ou entr'autres beaux morceaux de fymphonie,
laTempête d'Alcionne eft regardée
comme une chofe admirable . Il eft mort
dans un âge très- avancé , laiffant deux
fils dignes heritiers de tous les talens.
Le
SEPTEMBRE. 1728. 2063
Le fieur Vaultier , très excellent Joueur
de violon, eft mort prefqu'en même tems à
la fleur de fon âge ,extrêmement regretté.
Nous ne negligerons pas de donner cet
avis important aux amateurs de la bonne
chere au fujet des friants pâtez de Perdrix rouges
, garnis de truffes , du Sr Villereynier de
Ia Gatine , fameux Patiffier à Perigueux. Il
les compofe depuis long - tems à la grande
fatisfaction des gens les plus délicats , & les
plus difficiles. Il donne avis qu'il a trouvé
le fecret de les conferver pendant plus de
deux mois , & qu'il en envoye non -feulement
dans toutes les Villes du Royaume , mais encore
en Espagne , en Italie , en Allemagne ,
en Flandres & en Angleterre. Le prix de chaque
perdrix eft de dix livres pour le Royaume
, & de quinze pour les Pays étrangers ,
tous frais faits , & les pâtez rendus francs
de Port. Ceux qui voudront faire ufage de ce
mets exquis , n'auront qu'à écrire au fieur
Pierre Villereynier de la Gatine , Maître Patiffier
ordinaire du Roy , à la Tête noire , à
Perigueux.
Le fieur Dugeron , ancien Chirurgien
d'Armée , donne encore avis qu'il a le fecret
d'une opiate fans goût , qui préſerve les
dents de fe gâter & de tomber. Il demeure
au grand Cloître fainte Oportune à Paris.
de
Le fieur Lefcure , cy - devant Chirurgien
Major des Gardes du Corps de la Reine d'Efpagne
, continuë de donner des preuves
l'efficacité de fon Sel , par les cures qu'il produit
journellement dans les vapeurs & mala-
G iij dies
2064 MERCURE DE FRANCE :
convulfives , vertiges ou tournoyemens de
tête , épilepfie ou mal caduc , & c. Son remede
eft très-facile à prendre , il donne la maniere
de s'en fervir , peut fe tranſporter
par- tout.
Le fieur Lefcure demeure à- prefent ruë du
Jour , à l'Image S. Louis , proche le grand
Portail de S. Euftache. Il fait réponse à tous
ceux qui lui font l'honneur de lui écrire ,
port payé. -
CHANSON DU TEM S.
Morgué, Piarrot , morguć ! La plie a
fait marveilles ,
Le raifin groffit chaque jour ;
Préparons nos togniaux , nos hottes , nos
bouteilles ;
Nos Tavarniers font bian fots à leur tour
Que nos femmes criont avec grand tintamare;
Gauffons-nous - en , crois - moi , Coufin :
Bûvons dès- à- prefent autant de coups de vin ,
Qu'il a tombé de gouttes guiau par tarre.
Les paroles & la Musique de cet air
font de M. Morel.
SPECB
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, LENOX
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THE
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FOUNDATIONS
.
SEPTEMBRE . 1728. 2065
2
L
SPECTACLES.
E Mardy 3. Aouft , on reprefenta au College
de Louis le Grand , la Tragedie de
Sennacherib , pour la diftribution des prix
fondés par Sa Majesté.
Sujet de la Tragédie.
L'Ange Exterminateur ayant immolé dans
une nuit cent quatre- vingt cinq mille hommes
de l'Armée de Sennacherib , Roy des Affyriens
; ce Tyran crut que ce malheur étoit
un effet de la colere du Dieu qu'il adoroit
il fongea à l'appaifer par de fanglans facrifices
; il en fut la premiere victime : fes deux fils
aînés le facrifierent lui - même au pied de fon
Idole.
La tradition des Hebreux , felon S. Jerôme ,
eft que c'étoit fes deux fils aînés que Sennacherib
vouloit immoler , & qu'ils le prévinrent.
ACTEURS.
Sennacherib , Roy des Affyriens , Pierre de
la Biche de Paris .
Adramelech , premier Fils de Sennacherib ,
Joseph- Barthelemy Morin , de Rouen.
Sarazar , fecond Fils de Sennacherib , Nicolas
Robinet , de Paris.
Affaradon , troifiéme Fils de Sennacherib
Charles de Montlinot , de Paris.
Oftanes , Grand- Prêtre des Faux - Dieux , Ang
toine Gallet , de Valence.
G iiij Tharbanes ,
THE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARE
ASTOR
, LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONS
SEPTEMBRE : 1728. 2065
XXXXXXXXXXXX:XXX
SPECTACLES.
E Mardy 3. Aouft , on reprefenta au Col-
Llege
lege de Louis le Grand , la Tragedie de
Sennacherib , pour la diftribution des prix
fondés par Sa Majefté.
Sujet de la Tragédie.
1
L'Ange Exterminateur ayant immolé dans
une nuit cent quatre - vingt cinq mille hommes
de l'Armée de Sennacherib , Roy des Affyriens
; ce Tyran crut que ce malheur étoit
un effet de la colere du Dieu qu'il adoroit
il fongea à l'appaifer par de fanglans facrifices;
il en fut la premiere victime : fes deux fils
aînés le facrifierent lui- même au pied de fon
Idole.
La tradition des Hebreux , felon S. Jerôme ,
eft que c'étoit fes deux fils aînés que Sennacherib
vouloit immoler , & qu'ils le prévinrent.
ACTEURS.
Sennacherib , Roy des Affyriens , Pierre de
la Biche de Paris .
Adramelech , premier Fils de Sennacherib
Joseph- Barthelemy Morin , de Rouen.
Sarazar , fecond Fils de Sennacherib , Nicolas
Robinet , de Paris.
Affaradon , troifiéme Fils de Sennacherib ,
Charles de Montlinot , de Paris.
Oftanes , Grand- Prêtre des Faux- Dieux , An•
toine Gallet , de Valence.
G iiij Tharbanes ,
2066 MERCURE DE FRANCE:
Tharbanes , General des Armées de Sennacherib
, Nicolas René Verdceval , de Paris ,
Anael , Ifraelite , neveu de Tobie , Henry
le Court , de Montpellier.
Narbal , Officier de l'Armée de Sennacherib ,
Charles Fourrier , de S. Domingue.
>
ACTE I.
>
L'action théatrale commence dès le point
du jour , immédiatement après le reveil de
Sennacherib. Ce Roy cruel eft toûjours frap
pé de la fanglante image des cent quatrevingt
- cinq mille hommes qu'il a perdus dans
une feule nuit , il forme d'horribles projets de
vengeance contre le Dieu d'Ifraël , qui a
triomphé de fon Dieu tutelaire ; en vain
Tharbanes tâche à le détourner de la conquête
de la Paleſtine , qui lui coûte déja fi
cher ; il s'affermit dans fes projets ambitieux ,
& ne refpire que fang . Il ordonne que tous
les Hebreux qui font à Ninive , foient char
gez de fers pour être immolez aux
Manes de fes Soldats en attendant que
la prife de Jerufalem lui livre un plus grand
nombre de victimes . Anael , jeune Ifraël , ne
veu de Tobie demande à être prefenté devant
lui ; il l'exhorte à ne plus irriter le Dieu des
Hebreux dont il a déja éprouvé le courroux ,
& qui eft prêt d'accomplir ce qu'il a annoncé
denx mois auparavant au Roy Ezechias par
fon Prophete. Le Tyran méprife ces prédic
tions ; Affaradon , fon troifiéme Fils , lui demande
vainement la liberté de ce jeune Ifraëlite
, il la lui refufe , & va dans fon Temple
implorer le fecours de fon Idole . Anaël , à
qui on a donné la cour pour prifon , témoigne
l'horreur qu'il a d'un tel féjour , & prie le
Dieu des Hebreux de mettre un frein aux
bouches
SEPTEMBRE. 1728. 2067
bouches des Blafphemateurs de fon faint Nom.
ACTE II.
Adramelech & Sarazar , fils de Sennacherib
, commencent cet Acte. Ils reviennent des
Provinces où le Roy leur pere les a envoyez
folliciter du fecours contre les Ifraëlites.
Tandis que Tharbanes va informer Sennacherib
de leur arrivée , ils s'entretiennent enfemble.
Adramelech communique à fon frere
les foupçons jaloux qu'il a conçûs contre le
jeune Affaradon , leur cadet , dont il craint
l'ambition ; il lui fait part auffi de fa haine
contre Oftanes , Grand - Prêtre de leur Dieu ,
il le croit contraire à fes interêts . Le Roy
vient s'informer de la difpofition où ces deux
Fils ont laiffé les Provinces de fon Empire .
Tharbanes vient lui dire que l'armée eft prête
à partir. Sennacherib veut implorer la protection
de fon Idole , avant que de fe mettre
en marche. Le Grand- Prêtre vient pour engager
le Roy à continuer les voeux que l'arrivée
de fes deux Fils a interrompus. Ces deux
Princes irritez contre Oftanes , dont les prédictions
ont eu un fuccès fi funefte , laiffent
échapper des termes offenfans contre ce Miniftre
des Autels ; Sennacherib leur impofe filence
, & les congedie , pour entretenir Of
tanes en fecret. Il lui fait confidence du voeu
qu'il a fait. Il a promis à fon Dieu un Sacrifice
qui furpaffe tous ceux que le Dieu des
Hebreux a jamais pû exiger ; le Grand- Prêtre
loüe fon zele , & fe retire , pour faire place à
l'Ifraëlite Anaël , que Sennacherib a fait appeller
,, pour s'inftruire de la nature des Sacrifices
qu'on offre au Dieu des Hebreux .
Anaël , après avoir parlé du Sacrifice du
GY coeur >
2068 MERCURE DE FRANCE :
•
coeur , rapporte les préparatifs du Sacrifice
d'Ifaac , & l'immolation de la fille de Jephté.
Sennacherib juge par- là qu'il faut qu'il immole
à fon Dieu fes deux propres enfans . Il en eſt
faifi d'horreur : il ordonne au jeune Hebreu
de le laiffer , & fort lui - même fans avoir rien
réfolu.
ACTE III.
Le trouble dans lequel Sarazar voit fon
pere , l'oblige à tácher d'en pénétrer la caufe
par l'entremise de Tharbanes & par lui même.
Adramelech fe joint à eux pour faire expliquer
Sennacherib , qui malgré leurs inftances
réiterées , refufe toujours de leur communiquer
fon deffein ; il leur laiffe feulement entrevoir
qu'il eft occupé du foin d'appaifer fes
Dieux. Tharbanes lui dit qu'il doit abandonner
ce foin aux Prêtres , & ne fonger qu'à
gouverner fes Etats. Adramelech ajoute qu'il
ne doit mettre fa confiance qu'en fon épée ,
fans fatiguer les Dieux par des prieres inutiles.
Sarazar n'eft pas de leur fentiment ; il
foûtient que les Dieux font redoutables , &
qu'on doit fe concilier même ceux de fes ennemis.
Sennacherib panche du côté de ce
dernier ; il les fait tous fortir pour parler en
fecret à Anael qu'il fair venir : il lui fait entendre
qu'il veut adorer le Dieu des Hebreux
, & le mêler avec ceux des Affyriens.
L'Ifraëlite lui répond avec fermeté que fon
Dieu eft un Dieu jaloux qui ne fouffre point
de partage , & que , s'il veut l'adorer , il faut
renverfer tous fes autres Dieux ; ces dernieres
paroles portent le Tyran à une fureur
extrême , il fait arrêter Anaël , pour le livrer
aux derniers fupplices. Aflaradon qui le
protege , l'arrache d'entre les mains des Soldats
;
SEPTEMBRE . 1728. 2069
me ,
dats ; Sennacherib fe voyant enlever fa vićtidit
dans un mouvement de douleur ,
qu'il lui faudra peut- être remplacer un fang
vil par un fang précieux. Affaradon lui demande
l'explication de ces mots qui lui font
échappés , Sennacherib lui ordonne de fe retirer
. Le Grand- Prêtre vient fçavoir quel
genre de victimes il doit immoler. Le Roy lui
ayant avoué qu'il faut que le couteau mortel
tombe fur fa propre famille , s'il veut offrir un
Sacrifice qui égale ceux qu'on offre au Dieu
des Hebreux. Oftanes approuve fon deffein ;
& comme il a éré offenfé par Adramelech &
par Sarazar , il déclare que fes deux Fils aînés
lui étant les plus chers , il faut qu'il les immole
préferablement à tous les autres. Sennacherib
veut avoir un figne plus marqué de la
volonté des Dieux , il ordonne le Sacrifice
de deux Taureaux , auquel il affiftera lui même;&
pour fe vanger du Dieu des Hebreux
qui le force à en venir à cet excès de cruauté ,
il forme le deffein de faire apoftafier tous les
Ifraëlites qu'il tient dans fes fers ; il ordonne à
Nirbal d'aller offrir la liberté à ceux d'entr'eux
qui offriront de l'encens au Dieu des Affyriens.
ACTE IV.
Affaradon encore frappé des paroles qui
font échappées à fon pere , ne doute point
qu'il ne foit dans le deffein d'appaifer les
Dieux par le fang de quelques - uns de fes enfans
, il eft tout réfolu à fe dévouer lui- même
à ce fanglant Sacrifice . Ses deux freres qui
viennent du Temple , où ils ont fauvé leur
pere des deux taureaux prêts à fe jetter fur
lui , lui difent d'une maniere infultante , qu'il
fçait fe trouver auprès du Roy , quand il faut
G vj recevoir
2070 MERCURE DE FRANCE:
recevoir fes careffes ; mais qu'il s'en éloigne ,
dès qu'il s'agit de partager les perils. Sennacherib
écarte ce jeune Prince en arrivant , &
ne lui donne pas le tems de lui faire part de
la genereufe réfolution qu'il a formée de fe
facrifier pour appaifer la colere des Dieux. A
peine s'eft-il retiré , que le Roy embraffe Adramelech
& Sarazar , en reconnoiffance du zele
avec lequel ils viennent de leur conferver la
vie , il frémit quand il fonge au prix qu'il referve
à un fi grand fervice ; ces deux Princes
fe retirent à l'approche du Grand Prêtre , qui
vient raconter au Roy les prodiges qui fe font
paffez dans le Temple ; il employe les motifs
les plus preffans de la Religion , pour le porter
à ne plus differer le facrifice de ſes deux
enfans. Ce coupable & malheureux pere demande
du tems . Narbal apporte la lifte des
Hebreux qui ont apoftafié ; le nombre en eft
petit ; mais il fait entendre au Roy qu'il feroit
beaucoup plus grand , fi l'on pouvoit engager
Anael à montrer un exemple d'infidelité .
Sennacherib mande ce jeune Ifraëlite , qui
malgré les plus terribles menaces , demeute
inébranlable dans fa foi. Tharbanes vient annoncer
la confternation où la finiftre oblation
des deux taureaux a jetté tous les Ninivites ,
ce qui oblige le Tyran à fe déterminer au fanglant
Sacrifice qu'il a promis aux Dieux ; il or
donne d'égorger la nuit fuivante tous les Hebreux
qui n'ont point offert d'encens à ſes
Dieux.
ACTE V.
Le Roy , par le confeil d'Oftanes a fait porter
au Temple un Bandeau Royal , & une épée,
Simbole du Commandément des armées , pour
micux attirer Adramelech & Sarazar à l'Autel
où
SEPTEMBRE. 1728. 2071
où ils doivent être immolés . Tandis que ces
deux Princes fe difpofent à s'y rendre , Affaradon
qui fe doute du deffein de fon pere , vient
leur faire part de fes juftes frayeurs . Tharbanes
arrive , pour les conduire au Temple avec une
celebrité qui approche du triomphe. Adramelech
frappé de ce qu'Affaradon vient de lui
reveler , hefite quelque tems ; & prenant enfin
fon parti , il engage Sarazar à le fuivre &
à l'imiter. Affaradon veut les accompagner ,
mais on l'en empêche . Anael vient implorer
fa protection en faveur de tous les Hebreux
captifs qu'on doit égorger ; il lui promet de
faire tous les efforts pour les fauver , mais il
n'efpere pas y réüffir. Adramelech & Sarazar
reviennent du Temple , le trouble dans les
yeux , tenant chacun un coûteau fanglant
dans leurs mains ; ils fçavent qu'ils ont immolé
leperfide Oftanes , mais ils ignorent la
moitié de leur crime , ils n'en font que
trop tôt inftruits ; on amene Sennacherib percé
de coups , il les avoit reçus , en voulant
fauver Oftanes , & ces coups font partis de
la main de fes propres enfans ; ils déteftent
leur parricide , quoiqu'involontaire ; & fe
condamnant à un banniffement perpetuel , ils
cedent la couronne à leur frere Affaradon . Le
Roy la fait mettre fur la tête de ce jeune Prince
, & lui recommande deux choſes : la premiere
de n'adorer jamais le Dieu des Hebreux
, l'autre de le craindre toujours . Sennacherib
meurt ; Anaël fe profterne aux pieds
du nouveau Roy , & le prie d'accomplir fa
promeffe. Affaradon tient fa promeffe , les
Hebreux font fauvez & mis en liberté.
Cette Tragedie fut fuivie d'un Balet qui a
pour titre : Les Voeux de la France ; la fitua
tion prefente de ce puiffant Empire lui offrant
quatre
2072 MERCURE DE FRANCE.
quatre principaux objets de fes voeux , fçavoir
, 1 ° . La confervation de la Religion : 2 °.
La continuation de la Paix : 3 ° . L'augmentation
de l'abondance : 4° . L'accroiſſement de la
Famille Royale , l'Auteur en a fait la matiere
du Ballet , en fubdivifant chaque partie en
quatre Entrées.
Premiere Partie.
Les voeux de la France pour la confervation
de la Religion.
Subdivifion.
Premiere Entrée. L'infenfibilité .
La Religion placée fur une élevation , fe
prefente aux hommes pour recevoir les refpects
qui lui font dûs , ils détournent la
vûe , ou ne la regardent qu'avec indifference
;elle les reveille , & les rend enfin ſenfibles
à fes interêts.
Deuxième Entrée. Le Libertinage.
Plufieurs jeunes gens qui s'étoient rangez
auprès de la Religion , courent à la volupté
qui leur prefente des chaînes couvertes de
fleurs , ils fe laiffent enchaîner , les fleurs tombent
, ils s'apperçoivent de leur efclavage
ils en rougiffent , ils s'adreffent à la Religion
qui brifent leurs fers .
Troifiéme Entrée. L'Erreur.
L'Erreur accompagnée du menfonge & de
l'hyprocrifie , met un bandeau fur les yeux de
tous ceux qui l'approchent. On les voit tous
errer au hazard , & prêts de tomber dans des
précipices affreux ; la verité & la fimplicité
leus
SEPTEMBRE . 1728. 2073
leur arrache le bandeau fatal , & les fauvent
des précipices qui font fous leurs pas.
Quatriéme Entrée . L'Impieté.
L'Impieté fuivie de l'Orgueil & de la Curiofité,
veut détrôner la Religion, elle fe couvre
d'un bouclier d'où partent des éclairs & dest
foudres. Les plus opiniâtres font écrasés.
Seconde Partie.
Les voeux de la France pour la coutinua-.
tion de la Paix.
Subdivifion.
Premiere Entrée.
Des Soldats de differens partis veulent en
venir aux mains . La Paix les fépare , & les
contraint de mettre les armes bas.
Deuxième Entrée .
Des Matelots de divers peuples fe menacent
de leurs rames : on les met d'accord , ils pourfuivent
leur route.
Troifiéme Entrée.
Les Plenipotentiaires de divers Etats de
l'Europe , tenant une épée d'une main &
une branche d'olivier de l'autre, viennent rendre
hommage à la Paix , la Prudence , & la
Perfuafion leur apportent des articles qu'ils
fignent.
Quarriéme Entrée.
Des peuples divers danfent autour des ar
ticles fignez qu'on a atrachez à une colomne ,
& fe donnent la main en figne d'alliance.
Troi
2074 MERCURE DE FRANCE .
Troifiéme Partie.
Les voeux de la France pour l'augmentation
de l'abondance.
Subdivifion.
Premiere Entrée. La circulation des Efpeces.
Des Avares renferment leur or & leur argent
dans les coffres forts ; des Génies les
ouvrent malgré eux , & diftribuent les Efpeces
à plufieurs Ouvriers.
Deuxième Entrée. Provifion de Blé.
Des Moiffonneurs , Batteurs en grange, Fariniers
, & c. font des provifions de Blé ou de
Farine.
Troifiéme Entrée : Provifion de Vin.
Des Vendangeurs & Hotteurs font vendange ,
foulent le raiſin dans des cuves , & c.
Quatrième Entrée : L'Extenfion du Commerce.
Des Marchands François vont trafiquer dans
l'Afie , l'Afrique & l'Amerique ; trois Ports
de ces trois Parties du Monde s'ouvrent à leur
approche. L'échange des Marchandifes fe fait
avec des Afiatiques , des Africains & des
Americains.
Quatrième Partie.
Les voeux de la France pour l'accroiffement
de la Famille Royale .
Subdivifion. Premiere Entrée.
Le Génie de la France fait préparer un Berceau
: les Vertus Royales prennent ſoin de l'orner,
& les Ris voltigent autour.
Deuxième
SEPTEMBRE . 1728. 2075
Deuxième Entree.
Les douze Signes du Zodiaque fe difputent
l'honneur de préfider à la naiffance de l'Enfant
Royal , qui fait l'attente des Peuples . Le Signe
du Lion l'emporte fur tous les autres.
Troifiéme Entrée.
Les Heures du jour & de la nuit difputent à
leur tour à qui préfidera à cette Naiflance: Celle
qui l'emporte va fe placer auprès du Berceau .
Quatriéme Entrée .
1
Desperfonnes de differens états , conditions
& profeffions viennent danfer autour du Berceau.
Ballet
general.
Les Provinces de France rendent graces au
Ciel de voir leurs voeux exaucez en partie , &
fe flattent qu'ils feront bien - tôt entierement
comblez.
Le Pere Porée Auteur de cet Ouvrage, dont
l'heureux génie eft fi connu , fit terminer ce
grand & magnifique Spectacle par un Eloge du
Roi en Vers de fa compofition.
Le 11. Août on reprefenta pour la
diftribution des Prix , fur le Théâtre du
College Mazarin , la Tragédie de Sedecias
, dont voici le Sujet.
Nabuchodonofor , ayant pris Jerufalem après
un fiége de deux ans , fit crever les yeux à Sedecias
, qui en étoit Roi , après avoir fait
donner la mort à fes deux fils en fa préſence ,
&
2076 MERCURE DE FRANCE .
& l'emmena prifonnier à Babylone , comme
Dieu l'avoit fait prédire par les Prophetes en
punition de ſes crimes.
ACTE I.
Nabuchodonofor , après la prife de Jerufalem
, fe plaint que Sedecias , & les deux
Princes fes fils , lui font échappez ; Aremante,
l'un de fes Generaux , tâche de le confoler de
ce leger malheur , par les grands avantages
qu'il a remportez d'ailleurs ; & par l'esperance
de reprendre ce Roi ennemi. Nabazaris , Prince
Chaldéen , & General auffi des Armées du
Vainqueur , arrive & lui annonce que Sedecias
& fes enfans n'ont pû fe fauver de fa pourfuite.
Il amene encore avec lui un prifonnier
nommé Gedelie , dont les mauvais confeils
ont perdu ce malheureux Roi des Juifs , &
dont la trahifon l'a fait prendre . Ce méchant
tâche de s'infinuer dans l'efprit de Nabuchodonofor
par fes lâches flatteries . Dans le tems
qu'il raconte les particularitez du fiége , on
voit venir Jéremie , que le vainqueur a fait
tirer de la prifon où Sedecias l'avoit fait mettre.
Nabuchodonofor le reçoit avec bonté ;
mais Jéremie paroît infenfible à fes careffes ;
il déplore la perte de Jerufalem , & gémit fur
les pechez de fon peuple ; il exhorte le Vainqueur
à la clémence. Ce Prince ne lui répond
rien ; il va donner de nouveaux ordres à
l'Armée. Jeremie le fuit dans l'efperance d'ob
tenir ce qu'il vient de lui demander .
ACTE II.
Jeremie preffe Nabuchodonofor , & tâche
autant qu'il peut de le porter à la pitié Ce
Roi
SEPTEMBRE . 1728. 2077
Roi de Babilone , lui avoit caché la prife de
Sedecias ; il la lui apprend , & lui promet de
le rendre témoin de l'accueil qu'il lui fera ; le
Prophete détefte la trahifon de Gedelie qui l'a
fait prendre ; ce perfide fe juftifie d'une maniere
à s'attirer encore plus l'indignation de Jeremie.
Gedelie rette feul ; il fait connoître la
noirceur de fon ame dans un Monologue ; il
balance entre la crainte & l'efperance ; mais
la crainte eft la plus forte , & lui donne des
preffentimens de fa fin funefte ; il fort à l'approche
de Sedecias & de fes enfans. Emegere
qui les conduit ne leur laiffe entrevoir rulle
efperance de pardon . Nabuchodonofor entre
; Sedecias s'humilie devant lui , mais il
ne fait qu'augmenter l'orgueil de fon ennemi.
Ce dernier lui impofe filence , & affis dans un
fauteuil , il lui reproche fa perfidie ; il lui
dit ironiquement d'interroger le Prophete fur
le fort qu'il lui réſerve.
ACTE III.
Sedecias , incertain du fort qui l'attend , demande
à Jeremie s'il n'y a point d'efperance
pour les enfans , trop content de perdre la vie,
pourvû qu'ils foyent fauvez ; le Prophete ne
lui annonce rien de favorable ; il ne laiffe pas
de lui promettre de s'employer pour lui &
pour les Princes , fes fils. Sedecias ne lui trouve
pas affez de zele , & témoigne à fes fils
à quel point il reffent le malheur qui les
menace Azarie , l'un des deux , le flatte que
ce malheur fera borné à la captivité Helcie ,
fon frere , plus genereux , fait entendre qu'il
préfereroit la mort à l'efclavage; ils montrent
tous deux beaucoup de tendreffe pour
leur pere. Aremante amene à Sedecias le
jeune
2078 MERCURE DE FRANCE.
eune Mardochée , qui s'eft trouvé parmi les
prifonniers. Ce Juif apporte un Oracle d'E
zechiel qui femble contredire celui de Jeremie.
Tandis que Sedecias le medite tout bas ,
les deux Princes font diverfes queftions àMardochée
; mais leur pere les fait paffer dans un
autre appartement , pour mieux fe confulter
tout feul. Un grand bruit qu'il entend tout à
coup le fait trembler pour fes enfans ; il court
pour être immolé à leur place , s'il ne peut les
fauver qu'en fe dévoüant lui-même à la mort.
ACTE IV.
Le preffentiment de Sedecias n'eft que trop
juftifié ; ce bruit qu'il a entendu à la fin de
l'Acte précedent , regardoit fes enfans , & le
regardoit lui- même ; mais ce qui acheve de
l'accabler , c'eft de voir que fon favori , le
perfide Gedelie , s'eft chargé du funefte emploi
, de l'accabler de fers ; Mardochée montre
un exemple tout contraire , & redouble fes
refpects envers fon Roi. Aremante , fous les
ordres de qui Gedelie execute cette indigne
commiffion , fait conduire ces malheureux
Princes dans la place où Nabuchodonofor va
revenir ; il fait entendre qu'il a encore une
execution fanglante à faire de plufieurs autres
infortunés ; le cruel Roi de Babilone lui
réitere fes ordres barbares en arrivant avec
Nabazaris . Il confulte ce dernier fur la vengeance
qu'il doit prendre de Sedecias . Ce
General inftruit des terribles miracles que
Dieu a operés en faveur de fon peuple , lui
confeille d'ufer de clémence envers fes Captifs
. Nabuchodonofor traite tous ces miracles
de Fables. Il ordonne à Nabazaris de faire
tuer les deux enfans en préfence de leur pere ,
&
SEPTEMBRE. 1728. 2079
& de faire crever les yeux à ce dernier ,après
qu'il les aura vû égorger. Jeremie arrive après
cet ordre barbare , ce Vainqueur le preffe de
venir à Babilone , & lui dit qu'il va lui faire
voir un spectacle qui lui ôtera l'efperance
de pouvoir vivre encore fur les triftes ruines
de la Patrie.
ACTE V.
Nabuchodonofor commence ce dernier Acte
avec Aremante. Celui- ci lui rend compte des
executions qu'il a fait faire des Principaux des
Juifs , furtout de Gedelie qui étoit préfent à
ce fpectacle , & qui ne s'attendoit pas à être
une des victimes . Mardochée vient implorer
la clémence du Vainqueur en faveur de fon
Roi ; Nabuchodonofor lui dit ironiquement
que ce Prince ni fes enfans ne verront jamais
Babilone ; Jeremie qui n'eft que trop inftruit
de tout ce qui s'eft déja paffé , gémit de tous
ces évenemens que le Roi barbare attribue aux
deftinées ; ce Prophete n'en reconnoît point
d'autre caufe que la Providence & les décrets
immuables du vrai Dieu.Il prédit la ruine entiere
de Babilone , & le rétabliffement de Jerufalem.
On amene le malheureux Sedecias ,
à qui on a crevé les yeux , après l'avoir rendu
témoin du meurtre de fes deux fils ; il accable
d'imprécations Nabuchodonofor qu'il
ne voit pas. Le fuperbe Vainqueur l'accable,
Jà fon tour de fanglants reproches ; il ordonne
qu'on le mene en cet état devant tout
le monde , pour être enfuite conduit à Babilone
, où il doit achever fes triftes jours dans
un cruel efclavage.
6 Capob
L'Académie Royale de Mufique remit
Le
2080 MERCURE DE FRANCE .
le 7. de ce mois l'Opera des Amours de
Protée , Balet qui fut donné pour
la premiere
fois avec beaucoup de fuccès au
mois de May 1720. Le Poëme eft de feu
M. de la Font , & la Mufique de M. Gervais
, Maître de Muſique de la Chapelle
du Roi.
PROLOGUE.
L'Auteur du Poëme juftifie fa fiction
dans ſa Préface ; il fuppofe deux Amours ,
fils de Venus , fçavoir l'Amour conſtant
& l'Amour volage ; il fonde la liberté
qu'il prétend avoir prife , fur le nom de
Mere des Amours que les Poëtes donnent
à Venus . Voici ce qu'il dit de fa verfification
: A l'égard du ftile , j'ai tâché
fans le négliger , de le fubordonner aux
chofes , & de n'en pas faire l'eſſentiel de
mon Ouvrages heureux file Public y peut
trouver d'ailleurs de quoi s'en dédommager
, & veut bien le recevoir avec indulgence.
Cette modeftie n'a pas empêché
qu'on n'ait rendu juſtice à ſa Piéce , &
qu'on ne l'ait trouvée mieux verfifiée que
les précedentes , qui étoient forties de fa
plume . L'action du Prologue est trèsfimple
, & tout à fait riante. L'Amour
conftant , fuivi d'une troupe d'Amants
conftants , fe plaint à l'Amour volage
de
SEPTEMBRE . 1728. 2081
de la temerité qu'il a de vouloir regner
dans Paphos , c'eſt le lieu de la Scene ;
l'Amour volage lui répond qu'ayant reçû
comme lui la naiffance de Venus , il doit
être affocié à fon Empire ; ils invitent
leur Cour à foûtenir leurs droits ; l'Amour
volage l'emporte fur l'Amout conftant.
Ce dernier appelle Venus à fon fe-'
cours . Venus defcend des Cieux , & pour
terminer leurs differends , elle leur dit :
Eh bien , pour difpenfer vos loix ,
Amours , entre vous deux , il faut faire un
partage :
à l'Amour conftant.
Vous , mon fils , joüiffez du charmant avantage
,
De bleffer tous les coeurs pour la premiere
fois ;
Mais confentez auffi qu'après leur premier
choix ,
Ils puiffent à leur gré fuivre l'Amour volage.
L'Auteur lie le Prologue à la Piéce par
ces autres Vers .
Venus.
Tendres Amours , qu'un fpectacle pompeux
Signale ici votre puiffance :
Du
2082 MERCURE DE FRANCE .
Du caractere de vos feux ,
Faites- y voir la difference.
L'Amour conftant.
Vertumne par fes foins & fa conftante ardeur
,
A fçû vaincre autrefois une Beauté rebelle.
L'Amour volage.
De Protée , à mon gré , je gouvernois le
coeur ,
Ce Dieu changeant brûla pour elle.
Venus.
Amours , il faut en ma faveur ,
›
Que l'hiftoire s'en renouvelle,
L'Amour conftant donne fes armes à
l'Amour volage , qui lui remet auffi les
fiennes , ce qu'ils expriment par un trèsbeau
Duo. Le Prologue finit par ce
Choeur à la gloire de Venus.
Regnez ,belle Venus ,tout flatte votre gloire ;
Vous rendez aux Amours une éternelle
paix ;
Que Paphos à jamais
En garde la memoire.
ACTE
SEPTEM BRET 1728. 2083
ACTE I.
Protée étoit fils de l'Ocean & de The
tys. Il avoit reçû des Dieux le pouvoir de
prendre diverfes formes pour échapper
aux regards des Mortels curieux , qui vouloient
le forcer à leur reveler les fecrets
du Deftin , dont il étoit le fidele dépofitaire
. C'eft fur ces divers changemens
que l'Auteur en fait un inconftant de
profeffion ; tout ce qui lui donne lieu
de nous le peindre fous ce Caractere ,
c'eft une autorité du Mythologifte , qui
rapporte que ce fage Pafteur du Dieu des
Mers aima Pomone , Déeffe des Jardins ,
& qu'il époufa Therone , Nymphe de la
Mer.
>
Dans la premiere Scene , Therone ſe
plaint de l'inconftance de Protée comme
d'un vice d'habitude , voici ce qu'elle
dit :
Amour , brife les noeuds d'une fatale chaîne ;
Te feras- tu toujours un plaifir de ma peine?
De Protée en ces lieux , on attend le retour :
Vient- il faire à mes feux quelque nouvel outrage
?
Ne puis- je hair le volage ,
Ou le devenir à mon tour ?
H Voilà
2084 MERCURE DE FRANCE :
Voilà le Caractere du Heros de la Piéce,
établi dès les premiers Vers .
Dans la feconde Scene Pomone vient
s'applaudir de fon prochain bonheur ;
elle annonce le retour de Protée à la fidelle
Therone , & lui promet de parler
en fa faveur à fon volage Amant. Therone
la prie de cacher fa foibleffe à cet
ingrat.
La troifiéme Scene eft entre Pomone &
Vertumne ; ce dernier la prie de lui permettre
de publier fon amour , dont il a
fait un fecret jufqu'à ce jour ; le but que
l'Auteur s'eft propofé en annonçant ce
long filence
c'est que Protée ait lieu
d'ignorer quel eft fon Rival , fans quoi
ce Dieu changeant n'auroit pas lieu d'avoir
recours à l'artifice qui fait le noeud
de la Piéce. Pomone permet à Vertumne
d'annoncer fon choix aux habitans des
lieux de fon Empire ; Vertumne fe retire
, pour aller préparer une Fête en l'honneur
de fon Amante.
Protée arrive dans un Char traîné
par
des Tritons. Pomone lui demande s'il
vient chercher fes premiers fers , ou former
quelque nouvelle chaîne : Protée lui
fait entendre d'une maniere équivoque
qu'il étoit déja amoureux d'un objet charmant
, quand les Deftin l'appella dans la
Créte , & qu'il revient fur ce rivage plus
amouSEPTEMBRE
1728. 2089
>
amoureux que jamais ; il ordonne aux
Tritons de chanter la Beauté qu'il adore
ce qui fait la Fête de ce premier Acte ;
Pomone , pendant toute cette Fête croit
que c'eft Therone qui y eft célebrée , mais
elle eft détrompée par Triton qui lui
adreffe ces quatre Vers alternativement
avec le Chour:
Déeffe , jouiffez d'une douce victoire ;
L'Amour vous préparoit un triomphe charmant
;
A l'aimable Pomone il réfervoit la gloire
De fixer un volage Amant.
Quoique Protée ne lui ait parlé d'amour
que par Ambaffadeurs , elle ne laiffe
pas de lui répondre elle- même ; elle lui
témoigne la furprife & la douleur que
cette déclaration lui cauſe ; pour le faire
revenir à Therone , elle lui dit qu'elle eft
engagée ailleurs , & le quitte .
Protée demande à Triton quel eft fon
Rival. Triton lui répond , que tout ce
qu'il peut lui dire , c'eft que Vertumne
parle fouvent à Pomone , & qu'il pourroit
bien être cet Amant heureux que la
Déeffe lui préfere . C'eft-là ce qui donne
lieu au traveftiffement de Protée , comme
on le va voir dans le fecond Acte.
Hij A C2086
MERCURE DE FRANCE.
ACTE II.
Protée ayant pris la figure de Vertumne
, commence cet Acte avec Triton
qui eft furpris de fa parfaite reffemblance
avec fon Rival prétendu. L'effai qu'il va
faire l'allarme, & donne lieu à une priere
des plus fingulieres qu'on ait jamais adreffées
à l'Amour .
A mour , vien feconder mes voeux;
De l'objet que j'adore , excite la colere ;
Ah ! fi tu veux me rendre heureux ,
Fais que je puiffe lui déplaire.
с
ou même
Quelques Critiques ont avancé que cette
penſée porte à faux ; l'Amour , ontils
dit , ne rendra pas Protée heureux en
faifant qu'il puiffe déplaire à Pomone fous
la figure de Vertumne ; qu'elle foit indifferente
pour Vertumne
qu'elle le haïffe , qu'importe ? Protée en
fera-t- il plus avancé ? Il fçaura feulement
que Vertumne n'eft pas fon Rival ; mais
il ne connoîtra pas le Rival aimé , dont
Pomone lui a parlé : voici les propres
termes de cette Déeffe dans l'Acte précedent
:
Pour un autre que vous , ma tendreffe eft extrême
;
SEPTEMBRE. 1728. 2087
Vous en laiffer douter , ce feroit vous trahir.
On auroit voulu que Pomone lui fic
feulement entendre qu'elle ne vouloit
rien aimer : & que Protée ne laiffât pas
de la foupçonner d'aimer Vertumne, fondé
fur ce que Triton lui en dit ; il feroit
plus tranquille en apprenant qu'elle n'aimne
point ce prétendu Rival , & pourroit
fe flatter qu'elle paffât un jour de l'Indifference
à l'Amour.
Au refte , fa Scene avec Pomone eft
très bien deffinée : en voici le Plan.
A peine Pomone voit Protée fous la
forme de Vertumne , qu'elle s'applaudit
de le revoir fi -tôt auprès d'elle ; Protée
fe feroit bien paffé d'un accueil fi tendre ;
Pomone s'apperçoit de fa trifteffe , & lui
en demande la caufe ; il lui dit qu'il craint
que les honneurs que fes fujets viennent
lui rendre ne l'occupent plus que fon
amour ; Pomone charmée de cette délicateffe
, redouble de tendreffe ; il eft encore
plus frappé ; il lui échappe des plaintes
, qu'elle attribuë à la jaloufie que peut
lui caufer la concurrence de Protée , elle
le raffûre , pour ainfi dire, contre lui-même
: ce dernier coup le détermine à la
vengeance ; il lui avoue qu'il n'eft plus
digne de fon amour , parce qu'il eft infidele
; il lui nomme Therone pour fa Rivale
H iij
2088 MERCURE DE FRANCE :
vale , & la laiffe dans cette douloureufe
fituation . Pomone eft mortellement frappée
de ce qu'elle vient d'apprendre , elle
jure de fe venger de Therone ; on vient
célebrer une Fête à fa gloire , qu'elle ne
voit que parce qu'elle ne peut s'en difpenfer
; elle eft compofée de Bergers &
de Bergeres qui lui offrent les prémices des
fleurs & des fruits de la terre ; cette Fête
eft d'autant plus trifte pour cette Déeſſe ,
qu'on n'y parle que de fes charmes & de
l'amour que Vertumne a pour elle ; elle
congedie enfin les fujets , après leur avoir
promis la continuation de fes bienfaits.
Therone arrive ; Pomone l'accable d'injures
, & lui reproche fa perfidie au fujet
de Protée. Therone le juftifie autant qu'îl
lui eft poffible , & s'offre à maltraiter ce
même Protée en la préfence. Pomone ne
l'accufe que d'être aimée , cela ne ſuffitpas
pour la rendre perfide , mais c'en eſt
toujours affez pour la rendre odieufe aux
yeux d'une Rivale . On auroit voulu que
Pomone en quittant Therone lui eut fait
entendre qu'elle ne l'en croyoit pas ; au
lieu que fon filence fait préfumer qu'elle
la croit innocente , & qu'elle eft à demi
reconciliée avec elle.
ACSEPTEMBRE
. 1728. 2089
ACTE III.
Il s'en faut bien qu'on ait trouvé ce
dernier Acte auffi raitonnable que le fecond.
C'eft Vertumne qui le commence ;
il vient de rencontrer fa chere Pomone
qui n'a jetté ſur lui que des regards d'indignation
; il ne fçait à quoi attribuer fon
malheur . Il fort fans annoncer les perfonnages
qui lui fuccedent ; c'eft un dé
faut dans une Piéce , mais dans le genre
de celle- ci l'Auteur n'a pû fe difpenfer d'y
tomber , parce qu'il ne falloit jamais faire
trouver deux Vertumnes enfemble , àરે
moins que ce ne fut pour le dénouement .
La feconde Scene eft entre Protée , toujours
transformé en Vertumne . On n'a
pas compris quel pouvoit être le deffein
de Protée , parlant d'amour à Therone.
Quel avantage peut- il en tirer , at'on
dit , fi c'eſt une feinte ? & fi c'eſt une
verité , pourquoi n'a -t- il pas fait entendre
aux Spectateurs , qu'il veut revenir à
elle ? Cette Scene ne laiffe pas d'être touchante
de la part de Therone ; elle protefte
au prétendu Vertumne qu'elle fera
toujours fidele à Protée , tout volage qu'il
eft . Quoi de plus doux pour cet Amant
-s'il revenoit veritablement à Therone ?
& quel dénouement plus heureux , fi un
H iiij
ten
2090 MERCURE DE FRANCE :
T
tendre repentir l'obligeoit à fe faire connoître
? Mais un dénouement comique a
paru plus riant à l'Auteur ; il avance luimême
dans fa Préface , que c'eft de tous
les genres de Théatre celui auquel le Public
aime le plus volontiers à fe prêter , à
caufe du plaifir qui en réfulte . Ne diroiton
pas que le plaifir qui réfulte du pathétique
eft infipide ? Revenons à notre Scene:
Therone dit tendrement par une efpece
d'à
parte , en parlant deProtée :
Amour , fais -lui fçavoir mes mortelles allarmes
;
Peins-lui les maux que je reffens,
Porte- lui mes triftes accents ;
Il ne fçait pas combien il m'a coûté de larmes.
Protée paroît attendri à ces dernieres
paroles : il le fait connoître par cet à
parte.
Que je la plains ! ... mais quel tendre retour
,
Entre elle & la Déeffe , aujourd'hui me partage
!
Devrois- je, helas ! à tant d'amour
Oppofer un coeur fi volage ?
Ces
SEPTEMBRE . 1728. 2091
Ces quatre Vers fembloient promettre
le dénouement qu'on auroit fouhaité ;
mais l'efperance des Spectateurs a été détruite
par ce cinquiéme .
Suivons la je prétends l'éprouver davantage.
Le noeud continue entre Pomone , Vertumne
& Therone . Vertumne a beau
vouloir fe juftifier auprès de Pomone d'une
infidelité qu'elle a apprife de fa propre
bouche ; c'eſt en vain qu'il attefte Therone
; cette même Therone lui foûtient
en face , qu'il vient de lui parler d'amour ;
a- ton jamais vû de Tragique plus Comique
? Enfin Protée vient débrouiller cette
aventure par ces Vers :
Raffurez vos efprits trop long- tems agités :
Vertumne , vous Déeffe , & vous Nymphe ,
écoutez .
L'Amour me force à rompre le filence ;
Sortez , fortez de votre erreur :
De vos troubles , enfin , reconnoiffez l'Auteur
;
De Vertumne , Protée avoit pris l'apparence
:
A Therone je rends mon coeur :
Je fuis touché de ſa conft ance.
Hv Pomone
2092 MERCURE DE FRANCE .
Pomone & Therone également furpri
fes , lui demandent la caufe de la fupercherie
qu'il leur a faite ; il répond à la
premiere :
J'ai voulu voir fi vous étiez fidelle.
Et à l'autre;
J'ai voulu voir fi vous m'aimiez toujours.
?
Ainfi ce fage interprete du Deftin , commence
par une tromperie & finit par un
menfonge.
La Fête de ce dernier Acte eft confacrée
à Pomone , comme celles des Actes
précedents ; elle eft compofée de Jardiniers
& de Jardinieres.
Cette Piéce a paru bien remife & bien
executée ; cependant elle n'a
pas fait efperer
une grande réuffite , furtout dans
une faifon où les meilleurs Ouvrages de
Théatre ne ſe ſoûtiennent qu'avec peine.
Le 14. on donna par extraordinaire une
reprefentation de l'Opera de Roland que
SA.S. Madame la Ducheffe honora de
fa préfence.L'Affemblée fut des plus nombreuſes
. Le fieur Chaffé chanta le Rôle
de Roland avec applaudiffement , de même
que la Delle Antier celui d'Angelique.
Les Comédiens Italiens repréfenterent
le
SEPTEMBRE . 1728. 2093
le 31. Août Arlequin Aftrologue , Statuë,
Enfant & Perroquet , Comédie Italienne
en cinq Actes , que Madame la Ducheffe
honora de fa préſence , & qui la divertit
beaucoup. Arlequin a tout le jeu de la
Piéce par les déguifemens qu'il y prend
pour rendre une Lettre à la Maîtreffe de
fon Patron . Tous ces déguifemens font
fort finguliers , furtout celui d'un enfant
de quatre ou cinq ans , & celui de la Statuë.
Cette Piéce attira tout Paris lorfqu'elle
fut jouée dans fa nouveauté au
mois d'Août 1616.
Les Comédiens François donnerent au
commencement de ce mois une reprefentation
des Comédies du Grondeur & de
Pourceaugnac , qui fut honorée de la préfence
de la Ducheffe de Bourbon .
La premiere reprefentation de la Comédie
nouvelle de l'Ecole des Bourgeois , lera
donnée le 20. de ce mois . Ces Comédiens
ont reçû une autre Comédie nouvelle
, fous le titre de l'Impertinent par contagion
, en 5. Actes & en Vers , de M. de
Boiffy.
Le 6. l'Opera Comique donna la premiere
reprefentation d'une Piéce en deux
Actes , ornée de deux divertiffemens , de
Danſes & des Vaudevilles , qui a pour
titre ,laPenelope Françoife, fuivied'une au-
Hvj tre
2094 MERCURE DE FRANCE :
tre en un Acte , intitulée les Noces de la
Folie , ou le Temple de Mémoire , avec un
divertiffement qui eft terminé par les -
fieurs Nivelon & Sallé, deux Suivants de
la Folie , lefquels danfent une Entrée trèsbien
caracterifée . On voit à la premiere
Piéce , une décoration du fieur Servandoni
, qui reprefente une Prairie terminée
par un Bois , avec un Château dans
l'éloignement , & à un des côtés , un
Torrent qui vient fe jetter par caſcade
dans la Prairie . Cette Décoration a été
trouvée très- ingenieufement imaginée &
très -bien executée , malgré la petiteffe du
lieu .
Le 8. de ce mois , Fête de la Nativité de la
Vierge , le Concert fpirituel recommença au
Château des Tuilleries . Le fieur Mouret fit
chanter deux Moters à grand Choeur , qui
furent parfaitement bien executés & très - applaudis
; le premier, Beatus vir , eft de la compofition
de M. Gaumay , Maître de Muſique
des SS. Innocens , & le fecond Benedictus Dominus
, de M. Campra , dont la réputation eft
connue de tout le monde. La Dle le Maure
chanta dans le premier un morceau qui fit
beaucoup de plaifir. La Dlle Antier chanta
feule un Motet avec fimphonie , qui fut fort
applaudi ; il eft de la compofition de M. Couperin
, Organiſte du Roi . Les, fieurs le Clerc
& Blavet , joüerent féparement des Concerto
fur le Violon & la Flute , qui charmerent la
nombreufe Affemblée , que tant d'excellens
Su-
4
SEPTEMBRE. 1728. 2095
Sujets ne manquent guéres d'attirer. Elle fut
honorée de la préfence de Madame la Ducheffe
, accompagnée de Seigneurs & Dames
de fa Cour. Ce Concert ne recommencera que
le premier Novembre prochain , Fête de la
Touffaint.
XXXXX:XXXX :XXXXXX
NOUVELLES DU TEMPS.
TURQUIE.
ON mande de Conftantinople que la mala- die contagieufe y étoit entierement ceffée,
& qu'on y avoit publié une Ordonnance du
Grand Seigneur pour faire tenir les rues plus
nettes qu'elles ne l'ont été juſqu'à préfent.
Les Lettres du Levant portent , que la maladie
contagieufe avoit ceflé dans la Romelie ,
mais que la mortalité étoit encore fort confiderable
dans la Morée au commencement du
mois dernier
On a appris de Tunis , que l'Armée du Bey
étoit campée aux environs de Chefre , dont les
habitans s'étoient revoltés ; que cette Place
l'une des plus importantes du Pays , ayant été
reprife par le Bey , avoit été rafée ; que les
autres Rebelles étoient encore dans les Montagnes
, dont on n'avoit pû jufqu'à préfent les
faire fortir , mais qu'on efperoit de les réduire
par la famine.
On mande de Tetuan que Muley- Abdemelech
, nouveau Roi de Maroc & de Miquenez
, avoit fait à la fin du mois de Juillet fon
Entrée publique à Maroc , & que Muley Hames
2096 MERCURE DE FRANCE .
met , fon frere , avoit été conduit dans la Fortereffe
de Miquenez , où plufieurs de fes Partiſans
avoient été étranglés .
Le 18. Juillet , le Contre- Amiral Grave
Commandant l'Escadre Hollandoife , compofée
de fept Vaiffeaux de Guerre & de 4. Bâtimens
de tranfport , entra dans le Port d'Alger
, après avoir falué & reçû le falut accoutumé.
Le lendemain ayant communiqué au
Bey le fujet de fa Commiffion , il fut complimenté
par les Députez du Divan , & le 20- il
fut réfolu de ratifier pour trois années la Tréve
conclue avec les Hollandois. Le 21. on
commença à débarquer le fubfide annuel de la
République d'Hollande , confiftant en Canons
de fer & de bronze , affuts , poudre , voiles ,
cordages , ancres & autres munitions de
Guerre pour le fervice de la Marine. On aſſûre
que le Bey avoit réfolu de faire préfent au
Vice- Amiral Hollandois de plufieurs Efclaves
de fa Nation , en reconnoiffance des préfens
qu'il avoit reçûs de lui , & que l'Eſcadre avoit
dû mettre à la voile le 27 , du même mois , pour
aller renouveller les Tréves faites avec les Régences
de Tunis & de Tripoli.
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Conftantinople
le 29. Juillet 1728. fur les
Affaires de Perfe , &c.
ONpublieici qu'Aly. Pacha de Tauris, a
donné une bataille contre Schah Iſmaël ,
nouveau Prétendant à la Couronne de Perfe ,
qu'Ifmael a été vaincu , mis en fuite , fon
Camp pillé , & la Villede Tauris délivrée de
la crainte d'un fiége.
Achmet-Kupruli , Pacha de Babilone , &
SeSEPTEMBRE.
1728. 2097
Seraskier , a fubjugué la Province de Ouveis ,
en conféquence du dernier Traité. Cette Conquête
ne produit d'autre avantage aux Turcs
que la communication libre avec Ballora , &
la sûreté du Paffage des Caravanes ; les Turcs
ne retirent rien de cette Province : ils y tiennent
un Pacha qui n'a pas plus d'autorité que
celui qu'ils envoyent à Tunis , à Alger , &c.
les Arabes du Pays fe conduifant à leur maniere
, c'est- à- dire , prefque dans l'indépendance.
Le Tréfor du Grand- Seigneur s'augmente
confiderablement par les nouvelles découvertes
de Mines d'argent qu'on a faites dans le
Territoire d'Erzerom.
La pefte qui a été terrible à Smirne , commence
à s'appaifer , mais elle s'eft communiquée
, comme c'eft l'ordinaire à Conftanti
nople.
L'Ambaffadeur que Schah- Tamas , fils du
dernier Roi de Perfe , envoye à la Porte , eft
encore retenu à Tauris. On dit que ce Prince
eft fuperieur en forces à Acheraf Kan.
Les troubles ne ceflent point en Tartarie , &
il ne faut pas efperer qu'ils finiffent tandis que
le Sultan Dely vivra & fera en état de remuer
; cela a obligé la Porte à continuer fes
précautions , & à choifir Topal- Ofman , Pacha
de Viddin , pour commander fur ces Frontieres
; c'eft un General d'une valeur connuë
& de grande réputation .
On a faitici de grandes réjoüiffances pour
la Conquête de la Province de Ouveis , elles
ont été fuivies de la folemnité des Mariages de
trois filles du Grand-Seigneur , & d'une fille
du Sultan Muſtapha , fon frere . Les trois Sultanes
ont été données à trois nouveaux Pachas
qu'on a créez exprès , fçavoir ; le Seliktar ,
ou
2098 MERCURE DE FRANCE .
ou Porte Epée , le Buyuk , & le Kutchuk,
Vmr Akor , c'eft- à - dire , le grand & le petit
Ecuyer. La fille du Sultan Mustapha a été
donnée à Abdoulla , qui s'eft acquis beaucoup
de réputation , & a donné de grandes
marques de valeur dans la Guerre de Perfe ,
de fageffe & de fermeté dans la derniere
révolte de Smirne , qu'il a appaifée . Le Grand
Vizir a été de toutes les Cavalcades qui fe
font faites à l'occafion de ces quatre Mariages
, & il y a paru avec un air affable , répandant
lui- même de l'argent au peuple , ce qui
lui a attiré beaucoup d'applaudiffement .
Il a fait depuis une Cavalcade de plaifir au
Village de Belegrade , accompagné de fept Pachas
du Banc , ce qui ne s'étoit pas vû depuis
long-tems à Conftantinople ; il s'eft promené
devant toutes les maifons des deux Villages
répandant de l'or & de l'argent de tous
côtez.
Nous venons de recevoir par Marſeille deux
Volumes imprimez cette année à Paris , intitulés
Hiftoire de la derniere Révolution de
Perfe. Je vous ai toujours dit que cette Révolution
ne manqueroit pas d'Hiftoriens . Le
Chevalier de Clairac , qui à paffé ici bien du
tems avec M. Dandrezel , notre dernier Ambaffadeur
, me mande que fon Ouvrage fur le
même fujet s'avance fort , & qu'il ne penfe
prefque à autre chofe. D'un autre côté , le
Drogman Georgien , dont je vous ai parlé plufieurs
fois , eft depuis près d'un an en Allemagne
, où il est allé en partie pour y faire imprimer
un corps d'Hiftoire de fa façon fur les
mêmes évenemens.
Je reviens à celle qui a été imprimée à Paris
, compofée , dit l'Editeur , uniquement fur
les Mémoires du P. Jude Krufinski , Jefuite Polonois
.
SEPTEMBRE . 1728. 2099
lonois . Si cela eft , on doit en faire cas pour
le fonds des chofes , l'Auteur de ces Mémoires
ayant été témoin oculaire de beaucoup
de faits > je le connois d'ailleurs , l'ayant
fort frequenté ici depuis fon retour de
Perfe , pour un bon efprit , & pour un Amateur
de la verité. C'eft dommage que fes Mémoires
ne vont point audelà de l'année 1 725 .
L'Editeur François y fupplée de fon chef en
conduifant la même Hiftoire jufqu'au Traité
conclu entre le G. S. & Acheraf Kan fur la
fin de Septembre 1727.
De tout cet Ouvrage, qui eft fort long, je n'ai
encore lû que la Préface, & un autre Diſcours
Préliminaire , intitulé : Introduction à l'Histoire
de la derniere Révolution de Perfe , &c . Ainfi ne
vous attendez point ici à des Remarques de
ma part fur le corps de cette Hiftoire.
Je me contenterai d'obferver que l'Ecrivain
François , en parlant d'Ali , Gendre
de Mahomet , dit page 47. de l'Introduction,
qu'il mourut empoifonné ; cela ne s'accorde
pas avec ce que les Auteurs les plus approuvez
de l'Hiftoire des Califes , ont écrit de la
mort d'Ali : ils marquent tous qu'il fut affaffiné
dans la grande Moſquée de la Ville de
Coufa par Abdalrahman , l'un des trois fameux
Devoüez qui entreprirent de fe défaire
des trois Chefs qui troubloient alors l'Empire
des Mufulmans ; fçavoir Ali , Moavie , &
Amru. Ce fait eft des plus authentiques & des
plus remarquables de l'Hiftoire Mahometane .
Les affaffins s'étant trouvé dans un méme
jour , & prefque à la même heure , l'un à
Coufa , l'autre à Damas , & le troifiéme en
Egypte , executerent leur mauvais deffein
avec des fuccès differens , mais toujours Ali
futfrappé mortellement , & ne vêcut que trois
оц
2100 MERCURE DE FRANCE.
ou quatre jours. C'eft Haffan , fon fils aîné
qui mourut empoisonné par ſa femme : notre
Auteur le nomine Hocen , qui ne fut jamais
fon nom : le fien eft fi célebre , comme ayant
été conjointement avec fon frere Houffain , le
pere de tous ceux qu'on appelle Cherifs , defcendants
de Mahomet par Fatime , premiere
femme d'Ali , qu'on ne peut guéres s'y méprendre.
A propos de Cherif , nom Arabe qui fignifie
Noble , celui d'Acheraf Kan en eft formé,
& exprime le fuperlatif , ou le très- Noble.
Ainfi , Monfieur , en l'écrivant de cette maniere
, on l'écrit parfaitement bien en notre
Langue , & on ne le défigure pas , comme il
left certainement dans la nouvelle Hiftoire
où il eft toujours écrit Afzraf. Si le P. Krufinski
a pris certe coûtume dans fes Mémoires
, c'eft, fans doute , qu'il a eu plus d'égard
à l'expredion Turque , qui eftropie ſouvent
les mots Arabes , qu'à l'étymologie du nom .
Nos meilleurs Drogmans écrivent toujours
Acheraf dans leurs Traductions.
RUSSIE .
LFête de S. Pierre , dont le Czar porte le
E 10. Juillet , jour auquel on célebre la
nom , il y eut de grandes Fêtes à Moscou.
S. M Cz. dîna en public avec les Ambaffadeurs
des Princes Etrangers & les Principaux Seigneurs
de fa Cour."
Le bruit court que le Czar a fait un Teftament
, par lequel il nomme la Princeffe Nathalie
, fa foeur , pour lui fucceder en cas
qu'il vint à mourir fans pofterité . Cette Princeffe
qui eft âgée de 15 ans depuis le 22. Juillet
dernier, a pris poffeffion depuis peu de la
granda
SEPTEMBRE. 1728. 2 TOT
Grande-Maîtrife de l'Ordre de fainte Catheri
ne, qui a été inftitué en faveur des Dames par
la feuë Czarine .
On a eu avis que le Sultan Acheraf fait
de nouvelles difficultez fur le réglement des
limites des Provinces conquifes fur la Perſe.
Il prétend que les Places qui refteront au Czar
Iui feront cedées , à condition que'S . M. Cz.
en recevra l'Inveftiture du Souverain de Perſe,
& qu'il fera tenu d'en payer les redevances à
toutes les mutations. Sur cela on preffe la marche
des Troupes deftinées à augmenter l'Armée
Mofcovite en Perfe , & le départ du Com→
te Amiral Synowin qui doit aller à Aftracan
pour y commander la Flote du Czár , qui fera
compofée de 16. Frégates , de 36. Galeres
& d'autres Bâtimens plats .
Le Clergé Mofcovite ayant été averti qu'on
alloit dreffer un Etat exact de tes revenus , a
prévenu cette recherche par des offres d'un
fubfide affez confiderable pour mettre le Czar
en état de faire de grandes entrepriſes . Après
les premiers payemens qu'ils en ont faits , on a
pris dans le Confeil Privé diverfes réfolutions
pour augmenter les forces maritimes de S. M.
Czarienne,
Le bruit court que le Prince de Heffe- Hombourg
époufera la Ducheffe Doüairiere de Curlande
, & que c'eſt en faveur de ce futur mariage
qu'il a été nommé Gouverneur general &
Commandant en Chef de l'Eftonie & de la Livonie.
Les Marchands Anglois & Hollandois établis
à Petersbourg, ont envoyé quelques Députez à
Mofcou pour s'intereffer dans le commerce de
laChine qui fe doit faire par Caravannes ,& on
dit qu'ils ont réfolu d'y employer un fonds de
600000. Roubles .
Le
2102 MERCURE DE FRANCE:
Les Troupes qu'on avoit fait partir pour
aller travailler aux nouvelles Fortifications
qu'on vouloit conftruire dans l'Ifle de Nargin ,
vis- à- vis la Rade de Revel , ont eu ordre de
retourner dans leurs Quartiers , depuis qu'on
a fçû que le projet de fortifier cette ifle caufoit
de l'inquietude à quelques Puiffances avec lefquelles
le Czar a réfolu de vivre en bonne intelligence
.
On a appris de Derbent , qu'un détachement
des Troupes du Sultan Acheraf , foutenu de
quelques Tartares , s'étoit approché de cette
Ville pendant la nuit du 26. au 27. du mois de
Juin dernier , dans le deffein de l'efcalader &
de la furprendre ; ce qu'il auroit pû executer ,
s'il n'avoit pas été découvert par un Parti de
60. Dragons , qui rentra dans la Ville en diligence
pour y donner l'alarme. Sur cette nouvelle
on a envoyé ordre aux Generaux qui
commandent en Perfe, d'agir contre le Sultan
Acheraf comme contre un Ennemi déclaré .
On a appris depuis qu'on avoit reçû avis de
Derbent que le Sultan Acheraf avoit fait faire
aux Mofcovites des propofitions d'accommodement
fi avantageufes , qu'on ne doutoit plus
qu'ils ne les euffent acceptées , & que le Trai
té ne fût figné.
I
POLOGNE .
Ly eût fur la fin du mois de Juillet de grandes
conteftations entre les Députez de la Diete
annuelle qui fe tient à Varfovie pour la taxe
fur le vin, fur la biere & fur les autres boiffons .
Plufieurs d'entre eux mirent le fabre à la main,
& ily en eut quelques- uns de bleffez. On a
appris depuis qu'on avoit repris les féances , &
que les dernieres conferences avoient été affez
tranquilles. M.
SEPTEMBRE . 1728 : 2103
M. Wittingholff Commandant des Troupes
du Duc de Meckelbourg , eft allié vers Riga
pour y faire la revue des Troupes de ce Prince ,
qui ne confiftent qu'en 3500 hommes , qu'il a
ordre de conduire vers les frontieres du Duché
de Meckelbourg , pour en difputer l'entrée
aux nouvelles Troupes d'execution qui doivent
s'y rendre en vertu du dernier Decret du Confeil
Aulique.
On mande de Varfovie qu'on y avoit reçû
avis que le Roi de Pologne n'étant pas en état
d'y venir auffi - tôt qu'il l'avoit fait efperer , il
avoit réfolu de retarder jufqu'au mois de Décembre
prochain l'ouverture de la Diete generale
de ce Royaume qui devoit fe faire à Grodno
dans le mois d'Octobre.
Les Proteftans de Thorn font dans une
grande confternation , depuis que le Roi leur
a fait fignifier qu'ils euffent à répondre dans
fix femaines aux demandes qui leur feroient
faites touchant l'inexecution de plufieurs articles
de la Sentence renduë contre leur Ville
en 1724 comme de n'avoir pas tranfporté leur
College & leurs Ecoles à une lieuë de la Ville,
ainfi que cela leur avoit été ordonné ; de n'avoir
pas fait retirer les Miniftres Geveth &
Oloff ; d'avoir mis le Secretaire Wachschlagr
en poffeffion de fa Charge , & de n'avoir pas
fait remplir par des Catholiques plufieurs
Charges qui vaquoient par la démiffion des
Non-Conformiftes .
La Duchefle de Meckelbourg & la Ducheſſe
Douairiere deCurlande , fa foeur , font toujours à
Mittau , où le Czar leur a envoyé une Com .
pagnie de cent hommes pour monter la garde
dans leur Palais .
Il y a actuellement dans le Duché de Curlande
un Corps de Troupes Mofcovites de
12000
2104 MERCURE DE FRANCE .
12000 hommes qui peut être renforcé en 24
heures par un pareil nombre. Ces Troupes feront
commandées par le Comte de Sapicha .
General Mofcovite , en cas qu'après la mort
du Duc Ferdinand on veüille faire executer
les Decrets de la derniere Commiffion Polonoiſe.
SUED E.
E Roi a accordé aux Habitans d'Helfimtoutes
fortes de Marchandiſes , afin d'y attirer
les vaiffeaux marchands qui paffent le Sund.
On efpere tirer un profit trés- confiderable
des mines d'argent d'Arbago , où l'on a dé
couvert depuis quelques mois des veines de
ce Métal beaucoup plus riches que les précedentes.
Le Comte de Caſteja , Miniſtre Plenipotentiaire
de France , ayant demandé fatisfaction
d'une infulte faite publiquement par un nommé
Laurent à l'Abbé Guyon qui a été chargé des
affaires du Roi Très- Chrétien depuis le départ
du Comte de Brancas Cereft, ce particulier fut
condamné à mort le 16. du mois dernier par le
premier Confeil de Juſtice de la Cour du Roi
DANNEMAR C.
Es Miniftres du Roi d'Angleterre & de la
Republique d'Hollande prefenterent un Memoire
au Roi le 6. du mois dernier , pour lui
faire des repréſentations au fujet de l'établiffement
de la nouvelle Compagnie de Commerce
d'Altena , pour le prier de retirer le Privilege
accordé en dernier lieu à cette Compagnie , &
de la laiffer fur l'ancien pied. Ce Memoire eſt
conçû en ces termes :
SA
SEPTEMBRE . 1728. 2105
f
Sa Majefté , le Roi de la Grande Bretagne &
L. H. P. les Etats Generaux des Provinces- Unies,
`prévoyant le tort que la tranſation de la Compagnie
des Indes Orientales de Copenhague à Altena
, fera au commerce de leurs Sujets; & s'ap- ,
percevant avec chagrin que presque au moment
qu'ils fe donnent tant d'efforts pour empêcher le
progrès de la Compagnie d'Oftende , le Roi de
Dannemarc, leur bon ami & Allié , en érige une
autre , également préjudiciable à leurs Sujets ,
ont ordonné à leurs fouffignez Miniftres d'en
faire des repréſentations très - humbles à Sa Majefté
Danoife , efperant de l'amitié de S. M.
qu'auffi tôt qu'Elle fera informée du déplaifir
que cette nouvelle leur cauſe , elle retirera le
Privilege accordé en dernier lieu à cette Compa
gnie, & la laiffera fur l'ancien pied qu'elle a
toujours fubfifté à Copenhague , &c.
Le Roi a fait faire à Mylord Glenorchy la
Déclaration fuivante.
Sa Majefté , le Roi de Dannemarc , de Norvegue
, &c. s'étant fait rapporter ce qui a été
représenté dans un Memoire du 31. du paſſé ,
figné par Mylord Glenorchi , Envoyé extraordinaire
du Roi de la Grande Bretagne , & par M.
d'Afsendelft Résident de L. H. P. au sujet du
prétendu transport de la Compagnie des Indes
Orientales de Copenhague à Altena , a ordonné
de répondre au Lord Glenorchi , que comme Sa
Majefté a donné au Roi de la Grande Bretagne
toutes les marques imaginables de fon amitié
fincere , & du defir qu'Elle a de contribuer de
toutfon pouvoir au bien & à l'avantage de S. M.
de fes Sujets , elle efpere auffi que S, M. Brit.
en agira de même à ſon égard , & ne permettra
pas qu'on lui impofe des loix dans une affaire
qui
2106 MERCURE DE FRANCE.
qui regarde le commerce de fes Sujets , & qui
fera vue par S. M. Brit . d'un autre oeil , lorfqu'elle
apprendra par fon Envoyé que l'inten
tion de S. M. n'a jamais été de transferer la
Compagnie dont il est question , dans la Ville
d'Altena , encore moins d'y en ériger une nouvelle
femblable à celle d'Oftende ; Qu'elle n'a
accordé à cette Compagnie d'autres nouvelles
conditions que celles qui font fondées fur l'an
cien Octroy , fur le droit incontestable qu'elle
a de négocier aux Indes de la même maniere
que d'autres Nations lefont . Que ce commerce
n'a pas commencé d'aujourd'hui , & que l'on
en eft en poffeffion depuis plus d'un fiecle , fans
y avoir jamais été troublé , & fans que perfonne
fe foit donné des mouvemens pour s'y oppofer;
Qu'outre cela on ne sçauroit produire un
feul Traité conclu avec S. M. ou avec ses Prédeceffeurs
, de glorieufe memoire , qui foit consraire
, ou qui porte défenſe à ce qui a toujours
été accordé à cette Compagnie ; Qu'ainfi ce
qui eft permis à d'autres Puiffances de regler en
fait de commerce , le doit être auffi à S. M. pour
le bien de fes Sujets , de -forte que l'on ne doute
pas que S. M. Brit . étant convaincuë des raiſons
que S. M. a de regler dans fes Etats le commerce
de fes Sujets , furtout celui de la
Compagnie des Indes dont il est question , fur le
pied qu'il a toujours été ,& de la maniere qu'on
jugera la plus avantageuse pour cette Compagnie,
ne quitte fans peine le fentiment contraire
qu'on pourroit lui avoir fait concevoir de certe
affaire, & qu'au lieu d'y apporter aucun empêchement
, elle ſoutiendra plutôt S. M. dans fes
juftes intentions & dans les droits incontestables
qu'elle a eu depuis plus d'un fiecle. C'eft fur
quoi M. l'Enveyé extraordinaire eft prié de faire
toutes les représentations favorables à fa Cour ,
&
SEPTEMBRE . 1728. 2107
S. M. le fait, au refte, affurer de fa bienveil
lance & protection Royale . Fait à Copenhague
le 17. Août 1728. Signé , Von Hagen .
ALLEMAGNE .
E Roi de Portugal a fait prefent à l'Empe-
LEreur de deux Lions , de deux Tigres & de
deux gros Singes qui ont été mis dans la Ménagerie.
Le 18. du mois dernier S. M. Imp . partit
de Gratz pour Trielte , accompagné d'une partre
des Seigneurs de la Cour & de quelquesuns
de fes Miniftres .
Les trois vailleaux de guerre qu'on attend à
Trieste , & dont le Czar fait prefent à l'Empereur
, font de 80 , de 60 & de 40 pieces de
canon .
On affure que S. M. I. a nommé depuis
peu pour fon troifiéme Plenipotentiaire au
Congrès de Soiffons , le Baron de Fonseca ,
qui eft actuellement chargé de fes affaires à la
Cour du Roi Très - Chrétien
On a envoyé des ordres dans tous les Ports
Imperiaux d'Italie , d'y armer en diligence les
galeres & les vaiffeaux de guerre qui y font ,
& on doit en former des Efcadres avec les
vaiffeaux de la Religion de Malte , pour donner
la chaffe aux Corfaires de Tunis , d'Alger
& de Tripoly.
L'Empereur a fait diftribuer mille ri'dales
aux paysans qu'on avoit employés pour faire
lever les Dains dans la derniere & magn fiue
chaffe qui fe fit au commencement du mois
dernier fur les terres du Comte de Breuner
Grand- Treforier de Stirie , à laquelle toute la
Cour Imperiale affifta , & où l'on prit 103.
Dains. L. M. I. ont fait à cette occafion de
I très2108
MERCURE DE FRANCE .
très -beaux prefens au Comte & à la Comteffe
de Breuner. Tous les payfans étoient habillés
de rouge & de verd..
On effuya à Gratz vers le milieu du mois
dernier , un orage fi violent , que l'Eglife des
Dominiquains en fut renversée , & il y eut
plufieurs perfonnes bleffées. Le même ouragant
ayant abattu le Theatre qu'on avoit dreſſé
dans les jardins du Palais pour le nouvel Opera
d'Orefte & Pylade , on le repréfente à preſent
fur celui du College des Jefuites.
Le 16. Août , vers les cinq heures du foir ,
l'Empereur partit de Gratz pour les Pays hereditaires
de l'Autriche interieure. Il alla coucher
au Bourg Imperial de Villedone.
Le 17. S. M. I. fe rendit au Château de
Bronſée , appartenant au Comte de Breuner ,
où elle chaffa le Cerf : on en prit 22. Aprés le
dîner elle continua fon voyage , & alla coucher
à Marbourg,
Le 18. l'Empereur dîna à Frefen , & coucha
à Mauth , le 19. à Wolckermark , & le 20.
$. M. I. arriva à Claghenfurt . Les clefs de la
Ville lui furent préfentées par le Comte Chriftofle
de Cronegg qui en eft Gouverneur , à la
tête des Magiftrats . S. M. I. fe rendit à l'Eglife
des Jefuites , où elle reçut les premiers complimens
des Députez des Etats de Carinthie.
Enfuite elle alla dîner à l'Hôtel des Comies
de Rofamberg qui eft fur la Place , où les Habitans
s'étoient mis en haye & fous les armes .
Le 21 les Ouvriers des Mines firent leurs
exercices devant l'Empereur.
Le 22.S.M.I. reçut l'hommage des Députez
des Etats, après quoi elle montă ſur un cheval
magnifiquement harnaché ; & ayant àfon côté
le Comte Sigifmond de Vaghenberg Maréchal
de la Province , elle fe rendit à l'Eglife Cathedrale
SEPTEMBRE . 1728. 2109
drale où elle fut reçûé par l'Evêque à la tête
du Clergé. Après avoir entendu la Meffe du
Saint- Elprit , l'Empereur retourna dîner à
P'Hôtel de Rofamberg , & l'après - midi il confirma
les Privileges de la Province , & accor
da quelques graces à divers Gentilshommes.
Le 24. Fète de S. Barthelemy , S. , M. I. tint
Chapelle dans l'Eglife des Jefuites , & l'aprèsmidi
elle donna audience de congé aux Députez
des Etats de la Province. Enfuite l'Empereur
partit pour fe rendre dans la Carniole ; &
ayant paffé le Drave , il alla coucher à Mauth.
Le 25. il dîna à Marckel , & coucha à Crainbourg.
REJOUISS ANCES publiques faites à
Berne , & c. Extrait d'une Letre écrite
de Soleure le 11. Septembre 1728.
Left fi rare , Monfieur , de voir des Fêtes
publiques dans un Pays où le Magiftrat s'oc
cupe uniquement des affaires du Gouvernement
, & le Peuple remplit fon tems par une
affiduité extraordinaire au travail ; que la Fête
publique qu'il y a eu à Berne pour celebrer la
Deux-centiéme année de la Prétendue Réformation
dans cette Ville , paroît mériter à ce
feul titre votre attention.
Quoique le tems ne fût pas tout- à - fait favorable
le 25. Juillet jour de cette Fête , à
caufe de la pluye qui furvint , on ne s'en apperçut
prefque pas par lebon ordre qu'on avoit
établi , & par l'activité de la Jeuneffe , qui ayant
préparé les artifices , s'étoit auffi chargée de
les tirer ; ce qu'elle fit avec toute la diligence
& avec le fuccès qu'on auroit pû attendre des
plus Experts du métier.
La nouvelle de cette Fête avoit attiré un
I ij grand
2110 MERCURE DE FRANCE .
grand nombre d'Etrangers dans la Ville de
Berne & le Magiftrat qui s'y étoit attendu ,
avoit donné de fi bons ordres pour leur réception
, que tous ceux qui étoient venus à ce
fpectacle , furent reçûs & traitez en divers endroits
par des gens prépofez , avec une politeffe
& un ordre qu'on ne fçauroit affez louer.
Il y avoit des tables préparées & fervies avec
tant de profufion , qu'il fembloit qu'on étoit
venu plutôt à un repas qu'à un fpectacle ; les
meilleurs vins du Pays y furent prodiguez ; car
on n'en boit point d'autres dans le Canton de
Berne les Bernois firent voir qu'ils en ont de
très-bons , fur- tout ceux de la Cofte & de Lavau.
Il parut meilleur encore par la manierę
dont on le préfenta aux Etrangers ; j'étois de
ce nombre , & je puis vous affurer que ces
Meffieurs ont fait voir en toutes chofes également
l'efprit d'ordre & de magnificence qui
regne dans leur Pays . Tout le monde en revint
content , & Meffieurs de Berne dûrent l'être
auffi de l'affluence des fpectateurs que leur Fête
avoit attirez dans leur Ville ; c'est dommage
feulement qu'ayant pris une époque de deux
cens ans pour le fujet de leur Fête , on ne
puiffe pas fe flatter d'en voir une feconde de
cette efpece:mais cette Fête leur a fi bien réüffi,
que peut -être trouveront- ils l'occafion d'ea
faire de femblables , quand ce ne feroit que
pour nepas laiffer perdre le goût que leur Jeuneffe
a pris pour de parer's fpectacles , & pour
exercer l'habileté qu'elle y a fait paroître .
Je fuis , & c.
Explication
SEPTEMBRE . 1728. 2111
1
Explication du Feu d'artifice qui a été tiré à
Berne le 26. Août 1728. avec la permiffion de
P'Etat , fous la direction de M. Jean Rodolphe ,
Wurtemberger du Grand Confeil , Colonel
d'Artillerie du Canton de Berne, & Directeur
de la Compagnie des Artificiers .
L
·
E Corps de ce Feu d'Artifice repréſentoit
un Arc de triomphe de 72 pieds de hauteur
& de 65 de largeur ou de face , au devant de
laquelle étoit une espece d'Enclos ou de Parc
quarré entouré de plufieurs milliers de fufées
pefant ufqu'à 12 livres chacune. Le Parc n'avoit
pas moins de 120 pas de longueur de chaque
côté.
Sur le milieu de cet Arc de triomphe étoit
un grand Soleil jettant beaucoup de lumiere ,
avec cette Infcription :
POST TENEBRAS LUX.
Au-deffus de l'entablement on voyoit la Statue
du Duc Berchtold de Zeringuen , comme
fondateur de la Ville de Berne; à fon côté droit
un peu plus bas celle du Chevalier de Burbenberg
, comme Directeur des bâtimens de cette
Ville , tenant de fa main droite les armes de
Berne , & du côté gauche celle du Seigneur
de Wedifchwyl premier Avoyer de Berne : au
deffous de ces deux dernieres Statues étoient
les armoiries des deux Avoyers d'àprefent ,
fort illuminées , de même que l'Infcription : enfin
les deux côtez de l'Arc de triomphe étoient
ornez de deux grands trophées d'armes , &c.
Le premier Acte de ce beau fpectacle commença
par une falve de douze pieces de canon ,
laquelle fut repetée à chaque Acte & à la fin
du Feu d'artifice un Ange volant & partant de
I iij
la
2112 MERCURE DE FRANCE .
la grande Eglife , alluma le premier Feu , qui
confiftoit à droit & à gauche en huic girandoles
, quatre caiffons , vingt tonneaux d'artifice
, & en une grande quantité de fufées difpofées
à l'entour du Parc .
Au fecond Acte on vit une grande roüe jettant
toutes fortes deFeux & douze petites roues
qui firent un effet merveilleux . Elles furent fuivies
de 40 ballons & de 30 caiffons d'artifice
jettant quantité d'étoiles , &c. de 8 girandoles,
& de plufieurs centaines de fufées à l'entour
du Parc ; enfin de 40 tonneaux d'artifice qui
fauterent en l'air & firent un terrible feu . Les
ballons furent jettez par des mortiers de 25 &
so livres .
Dans le troifiéme Acte , au lieu des petites
roues de feu , on vit briller 12 grandes étoiles
qui furent fuivies de 38 ballons , de 30 tonneaux
remplis de ferpentaux & de 12 girandoles
, de 6 caiffons & d'une grande quantité
de fufées du parc , enfin de 60 tonneaux d'artifice
jettez des deux côtez.
Le quatriéme & dernier Acte commença par
12 petites roües de feu fuivies de 12 girandoles,
de 8 catffons , de plufieurs milliers de fufées
partant de tous les côtez du Parc , de 72 ballons
de differentes fortes , de 40 ballons d'artifice
, & enfin de 80 tonneaux jettez en l'air &
faifantbeaucoup de bruit . Ce grand fpectacle
finit par une derniere décharge de 12 pieces de
canon , dont on a parlé au commencement.
O
ITALIE.
N écrit de Naples que le Cardinal Pignatelli
, Archevêque de cette Ville , qui a
été à l'extrémité , fe porte beaucoup mieux
depuis que fon Medecin l'a déterminé de boire
à la glace .
La
SEPTEMBRE . 1728. 2113
La Congrégation de la Santé à Rome a
écrit à tous les Princes voifins de l'Etat Eccléfiaftique
, au fujet de la derniere Ordonnance
publiée à Venife, par rapport à la Foire
de Sinigaglia . Elle leur a fait entendre que les
Venitiens ne fe font déclarés avec tant de vigueur
contre cette Foire , que pour l'attirer
chez eux que depuis long - tems ils ont fair
diverſes tentatives pour y parvenir fous differens
pretextes ; que la maladie contagieufe qui
paroît être prefentement le motif de leur
précaution , n'eft qu'un moyen pour faire ve
nir les Vaiffeaux Marchands dans leur Etat , &
qu'ils les recevoient à Venife , & dans les
autres Ports de la Mer Adriatique après une
quarantaine qu'ils ne veulent pas admettre
pour la Foire de Sinigaglia . Cette Lettre n'a
encore produit aucun effet , & les Princes aufquels
elle a été adrefiée , n'ont rien changé à
leurs précedentes Ordonnances , qui caufent
de très -grands dommages aux Sujets du Pape ,
& interrompent la correfpondance & le commerce
avec les Etrangers. Cependant on apprend
de Naples que le Tribunal de la Santé
y fit publier au commencement du mois dernier
une Interdiction de tout Commerce , tant
par terre que par mer , avec l'Etat Ecclefiafti.
que pendant la Foire de Sinigaglia.
Le Prince du Montliban , auquel le Pape
donna dernierement une Audience particuliere
, a été logé au College des Maronites par
ordre de S. S. qui l'y fait défrayer.
Le 29 Juillet , on inonda la Place Navone ,
& fur le foir il y eut grand concours de Nobleſſe
.
Le 30 Juillet , le Marquis d'Almenara , Viceroy
, & Capitaine General du Royaume de
Naples par Interim , arriva dans la Capitale
I iiij de
2114 MERCURE DE FRANCE .
de ce Royaume , venant de Palerme ; il fut reçu
à fon débarquement par le Cardinal d'Al ૬૫
than , & par le Confeil collateral , au bruit
d'un triple falve de l'Artillerie des Châteaux
& de la Marine ; il fut conduit au Palais par le
Cardinal , & c. Le 31. les Députez de la Ville
de Naples allerent au Palais complimenter le
nouveau Viceroy & le Gardinal d'Althan , qui
étoient affis fous le dais , à côté l'un de l'autre.
Le foir , le Cardinal s'embarqua fur une des
Galeres de Naples , pour le conduire à Nettuno
, d'où il s'eft rendu enfuite à Fraſcati ,
enfuite à Rome.
&
On apprend auffi que M. Bichi , ci- devant
Nonce à Lisbonne , étoit gardé à vûë par ordre
du Roy de Portugal , de crainte qu'obéiffant
aux derniers ordres du Pape , il ne prit le
parti d'aller à Rome
Sa Sainteté a donné à l'Abbé Brunetti la
charge deSolliciteur desCanonifations des SS.
qui vaquoit par la mort de l'Abbé Zuccarini.
Les Religieufes Servites de Pefaro , faifant
travailler aux réparations d'un vieux mur de
leur Monaftere , y ont découvert une Mine
d'argent , & elles ont tiré plus de 200. onces
de ce metal , mais le Gouverneur en ayanɛ
été informé , elles ont reçu ordre de faire fermer
cette Mine.
Les Capucins de Veniſe ont receu avis de
Rome, que les Cardinaux de la Congrégation
des Rires y avoient tenu une Affemblée particuliere
pour la future Beatification du P. Fidele
de Zigmeringen , Capucin Allemand
&
Miffionnaire Apoftolique , qui fut maffacré en
16 2
pour la Foi Catholique , par les Calvinittes
du Pays des Grifons .
On mande de Rome qu'il eft arrivé de Lif
bonne de nouveaux Ordres à tous les Portugais
SEPTEMBRE. 1728. 2115
0%
gais de fe retirer de cette Capitale , & de l'Etat
Eccléfiaftique dans trois mois , à peine de
confifcation de leurs biens. Le Roy de Portugal
leur enjoint en même tems de faire fermer
Eglife Nationale de S. Antoine.
Le 3. du mois dernier , le Cardinal de Palignac
fe rendit en grand cortege chez le Cardinal
Ottoboni , ou il fut queftion des preuves
qui doivent préceder l'admiffion du Cardinal
de Polignac à l'Ordre du S. Efprit , dans le
premier Chapitre qui fera tenu par le Roy de
France.
Le 28. le Pape fe rendit à l'Eglife de faint
Auguftin , dont on célébroit la Fête ; il y tint
Chapelle Pontificale , & après la Mefle , on y
chanta un Te Deum Solemnel à plufieurs
Choeurs de Mufique , pour rendre graces à
Dieu de la découverte du Corps de ce Docteur
de l'Eglife.
de Le Cardinal Fini eft allé de la part du Pape ,
ordonner aux Carmes de S. Chryfogone ,
réduire à quatre , tous les Autels de leur Eglife
, ce qu'ils ont refufé d'executer , fous prétexte
qu'ils n'étoient pas en état de faire cette
dépenfe , & que cette réduction diminuëroit
confiderablement leurs revenus , & les mettroit
hors d'état de fubfifter.
ESPAGNE .
Na appris de Malaga que deuxFregates de
OOmMMailte avoient attaqué au mois de Juilldeet
dernier , à la hauteur de cette Ville , un Cor◄
faire Algerien de ro . pieces de canon & de 4.
à fco hommes d'équipage ; qu'il s'étoit défendu
pendant quatre heures avec tant de bravoure
& d'opiniâtreté , que lorfqu'il s'étoit
rende , les Chevaliers de Malte n'avoient trouvê
2116 MERCURE DE FRANCE .
vé fur le Vaiffeau que dix à douze hommes de
refte de tout l'équipage ; que le Bâtiment étoit
tout percé , qu'il ne lui reftoit plus qu'un mát ,
& que la moitié de la pouppe étoit emportée.
Les deux Frégates eurent 45. hommes tués ,
& 60. bleffés . Dans le nombre des premiers
font deux Chevaliers de Malte qui faifoient leur
Caravanne . 1
On a fait partir de Cadiz fix Vaiſſeaux de
guerre , pour aller au - devant des Galions 13 &
fes conduire en fûreré dans les Ports d'Eſpagne.
On équipe dans le même Port une Efcadre ,
dont le Commandement a été donné au Marquis
de Mari
On mande des Ports de Bifcaye , de Guipufcoa
& de Galice qu'on y avoit lancé à
l'eau douze Vaiffeaux de guerre de divers
rangs , & qu'on en avoit mis un pareil nombre
fur les Chantiers , avec ordre aux Gouverneurs
d'en preffer la conſtruction.
On écrit de Ceuta qu'on y avoit appris que
les Blancs du Royaume de Maroc s'étoient
foulevez contre Muley Abdemelech , leur nouveau
Roy , qu'ils tenoient la Campagne avec
une armée de près de 60000 hommes ; qu'ils
avoient furpris le Château de Salé , où ils
avoient trouvé foo. Barils de poudre , dont
ils s'étoient faifis , & que Muley Abdemelech
avoit raflemblé les Noirs qui lui font demeurez
fideles , pour aller les combattre.
PORTUGAL.
Eas.Juillet , le Roy accompagné des Infans
Dom Antoine & Dom François , fes
freres affifta dans l'Eglife Royale de S. Dominique
, à un Auto da Fé qui fur celebré
;
avec
SEPTEMBRE . 1728. 2117
avec la Solemnité accoûtumée . Cent douze
perfonnes y furent jugées & condamnées à
differentes peines , fçavoir , treize aux Galeres
& au foüet , tant pour avoir époufé deux
Femmes , que pour Magie , de 99. accufez de
Judaifme , 89. furent condamnez à demeurer
en prifon , jufqu'à ce qu'il plaife au Tribunal
de l'Inquifition de les en faire fortir ; quatre
furent condamnés aux Galeres , & les fix autres
à être brûlez ; fçavoir , Thereſe de Silva ,
âgée de 46. ans , qui nia ce crime , & protefta
être Catholique Roderigo Nunez de Payra ,
âgée de 22. ans ; Lucie Mendez , âgée de 62 .
& Frences d'Alvin , âgée de 48. s'étant
avouées coupables , dans l'efperance d'avoir
leur grace , furent executées pour n'avoir pas
nommé leurs Accufateurs. Jean Lopez, &
Marie Correra de Sylva qui font morts en prifon
, furent brûlez en effigie.
Le Cardinal Pereyra , que le Roy a rappellé
de Genes , a ordre de ſe rendre à fon Evêché ,
en arrivant dans le Royaume , & de ne pas
paroître à la Cour,
L'Abbé Lercari qui a apporté le Bonnet au
Cardinal Motta & Sylva , eft parti de Lisbonne
pour retourner à Rome , après avoir receu
quantité de prefens.
Le 14 Juillet , le feu prit vers les onze heures
du foir , dans le Couvent de S. François
de Bragance , & malgré les foins qu'on y ap
porta , le Dortoir , le Refectoire , les Offices
& la Sacriftie furent conſumez en moins
de quatre heures.
Un Noraire de Lisbonne , auquel le Nonce
du Pape à Madrid avoit adreffé un paquet venant
de Rome , étant allé trouver M Bichi
pour lui remettre ce paquet qui contenoit les
derniers Ordres de Sa S. pour le retour de ce
I vij
Prélat
2118 MERCURE DE FRANCE.
Prélat à Rome ; le Roi en fut informé le lendem
in , & S M. donna fur le champ des
ordres pour faire arrêter ce Notaire , & pour
faire ouvrir toutes les Lettres d'Italie , de
France & de Hollande qui étoient au Bureau
de la Pofte , afin de fçavoir fi malgré les défentes
, quelque particulier n'étoit pas en correfpondance
avec les Sujets du Pape.
Le Roy a fait auffi publier unOrdre par lequel
on ne laiffe fortir aucun Vaiffeau , fans y avoir
fait la recherche d'un jeune homme & d'une
jeune fille qui fe font mariez depuis peu en vertu
d'une Difpente du Pape que ce jeune homme
a rapportée de Rome , pour épouser cette
fille fans le confentement de fon pere , & pour
la tirer du Monaſtere où ſon pere l'avoit fait
mettre.
GRANDE BRETAGNE.
Es Commiffaires de l'Amirauté reçurent le
17 du mois dernier des Lettres du Capitaine
S. Lo , Chef d'Eſcadre , datées de la Jamaique
du 13 Juin. Elles portent que le Solebay ,
Vaiffeau du Roy d'Angleterre y avoit apporté
les Or ires de S. M. Brit. touchant l'execution
des préliminaires dans les Indes Occidentales
, & de pareils Ordres du Roy d'Espagne ,
adreffées aux Vicer is du Mexique & du Perou
, au Commandant des Gallions & autres ;
qu'auffi -tôt le Capitaine S. Lo avoit fait partir
un Vaiffeau pour porter les Ordres de S.
M. Cat & rappeller les Vailleaux qui croiffoient
fur les côtes de la Nouvelle Efpagne.
Les Commiffaires nommez par le Parlement
pour la construction du Pont entre Fulham
& Putney , fe font affemblés pour la defaination
des fonds qu'ils ont entre les mains ,
fuiSEPTEMBRE
. 1728 . 211
& ils ont choifi M. Price pour leur Architecte.
On écrit de Gibraltar du 21. Juillet , qu'on
fortifioit cette Place de plus en plus ; qu'entr'-
autres ouvrages , on avoit taillé dans le Roc ,
entre la Ville & la Batterie de Wils , un paflage
ou un homme pouvoit pafler fans être découvert
; qu'on avoit placé fur le Rocher 2.
pieces de gros canon qui feront à l'abri des
bombes que la tête du vieux Mole étoit perfectionné
, & qu'on y avoit auffi placé 17.
pieces de canon de 32. livres de bale ; qu'on
parloit de mettre des paliffades de fer d'une
nouvelle invention ; & enfin qu'on travailloit
à rendre cette Fortereffe une des plus confiderables
de l'Europe .
Le 28. Août , Coffam Choja , Envoyé Extraordinaire
du Pacha & du Divan de Tripoli
, arriva à Londres de Weymouth , avec une
fuite de zo. perfonnes Les preſens dont il
étoit chargé pour le Roy en partant de Tripoli
, confiftoient en douze beaux chevaux de
Barbarie , dont quatre font morts en route ,
un Lion qui eft mort , huit Gazeles , dont cinq
font mortes , 16. petites Brebis dont il n'en
relte que quatre & deux jeunes Autruches.
La Cour a pris le deüil pour la mort de l'Evêque
d'Ofnabourg , & il a été permis aux
Gentilshommes qui iront à Hampton- Court ,
d'y paroître en habits de couleurs , avec des
paremens noirs , à l'exception des Dimanches
& des Jeudis qu'ils font obligez d'être vêtus
de noir. Ce deüil a été reglé de la maniere
fuivante : les hommes porteront fur leur juft'au-
corps la garniture entiere de boutons, des
épées & boucles noires & du linge uni. Les
Dames porteront de la Soye noire , blanche
ou grife , de la batifte ou mouffeline, avec de
Féfilé , & des Eventails blancs ou -noirs.
Le
2120 MERCURE DE FRANCE.
Le Superbe & le Leopard , vaiffeaux de
guerre de l'Efcadre du Roy en Amerique ,
font arrivez à Portsmouth ; les Capitaines
ont rapporté que le refte de l'Eſcadre de S. M.
s'étoit retiré à la Jamaique.
PAYS -BAS .
Na jugé à Bruxelles les Cabaliftes qui furent
arrêtees à Lier , il y a environ deux
mois. Ils furent condamnez à un banniffement
de dix ans hors du Pays : la Sentence ordonne
que les papiers feront brûlez par la main
de l'Executeur . Le Prêtre qui a été arrêté avec
eux , fera jugé dans peu , & l'on croit que la
Sentence fera beaucoup plus rigoureuſe
MORTS , NAISSANCES
Des Pays étrangers .
C
Hriftine - Françoife de Heffe - Reinfels-
Wanfried , Epoufe de Dominique Marquart
, Prince de Loewenftein & Wercheim
mourut en couche le 14 Juillet dernier. Elle
étoit fille de Chretien Augufte , & petite - fille
de Charles , grand Oncle de la jeune Ducheffe
de Bourbon.
L'Infant Dom Alexandre , quatriéme fils
du Roy de Portugal , mourut à Lisbonne de
la petite verole le 2. du mois dernier , âgé de
quatre ans , dix mois & neuf jours Son corps
fut porté le même jour dans l'Eglite du Convent
de S. Vincent de Fora , où l'on fit le lendemain
les obfeques , avec les ceremonies accoûtumées.
SEPTEMBRE. 1728. 2121
coûtumées. Dom Pierre de Menefez , Chanoine
de l'Eglife Patriarchale , y recita les
Prieres ordinaires en Habits Pontificaux . Le
corps fut prefenté au P Prieur par Dom Louis
Baltazar de Sylveira , Vifiteur de la Ma fon de
la Reine, qui fit les fonctions de Majordome
Major , en l'abfence du Marquis de Fronteira.
Le cercueil fut defcendu dans le Caveau .
par le Duc de Cadaval , & par les Marquis
d'Allegrette,d'Angeja , de Cafcaes , de Valence,
& par le Comte Affumar , & il fut placé
auprès de ceux des Princes Dom Jean & Dom
Pierre.
Erneft Augufte de Brunſwick - Lunebourg ,
Duc d'York Prince & Eyeque d'Ofnabruck ,
Chevalier de l'Ordre de la Jarretiere , mourut
à Ofnabruck le 14. du mois dernier , à trois
heures du matin , âgé de 13. ans , dix mois &
27 jours. Il étoit le plus jeune des freres du
feu Roy d'Angleterre , George I. & fils d'Erneft
Augufte , Premier Electeur d'Hanover
mort le 28. Janvier 1698. & de Sophie , fille
de Frederic V. Electeur Palatin , morte le
premier Juin 1714. Il avoit été élû Evêque
d'Olnabruck. au commencement de l'année
1718. à la place de Charles Jofeph , Prince de
Lorraine & Archevêque de Treves , qui mourut
le 4 Decembre 1715. Ce Prince qui eft
generalement regretté , également des Catholiques
& des Proteftans , a fait des legs confiderables,
tant à fes Officiers & Domeftiques
qu'aux Pauvres , anfquels il laiffe cent mille
écus. Comme cet Evêché doit être poffedé alternativement
par un Prince Catholique , &
par un Prince Proteftant , le Chapitre en a
pris la Regence jufqu'à la prochaine Election
qui fe fera auffi tôt que les Princes Catholiques
qui y prétendent , fe feront déclarez .
Guil
2122 MERCURE DE FRANCE.
Guillaume Erneft , Duc de Saxe -Weymar
mourut à Munich le 19. Aoutt , dans la foixante-
fixiéme année de fon age, étant né le 19.
Octobre 1662 Il avoit époufé le premier
Novembre 1683 Charlote Marie , fille de Bernard
de Saxe Jena , qui mourut en 1703. Le
Duc de Saxe Gotha ayant reçu avis de la mort
de ce Prince , a fait partir quelques Troupes ,
pour reprendre le Bailliage de Kraningsfeld
qui avoit été engagé à la Maifon de Weymar.
Dom Baltazar de Villalba , Colonel & Brigadier
des Armées du Roy d'Espagne , mourut
à Alger le 28 du mois dernier , agé de
$ 8 . ans , après 20. années d'esclavage , ayant
été pris dans le tems que les Maures s'emparerent
de la Fortereffe d'Oran , S. M. Cath . n'avoit
jamais pû obtenir fa liberté , quelques
fommes qu'il eût fait offrir à la Regence d'Alger.
Il est mort à Turnham - Green , près de
Londres , un Particulier nommé Dorothy-
Hinton , âgé de 105. ans (accomplis . Il avoit
eu cinq femmes , & laiffe trente enfans .
Le Prince Emanuel Louis , fils unique du
Prince Leopoli d'Anhalt- Coethen , mourut
en bas âge au commencement de ce mois.
La Prince Anne Louife de Naffau - Siegen ,
Dame de l'Ordre de la Croifade , mourut le
16. Aouft , au Château de Renaix , près d'Oudenarde
, âgée de 48. ans . Elle étoit Chanoineffe
de Nivelle , lorfqu'elle époufa le Comte
d'Omberg , dont elle étoit veuve depuis plufieurs
années .
La Reine de Sardaigne , dont la fanté commençoit
depuis quelque tems à s'affo:blir , fut
attaquée à Turin leas . du mois dernier d'une
coli que violente, tccompagnée de vomiffemens.
Les douleurs qu'elle avoit reffenties le matin ,
augmenSEPTEMBRE
. 1728. 2723
augmenterent confiderablement l'après midi.
Les differens remedes qu'on lui donna n'ayant
produit aucun effet , elle tomba vers le minuit
dans un grand affoupiffement ; & elle mourut
le 26. Août à fept heures & demie du matin ,
âgée de 19 ans moins un jour. Cette Princefle
qui fe nommoit Anne - Marie , étoit fille de Philippe
I. Duc d'Orleans , Frere unique du Feu
Roi de France , Louis XIV. mort le 9. Juin
1701. & d'Henriette d'Angleterre fa premiere
femme , morte le 30. Juin 1670. Elle avoit
été mariée le 9. Avril 1684. à Victor Amedée
II. Duc de Savoye & Roi de Sardaigne , à prefent
régnant , qui a eu d'elle trois Princes &
quatre Princeffes , dont il ne reste de vivant
que le Prince de Piémont . L'aînée des Princeffes
, Marie- Adelaide , qui avoit été mariée
le 7. Décembre 1697. au feu Duc de Bourgogne
, Pere du Roi de France , mourut le
12. Février 1712. la feconde mourut en bas âge
les. Août 1690. la troifiéme avoit époufé le
11. Septembre 1701. Philippe V.Roi d'Espagne.
Eile mourut le 14. Février 1714. L'aîné des
trois Princes mourut le 22. Mars 1715 , dans
fa feizième année.
Le 8. du mois dernier la jeune Ducheffe de
Saxe Hildburghaufen, de la maifon des Comtes
d'Erbarch , accoucha à Francfort d'un Prince,
qui fut nommé Frederic- Augufte Albert
Le 25. du même mois 1 Electrice de Baviere
accoucha à Munich d'un Prince.
Le même jour, la Princeffe Epoufe du Margrave
de Bade- Baden , accoucha à Raftadt d'un
Prince qui fut baptifé le lendemain par le Cardinal
Comte de Schomborn , & nommé Charles
Louis Damien - Adam George.
Le 29. Août la Princeffe Epoufe du Prince
Royal de Saxe , accoucha à Dreſde d'une
Prin
2124 MERCURE DE FRANCE.
Princeffe qui fut baptifée dans la Chapelle du
Château , & nommée Anne- Marie- Angelique-
Xaviere.
Le 30 du mois dernier la Princeffe Epouſe
du Comte de la Lippe- Detmold , accoucha à
Francfort d'un Fils qui fut nommé Frederic-
Augufte.
XXXXXXX :XXXXXX :XX
FRANCE ,
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c .
E 16 du mois dernier , Fête de S. Roch ,
le Roi , en qualité de Confrere de la
Confrerie Royale de la fainte Vierge , de
S. Roch & de S. Sebaftien , érigée depuis plus
de 200 ans , dans l'Eglife de l'Hôpital Royal
des Quinze vingts , y fit rendre les Pains - benits
, préfentés par l'Abbé de Sefmaiſons ,
Aumônier de S M en quartier , & par Mrs
Meffier , Doyen des Maîtres d'Hôtel du Roi ,
Courtois , Contrôleur , & de Silly , Tréforier
des grandes Aumônes . L'Evêque de Quebec
célebra la Meffe Pontificalement .
Melle Ravenel , femme d'un Libraire de
cette Ville , qui fe promenoit au Bois de Boulogne
fur la fin du mois dernier , fut bleffée
par un Taureau , & mourut quelques jours
après.
A peu près dans le même temps , il arriva
à l'Hôtel Royal des Invalides , un Soldat âgé
de 113. ans , qui en a paflé 80. au Service du
Roi. Il vient de Mezieres où il étoit depuis
long - tems en détachement. M. d'Angervil
liers .
SEPTEMBRE . 1728. 2125-
*
liers , Secretaire d'Etat de la Guerre , a ordonné
qu'on en eut un foin particulier.
Les Vendanges font fort belles & fort abondantes
autour de Paris . On dit la même chofe
de la Bourgogne , de la Champagne & des
autres Provinces du Royaume. La premiere
Voiture de Vin nouveau qui entre dans Paris
& qui ne paye point d'entrée , arriva à l'Hôtel
de Ville , le 3. de ce mois , dont le commencement
a été fort froid , mais le temps fut fi
fort échauffé du 8. au 15. que les Termométres
font montez de 7. degrez plus haut qu'ils
n'avoient fait de tout l'Eté ; & en moins de
deux jours d'interval ils font baiffez de plus
de 20. degrez.
Le 16. du mois dernier le Roi chaffa dans le
Bois de Boulogne , & le foir S. M. foupa au
Château de la Meute avec plufieurs Seigneurs
de fa Cour. Sur la fin du Repas , le fieur Hamoche
, premier Acteur de l'Opera Comique ,
parut dans ton habit de Nourrice , chanta divers
Pots- pourris & Vaudevilles , qui divertire
nt beaucoup.
Il n'y a encore eu à Fontainebleau ni Comédie
ni Concert. Le Roi va ſouvent à la
Chaffe du Sanglier , du Cerf & du Chevreuil.
Le Marquis Deudicour , Grand- Louvetier
de France , & le Marquis de Livri , Premier
Maître- d'Hôtel du Roi , chaffent fouvent le
Loup avec l'Equipage de S. M. qui leur en a
donné la permiffion.
Le Roi va fouvent fe promener à la Rivicre
, Maiſon de plaifance du Comte de Toulouze
, d'où S. M. revient fouper à Fontainebleau
à fon grand Couvert, avec les Seigneurs
de fa Cour.
Il part tous les jours un Courier de Verfailles
2126 MERCURE DE FRANCË .
les pour apprendre au Roi des nouvelles de
la Reine & de Meldames de France ; il en part
un également de Fontainebleau .
Le 3 de ce mois , le Roi Stanislas , & la
Reine fon épouse , arrivérent à Verſailles où
ils font venus paffer quelques jours avec la
Reine , leur fille.
Le 10 ce Prince alla coucher à Petit-Bourg,
& le lendemain il fe rendit à Chailly , où le
Cardinal de Fleury fe trouva , ainfi qu'un
grand nombre des Principaux Seigneurs de la
Cour de Fontainebleau , qui allerent lui rendre
leurs devoirs. Le Roi alla à Chailly , après
que le Roi Staniflas y fut arrivé , & S. M. paffa
quelque- tems avec lui. Le Roi Staniſlas partit
enfuite pour Verfailles , d'où il partit le 15 .
avec la Reine , fon époufe , ayant toujours
gardé l'Incognito pendant leur féjour à Verfailles
.
Le 16. le Roi prit le deuil pour la mort de
l'Evêque d'Ofnabrug , Oncle du Roi d'Angleterre.
La Reine qui a été indiſpoſée au commencement
de ce mois , n'a eu aucun reffentiment
de fiévre depuis le 9. S. M. fe porte beaucoup
mieux , & fes forces fe rétabliffent de
jour en jour.
Le 25. du mois dernier , Fête de S. Louis , le
Roi fit rendre à l'Eglife de la Paroiffe de Fontainebleau
, les Pains Benits qui furent préfentés
par l'Abbé de Sefmaiſons , Aumônier de
S. M. en quartier.
Le 26. le Prince de Bouillon prêta Serment
de fidelité entre les mains du Roi , pour la
Charge de Grand- Chambellan de France , &
S. M. en lui accordant cette Charge , lui a
donné auffi le Gouvernement de la Haute &
Baffe Auvergne , pour lequel il prêta Serment
SEPTEMBRE, 1728. 2127
ment entre les mains du Roi le 16. de ce
mois .
Le 28. M. Schefted , Ambaffadeur Extraor
dinaire , & Plénipotentiaire du Roi de Dannemarc
au Congrès de Soiffons , eut à Verfailles
une Audience particuliere de la Reine , à
laquelle il fut conduit par le Chevalier de
Sainctot , Introdućteur des Ambaffadeurs. II
alla enfuite faluer Mefdames de France , conduit
par le même Introducteur.
Le premier de ce mois , le Roi entendit dans
la Chapelle du Château de Fontainebleau , la
Meffe de Requiem , pendant laquelle le De profundis
fut chanté par la Mufique , pour le repos
de l'ame du feu Roi Louis XIV . Le même
jour on célebra pour le même fujet , avec
les céremonies accoûtumées , dans l'Eglife de
l'Abbaye Royale de S. Denis , le Service folemnel
qui fe fait tous les ans. L'Evêque
d'Alet y Officia pontificalement. Le Duc du
Maine , le Prince de Dombes , le Comte d'Eu
& le Comte de Touloufe y affifterent , ainfi que
plufieurs Seigneurs de la Cour.
Le 8. de ce mois , Fête de la Nativité de la
Vierge , la Ducheffe de Bourbon alla pour la
premiere fois à l'Eglife de S. Sulpice , fa Paroiffe
, où elle affifta au Service Divin.
La Compagnie des Indes a fait afficher ,
qu'on feroit à Nantes le 30. de ce mois , la
vente des Marchandifes arrivées depuis peu au
Port de l'Orient , fur quatre de fes Vaiffeaux ,
fçavoir , le Lys , le Jupiter , la Badine &
P'Expedition.
L'Efcadre des Vaiffeaux & des Galeres du
Roi , commandée par M. de Grand - Pré , Chef
d'Efcadre des Armées Navales de S. M. arriva
le 19. de Juillet devant Tripoly. Le Pacha
Chef de cette République , ayant refufé de
>
2128 MERCURE DE FRANCE
traiter des fatisfactions qui lui furent dem andées
pour réparation des Infractions faites aux
Traités M. de Grand-Pré , prit le parti de
bombarder la Ville de Tripoly. Il y a été jetté
pendant fix nuits plus de 1800. Bombes qui
ont détruit la plus grande partie des maifons.
Après cette expedition , l'Efcadre de S. M. eſt
partie de la Rade de Tripoly le 29. Juillet pour
retourner à Tunis & revenir enfuite à Toulon.
Il en a été detaché trois Frégates pour croiſer
contre les Tripolins , & affurer la Navigation
des Bâtimens François. Le Roi a donné ordre
d'armer pour le même effet , trois autres Frégates
au Port de Toulon.
Le de ce mois le Roi entendit
dans la Cha- pelle du Château
de Fontainebleau
la Meſſe , pendant
laquelle
l'Evêque
de Bayonne
prêta
Serment
de fidelité entre les mains de S. M.
Le même jour , la Reine fe rendit à la Chapelle
du Château de Verfailles , où S. M. après
avoir entendu la Meffe celebrée par l'Evêque
Comte de Châlons , fon Premier Aumônier
fut relevée de fes couches avec les cérémonies
accoûtumées .
Le Marquis de Plelo a été nommé par le Roi
fon Miniftre Plénipotentiaire à la Cour du
Roi de Dannemarc .
"
Le 9. M. Maffei , Ambaffadeur Extraordinaire
du Roi de Sardaigne , eut, en grand manteau
de deüil , Audience particuliere du Roi ,
dans laquelle il lui donna part de la mort de la
Reine de Sardaigne , Ayeule Maternelle de
S. M. Il fut conduit à cette Audience par le
Chevalier de Sainctot , Introducteur des Ambaffadeurs
; & le 19. le Roi prit le grand deüil
pour la mort de cette Princeffe.
La Reine , dont la fanté continuë de fe rétablir
de plus en plus , n'étant pas cependant
encore
1
SEPTEMBRE . 1728. 2129
encore en état d'aller à Fontainebleau , le Roi
alla le 21. à Verfailles pour la voir , & retourna
le lendemain à Fontainebleau.
kakakak
MORTS , NAISSANCES
& Mariages
.
E 2. Septembre , Alexandre de Vaultier
Chevalier , Seigneur , Baron de Guerard,
de Reuilly , Comte de Moyencourt , Chevalier
de S. Louis , Colonel Almirante d'Efpagne
, Capitaine de Vaiffeau du Roi , Gouverneur
pour S. M. de l'Ifle de la Guadaloupe ,
Lieutenant de Roi au Gouvernement General
des Illes du Vent , mourut à Paris âgé de
68. ans.
M. Daniel Foucault , Lieutenant - Colonel du
Regiment de Luxembourg , Brigadier des Armées
du Roi , Chevalier de l'Ordre Militaire
de S. Louis , mourut à Paris le 2. de Septembre
, âgé de 70. ans .
Boulay
Yves- Jean- François de Salle- Chevays du
Gentilhomme ordinaire du Roi
mourut à Paris le 3. de ce mois , âgé de 33 .
ans. Son corps fut porté à S. Euftache , fa Pa.
roiffe , & de- là aux Jacobins de la rue S. Honoré
, où il fut inhumé dans la Sépulture de .
fes Ancêtres .
Guillaume -Bouquier , Chirurgien Juré , &
Bourgeois de Paris , celui qui donnoit le fameux
Remede contre la fièvre , mourut le
âgé de 83. ans.
3.
François Regnault , Confeiller du Roi
Doyen, des Quartiniers , ancien Echevin
Adminiftrateur de l'Hôtel- Dieu , des Hôpitaux
2130 MERCURE DE FRANCE.
taux des Incurables , des Petites Maifons & de
la Trinité , ancien Maître & Garde des Marchands
, ancien Juge- Conful , ancien Commiffaire
des Pauvres , & ancien Marguillier
de S. Germain de l'Auxerrois , mourut le 4-
âgé de 80. ans.
Antoine de Pas , Marquis de Feuquieres
Mettre de Camp du Regiment de Bourgogne ,
Infanterie , mourut le 9. de ce mois au Chateau
de la Grange en Brie , dans la 33. année
de fon âge.
M. Yves Courtial , Prêtre , Bachelier de
Sorbonne , Chapelain perpetuel de la Sainte
Chapelle Royale du Palais , mourut le 11 .
Septembre , âgé de 81. ans.
Louis - Charles- François Triftan , Chevalier
, Seigneur de Maifon , Moufquetaire du
Roi dans la feconde Compagnie , mourut
le 18. âgé de 27. ans .
Alexandre - Nicolas de la Rochefoucault ,
Marquis de Surgeres , &c . époufa le 29. Juillet
dernier D. Jeanne - Therefe Fleuriau de
Morville , fille de N. Fleuriau Comte de Morville
, Miniftre d'Etat , Chevalier de la Toifon
d'or , & de Dame Charlotte - Elifabeth de
Vienne. La cérémonie de la célebration fut
faite à S Euftache par M. Paris , Evêque Titulaire
d'Europés , Coadjuteur d'Orleans , en
préfence du Curé de cette Paroiffe.
Bertrand , Vicomte de Rochechouart , fils
de feu Louis Jofeph Victor de Rochechouart ,
& de Dame Marie Defcars , époufa le 3. Août
Julie- Sophie de Rochechouart , fille d'Alexandre
de Rochechouart , Marquis de Jars , &c,"
Capitaine -Colonel des Gardes du Corps , &
Majordome de S. M. la Reine d'Espagne ,
feconde Douairiere , & de Dame Marie de
Loheac de Crupado.
1
Michel
SEPTEMBRE. 1728. 2131
Michel- Jean Baptifte Charon , Marquis de
Menars , Brigadier des Armées du Roi , Capitaine
du Château de Blois & des Chaffes ,
Chevalier de S. Louis , veuf de Marie- Charlotte
de Saligné , époufa le 4. Anne de Caftras
de la Riviere , fille de Pierre de Caftras de la
Riviere , Mestre de Camp d'Infanterie , Brigadier
des Armées du Roi , Chevalier de
S. Louis , & de Dame Diane Charlotte de
Chaumont Gnitry.
Guy Louis- Charles , Comte de Laval Montmorency
, fils de Claude- Charles , Marquis de
Laval , & c, & de Dame Marie - Therefe d'Hautefort
, époufa le 11. Août D. Adélaïde Salbigethon
Defpinay , fille de François , Marquis
Defpinay , & c. Brigadier des Armées du
Roy , Colonel de Dragons , & de deffunte
Dame Marie- Anne Do.
Dame N. Megret , époufe de Claude Pelot ,
Chevalier , Comte de Treviers , & c. Confeiller
au Parlement , accoucha le 31 d'un Fils qui
fut tenu fur les Fonts , & nommé Claude-
Anne -François pour François - Nicolas Megret
, Grand- Audiancier de France , & par D.
Anne le Clerc de Leffeville , Epoufe de Charles
-Bertrand le Clerc de Leffeville , Confeiller
au Parlement.
- Dame Reine Magdelaine de Durfort de
Duras , Epoufe d'Emmanuel , Marquis d'Hau
tefort , de Surville , & c . Meftre de Camp du
Regiment de Condé , Infanterie , accoucha le
17. Septembre d'un fils , tenu fur les Fonts
& nommé Jean- Louis Emmanuel par Jean-
Baptifte de Durfort , Duc de Duras , Lieutenant
General des Armées du Roy , Com
mandant pour Sa Majefté en Guyenne , reprefenté
par Emanuel Felicite de Durfort , Comte
de Duras fon Fils , & par Dame Louife de
K Crevant
2132 MERCURE DE FRANCE.
Crevant d'Humieres , veuve de Louis- Charles
de Hautefort , Marquis de Surville , Lieutenant
General des Armées du Roy , & c.
Dame Marie- Anne de Maifon , Epoufe de
Louis - Gabriel Bazin , Marquis de Bezons ,
Meftre de Camp du Regiment Dauphin étran
ger , Cavalerie , & Gouverneur des Ville &
Citadelle de Cambray & Pays de Cambrefis ,
accoucha le 7. Septembre , d'une fille qui
fut tenuë fur les Fonts , & nommée Françoife-
Gabrielle- Jacques , par M. Jacques Etienne
Bazin , Chevalier de Bezons , Capitaine
au Regiment Dauphin, étranger,Cavalerie , &
par Dame Françoife Joly d'Harville , Com
teffe de Crevecoeur , époufe de M. Jacques de
Crevecoeur, Brigadier des Armées du Roy , &
Lieutenant- Colonel du Regiment du Roy.
François- Guillaume Briçonnet , Chevalier ,
Prefident aux Enquêtes du Parlement , epou
fa le 13. Septembre Dame Elifabeth de Lambert
d'Herbigny, fille de Pierre- Charles d'Her
bigny , Chevalier , Marquis de Tibouville ,
& c . Confeiller d'Etat , & de Louife-Françoife-
Armande Deltrade.
P
TABLE.
Ieces fugitives ; Ode , 1917
Lettre au fujet du Traité des differentes
faignées , & c.
Reflexions fur cette Lettre , & c.
Supplique en Vers , à l'Ordre Social ,
1921
1927
1939
Sons de la Langue Françoite , Table , & c. 1944
Le tre fur cette matiere ,
1946
arithmetiques Logogryphes répondans aux
fons , & c.
Triolets de Septembre ,
Epigramme ,
1957
1959
Plaidoyer de Mercure auTribunal de, & c 1961
1977
>
ibid.
Lettre fur le Paradoxe du P C. J.
Lettre du P. C. au fujet du Paradoxe geome-
1980 trique ,
Traduction de la deuxiéme Epithalame de Catulle
, & c.
Jugement de Tmole , Cantate ,
1987
1995
Nouvelle Lettre au fujet des Perce- oreilles ,
2000
Explications des Enigmes &Logogryphes, 2005
Enigmes à deviner ,
Logogryphes ,
2008
2010
Nouvelles Litteraires , & c. Hiftoire des grands
chemins , & c. 2013
Relation de l'ouverture du corps d'une femme
trouvée prefque fans coeur , &c.
Replique de M. de Barras , & c.
2017
2011
Nouveau Systême de Philofophie , & c. 2023
Hiftoire facrée de la Providence , & c. reprefentée
en soo tableaux gravez , &c. 2026
Hiftoire du Theatre Italien , & c. 2027
La Chronologie des anciens Royaumes , & c.
de Newton , 2044
2049
Lettre de Lisbonne ; Accouchement extraordi
naire , & c.
Phenomene en Portugal , & c. 2050
Nouvel Inftrument d'Aftronomie , & c 2851
Terme dont on demande la fignification , 2053
Nouveau Dictionnaire François & Latin, 2054
Planches originales de J. Callot, à vendre, 2058
Nouvelle Médaille du Roi gravée en tailledouce
, 2060
Prix propofé par l'Academie de Bordeaux, & c.
Chanfon notée ,
2061
2064
Spectacles , Tragedie de Sennacherib , Extrait ,
Nouvelles du Tems , de Turquie'
2065'
2095
Lettre de Conftanticople fur les affaires de
Perfe , & c . 2096
2104
De Ruffie,Pologne, Suede & Danemarc, 2100
Memoire , & c. & Déclaration du Roi de Dannemarc
fur la Compagnie d'Altena ,
D'Allemagne, & c.Voyage de l'Empereur . 2107
Réjouiffances publiques à Berne ,
D'Italie , d'Elpagne & Portugal ,
D'Angleterre & Pays - Bas ,
2109
2112
2118
Morts , Naiffances des Pays Etrangers , 2120
France , Nouvelles de la Cour , &c.
Morts , Naiffances & Mariages ,
Errata de Juillet.
2124
2129
Age 1593 derniere ligne , en tems , lifez
en tout tems .
P. 1671. l. 3 du bas , derriens , 1. derriere.
P. 1694. 1.5 du bas , Dorziois , l . Donzois.
P. 169 5. l . 8. le Blaru , 1. le Blanc.
Ibid. 1. 28. fon pere , l. fon frere .
Errata d'Août.
Page 1730. ligne derniere , l'abjet le Prince,
lifez l'Ajet ferviteur du Prince.
P. 1834.1 2. ete , l . a été.
P. 1870. 1. 20. épouse , l . époux .
P. 1891. 1. derniere , Durford , l. Durfort,
P. 1895. I dernieres , ticuliere , l. particuliere
P
Fautes à corriger dans ce Livre.
Age 1926. ligne 8. la , lifez le
P. 1940. 1. 15. marchez
, I marches
,
P. 1943. l. 10 j'enfere
, j'enferre
.
1.
P. 1999. 1. 20. gue , 1. brigue.
P. 2035. l. 7. leala , I. fcala .
P. 2012. 16 qui plairoient , l. qui plairont.
P. 2047. l. 16. rapporterons , 1. rapportons.
P2055.1.23 . 1729. l. 1726.
P. 2059. I. 6. du bas , Eglifes , l. les Eglifes.
La Planche de la nouvelle Médaille regarde la
tge
La Chanfon notée regarde lapage
2060
2064
John
Bigelow
to the
"Century
Association
marme
KVIT
MERCURE
DE FRANCE ,
DEDIE AU ROT
JUILLET . 1728 .
SPARGIT
QUE
COLLI
Chez
A PARIS ,
(GUILLAUME CAVELIER ,
S: Jacques , au Lys d'Or.
LA VEUVE PISSOT, Quay de Conty,
à la defcente du Pont Neuf au coin
de la rue de Nevers , à la Croix d'Or.
JEAN DE NULLY , au Palais ,
à l'Ecu de France & à la Palme.
M. D C C. XXVIII.
Avec Approbation & Privilege du Roi.
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PUBLIC LIBRARY
336156
ASTOR,
AVIS.
TILDEN' FOUNDATIO-ADRESSE generale pour toutes
chofes eft à M. MOREAU
1005
Commis au Mercure¸vis
- à-vis la Comedie
Françoife , à Paris . Ceux qui pour leur
commodité voudront remettre leurs Paquets
cachetez aux Libraires qui vendent le
Mercure à Paris , peuvent se fervir de
cette voye pour les faire tenir.
On prie très - inftamment , quand on
adreffe des Leures ou Paquets par la Pofte,
d'avoir foin d'en affranchir le Port ,
comme cela s'eft toûjours pratiqué , afin
d'épargner , à nous le déplaifir de les
rebuter , & à ceux qui les envazut ,
celui , non - feulement de ne pas voir
paroître leurs Ouvrages , mais même de
Les perdre , s'ils n'en ent pas gardé de
copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de
la premiere main , & plus promptement ,
n'auront qu'à donner leurs adreffes à M.
Moreau , qui aura foin de faire leurs pade
de les faire quets fans perte temps ,
porter fur l'heure à la Pofte , ou aux Meffageries
qu'on lui indiquera.
PRIX XXX. SO L S.
*
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT
JUILLET . 1728 .
XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
PIECES FUGITIVES ,
en Vers & en Profe.
LES BATAILLES D'ALEXANDRE ,
De le Brun , mifes en Vers Irréguliers ,
& dédiées à Msr le Bret.
Toi , Peintre fameux des Combats
d'Alexandre ,
Le Brun , feconde mes tranfports :
Infpire moi ; j'ofe entreprendre
D'imiter dans mes Vers ces fublimes efforts.
A ij
Par
1496 MERCURE DE FRANCE .
<
Par ton fecours , Moderne Appelle
Le fuperbe Vainqueur d'Arbelle ,
Triomphe une feconde fois ;
Mon Art veut animer tes muettes Images :
De mes fons immortels accepte les hommages ;
Je vais de ton Heros célebrer les Exploits.
(a) Le Granique profond à mes yeux ſe préfente.
Alexandre s'élance , excite fes Guerriers ,
Affronte mille morts , fend la vague écu
mante ;
Déja ſur l'autre rive il cueille des Lauriers .
Je vois fous fes coups redoutables
Tomber des fiers Perfans les troupes innom
brables :
Une noble fureur anime ſes regards.
Ainfi parût Louis , quand l'éclat de fa gloire
Aux bords du Rhin ébloüit la Vict ire ,
Et que dans le carnage elle crut fuivre Mars.
(b ) Ici Darius fuit ; tous fes Chars où l'o
brille ;
( a ) Premier Tableau . ( b ) Second Tableau
D
JUILLET. 172 8 .
1497
De l'avide Soldat font le riche Butin ;
Ce Prince infortuné voit fa trifte Famille
Ceder à fon cruel deftin :
Chaque moment le livre à des craintes nouvelles
;
Un Aigle , déployant fes aîles ,
Couvre la Tête du Vainqueur ;
Pour Darius, quel funeſte préfage ?
Il en frémit de rage :
Mais il paroît encor plus grand que fon malheur.
( a ) Dans ce Tableau , fes Femmes & fa
Mere ,
De l'heureux Alexandre embraffent les genoux
;
Ce Heros eft fenfible à leur trifteffe amere :
Son front eft plus ferain , fes regards font plus
doux ;
Il les confole , il les releve :
Sa bonté genereufe acheve
De calmer leurs vives douleurs :
Modeſte en ſa victoire , il les refpe&te en Reines
;
Ses bienfaits font leurs chaînes :
(a ) Troisiéme Tableau.
A iij C'eft
498 MERCURE
DE FRANCE
.
C'est ainsi qu'un Heros fçait triompher des
€oeurs.
(a) Quels cris tumultueux ! Ciel , quels combats
horribles !
Ces Chars femblent nager dans des fleuves de
fang ;
Je vois deux Heros invincibles
Chercher à fe percer le flanc :
Sur l'énorme animal que le fier Porus monte ,
Alexandre fe jette , il le faifit , le dompte ,
Il a renversé fon rival ,
Porus menace , il rugit , il fe traîne ;
Et , d'un bras tout fanglant , ranimé par la
haine ,
Il veut à fon Vainqueur porter un coup fatal,
(b ) Alexandre l'admire, & fufpend ſa vengeance.
On défarme Porus , autour de ces Heros ,
Tout garde un augufte filence ;
Le Vainqueur adouci , femble dire ces mots :
Soyons amis , Porus , reprenez la Couronne ;
(a ) Quatriéme Tableau .
( b ) Cinquiéme Tablean .
Le
JUILLET. 1728. 1499
Le fort doit-il ravir ce que la vertu donne ;
Malgré vous aujourd'hui je prétens vous fauver.
J'ai conquis vos Etats , & je vais vous les
rendre ;
Du fang de Jupiter les Grecs me font defcendre
;
Mais c'est par ma vertu que je veux le
219
prouver.
( a ) Quel brillant appareil ! quelle pompeufe
Fête !
Babylone reçoit Alexandre en fes murs ,
Mille Lauriers ornent la Tête
Du Heros qui joüir des honneurs les plus
purs.
Cent Rois captifs , foumis à fa puiffance ,
Suivent fon Char , dont la magnificence
De celui du Soleil retrace les beautez :
L'encens fume ; je vois fes Images parées ,
De tout ce que les mers dans ces riches contrées
Offrent de plus fuperbe à nos yeux enchantez .
ENVOY .
Aimables rejettons d'une tige immortelle ,
(a ) Sixième Tableau .
A iiij Qu
535181
1500 MERCURE DE FRANCE.
Qui trouvez dans un pere un augufte modelle
,
Des plus rares vertus ,
Je vous offre en ces Vers ces fameufes Batailles
,
Qui couvrirent de funerailles
Les Champs que Linde arrofe , & les Remparts
d'lius.
S
Les Tableaux de le Brun m'en ont fourni
Pidée ;
Je les ai vû chez vous , mon ama eft poffe
dée
De fon art merveilleux ;
Mais fi vous admirez tant de faits héroïques ,
Daignez fonger qu'il eft des vertus pacifiques
,
Par elles un Mortel peut s'égale Dieux.
Imitez votre illuftre Pere ,
Son exemple eft pour vous l'abregé des leçons
Qu'à votre âge on pourroit vous faire ;
Souffrez que quelquefois vos noms
* M. le Bret , Premier Prefident du Parlement
d'Aix , & Intendant de la Province .
De
JUILLET. 1728. 1501
De leur éclat naiffant , décorent mes Ouvrages.
Puiffent mes Vers répondre aux grandes ace
tions ,
Qui vont vous meriter les plus pompeux fuf
frages ,
Et dont vos moeurs & vos nobles penchans ,
De vos plus tendres ans
Furent toujours pour nous d'affûrez témoignages.
Par le P. Poncy , Jefuite.
"
M. Peffagni , le cadet , Genois , Pen-
Gionnaire au College Royal de Bourbon
à Aix , en Provence , a mis en Vers Larins
ces mêmes Batailles avec beaucoup
de nobleffe & de préciſion.
Αν
LET
1502 MERCURE DE FRANCE .
LETTRE
Ecrite le 31. Juillet , 1727. à M. Dortous
de Mairan , de l'Académie Royale
des Sciences de Paris . Par M. Bouillet
, de l'Académie des- belles Lettres ,
Sciences & Arts de Bordeaux , Docteur
en Medecine de la Faculté de Montpellier
, Profeffeur des Mathematiques &
Secretaire de l'Académie de Beziers. Au
fujet de l'Eclipfe de Soleil , qui doit
arriver le 15. Septembre de cette année.
Extrait des Regiftres de l'Académie de
Beziers , 26. Juin & 24. Juillet
1727 .
CE
E n'eft pas , MONSIEUR , le calcul
des Eclipfes , qui nous fait aujourd'hui
de la peine ; quand on connoît
un peu la Sphère & les differentes projections
: quand à l'Arithmetique & à la
Trigonometrie , on joint un certain uſage
des Tables Aftronomiques , on parvient
affés aifément à prédire ces Phénomenes.
Nous ne travaillons maintenant
qu'à nous rendre leur Obfervation fûre
& aifée. Pour cela , il ne fuffit pas , comme
vous fçavés , d'avoir de bons yeux ,
de
JUILLET. 1728. 1503
de bons Inftrumens , ( ce dernier article
manque prefque toujours dans les Provinces
) & d'avoir même acquis quelque
habitude dans cet Exercice , il faut encore
, outre un lieu convenable , bien des
préparatifs & des précautions qu'il n'eſt
pas toûjours aifé d'employer . Les mefures
que nous avons prifes cette annéecy
, fuffiront - elles pour réüffir dans l'obfervation
de l'Eclipfe de Soleil du 15. de
Septembre prochain ? Vous aurez la bonté,
Monfieur, de les examiner vous- même
fur le détail que je vais vous en faire
& en même-temps vous jugerés par -là
de l'intention où nous fommes de cultiver
tout de bon l'Aftronomie. Je commencerai
par la deſcription de notre Obfervatoire
, je rapporterai toutes les Operations
préparatoires que nous y avons
faites, avec Mrs Andoque , Caillé , de Guibal
, Aftier l'Aifné & le Cadet , & après
l'Extrait du calcul de cette Eclipfe que
je fis fur les Tables de M. de la Hire dès
le mois de Novembre paffé , j'ajoûterai
la maniere dont nous avons réfolu de
nous y prendre pour en faire l'Obfervation
.
Monſeigneur nôtre Evêque , eut la
bonté il y a quelque temps de nous préter
la Tour de fon Palais pour y faire nos
Obfervations , &M.le Chevalier deClapiés ,
A vj
notre
1504 MERCURE DE FRANCE .
notre cher Confrere , & l'un des Membres
de la Societé Royale de Montpellier,
y fit d'abord tranfporter en notre faveur
une partie de fes Inftruments Aftronomiques.
Cette Tour , comme vous
fçavés M. eft haute , fpacieufe , affés bien
percée & prefque contigue à la Tour de
la Cathedrale de St. Nazaire , dont la Latitude
a été fixée par le même M. de Clapiés
à 43 °. 20. Nord , & la Longitude
ou la difference des Meridiens avec l'Obfervatoire
de Paris à 52' . de degré vers
l'Orient ou à 3.2 8". de temps. C'eft un
quarré long , dont les quatre Faces regardent
à peu près les quatre parties du
Monde.
Nous avons , M. dans cette Tour une
Pendule à fecondes, à grandes vibrations ,
avec un quart de Cercle de 3. pieds de
rayon, divifé par le fieur Macquart & muni
de fa Lunette. Nous y avons auſſi un
Teleſcope de 21. pieds de Foyer , un de
12. pieds & quelques autres Lunettes plus
petites , avec tout ce qu'il faut pour les
pointer ou les fufpendre.
M. de Clapiés ne fe contenta point
de nous prêter tous ces Inftruments , il
voulut encore verifier lui - même le quart
de Cercle. Il plaça d'abord dans le qua
dre de la Lunette au Foyer commun de
l'objectif & de l'oculaire 4. fils de foye ,
fe
JUILLET. 1728. 1505
fe croifant & faifant entre eux des angles
de 45 ° . Puis par le moyen du Niveau
de M.Huguens à deux Lunettes d'approche
contrepointées , mis à une hauteur
convenable , il prit differents points
fur l'Horifon, & rectifia par là cet inftrument.
Le même jour il prit les hauteurs
meridiennes du Soleil & de la luifante de
l'Aigle , & par la comparaifon de ces obfervations
, il crut s'être fuffifamment affûré
de la jufteffe de fon quart de Cercle .
Il auroit bien voulu employer encore fe
renverfement , mais il n'en cut alors ni
le temps ni la commodité.
On n'oublia pas en même temps de
prendre la hauteur apparente d'une Montagne
fituée du côté des Pyrenées & élevée
au- deffus du niveau de la Tour de 17′ ,
afin de s'en fervir dans la fuite comme d'un
point fixe pour la verification de cet Inftrument.
On regla auffi la Pendule par le paffage
des Etoiles , jufqu'à ce qu'elle marquât
le temps moyen à quelques fecondes près .
C'eft fur cette Tour, & à la faveur de
ces inftruments que nous avons fait tou
tes les Obfervations Aftronomiques dont
j'ai eû l'honneur de vous entretenir jufqu'ici
. Mais quelque attention que nous
y ayons apportée, quelque foin que nous
ayons pris chaque fois de verifier le
quart de Cercle par la hauteur de cette
Mon1506
MERCURE DE FRANCE .
Montagne & par les hauteurs Meridiennes
du Soleil & des Etoiles , pour prendre
enfuite dans le befoin l'heure vraye
& mettre nôtre Pendule au Soleil , je ne
feindrai point , Monfieur , de vous dire ,
que je n'ai jamais compté que nos Obfervations
euffent le dernier degré de précifion
, & vous m'êtes témoin que c'eft
ainfi que je m'en fuis expliqué dans mes
précedentes Lettres : Car enfin nous n'étions
pas pleinement convaincus de la
jufteffe de nos Machines . M. de Clapiés
étoit même convenu qu'après toutes les
rectifications employées , le quart de Cercle
pouvoit bien hauffer ou baiffer la mire
de quelques fecondes ; ainfi nous ne
pouvions pas être affurés d'avoir par le
moyen de cet Inftrument l'heure vraye
à quelques fecondes près , joint qu'il n'eſt
pas decidé encore fi l'obliquité de l'Ecliptique
eft conftamment de 23 ° . 29′.
comme l'ont prétendu Mrs Caffini & de
la Hire , vers la fin du fiécle paffé , ou
de 23. 28 ′ 24″. comme le prétendoit
M. le Chevalier de Louville en 1716 ,
ce qui eſt un nouvel inconvenient pour
la détermination de l'heure par les hauteurs
du Soleil ou des Etoiles.
Vous me dirés , Monfieur , que pour lever
tous ces fcrupules , il ne nous manquoit
qu'à tracer une Meridienne dans
la
JUILLET
. 1718. 1507
la derniere exactitude , à rectifier nôtre
quart de Cercle par le renverfement &
à comparer dans l'occafion l'heure donnée
par cet Inftrument à celle de la Pendule
reglée exactement fur le temps
moyen , mife d'accord à midy avec le Soleil
& corrigée enfuite par l'Equation de
l'Horloge. A cela j'aurai l'honneur de
vous répondre qu'il y a long -temps que
nous avions reconnu la néceffité de toutes
ces operations , mais que le concours
de plufieurs circonftances peu favorables
ne nous avoit pas permis de
les executer. Ce n'a été que vers la fin
du mois de May de cette année , que nous
avons fongé ferieufement à difpofer toutes
chofes , afin de pouvoir faire avec la
derniere préciſion , non - feulement l'Obfervation
de l'Eclipfe de Soleil que j'ai
annoncée , mais encore plufieurs autres
Obſervations Aftronomiques que nous
avons en vûë , comme celles des Solftices
, des Equinoxes , de la hauteur du
Pole , des Eclipfes des Satellites de Jupiter
, des Refractions , &c . Nous n'avons
pas même pû pratiquer à notre gré tout
ce que nous avions projetté à caufe des
nuages prefque continuels , accompagnés
de Pluye , de Grefle , de Tonnerres ; &
ce n'a été qu'avec bien de la peine que
dans l'efpace d'une vingtaine de jours
nous
1508 MERCURE DE FRANCE .
nous avons pû regler nôtre Pendule par
le moyen des Etoiles ; enforte qu'en 24 .
heures elle ne s'écartât pas de 2 ". du
mouvement moyen du Soleil . Cependant
nous fimes un trou au toit de la
Tour , auquel nous fcellâmes exactement
un petit tuyau , portant une lame de cuivre
percée au milieu pour recevoir l'Image
du Soleil. Nous eumes foin de placer
horisontalement cette lame , de tirer du
centre de fon ouverture une ligne perpendiculaire
fur le plancher , & de deſcrire
du point de rencontre plufieurs circonferences
concentriques : en un mot ,
nous conſtruifimes un Gnomon de 19 .
pieds 1. pouce 7. lignes de hauteur. Le
fieur Tourtrol, Horloger de l'Académie ,
ne nous fut pas d'un petit fecours dans cette
occafion , foit en nous fourniffant tous
lés Inftruments dont nous eûmes befoin >
foit en executant lui même avec beaucoup
d'adreffe tout ce qui lui fut propofé.
Nôtre deffein étoit de tirer le jour même
du Solstice ou le lendemain deux Meridiennes
, l'une par les hauteurs corref
pondantes du Soleil , & l'autre par la
moyen du Gnomon que nous avions achevé
quelques jours auparavant ; mais
le Ciel nous fut tout-à- fait contraire , &
il nous fallut attendre jufqu'au 4. de
Juin pour tirer une Meridienne par le
moyen
JUILLET. 1728. 1509
moyen du Gnomon à la maniere ordinaire
, n'ayant pas même pû faire alors
les Obfervations correfpondantes pour
la rectification de cette Ligne. Ainfi nous
nefûmes pas pleinement fatisfaits de nôtre
operations car quoiqu'en ce jour- là le
changement de déclinaifon du Soleil dans
l'intervalle d'environ 3. heures , ne foit
pas fort confiderable , nous voulions pourtant
y avoir égard. C'eft ce qui nous
obligea d'en venir aux Obſervations correfpondantes
( a ) le 11. de ce mois & de
( a ) Pour avoir le moment auquel le centre .
du Soleil toucheroit nôtre Meridien , & rectifier
par-)
-là nôtre Ligne Meridienne , nous primes
le 23. Juillet 1727. à 8. h. 48 '. 47" du matin
la hauteur apparente du bord fuperieur du
Soleil de 44. 20' 30". & nous atendîmes après
midy que le même bord fe trouvât à la même
hauteur , ce qui arriva à 3. h . 11'.¦11″. de nôtre
Pendule qui avoit été reglée pour être d'ac
cord ce jour- là à midy avec la Merid. après
quoi nous fimes les deux Anologies qu'enfeigne
M. de la Hire pour trouver la correction
qu'il faut faire aux Obfervations correfpondantes
, ce qui nous donna 12". que nous ajoûttâmes
à l'Obfervation du foir , & ayant partagé
en deux le temps qui s'étoit paffé entre
les deux Obfervations , nous trouvâmes que
la Meridienne avoit marqué 12. h . o'. s ' . lors
qu'il avoit été midi au Soleil. Les Obfervations
faites le 11. nous avoient donné 6 ". d'erreur.
Nous ne rapportons pas ici les calculs
faits fur ces Analogies ; il ne fera pas difficile
les
1510 MERCURE DE FRANCE .
3
les reïterer pour une plus grande exactitude.
Le2 3.Nous y apportames chaque fois
la correction telle que M. de la Hire la demande
dans ces Tables Aftronomiques
& nous trouvames toûjours que nôtre Meridienne
avançoit fur le midy vrai de s .
à 6 ' . Cela nous détermina d'adjufter
exactement nôtre Pendule au temps vrai ,
& de fufpendre à une des feneftres qui regarde
le midy un fil de laiton bien tendu
, afin de tirer le lendemain fur fon ombre
une Meridienne qui fût exempte de
toute erreur. Ce qui fut executé le 24 .
de ce mois.
J'oubliois , Monfieur , de vous dire ,
qu'ayant renversé le quart de Cercle , &
procedé comme on a accoûtumé de faire
pour une pareille operation , nous trouvâmes
qu'il hauffoit la Mire de 1 ' . à quoi
nous eumes enfuite toûjours égard , d'autant
plus volontiers que nous avions trouvé
prefque la même erreur (a ) dans l'Obà
ceux qui ont quelque ufage des Tables de
M. de la Hire , de les verifier.
( a ) Le s . Juillet vers les 9. h. 15". du foir
nous obfervames le Paffage d'Antares par le
Meridien avec nôtre quart de Cercle rectifié
fur la hauteur de la Montagne qui nous fert
de point fixe , & nous trouvames la hauteur
apparente de cette Etoile de
d'où ôtant la refraction.
on aura fa hauteur vraye..
•
200 ss ', so' :
2. 32.
• 20. 53. 18.
fervation
JUILLET. 1728.
1511
fervation que nous fimes le 5. de ce mois
du Paffage d'Antares par le Meridien. J'ajoûterai
que depuis cette correction l'heure
donnée par le quart de Cercle s'eft toûjours
trouvée d'accord avec l'heure de la
Pendule , pourvû qu'on eût eu foin de
la rectifier la veille ou le jour même. J'ajoûte
cette condition , car il ne fuffit pas
d'avoir une fois bien reglé fa Pendule , il
faut la verifier de temps en temps : celle
dont nous nous fervons , après avoir fuivi
exactement le moyen mouvement du
Soleil pendant quelques jours , fe derangea
par les grandes chaleurs jufqu'à re
tarder de 14". en 24. heures : & il y a
bien de l'apparence qu'elle avancera par
un temps humide.
Voilà , Monfieur , ce que nous avons
fait jufqu'ici ; dans la fuite nous pourrons
perfectionner nôtre Gnomon , diviſer
la hauteur en 100000. parties égales
, pofer horifontalement fur la Meridienne
une regle de cuivre divifée en parties
aliquotes à la hauteur , appliquer au
à laquelle ajoûtant fa declinai-
> fon Meridionale. >
ou auroit pour la hauteur de
l'Equateur à Beziers
mais cette hauteur a été fixée à.
25. 48. 3 .
46. 41. 21.
46. 40. 0.
Donc l'Inftrument donne 1.21". de hauteur
plus qu'il ne faut.
trou
1512 MERCURE DE FRANCE .
trou un Objectif, & c . Nous ferons même
tout notre poffible pour placer un
autre Gnomon à la Voute d'un Edifice
public , qui aura plus de so . pieds de
hauteur . Mais je remets à une autre fois
à vous entretenir là - deffus , & à vous parler
des taches que nous avons obfervées
prefque chaque jour fur le Difque du Soleil
pendant tout le cours de nos Operations
. Voici maintenant l'Extrait du
calcul de l'Eclipſe de Soleil du 15. Septembre
1727.
Nouvelle Lune à Beziers le 15. Septembre
1727. à 8. h.47 '. 39 " . auquel tems .
210. 53'. 56". my Vrai lieu du Soleil .
21. 53. 56. my Vrai lieu de la Lune
reduit à l'Ecliptique.
21. 53. 58. m Vrai lieu de la Lune
dans fon Orbite.
32 .
33. 25.
61. 18 .
2. 26 .
38. II.
35. 45.
Diametre du Soleil .
Diametre horisontal
de la Lune.
Parallaxe horifontale.
Mouvement horaire
du Soleil .
Mouvement horaire
de la Lune .
Mouvement hor. de
la Lune au Soleil .
3.
JUILLET. 1728. 1513
Declinaifon feptentrionale
du Soleil .
3. 13. 8.
60. 7. 15.
o 38 .
113. 16. 24.
84. 38.
2. 40 .
32. 42 .
Argument de la
Latitude .
Latitude Meridionale
de la Lune.
Angle de l'Ecliptique
avec le Meridien
vers les par-
Orientales ties
dans l'Hemifphere
Septentrional .
Angle de l'Orbite
apparente de la
Lune avec le Cercle
de latitude vers
les parties du
noeud le plus prochain.
Valeur d'un Doigt.
Demi diametre de
la Penombre.
C'eft fur ce calcul & felon la methode
de la Projection inventée par M. Caífini
, & enfeignée par M. de la Hire dans
Tes Tables Aftronomiques , que nous traçames
une grande figure, par le moyen de
laquelle je déterminai le commencement
de cette Eclipfe à Beziers à 6. h . 22'.30 ".
du matin , le milieu à 7. h.14.25 " a la
fin à 8 , h. 7. 20". Sa durée fera de 1 .
"
h .
1514 MERCURE DE FRANCE .
h. 44. 50". & fa grandeur de 6. doigts
Is' minutes.
Il ne me reste à préfent , Monfieur
qu'à vous dire en deux mots , de quelle
maniere nous prétendons faire cette Obfervation
, fi nous fommes affés heureux
pour rencontrer un jour ferein . Une
Machine Parallactique que nous avons
fait conftruire depuis peu fur lad efcription
qu'en a donnée M. Caffini , fupportera
une Lunette de fix pieds avec une efpece
de Micrometre que nous avons fait faire
exprès , confiftant en une platine de cuivre
dont l'ouverture portera 13. fils de
foye paralleles qu'on rangera la veille de
l'Eclipfe , afin qu'ils divifent exactement
le Diametre du Soleil en 12. parties
égales & dont on fe fervira pour mefurer
les Doigts Eclipfés . On mettra au
Foyer d'un Objectif de 2 1. pieds un Tambour
avec un papier huilé fur lequel
ayant pris le Diametre de l'Image du Soleil
, on le divifera en 24. parties égales
, pour avoir en demi - Doigts toutes les
Phafes de l'Eclipfe. Enfin on fe fervira
d'une Lunette de 12. pieds de Foyer pour
déterminer avec plus de précifion le commencement
& la fin de ce Phénomene.
S'il y a pour lors des Taches fur le Difque
du Soleil , & qu'elles viennent à être
couvertes par la Lune , on ne manquera
pas
JUILLET. 1728. 1515
pas de marquer le moment de leur immerfion
& de leur émerfion . On prendra
auffi quelquefois le paffage des bords
du Soleil & celui des cornes de l'Eclipſe
par les files du quart de Cercle & furtout
on n'oubliera point de s'affûrer quelques
jours auparavant de l'état de la Pendule,
de la mettre d'accord avec le Soleil ,
& d'y faire pour la détermination de chaque
Phafe , la correction que demandera
alors l'Equation de l'Horloge . Je fuis ,
Monfieur , & c .
P S. Il y aura , Monfieur , l'année prochaine
1728. trois Eclipfes , deux de
Lune & une de Soleil , la premiere fera
de Lune , lors de l'oppofition de cette
Planette avec le Soleil , qui arrivera le
25. Février
à 7. heures1
9. minutes
du matin
à Beziers
, on n'en
verra
tout au plus
que le commencement
que
nous
déterminerons
bien-tôt fur la figure
que
nous
avons
refolu
d'en
faire. L'autre
fera
de
Soleil
, lors de la conjonction
de cet Aftre
avecla Lune
, qui arrivera
ici le 10. Mars
à 8. h . 7'. 8″ . du foir : Cette
Eclipfe
ne
fera pas vifible
fur nôtre
Hemifphére
,
non plus
que
la derniere
de Lune
, lors
de fon oppofition
qui arrivera
ici le 19 .
Août
à
h. 7 ' . du foir.
S.
LA
1516 MERCURE DE FRANCE .
のの
LA PATTE D'OURS.
P
BALADE.
A Madame Louife de Montagne
de Riquet.
Reux Chevaliers ont été vos ayeux .
Et leurs hauts faits écrits en mainte , hi
toire
Les ont rendus pareils aux demi Dieux.
A cet Empire ils font fi précieux ,
Qu'il ne doit onc en perdre la mémoire :
Si quelqu'un d'eux n'eut été raconté
Par beaux difcours , ne dans vieille chroni
que ,
Votre Ecuffon nous l'auroit moult vanté ,
LA PATTE D'OURS MARQUE NO
BLESSE ANTIQUE,
Sans contredit elle étale à nos yeux
Que , redoutez aux bords de la mer noire ,
Sous eux tomboient les plus audacieux ;
Qu'ils pourfendoient Sarrafins furieux ,
Ily a une Patte d'Ours dans les Armes
de Madame de Riquet.
E
JUILLET. 1728 . 1517
-
Et que Géans leur cedoient la victoire ,
Si leur valeur avoit moins merité ,
En aurions - nous preuve tant authentique ?
Aurions- nous onc dit cette verité ?
LA PATTE D'OURS MARQUE N..
BLESSE ANTIQUE.
Dame Puiffante , en qui les dons des Cieux ,
Moult au deffus du bien qu'on en peut croire ,
Font que chacun vous admire en tous lieux ,
Vous defcendez d'un Sang fi glorieux ,
Et grandement en rehauffez la gloire :
Si grand en vous , eſt merite & beauté ,
Qu'en vous voyant tout fage ainfi s'explique
,
Blazon nous dit mieux fa noble fierté ,
LA PATTE D'OURS MARQUE No-
BLESSE ANTIQUE.
Plus ne voyons Héros ambitieux
Portant Plumarts , tout auffi blancs qu'yvoire,
Faire ès Tournois combats prodigieux
Pour s'attirer un regard gracieux ,
* Cette Dame eft de l'ancienne Maiſon de
Montagne, en Guyenne , & veuve de M. de Riquet
, Préfident à Mortier.
B Felicité
1518 MERCURE
DE FRANCE.
Felicité maintefois illufoire ;
S'il en croit , pour vous auroient joûté ,
Et fait briller leur courage héroïque ,
De leur Ecu , la Deviſe eut été
LA PATTE D'OURS MAR QUE N.-
BLESSE ANTIQUE.
Envoy.
Illuftre Sang , le Ciel de mieux en micux
Va t'élever. Que le Dieu radieux
Enfle pour toy ma veine Poëtique :
Dame fans pair , fon los fera porté
De ce Climat jufques au ſein Perfique
De par vos fils il y fera chanté ,
LA PATTE D'OURS
MARQUE
N
BLESSE ANTIQUE.
Par M. Martel , jeune Genilhomme
de Touloufe.
REFUTA
JUILLET. 1728. 1519
*******
REFUTATION d'un Memoire impri
mé dans le Mercure de Decembre 1727 .
vol. 1. page 2626. fur la Ville de
Saint-Paulien en Vellai , addreffée aux
Auteurs du Mercure de France.
T
' Ai toûjours cru , Meffieurs , que ceux
qui prenoient la peine de vous avertir
des nouvelles Découvertes de Médailles
& autres Antiquitez , par des Lettres
raifonnées fur les lieux où elles fo
font , devoient être exacts dans ce qu'ils
avancent , & ne pas raifonner fur ces
ieux , d'une maniere que les anciens
Monumens peuvent démentir. Je me
rouve trompé dans ce que je viens de
ire fur la Ville de Saint - Paulien en Velai
. La perfonne qui vous a écrit là - deffus,
era plaifir au public, lorfqu'elle lui donera
connoiffance des Infcriptions & des
tatuës que les chutes d'eau ou d'autres
ccidens peuvent faire découvrir ; mais
ne faut pas auffi qu'elle prétende lui
noncer, comme nouvelles, des trouvailqui
font déja anciennes. Curieux com-
- je le fuis, je n'ai pas manqué auffi - tôt
rès avoir lu fa Lettre dans le Mercure,
confulter le Gallia Chriftiana, fur l'Eché
du Puy. Le volume eft imprimé
Bij Ca
1520 MERCURE DE FRANCE.
en 1720. La même Infcription que l'on
rapporte touchant le rétabliffement des
Ponts , y eft en propres termes. Dom
Denis de Sainte Marthe y dit , page 685.
qu'il fe contente de rapporter cette Infcription
entre celles qui ont été trouvées
à Saint Paulien ,& il renvoye au premier
Volume du 4 fiécle Benedictin , d'où il
l'a tirée. On l'y trouve en effet à la page
757. Ce Livre fut imprimé en 1677 .
Ainfi ceux qui fournirent au Pere Mabillon
toutes les Infcriptions de Saint
Paulien, avoient déja vu celle-là . Seroitelle
donc rentrée en terre depuis ce tempslà
, pour reparoître au bout de cinquante
ans ? Il n'y a pas d'apparence. Le Pere
Mabillon ne peut s'empêcher de marquer
de l'indignation contre ceux qui
ont été affez fimples pour placer cette
Infcription fur un Moulin qu'on appelle,
dit-il , le Moulin de Borbolion. Eft - ce là
en effet une place convenable à des Monumens
Antiques ? Celui qui vous écrit,
s'eft abftenu de vous marquer cette circonftance.
Il feroit à fouhaiter pour fon
honneur qu'il ne vous en eût pas tant
dit fur les Antiquitez de fa Ville de Saint
Paulien. Il fe feroit au moins épargné
quelques fautes. Je lui pafferai que cette
Ville eft le Rueffium des anciens ; mais je
ne lui accorderai jamais qu'elle ait été ap
pellée
JUILLET. 1728. 1521
pellée Vellaunodunum . S'il prétend par
là lui approprier ce qui fe lit dans les
Commentaires de Céfar , les habitans
d'Agendicum , des mêmes Commentaires ,
ne fouffriront point qu'on détache ainſi
de leur territoire , ou au moins de leur
voifinage une Ville qui n'eft éloignée de
chez eux que d'une journée ou une journée
& demie . Voudroit- il que Céfar eut
fait faire à fes Troupes , en un feul jour,
90 ou 100 lieuës .
& tous
Quant à Velaunum , je puis affurer que
ce n'a jamais été non plus le nom de la
Ville de Saint Paulien ; mais bien Vellavum
, civitas Vellava ou Vallava. On
peut fe fier en ce point à S. Grégoire de
Tours qui eft un hiftorien ancien & affez
accrédité pour tout ce qui concerne la
Géographie Françoife . Il ne faut que jetter
la vue deffus, au dixiéme Livre de fon
Hiftoire de France , nombre 25.
les titres qui parlent de l'Eglife Epifcopale
du Pays de Vellai , ne s'expriment
point autrement. Une Charte de Charles
de Chauve , de l'an $ 76 . met Wide
venerabilis Ecclefia Vallavenfis Epifcopus.
Un Diplome du Roy Raoul , de
l'an 923. Adelardus Epifcopus Ecclefia
Anicienfis feu Vallavenfis. Un autre titre
de l'an 993. Guido fanita Vallavenfis
Ecclefia fuperno nutu Epifcopus . Une au-
B iij
tre
1522 MERCURE DE FRANCE .
Bulle de Leon IX . In hac Ecclefia Anicienfi
que Vallavenfis feu Podium fanita
Maria dicitur.Il ne s'agit que du changement
d'une Lettre en une autre. C'eſt une
minutie , dira quelqu'un ; mais cette minutie
tire quelquefois à des conféquences
, & je vous en produirai des exemples.
En fait de noms propres , il faut écrire
& parler comme les anciens, lorſqu'on fe
fert de leur langue. Il y a eu des ficcles
où les lettres n & a étoient fi femblables ,
qu'on ne pouvoit prefque pas les diftinguer
C'eft fur tout le quatorziéme & quinziéme
fiecles.De-là font venues tant de bévuës
faites par les Copiftes & adoptées.
depuis par les Imprimeurs. Il faut laiffer
ces liecles d'ignorance pour ce qu'ils font,
& remonter jufqu'à ceux où l'on figuroit
mieux les caracteres, & où l'on avoit plus
de connoiffance des veritables noms locaux.
Où en ferions - nous s'il falloit donner,
tête baiffée, dans les méprifes que le
regne de l'écriture gothique a introduites
dans les noms propres ?
Je ne veux apporter uniquement que
des exemples de la lettre n mife mal à .
propos, en place de la lettre u. Des ignorans
difoient alors Nemanfum pour Nemaufum
, qui eft le vrai nom de la Ville de
Nimes; ils nommoient Auxerre, Antifio- ~
dorum ,
JUILLET. 1728 . 1523
dorum , au lieu de dire Autifiodorum ;
l'Abbaye de Pontlevoy , proche Blois ,
Ponflenius , au lieu de Ponflevius . Je la
trouve ainfi nommée dans une Edition
des Lettres de Philippe , Abbé de l'Aumône
, ou du Petit -Cîteaux . Que ne pour
rois-je pas citer en fait de noms perfonnels
, pour faire fentir la même erreur ?
Les exemples en font encore plus com-
,
muns. On trouve une Andovera & une
Andofledis , parmi les anciennes Princeffes
de France ; au lieu qu'il faut dire Audovera
, Audofledis . On lit Andoënus
pour Audoënus, Gandiofus pour Gaudiofus;
Mandetus pour Maudetus ; Ganfridus
pour Gaufridus . Je paffe fous filence
l'effet que produit ce fimple changement
dans certains noms fubftantifs , comme,
par exemple, fi Anus étoit mis pour Avus.
J'ai vû des manufcrits de la vie fabuleufe
de S. Gengoul , où ce mot fe trouve
écrit des deux manieres dans un endroit
où certainement l'une & l'autre lecture
ne peut pas faire le même fens.
Un autre nom de la Ville de Saint
Paulien , que l'Antiquaire de ce lieu auroit
dû marquer en place de ceux qui
font faux , eft celui de Vetula civitas .
Cette Ville eft ainfi appellée dans des
Titres de huit & neuf cens ans , par op-
B iii pofition
1524 MERCURE DE FRANCE.
pofition à la nouvelle Ville du Puy où
l'Evêché avoit été transferé.
Je le renverrai encore fur cela aux
Actes des Saints Benedictins du P. Mabillon
, qui font un ouvrage que toutes
les perfonnes veritablement curieufes de
l'ancienne Géographie ne doivent nullement
négliger .
Ce 8. Février 1728 .
XXX:XXXXXXXXXXX :X
O DE.
à M. de B. * ".
A Poccafion de quelques réponses peu mefurées
qu'on a faites à fa Lettre
Critique.
Toi , qui confident des fecrets de Neptune
,
Prêtes un nouveau luftre au rang , à la forrune
,
Que tes nobles travaux t'ont aquis dans fa
Cour
Lorfque par tes écrits dévoilant fes merveilles
,
Doctement tu réveilles
D'Apollo n , & de lui l'alliance , & l'amour.
pour
JUILLET. 1728 .
1525
Pour prix de tant de foins fouffre que par
ma rime ,
Ce Dieu calme un moment la douleur qui t'opprime.....
Ne crains rien ..... dans tes yeux je lis ton
embarras ;
Va : la verité fimple en fes mains tient ma
Lyre ,
Et mon divin délire
En éloges flateurs ne fe répandra pas.
Que les tems font changés ! ô demeures
facrées ,
Des Mortels autrefois , à bon droit révérées ,
Des enfans de Minerve , azile redouté ;
Quels foufles empeftés , quelles fureurs fecretes
,
Ont foüillé les retraites.
De l'augufte Science, & de la Verité ?
}
Quel Démon ennemi de leurs facrez myfteres
,
1
A fçû les prophaner ! & de leurs fanctuaires
A l'envie , à l'orgueil , à frayé le chemin ?
Ce n'eft plus aujourd'hui la verité cachée ,
Bv
qui
1576 MERCURE DE FRANCE
Qui par nous eft cherchée,
On cherche à l'emporter fur tout autre Ecrivain.
Ah! ce n'eft point ainfi que tant d'hommes
célébres ,
Ont fçu fe dérober aux épaiffes ténébres ,
Dont les vulgaires noms furent toûjours
fuivis ;
Ils tenoient une route & plus noble , & plus
fûre ,
Et jamais d'une injure
On ne les vit payer un reſpectable avis .
Sçavants plus genereux qu'aujourd'hui nous
ne fommes ,
Afpirant à l'honneur d'éclairer tous les hommes
,
Ils ne vouloient point vaincre en Guerriers
furieux ;
Mais pour leurs coeurs , charmez d'une plus
belle gloire ,
C'étoit une victoire ,
Qu'une docte Leçon qui deffillât leurs yeux.
Tels
JUILLET. 1728. 1327
Tels étoient les Sçavants qu'admira ce bel
âge ,
Toi , dont la probité , la candeur , le courage.
De ces tems regrettés , retracent la fplendeur,
Des fecrets de ton Art , fage dépofitaire ,
Au fçavant téméraire ;
Plus fçavant , tu voulus découvrir ſon erreur'
Son vain raiſonnement d'experience vuide
Pour fonder les replis de l'Element perfide ,
N'a point fié les jours à la fureur des Eaux ,
Et dans fon Cabinet , fpeculatif tranquille s
Du matelot agile ,
Il prétend toutefois regler tous les travaux.
De quel étonnement fut ton ame faifie !
Quand tu vis la fureur , l'aveugle jalouſie ,
Pour prix de tes Leçons , chercher à t'outrager
;
Et l'orgueilleux dépit , qu'un ftyle altier an
nonce ,
Dicter feul la réponse
Dont la reconnoiffance auroit dû fe charger.
*
B vj
M'en
1528 MERCURE DE FRANCE.
M'en croiras tu ? méprife une audace frivole
,
Ainfi que nous voyons de l'impuiffant Eole ,
L'immobile Rocher , braver le vain courroux :
Où comme tu voyois dans tes courſes paffées ,
Les ondes courroucées ,
Se jouer d'un Vaiffeau qui s'expofe à leurs
[coups .
1
*
Une feule vengeance eft digne de ton ame ,
Donne tous ces écrits que le Public reclame ,
Trop long-tems refuſez à ſon empreſſement :
Et qu'alors ce Public , qui de tes adverfaires
Lit les plaintes améres ,
Juge entre tes raifons & leur emportement.
C'eft le prix que tu dois à leurs ingratitudes,
Après cela , renonce à tes longues Etudes ,
Le Public , & ta gloire ont ce que tu promis ¿
Et livre , il en eft tems , cette heureuſe vieilleffe
Que le deſtin te laiffe ,
Aux foins d'une fanté fi chere à tes amis.
Réflexions
JUILLET 1728. 1529
XXXXXXX :XXXXXX :XX
REFLEXIONS fur la Réponse que
M. Pefau de la Tour , Docteur en Medecine
, établi à Saumur , a faite à la
Questionpropofée dans le Mercure d'Octobre
1726. Pourquoi l'on fent de la
douleur à une partie retranchée ,
que l'on a employée dans celui de Janvier
1728.
ON
ن م
N doit, fans doute , avoir obligation
à ceux qui tentent de nouveaux
moyens de parvenir à la découverte de
la verité. Un bel efprit ( a ) de nos jours
va même plus loin : il prétend que l'on a
obligation aux Auteurs des fautes qu'ils
font , parce que leur fentiment trouvant
infailliblement quelque Adverfaire qui en
démontre la fauffeté , c'eft pour lors un
écueil connu , & contre lequel il n'y a
plus lieu de craindre que l'on aille faire
naufrage. Auffi je ne prétends point ôter
à M. de la Tour la gloire d'avoir obligé
lé Public . Mon intention n'eft autre que
de l'engager à mettre fon fentiment dans
un nouveau jour , & à me tirer de l'erreur
où je fuis , felon lui , puifque j'ai
( 4 ) M. de Fontenelle , fur les Anciens &
les Modernes.
adopté
1530 MERCURE DE FRANCE.
adopté l'explication que l'on donne ordinairement
au Phénomene dont eft queftion
. J'entre en matiere .
Je ne trouve point qu'il ſoit ( b) naturel
, & plus ordinaire de fentir de la douleur
à une partie que l'on n'a point qu'à
celles qui reftent . Comme celles qui reftent
font fufceptibles des alterations qui
cauſent la douleur , & que celles qui ont
été retranchées ne font plus dans ce cas ,
la contradictoire de cette propofition me
paroît veritable . Encore faut-il remarquer
que l'on ne fent point de douleur aux
parties dont on eft privé ; puifque ces
parties ne peuvent plus agir fur l'ame : &
que cette penfée de douleur eft une pure
illufion que fait à l'ame le mouvement excité
dans l'organe qui lui tranfmettoit les
mouvemens dereglés de la partie amputée .
Mais c'eft trop s'arrêter fur une bagatelle .
Venons aux principes.
La moëlle de l'épine & le cerveau ſont
des compofes de glandes. C'eft un fentiment
qui loin d'être prouvé , eft combattu
par de très- habiles Anatomiftes ,
entr'autres par M. Ruifel : & pour en avoir.
quelque idée , on doit les confiderer comme
des tamis très-fins , qui féparent du fang
les efprits animaux.
(b ) Differt. p . 81 .
Ibid. p. 82.
Je
JUILLET. 1728. 153
Je m'étois (c) formé des glandes une idée
bien differente. Je les regardois comme
un amas de vaiffeaux enveloppés d'une
membrane commune où la limphe fe
broyoit de nouveau , fe fubtilifoit , & devenoit
propre aux fonctions pour leſquelles
elle étoit détournée vers ces glandes.
Peut -être même s'y impregne-t - elle du
fuc nerveux qui y eft apporté par quantité
de nerfs qui entrent dans la compofition
de la glande. Cette conjecture n'eft
point cependant neceffaire pour expliquer
l'ufage du nerf en ces parties , puifque
l'on y reconnoît une vertu fiftaltique
, qu'on fçait ne pouvoir fubfifter fans
les nerfs. Cette fabrique des glandes ne
donne aucune idée de cette impreffion ,
( d ) que M. de la Tour fuppofe dans le
fuc nerveux des parties aufquelles il eft
deftiné. L'idée de fon tamis n'eft pas plus
favorable à fa fuppofition. La toile du
tamis ne donne aucune figure aux corps
qui y paffent : elle ne fait que féparer les
parties les plus tenues des plus groffieres.
L'imagination , ( e ) qui eft l'union de
(c)V. fur toute cette Doctrine Boerheave.
Inft. Medic. art. 240. & fuiv.
( d ) Ibid. p . 84.
(e) Ibid. p. 83.
1532 MERCURE DE FRANCE.
ces efprits fubtils ( ce font les efprits animaux
) nepeut êtrefrappée que de l'idée de
la partie où eft le trouble qui fait le fentimentpar
le moyen de ces efprits animaux :
car la matiere eft infenfible.
Il s'enfuit de ce raifonnement que dans
le cas propofé on ne doit fentir aucune
douleur , puifqu'on ne la fait confifter
que dans le dérangement de l'imagination ,
& que l'imagination eft materielle , n'étant
que l'union des efprits animaux , qui
font eux-mêmes materiels . L'on ne voit
jufques là
du défordre dans les orgames
, l'on n'y voit par conféquent qu'une
caufe occafionelle de la douleur , qui
n'eft qu'une penfée de l'ame . Puis donc
que l'on ne met point l'ame en jeu dans
toute cette Differtation , l'on n'explique
que la douleur materielle , ce qui n'eſt
point répondre à la queftion .
que
Ces tamis ( f) fubfiftent dans le cerveau
après l'amputation de la partie. Les efprits
animaux s'y filtrent toujours .... Ils fönt
harriés par les nerfs jusqu'au moignon
fans pouvoirpaffer outre , à caufe des fonpapes
ou valvules , & c .
Il y a , ce me femble , une contradiction
entre ces paroles , & celles qui ſont au
haut de la même page , ou expliquant la
douleur cauſée par une épingle qui entre
(ƒ) Ibid. p. 83 .
dans
JUILLET. 1728. 1535
dans la chair , on lit ces paroles , elle comprime
les efprits... le premier preffe comprime
le fecond , & ainfi fucceffivement
jufqu'au fiege de l'imagination. N'eft- ce
point là un reflux manifefte ? Mais par où
prétend- on l'empêcher plus bas ? par des
valvules qui fe trouvent dans les nerfs ;
valvules purement imaginaires , au moins
dont on ne peut démontrer l'exiftence.
Mais fi le fiege de l'imagination eft dans
le cerveau , & que le trouble des efprits
ne puiffe s'y communiquer , l'imagination
ne fera point alterée , & par conféquent
il n'y aura pas de douleur , même
materielle. Enfin de ce que les efprits ne
pouvant entrer dans le nerf qui fe porte
au moignon , font obligés d'entrer dans
d'autres nerfs qui aboutiffent aux parties
voifines , il fe fait un dérangement dans
l'ordre naturel , mais ce dérangement fe
faifant au deffous du fiege de l'imagination
, ne peut le déranger , ni parconféquent
occafionner le fentiment de la douleur.
Si l'ame pouvoit s'appercevoir de ce
dérangement , il s'enfuivroit qu'elle auroit
une connoiffance exacte de la ftructure
du corps qu'elle anime , & de la circulation
des liqueurs. Si cela étoit , les
Anatomistes perdroient leur tems bien
inutilement. Il s'enfuivroit encore que fi
quel1534
MERCURE DE FRANCE .
quelque ramification d'artere s'obitinoit,
Fame devroit fur le champ s'en apercevoir.
L'experience y eft manifeftement
contraire .
A fuppofer que l'ame s'apperçoive de ce
dérangement , ce fentiment de douleur
doit être continuel , puifque la caufe fubfifte
toujours . C'eft aufli une objection
que fe fait M. de la Tour. Mais il répond
(a ) que l'affaiffement des glandes qui
fourniffent les efprits au nerf qui va au
moignon , empêche la filtration des efprits
; & que ce n'eft que dans le cas
d'une fermentation extraordinaire qu'elles
recommencent leurs fonctions . Il
ajoûte que leurs parois s'approchent par
fucceffion de tems.
Si cela étoit vrai , les douleurs devroient
ceffer au bout d'un certain tems :
& ce tems devroit être court , comme
nous le voyons arriver aux arteres ombilicales
, au canal arteriel , au trou ovale :
ce qui ne ſe rencontre pas , puifqu'au
bout de vingt ans on fent encore les mê
mes douleurs.
Je demanderai en fecond lieu à M. de
la Tour , fi des diffections exactes lui ont
fait connoître que cela arrivoit , à faute
de quoi , je regarderai toujours cette ré-
( a ) Ibid. p . 85 .
ponfe
JUILLET. 1728. 1535
ponfe comme une défaite. Enfin je le prierai
de s'accorder avec lui-même , & de
concilier cette réponſe avec ce qu'on lit
plus haut , que ces tamis ( b ) ( les glandes
) fubfiftent toujours , & filtrent les efprits
pour cette partie abfente .
Je finirai par cette reflexion . L'exemple
de l'entonnoir ( c ) prouve bien qu'il
y a du dérangement dans un des moules
où doit entrer le plomb fondu. Je le croi ,
parce qu'il refte de la matiere dans l'entonnoir.
Mais je ne vois que le moule étoit
obftrué , qu'après les avoir tous ouverts .
Si l'on applique la comparaifon au cas
propofé , on ne peut fçavoir à quel endroit
on a mal , qu'après avoir regardé
quelle partie manque. Le contraire arrive
cependant , car nous fentons de la
douleur à une partie avant de faire attention
qu'elle nous manque ; & nous
nous perfuadons que notre ame s'eft
trompée , quand nous voyons que nous
manquons de la partie à laquelle notre
ame attribue la douleur.
>
J'efpere que M. de la Tour ne me fçaura
pas mauvais gré de ces reflexions , puifque
le feul amour de la verité , qualité
abfolument neceffaire à tous ceux qui s'at-
(b ) Ibid. p . 83 .
( c) Ibid. p, .86.
tachent T
A
1536 MERCURE DE FRANCE .
tachent à la Philofophie & à la Medecine
, m'a mis la plume à la main .
Bruhier d'Ablaincourt.
D. M. C. A. D. L. O. S.
L'HYMEN AMOUREUX.
CANTAT E.
Sous le joug de l'Hymen l'Amour affujetti
,
S'endormoit dans les bras d'une fombre pareffe
,
Son front chargé de foins , fon oeil appefanti
,
Nageoit dans des flots de trifteffe,
En vain s'offroient fans voile à fes foibles defirs
,
Les charmes d'une époufe autrefois fa Maitreffe
,
Rien ne réveilloit fa tendreffe ,
Et les plaifirs permis n'étoient plus fes plaifirs.
Devoir , O ! devoir infléxible .
Que ton joug me paroît terrible ,
S'éJUILLET.
1728. 1537
S'écrioit- il dans fa langueur !
Tes loix en rendant legitime
Un plaifir qui veut être un crime ,
En ôtent toute la douceur.
典
Ces beaux yeux , cette aimable bouche ,
Ces bras n'ont plus rien qui me touche ,
J'en puis jouir , & je le dois :
Je le dois... O fupplice extrême !
Aimer, parce qu'il faut qu'on aime ,
Qui le peut quand c'eft une loi ?
Ainfi ce Dieu plaignoit fa deſtinée ,
Quand l'Hymen à fes yeux tout à coup fe fit
yoir ,
Il portoit dans les mains la chaîne infortunée
2
Dont il attache un coeur à fon devoir ;
A cet objet l'Amour s'irrite ,
Prend fon Carquois , frémit , s'agite ,
Et lance enfin un trait vengeur ,
Hymen , ç'en eft fait de ta vie...
Mais non... graces à la fureur
De
1538 MERCURE DE FRANCE .
De la haine qui le tranſporte ,
L'Amour a mal choifi le trait qu'il a lancé ,
C'est un dard enflammé de l'amour la plus
forte ,
Dont l'Hymen vient d'être percé.
來
Enfin à son tour ,
L'Hymen de l'Amour
Reffent la douce violence ,
Et malgré les loix ,
Il goûte à la fois
Et le plaifir & l'innocence.
LETTRE de M. l'Abbé N. fur l'Hif
toire du Peuple de Dieu , &c .
Q
la
Uand je vous ai parlé , Monfieur
pour premiere fois de l'Hiftoire
du Peuple de Dieu , tirée des feuls Livres
Saints , & c. Par le R. P. Berruyer , Jefuite.
Je ne connoiffois ce Livre que par
le Projet imprimé , & je n'ai fait prefque
que vous l'annoncer . Aujourd'hui que
P'Ouvrage paroît , & qu'il s'eft déja ac-
>
quis
JUILLET. 1728. 1539
quis , à jufte titre , les fuffrages du Public
qui le recherche & le lit avec empreffement.
Je crois vous faire plaifir de m'étendre
un peu fur ce Livre , & de vous en
donner une idée plus exacte pour vous en
faire connoître tout le merite.
Le deffein general du P. Berruyer a été
de réduire le Texte Sacré en un corps
d'hiftoire où les Lecteurs , outre la fuite
des faits rapportées dans les Livres Saints,
puffent trouver tous les éclairciffemens ne
ceffaires pour l'intelligence des faintesLettres
, accompagnés de refléxions propres
à les édifier , & à nourrir en eux
l'efprit de pieté & de Religion.
Un deffein fi naturel , & tout à la fois
fi magnifique , n'auroit pas dû , ce femble
, échapper aux recherches de tant de
célebres Auteurs , qui jufqu'ici ont conſacré
fi utilement leurs veilles à l'explication
de l'Ecriture. Cependant le P. Berruyer
eft le premier que nous fçachions
qui l'ait imaginé , du moins eſt- il le feul
qui ait ofé l'entreprendre. Pour en concevoir
toute l'excellence , il fuffit de remarquer
qu'en l'executant , l'Auteur atrouvé
le fecret de réunir dans un feul Ouvrage
tous les avantages des differens Livres
qui fe font faits fur la même matiere
fans tomber dans aucun des défauts qui
font inévitables dans tout autre deffein ,
&
1540 MERCURE DE FRANCE
& qu'on a toujours reproché avec tant de
raifon à ce qui s'appelle Traductions ,
Commentaires , Hiftoire de l'Ancien
Teftament , Réflexions même fur l'Ecriture.
En effet , outre la multitude , la nobleffe
& la varieté des faits que fournit
la feule expofition du Texte Sacré , &
dont la lecture n'eft ni moins agréable ni
moins interreffante que celle des Hiftoires
Prophanes les plus vantées ; l'Hiftoire
du Peuple de Dieu , tirée des feuls Livres
Saints , a cet avantage particulier , que
fans avoir l'inconvenient des Traductions
purement litterales , qui font auffi obfcures
que le Texte même, fans qu'il faille
recourir aux longues difcuffions &aux embarras
énormes desCommentaires, le Lecteur
y trouve fur la route tous les endroits
difficiles de l'Ecriture , ſuffiſament
éclaircis & expliqués avec toute la netteté
& la précifion que demande l'Hiftoire .
Pareillement tout ce qu'il y a d'utile &
de falutaire dans les Livres les plus édifiants
qui fe foient fait,fur cette matiere ,
le retrouve ici en quelque forte , & d'une
maniere encore plus touchante dans le
récit des faits accompagnés de pieufes &
folides réflexions , qui dans un pareil fujet
ne pouvoient manquer de naître fous
la plume d'un Auteur comme le P. Berruyer
, uniquement attentif au bien & à
l'éJUILLET.
1728. 1541
l'édification de fes Lecteurs .
Ainfi à ne confiderer même que le but
general du Livre , on peut dire qu'il n'en
eft aucun qui par l'excellence du deffein
lequel certainement eft unique , & par
l'importance des matieres qui y font traitées
, merite à plus jufte titre les éloges
que lui ont donné jufqu'ici toutes les perfonnes
non prévenues qui l'ont lû. Mais
ce qui doit en relever infiniment le prix
c'eft que l'execution répond pleinement
à tout ce qu'il y a de noble & de magnifique
dans le deffein .
Car l'Hiftoire du Peuple de Dieu eft
non- feulement un Livre de pieté propre
à édifier les Fideles , & à leur infpirer pour
Dieu les fentimens de crainte , d'amour ,
de refpect & d'admiration qui lui font dûs :
c'eft outre cela un Livre de Critique , où
tous les Points obfcurs ou controverfés
de l'Ecriture qui regardent le Dogme
l'Hiftoire , la Chronologie , la Géographie
même font brièvement difcutés , nettement
éclaircis , & fagement décidés : où
toutes les Propheties de l'Ancien Teftament
qui ont rapport au Nouveau , font
heureufement expliquées , & d'une maniere
toujours favorable à notre fainte
Religion , en ce qu'elle rend l'application
que les Chrétiens en font au Meffie , bien
plus facile & infiniment plus digne de
C Dieu
1542 MERCURE DE FRANCE .
;
Dieu. Enfin c'eft un livre de goût , où
l'Auteur a fçu mettre en oeuvre tout ce
qu'une parfaite connoiffance des Belles-
Lettres , jointe à un génie naturellement
beau , fertile & élevé, pouvoit lui fournir
d'agrémens pour embellir fon Ouvrage ;
les faits y font exactement détaillés &
revêtus de toutes leurs circonftances
habilement rangés dans leur ordre , &
rapportés à leurs dattés autant qu'il a été
poffible , racontés d'une maniere nette ,
élegante , & débaraffée de tout ce qui
pourroit y mettre quelque confufion .
Quant à la maniere d'écrire , l'Auteur ,
conformément à la régle qu'il nous en
donne lui-même dans fa Préface , a fans
doute tâché de fe régler fur les divins modeles
qu'il avoit devant les yeux , & l'on
doit lui rendre cette juftice que le plus
fouvent il les a bien imités : il nous paroît
cependant qu'il s'en est écarté
dans quelques endroits , en y employant
trop de figures & de fleurs , quelquefois
même des expreffions ou nouvelles ou
trop recherchées , qui peut- être feront affez
du goût préfent , mais qui certainement
ôtent à la narration quelque chofe
de cette noble & naïve fimplicité , qui
doit être un des principaux ornemens
d'une Hiſtoire du Peuple de Dieu , comme
elle l'eft de l'Ecriture- Sainte,
Les
JUILLET. 1728. 1543
Les difcours que le P. Berruyer a pris
foin d'inferer dans le cours de fon Hiftoire
, pour animer en quelque forte les perfonnages
qui viennent fe préfenter fur la
Scene ; les Defcriptions qu'il a faites des
Païs , des Sieges de Villes , des Batailles
& de mille autres grandes actions dont
la multitude & la varieté contribuent fi
fort à rendre l'Hiftoire fainte , agréable
& intereffante ; tous les Portraits enfin
des Heros du Peuple de Dieu tracés de fa
main , font autant de morceaux achevés ,
aufquels il m'a paru qu'on ne pouvoit
rien ajoûter .
C'eft dans ces endroits fut tout que
l'Auteur fe rend abſolument le maître de
l'efprit de fes Lecteurs .
Tout y eft reprefenté fi fort au naturel ,
les difcours font fitouchants & fi animés ,
que par une espece d'enchantement propre
de la vraie éloquence & de la plus fublime
Poëfie, l'efprit tout occupé des objets
qu'on lui préfente , devient au gré
de l'Auteur fufceptible des impreffions
les plus oppofées . Ainfi l'on s'irrite & l'on
s'afflige avec Moyfe fur les énormes prévarications
d'un Peuple ingrat & grof.
fier ; on frémit d'entendre les reproches
menaçans que fait aux prévaricateurs le
faint Legiflateur : on eft attendri à la
vue du faint Roi David , qui accepte
Cij avec
1544 MERCURE DE FRANCE.
avec foumiffion les plus humiliantes difgraces
, qui fuit devant un fils ingrat qui
le pourfuit , qui malgré cela ne laiffe pas
›
de s'allarmer encore à la nouvelle du
danger de ce malheureux fils , qui pleure
fa mort & en paroît inconfolable. La
trifteffe de Jéremie fe communique infenfiblement
à l'ame , & l'on fe lamente
s'il eft permis de parler de la forte , on
pleure avec le faint Prophete fur les pitoyables
restes de l'infortunée Jerufalem .
La charité genereufe d'un Tobie , que
nulle crainte humaine , nul obſtacle ne
peut arrêter , les allarmes & l'inquiétude
d'une Efther à la vûë des malheurs dont
fa Nation eft menacée , la ferme confiance
d'une Sufanne , victime de fa vertu &
de fon innocence , le zele , le courage ,
le défintereffement & la conftance des
trois Reſtaurateurs du Peuple de Dieu ,
Zorobabel , Efdras , & Néhemie , la noble
fermeté du faint vicillard Eleazar , expirant
au milieu des fupplices pour la confervation
de fa foi , celles des fept Enfans.
connus fous le nom de Machabées , &
la grandeur d'ame de leur genereufe mere
, le zele héroïque de Mathathias & de
fes fils pour la défenſe de la vraie Religion
, mille autres traits enfin , non moins
frappans , & que le P. Berruyer paroît
' être appliqué, particulierement à bien
trai
JUILLET. 1728. 1545
traiter , excitent dans l'ame de vifs fentimens
de tendreffe , de compaffion , de
zele & d'admiration dont on ne peut fe
défendre , & qui par leur furpriſe contribuent
à rendre la lecture du Livre tout- àfait
agréable.
C'eſt pour l'ordinaire à la fuite des grandes
actions , & dans les récits touchants
qu'il en fait , que l'Auteur a fçû mêler
habilement des réflexions folides & ingénieufes
que lui fuggeroit fon fujet . Comme
l'Hiftoite fainte en fournit de tout
genre , il s'eft fait un devoir de n'en omettre
aucune , foit morale , foit politique.
Mais il en eft certaines qu'il faifit toujours
avec plus de plaifir , & ce font celles
qui peuvent plus directement contribuer
à affermir les Fideles dans leur Reli .
gion , à leur infpirer du zele pour fa défenfe
, à leur faire aimer la vertu , & à
leur donner horreur du vice . Alors pour
ufer des termes que l'Auteur applique
aux Ecrivains facrés , on s'apperçoit que
Ja plume eft guidée par fon coeur. Il s'y arrête
avec complaifance , il y revient dès
que l'occafion s'en préfente : peut - être
même trouvera - t - on qu'il le fait trop fouvent
& avec une efpece d'importunité.
Mais il n'y a point à craindre que les mêmes
chofes, quelquefois répetées , perdent
ien de leur prix l'Auteur fçait telle-
C iij ment
1546 MERCURE DE FRANCE.
ment varier les tours & fes expreffions ;
qu'elles ont toujours entre les mains l'air
& la grace de la nouveauté.
>>
Telle est à peu près l'idée que je me
fuis formée des differentes parties qui com
pofent l'Hiftoire du Peuple de Dieu , Mais
enfintoutes parfaites qu'elles font en elles
mêmes , le Lecteur veut quelque chofe
de plus. On attend un Ouvrage dont
» les differentes parties liées enfemble faffnt
un corps unique & entier. On fou-
» haitte une Hiftoire où chaque faitfingu
» lier fe rapporte à une fin generale , dans
» laquelle les perfonnages de concert entre
» eux , entretiennent une Scène non inter-
» rompuejufqu'à l'entier dénouement.....
où les évenemens préparés dans leur cau-
»fe , & revêtus de leurs circonftances , fe
» paßent fous les yeux enforte que leur
» union devienne fenfible. Mais l'Auteur a
tout prévû comme il paroît par les termes
même de fa Préface que je viens de rapporter.
Auffi eft- ce particulierement à l'union
& à l'enchaînement des faits qu'il a
donné tous fes foins. Attentif & exact à
ne jamais s'écarter de la Lettre ( qu'il a
grand foin de mettre à la marge , fous les
yeux du Lecteur , pour garantir fa fidelité
) , il la medite , il l'approfondit , il la
creuſe , il en démêle tous les rapports ,
& en développé tous les fens : il fait plus ,
il
JUILLET. 1728. 1547
il combine , rapproche & réunit tous les
Textes , foit Prophetiques , foit Hiftoriques
, qui peuvent fervir à éclaircir les
faits qu'il raconte . Par ce moyen , fans
autre fecours que quelques fupplémens
paffagers qu'il à quelquefois , mais fobrement
emprunté de l'Hiftoire Profane ,
il a réuffi à nous donner une Hiftoire
Sainte complette & fuivie , dont tous les
évenemens unis entre eux & liés aux
Propheties qui les annoncent , ou aux
conjonctures qui les préparent , forment
un tout unique dont le principal but eft
de faire connoître l'excellence du vrai
Dieu.
Après avoir ainfi tracé le Plan general
que s'eft propofé le P. Berruyer , & m'être
efforcé de vous faire connoître tout
ce qu'il a fçû répandre de beautés & de
grace dans l'execution de fon deffein , il
ne me reste plus qu'à marquer ici l'ordre
particulier qu'il s'eft prefcrit.
Il divife tout l'Ouvrage en fept âges ,
dont voici le précis.
Le premier âge s'étend depuis la création
du monde jufqu'à la mort de Jofeph
en Egypte , & comprend 2370 ans ;
pendant lefquels , à la verité , l'hiſtoire n'offre
à fes lecteurs que tres peu de faits
particuliers. Point de Guerres , de Combats
, de Victoires, de Conquêtes ; point
❤
C iiij
de
7548 MERCURE DE FRANCE .
de ces entrepriſes hardies, de ces fuccès in
efperez ; point de ces chutes ni de ces révolutions
imprévûës , dont le récit furprend
, amufe & fatisfait la curiofité du
Lecteur. Mais au deffaut de ces fortes
d'événemens , ou , comme parle l'Auteur
, les hommes paroiffent toujours avoir
la plus grande part , & jouent leur rôle indépendamment
de la Divinité. On y trouve
un Dieu puiffant , un fouverain Maître
, aux ordres duquel la nature foûmife
& attentive , obéit fans réfiſtance .
On y reconnoît avec crainte & avec refpect
un Juge infléxible , qui dans fa colere
fait pleuvoir fur la terre un déluge
d'eau & de feu la pour purger d'une race
impure , dont les débordemens monftrueux
outrageoient la nature elle- même
& deshonoroient fon Auteur . L'on y
apperçoit enfin un pere tendre , attentif
& mifericordieux , qui parmi cette multitude
infinie d'hommes ingrats & criminels
, choifit & fe ménage une famille de
benediction , d'où fort bien- tôt un peuple
de Saints , dont les vertus modeftes
& fans fafte lui font oublier les prévarications
des autres . Déformais le Seigneur
a fixé fes regards fur elle ; c'eft à fon ggrandiffement
& à fa gloire que chaque
évenement le rapporte ; les difgraces de
Jofeph , fon efclavage , fa capti vité on
élevaJUILLET.
1728. 1549
élevation , fa mort même font autant de
moyens que Dieu prépare ou qu'il employe
pour accomplir fur ce peuple cheri
les deffeins de fa mifericorde.
Suit le fecond âge , qui renferme l'efpace
de 185 ans , depuis la mort de Jofeph
, arrivée , felon le P. Berruyer , vers
l'an du monde 2370. jufqu'à celle de
Moyle en 2555.
Cette feconde partie de l'hiſtoire fainte
n'eft pas plus fournie de faits particuliers
que
que la premiere ; mais dans le peu
de chofes que l'Ecriture nous apprend du
féjour des Hébreux en Egypte , des voies
que Dieu employa pour les en faire fortir,
de leurs voyages pendant l'efpace de quarante
années dans les déferts de l'Arabie
, l'Autheur n'a pas laiffé de trouver
de quoi occuper agréablement fon Lecteur.
Les miracles fans nombre que le Seigneur
Dieu opera pour tirer fon peuple
de la fervitude d'Egypte ; ceux qu'il continua
de faire par le miniftere de Moyfe ,
pour foulager les Ifraëlites dans leurs befoins,
ou les punir de leurs prévarications .
La promulgation de la Loy de Dieu que
le faint homme reçut fur le Mont Sinaï ,
les divers reglemens qu'il fit pour la Religion
, la Milice , le Gouvernement civil
& politique de la Nation , le zele , le courage
, la vigilance du S. Législateur & de
C v fon
1550 MERCURE DE FRANCE .
fon frere Aaron , pour la conduite du
peuple dont Dieu les avoit chargez ; au
contraire , l'inconftance , l'ingratitude &
l'indocilité de ce même peuple ; la mort
de Moyſe à la vuë de la terre promiſe
fes derniers difcours ; tout cela joint à
quelques faits particuliers dont le S. Efprit
nous a confervé la mémoire , a fourni
au P. Berruyer une affez ample matiere
, qu'il a fçu employer d'une maniere
toute propre à édifier & à plaire.
Le troifiéme âge qui fuit , eft de 380.
ans , à compter depuis la mort de Moyfe
en 2555 jufques à l'établiffement de la
Monarchie en 2935.
*
›
C'eft icy que l'Hiftoire commence à
devenir de plus en plus interroffante . On
y voit d'abord les Ifraëlites occupez à
conquerir la Terre de Chanaan fous lat
conduite du brave Jofué. La valeur du
Chef & des Soldats , fecondée par l'affiftance
miraculeufe du Dieu des armées
ne trouve aucun ennemi capable de lui
réfifter. A leur approche les Murailles des
Villes tombent d'elles - mêmes les Rois
& les Peuples de la Paleftine liguez contre
eux , cedent aux premieres attaques ,
fe débandent , prennent la fuite & ne
peuvent en fuyant éviter de périr fous
l'épée meurtriere des Soldats du Seigneur.
Il est vrai que leurs infidelitez fufpendent
JUILLET. 1728. ISS !
dent quelquefois pour un temps le cours
rapide de leurs victoires ; mais les fautes
font à peine expiées , qu'ils recommencent
à vaincre de nouveau. Abbatus fous
le joug des Tyrans aufquels Dieu les
avoit livrez en punition de leurs crimes ;
on les voit fe relever tout à coup , rompre
leurs fers , & fous la conduite des
Héros que Dieu fufcite en leur faveur ,
faire trembler à leur tour des ennemis
qu'ils regardoient auparavant comme
leurs Maîtres . Othoniel , Aod , la Propheteffe
Debbora , Baruc , Gedeon , Jephté
& Samſon , furent les glorieux inftrumens
dont Dieu fe fervit fucceffivement
pour executer ces prodiges , & rendre à
la nation fainte tout l'éclat que fes ennenemis
vouloient lui ravir. Heureufe fi elle
eut mérité par la fidelité que Dieu le lui
confervat ! mais toûjours criminelle , le
Seigneur fon Dieu qui jufques- là s'étoit
fait lui- même fon Conducteur & fon
Chef, l'abandonna enfin à la conduite des
Rois qu'elle avoit demandez .
Icy commence le quatriéme âge , qui
s'étend depuis l'an 2935 , jufques à l'an
3027 , & ne renferme dans l'efpace de
92 ans qu'il a duré , que les Regnes de
Saul , de David & de fon Fils Salomon.
Comme les actions de ces trois premiers
Rois du peuple faint , font affez connuës ;
pour C vj
352 MERCURE DE FRANCE .
>
pour abreger , fe ne m'arrêterai pas à en
donner le détail . La feule chofe que je
crois devoir vous faire remarquer icy
c'est l'habileté avec laquelle l'Auteur a
fçu faire entrer dans le corps de l'Hiſtoire
le Livre de Ruth . Il lui paroît fort
vrai-femblable que le Prophete Nathan ,
où même Salomon , fils de David , le
compofa pour fermer la bouche à ceux
qui reprochoient au S. Roy l'obſcurité
de fa race . Ainfi le P. Berruyer ayant a
raconter dans fon fecond Livre le choix
que Dieu fit de ce Prince pour gouverner
Ifraël dans la place de Saül qu'il avoit
reprouvé , il a jugé que l'Hiftoire de Ruthtrouveroit
fort naturellement fa place à la
fin du premier Livre & feroit regardée
comme une agréable Epiſode.
C'est un des morceaux de l'Ecriture
écrit avec plus de fimplicité , & raconté
d'une maniere plus touchante ; auffi l'Auteur
a - t- il fidelement copié fon modele ,
en décrivant l'avanture de Ruth , avec une
naïveté qui fait plaiſir .
Paffons au cinquiéme âge , qui commence
à l'an 3027 , & ne finit qu'à l'an
3399.
L'Auteur le divife en deux parties. La
premiere contient la féparation du Peuple
de Dieu en deux Royaumes ; celui de
Juda & celui d'Ifraël . La feconde reprefente
JUILLET. 1718 . 1553
fente au Lecteur les châtimens rigoureux
dont Dieu punit les impietez du Royaume
d'lfraël.
Le fixiéme âge s'étend depuis l'an
3399 , juſqu'à l'an 3684 , & contient
les playes mortelles dont Dieu frappa le
Royaume de Juda en punition de fes révoltes
.
Il eſt divifé en trois parties ; la premie
re contient l'enlevement des Juifs en captivité
par Nabuchodonofor , avec la ruine
de Jerufalem & du Temple.... La feconde
nous inftruit de leur féjour à Babylone
& dans la Perfe , fous differens
Rois. La troifiéme enfin nous offre leur
retour de la captivité avec leur rétabliffement
dans la Terre fainte.
Enfin le feptiéme âge , qui comprend
l'efpace de 199 ans , depuis l'an 3684 .
jufqu'à l'an 3883 , nous reprefente le
Peuple de Dieu gemiffant d'abord fous la
cruelle perfecution d'Antiochus , Roy de
Syrie ; mais on le voit auffi tôt reprendre
fous les Machabées une nouvelle vigueur
& fe remettre en poffeffion de fa liberté ,
jufques vers le temps de la naiffance du
Meffie.
Les Lecteurs qui aiment dans un Livre
tout ce qui s'appelle expeditions militaires
, intrigues de Cour , négociations politiques
, mouvemens & révolutions d'Etat
3
1554 MERCURE DE FRANCE .
tat , trouveront affurément dans les trois
dernieres Parties de l'Hiftoire du Peuple
de Dieu , dont je viens de vous donner
le précis en peu de mots , de quoi fatisfai
re leur curiofité. Car il eft tres- peu d'Hiftoire
prophane qui fourniffe des évenemens
plus éclatans ou en plus grand nombre.
Le P. Berruyer ne s'eft pas feulement
contenté de les rapporter tous, mais encore
en réuniſſant tous les textes des Ecrivains
facrez qui pourroient avoir quelque
rapport entr'eux , il a fçu donner à ces éve
nemens un enchaînement & une fuite
que perfonne avant lui n'avoit ofé entreprendre
de leur donner. C'eft cet ordre &
cet enchaînement que tout Lecteur éclairé
& attentif ne pourra s'empêcher d'admirer,
principalement dans ce qui regarde
les Rois d'Ifraël , dont l'Auteur à l'aide
d'une Chronologie la plus exacte qui
ait encore paru , a fixé les Regnes & la
fucceffion d'une maniere précife. Il étoit
à craindre qu'en lifant l'Hiftoire fainte ,
le Lecteur ne confondit fouvent dans fon
efprit les affaires des deux Royaumes féparez
. C'est pourquoi l'on s'eft fur tout
appliqué icy à les bien diftinguer ; & la
reflemblance des noms ou des faits n'y
met pas la moindre confufion . Au refte
ceux qui cherchent à s'édifier , trouveront
toujours icy comme dans les premiers
JUILLET. 1728. 1559
miers âges , la main du Seigneur qui fe
montre fenfiblement jufques dans les expéditions
les plus prophanes. Point d'évenement
qui ne foit clairement annoncé
plufieurs années , & quelquefois même
plufieurs ficcles auparavant par des Prophetes
fufcitez de Dieu pour inftruire ,
reprendre & corriger les peuples d'Ifraël
& de Juda. C'eſt dans le 5 & 6 âge, fur
tout que paroiffent avec plus d'éclat ces
Envoyez du Seigneur , & certainement le
détail de leur conduite , de leurs difcours
& de leurs actions , n'eft pas ce qu'il y a
de moins interreffant dans l'Hiftoire . Elie,
Elifée , Ifaye , Jonas , Jérémie , Ezechiel,
Baruch & Daniel occupent la fcene avec
fuccès jufqu'au retour de la captivité.
Après quoi au lieu de Prophetes qui ne
parurent gueres depuis le rétabliffement
de Jerufalem ni du temps des Machabées
, l'Hiftoire fainte offre des Héros
zélez pour leur Religion dont toute la
conduite & les actions font autant de modeles
des plus héroïques vertus.
Cet Ouvrage divise en fept Volumes in
4.fe vend à Paris chez la veuve Saugrin
, Knapen , Cailleau, la veuve Piffots
Huart & Bordelet.
STANCES
1556 MERCURE DE FRANCE .
XX:XXXXXXXXXXX : XX
STANCES.
ENvain de Salomon vous me citez l'exemple
.
Pour me faire trembler au feul nom de l'a--
mour ;
Je ne crains point fes traits , je mépriſe le
temple ,
Où fes lâches fujets l'adorent chaque jour :
Que fur les plus grands coeurs ,fes Loix foient
fouveraines
;
Que l'Univers entier gémiffe dans fes chaînes,
Je ne ferai jamais de fes adorateurs :
Quelque foit fon pouyoir , qu'inceffamment
on prône
On ne me verra point approcher de fon Thrône
,
Pour attirer fur moi fes funeftes faveurs .
Qu'Hercule trop épris de la beauté d'Omphale
En tournant fes Fufeaux , l'afsure de fes feux ,
Afervir Dalila , que Samfon fe ravale ,
Lui dife fon fecret , lui livre fes cheveux ,
Que
JUILLET. 1728. 1557
Que Salomon atteint de l'amoureuſe flame ,
Aux femmes qu'il adore , afferviffe fon ame
Jufqu'au point qu'à leurs Dieux il dreſſe des
Autels ,
De ces Héros captifs j'admire la foibleffe ,
Je vois ,fans m'effrayer , leur extrême moleffe,
Et je me fens plus fort , que ces fameux Mortels.
S
Qu'on ne s'étonne pas de voir tant de courage
;
Heureux triomphateurs d'un fexe trop charmant
,
D'autres que moi jadis ont fçû fuir l'efclavage
,
Et les dangers divers , où l'on tombe en aimant
:
Hippolite de Phedre a furmonté les charmes ,
Ses éloges flatteurs , fes prieres , fes larmes ,
Ses longs gemiffemens , ne pûrent l'attendrir
;
Jofeph à Putiphar , à fon devoir fidelle ,
Eft infenfible , eft fourd à la voix qui l'appelle,
Il méprife , il rebutte un coupable défir.
Mon
1558 MERCURE DE FRANCE.
Mon ame à ces affauts ne peut être expoſée,
Je n'ai point ce qu'il faut pour plaire , pour
charmer ,
Je n'ai ni de Jofeph , ni du fils de Thefée ,
Ces graces dont les traits , peuvent tout enflamer
:
Mais j'ai les fentimens de Jofeph , d'Hyppolite
,
Et même , fans chercher mon falut dans la
fuite ,
Je pourrois triompher des plus brillans appas
;
Amoureux feulement des filles de mémoire ,
1
Je mets à les fervir mon plaifir & ma gloire ,
Trop heureux , fi mes foins ne leur déplaiſent
pas.
Par M. BOUCHET ,
Chanoine de Sens.
LET TRE de M. D. L. R. écrite à M...
le 4 Mai 1728. au fujet de l'Hiftoire
de la Ville & des Seigneurs de Coucy ,
&c. par Dom Touffaints du Pleffis .
ONvient , Monfieur , de publier le Livre pour lequel vous vous interreffez,
& avant qu'il parvienne en entier
JUILLET. 1728 . 1559
tier jufques chez vous , je vais , fuivant
ma coûtume , vous en faire une espece
de détail.
En voici le titre : HISTOIRE de la
Ville & des Seigneurs de Coucy , aves
des Notes ou Diẞertations , & les Pieces,
juftificatives. Par Dom Touffaints du
Pleffis , Benedictin de la Congregation de
S. Maur. A Paris , chez François Babuty
, ruë S. Jacques , à Saint Chryfoftome ,
1728. avec Approbation & Privilege du
Roy , in 40. pages 113. pour l'Histoire ,
& 225. autres pages pour les Notes , les
Pieces juftificatives , & deux Tables .
Le P.du Pleffis dédie fon Livre à S.A.
S. M. le Duc d'Orleans , Sire de Coucy,
Premier Prince du Sang. Cette Hiftoire
ne pouvoit paroître fous de plus heureux
aufpices. L'Europe entiere a retenti
autrefois du nom de Coucy , & ce nom
celebre n'eft point encore effacé de la
mémoire des hommes. Ceux qui l'ont
porté , fe font eux-mêmes rendus recommandables
par toutes les grandes qualitez
qui forment les vrais Héros . Enfin ,
dit Dom du Pleffis , le Ciel nous a donné
un Prince heritier de leur Domaine , &
qui non feulement a fçu réunir en lui toutes
leurs vertus , mais qui les furpaſſe encore
autant par les fiennes propres , que
par
1560 MERCURE DE FRANCE.
par l'Augufte Sang qui coule dans fes
veines .
Après l'Epître dédicatoire , on voit une
Préface que l'on pourroit regarder comme
une Differtation compofée , pour détruire
la prévention qui regne encore dans
un certain nombre de Lecteurs , contre les
Hiftoires particulieres, & où l'Auteur démontre
, pour ainfi dire , l'utilité de ces
fortes d'Ouvrages . Car l'Hiftoire tant generale
que particuliere a pour but effentiel
d'inftruires on peut lui donner encore
pour objet celui de plaire & d'amufer; or
dans tous ces trois points , on ne peut nier,
dit notre Auteur , que l'Hiftoire particuliere
ne l'emporte de beaucoup fur la generale
. Celle - cy ne renferme pas tous les
faits ; on peut dire même à cet égard que
ce n'eft qu'un choix & un triage de ce
qui a paru à l'Hiftorien de plus beau & de
plus éclatant... Une Hiftoire generale eft
à la bien définir , un veritable abregé de
toutes les Hiftoires ; il femble , continuë- til
, qu'on ne peut mieux la comparer qu'à
une Mappemonde , qui négligeant le détail
des Cartes particulieres , ne nous reprefente
l'Univers qu'en racourci . Les
Hiftoires particulieres font au contraire
univerfelles en leur efpece ; rien n'y échape
à la diligence de l'Auteur ; le moindre
détail , la moindre circonftance ; tout lui
est
JUILLET. 1728. 1561
eft précieux. Je paffe , Monfieur , quantité
d'autres réfléxions de l'Hiftorien ,
qui tendent toutes à prouver la préférence
que l'on doit aux Hiftoires párticulieres
, fur les generales .
Trois Auteurs differens avoient deja
tenté de donner l'Hiftoire de Coucy ; je
dis , Monfieur , qu'ils n'avoient que tenté
, car notre Auteur affûre que ce fujet
n'avoit pas encore été bien traité. Lallouette
, Duchefne , & Jovet y avoient
travaillé avant Dom D. P. Le premier y
a fait entrer les trois quarts de fon Traité
des Nobles , imprimé à Paris en 1577.
Le fecond en a fait un Traité exprès imprimé
auffi à Paris en 1631. conjointement
avec l'Hiftoire Génealogique des
Maifons d'Ardres , de Guifnes , & de
Gand , en un vol. in fol . Enfin le dernier
s'eft mis fur les rangs en 1682 , & fon
Hiftoire qui fut imprimée à Laon en un
petit volume in 16 , n'eft qu'un Abregé
fort fuccint des deux premiers Ecrivains.
Dom du Pleffis vient à la fuite de ces
trois Auteurs. Il a divifé fon Ouvrage en
trois Parties. La premiere eft le corps même
de l'Hiftoire , qui n'eft diftinguée , ni
par Livres , ni par Chapitres , à caufe de
fon peu d'étendue. Il s'eft contenté de
marquer les années en marge , & il a
ajoûté
1562 MERCURE DE FRANCE.
ajouté au haut de la page les noms des
Seigneurs de Coucy qui ont rapport à ces
années.
Dans la feconde Partie qui comprend des
Differtations ou des Notes étendues fur divers
endroits de l'Hiftoire même , qui demandoient
quelque difcuffion , mais qui
auroient peut- être déplû à une partie des
Lecteurs,fi on en avoit chargé le Texte ,
on y trouve quantité d'Obſervations cu
rieufes fur divers points de Géographie , de
Chronologie , d'Antiquitez , de Genealogies
même des Familles Etrangeres . Du
chefne, Lallouette , & Jovet y font corrigez
en quantité d'endroits , & l'Auteur a
pouffé la Critique fur un affez grand nom
bre d'autres Auteurs.
La troifiéme Partie eft un Recueil d'Actes
& de Piéces authentiques tirées de diverfes
Archives. Je vais , Monfieur , entrer
dans le détail de ces trois Parties .
Coucy en Latin , Codiciacus , ou Codieiacum
, & par contraction , Cociacus
ou Cociacum , eft un nom commun à une
Ville , & à un Village , diſtants l'an de
l'autre d'un quart de lieuë , dans le Diocèfe
de Laon , fur les Frontieres de celui de
Soiffons , & à trois petites lieuës de celui
de Noyon. L'un & l'autre eft en Picasdie
& faifoit autrefois partie de ce qu'on appelloit
la Comté de Vermandois , quoiqu'ils
JUILLET. 1728. 1563.
qu'ils foient aujourd'hui renfermez dans
le Gouvernement General de l'Ile de
France . Le Village, qui paroît être plus ancien
que la Ville , porte le nom de Coucy
- la -Ville ; & la Ville , celui de Coucy
fimplement , ou de Coucy le Château .
L'Auteur fait la defcription de cette Ville,
dont la fituation paroît des plus agréables
. C'eſt au Château de Coucy qu'eft
bâtie cette fameufe Tour , qui n'a point,
dit-on , d'égale , ni pour fa hauteur , qui
eft de cent foixante & douze pieds , ni
pour fa circonference , qui en a trois cent
cinq. Cette Tour eft fans communication
avec le Château , & on n'y entroit
que par un Pont - Levis . Pour la garantir
contre toute attaque , on avoit élevé tout
autour une forte muraille de dix - huit
pieds d'épaiffeur , & de pierre dure . C'eft
ce qu'on appelloit la Chemise dela Tours
mais le Cardinal Mazarin la fit fauter
après le Siege de l'an 1652. Tous les Ingénieurs,
ajoûte Dom du P. conviennent
qu'avant l'ufagé de la Poudre cette Tour
étoit abfolument imprenable . On tire des
Fauxbourgs de cette Ville les meilleurs
Artichaux , & les meilleures Afperges qui
mangent fe peut- être en France.
La Terre de Coucy eft connue dès le Re
gne de Clovis I. Après le Baptême de ce
Prince , c'est-à- dire , dès le commencement
1564 MERCURE DE FRANCE
>
ment du fixiéme Siècle , les habitans de
Coucy chargez de taxes & de fubfides
eurent récours à S. Remi , & le prierent
de demander au Roi , pour lui & pour
fon Eglife , le tranfport de tous les droits
qu'ils étoient obligez de payer au Domaine.
Ils efperoient par ce moyen de
voir diminuer leurs , contributions , ce
que l'Evêque obtint du Roi , avec le con .
fentement des Principaux Seigneurs de la
Nation. Ainsi , voilà l'Eglife de Reims
en poffeffion de la Terre de Coucy . Au
commencement du dixiéme fiécle, Hervé,
Archevêque de Reims , fit bâtir une Fortereffe
à Coucy. Cette fortereffe fut conftruite
fur une Montagne voifine , au midi
du Village , & elle paroît avoir donné
naiffance à la Ville.
Après la mort de Séulfe , Succeffeur
d'Hervé , qui arriva en 925. Herbert II .
Comte de Vermandois , obtint du Roi
Raoul , & du Pape Jean X. l'Archevêché
de Reims pour un de fes fils , nommé
Hugues , âgé feulement de cinq ans ; &
comme le bas- âge de ce Prince ne lui
permettoit pas de prendre foin par luimême
du fpirituel & du temporel de fon
Eglife , le Comte fon pere , eut l'adminiſtration
de tous fes revenus , & le Château
de Coucy tomba ainfi entre fes
mains l'an 930. Elle appartenoit encore
au
JUILLET. 1728. 1565
au Comte Herbert qui en donna la garde
à un nommé Anfeau , vaffal de Bofon
frere du Roi Raoul , en récompenſe du
Château de Vitry en Pertois , que cer
Anfeau avoit remis entre les mains .
Quelque- tems après , c'est-à- dire
en 943. Herbert étant mort , & le Roi
Louis d'Outremer ayant emmené à Laon
le jeune Richard , Duc de Normandie ,
Olmond , Gouverneur de ce Prince
trouva moyen de le tirer de cette priſon ,
en le cachant dans une botte de foin , &
l'emporta jufqu'au Château de Coucy ,
qui venoit de paffer en la puiffance de
Bernard, Comte de Senlis , Oncle Maternel
du jeune prifonnier , & Coufin iffu
de germain de l'Archevêque Hugues .
Ainfi l'Eglife de Reims fe voyoit infenfiblement
dépouiller de cette partie de fon
Domaine ; & quelques efforts qu'elle ait
fait depuis pour y rentrer , elle s'eft vuë
à la fin contrainte de fuccomber , & de
renoncer à un bien qu'elle avoit poffedé
jufques-là à fi jufte titre.
On ne fçait point fi Bernard fut maître
de Coucy jufqu'à la mort : quoiqu'il en
foit , Hugues le Grand , Comte de Paris ,
& Thibaud , Comte de Tours & de Chartres,
y partagerent enſemble leur autorité ;
mais Louis d'Outremer ayant affiegé
Reims , & s'en étant rendu le maître en
D 949 .
1566 MERCURE DE FRANCE.
949. Il contraignit Hugues & Thibaud
de remettre le Château de Coucy entre
les mains d'Artaud , pour lors Archevêque
de Reims . Ainfi , Monfieur , voilà
P'Eglife de Reims rentrée en poffeffion
d'un bien qui lui avoit été ufurpé . Cette
poffeffion ne fut pas long - tems tranquille ,
car Thibaud la reprit l'année fuivante.
Huit ans après , c'eft à dire , vers l'an
958 , certains vaffaux de l'Archevêque
Artaud entrerent par furprife dans la Ville
de Coucy , mais elle retomba encore entre
les mains de Thibaud , fans qu'on
fçache de quelle maniere il en vint à bout .
L'obftination de ce Prince à vouloir fe
maintenir dans un bien qui ne lui appartenoit
pas , anima contre lui le zele d'Odolric,
Archevêque de Reims , Succeffeur
d'Artaud. Thibaud fut excommunié en
964 , & la crainte des foudres de l'Eglife
, dir l'Hiftorien , lui fit faire l'année
fuivante ce que toute la puiffance des
hommes n'avoit point encore pû gagner
fur lui. Il rendit à l'Archevêque la Ville
& le Château de Coucy . Mais l'Archevêque
le rendit à Eudes fon fils ; ainfi le
Domaine de Coucy fut perdu pour l'Eglife
de Reims , à qui il ne refta plus pour
les fiécles à venir que le fouvenir de fon
ancienne poffeffion , & un fimple furcens
de foixante fols par an qu'elle fe réíerva.
JUILLET. 1728. 1567
Eudes , fils du Comte Thibaud , ne
laiffa pas à fes Defcendans la Seigneurie
de Coucy . Divers Chevaliers l'ont tenuë
après lui , jufques fur la fin du Regne de
Henry I. mais on ne fçait pas de quelle
Maiſon ils étoient , & leurs noms ne font
pas même venus jufqu'à notre connoiffance.
On trouve un Alberic, Seigneur de
Coucy , en 1059 , & cet Alberic eft la
tige de la premiere race des Seigneurs de
cette Ville , fur lesquelles Dom du P. fait
rouler principalement la fuite de fon Hiſtoire.
Alberic eft connu par une Charte
de l'an 1059 , par laquelle il paroît que
fon deffein étoit de fonder un Monaftere
à Nogent, au bas de la Montagne de Coucy
, ce qui s'executa dans la fuite ; car
le Monaftere qui porte aujourd'hui le
nom d'Abbaye de N. D. de Nogent fous
Coucy , fut bâti à un quart de lieuë , &
au midi de la Ville , fur la rive droite de
la petite riviere d'Ailette , & dans un
fond , où l'on découvrit une quantité
prodigieufe de cercueils remplis d'offemens
, & difpofez de maniere , qu'un de
ces cercueils faifoit le centre de plufieurs
autres qui fe trouvoient rangez autour
en forme de cercle , fans que l'on pût
diftinguer à aucune marque certaine , fi
c'étoit un Cimetiere de Chrétiens ou de
Payens .
Dij Albe1568
MERCURE DE FRANCE .
Alberic paroît avoir eu un fils , nommé
com ne lui Alberic , & qui lui fucceda ;
cependant notre Auteur , n'en trouvant
point de marque certaine , le trouve
obligé de paffer legerement fur cet article
, & d'établit Enguerrand pour Succeffeur
d'Alberic , dont il paroît avoir été
petit- fils . Son pere s'appelloit Dreux de
Boves ou de Coucy. Les Hiftoriens lui
donnent également ces deux noms . Dreux
eut de fa femme , dont on ignore le
nom , quatre enfans. Enguerran 1, Robert,
Anfeau & Mathilde . Enguerrand fut l'aîné
de tous . Sa memoire eft devenue célebre
dans l'Hiftoire. Enguerrand prit
alliance dans la Maifon de Roucy , avec
Ade , fille de Letard de Roucy , heritiere
de Marle , ce qui éleva fa Maifon jufqu'à
l'honneur de toucher de fort près à celle
de Baudouin du Bourg , Roi de Jerufalem
. Il eut de ce Mariage un fils , nommé
Thomas , & qui lui fucceda après fa
mort , qui arriva vers l'an 1116. Il paroit
être le premier de fa Maifon qui ait
pris dans fes titres celui de Seigneur de
Coucy, par la grace de Dieu , en quoi fes
Succeffeurs l'ont quelquefois imité . Il
mourut vers l'an 1 1 30. Il laiffa de ſa
premiere
femme , dont on ne nous apprend
point le nom , trois enfans , deux fils &
ane fille les deux fils furent Enguerrand
JUILLET. 1728. 1569
rand II. nommé communément Enguerrand
de la Fere , Seigneur de Coucy ,
de Marle , & c . & Robert , Seigneur de
Boves . La fille nommée Melifende , époufa
Hugues , Seigneur de Gournay , au
Païs de Caux .
Enguerrand II. fe maria avec Agnès ou
Ade , fille de Raoul de Beaugency , propre
niéce de Raoul , Comte de Vermandois
, & fille de Mahaud , coufine germaine
du Roi ; enforte que par ce Mariage
la Maifon de Coucy devint alliée
à la Maifon Royale. Enguerrand ne laiffa
que deux fils , Raoul I. & Enguerrand.
Raoul fucceda à fon pere. Il époufa en
premiere nôces Agnès , feconde fille de
Baudouin le Batiffeur , Comte de Hainaut
, dont il eut trois filles. Yoland , qui
époufa en 1184. Robert II . Comte de
Dreux , petit-fils du Roi Louis le Gros
qui eft enterrée dans l'Abbaye de Braine ,
auprès de fon mari. Ifabeau , femine premierement
de Raoul, Comte de Rocy , fecondement
de Henry , Comte de Grand-
Pré, & Ade , femme de Thierry , Seigneur
de Beures en Flandres .
Raoul prit une feconde femme nommée
Alix , propre foeur du Comte de
Dreux fon Gendre ; & par cette nouvelle
alliance , il eut l'honneur de devenir gendre
lui -même d'un Fils de France , & cou-
D iij
fin
1570 MERCURE DE FRANCE.
fin germain par fa femme du Roi Philippe
Augufte. Les enfans qu'il eut de ce
fecond Lit , furent Enguerrand III . Thọ-
mas , Raoul , Robert , & Agnès.
Avant que de partir pour la Terre-
Sainte il partagea les Terres entre fes enfans
du fecond lit , ou plutôt il inſtitua
fon principal heritier Enguerrand III.
Celui ci merita le furnom de Grand , qui
lui fut donné , foit par les grandes alliances
qu'il fit , foit par le grand rôle qu'il
> joua fur le Théatre du monde , foit enfin
par les grandes qualitez qui brilloient en
fui , quoi qu'un peu obfcurcies quelquefois
par de grands défauts. Un de fes principaux
foins fut de faire obſerver la juſtice
dans toutes les Terres de fon Domaine.
Coucy faifoit anciennement partie de la
Comté de Vermandois , & fe gouvernoit
felon les Loix & les Coûtumes de ce
Pays.
Enguerrand qui affecta l'indépendance
plus qu'aucun Seigneur de fon tems , &.
qui s'étoit fait une petite Souveraineté
fit quelques changemens à ces ufages , ou
revêtit de fon autorité ceux qui s'étoient
introduits infenfiblement fous fes Prédeceffeurs.
C'eft ce qu'on appelle aujourd'hui
la Coûtume de Coucy , qui depuis
Enguerrand a tenu lieu de Loi dans la
Ville & dans une partie de fon reffort , &
qui
JUILLET. 1728. 1571
qui a enfin été autorifée par le Roi , depuis
la réduction qui en fut faite fous fes ordres
en 1556. Enguerrand fut marié avec
Euftache , foeur & heritiere de Raoul
& de Jean I. Comtes de Roucy. Il prit en
vertu de cette alliance letitre de Comte
de Roucy . Euſtache & Enguerrand fe
féparerent ; celui - ci époufa en fecondes
nôces Mahaud , fille de Henry Duc de
Saxe , foeur de l'Empereur Othon IV.
petite-fille de Henry II . Roi d'Angleterre
, & d'Eléonor de Guienne , Reine
de France , niéce de Richard 1. auffi Roi
d'Angleterre , & veuve de Géofroi III .
Comte de Perche .
Cette alliance bien plus illuftre que la
précédente , ne contribua pas peu à rehauffer
l'éclat de fa maifon. Il prit auffitôt
le nom de Comte du Perche , dont fa
femme confervoit le titre ; mais elle mourut
vers l'an 1210. fans pofterité. Versce
même tems la Croifade contre les Albigeois
fe publioit par toute la France , &
une infinité de Seigneurs prenoient les
armes pour foûtenir la querelle de l'Eglife
contre lesHérétiques . Enguerrand fe croi .
fa en 1209. & alla joindre l'année fuivante
l'armée du Comte de Montfort ,
qui avec ce fecours fe rendit maître de la
Fortereffe de Cabaret.
Une ancienne Chronique remarque
D iiij qu'en
1572 MERCURE DE FRANCE .
qu'en cette occafion Dieu vengea Enguerrand
de ceux qui l'avoient trahi.
Le merite & la profperité ne font prefque
jamais à couvert de l'envie. Enguerrang
étoit dans le cas , & il n'eft pas furprenant
qu'il ait eu des ennemis . Peutêtre
que ceux- cy l'engagerent à la Croifade
, dans le deffein de lui tendre des embuches,
& de l'y faire périr.Peut-être auffi
ne penferent- ils à fe défaire de lui qu'après
qu'il eut joint l'armée du Comte de
Montfort. Quoiqu'il en foit l'Auteur de
la Chronique femble infinuer qu'Enguer
rand fur affez heureux pour éviter le dan⚫
ger , & que ceux qui avoient conjuré fa
perte eurent au moins la honte de n'avoir
pû y réüffir . On voyoit encore il y a quelques
années à Coucy une grande Pierre
taillée en relief, qui pourroit bien, au fentiment
du nouvel Hiftorien , avoir été un
fymbole de cette confpiration , pour apprendre
aux fiécles futurs , que la rage &
les efforts des ennemis d'Enguerrand ne
purent rien contre lui . Cette pierre qui
fervoit comme de Fronton à la porte par
où l'on entroit dans la groffe Tour, reprefentoit
un Lion , ou un animal à peu près
femblable , qui fe jette fur un jeune Sei
gneur , prêt à le mettre en pieces , pen
dant que celui - ci le tient tellement à couvert
de fon épée & de fon Bouclier , que
cet
JUILLET. 1728. 1573
cet animal furieux -ne trouve aucune priſe
fur lui. On a interpreté ce combat d'une
autre maniere; mais notre Auteur a expliqué
dans fes Notes les raifons qui l'empêchent
de fe rendre à l'interprétation commune.
Pour éviter icy une longue digreffion
, je me réſerve à vous parler de cette
pierre à la fin de ma Lettre , & dans l'or .
dre obfervé par le Pere du Pleffis ; c'eft - àdire
, en vous parlant de fes Notes fur
l'Hiftoire de Coucy .
Enguerrand ne fut pas plutôt de retour
de la Guerre contre les Albigeois , que le
Roy voulut lui-même lui donner une
troifiéme femme. Il jetta les yeux fur
Jeanne, fille aînée de Baudouin fon beaufrere
, Comte de Flandres & Empereur de
Conftantinople ; mais ce projet n'eut
point de fuite. Enguerrand époufa Marie ,
fille de Jean , Seigneur de Montmirel en
Brie.Il en eut plufieurs enfans . Quelquesuns
moururent fort jeunes , & furent enterrez
dans l'Abbaye de Prémontré.Raoul
II. & Enguerrand IV.lui fuccederen : l'un
après l'autre . Raoul II . fils aîné d'Enguerrand
III.& Seigneur de Coucy après
fon pere , ne tient fa place dans l'Hiftoire
, que par la feule action qui termina
glorieufement fa vie , lorfque S. Louis
fit le voyage d'Outre - mer. Raoul fe croifa
avec lui , & fe trouva l'an 1250. à la
D v bataille
1574 MERCURE DE FRANCE .
bataille de la Maffoure où il fut tué l
avoit épousé Philippote, troifiéme fille de
Simon de Dammartin , Comte de Ponthieu,
& de Montreuil , & veuve de Raoul
d'iffoudun II. Comte d'Eu , & en avoit
eu un fils nommé Enguerrand , qui mourut
jeune avant fon pere ; enforte que la
fucceffion de Coucy paffa à Enguerrand
IV. fon frere puilné.
Enguerrand IV.fut marié avec Marguerite
, fille d'Othon III.Comte de Gueldres
& de Marguerite de Cléves, dont il n'eut
point d'enfans. Après la mort de cette
premiere femme , il fe remaria en 1288.
avec Jeanne, fille aînée de Robert de Bethune
, Comte de Flandres , & d'Yoland
de Bourgogne , Comtelle de Nevers ; mais
il n'eut point non plus d'enfans de cellecy
, & tous les biens pafferent à fes neveux.
Il mourut le 20 Mars 13 i 1. &
fut enterré à Long Pont , auprès de Marie
de Montmirel fa mere.
Enguerrand IV. ne laiffant point d'enfans
, tous fes biens devoient paffer à Marie
de Coucy , l'aînée de fes foeurs , ou à
ceux qui la reprefentoient . Cette Dame
avoit époufé en premieres nôces en 1239 .
Alexandre II. Roy d'Ecoffe , & en fecondes
Jean d'Acre,grand Bouteiller de France;
il n'y eut point d'enfans du ſecond lit,
& elle n'eut du premier qu'AlexandreIII.
Roy
JUILLET. 1728. 1575
Roy d'Ecoffe. Celui - cy époufa premierement
Marguerite ,fille de Henry III . Roy
d'Angleterre ; fecondement , Yoland de
Dreux , de laquelle il n'eut point d'enfans.
Sa premiere femme lui en donna trois ,
Alexandre & David , Princes d'Ecoffe
morts fans pofterité , & Marguerite femme
de Haganon , fils de Magnus III . Roy
de Norvegue , laquelle ne mit au monde
qu'une fille , qui mourut jeune ; enforte
que toute la fucceffion de Coucy regarda
Alix , derniere fille d'Anguerrand III .
·
Celle cy avoit époufé Arnoult III .
Comte de Guifnes , & en avoit eu quatre
enfans . Beatrix qui mourut Abbeffe de
Blandek en 1287. Baudouin qui ne laiffa
que des filles . Enguerrand qui continua la
pofterité mafculine de la Maiſon , & qui
fût le chef de la feconde race , ou de la
feconde famille de Coucy. Je paffe fous
filence , Monfieur , Jean , quatrième fils
d'Alix , comme n'étant point de mon
fujet.
Enguerrand , fils d'Arnoult III . herita
donc par fa mere du Domaine de Coucy ,
& c'eft de lui fous le nom d'Enguerrand
V. dont je vais parler Il fut marié avec
une de fes parentes nommée Chrétienne
de Bailleuil , niéce de Jean de Bailleuil ,
qui fucceda depuis au même Alexandre
III. au Royaume d'Ecoffe . Leurs nôces
Dvj furent
1576 MERCURE DE FRANCE .
furent célébrées en Ecoffe avant l'an 1285,
& ils repafferent depuis en France , où EnguerrandV.
eut pour fon partage à la mort
d'Enguerrand IV.les Seigneuries de Coucy
, de Marle , & c. Enguerrand V. retint
toute fa vie le nom & les armes de Guifnes
; mais fa pofterité reprit celui de Coucy
qu'elle a gardé jufqu'à la derniere héritiere
de cette Maiſon . Il eut cinq enfans
de Chrétienne de Bailleuil fa femme.
Baudouin & un autre , dont on ne sçait
pas le nom , moururent jeunes . Guillaume ,
Seigneur de Coucy , continua la ligne aînée
; Enguerrand , Seigneur de Condé en
Brie , devint Vicomte de Meaux , & c.Enfin
Robert fut Chantre de l'Eglife de
Cambray .
Guillaume époufa dès l'an 131 1. Ifa
beau , fille de Guy III. de Châtillon ,
Comte de S. Paul , Grand- Bouteiller de
France , & , en faveur de ce mariage, Enguerrand
fon pere le mit en poffeffion de
la Baronnie de Coucy dont il prit le ti
tre , du vivant même de fon pere. Guillaume
laiffa fix enfans qui partagerent
la fucceffion . Enguerrand VI. Seigneur
de Coucy , Jean , Raoul , Aubert, Marie
& Ifabeau . Enguerrand VI . eut après la
mort de fon pere les Seigneuries de Cou
cy , Marle , &c. Le Roy Philippe de Valois
le maria en 1338. avec Catherine
d'Autri
JUILLET. 1728. 1577
d'Autriche , fille de Léopold , & de Catherine
de Savoye. Il mourut vers l'an
1347. & ne laiffa qu'un fils nommé Enguerrand
VII . fon feul & unique heritier,
fous la tutelle de fa mere .
Celui- cy eft le dernier Seigneur de fa
Maiſon qui ait poffedé la Terre de Coucy
; c'eft à lui proprement que fe termine
l'hiftoire des Seigneurs de cette Ville.
Enguerrand épouſa Iſabelle , feconde fille
d'Edouard III . Roy d'Angleterre . Ce der
nier eut de grands démêlez avec le Roy
de France ; & comme Enguerrand étoit
fujet , allié & vaffal de ce Prince , il regardoit
comme un crime de porter les
armes contre lui Gendre & vaffal d'un
autre côté du Roy d'Angleterre , il lui paroiffoit
indigne de fon Sang de fe déclarer
contre lui ; il jugea donc plus à propos de
demeurer neutre ; mais comme il fe preſentoit
ailleurs de la gloire à acquerir , il
prit congé du Roy & porta fes armes du
côté de l'Italie , dans une Croiſade que
firent Urbain V. & Gregoire XI . contre
les Visconti.
Enguerrand fut d'un grand fecours à
ces deux Papes. Il revint enfuite en France
, où il trouva le Roy , qui avoit encore
de forts démêlez avec l'Angleterre . Enguerrand
embraffa alors le parti du Roy
de France, à qui il jura une entiere fidelité.
1578 MERCURE DE FRANCE.
lité. Les preuves qu'il lui en donna , dit
notre Hiftorien , ne furent point équivoques.
Il renvoia en Angleterre la Princeffe
ifabeau fa femme , & ne garda auprès de
lui que Marie , ſa fille aînée.
Le Roi de Navarre ne donnant pas
moins d'inquiétude à la France , que les
Anglois , Charles V. envoya Enguerrand.
en 1378. avec le fieur de la Riviere , en
Normandie , pour réduire toutes les Pla
ces de cette Province qui obëïffoient aux
Navarrois. Enguerrand affiegea d'abord
la Ville de Bayeux , qui fe rendit. Il s'empara
enfuite de Carentan , de Molineaux ,
de Conches , de Paffy , & generalement
de toutes les Places qu'il attaqua. Evreux
& Cherbourg tenoient encore , & il n'étoit
pas ailé d'en venir à bout .Enguerrand
ferra néanmoins la premiere de fi près ,
qu'elle ouvrit enfin fes Portes , & elle fut
reçûë à compofition . Cette Campagne fut
très glorieule pour le Seigneur de Coucy .
Ce fut , felon toutes les apparences , peu
de temps après fon retour qu'il inftitua un
Ordre de Chevalerie , nommé de la Couronne,
dont il eft fait mention dans l'Acte
de la fondation des Celeftins de Soiffons .
Le premier Sceau d'Enguerrand où l'on
trouve des Couronnes , par rapport à cet
Ordre , eft de l'an 1379. Il y avoit des
Dames & Demoiselles de l'Ordre. Enguerrand
JUILLET. 1728. 1579
guerrand prit une feconde alliance avec
Ifabeau , fille de Jean I. Duc de Lorraine
& de Sophie de Wirtemberg. Il eut de ce
mariage une fille unique nommée Iſabeau,
comme la mere , qui époufa à Soiffons
en 1409. Philippe Comte de Nevers ,
fils puifné de Philippe le Hardy , Duc
de Bourgogne. Enfin Enguerrand ayant
pris les armes en 1396. pour aller combattre
contre les Turcs , il fut fait priſonnier
à la bataille de Nicopoli , & il mourut
l'année fuivante. Avant que de mourir
il avoit ordonné par fon teftament que
fon corps feroit apporté en France pour
être inhumé dans le Monaftere des Celeftins
, qu'il avoit fondé en 1390. près de
Soiffons , cependant on n'y tranfporta que
fon coeur.
La Comteffe de Soiffons, fa femme, contracta
une feconde alliance avec Etienne
de Baviere , pere de la Reine Ifabeau ,
époufe de Charles VI . Marie , l'ainée des
filles d'Enguerrand avoit époufé en 1383.
Henry de Bar , fils ainé de Robert Duc de
Bar , & de Marie , foeur du Roi Charles V.
Elle ſe porta d'abord pour heritiere de
tous les biens d'Enguerrand & s'en mit
en poffeffion. Mais lfabeau fa cadette demanda
partage & lui intenta un procès.
Louis Duc d'Orleans ne négligea rien
pour l'engager à lui vendre la Baronie de
Coucy.
1580 MERCURE DE FRANCE ,
Coucy. Marie s'en deffendit long - temps
mais à force de pourfuites le Duc obtin
ce qu'il demandoit. La Baronie de Couc
lui fut vendue en partie pour le prix d
quatre cens mille livres , par contract paí
fé le 15 Novembre 1400. fomme alor
très- confiderable. Le procès qu'Ifabeat
avoit intenté à ſa foeur duroit toûjours
& il fut continué de la part du Duc &
par Robert de Bar , fils de Marie de Cou--
cy. L'Arrêt qui intervint fur ce fujet eff
du 11. Août 1408. Il adjugea à Ifabeau
la moitié de Coucy . Cette moitié ne confiftoit
qu'en deux cens mille livres qui
reftoient à payer de la vente , & que le
Duc d'Orleans , qui demeura feul & unit
que poffeffeur de ce Domaine , fut condamné
à remettre , non entre les mains
de Robert de Bar , mais en celles d'Ifabeau.
Cependant Ifabeau mourut trois ans
après & ne laiffa qu'une fille , nommée
Marguerite de Nevers , laquelle mourut
fix mois après la mere ; enforte que la
fucceffion d'Enguerrand , c'eſt - à- dire , la
portion que le Duc d'Orleans n'avoit
point achetée , revint toute entiere à Robert
de Bar.
Elle paffa de lui dans la Maiſon de Luxembourg
& enfuite dans celle de Bour
bon , & fut enfin réunie au Domaine de
la Couronne korfque Henry IV. monta
fur
JUILLET. 1728. 1581
fur le Trône. AinG tous les biens de la
Maiſon de Coucy retournerent au Roy
à deux diverfes reprifes , premierement
lorfque le Duc d'Orleans fucceda à Charles
VIII. fous le nom de Louis XII. (econdement
, lorfque Henry IV. fucceda
à Henry III . Depuis cette époque la terre
de Coucy n'a plus été démembrée de la
Couronne , elle a feulement fait quelquefois
partie des apanages de nos Princes.
C'eft fous ce titre qu'elle a appartenu autrefois
à Claude de France , fille de Loüis
XII. Enfuite à François de Valois , fils de
Charles , Batard de Charles IX. Enfin à
Philippe de France , Duc d'Orleans , frere
unique de Louis XIV . dont le petit- fils
Louis d'Orleans I. du nom Duc d'Orleans
, Premier Prince du Sang , eft aujourd'hui
en poffeffion .
Voilà , Monfieur , ce que j'ai crû devoir
vous dire de l'Hiftoire de Coucy. Il me
refte à vous rendre compte des Notes &
des Pieces juftificatives qui l'accompagnent
, lefquelles ont leur curiofité. Ce
qui fera la matiere d'une feconde Lettre
qui fuivra de près celle - cy. Je fuis ,
Monfieur , &c.
麵
ELEGIE .
1582 MERCURE DE FRANCE .
រ
ELEGI E.
Qus , chez qui l'interêt & l'orgueil tourà-
tour ,
Pour féduire les coeurs , prennent le nom d'amour
,
Fuyez ; affez long - temps votre indigne artifice
A furpris de mes voeux le tendre facrifice ;
Ne venez plus offrir vos coupables Beautez.
A vos yeux contre vous juſtement révoltez .
Un objet plus aimable & plus digne d'eſtime ,
S'attire de mon coeur l'hommage légitime,
Et ce choix glorieux qu'approuve ma raiſon .
Me venge hautement de votre trahifon .
A toute heure , en tous lieux , prefente à ma
memoire ,
Eriphile , fur vous remporte la victoire ,
Eriphile , des Dieux l'ouvrage le plus beau ,
Et que je veux aimer au - delà du tombeau ;
Si j'ai pû foupirer pour d'autres que pour elle ,
De mes égaremens fa vertu me rappelle;
Tel
JUILLET. 1728. 1583.
Tel on vit autrefois pour la Nymphe Eucharis
, (4 )
D'une imprudente ardeur le fils d'Ulyffe épris;
Mais Mentor , ou plutôt la Sageffe elle- même ,
Sçut enfin le fouftraire à fon erreur extrême.
par d'autres yeux le bleffa de fes L'Amour
Traits.
Brillant par fes vertus plus que par fes attraits,
Antiope ( 6) lui plut , fans prétendre lui plaire.
Douceur , bonté , fageffe , efprit , art de ſe
taire ,
Modeftie , enjoûment , prudence , activité ,
Tout en elle augmentoit l'éclat de ſa beauté.
Vous êtes à tel point femblables l'une
l'autre ,
Qu'en traçant fon portrait , j'ai fait auffi le
vôtre ,
Jeune Eriphile. Au moins , fi par un fort plus
doux ,
Vous trouviez tout en moi , comme moi toat
en vous !
(a) (b) Voyez les Avantures de Telemaque ,
fils d'Uliffe , par M. l'Archevêque Duc de Cambray
, 1.7 Tom. 1. & Liv 22. 23. Tom. 1. de
l'Edition de 1720. à Paris , chez Jacques
Etienne.
Mais
1584 MERCURE DE FRANCE
Mais que dis - je ? Pourquoi fouhaiter l'impoffible
?
Pour tout mérite , helas ! je n'ai qu'un coeur
fenfible.
Heureux , cent fois heureux , s'il peut vous
contenter !
De ce charmant efpoir laiffez- moi me flater.
Que doit- on en amour chercher , que l'Amour
même ?
Et qui peut vous aimer autant que je vous
aime ?
Non , Je ne puis comprendre , encor moins
exprimer ,
Le beau feu dont pour vous je me fens confumer.
Quand verrai- je pour prix de ma perfeve
rance ,
Le don de votre main combler mon eſperance?
L'Hymen , pour éclairer ce fortuné lien
Au Flambeau de l'Amour allumera le fien .
Dans les Jeux , dans les ris , au gré de notre
envie ,
Nous coulerons enfemble une innocente vie ;
Nous nous entretiendrons , l'un de l'autre enchantez
,
De ces riens amoureux mille fois repetez.
Quel plaifir de vous voir tendrement me foùrire
! .... Daignez
JUILLET. 1728. 1585
Daignez preffer l'Hymen où tout mon coeur
alpire :
Si le ſuccès répood à mes voeux les plus doux,
Je vais de mon bonheur rendre les Dieux
jaloux.
Par M. Cocquard , Avocat au Parlement
de Dijon.
***** : **** : ******
PENSE'E fur le Paradoxe Géométrique ,
inferé dans le premier volume du Mercure
de ce mois , page 1 122 .
I l'on prend la moitié de C. B. A.
Schon prendela de
une progreffion , on aura la
moitié de la fomme de la progreffion
, foit que le nombre
des termes en foit fini ou infini
.
-
-
I
I
I
I
I
5
Si deux progreffions A & B
ont autant de termes l'une que 4
l'autre , & que chaque terme I
de la progreffion A foit plus
grand que le terme correfpondant
de la progeffion B ; c'eft
à -dire,que le premier terme de
la progreffion A , foit plus 7
L
× 12 - ] + ~ [ 6-12-12 -12
I
J --
10 9
I I
6 12 11
I
14 15
grand
1586 MERCURE DE FRANCE .
-
grand que le premier de la
progreffion B , le fecond plus
grand que le fecond , &c. la 1
fomme de la progreffion A fera 9
plus grande que la fomme de
la progreffion B.
-
I
ΤΟ
-
16
I
19
II 22 21
I
12
Suppofons deux progreffions L
A & B dont tous les termes
foient des fractions qui ayent 24 23
pour numerateur l'unité . Dans
la progreffion A , les dénominateurs
font les nombres impairs , pris
de fuite , ainfi le premier terme fera I
divifé par I , le fecond ſera , le 3º terme
, & c. & dans la progreffion B , les
dénominateurs feront les nombres pairs
pris de fuite. Ainfi le premier terme ſera
2, le fecond , le troifiéme ž , & c .
Si les deux progreffions ont un même
nombre de termes , foit finis , foit infinis
, la fomme de la progreffion A , fera
plus grande que la fomme de la progreſ-
Lion B.
Dimonftration.
Le premier terme de la progreffion A,
eft plus grand que le premier terme de la
progreffion B , le fecond plus grand que
le fecond , &c. donc la fomme de la
progreffion A , plus grande que la ſomme
de la progreffion B,
JUILLET. 1728. 1587
Suppofons une progreffion C , compofée
de fractions , qui ayent toutes pour
numerateur l'unité , & pour dénominateurs
les nombres naturels , pris de fuitę
1 , 2 , 3 , 4 , 5 , &c. Ainfi les termes
feront :
Si l'on prend une progreffion B , compofée
de fractions qui ayent toutes pour
numérateurs l'unité , & pour dénominateurs
les nombres pairs , pris de fuite 2 ,
4, 6 , 8 , &c. enforte que les termes
foient ,,,, & c .
Si les deux progreffions ont autant de
termes l'une que l'autre , la fomme de la
feconde fera la moitié de la fomme de la
premiere .
Démonftration.
Le premier terme de la feconde progreffion
, eft la moitié du premier terme
de la premiere progreffion ; le fecond la
moitié du ſecond , &c . Donc la fomme
de la feconde progreffion , moitié de la
fomme de la premiere progreffion .
Remarquez bien que pour la verité de
la propoſition , la feconde progreffion
B , doit avoir autant de termes que la
premiere C ; & par confequent que dans
la premiere progreffion C , le nombre des
termes qui ont des nombres pairs pour
dénominateurs
, n'eft que la moitié du
nombre
1588 MERCURE DÉ FRANCE.
nombre des termes qui compofe la feconde
B , puifqu'il n'eft que la moitié du
nombre des termes qui compofent la premiere
C, s'y trouvant autant de fractions
qui ont un dénominateur impair qu'il s'y
en trouve qui ont un dénominateur pair.
Ainfi fi la premiere progrellion C fe
partage en deux progreffions A & B , dont
A renferme les dénominateurs impairs ,&
B , les dénominateurs pairs ; les fommes
de ces deux progreffions A , B , ne feront
pas égales , mais la fomme de A fera
plus grande.
*
LETTRE de M. de Fontenelle , Secretaire
Perpetuel de l'Académie Royale
des Sciences , an P. Caftel , Jefuite ,
fur le Paradoxe Geometrique , inferé
dans le Mercure de Juin . 1. vol. Ecrite
de Paris le 11. Juillet 1728 .
MoxON REVEREND PERE ,
Je lûs hier dans le Mercure de Juin
votre Paradoxe , qui effectivement en eft
un des meilleurs , & comme vous dites
qu'il faut être Géometre infinitaire pour
le réfoudre , je crûs que j'y pourrois
mordre , parce que les idées de l'infini ,
dont
1
JUILLET. 1728. 1589
dont j'ai prétendu me foulager par l'im
preffion de mon Livre , me font pourtant
encore affez familieres.Et , en effet, je trouvai
dans le moment la folution que voicy,
qui me paroît , à priori , comme vous le
fouhaitez .
J'ay dit dans les Elemens de la Géometrie
de l'Infini , page 24. que a étant
le premier terme d'une Progreffion
Arithmétique , m fa difference , & n le
nombre de fes termes , fa fomme eft
2a + nn [ X 2
2
Si je veux prendre par cette formule
la fomme de la fuite infinie des
Pairs de la fuite naturelle où a≈2 ,
m2, n , & la fomme de la fuite
infinie des impairs , où a1 , & m² & n
les mêmes que dans l'autre , je puis faire
le calcul de deux manieres , toutes deux
légitimes.
1.J'aurai pour les Pairs , 4 + ∞ ×
4. 4
&
pour les impairs , 2x². Les
deux fommes font donc égales , & chacune
eft la moitié de 2 , fomme de la
fuite naturelle infinie .
2
2. Mais je puis dire auffi pour les
pairs, 4x2—120+00 +002 , fans faire
difparoître le premier terme de cette
grandeur complexe , jufqu'à ce que
-
4 4
E je
1590 MERCURE DE FRANCE .
je l'aye comparée à la fomme des impairs
Cette fomme fera 2x + 4
**
Or en ôtant prefentement la fomm
des impairs de celle des pairs , j'aura
40022 , difference de
deux fommes , & difference infinie , mai
qui n'empêche pas leur égalité , parc
qu'elles font d'un ordre fuperieur .
ment ,
En general , toutes les fois qu'on trou
vera d'un côté , que deux grandeurs fon
égales , & de l'autre qu'elles ne le fon
pas , ce qui ne peut venir que de ce qu'or
les aura envifagées ou calculées differem:
il fe trouvera toûjours qu'elles fe
ront infinies d'un certain ordre , & au
ront une difference de l'ordre inferieur
Mes Elemens font pleins de ce Principe ,
& il n'y a qu'à en faire l'application . Vous
êtes le maître de faire de ceci tout ce
qu'il vous plaira je vous laifferois le
même pouvoir fur des chofes beaucoup
plus importantes. Je fuis avec refpect
Mon Reverend Pere , & c,
7
LE
JUILLET. 1728. 1591
********************
LE VERITABLE AMOUR.
E long d'un mur étoient juchez
LE
Deux Pigeons contens & fideles ,
Les yeux l'un fur l'autre att achez
Et n'éployant qu'un peu leurs aîlos.
Un Moineau plein d'activité ,
Ou plutôr plein de pétulance
Traitoit cette tranquillité
D'inquiétude, d'indolence ,
De dégoût , de caducité.
Parle mieux de notre tendreffe ,
Dit la Colombe avec douceur
L'amour est moins pour nous une courte careffe
Qu'un long épanchement du coeur.
kikkakakakakakakakakakaki
DESCRIPTION de la Ligne Meridien.
ne de l'Eglife de S. Sulpice , avec l'explication
de fes ufages . Par M. Sully .
1728.
AVERTISSEMENT.
Ly a plufieurs années que j'ai penſé à
quelque moyen praticable ,& à la portée
de tout le monde , pour connoître avec
E ij juftefe
1592 MERCURE
DE FRANCE .
jufteffe tous les jours de l'année , l'heure
vraie du Soleil , à quoi ſe doivent rapporter
tous les inftrumens dont on fe fert
pour la mefure du temps , & furtout les
Horloges publiques.
C'eſt une chofe auffi incommode que
bizare , que dans une Ville comme Paris ,
l'on foit expofé à une fi grande difcordance
& incertitude fur le vrai temps dujour ,
comme l'on a toujours été jufqu'à prefent.
Il n'a point parû aisé d'y apporter de remede
auffi efficace que Pinconvenient eft
general ; & qui foit tel , que tout le public
en puiffe profiter à la fois..
La frequente vûë de la belle & fpatieuſe
Eglife de S. Sulpice , fituée dans un des
plus beaux quartiers de Patis , me fuggera
un expedient qui me parut d'abord
affez heureux & fuffifant : pour cet effet.
J'imaginai d'y tracer une Meridienne, &
le même jour que cette penfée me vint
dans l'efprit , je la communiquai à M. le
Curé de S. Sulpice , perfuadé qu'elle lui
feroit agréable . La premiere idée d'utilité
publique , ne laiffa pas à une perfonne
qui a tant fait pour elle , le temps d'héfiter.
Dans le même inftant , M de S.Sulpice
goûta ma propofition , en fouhaita
Pexecution , & me fit l'honneur de me
prier d'y donner mes foins. J'acceptai avec
joye cette agréable commiffion , & je
m'en
JUILLET. 1728. 1593
m'en fuis acquitté avec un extrême plaifir
, flatté d'avoir pû contribuer quelque
peu que ce foit à des vüës fi nobles & à
l'embelliffement & à l'éclat d'un ſi magnifique
Edifice .
Je donne icy l'explication & les ufages
de cette Ligne pour la fatisfaction du public
, & pour fervir d'éclairciffement aux
perfonnes curieufes de fçavoir de quoi il
s'agit .
Four que le Lecteur ne trouve plus aucune
difficulté fur le moyen de connoître
le vrai midi , tous les jours qu'on ne voit
pas le Soleil , & pour en avertir tout Paris
à l'inftant de midy , tous les jours de
l'année , il ne faut qu'ajoûter en deux
mots , que par le moyen d'une Pendule
bien reglée , & d'un fignal dont la maniere
eft déja conçue & arrêtée , on par
viendra à l'uniformité dans l'heure par
toute la Ville , & il y a lieu de préfumer
que chacun fe fera un plaifir de s'y conformer.
Notez , que , tous les Cercles de la
Sphere font divifez en 360 degrez , le
dégré en 60 minutes , la minute en 60
fecondes , & la feconde en 60 tierces , & c .
& ces dégrez , minutes , fecondes & tierces
font ainfi marquez , ", " ,
exemple , 230, 31 ' , 15 25
" J!!
, par
En tems , l'année moyenne eft de 365
E iij jours
1594 MERCURE DE FRANCE.
fe- jours , s heures , 49 minutes
condes. Ces parties du temps font ainf
notées , 365 , sh , 49 " , ".
DESCRIPTION de la Ligne Meridienne
de faint Sulpice.
C
Ette Méridienne n'eft à prefent autre
chofe qu'une ligne tracée fur le
pavé , au vrai Nord & Sud, avec les foins
& les attentions qu'éxigent de pareilles
operations , & dont on pourra donner un
plus grand détail , pour la Tatisfaction des
Curieux & des Sçavans.
Les rayons du Soleil paffans par une
ouverture circulaire d'un pouce de diametre
, pratiquée dans une plaque de
laiton , folidement attaché au côté Occidental
de la Fenêtre méridionale de la
croifée, & à la hauteur de 75 pieds, forment
fur le pavé une image ovale d'environ
10 pouces & demie de long & 9 &
de large , au Solstice d'Eté ; laquelle ima
ge augmente en longueur & en largeu
tous les jours jufqu'au Solstice d'Hyver;
& revient en diminuant de la même maniere.
Le Mouvement de l'Image, étant directement
contraire au mouvement journalier
apparent du Soleil, fe fait fur le pavé
d'Occident en Orient , & le vrai midi
1
JUILLET. 1728. 1595
eft, lorfque cette image fe trouve partagée
exactement en deux portions égales , par
la ligne Méridienne .
Par ce moyen l'on peut connoître tresexactement
l'inſtant du Midi vrai , tous
les jours de l'année que le Soleil paroît
à midi ; ce qui en fait le principal ufage .
Il eft cependant neceffaire d'avertir de
quelques particularitez ceux qui veulent
tirer de cette Meridienne toute l'utilité
dont elle eft fufceptible dans l'ufage ordinaire
.
1. Les jours Solaires de midy à midy ,
ne font pas parfaitement d'égale longueur
pendant toute l'année ;de maniere qu'une
Pendale' ou une Montre bien réglée , ne
peut pas s'accorder long temps avec le
mouvement du Soleil . Par exemple , cette
année 1728.une Pendule bien réglée fur
le temps moyen , étant mife jufte au Soleil
au premier Janvier , doit avancer
dans ce mois de 10 ' : s". Au mois de Février
, elle doit avancer de 40 ' , & tarder
d'i ' : 55". En Mars tarder de 8' : 32 ".
En Avril , tarder de 6 ' : 57 ". En May, tarder
$ 3 avancer 1 ' : 16 ″. En Juin avan
cers : 47 En Juillet avancer 2 ': 44 '
tarder o 7. En Aouft , tarder s' : 54 ″.
En Septembre , tarder g' : so ". En Octobre
, tarder , s' : 44". En Novembre ,
avancers : 27". Et en Decembre, avan-
E iiij
"
"
cer
1596 MERCURE DE FRANCE
cer 14 : 22". On peut s'inftruire plus à
fond fur cette matiere dans la Connoiffance
( a ) des temps , imprimé tous les
ans, par ordre de l'Académie Royale des
Sciences ; ou dans un petit Livre , qui a
pour titre : Methode ( b ) pour regler les
Montres & les Pendules , aufquels on renvoye
le Lecteur pour le détail de cet article
, qui eft tres- important pour la jufte
mefure du temps.
2º. L'Equation du mouvement du So
leil étant bien connue avec fes ufages ,
on peut trouver le Midy- vrai par la ligne
Méridienne de trois manieres .
La premiere de ces manieres , qui eft la
plus apparente , & qui paroît la plus naturelle
, eft d'obferver l'inftant que l'image
fe trouve divifée en deux parties éga
les par la ligne Méridienne ; car c'eſt alors
que
le centre du Soleil eft au Méridien ,
& c'est le vrai point de midy. Mais on
ne peut obferver ce point de la divifion
de l'image que par eftime , & à 4 , à s
fecondes près; il fe peut auffi , qu'un nuage
paffant devant le Soleil , vers le temps
que le centre de l'image approche de la
( a ) Chez Mariette , ruë S. Jacques ,
Colonnes d'Hercules .
AHX
(b ) Chez Dupuis , rue S. Jacques , à la Conronne
d'Or.
ligne
JUILLET. 1728. 1597
ligne , en empêche l'obfervation , ou la
rende moins exacte.
On connoîtra donc le point de midy
avec plus de jufteffe , en obfervant l'inf
tant que le bord Oriental de l'Image com
mence à toucher à la ligne, ou bien , l'int
tant que le bord Occidental la quitte ; ce
que l'on peut diftinguer avec plus de précifion
& à moins de deux fecondes près.
L'obſervation eft la plus complette
qu'elle puiffe être ; lorfqu'on void de fuite
, le commencement , le milieu & la fin
du paffage de l'Image par la ligne ; mais
elle eft fuffifamment jufte , lorfqu'on ne
voit diſtinctement qu'une feule des trois .
Le Difque du Soleil employe le tems
de 2 minutes à 2 minutes & demie , à paffer
par le vrai Méridien qu'on imagine
dans le Ciel ; & l'Image employe ce même
temps & 12 fecondes de plus , par une
raifon d'Optique compofée du diametre
de l'ouverture qui tranfmet les rayons du
Soleil au pavé , & l'infléxion d'une partic
de ces rayons , qui touchant les bords de
l'ouverture dans leur paffage fe divergent
& caufent un pénombre qui fe forme
fur les bords de l'Image ; de maniere que
lorfque le Soleil n'employe, par exemple
que 2 : 18" . à paffer par le Méridien celefte
, l'Image employera 2 : 30 '. à paffer
par la ligne , tirée fur le pavé.
E v Le
1598 MERCURE DE FRANCE .
Le Soleil même n'employe pas toujours
le même temps à paffer par le Méridien
celefte , par une autre raifon d'Optique ,
prife de fon plus ou moins d'éloignement
de la terre , en differentes faifons de l'année
; ce qu'il convient d'expliquer plus
diftinctement , afin de faire obferver plus
exactement le Midy- vrai , par l'attouche
ment des bords de l'Image à la ligne Méridienne.
LaTable fuivante priſe de la connoiffance
des temps , fuffira pour cet effet
Table des temps du paffage du Difque
le Méridien de 10 en 10 du Soleil
par
jours , pendant toute l'année.
JUIN. JUILLET.
AOUST.
jours. min. fec. jours . min. fec. jours min fec.
2' :-18" 10 2-12" 19 2';- 17" ΤΟ
20 2 :- 18 20 2 : -16 20 2 :- 18
30 2-18
30 2 : -14 30 2 :1-10
SEPTEMB . OCTOBRE . NOVEMB.
10 2: -9'1 10 1 :-10" 16 2':-17"
20 2 : - 9 20 2-12 20 2-19
10 2 : - 9 30 2-14 30 2 :-21
DECEMBRE. JANVIER . FEVRIER.
10 2
"
22 ΤΟ 2' : 21" 10 2′ : 14"
20 2 : 22 20 2 : 19 20 2 : II
30 2 : 22 30
2 : 16 32 2 : 10
Mars
JUILLET. 1728. 1599 .
MARS. AVRIL. MAY.
10 2 : 10"
20 2 : 9
10 2 : 9' 10
"
2' : 14"
20 2 : 10 20
2 : Is
30 2 : 8 2 : 16 30 2 : 12 30
En ajoûtant par tout 12 " aux temps
marquez dans la Table , on aura le tems
du paffage de l'image du Soleil par la ligne
meridienne , pendant toute l'année.
Le tems du paffage de l'Image connu ,
on aura de même le vrai Midy , par l'attouchement
des bords à la ligne , en ajoûtant
au tems de l'attouchement du bord
Oriental , la moitié du tems du paffage
du Difque du Soleil par le Meridien , plus
6". ou en ôtant du tems de l'attouchement
du bord Occidental la moitié du
tems du paffage du Difque , plus 6".
&
Exemples.
Le 30 , Août , le Difque du Soleil employe
2 : 10 ". à paffer par le Meridien
par l'addition de 12". de plus , l'Image
du Soleil employe en ce jour 2 : 22 "
à paffer par la ligne meridienne : le bord
Oriental de l'Image venant à y toucher ,
il faut encore la moitié de 2 ' : 22 ", qui
eft 1 : 11 ". pour que le centre de l'Image
arrive à la ligne ; (çavoir 1 ' : s" , moitié
du tems du paffage du Difque , plus
1
Evj 6"
1500 MERCURE DE FRANCE .
6", moitié de l'Exés 12 " que l'Image employe
à paffer par la ligne . En ajoûtant
donc 1' 11 ". au tems de l'attouchement
dudit bord , on a le vrai Midy .
› le 2de Exemple. Le 20. Decembre
Difque du Soleil eft 2 ' : 22 " à paffer par
le meridien , plus 12 " , exés du paffage
de l'Image par la ligne ; elle y employe
en ce jour 2 : 34 " , le bord Occidental
quittant la ligne, marque 1 ' : 17 ". après ,
midy .
,
La bande ou Zone élliptique qu'on voit
tracée fur le pavé au commencement de
par
la ligne , eft le chemin décrit P'Ima.
ge du Soleil , le jour du Solftice d'Eté
le 21. Juin 1728.Depuis 11.heures du matin
juſqu'à midy, & 45 ' ,fur laquelle l'Image
a parcourue à raifon d'environ 4. pouces
par minute . L'on y voit cette infcription ,
Solstice d'Eté du 21 Juin 1728. & fur
le milieu eft gravée la figure de l'Image
partagée en deux par la ligne meridienne ,
de la grandeur qu'elle avoit le jour du
Solſtice à midy.
La petite ligne qui traverſe l'Image
& qui coupe à angles droits la meridienhe
, eft le chemin par où a paffé le centre
de l'Image : l'interfection commune de
ces deux lignes , dénote la vraie hauteur
Solftitiale du centre du Soleil , & c'est
proJUILLET.
1728 .
1601
proprement à ce point d'interfection que
commence la ligne meridienne .
Caracteres & chiffres qu'on trouve marquez
fur cette ligne.
Commençant par le point vertical qui
eft marqué en cuivre incrufié dans une
groffe pierre fous l'épaiffeur de la porte
meridionale , & fuivant la ligne jufqu'au
point Solſtitial d'Eté , on verra deux colonnes
de chiffres .
Sur celle de la gauche , & qui eft continuée
enfuite tout le long de la ligne meridienne
, eft marqué , Divifion de la ligne
en milliémes parties de la hauteur
verticale ; & fur la colonne de la droite ,
les degrez & minutes de la diftance du
Zenith au Tropique du Cancer.
Enfuite de la bande Elliptique , où eſt
marqué le figne de Canger ou l'Ecreviffe
l'on trouve fix colonnes de chiffres qui
regnent tout le long de la ligne , dont
trois font d'un côté , & trois de l'autre ,
ayant chacune fon titre qui lui fert d'explication.
>
Du côté Occidental de la ligne , font :
1º . Les Heures & Minutes du lever
du Soleil de 5 en 5 minutes. -؟
s
2º. Le ieu du Soleil
dans
l'Ecliptique
aux fignes
defcendans
; les caracteres
&
noms
de ces fignes
& leurs
degre
3.
1602 MERCURE DE FRANCE .
3. La continuation de la divifion de
la ligne , fous le titre de Tangentes , aux
milliemes parties du rayon , laquelle divifion
fert de baſe à l'emplacement de toutes
les autres parties dont cette ligne fe
trouve ornée.
4º. Du coté Oriental de la ligne , font
marquez les degrez de la déclinaifon du
Soleil , tant Septentrionale que Meridionale
de côté & d'autre de l'Equateur , juſqu'à
l'un & l'autre Tropique.
5°. Le lien du Soleil dans l'Ecliptique.
aux fignes afcendans , les caracteres &
noms de ces fignes , & leurs degrez.
6°. Les Heures & Minutes du coucher
du Soleil de s ens minutes.
Toutes ces infcriptions font placées dans
l'ordre ci- deffus , au commencement de
la ligne , dans l'intervalle qui fe trouve
entre le figne du Cancer & les deux fignes
du Lion & des Gemeaux .
Les colonnes de chiffres qui leur appartiennent
, font chacune liées par une
ligne ponctuée , de chiffre en chiffre
dans toute la longueur du pavé , de côté
& d'autre de la ligne meridienne. Il reſte
encore à remarquer.
7°. Que les lieux des fignes dénotent
l'entrée du Soleil dans chacun de ces fignes.
8°. Qu'on appelle fignes defcendans ;
les
JUILLET. 1728. 1603
les fignes que le Soleil parcourt en defcendant
de la plus grande hauteur , qui ,
à notre égard eft l'entrée de l'Ecreviffe
Solſtice d'Eté , jufqu'à fa moindre hauteur
qui eft , l'entrée du Capricorne , Sotftice
d'Hyver. Les fignes qui portent ce
titre de fignes defcendans font : l'Ecreviffe
, le Lion , la Vierge , la Balance ,
le Scorpion , & le Sagittaire , dont les
degrez font marquez du Sud au Nord
dans l'ordre que l'Image du Soleil les parcourt.
9°. Qu'on appelle fignes afcendans ,
les fignes que le Soleil parcourt , en afcendant
de fa moindre hauteur , au Solftice
d'Hyver , jufqu'à fa plus grande hauteur
au Solſtice d'Eté. Les fignes qui portent
ce titre de fignes afcendans , font :
le Capricorne , le Verfeau , les Poiffons
le Belier , le Taureau , & les Gemeaux ;
dont les degrez font marquez du Nord
au Sud dans l'ordre que l'Image du Soleil
les parcourt.
`10º. Pour la plus parfaite intelligence
des deux derniers articles , l'on a écrit
du côté Occidental de la ligne , ces mots :
fignes defcendans , & pour défigner les
chiffres appartenans à chacun de ces fignes
en particulier , l'on répete les titres
de degrez de l'Ecreviffe , degrez du Lion ,
degrez de la Vierge , &c. jufqu'au Sagite
1604 MERCURE DE FRANCE .
gittaire , du Sud au Nord ; & du côt
Oriental de la ligne , l'on a repeté de mê
me , les titres des degrez des fignes afcen
dans , depuis le Capricorne jufqu'aux G
meaux.
11 °. L'on a marqué de 10 en 10 jour
le tems du paffage du Difque du Soleil pa
le meridien célefte , fuivant la Table ci
deffus .
12. L'on a de plus ajoûté du côt
Occidental de la ligne , les fecondes 8
les tierces d'un degré d'un grand cercle
prifes du point perpendiculaire à l'ouver
ture , & continuées jufqu'au bout de l
ligne.
L'on a par ce moyen cinq chofes à cha
que obfervation ; ayant toujours égard at
centre de l'Image , qui reprefente le cen
tre du Soleil.
1º. Le vrai Midy.
2º. Le tems du paffage du Difque du
Soleil par le meridien .
3 °. Les degrez & minutes de la dé
clinaifon du Soleil de l'un & l'autre côté
de l'Equateur , qui eft marqué fur cette
ligne fous le titre de point Equinoxial.
4°. L'heure & minute du lever & du
coucher du Soleil ; dont le premier
doublé donne la longueur des nuits , &
le fecond la longueur des jours.
So. Le lieu du Soleil dans l'Ecliptique
julJUILLET
1728. 1605
jufqu'aux minutes de degré du figne où
il fe trouve au tems de l'obſervation.
Un fixième article qu'on peut obſerver
en tout tems . C'eſt une partie proportionelle
d'un degré de la circonference de
la terre , dans une étenduë fenfible , &
mefurée exactement .
Cette ligne d'un bout à l'autre de la
croifée contient 1 " : 54" environ , ce
qui fait la 1945me partie d'un degré &
la 700282me partie de la circonference
de la terte.
Si l'on fuppofe une ligne de cette longueur
portée fur l'Equateur , & en même
tems le mouvement journalier de la terre
fur fon axe , cette ligne , ou une portion
de l'Equateur de même longueur pafferoit
par le meridien en 75" ; ou bien , une
portion de l'Equateur qui auroit 8 fois
la longueur de cette ligne , y pafferoit par
feconde . Mais fi l'on fuppofe la terre immobile
, & le mouvement journalier dans
le Soleil , & que cet Aftre foit éloigné
de la terre de 8380. diametres terreftres ,
ou de 24. millions de lieuës , l'eſpace
que le Soleil auroit à parcourir feroit inconcevable.
La viteffe de fon mouvement
feroit , de 2195 diamettres de la terre
par heure , de 362 des mêmes diametres
par minute , & de 1747 lieuës par
conde.
12
fc-
Quoi1606
MERCURE DE FRANCE .
Quoique cette ligne ait 176 pieds fu
le pavé de l'Eglife , qui eft la longueu
de la croifée , elle ne fuffit cependant pa
pour recevoir les rayons du Soleil vers 1
Solstice d'Hyver ; il auroit fallu qu'ell
eut eu plus de 240 pieds. Pour y fup
pléer on a élevé une colonne en form
d'obélifque à l'extremité Septentrional
de la ligne , de 25 pieds de haut
qui reçoit l'Image depuis le commence
ment de Novembre , où elle fe peint e
montant , juſqu'au 23 Decembre , Sol
ftice d'Hyver, & jufqu'au commencemen
de Février en defcendant ; la ligne & fe
accompagnemens font peintes fur l'obé
lifque , qui n'en eft qu'une continuation
& ce fupplément devient plus commod
pour l'ufage ordinaire , que n'auroit ét
la continuation de la ligne meridienne fu
un pavé qui auroit eu toute l'étenduë requife.
On ne parlera point ici des ufages de
cette ligne qui ne regarde proprement
que les perfonnes qui font au fait des
principes de l'Aftronomie , ni des additions
& des embelliffemens dont elle eft
encore fufceptible ; j'en pourrai parler
ailleurs , & en même- tems rendre compte
aux Sçavans des méthodes que j'ai fuivies
& des foins que je me fuis donné
pour la tracer avec toute la jufteffe qu'on
y
JUILLET. 1728. 1607
y peut fouhaitter. On ne s'eft propofé ici
qu'une Deſcription claire & abregée , qui
foit à la portée & à l'ufage de tout le
monde .
SUITE
des Logogrifes arithmetiques .
a. b. c. d. e. f. g. h. i . j . k. l . m. n. o.
J. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. 15.
p. q. r. s. t. u. v . x. y . z .
16. 17. 18. 19. 20. 21. 22. 23. 24. 25.
41. Logogrife de fix lettres , ou de fixe
nombres.
Le quarré de la re égale deux fois la 2de
I
La Rq . du de la 2 plus le de la s }
égale la Rq. de la 1º . plus la 3º.
Le quarré de la 3º . égale la Rq. de la
fomme des 3. 4. & 5. moins la Rq.
de la z . plus le de la 6 .
2
i
re
Le quarré de la de la 4°. égale la 4º.
plus le Q. de la .....moins la 3 °.
La se . plus la Rq. de la 3º. égale la fomme
des se. 6. divifée par deux fois là 3º.
Le double du Q. de la s . égale la fomme
des 3 °. 4°. & 5º.
Le Q. de la 6°. égale la fomme des trois
premieres.
41°
1608 MERCURE DE FRANCE.
42. Logogrife de buit lettres.
La . eft arithmétiquement à la 3 comme
la s . à la 4 °.
La 2° . eft géométriquement à la 5. comme
la 7°. à la 3 *.
La 3. moins trois , égale la 4 ° .
La 4. égale la 6 ° .
La 6. égale le Q. de la se.
La 7. égale quatre fois la 2de.
La 6 ° . eft géométriquement à la 4. comme
la 2de, à la 8 .
La fomme totale eft foixante- neuf.
43. Logogrife de fept lettres.
re
La Rq. de la 1. égale deux fois le Q. de
la 2 de.
Trois fois le cube de la 2 de. égale la Rq.
du produit de la 2. par la 6° .
Le 13de la 3. égale la de la 7 ,
La Rq. de la Rq. de la 4. égale la Rq.
de la re.
La 5. eft arithmétiquement à la 6°. comme
la Rq. de la 6 ° . l'eft à la 1 .
Le Q. de la 6. égale quatre fois la 3 * …….
moins la Rq. de la 6º.
...
La 7. plus deux , égale quatre fois la Rq.
de la 4 .
La 2. plus la Rq. de la 1. égale la R.
cube de la s ... plus un.
Le double de la 1. eft géométriquement
à la 4º. comme la 1ª . à la 5º .
JUILLET. 1728 . 1609
44. Logogrife de quatre lettres.
Le Q.de la . plus le Q.de la 2 °... moins
les deux racines , égalent 684 .
Le produit des deux premieres , plus leur
fomme , égalent celle de 3.24.
Le Q. de la 3. plus le Q. de la 4°....
moins les deux racines , égalent la fom.
me de 392 .
Le produit de la 3. par la 4. plus leur
fomme , égalent 239.
45. Logogrife de trois lettres .
La fomme des quarrez des deux premieres
... moins celle de leur produit
, & du ¦ de la 2º . égale le Q. de
la 3 .
Le Q. de la 2º... moins le produit des
deux premieres plus la de la 1. égale
le Q. de la 3º.
Le Q. de la 3 .... plus le produit des 2º. &
.... moins le Q.de la 2. égalent 181 .
46. Logogrife de trois lettres.
Le Q. de la 1. & celui de la 2 .... plus
les deux racines égalent le double, produit
des deux premieres , plus celui des
deux dernieres.
Le Q. de la 1. plus la R. de la 2. égalent
le produit des 2 ° . 3 ... plus deux
fois la
Ctre
610 MERCURE DE FRANCE .
Quatre fois la 2 °... plus le Q. de la
égalent quatre fois le produit de la
par le Q. de la 2 .
La fomme de trois fois la 1. & 2 °. é
le celle des 2º. & 3º.
La 2. plus le de la 1º. égalent un , p
le cube de la 2º.
47. Logogrife de cinq lettres.
La Rq. de la fomme des 1. 4. égale
Rq. de la Rq. de la fomme des 1. 2
La 4. plus la Rq. de la 2. moins la
égalent un , plus la Rq. de la fomme d
1º. & 3 *.
❤
1
Neuf fois la 1. égalent la fomme des 2
& 3°. plus deux.
La Rq. de la 4. égale la Rq. du de la i
Le produit des 4 °. & 5º. égale la moiti
de la fomme des trois premieres.
Somme totale cinquante-huit .
48. Logogrife de fept lettres.
7
La 1º. eſt arithm . à la 3 °. comme la 2º
eft à la 7 °.
La 2º. égale deux fois la 1. plus un.
La fomme de deux fois la 3. égale la 2º.
moins le444de la 4º. égale à la sº.
Les 4°. sc. plus un égalent le Q. de la 6º.
La égale la Rq . de la 7. plus la de la 1ª.
La 7. égale quatre fois la 6º.
La fomme totale eft 89.
4
EX
JUILLET. 1728. 1611
EXPLICATION des deux Logogriphes
Aithmetiques de M. le Cloutier Desnouettes
, inferés dans le Mercure de
Juin 1728. Tome premier , Logogriphe
26. de deux lettres or . Logogriphe 27.
de fix lettres. Andely. Lettre écrite de
Vernon, le 12. Juillet.
Οι
Ui , Seigneur le Clouftier.vous valez un
mont d'or
26
J'admire vos beaux Vers , mais votre Arithmetique
,
Me fait tourner la tête , & je ne puis encor
Expliquer à mon gré votre fçavoir mas
gique .
A force de calculs , mon efprit affoibli ,
Me feroit volontiers jetter par la fenêtre ;
.... J'enrage. cependant , afin de vous connoître
,
27
Dans un petit moment je pars pour Andoly,
Jefuis , &e.
Dorvilliers de Vernon ,
EX.
1612 MERCURE DE FRANCE.
EXTRAIT DE LETTRE
écrite d' Andely le 15. de ce mois
parM. le Clouftier.
P
faire
Ermettez - moi , Monfieur , de vou
part ici de mes Réflexions a
fujet des Enigmes & des Logogriphes
ou Gryphes. Je croi que pour faire un
Enigme dans l'exactitude qu'elle deman
de , il faut qu'elle foit courte , & de plu
que l'on y marque quelques contradic
tions apparentes ; fans cela ce n'eft plus
ce me femble , qu'un tiffu de périphrafe
qui forment un galimatias Poëtique , 8
qui repetent fouvent la même chofe
Les conditions que je defirerois fe trou
vent dans celle du Sphinx qu'Oedipe de
vina ; comme tout le monde fçait , cell
que Samfon propofa aux Philiftins , ef
encore de la même efpece .
Le Logogryphe eſt une combinaiſon de
differentes parties d'un mot qui en for
ment d'autres ; il tient le milieu entre l
Rebus & l'Enigme . C'eft un mot emba
raffé & mifterieux , ou un filet qui arrête
l'efprit pendant quelque- tems . Il faut dond
que la perfonne qui en propofe quelqu'un
le donne jufte , & fi elle donne le moyen
d'en faire la diffection , pour ainfi dire
il faut qu'il foit jufte & bien exprimé , que
l'orJUILLET.
1728. 1613
l'ortographe en foit exacte , enfin que
chaque combinaifon contienne au plus un
Vers ou deux. Dans celui que vous avez
inferé ce mois - ci dans le Mercure , l'on
trouve un deffaut d'ortographe , Limaçon
ne s'écrit point avec une S. car alors on
devroit prononcer Limazon , puiſque cette
lettre fe trouve entre deux voyelles , de
plus le nom de Soliman ne s'y trouve encore
que par anagramme , & l'Auteur, au
lieu d'indiquer l'arrangement du mot, dit
fimplement qu'on y doit trouver le nom
d'un Empereur.
Vous voudrez bien me pardonner cette
petite Critique , & les Auteurs des deux
Logogryphes ci- deffus ne doivent pas s'en
formalifer . Ils voudront bien excufer celui
qui a mis ces petits jeux d'efprit en branle
, puifque les deux premiers qui ont paru
au Journal font de moi , mon deffein
n'eft pas de mordre leur Ouvrage , mais
de le mettre dans la perfection que j'ai
remarquée dans ceux qu'on propoſe en
latin dans les Claffes , je recevrai de bonne
part
auffi leurs avis & le votre en pareil
cas.
R EX1614
MERCURE DE FRANCE.
EXPLICATION de l'Enigme du Mercure
de May dernier.
LEE MMeerrceunre en main, je rêvois ,
Au mot de l'Enigme nouvelle :
Eh ! quoi ? pour une bagatelle ,
Rêver fi long - tems ! j'enrageo is.
Quand tour à coup je le tiens , oüi , j'en
jure ,
Dis-je auffi -tôt, en jettant le Mercure....
Non , dit Phébus , tu le tenois.
De Moulins .
EXPLICATION du Logogryphe du
Mercure de Juin , fecond Volume.
' Ai bien rongé mes doigts pour deviner
I'maison ;
Mais j'aperçois ici mainte combinaiſon :
Ah ! bon Dieu , que de mots font dans ce
Logogryphe ,
Si je ne les dis tous, je confens qu'on me biffe.
En voici deux latins , qui font nos & puis jam ;
Je rencontre Sion , auffi -bien que siam ;
Voilà May , voilà fon . aimons , en eft un
autre,
Hé
JUILLET. 1728. 1615
Hé quoi ! je trouve auſſi Simon le bon Apôtre,
Je tiens l'adverbe mais , & la particule on.
Comment peut-on penfer tant de mots dans
Maifon ,
Par Me d'Orvillers , âgée de 13. ans
demi, à Vernon , ce 19. Juillet 1728 .
Redingotte & Limaçon , font les vrais
mots de l'Enigme & du Logogryphe du
premier volume de Juin . On a dû trouver
dans ce dernier , Lima , Capitale du
Perou , le Son , Maçon & Soliman , &c..
Le mot de l'Enigme du fecond volume
de Juin , eft la Lancette.
B L LL LS LL
ENIGMES ET LOGOGRYPHES
nouveaux d'un même Auteur.
PREMIERE ENIGME. }
Voyageufe de mon métier ,
Je parcours la plaine azurée ;
L'efpece dont je fuis , peut fe glorifier
De toutes les couleurs dont Iris eft parée ›
Souvent arrêtée en mon cours ,
Je tombe en des mains fanguinaires,
Fij Qui
1616 MERCURE
DE FRANCE .
Qui me forcent encor de prêter mon fecours ,
A l'affaffinat de mes peres ,
Que de biens , que de maux je procure aux
humains !
Miniftre du Public & celui du myftere ,
Je travaille de toutes mains ;
1
Et fans parler , je ſçais ne me pas taire .
I I.
DEmoidans mon vrai fens , votre corps ſe
Dans un autre fouvent j'empoiſonne les ames :
Mais dans l'un & dans l'autre , également
profcrit ,
La prudence ou la faim me fait livrer aux
Aammes.
III.
A Mon gré je m'ouvre un paſſage ,
Dans le fentier le plus étroit ;
Ma tête laiffe à chaque endroit
Un fûr témoin de mon voyage,
Depuis le Paftre juſqu'au Roy ,
Tout joüit de mon induſtrie ;
Et pour leur fervice je lie
Ce qu'ils n'uniroient pas fans moi.
IVI
JUILLET. 1728 . 1617
IV.
Ous fommes quatre enfans d'une grande
famille NOLLS No
Et nous nous paffons de nos foeurs ,
A notre tête eft la troifiéme fille ;
Et notre aînée a les feconds honneurs.
Celle qui de nous quatre a la taille plus grande
A la troifiéme place a foumis fa fierté ;
Et par diftinction la derniere demande ,
Un petit ornement fur fon chef ajoûté.
Nous compofons un tout : mettez-vous à fa
quête;
Et fi vous le trouvez , demandez - le d'abord ,
Pour vous guérir du mal de tête ,
Que vous aura caufé peut - être cet effort.
Premier Logogryphe.
SIX pieces compofent mon tout ,
Car j'en retranche une inutile .
Peut-être fi c'eft votre goût ,
De votre chef ai - je affermi l'azile.
Ma premiere piece de moins ,
Je fuis pour qui n'a rien unfecours favorables
Otez m'en une encor , je tends pour vos be
foins ,
Fii Si
1618 MERCURE DE FRANCE.
Aux Hôtes des Forêts un piege redoutable.
Si l'ortographe ici manque de bons témoins ,
Pour le fon elle eft veritable ;
Autre piece de moins , le vainqueur de la nuit,
Tous les jours chez moi prend naiffance ;
Otez m'en encore une , avec ce qui la fuit ,
J'appelle ou j'impofe filence ;
Allez enfin en certains lieux ,
Prononcer fortement ma derniere partie ,
Par l'offre d'un breuvage & fain & gracieux ,
On y viendra répondre à votre envie ,
Cette efpece d'Enigme eft neuve en bonne fois
Devinez- la , Lecteur , & pardonnez- la moi
I I.
Azile frais &
pacifique ,
Je refonne fouvent d'une tendre Muſique ,
Si l'on m'ôte un membre à trois pieds ,
Il me refte deux parts faciles à connoître :
Par l'une que de gens noyez !
Et pour l'autre combien qui s'expoſent à l'êtrel
IIL
JUILLET. 1619 1718.
I I I.
U'on life à l'ordinaire ou qu'on life à
Q
rebours ,
Je fuis toûjours la même chofe.
Le genre humain me doit fes jours ,
Quoique de fon trépas je fois auffi la cauſe.
J
I V.
E fuis dans mon total une affez laide chofe ;
M.is en revanche auffi ,fi vous me démembrez,
Chaque membre qui me compoſe ,
En contient que vous aimerez .
Si vous m'otez un membre de derriere ,
Le refte n'est qu'un jeu pour vous.
Si vous m'ôtez la tête entiere ,
Le refte eft fort folide & grand ami de tous.
Prenez prefentement mon milieu, je vous offre
Un meuble des plus précieux ,
Qui va quelquefois mal , tantôt bien , tantôt
mieux ,
Le tout felon que va le coffre.
Si vous m'ôtez la tête encor ,
Mes autres membres font confreres ;
Accufez de rouler fur l'or ,
F iiij
Tous
1620 MERCURE DE FRANCE.
Tous deux fuyant loin de leurs meres ;
Et tous deux voyageant toujours
Chacun chez même Hôteffe allant finir fon
cours ,
Raffemblez ma queue & ma tête ,
Je n'admets que du bon , du meilleur qu'il fe
peut ;
On me recherche , on me fait fête ;
Mais je fuis rare , & ne m'a pas qui veut.
Pour ne rien paffer fous filence ,
Retranchez quatre parts de mon commencement
,
Je fais un gage fûr , que fouvent la prudence
Préfere à la foi du ferment.
Vous vous creufez la cervelle , je gage ,
Pour deviner tout ce détail ;
Ne vous fatiguez pas , & laiffez - là l'ouvrage;
Car pour aprétier au jufte ce travail ,
Perte de tems , pur badinage.
NOU
JUILLET. 1728. 1621
XXXX:XXXX XXX:XXXX
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS , & c.
ISCOURS prononcez dans l'Académie
'Françoife , le Lundy 28. Juin
à la Reception de M. l'Abbé de Rothe
lin. A Parts , de l'Imprimerie deJ.-B. Coi
gnard,fils , in 40. de 17. pages.
M. l'Abbé de Rothelin commence fon
Difcours par l'éloge de l'illuftre Confrere
auquel il fuccede ; M. l'Abbé Fragnier ,
dit - il , joignoit une érudition étenduë ,
exacte & folide à cette fimplicité de coeur
qui accompagne prefque toujours le veritale
fçavoir. Ses longues & pénibles études
n'avoient en rien alteré la douceur naturelle
de fes moeurs ; le tréfor de fes con- .
noiffances étoit ouvert à tous ceux qui l'approchoient
; il ne l'étala jamais avec fafie ,
il ne le ferma jamais par humeur , & c .
ble
Après l'avoir loué fur la parfaite intelfigence
qu'il avoit des Langues Grecque
& Latine , & fur l'élegance avec laquelle
il verfifioit dans cette derniere , il acheve
fon éloge par ce trait de modeftie : Tel
étoit , Meffieurs , le fçavant Academisien
qui fait l'objet de vos regrets ; voas
ོ་ ང་ Avez
1622 MERCURE DE FRANCE .
avez voulu lui donner un fucceffeur dont
le zele & la docilité fuffent le principal
merite , pour encourager les amateurs des
Lettres pour leur apprendre qu'on
fçait faire des graces fur le Parnaſſe
comme on fçait y rendre juftice.
نم
Ce modefte retour fur lui - même eft
fuivi d'un tribut légitime qu'il rend à
l'illuftre Corps , dont il devient un des
Membres voici comment il s'exprime.
L'illuftre Compagnie à laquelle vous
m'avez affocié , a formé ou raffemblé depuis
fa fondation prefque tous les hommes
rares qui ont paru dans les differens ordres
de l'Etat. C'eft de votre fein , Meffieurs ,
que font fortis en foule ces Philofophes , ces
Hiftoriens , ces Orateurs , ces Poëtes , dont
les Ouvrages marquez au coin de l'immortalité
, ont porté la gloire de notre Nation
plus loin encore que ne l'avoient portée nos
Conquêtes , & ont forcé des Peuples ennemis
du nom François , à préférer à leur
Langue naturelle , celle d'un Vainqueur
dont ils fubiẞoint le joug avec peine.
:
De - là , par une tranſition raturelle
, il paffe à l'éloge du Cardinal de
Richelieu C'eft fans doute , dit- il , ce
que prévoyoit le grand Cardinal à qui vous
devez le projet de votre établiſſement. Convaincu
qu'il n'y avoit pas moins d'honneur
àfaire fleurir les Lettres dans ún Empire,
JUILLET . 1728. 1623
pire , qu'à le faire refpecter par la force
des armes , & par la fageffe du Miniſtere ,
ilfe chargea de la partie qui le regardoit ,
& vous confia l'autre. Il finit cette partie
de fon Difcours par ces mots : le, Cardinal
de Richelieu étoit lame de l'Europe ,
feul digne d'annoncer Louis XIV. an
monde. Il le laiffa dans l'enfance , mais
dans la route de cette grandeur dont l'éclat
a relevé depuis la majesté du Trône même
,
"
& ce grand Prince , pourſuit-il , a
difparu : il étoit mortel ; mais il regne encore
par tout. La diffolution , la licence
l'injustice , l'hérefie , l'impieté , & tous
ces monftres que doivent étouffer les Rois
tremblent au feul nom de Louis , nom chér
à la vertu , à la Religion , aux Arts , aux
Sciences aux Lettres .
>
Selon la coûtume établie , l'éloquent
Orateur paffe au Chancelier Seguier
celui , ajoûte- t- il , qui pofa les fondemens
de votre Académie , l'avoit en quelque
façon laiffée en minorité. Après fa more
le Chancelier Seguier vous fervit comme
de Tuteur ; il dicta lui même vos Statuts
& donna che lui un azile à votre Compagnie
naiffante & presque errante dans
ces commencemens .
C'eft de -là que M. l'Abbé de Rothelin
prend occafion de revenir à LoUIS LE
GRAND , qui donna à l'Académie Fran-
F vj soife
1624 MERCURE DE FRANCE:
çoiſe la protection du Trône , en la raffemblant
dans fon propre Palais , & s'en
déclarant Protecteur. En vain , continuatil
, en parlant de leur reconnoiffance
envers leur Augufte Bienfaiteur , En vain,
vous entreprenez encore chaque jour de
nous tracer un portrait fidele de ce parfait
Souverain ; ce Chef- d'oeuvre eft audeffus
de l'Art, il étoit réservé à la nature ; c'eſt
elle qui a tranfmis avec le fang, lame héroïque
de Louis XIV. à fon digne Succeffeur.
Auffi voyons - nous que notre jeune
Monarque ne s'étudie qu'à fuivre en tout
la volonté de fon Augufte Bifayeul , on
connue par les effets , ou interpretée par la
prudence , &c.
De-là , après avoir auguré la gloire du
Régne de Louis XV. il attribue les biens
que fes vertus répandront fur les Peuples ,
à la fageffe du grand Cardinal qui les a
cultivées , & qui a la fatisfaction de les
voir croître tous les jours fous les yeux.
C'eft , dit- il , ce Prélat refpectable fur qui
LOUIS LE GRAND , après avoir acquis
par un long Régne une connoiffance parfaite
des talens & du merite des hommes,
jetta les yeux pourfaire paffer heritage de
fes vertus Royales à l'heritier de fa Conronne.
Cet éloquent Difcours finit par ce grand
évenement , qui fait aujourd'hui l'attente.
de
JUILLET. 1728. 1625
de toute l'Europe ; voici en quels termes
s'explique M. l'Abbé de Rothelin :
Faffe le Ciel , pour le bonheur de la France,
que les confeils de ce Miniftre pacifique
, reftent gravez à jamais dans le coeur
de fon Augufte Eleve ; & que l'éducation
du Dauphin que nos voeux demandent avec
tant d'ardeur , foit confiée à des mains fi
pures, & formée fur des principes auſſiſo-
Lides & auffi fages.
Ce Difcours prononcé avec beaucoup
de grace , fit un plaifir infini à toute l'Af
femblée. M. l'Abbé Gedoin , Directeur
de l'Académie , y répondit avec une éloquence
qui lui eft naturelle ; il employa
Lurtout ce ftyle mâle & ferme qu'il entreprenoit
de louer dans M. l'Abbé Fraguier.
Il fit voir combien la perte d'un fi digne
Académicien étoit difficile à réparer ; fon
zele pour l'Antiquité alla auffi loin qu'on
le puiffe porter ; M. l'Abbé Fraguier
dit-il , fans rabbattre du merite des Modernes
, fans leur refuser le degré d'eftime
qui leur eft fi legitimement dû , foûtine
toujours qu'en Poësie nous n'avions rien de
comparable à Homere & a Virgile , ni
rien qui approchât de Demofthene , & de
Ciceron pour l'éloquence . Avoit- il tort
Meffieurs depuis quand l'Académie
Françoife s'éloigneroit- elle d'unfentiment ,
ont à mon avis , dépendra toujours fa gloi
re
1626 MERCURE DE FRANCE.
re & fa réputation ? Jamais l'Académie
n'a varie fur ce point.
Après avoir parlé des divers talens de
M. l'Abbé Fraguier , il adreffa ces mots
à M. l'Abbé de Rothelin .
Tel a éte votre Prédeceffeur , Monfieur :
pour le remplacer nous avions befoin d'un
homme dont la réputation pût juſtifier notre
choix dans l'esprit du Public. Un merite
réel , mais obfcur , ne fuffijoit pas ; il
nous falloit un merite réel , mais éclatant ,
c'est par ce motif que nous avons jetté
les yeux fur vous , & c.
Cette justice que M. l'Abbé Gedoin
rendît à M. l'Abbé de kothelin , lui concilia
tous les fuffrages des amateurs du
vrai merite .
MEMOIRES LITTERAIRES de la
Grande - Bretagne. Par Michel de la Roche
, Auteur des cinq Tomes de la Bibliotheque
Angloife . Tome I. Tome II.
& Tome III. A ta Haye , chez Ifaac
Vaillant , 1720. in 12. de 260. pages ,
fans l'Avertiffement , dans lequel l'Auteur
rapporte les raifons qu'il a eûës de
changer le titre de fon Livre.
EXTRAIT du 30me Volume des Mé
moires Philof phiques de la Societe Royale.
Janvier & Février 1719. & c.
و
EXEMJUILLET.
1728. 1627
EXEMPLE REMARQUABLE
de la
grande & prompte végetation des Raves.
Piéce communiquée à la Societé Royale
par M. Defaguliers , Docteur en Théologie
, & Membre de cette Societé .
Le 2. de Juillet 1702. à Sutton Colfield
, dans la Province de Warwick , on
fema de la graine de rave dans un champ
proche d'un étang dont il faifoit autrefois
partie. Les raves commencerent
paroître en moins de trois jours . Les racines
furent groffes comme des noix au
bout de trois femaines , & environ 15.
jours après , le Jardinier vendit un grand
nombre de ces raves , dont la groffeur
égaloit celle des groffes pommes. Le 12 .
Août , on arracha une rave qui pefoit
avec fa racine & fes feuilles deux livres
un quart . En même tems on pela une
once de la même graine de rave que le
Jardinier avoit femé . Enfuite on compta
mille grains de cette once , & on divifa
le refte en petits tas , à peu près égaux
aux mille grains qui avoient été comptés
, & on trouva que l'once entiere contenoit
plus de 14600. grains ; & ce
nombre multiplié par 46 , qui eft la quantité
d'onces que la rave pefoit , produit
671600 , c'eft à dire , le nombre des
grains requis pour égaler le poids de la
raye.
Le
1628 MERCURE DE FRANCE .
1
Le 21. d'Otobre , on arracha une- au
tre rave du même champ , & on trouva
qu'elle pefoit plus de dix livres & demie ;
de forte qu'en fuppofant l'accroiffement
toujours égal & uniforme , le grain qui
produifit cette rave augmenta fon poids
15. fois à chaque minute.
LETTRES écrites à des Medecins diftingués
, & à d'autres Sçavans Membres
de la Societé Royale , &c . contenant
diverfes Obfervations de Medecine , d'A
natomie & de Chirurgie , avec des Remarques
nouvelles & curieufes fur la Botanique.
On y a joint une Lettre écrite à
feu M. Baynart , Docteur en Medecine
qui contient de nouvelles experiences fur
l'ufage du bain froid , & des Obfervations
qui peuvent fervir à le rendre plus
falutaire. Ouvrage embelli de Tailles- douces.
Par Patric Blair , Docteur en Medecine
, & Membre de la Societé Royale
à Londres , 1718. in - 8 ° . de 149. pages.
Livre Anglois. L'Auteur dit qu'il a obſervé
que les enfans ne font jamais noüés ,
pourvû que les Nourrices ayent foin de
les tenir propres , de leur donner une
nourriture moderée lorsqu'ils en ont befoin
, & de les plonger dans de l'eau froide
tous les matins.
Le bain froid eft auffi fort
avantageux
*
aux
JUILLET
. 1728. 1619
aux adultes. C'eſt un très-bon moyen de
conferver la fanté , mais ce bain eſt dangereux
fi on s'en fert mal à propos. Quand
on fe trouve foible & abbatu , on doit fe
baigner fréquemment dans une Riviere
en Eté & pendant la châleur du jour , &
enfuite chez foi tous les matins ou lorfqu'on
le juge convenable . On ne doit pas
le faire dès qu'on s'éveille , ou lorfqu'on
eft en fueur. Après le bain on doit toujours
fe faire frotter pour dégager les pores
, & c. On ne doit pas fe baigner après
avoir fait trop d'exercices , parce que le
refferrement des pores qui font alors fort
ouverts , ne fçauroit manquer de produire
de mauvais effets.
On trouve dans la 3 Lettre écrite au
Chevalier Sloane , 19. Obfervations de
Medecine & de Chirurgie , & c .
Un Couvreur nommé Raoul Valiance
de la Ville de Pefth en Ecoffe , ayant eû
long- tems une hydropifie que l'on croyoit
incurable , entreprit de fe percer le ventre
avec un Canif , & il en fortit une fi grande
quantité d'eau , que fon lit en fut inondé.
Cet homme guérit peu à peu ; il vêcut
encore 12. ans , & mourut d'une autre
maladie .
RECUEIL de diverfes Piéces de M.
Locke , qui n'ont jamais été imprimées.
ou
1630 MERCURE DE FRANCE .
ou qui ne fe trouvent point parmi fes
Ouvrages , publié par l'Auteur de la vie
de M. Jean Hales , &c . A Londres , chez
Franklin , 1720. in 8 °. de 362. pages
d'un gros caractere , fans l'Epitre Dédicatoire
, l'Eloge de M. Locke & l'Index .
En Anglois.
Dans une Lettre que M. Locke écrivit
à M. Oldemburg , il lui fit fçavoir qu'il
avoit reçû de la nouvelle Providence ,une
des Ifles de Bahama , la Relation fuivante
.
» Parmi les choſes extraordinaires dont
» j'ai oui parler , celle- ci me paroît la
>> plus remarquable . Plufieurs poiffons de
» cette mer font venimeux ; ils caufent de
>> grandes douleurs aux jointures de ceux
>> qui en mangent. Ces douleurs conti-
»> nuent quelque - tems , & enfin elles
>> ceffent après une démangeaifon qui du-
» re deux ou trois jours. Il eft à remar
» quer que tous les poiffons de la même
>> efpece ne font point venimeux , & que
» ceux qui le font , ne font du mal qu'à
» certaines perfonnes. Les hommes ne
» meurent jamais de ce mal , mais les
« chiens & les chats en meurent quelque-
» fois.
ESSAY DE BOTANIQUE , où l'on
traite de la ſtructure des fleurs , de la fruc
tifiJUILLET.
1728. 1631
tification des Plantes , des differentes méthodes
de les reduire fous certaines claffes
; de leur generation , de leurs fexes
& de la maniere dont la femence eft impregnée
; des Animalcules dans le fperme
des mâles ; de la nutrition des Plantes &
de la circulation de la féve dans toutes les
faifons , qui répond à celle du fang dans
les animaux. Ouvrage contenant plufieurs
Remarques curieufes & diverfes Découvertes.
Le tout enrichi de figures par Patrick
Blair. A Londres , chez les Innys
1720. in 8. de 414. pages , fans la
Préface qui en contient 16 , les Tables
des Matieres & l'explication des figures .
En Anglois.
La Botanique a été fort cultivée dans
la Grande- Bretagne ; elle y eft parvenuë
à un haut degré de perfection. Le Docteur
Grew eft le premier qui ait décou
vert les deux fexes des Plantes , & l'on
convient que fi Morriſon n'a pas inventé
la méthode de ranger les Plantes fous certaines
claffes , il l'a du moins rétablie .
M. Blair a entrepris de travailler fur ces
deux fujets , pour les rendre plus intelligibles
. On trouve dans fon Livre ce qui eft
particulier aux Plantes , & ce qui leur eft
commun avec les animaux ; ce font , pour
ainſi dire ,les deux parties de fon Ouvrage.
La premiere eft deftinée à l'ufage de
ceux
1632 MERCURE DE FRANCE .
ceux qui étudient la Botanique , & l'autre
à l'ufage de ceux qui ont fait des pro⚫
grès dans cette fcience .
DISSERTATION fur la Lettre de Ponce-
Pilate à Tibere ,touchant Jefus - Chriſt,
par Myftagogus . A Londres , 1720. in
8°. de 36 pages en latin.
Quelques anciens Peres ont parlé de la
Lettre qui fait le fujet de cette Differtation
. L'Auteur en déplore la perte ; &
il entreprend de faire voir que ce n'étoit
point une piece fuppofée.
Il remarque d'abord que l'hiftoire de
Jefus Chrift ne pouvoit pas être inconnuë
à Pilate , & il rapporte ce que l'on
trouve dans les quatre Evangeliftes touchant
la Mort & la Réfurrection du Sauveur.
Pilate fut , fans doute , étonné des
prodiges qui accompagnerent cette Mort
& cette Réfurrection .
Ce Gouverneur ne pouvoit pas fe difpenfer
de faire fçavoir à l'Empereur Ti
bere , des évenemens fi merveilleux . C'eſt
ce que l'Auteur tâche de prouver par
diverfes
raiſons .
1. Les Generaux d'armées & les Gouverneurs
de Provinces avoient accoutumé
d'informer le Souverain des chofes
remarquables qui arrivoient dans les
Pays où ils étoient.
Pilate
JUILLET.
1728. 1633
Pilate , conformément à cette coûtume
, comme Eufebe le témoigne , écrivit
une Lettre à Tibere , pour lui apprendre
P'hiftoire de Jefus- Chrift.
2. Les Difciples de Jefus croyoient
qu'il étoit le Meffie prédit par les Prophetes.
Les Juifs l'accufoient d'avoir
pris le titre de Roy & d'être ennemi de
l'Empereur. Ils attendoient alors le Meffie
qui devoir , felon leurs idées , fubjuguer
le monde entier. Tacite & Suetone
nous apprennent que ce bruit fe répandit
dans l'Empire Romain . Toutes ces chofes
obligerent Pilate de faire fçavoir à Tibe
re ce qui s'étoit paffé dans la Judée par
rapport à Jefus- Chriſt .
3. Les Romains faifoient beaucoup
d'attention aux prodiges. Croira - t- on que
Pilate ait négligé d'informer l'Empereur
de toutes les merveilles que l'on vit pendant
la Paffion de Jefus Chrift ? Croirat-
on qu'il ait négligé de lui apprendre la
Réfurrection du Sauveur ?
4. Il paroît par l'hiftoire de Tibere ;
que ce Prince ordonna que l'on recueillit
tous les évenemens remarquables pour
compofer l'hiftoire de fon temps . Voilà
une nouvelle raiſon qui devoit obliger
Pilate à écrire uue Lettre à cet Empereur
touchant Jesus - Chriſt.
Tertullien , dans fon Apologetique,
chap.
# 634 MERCURE DE FRANCE .
chap . 21. dit formellement que Pilate
écrivit une relle Lettre. Si ce Fait étoit
faux , Tertullien ne l'auroit point avancé
comme un Fait certain . Eufebe rapporte
aufli le même Fait.
L'Auteur ne doute point que Tibere
n'ait propofé au Senat de mettre Jeſus-
Chrift au nombre des Dieux , comme
Tertullien l'affure ; mais , dit - il, le Senat
ne jugea pas à propos d'accepter cette
propofition , parce que l'Empereur avoit
lui-même refufé les honneurs divins ; car
il ne voulut pas qu'on lui bâtit des Tem
ples , & qu'on établit des Prêtres en fon
honneur .
On donnera la fuite de ces Memoires
litteraires.
LE CHIRURGIEN DENTISTE , OU
Traité des dents , où l'on enfeigne les
moyens de les entretenir propres & faines
, de les embellir , d'en réparer la
perte & de remedier à leurs maladies ;
à celles des gencives , & aux accidens
qui furviennent aux autres parties qui
font voifines des dents. Avec des Obfervations
& des Réflexions fur plufieurs cas
finguliers. Ouvrage enrichi de quarante
Planches en taille douce . Par Pierre Fauchard
, Chirurgien Dentiſte. A Paris ,
ruë S.Jacques, chezJean Mariette, 1728.
2.
JUILLET. 1728 . 1635
1. vol. in 12. contenant enſemble 802.
pages , fans l'Epicre & la Préface .
Il paroît que l'Auteur a beaucoup de
zele pour l'avantage du Public & pour
l'inftruction des perfonnes qui veulent
s'avancer dans fon Art ; puifqu'il donne
dans fon Ouvrage beaucoup de connoiffances
qui lui étoient particulieres &
qu'une pratique de trente années lui a
fait acquerir.
L'heureux fuccès de fa longue experience
ne pouvoit être mieux confirmé
que par les éloges & les Approbations
qui font à la tête de fon Livre , & qui
lui ont été donnez par plufieurs des plus
celebres Docteurs de la Faculté de Medecine
de Paris & par un grand nombre
de très - habiles Chirurgiens de la même
Ville.
Comme il eft très-neceffaire de bien
faire connoître le fujet dont on a à traiter,
l'Auteur commence par expliquer la nature
des Dents , leurs differentes ftructures
, leurs differens ufages , la maniere
dont elles croiffent , quelles font leurs
veines , leurs arteres , leurs nerfs , &
quelle eft la fubftance de l'émail dont elles
font revêtues : il donne auffi une explication
fur les alveoles , dans lefquels
elles font enchaffées , & fur les gencives,
De-là il paffe à la maniere de conferver
1636 MERCURE DE FRANCE .
ver les dents , enfeigne le régime néceffaire
pour leur confervation , & propofe
plufieurs moyens d'entretenir leur netteté
& leur blancheur , & d'affermir les gencives.
Il parcourt enfuite toutes les maladies
de ces parties , qu'il réduit à trois claſſes :
la premiere eft de celles qui font produites
par des caufes exterieures ; la feconde
, de celles qui attaquent la partie
des dents , renfermée dans les alveoles &
les gencives , & la troifiéme , de celles qui
étant occafionées par les dents , peuvent
être nommées accidentelles . Il en enfeigne
les caufes , le pronoftic & le dianoftic . Il fait
connoître enfuite l'inutilité & même le
danger des remedes qu'offrent les Empiriques
, à qui une hardieffe témeraire tient
lieu de théorie.Il propofe en même temps
plufieurs autres remedes .
Avant que d'enfeigner la maniere d'operer
, il entre dans un détail exact de l'ordre
dans lequelfont placées les dents , de leurs
differentes furfaces & des noms qu'il faut
leur donner ; remarquant très - judicieuſement
qu'il eft important de ne s'y point
tromper , fur tout lorfqu'on en donne des
defcriptions , ou qu'il s'agit d'une confultation.
Il inftruit fur les attitudes que
doivent prendre le fujet & l'Operateur ,
fuivant les circonstances , Après quoi il
fait
JUILLET. 1728. 1637
୮
fait obferver les précautions qu'il faut
prendre pour ôter les dents ; ce qu'on
doit faire pour ouvrir la bouche , lorfqu'elle
eft violemment refferrée par quelque
mouvement convulfif ou autre accidents
comment on doit operer dans les
maladies des gencives , foit pour celles
que leur caufe la fortie des dents , foit
pour leur excroiffance ordinaire , l'Epoulis
, ou excroiffance charnuë , le Paroulis
ou abſcès , les ulceres & les fiftules qui leur
furviennent , & de quelle maniere on
opere quand le fcorbut s'eft emparé des
dents , des gencives & des os des mâchoires.
Après avoir fait quelques remarques
fur plufieurs accidens très- fâcheux que
caule la carie des dents aux parties offenfées
qui leur font voifines , l'Auteur donne
foixante & onze Obfervations , acpagnées
de Reflexions fur beaucoup de
cas intereffants & curieux , & c'eſt parlà
qu'il finit fon premier volume.
Les bornes où nous devons nous renfermer
dans ces fortes d'Extraits , ne nous
permettent point d'entrer dans le détail de
ces Obfervations. Tout ce que nous en
pouvons dire , c'eft qu'elles nous paroiffent
auffi fages qu'utiles , & qu'elles font
autant de preuves de la capacité , des lumieres
& des bonnes intentions de celui
qui les a faites,
G On
1638 MERCURE DE FRANCE
Ón fent bien que l'Auteur s'eft appliqué
à fe rendre clair & intelligible à tout
le monde , dans fon premier volume ;
Dans le fecond , il femble s'être réfervé
pour ceux de fa Profeffion , quoiqu'il
contienne cependant beaucoup de chofes
utiles que bien des Particuliers peuvent
mettre à profit. Il y fait voir d'abord
que les Inftrumens de fer ou d'acier
ne nuifent point aux dents , quand il s'agit
d'operer ; & ayant décrit ceux qui
font propres en detacher le tartre ou
tuf , il montre la maniere de s'en fervir
avec fuccès pour nettoyer la bouche. II
paffe enfuite à l'ufage & au choix des limes
, & à la néceffité de limer les dents
en certaines occafions .
à
Il décrit les Inftrumens convenables
pour les ruginer , les plomber , les cauterifer
, lorfqu'elles font cariées , & les redreffer
quand elles font tortuës, mal arrangées
& luxées, enfeignant la meilleure maniere
d'y parvenir & les remedes les plus
efficaces .
Il donne les moyens de les raffermir
quand elles font chancelantes , faifant
connoître que le fecours de la main &
l'ufage du fil d'or , font imcomparablement
plus fûrs que les Opiates & les Liqueurs
tant vantées pour leur raffermiffement
& leur guérifon , dans des Affiches,
JUILLET. 1728 .
1639
ches , où l'on ne vife , pour l'ordinaire ,
qu'à furprendre le Public.
Aprés avoir décrit avec foin les Inftrumens
nommez , Déchauffoir , Pouffoir ,
Pincettes ou Daviers & Levier , ſervant
à ôter les dents , & en avoir montré l'ufage
, il donne la defcription d'un nouveau
Pelican de fon invention ; & faiſant
connoître l'utilité de cet Inftrument , il
s'étend fur toutes les précautions qu'il
faut prendre pour ôter les dents , fur toutes
les circonstances , fur la façon d'y bien
réüffir , & fur les impoftures des Charlatans
à cet égard .
Il prouve que les dents peuvent être
remifes dans leurs alveoles, & y reprendre
racine ; que même on peut en tranfplanter
d'une bouche dans une autre , & il
réfute ce que quelques Auteurs ont dit
de contraire aux diverfes experiences
qu'il en a faites .
Comme après avoir ôté les dents , il
peut furvenir des hémorragies & des fluxions
, l'Auteur enfeigne des Stiptiques
& autres remedes pour les arrêter & les
guérir.
L'ornement de la bouche & la réparation
qu'on y peut faire , lorfqu'il en eft
befoin , étant un des principaux objets de
l'Auteur , il n'oublie rien de ce qui peut
apprendre à y placer des dents artificielles
Gij qui
1640 MERCURE DE FRANCE
qui puiffent fuppléer à celles qui manquent.
Il enfeigne de quelles matieres
elles doivent être faites ; quels Inftrumens
fervent à les fabriquer ; comment on peut
y ajoûter un émail artificiel ; & enfin tout
ce qui eft neceffaire pour les attacher artiftement.
Il donne la deſcription d'une Machine
qui tient lieu de toutes les dents fuperieures
& celle d'un double dentier. Ces
deux differentes Machines font de veritables
marques de l'efprit fubtil & de l'adreffe
de l'Auteur , dont le génie paroît
encore dans l'invention de cinq Obiurateurs
du palais , ou plaques fervant à boucher
les trous qu'une carie fcorbutique
ou autre auffi maligne , peut avoir faits
à cette partie de la bouche. Il décrit avec
un grand foin ces cinq Obturateurs ,
dont deux font en partie dentiers : il fait
le détail de toutes les petites Pieces ingénieufement
imaginées qui fervent à les
fufpendre & à les affujettir , & enfeigne
de quelle façon on peut les introduire &
les mettre en place.
Enfin ce dernier Tome paroît un effort
d'indultrie & de patience ; & nous croyons
qu'on regardera l'Ouvrage entier comme
la production d'une perfonne qui ne
pouvoit manquer de réüffir , en joignant
beaucoup de talent à beaucoup d'experience
. Ce
JUILLET 1728. 164 %
Ce Traité eft terminé par quelques Remarques
critiques fur un Chapitre touchant
les dents , qui fe trouve dans un
Livre de Chirurgie , imprimé depuis quel
ques années.
ENTRETIENS avec Jefus- Chrift dans
le tres faint Sacrement de l'Autel , contenant
divers Exercices de pieté pour honorer
ce divin Myftere , & pour en approcher
dignement . Parun Religieux Benedictin
, de la Congrégation de S. Maur ;
nouvelle Edition , plus correcte & plus
ample que les précedentes . A Paris , ruë
S. Severin , chez J. Vincent , 1728.in 12 .
LA SCIENCE PARFAITE DES NOTAIRES
, ou le moyen de faire un parfait
Notaire , contenant les Ordonnan
ces , Arrêts & Reglemens rendus , touchant
les fonctions des Notaires , tant
Royaux qu'Apoftoliques ; avec les Stiles,
Protocoles, Formules & Inftructions,
&c. nouvelle Edition , revuë , corrigée &
augmentée ; par M. Claude - Jofeph de
Ferriere , Doyen des Docteurs , Regent
de la Faculté des Droits de Paris , & ancien
Avocat au Parlement. A Paris, ruï
S. Jacques , chez J. Ofmont, 1728.2.vol .
in 4°.
Ġ iij
Le
1642 MERCURE DE FRANCE.
LE NOUVEAU TESTAMENT de N.
S. J.C. traduit felon la Vulgate. Nouvelle
Edition. A Paris , ruë de la Parcheminerie
, chez Jofeph Bullot , & rue S. Jacques
, chez Henry. 1728. 2. vol. in 12 .
gros caractere , liv. & en un petit vol .
in 12. 2 liv.
HISTOIRE DE LA MILICE FRANÇOISE
, & des changemens qui s'y font
faits depuis l'établiffement de la Monarchie
Françoile dans les Gaules, jufqu'à la
fin du regne de Louis le Grand. Par le
R. P. G. Daniel , de la Compagnie de Jefus
, Auteur de l'Hiftoire de France. A
Paris , Quay de Gévres , chez la veuve
Saugrain & Prault ; Place de Sorbonne &
rue S. Jacques , chez Cailleau & Borde
let. 1728. 2. vol . in 4° . avec fig.
de COLLECTIO JUDICIORUM
novis Erroribus , &c . Recueil des Jugemens
, contre les nouvelles erreurs qui fe font
élevées , & qui ont été condamnées depuis
le commencement du douzième fiecle , juf
qu'à l'année 1632. & des Jugemens doctrinaux
des Univerfitez fameufes ; entr'autres
de celle de Paris , d'Oxfort , de Louvain
; avec des Notes , des Obfervation
des Pieces qui concernent la Théologie
Par M. Dupleffis Dargentré , Docteur d
Sorbonne, & Evêque de Tulle . A Paris
Plac
UILLET. 1728. 1643
Place de Sorbonne , chez André Cailleau .
1728. infol. premiere partie , 548. pages
, & feconde partie 370 , qui comprend
les Pieces depuis 1521. jufqu'en
1632 .
AMBROS 11 CATHARINI vindiciæ
, de neceffariâ in perficiendis Sacramentis
intentione Theologica Difputatio,
operâ ac ftudio Fr. Jacobi Hyacinthi
SERRI , Ord. Præd . Doct. Sorbonici &
in Academiâ Patavinâ Primarii S. Theolog
æ Profefforis . Nova Editio aucta &
emendata.Parifiis, apud Aug.Dan.Chaubert,
viâ vulgò dictâ de Hurepois, ad ripam
Auguftinianorum , fub fignis Prudentia
& Fama , 1718. in 8 °. pag. 144.
Le R. P. SERRI , Dominicain François,
Docteur de Sorbonne, premier Profeffeur
de Théologie en l'Univerfité de
Padoue , & celebre par plufieurs Ferits
qu'il a publiez en faveur de l'Ecole de
S. Thomas , & par fes difputes avec le
R. P. Daniel Jéfuite , fit l'année derniere
imprimer cet Ouvrage à Padoue , où il a
eu un grand fuccès.
Le P. Serri informé qu'on avoit deffein
de le réimprimer à Paris , a jugé à
propos d'y faire des changemens & des
Additions confiderables , & de les faire
tenir au Libraire , qui de fon côté n'a rien
G iiij épargné
1644 MERCURE DE FRANCE .
,
épargné pour faire honneur au fçavanz
Dominicain , & fe faire honneur à luimême.
On peut dire , en effet , que par
rapport à la beauté du papier , & des
caracteres & à la correction , nous
avons eu depuis longtemps peu de Livres
ſi bien imprimez . Pour que les Exemplaires
de cet Ouvrage fe répandent plus
facilement dans le public , le Libraire le
vend à un prix très modique , c'eſt- à-dire
24 fols.
Le IVe volume de la nouvelle Edition
de Polybe , traduit par le R. P. Dom Vin.
cent Thuillier , avec les Commentaires ,
&c. de M. le Chevalier de Folard , enrichie
de Plans & de Figures , s'imprime
actuellement , & ne tardera pas de paroître.
On mettra en vente à Paris au commencement
d'Aouft , chez Michel Brunet , en
la Grand'Salle du Palais , & chez Etienne
Ganeau , aux Armes de Dombes ; chez
François Joüenne , à S. Landry , & chez
Huart l'aîné , à la Juſtice , tous trois ruë
S. Jacques , un nouveau Livre intitulé :
Réthorique ou l'Art de connoître & de
parler , avec la maniere d'écrire des Lettres
; en un volume in 12 , par M. Claufier.
Les
JUILLET. 1728. 1645
Les principales connoiffances de la
Philofophie y font appliquées à l'Elo❤
quence ; & pour ce qui regarde la maniere
d'écrire , on cite pour modeles fur
chaque forte de Sujet les meilleures Lettres
de Ciceron , de Pline , & de Politien .
Cette Méthode , en enfeignant ainfi la
Rhétorique , peut auffi fervir d'introduction
à la Philofophie pour ceux qui n'en
ont pas encore de connoiffance , & apprendre
fon principal ufage à ceux qui
l'ont étudiée. En un mot, elle peut,en raprochant
ainfi les Sciences qu'embraſſe
la Philofophie , de leur fin commune qui
eft d'éclairer l'efprit dans toutes fortes de
matieres , donner aux études qu'on fait
faire en France à la jeuneffe , un effet
beaucoup plus prompt & beaucoup plus
grand ; & fuppléer au deffaut de la Logi
que & de la Morale , dans les Païs où
l'on n'en fait pas .
ANALECTES de l'Abbaye de Fulde
dans lefquels on prouve par d'anciens titres
que les femmes font capables de fucceder
aux Fiefs qui relevent de l'Abbaye:
de Fulde; & où l'on trouve plufieurs Queftions
qui concernent les matieres Féodales
& Militaires d'Allemagne. Par M.
Jean Georges Eftor , à Strasbourg , chez
Dulßcker. 17.27 . in fol. de 88 pages en
latin.. Gy Precis
1646 MERCURE DE FRANCE .
PRECIS des Inftitutions du droit Belgique
, par rapport principalement au
Reffort du Parlement de Flandres . A
Lille , chez Prevost. 1727. 339 pages.
LES METAMORPHOSES D'OVIDE ,
traduites en François par M. du Ryer , de
P'Académie Françoiſe , avec de nouvelles
Explications à la fin de chaque Fable . A
la Haye , chez Goffe & Neaulme ; & à
Paris , chez Chaubert. 1728. 4 vol . de
plus de 300 pages chacun .
LA VRAIE MANIERE de contribuer
à la réunion de l'Eglife Anglicane à l'Eglife
Catholique , on Examen de differens
endroits de deux livres , l'un intitulé : Dif
fertation fur la validité des Ordations
des Anglois , & c. & l'autre : Deffenſe de
la Differtation fur la validité des Ordinations
des Anglois . Par M. François Vivant
, Prêtre , Docteur , Chanoine, Chancelier,
Vicaire General de Paris . A Paris,
ruë de la Harpe , chez P. Simon . 1728 .
´in 4 °.
LIVRES que Cavelier , Libraire , ruë
S. Jacques , près la Fontaine S. Severin ,
a nouvellement reçû des Païs Etrangers .
Juillet 1728 .
Bibliotheque Germanique . Année 1727 .
tome
JUILLET. 1647 1728 .
tome 14°. in 8. Amft. 1727 .
Tillotson , Sermons fur la Repentance ;
traduits de l'Anglois . Par Beaufobre.in
8. Amft. 17 28 .
L'Enfant. Sermons fur divers Textes de
l'Ecriture Sainte . in 8. Amft. 1728 .
Philips. La Monarchie des Hebreux ,
traduit de l'Eſpagnol . 4.vol. in 12. La
Haye. 1727.
Hiftaire Litteraire de l'Europe , contenant
l'Extrait des meilleurs Livres, & c.
6 vol . in 8. La Haye. Janvier 1726 .
jufqu'en Decembre 1727. inclufivement
.
Clarcke. De l'Exiftence & des Attributs
de Dieu , de la Religion naturelle , & c .
traduit de l'Anglois , feconde Edition
augmentée . 3 vol. 8 Amft. 1728.
La Chapelle.Bibliotheque Angloife,tome
15, premiere partie. 12. Aft . 1727.
Kempheri ( Ger. ) Rei Venaticæ Scriptores
. 4. Lug. Bat. 1727 .
Gorter. ( Jo ) de Secretione Humorum è
Sanguine ex Solidorum fabrica & Humorum
indole demonftrata. 4. Lug-
Bat. 1727
Vvepteri. ( Jo . Jac. ) Obfervationes
Médico- Practica de Affectibus Capitis
internis & externis.4 . Schafufii.1727.
Hoffmanni . ( Frid . ) Differtationes Phif.
Medica Selectiores & Decades duæ, 4 .
G vj
vol
1648 MERCURE DE FRANCE :
vol. 8. Lug.- Bat. 178. & 1719 .
Luyfini . ( Aloifii ) Aphrodiſiacus , five de
Lue venerea , continens omnia quæcumque
de hac re hactenus ab omnibus
Medicis funt confcripta cum Præfatione
Boerhaave . Fol . 2. vol. Lug.
Bat. 1728.
Cockburn. ( Guil. ) virulentæ Gonorrhea
caufa & curationes . 8. Lug.Bat. 1717 .
Hovius. ( Jac. ) de circulari Humorum
Motu in oculis . 8.fig.Lug. - Bat . 1716 .
Dißertation fur les Vapeurs qui nous arrivent.
Par M. Viridet , Medecin à Morge.
in 8. Iverdon. 1726.
On trouve les Livres fuivans chez Pierre-
François Giffart , rue S. Jacques , à l'Image
Ste Therefe.
RERUM ITALICARUM Scriptores . I 2 .
vol. in fol. Mediolani.
ISTORIA DIPLOMATICA , che Serve
d'Introduzione all'arte critica in tal ma--
teria. in 4. In Mantoua . 1727 .
OPERE VARIE CRITICHE di Ludovico
Caſtelvetro , colla vita dell ' Autore,.
Scritta dal Sig. Propofto Lodovico-
Antonio Muratori. in 4. in Milano.
1727.
Du Sauzet , Libraire Amfterdam , fait
traduire de l'Anglois & publiera bien - tôt
un
JUILLET. 1728. 1649
un Livre iutitulé : Difcours hiftoriques,
critiques & politiques fur Tacite , conte
nant des Réfléxions qui mettent dans un
nouveau jour les vûës artificieuſes , & la
conduite tyranique des Empereurs Romains;
l'Esprit de fervitude & la Flatterie
baffe & rampante du Sénat , des Grands
& du Peuple ; les fuites fatales du pouvoir
arbitraire , &c. & les avantages de
la liberté , le Génie des Cours ; le danger
& la licence des Armées ; la folie & l'extravagance
des Conquêtes & des Conquerans
; avec le caractere de Tacite; l'Apologie
de cet Hiftorien , contre fes Cenfeurs,
& un Jugement fur fes Traducteurs
& fes Commentateurs , &c. Par M. Gor--
don , in 1.2 ..
On mande de Conftantinople du commencement
du mois dernier que l'Imprimerie
que le Grand Vizir a établie dans le
Serrail , eft prefque dans fa perfection.
On y compte actuellement 36. Appren
tifs qui travaillent fous la direction de
huit Grecs qui fçavent parfaitement la
Langue du Pays & les autres Langues
Orientales. Ils ont prefenté des Effais
en Grec , en Arabe & en Turc aux
Principaux Officiers de la Cour qui leur
ont promis leur protection contre les menaces
du Mufti , qui voudroit détruire ce
nouvel
1650 MERCURE DE FRANCE .
nouvel établiffement , qu'il traite de fleau
du Grand Dieu , auffi préjudiciable , ſelon
lui , aux (ujets du Grand - Seigneur, que
la maladie contagieufe qui afflige actuellement
la Capitale de l'Empire . Le bruit
court cependant que les menaces qu'on
lui a faites de le dépofer , l'ont rendu plus
traitable.
On apprend de Liſbonne que M. Ma
noel Telles de Silva , Marquis d'Alegrette
, Secretaire de l'Académie Royale
d'Hiftoire de Portugal , a publié en Por
tugais le premier Tome de l'Hiftoire de
cette Académie , dédiée au Roy de Portu
gal , in 4. chez Jean. Antoine Dafylva
1727.
•
On trouve chez ce Libraire , le Recüei
des Piéces & Mémoires de cette Acadé
mie depuis 1721. qu'elle a commenc
fes Affemblées jufqu'en 1726 , inclufi
vement . 6. vol . in fol.
On trouve chez le même un Catalo
gue Chronologique , Hiftorique , Génea
logique & Critique des Reines de Portu
gal , & des Princes leurs fils. Par Do
J. Barboza , Clerc- Regulier , & Membr
de l'Académie, en Portugais , in 4 .
On mande de Londres que le 22. d
mois dernier , un Jardinier d'Oxford pré
fent
JUILLET. 1728. 1651
fenta à L. M. plufieurs grapes de railin
noir parfaitement mûr , d'une groffeur
& d'une beauté extraordinaire , que le
Koi & la Reine reçûrent très - gracieufement
, & firent une gratification confiderable
au Jardinier . On remarque que
depuis quelque tems l'Art de l'Agriculture
& du Jardinage font extrêmement
cultivés en Angleterre.
Les Lettres de Liſbonne portent qu'on
y avoit écrit de Campo - Mayor , que le
30. du mois de May dernier on y avoit
vû un phénomene,dont la direction étoit
du Sud au Nord . Sa clarté effaçoit celle
de la Lune , & il finit en fe difpofant en
rayons qui fembloient tomber à terre &
avec un bruit plus violent que celui d'un
coup de Canon .
Le ficur Maffé vient de finir un Tableau
de Coriolan qui attire l'attention
de tout ce qu'il y a de perfonnes curieufes
& intelligentes. C'eft avec la plume
qu'il fait tous fes Tableaux , mais il la
manie fi bien , qu'on diroit que les couleurs
font réunies & fondues avec la même
harmonie que pourroit le faire un
pinceau de mignature. Le Coriolan eft
fans couleur & à l'ancre feule . On y remarque
une parfaite intelligence ; car ou
tre
1652 MERCURE DE FRANCE .
tre que toutes les figures font des mieux
caracteriſées par les differents geftes & attitudes
qui expriment au vrai leurs divers
fentimens , toutes les draperies font
par hachures comme au burin , fans avoir
le grand clair des Eftampes , où l'on ne
peut diftinguer les chairs ; car hors le
linge il n'y a point d'étoffe qui doive
avoir un pur blanc fur le plus éclairé ;
de plus , cela empêche la rondeur. Le
fieur Maffé imite en ceci la Peinture ; &
par le menagement de fes ombres , il
éclaire comme elle fes étoffes , ce qui donne
aux Carnations un tendre & une expreffion
que le burin ne fçauroit attraper.
D'ailleurs , les Eftampes ont les hachures
des habillemens des femmes auffi groffes
que celles des hommes, pour faire le fort
des ombres. M. Maffé les fait très - fines ,
quoi qu'égales en force à celles des hommes
; de forte qu'il femble qu'on pourroit
deviner les couleurs naturelles des
chofes par le menagement varié des ombres
qu'il fçait donner aux habillemens
& aux carnations de fes figures . On y
diftingue une chair brune & éclairée d'une
chair blanche qui eft dans l'ombre ; ce
qui fait que dans fon point de vue le Tableau
paroît un bas - relief de marbre tané.
Enfin le fuccès en eft tel , que M. de
Largilliere , auffi recommandable par fa
proJUILLET.
1728. 1653
probité que par fon pinceau , n'a pû refufer
au fieur Maffé une approbation authentique
, qui marque le cas qu'il fait
de fon rare talent & de fon nouvel Ouvrage
voici les propres termes de cette
approbation qui fait honneur à celui qui
la donne comme à celui qui la reçoit.
J'ai vu un Deffein de M. Maffé , deffiné
à la plume , reprefentant Coriolan qui fe
laiffe fléchirpar Volomnia , fa femme &
fes enfans , fa mere & les Dames Romaines
, lequel Deffein a plus de trois pieds de
long fur deux de hauteur ; ce qu'il y a
d'extraordinaire , c'est l'amour avec lequel
ce Deffein eft executés le relief, la moleffe ,
le tendre & la rondeur des chairs , les expreffions
& caracteres , & que la nature
ait donné & doüé de ce talent ledit fieur
Maffé , par le zele qu'il a toujours eu ,
&
continue d'avoir pour le Deffein; ce qui le
rend admirable , & m'oblige à lui donner
ce Certificat de l'eftime particuliere que
j'ai pourfa perfonne & fon merite. A Paris
, le 6. Juin 1728. Signé , Largiliere.
Ledit fieur Maffé demeure ruë Neuve
S. Etienne du Mont , près les Peres de la
Doctrine , dans la maifon de M. de Chavance
1654 MERCURE DE FRANC
vance , à la premiere porte Cock
main droite .
CHANSON.
Uffi prompt qu'un éclair dans les
perfé ;
Plus fugitif qu'un flot qu'un autre f
place ,
O toi , dont chaque inftant s'effac
Par un inftant auffi - tôt effacé.
Rapide tems , en vain dans ta vîte
trême ,
Tu fembles fans retour t'anéantir toi t
Je ne me plaindrai pas de toi.
Sans ce Nectar & la Beauté que j'aime
Tu coulerois encor trop lentemen
moi.
St
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* ASTOR
, LENOX
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JUILLET. 1728 1659
į į g g į g g Į Į j & į į į į į į į į į s
おおのの
SPECTACLES.
EXTRAIT de la petite Piece qui a
pour titre , la Bonne Femme , Parodie
de l'Opera d'Hypermnestre , annoncée
dans le dernier Mercure.
ACTEUR S.
Danaüs , Roy d'Argos . Lefieur Thevenot.
Hypermneftre , fille de Danaüs , la Dil
Lyncée , fils d'Egyptus .
L'Ombre de Gelanor.
Silvia.
Arlequin.
Arcas , Confident de Danaus , le fieur
Romagnefi.
Le grand Prêtre d'Ifis , Pantalon.
Matelottes .
Matelots.
}
danfans .
la De Thomaffin.
Une Matelotte ,
Choeur
d'Egyptiens .
Choeur
d'Argiens .
Combattans .
SCENE PREMIERE.
Le Théatre reprefente plufieurs Tombeaux
, & au milieu le Maufolée de Gelanor
, Roy d'Argos. On voit dans la
Perfpective le Soleil qui s'éleve peu à
peu .
Danaus
1656 MERCURE DE FRANCE .
Danaus , Arcas.
Arcas felicite Danaüs fur le choix qu'il
a fait des Fils d'Egyptus pour fes cinquante
filles ; Danaus lui répond que ce
jour n'eft pas fi heureux qu'il fe l'imagine
; mais , lui dit Arcas : Seigneur, fi cette
alliance vous faifoit tant de peine , que ne
refufiez- vous la paix ?
Danaus , fur l'air , Pierre Bagnolet .
Pouvois -je foutenir la guerre ?
Et ne fçais - tu pas comme moi
Que la moitié de la terre
D'Egyptus reconnoît la loy ?
1
t
Voila pourquoi , bis.
Je n'ai pu foûtenir la guerre ,
Parce qu'il eft plus fort que moi.
Il a , continue- t- il , plus de Soldats
je n'ai de fujets ; & quel fujet ?
Sur l'air : On dit que vous , &e.
Ils fe reffouviennent encore
De Gelanor.
Arcas.
Ils ont grand tort ;
Ne fçavent- ils pas qu'il eft mort ?
que
Et
JUILLET. 1728. 1657
Et que toute Ombre
Du Palais fombre
Jamais ne fort.
Oui , mais c'est moi qui l'ai tué , ajoûte
Danais , & qu'importe ? replique Arcas,
nefalloit-il pas toûjours qu'il mourut ♪
SCENE II.
Hypermneftre étonnée de voir fon pere
dans un féjour fi lugubre , l'exhorte à le
quitter ; mais Danaus lui témoigne fes
allarmes.Hypermneftre lui dit de fe livrer
à la joye, par le couplet fuivant , fur l'air;
Allons guai.
Par un deftin profpere
Avant qu'il foit deux ans ,
Vous vous verrez grand pere
D'un regiment d'enfans.
Allons
guay.
Danaus répond à fa fille , qu'il attend
fes Gendres avec impatience ; qu'il a promis
Lyncée à fon amour, & qu'il luitiendra
parole.Il parut icy , par l'ordre d' Egyptus
, ajoûte Hypermnestre . Vous me vantates
fon merite , vous m'ordonnâtes de
Paimer
1658 MERCURE DE FRANCE .
l'aimer; je ne balançai pas un inftant à
executer vos ordres ; car une fille doit toujours
obéir à fon pere ; mais eft il quelque
bonheur pour moi lorfque je vous vois
enfeveli dans une profonde trifteffe ? Quel
nouveau chagrin peut encore vous agiter
? Danaus lui raconte le fonge qu'il a
fait par le couplet qui fuit , fur Pair :
Diablezot.
Ma fille , j'ai vu cette nuit
De Gelanor l'Ombre implacable :
Dans ma chambre il a fait grand bruit ,
D'une voix rauque & formidable ,
Arrête , arrête , m'a- t- il dit :
Hypermnestre.
Croyez-vous que Pluton renvoye
Les morts qu'il tient dans fon cachot →
L'Acheron lache- t-il fa proye ?
Diablezot.
Ce n'eft pas tout. Ecoutez le refte , continue
Danaüs , fur l'air : J'apperçus l'autre
nuit en fonge.
Les Dieux l'ont armé de la foudre ,
Soigneux de venger fon trépas ;
J'ai
JUILLET. 1728. 1659
J'ai vû mon Trône en mille éclats ,
Et mon Palais réduit en poudre.
Hypermnestre.
Ah ! vos fonges font trop mauvais ,
Puiffiez-vous ne réver jamais.
Danaus , fur l'air : Reveillez- vous .
Je vais lui donner une fête ;
Ce fpectacle fera nouveau ;
Allons , enfans , que l'on s'apprête
A l'amufer dans fon Tombeau.
Il ordonne à Hypermnestre de fe retirer
en verité le bon-homme radote , dit
Hypermneftre en fortant .
SCENE III.
Après cela vient une marche de Guerriers
en Crêpes & en longs Manteaux
noirs autour du Maufolée de Gelanor.
Après cette marche , qui fe fait au fon de
la Symphonie & des Timbales , Danaüs
chante le couplet fuivant , ſur l'air : 0 reguingué.
Ombre d'un Prince infortuné
Que j'ai moi-même affaffiné
Oh
1660 MERCURE DE FRANCE
Oh reguingué , oh l'on lan la ,
Soyons amis , plus de querelle ,
Pardonne cette bagatelle .
Le Soleil auffi - tôt s'éclipfe , le Tonnere
gronde. Arcas chante fur l'air : Je ne
fuis né ni Roy ni Prince.
Le jour pâlit , la terre tremble ,
Quel pouvoir contre nous raflemble ,
-Et confond tous les Elemens.
tre.
On entend des Siflets derriere le Théa-
Quels fiflemens ! ... l'Ombre cruelle
Reçoit nos Divertiſſemens
Tout comme une Piece nouvelle .
Tout le peuple fuit. L'ombre de Gelanor
, qui eft d'une grandeur démesurée ,
fort de fon Tombeau , & chante les paro
les fuivantes , fur l'air des Pendus.
Tous tes regrets font fuperflus ,
Bien-tôt un des fils d'Egyptus
Pour me venger de ton audace ,
Tiran , va regner en ta place
Mon
JUILLET. 1728. 1661
"
Mon fang fut répandu par toi ,
Il verfera le tien pour moi.
Danaus troublé par cette réponſe ,chante
fur l'air: On vous en ratiffe.
Que mon coeur eft agité !
Ah ! par cette obſcurité
Tu redoubles mon fupplice ;
Dis -moi lequel me tuera.
L'Ombre , en rentrant dans fon Tombeau.
On vous en ratiffe ,
On vous en ratiſfera.
Danaüs refte feul .
Danaüs , fur l'air : Comment faire.
Ombre inhumaine , expliquez -vous ;
Sur qui doivent tomber mes coups ?
Dans une telle Pépiniere ,
Il s'agit de developer :
Celui que ma main doit frapper ;
Comment faire ?
H Danaus
1662 MERCURE DE FRANCE,
Danaüs , continue fur l'air :
Reveillez - vous .
Voyez la plaifante vétille !
Je n'ai , pour fortir d'embarras
Qu'à tuer toute la famille ;
Et je ne m'y tromperai pas..
SCENE IV.
Le Théatre change , & reprefente une
Mer agitée.
Hypermnestre témoigne l'impatience
qu'elle a de voir Lyncée , par ces deux:
couplets , dont le premier eft fur l'air :
Sorte de vos retraites.
Ah ! quel affreux Orage !
Ceffez , vents furieux ›
D'exercer votre rage
Sur l'objet de mes feux :
Dans vos grottes profondes
Rentrez en ce moment ;
Doux Zéphirs , fur les Ondes
Conduifez mon amant.
Auffi tôt la tempête ceffe , & Hypermneftre
chante cet autre coupler :
Le
JUILLET. 1728. 1663
Le
temps eft calme , & le vent doux ;
Dépêchez- vous
Mon cher époux :
L'Hymen vous attend au Port ;
Pour vous y faire un heureux fort.
Ce Dieu dans ce jour,
D'accord avec l'amour ,
Va couronner l'ardeur qui nous preffe :
Faifons fur ces bords
Eclater nos tranſports
Et que nos tendres défirs
Comblez par les plaifirs
Dans nos coeurs renaiffent fans ceffe:
SCENE V.
Une Troupe de Matelots & de Marelottes
s'avancent fur le rivage , & appelle
Lyncée en chantant.
Avance , avance .
Répons à fon impatience.
Après le divertiffement des Matelots ,
Lyncée traverse les Flots à la nage .
Hij SCENE
1664 MERCURE DE FRANCE.
SCENE VI.
Lyncée , en voyant Hypermneftre , Parodie
; ces paroles de l'Opera : Cher objet
du plus tendre amour, &c.
Ca , Fanchon ,
Mon petit bouchon ,
Ca , ma Chere ,
2
Faites faire
Du feu , car j'ai le friffon.
Hypermnestre.
Cher Epoux ,
1
Je tremblois pour vous
Lyncée.
Des Poiffons , l'humide canaille ,
Les huitres à l'Ecaille ,
De moi, tout étoit jaloux :
Mais enfin ,
L'amour bien plus fin ,
M'a , malgré l'orage ,
Conduit à la plage ;
Je promes
De n'en dériver jamais,
As
JUILLET. 1728. 1665
Ils fe témoignent mutuellement le plaifir
qu'ils ont de fe voir , &c . Après
cette Scene Danaüs arrive , reconnoît
fon gendre , & l'embraffe , en lui difant :
fur l'air : De néceffité , néceffitante .
Au Temple , l'Hymen vous appelle ;
Hypermneftre à Lyncée.
Entrez-y donc :
Lyncée.
Je vous fuis,ma Belle ;
Danaus.
Tout eft prêt pour la céremonie ;
Lyncée.
Oh ! point de façons , je vous en prie.
SCENE VIIL
Le Théatre change , & reprefente le
Temple d'Ifis ; le Grand Prêtre y paroît
accompagné de fes Miniftres. Danaüs
Hypermneftre & Lyncée , entrent dans
le Temple ; on approche l'Autel de l'Hymen
, où Lyncée & Hypermneftre pofent
la main , le Grand-Prêtre reçoit leurs
ferment.
Hiij Hy
1666 MERCURE DE FRANCE.
Hypermnestre chante.
De ma vive flamme ,
Hymen , fois le garant.
Lyncée.
Je jure à ma femme
D'être toujours conſtant.
Hypermnestre.
Je vous ferai fidelle ;
J'en fais , cher Amant
Le ferment.
Lyncée.
Helas ! ma Belle ,
L'Amour le fait , mais l'Hymen le dément.
Danaus ordonne que l'on ouvre les portes
du Temple , & que tout le Peuple y
entre pêle-mêle pour prendre part à la
Fête ; le Peuple entre dans le Temple ,
& c.
>
Après le divertiffement , Arcas vient
dire à Danaüs d'aller calmer par
fa préfence l'infolence des mutins. Auffitôt
Lyncée prie le Roi par le couplet fuivant
, de fouffrir qu'il fignale fa valeur
contre eux , fur l'air : Ce n'eft point par
effort qu'on aime .
De
JUILLET . 1728. 1667
De vous , que j'obtienne une grace :
Souffrez qu'en cette occafion ,
Sur cette vile populace :
Je faffe une belle action.
Danaus.
Allez donc vous battre à ma place
Lyncée , en s'en allant.
Le beau- pere eft un pen poltron.
Danaus reste avec fa fille , & paroît
fort embarraffé : Je ne fçais , dit- il , comment
elle recevra le beau compliment que
je vais luifaire. Après lui avoir fait connoître
les obligations qu'elle lui a , il
chante le couplet fur l'air : Que je aberis ,
mon cher Voifin.
Ma fille , l'on a réfolu
D'immoler votre pere s
J'ai besoin de votre vertu ,
Hypermnestre.
Et qu'en voulez - vous faire ?
Elle doit armer votre bras , répond Danaus.
Hypermneftre lui demande fur qui
doit tomber la vengeance : Son nom vous
fera trembler , ajoûte Danaus . Hyperm-
Hiiij neftre
1668 MERCURE DE FRANCE.
neftre l'affûre que pour diffiper fes injuftes
foupçons, elle eft prête à faire un nouveau
ferment.
Danaus , fur l'air : Ah ! qu'il est beau ,
l'Oyfeau.
A vous parler fincerement ,
Je crains que le fecond ferment
N'ennuie. , n'ennuie ,
Jamais on n'en fit tant
En Normandie.
Ecoutez celui-ci , lui dit Hypermneftre
; mais qu'on m'apporte l'Autel , car
fans celaje ne fçaurois jurer.
Hypermnestre , air du Charivari.
Malgré le reſpect ſincere
Que j'ai pour toi .
Si je ne venge mon pere ,
Hymen, fais moi
Manquer de foi dès aujourd'hui
A mon mari.
Danaus raffuré par le ferment de fa
fille , lui préfente un poignard , & chante
ce couplet , fur l'air : Contre un engagement.
Di
JUILLET. 1728. 1669
Du plus funefte fort
Ma tête eft menacée ,
Pour empêcher ma mort
Va
percer
Hypermnestre.
Qui?
Danaus.
Lyncée,
Hypermnestre.
Quelle loi fanguinaire ,
Helas ! m'impofez- vous ?
Me convient- il , mon pere ,
De percer mon époux ?
Danaus lui apprend que l'Ombre de
Gelanor lui a prédit tantôt qu'un des
fils d'Egyptus lui raviroit la vie & la
Couronne ; que fes foeurs n'ont pas fait
tant de difficulté , & qu'elles font bien
plus réſoluës ; il l'a renvoye , en lui ore
donnant d'executer le ferment qui la lie .
Hypermnestre fort . Danaus refte , & dit
qu'il a pris de fi juftes meſures , que Lyn-.
cée ne pourra fe fouftraire à fa vengeance,
& qu'à la faveur de la nuit on va l'affic
ger de toutes parts.
Hv SCENE
1670 MERCURE DE FRANCE .
D
SCENE XIII.
Le Théatre change , & reprefente la
façade du Palais de Danaus . Une nuit
très - obfcure régne fur le Théatre . Hypermneſtre
y paroît feule , un poignard à
la main , elle chante fur l'air : Depuis que
j'ai vû Nanette .
Juftes Dieux ! que dois-je faire ?
Quoi ! cédant à fon courroux ,
Mes foeurs par l'ordre d'un pere
Affaffinent leurs époux ?
O nuit , de tes voiles fombres ,
Quel eft le fatal fecours !
Toi , qui ne devois tes ombres
Qu'au triomphe des Amours.
SCENE XIV.
Lyncée avec une Lanterne à la main ,
en pet-en-l'air , en bonnet de nuit & en
pantoufles , vient chercher fa femme ; il
Papperçoit & en voyant le poignard
qu'elle tient , il lui demande ce qu'elle en
veut faire. Hypermneftre ne fçait que lui
répondre , & dans l'excès de fa fureur
elle veut fe fraper. Lyncée l'arrête. Auffi
- tôt
JUILLET. 1728. 1671
tôt le Tonnere gronde , les éclairs brillent
. Lyncée chante fur l'air : la faridondaine
, lafaridondon.
Mais quel tonnere , quels éclairs ,
Etonnent la Nature ?
Ces feux qui brillent dans les airs
Sont d'un finiftre augure.
Choeur des fils d'Egyptus.
Quelle fatale trahiſon ,
La faridondaine , la faridondon ,
Dieux ! O Dieux ! on nous traite ici
Biribi ,
A la façon de Barbarie
A
Mon ami.
Lyncée reconnoît les voix de fes freres ;
& dans le temps qu'il veut aller les fecourir
, il entend un Choeur d'Egyptiens
qui chantent ;
Aux armes camarades ,
Autre Choeur d'Argiens derriens le
Théatre , fur l'air : Jefuis un bon Soldat.
A
Portons dans le combat ,
Tita ta
H vj L'hor1672
MERCURE DE FRANCE .
L'horreur & le carnage.
Que Lyncée abbatu •
Tu , tu , tu .
Cede à notre courage.
Comment,morbleu , dit Lyncée , on parle
de moi , Ab! chien de beau pere , vous
faites donc des vôtres ? Tout à l'heure nous
allons voir beau jeu ; mes amis , commen .
cez toujours. Hypermneftre effrayée rentre
; auffi-tôt on fonne la charge ; il fe
fait un combat en ordre , des Egyptiens
contre les Argiens ; Lyncée vient avec
un grand bâton , avec lequel il met fes
ennemis en fuite , & refte Vainqueur .
SCENE XVI.
Hypermneftre feule arrive toute tremblante
, & chante les quatre couplets fuivans
:
Premier couplet , fur l'air : le flon flon,
Quelle horreur ! quel tapage !
Où porter mes regards
Le fang dans ce carnage
Coule de toutes parts.
Se.
JUILLET. 1728. 1673
"
Second coupler , fur l'air : du Frere
Endouillard.
Mais quel fpectacle à mes yeux fe découvre
La terre s'entr'ouvre ,
Je vois des enfers
Les fuplices divers.
Troifiéme , fur l'air : Vous n'avez pas
befoin qu'on vous confole.
Je vois mes foeurs fur l'infernale rive :
Quel eft le but de leurs foins empreffés ?
Elles voudroient d'une onde fugitive ,
Fixer le cours dans des Tonneaux percés.
Quatrième ,fur l'air : Je ne fuis né ni Rei
ni Prince.
Non , vos mains font trop criminelles ;
cruelles ,
Des Dieux n'efperés pas ,
Appailer le jufte courroux ;
Vous puiſez vainement , perfides
Vous avez tué vos époux ;
Vos Tonneaux feront toujours vuides..
SCENE XVII.
Lyncée vient apprendre à Hypermnef
tre
1674 MERCURE DE FRANCE .
tre le fuccès du combat ; lui dit de le fuivre,
& voyant Danaus foutenu par deux
Gardes : Ah ! continue- t - il , vous verrez
que j'aurai tué le beau-perefans y penſer.
SCENE DERNIERE.
Hypermnestre , en voyant fon pere ,
s'écrie :
O Ciel ! quel horrible ſpectacle !
Ta main vient d'accomplir l'Oracle.
Danaus , fur l'air : Colin , va t'en dire
à Nanette.
Non , fille perfide , c'eſt toi ;
Qui trahis ton pere & ton Roi;
Pour l'amour de ce miferable ,
Je voudrois pouvoir avec moi ,
Tous deux vous entraîner au Diable.
Lyncée lui répond , allez y toujours devant,
mon cherpapa , & chante fur l'air :
& zeste , zefte , zeste.
Et zefte , zefte , zefte ,
Grands Dieux , quelle fureur !
Danaus.
Vite , que l'on m'emporte.
Lyneie.
JUILLET. 1728. 1675
Lyncée.
La rage le tranſporte.
Hypermnestre.
Il expire , Seigneur.
O Ciel ! quel coup funeſte ›
Il ne faut pas quitter le Roi .
Lyncée .
Et zefte , zefte , zeſte ,
Puifqu'il eft défiant , croyez- moi ,
Songeons au refte.
Le fieur des Effars , Comédien de Province
, ayant obtenu un ordre du Duc
de la Tremouille , Premier Gentilhomme
de la Chambre du Roi en année , reprefenta
fur le Théatre François le 13. le 14.
& le 19. de ce mois , les principaux Rôles
dans les Comédies d'Efope à la Cour
de l'Avare , de Tartuffe , &c.
Au commencement de ce mois , les
Comédiens François ont remis au Théa
tre la Tragédie de Britannicus de Racine ,
dont l'execution fait un extrême plaifir.
Le fieur Baron y joue le Rôle de Burshus.
Le
1676 MERCURE DE FRANCE .
Le 17. Juillet , les Comédiens Italiens
donnerent la premiere reprefentation
d'une petite Piéce nouvelle en Profe,
& en un Acte ,intitulé : Arlequin Arbitre.
L'Auteur qui ne fe nomme pas , a
voulu parodier quelques Scenes de la
Comédie du Procureur Arbitre , jouée au
Théatre François au mois de Février dernier.
•
La place nous manque pour l'Extrait de
la Princeffe d'Elide , Opera nouveau
qu'on joue avec beaucoup de fuccès depuis
le zo . de ce mois. On le trouvera
dans le prochain Mercure.
Les Comédiens François doivent remettre
au Théatre , le premier jour
d'Août , la Princeffe d'Elide , Comédie
héroïque de Moliere , mêlée de chants ,
de Symphonies & d'Entrées de Ballets .
Le Concert établi au Château des
Tuilleries , ayant été interrompu à cauſe
des grandes chaleurs , recommencera le
15. Août prochain , Fête de l'Affomption
de la Vierge. Le fieur Simard , qui a
feul préfentement ce Privilege , fur la démiffion
du lieur Philidor , avec l'agré
ment du Roi , a pris toutes les mesures
convenables pour rendre ce Concert en-
)
core
JUILLET. 1728. 1677
core plus brillant . Le fieur Mouret , Auteur
de plufieurs Ouvrages de Muſique ,
connus & eftimés du Public , eft chargé
du choix des Sujets qui fe préfenteront
pour être admis au Concert, de même que
de toutes les Piéces qui y feront chantées ,
& de leur execution. Il prie les amateursde
Mufique de lui indiquer & de lui
adreffer les meilleurs Sujets dont ils pourront
avoir connoiffance , foit à Paris , où
dans les Provinces , tant pour la voix
que pour les inftrumens ; on leur fera des
conditions avantageufes felon leurs talens.-
Le fieur Mouret demeure toujours fur la
Place du Palais Royal , proche le Caffe de
la Regence.
On a diftribué ( dans la Salle du Concert
) les Gradins qui font face à la Tribune
; de forte que l'on pourra faire retenir
des places féparées depuis quatre juſqu'à
huit , fur le pied de quatre livres
chacune ; on ne payera que trois livres
aux places des Gradins qui font à côté de
la Tribune , & deux livres au Parquet
comme à l'ordinaire.
TT
NO
1678 MERCURE DE FRANCE .
NOUVELLES DU TEMPS.
L
TURQUIE
nier à Tunis un Vaiffeau d'Amfterdam
avec des Poudres , des Boulets , du Gaudron ,
des Toiles de Voiles , des Ancres & autres
munitions , pour remplir les conditions auf
quelles la République d'Hollande s'eft enga
gé avec la Regence de Tunis , par le dernier
Traité qu'elle a fair avec elle.
On a reçû avis que le Bey de Tunis avoit
fait mettre aux fers plufieurs des Principaux
habitans de cette Ville , qu'il avoit relegué à
Suz le pere & le frere defon neveu rebelle
& que depuis leur départ , il les avoit fair
étrangler en chemin . Ces Lettres ajoûtent que
les autres habitans qui font dans le parti du
Bey , commençoient à tranfporter leurs Mara
chandifes & leurs effets dans les Montagnes
pour les garantir en cas que l'Efcadre du Roi
T.Ch. vienne les bombarder.
On a appris de Miquenez que Muley Abdemelec
qui avoit été proclamé Roy à la place
de Muley-Hamet Debey , fon frere , y avoit
fait fon Entrée publique dans le mois de May
dernier avec beaucoup de pompe & aux acclamations
des habitans ; qu'il avoit nommé
immédiatement après plufieurs Grands de
fon Royaume pour aller à la Mecque y porter
de riches préfens au Tombeau de Mahomet ,
en reconnoiffance des faveurs qu'il a reçûës.
Ces
JUILLET . 1728. 1679
Ces Lettres ajoûtent , qu'il a fait de fi bons
réglemens pour l'adminiftration de la juſtice ,
qu'on a tout lieu d'efperer un Gouvernement
doux fous un Prince fi Debonnaire.
On a reçû avis que le Bey de Tripoli avoit
déclaré au Conful de l'Empereur , que la Regence
avoit réfolu de ne plus obferver le Traité
de paix qu'elle avoit faite il y a environ
deux ans avec S. M. Imp.parce qu'il étoit trop
défavantageux à la Regence.
RUSSIE.
E Czar a accordé à la Princeffe Ottokefa-
Federowna , fon Ayeule , 50000. Roubles
tous les ans , outre fa penfion ordinaire ,
& a auffi augmenté confiderablement le nombre
de fes Domeftiques.
Le Vaiſſeau de Guerre , Pierre le Grand , de
110. piéces de Canon , conftruit depuis un
an, doit être tranfporté de Petersbourg à
Cronstadt fur des machines faites exprès.
On a eu avis que le Prince Menzikoff étoit
entierement rétabli de fa maladie , & qu'it
avoit été conduit fur fes Terres , accompagné
d'une partie de fa famille.
Le Czar ayant fait examiner dans fon Confeil
les offres avantageufes qui lui ont été
faites de la part de l'Empereur de la Chine ,
par rapport au commerce de ce Pays , S. M.
Cz. a réfolu de faire partir tous les deux ans
une Caravane pour la sûreté des Marchands
qui voudront aller à la Chine , ou y envoyer
leurs Marchandiſes.
Deux Officiers s'étant battus en duel à Moſ
cou, & l'un deux ayant été tué, on a publié & affiché
un Edit qui condamne à mort tous ceux
qui fe battront dorénavant en duel , de même
que
1680 MERCURE DE FRANCE.
que ceux qui ferviront de feconds. Ceux qui fe
feront battus à la fuite d'une querelle , & fans
appel ni rendez - vous , feront condamnés à
travailler pendant un certain tems aux fortifications
des Forterefles.
Le Prince Dolhorucki qui commande les"
Troupes du Czar en Perfe , écrit que les
Troupes du Sultan Acheraf n'avoient pas encore
abandonné les quartiers qu'elles avoient
pris le long de la mer Cafpienne , mais qu'elles
ne faifoient aucun mouvement ; que l'Aga
qui commande celle du Grand Seigneur en
Georgie , avoit fait faire diverfes propofitions
d'amitié au General Mofcovite , & lui
avoit fait efperer qu'il en auroit in ceffamment
des preuves plus certaines par l'arrivée des
Commiffaires de S H. charges de pleins pouvoirs
pour travailler au réglement des limites
des Provinces conquifes fur la Perfe par le
feu Czar & par les Troupes Ottomanes.
M
POLOGNE .
Stadzinski , Miniftre de la République
de Pologne à Kili , écrivit fur la fin du
mois dernier au Grand General de la Couronne
, que le Kan des Tartares étoit venu
camper avec fes Troupes à trois lieues de cette
Ville , & que ce Prince ayant appris que Murza
Driantimier étoit en marche avec 12000.
Calmuques pour faire une invafion dans la Pologne
, avoit envoyé ordre au Sultan Galga
d'aller au devant de lui avec fes Troupes, pour
l'empêcher d'entrer dans le Pays
Le Comte Maurice de Saxe s'eſt juſtifié auprès
du Roi & des Senateurs , de tout ce
qu'on lui avoit imputé au fujet de l'Election
éventuelle que les Etats du Duché de Curlande
JUILLET. 1728 .
1.681
lande avoient faite en fa faveur de forte
qu'ayant réuni tous les efprits , on croit qu'il
Trouvera un grand nombre de Partiſans dans
prochaine Ďiette generale , où l'on doit déliberer
de nouveau fur cette affaire.
DANNEMARG.
9
E Roy a fait dire aux Miniftres des Puiffances
qui lui ont fait des Repréſentations
au fujet du commerce de la Compagnie d'Altena
, que cet établissement étant le même qui
fubfifte à Copenhague depuis plus de 200 ans
S. M. avoit lieu de s'étonner qu'on en prit om
brage:qu'au refte elle confentoit que cette affai
re fut portée au Congrès de Soiffons , pour faire
voir à fes Alliez qu'elle ne craignoit point de
les avoir pour juges.
LE
ALLEMAGNE.
E 17. Juin , l'Empereur & l'Imperatrice
partirent de Laxembourg pour Neuftadt ,
avec le Pr. hereditaire de Lorraine.
Le 21. L. M. Imp . allerent dîner à Glonitz &
coucher à Mehrzufchlag.
Le 22. elles dînerent à Kiemberg , & le foir
elles arriverent à Pruck fur la More , d'où elles
partirent le lendemain; & après avoir dîné
à Frayenlutten , elles firent l'après - midy leur
Entrée publique à Gratz, Capitale de la Stirie.
Les Députez des Etats de la Province allerent
audevant de l'Empereur , jufqu'au Château de
Geftin , qui appartient au Comte d'Athemis.
Le 24 Fête de S. Jean- Baptifte l'Emper. accompagné
des Chevaliers de la To fon d'Or ,
qui font du voyage , tint Chapelle publique
dans l'Eglife des jéluites , où il entendit la
Meffe
1682 MERCURE DE FRANCE .
Meffe , celebrée pontificalement par l'Evêque
de Seckau .
On apprend de Drefde du commencement
de ce mois , que les Etats de l'Electorat de
Saxe ont obtenu du Roy de Pologne une Ordonnance
qui deffend aux Familles Catholide
s'affembler dans des Maiſons particu- ques
lieres , & qui leur ordonne de faire l'exercice
de leur Religion dans les Chapelles qui leur
ont été accordées. Le Pr. Electoral de Saxe as
obtenu de S. M. la permiffion d'en faire bâtir
une à la Maifon de plaifance de Wermfdorf.
On écrit de Prague qu'un jeune Etudiant de
cette Ville ayant été trompé par un Juif, duquel
il venoit d'achepter uneCanne d'Eſpagne,
& le Juif ayant refufé de lui rendre le
prix
qu'il en avoit reçû . il l'en avoit frappé de
plufieurs coups , ce qui avoit fait affembler la
populace & excité un grand tumulte ; que la
Garnifon étant accourue pour appaiſer le défordre,
les Etudians s'étoient attroupez , croyant
qu'on vouloit enlever leur camarade, qu'il y
avoit eu plus de vingt hommes tuez de part &
d'autre , & un plus grand nombre de bleffez s
que toutes les maifons des Juifs avoient été
pillées par les Etudians ; contre lefquels le
Commandant avoit été obligé de faire poincer
le Canon en plufieurs endroits de la Ville,
& de faire venir 300 Cuiraffiers du Regiment
de Caraffe qui eft en quartier aux environs.
Le Pacha qui s'étoit refugié à Trieſte , a été
conduit depuis peu à Fiume , où il doit s'embarquer
pour Naples , pour y être plus en sûreté.
Le Duc de Meckelbourg eft retourné à Dantzic
, après avoir reçû avis que toutes les repreſentations
qui avoient été faites de fa part au
Confeil Aulique , avoient été rejettées, & qu'il
ne
JUILLET. 1728. 1683
ne pourroit plus efperer de rien faire changer
au Decret de ce Confeil..
On a appris que le Prince Chrétien Loüis a
eu plufieurs conferences, tant avec les Minif
tres du Duc de Meckelbourg , fon Frere, qu'avec
les Subdeleguez de la Commiffion Impé
riale de Roftock , au fujet de l'adminiftration
du Duché, mais comme on n'a encore pris aucune
réfolution, on doit publier inceffamment
les Lettres circulaires de l'Emper. pour convoquer
l'Affemblée de la Nobleffe & des Etats
de Meckelbourg , afin de les engager par ferment
à approuver la nouvelle adminiftration
ordonnée par le dernier Decret du Confeil
Aulique. Le Duc de Meckelbourg de fon côté
a fait deffendre à fes Sujets de fe foumettre à
ce Decret fous peine de la vie, & le Gouverneur
de Domitz a ordre de fe deffendre jufqu'à
la derniere extrêmité.
On apprend de Drefde , que le 14. du mois
dernier, le Roy de Pologne arriva à Frauſtadt
& qu'il y fut reçû avec des démonftrations
extraordinaires de joye des Grands de Pologne
, qui y étoient venus pour rendre leurs
refpects à S. M. qui y figna le 18. les Univerfaux
pour la tenue de la prochaine Diete generale
de Pologne à Grodno , & partit le 20,
pour Drefde, où elle arriva le 21. en parfaite
fanté
ITALIE.
Es chaleurs ont été fi exceffives dans le
LRORoyaume de Naples , pendant le mois dernier,
que plufieurs Payfans font morts en travaillant
à la Campagne.
Dans le Confiftoire fecret , tenu à Rome le
14. Juin , où le Pape fit la ceremonie de fermer
& ouvrir la bouche au Card . Gotti, le Cardinal
1684 MERCURE DE FRANCE.
dinal de Polignac , en l'abſence du Card.Ottoboni
, Protecteur des affaires de France , propofa
l'Evêché de Bayonne pour l'Abbé de la
Vieuville , Doyen de l'Eglife Cathedrale de
Nantes. Le Card. Cienfuegos , chargé des affaires
de l'Emp. préconifa M.Charles Spinofa,
Evêque titulaire de Trical , pour l'Evêché
d'Anvers.
Le 16. au matin, M Jean- Baptifte Spinola,
Genois , prit poffeffion de la Charge de Gouverneur
de Rome , & de celle de Vice . Camerlingue.
Le Pape a envoyé M. Fizella à Benevent ,
pour y expedier des Lettres circulaires aux
Evêques & Abbez de la Province , afin qu'ils
ayent à s'affembler dans cette Ville au mois
d'Octobre prochain , pour la tenuë d'un Concile
Provincial, auquel S. S. a deffein d'affifter.
Le Pape ayant été informé que les affaffinats
devenoient affez frequens , tant à Rome
que dans l'Etat Ecclefiaftique, à caufe de l'impunité.
S. S. a réfolu de ne plus accorder de
graces ni de commutation de peine pour ces
fortes de crimes , & elle a fait publier un Edit,
qui réduit aux quatres principales Eglifes de
Rome , & à trois jours feulement , l'azile accordé
aux Meurtriers .
On mande de Milan , que les Terres du
Comte Charles Borromée , qui font les plus
belles d'Italie , & les mieux fituées pour le
commerce, devoient être dans peu érigées en
Principauté.
Les Lettres de Bologne , portent que le Chevalier
de S. George y étoit revenu de Parme
le dix-neuf du mois dernier , & que fon fils
aîné avoit reçû de la Ducheffe Doüairiere de
Parme , un prefent confiderable de Vaiffelle
d'argent , de Bijoux & de Pierreries.
Luc
JUILLET. 1728. 1685
Luc Grimaldi , nouveau Doge de la Répu
blique de Gennes , qui fut couronné le 5. du
mois dernier , donna quelques jours après un
repas magnifique , où il fe trouva plus de 400.
perfonnes.
Le Cardinal Pereira , ni l'Ambaffadeur de
Portugal , n'ont point encore rendu vifite à
l'Infant Dom Emanuel , qui fe prépare à
partir de Gennes dans peu.
On mande de Turin , que le Roi de Sardaigne
avoit résolu de tirer de la Savoye un grand
nombre de garçons & de filles , pour établir
une Colonie dans les Vallées.
Le Cardinal Albéroni eft revenu d'Ancone
à Rome avec fon. Neveu , que le Pape a nommé
Prélat du Palais & Referendaire de l'une &
l'autre fignature.
L'Ambaffadeur du Roy de Portugal , qui
s'étoit retiré de Rome à Gennes , s'embarqua
le 22. du mois dernier pour Marſeille , où l'on
affure qu'il paffera l'Eté , après quoi il continuera
fa route pour Lifbonne.
ON
GRANDE BRETAGNE.
des
Na ouvert depuis peu à Whitehall ,
Livres de Soufcriptions pour ceux qui
voudront prêter de l'argent à quatre pour cent
aux Entrepreneurs du nouveau Pont qu'on
doit bâtir fur la Tamife , entre Fulham &
Putney. Cet emprunt , autorifé par un Ace
de Parlement , eft de 30000 livres fterlin .
On a reçû avis de la Virginie , que le Gouverneur
& le Conful de cette Province y
avoient ordonné un jour de jeûne & de Prieres
, pour demander à Dieu qu'il daigne pré
ferver ce Pays de la famine dont il eft mena cè,
les Chenilles ayant détruit tous les fruits de
la terre.
I
Qu
1686
MERCURE
DE FRANCE
. On append de Cantorbery
, qu'on a pêché entre Heckenbury
& Stile- Bridge , un gros Poiffon qui a trente pieds de long , d'une ef- pece inconnue
, ayant la tête comme un Tau- reau , & deux pieds comme un homme.
FRANCE
,
Nouvelles
de la Cour , de Paris , &c.
L&
E 29. du mois paffé , jour de S. Pierre
& S. Paul , les Moufquetaires
du Roy- de la feconde
Compagnie
, Brigade
de Li- gonez , en quartier
au Village
de Fayel , après avoir donné plufieurs
petites Fêtes champêtres
, celebrerent
celle des Saints
Apôtres
, qui arrivoit
la veille de leur dé- d'une maniere
édifiante
& folempart
, nelle , avec le concours
des Peuples
de tous les Villages
circonvoifins
. Ils affifterent
tous à la grande
Meffe Paroiffiale
laquelle
fut chantée
en Mufique
, accompagnée
de divers Inftrumens
, la plûpart de ces Meffieurs
ayant pour cela les talens
neceffaires
. Le Curé les en remercia
par un Compliment
fort poli , à la fuite de
fon Prône. Ils affifterent
auffi à Vêpres
, chantées
par eux - mêmes
en Mufique
, & au Salut , pendant
lefquels
Offices
il y
eut Expofition
du S. Sacrement
,
Su
JUILLET. 1728. 1687
Sur less. heures du foir , on commença
les Danfes , pendant leſquelles on dé◄
fonça plufieurs muids de vin , & on jetta
de l'argent , aux acclamations du Peuple
qui ne ceffoit de crier VIVE LE ROY ,
& de faire des voeux pour l'heureuſe délivrance
de la Reine . On fit plufieurs
tours d'adreſſe & de Gobelets , qui amuferent
& furprirent extremement l'Affemblée
champêtre .
par
A neuf heures la grande Avenuë , dans
laquelle on danfoit , fut illuminée d'une
maniere ingenieufe , ce qui faifoit un fort
beau fpectacle. Les Danfes durerent jufqu'à
onze heures , & furent terminées
un grand feu de joye , accompagné de
fufées , &c. Comme le feu déclinoit , on
y jetta tous les muids vuides : Alors les
Moufquetaires fe joignirent aux Habitans
& danferent un Branle à l'entour
après quoi ils fe retirerent & attendirent
à table l'heure de leur départ , laiffant le
Pays rempli d'idées avantageufes de leur
politeffe , de leur liberalité & de leur zele
pour le fervice du Roy .
On écrit d'Avignon , du 5. Juillet , que
le 15. du mois paffé les RR . PP . Jefuites
firent avec beaucoup de folemnité , la
Fête de la Canonifation des Saints Louis
de Gonzagues & Staniflis Kostka , de leur
Compagnie cette Fête dura 8. jours
I ij &
1688 MERCURE DE FRANCE. A
& fut foutenue par un grand concours
des Habitans de la Ville qui venoient
admirer la décoration de l'Eglife , & afſiſter
aux Offices Divins , chantez fucceffivement
par tous les Chapitres Séculiers &
Réguliers , qui fe font efforcez à l'envi ,
de faire honneur aux PP. de la Compa
gnie. Entre autre Décoration , le jour de
P'ouverture de l'Octave , la cour du Col❤
lege fe trouva ornée de tout ce que le
bon goût & la Litterature peut fournir
pour ces fortes de Décorations .
M. le Duc de Bouillon , qui a été trèsdangereufement
malade à Pontoife , a pris
le Kermes Mineral , & a été faigné. Il ſe
porte à prefent fort bien. M. Aftruct eft
fon Medecin. La Ducheffe de Bouillon
avance heureuſement dans fa groffeffe .
M. de Villeneuve , cy - devant Lieute
nant General de la Senechauffée de Marfeille
, nommé à l'Ambaffade de la Porte
Othomane , a été fait Confeiller d'Etat , &
il fe difpofe à partir pour Conftantinople.
Le 5. Juillet , M. Deftouches , Sur-Intendant
de la Mufique du Roi , & Directeur
de l'Académie Royale de Mufique ,
commença à faire executer en Concert ,
par ordre de la Reine & en fa prefence ,
dans le Salon de la Paix , l'Opera de Telemaque
, dont il a fait la Mufique ,
& continua les deux jours fuiyans. L'execution
JUILLET. 1728. 1689
xecution, en fut parfaite & fit beaucoup
de plaifir à S. M. & à toute la Cour.
Les Rôles de Calypfo & d'Eucharis , furent
chantez par les Des Antier & Péliffier
; ceux de Telemaqué & d'Adrafte ,
tomberent en partage aux fieurs Dumefni
& Dangerville ; ces quatre Sujets s'en acquitterent
au gré de tout le monde. Cet
Opera fut reprefenté pour la premiere
fois à Paris au commencement du mois
de Décembre de l'année 1714. avec un
très -grand fuccès. On s'attend à le revoir
Phyver prochain fur le Théatre .
Le 21. Juillet après midi , le Roy fic au
Champ de Mars , près de Marly , la Revûë
des quatre Compagnies des Gardes
du Corps & de celle des Grenadiers à
Cheval. Ces Troupes vinrent enfuite dans
la Cour du Château de Verſailles , & elles
défilerent devant la Reine .
Le Roi a donné au fils aîné du Marquis
de Caftries , le Gouvernement de Montpellier
, qui vaquoit par la mort de fon
pere.
(
Le 4. M. Bernard , Maître des Requê
tes & Sur- Intendant de la Maifon de la
Reine , prêta ferment entre les mains du
Roy , pour la Charge de Grand Croix ,
Prévôt & Maître des Ceremonies de l'Ordre
Royal & Militaire de S. Louis .
Le 18.S. M. entendit dans la Chapelle
I iij du
1590 MERCURE DE FRANCE .
du Château de Verfailles , la Meffe , pendant
laquelle l'Evêque de Vence prêta ferment
de fidelité entre les mains du Roy.
Le 3. & le 17. de ce mois , la Reine
entendit la Meffe dans la même Chapelle
& S. M. y communia par les mains
de M. l'Abbé de Pontac , fon Aumônier
en quartier.
Le 14. le Cardinal de Noailles , Archevêque
de Paris , donna un Mandement
pour ordonner des Prieres au fujet
de la groffeffe de la Reine , conçû en
ces termes :
" Les bienfaits de Dieu infpirent la
>> confiance de demander de nouvelles
»graces. Il a commencé de répandre fes
» benedictions fur le Mariage du Roy ,
»par la naiffance de deux auguftes Prin-
» ceffes , & la feconde groffeffe de la Rei-
>> ne a rempli toute la France d'efperance
» que Dieu combleroit nos defirs en nous
» donnant un Dauphin , l'objet de nos
» voeux les plus ardens. S. M. fouhaite
»que nous ordonnions des Prieres dans
»notre Diocèſe , pour l'heureuſe déli-
» vrance de la Reine , & nous fuivons
» également les fentimens de notre coeur
>> & les mouvemens que l'obéiffance nous
» infpire , en demandant à Dieu qu'il con-
>>ferve une Princeffe que fes vertus & fa
»pieté rendent fi chere à notre augufte
» MoJUILLET.
17 : 8 . 1691
»Monarque & fi précieuſe à tout le
» Royaume. A CES CAUSES , & c .
Le 17. du même mois , le Cardinal de
Biffy, Evêque de Meaux , Abbé Commandataire
de l'Abbaye Royale de S.Germain
des Prez , donna auffi un Mandement fur
le même fujet , dont voicy la teneur.
» Les enfans , dit l'Ecriture , font un
wheritage qui vient du Seigneur. Pour
>>l'obtenir , cet heritage , Sa Majefté fou-
» haite qu'on ordonne des Prieres pour
» l'heureufe délivrance de la Reine. Nous
"ne pouvons qu'avec joye nous confor-
» mer à des intentions fi dignes d'un Roy
très- Chrétien . Attirons donc par tous
»> nos voeux fur cet augufte Monarque
" qui fait en même temps les délices & le
bonheur de fon Peuple , les benedic-
» tions que le Prophete Roy promet
» ceux qui craignent le Seigneur. Que
»> norre pieufe Reine , fon Epouse , foir
ndans fon Palais comme une vigne féconde
» & fes Enfans comme de nouveaux plans
nd'Oliviers autour de fa table. Puiffent en
"effet les Enfans de fes Enfans le perpe-
> tuer fur le Trône de S. Louis & de Louis
>>le Grand ; fe former comme lui fur ces
>> grands modeles , & mettre toute leur
» gloire à en être les fideles Imitateurs .
"A CES CAUSES , & C.
9
Le 28. de ce mois , vers les huit heu-
I iiij res
à
1692 MERCURE DE FRANCE.
res un quart du matin , la Reine accoucha
heureuſement d'une Princeffe , &
S. M. fe porte auffi -bien qu'on puiffe le
fouhaiter.
XXXXXXXXXXXXX :XX
MORTS , NAISSANCES
& Mariages.
A Rmand, Marquis de Belſunce & de Caf- telmoron, Baron de Gavaudun , Seigneur
de Born , de Vieilleville , & c. Grand Sénéchal
, & Gouverneur de l'Agenois & Condomois
, mourut le 23. Juin à fon Château de
Born en Agenois , âgé de 90. ans . Il avoit
épousé en 1668. Anne de Caumont -Laulun
foeur du fameux Duc de Laufun , & petite
niéce du dernier Maréchal Duc de la Force
qui en confideration de cette alliance , fit donation
de la Terre de Caftelmoron à Armand
de Belfunce. De ce mariage font nez 10. Armand
de Belfunce , Marquis de Caſtelmoron ,
mort en Flandres de fes bleffures à la Campagne
de 1712. où il commandoit la Gendarmerie.
20. Henri - François - Xavier de Belfunce
Evêque de Marfeille , Abbé de N. D. de
Chambons , Diocèſe de Viviers , & de Monmorel
, Diocèse d'Avranches , fi connu par
fon zele pour la Religion qu'il a toujours foûtenue
avec une fermeté digne des premiers fiécles
de l'Eglife , & par fon genereux & tendre
attachement pour fon Troupeau , à qui il a
fourni , durant la derniere pefte qui a affligé
Marſeille , tous les fecours temporels & fpirituels
.
JUILLET. 1728. 1693
tuels , ayant facrifié à cet effet tous fes biensjufqu'aux
meubles de fon Palais , & mille fois.
expofé la vie avec un courage héroïque aux
horreurs de la mort. Il a achevé de faire voir
combien les Marfeillois , dont la confervation
lui avoit tant coûté , lui étoient devenus chers,
quand nommé en 1723. à l'Evêché de Laon
feconde Duché- Pairie du Royaume , il a refufé
conftamment la nouvelle Dignité , malgré
le revenu confiderable , & le rang diftingué.
qui y font attachez. 3 °. Antonin de Belfunce ,
Capitaine de Frégate , mort en 1712 40. Charles
Gabriel de Belfunce , Marquis de Caſtelmoron
, ci - devant Colonel du Regiment de Belfunce
, depuis Brigadier de Cavalerie , Capitaine
Lieutenant des Gendarmes Bourgui
gnons , Chevalier de S. Louis , aujourd'hui revêtu
de tous les titres du Marquis fon pere.
59 Anne-Marie- Louife de Belfunce , ci - deyant
Grande - Prieure de l'Abbaye de Saintes
aujourd'hui Abbefle du Roncerai, Dame d'Angers
.
·
La Maifon de Belfunce eft une des quatre
premieres Maifons de Navarre , où elle fet
maintient avec éclat depuis près de fix cens
ans, y ayant poffedé les plus éminentes Digni
tez où la haute Nobleffe peut afpirer , comme
celle de Grand- Ecuyer , de Grand- Chambellan ,
de Ricombre , c'est- à dire , Chef d'Armée , & c.
Encore aujourd'hui les Seigneurs de Belfunce
font à la tête de la Nobleffe du Pays , & jouiffent
de grands Privileges à Bayonne , où ils
ont la préféance dans toutes les occafions de
sérémonies , avec la franchiſe de tous droits
d'entrée & de fortie . Cette illuftre & ancienne
Mailon eft partagée en deux branches , dont la
cadette , qui vient de perdre fon Chef , ef établie
depuis l'an 163.1 . dans l'Agenois , & s'eft
Iv allig
1694 MERCURE DE FRANCE .
allié depuis aux Maifons de Laufin , de la For-.
ce , de Biron , & c. tandis que la branche aînée
tenoit deja par des alliances fouvent réiterées
aux plus grandes Maifons de Navarre , comme
à celle de Gramont , de Luxe , d'Armendaxits
, d'Efchaux , & c. Les armes de Belfunce
font de tems immémorial les mêmes que celles
des anciens Princes de Béarn : ce qui fait
croire bien plaufiblement qu'il y a un raport
d'origine entre les deux maifons. Depuis environ
trois fiécles les Seigneurs de Belfunce
ont ajoûté un Dragon aux armes de Béarn par
conceffion du Roi de Navarre , Charles III.
dit le Noble , en memoire de ce qu'un Chevalier
de Beltunce vers l'an 1407 , tua aux environs
de Bayonne un Dragon qui y faifoit de
grands ravages
Le 25. Juin , mourut à Paris , âgé de 68 .
ans , Auguftin Charles Perrochel , Prêtre , Licentié
de la Faculté de Theologie de Paris
, Archidiacre , & Chanoine de l'Eglife de
Paris.
Auguftine Françoife de Choifeuil , fille de
Celar- Augufte , Duc de Choifeuil , Pair de
France , & de Dame Marie- Gabriel de la Baume
le Blanc de la Valiere , mourut à Paris le
de ce mois , âgée de 31. ans deux mois , fans
avoir pris d'alliance.
3
Marie Magdelaine de la Varenne , époufe de
Edme Ravan de Vielbourg , Chevalier , Marquis
de Mienne , Seigneur de S. Germain fur
Eaulne , des Granges , Thou , & c. Lieutenant
General le Roi au Gouvernement
pour
du Nivernois & Dorziois , mourut à Paris le
3. Juillet âgée de 75. ans.
Claude Biet , Premier Apotiquaire du corps
du Roi , dont il a été parlé dans le Mercure
du mois de May dernier , au fujet du Diſcours
qu'il
JUILLET. 1728. 1695
qu'il fit devant S. M. fur la compofition de
la Thériaque , mourut à Verfailles le 18 Juillet.
Il étoit fort eftimé par la probité , & par
fa capacité.
,
Simon-Marie Triotan , Comte de Harville
fils de M. Efprit Juvenal de Harville des Urfins
, Marquis de Traifnel, & de Dame Louife-
Magdelaine le Blaru , mourut à Paris le 9 .
Juillet , âgé de 18. mois.
Le 20 , Jean Chriftophe , Baron de Pentenriedter
d'Adelhaufen , Confeiller d'Etat intime
de l'Empereur , Confeiller du Confeil Aulique
& du Confeil fuprême de Flandres , Ambaffadeur
Plénipotentiaire de S. M. Imp . au
Congrès de Soiffons , y mourut , après quel
ques jours de maladie , âgé de so. ans .
D. Hippolite Grimaldi de Monaco , Ducheffe
de Valentinois , époufe de Jacques François
- Leonor de Grimaldi , Duc de Valentinois
, & d'Etouteville , Pair de France , Sire
de Matignon , Lieutenant General de la Province
de Normandie , accoucha le 20. Juillet
d'une fille , qui fut nommée Louife - Françoife-
Therefe , par François Duc de Harcourt ,
Pair de France, Capitaine des Gardes du Corps ,
Chevalier des Ordres du Roi , Lieutenant General
de la Franche Comté , repreſenté par
Claude Henri de Harcourt fon pere , & par
Dame Marie- Therefe Spinola , époufe de Paul-
Edouart Colbert , Comte de Creuilly , Brigadier
des Armées du Roi.
Le 25 le fils du Duc d'Epernon , né le 15 .
Février de l'année derniere , fut tenu fur les
Fonts de Baptême par leRoi & par la Comteffe
deToulouſe. CetteCéremonie fe fit dans la Chapelle
du Château de Verfailles par le Cardinal
de Rohan , Grand Aumônier de France : le
Curé de la Paroiffe y affifta.
I vj
M.
1696 MERCURE DE FRANCE.
M. Louis- Marie de Maulnorry , Chevalier ,
Seigneur de Sury , &c. Confeiller du Roi en
fa Cour de Parlement , fils de feu M. Claude
de Maulnorry , Chevalier , Seigneur d'Aubigny
, &c. Confeiller en la Cour des Aides , &
de Dame Marie de la Dehors , époufa le 6.
Juillet , Damoiselle Marguerite-Urfule Bourtyl
, fille de feu François Bourtyl , Ecuyer ,
Confeiller du Roi , Contrôleur Provincial des
Guerres , & de Dame Marguerite de Martin.
M. Adolphe Charles de Rommilley, Chevalier
, Seigneur , Marquis de la Chefnelaye , Brigadier
des Armées du Roi , époufa le Juillet
Delle Anne Diane Dauvet Defmarets , fille de
féu François Dauvet , Chevalier , Comte Def
marets , Grand- Fauconnier de France , & de
Dame Marie-Robert ..
ARREST.
RRET du
?
Juillet 1728. rendu à Ver-
A failles , fur le vu de l'avis & jugement
des Cardinaux , Archevêques & Evêques affemblés
extraordinairement à Paris ,fuivant les
ordres de S. M du 9. Avril dernier , par lequel
le Roi ordonne la fuppreffion de l'Ecrit qui a
pour titre Confultation de Mis les Avocats
du Parlement de Paris , au sujet du Jugement
rendu à Ambrun contre M. l'Evêque de Senez
, &c.
Le Roy ayant été informé de l'affectation
avec laquelle on a répandu dans le Public un
Ouvrage imprimé fous le titre de Confutation
des Avocats du Parlement de Paris , au fujet
JUILLET. 1728. 1697
duJugement rendu à Ambrun contre M. l'Evêque
de Senex , du trouble que cet Ouvrage excitoit
dans les efprits déja trop agitez fur les
matieres qui y font traitées , & des mauvais
effets qu'il pouvoit produire contre la Doctrine
de l'Eglife , les principes de la Hierarchie ,
& le respect qui eft dû à l'autorité fpirituelle
& temporelle. S. M. toujours attentive à recourir
aux lumieres des Evêques pour s'inftruire
elle - même , & pour faire inftruire fes
Sujets fur ce qui regarde le Dogme , ou le lan
gage de la foy , avant que de faire ufage de la
puiffance qu'elle a reçûé du Ciel , pour proteger
les décifions de l'Eglife , a jugé à propos
de confulter les Prélats que les affaires de leurs
Diocèfes avoient appellés à Paris , & plus de
36. Cardinaux , Archevêques & Evêques af
femblés par fon ordre pour donner leur avis
& leur Jugement au fujet d'un Ecrit qui a
bien moins le caractere & le ftile d'une Confultation
d'Avocats , que celui d'un Ouvrage de
contention & de difpute fur des Points de
Religion , ont crû devoir écrire en commun
une Lettre à S. M. par laquelle ils lui reprefentent
:.
Que les veritables idées qu'on doit avoir de
L'Eglife & de la Puiffance fpirituelle , font ou
alterées , ou obfcurcies dans la Confultation
des Avocats ; qu'on y réduit le Corps des Paf
teurs , en qui réfide cette puiffance , à nepou
voir l'exercer que de l'aveu du refte de l'Egli
fe , ce qui ne peut s'entendre que des Minif
tres du fecond ordre , & des Laiques mêmes s
foumettant auffi les Paſteurs au troupeau , &
donnant lieu par là de revoquer en doute l'autorité
de toutes les Décifions & de toutes les
Cenfures de l'Eglife , que cette Doctrine fair
dépendre du jugement arbitraire , que chacun
peuss
1698 MERCURE DE FRANCE ,
peut porter fur le confentement tacite, ou préfumé
du Corps entier de l'Eglife.
Que la Confultation ne répand pas moins
d'incertitude fur l'acceptation des Decrets du
S. Siége. Ce n'eft point par les Actes, c'eſt par
les motifs des Evêques qui y ont concouru
que les Avocats veulent qu'on en décide &
rendant tous les Fideles , juges de ces motifs
ils leur fourniffent des prétextes pour difcuter
à leur gré l'acceptation la plus authentique , &
pour éviter par là de fe foûmettre à la doctrine
acceptée; ce qui tend à combattre les décifions
des Conciles Generaux , autant que les jugemens
des Papes , acceptez par les Evêques , &
à favorifer , au moins indirectement , ceux qui
voudroient établir dans le fein de l'Eglife cet
efprit particulier , que les Sectes qui en font
féparées , ont fubftitué à ſon autorité infaillible
.
Que d'ailleurs on n'éleve fi haut dans la Confultation
des Avocats , les décifions des Conciles
Oecuméniques, que pour déprimer celles
que les Evêques unis à leur Chef, prononcent
dans leurs Diocèfes ou dans des Conciles particuliers
; comme fi l'Eglife difperfée avoit
moins de pouvoir , que l'Eglife affemblée ; &
comme s'il n'y avoit pas eu infiniment plus
d'erreurs condamnées par des jugemens de cette
nature , fuivis du confentement exprès ou
tacite du Corps des Pafteurs , qu'il n'y en a eu
de profcrites par des Conciles Generaux .
Qu'après avoir ainfi ébranlé les premiers
principes fur les décifions de l'Eglife , on entreprend
de décrier les Cenfures , qu'elle fait
en general d'un certain nombre de propofitions
avec des qualifications refpectives, & de
faire regarder ces Cenfures comme inutiles , &
même comme nuifibles , malgré les exemples
qu'on
>
JUILLET. 1728. 1699
qu'on en trouve dans l'antiquité , malgré l'au
torité du Concile de Conftance , fi juftement
révéré dans le Royaume ; & celle de plufieurs
Bulles des Papes , qu'on y a reçûës avec la plus
grande unanimité;par où il femble qu'on cherche
à reftraindre le pouvoir de l'Eglife , & à
éloigner les Fideles du refpe &t & de la foûmiffion
qu'ils ne doivent pas moins à ces fortes
de déciſions , qu'aux autres jugemens qu'elle
prononce.
Que c'eft par ces differens dégrez , que de
fimples Laiques s'érigeant en Juges des Juges
mêmes de la foy , exercent leur critique fur le
fond de la doctrine , & font une déclamation
injurieufe contre une Conftitution , faite ou
confirmée par trois Souverains Pontifes , acceptée
en France par cinq Affemblées du Clergé
, reçûë par toute l'Eglife , & revêtuë tant
de fois du caractere de l'autorité Royale .
Que pour réfifter à cette multitude de fuffrages
, réunis en faveur de la même Bulle, les
Auteurs de la Confultation cherchent envain
une reffource dans l'appel au futur Concile qui
én a été interjetté fans l'ordre ou la permiffion
du Roy , fans aucun aveu , ni de l'Eglife Gallicane
, ni de la Nation. Appel qui dans la
conjoncture préfente, doit être confideré comme
un appel frivole & illufoire , où l'on invoque
temerairement le fecours de l'Eglife univerfelle
, contre ce que l'Eglife univerfelle
même a adopté, en recevant la Conftitution.
Appel enfin déclaré de nul effet pour le paffé ,
& deffendu pour l'avenir par une Loy folemnelle
, qui a été enregiftrée dans tous les Parlemens
du Royaume , & que les Auteurs de la
Confultation veulent cependant éluder en fuppofant
contre une difpofition fi préciſe , que
cette Loy referve un Appel qu'elle interdit formellement.
Qu'il
1700 MERCURE DE FRANCE .
Qu'il n'eft pas furprenant après cela, que le
Souverain Pontife ne foit pas plus refpecté
qu'il l'eft dans l'Ouvrage des Avocats. Qu'on
y affecte de ne lui donner que la qualité de
Chefvifible dans l'Eglife , au lieu de celle de
Chef vifible de l'Eglife, qui lui appartient légitimement.
Que la maniere dont on s'y explique
fur la Primauté , qu'il a de droit divin
peut donner lieu de la réduire à une fimple
Prérogative d'honneur ou de dignité; & qu'on
y employe des expreffions capables de faire entendre
, que les Caracteres qui diftinguent le
Pape des autres Pafteurs , ne font fondez que
fur un droit purement pofitif & non fur l'inftitution
de Jefus- Chrift même ; doctrine tant
de fois condamnée dans les Novateurs des derniers
fiecles , foit par l'Eglife de France , ou
par la Faculté de Théologie de Paris , que les
Avocats qui ont travaillé en cette occafion fur
des Mémoires infideles , auront regret fans
doute de l'avoir renouvellée , & dé n'en avoir
pas prévû les dangereufes confequences.
Et comme après avoir combattu l'autorité
fpirituelle & temporelle dans ce qui regarde la
Conftitution Unigenitus , ils ont auffi attaqué
l'Ouvrage des mêmes Puiffances , à l'égard de
la fignature du Formulaire , les Prélats affemblez
par l'ordre de S.M. lui ont reprefenté fur .
cette matiere :
Que les Auteurs de la Confultation trompez
par des Libelles profcrits ou pleinement refutez
, fe font efforcé de rendre vain & inutile fė
pouvoir qui appartient à l'Eglife , d'exiger la
condamnation non feulement des erreurs , mais
des Auteurs ou des Livres qui les enfeignent
pouvoir dont l'Eglife a joui dans tous les
temps , & qu'on ne fçauroit revoquer en dou
te fans fe jetter dans l'étrange extremité de
foûtenis
JUILLET. 1728. 1701
foûtenir , ou qu'elle eft dans l'erreur depuis fa
naiffance , fur le droit qu'elle s'eft toujours attribué
d'obliger fes enfans à dire anathéme
avec elle aux Auteurs & aux Ouvrages qu'elle
condamne , ou qu'il fuffit pour lui obéir , de
prononcer cet anathéme des lévres pendant
que le coeur le dément interieurement.
Qu'au lieu de s'arrêter aux Monumens publics
, unique moyen de connoître sûrement le
veritable efprit de l'Eglife , les Avocats ont
voulu juger de ce qui fe paffa fous le Pontificat
de Clement IX. par des Actes fecrets , contre
lefquels les deux Puiffances fe font également
élevées,lorfqu'elles ont été inftruites de l'abus
qu'on en vouloit faire pour réduire toute la
foumiffion des Fideles en cette matiere , à ne
point parler ni écrire contre les jugemens rendus
par l'Eglife , fur les Auteurs ou fur les Livres
qui font l'objet de fa cenfure; & que loin
de fe conformer à la décifion litterale de la
Bulle : Vineam Domini Sabaoth , reçûë unanimement
par toute l'Eglife , les Avocats n'ont
travaillé qu'à la détruire par des interpréta
tions qui font évidemment contraires au Texte
, & qui ont été combatuës par ceux mêmes
dont les Avocats femblent avoir entrepris la
deffenfe.
Enfin les Prélats affemblez par l'ordre de S.
M. ont ajouté à ces réfléxions que le but de
tous les efforts des Auteurs de la Confultation
, n'a été que d'attaquer le Concile d'Ambrun
, & de juftifier le Prélat que ce Concile a
condanné. Mais qu'outre qu'on ne fçauroit
excufer la liberté qu'ils fe font donnée de juger
d'un Concile fans en avoir vû les Actes,
de fuppofer des faits de violence ou de contrainte
, fans aucun commencement de preuve
, & de croire l'Accufé ſur ſa parole, au lieu
de
1702 MERCURE DE FRANCÉ .
de mettre la préfomption du côté du Ttibunal
, fuivant les regles les plus communes de
la juftice & de la raifon , tout ce qu'ils alléguent
d'ailleurs contre les formes obfervées
dans ce Concile , n'a pour objet que de
prétendues irrégularitez dans un jugement
rendu fur des moyens de Récufation , frivoles
& illufoires , dont celui qui les propofoit , renonçoit
à rapporter la preuve , & qui tendoient
manifeftement à rendre tout jugement
impoffible , où fe réduit à des maximes fauffes
en elles - mêmes , ou mal appliquées fur le
choix des Prélats , qui doivent concourir avec
ceux de la Province pour le jugement canonique
d'un Evêque .
Qu'après avoir difcuté fi exactement les principaux
points qui font traitez dans la Confultation
; & rétabli avec tant de foin les veritables
principes qui doivent être la regle des
fentimens & de la conduite des Fideles , par
rapport aux décifions & aux jugemens Ecclefiaftiques
, les Prélats affemblez par ordre de
S. M. s'étoient crû obligez de déclarer que les
Auteurs de la Confultation ont avancé , infinué
, favorisé fur l'Eglife , fur les Conciles , fur
le Pape , fur les Evêques , fur l'autorité & la
forme de leurs jugemens , fur la Bulle Unigeni
tus , fur l'appel au futur Concile , & fur la fi
gnature du Formulaire , des maximes & des propofitions
temeraires , fauffes , tendantes au
Schifme , & dont la plupart ont été juſtement
profcrites , comme injurieufes à l'Eglife , deftrutives
de la Hierarchie , fufpectes d'herefie
& même beretiques ; qu'ils ont attaqué le Concile
d'Ambran temerairement , injustement &
au préjudice de l'autorité Royale , & de respect
qui est dû à un nombre confideraôle de Prélats
& au Pape même .
Une
JUILLET. 1728. 1703
Une déclaration fi précife de plus de trente
Cardinaux , Archevêques & Evêques , ayant
été fuivie de la priere qu'ils ont fa te au Roy
d'accorder à l'Eglife en cette occafion , le fecours
& la protection qu'ils lui demandoient
avec les plus vives inftances & au nom de Diew
même : S. M. s'eft portée d'autant plus volontiers
à feconder leur zele , & à répondre à
leurs voeux , que , quand elle ne feroit pas excitée
par des motifs fi preffans , à profcrire ,
pour le bien de l'Eglife , un Ouvrage dont
elle connoît à prefent tout le danger , elle feroit
obligée de le faire , pour s'acquitter de
ce qu'elle doit à fon autorité , à la confervation
de l'ordre public & à la tranquillité de
fon Royaume. Elle ne fouffrira donc point
qu'on abuſe , comme on l'a fait en cette occafion
, du nom de plufieurs Avocats celebres
, qui font en poffeffion de la confiance de
fes fujets dans ce qui regarde les differens des
Particuliers , pour émouvoir les efprits fur
des affaires generales , où la Religion &
l'Etat font également intereffez , pour les
ébloüir par des raifonnemens dont la plupart
des Lecteurs ne font pas capables de
difcerner exactement la force ou la foibleffe ,
& pour leur rendre fufpect tout ce qui vient
des Puiffances , à qui Dieu a réfervé le droit
de les éclairer ou de les conduire fur des matieres
fi importantes : la multiplication affectée
des fignatures qu'on a fait mettre au
bas de la Confultation , comme pour faire
impreffion par le nombre. La liberté avec laquelle
on y a agité des queftions de Doctrine ,
fur lefquelles les Avocats ne peuvent que fuivre
, comme Enfans de l'Eglife, ce qu'elle juge
à propos de leur preferire , & comme Sujets
du Roy , ce que S M. croit devoir faire
pour
1704 MERCURE DE FRANCE.
pour appuyer les Jugemens Ecclefiaftiques.
Enfin les efforts qu'on y a faits pour combattre
ou pour éluder les Loix qui font neanmoins
le feul fondement folide des avis que
les Avocats doivent donner à ceux qui les
confultent , font des circonftances qui font
encore mieux fentir le grand inconvenient
qu'il y auroit à tolerer ou à diffimuler un Ecrit
qui pourroit avoir des fuites fi dangereuses.
Sa Majefté veut croire même que quand les
Avocats , dont on a furpris la fignature par des
Mémoires pleins d'artifice , fur plufieurs queftions
étrangeres à leur profeffion , qu'ils n'ont
pû approfondir fuffifamment, auront bien fenti
toutes les conféquences qui en résultent , &
qu'ils n'ont pas affez apperçus ( comme les
Prélats qui ont examiné leur Ouvrage , leur
ont fait la justice de le penfer ) ils ont trop de
droiture & de fageffe pour n'être pas affligés
d'avoir fuivi des guides trompeurs , & de leur
avoir prêté des talens dont S. M. fçait qu'ils
font d'ailleurs un fi bon ufage pour le fervice
du Public , & c'eſt par un effet de cette prévention
favorable aux Avocats , & honorable
à leur Miniftere ; que S. M. veut bien ne
faire tomber fa feverité que fur l'Ouvrage
auquel ils ont eu la facilité de foufcrire. A
quoi étant neceffaire de pourvoir , en éloignant
tout ce qui peut entretenir une divifion ,
dont le Roi defire fi ardemment la fin . Veu ladite
Lettre contenant l'avis & le Jugement def
dits Cardinaux , Archevêques & Evêques affemblés
par fon ordre , & tout confideré . Sa
Majefté étant en fon Confeil , a ordonné &
ordonne que ledit Ecrit ayant pour titre , Confultation
des Avocats du Parlement de Paris
au fujet du Jugement rendu à Ambrun contre
M. l'Evêque de Senez , fera & demeurera fupprimé
JUILLET. 1728. 1705
primé , comme contenant des propofitions oppofées
à la Doctrine de l'Eglife , injurieuſes à
fon autorité , contraires aux Loix de l'Etat ; &
en conféquence , que tous les Exemplaires qui
en ont été répandus dans le Public , feront inceffamment
rapportés au Greffe du fieur Herault
, Maître des Requêtes , & Lieutenant
General de Police de la Ville , Prêvoté & Vicomté
de Paris , pour y être fupprimés . Fait
S. M. très- expreffes inhibitions & deffenfes à
tous fes Sujets de quelque état ou condition
qu'ils foyent , d'en retenir ni diftribuer aucuns,
à peine de punition exemplaire contre ceux
qui s'en trouveront faifis. Voulant au furplus
que la Déclaration de S. M. du 10. May dernier
, fur les peines qui feront prononcées
contre les Auteurs , Imprimeurs où Diſtributeurs
de Livres , Libelles , ou autres Ecrits ,
qui feroient faits , fous quelque titre que ce
put être , contre les Bulles reçûës dans le
Royaume , ou contre le refpect dû au Souverain
Pontife , aux Evêques , ou à l'autorité
Royale , foit executée felon fa forme & teneur.
Enjoint , &c.
APPROBATION.
T'Ay lû par ordre de Monfeigneur le Garde
des Sceaux , le Mercure de France du mois
de Juillet , & j'ai crû qu'on pouvoit en permettre
l'impreffion . A Paris , le 4. Août 1728 .
HARDION.
TABLE ,
TABLE.
Plecesfugitives . Les Batailles d'Alexandre ,
Poëme , 1417
Lettre fur l'Eclipfe du Soleil de l'année derniere
, & c.
La Patte d'Ours , Balade ,
1504
3518
Réfutation d'un Mémoire au fujet de la Ville
de S. Paulien , en Velay ,
Ode à M. de B ***
1519
1526
Réflexions fur la raifon pourquoi on fent de ..
la douleur à un membre qu'on n'a point , 1529
L'Hymen amoureux , Cantate, 1536
Lettre fur l'Hiftoire du Peuple de Dieu , & c.
Stances ,
1538
1556
Lettre fur Hiftoire de la Ville & des Sei-
7558
1582
Penfée fur le Paradoxe inferé dans le premier
gneurs de Coucy ,
Elegie ,
volume de Juin ,
le même Paradoxe ,
Le veritable Amour , Poëme ,
1585
Lettre de M. de Fontenelle au Pere Caftel , fur
1589
1591
Defcription de la Ligne Meridienne dans la
nouvelle Eglife de S. Sulpice ,
Suite des Logogriphes arithmétiques ,
Explication de deux Logogryphes ,
Ibid.
1607
1611
Extrait d une Lettre fur le même fujet , 1612
Explication de l'Enigme de May & du Logogryphe
du 2. volume de Juin',
Enigmes & Logogryphes nouveaux ,
1614
1615
Nouvelles Litteraires , & c. Difcours de l'Abbé
de Rothelin , Extrait ,
Memoires Litteraires de la Grande - Bretagne ,
1621
1626
VeVegetation
prompte & remarquable des Raves
,
Sur le Bain froid , & c.
Poiffons venimeux aux bêtes ,
Effai de Botanique , & c.
7627
1628
1630
Ibid.
Differtation fur la Lettre de P. Pilate à Tibere,
1632
Le Chirurgien Dentiſte ouTraité des dents, 1634
Livres nouveaux des Pays Etrangers , depuis
peu en vente à Paris ,
Tableau fingulier , fait à la plume ,
Chanfon notée ,
1646
1651
1654
Spectacles , la Bonne Femme , Parodie d'Hy
permneftre , Extrait , &c.
1655
Nouvelles du Temps , de Turquie , Ruffie ,
Pologne, Danemarc & Allemagne, &c, 1678
D'Italie , Portugal , & c.
Grande- Bretagne ,
1683
1685
France, Nouvelle de la Cour , de Paris , & c 1686
Morts , Naiffances & Mariages ,
Arrêt Notable ,
1692
1696
L'Auteur de la Lettre écrite de Paris le 14
Juin , en nous envoyant l'explication des 15 .
Logogryphes arithmétiques & celle du Logo.
gryphe en Vers , donne l'Errata des lignes fuivantes.
Mercure de Juin , fecond Volume ,
page 1405.
Il y a plufieurs fautes d'imprefion dans les
expreffions Algebriques qui font dans cette
page . On doit lire les trois premieres lignes
de la maniere fuivante.
xx+ 1 = yy + [ x+ 1×x + 1= yy +
xx+1 = Y +Ixy + I
x+1 × x +1 = Y + I × V →!
4
Dans la même page , vers le bas , il y a
√g +1 lifez , √9 +1 & deux lignes après ,
Vg+1 . lifez √9+1 .
Dans les deux endroits il faut lire le chiffre
9. au lieu de la lettre g.
Autre Errata du 2. vol . de Juin.
Age 1354. ligne 20. Et Marie- Catherine de
Teffon , 1. & de Catherine Teflon,
P. 1452. 1. 6. ces Actes , l . cet Acte.
P. 1461. 1. 9. Efclava , 1. Efclave.
P. 1468.1. 4. du bas , Cantacuzen , l . Cantacuzene
.
P. 1472. I. 12. la Revue , & c. l. le 2. Juin , les
deux Rois après avoir fait la Revûë du
P. 1473. l. 28. L. AI . R. 1. Leurs Majeſtez.
Fautes à corriger dans ce Livre.
Age 1518.1 .
Page
2. croit , l . étoit.
P1. l. 15. de, / du.
1571.
1.
P. 1585.1. 10. de ce mois , l . de Juin.
P. 1656. l. 12. de la terre , l . de cette terre.
Ibid. 1. 18. quel fujet , l. quels ſujets.
L'Air noté doit regarder la page . 1654
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AV ROY.
A
OUT . 1728 .
QUE
COLLIGIT
SPARGIT
Chez
A PARIS ;
( GUILLAUME CAVELIER , re
S. Jacques , au Lys d'Or.
LA VEUVE PISSOT, Quay de Conty,
à la defcente du Pont Neuf au coin
de la rue de Nevers , à la Croix d'Or.
JEAN DE NULLY , au Palais,
à l'Ecu de France & à la Palme.
M. D C G. XXVIII.
Avec Approbation & Privilege du Roi.
រ
L'A
AVIS.
ADRESSE generale pour toutes
chofes eft à
à M.
MOREAU ,
Commis au Mercure¸vis - à- vis la Comedie
Françoife , à Paris . Ceux qui pour leur
commodité voudront remettre leurs Paquets
cachetez aux Libraires qui vendent le
Mercure à Paris , p.uvent fe fervir de
cette voye pour les faire tenir.
On prie très - inftamment , quand on
adreffe des Lettres ou Paquets par la Pofte,
d'avoir foin d'en affranchir le Port ,
comme cela s'eft toûjours pratiqué , afin
d'épargner , à nous le déplaifir de les
rebuter , & à ceux qui les envoyent ,
celui , non - feulement de ne pas voir
paroître leurs Ouvrages , mais même de
les perdre , s'ils n'en ont pas gardé de
copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de
la premiere main , & plus promptement ,
n'auront qu'à donner leurs adreſſes à M.
Moreau, qui aura foin de faire leurs pa
quets fans perte de temps, & de les faire
porter fur l'heure à la Pofte , ou aux Mef-
Jageries qu'on lui indiquera.
PRIX XXX. SOLS..
MERCURE
DE FRANCE ,
DEDIE AU ROT.
A OUT.
茶茶
1728 .
XXXXXX
PIECES FUGITIVES ,
en Vers & en Profe.
APELLE ET PROTOGENE ,
L
HISTORIETTE ,
A M. de la R ***.
A R** ne croi pas quefur les grande
fuccès ,
La gloire uniquement fe trouve répanduë
;
Souvent par de legers effais ,
Du plus rare génie on connoît l'étenduë .
A ij
Prêtes
1706 MERCURE DE FRANCE .
Prête-moi deux momens de cette attention ,
A fervir le Public , fans relâche affidue ,
Elle ne fera point perduë ,
Sije puis te prouver ma Propofition.
Apelle ( comme Pline a foin de nous l'apprendre
, )
Faifoit noble figure à la Cour d'Alexandre ;
Charmé des grandes qualitez ,
Dont cet illuftre Peintre ébloüiffoit la Grece .
Le vainqueur des Perfans lui marquoit fa
tendreffe ,
Et répandoit fur lui fes liberalitez ,
Jufqu'à lui ceder fa Maîtreffe. (a)
Son goût déterminoit le goût du Courtiſan ,
Chacun de fes vertus devenu Partiſan ,
Etoit ami du Peintre , ou fe picquoit de l'être ,
Et démêloit en lui , fur l'éxemple du Maitre ,
L'honnête homme de l'Artifan.
Comblé d'honneurs & de richeffes ,
Qui ne croiroit , ami , qu'Apelle fut content ?
Rien moins. Protogene , fans ceffe ,
(a ) Campafpe , dont Apelle étoit devenu
amoureux en la peignant.
Par
AOUT. 1728. 1707
Pár l'émulation l'alloit inquiétant.
Protogene avoit le mérite
D'un Peintre de diftinction ;
Il joignoit le grand goût à la correction ,
Jamais hardi deffein n'eut plus fage conduite,
Ni plus fier coloris dans l'execution ,
Et pour la réputation .
Rhodes qui l'admiroit , devenoit trop petite.
Apelle est forcé d'en gémir ,
Il croit que d'un Rival la gloire le dégrade ,
Ainfi que Thémistocle empêchoient de dormir
Les Victoires de Miltiade.
Mais , me dira quelqu'un , fe laiffer maîtriſer
Par un tranſport jaloux ! un ami d'Alexandre !
Et pourquoi non ? Je panche à l'excufer .
Un Peintre , un Courtifan , pouvoit- il s'en
deffendre ? (a)
Quoiqu'il en foit , notre homme tourmenté,
Du nom que Protogene acquiert par la Peinture
,
Veut lui-même aller voir fi c'eft Portrait flatté,
Ou fi la Renommée a peint d'après nature.
(2 ) Profeffions fujertes à lajalousie.
A iij Gene
1708 MERCURE DE FRANCE
Gens d'efprit ont bientôt affemblé leur Confeil ;
Il monte un Bâtiment freté pour le Négoce ,
Il arrive au Port du Soleil ,
Entre les jambes du Coloffe. (4)
Il n'eut pas peine à rencontrer ,
La demeure de Protogene :
Fiers d'un tel Citoyen , tous la vouloient
montrer.
Une troupe d'enfans en tumulte l'y mene :
Autre coup d'aiguillon . Il monte l'eſcalier ,
Plein d'un empreffement , pour le coup inutile,
Il ne trouve dans l'Attelier ,
Qu'une vieille Concierge , & le Maître eſt en
Ville.
Une toile en ce lieu fe montroit par hazard ,
Sur un Chevalet élevée ,
(a) Le Coloffe de Rhodes , auffi - bien que la
Villé, étoient dédiez au Soleil . Je fais ici un
petit Anachronisme , mais ce n'est pas par ignorance.
Le Coloffe de Rhodes ne fut érigé que
fous Démétrius , c'est- à- dire , environ trente
ans après la mort d'Alexandre : mais de tout
temps il a été permis aux Poëtes de raprocher
les évenemens , témoin Virgile , qui , pour faire
rencontrer Enée avec Didon , a paſſé pardeſſus
trois fiecles de diftance .
Pour
a
A OUT. 1728. 1709
Pour quelque chef- d'oeuvre de l'Art ,
Veu fa grandeur fans doute réſervée ;
Apelle, d'un Pinceau rencontré fous fes pas ,
D'un trait fi délicat , fi jufte , la partage ,
Qu'on n'eût pu faire davantage ,
Avec la Regle & le Compas ;
Et dit en foûriant , aimable Favorite ,
Du fameux Protogene , alors qu'il reviendra ,
Par cette marque il apprendra ,
Quel eft celui qui le vifite .
Protogene au logis à midi retourné ,
D'un fi noble Cartel ne fut pas étonné ;
Mais d'une autre couleur , par une adreffe infigne
,
En deux , de fon Emule il diviſe la ligne.
A cette toile , Æglé , garde bien de toucher ,
Et fi dans quelque temps notre Hôte
Retourne fur fes pas , comme il fera fans faute,
Pendant qu'en ce réduit je courrai me cacher,
Indique- lui du doigt la ligne parallele ,
Qui partageant la fienne , en fait une jumelle,
Et di , voilà celui que vous venez chercher.
A iiij
An
1710 MERCURE DE FRANCE .
Au grand Peintre de Cos , (a ) cette Epreuve
eft montrée ;
Elle lui femble faite exprès pour le flétrirs
Dans l'oeil & dans la main fon ame concentrée,
S'indigne que far elle on ait fçû rencherir :
D'une troifiéme ligne il coupe la feconde :
Rien de fi délié n'a paru dans le monde ;
Ni les cheveux naiffants de la jeune Phryné ,
Ni les filets trompeurs , où fut empriſonné
Mars avec la fille de l'Onde ,
Ni ceux du Tiffu d'Arachné.
Je n'ajoûterai point qu'à cet effort fublime ,
Protogéne fléchit & ne ripofta point ,
Combien pour fon Rival chacun d'eux cut
d'eftime ,
Ni par quelle amitié l'un à l'autre fut joint :
Je dirai feulement , qu'à cette experience ,
La docte Antiquité donna la préference ,
Sur les Ouvrages les plus beaux ,
Ou l'égala du moins pour fa rare excellence ,
Aux plus parfaits Originaux .
On ne fe laffoit point de paffer en revûë ,
(a ) Ile de l'Archipel , Patrie d'Apelle , à
prefent Lango.
Ces
A OUT. 1711 1728 .
་
Ces traits dont la jufteffe & la fubtilité,
En fe dérobant à la vûë ,
Défioient la Pofterité.
Peut-être encor long - temps les Critiques habiles
,
En auroient admiré l'inimitable jeu ,
Si les Vitelliens , dans les guerres civiles ,
Au Palais des Cefars n'avoient pas mis le feu.*
Mais pourquoi, diras -tu, cette vieille Rubrique ?
Aquel propos ? Pour quel effet ?
Cette demande eft jufte , il faut que je m'explique
;
Encore un mot ou deux , te voilà fatisfait.
Si l'on peut quelquefois d'une infipide Fable ,
Tirer par les cheveux quelque moralité ,
Pourquoi ne pourroit - on d'un récit veritable ,
Récüeillir quelque utilité?
Effayons.Beaux Efprits , ne croïez rien d'indigne
D'une févere attention :
D'un point , d'une virgule , & par fois d'une
ligne ,
Dépend de vos Ecrits la réputation.
* C'est dans cet embrasement que perit ce
bel
Ouvrage.
DE SENECE',
A v LET
1712 MERCURE DE FRANCE .
LETTRE du R. P. Emanuel de Viviers
, Capucin & Correspondant de
l'Académie Royale des Sciences de Paris
, écrite de Toulouse le premier Juin
1728. aux Auteurs des Mémoires de
Trévoux . !
MEES REVERENDS PERES ,
Je viens de voir dans vos Mémoires du
mois de Janvier dernier la Critique que
vous avez faite de la feconde Edition de
mon Calendrier perpetuel ; j'avois pris la
liberté de vous en envoyer un Exemplaire
au commencement de Février de
l'année 1727 , & de l'accompagner d'une
Lettre , où je vous priois de l'inferer dans
vos Mémoires , fi vous l'en jugiez digne.
Une année s'étoit écoulée ; & je ne m'y
attendois plus , lorfque vous vous êtes
enfin déterminez à en faire mention ;
mais il paroît que ce n'a été que pour le
décrediter. Vous auriez trouvé ma réponſe
dans la troifiéme Edition que j'ai donnée
au Public , fi votre Critique étoit plutôt
venue à ma connoiffance : mon Calendrier
n'est plus une grande feuille , mais
un
A OUT. 1728. 1713
un Livre in 12. d'environ 1 1 2. pages ,
& ce qui ne doit pas être une petite confideration
, c'eft qu'il eft muni de plufieurs
Approbations authentiques de Juges
très competens en cette fcience , &
que M. de Grillon Archevêque de Toufoufe
, l'a honoré de fa protection , & a
bien voulu qu'il parût fous fes aufpices ;
je n'ignore pas que la Critique des Ouvrages
eft toujours utile au Public , lorfqu'elle
tend à éclaircir la verité qui doit
être le feul objet de nos recherches , &
c'eft par -là même que j'ai lieu d'efperer
que la Critique que vous avez faite de
mon Calendrier confirmera la bonne opinion
qu'en ont conçue les Connoiflcurs ,
puifqu'elle me donne occafion , en me
juftifiant , de faire connoître de plus en
plus fa jufteffe & toute l'exactitude que
j'y ai apportée.
1°. Vous dites , mes Reverends Peres
que l'ufage de l'Eglife Romaine étant de
n'indiquer le premier jour du mois Palcal
Lunaire qu'après le jour de la conjonction
des deux luminaires , ou ce qui
eft la même chofe de ne commencer les
années Lunaires que par le fecond jour
après celui de la conjonction . Je n'ai pas
fuivi cet ordre , lorfque j'ai annoncé dans
mon Calendrier pour premier jour de la
nouvelle Lune Pafcale du 22. Mars de
Pan-
A vj
1714 MERCU DE REFRANCE .
{
l'année paffée , qui étoit le jour de fa
conjonction , & vous conclués de- là que
j'ai dû la placer felon l'intention de l'Eglife
au 24. Mars , comme elle fe trouve
dans le Calendrier Gregorien . Je ne ſçai
mes R. P. d'où vous avez tiré que
l'ufage de l'Eglife Romaine eft de n'indiquer
le premier jour Pafcal qu'après le
jour de la conjonction ; le deffein du Pape
dans la correction du Calendrier , a
été de fe conformer à l'ufage établi par
l'autorité du Concile de Nicée. Or cet
ufage eft de prendre le jour de la conjonction
de la Lune avec le Soleil , pour
premier jour de la Lune Pafcale , comme
on n'en fçauroit douter , en comparant
les nouvelles Lunes qui résultent du Cycle
de 19. années établi par l'autorité du
Concile, avec les jours des nouvelles Lunes
moyennes & céleftes : en voici la preuve .
L'an 323. qui eft la premiere de ce
Cycle , le Nombre d'or fut par conféquent
premier , lequel étant cherché dans
P'ancien Calendrier , fe trouve vis- à - vis
le 23. Mars , où il marque la nouvelle
Lune Paſcale pour cette année là , & la
nouvelle Lune moyenne calculée pour ce
mois de Mars , ou , pour mieux dire , la
conjonction moyenne de la Lune avec le
Soleil , fe trouve par les Tables Aftronomiques
le 23. de Mars , à cinq heures
aprè
A OUT. 1728. 1715
après midy, au Meridien de Rome , d'où
il réſulte que l'ordre établi par l'autorité
du Concile , a été de prendre pour le premier
jour de la Lune , celui de fa conjonction
avec le Soleil , en quelque heure
du jour qu'elle arrive ; l'intention du
Pape Gregoire , dans la réforme du Calendrier
, a été de fe conformer à l'uſage
du Concile de Nicée ; donc l'ufage de
l'Eglife Romaine, doit être de prendre le
jour de la conjonction de la Lune avec
le Soleil , en quelque heure que cette coujonction
arrive pour premier jour de la
Lune , & non pas le jour d'après fa conjonction.
Clavius , à la page 65. du Calendrier
, dit , qu'on peut , & qu'on doit
célebrer Pâques dans le 15. de la Lune,
en oppofition de la Lune avec le Soleil
lorfqu'elle arrive un Dimanche , mais entre
l'oppofition & la conjonction précedente
ou fuivante il y a 14. jours 18.
heures qui font 15. jours à fix heures près:
donc il prend pour premier jour de la Lune
Paſcale le jour de la conjonction . Ce
principe établi , il en résulte que j'ai fuivi
l'ufage de l'Eglife dans la nouvelle Lune-
Paſcale de l'année 1727 , lorſque j'ai marqué
dans mon Calendrier , le 22. de
Mars pour fon premier jour , fon 14.
tomba le 4. Avril , & l'oppofition de la
Lune avec le Soleil arriva le s , veille des
·Ra
1716 MERCURE DE FRANCE .
Rameaux ; donc la Pâque , felon l'ordre
de l'Eglife , devoit fe célebrer le Dimanche
fuivant ; cependant on la célebra huit
jours après , mais voici une preuve certaine
que le plein de la Lune s'étoit formé
le Samedy 5. Avril , j'obſervai la Lune
ce jour-là à fon lever avec une Lunette
de 14. pieds de foïer , c'étoit fur les 6 .
heures & quelques minutes du foir ; fon
bord Occidental allant vers fon dernier
quartier , étoit un peu échancré , tandis
que fon bord Oriental , par où elle finit
fon plein , étoit parfaitement rond &
éclairé , à minuit cette échancrure avoit
augmenté confiderablement , ce qui eft
une preuve que fon plein avoit paffé il y
avoit quelque tems , vous n'ignorez pas
mes R. P. que la Lune après fon
plein a fon bord Occidental échancré , &
que la Lune avant fon plein a fon bord
Oriental échancré , ainsi qu'on peut le
voir par les figures fuivantes A. B. C.
C'est par de femblables obfervations
réïterées depuis plufieurs années que j'ai
remarqué que la plupart des Epactes des
Tables Pafcales , ne fe trouvent plus aux
places anciennes , que les nouvelles & pleines
Lunes s'en font éloignées vers le commencement
des mois , d'un , & le plus fou
vent de deux jours entiers , & voilà d'où
vient qu'on célebre la Pâque quelquefois
un
'A OUT. 1728. 1717
Bord
oriental
La Lune
apres
le plein
a Son bord occidental
Echancré
A
Dental
oriental
Bord
Septentrion
La Lun
en Son plein
parfaitement
Ron
B
midi
Bord
Occidental
Bord
La Lune
qpulaeniltne
oriehnSotorandal
Echancre
C
ental
Bord
1718 MERCURE DE FRANCE .
un mois trop tôt , & d'autre fois huit
jours plus tard , comme il eft arrivé l'année
paffée ; on la célebre un mois trop tôt
toutes les fois que nous avons d'Epacte
23 , & cette Epacte qui étoit placée par
ordre de l'Eglife au 8. de Mars , qui affigne
le premier jour de la nouvelle Lune
Paſcale , fe trouve à préfent au 6. dudit
mois , & fon 14. qui fe trouvoit au tems
du Concile de Nicée , au 2 1. Mars , n'arrive
à préfent que le 19. dudit mois ; c'eſt
ce que je vais démontrer
par quelques
exemples . En 1723. l'Epacte Gregorienne
étoit 23 , la nouvelle Lune felon les
Tables Aftronomiques
arriva le 6. de
Mars à trois heures 54. minutes du foir
fon 14. tomba le 19. Mars , mais le Calendrier
donna le 14. de la Lune Paſcale
deux jours après , c'eft- à - dire , le 21. de
Mars , on la prit pour Paſcale , & comme
elle arriva un Dimanche
, on la célebra le
Dimanche
fuivant 28 Mars . Cependant
felon la régle de l'Eglife,la nouvelle Lune
Pafcale , ou le premier jour de l'année
Ecclefiaftique
ne devoit commencer
cette
année- là que le 5. Avril du premier mois
Lunaire , & le 14. de la Lune arrivant
le 18. Avril qui étoit un Dimanche , la
Pâque devoit être célebrée le Dimanche
fuivant 25. Avril , & non pas le 28. Mars.
comme on fit , c'est- à- dire , qu'on la célebra
A OUT. 1728. -1719
lebra environ un mois trop tôt ; le premier
mois Lunaire dont il s'agit ici , n'a
point d'autre commencement ni d'autre
premier jour que celui de la nouvelle Lune
Paſcale , qui ne peut commencer plu-
τότ que le huitiéme Mars , & tous les au
tres jours fuivans , jufqu'au cinquième
Avril inclufivement . Ce défaut d'avancement
du premier mois Lunaire de l'année
Ecclefiaftique , fait que dans une même
année on célebre deux fois la Pâque , fçavoir
, le premier mois & le dernier mois
de l'année Lunaire ; il peut arriver même
qu'on célebrera la Pâque avant l'Equinoxe
du Printems , felon la remarque du
R. P. de la Maugeraye , dans vos Mémoires
de Novembre dernier, où il dit fi l'Equinoxe
arrive le 23. Mars , & que la
Lune commence le huitième Mars , Pâque
fe célebrera le 22. Mars avant l'Equinoxe,
& parconféquentPâques fe célebrera le dernier
mois de l'année , & on paffera une année
fans Pâques.
Pour réformer ces erreurs , je propoſe
des Epactes corrigées dans la page 7. &
10. de mon Livre , au moyen defquelles.
faifant toujours quadrer l'Equinoxe du
Printems Ecclefiaftique avec l'Aftronomique
, on évitera de célebrer déformais.
la fête de Pâques ou trop tôt , ce qui arriveroit
aux années 1742.1761.1780 .
17990
1724 MERCURE DE FRANCE
1799. 1924. 1962. 1981 , & c. outrop
tard , ce qui arriveroit en 17 44. 1766 .
1778. 1843. 1908 , & c . Au lieu que
par mes nouvelles Epactes on trouvera
que j'ai rendu aux Tables Pafcales toute
la jufteffe que le Pape Gregoire XIII . s'étoit
propofée dans la réforme du Calendrier
, ce qui n'a manqué , felon la remarque
du fameux Caffini , que pour
n'avoir pas fuivi le projet qui en avoit
été dreffé, & approuvé par tous les Princes
Chrétiens . ( Mémoire de l'Académie de
1701. page 108 .
2º. Vous m'objectez , mes R. P.
que mes Epactes ne font pas perpetuelles ,
de même que le Cycle ou roue des Lettres
Dominicales , & vous n'en apportez
aucune preuve ; il eft vrai que les Epacres
Grégoriennes n'y font pas perpetuelles
, parce qu'elles ne peuvent fervir que
jufqu'en 1900. mais pour mes nouvelles
Epactes , il n'en eſt pas de même ; larouë
du Cycle Solaire ou Lettres Dominicales
les rend perpetuelles ; cette roue eft
divifée en fept cercles , chacun defquels
contient en fa circonference un Cycle de
28. années , ce qui la rend perpetuelle ;
cette roue eft la clef de 365. lettres qui
font placées avec les Epactes dans les 12 .
mois de l'année , qui indiquent pour toujours
le Dimanche , le Lundy , le Mardy ,
4
& c.
A OUT. 1728. 1721
&c. fans qu'il foit neceffaire de fe fervir
de l'étiquete ; il fuffit feulement qu'on
fçache chaque année quelle eft la Lettre
Dominicale , pour fçavoir les autres jours
de la femaine qu'on trouvera par le moyen
de ladite rouë. J'ai l'honneur d'être , mes
R. P. &c.
F. Emanuel de Viviers , Prédicateur
Capucin , Correfpondant de l'Académie
Royale des Sciences de Paris.
>
Le Livre du P. Emanuel de Viviers
fe vend à Touloufe chez Pierre Dales ,
près S. Rome , & chez la veuve Dangerout
Marchande de Tailles - douces à
l'enſeigne de l'Enfant Jefus . Il eft intitulé :
Calendrier perpetuel , plus exact que tous
ceux qui ont paru jufqu'à prefent , dans
lequel on trouvera les Epactes corrigées par
des obfervations très- exactes de Lunaifons ,
qu'on a remarquées dans le Ciel depuis plufieurs
années , fouvent differentes de celles
qu'on trouve dans les Tables Aftronomiques.
Troifiéme Edition augmentée. ATou
loufe , de l'Imprimerie de la veuve Henault.
L'Auteur y propofe des Epactes ,
au moyen defquelles faifant toujours
quadrer l'Equinoxe du Printems Eccléfiaftique
avec l'Aftronomique , on évitera
de célebrer déformais la fête de Pâques ,
Oil
1722 MERCURE DE FRANCE.
eu trop τότ ou trop tard , ce qui eſt arrivé,
& arriveroit encore plufieurs fois . Les
calculs en font juftes , d'un grand travail
; & en s'y conformant , on peut compter
fur une régle certaine. C'est le fentiment
de M. le Prefident Bon , de la Societé
Royale des Sciences de Montpellier,
de M. Defplaces , connu par fes Ephemerides
, de feu P. Saguins , Sçavant
Minime , & de M. Muraffon , Chancelier
de l'Eglife & de l'Univerfité de Toulouſe.
IDILLE.
ADieu , cher & riant Bocage
Où j'ai paffé mes plus heureux momens ;
Un deftin rigoureux m'éloigne pour longtemps
,.
De cet agréable rivage.
Petits Oyfeaux , que votre fort
Me paroîtra digne d'envie !
Que je regretterai la vie ,
Qu'avec vous fur cet heureux bord
Je paffois fans mélancolie !
Que de regrets ,, que de foupirs ,
vont
A OUT. 1723 1728 .
Vont fuivre mes plus doux plaifirs !
Tous les jours , hors du lit , auffi - tôt que l'Aurore
Venoit répandre un déluge de pleurs,
Infaillibles témoins que fes tendres ardeurs
Pour fon Amant duroient encore ,
Je voyois profiter de fes vives douleurs ,
Bacchus , Cerés , Pomone , & Flore.
Du Laboureur actif , prêt à combler les
voeux ,
Phoebus fortoit du fein de l'Onde ,
Montoit fur fon char lumineux ,
Et de mille rayons entourant fes cheveux ,
Rendoit la joye & la lumiere au monde ,
Oyfeaux , qu'alors j'étois heureux !
Sur le fommet d'une coline ,
Me promenant une heure ou deux ,
Jamais la ridicule mine
D'un Pédant plus ' rempli d'orgueil que de
doctrine ,
Ne m'infpiroit de foins fâcheux ;
Affis fous un épais feüillage ,
J'écoutois prefque tout le jour
Votre doux & tendre ramage ;
Quel
1724 MERCURE DE FRANCE.
Quel plaifir ! j'entendois les échos d'alentour
,
Répeter à l'envi cet amoureux langage :
Je le répetois à mon tour ;
On ne me voyoit point , plein d'une folle
yvreffe ,
De mes
croaffemens fatiguer Apollon ;
Affez d'autres de mon efpece .
En font avec même rudeſſe
Retentir le facré vallon.
Pour moi , connoiffant ma foibleffe ,
Je préferois le lierre aux Lauriers du Permeffe
,
Et fi je
fuccombois au defir de chanter ,
Euterpe , par pitié venoit me vifiter ,
Et manioit ma flute avec tant de juſteſſe ,
Qu'elle m'infpiróit ſa tendreſſe
En m'apprenant à l'imiter.
Petits Oyfeaux , helas ! puis- je trop régretter,
Ce cher féjour où je vous laiſſe ?
On me contraint à le quitter :
N'approuvez-vous pas ma trifteffe ?
Sans moi , perchez fur un roſeau ,
Ou bien fur la cime d'un Hêtre ,
Vous
A OUT. 1725 1728 .
Vous ferez de vos chants retentir ce Côteau
;
Je ne vous pourrai plus avec mon chalumeau
,
Répondre une chanfon champêtre ,
Ni vous apprendre un air nouveau.
Eloigné de ces lieux , cheris de la nature,
Je ne verrai plus l'Onde pure ,
D'une fontaine , ou d'un ruiffeau ,
D'un Pré toujours fleuri , careffer la verdure
Et faire par fon doux murmure ,
Sur l'herbe bondir un troupeau ;
Ah ! pourquoi falloit - il que d'un féjour fi
beau
Un fort cruel me vint fi-tôt exclure !
O regrets fuperflus ! je vous perds , lieux charmants
;
Je n'en puis dire davantage ;
Adieu donc , paifible Bocage ,
Og j'ai paffé mes plus heureux momens,
EX4726
MERCURE DE FRANCE .
J :skakakakaka ******
EXTRAIT d'une Lettre écrite d'Alep
à M. D. L. R.fur les affaires de Perfe ,
le 15. Janvier 1728 .
JE ne compte pas , Monfieur , après
yous avoir envoyé plufieurs Mémoirés
fur la guerre de Perfe , de vous donner
la premiere nouvelle de la Paix conclue
entre les deux principales Puiffances
qui y font interreffées ; vous l'aurez fans
doute apprife avant la reception de cette
Lettre par la voye de Conftantinople ou
par celle d'Allemagne ; mais au lieu de
cette nouveauté , qui n'en feroit pas une
pour vous, je vous envoye une Piece affez
curieufe fur cet évenement , dont je vous
garantis l'autenticité , & qui doit paffer
pour rare en Europe .
Vous fçavez ce que je vous écrivis au
mois d'Aou£ 1727. fur les apparences
d'une prochaine paix , dont je vous marquois
les raifons , &c. Je ne doutai plus
d'une prompte
conclufion , lorfque quelques
jours après nous vîmes arriver en
cette Ville Richidy Effendi, nouveau Cadilesker,
ou Intendant de l'Armée du G.S.
en Perfe , venant de Conftantinople pour
fe rendre en pofte à Hamadan , avec une
fuite de quatre-vingt perfonnes. Je fçus
par
AOUT. 1728. 1727
par le Pacha même d'Alep , que le G. Vizir
l'avoit choifi exprès comme un homme
de tête , & confommé dans les affires
, pour être le principal inftrument de
la paix , que la Porte fouhaitoit ardemment
depuis les dernieres pertes , ayant
des ordres très - précis d'y porter le Seraf
kier Achmet Kupruli Pacha , lequel étant
jeune , avide de gloire & à la tête d'une
nouvelle & puiffante armée , ne fongeoit
qu'à pouffer la pointe , & à réparer la
difgrace éclatante dont je vous ai parlé
dans une de mes dernieres Lettres . L'évevement
a juftifié le choix du premier Vizir.
Car comme d'un autre côté le Sultan
Acheraf ne défiroit rien tant que la
paix avec les Turcs, fes plus redoutables
voiſins ; on n'a pas été long- temps à apprendre
les premieres nouvelles de cette
paix , qui a été traitée , les armes à la
main, par des gens également habiles , &
enfin conclue au mois de Septembre dernier,
à la fatisfaction des deux Puiffances.
›
Le premier jour de Decembre fuivant ,
c'est- à- dire , il y a feulement fix femaines
il arriva icy un Courier extraordinaire
, envoyé par le G. Vizir au Pacha
d'Alep, avec des dépêches importantes au
fujet de ce grand évenement, pour lequel
on fit auffi- tôt des réjouiffances publiques.
Je ne manquai pas dans cette occa
B fion
1728 MERCURE
DE FRANCE .
fion d'aller faluer le Pacha , qui non feulement
me reçut , à fon ordinaire , gracieu -
fement ; mais me mit en main la Lettre en
original que le Vizir lui a écrite par ce
Courier , avec un Mémoire , contenant
les 12. articles de la Paix concluë & ratifiée
de part & d'autre. Le Pacha fit plus ,
me connoiffant curieux & affez verſé dans
la Langue Turque depuis mon long féjour
de Conftantinople
, il m'offrit de me
la laiffer copier dans fon cabinet ; ce que
je fis : & après l'avoir remercié de cette.
faveur , je me retirai chez moi pour faire
far cette copie, que je fuis bien aife de garder
, la Traduction Françoife que je vous
envoye,
LETTRE du Grand Vizir , écrite au
Pacha d'Alep.
MON
>>
TRES-HONORE' PACHA ,
Par la de Dieu Tout - puiffant , grace
>> après avoir donné tous nos foins dans
» cette heureuſe année , à former une ar-
» mée formidable de plus de 150000
>> hommes de diverfes Provinces de l'Em-
» pire , tous bons Soldats & enfans de la
» victoire ; particulierement ceux d'E-
» gypte & de Tartarie , dont l'ennemi eft
prefque
AOUT. 1728. 1729
>>
"
prefque roujours la proye . Ces Trou-
>> pes fe feroient rendues dans la Plaine
» d'Hamadan pour marcher vers la Ville
d'Ifpaham , dequoi les Aghuanis étant
>> bien informez , ils firent de férieuſes
» réfléxions ; & ayant enfin reconnu par
>> eux-mêmes l'état des forces de la fubli-
»me Porte Ottomane , aufquelles ils ne
pouvoient réfifter fans s'expofer à un
péril évident , ils n'ont pas trouvé de
» plus sûr moyen pour s'en garentir, que
» de fléchir la clemence de l'Empereur
» des Croyans , en lui demandant hum-
» blement la paix . C'eft pour cela qu'ayant
» écrit plufieurs Lettres & envoyé des
» Ambaffadeurs , ils ont offert que les
» Pays conquis dans la Perfe depuis le
» commencement de la Guerre , juſqu'à
>> prefent , feroient joints au vaſte Empire
» Ottoman , & que les Canons & autres
» Pieces d'artillerie , qui étoient reftez.
l'année derniere fur le Champ de ba-
» taille , feroient totalement rendus , ajou-
» tant d'autres avantages confiderables
» contenus en douze articles ou conditions
, pour fervir de fondement à une
» paix folide , qui feroit le fujet de leur
falut.Sur quoi le Seraskier Achmet Pa-
» cha , ayant fait affembler tous les Officiers
generaux de l'Armée , les Vizirs ,
" les Pachas , & c . confulté le Livre faint
>>
»
>>
>>
Bij
&
1730 MERCURE DE FRANCE .
"
"
"3
D
ច
>>
» & confideré enfin que cette paix étoit
» demandée avec inftance , par des Gens
qui n'ont avec nous qu'une même Religion
, & qui font vrais Mufulmans ;
» toute l'affemblée conclut que le Sultan
» notre Maître youdroit bien accorder
leur demande , recevoir & accepter les
propofitions cy- deffus mentionnées &
tipulées dans la Ville d'Hamadan , fous
les promeffes authentiques , faites de
» part & d'autre , lefquelles font depuis
» parvenues à la Porte de felicité , & ont
» été confirmées & ratifiées dans toutes
» les formes. C'est pour vous donner avis
» de cette importante nouvelle , qui égale
celle d'une victoire , que nous vous écri-
» vons la prefente , afin qu'à fon arrivée
faffiez à tous les Muful- part
» mans de votre Jurifdiction , pour qu'ils
s'en réjouiffent , & qu'ils demeurent
» dans une entière tranquillité fous la pro-
» tection , la justice , & la bienveillance
», de notre Maître , le Commandeur des
» Fideles , & qu'ils prient continuellement
» pour la confervation de fa perfonne &
» la profperité de fon Empire. Ecrit à
Conftantinople , Ville Impériale , &c .
l'an de l'Hégire de notre Prophete 1139 .
Le Chiffre ou Seing du G. Vizir , qui eft
à la marge de fa Lettre , contient ces
mots : Le Pauvre , l'Abjet , le Prince des
>>> vous en
23
ג כ
PrinAOUT.
1728. 1731
Princes IBRAHIM RAHIM PACHA.
Vous ne ferez pas furpris , Monfieur
de la teneur de cette Lettre , & du fafte
qui y regne ;vous qui fçavez que les Turcs
dans les conjonctures les plus délicates ,
parlent toujours en Conquerans , & pour
ainfi dire , en Maîtres du monde.
Voicy les douze articles dont je vous
ai parlé cy- deffus , qui étoient joints à la
Lettre du G. Vizir.
I. Que la Priere publique fe feroit
dans Ifpaham , au nom du G. S. dans tou
tes les Mofquées.
II. Que la Monnoye feroit frappée au
nom du SultanAcheraf,par tout le Royaume
de Perfe.
III. Que chacun garderoit les Conquetes
qu'il a faites , avec la reftrition portée
dans l'article X.
IV. Que le G. S. regarderoit le Sultan
Acheraf, fur le même pied qu'il regarde
le Kam des Tartares , c'eſt- à- dire , comme
un Allié de la Porte Othomane , qu'elle
fera obligée de deffendre , en cas qu'on
l'attaque .
V. Que le Sultan Acheraf fera obligé .
de fournir dans toutes les occafions au
G. S. un fecours de Troupes , au même
nombre de celles qu'il retire du Royaume
d'Egypte .
VI . Qu'il y aura une entiere liberté de
Biij com1732
MERCURE DE FRANce.
commerce entre les deux Empires , par
Mer & par Terre.
VII. Que toute l'Artillerie du G. S.
reftée l'année derniere fur le Champ de
Bataille , fera renduë.
VIII. Que le Sultan Acheraf payera
tous les ans au G. S par forme de redevance
, la fomme de 20000 Tomans.
IX. Que de plus ce Prince le dédom -
magera de tous les frais de la Guerre depuis
fon commencement.
X. Qu'il rendra au G. S. le pays de
Huveizé , avec les Villes en dépendantes ,
qui ont été reconquifes fur les Turcs , durant
cette guerre .
XI. Que le Sultan Acheraf ne pourra
jamais prendre le Titre abfolu d'Empereur
ni de Roy de Perfe , mais de Prince
de l'Empire Othoman , Allié de la Porte.
XII. Enfin qu'on fe fournira mutuellement
les fecours & les munitions de
guerre & de bouche dont on pourroit
avoir beſoin dans les occafions preffantes.
Quoique ces Articles me viennent de
bonne main , je ne voudrois pas garantir
qu'ils foient tous également férieux &
d'une execution abfoluë . On prétend en
effet qu'il y en a eu , outre ces douze ,
quelques- uns de fecrets , qui ne font con .
nus que des Plenipotentiaires & de peu
de
AOUT. 1728.
1733
de perfonnes , leíquels fervent comme de
correctif à ceux qui paroiffent les plus
onereux au nouveau Sultan . de Perfe :
Quoiqu'il en foit , je n'ai jamais pû parvenir
à avoir de la part du Pacha d'autre
éclairciffement , quand j'ai pris la liberté
de le preffer fur cette matiere, qu'un ſourire
, affez capable d'autorifer ce que je
viens de dire .
Je pourrois , Monfieur , accompagner
la Lettre du G. Vizir & ces 12 articles de
quelques Remarques; mais outre qu'elles
allongeroient trop ma Lettre , cela me
paroît affez inutile , par rapport à vous
qui n'ignorez pas l'Hiftoire , la Religion
& les interêts des Puiffances du Levant.
Je me contenterai de vous faire remarquer
, par rapport au premier article , que
le G. S. y eft reconnu par Acheraf , pour
Souverain Chef de la Religion & de l'Empire
des Mufulmans , fucceffeur des Califes,
& c.qualitez que les quatre principales
Sectes des Mahometans * Sunnites , ou
* Ce font ceux qui , outre le Texte de l'Alcoran
, reçoivent encore la Sunna , ou le Corps
des Traditions des faits & dits de Mahomet.
On les appelle Sunnites , ou Traditionnaires ,
divifez en quatre Sectes principales , toutes
Orthodoxes & oppofées aux Alides ou Se &tateurs
d'Ali. Ceux- cy font appellez par les autres,
Chyaites , ou heretiques revoltez , & c.
divifez auffi entr'eux en plufieurs Sectes.
Bij Tradi
1734 MERCURE DE FRANCE .
Traditionnaires , foy - difant les feuls Orthodoxes
, ne lui conteſtent pas. Acheraf
& fes Aghuanis font Sunnites , comme les
Turcs ; & dans toute cette Guerre ce fin
Politique a fçu tirer avantage de cette
conformité d'opinions . Cela n'empêchera
pas, felon moi, que dans les jours d'Af-
Temblée ou de la Priere publique du Vendredy
, après avoir prié pour le G. S. &
pour toute fa Maifon , on ne faffe auffi
mention du Sultan Acheraf, Prince regnant
fur la Perfe . C'eft ainfi qu'on en
ufoit du temps même des Califes , dont
les derniers n'avoient plus que les droits
honorifiques des Mofquées , & une ombre
d'autorité.
Il arriva cependant qu'Acheraf , lorſqu'il
envoya pour la premiere fois un Miniftre
à la Porte pour négocier quelque accommodement
, prit . dans fes Lettres &
dans les pouvoirs de fon Envoyé la qualité
ou quelque chofe d'approchant , de
Chef on de Prince des Musulmans de
Perfe. Il n'en fallut pas davantage pour
faire rejetter & l'Envoyé & toutes les propofitions
, le G.Vizir lui déclara avec aigreur
que les Mufulmans ne pouvoient
avoir qu'un feul Chef qui étoit l'Empereur
fon Maître , & lui ordonna de fortir
inceffamment de les Etats .
J'ai vu dans quelque Mémoire que
cette
'AOUT. 1728. 173 5
cette rupture arriva parce que l'Envoyé
d'Acheraf donnoit à fon Maître le Titre
de Grand Sophi de Perfe ; ce qui eft abfolument
faux , & capable de perpetuer
l'erreur où les Européens font tombez à
cet égard. J'étois alors à Conftantinople,
& j'ai fçû par gens en place , & qui
avoient interêt de ne rien ignorer que la
chofe arriva de la maniere & pour le fujet
que je viens de dire . Cet Envoyé , au
refte, n'auroit pas orné le Prince Acheraf
d'un grand titre , en lui donnant celui de
Sophi , qui eft devenu mépriſable , inufité
en Perfe même ; & ne peut d'ailleurs
convenir , en un certain fens , qu'à cette
Dynaftie des Rois modernes de Perfe ,
dont Schah- Huffein , qui vient d'être dé
trôné , eſt le dernier . J'ai vû plufieurs
Lettres de ce Prince qui n'y prend jamais
la qualité de Sophi.
Encore une réfléxion , c'eft fur le VIII.
article , par lequel Acheraf s'oblige de
payer vingt mille Tomans par an au G.S.
Je crois que cette fomme ne fera pas
payée fort régulierement , & qu'elle eft
ftipulée feulement pour honorer le Traité;
ainfi on pourroit prefque fe difpenfer
d'en faire l'évaluation . Vous fçavez , cependant
qu'en Perfe le Toman n'eſt pas
une Monnoye , mais que c'eft une valeur
fixe en elle-même, comme en Angleterre
B v
la
1736 MERCURE DE FRANCE .
la Livre fterling. M. Thevenot , l'un de
nos plus fçavans Voyageurs , & qui ſur la
Perfe , en particulier , eft en toutes choſes
fuperieur à Chardin , & encore plus à
Tavernier, M. Thevenot , dis - je , qui étoit
en Perfe en 1664. & qui y eft mort ,
m'apprend que de fon temps le Toman
valoit 15 Piaftres , ou 50 Abaffis , chacun
de 18. fols de notre monnoye , ce qui
fait monter le Toman à 45 livres de France
; mais j'apprends auffi dans le Pays
d'où je vous écris , que depuis ce tempslà
les chofes ont changé , & que par raport
à la hauffe de notre monnoye, le Toman
vaut aujourd'hui , ou eft eftimé envi-
Fon 60 livres. Ainfi c'eft environ la fomme
d'un million de livres qu'Acheraf
payera annuellement , ou ne payera pas à
la Porte Othomane .
Au refte , Monfieur , à confiderer la
grandeur , la rapidité , & les fuites de la
révolution de Perfe , on ne peut s'empê
cher d'y reconnoître la main de Dieu ,
qui a fans doute voulu humilier d'une maniere
éclatante un Prince & une Nation
livrez depuis long - temps à la moleffe &
aux vices qui en font les fuites inévitables
. Quelle chute , en effet, pour un Monarque
, l'un des plus grands de l'Afie , le
plus fuperbe , peut - être , & le plus faftueux
, qui prenoit les Titres d'Empereur
du
A QUT. 1728 . 1737
du Monde , de refuge du Genre humain ,
de Collegue du Soleil, de Maître de la For
tune, & c. & dont la Cour ,dans toutes les
Expeditions qui s'y faifoient , étoit nommée
La Porte fur laquelle roule toutl'U
nivers , fans parler de la grandeur de fon
origine, la plus illuftre de tout le Mahometifme
, comme deſcendant en droite ligne
de Huffein , fecond fils d'Ali & de
Fatime , fille de Mahomet ; ce qui faifoit
encore donner à ce Prince les Titres
particuliers
de Vicaire de la Grace , de Tres-
Saint, de Lieutenant de Dieu dans la Perfes
ajoutant à fon nom celui de Schah , ou
de Roy par excellence : Grande matiere à
réfléxions .
Le temps nous apprendra fi le Conquerant
ou l'Ufurpateur qui eft aujourd'hui
fur la Scene, & qu'on peut compter comme
le troifiéme Fléau de la Nation Perfanne
, demeurera paifible poffeffeur de
cette Couronne ; plufieurs en doutent fur.
des fondemens qui paroiffent plaufibles .
On publie icy que le Prince Thamas a
fait alliance avec le Mogol , d'autres difent
avec le Roy de la Chine , & qu'il entrera
bien- tôt en Perfe avec une puiffante
armée . D'un autre côté on parle d'un
Prince parent d'Acheraf , qui prétend lui
difputer fes conquêtes , du moins les par
tager. Je ne vous donne tout cela que
B vj pour
1738 MERCURE DE FRANCE:
pour des bruits affez incertains . En attendant
je vous promets de continuer de
vous faire part des fuites de cette étrange
cataſtrophe , & de vous informer exactement
de tout ce que j'apprendrai de
vrai & d'intereffant durant le féjour que je
dois faire dans cette Province voiſine des
Etats de Perfe . Je fuis , Monfieur , & c.
******* :XXXXXX :XX
SUR MON PROCE'S.
Soulagé du poids d'un Procès ,
Dont, graces à Bally , ( a) je fors avec fuccès :
Je viens , Mufes , je viens dans vos charmans
Boccages ,
Refpirer à loifir , & de vos Rudiments ,
Reprendre enfin les premiers errements.
Thémis a reçû mes hommages ,
Et par la voix de fes Miniftres faints , (6)
A confacré mes innocens deffeins .
Mais dût- elle toûjours me donner fes fuffrages,
Divines Soeurs , ne permettez jamais
Que votre Nourriffon fréquente fon Palais .
(a) Mon Procureur.
(b) M. le Premier Preſident , M. le Prefident
Turgot.
Vous
A OUT. 1728. 1739
Vous mêmes , qu'avez- vous penſe ?
Lorfque dans l'affreufe Grand'Salle ,
Vous m'avez vû femillant , empreflé ,
Conjurer par mes cris la Chicanne infernale ,
Et repouffer le trait qu'elle m'avoit lancé.
Ha ! difiez- vous alors , c'eſt en vain qu'Hypocrene
,
L'avoit de fon Onde abreuvé.
Une autre foif le devore & l'entraîne
Vers ce vil interêt dont nous l'avions fauvé.
Non , Muſes . C'eſt à tort quevous formiez ces
plaintes.
Vos maximes toûjours dans mon coeur font
empreintes ,
Mais dans cet incident loüez mes foins ac
tifs.
Il falloit d'une Epouſe chere ,
Et d'Orphelins que j'aime en pere ;
Recouvrer les biens fugitifs .
Je l'ai fait. Ou plutôt un fage Miniſtere ,
Dans fa fource a tari le mal.
Car lorfqu'on nous a peint dans une Comedie
, (4)
Un Procureur affable , integre , liberal ,
(a) Le Procureur Arbitre,
De
1740 MERCURE DE FRANCE .
De cette fidelle copie ,
J'ai dans Bally trouvé l'Original .
M. Tanevot.
XXX :XXXXXXXXXXX :X
1I. LETTRE fur l'Hiftoire de la Ville
& des Seigneurs de Coucy , & c. Par
Dom Tonfaint du Plessis , Benedictin
de la Congrégation de S. Maur , &c .
Ja
E vous ai rendu compte , Monfieur
dans ma précedente Lettre , le plus na
exactement qu'il m'a été poffible , du
Corps de la nouvelle Hiftoire de la Ville
& des Seigneurs de Coucy , ce qui en
compofe la premiere Partie , fuivant le
Plan de l'Auteur. J'entreprens dans cette
feconde Lettre , de vous donner une idée
de la II. Partie , qui comprend des Differtations
ou des Notes affez étendues fur
divers endroits de l'Hiftoire même , lefquelles
auroient couru rifque de déplaire,
fi on les avoit mifes dans le Texte. Ces
Notes font au nombre de LXVIII . &
concernent divers points de Géographie ,
de Chronologie , d'Antiquitez , de Généalogies
, même des Familles Etrangeres :
Les précedens Auteurs de la même Hiftoire
y font corrigez en plufieurs endroits
&
A OUT. 1728. 1741
& le nouvel Hiftorien n'a pas craint de
pouffer la critique fur un affez grand
nombre d'autres Ecrivains , perfuadé ,
dit-il , que ceux- cy ne lui en fçauroient
pas mauvais gré , & que ceux qui travaillent
pour le Public ne doivent chercher
que fon utilité aux dépens même de ce qui
peut leur en coûter. Il ajoûte à cela , qu'à
fon égard on ne lui fera jamais plus de
plaifir que de lui montrer les propres fautes.
Vous jugerez , Monfieur , du mérite
de ces Notes , par celles que j'ai crû devoir
vous rapporter ici : j'en ai omis plu
fieurs autres , quoique curieufes , qui formeroient
un volume , au lieu d'une Lettre .
>
NOTE I. Je nomme Ailette , la petite
Riviere qui paffe à Nogent fous Coucy.
C'eft auffi fon veritable nom , & c'eft ainfi
qu'il doit s'écrire , contre l'ufage de quelques-
uns , qui s'imaginant que ce mot
eft dérivé du Latin , Electa , à caufe de
la bonté du Poiffon de cette Riviere
écrivent Elette. Guibert de Nogent l'appelle
Aquila ; & cette autorité fuffit pour
faire fentir qu'on a dit d'abord Aiglette ,
d'où s'eft formé par adouciffement le mot
d'Ailette , qui a prévalu depuis . C'est donc
par erreur que l'on trouve le mot de Delette
dans les Cartes de Sanſon , furtout dans
celle de l'Evêché de Làon , gravée en 1703
Delette n'eft qu'un mot populaire formé
du
1742 MERCURE DE FRANCE.
du veritable nom de cette Riviere , & de
l'article qui le précede , lorfqu'on dit la
Riviere d'Ailette. Mais cette corruption
a été la fource d'une autre faute plus groffiere
, que l'on trouve dans le Dictionnaire
Géographique de Thomas Corneille,
à l'article de Nogent-fous - Coucy ; ou au
lieu de mettre Delette , qui cependant në
valoit rien , on a laiffé échapper Delelle,
qui vaut encore moins .
NOTE VIII . Je laiffe à ceux qui entreprendront
d'écrire l'Hiftoire ou les Antiquitez
de l'Abbaye de Nogent , la difcuffion
de ce que rapporte l'Abbé Guibert
(a ) d'un Autel qui étoit dédié en ce
lieu avant la naiffance de Jefus Chrift ,
à la Vierge qui devoit enfanter , & de la
converfion d'un Roy d'Angleterre , qui
y vint finir les jours , après avoir fait le
Voyage de Jerufalem , au temps même
de la mort de Jefus -Chrift . Il ne s'agit
ici que de la fondation de l'Abbaye de
Nogent , & je la place vers l'an 1076 .
Ce qui prouve cette date , c'est qu'Henry
étoit déja Abbé de S. Remi , lorfqu'il fut
élû pour être premier Abbé de Nogent ,
& qu'Henry n'a fiégé à S. Remy que vers
l'an 1076. A fuivre le calcul des Freres.
de fainte Marthe , ( b ) il faudroit reculer
(a) Guib . Nogent. de Vita fua. b . 20 0.
(b) Gall. Chrift.
la
A OUT. 1728. 1743
la fondation de cette Abbaye jufqu'après
l'an 1080. Car fi on les en croit , le
Prédeceffeur d'Henry fut dépofé en 1080.
au Concile de Lyon ; ainfi Henry n'auroit
pû être élû Abbé de S. Remy qu'en
1080. au plutôt. Mais c'eft une erreur :
on ne trouve dans ce Concile de Lyon
aucun veftige de dépofition , ni de l'Abbé
de Saint Remy , ni même d'aucun
autre Abbé . Peut - être ces illuftres Freres
ont -ils eû en vûë un fimoniaque ,
que l'Archevêque Manaffés vouloit introduire
à la place d'Henry.(a ) Quoiqu'il en
foit, on a des preuves certaines qu'Henry
étoit Abbé de S. Remy , dès l'an 1076 .
puifqu'il foufcrivit cette année en cette
qualité à une Charte de Manaffés , Archevêque
de Rheims . On fçait d'ailleurs
qu'il n'a guere pû l'être avant ce même
temps , puifqu'après la mort de l'Abbé
Herimar , qui arriva en 1075. le Siége
vaqua quelques années. C'eſt donc vers
1076. qu'il faut fixer l'Epoque de la
fondation de Nogent. Je ne m'arrête
point à une certaine Tradition qui fait
Enguerrand premier Fondateur de cette
Abbaye. Ce Seigneur pourroit , en quelque
maniere , meriter ce titre par fes bienfaits
; mais l'Hiftoire veut quelque chofe
(a) Marlot. Hift. Metrop, Rem. T. 1.
de
1744 MERCURE DE FRANCE .
de plus exact. Alberic eft le premier en
date , & doit par confequent avoir tous
les honneurs de la fondation . Il y a plus ,
& , ce qui tranche la difficulté , c'eft 1 ° .
que du temps d'Aiberic , foit que ce foit
le même que celui de l'an 1059. foit que
c'en foit un autre , il y avoit des Moines
à Nogent ; d'où je conclus que l'Abbaye
fut fondée avant le temps d'Enguerrand
premier. 2 °. C'eft que Thomas de Marle,
fait mention lui-même dans une Charte,
que l'on trouvera parmi les Pieces juftificatives
des Seigneurs de Coucy les Prédeceffeurs
, qui ont fait du bien à l'Abbaye
de Nogent. Or cette expreffion fuppole
manifeftement plus d'un bienfaicteur.
Donc , Enguerrand fon pere ne fut pas le
premier.Donc il ne doit point être regardé
comme le veritable Fondateur .
NOTE XXIX. Le P. Daniel a remarqué
dans fon Hiftoire de France , que du
temps de Charles VII . il n'avoit point encore
été permis à aucun Duc ni Comte
qui fût Feudataire de quelque Couronne,
de fe dire dans fes Titres , Seigneur , par
la grace de Dieu , d'un tel ou d'un tel endroit
, & que ce fut pour cette raifon que
le Roy deffendit expreffément au Comie
d'Armagnac , qui fe fervoit de cette formale
, de l'employer à l'avenir. Il eſt cependant
A OUT . 1728. 1745
pendant bon de remarquer qu'il y a dans
du Chefne , (a) un Titre de Raoul , premier
Seigneur de Coucy , qui commence
ainfi : In nomine fanita & individua Trinitatis
. Ego Radulphus , Dei gratia , Cociaci
& Ma la Dominus , & c. Et on trouvera
parmi les Pieces juſtificatives de cette
Hiftoire , deux autres Titres femblables.
L'un de Thomas de Marle , & l'autre d'Enguerrand
III.
NOTE XXXIII . Enguerrand II . eft
un de ces Heros , dont les faifeurs de Ro-.
mans n'ont point craint d'amplifier l'Hiftoire
des traits de leur imagination : c'eſt
lui , dit Jovet , après Lalouette , quoique
celui- cy l'appelle » Enguerrand I. qui par
»fon courage & par fon adreffe a furmonté
» la force d'un Lion , dont l'Hiftoire eft fi
>> fameufe dans le Pays , comme il paroît
» par ce qui fuit. Ayant été averti qu'il y
>> avoit dans la Forêt de Coucy & dans les
>> lieux circonvoifins , des bêtes fauvages
» qui y faifoient de grands defordres , &
qu'il y en paroiffoit une épouventable ,
>> entre autres , ayant la figure d'un Lion ,
>> qui allarmoit tous les Villages d'alen-
»tour ; le defir de la combattre , lui fit
» chercher le lieu où elle fe retiroit ordi-
"
33 nairement , & l'ayant rencontrée , il s'at -
tacha tellement à elle , qu'après l'avoir
( a) Hiftoire de la Maifon de Coucy.
» affez
1746 MERCURE DE FRANCE.
» affez long- temps combattue feul , il la
» tua. En mémoire de laquelle victoire ,
»la figure de cette bête , qui avoit la
>>reffemblance d'un Lion , fut taillée en
» pierre avec la grandeur. & fa groffeur ,
»telle qu'elle fe voit encore aujourd'hui
» dans la Place de Coucy , pour ſervir à
» la pofterité de marque & de trophée de
» cette infigne victoire. Cette prétenduë
victoire fut auffi fculpée dans la pierre
qui étoit au-deffus de la porte par où on
entroit dans la groffe Tour , & qui lui
fervoit comme de fronton .
Je remarque en paffant que cette derniere
pierre ne fubfifte plus. Un Procureur
de la Ville la fit enlever il y a environ
dix ans , pour en faire un évier.
Il n'eut pour cela qu'à faire fauter la
figure qui étoit au milieu ; car la pierre
etoit déja creuſée avec des rebords tour autour.
Cet homme, comme l'on voit, avoit
un grand goût pour l'Antiquité . ( a) Heureulement
nous n'avons pas tout perdu ;
car Jovet nous en a confervé la figure
qu'il a fait graver dans fon Hiftoire des
Seigneurs de Coucy , & c'eft le feul endroit
par où cette Hiftoire peut meriter
(a)C'est par un pareil deſtin qu'un beau Marbre
antique , orné d'une Infcription Romaine , fert
aujourd'hui d'auge au Puits des Minimes de
Marseille ,felon M. de Ruffy , Hift, de Marſeille.
d'être
A OUT. 1728. 1747
d'être recherchée . Nous la donnons d'après
cet Hiftorien , pour donner matiere
à la critique des curieux de la baffe Antiquité.
33
» Des Fêtes de réjouiffance , pourfuit le
» Roman , ( a) furent alors inftituées en
» l'honneur de cet Enguerrand ; & une
» ceremonie qui s'obferve encore prefen-
>> tement par l'Abbé de Nogent , qui eft
» de la Fondation de cette Maifon , lequel
" eft obligé de prefenter trois fois l'an des
» Riffoles , ( espece de Gateaux , ) au Seigneur
de Coucy , ou à fes Officiers dans
» la Place où eft à prefent ce Lion , &
>> ce en preſence de ces mêmes Officiers ,
qui en font Acte & Registre . Cette ce-
>> remonie a toûjours continué jufqu'à pre-
» fent , en memoire & en confideration du
>> bien & du repos que les Habitans du
" pays ont eû en la mort de cette ctuelle
» bête. Voici comment elle fe pratique .
» L'Abbé de Nogent ou fon Fermier en fa
33
place , vêtu d'un habit de Laboureur &
» de Semeur , le foüet à la main , doit pa-
»roître dans la place de Coucy , monté
»fur un cheval propre à aller à la Cha-
» ruë , auquel il ne doit rien manquer ,
>> pas feulement un clou ; & faifant plufieurs
tours en claquant fon foüet , eſt
(b)C'est toujours la Narration de Jovet , dans
fon Hiftoire des Seigneurs de Coucy .
» arrêté
1748 MERCURE DE FRANCE .
» arrêté & vifité de toutes parts : & s'il ne
» manque rien à fon équipage, il eft reçû à
» faire les foy , hommage & les prefens dont
>> il vient d'être parlé. Ces chofes étoient
» autrefois reprefentées dans le Château
» de Coucy , fur des Tapifferies , qui y ont
» toûjours curieufement été confervées juf-
» qu'au temps d'Enguerrand VII . qui
» époufa Marie de Lorraine , fille de Hen-
>> ry , Duc de Lorraine , après le décès duquel
Enguerand , ces Tapifferies ont été
»portées en Lorraine , oùelles font encore
» prefentement .
"
Mais comme une Fable naît fouvent d'une
autre Fable, on a encore debité ( a ) que
❤ce fut un Hermite qui conduifit Enguer-
> rand au repaire de la bête ; que celui -cy
>> l'ayant apperçûë près de lui plutôt qu'il
ne s'y étoit attendu , s'écria dans fa fur-
» prife : S. Jean , tu me l'as de près montré,
» & que delà eft venu le nom de Prémon-
»tré , à la celebre Abbaye qui fut bâtie en
→ ce mê me lieu fort peu de temps après.
On voit quel fond il y a à faire fur
une pareille Etymologie , fans parler de
l'Anachronifme qui met fous Enguerrand
II. la Fondation de l'Abbaye de
Prémontré , qui étoit déja fur pied dix ans
avant la mort de Thomas de Marle . A
l'occafion neanmoins de la naiffance de
(a) Le Paige, Bibliot . Pramonftrat. L. x.c. 2 .
cette
A OUT. 1728. 1749
cette Abbaye , je ne puis m'empêcher de
relever une faute qui eft échappée à M.
Baillet dans la Vie de S. Norbert : ce Saint,
dit - il , » choiſit en 1120. un Valon fort
>>defert , appellé Prémontré , pour y jetter
» les fondemens de fon Ordre. Il y avoit
» là , ajoûte - t - il , les reftes d'une Chapelle
>> abandonnée par les Religieux de S. Vin-
» cent de Laon , qui en avoient été autre-
» fois les maîtres. C'eft - à- dire , felon cet
Auteur , que les Religieux de S. Vincentne
faifoient plus le Service Divin dans
cette Chapelle , & même qu'elle ne leur
appartenoit plus . Or c'eft ce qu'il eft difficile
de trouver dans l'Hiftoire ( a ) de la
Fondation de Prémontré. Cette Hiftoire.
dit fimplement que le terrain étoit ingrat,
& que par cette raifon les Religieux n'en
retiroient que peu ou point de profit : &
la même Hiſtoire ajoûte que l'Evêque de
Laon, pour fatisfaire S.Norbert, qui avoit
choifi ce lieu , tout inhabitable qu'il paroiffoit
être, le demanda aux mêmesReligieux ,
& l'obtint moyennant quelque échange.
M.Baillet écrivoit quelquefois un peu vîte.
Je fuis contraint , Monfieur , pour
abbreger , de ne pas rapporter toute cette
(a) Cette Hiftoire fe trouve dans une Charte
de Barthelemy , Evêque de Laon , rapportée par
l'Auteur de la Biblioteque de Prémontré , que
l'on vient de citer.
abbreger
1750 MERCURE DE FRANCE
Note qui eft fort longue , dans les propres
termes de notre Hiftorien . Il continue fa
Critique par quelques Reflexions,toujours
par rapport à l'Hiftoire du Lion qu'inguerrand
II . combattit , qui tendent à détruire
cette Hiftoire. Un Lion dans les
Bois de Coucy ou de Prémontré doit ,
dit- il, furprendre . L'Evêché de Laon n'eft
point le climat des Lions , & c . Cela eft
en effet furprenant : on répondra peut-être
que dans la narration de Jovet , il n'eft
pas parlé bien abfolument d'un Lion .
Une entre autres , ayant la figure d'un
Lion , & plus bas , la figure de cette bête
qui avoit la reffemblance d'un Lion , fut
taillée , &c. dit Jovet .
Quoiqu'il en foit , Dom du Pleffis croit
avoir démontré l'erreur. Ce n'eft pas ,
ajoûte- il , qu'il ne foit permis de remonter
à la fource , quand on le peut ; & je ne
crois pas que dans le cas préfent il foit bien
difficile d'y parvenir. Il propofe enfuite
deuxconjectures,qui paroiffent plaufibles ,
tant fur l'origine de la redevance des Riffoles
, que fur la pierre du Lion . Entendons
- le parler lui- même fur cette Pierre ,
qui fait le dernier article de fa Differtation .
Pour ce qui eft de la Pierre du Lion
je crois être affez bien fondé à n'y reconnoître
qu'Enguerrand III. Car comme ce
Seigneur a bâti à neuf le Château de Coucy
A OUT. 1728. 1751
cy , il me paroît plus naturel de lui appliquer
ce Monument qu'à aucun de fes
Prédeceffeurs. Mais à examiner les chofes
par
de près , je ne fçai fi on ne pourroit pas
imaginer , que ce n'eft qu'un fymbole
de quelque ennemi violent qui auroit attenté
fur la vie d'Enguerrand III . & dont
celui- ci auroit tendu par fon adreffe &
fa valeur les efforts inutiles . Cette
conjecture eft fondée fur le texte d'une
ancienne Chronique dont j'ai fait ufage
dans le corps de cette Hiftoire , mais
qu'il eft bon de rapporter ici en fon entier
: Anno 1209 , dit cette Chronique ,
Ingelrannus de Marla , Dominus de Cuceio
pro fide Chriftiana contra hæreticos
Albigenfes fideliter agonizans , de proditoribus
fuis ultus eft per eum , pro quo ipfe
in ejus hoftes ulcifci paratus fuit.
NOTE XLVIII . J'aurois pû , à l'exemple
de Jovet , embellir l'hiſtoire de
Raoul II . d'un trait affez curieux que l'on
trouve dans Mezerai & dans quelques autres
Auteurs . Mais outre que quelquesuns
de ces Auteurs mettent l'hiftoriette
dont il eft queſtion fur le compte de
Raoul I. plutôt que fur celui de Raoul II.
d'autres le rapportent , non à un Seigneur ,
mais à un Chatelain de Coucy. Je ne fais
* Voyez Duchefne. Hift , de la Maifon de Coucy.
Preuves , p• 359.
C aucun
1752 MERCURE DE FRANCE .
aucun doute que ce conte , ne foit un veritable
Roman : Néanmoins , pour ne rien
omettre de ce qui peut toucher de près
cette Hiftoire , je tranfcrirai ici mot pour
mot un chapitre prefque entier des anciens
Poëtes François de Fauchet , qui eſt
celui de tous nos Auteurs , qu'on lira le
plus volontiers fur ce fujet.
! לכ
>>
Après les chanfons de Monfeigneur
Gaces Brulez , dit Fauchet
*
fui-
>> voient les chanfons du Chatelain de
» Coucy , duquel une bonne Chronique
» que j'ai , porte ce témoignage ; On
temps que le Roy Philippes régnoit , & le
Roy Richart d'Angleterre vivoit , il y
avoit en Vermandois un autre moult gentil ,
gaillard & preux Chevalier en armes
qui s'appelloit Regnault de Coucy , & étoit
Chatelain de Coucy . Ce Chevalier fut moult
amoureux d'une Dame du Pays qui étoit
femme du Seigneur de Faiel. Moult orent
de poine & travail pour leurs amours ce
Chaftellain de Coucy & la Dame de
Fayel fi comme l'hiftoire le raconte qui
parle de leur vie , dont il y a Romans
a Romans propre.
Oradvint que quand les voyages d'outremerfe
firent, dont il eft parlé ci-deffus
que les Rois de France & d'Angleterre y
furent , ce Chaftellain de Coucy y fut
pour ce qu'il exercitoit volontiers les ar-
Fauchet , Anciens Poëtes Franc. L. 2, ch. 176
:
>
>
mes.
t
A OUT. 1728 1753
mes. La Dame de Fayel quand elle fût
qu'il s'en devoit aller , fit un laqs de foye
moult bel & bien fait ; & y avoit de fes
cheveux ouvrés parmi la foye : dont l'oenvre
fembloit moult belle & riche , dont il
lioit un bourrelet moult riche par deffus fon
beaume , & avoit longs pendans par derriere
, à gros boutons de perles . Le Chaſtelain
alla outremer , à grand regret de laifferfa
Dame pardeçà . Quand ilfut outremer
, il fit moult de Chevaleries , car il
étoit vaillant Chevalier ; & avoit grand
joye qu'on rapportât par deçà nouvelles
de fes faits , afin que fa Dame y prit plaifir.
Si advint qu'à un Siége que les Chrétiens
tenoient devant Sarrazins outremer
ce Chatelain fut feru d'un quarel au côté
bien avant : duquel coup il lui convint
mourir. Si avoit à fa mort moult grand regret
à fa Dame ; & pour ce appella unfien
Ecuyer , & lui dit : Je te prie que quand
je ferai mort , que tu prennes mon coeur &
le mettes en telle maniere que tu le puiffes
porter en France à Madame de Fayel, &
l'envelopes de ces longes ici , & lui bailla
le las que fa Dame avoit fait de fes cbeveux
, & un petit efcriniet où il avoit plufieurs
anelez & diamans que la Dame lui
avoit donnés , qu'il portoit toujours av int
lui pour l'amour & fouvenance d'elle.
Quand le Chevalier fut mort , ainfi le fit
Cij PE1754
MERCURE DE FRANCE.
le
corps ,
+
l'Ecuyer : & prit l'efcriniet , & lui ouvrit
prit le coeur & fala & confit
bien en bonnes épices , & mit en l'efcriniet
avec le las de fes cheveux , & plufieurs
anelés & diamans que la Dame lui
avoit donnés , & avec une Lettre moult
piteufe , que le Chastelain avoit écrite à
fa mort , & fignée de fa main. Quand
l'Ecuyer fut retourné en France , il vint
vers le lieu où la Dame demeuroit , & fe
bonta en un bois prés de ce lieu ; & lui
mejadvint tellement qu'il fut vû du Seigneur
de Fayel , qui bien le connut. Si vint
le Seigneur de Fayel à tous deux fes privés
en ce bois , & trouva cet Ecuyer : auquel
il voulut courirfus en dépit de fon Maître
qu'il hayoit plus que nul'homme du monde.
L'Ecuyer lui cria merci ; & le Chevalier
lui dit: ou je te occirai , ou tu me diras où
eft le Chatelain. L'Ecuyer lui dit qu'il
étoit trépaffé : & pour ce qu'il ne l'en vousloit
croire , & avoit cet Ecuyer paour de
mourir , il lui montra l'efcriniet pour
faire certain. Le Seigneur de Fayel prit
l'efcriniet , & donna congé à l'Ecuyer. Ce
Seigneur vint à fon Queux , & lui dit
qu'il mit ce coeur en fi bonne maniere ,
l'appareillaffe en telle confiture , qu'on en
put bien manger. Le Queux le fit , & fit
d'autre viande toute pareille , mit en
bonne charpente en un plat : & en fut la
Dame
Pen
جم
(
A OUT. 1728. 1759
Damefervie au dîner ; & le Seigneur mangeoit
d'une autre viande qui lui reffembloit
: & ainfi mangea la Dame le coeur
du Chatelain fon ami . Quand elle ot mangié
, le Seigneur lui demanda : Dame ,
avés-vous mangé bonne viande ? & elle
lui répondit qu'elle l'avoit mangée bonne.
Il lui dit : pour cela vous l'ai -je fait appareiller
car c'eft viande que vous avés
moult aimée. La Dame qui jamais ne penfa
que ce fut , n'en dit plus rien. Et le
Seigneur lui dit derechef : fçavez - vous
que vous avez mangé ? Et elle répondit
que non . Et il lui dit adonc : or fçachiés
que vous avez mangé le coeur du Chaftelain
de Coucy . Quand elle ot ce , fi fut en
grand penfée pour la fouvenance qu'elle
eut de fon ami ; mais encore ne pût- elle
croire cette chofe jufqu'à ce que le Sei
gneur lui bailla l'efcriniet & les Lettres .
Et quand elle vit les chofes qui étoient dedans
l'efcrain , elle les connut ; fi commença
lire les Lettres : Quand elle connutfon
figne manuel & les enfeignes , adonc commença
fort à changer , & avoir couleur :
& puis commença fortement à penser.
Quand elle or penſe , elle dit à fon Sei
gneur : il est vrai que cette viande ai - je
moult aimée ; & crois qu'il foit mort , dont
eft dommage , comme du plus loyal Chevalier
du monde. Vous m'avès fait manger
Ciij Jon
1756 MERCURE DE FRANCE .
fon coeur ; & eft la derniere viande que je
mangerai oncques ; ne onques je ne mangeai
point de fi noble ne de fi gentil . Si
n'eft pas raifon que après fi gentil viande ,
je en doye mettre autre deffus : & vous jure,
par ma foi , que jamais je n'en mangerai
d'autre après cette- ci. La Dame leva du
dîner , & s'en alla en fa chambre , faifant
moult grand douleur, & plus avoit de
douleur qu'elle n'en montroit la chere ; &
en celle douleur a grands regrets & complaintes
de la mort de fon ami , fina fa vie
mourut. De cette chofe fut le Seigneur
de Fayel courroucé ; mais il n'y pût mettre
remede , ne homme , ne femme du monde.
Cette chofefut fçûe par tout le Pays , &
en ot grand guerre le Seigneur de Fayet
aux amis de fa femme ; tant qu'il convint
que la chofe fut rappaifée du Roy & des
Barons du Pays . Ainfi finerent les amours
du Chatelain de Coucy & de la Dame de
Fayel.
>>
>
J'euffe pûs , continue Fauchet , met-
» tre la même hiſtoire en autre lángage
» mais j'ai pensé que pour plus grande au-
» torité , il falloit feulement copier ce que
>> j'avois trouvé de ces amours étranges
>> & merveilleufes . Jehan de Nôtre Dame,
» qui a écrit des Poëtes Provençaux , fait
» ce même conte de Tricline Carbonelle ,
femme de Raimond de Silhans, Seigneur
» de
A OUT. 1728.
1757
» de Rouffillon , amie de Guillem de Ca-
» beftan , Poëte Provençal ; & Bocace
» en dit prefqu'autant de la femme du
» Comte de Rouffillon en la IX.Nouvelle
» de la IV. Journée de fon Livre , appellê
» Decameron. Toutefois je vous puis affu-
» rer que cette hiftoire eft dans une bonne
» Chronique qui m'appartient , écrite
» avant 200. ans.
Après les longues & curieufes Notes
dont vous ne voyez ici qu'un échantillon
, fuivent les Piéces juftificatives de
l'Histoire de Coucy . Elles meritent une
attention particuliere , & je me propoſe
de vous en rendre compte dans une troifiéme
& derniere Lettre. Je fuis , Monfieur
, & c .
XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
SONNE T.
Sur le Neant des biens de ce Monde.
Mortels
Ortels , foibles jouets d'une aveugle
Déeffe ,
Reconnoiffez enfin quelle eft la vanité
D'un bien qui difparoît avec tant de viteſſe ,
2
Et dont on eft privé pendant l'Eternité,
L'homme, au lieu de tâcher d'acquerir la fageffe
,
C iiij Court
1758 MERCURE DE FRANCE :
7
Court après un bonheur qui n'eft que vanité.
Hélas ! que deviendront la grandeur , la rîcheffe
,
Quand de notre trépas l'Arrêt fera dicté ?
Vous voyez Salomon au milieu des délices ,
Paffer rapidement de l'innocence aux vices :
Ofez- vous vous flatter d'être plus vertueux ?
Méprifons les appas de ces Etres fragiles ,
Ils ne peuvent jamais ſuffire à tous nos voeux ,
Ce n'eft qu'en les fuyant qu'ils nous feront
utiles.
LETTRE de M. Caperon, ancien Doyen
de S. Maxent , à M. *** fur des
Corps trouvez en terre fans être beaucoup
corrompus .
'Unique fujet , Monfieur , qui a apporté
quelque interruption dans le
commerce Litteraire qui eft entre nous
depuis plufieurs années , eft l'entrepriſe
que vous fçavez que j'ai faite , de connoître
, autant qu'il me fera poffible , les
Sels
A OUT. 1728. 1759
Sels qui font dans l'air , dans l'eau , dans
la terre , dans le fang & dans les humeurs . "
Quelles font leurs differentes figures ,
fuivant lefquelles il fera facile , je croi ,'
de connoître leurs qualitez & les effets
qui peuvent en provenir . Le fuccès de
mes entrepriſes ne m'a pas peu encouragé.
J'ai trouvé pour cela une méthode toute
nouvelle , facile & très- fimple , ce qui
m'exempte d'avoir recours à la Chimie ,
qui n'eft,felon moi , que très- préjudiciable
pour parvenir à la connoiffance de la Nature,
parce qu'elle apporte des changemens
extraordinaires dans les parties des corps
qu'on foumet à fes Operations. J'aurai
Phonneur de vous faire part de mes découvertes
: en attendant je vais renouveller
notre commerce , en vous envoyant
quelques Reflexions fur certains corps
qu'on trouve dans terre prefque en leur
entier .
Il m'eft tombé depuis quelques jours
entre les mains , la copie d'un Procès ver
bal , dreffé à Quebec dans le Canada
le vingt de Juillet dernier , par ordre des
M. l'Evêque de Quebec , au fujet des
corps de trois Religieufes Hofpitalieres
de la même Ville , lefquelles ont été exhu
mées après avoir refté dans la terre plu
Geurs années , & que bien loin de s'être
trouvez totalement pourris ou corrompus,
C-y avoienes
1760 MERCURE DE FRANCE .
avoient encore plufieurs parties dont la
chair étoit dans fon état naturel .
La premiere étoit inhumée depuis vingt
cinq ans , & cependant on trouva encore
fes pieds , fes mains & une grande partie
de fon corps en très- bon état. On trouva
de la feconde , quoique morte en 17 03.
les pieds , les jambes , le dos , les épaules ,
P'oreille droite , une partie de la peau de
la tête , & du fang épanché , qui confervoit
même encore fa couleur naturelle
. Enfin on trouva de la troifiéme ,
morte en 1708. les deux pieds feulement
: & quoique ces parties , aufquelles
celui qui a fait le Procès verbal , donne
le nom de Reliques , ayent été exposées à
la veneration du Public pendant 15. jours,
il ne leur eft arrivé aucun changement .
On marque feulement qu'elles ont operé
plufieurs Miracles .
Tel eft , Monfieur , le fait ainsi qu'il eft
rapporté , & fur lequel je eroi qu'il n'eft
pas inutile de faire ces reflexions , parce
que cette efpece d'incorruptibilité qu'on
remarque dans certains corps , arrivant
affez fouvent , il eft neceffaire que le Public
n'y foit pas trompé , en venerant
aveuglément , comme corps de veritables
Saints , tous ceux qui fe trouvent dans
cette difpofition. Au contraire , comme
il fe rencontre plufieurs perfonnes , qui
par
-
A" 1728. 1761 OUT.
par un prétendu efprit fort , fe font une
gloire d'être peu favorables aux Miracles,
il eft à craindre que regardant toûjours
cette incorruptibilité
comme une chofe
purement naturelle , on ne néglige trop
ce premier figne éclatant que Dieu peut
donner de la fainteté confirmée de fes
Serviteurs .
Oui , Monfieur , il eft vrai que ce n'eſt
pas une choſe tout-à fait rare de trouver
ainfi des corps inhumez depuis long - tems ,
& qui ne foient ni pourris ni corrompus :
car fans fortir des bornes de ma connoiffance
, feulement pour ce pays cy ; je
vous dirai qu'en 1640. les Dames Urfulines
de cette Ville ayant abandonné le
lizu où elles s'étoient placées d'abord ,
pour le retirer dans la belle maiſon que
Madame Catherine de Cléves , Ducheffe
de Guife & Comteffe d'Eu , leur avoit fait
bâtir , qu'elles occupent depuis ce tempslà
; lorfqu'on vint à exhumer les corps
de celles qui étoient mortes dans ce premier
domicile , on trouva celui d'une de
ces Religieufes , inhumée depuis 18. ans ,
lequel etoit encore dans tout fon entier ,
quoique les autres fuffent pourris & corrompus.
20 .
Il y a environ 2 o . ans , que dans un Village
proche le Bourg d'Airaines , en Picardie,
qui n'étoit éloigné de S. Maxent , où je
Cvj
de1762
MERCURE DE FRANCE.
demeurois pour lloorrss , que de 4. à 5. lieuës,
on trouva le corps d'une Dame , dont
les chairs n'étoient aucunement corrompuës,
quoiqu'il y eût au moins 6o.ans qu'il
eût été inhumé. Enfin , fans fortir de ma
propre famille , la même chofe eft arrivée
au corps d'une de mes proches parentes ,
coufine germaine de mon pere , nommée
Elizabeth Capperon , Religieufe Hofpitaliere
à Gentilly , près Paris , lequel
ayant été exhumé en 1715. 65. ans après
fa mort , s'eft trouvé pareillement non corrompu
, ainfi qu'il me le fut mandé par
le Secretaire d'un digne & pieux Prélat ,
par ordre d'une perfonne de confidé
ration , qui fouhaitoit avoir les Memoires
que je pourrois fournir touchant la naiffance
& la vie de cette Religieufe parce
que , difoit-on , il s'y étoit fait des Apparitions
& des Miracles .
+
Je pourrois facilement , Monfieur , mult
tiplier confiderablement le nombre de
femblables faits , fi je voulois vous rapporter
ce que des perfonnes dignes de foy
m'ont dit avoir vu de leurs propres yeux ,
& ce qui en a été mis fi fouvent dans les
Nouvelles publiques , où vous l'avez ,ſans
doute,lû plufieurs fois comme moy : mais
fans m'arrêter à ces faits qui font également
certains & frequens , venons à ce
qu'on peut dire fur ce ſujet.
Je
A OUT. 1728. 1783
Je fuis d'abord perfuadé que cette in
corruptibilité peut le faire trés- naturellement
, furtout dans certains corps ; &
pour s'en perfuader tout d'un coup , il ne
faut que rappeller ce qui fe paffe tous
les jours à Toulouze , où l'on trouve
fouvent des corps qui ont été long - temps
enfouis dans la terre fans qu'ils s'y foient
pourris ; ce qui arrive plus particuliere
ment dans le Cloître des Cordeliers , d'où.
le Foffoyeur les retire pour les faire fecher
dans le Clocher , d'où il les porte
enfuite dans la fameufe Cave où les Curieux
les vont voir rangez fur leurs pieds
le long des murailles ; & cela fans que
perfonne s'avife de les regarder comme
des Corps de Saints ; non - plus que celui
de Charles de Bourbon , tué en 1927-
au Siege de Rome , qu'on voit encore aujourd'hui
en entier & deffeché au Château
de Gayette en Italie , fi l'on en croit
l'Auteur de la Defcription de Paris. Tome
I. page 122 .
Enfin,pour confirmer ce que je viens d'a
vancer , que l'incorruptibilité d'un corps
n'eſt pas une marque certaine de fainteté
& fur laquelle on puiffe compter ; c'eft
que l'Antipape Pierre de Lune , connu
fous le nom de Benoît XIII. étant mort
dans le fchifme , après avoir été excommunié
par le Concile de Pile , & enfuite,
par
1764 MERCURE DE FRANCE
par celui de Conftance , ayant été inhumé
fans ceremonie dans la Fortereffe de Panifcole
, au Royaume de Valence , fon
corps fut trouvé fix ans après entier , où
il est refté jufqu'à prefent fans le corrompre.
On dit même que pareille chofe arrive
fort fouvent chez les Turcs , dont je
ne fuis pas furpris ; car cela fe
très - naturellement .
peut faire
Cela fe peut d'abord , en ce que certains
Sels mineraux peuvent fe rencontrer
par hazard dans les endroits de la terre
où on vient à inhumer quelque corps , &
ces Sels étant quelquefois de la nature du
Salpetre , & d'un Salpetre fixe & difficile
à fe diffoudre , tel . qu'il s'en trouve ſouvent
dans la terre & dans les Fontaines , où
il forme diverfes pétrifications : fi donc
cette efpece de Sel s'infinue dans les intervales
des fibres & dans les fibres mêmes
des parties d'un corps , à la faveur
de l'humidité de la terre qui lui fert de
vehicule ; c'est alors que bien loin de les
diffoudre , s'il n'eft que médiocrement
abondant , il les affermit feulement & les
empêche de fe corrompre ; à peu près
comme fait le Sucre , qui eft un veritrable
Sel aux fruits qui font confits ; & c'eſt
juſtement comme la chofe le fait dans le
Cloître des Cordeliers de Toulouze : c'eft
ce qui eft arrivé au corps de l'Arabe qu'on
voit
A OUT 1728. 1765
voit à Paris entier & deffeché , dans le
Cabinet des raretez de l'Abbaye de fainte
Geneviève .
Que fi ce même Sel s'introduit beaucoup
plus abondamment dans un corps ,
non- feulement il l'empêche de fe corrompre
, mais il le pétrifie alors entierement ,
& c'eft ce qui arrive en Turquie , & principalement
du côté de l'Arabie , où cette
efpece de Sel eft fi abondante , dit l'Abbé
Rouffeau, qu'on y trouve fouvent des Serpens
, des Melons , & jufqu'à de groffes
pieces de bois pétrifiées .
Ce n'eft pas dans ce Pays - là feul que
cette efpece de Sel fe rencontre ,puifqu'on
trouve de ces fortes de pétrifications dans
une infinité d'endroits . J'ai moi - même
trouvé ici des figures de Champignons
& jufqu'à des Plantes & des Herbes pétrifiées
. Voila , Monfieur , la premiere
maniere par laquelle les corps puiflent fe
conferver long- temps .
La feconde , par laquelle un corps peur
devenir exempt de corruption , confifte
dans fa difpofition propre & particuliere ;
car vous fçavez que dans les hommes la
qualité du fang & des humeurs varie en
bien des manieres ; foit que cela vienne
des parens dont ils font nez , ou des alimens
dont ils fe font nourris , ou des
licux qu'ils ont habitez , & de la qualité
de
1765 MERCURE DE FRANCE
de l'air qu'ils ont refpiré , où des contentions
de l'efprit qu'ils ont eûës & qui ont
dérangé les digeftions & les excretions
naturelles , ou enfin de certaines maladies
dont ils ont été attaquez. Or par tel de
ces moyens que ce puiffe être , s'il arrive
qu'un Sel acide auftere , vienne à dominer
extraordinairement dans le fang . &
les humeurs , c'en eft affez pour que les
fibres des chairs & celle des parties membraneufes
, tendineufes , cartilagineufes ,
empreignées de cette efpece de Sel , deviennent
plus fermes , plus ferrées & même
comme racornies , paffez -moi ce terme
, ce qui en même temps leur donne
moins de facilité à fe corrompre.
Cette caufe naturelle de l'incorrupti
bilité d'un corps , paroît , Monfieur , fenfiblement
dans le Paon , qui eft un Oiſeau
naturellement mélancholique , & qui fe
plaît à être feul fur les toîts des bâtimens,
dont la chair ne fe corrompt pas comme
celle des autres animaux , ainfi que je l'ai
experimenté moi - même ; car ayant lû
dans S. Auguſtin , Livre 21. de la Cité dé
Dieu , Ch. 3. qu'il en avoit fait l'experience
, & fçachant que d'autres l'avoient
fait comme lui , je mis , il ya fix ans , un
morceau de la cuiffe d'un Paon dans mon
Cabinet , où elle eft reftée jufqu'à prefent
fans fe corrompre , s'étant feulement deffechée
A OUT. 1728.1767
fechée & durcie comme du bois . Tel étoit
apparamment le corps de Henry III . dit
l'Impuiffant , Roy de Caftille , lequel , à
ce que dit Mariana , dans fon Hiſtoire
d'Espagne , étoit devenu fi maigre & fi
fec , qu'il ne fut pas neceffaire de l'embaumer
après la mort pour le conferver.
Comme c'eft cet acide dominant dans
le fang & dans les humeurs , qui produit
naturellement cet effet , & qui forme ce
que les Anciens nommoient un temperamment
mélancholique , il s'enfuit que cela
doit plutôt arriver aux perfonnes qui ,
par l'exercice violent de leur efprit , leurs
aufteritez & leur retraite , diffipant davantage
les parties fpiritueufes de leur fang
contribuent à lui faire prendre , ou au
moins à augmenter cette qualité particuliere
, laquelle même peut auffi quelque.
fois lui furvenir , ou s'augmenter plus
promptement , par certain caractere fpecial
de quelque maladie ....
Lors donc que des corps
ainfi difpofez,
viennent encore par hazard à être inhumez
dans une terre où il fe rencontre de
ce Salpetre dont j'ai parlé cy- deffus , fans
doute que dans ce cas , ces corps fe corrompront
beaucoup moins aifément que
les autres qui feront inhumez dans le même
lieu . C'eft ainfi que les bois de hêtre &
d'aune , ont une qualité particuliere qui
les
1768 MERCURE DE FRANCE.
les rend comme incorruptibles , lorfqu'ils
reftent totalement enfermez dans l'eau
ou dans des terres humides , ce qui n'arrive
pas à quantité d'autres bois .
Il ne faut pas même croire que la chaux
mife fur ces fortes de corps , doive les
faire plutôt diffoudre & corrompre , elle
n'eft propre , au contraire, qu'à rendre
plus fixes & moins diffolubles les Sels qui
contribuent à empêcher leur corruption :
ce qu'il eft aifé d'obferver aux murailles
qui foutiennent des Terraffes , ou qui forment
des voutes expofées à l'air , au travers
defquelles il exude un Salpêtre tellement
fixé par la chaux contenue dans le
mortier de ces murailles, qu'il eft impoffible
de le faire fondre dans l'eau , ainfi que
je l'ai éprouvé : d'où il s'enfuit que la chaux
doit rendre ce Sel d'autant plus propre à
empêcher la corruption des corps , où il
fe rencontre par hazard .
Vous voyez donc , Monfieur , qu'il
s'en faut bien que ce foit une marque affurée
de la fainteté d'une perfonne , que de
trouver fon corps non corrompu & même
entier , quoiqu'il ait refté long- temps
dans la terre, & quoiqu'on y ait mis même
de la chaux : la chofe doit au contraire paroître
d'autant plus naturelle , lorfque le
corps , loin de fe trouver dans tout fon
entier , il n'y en a que quelques parties ,
furtout
A OUT. 1728. 1769
furtout celles qui font naturellement les
plus folides ; car il eft alors à préfumer
ou que les Sels de la terre n'ont particulierement
agi que fur les endroits où ces
parties étoient pofées , ou qu'elles le font
mieux confervées , parce que ces Sels n'étant
pas fuffifamment abondans , leur effet
n'a été fenfible qu'aux endroits dont les
fibres étoient plus fermes & plus ferrées .
Concluons donc , Monfieur , que deux
chofes font neceffaires pour que l'incorruptibilité
d'un corps foit une marque
affurée de fainteté. Il faut en premier lieu
que la perfonne dont le corps fe trouve
en cet état , ait vécu dans une grande
pieté, & même qu'elle ait fait des actions
de vertu qui ayent eu quelque chofe
au- deffus du commun , n'étant pas à préfumer
que Dieu veüille faire éclater fa
Toute- puiffance pour relever un mérite
qui n'a rien qui le diftingue. Comme les
jugemens des hommes font fouvent trèsdifferens
de ceux de Dieu , parce qu'ils
ne voyent que les dehors , il eft encore néceffaire
, pour n'être pas trompé dans cette
occafion d'incorruptibilité , que le Tout-
Puiffant confirme par d'autres Miracles
bien éxaminez & bien avérez , que ces
premiers préjugez de fainteté font d'une
certitude hors de tout doute . Je fuis , Monfieur
, & c .
ODE
1770 MERCURE DE FRANCE .
O D E.
En l'honneur des faints Staniflas , Koska ,
& Louis de Gonzagues , canonifez par
le Pape Benoît XIII.
Quelle Divinité
m'appelle ,
Et m'invite à chanter des noms fi glorieux >
Eft- ce donc qu'une voix mortelle ,
Peut chanter des Héros que couronnent les
Cieux ?
Les Rois dans leurs pompes frivoles ,
S'ennyvrent de l'encens des prophanes Humains
;
Dieu feul prononce les paroles ,
Qui peuvent raconter la grandeur de fes Saints.
M
Epouſe du Dieu qui couronne ,
L'éclatante vertu par tes divins Decrets ,
Tu parles , c'est lui qui l'ordonne ,
Je vais de leur grandeur ébaucher quelques
traits.
Dis
A OUT. 1728. 1771
Dis-moi quelle route abbregée ,
De ces jeunes Héros précipitant les jours ,
Les fit monter à l'Apogée
Des fublimes vertus par des fentiers fi courts.
Leur enfance fut alaitée ,
Au fein toûjours fécond de l'humble pieté ;
Des vices l'halene empeftée ,
N'environna jamais leur Berceau redouté.
Grand Dieu ! que l'enfance eft diferte ,
Quand tu daignes par elle exalter ta grandeur
, **
Et quand par elle eft découverte ,
Du ſein de ta bonté , l'immenſe profondeur.
A peine ouverts à la lumiere ,
Leurs yeux virent du Ciel briller fes fondemens
,
Qu'ils mefurerent la Carriere ,
Qu'ouvrent pour y monter tes faints Commandemens.
De ta craïnte en Héros fertile ,
Dans
1772 MERCURE DE FRANCE .
Dans un âge plus mûr leurs grands coeurs
prévenus ,
Ne laifferent point inutile ,
Ce germe précieux de toutes les vertus.
La pénitence aux yeux auſteres ,
L'ardente charité , l'humble componction ,
La foi qui vit dans les Myſteres ,
Ce fondement facré de la Religion.
Et l'efperance inébranlable ,
Qui des tentations fçait conjurer les flots ,
La patience inalterable ,
Qui du
Héros
ceau des revers
marque
les vrais
Et tant d'autres vertus fublimes ,
Que l'exemple d'un Dieu confacra parmi
nous ,
Virent dans ces coeurs magnanimes ,
De leur feverité des zélateurs jaloux .
*
Du fiecle trompeuſes amorſes ,
Pour
A OUT. 1728. 1773
Pour les vulgaires yeux , preftiges trop puiffants
,
Que vos charmes ont peu de forces ,
Où la vertu fait voir fes attraits innocens !
*
Prêts à dompter dans la retraite ,
De la chair & du fang les efforts conjurez ,
Ils commencent par la défaite
Des fuperbes tyrans dans le fiecle adorez.
諾
L'ambition imperieuſe ,
Leur vit brifer fon Sceptre , à fes Sujets fi dur;
Et de la volupté flatteuſe ,
Ils foulerent aux pieds le Simulacre impur.
Du Sauveur , heureuſe Milice.
C'eftfous tes Etendarts qu'ils vinrent fe ranger,
Quand l'Eternel à fon fervice ,
Par un triple ferment les voulut engager.
Jouis en dépit de l'envie ,
Joüis de la douceur d'un ſpectacle fi beau ,
Et
1774 MERCURE DE FRANCE.
Et ne craints point que l'herefie ,
Vienne te difputer ce triomphe nouveau.
Méprife l'impuiffante rage ,
D'un Monftre fi fouvent terraffé par tes coupsi
Son courroux qu'on vit d'âge en âge ,
Contre toi déchaîné, te doit être bien doux .
Tu fçais que ta gloire eſt égale ,
Soit qu'en tous lieux les noms de tes Saints
foient femez ,
Soit qu'en ton fein l'Hydre infernale ,
Te difpute l'honneur de les avoir formés.
來
Et vous nos auguftes modeles ,
Dignes objets du culte & des voeux des Mor
tels ,
Faites qu'imitateurs fideles ,
Nos coeurs de vos vertus foient les dignes
Autels.
ELOGE
A OUT. 1728. 1775
**:*XX*XXXXXXXX :**
ELOGE du R. P. Daniel , de la Compagnie
de Jefus.
LA
A mort vient d'enlever à la République
des Lettres & à la Compagnie de
Jefus, en particulier , l'un des hommes les
plus diftinguez de cette illuftre Compagnie.
C'eft le R.P. Gabriel Daniel , natif
de Rouen , fi connu par le grand nombre
d'Ouvrages qu'il a donnez au Public , &
qui ont été reçûs avec une eftime univerfelle.
Dieu l'avoit pourvû des plus rares talens
, furtout pour les hautes Sciences ,
d'une conception aifée & prompte , d'une
pénétration à laquelle rien n'échappoit
d'une droiture de fens & de raifon , qui
d'abord lui faifoit appercevoir en chaque
matiere le folide & le vrai , & démêler
du même coup d'oeil , par une préciſion
merveilleufe le faux & l'apparent ; d'une
juſteffe & d'une netteté parfaite dans l'arrangement
de fes penfées qu'il exprimoit
avec la même clarté qu'il les avoit conçûës
; deforte que les queftions les plus
épineufes & les points ou de Doctrine ou
de Critique les plus enveloppez , fembloient
perdre fous la plume toute leur
D obfcurité
1776 MERCURE DE FRANCE .
obfcurité ; & qu'il fçavoit les mettre à la
portée des efprits les moins intelligens ;
enfin d'une pureté de langage qui jufques
dans les fujets les plus férieux & les plus
graves , donnoit à la maniere d'écrire tout
l'agrément d'une diction correcte & polie.
Čes heureux talens ne font pas demeurez
inutiles dans les mains du P. Daniel .
Dès fa premiere jeuneffe il les cultiva par
une étude affiduë ; perfuadé que fans une
conftante application , les difpofitions naturelles
ne peuvent fuffire ; il n'omit aucun
des moyens & des foins neceffaires
pour s'enrichir de toutes les connoiffances
propres de fon état . Auffi les progrès
qu'il fit dans le cours des années & les
fruits qu'il recueillit , répondirent pleinement
à l'affiduité de fon travail . Il paffa
par les exercices ordinaires dans fa Compagnie
: il enfeigna les Belles - Lettres ,
profeffa la Philofophie , la Théologie , &
par tout il s'acquit la réputation d'un excellent
Maître , & fut generalement regardé
comme un mérite du premier ordre.
il
Quelques Ouvrages qu'il compoſa &
qui ne furent pour lui que des effais , déterminerent
les Superieurs à lui épargner
la fatigue d'enfeigner , & à ne lui donner
plus d'autre emploi que celui d'écrire . Il
ne profita point de ce repos pour prendre
plus de relâche. Il eut plus de loifir, & il
fut
A OUT. 1728. 1777
fut plus maître de fon temps ; mais dans
la diftribution de ce temps il n'eut pas
moins d'occupation . Il en eut même davantage
. Ce fut alors que le P. Daniel ſe
traça lui -même le deffein d'une nouvelle
Hiftoire de France & des fçavantes Differtations
dont il l'a accompagnée. Perfonne
n'ignore combien cette Hiftoire a
été applaudie dans le monde , & avec
quel empreffement elle a été recherchée ,
non feulement des François , mais des
Nations étrangeres . Elle a illuftré fon
Auteur , & lui a mérité le titre d'Hiftoriographe
de France , fpecialement énoncé
dans le Brevet d'une penfion confiderable
que le feu Roy lui affigna pour reconnoî
tre le fervice qu'il avoit rendu à la Nation.
Ce celebre & infatigable Auteur ne s'en
tint pas là , mais pour la perfection de
fon Hiftoire , il y ajoûta dans la fuite
l'Hiftoire de la Milice Françoife , & on
efpere trouver dans fes papiers l'Histoire
des Rois de France par les Médailles ,
qu'il avoit entrepriſe & fort avancée . Au
refte , quoique des Ouvrages d'une telle
étendue euffent de quoi l'occuper tour entier
, il étoit néanmoins toûjours difpofé
à les interrompre felon les conjon tures
& les occafions , pour la deffenſe de l'Eglife
& celle de fa Compagnie. Rien ne
Dij l'ar1778
MERCURE DE FRANCE.
l'arrêtoit dès qu'il s'agiffoit de l'un ou de
l'autre. Son feu s'allumoit alors , & dans
l'ardeur de fon zele , il fe déroboit , fans
héfiter , à un travail qui devoit lui plaire,
& fe chargeoit d'un autre qu'il jugeoit
plus important. C'eſt à ce zele qu'on eſt
redevable des divers Traitez , Réponſes ,
Entretiens , Lettres , Remontrances & autres
Ecrits , où il déploya toute la force
de fon efprit Théologique .
Mais ce qu'il y eut de plus eftimable
dans le P. Daniel , c'eft fa vie réguliere
& digne de fa Profeffion . Ce fut
tout enfemble & un habile homme & un
homme vrayement Religieux . Jamais les
Occupations ne le détournerent de la
moindre obſervance. Il avoit une grande
fimplicité de foi & de culte ; car en
matiere de Religion , il étoit ennemi des
fingularitez ; il fuivoit les routes communes
& employoit toute fon érudition à
éclaircir & à bien établir les veritez déja
connues. Autant qu'il édifioit au- dedans ,
autant a - t- il édifié au- dehors les perfonnes
féculieres de tous les états avec qui il
étoit en relation . Il a gouverné pendant
trois ans la Maifon Profeffe de Paris .
comme Superieur , fans que fon attention
& fa vigilance dans les fonctions de fa
Chorge , l'ayent empêché de vaquer à les
études & de les continuer.
་
་
1
1
Dien
A OUT. 1728. 1779
Dieu lui réſerva fur la fin de fes jours
une grande benediction , felon l'Evangile,
c'eſt - à - dire , une rude croix à porter. Il
y a fix ans qu'il eut une attaque d'Apoplexie
qui le conduifit prefque à la mort ;
il en revint cépendant & parut reprendre
fa fanté. L'année fuivante , une feconde
attaque le mit dans un nouveau danger
quoique moins évident & moins prochain;
mais après cès deux attaques , une autre
qui furvint la troifiéme année , lui caufa
une paralyfie fur la langue & le réduiſit
dans une extréme foibleffe , de forte qu'il
ne pouvoit plus articuler fes mots en parlant
, & qu'il n'eut plus la force de marcher
& de fe foutenir . Il a paffé trois ans
entiers dans cet état , ne vivant que pour
fouffrir. Son unique confolation étoit de
reconnoître la volonté de Dieu , qui l'éprouvoit
, de l'adorer & de s'y foumettre.
Il tomba peu de jours avant fa mort dans
une défaillance generale qui fit juger que
fon heure approchoit. Il y apporta une
derniere préparation , il reçût les Sacremens
avec une finguliere édification , &
le 23. de Juin 1728. fur les dix heures
du matin il mourut en la 80° année de
fon âge & la 62 depuis fon entrée dans
la Compagnie de Jelus.
Diij L'ode
1780 MERCURE DE FRANCE .
L
L S LL LL g g g
'Ode qui fuit a été faite pour la céremonie
anniverfaire du Palinod ou
Puy , établie en l'honneur de la fainte
Vierge , dans l'Univerfité de Caën . Nous
avons donné l'explication de ce terme &
l'origine de la Ceremonie dans plufieurs
de nos Journaux .
LE Triomphe de la Croix du Sauveur ,
laquelle après avoir refté pendant 18c .
ans dans un lieu fale & fouterrain , fur
trouvée entiere & fans corruption par
PImperatrice fainte Helene.
ODE
Loin de moi , Deïté
prophane ,
Qui tiens ton être de l'erreur ,
Mon efprit détrompé condamne ,
Les voeux que t'adreffa mon coeur :
Apollon , loin de ton Parnaffe ,
Porté fur l'aîle de la Grace ,
Je cherche un plus folide appui.
A mes yeux s'offre le Calvaire :
Là j'entends la voix falutaire ,
Du vrai Dieu qui m'appelle à luï.
A
A OUT. 1781 1728 .
A ce fpectacle , Ciel & Terre ,
Soyez faifis d'étonnement :
Je voi sle Maître du Tonnerre ,
Souffrir , mourir honteufement .
Victime de notre malice ,
Lui-même il s'offre en facrifice :
Un Bois infame eft fon Autel :
Dieu Saint , quel eft donc votre crime a
Pourquoi vous faire la victime
C'est moi qui fuis le Criminel .
滁
Dans fon Sang fécond prend naiffance i
De Chrétiens un Effain nombreux :
L'humble foy , l'amous , l'efperance ,
Déja triomphent en tous lieux.
Fontaines , que vante la Fable ,
Avez - vous rien de comparable ,
A cette divine Liqueur ?
Vos Eaux forment de vains Poëtes :
Mais ce beau Sang fait des Athletes ,
Qui des tourmens bravent l'horreur.
Que ton fort eft digne d'envie,
Diiij
Arbre
1782 MERCURE DE FRANCE.
Arbre rougi d'un Sang divini
Tu portes l'Auteur de la vie ,
Et le falut du genre humain.
Que le Chêne ait le privilege ,
D'avoir un Dieu qui le protege :
Que le Laurier vante le fien :
La Croix au Monde plus propice ,
Depuis cet heureux Sacrifice ,
Eft l'Arbre chéri du Chrétien.
En vain l'amour propre murmure .
Chacun porte ce facré Bois ;
S'il eft pefant pour la Nature ,
La grace en adoucit le poids.
On aime les propres fupplices :
On fait fes plus cheres délices ,
Des mépris , des affronts , des feux.
La Croix eft une fainte Echelle ,
Par où de fa prifon mortelle ,
Le coeur s'éleve vers les Cieux.
Quoi je verrai tomber ma gloire .
Par ce vil & foible Inftrument !
Dit
A OUT.
1783 1728.
Dit le Payen , ... Que la mémoire ,
En périffe éternellement :
Dans une Grotte fouterraine ,
Le Chrift , l'inftrument de fa peine ,
Enſemble feront confondus :
Sur ce Mont * plaçons une Image ,
Si le Chrétien vient rendre hommage ;
L'hommage fera pour Venus.
Si ton oeil perce les lieux fombres ,
Grand Dieu , voi l'affront , vange-toi s
Fais fortir du noir fein des ombres ,
Ce dépôt utile à la Foi .
Il m'écoute , une auguſte Reine ,
Que guide une main fouveraine ,
Le rend aux voeux de l'Univers.
Ciel ! contre fa propre Nature ,
Ce Bois exemt de pourriture ,
A bravé les ans & les vers.
La Croix , malgré le Paganiſme ,
* L'Empereur Adrien fit élever fur le Calvaire
la Statuë de Venus , &c.
D v Des
1784 MERCURE DE FRANCE .
Devient refpectable aux Mortels .
Sur les debris du Judaïsme ,
Je lui vois dreffer des Autels.
De l'ame fainte , elle eft la gloire ,
Du Guerrier Chrétien , la victoire ,
L'éternel effroi des Démons .
Les Rois la placent fur leur Trône ,
Et c'eft d'elle que leur Couronne ,
Emprunte fes plus beaux rayons.
Que vois- je ? un Dieu perce la nuë.
Quel Sceptre tient- il en fes mains ?
C'eft la Croix ; fa voix abfolue ,
Va regler le fort des Humains.
Monftreinoüi dans la Provence ,
Quelle fureur , quelle impudence ,
T'a contre ton Juge acharné ?
Dans ton fang lave ce noir crime ;
Et fois toi- même la victime ,
Des feux où tu l'as condamné.
Pierre de Briis , qui un jour de Vendredy-
Saint , brûla en Fanatique toutes les Croix
qu'il trouva , & fut enfuite brûlé.
ALA
OUT.
1785
1728 .
ALLUSION.
Ce Bois exemt de pourriture ,
Vierge , eft de ta gloire un crayon.
Ainfi tu fors brillante & pure ,
Du fein de la corruption .
Par un fort plus digne d'envie ,
Tu portes le vrai fruit de vie ,
Par qui le monde eft racheté ,
Malgré l'aveugle erreur qui gronde ,
Nous publierons par tout le Monde ,
Ton éternelle pureté
REMARQUES fur le Mercure
de Juin , par M. L. C. D. L.
I
L y a quelque temps qu'un de meṣ
amis , qui voit ordinairement le Mercure
de France , y trouva un Paradoxe
propofé aux Géometres , par le P. C.
Il le copia & me l'apporta ; & comme
il y a une difficulté affez finguliere dans
ce Paradoxe , & dont la folution ne fe
prefente pas d'abord , j'ai crû qu'elle méritoit
que quelqu'un en donnât l'éclairciffement.
Voici l'endroit en queſtion.
D vj
Ex1786
MERCURE
DE FRANCE
Extrait du Mercure de Juin 1728 .
&
Si l'on prend tous les nombres fractionnaires
naturels à l'infini ; c'est - à - dire
ceux dont le Numerateur
eft l'unité ,
dont les Dénominateurs
font tousles nombres
naturels fucceffivement
, 1 , 2 , 3 , 4,
&c . on aura cette fuite infinie de fractions
, LL , & c. Il eſt démontré
que la fomme des alternatifs pairs , eft
égale à la fomme des alternatifs impairs ,
c'est-à -dire que ,, &c . eft la mê-
I I I
I 23-4 569
I
I I I
I I
me fomme que ,, & c . qui eft la
fomme des alternatifs impairs. La Démonſtration
en eft facile , car en divifant
la fuite entiere par 2. c'est - à- dire , multiplant
tous les Dénominateurs de la premiere
fuite par 2. on aura cette ferie ou
fuite ,, qui eft celle des Dénominateurs
pairs qu'on a trouvée cy - deffus ,
laquelle eft parconfequent la moitié de la
fuite entiere , dont la fuite des impairs
eft parcónfequent l'autre moité. Or il
n'eft pas moins démontré, que fi de tous
les impairs on ôte tous les pairs , le refte
ne fera pas . puifqu'au contraire , felon
Mercator , adopté par les plus habiles
Géometres de ce fiecle , cette fuite
1 - + - , & c. eft la valeur d'un
Quadrilatere hyperbolique &c. Jufqu'ici
ce font les termes du P. C.
2 3
L
4
A OUT. 1728. 1787
Solution de la difficulté.
I I I I
-
12 3 4 569
Pour abreger les expreffions , je vais
nommer chaque fuite ou ferie par une
Lettre , foit donc la fuite entiere , premierement
propofée , fçavoir ,
& c. nommée A. la ferie qui n'a que les
termes impairs pour Dénominateurs , qui
eſt ,, & c . foit B. Celle qui n'a
pour Dénominateurs de fes termes que
les nombres pairs , qui eft ,, &c.
foit nommée C.
3
I I
32 4 6 8 >,
4
Enfin la fuite ou ferie qui eft formée
par la divifion par 2. des termes de la
fuite A. ou ce qui eft la même choſe ,
par la multiplication de tous les Dénominateurs
de cette fuite A. par 2. qui
eft & c. foit nommée D.
Il est évident que chaque terme de cette
derniere ferie n'eft que la moitié de chaque
terme correfpondant de la ferie A.
& que cette derniere ferie D. a autant de
termes que la ferie A. puifque chaque
terme de A. a fourni un terme à D. donc
la ferie D. fera précisément la moitié de
la premiere A. cela eft incontestable.
Mais la férie C. des termes pairs , n'a
que la moitié des termes de la premiere
ferie A. puifqu'elle n'eft compofée que
des termes qui avoient des Dénominateurs
pairs , & que tous les termes qui avoient
des
1788 MERCURE DE FRANCE .
des Dénominateurs impairs, n'en ont point
fourni à cette ferie C. or il y avoit dans la
ferie A. autant de termes qui avoient des
Dénominateurs impairs , que de ceux qui
en avoient de pairs , car il y a autant de
nombres impairs qu'il y a de nombres
pairs ; donc la ferie C. n'a que la moitié
des termes de ce qu'avoit la ferie
A. mais la ferie D. a autant de termes
que la ferie A. donc cette ferie D. a le
double des termes de la ferie C. mais tous
les termes de ces deux feries font égaux
en valeur , donc celle qui a le moins de
termes doit être moindre que celle qui
en a le plus ; or toute ferie ayant un nombre
infini de termes , la moitié d'un nombre
infini eft infini : donc la ferie C.manque
d'un nombre infini de termes qu'a la ferie
D; mais comme ce nombre infini de termes
qui lui manquent , fait la derniere moitié
de cette ferie , & que la premiere moitié
a auffi un nombre infini de termes , il
s'enfuit que tous les termes de cette feconde
moitié qui manque , font infiniment
petits ; or un nombre infini de termes
, chacun infiniment petits , fait une
quantité finie ; donc la ferie C. eft moindre
que la ferie D. d'une quantité infinie,
mais nous avons vû que la ferie D. étoit
exactement la moitié de la ferie A. donc
la ferie C. eft moindre que la moitié de A.
d'une
A OUT. 1728. 1789
d'une quantité infinie , & que la ferie B.
qui avec C. compofoit la ferie A. fera
donc plus grande que la moitié de A. de
la même quantité, dont C. eft moindre que
cette même moitié ; donc la ferie C. eft
fort éloignée d'être égale à B. comme on
le croyoit , ce qui s'accorde avec les
Démonftrations de Mercator , mais que
je ne me fouviens pas d'avoir vûës . Ainfi
ces deux feries C. & D. n'étoient égales
qu'en apparence, puifqu'elles n'avoient pas
le même nombre de termes , à quoi il eft
quelquefois neceffaire de prendre garde , ſi
l'on ne veut pas tomber dans l'erreur .
Mais ce qu'il y a de plus fingulier dans
tout ceci , eft que le P. C. voyant d'un
côté un Axiome clair , fimple & inconteftable
& de l'autre une Démonſtration ,
à ce qu'il croyoit , qui étoit contraire , ait
pris le parti de s'en tenir à la prétenduë
Démonftration contre l'Axiome ; quelle
Démonftration peut l'emporter contre un
Axiome , & furtout contre un Axiome
auffi évident que celui - cy ? Une Démonftration
a toûjours plufieurs parties qu'il
eft neceffaire de difcuter les unes après
les autres , & l'on n'eft fûr de ſa verité
que quand on l'a affez examinée pour être
convaincu qu'on n'a paffé aucune de ces
parties fans examen , & qu'on a clairement
compris la liaifon que toutes ces
partics
1790 MERCURE
DE FRANCE
.
parties avoient entr'elles , au lieu que
l'Axiome en queſtion eft d'une telle fimplicité
, & d'une telle évidence , que l'efprit
de quiconque a un peu de bon fens,
ne fçauroit refufer fon confentement à
cette verité , & il n'eft aucunement néceffaire
d'être Géometre pour cela , bien
loin d'être infinitaire ; auffi l'Auteur n'at'il
pas mieux réüffi , lorfqu'il a avancé fans
aucune preuve , du moins qu'il ait donnée
, que la Quadrature du Cercle de
› Monfieur Leibnits , n'étoit que le refte de
deux quantitez égales ôtées l'une de l'autre
, la Quadrature du Cercle de Monfieur
Leibnits eft telle , c'eft cette ferie ,
1
I 3
à-dire
•1 +1= 1 , c'eſt -
7 9
11 13 15
c'eft
que
17 199
1
dont on
13 179
fouftrait cette autre, ++++ 3 7 II 15 19
Mais
on ne voit pas fur quoi fe fonde le P. C.
pour dire que ces deux feries font égales ,
elles different l'une de l'autre d'un nombre
égal à l'aire du Cercle , felon M. Leibnits
, l'aire du quarré circonfcrit au même
Cercle , étant exprimé par l'unité , &
en general lorfque deux feries font formées
de termes alternatifs , qui vont tous
en diminuant , celle qui a le plus grand
premier terme eft toûjours plus grande
que celle dont le premier terme eft moindre
, parce que le premier terme l'emporte
fur
A OUT. 1728. 1791
fur tous les autres , ainfi dans les deux
feries cy -deffus B. & C. la ferie B. dont
le premier terme étoit ou 1. étant plus
grand que le premier terme de la ferie C.
doit l'emporter fur B. d'une quantité finie
, quoiqu'on ne puiffe pas pour cela
feul dire au jufte de combien . Ainfi nous
attendons la prétendue Démonftration
que le P. C. promet & fon Axiome auffi ,
qui doit être quelque chofe de curicux .
*****
XXXX
XXXXXXXXXX
EXPLICATION du Logogryphe
du 2. volume du mois de Juin 1728 .
fur les mêmes rimes.
Maifen , eft nom François , fix lettres le
Composent >
Qui prenant par la fin, de ſuite ſe Tranſpoſent,
Font nos , jam , mots latins , chacun d'une
Moitié ,
Et l'Anagramme aimons , engage à l' Amitié ,
Une Lettre de moins , eft Simon, nom d'Apôtre ,
Dans les deux tiers d'un bout , dans les deux
tiers de l'
Siam , Sion , fe trouvent à
Autre
L'envers
Le temps eft May , le Son perce les Airs ,
L'adverbe eft Mais , on , eft la Particule :
A Logogriphe obfcur , jamais je ne Recule
+ 4 ++
1792 MERCURE DE FRANCE .
Autre Explication .
! Ma foi mon ami , j'entens le Logogryphe
,
Tu ne te riras plus de mon attention ,
Et comme un Chat qui tient Meffer Rat fous
fa griffe ,
Voici bien mot pour mot fon Explication .
Nos , jam ..... quoi , du Litin ? Eh ! oui , l'on
en demande ,
Mais deux mots feulement & non une legende,
Et pour te mettre au fait , le vrai nom eft
Maiſon ,
Ce mot pris à rebours ainfi fe latinife ....
La raiſon... la raiſon c'elt ſa combinaiſon ,
Or écoutez jufqu'où j'en ferai l'analyſe ;
L'Anagramme eft flatteur , qui me dir Son Ami,
M'engage par retour à ne l'être à demi ……
Et du mot de Maiſon , comment faire un
Apôtre ....
Otes- en l'a , tu vois qu'on y trouve Simon ,
Dans les deux tiers d'un bout , dans les deux
tiers de l'autre ,
Royaume de Siam , Montagne de Siom 3
Plût à Dieu, que pour moi, qu'aifément je découvre
,
Dans la moitié du mot , & qui ( pour peu que
j'ouvre
Ou
A OUT. 1728. 1793
Ou la bouche, ou la main , foit autres mou
vemens )
Fends neceffairement l'air qui nous environne,
Cent ans , toûjours heureux , fût le terme du
temps ,
Que de ce même mot , l'autre moitié nous
donne !
Mais on ....ô! pour le coup , fans penfer à
cela ;
J'ai trouvé les deux tiers , & l'autre ..... oüi ,
m'y voilà ,
Mais forme notre adverbe , on eft la particule ,
Et comme il faut avoir perdu toute raifon ,
Pour attaquer un mur dans l'efpoir qu'il re
cule ,
Le Logogryphe eft juſte & fon nom eſt Maiſon,
M.Lombard, Avocat au Bailliage Royal
de S. Flour, dans la haute Auvergne , demourant
à prefent à Estampes.
EXPLICATION des deux Logoà
gryphes du mois de Juin.
Adis , dit un Auteur , n'importe en quel
JAdiChapitre ,
Un Limaçon , non pas une Huître ,
De Siam à Lima tranſportoit ſa Maiſon ;
Mais
1794 MERCURE DE FRANCE.
Mais les deux tiers reftez fur le Mont de Sion s
Le firent repentir de paffer par l'Empire
Du puiffant Soliman on entendit le Son
Que fait tel animal quand il pleure & foupire.
Il fallut prendre en gré. Depuis le mois de
May .
Temps où tout crie , aimons , où tout rit , toug
eft guay ,
Notre éclopé garda la chambre ,
Prefque jufqu'au mois de Novembre ;
Car ce ne fut qu'au jour de faint Simon ,
Qu'un Expert & Maître Maçon ,
Répara le manoir du malheureux Reptile ;
Encore manqua- t- il d'y perdre fon Latin ,
Il auroit peu perdu , car il n'en fçavoit brin :
Si vous ôtez jam nos & quelques mots de ſtile ,
Qu'il répetoit fouvent. Mais quand il n'auroit
fçû
Que la particule on : qu'importe ici , pourvû
Qu'il fçût bien fon métier . Cette Hiſtoire apo
cryphe ,
Du refte nous fait voir , que fos un grand
danger ,
Un Limaçon ne fçauroit voyager ,
Si ce n'eft dans un Logogryphe.
Le P. de Sermaife.
A OUT.
1728. 1795
Les Logogryphes du dernier Mercure
ont été faits fur Ormeau , Eve , Tripotage,
& Apprêt. Voici l'Explication du
dernier.
E veux dans un Chapeau , qu'on mette de
JE
Y'apprés ,
Il devient pour ma tête un bien plus für azile.
Otant l'a de ce mot , un ami
par un prêt ,
Quand je fuis fans argent , m'offre un fecours
utile.
De preft retranchant p . il me reste des rets ;
Par le moyen defquels , avec mince équipage ,
Je pends à mon crochet les Hôtes des Forêts ;
Dont je fais,s'il me plaît, un abondant carnage,
L'r ôté, refte l'Eft , où le Soleil brillant
Recommence fon cours , chaffant la nuit obf
cure.
L'é de moins, par unft , on accourt à l'inftant.
Ce même ft auffi - tôt le filence procure.
Retranchant I's enfin , refte pour tout un #3
Lequel dans un Caffé , fait offrir un breuvage ,
S'il eft bien prononcé , leger , bien apprêté ,
Très - fain à l'Eftomac , & d'un charmane
ufage.
On
1796 MERCURE DE FRANCE.
On a dû expliquer les quatre Enigmes
par la Plume , le Poulet , l'Eguilie & le
Caffe.
REPONSE du P. Caftel , J. à la Lettre
de M. de Fontenelle , fur le Paradoxe
Géometrique.
MONSIEU ONSIEUR ,
J'ai reffenti plus de plaifir que je n'ai
eu de furpriſe de la prompte & belle réfolution
que vous m'avez envoyée du Paradoxe
Géométrique. Et pour qui ces
fortes de Réfolutions feroient-elles réfervées
, fi ce n'étoit pour vous ? Je vous l'ai
dit dans d'autres Lettres : Je m'imagine
que tous les recoins de la Géometrie de
l'infini vous font connus , & que les Paradoxes
des autres , font à votre égard ,
des veritez anciennes , familieres & prefque
triviales. Celui dont il s'agit ici , découle
immédiatement de la Géometrie de
l'infini. Car dès qu'il eſt établi que deux
grandeurs font égales , quoiqu'elles different
d'un infiniment petit , il eft démon.
tré auffi que deux grandeurs different d'un
infiniment petit , quoiqu'elles foient égales.
A OUT 1728. 1797
les . Mais du refte , toutes chofes démontrent
la verité du Paradoxe . Car les Anti-
Infinitaires , qui s'amufent à chicaner fur
les apparences , au lieu de s'inftruire folidement
du fond des chofes , regardent
tout ce fyftême de l'infini comme ruineux
& plein de mille contradictions . Or j'ofe
dire que nous n'avons rien de mieux lié
ni qui fe concilie mieux en foi & avec
tout le reste , que toutes les parties de ce
Systême , & qu'il n'y a pas de veritez
géometriques plus fécondes en Démonftrations
& en Démonftrations faciles ,
que celles de l'infini , lefquelles ne font
Paradoxes que parce que le fujet fur quoi
elles roulent , eft naturellement élevé &
peu à la portée des efprits vulgaires. Ce
Paradoxe en particulier , que vous déduifez
fort bien de votre Théorie , peut fe
démontrer de vingt manieres differentes.
Par ex. je le retrouve dans la formule nn
plus n: 2. de la fomme des nombres 1.2.3.
4. &c. Car lorfque n eft infini , la formule
ek toûjours n n plus n: 2 . mais elle eft auffi
la fimple moitié de n'n. Or celle-ci ôtée de
celle- là laiffen: 2. qui s'accorde avec votre
00:2 à merveille, quoiqu'en difent les Anti-
Infinitaires , qui feroient bien embarraſ❤
fez à expliquer comment un Systême plein
de faufferez , n'eft pas plein de contradictions
, & comment en prenant les che
mins
798 MERCURE DE FRANCE .
mins les plus divers , on y aboutit toujours
au même but.
Voici une Démonftration par induction
plus intelligible pour tout le monde . Je
mets tous les nombres impairs 1. 3. 5. 7.
& c. d'un côté , & tous les pairs 2. 4.6.
8. & c. d'un autre côté. Enfuite je prens
la fomme 4. des deux premiers impairs
je la compare avec la fomme 6. des deux
premiers pairs , & je remarque que 4. differe
de 6.d'un tiers. Mais prenant la ſomme
9. des trois premiers impairs , je la trouve
differente feulement d'un quart de la ſomme
12. des trois premiers pairs. Enfin
comparant la fomme des quatre premiers
termes , la difference n'eft que d'un cinquiéme
; prenant cinq termes de parr &
d'autre , la difference des fommes n'eft
qu'un fixiéme , & toûjours les differences
diminuent . Donc , lorfque l'augmentation
des termes eft auffi grande qu'elle peut
être, les differences font auffi petites qu'elles
peuvent être . Elles font donc nulles.
Car tout ce qui exiſte peut être encore
plus petit qu'il n'eft. Mais c'est géome .
triquement qu'elles font nulles , étant
arithmétiquement quelque chofe & même
infinies.
Autre Démonftration géométrique . Concevons
un Triangle plein de lignes paralleles
à fa bafe , mais fi plein que ces
lignes
A OUT. 1728. 1799
lignes foient infiniment voifines,fans intervalles
contigues & collées l'une à l'autre.
Les yeux ne voyent point cela , mais l'efprit
le conçoit. Je prends la baſe que j'appelle
la premiere de ces lignes , je ne
prends pas la feconde , mais la troifiéme ,
je laiffe la quatriéme , je prends la cinquiéme,
& toûjours alternativement toutes
les impaires depuis la bafe jufqu'à la
pointe. Je les réunis toutes en un Triangle
; or je le puis , & il est démontré qu'un
Triangle qui a même bafe que le précedent
& une demie hauteur , eft le meme
que celui que je forme ainfi de toutes les
ordonnées impaires du premier. J'en forme
maintenant un nouveau de toutes les
lignes paires du même premier Triangle.
Or je prétends que ces deux Triangles
partiels font exactement égaux l'un à
l'autre dans la plus grande rigueur géometrique
, quoique toutes les lignes integrantes
du fecond foient plus petites que
toutes celles du premier. Je le demontre,
& cette Démonftration eft auffi rigoureufe
qu'aucune de celles d'Euclide. Car
ces deux Triangles enfemble font égaux
au grand. Or le premier des deux eft la
moitié exacte de ce grand , donc l'autre
en eft auffi la moitié exacte . Je démontre
la mineure. La bafe du premier eft la mêmeque
celle du grand , & fa hauteus eft
E la
1800 MERCURE DE FRANCE .
la moitié jufte de la hauteur du grand ,
puifque j'ai pris la moitié des lignes du
grand : Donc ce qu'il falloit démontrer.
Voici encore une Démonftration qui vous
paroîtra peut être d'un gout nouveau ,
quoiqu'à la portée de tout le monde. Je
l'appelle le Balancement des Series . Elle
confifte à démontrer que deux chofes font
égales , en montrant qu'elles font inégales
, mais également , l'une furpaffant
l'autre autant que l'autre la furpaffe ; de
même qu'on pourroit prouver l'égalité &
l'équilibre de deux forces Méchaniques ,
en faifant voir qu'elles fe furmontent alternativement
& fe balancent autour du
même centre d'équilibre . Or la ferie des
pairs 2. 4. 6. 8. &c . comparée à celle des
impairs 1.3 . 5. 7. &c . terme à terme , la
furmonte ; 2. furmonte 1 ; 4. furmonte
3. & c. & l'excès total eft la moitié de
toutes les unitez à l'infini . Mais fi de la
fuite des impairs 1. 3. 5. &c. j'ôte le premier
terme 1. que je la réduiſe à 3. 5. 7°
9. &c. & que je la compare ainfi tronquée
avec 2. 4.6 . 8. &c . celle- la , quoique
diminuée , furmontera maintenant
celle-cy , car 3. furpaffe 2. &c . je puis
m'en tenir là ; mais pour mettre la Démonftration
à l'abri de toutes les chicanes
, je puis encore ôter le premier terme
de la fuite des pairs , & l'ayant réduite à
4.
A OUT. 1728. 1801
4.6. 8. 1o . & c . la comparer avec 3.5 .
7.9. &c. & puis comparer 5. 7.9.11 .
&c. avec 4. 6. 8. & c .
Quoique tout cela ne foit que diverfes Démonſtrations
de la même choſe, je compte
, Monfieur , que vous ne le trouverez
pas inutile , finon pour les Géometres
du moins pour rendre tels ceux qui ne le
font pas. Car je vous avoue que je fuis
affez zelé Partifan de la Géometrie , pour
être fenfible à tous les difcours qu'on tient
fur fon compte , à l'occafion de l'infini
. Je fçais bien qu'on peut méprifer
ces difcours , & aller toûjours fon train
en travaillant de plus en plus , à votre
exemple , pour la perfection de la Géometrie
de l'infini . Mais j'avouë mon fɔible
en ce point. Je me demande quelquefois
à moi même , & je prends la liberté
de le demander auffi aux Géometres.
Pour qui travaillons- nous , en perfectionnant
à l'infini la Géometrie ? Dès les Elemens
de notre ſcience on ne nous entend
déja plus. C'est bien pis dans notre
Géometrie de l'infini : nous ferions bien
heureux qu'on voulût convenir qu'on ne
nous y entend plus ; mais on nous regarde
comme des gens égarez qui heurtent
à chaque pas le lens commun . C'eft leur
faute, difons- nous ; mais nous fommes
un fi petit nombre qui le difons , que je fe-
E ij rois
›
1802 MERCURE DE FRANCE .
rois prefque tenté de dire que c'est la
nôtre ; furtout lorfque je fais attention
qu'après tout , ceux qui nous condam .
nent ne font pas des perfonnes qu'on
puiffe méprifer. Sentez vous , Monfieur
combien on eft à plaindre d'avoir à méprifer
les difcours des perfonnes qu'on
cftime le plus , & combien il feroit fla
teux au contraire d'en être applaudi , & de
pouvoir leur applaudir à fon tour ? je fçais
bien que c'eſt leur faute de condamner
une fcience qu'ils n'entendent pas ; mais
n'eft - ce pas la nôtre s'ils ne l'entendent
pas ? Car enfin , c'eft pour eux que
nous faifons des Livres , & s'ils ne nous
entendent pas , qui eft- ce qui nous entendra
? Que prétendons -nous ? Que fans
nous entendre , ils foufcrivent à tous nos
Paradoxes ? Ils n'ont garde , & nous les
mépriferions fort s'ils en étoient capables,
S'ils ne s'y rendent pas , convenons donc
encore affez que nous ne nous fommes pas
expliquez , & tâchons à nous mieux expliquer.
C'eft le parti que j'ai pris & que je
prendrai toûjours , perfuadé qu'en multipliant
les Démonftrations & les Explications
, on multiplie les Géometres ,
chofe à laquelle je vife depuis long temps
& pour la perfection du genre humain à
qui la Géometrie eft fi utile & fi neceſſaire,
& pour la gloire de la Géometrie &
des
A OUT. 1728. 1803
des Géometres qu'on admirera d'autant
plus qu'on les connoîtra mieux : J'ajoute
même pour votre gloire , puifqu'après le
bel Ouvrage que vous venez de donner ,
la Géometrie ne peut acquerir un Parti
fan que vous n'acquericz un Admirateur.
Et c'eft- la pour moi un nouveau motif
de travailler à faciliter cette fcience ,
étant avec refpect. Monfieur , votre , & c.
CASTEL , Jef.
J
P. S. Je remplirai la page en ajoûtant
que la ferie pleine des impairs 1.3.5.7 .
9. &c. eft exactement égale à nn car 1 .
& 3. font 2. fois 2 ; 1 & 3. & 4. font
3 fois 331 & 3 1 & 3 & 5 & 7. font 4 fois 4.
&c. Et que de même la ferie pleine des
pairs 2. 4. 6. & c. eft égale à nn plus n,
car 2. 4. 6. 8. & c . eft le double de 1. 2 .
3.4. & c. les feries dont vous parlez dans
votre Lettre , & dont j'ai parlé dans la
mienne pour m'y conformer , ne font que
des demi feries pour le nombre des termes ,
& des quarts de feries pour la fomme .
܀܀********************
ENIGM E.
A Deux chofes bien differentes ,
Un même nom convient , ce nom qu'il faut
trouver ,
Sans le fecours des Remarques fuivantes
E iij
Pourroit
1804 MERCURE DE FRANCE .
Pourroit , Lecteur , te faire trop rêver.
Pour te faciliter ce que tu te propoſes ,
Je te dirai que l'une de ces chofes ,
S'exprime en genre mafculin ,
Et l'autre en genre feminin.
L'une eft gracieufe , agréable ,
D'un accueil doux & favorable
Et très - volontiers fe produit.
L'autre toûjours eft ténebreuſe .
Timide , inquiéte , ombrageuſe ,
´Et s'effarouche au moindre bruit.
L'une fait toujours bonne mine ,
L'autre ne vit que de rapine ,
Et ravage par tout où fon corps peut paffer.
L'une n'eft qu'un gâte ménage ;
D'amour & d'amitié l'autre eft un témoignage.
Mais un moment auffi fuffit pour l'effacer.
AUTRE ENIGME.
LA faifon des frimats établit mon uſage ,
Des Climats qu'arrofe le Tage ,
J'ai paffé depuis peu fur des bords plus char
mans.
Je
A OUT. 1728 . 1805
Je me vois en des lieux où le bon goût préfide,
Et c'eft toûjours lui qui décide
De ma couleur & de mes ornemens.
La Prude trouve en moi dequoi fe fatisfaire;
Mais peut-être qu'Iris penfe differemment.
Une Coquette rarement ,
Dérobe-t-elle aux yeux ce qui lui fert à plaire.
Je conviens au déguiſement ;
Mais j'en dis trop , il faut me taire.
LOGOGRYPHE.
On tout eft infini , quoique chofe co-
M° recte ;
Ma fin eft un arbre fans fruit ;
Me lifant à rebours , je mépriſe un Inſecte ;
Lettre de moins , c'eft fait , je fuis fec , je fuis
frit.
G ...... T.
XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS , & c.
TR
RAITE ' de la vraye & de la fauffe
Spiritualité. On verra dans la vraye
les conduites que Dieu tient fur les ames
qu'il
1806 MERCURE DE FRANCE.
qu'il appelle à la perfection , & ce qu'elles
font pour y correfpondre ; au lieu que
dans celle qui eft fauffe , l'on n'y trouve
que des idées creufes , des erreurs & de
Pillufion. On y joint un Examen de quelques
Livres fort répandus dans le Public ,
attribuez à feu M. de Fenelon , Archevêque
de Cambray . Par M. l'Abbé de Brion.
A Paris , ruë S. Jacques , chez Etienne ,
& ruë S. Victor , chez Berton , 1728 .
in 12.
Cet Auteur , dit M. le Moine , Docteur
de la Maifon & Societé de Sorbonne,
Chanoine de S. Benoît , Cenfeur de ce
Livre , Feft rendu celebre par plufieurs
Ouvrages qu'il a déja donnez au Public ,
touchant les matieres de Spiritualité , fait
voir dans celui - cy qu'il y a acquis beaucoup
de lumieres & d'experience . Les
principes & les regles qu'il y donne , pour
difcerner la vraye Spiritualité de la fauffe,
font veritables , folides & tirées du fond de
la fainteThéologie . La conduite qu'il y enfeigne
pour porter les ames à la pieté la
plus fublime , n'a rien qui ne s'accorde
parfaitement avec les bonnes moeurs . Ce
qu'il reprend dans les Livres qu'il attaque
dans fon Supplement , eft tout - à- fait répréhenfible.
J'ai confronté foigneufement
les Extraits qu'il a faits de ces Livres , les
erreurs qu'ils contiennent , relevées &
réfutées
A O Ú T. 1728. 1807
réfutées avec beaucoup de fageffe & de
moderation , & cette réfutation d'autant
plus utile & neceffaire , que les Livres
qu'on réfute ont un grand débit dans
le monde , où plufieurs en font eftime
parce qu'ils n'en connoiffent pas le mauvais
, qu'il étoit important de leur faire
connoître , & même dans les Communautez
de Religieux & de Religieuſes ,
où ils ne pourroient produire que des
effets pernicieux , fans un tel préfervatif
qu'une main charitable leur prefente :
c'eſt mon avis.
Catalogue des Oeuvres de M. l'Abbé
de Brion .
Confiderations fur les plus importantantes
veritez du Chriftianifme , & c. un
vol . in 12. prix 1. liv . 15. fols .
Paraphrafe fur les trente premiers Pleaumes
de David , où l'on verra que le fens
fpirituel eft le vrai fens du Roy Prophere,
& qu'on y renferme les principaux fecrets
de la vie interieure , 2. vol . in 12. prix
4. liv. 10. fols.
Suite de la Paraphrafe , &c. Tome III.
& IV. 2. vol. in 12. prix 4. liv . 10. fols .
Paraphrafe fur divers Pleaumes choifis
, 2. vol. in 12. 3. liv. 10. fols.
Paraphrafe fur le Pfeaume Beati immaculati
, ' 1. vol . in 12. 2. liv. 5. fols.
E v La
1808 MERCURE DE FRANCE.
La Vie de la très fublime , contemplative
Soeur Marie de Sainte Therèſe , Carmélite
de Bordeaux , où l'on voit la conduite
que Dieu a tenue fur elle pour l'élever
à la plus parfaite union & à la plus
fublime contemplation. 1. vol . in 12 .
2. livres 5. fols.
-
Lettres fpirituelles de la Soeur Marie
de Sainte Therèſe , Religieufe Carmelite
de Bordeaux , où l'on verra l'éminence
d'une grace qui fçait s'accommoder à la
portée de divers efprits , & dire à chacun
ce qui lui convient pour le porter à Dieu ,
2. vol. in 12. 4. liv. 10. fols.
INSTRUCTION pour bien faire la
Confeffion generale , avec l'Examen des
pechez. Augmentée des Oraifons & des
Actes devant & après la Communion .
A Paris , rue S. Victor , chez G. Ch.
Berton , 1727. in 24.
MANUEL DE DEVOTION , contenant
divers Exercices de pieté , en faveur
des bonnes Ames . Edition nouvelle, revûë
& augmentée . Chez le même , in 24. 1728.
LE PETIT TRESOR DE LA Mis-
SION , ou Pratiques & Inftructions fur
les principaux devoirs de la vie chrétienne
, quatriéme Edition , revûë , corrigée
& augmentée. Chez le même. in 18.
LES
A OUT. 1728. 1809 .
LES SAGES ENTRETIENS d'une ame
qui defire fincerement fon falut , &c . qua.
triéme Edition, in 2 4.Chez le même, 1728 .
DEFFENSE du Traité de l'Amitié , de
feu M. de Sacy , ou Critique du Livre
nouveau , intitulé : Réflexions fur l'Amitié,
compofé par M. du Puy , cy- devant
Secretaire au I raité de la Paix de Rifwik,
avec une Epitre Dédicatoire adreffée à
l'Auteur. AParis , ruë S. Jacques , chez
Moreau , 1728. brochure in 12. de 36 .
pages .
LETTRE de M. Gauger , ancien Avocat
en Parlement , & Cenfeur Royal , fur
la differente réfrangibilité des Rayons de
la Lumiere , & l'immutabilité de leurs
couleurs , où l'on réfout les principales
difficultez contre l'une & l'autre . Avec
le Plan de fon Traité de la Lumiere &
des Couleurs. A Paris , ruë S. Jacques
chez Simart, 1728. brochure in 12 de
59. pages , &c .
>
CONNUBIA FLORUM Latino Carmine
demonftrata Auctore D. de la Croix ,
M. D. Cum Interpretatione Gallica ,
D ******* Parifiis , ex Typographia
Theobuftea , è regione Collegii Regii.
M. DCC . XXVIII. cum Permiffu.
E vj
C'est1810
MERCURE DE FRANCE
C'est - à - dire , LES MARIAGES DES
FLEURS , prouvez en Vers latins , par
D. de la Croix , Docteur en Medecine ,
avec une Traduction Françoife. Par M.
D ******* . A Paris , de l'Imprimerie
de Thibouft , Quartier du College Royal.
M. DCCXXVIII . Avec Privilege.
Cette Brochure , qui n'eft en tout que
de 47 pages , y compris l'Avertiffement,
eft écrite d'une maniere à fatisfaire les
Lecteurs , foit par l'harmonie des Vers ,
foit par le tour des frafes , foit enfin par
la folidité des raifonnemens . L'Auteur
qui fe dit Irlandois , y explique d'une maniere
fi claire & fi courte la géneration
& la nutrition des Plantes , qu'il ne refte
là- deffus rien à defirer. L'Ouvrage en
forme de Lettre , eft adreffé au frere de
l'Auteur , & eft precedé d'un Avertiffement
qui explique les termes peu connus ,
dont fe fervent les Botaniftes dans l'Anatomie
des Fleurs. Nous croyons ne pouvoir
mieux introduire nos Lecteurs dans
l'efprit de l'Auteur qu'en leur expofant
quelles ont été fes Etudes , ce qu'il explique
auffi dans les cinq premiers Vers
de cette Lettre.
Que mentis natura foret , qua fabrica rerum
Quifve opifex , primis quaſivi , Frater ab
Annis .
Multus
AOUT. 1728. 1811
A
Multus erat , dulcifque labor , nec inutilefenfi ,
Cartefiumque Patrem & Neutonia caſtra ſecutus
,
Menfa remetiri diverfis callibus aftra..
De - là il paffe à fes Etudes de Botanique
& au progrès qu'il y a fait fous M. Vaillant
: c'eft- là qu'il explique la nutrition
des Plantes & les attentions qu'il faut
apporter pour les conferver ; nous nous
contenterons de rapporter pour exemple
ce qu'il dit du Therebinthe , & de la néceffité
de l'incifer.
Exin agricola truncos fub vere recidunt ;
Ni faciant , nimia laticum fub mole laborants
Innumera peftes , nodi , Caricfque fequuntur,
Et fitiens moritur malè plenis fontibus arbor.
Il fait enfuite la comparaifon des hommes
abandonnez à l'oifiveté , dans lefquels
la trop grande abondance de fang
cauſe les mêmes maux que dans ces arbres
, ce qu'il explique d'une maniere
auffi élegante que perfuafive.
"
Il faudroit copier prefque tout le Livre
fi on vouloit ne rien omettre de ce qu'il
y a de beau & de neuf dans ce petit Ouvage
; les Lecteurs y trouveront de quoi
s'.nftruire agreablement. Nous finirons.
par
1812 MERCURE DE FRANCE :
par le Méchanifme , fuivant lequel M. Vaillant
enfeignoit que les Plantes concevoient
: Après avoir prouvé que les
Plantes ont des oeufs , & qu'il y a mêlange
defemences ; voici ce que l'Auteur
dit :
Exin conceptos utero cupidiffima foetus ,
Mater alit , moriturque lubens , ubi visa
propago ,
Grandior , extinctofque habilis renovare parentes.
Altera deinde parens tellus , ubi lapfa feraci,
Semina concepit gremio , falibufque liquatis ,
Jam laxa patuere via : Vagus humor hiantes ,
Arietat in tubulos , Vafa emollita patefcunt .
Et fenfim admittit fegnes radicula fuccos :
Illi agro lenti motu enituntur in altum , &c.
Le P. Bafile , Provincal des Auguftins
Déchauffez , & le P. Simplicien , Auteur
de l'Hiftoire Généalogique & Chronolo -
gique de la Maiſon Royale de France
des Pairs , Grands Officiers de la Couronne
& de la Maiſon du Roy , &c. eurent
l'honneur de prefenter au Roi , le
2. de ce mois , le troifiéme & le quatriéme
volume de cette Hiftoire . On commença
A OUT. 1728. 1813
mença dès le lendemain à délivrer aux
Soufcripteurs ces deux volumes . On continuë
de travailler à cet Ouvrage , & on
efpere de le donner en entier dans le temps
promis par le Projet.
:
Le Réſultat des Conferences tenuës il
y a quelque temps au vieux Louvre , paroît
imprimé in 4. fous ce titre Lettre
des Cardinaux , Archevêques & Evêques
affemblez extraordinairement à Paris , par
les ordres du Roy , pour donner à S. M.
leur avis & jugement fur un Ecrit imprimé
, qui a pour titre : Confultation de
Mrs les Avocats du Parlement de Paris ,
au fujet du Jugement rendu à Embrun ,
contre M. l'Evêque de Senez . Cette Lettre
fignée par 31. Cardinaux , Archevêques
& Evêques , a 103. pages. L'Arrêt
du Confeil , où l'on réfume toutes les'
raifons de ces Prélats , eft inferé dans le
dernier Mercure , page 1696 .
TRAITE DES LIQUEURS , Efprits
ou Effences , & la maniere de s'en fervir
utilement , par François Guiflier du Verger,
Maître Diftilateur en Art de Chimie
à Paris , établi à Bruxelles , imprimé à
Louvain , chez Guillaume Stryckvvant ,
à la Lampe d'Or. 1728. in 12. de 169.
pages , ffaannss ll''EEppiittrree , l'Avant-propos ,
l'AP1814
MERCURE DE FRANCE .
PApprobation & la Table . Et fe vend à
Paris , rue S. Jacques , chez Cavelier!
La longue experience de l'Auteur fur
Le fujet qu'il traite , les Obſervations curieufes
& utiles qu'il donne fur une matiere
qui n'avoit point encore été traitée
dans un fi grand détail , le grand ufage
enfin qu'on fait aujourd'hui des Liqueurs,
rendent , ce femble , cet Ouvrage affez
intereffant pour que le Public en apprenne
avec plaifir le deffein .
L'Auteur après un Avant - propos , dans
lequel il explique , pour ainfi - dire , la
naiffance de la Chimie & l'utilité de cet
Art , diviſe d'abord fon Ouvrage en quatre
Chapitres.
Dans le premier il traite des Liqueurs
rafraîchiffantes , il explique l'ufage qu'on
en doit faire , & il parle à ce fujet des effets
nuifibles que produifent ces Liqueurs
prifes à contre- temps , comme lorfque le
corps eft échauffé & fatigué par quelque
exercice violent ; il paffe de- là à l'origine
des Liqueurs rafraîchiffantes qu'il femble
attribuer à la deffenſe que fit Ma
homet en Turquie, de boire du vin ni des
autres Liqueurs fermentées ; les bons
Mufulmans , dit - il , tâcherent de s'indennifer
par des Eaux agréables & des Sorbets
délicieux , de la perte fenfible qu'ils
faifoient. I entre enfuite dans le détail
de
A OUT. 1728. 1815
chaque Liqueur rafraîchiffante , il en explique
les qualitez & la maniere de s'en
fervir utilement.
Dans le fecond Chapitre , il parle des
Liqueurs Spiritueufes , c'eſt - à- dire , de
celles dont les Eaux de vie & l'Efprit de
Vin font la baſe , & comme un Artiſte
ne fçauroit faire de bonnes Liqueurs Spiritueufes
s'il n'a une parfaite connoiffance
des Eaux de vie qu'on peut y employer,
il en examine les differentes efpeces , il
donne des marques pour les connoître &
des moyens , tant pour les blanchir & les
corriger , que pour adoucir celles qui
font trop violentes & pour en augmenter
l'activité quand elles font trop foibles . Il
examine enfuite les proprietez des Liqueurs
Spiritueufes en general ; il preſcrit
les cas & le temps où elles peuvent convenir
& où l'on en ufe avec fuccès , mais
il confeille furtout de n'uſer jamais de ces
Liqueurs , à jeun & lorfque l'eftomach eft
vuide d'alimens ; il parle dans ce même
endroit de l'Eau de vie , dont l'ufage eft
depuis quelque temps devenu fi familier
chez le Soldat & l'Artifan ; il attribue
la premiere caufe de ce grand ufage aux
Hollandois. Il rapporte que les Négociants
& les Commandans des Vaiffeaux
Hollandois , perdoient fouvent une bonne
partie de l'Equipage d'un Vaiffeau en allant
1816 MERCURE DE FRANCF :
lant aux Indes , quand il étoit queſtion
de paffer la ligne , & que le refte étoit
prefque tout malade & languiffant à ne
pouvoir faire la manoeuvre , malgré toutes
les Liqueurs rafraîchiffantes qu'on
employoit pour les remettre , tandis que
certains Matelots qui ufoient , comme à
la dérobée, de quantité d'Eau - de -vie, fournifloient
feuls à ce que les autres ne pouvoient
faire,& reftoient pleins de vigueur
& de fanté. Le préfervatif de ces Marelots
fut découvert ; on n'attribua d'abord
qu'à leur bon temperament les bons ef.
fets de l'Eau - de - vie ; mais après plusieurs
experiences qu'on a toûjours vù très - bien
réüffir , ils fe font déterminez à charger
leurs Vaiffeaux d'une bonne provifion
d'Eau - de - vie , & c'est avec ce fecours
qu'ils affrontent , pour ainfi - dire , tous les
jours les dangers d'un paffage qui leur
étoit autrefois fi difficile & fi funefte ;
l'Auteur fait à ce fujet quelques Reflcxions
fur les bons effets que produifent
certaines Liqueurs Spiritueufes , lorfque
le corps eft agité , c'est - à- dire , lorfque
les humeurs font miles dans un grand
mouvement par quelque exercice violent ;
il conclut qu'on peut en ufer modérement
& à propos , mais jamais à jeun.
Voulant enfuite remonter à l'origine
des Liqueurs fpiritueufes , M. du Verger
s'arrête
A OUT. 1728. 1817
s'arrête à l'Hypocras , qui eft la plus ancienne
Liqueur de notre connoiffance ,
il croit pouvoir , attendu la conformité
du nom , en attribuer l'invention à Hypocrate.
Cette Liqueur a fait pendant un
très long- temps les délices de tous les
feftins , heureux fi nos peres s'en étoient
tenus là ! mais l'homme , toûjours plus
induſtrieux pour fa ruine , lorfqu'il s'agit
de flatter fon goût , ne fçauroit fe fixer
à cette falutaire fimplicité qu'on ne connoît
plus dans les repas . L'Italie & le
Piemont commencerent à vouloir rafiner
fur cette Liqueur , en y ajoûtant l'Eſprit
de Vin ; les Italiens ont enfuite inventé
le Populo , les Piémontois , le Roffoli ,
après quoi vint enfin le Perficot de Turin ,
qui a été la premiere Liqueur diftillée qui
ait paru . C'est ainsi qu'infenfiblement eft
venue enfin cette quantité de Liqueurs
fpiritueufes , moins condamnables , à la
verité , par leurs qualitez propres , que
par l'abus qu'on en fait tous les jours .
L'Auteur entre enfuite dans un détail du
gout de chaque Nation pour les Liqueurs ;
il paffe de - là à l'examen de chaque Liqueur
fpiritueufe en particulier .
Dans le troifiéme Chapitre , l'Auteur
fe propofe de parler fous le nom d'Eaux
ou Liqueurs chaudes , du Caffe , du Thé,
& du Chocolat. En examinant les qualitez
du
1818 MERCURE DE FRANCE.
du Caffé , il approuve fort le Traité particulier
qu'en a donnéM.Silveſtre Dufour,
mais il ne convient pas de tous les bonsef
fers que lui attribue cet Auteur, il regarde
fe Caffé comme propre en certaines occafions,
& dans certains temperamens, à rectifier
les ferments digeftifs , à faciliter la
tranſpiration, & à donner aux efprits une
nouvelle activité ; mais il trouve auffi
d'autre part que fort fouvent il deffeche
les folides , & communique au fang une
âcreté très- nuifible à la fanté ; il conclud
enfin , en difant que l'ufage moderé du
Caffé peut en être bon , que le fréquent
ufage en eft peu confeillable , & que l'ex
cès en eft très- pernicieux ; il rapporte
enfuite comment & par qui le Caffé a
été introduit en France ; il explique les
differentes manieres de le préparer ; à l'égard
du Caffe au lait , il en approuve fort
l'ufage pour les temperamens chauds &
fecs.
C'eft après avoir beaucoup parlé du
Caffé , que l'Auteur fait
part au Public de
fa découverte fur la femence d'un arbriffeau
très-connu & plus que conmun ,
dans laquelle il a reconnu des qualitez fi
femblables à celles du Caffé du Levant ,
qu'il ofe la nommer Caffè de l'Europe :
ce nouveau Caffé n'eft pourtant autre cho.
que la femence du Genêtfauvage , confe
nu
AOUT. 1728.
1819
nu en Botanique , fous le nom de Genista
angulofa & fcoparia , G. B, cycifus fcoparius
vulgaris vel Genista vulgaris trifolia
flore luteo Gall. Cytife.
Cette femence bien conditionnée , le
torrefie , fe réduit en poudre & s'infuſe
comme le Caffé , & on peut s'en fervir
aux mêmes ufages ; P'Auteur pouffe même
la chole jufqu'à dire qu'on ne doit craindre
aucune mauvaiſe fuite de cette Liqueur
, comme du Caffé , dont elle furpaffe
toutes les bonnes qualitez , fans en
avoir les défauts. Il affure avoir trompé
avec cette femence , foit à l'eau , foit au
lait , pluGeurs bons connoiffeurs ; cependant
, dit - il , quand on eft prévenu &
qu'on s'attache à l'examiner , on y trouve
une amertume beaucoup plus fenfible &
un montant moins fort & moins fin que
celui du Caffé.
L'Auteur ajoûte que la femence du Genêt
d'Eſpagne , cultivé dans les jardins &
qui croît abondamment dans nos Provinces
Meridionales de France , eft moins
amere , & qu'ainfi on pourroit la préferer
, fi on lui trouvoit d'ailleurs les mêmes
qualitez,
Le Thé , dit l'Auteur , eft la feuille d'un
Arbufte des Indes . Le premier nous a été
apporté de la Chine. Cette Feüille contient
un fel effentiel , volatil , huileux , elle
eft
1820 MERCURE DE FRANCE.
eſt âcre & un peu amere au gout , fes
vertus font de laver & de déterger les premieres
voyes & d'aider la dépuration du
fang , foit par une douce tranfpiration ,
foit en augmentant la fecretion de l'urine;
ce font là les bons effets du Thé , lorfqu'il
eft pris moderément . M. du Verger dit
avoir fait plufieurs fois l'experience de
convertir le Thé verd en Thé bouc , qui
s'est trouvé fort bon , ce qui lui fait préfumer
avec raifon que le Thé bouc qu'on
nous apporte , n'eft pas tel qu'on le prend
fur l'Arbriffeau , comme quelques uns le
croyent , mais que pour le rendre tel que
nous l'avons , on trempe ces feuilles dans
quelque décoction particuliere qu'on prépare
dans le Pays. A l'occafion du Thé,
il traite dans ce Chapitre , de quelques
Plantes cultivées ou fauvages , dont on
ufe de même que du Thé , comme font la
Meliffe de Moldavie , la Sauge , les Vulneraires
de Suiffe , &c.
Ce Chapitre finit par l'examen du Chocolat.
L'Auteur après avoir long- temps
obfervé les differens effets qu'il produit
fur des fujets de different temperament ,
paroît embaraffé à prononcer fur l'ufage
qu'on en doit faire , chacun doit en cela
fe confulter foi-même. On peut cependant
avancer & même foutenir que cette
Liqueur convient , pour l'ordinaire , aux
VieilA
OUT. 1728. " 1821
Vieillards & aux Gens d'étude . Nous devons
aux Efpagnols & aux Portugais , la
premiere découverte de cette boiffon ; ils
trouverent dans les conquêtes qu'ils firent
en Amerique , certains Peuples barbares
qui ne mangeoient d'autre pain que celui
qu'ils faifoient avec le Cacao ; leur efto
mach ne pouvant fe faire à une nourriture
fi groffiere & fi pefante , ils y ajoûterent
des Epiceries ; leur induftrie enfin leur
fuggera de faire avec ce même Cacao
un breuvage délicieux & nourriffant , en
y ajoûtant le Sucrè , l'Ambre , le Muſc ,
le Baume du Perou , & enfin la Vanille ,
la Canelle & le Gerofle : il finit cet article
après avoir expliqué la maniere de faire
& de préparer le Chocolat , dont la meil
leure compofition confifte dans le choix
des Drogues & dans une jufte proportion
des Aromates avec le Cacao.
Dans le quatriéme & dernier Chapitre,
il est fait mention des Efprits ou Effences
après bien des digreffions & bien des géne
ralitez ; il entre dans le détail des Efprits &
des Effences les plus ufitées ; il en expli
que les vertus & la maniere de s'en fervir,
& il joint à chaque article des obfervations
qui peuvent être utiles aux Artistes .
On trouve à la fin de ce Livre une Approbation
très- avantageufe de la Faculté
de Medecine de l'Univerfité de Louvain.
On
1822 MERCURE DE FRANCE.
On fentira peut- être par cer Extrait combien
le Livre fe reffent d'avoir été composé
& imprimé loin de Paris. L'Auteur a pris
foin fort prudemment d'avertir le Lecteur
qu'ilne s'attache qu'aux choſes dont il veut
donner quelques notions , & nullement à
la diction pure , à l'élegance , ni à la politeffe
du langage .
Il faut convenir qu'il eſt plein de bonnes
intentions. Le Kemede qu'il donne ,
page 21. pour guerir la Diffenterie , &
qu'il croit fouverain , en eft une preuve.
Prenez , dit - il , 2. bonnes Mufcades , groffierement
pilées , 20. grains de Poivre
entiers & 20. Cloux de Gerofle , une once
de Canelle concaffée , & autant d'écorce
de vieux Chêne , rapée groffierement
faites bouillir le tout dans trois pintes de
lait , jufqu'à la diminution d'un quart ,
paffez par un linge , divifez en 4. parties
égales , qu'on fera prendre au Malade , de
fix heures en fix heures , & c.
Le Punch, Liqueur Angloife , compofée
de Vin blanc , d'Eau- de - vie , de Citrons
, de Sucre & de la mie de Pain , n'eft
pas au gré de l'Auteur . Il voudroit pour
la rendre falutaire , fubſtituer l'eau commune
à la place de l'Eau- de - vie .
Il ne traite pas mieux le Vatté , Liqueur
forte , inventée à Graffe en Provence , par
un nommé Gerard , compofée d'Efprit de
Vin ,
AOUT. 1728.
1823
Vin diftilé avec des Bergamotes , ambré &
fort peu fucré Cette Liqueur, dit- il , fut défendue
, ainfi que le Pitrepitre qu'il appel .
le Liqueur infernale , compofée d'Elprit
de Vin rectifié , avec quelques Zeftes de
Citron, & très -peu de fucre. Il met prefque
au même niveau les Eaux - de-vie de
Dantzich , &c . mais il fait un grand élode
l'Eau des Barbades , & en rapporte
ge
l'origine à peu près en ces termes :
Un François , Provençal de Nation ,
Diftilateur de fon métier , ayant été pris
fur Mer par un Armateur Anglois en
1696. fut mené prifonnier à la Barbade.
Il remarqua qu'on faifoit de la Piquette
avec les écumes , marcs & immondices
des Sucres , pour fervir de boiffon aux
Domestiques & Efclaves . On rempliffoit
de grandes Cuves d'eau & de ces groffiéretez
, à quoi on ajoûtoit des fleurs & pelures
d'Oranges & de Citrons , de la Canelle
& du Gerofle. Cette Liqueur ex- ›
polée au Soleil , fermentoit & devenoit
très forte , mais l'habile Provençal la rectifia
& la rendit par fes foins la plus
agréable de toutes les Liqueurs. On tâche
de l'imiter en France , en Angleterre &
ailleurs ; mais on ne fçauroit parvenir à lui
donner le gout délicat , non - plus que la
force & l'odeur , l'Efprit de Vin qu'on
fubftitue à l'Eſprit de Sucre , confervant
F toûjours
1824 MERCURE DE FRANCE:
toûjours une petite âcreté qu'il contracte
du pepin du Raifin . L'Eau Cordiale de
Colandar de Genève , approche beaucoup
de la fineffe de l'Eau des Barbades .
L'Eau d'Or doit être composée de
fix Cordiaux ; il y doit entrer de l'or préparé
par extinction , édulcoration & battu.
L'Efprit de Canelle doit dominer.
L'Efcubat eft une Liqueur Angloife ,
compofée de Vulneraires & Aromates ,
dont le Baume & la Mente font la baze .
M. du Verger prétend que pour faire
d'excellent Caffé , il faut faire bruler
la Féve , la moudre groffiérement & l'employer
tout de fuite , ajoûtant que fi toutes
ces operations font plus lentes , le Caffé
perd beaucoup de fa qualité, & n'eſt plus
fi bon .
DICTIONNAIRE BOTANIQUE , à
l'ufage des perfonnes curieufes & appliquées
à la culture des terres ou des Jardins
, contenant en Latin & en Anglois ,
le nom de toutes les Plantes connuës ,
leur defcription , & la maniere de les cultiver
fans qu'il en coûte beaucoup de
peine , foit qu'elles foient du pays , ſoit
qu'elles foient étrangeres. Par M.Richard
Bandley , Profeffeur en Botanique dans
Unive fité de Cambridje. A Londres ,
chez T. Woodward. 2. vol. in 8.
Les
A OUT. 1728 . 1825
LES CESARS de l'Empereur Julien,
traduits du Grec , par le feu Baron de
Spanheim , fe vendent à Amfterdam , chez
l'Honoré. in 4. contenant plus de 300 .
Médailles ou anciens Monumens, gravez
par B. Picart.
Pierre Mortier, Libraire à Amfterdam ,
imprime les Secrets du grand & petit Albert
, en 2. vol . in 12. avec figures.
Le Cardinal Marini a fait imprimer à
Rome , la Vie du Pontife regnant , depuis
la Promotion au Cardinalat jufqu'à
prefent.
On apprend de Londres , que le 10. du
mois dernier , M. Derham prefenta à la
Societé Royale , de très - bon Papier gris
& gris- blanc , fait d'Orties & d'autres
Plantes.
On prépare à Londres une nouvelle
Edition des Satyres de Regnier , fur le
Plan contenu dans une feuille volante ,
que nous venons de recevoir , & que fa
briéveté nous engage d'inferer ici .
De tous les Auteurs celebres , dont les Ouyrages
ont été multipliez par un grand nombre
d'Editions , Regnier eft peut être celui
qui a le plus fouffert de la négligence des Imprimeurs
, de l'ignorance des Copiftes, & de la
Fij témerité
1816 MERCURE DE FRANCE
>
témerité des Editeurs . Ses Poëfies contiennent
d'ailleurs quantité de faits hiftoriques &
d'allufions , que l'éloignement des temps a dérobez
à notre connoiffance; fans parler de l'obfcurité
qui résulte de l'embarras même de fon
expreffion défaut que l'on voudroit bien pouvoir
excufer dans un Poëte fi fenfé & fi éner
gique.
C'eft ce qui a déterminé un Homme de Lettre
, fort verfé dans ce genre de Litterature ,
& qui demeure en France , à préparer une Edition
correcte des Oeuvres de Regnier , avec
un Commentaire qui en pût rendre la lecture
plus agréable & plus facile. Voici une idée
generale du travail de l'Editeur .
I. Le Texte eft exactement corrigé . Pour cet
effet on a raffemblé & conferé toutes les Editions,
au nombre de quinze ou feize, dans chacune
defquelles il y a des differences fort notables
; outre qu'il n'y en a aucune qui ne ſoit
remplie de fautes effentielles , fans en excepter
même celles qui ont été faites pendant la vie
de l'Auteur ; d'où l'on peut préfumer que fon
indifference pour fon propre Ouvrage alloit
jufqu'à négliger d'en revoir les épreuves.
II. On a recueilli avec ſoin toutes les Imitations
, qui ne font pas en petit nombre : car ,
outre les fréquentes Imitations des Poëtes Latins
, Regnier a pris des Pieces prefque entieres
des Poëtes Italiens ; & ces larcins qu'il a
faits chez les Etrangers , ne font connus prefque
de perfonne.
III. Les Notes font faites fur le modele de
celles qu'on a données fur les Oeuvres de
M. Boileau Defpreaux ; avec cette difference
que l'Auteur de celles - ci a eu le bonheur de
travailler fous les yeux de M. Defpreaux luimême,
& de concert avec lui ; au lieu que les
ÉclairAOUT.
1728.
1827.
ciffemens fur Regnier ne viennent que
un fiecle après la mort. Il a donc fallu
rer des Ecrivains de ce temps - là . On ofe
atter d'avoir recueilli tout ce qui peut avoit
rapport à l'ancien Satirique François , foit
pour les Faits perfonnels , foit pour la Critique;
& bien loin d'avoir négligé les fecours qui fe
prefentoient d'eux-mêmes , on a recherché avec
foin ceux que les confeils des Amis éclairez
ont pû fournir .
IV. Ily a dans le Recueil que l'on offre au
Public, plufieurs Pieces , qui n'ayant pas été pu
bliées pendant la vie de Regnier , ont été inferées
dans les diverfes Editions qui ont paru
après la mort. Comme elles avoient été ajoû
tées aux précedens Ouvrages , fucceffivement,
& à meture qu'elles s'étoient prefentées , on
ne s'étoit attaché, jufqu'à preſent , ni à les ranger
dans leur ordre naturel , ni à leur donner
les titres qui leur convenoient. On a donc crû
devoir faire l'un & l'autre : on a diſtribué tous
les Ouvrages de Regnier en fix claffes differentes
, fous les titres de Satires , Epîtres , Elégies
Poëfies mêlées , Epigrammes , & Poëfies
fpirituelles.
V. On rapporte dans la Préface que l'on
trouvera à la tête de cette Edition , tout ce
que l'on a pú apprendre touchant la Vie de
Regnier par les papiers journaux de fa famille,
dont on a eu la communication. Inutilement
en chercheroit- on des particularitez dans les
Auteurs contemporains : ils fe font contentez
de louer le talent , & de citer les Ouvrages de
notre Poëte , fans parler de fa perfonne . Les
fentimens des Auteurs fur Regnier fuivront
cet abregé de ſa Vie.
Après avoir rendu compte du travail du
nouvel Editeur , on doit encore avestir qu'une
Fiij perfonne
1828 MERCURE DE FRANCE.
perfonne qui demeure depuis long temps dans
cette Ville de Londres , & qui eft très connue
dans la République des Lettres , tant par fes
propres Ouvrages , que par les belles Editions
qu'elle a procurées d'Auteurs illuftres , a bien
voulu fe charger de la direction & de la correction
de celle - cy.
U
Les Libraires fe propofent d'ailleurs de n'épargner
ni foins ni dépenfes pour qu'elle foit
aufli belle , qu'exacte : elle fera même enrichie
d'un Frontispice & de plufieurs Vignettes , le
tout gravé en taille douce par les plus habiles
Maîtres de Paris.
Nous croyons que le Public recevra avec
plaifir la propofition que nous lui faifons , de
foufcrire pour un Quvrage auffi curieux . Il
contiendra un volume in 4.dont tous les Exemplaires
feront imprimez fur le même papier &
lesmêmes caracteres que le Projet: l'Impreffion
fera achevée vers la fin de l'année courante 1728
Le prix pour les Soufcripteurs fera d'une Guinée
, moitié fera payée prefentement, & l'autre
en recevant l'Exemplaire en feuilles . On pourra
foufcrire jufqu'à la fin du mois de Septembre
1728. Il en fera tiré très - peu d'Exemplaires audelà
des Soufcriptions , & le prix de ceux - là
fera d'une Guinée & demie
Les oufcriptions feront reçues , à Londres ,
chez Lyon& Woodman , Libraires ; & à Paris,
chez G. Martin , Coignard fils , & Guerin laî
mé , rue S lacques , & Rollin & Montalant ,
Quay des Auguftins.
Le P. Antinori a fait imprimer à Rome,
Panggirici Sacri è Difcorfi Morali , del
P. Dominico Maria Antinori , D. C.D.G.
L'Ouvrage eft dédié au Cardinal Barberin,
Vices
1
A OUT. 1728. 1829
Vice-Doyen du Sacré College. vol . in 8 .
de 265. pages 1720. chez Roffy .
M. Jean B. Capaffo , Docteur de l'Uni
verfité de Naples , y a donné un Traité de
l'origine & du progrès de la Philofophie
& des Sectes des Philofophes . Il parle de
leur vie & expofe leurs Syftêmes. Hiftoria
Philofophia Synopfis & c. Ouvrage
in 4. de 472 pages , dedié au Roy de
Portugal 1728 .
On apprend de Londres que la Reine
d'Angleterre a chargé le Docteur Harris ,
Profeffeur en Hiftoire moderne dans l'Univerfité
de Cambridge , de traduire en
Anglois les Mémoires Hiftoriques de M.de
Thou , dont M. Buckley a fait depuis
quelques années une collection complette.
COPIE d'une Lettre écrite par l'Electeur
de Mayence , aux RR. PP. Catrou &
Rouillé , de la Compagnie de Jefus ,
Antes de l'Histoire Romaine , pour
laquelle fun Alteffe Electorale avoit
Auferit en leur envoyant chacun fon
Portrait frappé ſur une Médaille d'or.
a
MES
REVERENDS PERES ,
Le plaifir & la fatisfaction
que m'a don
Fiiij né
1830 MERCURE DE FRANCE.
la lecture de 12. volumes de l'Histoire
Romaine , dont vous avez enrichi le Public
, eft tel queje ne l'ai vû finir qu'avec
peine ; j'ai bien voulu vous en informer ,
mes R. Peres , & vous marquer en mon
particulier l'obligation que je vous en ai
par deux Médailles d'or que je vous envoye
; je voudrois que cette marque de
l'eftime que je fais de vos Ouvrages pût
vous engager à le continuer jufqu'au dernier
des 12. Cefars ; je me perfuade aifément
que la plus grande partie de ceux
qui aiment l'Hiftoire y prendront le même
interêt que moi ; j'attens les 4. derniers
Tomes avec beaucoup d'empreffement ,
& je fuis , mes Reverends Peres , votre
affectionné Loth . Franç. Electeur de
Mayence.
་༨ ་
A Mayence , ce 4. Juillet 1728 .
EXTRAIT d'une Lettre d'Italie
du 8. Juill. t.
L
E Marquis Caponi a trouvé à Rome
dans un fouterrain fur un mur , une
Peinture antique ; elle reprefente un Architecte
, tête & pieds nuds , habillé de
vert . Il tient de la main droite fon Graphium
, & de la gauche fes Tablettes pour
deffiner avec la Regle divifée en Palmes.
A côté de lui eft fon équerre & fon
aplomb.
A OUT. 1728 1831
aplomb. La figure a deux Palmes de hauteur.
Le Marquis Caponi a fait fcier le
mur & porter la Peinture chez lui .
M. Bianchini a découvert dans la Planette
de Venus , des taches , non - pas mobiles
ou paffageres , mais permanentes &
conftantes , deux defquelles font en forme
de Boucliers échancrez , pareils à ceux
que l'on trouve fur les Médailles . Il a
fait graver la figure de ces taches fur un
Globe qui peut avoir un demi pied de
diametre , & a donné à ces taches , qu'il
regarde comme des Mers & Golphes , &
aux Détroits qu'elles forment , les noms
de ceux qui ont découvert l'Amerique
& celui des Seigneurs Portugais qui ont
fait la conquête des nouvelles découvertes
; il a donné auffi un grand efpace à
M" de l'Académie Royale des Sciences
de Paris & un autre à la Societé Royale
de Londres. Le Livre qu'on doit imprimer
fur les Découvertes , paroîtra au mois de
Novembre prochain, & fera dédié au Roy
de Portugal.
Le Cardinal de Polignac & M. Bianchini
, ont vu avec les verres de Campa
na , dans une tache lunaire que l'on appelle
le Platon , une espece de fente à travers
de laquelle on apperçoit une grande
lumiere ; au lieu que tout cet endroit étoit
auparavant très- uniforme & très obſcur.
M.
1
1832 MERCURE DE FRANCE.
M. Bianchini a calculé que cette fente
doit être longue de près de dix - huit lieuës,
& M. le Cardinal conjecture que le nou-
´veau Phénomene ne peut être arrivé que
par une espece de tremblement de Lune ,
qui aura écarté des Montagnes ou ſéparé
une Montagne en deux . Tout cela fera
mieux développé dans le Livre de M. Bianchini
, & fera mis avec toutes les preuves
du fait & toutes les conjectures dont certe
matiere eft capable .
1
TREMBLEMENT de Terre arrivé à
Strafbourg. Extrait d'une Lettre écrite
de cette Ville le 4. Août 1728 .
L
In
y eut hier fur les quatre heures après
midi , un tremblement de Terre , qui
penfa renverser la Ville ; cela fut violent
& dura une bonne minute . Tout le
monde craignit d'être écrasé dans fa maifon.
Les mouvemens ébranlerent les cloches
, les firent fonner. Il n'y a gueres de
rues où il ne foit tombé plufieurs cheminees
, qui ont écralé plufieurs perfonnes ;
j'étois dans ma chambre , où j'ai crû que
le corps de logis alloit tomber . Mon lit
mi table , mes chailes , tout fut en mou̟-
vement , comme partcut dans la Ville.
On croit que se Tremblem at a été
general
dans toute l'Alface , il a même r‹ commencé
A OUT. 1928. 1835
mencé cette nuit à deux heures , mais non
pas fi fort : on voyoit remuer les maiſons
& tout le monde s'enfuyoit . Dieu veuille
que cet évenement n'ait point de fuites.
AUTRE Extrait d'une Lettre écrite le
même jour à M. de Mautour , par
M. fon frere , Abbé de l'Abbaye de
Hautefeille en Lorraine , diftante de
feize lienes de Strasbourg.
H
Ier entre quatre & cinq heures après
un
midi , il arriva ici un Tremblement
de ferre des plus violens , ce qui donna
P'épouvente à tous mes Religieux & à tout
le monde. L'Eglife , les Batimens vieux
& nouveaux de l'Abbaye , eurent de gran .
des fecouffes ; cependant nous en avons
été quittes pour la peur & pour la chute
de quantité de Tuilles , &c .
Le Tremblement de Terre s'eft auffi
fait fentir à Francfort le même jour , ainfi
qu'à Offenbach , à Hanau , à Manheim.
& plus encore à Worms. On mande auffi
de Suiffe , qu'on a fenti quelques fecouffes
à Bâles & à quelques autres endroits.
Le Pere Lucini , Dominiquain , Commiflaire
du S. Office , frere du feu P. Lucini
, auffi Dominiquain , Evêque de Gravina
, a publié à Rome un Cuvrage fur
F vj Le
1834 MERCURE DE FRANCE
le Sacrement de Baptême , dont le Pape
été fi fatisfait, qu'il a fait venir ce Religieux
à Rome pour l'employer felon fes talens ,
& le récompenfer de ſes travaux Litteraires
pour la deffenſe de la doctrine de l'Eglife.
On mande de Pavie que des ouvriers
travaillant dans l'Eglife de S. Pierre in
Coelo Aureo , avoient trouvé auprès d'un
des pilliers de cette Eglife un Tombeau
de marbre , dans lequel étoit une caiffe
d'argent , & au dedans de celle- ci , un
Cercueil de plomb, fur lequel étoient gravés
ces mots , Corpus fancti Auguftini .
M. Pertufari , Evêque de Pavie , l'abbé
des Chanoines Reguliers & le Superieur
des Auguftins drefferent un Procès verbal
de cette découverte , & l'envoyerent au
Pape , qui a nommé depuis le General de
l'Ordre des Auguftins , l'Evêque de Pavie
, l'Abbé des Chanoines Reguliers &
d'autres Ecclefiaftiques pour faire les recherches
neceffaires , afin d'établir le verité
de cette Relique. Les Commiffaires de
S. S. fe font affemblés ; le corps trouvé
dans le Tombeau dont on vient de parler
, a été declaré être celui de S. Auguftin
; à cette occafion on a chanté à
Pavie un Te Deum folemnel au bruit de
plufieurs falves d'Artillerie , & le foir il
y a eu des illuminations dans toute la
Ville
AOUT. 1728. 1835
Ville. Les Religieux de l'Ordre de S. Auguftin
, à Rome , font de grands préparatits
pour celebrer la découverte du Corps
de leur Fondateur .
On a reffenti dans l'Abruzze plufieurs
fecouffes de tremblement de terre trèsviolentes
, qui ont caufé beaucoup d'effroi
aux habitans de cette Province.
Ileft tombé depuis peu une grête fi prodigieufe
dans la Province de Bary , que
les Payfans qui travailloient à la campagne
en ont ététués.
On a fait à Venife , fur la fin du mois
dernier , l'épreuve d'un Canon nouvellement
fondu, qui eft de suo . livres le boulet
, & qui ne peut fervir qu'à la mer. D
On a fait depuis peu à Madrid un Traité
avec un Marchand de Genes qui s'eft
engagé de faire des toiles de coton & des
toiles peintes auffi- belles que celles que
l'on tire des Indes Orientales. Les modeles
qu'il en a fournis font efperer que
fes
Manufactures réuffiront .
Le fieur Jacques Collier , Horloger
demeurant rue de la Vieille Bouclerie à
Paris , a préſenté au mois d'Avril de la
prefente année 1728 , à l'Académie Roya
le des Sciences , une Pendule à répetition
1836 MERCURE DE FRANCE .
tion , qui fonne les demi quarts avec les
tons differens , & a le tout on rien , dont
l'execution eft differente à plufieurs égards
de ce qui fe pratique dans les Montres.
La façon de lever les marteaux ) felon les
>> termes du Certificat d'Approbation don.
» né audit fieur ) eft ingenieufe & fimple ,
» & augmente fi peu l'ouvrage des répe-
» titions ordinaires , que, vû la commodité
>> qui en réfulte , il y a apparence que le
» Public préferera cette forte de Répeti-
» tion.
Cette Répetition fe peut placer dans
toute forte de Pendules , foit nouvelles
foit anciennes.
Le fieur Bailleul , Géographe , demeurant
à Paris, rue S. Severin, au Soleil d'or,
vis- à-vis l'Eglife , donne avis , qu'il a
fait graver la Carte de la Forêt de Compiegne
& de l'Aigle , avec les Environs
où font marquées les nouvelles routes que
le Roy y a fait faire . Préſentée à Sa Majeſté
le 30. Juillet 1728. Le prix eft de fix
livres.
>
L'Académie des Sciences & des Arts de
Petersbourg étoit occupée au commencement
du mois dernier à examiner un Livre
qui lui a été envoyé par M. Horrbou , Afronome
duRoi deDanemarc,&Profeffeur
2
AOUT. 1728. 1847
à Copenhague ; il concerne le Syſtême
de Copernic, dont l'Auteur prétend prou
ver la folidité , & en particulier en ce qui
regarde le mouvement de la terre . Cette
Compagnie a fait l'Anatomie d'un Elephant
, & fait actuellement celle d'un
Lion de la Menagerie du Czar.
L'Académie des Arcadi s'affembla à
Rome au commencement du mois de
Juin dernier , pour y admettre le Duc de
Matalone , Prince de l'Empire , M. Bianchi
& Dom Jean Delvaſto.
On a appris de Lisbonne , que M. le
Quien de la Neupfile , Chevalier de l'Ordre
de Chrift , & Affocié Veteran de l'Académie
Royale des Infcriptions & Belles-
Lettres de Paris , à qui S. M. Port. avoit
accordé 3000. Reys de Penfion pour
écrite l'Hiftoire de Portugal en François
y mourut fur la fin du mois de Juin dernier.
J
Le Remede de M. le General la Mothe
, dont toutes les Nouvelles publiques
ont parlé , continuant de faire de trèsbons
effets , S. E. M. le Cardinal de
Fleury , a propofé au Roi de l'acheter ce
que S. M. a eu la bonté de faire depuis.
peu pour le bien public .
La Liqueur & la Poudre que débite le
fieur Buot , produit des effets fi prodigieux
2
1838 MERCURE DE FRANCE .
gieux , felon l'Avis imprimé que Mrs les
Médecins du Roi & de la Reine qui en
ont fait des experiences réïterées par euxmêmes
fur plufieurs & differentes maladies
les plus dangereufes & les plus inveterées
, ont rendu juftice à Pexcellente
bonté & utilité de ce Remede , en purifiant
le fang au dernier degré , & lui redonnant
la fluidité , comme il eſt prouvé
par les Privileges & Brevets qui lui ont
été donnez pour les diftribuer , tant dans
Paris que dans toutes les Provinces du
Royaume , avec deffenfes à toutes perfonnes
de contrefaire l'une & l'autre , ou
débiter fans fa permiſſion.
Ledit fieur Buot demeure ruë Jacynte , à
la Porte Cochere attenant M. Bouquet ,
Echevin de Ville , au fecond appartement .
Par diverfes Lettres de Paris , & des
Provinces , nous avons reçû l'Explica
tion de la fuite des Logogrifes Arithmétiques.
26. Or. 27. Andeli. 28. Juin.
29. Dieu. 30. Dieu . 31. Eve. 32. Noé.
33. Pan. 34. Mars . 35. Rome. 36. Po.
37. If. 38. Limaçon. 39. Foy. 40. Ay.
Nous ne donnons pas le Logogrife
Arithmétique envoyé de Bayone , quelque
Curieux qu'il puiffe être , parce que
l'Auteur n'a pas eu l'attention d'en don
ner le mot , felon notre avis du Mereure
de Juin , page 1400 . Nous
sgn |
3765 166
wh 29
THE NEW YORK
PUBLIC LIBRARY.
ABTOR, LENOX AND
TILDEN FOUNDATIONS.
が
354P
BRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND TILDEN
FOUNDATIONS
Av
A OUT. 1728. 1839
Nous ferons part au Public le mois prochain
, d'une Lettre & d'une nouvelle
Table des fons de la Langue Françoiſe ,
pour varier & abreger l'expreffion des
Logogrifes Arithmétiques.
XX :XXXXXXXXXXX :XX
CHANSON.
H Elas ! je vous perds en ce jour ;
Je vous perds , Objet que j'adore ,
Et je vous perds fans efpoir de retour.
Puis- je vous voir partir & refpirer encore >
Grands Dieux , quel eſt votre couroux ,
De vouloir m'enlever Sylvie ?
S'il ne faut plus l'avoir , lancez fur moi vos
coups ;
Abfent de fes beaux yeux , que faire de la
vie ?
SPECTACLES.
LesComédiensFrançois remirent au
E Dimanche , premier de ce mois
Théatre La Princeße d'Elide , Comédie
héroïque de Moliere , mêlée de Chants ,
de
1840 MERCURE DE FRANCE .
dé Symphonies , & d'Entrées de Balets.
La Delle le Couvreur , & les Srs de la
Torilliere & Quinault y jouent les principaux
Kôles . La Delle Labat y danfe une
Entrée avec toute la nobleffe & les graces
poffibles. Cette Piéce n'avoit pas été
jouée depuis le mois de Février 17 2 2. On
peut voir dans le Mercure de ce moislì
page 121. ce que nous en avons dit , &
quelques Anecdotes de cet Ouvrage que
Moliere avoit pris dans Auguftin Møret ,
Poëte Eſpagnol. Nous y renvoyons le
Lecteur .
Le lendemain ils remirent au Théatre
la Tragedie de Regulus de Pradon , dont
le fieur Baron joue le principal Rôle d'une
maniere inimitable . Le Partere , avec les
gens du meilleur gout , l'appelle fe Rofcins
de notre fiécle.
L'Académie Royale de Mafique dón
na le 20. Juillet , la premiere reprefentation
de la Princeffe d'Elide , Balet héroïque
. Cette Piece fut fort applaudie ,
& l'on ne doute pas du fuccès . Les paroles
font de M*** . La Mufique eft de
M. de Villeneuve ; & quoique ce foit ici
fon coup d'èffai dans ce genre , il y
réuffi d'une maniere à faire fouhaiter qu'il
continue. Voici un Extrait du Poëme.
a
PROA
OUT. 1728. 1841
PROLOGUE.
A Scene eft fur le Théatre même de l'Académie
Royale de Mufique. On voit pa
roitre dans le fond l'Amour fur un Trône ,
ayant à fes côtez Polhymnie & Terpficore
Mufes de la Mufique & de la Dante ; les Acteurs
chantants & danfants, y font en qualité
d'Eleves de l'une & de l'autre ; l'Amour a
chargé ces deux Mufes de dicter fes Loix ,
elles invitent leurs Eleves à augmenter la gloi
re de leur Maître. Voici comme elles s'expliquent
dans un Duo :
Heureux Sujets de l'amoureux Empire ,
Ecoutez nos tendres leçons.
Dans nos Danfes ,
Terpficore.
Polhymnie.
Dans nos Chanſons •
Enfemble.
C'est l'Amour feul qui nous inſpire.
Terpficore invite les Acteurs danfants , 2
contribuer au triomphe du Dieu qui préĥde
au lieu de la Scene , par ces Vers.
Vous qui tratez aux yeux une vive peinture ›
Des fentimens les plus feerers ,
Faites briller les plus beaux traits
Que l'Art ingenieux ajoûre à la Nature,
Efies
1842 MERCURE DE FRANCE.
Eftes-vous agitez de la fureur de Mars ?
14 J
Que Bellone elle- même enflâme vos regards ,
Au bruit des terribles Trompettes.
L'Amour , le tendre Amour rend- il vos coeurs
heureux ??
Que ce Dieu fi charmant vienne animer vos
jeux.
Au bruit des paisibles Mufettes.
Après ces dix Vers , dont les derniers font
mélez de Trompettes & de Hauts-bois , Terpficore
adreffe ces deux autres Vers à une de
fes Eleves.
Et vous dont par mes foins tous les pas fono
dreffez ,
Mufe charmante , commencez.
L'Eleve de Terpficore commence une Entrée
qui eft comme une Ecole de Danfes. Après
une feconde Entrée où l'Eleve favorite danſe
feule, Venus defcend des Cieux ; l'Amour s'applaudit
de rendre les yeux de fa mere témoins
des honneurs qu'on lui rend fur les bords de
la Seine ; mais Venus n'eft pas contente de la
maniere d'aimer qu'on y pratique. Voici com
me elle parle à fon Fils :
Au milieu des Jeux & des Fêtes ,
Je rougis des honneurs que tu crois recevoir :
Tes plus ardens Sujets ne chantent ton pouvoir,
Que pour publier leurs conquêtes ;
Après
AOUT. 1728. 1843
Après ce trait de critique , Venus dice fes
leçons aux Amans , en ces termes :
Quand le plus charmant des vainqueure
Vous a foumis àſon Empire ,
Faites parler vos yeux par de tendres langueurs
Ce langage vous doit fuffire ;
Sur vous le tendre Amour répand- il fes faveurs?
Triomphez au fond de vos coeurs ,
Mais foyez heureux fans le dire .
Quelques Vers que Venus chante encore, lient
le Prologue à la Piece ; elle les adreffe aux Eleves
de Polhymnie & de Terpficore Les voici.
Et vous dont mon fils a fait choix ,
Pour dicterfes fuprêmes loix ,
Secondez les voeux de fa Mere ;
Apprenez aux Amans de cet heureux séjour ,
Qui fait mieux triompher l'Amour ›
Ou de l'éclat , ou du Myftere.
On voit dans la Piece que l'Amour myfterieux
l'emporte fur l'Amour éclatant . Ce Prologue
a été trouvé neuf & ingenieux.
ACTE I.
Le Théatre reprefente une Forêt voifine du
Cirque, où l'on vient de celebrer les Jeux
Olympiques . Terfandre , après en avoir rem
porté le prix , a diſparu aux yeux de la Princefle
,
1844 MERCURE DE FRANCE .
ceffe qui devoit le couronner de fa propre
main de peur que fon amour ne fe trahît ; il
expofe que la fierté de cette Princeffe l'oblige à
garder le filence.
Amaryllis ( c'eft ainfi que l'Auteur appelle
l'Héroine de la Piece , ) vient demander raifon
de fa difparition à ce Prince : il lui répond , en
parlant du prix :
La main qui le difpenfe eût donné lieu de croire
Quej'ai combattu pour l'Amour ;
Je n'ai vaincu que pour la gloire.
Amaryllis annonce de nouveaux Jeux qu'Iphis
ordonne , & qui font confacrez au Dieu
Pan , dont l'Auteur fait defcendre cette Princeffe
; elle y invite Terfandre , qui lui promet
de lui obéir & fe retire.
Amarillis , picquée de voir que Terfandre
la fuit toûjours , en témoigne fon reffentiment
à Doris , la Confidente , par ces Vers :
Des plus fuperbes Rois , pour moi l'ardeur
éclatte ,
Mille coeurs viennent me chercher.
D'un feul la conquête me flatte ,
Et c'est le feul que je ne puis toucher.
Doris lui dit , que tant d'autres Héros
qu'elle a foumis à fes loix , doivent la confoler
de l'indifference d'un feul. Amaryllis lui ré
pond :
Un coeur qui ne fe donne pas ,
Offense toûjours des appas ,
Accoйa
AOUT. 1728.
1845
Accoûtumez à la victoire ;
Le refus d'un foupir nous eft injurieux ;
Et ce qu'on difpute à nos yeux ,
On le dérobe à notre gloire.
Doris lui fait entendre que l'Amour ſe venge
de fon infenfibilité par l'indifference de
Terfandre , & que ce D eu irrité pourroit bien
porter fa vengeance plus loin. Cette menace
rappelle à Amaryllis un fonge qu'elle a fait ;
le voici :
Au milieu d'une nuit profonde ,
J'ai vu briller le Char de la Mere d'Amour.:
Elle avoit moins d'attraits , lorfque fortant de
londe
,
Elle vit le flambeau du jour ,
Pourfaire le bonheur du monde :
Tremble , m'a- t- elle dit , mon Fils eft irrité
De ton infenfible fierté :
Il est prêt d'en prendre vengeance ;
Il va fignaler sa puissance ,
Aux depens de ta liberté.
La Déeffe & le Char ſe couvrent d'un nuage;
J'en vois partir un Trait vengeur :
Il vole , &Je fait un paſſage ,
Jufques dans le fond de mon coeur.
La Fête fuit immédiatement cette Scene , c'eft
Iphis
1846 MERCURE DE FRANCE .
Iphis qui l'ordonne pour honorer fa Princeffe
en la perfonne du Dieu des Bergers , dont elle
a reçu le jour. Ce Prince à la fin de la Fête invite
Amaryllis, au nom de fes Peuples, à choi
fir un époux ; elle lui répond fierement que fon
coeur n'eft pas fait pour fouffrir un Vainqueur.
Terfandre prenant le contrepié de ce que fon
Rival vient de lui dire , l'invite à regner toujours
fur elle- même : ce nouveau trait d'in
difference oblige Amaryllis à faire cefler la Fête;
& comme elle s'apperçoit que fon coeur reffent
des mouvemens , qui jufqu'alors lui ont
été inconnus , elle finit ce premier Acte par ces
deux Vers , qui ont rapport au fonge qu'elle
a fait :
Courons au Temple de Venus
Et du cruel Amour détournens la vengeance.
ACTE I I.
Le Théatre reprefente la partie exterieure du
Temple de Venus .
Amaryllis fe plaint à Venus de l'indifference
de Terfandre & l'invite à venger un outrage
qui lui eft commun avec elle.
Doris vient ; la Princeffe lui demande bruſ
quement : d'où vient que Terfandre qu'elle a
mandé n'eft pas venu avec elle ; Doris lui dit ,
qu'il obêira bientôt à fes ordres ; elle eft fur
prife de fon trouble & de fon impatience.
Amaryllis en témoigne toûjours plus ; elle ne
peut fouffrir que le coeur de Terfandre perfifte
dans fon infenfibilité ; elle craint un moment
après qu'il ne foit que trop fenfible pour quel.
qu'autre: il n'importe , ajoûte-t - elle :
Il faut tout tenter,
PONT
A OUT. 1728. 1847
Pour le foumettre à mon Empire :
Le pouvoir de mes yeux peut - il mieux éclatter?
Si jamais à l'Amour il n'a rendu les armes ,
Quel doux triomphe pour mes charmes ,
De pouvoir enfaire un Amant ?
Et fi déja quelqu'autre Belle ,
Lui caufe un amoureux tourment >
Quej'aurai de plaifir d'en faire un infidelle !
Amaryllis voyant paroître Terfandre , ordonne
à Doris de fe retirer & de tâcher de
penetrer, fi ce Prince n'aime point ailleurs ce
que cette Confidente peut faire par le moyen
d'Arcas , dont elle eft aimée , & à qui Terfandre
fon Maître peut avoir fait part du fecret
de fon coeur.
Cette Scene a paru fort ingenieufe . Amaryl
lis remercie Terfandre du zele qu'il vient de
faire éclatter pour fa gloire contre le témeraire
Iphis ; & pour lui en témoigner fa reconnoiffance
, elle lui dit que toutes les Beautés de fa
Cour viennent fe plaindre à elle de fon indifference.
Voici comment elle s'explique :
S
Amaryllis .
i vous ne vouliez pas apporter vos hommages ,
A mille objets charmans dont brille ce fejour ,
Pourquoi quitter d'Argos les tranquilles Rivages
?
Que veniez-vous chercher au milieu de ma
Cour.
G Ter-
୮
1848 MERCURE DE FRANCE .
Terfandre.
La gloire de braver l' Amour ,
Dans le plus beau de fes Ouvrages.
Non , n'esperejamais devenir mon vainqueur ;
Amour , j'ai triomphé de tes plus fortes armes :
Non , jamais avec plus de charmes ,
Tu ne peux attaquer mon coeur.
Amaryllis.
Quand on voit un objet aimable ,
Peut-on garder fa liberté?
C'est un tribut indifpenfable ,
Que le coeur doit à la Beauté,
Térfandre
Pourformer une Chaire aimable ,
L'objet le plus charmant doit aimer àson tour:
C'est un tribut indifpenfable ,
Que la Beauté doit à l'Amour.
Amaryllis .
C'eft affez ; je crois vous entendre ;
Si l'on vous offroit un coeur tendre ,
Vous vous laifferiez enflammer.
Terfandre.
Je ferois un ingrat fi j'ofois m'en deffendre ;
Mais j'aime mieux encor être ingrat
mer.
que
d'ai-
AmaA
OUT. 1728. 1849
Amaryllis à part.
Quel dépit !
Terfandre à part.
Quelle violence!
A Amaryllis.
Nymphe , vous gardez le filence !
Vous devez approuver l'aveu que je vous fais.
Amaryllis.
Votre indifference m'étonne i
Mais puis je condamner l'exemple que je donner
De nos coeurs , à l'envi , gardons l'aimable paix.
Terfandre .
Pour vivre heureux , n'aimons jamais.
Enfemble.
Amour , ce n'est pas fur nos ames ,
Que tu lances des Traits vainqueurs:
Va , fuis , nous défions tes flammes :
Cherche à regner fur d'autres coeurs .
L'indifference prétenduë de Terfandre , eft
un nouvel aiguillon pour animer Amaryllis à
triompher d'un coeur fi fier ; elle le fait connoître
dans un court Monologue ; & voyant
venir Arcas avec Doris , elle fe retire pour
laiffer à cette derniere le temps de penetrer fi
Terfandre n'aime point ailleurs , comme elle
l'en a chargée à la fin de la feconde Scene de
cet Acte. Gij La
1850 MERCURE DE FRANCE .
La Scene entre Arcas & Doris a fait beau
coup de plaifir . Ces deux Confidens joüent au
plus fin , enforte que le fecret de Terfandre
n'eft point penetré.
La Fête de ce fecond Acte eft consacrée à
Venus , qu'Amaryllis vient prier d'appaiſer la
colere de fon fils , qu'elle lui a annoncée dans
le fonge du premier Acte. La victoire que Venus
a autrefois remportée fur le Dieu de la
Guerre , donne lieu à un bruit de Trompettes
& à un Choeur , qu'on a trouvé un des plus
beaux de la Piece. Après cette premiere Fête ,
la Grande - Prêtreffe de Venus & les autres
Prêtreffes de cette Déeffe, en celebrent une autre
dans un genre qui convient à leur caractere .
L'Acte finit par un Oracle queVenus prononce
par la bouche de fa Grande- Prêtreffe, le voici :
Un feul Mortel que je prefere à tous
Au coeur d'Amaryllis eft en droit de prétendre :
Des Amans , il eft le plus tendre ;
J'en veux faire un heureux Epoux.
Iphis explique cet Oracle en fa faveur , Terfandre
garde le filence , & Amaryllis qui croit
que l'Oracle regarde Iphis , paroît accablée de
douleur .
ACTE III.
Ce dernier A &te eft , fans contredit , le plus
beau de la Piece; on en a trouvé toutes les Scenes
intereffantes ; le Lecteur en va juger.
Le Théatre reprefente un Jardin ; Terfandre
& Amaryllis y viennent rêver , à l'inſçû l'un
de l'autre. Amaryllis appercevant Terfandre
forme le deffein de penetrer dans fon coeur ,
par
1
A OUT. 1728. 1851 1 par un artifice que l'Amour vient de lui infpirer.
Pour abreger , nous ne mettrons ici que
la derniere moitié de cette premiere Scene :
Amaryllis.
L'Oracle de Venus que vous venez d'entendres
Sur le choix d'un Epoux détermine mon coeur.
Terfandre.
Eh! quel eft cet Epoux ?
Amaryllis.
C'est l'Amant le plus tendre
Terfandre.
Eh ! quel eft cet Amant ?
Iphis ?
Amaryllis.
Iphis eft mon Vainqueur.
Terfandre.
Amaryllis.
Lui portez-vous envie ?
Terfandre.
Quoi ? votre ame à l'Amour est enfin affervie.
Amaryllis.
Ceft Iphis , qui pour moi brule des plus beaux
feux ;
C'est le plus tendre Amant que je vais rendre
heureux.
Vous rougiſſez de ma foibleſſe.
Giij Ter
1852 MERCURE DE FRANCE .
Terfandre , après un petit filence.
Non, mais j'admire en ce moment ,
Par quel étrange évenement ,
L'Amour , d'un trait fatal , au même inftant
nous bleffe.
Amaryllis à part.
Vous aimez ! quel jaloux tranfport !
Terfandre.
L'Amour a triomphe de mon coeur& du vôtre ;
Il nous gardoit le même fort >
Sans nous avoir faits l'un pour l'autre .
Amaryllis à Terfandre , qui veut fe retirer.
Que je fache à mon tour quel est votre Vainqueur.
Terfandre.
Daignez voir un moment des Jeux que l'on apprête
;
Vous apprendrez dans cette Fête ,
Pour qui le tendre Amour a réſervé mon coeur.
Ici Amaryllis commence à s'appercevoir que
fon coeur eft peut- être allé plus loin qu'elle
n'a crû. Voici comment elle le fait connoître
aux Spectateurs :
Pour une autre que moi la Fête fe prépare !
Bien- tôt ma honte fe déclare ;
Une autre est l'objet de ſon choix!
Au
A OUT. 1853 1728 .
Au milieu de ma Cour j'ai donc une Rivale ;
Nom cruel , prononcé pour la premiere fois ,
Tu mefais reffentir une horreurfans égale.
Amour , tu n'es que trop vengé ;
Tu vois couler mes larmes.
Mon coeur t'a cent fois outragé.
J'ai brave tes plus fortes armes :
Mais mon deftin e ft bien changé ,
J'ai mêprifé tes Traits ; on dédaigne mes charmes
.
Amour tu n'es que trop vengé ;
Tu vois couler mes larmes.
Iphis , à qui Teifandre vient d'apprendre
que c'eft lui qu'Amaryllis préfere à tous fes
Rivaux , fe prefente aux yeux de cette Princeffe
, en Amant heureux . Amaryllis paroît picquée
de l'indifcretion , ou plutôt de l'indiffe
rence de Terfandre ; le mot d'ingrat , qui lui
échappe dans un premier tranfport de colere ,
ouvre les yeux à Iphis , il lui répond brufquement
:
Ah ! de ce nom lorsque vous l'appellez ,
Vous m'en faites fçavoir plus que vous ne
voulez .
Je lis jufqu'au fond de votre ame ,
Et Terfandre eft votre Vainqueur :
En le rendant jaloux du bonheur de ma fiáme ,
Vous vouliez furprendre fon cour
Giiij Ce
1854 MERCURE DE FRANCE .
Ce reproche irrite Amaryllis ; elle deffend &
Iphis de paroître jamais à fes yeux. Iphis lui
répond en la quittant :
En m'ordonnant de fuir vos funeftes attraits ,
Votre colere me fait grace :
C'eft fans regret que je quitte ces lieux :
Ingrate , c'en est fait ; je vais loin de vos yeux ,
Vous oublier , s'il eft poffible ;
Je laiſſe à mon Rival le ſoin de me venger ;
Et du moins en partant , il m'eft doux de fonger
Que vous n'aimez qu'un inſenſible.
Iphis fait affez connoitre par ces derniers
Vers , qu'il emporte le trait dont il eft bleffé.
Amaryllis fe plaint de fon fort ; mais voyant
approcher la nuit , elle veut fe retirer.
Le Théatre s'obfcurcit par une nuit naturelle
, & le jour revient à la faveur d'une illumination
que Terfandre a ordonnée. Quelques
- uns des Spectateurs ont d'abord pris le
change fur cette nuit & fur ce nouveau jour;
mais après un peu de reflexion on a compris
que la nuit étoit naturelle & le jour artificiel ;
peut- être l'Auteur auroit dû mieux ménager
cet incident , qui a induit en erreur . Amaryllis
qui veut d'abord fe retirer , fe détermine enfin
à refter pour découvrir fa Rivale.
Cette Fête nocturne , donnée par Terfandre
à une prétendue Rivale d'Amaryllis , eft compofée
d'Argiens dégaifez. Leur Prince les invite
à chanter la gloire de l'objet qu'il aime ;
Amaryllis ne peut foutenir ce triomphe odieux.
Elle
A OUT. 1728. 1855
Elle preffe Terfandre de lui faire connoître fa
Rivale ; voici la derniere moitié de cette Scene.
Amaryllis.
Laiffons un frivole entretien :
Expliquez- vous , je vous l'ordonne.
Terfandre .
C'est en vain que mon coeur brule du plus beau
feu s
Je crains qu Amarillis jamais ne me pardonne
D'avoir aimé fans fon aveu ;
Vous condamnerez ma tendresse :
Rien ne peut raffurer mes timides efprits ,
Laiffez-moi mon fecret.
Amaryllis.
Tenez votre promeſſe
Je pardonne tout à ce prix.
Terfandre.
Ceft me promettre plus que je n'ofe prétendre.
Amaryllis.
Pour la derniere fois .....
Terfandre.
Reine , vous l'ordonnez:
Mais enfin cet amour....fi parfait & fi tendre...
Si vous- même ...
Gy Ama
1856 MERCURE DE FRANCE .
Amaryllis.
Arrêtez. Je ne veux rien apprendre.
Terfandre.
Inhumaine , eft-ce ainfi que vous mepardonnez?
Je vous livre votre viðime ;
Vengez- vous , mon coeury confent :
Mais fongez en me puniſſant ,
Que vos yeux ont fait tout mon crime.
Calmez votre injufte rigueur ;
Ou je perce à vos yeux ce coeur , ce trifte coeur ,
Qui vous aime , qui vous adore.
Amaryllis,
Non,d'unfi tendre amour , je ne m'offense pasi
Mais vous m'avez trompée , hélas !
Ne me trompez- vous pas encore !
Cette Scene finit par un Duo. La Fête recommence.
Un Trône eft dreffé pour l'Amour , à
qui tous les Peuples viennent ren re hommage
; Terfandre dit galamment à Amaryllis :
Le Dieu qui m'a foumis à fon doux esclavage ,
Sur ce Trône éclatant que l'on vient de dreffer,
De cent Peuples divers va recevoir l'hommage :
Reine , vous êtes fon image :
C'est à vous de vous y placer.
Terfandre
A OUT. 1728.
11857
Terfandre conduit Amaryllis au Trône deftiné
pour l'Amour. La Féte a paru des plus
brillantes , & la Piece finit par un Choeur ,
qui au jugement des connoiffeurs , eft un des
plus beaux qu'on ait entendus.
Y
Les Acteurs chantans & danfans , executent
parfaitement ce Balet. Ceux qui s'y diftinguent
le plus font la D'le Hermance , le fieur
Triboult , le fieur Chaffé & la Due Peliffier. Les
Dilles Prévôt , Camargo & Salé les fieurs du
Moulin , Laval , y ont brillé à leur ordinaire.
Le nouveau Directeur de l'Académie Royale
a fait voir dans toute l'ordonnance de cet Opera
, combien il eft capable de cet Emploi. Le
Balet eft de la compofition du fieur Blondy ,
& tout le monde l'a trouvé parfaitement bien
deffiné.
L'Académie Royale de Mufique a fufpendu
les repreſentations de cet Opera pour être repris
l'hyver prochain & joué les Mardis.
Le 17 de ce mois , on remit au Théatre
Bellerophon , dont on peut voir l'Extrait
dans le Mercure d'Avril dernier.
L'Opera Comique continue toûjours avec
fuccès les Répreſentations d'Achmet & Almanfine.
Nous n'avons pas donné d'Extrait de cette
Piece , parce qu'il auroit fallu tomber neceffairement
dans des répetitions de chofes déja
imprimées dans ce Journal , où le Lecteur fera
peut-être bien aife de lire ce Jujet dans toutes
fes circonftances. L'Hiftoire d' Almanfine , d'Attalide,
du Vizir Amulaki & d'Achmet, fon fils,
eſt inſerée dans le Mercure d'Août 1721. page
36. & la fuite dans celui d'Octobre de la même
année , page 29. Au refte , ce sujet a été parfaitement
bien & très- ingenieufement traité ;
G vj
les
1858 MERCURE DE FRANCE.
les Auteurs n'ayant omis aucune des circonftances
intereffantes ; le grand fuccès de cette
Piece en eft une bonne preuve. Nous pourrons
donner quelques couplets de ceux qui ont fait
le plus de plaifir .
λ >
Le fieur Hamoche & la Dile Delifle , font les
principaux Acteurs de ce Théatre . Le fieur
Nivelon , arrivé depuis peu d'Angleterre ,
dont le pere a fait autrefois tant de plaifir par
differentes danfes de caractere , qu'il danioit
aux Opera Comiques , y danfe une Entrée de
Payfan en fabots avec une adreffe admirable.
Il a toute la legereté & la jufteffe
imaginable , & dans les attitudes les plus burlefques
& les plus contortionnées ; bien loin
de faire paroître aucun effort , il femble qu'il
met de la grace par tout. L'air de Violon qu'il
danfe , eft de fa compofition. Le fieur Salé , arrivé
auffi de Londres , danfe un air de Tambourin
, de la compofition du ficur Gilliers ,
avec une grande vivacité. Ces deux Danfeurs
ont dansé en dernier lieu une Entrée en Pierrot
& Perrette , qui eft géneralement applaupar
de nombreufes Affemblées.
die
Le 23 . le Duc de Bourbon & Mademoiſelle
de Clermont fa foeur , accompagnez de plufieurs
Seigneurs & Dames , honorerent cette
Piece de leur prefer ce , de même que la Ducheffe
de Bourbon Doüairiere & la Ducheffe
de Bourbon , qui voulurent voir la même Pięce
le 26. de ce mois .
Le 28. on donna à la fuite d'Achmet & Almanfine
, une Piece nouvelle en un Acte , ſous
le tie de l'Antre de Laverna ..
On doit donner le Jeudy z. Septembre , c'eft
à dire après plus de 60 reprefentations confécutives
, d'Achmet & Almanfine , une autre
Piece nouvelle , en deux Actes intitulée , la pe..
nelope Françoiſer-
On
A OUT. 1728.
1859
On a appris de Florence , qu'on y repreſenta
au commencement du mois dernier , un trèsbel
Opera fur le Theatre Ughi , qui fut honoré
de la prefence du Grand Duc & de la Grande-
Princeffe Douairiere , qui furent extrémement
fatisfaits d'entendre chanter la fameufe Tarchotti.
Le 15. Fête de l'Affomption de la Vierge , le
Concert recommença au Château des Tuilleries
; le fieur Mouret fit chanter deux Motets
à grands Choeurs , qui furent fort applaudis ;
le premier , Exultate jufti in Domino , de feu
M. de la Lande , & l'autre , Benedicto Dominus
Deus , de M. Campra. Les Dies Antier &
le Maure , on chanté dans les deux Motets des
morceaux qui ont fait un plaifir infini.Les fieurs
le Clerc & Blavet , dont on a déja eu occafion
de parler avec éloge , joüerent féparément des
Concerte fur le Violon & la Flute , qui furent
très- goûtez & dont l'execution parut d'une
grande précision. Le fieur Guignon , qu'on a
déja entendu avec plaifir , & qui eft Ordinaire
du Concert , jouera un Concerto dans le premier
Concert , qui fera donné le 8. Septembre
prochain , Fête de la Nativité de la Vierge.
Le Concert d'Inftrumens que l'Académie
Royale de Mufique donne tous les ans au Jardin
du Château des Tuilleries, à l'honneur de la
Fête du Roi , a été executé le 25. de ce mois par
un grand nombre d'excellens Simphonistes de
la même Académie , qui joüerent'plufieurs beaux
morceaux de Mufique de M de Lully & dequelques
autres . Maîtres modernes , il y eut
un très grand concours de peuples & de gens
de confideration , que ce Concert ne manque
jamais d'attirer , mais que la pluye qui furvint
incommoda beaucoup.
NOU
1860 MERCURE DE FRANCE .
XXXXXXX :XXXXXX :XX
NOUVELLES DU TEMPS.
TURQUIE.
Na publié à Conftantinople au mois de
Juin dernier , une Ordonnance pour reformer
le luxe & les débauches exceffives.
La pefte fait de grands ravages dans plufieurs
endroits de cet Empire , elle s'eft communiquée
dans la Capitale , mais on prend
toutes les précautions imaginables pour en arrêter
le progrès .
Voici les avis qu'on a reçûs de Perfe. Un
des freres de Miri- Mamouth , ufurpateur de
la Couronne de Perfe , s'eft déclaré heritier
du défunt , & en cette qualité s'étant fait reconnoître
à Schiras , il a fait fommer le Sultan
Acheraf de lui ceder le Trône , ou de fe
préparer à une Guerre fanglante , ayant à ce
deffein raffemblé tout ce qu'il a pû trouver de
monde pour en former une Armée avec laquelle
il puiffe faire quelque entrepriſe confiderable.
Ce nouveau Concurrent a fait paffer au fil
de l'épée , ou batonner jufqu'à la mort laplupart
de ceux qui ont ofé lui réfifter , ou qui
en vertu des Capitulations qu'ils avoient obtenues
en deffendant leurs Villes , ont voulu
s'opposer à la fuppreffion de leurs Privileges
au pillage de leurs maifons , & à l'enlevement
de leurs femmes & de leurs filles.
Ce Rebelle ayant reçû la nouvelle , que le
Prince Thamas , fils du Roi dépoffedé , “ étoit
My entré
A OUT. 1728. 1851
entré dans le Royaume à la tête d'une Armée
de 20. à 25000. hommes , fe laiffa emporter à
une fi furieufe colere , qu'il fit mourir en fa
préſence plufieurs jeunes enfans qu'il avoit en
ôtage .
Ď'un autre côté , le Sultan Acheraf ayane
été abandonné d'une partie des Perfans qui
fuivoient fon parti dans la derniere Guerre
contre les Turcs , tient les autres dans une fi
grande contrainte , qu'ils n'ont plus qu'une
ombre de liberté.
Il n'y a point de crime que fes Gardes ne
commettent tous les jours avec impunité ; les
Marchands , principalement les Européens ,
font très - fouvent contraints de lui payer des
taxes injuftes , & lorfque le payement ne s'en
fait pas aux jours indiqués , ils courent le rif
que de voir leurs effets confifqués , & leurs
maifons pillées . On efpere cependant quelque
foulagement à ces maux depuis qu'il s'eft
formé un troifiéme parti , qui a pour but d'af
foupir les Guerres Civiles , & l'on affûre qu'il
a déja raffemblé une Armée en état de tenir la
Campagne.
RUSSIE .
E Czar a deſtiné des fonds pour faire fortifier
l'Ile de Nargin , qu'il a pris la réfolution
de peupler , quoique le terrain en ſoit
fort mauvais.
On mande de Mofcou que le Prince Gallitzin
étoit prêt à partir pour aller commander
les Troupes Mofcovites qui font fur les
Frontieres de Perfe , avec des pleins pouvoirs
pour figner avec les Commi aires du Gr. S.
& ceux du Sultan Acheraf le Traité qui reglera
les limites des Conquêtes faites par le feu
Czar
1862 MERCURE DE FRANCE
し
Czar du côté de la Mer Cafpienne. Il a eu
ordre de faire comprendre dans l'Acte de Réglement
des limites qu'il doit figner , une
Montagne où l'on a découvert des Mines d'or
vers la fin du Regne du feu Czar , înais auſquelles
on n'a pu travailler à caufe des troubles
de Perfe.
On a reçû avis que la Princeffe Menzikoff
étoit morte de chagrin , & que fon époux étoit
traité à prefent avec beaucoup plus de rigueur
que dans le commencement de fa difgrace.
Le Czar a donné à la Czarine Douairiere
fon Ayeule , 2000. familles de Payfans pour
augmenter fes revenus .
Le Vice-Amiral Synawin a reçû ordre de
mettre à la voile avec les neuf Frégates qui
font à Cronfloot & à Revel , fur lesquelles on
a enbarqué des vivres & des munitions de
Guerre pour trois mois .
On a envoyé ordre au General Wieſbach
qui com nande dans l'Ukraine , de fe joindre
aux Tartares , en cas que les Colaques perfiftent
dans leur rebellion , de traiter ces derniers
avec une extrême rigueur , & de ruiner
entierement leurs habitacions. Ce General´ a
ordre d'en agir ainfi à l'égard de tous ceux qui
fe font retirés avec leurs familles fur les Terres
du Gr . S
Les Commiffaires de la Chambre du Commerce
à Peterſbourg ont été à Ladoga où ils
ont déclaré libre la navigation du grand Lac
dont cette Ville porte le nom. Il y eut une
grande Fête à cette occafion ; les Generaux
Apraxin & Munich , firent diftribuer des rafraîchiffemens
au peuple. Ce Lac qui pare
pour le plus grand de l'Europe , eft long d'environ
36. milles d'Allemagne , en tirant du
Nord au Sud ; il en a 20. de large de l'Et à
roueft!
A OUT. 1728. 1863
l'Ouest. Le Canal que le feu Czar y a fait faire
pour la communication avec Petersbourg
à coûté plus de trois millions de Roubles , &
fon entretien eft d'une très grande dépense .
L
POLOGNE .
Es Lettres de Caminiec & de l'Ukraine
portent que les Tartares de la Crimée s'étoient
répandus le long des bords du Pruth ,
& qu'ils y mettoient le feu aux pâturages.
On écrit de Dreſde que le Comte Maurice de
Saxe y eft attendu de Berlin , & qu'il y doit
époufer la Princeffe de Radzivil , veuve du
Comte de Flemming , à laquelle le Roi permet
en faveur de ce fecond mariage , de conferver
l'adminiftration des biens de la fucceffion
de ce Feldt Marechal.
On mande de Meckelbourg que M. Erneſt
Erich , Commandant de Domits , avoit envoyé
à Schwerin un détachement de 130.
hommes pour en garder le Château & en empêcher
l'entrée aux Troupes d'execution ; que
la Ville de Neuftadt , réfidence du Duc Chrétien
Louis , avoit été entierement confumée
par le feu , & qu'on n'avoit pû conferver que
le Château.
On arrêta au commencement du mois dernier
, près de Caminiec , quinze Chariots chargés
d'armes à feu , achetées à Breslau & à
Leipfic pour les Troupes que le Gr. Viz. a
fait camper vers les Frontieres de Pologne.
→ On reçût avis fur la fin du mois dernier
que le nommé Bialkowski , l'un des Chefs des
Cofaques Rebelles , avoit formé le projet de
venir attaquer la Ville de Stanislawow ; que
les Cofaques de Szazower avoient ravagé celle
de Siczy & qu'après en avoir pillé jufqu'aux á
orne
1864 MERCURE DE FRANCE .
ornemens des Eglifes , ils y avoient laiffé des
Soldats avec ordre d'emmener avec eux les
Marchands & leurs Effets , & de mettre enfuite
le feu à la Ville .
ALLEMAGNE.
On a publié dans l'Electorat d'Hanover le
Mandement fuivant.
EORGE , Roi de la Grande Bretagne ,
G c. Duc de Brusevick & Lunebourg >
Archi Tréforier & Electeur du S Empire Ro- !
main. Il eft connu à un chacun qu'on a projetté
à Altena d'y ériger une Compagnie de Commerce
aux Indes Orientales , dans le deffein d'établir
des Actions : mais comme , felon toute
apparence , ce Projet n'aura pas lien , & que
ceux qui mettent leur argent dans ces Actions
courent rifque de le perdre , nous avons jugé à
propos de publier non -feulement cet avertiffement
, mais de défendre auffi par la Prefente
à tous nos Sujets de nos Domaines en Allema.
gne , de faire le moindre commerce dans ces
Actions , ou de prendre part en aucune maniere
à cette Compagnie , fous peine de payer le
Quadruple de la fomme qu'ils pourroient y
avoir mife , dont la moitié fera donnée au Dénonciateur
& l'autre moitié poriée dans notre
Tréfor. Voulons que ceux qui ne feront pas
en état de payer ladite fomme , foyent punis pu
bliquement. Et afin que perfonne n'en prétende
caufe d'ignorance , nous avons fait imprimer
la Prefente & afficher aux lieux ordinaires.
Signé , Baron de Goertz. Fait à Hanovert
le 1. Juin 1728.
La Chambre Imperiale a fait remettre 400 .
mille
A OUT. 1728 1865
mille écus à Varfovie , afin de mettre la République
de Pologne en état de prendre toutes
les précautions neceffaires pour la fûreté du
Royaume en cas d'invafion de la part des Turcs.
L'Electeur de Cologne revint à Bonn , au
commer.cement du mois dernier , après avoir
pafle deux mois au Château de Bull pour y
prendre le divertiffement du vol du Heron.
Cette Chaffe a fi bien réuffi , qu'on a pris 140 .
de ces Oifeaux
On mande de Kiel , qu'un Ingenieur du Duc
d'Holftein , avoit prefenté à ce Prince le Projet
d'un Canal de Communication pour joindre
la Mer du Nord à la Mer Baltique , en le commençant
à Tonningen , & c.
Le Prince hereditaire de Lorraine , n'accompagnera
pas l'Empereur dans le voyage qu'il
doit faire à Trieste & à Fioumé. Le Prince
Emmanuel de Portugal s'y rendra pour faluer
S. M Imp. après quoi il ira faire fa réfidence
à Lintz , dans la haute Autriche.
Le differend que le Cardinal de Sinzendorff
a eu à Prefbourg avec le Comte de Kinski ,
venoit de ce que ce Cardinal avoit refufé de
faire au Comte la premiere vifite qui lui étoit
duë en qualité de Grand - Chancelier de Bohëme
à l'Affemblée des Etats.
L'Empereur ayant ordonné à ce Cardinal de
faire cette vifite , non en qualité de Cardinal ,
mais en celle de Vaffal , ce Cardinal a obéi &
il s'ett rendu chez le Comte de Kinski , en habit
court d'Ecclefiaftique Hongrois , une écharpe
au côté & un petit Bonet rouge fur la tête .
Il avoit choifi un mauvais Caroffe à deux chevaux
, avec des harnois de campagne & fans
aigrettes , & il a reçû depuis la vifite du Comte
de Kinski avec le même habillement.
M. de Scehefted , Plenipotentiaire du Roi de
Danc
1866 MERCURE DE FRANCE.
1
Dannemarc au Congrès de Soiffons , arriva à
Paris le 5. de ce mois.
On écrit de Petersbourg , que le General
Jogozinski , en devoit partir pour le Congrès
de Soiffons , où il fera le fecond Miniftre Plenipotentiaire
du Czar.
ENTRE'E SOLEMNELLE de l'Empereur
& de l'imperatrice , fait à
Gratz le 23. Juin 1728 .
'Empereur ayant réfolu d'honorer de fa préfence
les Duchés de Stirie , de Carintie &
de Carniole , comme il avoit fait fes autres
Etats hereditaires , en recevoir en mêmetems
l'hommage , partit pour cet effet le 17 .
Juin deLaxembourg pour Neustadt, accompagné
de l'Imperatrice Regnante , de lArchi- Ducheffe
Marie-Therefe , & d'une nombreuſe fuite. Après
avoir féjourné trois jours à Neuftad , L. M. I,
en partirent le 21. elles dinerent à Glognitz ,
& paferent la nuit à Merzuflach . Le 22 , la
Cour dina à Kienberg , & arriva le foir à
Pruch fur la Mure . Le lendemain fur le mily
LM. 1. arriverent à Fronleuthen , où elles furent
complimentées par les Deputés de la Province
après y avoir dîné , elles continuerent
leur voyage vers Gratz. Let Etats du Pays
s'étant aſſemblés à deux heures après midy chés
le Capitaine de la Province , fortirent en trèsbel
ordre pour aller au devant de L. M. I. jufqu'a
un fuperbe Pavillon qu'on avoit dreſſé à
quelque distance de la Ville. Ils étoient tous
vêtus magnifiquement , montés fur de beaux
Chevaux , & pricedés de Trompettes & Timbales
de la Province. Quelques Compagnies des
Regimens de Stharenberg de Paderborn ,
qutow
A OUT. 1728. 1867
qu'on avoit pofiés près de ce Pavillon , y attendirent
L. M. I. Enfeignes deployées , ayant à
leur tête toutes fortes d'inftrumens de musique
militaire. Sur lesfix heures , l'Empereur , l'imperatrice
Archi - Ducheffe Marie-Therefe entrerent
dans ce Pavillon . L. M. I. y furent com
plimentées fur leur heureuſe arrivée
des Etats par le Maréchal de la Province , qui
fit à cette occafion un très- beau Difcours , auquel
S.M. I.répondit enaffurant fes fideles Etats
de fa clémence & de fa bienveillance , après
quoi S. M. I, donna à tous fa main à baifer
, au nom
>
Après cette ceremonie , l'Empereur vêtu d'un
habit brodé , couleur de feu , monta , quoiqu'il
plut bien fort , un très - beau Cheval blanc
couvert d'une houffe fuperbement brodée &parfemée
de bijoux , & fit fon Entrée dans l'ordre
fuivant.
> tant de
La marche commença par un détachement du
Regiment de Dragons de Paderborn , à Cheval
avec leursTambours & Etendarts. Enfuite vinrént
les Patrouilles de l'Empereur , les Pages &
les Officiers des Miniftres Imperiaux , les Confeillers
d'Etat & autres Seigneurs
la Cour que du Pays. Les Chevaux de Manege
de l'Empereur avec les Officiers des Ecuries.
Les Trompettes & Timbaliers de l'Empereur.
Les Fouriers de la Cour . Les Seigneurs de la
Cour de la Province. Les Confeillers d'Etat
de l'Empereur. Le Majordome- Major de l'Empereur.
Le Herault d'Autriche feul . Le Heraut
d'Espagne entre les Herauts d'Hongrie & de
Bohéme . Les deux Herauts de l'Empire : tous
en habits de cérémonie avec leurs Bâtons Le
Grand Maréchal de la Cour Imperiale , la tête
découverte , & portant l'épée nuë , précedoit
l'Empereur , qui en entrant dans la porte de la
Ville , fut reçu par le Magiftrat en corps fous
2419
1868 MERCURE DE FRANCE.
un riche Dais , porté par huit Echevins : Les
Trabans quelques Valets de pied marcherent
aux deux côtés de S. M. I. Le Grand Ecuyer fe
tenoit à la premiere barre de la porte , à la
gauche , & le Grand Chambellan à la derniere
barre, tous deux à Cheval Les Bourguemeftres,
après un compliment fort court & convenable
au fujet , préfenterent à l'Empereur les Cefs
de la Ville dans une bourse de drap d'or , fur
un Carreau de velours , que S. M. accepta , &
vendit enfuite au Magiftrat . L'Imperatrice en
Caroffe , avec la Ser. Archi- Ducheffe , affife
vis-à -vis de S. M. I. Aux deux côtés du Caoffe
marchoient quelques Valets de pied. Le
Majordome-Major , le Capitaine des Trabans
, à cheval . Les Pages de l'Empereur à
cheval Les Trompettes & les Timbaliers de la
Compagnie des Archers. Le Capitaine des Archers.
Les Dames de la Cour dans leurs Caroßes.
La Marche fut fermée par un autre détachement
du Régiment de Paderborn.
Quatre Compagnies de Bourgeois étoientfous
les armes, rangées le long des ruës par où
L.M. 1. pafferent , depuis la porte de la Ville
jufqu'au Palais. On continua la Marche jufqu'à
l'Eglife des Jefuites . L. M. 1. y defcendirent
, furent complimentées à la porte de
l'Eglife par le Recteur de l'Univerfité de Gratz,
quifit un Difcours enLatin. Le Comte de Liechtenstein
, Evêque de Seccovie , préfenta enfuite
de l'Eau benite à L. M. I. après quoi elles
furent conduites à l'Autel par huit Prélats en
habits Pontificaux , fous un Dais de drap d'or ,
porté par quatre Doyens . L'Evêque entonna le
Te Deum , qui fut chanté par la Musique de
la Cour , &c. au bruit d'une triple décharge
du Canon.
Après la Cérémonie , il y eut un fuperbeƒeſ.
tim
A OUT. 1728. 1869
tin au Palais . Les plats furent portés par les
Etats du Pays , qui fervirent S. M. I. pendant
le Repas.
ITALIE.
L s'eft formé une troupe de bandits qui fe
propofent de venger la mort de l'affaffin
Barboni de Corinaldo , executé à Rome au
commencement du mois dernier . Le Gouverneur
de cette Ville en ayant été informé , a
envoyé après eux le Barigel & les Shires , avec
ordre de ne leur faire aucun quartier.
On a appris de Civita- Vecchia , que la Galere
Capitane du Pape y étoit rentrée en fort
mauvais état , avec 24. Rames brifées. Elle .
fut furpriſe au commencement du mois de
Juillet d'une tempête qui la jetta fur un Rocher
de l'ile Gianitta ; comme elle étoit en
grand danger de périr , les forçats trouverent
moyen de le déchaîner & fe fauverent enfuite
fur les Rochers , mais M de la Motte qui
commandoit cette Galere , les pourfuivit avec
40 Soldats, l'épée à la main , & les obligea d'y
rentrer.
Le Pacha du Grand Caire qui s'étoit refugié
à Triefte , ayant obtenu de l'Empereur la
permiffion d'aller à Naples paffer quelque
temps , y arriva le 27. du mois de Juin dernier.
Il alla defcendre au Château neuf , où
on lui avoit fait préparer un Appartement. Le
fur lendemain il rendit vifite au Cardinal d'Althan
, qui le reçut très - poliment . Il a auffi
rendu vifite à la principale Nobleffe , dont il a
été fort bien reçû .
On mande de Rome que les Cardinaux de
la Congregation qui concerne les affaires de
Portugal , ayant fait de nouvelles réflexions
fur
1870 MERCURE DE FRANCE
fur la Lettre pleine de foûmiffion que M.Bichi,
cy devant Nonce à Liſbonne , avoit écrite au
Pape , ils font convenus qu'il falloit lui écrire
que s'il veut fe rendre digne de la faveur qu'il
demande , & fe concilier les bonnes graces
de S S. & du Sacré College , il ne peut mieux
faire que de fortir du Royaume de Portugal ,
de paffer en Espagne , & d'y attendre les or
dres du Pape.
On affûre qu'il a été décidé dans la dernie
re Congregation fur les affaires de Savoye ,
que les Evêchés , Abbayes & autres Benefices
Confiftoriaux des fujets du Roy de Sardaigne ,
qui mourront à Rome , feront à la nomination
de ce Prince , auffi- bien que les Benefices de
ceux des Titulaires qui mourront dans ſes
Etats .
•
On a appris de Rome qu'un jeune homme
rentrant chez lui au mois de Juin dernier
trouva que fa mere avoit affaffiné fon époufe;
fur les reproches qu'il lui fit de l'atrocité de
fon crime , elle fe jetta fur lui avec une telle
furie , qu'elle l'auroit étranglé s'il n'eut trouvé
le moyen de tirer fon épée & d'en donner
deux coups à fa mere , dont elle mourut prefque
fur le champ.
Les Religieufes de Cortone ont obtenu du
Pape un Bref qui leur permet d'aller en proceffion
vifiter le corps de la Bienheureufe Marguerite
de Cortone , qui a été canonifée depuis
peu.
Le Comte de Saftago , nouveau Viceroy de
Sicile , arriva le 18. du mois dernier à Naples
fur une Galere de la République de Gênes ,
& le lendemain il partit pour Meffine.
Le Roy de Sardaigne ayant laiffé à la difpofition
du Pape deux Abbayes de mille écus
chacune de revenus , qui vacquent dans le
Piémont
A OUT. 1871
1728.
Piémont , S. S. les a données aux Cardinaux
Celleri & Gotti
On mande de Venife que le Chevalier André
Cornaro, qui y eft revenu depuis peu de
fon Ambaffade de Vienne , & le Chevalier
Pierre Capello , qui a été Ambaffadeur Extraordinaire
de la même République à Rome ,
ont été choifis par le Grand Confeil pour aller
à Trieſte en qualité d' Ambaffadeurs Extraordinaires
de la République, complimenter l'Empereur.
2
Des Lettres de Rome du 15. Juillet portent
, que le Cardinal Gotti , Dominicain , fi
connu à Bologne & à Milan par fa vertus &
dans toute l'Italie par fon érudition , avoit reçû
le Chapeau en plein Confiftoire ; & qu'après
la cérémonie il fit un remerciment au Pape
, dans lequel fa modeftie ne parut pas
moins que fon éloquence. S S. lui répondit
avec beaucoup de bonté & d'édification .
On a publié à Rome une Ordonnance qui
défend le port & l'ufage des couteaux à pointe
, dits couteaux de Génes , & on fait une
vifite exacte chez tous les Marchands qui en
vendent. Un Domeftique de M. Cibo , qui a
été trouvé faifi d'un femblable couteau , à été
arrêté , & on lui fait fon procès , ſon Maître
ayant refufé de parler en fa faveur.
Il est arrivé à Rome un Prince du Mont-
Liban qui revient en dernier lieu d'Eſpagne .
Dans une Audience particuliere qu'il a obtenuë
du Pape , il l'a prié d'envoyer un autre
Evêque au Mont- Liban à la place de celui qui
y eft actuellement. S. S. qui l'a reçu avec
beaucoup d'accueil , lui a accordé ce qu'il demandoit
, & lui a fait préfent de quelques Mé
dailles & de quelques Reliques.
On mande de Venife que le Magiftrat de la
H Santé
1872 MERCURE DE FRANCE.
Santé a publié une Ordonnance qui défend
tout commerce avec l'Etat Ecclefiaftique , à
l'occafion de la tenue de la Foire de Sinigalia
qui a été réfolue à Rome , où le 12. du mois
dernier , l'Ambaffadeur de la République eut
une Audience particuliere du Pape , dans laquelle
il lui fit des plaintes au fujet de la permiffion
accordée pour l'ouverture de cette
Foire. Ce Miniftre eut enfuite unc Conférence
avec le Cardinal Cienfuegos , au fujet de l'interdiction
de tout commerce entre le Royau,
me de Naples & l'Etat Ecclefiaftique , qui doit
être publié dans peu par ordre de l'Empe
reur
Le 18. du mois dernier , le Tribunal de la
Santé à Florence , manda plufieurs Officiers ,
aufquels il donna ordre d'aller planter des
Barrieres fur les Frontieres & paffages de l'Etat
Ecclefiaitiqne ; & comme les Princes d'Italie
ont réfolu de fufpendre tout Commerce
avec les Puiffances dont les Sujets auront eu
la permiffion de fréquenter cette Foire , le
même Tribunal a fait publier une nouvelle
Ordonnance , par laquelle il interdit l'entrée
libre en Tofcane à toutes perfonnes qui vien
dront de l'Etat Ecclefiaftique , obligeant même
à la quarantaine les Particuliers qui n'auroient
fait que paffer fur les Terres du Pape ,
avec défenfes à tous les Sujets du Grand- Duc
d'aller à la Foire de Sinigaglia fous peine de
la vie . On a publié à Milan de pareilles défen
fes par rapport à cette Foire.
ESPAGNE.
N executa le 19. du mois de Juin dernier
à Barcelone , le fameux Raymond
Gaardicola , dit Ramenet de Valls , Chef de
BriA
OUT. 1728.
1873
Brigands , qui a caufé autrefois de grands défordres
dans la Catalogne.
On affure que la Cour continue d'être dans
la réfolution de lever un Indult extraordinaire
de dix huit trois quarts , outre les cinq pour
cent accoûtumés , tant fur les Effets du Vaiffeau
arrivé depuis peu au Port du Paffage ,
que fur ceux qu'on attend par les Gallions.
Quelques Miniftres Etrangers ont fait fur cela
des reprefentations , mais ils n'ont pas encore
reçû de réponſe favorable.
Le Baron d'Uart , Gouverneur de Gironne ,
a envoyé à Madrid le Traité qu'il a conclu
avec les Commiffaires du Roi de France , av
fujet de la reftitution reciproque des déferteurs
& des meurtriers.
Le Prince des Afturies eft parfaitement rétabli
, il eft déja forti plufieurs fois , & n'e
point du tout marqué de la perite verole.
PORTUGAL.
N mande de Lisbonne qu'on y avoit reçû
avis par les Lettres de Mazagaon , que
la nuit du 16 au 17. du mois de May dernier
, les Maures s'étoient mis en embufcade
dans differens endroits autour de cette Place ;
que la Sentinelle avoit été furpriſe par un détachement
de Maures auquel elle échapa , parce
qu'on envoya contre eux la Cavalerie qui
étoit dans la Place ; mais comme ils étoient
au nombre de 600 hommes , on ne pût pas
les empêcher de s'emparer des premiers retranchemens
exterieurs. On fut oblig de faire
marcher l'Infanterie ; & la premiere Compagnie,
commandée par le Capitaine Manuel.
Azevedo- Cotinho , commença & continua
l'attaque de ces retranchemens jufqu'à l'arri-
Hij vée
1874 MERCURE
DE FRANCE.
vée du refte de l'Infanterie qui reprit ce Pofte ,
où les Maures eurent 20. hommes de tués &2
un plus grand nombre de bleffés.
Quelques jours après cette action , il arriva
à Mazagaon un Officier Maure pour apprendre
au Gouverneur que Muley- Abdemelec étoit
Maître abfolu des Etats du feu Roi de Maroc ,
fon Pere, & que fon frere Muley -Achmet avoit
été pris & conduit à Tafilet fous une bonne
escorte. Cet Officier remit au Gouverneur
une Lettre du Roi , fon Maître , en réponſe de
celle le Gouverneur lui avoit écrite pour
le feliciter fur fon avenement à la Couronne.
Il lui propofe par cette réponſe le rachat gereral
des Captifs Portugais , & la liberté de '
Commerce entre les deux Etats.
que
On publia à Liſbonne le s . Juillet , trois
nouveaux Décrets du Roi , par un defquels
S. M. après avoir fait défenfes à tous fes Sujets
d'avoir aucun commerce ni correfpondance
avec la Ville de Rome , ordonne à
tous les Sujets du Pape de fortir inceffamment
de ce Royaume. Il eft défendu de recevoir dans
les Ports de Portugal aucune Marchandiſe venant
de l'Etat Ecclefiaftique , & l'on a affiché
à la du Bureau de la Pofte des Lettres
porte
que le terme de 25. jours expiré , on n'y rece
vra aucune Lettre pour Rome , que celles
qui en viendront ,ne feront point diftribuées.
On imprime par ordre de S M. un Manifefte
adreffé à tous les Princes Catholiques pour
juftifier fa conduite avec le S. Siege.
&
GRANDE BRETAGNE.
Es Commiffaires établis pour la conftruc
LES
tion d'un nouveau Pont à Londres fur la
Tamife , n'ayant pû trouver a emprunter què
7000$
A OUT 1728.
1875
5000. liv. 'fterlin des 30000. dont ils ont befoin
pour leur entreprife , ils offrent préfentement
d'hypothequer à perpetuité les peages
qui feront levés fur ce Pont en vertu de l'Ac.
te du Parlement qui en permet la conſtruction.
·Le 13. du mois dernier le Procureur General
remit au Grand Juré de Weſtminſter un
Bill d'accufation de haute trahifon contre le
Duc de Wharton , contre lequel plufieurs Officiers
de la Garnifon de Gibraltar ont dépofé
qu'ils l'avoient vû fervir dans les Troupes du
Roy d'Espagne pendant le Siége, & monter la
tranchée .
M. Como , fameux Banquier de Londres
qui depuis quelques années étoit Agent du
Duc de Parine , reçût ordre le même jour de
fortir du Royaume dans 48. heures , à l'os La
fion des avis qu'on a eu que pendant le féjour
que le Chevalier de S. George a fait à Parme, le
Duc de Parme lui avoit fait rendre les mêmes
honneurs que le Pape lui fait rendre à Bologne.
En vertu de cet ordre , M. Como partit
Te furlendemain , accompagné d'un Meffager
d'Etat ; mais comme il eft fort eftimé en Angleterre
, & qu'il y fait un très-grand Commerce
, on croit qu'il renvoyera fes Lettres
de Créance à Parme pour pouvoir revenir à
Londres.
On a reçû avis que les Corfaires de Salé
avoient rompu la Tréve avec l'Angleterre , &
qu'ils couroient fur les Vaifleaux Marchands
de certe Nation.
On écrit de Londres que le 28. du mois dernier
, à une heure du matin , le feu prit à l'attelier
des Tonneliers du Roy à Portſmouth, &
qu'il y confuma pour plus de 4000. liv. ſterlin
de Tonneaux & de douves.
Hiij Le
1876 MER CURE DE FRANCE.
Le 29. on dépêcha un Courier au Colonel
Stanhop , Ambaffadeur Plenipotentiaire du
Roi au Congrès pour lui porter l'Etat que
les Commiffaires du Commerce & des Plantations
ont fait dreffer des plaintes que les Négocians
Anglois prétendent avoir fouffertes
pendant la rupture avec l'Espagne.
Il eft arrivé à Bristol 26240. boiffeaux de
blé de quatre au feptier des Pays Etrangers ,
1326. de feigle , 300. d'orge , 916. d'avoine ,
& 211. barils de farine. Cependant le prix du
pain ne diminuë point , quoiqu'on ait déja
expofé dans les Marchés du bled de la derniere
recolte .
Le 7. de ce mois , les Commiffaires de l'Amirauté
mirent en commiflion feize Vaiffeaux
de Guerre fçavoir , deux de 80. Canons cha-
S. n . 4. de 70 , deux de 60 , fapt de so . & un
de 20 .
Des 21. Vaiffeaux que la Compagnie de la
Mer du Sud a envoyé cette année dans le
Groenland , deux ont péri dans les glaces , &
les 19. autres n'ont pris que 13. Baleines ; de
forte qu'on croit que la Compagnie abandonnera
cette Pêche , qui ne lui rapporte jufqu'à
préfent aucun profit.
Le Contre- Amiral Cavendish a été nommé
Vice-Amiral de l'Efcadre Blanche , à la place
du Vice- Amiral Hopfon , qui eft mort à la
Jamaique , & le Capitaine Jean Balchen a été
fait Contre- Amiral de l'Efcadre Bleue , à la
place du Vice Amiral Cavendish,
MORTS
A OUT. 1928. 1877
XXXX :XXX *XX *XX :XXXX
L
MORTS DES PAYS
Etrangers.
E Prince Armand de Lichtenftein de Nicolfbourg
en Silefie , Duc de Troppau &
de Jagherndorf , Comte de Rittberg , Grand-
Veneur de l'Empereur , mourut à Vienne le 4,
de ce mois dans la 62, année de fon âge.
M. Santini , cy- devant Nonce en Pologne ,
mourut à Varfovie le 5. du mois dernier aprèstrois
jours de' maladie.
L'Amiral Hopfon mourut fur les Côtes des
Indes Espagnoles le 20. May dernier. C'eft le
fecond Amiral qui eft mort dans ces Mers - là
dans l'efpace d'un an . Son corps a été porté
en Angleterre , à bord du Vaiffeau le Pompée ,
qui y eft arrivé de la Jamaique.
Jkkkkk
FRANCE ,
粒糕
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c .
O
Naffure que les Milices du Royaume
s'affenibleront après la récolte
dans les lieux definez pour apprendre
l'exercice & les autres évolutions militaires.
Le Roy a accordé au Prince de Bouil
Hij lon ,
1878 MERCURE DE FRANCE
lon , la Charge de Grand- Chambellan de
France , vacante par la démiffion du Duc
de Bouillon , fon pere .
On a jugé à la Primatie de Lyon la
Caufe de Made de Rapalli . Elle a été reçue
à faire preuve des violences & furprifes
dont on s'étoit fervi pour lui faire
époufer M. de Rapalli , Banquier , lequel
a appellé au Parlement de cette Sentence
.
Le 30. du mois dernier , le Roy entendit
dans la Chapelle du Château de Verfailles
la Meffe de Requiem , pour l'Anniverfaire
de la feuë Reine Marie - Therefe
d'Autriche , époufe du feu Roy
Louis XIV .
S. M. a nommé M. de Bauffan , Maître
des Requêtes , Intendant de la Generalité
de Poitiers , & M. Dodart , fils du
Premier Medecin du Roy , auffi Maître
des Requêtes , Intendant de la Generalité
de Bourges.
M. Milhau , Confeiller au Sénéchal &
Siege Préfidial de Montpellier , ayant été
nommé par le Roy Chevalier de l'Ordre
de S. Michel le 3. Juillet , fut reçû Chevalier
de cet Ordre le 7. de ce mois , par
le Maréchal Duc d'Etrées , Commiffaire
nommé par S. M.
Les Abbés de Bellefonds & de Choiſeul
ont été nommés Aumôniers du Roy.
Le
A OUT. 1728. 1879
Le 12. de ce mois , l'Evêque , Comte
de Beauvais , prêta ferment , & prit Séance
au Parlement , en qualité de Pair Ecclefiaftique
de France.
Le même jour , le Duc de Rohan Chabot
, fut reçû au Parlement en qualité de
Pair de France .
La Reine eft rétablie de fes couches , &
S. M. eft en parfaite fanté.
2
Le 12. Août , les Députés des Etats de
Languedoc eurent audience du Roy
étant conduits en la maniere accoûtumée ,
par le Marquis de Brezé , Grand- Maître
des Cérémonies , en furvivance du Marquis
de Dreux , fon pere , & par M. Defgranges
, Maître des Cérémonies. Ils furent
préfentés à S. M. par le Duc du Maine
, Gouverneur de la Province , & par
le Comte de S: Florentin , Secretaire
d'Etat. La Députation étoit compofée de
l'Evêque d'Alet pour le Clergé , du Comte
de Lordat pour la Nobleffe , de Mrs de
Lauzieres & Verot pour le Tiers Etat &
de M. Joubert , Syndic General de la
Province. Le même jour , les Etats de
Languedoc curent l'honneur de complimenter
Mefdames de France.
Le 17. le Corps de Ville , le Duc de
Gêvres , Gouverneur de Paris , étant à
la tête , eut à Verfailles Audience du Roi
avec les cérémonies accoûtumées . Il fac
Hoy pre1880
MERCURE DE FRANCE.
préfenté par le Comte de Maurepas , Secretaire
d'Etat , & conduit par le Mar
quis de Brezé & par M. Defgranges . Mrs
Remy , Notaire , & le Roy , Marchand ,
nouveaux Echevins , prêterent entre les
mains de S. M. le Serment de fidelité >
dont le Comte de Maurepas fit la lecture.
Le Scrutin ayant été prefenté par M. de
Meliand , Confeiller au Parlement , qui
parla avec beaucoup d'éloquence .
Le même jour , le Corps de Ville eut
l'honneur de rendre ſes reſpects à la Reine
& à Mefdames de France.
>
Le 18 vers les fix heures du foir , le
Roi partit de Verfailles pour aller à Fontainebleau
, où S. M. doit faire quelque
féjour.
M.Le Sachet , PremierCommis duComte
de S. Florentin , Secretaire d'Etat , a été
fait Chevalier de l'Ordre de S. Michel.
A propos de quoi nous inferons ici
le nouveau Réglement que le Roy , Chef
& Souverain Grand- Maître des Ordres
de S. Michel & du S. Efprit , veut être
obfervé à l'avenir pour celui de S. Michel.
Sa Majefté s'étant fait reprefenter les Sta
tuts & Ordonnances de l'Ordre de S. Michel
des années 1460 & 1476. confirmés en
1665 par lefquels il eft ordonné que les Chevaliers
dudit Ordre s'affembleroient pour te
nir
A OUT. 1728. 1881
nir Chapitre , dans une Salle des Cordeliers de
Paris , auquel Chapitre préfideroit un Chevalier
, Commandeur des Ordres du Roy , qui
feroit à cet effet commis par S. M. & en fon
abfence le plus ancien Chevalier de S. Michel ;
& après la Grande Meffe célebrée , être dans
ledit Chapitre propofe les Réglemens neceffaires
à l'effet de maintenir , conferver & accroître
l'Ordre dans l'honneur & laDignité convenable.
Vû auſſi par S. M. la Déclaration du 9.
Septembre 1665. par laquelle l'Affemblée des
Chevaliers de S. Michel , qui devoit être le 29 .
Septembre , conformement aux anciens Statuts
, eft fixée au 8. May de chaque année
Fête de l'Apparition de S. Michel : & le Roy
étant informé que depuis plufieurs années lefdits
Chevaliers ne fe font point affemblés , &
que la célebration des Meffes & Services n'eft
point executée ; à quoi voulant pour voir , &
que les Statuts des Rois , fes prédeceffeurs
foient inviolablement obfervés : S. M. de l'avis
des Chevaliers & des Commandeurs , Of
ficiers de fes Ordres , a ordonné qu'à l'avenir
:
2
>
I. Les Statuts & Ordonnances du Roy
Louis XI. des années 1469. & 1476. & ceux
du feu Roy des 12. Janvier & 9. Septembre
1665. feront executés felon leur forme & teneur.
II. Tous les Chevaliers de l'Ordre de S.Michel
affifteront en corps chaque année en habit
convenable > & le grand Cordon noir ondé
par deffus l'habit en écharpe , le 8. May ,
Fête de l'Apparition de S. Michel , en l'Eglife
des Cordeliers de Paris , pour y entendre la
Grande Meffe qui fera célebrée folemnellement
pour S. M. Chef & Souverain , & les
Chevaliers & Officiers vivans ; & en cas
H vj d'em-
2
1882 MERCURE DE FRANCE:
d'empêchement , tel autre jour qui fera re
glé par le Chevalier Commandeur des Ordres ,
Commiffaire de S. M.
III. Lefdits Chevaliers affifteront pareillement
en ladite Eglife le premier Lundy de
l'Avent de chaque année , au Service & à la
Meffe qui feront celebrés pour le repos des
ames des Rois , Chefs & Souverains , des
Chevaliers & Officiers décedés ; à l'égard de
ceux qui ne pourront y affilter pour caufe de
maladie , ou de leur abfence , ils chargeront
un de leurs Confreres d'apporter leurs excufes
au Chapitre : & fi quelqu'un d'eux , ou Officiers
dudit Ordre decedoit , la famille en informera
le Commandeur , Prevôt , Maître des
Ceremonies des Ordres du Roy , pour en faire
part aux Chevaliers par le Heraut , dans le
premier Chapitre qu'ils tiendront après ce décès
arrivé.
IV. Lefdits Chevaliers , après la Meffe &
les Services fixés par le prefent Réglement ,
s'affembleront en Chapitre dans une Salle du
Convent defdits Religieux Cordeliers , pour
veiller à l'execution des Statuts & Ordonnances
, & propofer les moyens neceffaires à l'effet
de maintenir & accroître l'honneur & la
Dignité de l'Ordre.
V. Des déliberations faites dans leſdits Chapitres
, qui feront fignées par le Prefident &
les Chevaliers , fera tenu Regifre par celui
qui fera commis par le Commandeur - Secretaire
des Ordres de S. M. & ce Regiftre , à la
fin de chaque année , lui fera remis en Origi
nal avec les Piéces & Titres Originaux , pour
être déposés dans les Archives des Ordres du
Roy.
V. Le Commandeur- Prevôt , Maître des
Ceremonies des Ordres du Roy , réglera la
Marche,
A OUT. 1728. 18835
Marche , les Rangs , Séances , & tout le Cérémonial
, & chargera le Heraut & l'Huiffier de
tenir la main à l'execution , fi mieux n'aime y
commettre : auquel cas il en joindra toujours
au Heraut & à l'Huiffier de s'y rendre , poury
remplir les fonctions de leurs Charges , &
executer ce qui pourra leur être prefcrit par
le Chevalier - Commandeur des Ordres du Roi,
Commiffaire de S. M.
VII. Le Commandeur Grand- Tréforier des
Ordres du Roi délivrera fa Procuration au
fieur de Barmond , Chevalier de l'Ordre de
S.,Michel , pour recevoir pendant fa vie le revenu
de la Fondation faite par ledit fieur de
Barmond > pour l'execution annuelle des
Prieres fixées par le préfent Réglement , conformement
à ce qui eft porté par le Contrat
de Fondation du 14 Avril 1728. lequel Contrat
figné au nom & par ordre du Roy par le
fieur Abbé de Pomponne , Commandeur-
Chancelier , & Sur- Intendant des deniers des
Ordres de S. M. le Roy veut être executé fe-
Jon fa forme & teneur.
VIII: La Recette & dépenfe des arrerages
de ladite rente feront employées dans les
Grand- Tréforier comptes du Commandeur ,
des Ordres du Roy, & la dépenfe paflée ſur
un Extrait du Regitre des déliberations , dans
lequel fera fait mention de la Célebration defdites
Meffes & Services , & de la diftribution >
qui doit être faite après lefdites Aſſemblées
aux Chevaliers & Officiers préfens , des Médailles
fpecifiées dans ladite Fondation , & fur
un Etat certifié par ledit fieur de Barmond
des frais defdites Mefles , Services & Mér
dailles. Fait à Verſailles le 25. Avril 1728. Signe
, Louis . Et plus bas , Phelypeaux.
Le:
1884 MERCURE DE FRANCE.
Le 22. de ce mois , l'Abbé de la Vieuxville
, Evêque de Bayonne , fut Sacré
dans l'Eglife Cathedrale de Meaux , par
le Cardinal de Biffy , affifté de l'Evêqué
d'Angers & de l'Evêque d'Europée
Coadjuteur de l'Evêque d'Orleans .
Le 24. M. Schefted , Ambaffadeur
Extraordinaire & Plénipotentiaire du Roi
de Dannemarck, au Congrès de Soiffons,
eut une Audience particuliere du Roi à
Fontainebleau , à laquelle il fut conduit
par le Chevalier de Sainctor , Introducteur
des Ambaffadeurs .
Le 25. Août , jour de la Fête de faint
Louis , Roi de France , l'Académie Françoife
la folemnifa felon fa coûtume , dans
la Chapelle du vieux Louvre. M. Beaujard
, Chefcier de S. Germain Lauxerois®,
célebra la Meffe , pendant laquelle on
chanta un fort beau Motet en Mufique, de
la compofition du freur Dornel. Après la
Meffe , M. l'Abbé de la Paufe , Prédicateur
du Roi , prononça le Panegirique de
S. Louis , avec beaucoup d'éloquence .
Le même jour , l'Académie Royale des
Belles -Lettres , & celle des Sciences , fo-
Iemniferent auffi la Fête du même Saint
dans l'Eglife des Peres de l'Oratoire . II
y eut pendant la Meffe un Motet chanté
en Mufique , de la Compofition du fieur
du Bouffet , après laquelle l'Abbé Aulanier
,
A OUT 1728. 1885
nier , Prédicateur du Roi , prononça fort
éloquemment le Panegirique de S. Louis.
L'Efcadre des Vaiffeaux & des Galeres
du Roi , commandée par M. de Grandpré
, Chef d'Eſcadre , qui étoit arrivée
le 17. Juin dans la Rade de Tunis , en eſt
partie le 8. Juillet , après que le Bey a
eu donné toutes les fatisfactions qui lui
ont été demandées au fujet des infractions
faites aux Traités de Paix par quelquesuns
de fes Capitaines & fujets. Il a fair
châtier exemplairement ceux qui les ont
commiſes , & reftituer en argent les
dommages qu'ils ont caufés , foit aux
Vaiffeaux François , foit aux Bâtimens
Errangers navigant fur les côtes de France
, aufquels la réparation en fera faite
au retour de l'Efcadre de S. M. Ila auffi
rendu tous les Efclaves François pris fous
Pavillon Etranger , & les Etrangers pris
fous Pavillon du Roy , & il y a ajoûté
par forme de réparation , vingt autres Ef
claves Catholiques de toutes Nations ,
que S. M. renverra dans leur Pays , en
leur faifant fournir ce qui leur fera neceffaire
pour y retourner.
Le 15. de ce mois , Fête de l'Affomption
de la Vierge , le Roy vêtu du grand
Collier de l'Ordre du S. Efprit , entendit
La Meffe dans la Chapelle du Château de
Verfailles , & S. M. communia par les
mains
1886 MERCURE DE FRANCE.
mains du Cardinal de Rohan , Grand
Aumônier de France ; enfuite le Roy
toucha un grand nombre de malades .
L'après -midy S. M. accompagnée du Duc
d'Orleans & du Prince de Conty , affifta
aux Vêpres & à la Proceffion .
Le même jour , la Proceffion folem.
nelle de l'Eglife Métropolitaine , qui ſe
fait tous les ans à pareille jour , en execution
du Vou de Louis XIII. fe fit à
Paris avec les céremonies ordinaires . Le
Parlement , la Chambre des Comptes , la
Cour des Aydes , & le Corps de Ville y
affifterent en la maniere accoûtumée . Il
ſe fait à peu près dans le même temps
Paris une autre Proceffion dont on n'a
jamais parlé , & dont le Public fera
être bien aile d'être inftruit.
peutà
MEMOIRE fur la grande Confrerie
de Notre- Dame aux Seigneurs , Prêtres
& Bourgeois de Paris , & c.
Cat
Ette Confrerie eft une des plus anciennes
& des plus illuftres Affemblées Chrétiennes
du Royaume. Elle doit fon origine à quelques
pieux Ecclefiaftiques & à quelques Bourgeois
de Paris , qui firent entre eux une espece
de Congrégation de 72. perfonnes , lefquelles,
à l'imitation des 72. Difciples , faifoient profeffion
d'être plus particulierement attachez au
divin Auteur de notre juftification. Le bruit
des vertus de ce petit Troupeau s'étant bien-
τός
A OUT. 1728. 1887
tot répandu , plufieurs perfonnes confiderables
eurent de l'empreffement pour être reçûs dans
cette Societé , & les Rois mêmes furent bienaifes
d'en être. Philippe- Augufte , S. Louis ,
Philippe le Bel , Charles V. & le feu Roy
Louis XIV. de glorieufe mémoire , y ont laiffé
des marques de leur pieufe liberalité.
Elle eft compofée d'Ecclefiaftiques & de
Laiques , & elle a deux Dignitez principales ,
fçavoir , celle d'Abbé & de Doyen. S. E. M. le
Cardinal de Noailles , Archevêque de Paris ,
remplit la premiere , comme ont fait plufieurs
de fes Prédeceffeurs , & M. le Premier
Préfident du Parlement , la feconde. Il y a enfuite
un Prieur , qui eft aujourd'hui M. Goulard
, Archidiacre & Chanoine de l'Eglife de
Paris . Il y a auffi un Receveur qui reçoit le
revenu de la Confrerie & un Greffier , qui
rédige les déliberations du Bureau , où il fe
trouve tous les Mardis 16 ou 18. perfonnes
choifies de tous les Ordres , du nombre des
Confreres , pour réfoudre ce qui fe prefente
de plus important.
Trente Ecclefiaftiques , Confreres , font tous
les jours de l'année le Service dans plufieurs
Eglifes de Paris , & particulierement en celle
de fainte Magdelaine de la Cité, où l'on celebre
folemnellement la Meffe toutes les Fêtes de la
Vierge.
Cette Confrerie , dans laquelle fe font rece
voir les Chanoines de l'Eglife Métropolitaine
& les Curez de Paris , a des Titres fort anciens
& une Cenfive dans la Ville & les Fauxbourgs.
L'Auteur des Antiquitez de Paris , dit que fes
Statuts furent renouvellez en 1469. environ
30c. ans après fon Inftitution. Le Roi S. Louis
la dota de plufieurs heritages en 1258. auffibien
que le Roi Philippe IV. en 1293. Tous
lea
1888 MERCURE DE FRANCE.
les ans les Confreres font une Proceffion folem
nelle dans l'Octave de la Fête de l'Affomption ,
en une des Eglifes qu'ils choififfent , & tous les
Ecclefiaftiques ont droit d'y porter l'Etolle . On
ỳ fait des Prieres pour le Roi , pour toute la
Famille Royale , pour la profperité du Royaume
& pour la confervation de la Ville de Parisa
Le Roi cut à Fontainebleau le jour de
la S. Louis , pendant fon diné , une gran
de Symphonie , compofée & conduite par
M. de Blamont , Surintendant de la Mufique
de S. M. Elle fut executée par tous
les Inftrumens de fa Mufique , qui ont
eu l'honneur de la fuivre . Les Haut-Bois
des Moufquetaires , qui avoient été mandez
, s'y joignirent & l'execution
fut pare
faite : ce font les vingt- quatre qui jouent
ordinairement ce jour - là devant le Roi ;
lorfqu'il n'eft point en campagne. Le foir,
S. M. entendit pendant une partie de fon
foupé, les fieurs Danguy & Charpentier,
P'un jouant de la Vielle , & l'autre de la
Muzette , dont ils s'acquitterent parfaitement
bien ; ils donnerent toute forte d'Airs
de differens Auteurs .
Le 27. de ce mois , a été recû Confeiller
au Parlement de Paris , & dans
une Commiflion aux Requêtes du Palais,
M. Jean- Bonaventure Lelay , Chevalier ,
Seigneur de Guebriant , fils de Jean - Bonaventure
Lelay , Seigneur de Villemaré ,
du Pledis - Lelay , de Guebriant , &e.
2
4
LieuA
OUT. 1728. 1889
Lieutenant de Mrs les Maréchaux de
France en Bretagne , originaire de la même
Province , d'une Nobleffe de très- ancienne
extraction , bien marquée dans les
Hiftoires dès le 13 fiecle . Le 6. Mars
1711. Germain Lelay , un de fes fils ; fut
auffi reçû Confeiller au même Parlement .
Il mourut en Italie le dernier de Décembre
1715. revenant de voyager dans les
Cours de l'Europe , avec l'agrément da
Roy.
BENEFICES DONNEZ.
L'AbbayedeGraiftain , Ordre de S.Benoît,
Diocèle de Lizieux , vacante par le décès
de M. de Levi , dernier Titulaire , a été donnée
à M. le Berceur de Fontenay , Prêtre du
Diocèfe de .... & Aumônier
ordinaire de la Reine , à la charge d'une penfion
de 300. livres pour M. Damoifet , Prêtre
Curé de Trun , Diocèfe de Séez .
Le Prieuré de Royalpré , Diocèſe de Lizieux
, Ordre du Val - des - Choux , fous la Regle
de S. Benoît , vacant par le déc's de
M. Dupuy , en faveur de M. Jacques- Charles
de Heudey de Pommainville , Prêtre du Diocèfe
de Séez à la charge de 2000. livres de
penfion ; fçavoir , 1500 liv. à M. Remy de
Sautereau , Clerc Tonfuré du Diocèfe de Grenoble
, & eo liv. à M. Henry Lucas , Prêtre
du Diocèfe de Paris.
>
L'Abbaye Commandaraire de S. Jean d'Angely
, Ordre de S. Benoît , Diocèse de Saintes' ,
vacante par le décès du dernier Titulaire , en
faveur de l'Abbé de Pezé , Prêtre du Diocèſe
du
1890 MERCURE DE FRANCE .
du Mans , & Aumônier de S. M. à la charge
de 1800. liv . de penfion , en faveur de M. Jean-
Baptifte de Caltelänne , Diacre du Diocèfe de
Poitiers.
L'Abbaye de Ferrieres , Ordre de S. Benoît ,
Diocèfe de Poitiers , vacante par le décès de
M. Ballon , dernier Titulaire , en faveur de
M. Pierre Jacques de la Boifiere , Prêtre du
Diocèfe de Bayonne,
L'Abbaye de Belle -Etoille , Ordre de Prémontré
, Diocèle de Bayeux , vacante par le
décès de M. de Villelongue , dernier Titulaire ,
en faveur de M. Jean - Gedeon Thinet d'Armouville
, Clerc Tonfuré du Diocèfe de Paris
& Chevalier Clerc de l'Ordre Militaire de
S. Louis.
L'Abbaye de N. D. de Chartres , Ordre de
S. Auguftin , Diogèfe de Saintes , vacante par
le décès du dernier Titulaire , en faveur de
M. de Beingues.
L'Abbaye Reguliere de S. Leger,Ville & Diocèfe
de Soiffons , Ordre de S. Auguftin , vacante"
par le décès du Pere Colas , dernier Titulaire ,
en faveur du Pere Antoine - Mathurin Niceron,
Prêtre, Chanoine Régulier de la Congrégation
de fainte Geneviève , à la charge de 400 liv. de
penfion pour le fieur Vicaire , Prêtre & Curé
de faint Etienne de Caën .
L'Abbaye de Montreuil , Ordre de Cîteaux,
Diocèle de Laon , vacante par le décès de la
Dame de Beaufort , en faveur de Dame Marie
Angelique Louife . Eugenie d'Estampes , Religieufe
Bernardine .
L'Abbaye de Fontaine-Jean , Ordre de Cîreaux
, Diocèſe de Sens , à l'Abbé Mehée
d'Auqueville..
MORTS
A OUT. 1728. 1891
MORTS, MARIAGES
Mc
·
R Pierre - Philippe Jacques de Vitry ,
Chevalier, Seigneur de Dorcher, mourug
â Paris le 25. Juillet , âgé de 44. ans , 11 mois,
François Rouxel de Medavy , Marquis de
Grancey , Lieutenant General des Armées du
Roi & Gouverneur des Villes & Citadelles de
Dunkerque , mourut le 30. Juillet , ne laiffant
point d'enfans de for mariage avec Dame N.
de Bethune , fille de Louis Comte de Bethune ,
Brigadier des Armées du Roy , Gouverneur
de la Ville & Château de Romorantin , & c.
& de Dame N. de Harcourt , foeur du feu Maréchal
Duc de Harcourt. Rouxel de Médavy ,
& c. porte d'Argent à trois Cogs couronnez de
gueules , deux & un.
Dame Geneviève - Philippe Pietre , veuve de
Charles , Comte d'Aubigné , Chevalier des
Ordres du Roy , Gouverneur pour S M du
haut & bas Berry , mourut à Paris le 4. de ce
mois , âgée de 66. ans.
Martin de Morvilliers , de la Paroiffe d'Hefcamps
, Diocèse d'Amiens , y mourut le 9.
ce mois dans fa 110e année.
de
Jean - Armand Dulan , Chevalier , Comte
Dattemand , mourut le 14. Août , âgé d'envi-
Ion 15. ans.
M. François Hebert , Evêque & Comte d'Agen
, mourut à Paris le 20. du même mois ,
âgé de 78. ans.
Le même jour , Louis- François de Rouxel
de Medavy , Comte de Grancey , Chef d'Efcadres
des Armées Navales de Sa Majefté , mourut
à Paris , âgé de 61 ans & demi .
Le 13. Juillet , Guy Michel de Durford de
Lor1892.
MERCURE DE FRANCE .
Lorges , Duc de Durfort , Meftre de Camp de
Cavalerie , fils mineur, âgé de 23. ans , de Guy
de Durfort , Duc de Lorges , Comte de Quintin
, & de Dame Elizabeth- Genevieve de Chamillart
, époufa Dame Elizabeth- Philippine de
Poitiers , fille mineure de Ferdinand de Poitiers
, de Rye & d Anglure , Comte de Poitiers
& de Neuf- Châtel , & c . & de Dame Marie-
Geneviève Henriette Gertrude de Bourbon, de
Melauze , Marquife de Montpezat , Comteffe
Douairiere de Poitiers. Le Celebration de ce
Mariage fut fait avec beaucoup de folemnité
& en prefence d'un grand nombre de perfonnes
de qualité.
On a parlé tant de fois dans differentes occafions
de l'ancienne & illuftre Maifon de Durfort
qui tire fon origine des anciens Cadets de la
Maifon de Foix , que nous ne repeterons point
ici ce qui a déja été dit fur fon illuſtration ;
c'eft une des meilleures de Gascogne , & qui a
de plus grandes alliances.
Celle que le Duc de Lorges vient de faire , en
mariant le Duc de Durfort , fon fils ainé , avee
Me de Poitiers , n'eft pas moins confiderable ,
tant par la naiffance que par les grands biens de
cette Dle,qui jouit à prefent enFranche - Comté
de soooo.liv de rentes dans les plus belles Terres
du Royaume , & 25000. liv . de rentes qui lui
reviendront encore après la mort de la Comteffe
de Poitiers fa mere.
Tout le monde fçait que les Comtes de Poitiers
ont toujours été regardez comme les plus
grands Seigneurs de Franche- Comté , par l'ancienneté
de leur naiſſance , ainfi l'on peut dire
que jamais Mariage n'a été mieux afforti.
Les nouveaux Epoux étoient déja fort proches
parens , la grande- mere de la Comteffe de
Poitiers , étant foeur de feu Mrs les Maréchaux
de Lorges & de Duras.
Le
1
"
A OUT. 1728. 1893
Le Lundi 12. Juillet dernier , les plus proches
parens du Duc de Lorges , qui font
Mrs de Duras , de Bouillon , de la Trimouille
& de Roucy , furent invitez de le trouver à s ,
heures après midi à l'Hôtel d'Evreux , Fauxbourg
S. Honoré , que le Duc de Lorges avoit
emprunté du Comte d'Evreux pour y celebrer
le Mariage , fon Hôtel étant trop petit pour y
pouvoir contenir les tables neceffaires pour la
quantité de Seigneurs & de Dames qui y
étoient invitez.
A l'heure marquée on commença parla
fignature du Contract , après laquelle la Mufique
, placée dans un Sallon , ie fit entendre,
Les Seigneurs & Dames allerent s'y placer ,
à l'exception de ceux qui aimerent mieux refter
dans les autres Apartemens , où il y avoit
differentes tables de jeux,
Le fieur Mouret , très habile Muficien , que
le Duc de Lorges avoit chargé du foin de la
Mufique, avoit choifi plufieurs beaux morceaux
de differens Opera , qui furent executez dans
la derniere perfection par les meilleurs Acteurs
& Actrices de l'Opera , fur tout les Diles
Antier & Hermens s'y diftinguerent d'une maniere
à charmer tous les Auditeurs . La Mufique
finit par un Choeur du Balet de l'Europe
Galante , dont voici les paroles :
Tendres Amans , raffemblons - nous ,
Dans ces lieux que l'Ameur apprête ;
Quel plaifir peut être plus doux ?
S'il fe trouve ici des jaloux ,
L'Amour ne les amene que pour les tromper
tous,
Après
1894 MERCURE DE FRANCE .
Après le Choeur , l'on entendit fous les fenêtres
dans le Jardin , un Tambourin , fuivi d'une
troupe de Mafques,danfans le long de la Terraffe.
Cette Troupe entra dans le grand Sallon &
compofa un Balet charmant , qui fut fuivi de
quantité de danfes les plus brillantes que le
fieur Blondy , chargé du foin du Balet , fit executer
par tout ce qu'il y avoit de meilleurs
Danfeurs & Danfeufes de l'Opera. Les D les
Camargo & Sallé s'y furpafferent , toute la
Compagnie en fut enchantée , ainfi que des
fieurs Blondy , du Moulin & Laval .
Le Comte de Duras & le Chevalier de Lorges
, danferent auffi plufieurs Entrées , qu'on
trouva très- bien pour leur âge. Le Balet finit
par une contre-danfe de tous les Maſques , au
fon du Tambourin. Cette legere Troupe fortit
en danſant par la même porte, & laifla dans
un contentement parfait toute l'illuftre Affemblée
, qui fut auffi agréablement qu'inopinément
furpriſe de voir tout d'un coup le beau
Jardin de l'Hôtel d'Evreux illuminé de la maniere
la plus ingenieufe & la plus galante.
Ce fpectacle admirable attira pendant route
la nuit dans les allées du Roule & des Champs
Elifees, une quantité prodigieufe de Carroffes ,
dont la multiplicité des flambeaux , dans leurs
mouvemens lents ou rapides , qu'on voyoit au
travers des arbres , faifoit un nouveau fpectacle
des plus finguliers. Il fembloit que le tems
avoit pris plaifir à donner un nouvel éclat à
cette magnifique Fête , par le calme qui regnoit
dans une nuit très noire.
A dix heures , le fieur Gondart , ancien &
fameux Maître - d'Hôtel de feu M. le Premier
Prefident de Mefmes , que le Duc de Lorges
avoit charge de l'ordonnance du Feftin , vint
avertir qu'on avoit fervi . A l'inftant quatre
grandes
A OUT. 1728. 1895
grandes Arcades , qui donnent dans une Salle
magnifique , s'ouvrirent , & on la trouva iuperbement
éclairée. Il y avoit au milieu une
table en long de vingt- cinq couverts ; la magnificence
du fervice & de la vaiffelle furprit
extrémement , ily eut double fervice d'Entrées ,
& d'entre-mets ; les meilleurs Cuifiniers de
Paris s'y furpafferent par des Ragouts nouyeaux
, & d'un gout exquis; & les Officiers les
imiterent pour la fomptuofité & la délicateffe
dú Deffert, & c . Mais l'impatience que le Duc de
Lorges avoit de conduire les nouveaux Mariez
à l'Eglife , & de voir la derniere conclufion
d'une alliance qu'il y avoit fi long- temps
qu'il defiroit , empêcha que l'on ne vit une
des plus belles chofes & des plus fingulieres
de ce fuperbe Feltin ; c'étoit tout un Service
de Sorbet glacé , reprefentant toutes fortes de
Fruits , & dans lefquels tous les gouts étoient
flatez . On ne donna pas le temps de les fervir ,
le Duc de Lorges ayant prié les Convives
d'abreger. Ce Service qui étoit entierement
de la faifon , car il faifoit fort chaud , fut abandonné
à la foule du monde qui avoit été attiré
pour voir la Fête , & que les Suiffes n'avoient
pû refufer; deforte qu'il y eut plus de 2000 .
perfonnes dans le Jardin & dans l'Hôtel , qui
trouverent , non feulement de quoi le rafraîchir
en Liqueurs de toute efpece , mais bien
plus , il fe forma quantité de tables fucceffivement
, les unes plus , les autres moins nombreufes
, dans l'Hôtel & dans le Jardin , ce qui
reprefentoit en quelque façon aux yeux , une
Comedie pleine de Scenes vives & picquantes
après une pompeufe & grave Tragedie , à quoi
on avoit pû comparer le grand Repas .
Les Dies de l'Opera , qui avoient une t ble
ticuliere dans une des Pieces attenant le grand
I Sallon
1896 MERCURE DE FRANCE.
Sallon , donnerent un nouveau plaifir en chan
tant plufieurs Airs à boire , qui charmerent
tout le monde.
Le Feu d'artifice commença auffi- tôt qu'on
fut forti de table , & il fut auffi galant & aufli
bien imaginé que le refte de la Fête , qui fut
par- la très agréablement terininée , l'Artificier
ayant inventé plufieurs Pieces nouvelles qu'on
n'avoit point encore vues ; entr'autres un
Combat de Dragons , qui fit un plaifir infini
A deux heures du matin on conduifit les
nouveaux Maricz à l'Eglife de S. Rech , que
Pon trouva toute illuminée . Deux Pries Dieu
étoient preparez au bas du Maître Autel pour
les Mariez.
L'Evêque de S. Brieux , ami du Duc de Lorges
, voulut lui en donner une marque , en faifant
la Celebration du Mariage, qu'il commença
par un beau Difcours adreffé aux jeunes
Mariez.
La Ceremonie finie , on les conduifit à l'Hôtel
de Lorges , qui étoit auffi entierement illuminé;
on fit mettre la jeune Ducheffe à fa
Toilette , dans l'Appartement de la Ducheffe
-de Lorges, fa belle mere, qu'elle lui avoit cedé;
& le temps que dura la Toilette ne fut pas
le moins gai de la Fête , s'il en faut juger par
les éclats de rire des Dames qui y affifterent.
Du affure que la nouvelle Duchelle de Durfort
, âgée feulement de 12. ans , qui raflemble
toutes les vivacitez de l'enfance & toutes les
graces de la jeuneffe , y tint des difcours trèsnaits.
Le lendemain , tous les Seigneurs & Dames
vincent à la Toilette de la Mariée ; on alla enfuite
à Paffy , à la Maifon de Campagne de la
Ducheffe de Lauzun , foeur du Duc de Lorges ,
qui donna le Lendemain de la Nôce.
MARIAGE
A QUT. 1728. 1897
MARIAGE du Duc de Bourbon aves
la Princeffe de Hoffe -Rhinfels .
L'
'Illuftre Maifon de Heffe eft divifée
en plufieurs Branches : Heffe- Caffel ,
Heffe- Khinfels , Heffe- Darmſtadt , Heſſe-
Hombourgs , &c . L'ainé de cette Maifon
eft N. Landgrave de Heffe - Caffel , pere
de Frederic 1. Roy de Suede , à préfent
regnant.
•
La Princeffe Caroline , aujourd'hui
Ducheffe de Bourbon , née le 18. Août
1714. eft la troifiéme fille d'Erneft - Leopold
, Landgrave de Heffe - Rhinfels
né le 25. Juin 1684 , & d'Eleonore- Marie-
Anne de Loweſtein , née le 22. May
1688. dont la Famille eft compofée du
Prince Jofeph , fils aîné , né le 23. Septembre
1705.
De la Princeffe Polixene - Chriftine .
Jeanne , époufe du Prince de Piémont
née le 21. Septembre 17 06 .
>
Alexandre François , né le 8. Decembre
1710.
Eleonore-Philippine , née le 1o . Octo .
bre 1712.
Conftantin , né le 2 1. May 1716 .
Chriftine Henriette , née le 24. Novembre
17 17.
-
M. de Fortia , Confeiller d'Etat , char-
I ij gé
1898 MERCURE DE FRANCE.
grave
gé des pouvoirs du Duc de Bourbon ;
étant arrivé à Rotembourg , où le Landde
Heffe - Rhinfels fait la réfidence ,
le 27. du mois de May dernier , il fut
complimenté de la part de ce Prince par
le Baron de Bouchenau , Confeiller Intime
, lequel l'alla prendre le lendemain
dans les Caroffes de la Cour , & le conduifit
à l'Audience du Landgrave , qui le
reçut très - favorablement . M. de Fortia ,
allant à Rottembourg , paffa à Darmſtad ,
où ilcomplimenta le Landgrave Darmftadau
, au fujet de ce Mariage. Le 29. & le
30. on dreffa les Articles du Contrat de
Mariage , & c.
Le Comte de Matignon , Chevalier des
Ordres du Roi , nommé par S. M. pour
fe rendre auprès du Landgrave & de la
Landgrave de Heffe- Rhinfels , à l'occafion
du Mariage du Duc de Bourbon
avec la Princeffe , leur fille , arriva le
23. Juin il eut Audience le lendemain
& partit deux jours après , s'étant acquitté
dignement de fa commiffion , & ayant
reçû tous les honneurs dûs à fon caractere .
Le Contrat de Mariage du Duc de Bourbon
avec cette Princeffe , fut figné à Rotembourg
fur fulde , le 26. Juin , par
M. de Fortia.
Le lendemain , le Prince Alexandre de
Heffe- Rhinfels , à qui le Duc de Bourbon
avoi
A OUT. 1728. 1899
ávoit envoyé la procuration , époufa la
Princeffe , fa foeur . La céremonie fut faite
par
& il y eut à Rottembourg pendant plufieurs
jours des réjouiffances & des fêtes
éclatantes au fujet de cet augufte Mariage
.
Le Vicomte de Tavanes , Chevalier des
Ordres du Roy , Premier Gentilhomme
de la Chambre du Duc de Bourbon , arriva
à Rottembourg le 30. pour complimenter
la nouvelle Ducheffe de Bourbon
le Landgrave & la Landgrave de Heffe-
Rhinfels , & c.
Le 2. Juillet , la Ducheffe de Bourbon
partit de Rottembourg dans les Caroffes
du Landgrave , fon pere , avec une nombreufe
fuite , accompagnée du Prince
Alexandre , fon frere , & de plufieurs Dames.
Elle arriva le s . à Mayence , où la
Princeffe , Doüairiere de Naffau Uzingen
, qui étoit partie de Francfort le méme
jour , la reçût . Le Vicomte de Tavanes
partit de Rottembourg le même jour ,
Juillet pour Caffel , pour complimenter
de la part du Duc de Bourbon le Landgrave
de Heffe-Caffel , comme Chef de la
Maiſon.
2 .
Le 8. la Princeffe arriva à Landau au
bruit d'une triple Salve de Canon , ayane
été reçûë à quelque diftance par le Com .
I iij man1900
MERCURE DE FRANCE .
mandant de la Place . S. A. S. en partit
le 1 o . pour Strafbourg , où elle arriva le
même jour , au bruit de plufieurs Salves
de l'Artillerie , & avec les honneurs accoûtumés
. Elle fut complimentée de la
part du Duc de Bourbon , par le Vicomter
de Tavannes , Chevalier des Ordres du
Roy , qui préfenta à Madame la Ducheffe
les Dames qui doivent être auprès d'elle ,
& les Officiers deftinés à la fervir.
Le 12. cette Princeffe partit de Strafbourg
dans les Equipages du Duc de
Bourbon , & continua fa route par Saverne
, Mets , & c .
Le 21. Juillet , la Ducheffe de Bourbon
Douairiere , arriva après midy au Château
de Sarri , Maifon de plaifance de
l'Evêque Comte de Châlons , fituée à
une lieuë de cette Ville. Le Duc de Bourbon
, le Comte de Charolois & le Comte
de Clermont y arriverent le foir.
Le 22. après midy , la Ducheffe de
Bourbon arriva à Notre Dame de l'Epine ,
Village à deux lieuës au - delà de Châlons ,
efcortée par un détachement du Régiment
Dauphin , Dragons , à la tête duquel étoient
trois Capitaines ; le Marquis de Vaffé qui
en eft Meftre de Camp s'y trouva. A quelque
distance de cet endroit , la Ducheffe
de Bourbon , Doüairiere , le Duc de
Bourbon , le Comte de Charolois & le
Comte
AOUT. 1728 ngor
Comte de Clermont , qui étoient montés
en Caroffe pour aller recevoir cette Princeffe
, mirent pied à terre , & dans le moment
la Ducheffe de Bourbon defcendit
de fon Caroffe avec le Prince Alexandre ,
fon frere , la Marquife de Carman , fa
'Dame d'Honneur , la Comteffe d'Aubeterre
& la Marquife de Rouflillon , fes
Dames de compagnie . La Ducheffe de
Bourbon vint faluer la Ducheffe de
Bourbon , Douairiere ; le Duc de Bourbon
, le Comte de Charolois , & le Comte
de Clermont & quelques autres Seigneurs
eurent auffi l'honneur de la faluer
, étant préfentés par la Ducheffe
Douairiere de Bourbon. Enfuite le Duc
& la Ducheffe de Bourbon monterent
dans le Caroffe de la Ducheffe de Bourbon
, Douairiere , & ils arriverent vers
les fix heures du foir à Sarri , où l'Evê--
que de Châlons les reçût avec beaucoup
de magnificence.
Toute cette illuftre Compagnie fut
dans l'admiration des graces , de la beauté
, des manieres nobles & engageantes ,
& de l'efprit de la jeune Ducheffe de
Bourbon , qui n'a pas encore 14. ans accomplis
.
Le Duc de Bourbon remercia les Trou
pes , & retint le Marquis de Vaffé à fouper
il fit donner une épée d'or au Capi-
I iiij taine
1902 MERCURE DE FRANCE.
taine qui commandoit le Détachement ,
& une Tabatiere d'or à chacun des deux
autres Capitaines. On fit diftribuer auffi
une gratification à chaque Dragon . On a
exercé la même generofité , par les ordres
du Duc de Bourbon , à l'égard des autres
Troupes qui fe font trouvées fur le paffage
de la Ducheffe de Bourbon.
Avant le fouper il y eut promenade dans
les agréables jardins de Sarri , & plufieurs
Tables de jeu dans les Appartemens . La
Ducheffe de Bourbon , Douairiere , fit
préfent à la Ducheffe de Bourbon d'un
Collier , d'un Bracelet & de Boucles d'oreille
d'un très-grand prix . On fe mit à
table à dix heures. Ce repas fut des plus
fomptueux.
Vers les deux heures du matin , M. de
Tavannes , Evêque de Châlons , en habits
Pontificaux , donna la benediction
Nuptiale aux Auguftes Epoux dans la
Chapelle de Sarri , & prononça un trèsbeau
Difcours. La Meffe fut célebrée par
M. de Vaux , fon Grand- Vicaire .
La Ducheffe Douairiere de Bourbon ,
le Duc & la Ducheffe de Bourbon , féjournerent
le 23. à Sarri , d'où la Ducheffe
de Bourbon partit le lendemain
pour le rendre à Chantilly.
Elle arriva à Meaux le 27 , & le 28. à
Dammartin , qui appartient au Duc de
BourA
OUT. 1728.
1903
8
Bourbon. Elle fut complimentée fur la
route par le Pere Cavilier , Superieur des
P P. de l'Oratoire du College établi à
Juilli , à la tête de la Communauté , &
fuivi de tous les Penfionnaires au nombre
de plus de 300. dont plufieurs haránguerent
la Princeffe en Latin , en François
& en Allemand ; S. A. S. les reçût trèsgracieuſement.
Les habitans de Dammartin reçurent'
la Ducheffe de Bourbon avec toutes les
démonftrations poffibles de joye & de:
respect.
Le 29. Juillet , la Ducheffe de Bour
bon étant partie de Dammartin à deux
heures après midy , M. de Sarobert , Capitaine
de Chantilly , avec fon Lieutenant
& 24. Gardes , alla audevant de S. A. S.
jufqu'à une lieuë de Dammartin , & après
avoir été préſenté par la Marquife de Carman
, fa Dame d'Honneur , il conduifit:
la Princeffe par les routes de la Forêt d'Ermenonville
jufqu'à celle de Chantilly , à
l'entrée de laquelle on trouva une Compagnie
de 60. hommes de la Bourgeoifie
de Chantilly , très- leftes & bien montés
, précedés de Timbales , Trompettes
& Haut bois
1
La Ducheffe de Bourbon fut reçûë à
une lieuë & demie de Chantilly par las
la: Ducheffe Douairiere de Bourbon , le
I»y® Due
1904 MERCURE DE FRANCE .
Duc de Bourbon , le Comte de Charo
lois , le Comte de Clermont , Mademoifelle
de Charolois , Mademoiſelle de
Clermont , accompagnés d'un grand nombre
de Seigneurs & de Dames de la premiere
qualité , qui s'étoient rendus au
Château de Chantilly . Cette illuftre &
brillante Compagnie étoit partie en Caroffes
à fix & à huit Chevaux, & partie en
Caleches découvertes .Ce fuperbe & nombreux
Cortege étoit fuivi de tous les Gentilshommes
attachés à la Maifon de Condé,
& de la Nobleffe des environs de Chantilly
, très - bien montés & très- leftes.
Au lieu de la rencontre , tout le monde
mit pied à terre , & après les embraffemens
& quelques momens d'entrevuë , la
Ducheffe de Bourbon monta dans la Caleche
de la Ducheffe de Bourbon Doüairiere
, qui fut ſuivi de tout le Cortege
& on arriva par la Table au Château de
Chantilly , au bruit d'une triple Salve de
toute l'Artillerie.
La Ducheffe Douairiere de Bourbon , conduifit
la jeune Ducheffe de Bourbon , accompagnée
des Princes , Princeffes & de
toute cette fuperbe Cour , dans le grand
Appartement . Elle y reçût tout le monde
avec dignité , avec une douceur & une
affabilité, qui lui gagnerent les coeurs de
Outes les perfonnes qui eurent l'honneur
de
*
C
A OUT. 1728. 1905
de l'approcher : elle témoigna à plufieurs
repriſes fon contentement & fon extrême
fatisfaction.
Il y eut le foir grande illumination au
Château , & on dreffa dans la grande Anti-
Chambre deux Tables de 25. couverts
qui furent fervies avec la plus grande magnificence.
Après le fouper , on mena la
Ducheffe de Bourbon au petit Château ,
dans le nouvel Appartement qu'on lui
avoit préparé , où elle coucha .
Le lendemain , M. de Sarrobert fignala
fon zele & fon attachement par un Fête
auffi galante qu'ingenieufe , elle fut generalement
applaudie. A cinq heures du
foir , une nombreuſe troupe , affemblée
dans la Galerie des Cerfs , diviféc en
fix Quadrilles , fe mit en marche , traverfant
l'Orangerie , pour fe rendre au
Château par la principale porte , dans
l'ordre fuivant.
La premiere Quadrille étoit compofée
de la Compagnie Bourgeoife à pied , avec
leurs Trompettes , Haut-bois , &c . Elle
fut préfentée à la Princeffe par M. de Sarrobert
, qui fit le Difcours fuivant.
MADAME ,
Nous venons témoigner à V. A. S. notre
joye fur fon heureufe arrivée : nos voeux
I vi font vj
19.06 MERCURE DE FRANCE . '
font à moitié accomplis par le Mariage
que vous venez de contracter avec votre
Augufte Epoux. Dien nous faffe la grace
de les voir accomplis par une heureuſe fecondité.
Nous vous reconnoißons , Ma.
dame, pour notre Maîtreffe. Nous vous
ferons fidelement & inviolablement attachés
toute notre vie , avec tout le zele
& le refpect imaginable. Voici le peuple
de ce lieu qui vient vous rendre fes hommages
, & vous préfenter fes petites of
frandes.
Le S. Paquereau , reprefentant le Magifter
de Chantilly , parla en ces termes :
MADAME ,
Les grandes joyes font muettes , ainfi
que les grandes douleurs ; ce n'eft donc
que par leur filence que les habitans de
Chantilly peuvent exprimer la joye qu'ils
reßentent , en apportant leurs hommages
aux pieds de V. A. S. Puiffiés- vous , Madame
, en comblant de bonheur votre Augufte
Epoux, jouir l'un & l'autre pendant
une longue fuite d'années de la felicité la
plus parfaite.
La feconde Quadrille étoit composée
des Bourgeoiles de Chantilly, qui , après
avoir eu l'honneur de faire la réverence
à la Princeffe , lui préfenterent divers Pâtés
2
A OUT. 1728 1907
tés , Gâteaux , Baignets & autres fortés
de pâtifferie de leur façon.
?
Les Jardiniers formoient la troifiéme
Quadrille . Ils avoient à leur tête le fieur
Charpentier , habillé en Jardinier , & le
fieur Dangui , l'aîné , habillé en Payfan ;
l'un jouant de la Mufette , & l'autre de
la Vielle . Le Jardinier de l'Orangerie
offrit dans une Corbeille un fuperbe
Bouquet , entouré de plufieurs autres pluspetits
très -artiftement compofés . Les
autres Jardiniers vinrent enfuite préfenter
leurs offrandes , qui confiftoient , fçavoir
, en fept grandes Corbeilles remplies
de Melons , de Figues , de Bigareaux ,
d'Abricots , de Mures , de Pêches & de
Prunes ; & en douze autres grandes Corbeilles
, remplies d'Oranges , de Citrons ,
de Concombres , d'Artichaux , de Salades
; les deux dernieres étoient rempliesde
toutes fortes de légumes .
Le fieur Charpentier , accompagné par
le fieur Dangui , chanta ces deux Couplets.
On trouvera l'Air du premier , qui
eft du fieur de la Vigne , noté au bas de
la Chanfon gravée , pag. 1839.
Ces enfans des Pleurs de l'Aurore ,
Ces Fruits & ces brillantes Fleurs ,
Rréfens de Pomone & de Flore ,
Cedent
1908 MERCURE DE FRANCE.
Cedent à vos vives Couleurs :
En ces lieux tout vous rend hommage ,
Recevés notre foible encens ,
Et que des plaifirs fans nuage ,
Soyent le partage de vos ans.
Second Coupletfur l'Air du Branle
de Metz .
Dans ces lieux tout vous adore
A vos yeux tout vient s'offrir
Les Fruits font prompes à meurir,
Les Fleurs s'empreffent d'éclore.
Fruits charmans , aimables Fleurs ,
Renaiffés à chaque Aurore ,}
Fruits charmans , aimables Fleurs ,
Secondés nos tendres coeurs.
Vingt -quatre jeunes filles de Chantilly
habillées de blanc , ornées de Bouquets &
de Guirlandes de fleurs naturelles , tenant
des feftons de fleurs , formoient la
quatriéme Quadrille . Elles avoient à leur
tête le fieur de la Vigne en Berger , jožant
de la Mulette. La premiere chanta le
Couplet fuivant , fur l'Air : Vous qui
vous mocqués de nos ris.
Venés
A OUT. 1728. 1909
Venés regner fur tous les coeurs
Dans ce riant Bocage ;
Par ces Guirlandes , par ces Fleurs ,
Jugés de notre hommage.
De l'innocence de nos moeurs ›
Vous y voyés l'image .
Après ce Couplet , ces jeunes perfonnes
formerent un double rond , danferent
au fon des Mufettes , & fe rangerent
enfuite à l'autre bout de la Salle .
La Dame Baptifte , Gouvernante de la
Laiterie , accompagnée du fieur Dangui ,
le jeune , habillé en Payfan , joüant de
la Vielle , paroiffoit à la tête de la cinquiéme
Quadrille , fuivie de 22. filles
de la Menagerie , vêtues de blanc , &
ornées de quantité de rubans de diverfes
couleurs. Les garçons de la Menagerie
galamment habillés , venoient après . Les
uns & les autres firent leurs préfens , fçavoir
, la Dame Baptifte portoit deux douzaines
d'Ortolans dans une Corbeille artiftement
ornée de fleurs & de rubans.
En l'offrant à la Princeffe , elle chanta
ce Coupler fur l'Air Ton humeur eft
Catherine , & c .
La Déeffe d'Erycine
Per1910
MERCURE DE FRANCE.
Permettoit à tous Mortels ,
Pour lui fonder fa Cuifine ,
D'orner ainfi fes Autels :
De même qu'à la Déeſſe ,
J'offre à vos jeunes attraits ,
Notre commune allegreffe ,
Et les coeurs de vos fujets .
M. de Sarrobert le fils , âgé de dix ans,
portoit une cage remplie de petits Oifeaux,
qui s'envolerent tous dans l'inftant qu'il
les eut prefentez à la Princeffe. Un autre
jeune garçon conduifoit un Agneau blanc ,
orné de quantité de rubans. Quatre gar
çons de la Ménagerie , portoient un Veau
gras tué & bien paré , dans une grande
Corbeille. Les quatre premieres filles qui
venoient enſuite , portoient la tête du
Veau , la freffure , la fraiſe & les pieds.
Les autres portoient , fçavoir , une corbeille
remplie de petits Pains de Beurre ,
comme ceux de Vanves , un gros
ge blanc à la crême , deux autres efpeces
de Fromage caillé, à la Royale , deux grands
Vafes de Porcelaine pleins de Crême , fix
Canetons , comme ceux de Rouen , deux
Dindons vivans , d'un plumage extraordinaire
, deux autres Dindons de differen-
Fromatea
A OUT. 1728. 1918
>
deux
tes couleurs , un panier de Pigeonneaux
tuez deux Dindons gras tuez ,
Oifons , fix Poulets en vie , quatre Poules
graffes, des Tortues en vie,deux Cochons
de lait , en vie , fix Tourterelles , & c .
Suivoient fix Gardes - Chafes , dont
deux portoient un grand Faon de Chevreuil
, tué ; deux autres , une corbeille
remplie de 24. Lapreaux & de fix Levreaux
, & les deux derniers , une autre
corbeille où il y avoit 2 4. Perdreaux , 1 2.
Faifandeaux , 12. Cailles & 4. Alebrans.
Après toutes ces offrandes faites à la
Princeffe , le St de la Vigne chanta ce
Coupler , fur l'Air du Cotillon.
On voit dans ce charmant féjour ,
L'Hymen & les Ris , les Jeux & l'Amour ,
Pour rendre cette Fête complette ,
Bacchus en ce jour,
Avec nous entonne à fon tour :
On voit dans ce charmant féjour ,
L'Hymen & les Ris , les Jeux & l'Amour.
Immédiatement après ce Coupler , les
Vielles & les Muzettes joüerent le même
Air , fur lequel on danía très-gayement .
Les jeunes filles en Guirlandes , formerent
encore un double rond & tout le reste de
cette bande joyeuſe ſe ſignala par d'autres
danfes
1912 MERCURE DE FRANCE .
danfes extrémement vives & legeres.
Le Magifter de Chantilly , fuivi de fest
Ecoliers & de fes Ecolieres , ayant chacun
un bouquet à la main , étoit à la tête de
la 6 ° Quadrille. Après les reverences faites
à la Princeffe , Sr Paquereau , qui reprefentoit
le Magifter , chanta fur l'Air:
Qand Iris prend plaifir à boire.
Sur vos pas à l'envi tout vole ,
Ecoliers & Maître d'Ecole ;
Tour à tour nous nous empreffons.
La même ardeur pour vous nous intereffe.
Pour moi dans toutes mes leçons ,
J'infpire à ces jeunes garçons ,
Un zele ardent pour leur Princeffe.
Après ce Couplet , M. de Sarrobert
ouvrit le Bal , au fon des Vielles & des
Mufettes . Enfuite la Fête , de particulie
re devint generale , le Duc de Bourbon ,
les Ducheffes de Bourbon , les Princes
les Princeffes , les Seigneurs & les Dames,
danferent à leur tour. La jeune Ducheffe
de Bourbon & le Prince Alexandre , fon
frere , danferent une Allemande avec une
juſteffe & des graces qui charmerent tout
le monde. Après quoi les garçons & les
filles qui compofoient les Quadrilles ,
s'emparerent de la Salle du Bal & danſe .
rent
A OUT. 1728. 1913
rent très long-temps . Les rafraîchiffemens
de toute elpece , étoient abondamment
diftribuez , & c. Cette galante Fête fut terminée
à la fatisfaction de tout le monde.
M. de Sarrobert avoit préparé pour le
lendemain Dimanche premier Août , une
nouvelle Fête , que le mauvais temps fit
remettre au Lundy .
On avoit élevé 12. Portiques ornez de
feuillages , fur la grande Terraffe de la
grande Cour du Château , 6. du côté du
grand Efcalier qui regarde le grand Parterre
, & 6. du côté de la Rampe qui fait
face à l'Avenue de Paris , vis - à- vis les uns
des autres.
Dans les Portiques du milieu , on voyoit
fur une platteforme de 15. pieds d'éleva
tion , deux Fontaines de Vin jailliffantes
de 7. pieds de haut. Un bel Oranger en
caiffe , chargé de fruits , faifoit la féparation
des deux Fontaines , dont le Vin tomboit
, à la grande fatisfaction des yeux &
des gofiers alterez , dans des Baffins de
plomb de 5. pieds en quarré ; il y avoit
à chacun un robinet , autour duquel le
concours des flacons , &c . n'étoit pas
médiocre.
Dans chacun des autres Portiques , on
avoit pratiqué deux efpeces de Boutiques ,
où l'on voyoit un étalage charmant &
folide, pour les gens de bon appétit.Cette
grande
1914 MERCURE DE FRANCE :
grande profufion de Vitouaille , confiftoit
en Pains de plufieurs efpeces & en toutes
fortes de viandes rôties. 2 4 Ecuyers -Tranchans
, galamment vêtus pour cet office ,
étoient prépofez pour faire la diftribution
des vivres , trois à chaque Bureau , ce qui
compofoit 8. Atteliers , où perſonne n'étoit
oifif.
Le plaifir de boire & de manger n'étoit
pas le feul qu'on avoit préparé à la foule
du monde dont toutes les Cours du Château
de Chantilly étoient pleines . Outre
12. Jeux de Quilles , on avoit pratiqué
4. Salles de verdure avec des Inftrumens
vis à - vis les 16. Fontaines de Vin . Les
danles s'ouvrirent à 4. heures après midi ,
au premier fignal de la Fête , qui fut don
né
par deux falves de 24. pieces de Canon
& de 36. Boëtes. Ce fut alors auffi
que le Vin commença à couler abondamment
, que les Ecuyers - Tranchans eurent
de l'occupation , & que tout fut animé à
un point qu'on ne peut pas décrire.
Ce fpectacle fit un extrême plaifir aux
Princes , Princeffes & à toute l'illuftre
Compagnie qui étoient aux fenêtres du
Château. Les danfes , furtout , amuferent
infiniment par leur diverfité & la fingularité
de leur execution . Les jeunes gens de
l'un & de l'autre fexe qui les compofoient,
étoient fort leftes , prefque tous habillez de
de
A OUT. 1728. 1915
blanc, avec quantité de rubans & de fleurs.
Cependant , le Vin qui couloit à grands
flots , augmentoit la gayeté de la Fête , la
bonne humeur étoit generale , & après
maints Difcours & maintes Chanfons Bacchiques
, mêlées d'acclamations & de fou.
haits
pour la profperité du Duc & de la
Ducheffe de Bourbon , on vit plus d'un
Sancho - Panía dans l'état du plus parfait
contenteinent, fatigué de babil & de bonne-
chere , ceder aux douces vapeurs du
fommeil . On en trouva en cet état une
très- grande quantité fur les Terraffes &
dans les Jardins.
. Cette Fête qu'on peut appeller charmante
, par le beau defordre , par la fingularité
& par la varieté des Tableaux , dura
jufqu'à la nuit ; mais vers les 6. ou 7 .
heures , c'eft- à- dire dans le temps le plus
tumultueux de la Fête , M. de Sarrobert
vint prendre l'élite des Danfeurs & des
Danfeufes qu'il fit entrer dans la Salle du
grand Appartement , où un nouveau Bal
le forma au fon des Vielles & des Muzettes.
La jeune Ducheffe de Bourbon ,
qui en fut avertie , quitta le Jeu, & y vinc
avec toute fa Cour . Elle y danfa avec les
autres Princes & Princeffes jufqu'à huic
heures , qu'on fat fe promener en Caleche
découverte.
Après le fouper , on vit un fpectacle
très-éclatant ; c'étoit le Parterre de l'O1916
MERCURE DE FRANCE .
rangerie , dont les Compartimens étoient
entierement illuminez par des Terrines
qui en marquoient tout le deffein . A minuit
on entendit une falve de l'Artillerie .
Ce fut le fignal du Feu d'artifice qui commença
aufli- tôt & qu'on trouva auffi magnifique
que
bien executé. Il commença
parune très -grande quantité des plus grolfes
fufées , après quoi la Piece- d'eau parut
toute en feu , par la quantité des Balons
d'eau , des Dauphins , des Pots - à- feu ,
Girandoles , & c. Ce magnifique fpectacle
fut terminé par une grande Girande.
Le Mardy 3. on prit le divertiffement
de la Chaffe & de la promenade . La Duceffe
de Bourbon alla voir la Ménagerie
& la Fontaine Minerale .
Le 4. les Officiers & Domestiques de
S. A. S. reprefenterent dans une Salle du
grand Appartement , la Comédie de Dom
Japhet d'Arménie , qui fut fort applaudie.
Le 5. il y eut Chaffe du Cerf; tout l'Equipage
étoit habillé de neuf ce jour -là ,
toutes les Princeffes y allerent. La Ducheffe
de Bourbon , en habit de Chaffe ,
auffi riche que galant , vit la mort du
premier Cerf aux Etangs , le Duc de
Bourbon lui en prefenta lui- même le pied.
On prit un fecond Cerf , & le foir , on
donna aux flambeaux , avant le fouper le
fpectacle de la Curée des deux Cerfs , au
fon des Cors , & c,
AOUT, 1728.
1917
La Ducheffe de Bourbon , qui a paru
charmée des Fêtes qu'on lui a données ,
& des magnificences de Chantilly , en
paitit le 9. de ce mois , pour Paris , & arriva
à 6. heures du foir à l'Hôtel de Condé
, où elle fut reçûë avec de grandes démonftrations
de joye . Cette Princeffe alla à
Verfailles le 14 de ce mois, accompagnée
de la Ducheffe de Bourbon Douairiere ,
de toutes les Princeffes de la Maifon deCondé:
elle fut prefentée au Roy & à la Reine,
qui la reçurent très-gracieufement,
P
TABLE.
&
Ieces fugitives . Apelles & Protogene, & c.
1705
Lettre du P. Emanuel de Vivier , aux Auteurs
des Mémoires de Trévoux ,
Idylle ,
Lettre fur les affaires de Perfe ,
1716
1722
1726
Lettre du Grand- Vifir au Pacha d'Alep , 1728
Sur mon Procès , Vers ,
Deuxième Lettre fur la Ville & les Seigneurs
6
de Coucy ,
Sonnet fur le néant , &c.
Lettre fur des corps en entier ,
Ode ,
Eloge du P. Daniel , Jefuite ,
Le triomphe de la Croix , Ode ,
1739
1740
1757
1758
1770
1775
1780
Remarques fur le Paradoxe propofé aux Géometres
, 1785
Explication des Logogrifes & Enigmes , 1791
Réponſe du P. Caftel à M. de Fontenelle , 1796
Enigmes & Logogrife , 1803
Nouvelles Litteraires des B aux Arts , & c.
Traité de la vraie & de la fauffe ſpiritualité ;
1805
1809
Mariage & Generation des fleurs , & c.
Traité des Liqueurs , Elprits ou Effences, & c.
1813
Satyres de Regnier , nouvelle Edition , 1825
Lettre de l'Electeur de Mayence ,
Extrait d'une Lettre d'Italie ,
Tremblement de Terre , & c.
1829
1830
1832
Le Corps de S. Auguftin retrouvé , & c. 1824
Chanfon notée ,
Spectacles ,
La Princeffe d'Elide , Extrait',
1833
Ibid
1840
La Princeffe d'Elide , Balet , P'Opera Comique
,
Concert aux Thuilleries , & c.
1857
1859
Nouvelles du Tems , de Turquie & de Ruftie ,
1860
1863
De Pologne , d'Allemagne ,
Entrée folemnelle de l'Empereur à Gratz , 1866
D'Italie , d'Eſpagne & de Portugal , Grande-
Bretagne , & morts étrangeres , 1869
France,Nouvelles de la Cour,de Paris , & c. 1877
Nouveau Reglement pour l'Ordre de S. Michel
,
1881
Confrerie de N. D. aux Seigneurs , Prêtre & c.
1886
Benefices donnez
Morts & Mariages ,
1889
1891
Mariage du Duc de Bourbon, 1897
Fautes à corriger dans ce Livre.
Page 1768.1. 14. excede , lifex exhale.
P. 1769. après la dre ligne , lifez cette
datte , à la Ville d'Eu , le premier Avril 172 8.
P. 1824.1 3. Colandar , I. Colandon.
P. 1839. 1 13. l'avoir , l. la voir.
L'Air noté doit reg arder la page 1839
MERCURE
!
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT.
SEPTEMBRE . 1728 .
QUE
COLLI
COLLIGIT
STARGITS
Chez
A PARIS ,
R
GUILLAUME CAVELIER , në
S. Jacques , au Lys d'Or.
LA VEUVE PISSOT, Quay de Conty,
à la defcente du Pont Neuf , au coin
de la rue de Nevers , à la Croix d'Or .
JEAN DE NULLY , au Palais,
à l'Ecu de France & à la Palme..
M. D C C. XXVIII.
Avec Approbation & Privilege du Roi
LADE
A VIS.
'ADRESSE generale pour toutes
chofes eft
à M. MOREAU ,
Commis au Mercure „ vis - à - vis la Comedie
Françoife , à Paris. Ceux qui pour leur
commodité voudront remettre leurs Paquets
cachetez aux Libraires qui vendent le
Mercure à Paris , peuvent se fervir de
cette voye pour les faire tenir.
On prie très - inftamment , quand on
adreffe des Lettres ou Paquets par la Pofte,
d'avoir foin d'en affranchir le Port ,
comme cela s'eft toûjours pratiqué , afin
d'épargner , à nous le déplaifir de les
rebuter , & à ceux qui les envoyent ,
celui , non- feulement de ne pas voir
paroître leurs Ouvrages , mais même de
les perdre , s'ils n'en ont pas gardé de
copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de
la premiere main , & plus promptement ,
n'auront qu'à donner leurs adreſſes à M.
Moreau , qui aura foin de faire leurs pa-
& de les faire quets fans perte temps ,
porter fur l'heure à la Pofte , on aux Mef
fageries qu'on lui indiquera.
de
PRIX XXX, SOLS.
MERCURE
DE
FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT
SEPTEMBRE . 1728 .
{XXXX
PIECES
XXXXXXXXXX
FUGITIVES ,
en Vers & en Profe.
ODE
En l'honneur des Saints Staniflas
& Gonzague.
Es Cieux , de l'immortelle gloire ,
L Sont le veritable féjour ;
Dans cette lumineufe Cour ,
Eft le vrai Temple de Memoire :
Sont- ce deux Favoris de Mars
2 ..
A ij Qu'on
1918 MERCURE DE FRANCE.
Qu'on y reçoit , & puis - je croire ,
L'Apotheofe des Cefars
Non , toute la Terre enchaînée ,
Ses Rois domptez & mis aux fers ,
Des dépouilles de l'Univers ,
La pompe d'un triomphe ornée ,
Des Vainqueurs altiers & cruels ,
N'élevent point la deſtinée ,
Jufqu'à celle des Immortels.
La main du Très - Haut ne couronne
Que ces genereux Combatans ,
Qui partagerent dans le temps
La fainteté qui l'environne ;
Et qui pour mériter le rang
Que fa jufte Bonté leur donne ,1
Ont fçû prodiguer tout leur fang,
Lui-même , au- deffus du Tonnerre ,
Il guide leurs pas triomphans ,
Venez , leur dit-il , mes enfans ,
YEST
Vous
SEPTEMBRE . 1728. 1919
Vous êtes les Dieux de la terre .
Il fe fait lui-même le prix
Des pieux travaux de la guerre ,
Travaux pour fa gloire entrepris.
Staniflas & Louis s'avaneent ;
Du Dieu fort , du Dieu des vertus ,
Des longs combats pour lui rendus ,
Les Regards feuls les récompenfent ;
Leurs pieds foulent l'azur des Cieux ,
Et les vertus qui les encenſent ,
Volent en foule devant eux.
Aux doux Parfums qu'elles exhalent ,
Cent Monftres hydeux enchaînés ,
Frémiffent d'être condamnez
Aux fers honteux qui les ravalent ;
Pour ces fiers Enfans de l'orgueil ,
La pompe que ces lieux étalent
N'eft qu'un trifte fujet de deüil.
Ce font ces tenebreux génies ,
Qui , jadis Citoyens des Cieux ,
A A iij Par
1920 MERCURE DE FRANCE .
Par leurs efforts audacieux ,
Se couvrirent d'ignominies ,
Et qui , jaloux du fort des Saints ,
Par de cruelles tyrannies ,
Se fignalent fur les Humains.
Ils ont pris les noms de nos vices
Et fous des dehors empruntez ,
De nos folles cupiditez ,
Ils fomentent tous les caprices ;
Séduits par mille appas flateurs ,
Nous fommes les lâches complices,
Des premiers prévaricateurs .
Mais toûjours le jeune courage ,
Dont s'étoient armé nos Héros ,
Diffipa leurs lâches complots ,
Malgré la foibleffe de l'âge ;
Et fur leurs Trônes envahis ,
Fux-mêmes écumant de rage ..
Placent Stanillas & Louis.
Là l'Eternel avec largeffe ;
Leut
SEPTEMBRE . 1728. 1911:
Leur prodigue fa majeſté ;
Ils boivent l'immortalité
Dans les fources de l'allegreffe ,
Et toujours de nouveaux plaifirs
Dans une douce & fainte yvreſſe
Viennent noyer tous leurs defirs .
LETTRE écrite par un Medecin de
Province à un autre Medecin
Sujet du Traité des differentes Saignées
de M. Silva , Docteur en Medecine
.
V
Ous me faites honneur , Monfieur ,
de me demander mon fentiment
fur le Traité que M. Silva , mon Contemporain
, & ancien ami vient de donner
au Public.
J'ai lu cet Ouvrage avec plaifir , l'Auteur
y joint à une profonde érudition des
raifonnemens folides , & un langage épu
ré. Le Chapitre 7. dans lequel il traite
de la Saignée du col , eft le feul qui me
paroiffe répréhenfible . En effet , l'Auteur
y perd de vue les principes établis dans
les Chapitres précedents , & dont il fe
fert dans les fuivans contre M. Hecquet.
A iiij Difons
1922 MERCURE DE FRANCE
оп
Difons plus , dans ce Chapitre 7. on
trouve à chaque page des contradictions .
Il ne faut qu'objecter M. Silva à luimême
, on trouvera à chaque page de fon
Livre une doctrine contraire à celle qu'il
enfeigne dans le 7. Chapitre. Il déduit
furtout dans le Chapitre z . que les révulfions
& dérivations fe font dans tous les
cas dès l'origine du tronc afcendant ou
defcendant . Nulle exception dans l'axiome
reçû de tous les Phyficiens & Méchaniciens
, Liquida eâ parte velocius feruntur
quâ minor eft refiftentia. Si par des
Saignées qui ont précedé , le volume du
fang fe trouve diminué de moitié , la
dérivation fera moindre , & plus lente
de moitié , cateris paribus ; mais de dire
que la Saignée de la jugulaire qui lors de
la plénitude des vaiffeaux étoit dérivative
pour le cerveau , devient révulfive pour
cette même partie , lorfque les vaiffeaux
font moins pleins , c'eſt un Paradoxe infoutenable
.
On convient avec M.Silva , que la carotide
externe reçoit plus de fang par la
Saignée de la jugulaire , mais cela arrive
en tout état de plénitude des vaiffeaux .
M. Silva a donc tort de n'admettre cette
-verité quedans les tems que les vaiſſeaux
ont été défemplis par des faignées précedentes.
Il a encore plus de tort de conclùre
SEPTEMBRE. 1728. 1923
re que la carotide interne en reçoit moins ,
& de cette conféquence abfurde M. Silva
en tire plufieurs autres qui ne le font
pas moins. On ne trouve point dans
tout ce Chapitre cet enchaînement de
preuves qu'on admire dans le refte de
l'Ouvrage , ni ces démonftrations aufquelles
l'efprit ne peut fe fouftraire .
"
Il feroit inutile de répeter ce que
M. Silva avance au fujet de la dérivation
en tout état de plénitude des vaiffeaux
& de retracer la marche qu'il fait faire
au fang dès la fortie du coeur . Cette marche
eft invariable auffi -bien que les loix
fur lefquelles elle eft fondée. C'eft de cette
marche toujours conftante qu'on peut
conclure que fi le tronc afcendant fournit
plus de fang à la carotide externe par
la faignée de la jugulaire , c'est parce que
la carotide interne en reçoit une plus
grande quantité , aufli-bien que tous les
vaiffeaux des parties fuperieures qui font
des ramifications de ce tronc.
M. Silva cite quelques heureux fuccès
de la faignée du col . On lui répondra ce
qu'il répond à M. Bianchi , que quelquesuns
de ces fuccès font dûs au hazard ; difons
mieux , le mal étoit leger , & le Malade
affez vigoureux pour le furmonter
malgré la mauvaife.manoeuvre. En effet
les occafions de cette faignée font rares.
A v Elle
1924 MERCURE DE FRANCE
Elle n'eft jamais indifpenfablement ne
ceffaire , fon utilité jamais évidente , ſon
omiffion jamais dangereufe & toujours
prudente , puifqu'on ne rifque en l'omettant
que le retardement de la guérifon du
malade , étant conftant que le fang brifera
par des circulations réïterées ces foibles:
digues qui s'oppofoient à fon paffage.
1
Je penfe donc que le feul cas qui peut
permettre la faignée de la jugulaire , eft
lorfqu'un Medecin dans le traitement d'une
maladie foporeufe prefque guérie par
des faignées du pied réïterées plufieurs
fois en peu de tems , & autres fecours
voit fon malade fe plonger aifément dansl'affoupiffement.
C'est alors que par une
faignée dérivative , le fang qui avoit circulé
lentement dans le cerveau , & y
avoit formé quelques legeres concretions ,
peut trouver par un abord plus rapide de
promptes reffources ; c'eft ce que M. Deidier
, Profeffeur de Montpellier , nous
infinue dans une Thefe de Apoplexia , à·
laquelle il préfida en l'année 1706. voici
fes termes : Si autem multoties & brevibus
intervallis miffo ex faphenâ fanguine
exhibitis, & repetitis Cathareticis & Emeticis
, adhuc confopitus fit æger propter fanguinem
in grumos hærentem , hanc perfectamjugularem
feliciter derivari docuit experientia
Quo
SEPTEMBRE. 1728. 1925
Quoique cet avis foit très - falutaire &
autorifé par quelques exemples , & que
je puiffe moi- même citer que je l'ai vû &
pratiqué une fois depuis peu avec ſuccès ,
cette faignée ne doit être ordonnée que
par un ancien Praticien qui y a mûrement
refléchi . Un jeune Medecin doit ſe tenir
fur les gardes , crainte de prendre en fait
d'indications l'ombre pour la réalité.
D'ailleurs , qui eft le Medecin prudent
qui voulant foulager le cerveau d'une
quantité de fang qui l'accable , ne frémi-
Foit pas fur les dangers de la ligature ?
Elle eft moins forte qu'au bras , & même
qu'au pied. On en convient ; mais elle
ralentit le cours du fang plus ou moins
& pendant plus ou moins de tems , fuivant
que cette faignée fe fait plus vite ou
plus lentement. Čela feul ne fuffit- il pas
pour augmenter l'engorgement des vaiffeaux
du cerveau ? Si la faignée ſe fait
promptement , avec quelle rapidité cette
partic fera- elle furchargée ? Si elle fe fait
lentement , la diftribution du fang ent
fera pendant cet intervale d'autant plus
lente au moyen de la ligature , Ubique
anguftia .
Le bandage qui fe fait après la faignée ,
comprime réellement affez pendant 24 .
heures pour rallentir un peu le cours du
fang jufqu'après la réunion des levres
A vj de
1926 MERCURE DE FRANCE.
de la playe : autre inconvenient .
Je finis par une obfervation que M. Sil.
va fait ( quafi perfunctoriè ) que des ſignes
équivoques d'inflammation de la
pleure ou du poumon faifis par un Medecin
peu attentif , peuvent lui faire
prendre le change . Alors la difficulté de
refpirer ne fert pas peu à la féduire , tandis
que tout l'appareil d'une fcene tragique
eft dans le cerveau , dont l'affaiffement
ou l'augmentation du volume par
la diftenfion des vaiffeaux ', comprime le
cervelet. J'en ai vû des exemples depuis
quelques années . Cette obfervation auroit
demandé un peu plus de prolixité .
La longueur de ma Lettre vous fera dire
que je vous accorde plus que vous ne demandiez.
On annonce un Ouvrage Anatomique
de la façon du fieur Croiffant ; votre tems
& le mien font trop précieux pour l'employer
à de pareilles lectures. On nous
menace de traits de Chronologie auffi
abfurdes que ceux du fieur Dubois , fon
Confrere. Je fuis , &c .
RESEPTEMBRE
. 1728. 1927
XXXXX: XXXX : XXXXXX
REFLEXIONSfurla Lettre d'un Medecin
de Province,aufjet du Traité de l'u
fage des differentes fortes de Saignées.
L'objection que l'on fait contre la
Doctrine établie dans le Chapitre 7 .
du Traité de l'Ufage des Saignées , n'a pas
échapé à M. Silva ; elle fe préfente trop
naturellement à l'efprit , pour n'avoir
point été prévûë par un Auteur qui a
long- temps medité fa matiere , & qui
dans la vue de rendre fon Ouvrage meilleur
& plus utile , l'a communiqué à de
bons Connoiffeurs , & a profité avec docilité
de leurs avis . Il ne diffimule point
la difficulté qu'il a trouvée en traitant cette
matiere , il donne modeftement pour des
conjectures, ce qu'il établit à cette occafion
, quoique plus plaufible que tout ce
qui avoit été dit fur le même fujet . Et il
avertit que fa Théorie fur la faignée du col,
fi elle n'eft examinée avec attention , femble
d'abord oppofée à ce qu'il enfeigne
dans le cours de fon Traité : Voici les
propres termes extraits de fa Préface.
Il paroît que ces principes auroient dû
me conduire à condamner la faignée du col
dans les embarras du cerveau ; parce qu'il
femble que cette faignée ne peut qu'être dé-
?
rivative
1928 MERCURE DE FRANCE .
rivative dans ces cas , & que tout fon effet
doit fe réluire à augmenter l'engorgement
des vaißeaux du cerveau . Je fai que ce
raifonnement en a impofé à plufieurs Medecins
qui blament hautement cette faignée
dans ces circonstances mais je me fuis
défié d'une conféquence qui m'engageoit à
profcrire une faignée recommandée de tout
tems, pratiquée avec fuccès par plufieurs célebres
Praticiens dont nous avons les obfervations
, & dont j'avois moi- même éprouvé
Les bons effets en plufieurs occafions , &c.
Et dans le corps de l'Ouvrage , premiere
Partie , page 226. & fuivantes . Si ce
qui coûte le plus à un Auteur , étoit toujours
ce qui fatisfait le plus fes Lecteurs ,
le Chapitre précedent ( qui eft celui où
M. Silva traite des effets & de l'ufage de
la faignée du col ) n'auroit befoin ; ni d'apologie
ni d'éclairciffemens ; mais les difficultez
que j'ai trouvées en traitant cette
matiere , n'ont pu être furmontees de maniere
qu'elles ne fe faffent encore fentir , quelque
foin que je mefois donné pour les éclaircir.
Qu'on ne s'imagine pas qu'il m'auroit
été aife d'éviter tant d'embarras , en difant
que la faignée de la jugulaire agit
comme purement évacuative ; car cette
théorie fi commode & fifimple ne peut d'ailleurs
contenter des efprits raisonnables
lorfqu'ils fçauront qu'elle est démentie par
1
L'excSEPTEMBRE.
1728. 1929
Pexperience qui fait connoître que ce n'eft
pas comme evacuative précisément , que
cette faignée opere toujours fur le cerveau
En effet , quelquefois elle le charge d'une
maniere manifefte : d'autres fois elle le dégage
très -promptement ; ce qui fuppose
qu'il y a des occafions cù par fon moyen
les vaißeaux du cerveau fe tendent de plus
en plus , & qu'il y a des circonstances où
ils fe dégonflent par ce fecours . Ces obfervations
, que tous les Praticiens ont fans
doute, faites plufieurs fois , m'ont empêché
auffi de la regarder comme toujours révulfive
; fentiment que nous aurions adopté
avec d'autant plus de plaifir , que deux
grands Medecins l'ont établi avec la confiance
la plus capable d'entraîner ceux
qui avec raifon font prévenus en faveur de
leur merite mais comme on ne peut concilier
cete opinion avec le mauvais fuccès
dont cette faignée , faite prématurement
eft affez souvent fuivie , il afallu conclure
que dans des cas elle est révulfive par rapport
au cerveau , ainfi qu'ils le démontrent:
mais aue dans d'autres états du corps ,
elle doit être tout l'oppofé . Enfin , comment
fe réfoudre à la croire dérivativ fans
exception , quand on
la tête
que
qu'aucune autrefaignée n'avoitpu débarraffer
, devient quelquefois libre peu
res après qu'on a tiré du fang de la jugu-
:
on voit
9
d'heulaire
3
1930 MERCURE DE FRANCE .
laire , qu'on a démontré que la dérivas
tion fur une partie engorgée , eft dangereufe
? Toutes ces reflexions que nous avons
faites plus d'une fois avant que de nous
déterminer à rien décider fur la maniere
dont cette faignée agit dans les embarras de
La tête , nous ont porté à préferer le fentiment
qu'elle eft non feulement évacuative ,
mais auffi dérivative & révulfive pour le
cerveau ,felon les differentes quantitez de
fang qu'il y a alors dans le corps de ceux
fur qui on la pratique . Mais comme de
très -bons efprits à qui nous avons communiqué
notre Ouvrage , & dont les décifions
font d'un
grant poids , ont eu beaucoup
de peine à fe prêter à notre fyftêne , &
qu'ils foutenoient que cette faignée devoit
toujours ou déterminer le fang au cerveau ,
ou toujours l'en éloigner , puifque les pofitions
des vaiffeaux demeurent les mêmes,
nous avons cru devoir répondre à cette difficulté
qui pourroit arrêter nos Lecteurs
& les jetter dans des doutes fur ce que nous
avons avancé , & que nous sommes prêts
cependant à facrifier à d'autres idées , de
quelque part qu'elles nous viennent , fi elles
font plus claires & plus folides que les
nôtres trop contents d'avoir pû par nos
conjectures être l'occafion de la découverte
de quelque verité démontrée .
,
Mais examinons en détail les raiſons
t
1
qui
SEPTEMBRE. 1728. 1937
qui empêchent que ce 7. Chapitre ne
trouve grace devant les yeux du Critique ;
on pourroit cependant fe difpenfer de ce
foin, & renvoyer au Traité même des faignées
d'où ces objections ont été tirées , &
l'on verra qu'on n'a pas choifi les plus
fortes.
Il est vrai que toute faignée attire une
dérivation tout le long du canal arteriel
dont les rameaux répondent à la veine ou .
verte , c'est une doctrine que M. Silva
a répandue dans tout fon Ouvrage d'après
le fameux Bellini . Il eft donc certain
que par la faignée de la jugulaire on détermine
plus de farig dans le tronc commun
des carotides. Mais il fait voir que
fi cette nouvelle quantité de fang attirée
dans le tronc eft plus grande que celle qui
fe porte de furcroît dans la carotide externe.
Alors la carotide interne en recevant
plus qu'auparavant , la faignée de
la júgulaire eft dérivative pour le cerveau :
or c'est ce qui arrive quand la quantité
de fang qui eft dans le corps eft confiderable
, parce que la grandeur de la dérivation
répond au volume du fang qui eft
dans les vaiffeaux . Auffi eft - ce le cas où
M. Silva deffend cette faignée dans les
maladies du cerveau ; mais fi la quantité
de fang que la faignée de la gorge attire
dans le tronc des carotides , eft précifément
1932 MERCURE DE FRANCF .
ment la même , que celle qui à l'occafion
de cette faignée eft portée de plus que
dans le cours ordinaire de la circulation
dans la carotide externe qui répond à la
veine piquée, alors il ne fe porte ni plus ni
moins de fang qu'avant la faignée dans la
carotide interne , & par conféquent cette
faignée ne doit être regardée dans cette circonftance
ni comme dérivative , ni comme
révulfive , & elle eft purement évacuative ,
c'eſt- à - dire , qu'elle ne tend ni ne détend
pas plus les vaiffeaux du cerveau que ceux
des autres parties . Enfin , fi le volume
du fang eft exceffivement diminué , &
qu'on pratique alors la faignée de la gorge
, la quantité du fang qui eft déterminé
dans la carotide externe , étant plus gran
de que celle qui eft portée de furcroît dans
Le tronc commun des carotides. Alors ce
que l'externe reçoit de plus que le tronc
commun , eft dérobé à l'interne , & par
une fuite neceffaire la faignée de la jugulaire
prive le cerveau d'une partie du fang
qu'il auroit reçû fans cela , & ainfi elle eft
alors révulfive pour les vaiffeaux qui font
dans l'interieur du crâne .
Cette théorie qui a paru très - ingenieuſe
à ceux mêmes qui font d'un fentiment
oppofé , fe trouve confirmée dans le Livre
de M. Silva , par des exemples , & prouvée
prefque démonftrativement par un calcul
exact
SEPTEMBRE . 1728. 1933
exac, ſuivi dans les fuppofitions des differentes
quantitez de fang qui fe trouvent
dans le corps dans les commencemens &
dans les progrès des maladies . Pour attaquer
ce que M.Silva prouve, il auroit fallu.
faire voir que les exemples qu'il rapporte
font impoffibles , & que les calculs qu'il
fait font faux , fans quoi on avance lege
rement que le fentiment de cet Auteur
eft un Paradoxe infoutenable , & cela ne
doit feduire que les Lecteurs peu attentifs
. Car après tout , quand on a tiré la
moitié du fang par des faignées précedentes
, la dérivation qu'on fait dans le tronc
des carotides eft de moitié moins grande
qu'elle n'auroit été , fi l'on avoit executé
la faignée de la gorge dans l'état de la
plus grande plenitude. Cependant on tire
la même quantité de fang par cette faignée
dans un espace de temps peu different
, ( car on n'employe qu'une minute
de plus quand les vaiffeaux font defemplis ; )
il faut donc que la dérivation particuliere
qui arrive dans la carotide externe par
cette faignée , quand le volume du fang
eft extrémement diminué , foit prefque
égale à celle qui s'y fait lorfque le fang
abonde dans le corps : donc ce nouvel
abord de fang dans la carotide externe
doit être plus grand alors que dans le
tronc des carotides , & doit le faire pas
conice1934
MERCURE DE FRANCE
confequent aux dépens de la carotide interne.
Ainfi , quoique la pofition des vaiffeaux
ne varie point , il doit arriver que
la même faignée , qui dans certaines circonftances
, porte du fang au cerveau ,
l'en détourne dans d'autres cas.
Il eft affez ordinaire que l'envie de
critiquer , engage à donner de fauffes interprétations
à des expreffions qui font
fufceptibles de plufieurs fens. Mais il eft
furprenant qu'on faffe dire à un Auteur
des chofes
diamétralement oppofées à
celles qu'il a établies clairement , qu'il a
répetées fans équivoque , & dont enfin
il a tiré des conféquences fuivies . Voilà
le cas où le trouve le Medecin de Province
à l'égard de celui de Paris : on fait
dire à celui-ci , que ce n'eft que dans le
temps que les vaiffeaux font bien défemplis
, que la carotide externe reçoit plus
de fang que l'interne , par la faignée de
la gorge ; cependant M. Silva , pag. 191
prouve par un calcul exact , que dans l'état
de plénitude il paffe à chaque pulfation
du coeur pendant la faignée de la
gorge de dragme de fang dans la carotide
externe , tandis qu'il n'en coule
que dans l'interne.
Le Lecteur peut s'affurer par lui même
de ce fait , ce qui le mettra à portée
de juger que non - feulement l'Anonime
n'a
SEPTEMBRE. 1728. 1935
n'a pas refléchi fur la matiere qu'il traite,
(ce qui feroit peut - être trop exiger de lui )
mais qu'il n'a pas même lû l'endroit qu'il
critique. Ainfi il n'a pas affez mefuré fes
expreffions , quand il traite d'abfurdes
les confequences de l'Auteur du Traité
de l'ufage des differentes fortes de faignées
, & ces termes durs n'auroient pas
dû lui échapper , quand même il auroit
raiſon, contre un homme qui ne feroit pas
fon ancien ami.
L'Anonime avance que fi la carotide
externe reçoit plus de fang par la faignée
de la jugulaire , c'eft parce que l'interne
en reçoit une plus grande quantité. Cette
propofition ne fçauroit être vraye , qu'au
cas que la carotide externe fut une branche
de l'interne , ou au cas qu'il arrivât
à la carotide interne , par la faignée , un
changement qui y déterminât plus de fang
qui fit que le tronc commun en reçût luimême
davantage , & qu'il en pût fournir
davantage à la carotide externe ; mais
Pune & l'autre de ces fuppofitions eft
fauffe , & par confequent la propofition
que l'on voudroit en inferer , l'eft auffi .
1º. La carotide externe ne vient point
de l'interne , mais elles partent toutes
deux d'un tronc commun , ainfi la quantité
de fang qui coule dans la carotide
interne ne doit point fe partager avec
l'exe
1936 MERCURE DE FRANCE.
l'externe , & par confequent elle ne peut
poir
point fervir,fuivant les regles ordinaires de
la diftribution , à augmenter le fang qui
coule dans cette derniere artere .
2 ° . Il n'arrive aucun changement à la
carotide interne par la faignée , qui puiffe
y déterminer fpécialement plus de fang
qu'auparavant . En effet ce changement ,
s'il étoit réel , ne pourroit venir que de
la diminution particuliere de la réſiſtance
que le fang trouvoit à y couler , mais il eſt
certain que la faignée du col ne diminuë
point la réfiftance , que le fang trouve à
paffer dans les rameaux de la carotide
interne , cette faignée donc ne doit point
contribuer à faire couler le fang plus
abondamment dans cette artere . Son effer
fe réduit à hâter le cours de la circulation
dans la jugulaire externe , d'où le
fang fort , & dans tous les rameaux de
la carotide externe qui aboutiffent dans
cette veine , c'eft par là qu'elle appelle
dans cette carotide une plus grande quantité
de fang , & c'eft- là l'unique raifon qui
fait que la carotide externe reçoit alors
plus de fang ; ainfi loin de pouvoir dire ,
comme fait l'Anonime , que la carotide
externe reçoit plus de fang pendant la faignée
, parce que l'interne en reçoit davantage
; il faut dire , au contraire , fi l'on
veut parler jufte , que la carotide interne
n'en
SEPTEMBRE . 1728. 1937
n'en reçoit davantage par cette faignée
dans certains cas , que parce qu'alors il
en doit couler davantage dans la carotide
externe , ce qui appelle une plus grande
quantité de fang dans le tronc commun
& met par conféquent la carotide interne
en état de s'en reffentir.
que
L'Anonime affure qu'un Medecin prudent
doit fremir des dangers qui mena-.
cent le cerveau par la ligature qu'on applique
au col pour executer la faignée de
la jugulaire , & quoiqu'il convienne qu'elle
eft moins ferrée qu'au bras & au pied ,
il ne fçauroit fe raffurer fur le péril que
court une partie auffi effentielle à la vie .
Il auroit du faire réflexion que ce n'eft
la jugulaire externe qui eft comprimée
par la ligature dans la faignée du col ;
& qu'ainfi cette compreffion , fût - elle
capable de produire les effets qu'il lui attribue
, n'interefferoit en rien le cerveau ,
mais d'ailleurs a- t- il crû tout de bon que
cette compreffion fût autant à craindre.
qu'il le dit ? n'a - t - il pas dû comprendre
que le fang qui revient par cette veine
comprimée , en revient plus facilement ,
tant que la faignée dure , parce que le
paffage qu'il fe conferve dans le canal de
la veine , malgré la compreffion, joint à la
nouvelle iffue que la faignée lui procure ,
lui donne plus de liberté pour couler qu'il
n'en
1938 MERCURE DE FRANCE :
n'en avoit auparavant, & qu'ainfi loin que
le cours du fang foit ralenti pendant la ſaignée
, comme l'Anonime voudroit le perfuader,
il eft au contraire réellement acceleré,
& c'eft - là ce qui fait l'efficacité de
cette faignée.
Cela prouve que la ligature , qu'on
fait avec beaucoup de circonfpection &
que quelques Chirurgiens même ne font
point pour faigner de la gorge , ne peut
point être alleguée comme un inconvenient
qui doive détourner de l'ufage de
la faignée de la jugulaire , lorſqu'elle eſt
bien indiquée . L'Anonime en fournit luime
une preuve , puifqu'il la confeille dans
les affoupiffemens qui fubfiftent malgré
les autres fecours pratiquez avec méthode.
Il ne craint point non-plus dans ce
cas que le bandage qu'on laiffe autour du
col foit fuivi de rien de funefte , & il a
raiſon , il n'eft pas plus ferré qu'une cravate
, on peut même s'en paffer aifément.
C'eft ce que les meilleurs Chirurgiens font
tous les jours , & dans ce cas ils fe contentent
de mettre fur l'ouverture de la
veine un emplâtre de maftich.
Ce petit nombre de Reflexions , qui
font tirées du Livre même que l'on deffend
, fuffisent pour applanir les difficultez
que l'Anonime propofe. On eft furpris
qu'un homme qui fe dit Medecin ,
ignore
SEPTEMBRE . 1728. 1939
ignore dans ce fiecle qu'il n'y a pas dans
l'homme un tronc afcendant de l'Aorte ,
erreur dans laquelle il est tombé deux fois
dans fa Lettre. On efpere que cette derniere
Reflexion ne lui fera pas inutile.
******
AU GRAN D-MAITRE
DE L'ORDRE SOCIAL.
SUPPLIQUE.
UN Champenois franc & loyal ,
Portant le Capot de Novice ,
Au Chef de l'Ordre Social ,
(A qui Dieu foit toûjours propice , )
Vient demander très humblement ,
De lui bailler arrosement ,
Dans fon illuftre Confrairie ,
}
Dont l'utile établiffement ,
Lui fait defirer grandement ,
Les marques de Chevalerie.
Plufieurs fe font au temps jadis ,
Moulez fur les preux Amadis ,
Et pour los & renom acquerre ,
1
Ont fuivi le Dieu de la Guerre ,
Cherchans & par monts & par vaux ,
B Des
1940 MERCURE DE FRANCE .
Des avantures , des travaux ;
Ou bien dans les Places publiques ,
Avec Devifes authentiques ,
Et couverts de luifans harnois
Ont fait & Behours & Tournois ,
Pour avoir guerdon de la Dame ,
Dont ils avoient fenti la flamme :
Mais ces Champions valeureux ,
Et tous ces braves Amoureux
Cachoient fous leur heaume gothique,
Efprit paffablement ruftique ,
Et tel , iffu du plus haut lieu ,
Ne fçavoit fa croix de par Dieu.
Alors la fuperbe ignorance ,
Dominoit ès Marchez de France ,
Et ce n'étoit plus qu'aux Mouftiers ,
Ou chez la Gent porte Tonfure ,
Que l'on trouvoit en nos quartiers ,
Un rayon de Litterature ;
Foible rayon certainement ,
Comme on le voit appertement ,
Dans maint Poëte & Legendaire ,
Et maint Hymne de Breviaire ,
Or
SEPTEMBRE . 1728. 1940
Or quant eut le bon Roi François ,
Un peu purgé l'eſprit Gaulois ,
Dans l'Ecole de gentilleffe ,
Ont vû s'exercer la Nobleffe ,
Et jà le front de nos Guerriers ,
D'Apollon ceignit les Lauriers ;
Jà qui fçavoit porter la Lance ,
Sçavoit auffi faire Romance.
Depuis la Déeffe des Arts ,
Retourna dans le Champ de Mars
Aujourd'hui Pallas la vaillante ,
N'exclut Minerve la Sçavante ;
De ce l'exemple ſpecial ,
Nous donne l'Ordre Social ,
Qui fous Privilege & beau Titre ,
Affemble à Verdun fon Chapitre ;
Où l'on n'admet pour Chevaliers ,
Que Damoiſels & Bacheliers ,
Qui font la preuve à fuffifance ,
Et de courage & de ſcience ,
Et qui peuvent fans defarroi ,
Servir les Dames & le Roi ,
En guerre pouffer la proüeffe ,
Bij En
1942 MERCURE DE FRANCE :
En Paix ne croupir en pareffe ,
Par des litteraires ébats ,
Remplacer affauts & combats ,
Et ne pouvant par la victoire ,
Affurer leurs Los & Memoire ,
L'Eternifer par les Vertus ,
Dont leurs Grand -Croix font revétus ;
J'entens le gout , la courtoifie ,
L'efprit galant , la Poëfie ,
L'amour des Arts & des Ecrits ,
Qu'ont enfanté les beaux efprits.
Quand tels prud'homs je confidere ,
D'être nommé pour leur Confrere ,
Me point la noble ambition.
Ainfi , quoique de mon merite ,
La portion foit très- petite ,
Je nourris cette paffion ;
Er pour obtenir la Médaille ,
Je veux prouver vaille que
Primò , je produis loyauté ,
Et franchiſe dont fuis doté.
Secundò , defir efficace ,
vaille ,
De dignement remplir ma place ,
Et
SEPTEMBRE . 1728. 1943
En me tenant bien à l'écart ,
De tout fat & froid guoguenard ,
Evitant les fauffes pensées
Et les phrafes rapetaffées ,
Les Acroftiches , lès Rébus ,
Et les avortons de Phoebus .
Tertiò , j'avance & j'aflure ,
Que je n'ai tache de roture ,
Ni fur l'efprit ni fur le coeur ,
Où j'enfere le pur honneur ,
Et pour Demoiſelle très - digne ,
Amour, qui jamais ne forligne.
Quartò , j'allegue le Blafon ,
Que je porte fur Ecuffon ,
Où l'on voit en champ d'efperance ,
Tour & Donjon de patience ;
Quant au Cafque , il a pour Cimier ,
Branches de Myrthe & de Laurier ,
Comme étant de mon apanage ,
Et les fupports font Signes blancs ,
Symbole des loyaux Amans ;
Je n'en dirai pas davantage ,
Requerant le Grand- Commandeur ,
Biij Que
1944 MERCURE DE FRANCE .
Que pour le droit de mon paffage ,
Il accepte ce mien labeur,
Petit pour l'efprit fophiftique ,
Qui veut du ftile frelaté ,
Grand pour l'efprit Philofophique ,
Qui fent le poids de verité .
*XX**
TABLE des vrais fons de la Langue
Françoife pour les Logogryphes
A rithmétiques.
Douze Confones , fçavoir , fix foibles
fix fortes.
1.be
2.pe
3.ze
4.fe
5.de
6.te
7.ve
8.fe
9.je
10.che
11.gue
12.ke
Employez quelquefois pour les caracteres de
( b.bb.p.exemp.Bombe , bas , & c .
P. PP. ex. pompe , pas , &c .
z. x.1. ex. caze , zele , & c .
c.cc.f. ff. ç. fç. fc. x . z . ci . ti.
pl. ex. caffe , cele , & c .
d. dd ex . don , Bade , & c .
t . th. tt . bt. &. gr. lt.
ex .
Ton , pate , & c.
pt.
ft .
v . f. w. ex. vin , vive , & c .
f. ff. ph . ex . Fin , vif, &c.
j.ge.gi. ex. Gige , juger, &c.
che. fch.ex.chiche ,chucheter.
g. gg gu. ghe . ghi , ga . go .
ex. guerir , &c .
k. c. cc . ch. cq. q . ca. ke . ki.
co. qu . x. ex. Querir, &c .
SEPTEMBRE. 1928. 1945.
13.le
14.me
15.ne
16.re
Quatre Lettres ou Sons ,
vulgairement appellez
liquides.
Employez
pour
1. 11. ex. Mal , mule , &c .
m . mm. ex. Sem , même , &c .
n. nn. m. ex . None , & c .
r . rr . rh . ex . cas , rire , &c.
Caracteres pour les deux
fons moüillez .
18.Theil.ill.ille.lh.ex . fille,ail, &c .
Sgn. ex. vigne , &c.
17.gne
}
Marque de l'afpiration .
19. he } { } { he ...
dans Heros.
Quatorze voyelles .
20.a ว Caa. â. as . ha . has . em. ex.
21.é fermé
22.i
23.0
24.u
25.è ouvert
26.e muet
27.eu
28.0u
habit , &c.
æ. oe. ai. hé. és. ét . ex. Noé.
i.y. is.ys.hi.hy. ix.ex. Ifis .
oo. ô. au . eau. ho . hos. ao.
ex . eau , &c.
u . û . ü. hu , hus . eu . ex. nu.
è . ê. ès. hè . hès . ai. ay. ais.
aien. ayen. ei . ey.
oi. oy .
ois. oys. eis . oien , & c.
ex . fer , & c.
c…….. dans juſte….. ai ... dans
faifons , &c.
eu. æu . oeu . heu . eus. oei ,
&c. ex. feu , & c .
ou.oû. ous . aou . où . on.ex.
onaille
B iiij Cing
1946 MERCURE DE FRANCE :
29. a
30.
é
31. i
32. o
33.ũ
34. ye
35. xe
36.0i
37.ui
38.ieu
39.ien
40.0in
Pour Dans les mots
Cinq voyelles nazales .
an.en aën. aon. ans. em . ean.
ex. Paon , & c.
en . ein . aim . ain . im . in. ym.
yn. ex. bien , & c .
in. im....dans ingrat , impoffible
, &c.
on . om . aon . ahon. um . un.
ex. fon , &c .
un.eun.um.ex.un lundi ,& c.
Deux Lettes doubles .
Si . y. ï. iï. ex . moyen , &c.
f.z.kle.gz.ex. axe, exil, &c;
Cinq Diftongues .
г
Roy.
Pluye.
Dien-
Bien.
Soin.
LETTRE fur la précedente Table.
ONSIEUR ,
La fuite naturelle des nombres qui ré-
1 3
pondent aux Lettres de l'a , b , c , &c.
n'allant que jufqu'à vingt - cinq , on a pû
réfoudre la plupart des Logogryphes arithmetiques
4
SEPTEMBRE. 1728. 1947.
metiques , par la feule infpection du Problême
, & fans fuivre la voye generale de
l'Analife : voici maintenant une nouvelle
Table de la fuite naturelle de 40. nombres
qui répondent à la Table des Sons,
dont on fe fert pour exprimer tous les
mots de la Langue Françoife ; car ordinairement
il y a bien plus de lettres que
de fons dans les mots , & c'eft ce qu'il eft
bon d'apprendre à diftinguer par l'oreille
& par les yeux .
Cet a , b , c rendra le jeu des Logogryphes
d'autant plus inftructif, qu'il indiquera
le moyen le plus fûr pour noter ,
pour ainfi dire , exactement & par prin
cipes , tous les mots felon leur veritable
prononciation , à la quantité près , dont
il ne s'agit pas totalement ici, & de laquelle
on ne fçauroit donner de regles précifes
, faute de caracteres pour l'exprimer.
Les exemples rendront ceci plus fenfibles
, fuppofez qu'en opperant fur un Logogryphe
arithmétique , on trouvât les
nombres 28. 20. 18. fur lefquels auroit
été donné le Logogryphe de trois fons ou
de trois nombres , pour lors la Table indiquera
les fons ou - a - lhe , qui répondent à
ces trois nombres 28. 20. 18. ce qui
abregera beaucoup, puifqu'au lieu des fept
lettres du mot ouaille , & des fept nombres
qui leur répondent , on peut donner-
By le
1948 MERCURE DE FRANCE
le même Logogryphe en trois fons & en
trois nombres, ce qui feul rend cet a, b, c,
de beaucoup préferable à l'autre.
Il est vrai qu'il refteroit encore une
petite operation à faire , c'eft qu'il faudroit
fubftituer l'Ortographe des yeux
à celle de l'oreille ; mais la feule infpection
du mot oualhe , écrit felon les
regles des fons & de l'oreille , rappelleroit
d'abord le mot ouaille , écrit felon
les regles des ïeux & de l'ufage.
Quand il y auroit même quelque peine
à traduire ainfi en faveur des ïeux , l'ortographe
de l'oreille , cet exercice pourroit
encore plaire à la jeuneffe qui , en
fait de Langue, fe picque de juger fainement
des regles & de l'ufage . On a vû
un enfant de quatre à cinq ans capable
de cet exercice ; il diftinguoit tous les fons
des mots qu'on lui prononçoit ; il eſt vrai
que cet enfant connût toutes les lettres
à trente mois , & qu'à trois ans il lût
le Latin & le François , par la méthode
des fons & par le Jeu du Bureau Tipographique
, dont il fera parlé dans un Ouvrage
intitulé : Premiers Elemens des Lettres
, contenant l'A , B , C , raisonné de
CANDIAC , & c.
Un autre exemple rendra peut- être ceci.
plus intelligible , fi l'on veut donner un
Logogryphe arithmetique fur le mot
CHOISEUL
SEPTEMBRE. 1728. 1949
CHOISEUL , On trouve & l'on compte ,
au rapport de l'oreille , ces cinq fons
ch-oi - z-en-l , qui répondent aux cinq
nombres 10. 36. 3. 27. 13. pour le Logogryphe
en queſtion , &c.
Cette Methode des fons eft même déja
pratiquée en bien des occafions , où l'on
a égard à l'oreille plutôt qu'aux feux ,
comme dans le Mercure François du mois
de Juin , tome premier , au mot Limaçon,
l'Auteur de ce Logogryphe en Vers , aïant
changé le e cedillé en la lettre f. pour y
trouver le nom de SOLIMAN un autre
en ôtant la cedille , y auroit trouvé la
Ville de MACON.
>
Les Poëtes , Racine même , font fouvent
rimer à l'oreille, ce qui ne rime point
aux yeux.
Non , non, je ne veux plus demeurer engagé
Pour un coeur où je vois le peu de part que j'ai
Dépit amoureux , Moliere .
Monfieur , ce galant homme a le cerveau bleffé
Ne le fçavez -vous pas? je fai ce que je ſaš .
L'Etourdy , Moliere .
* Ala rigueur onpeut dire qu'on entend deux
fons dans la vraye diftongue oi ; mais elle ne
fait qu'une fyllabe , c'est pourquoi on ne lui donne
qu'un nombre.
B vj
Tel
1950 MERCURE DE FRANCE:
Tel dut être le prix de ma témerité ,
Quand fur un Corps divin, aveugle j'attentai.
Eneide , Segrais .
Vaincu , chargé de fers , de regret confumé ,
Brûlé de plus de feux , que je n'en allumai.
" 1
Qu'Hermione eft le prix d'un Tiran opprimé,
Que je le hais enfin autant que je l'aimai.
Andromaque.
Scrupuleux fur cette licence qui ne
choque jamais l'oreille , les Poëtes n'ont
pas la même délicateffe , lorfqu'ils fe contentent
de rimer aux jeux , cependant le
Public n'écoute que les fons , & ne regarde
que les perfonnes ou leurs geftes .
Attaquons dans leurs murs ces Conquerans fi
fièrs ,
Qu'ils tremblent à leur tour pour
pres foyers .
leurs pros
Mitridate.
Malgré tout fon orgueil ce Monarque fi fièr ,
Afon Trône , à fon lit daigna l'affociér.
Hé bien brave Acomat , fi je leur fuis fi chèr ,
Que des mains de Roxane , ils viennent m'arrachér
.
Bajazet.
Son frere plus que lui , commence à me tou
chéra
}
Devenant
SEPTEMBRE . 1728. 1951
Devenant malheureux , il m'eſt devenu chèr.
Thébaide.
Songez y bien, Madame, & fi je vous fuis chèr,
Venez , Prince , venez , je vous ai fait cherchér.
Berenice .
Et lorfqu'avec tranfport je penfe m'approchér,
De tout ce que les Dieux m'ont laiffé de plus
chèr.
Phédre.
La Table des fons de notre Langue
pourra donc fervir à rectifier les abus des
Poëtes , & furtout des faifeurs d'Anagrammes
, qui confondent encore l'ufage
de l'i & de l'u voyelles , avec celui de l'j
& de l'v confonnes , ces quatre fons n'ont
aucun rapport entre eux. Une autorité
vague & défectueuſe , un uſage fondé ſur
l'ignorance & le deffaut de reflexion , ne
rendront jamais bonne & jufte une mauvaiſe
& fauffe Anagramme , à prefent que
ces quatre fons ont enfin obtenu chacun
un different caractere. Ainfi les mots
beau , Jean , river , ne doivent point donner
bave , aîné, jurer, &c . ni le mot Dieu,
ceux de Jude , vide , ni le mot Jefus ?
ceux de cives , latin , visés , Cieux , Suiffe,
cuiße, cuife , ceux - ci ; ni enfin le mot Ives
celui de Jeus , &c.
Les
1952 MERCURE DE FRANCE .
Les perfonnes qui aimeront mieux
donner lettre à lettre les nombres des Logogryphes
arithmetiques , plutôt que de
fuivre la regle des fons , pourront le faire
à leur choix , puifque toutes les lettres
de l'a , b , c , & c . fe trouvent dans la Table
des quarante fons fimples ou compofez
de notre Langue ; c'eft en faveur de
ces perfonnes qu'à la fin de cette Lettre
on a mis une autre Table rangée felon
P'ordre de l'Alphabet & relative à la
premiere .
La plus grande difficulté roulera fur les
équivoques des noms propres & des noms
appellatifs , exprimez par les mêmes fons
& non par les mêmes lettres , comme dans
le Logogriphe du Dieu Pan , des deux
fons pe an , répondant aux deux nombres
2. & 29. qui peuvent également répondre
aux mots Paon & Pan , fignifiant des
chofes differentes .
Mais cette difficulté d'ortographe ou
de quantité , ne regarde point abfolument
celui qui veut réfoudre le Problême , il
fuffit qu'il trouve les nombres cherchez
& qu'il donne les fons qui répondent à
ces mêmes nombres , fans s'embaraffer de
l'ortographe des ïeux , qu'autant qu'il
voudra la trouver , non en qualité d'Arithmeticien
& d'Algébrifte , mais en
qualité d'homme d'efprit qui veut s'en
faire un autre plaifir On
SEPTEMBRE. 1728. 1953
On peut encore ajoûter en faveur de
cette nouvelle Table qu'elle fervira , pour
ainfi- dire , d'Echometre aux Etrangers &
aux perfonnes de la Province , qui pourroient
douter de la veritable prononciation
de certains mots . Par exemple , fi de
Marſeille , de Montpellier & de Grenoble,
on demandoit la veritable prononciation
des quatre mots fuivans ; Anguile , frilleux
, leger, vuide , il feroit aifé de ré- ,
pondre que le fon 18 ° du the mouillé
doit fe faire entendre à la fin du mot Anguille
& non dans le mot frileux ; que
le fon 25 de l'è ouvert , s'entend dans
La derniere fyllabe du mot legèr ; & que le
24º fon ou la voyelle u eft muette dans
le mot vuide , qu'on prononce comme s'il
étoit écrit vide.
C'eft ainfi
que l'on pourra faire des queftions
& de veritables Logogriphes arithmétiques
, à l'égard de certains mots peu
ufitez dans la converfation , & dont la
prononciation n'eft pas même bien connuë
, du moins dans les Provinces , comme
celle des mots Faoner, Tahon , S. Laon,
Craon , Secret , &c . on pourroit faire la
même chofe , à l'égard des mots dont le
genre paroît douteux , & c .
Il femble que pour donner une idée
plus jufte & plus exacte du nombre des
fons de la Langue Françoife , il auroit
peut1954
MERCURE DE FRANCE .
peut-être fallu fe contenter de la Table
des trente- trois fons fimples de la Langue,
fans y ajoûter les deux lettres doubles x ,
y , & encore moins les cinq diftongues
oi , ui , ieu , ien , oin ; mais fçachant que
les Grammairiens ne font pas d'accord
fur la nature des fons qui compofent ceux
de la diftongue oi , dans les mots bois ,
poix , &c. que les uns croient prononcer
boès , poès avec l'o & l'è ouvert ; les autres
, bouès , pouès avec l'ou ; les autres ,
bouas , pouas , avec l'a , &c . l'on a crû
devoir faire entrer la diftongue oi dans la
Table des fons , en attendant que la prononciation
en foit plus déterminée ; on
peut dire la même chofe à l'égard de
la diftongue oin , dans le mot foin , &c .
qu'on croit prononcer foèn ou fouèn ou
fouan , &c .
L'introduction d'une ou de deux diftongues
neceflaires
pour prévenir bien de
petites difficultez
fur la prononciation
,
à fait prendre le parti d'ajoûter encore
dans la Table des fons , les trois autres
diftongues
ui , ieu , ien , des mots lui ,
lieu , bien , qui ne donnent qu'une fyllabe.
L'ufage des nombres répondant à ces diftongues
, abregera l'expreffion
& le calcul
des Logogriphes
arithmetiques
.
On auroit pû , & même peut-être dû
donner toutes les diftongues employées
quelSEPTEMBRE.
1728. 1955
·
quelquefois pour une feule fyllabe , comme
celles d'ia , iau , ié fè , io , iam , ion ,
oe, ue, bui,uin, oui , & dans les mots diable,
miauler , pitié , fièl , fiole , diantre , Baftion
, poëme, écuelle , huile, quinquagefime,
oui , affirmation , & c . Cette attention ne
feroit pas inutile pour faire connoître
plus furement au Lecteur le nombre précis
des fyllabes de chaque mot ; c'est pourquoi
dans la fuite on pourroit augmenter
la Table & la pouffer jufqu'au nombre
52. & même plus loin , felon l'abondance
& la découverte des fons ou l'augmentation
des caracteres & diftongues autori
fez par le bon ufage.
A l'égard des lettres doubles x , y , il
eft plus fimple & plus raifonnable de marquer
leurs differens ufages par le meme
chiffre , que d'avoir un chiffre particulier
pour chacun de ces ufages , enforte que
les fons differens kse , gze , & c . ont le
même caractere & le même chiffre pour
les mots écrits Alexandre , examen , & c .
l'emploi des lettres doubles x , y , ne don
ne donc qu'un nombre pour chaque double
lettre , quoique ces lettres aient un
double fon qui exigeroit deux nombres
pour chacun , ainfi que la Table le démontre.
On ne prétend pas que cette Table enfeigne
l'Orthographe à ceux qui l'ignorent.
1956 MERCURE DE FRANCE .
rent. Vivant fans l'étude Anatomique de
notre corps , nous pouvons auffi parler
& nous entendre fans faire l'Analife des
fons de notre Langue. On fçait qu'il y a
toûjours eu peu de Voyans & parmi eux
encore moins de Praticiens ou de travailleurs.
Il eft bon d'obſerver que lorfque les
confonnes d'une fyllabe ou d'un mot
font immediatement fuivies de la voyelle
fervile & auxiliaire de leur dénomination ,
on peut fe difpenfer de prendre un nombre
pour cette voyelle ; par exemple , le
mot Cane , pourroit être exprimé par les
nombres 12. & 15. répondant au fon Ka
& au fon Ne. En voilà plus qu'il n'en
faut pour mettre au fait de cet exercice
les perfonnes bien intentionnées & non
prévenues ; car pour les autres , à moins
d'un miracle , on ne doit pas le flatter de
leur paroître jamais intelligible. Je fuis ,
47. Logogryphe.
&c.
TABLE des Sons de la Langue Frangoife
, rangée felon l'ordre de l'a , b , c ,
ordinaire , & c.
20 4 21 25
26 $
a , b , c , d , ¿fermé é , é ouvert , e muet , f,
? 11 19 22 9 12 13 14 15 23 2 12 16 4
jgu , h , i , je , k , l , m , n , o , p , q , I , f,
6 24 7 35 34 3
4
10 8 16 6 7
I ,u , v , x , y , z , c , ch , phạnh , th , w ,
gn,
SEPTEMBRE . 1728. 1957.
27 18 28 29 30 33 36 37
gn , ill , eu , ou , á , é củ , ou , i , ô , ù , ôi , ui ,
38 39 40
ieu , ien , oin.
LOGOGRIFES ARITMETIQUES
fur les nombres répondant aux fons
de la Langue Françoife felon la Table ,
ou l'a , b , c , ci- deffus .
49. Logogrife de quatre nombres ou de
quatrefons.
Le 2 égale le 1er plus huit.
Le 3 égale les duier. 3
Le 4 égale le 1er plus le 3º plus un.
La fomme totale eft foixante un.
50. Logogrife de quatre nombres ou de
quatrefons .
Le 1er plus le 2 égalent le moins
neuf.
Le 2 plus le 3 égalent trois fois le
4 .... moins cinq .
e
Le 3e plus le 4 égalent 19. fois le 1er.
La fomme totale , cinquante- trois.
1. Logogrife de quatre nombres où de
quatrefons.
Le 1er plus un égale le 2e plus huit.
Le 2º moins deux égale le 3º•
Le
1958 MERCURE DE FRANCE.
Le 3 plus neuf égale le 4° .
e
La fomme totale 76.
52. Logogrife de quatre nombres ou de
quatre fons .
Le 1er plus le 2e égalent le 3 * moins un.
Le 2 plus le 3 égalent trois fois le 4º
moins fix .
Le 3 plus le 4
plus cinq .
...
égalent deux fois le re
La fomme totale 91.
53. Logogrife de cinq nombres ou de
cinq fons.
e
Le 2 eft égal au double du 3 *.... plus deux .
Le 3 eft la du 4º plus un .
Le4 égale 4 fois le 5 .... plus un.
Le 5 eft trois fois le 1er.
La fomme totale 74 .
54. Logogrife de deux nombres ou de
deux fons .
La fomme des deux quarrés égale celle
de 674.
La fomme des deux cubes divifée par celle
des deux racines , égale celle de 499 .
Le 1er nombre eft le plus grand.
55. Logogrife de deux nombres ou de
deux fons .
La fomme des deux nombres égale 34 .
La
SEPTEMBRE . 1728. 1959
La difference de leurs cubes égale 21736 .
Le 1erdes deux nombres eft le plus fort.
56. Logogrife de trois nombres ou de
trois fons.
Le 1er eft aritm . au 2 comme le 3 eft
à dix .
Le 2 eft géometr. au 3 comme le 1er
à 25
I
Le 3e eft aritm . au 1er comme le 2e à 30 .
XXXXXXX : XXXXXX : XX
TRIOLETS ,
Sur le mois de Septembre.
SEptembre eft le plus beau des mois ,
C'est lui qui dépoüille la Treille :
Chantons donc tous à haute voix ,
Septembre eft le plus beau des mois ;
C'eſt lui dont Bacchus a fait choix ,
Pour donner fa Liqueur vermeille :
Septembre eft le plus beau des mois ,
C'est lui qui dépoüille la Treille.
Ce jus que nous aimons toujours ,
1.
Cc
1960 MERCURE DE FRANCE .
Coule en ce beau mois de Septembre
Nous recevons pendant fon cours
Ce jus que nous aimons toujours ,
Et qui feul fait nos plus beaux jours ,
Depuis Janvier jufqu'en Decembre ;
Ce jus que nous aimons toujours ,
Coule en ce beau mois de Septembre.
።
De ce nectar délicieux ,
Ufons pour charmer la trifteffe :
Buvons de ce jus précieux ,
De ce nectar délicieux ;
Mais dans nos repas gracieux ,
Que Bacchus jamais ne nous bleffe :
De ce nectar délicieux ,
Ufons pour charmer la trifteffe.
Bacchus pris fans précaution .
Peut caufer une folle guerre ;
Ami , de fotte opinion ,
Bacchus pris fans précaution ,
Enfante l'indifcretion ;
Plus
SEPTEMBRE . 1728. 1961
Plus tranfparente que le verre :
Bacchus pris fans précaution ,
Peut caufer une folle guerre.
BOUCHET.
PLAIDOTER de Mercure , Avocat
General en la Caufe des Champenois &
des Drufiens , au Tribunal de M. DE
SENECE' .
M
ONSIEUR , puifque c'eſt dans un
Ouvrage qui porte mon nom , &
fous mon Afcendant qu'a pris naiffance
une fameuſe conteſtation , qui diviſe aujourd'hui
deux Nations confiderables , &
que les principaux Chefs des deux Partis
font convenus de remettre réciproquement
leurs interêts entre vos mains pour
être jugez par vous fouverainement &
en dernier reffort . Je crois qu'il ne m'eft
pas permis de garder le filence , & que
c'eft à moi , exclufivement à tout autre ,
d'exercer dans cette caufe le Miniftere du
Magiftrat Public , c'eſt -à- dire , de parler
& de donner mes conclufions fur une
affaire auffi importante à la Difcipline
Litte
1962 MERCURE DE FRANCE .
Litteraire , qu'à l'honneur de ces deux
Nations.
Au refte , Monfieur , quoique je fois
Mercure , & que toute l'Antiquité m'ait
reconnu pour le Dieu de l'Eloquence , je
vous déclare que je n'abuferai pas de mes
talens : il ne tiendroit qu'à moi de vous
bercer par de belles Frafes , & de vous
endormir enfin par un difcours fleuri , qui
s'éloigneroit du Fait , à l'imitation de
tant d'Orateurs Anciens & Modernes ;
ce qui feroit mal remplir mon Miniſtere ,
car il ne s'agit ici que d'expofer & d'inf
truire , & non pas de briller & de féduire
.
Ornari res ipfa negat , contenta doceri.
J'entre donc dans mon Sujet fans autre
préambule , Vous fçavez , MONSIEUR ,
que les Triolets , dont vous êtes le Reſtaurateur
, & une belle Ode fur la Table .
imprimée dans le Mercure de Mai 1727 .
page 906. & 913. ont donné lieu à la
querelle dont il s'agit ici . Une Dame ou
Demoiselle de la Ville de Dreux , qui
préside à une Societé de gens d'efprit &
de gout , crut trouver & dans l'Ode &
dans les Triolets quelque chofe qui avoit
befoin d'interprétation. Elle vous l'a demanda
, Monfieur , avec beaucoup de
politeffe par une de fes Lettres , que mes
SeSEPTEMBRE
. 1728. 1963
Secretaires imprimerent dans leur Journal
du mois d'Août fuivant , page 1252 .
Vous y êtes prié au nom de cette Societé
de vouloir indiquer la fituation topographique
des Vignobles d'Ai, de Chaffagne,
& de Riez. Tout le monde , dit on , n'étant
pas à portée de la bien fçavoir , &c.
On vous prie auffi de donner quelque
clarté fur le Poiffon d'Avril , l'Afperge
& les Moufferons : non pas que ces noms
employez dans vos Triolets ne foient bien
intelligibles d'eux- mêmes ; mais par rapport
au fens dans lequel ils font là employez
, &c. Enfin , dans la même Lettre
vous étes invité d'inftruire les Demandeurs
fur l'origine & les regles des
Triolets , dont on vous croit l'Inventeur
, & c.
Cette Lettre inferée , comme je viens
de dire, dans le Mercure d'Août , ne fut
pas longtemps fans réponſe . Quelques
Champenois mirent auffi - tôt la main à la
plume , & envoyerent au Mercure des
Triolets inferez dans une Lettre datée
du 21. Septembre 1727. en infinuant
que le tout s'est fait en bûvant du meilleur
Champagne . Ils font imprimez avec
l'Extrait de la Lettre dans le Mercure
d'Octobre , page 2189. Que vous dirai
- je , Monfieur , de cette production ?
On n'y trouve rien moins que la poli-
Cteffe
1964 MERCURE DE FRANCE.
teffe Françoiſe : fans égard pour le fexe ;
fans égard à la fituation des lieux , fans
égard aux bienféances , on y traite fort
mal les Demandeurs : car on les traite
tant en Profe qu'en Vers , d'ignorans outrez
, &c. A gauche , c'est le chemin de
Dreux , eft , felon ces Champenois , un
Proverbe qui les regarde , & dont il les
prient galamment de leur apprendre l'origine
, &c. Telle eft , Monfieur , cette
Réponſe , qui n'étoit ni demandée ni attendue
, on peut dire , ni meritée .
Pour vous , MONSIEUR , , à qui feul
appartenoit le droit de répondre , comme
feul prié de le faire , vous le fîtes d'une
maniere digne de vous , c'est - à - dire
toute oppofée à celle des Champenois.
Votre Réponse datée du 28. Septembre, eſt
dans le même Mercure d'Octobre , immédiatement
à la fuite de la Lettre Champenoiſe
, comme étant venuë pofterieurement.
Quel contrafte que celui de ces
deux Piéces jointes enſemble dans le même
volume , écrites fur le même fujet ?
Dans la premiere , les Auteurs rompent
en vifiere , ils veulent infulter , il rampent
dans leur ftile & n'apprennent rien :
dans la feconde , l'Auteur , loin d'offenfer
, inftruit poliment & agréablement,
Son ftile eft fimple , mais noble & naturel.
Je dois ici une juſtice aux Champenois
;
SEPTEMBRE .
1728. 1965
nois , c'eſt de croire qu'en cette occafion
ils ont été mortifiez & édifiez tout enfemble
; mortifiez d'avoir écrit avec tant de
hâte &
d'indifcretion , édifiez de l'exemple
& de la leçon que vous leur
donnés.
La Réponſe , au refte , ou plutôt la
Réplique de la Dame de Dreux ne fe fît
pas long- temps attendre . Elle parut dans
le
Mercure de
Novembre , page 2396.
On n'y trouve rien moins que l'ignorance
& l'air épais que l'Epitre
Champenoiſe &
les Triolets prêtent aux Druxiens. On
s'y deffend avec efprit & politeffe , on
peut ajoûter avec avantage , furtout à
l'égard du Proverbe par lequel on infulte
aux Druxiens. A gauche , c'est le chemin
de Dreux . Car les adverfaires font priés à
leur tour de dire l'origine de celui- ci :
Quatre vingt - dix - neuf Moutons & un
Champenois font cent bêtes, Cinq Triolets
achevent de ripoſter. On y plaifante
agréablement : ils finiffent , MONSIEUR ,
en vous établiffant juge de la Conteſtation
.
Prenez pour juge SENECE' ,
D'une Critique fi nouvelle ;
De ma part fi j'ai mal penſé ,
Je prens pour juge SENECE' :
Cij Et
1966 MERCURE DE FRANCE:
r
Et quand il aura prononcé
Noyons dans Ai la querelle ,
Prenez pour juge SENECE' .
D'une Critique fi nouvelle.
La Dame infultée ne pouvoit pas , fans
doute , faire un meilleur choix , & il
paroît que les Parties adverſes y ont donné
les mains : voilà donc votre Tribunal
bien & dûëment faifi de cette Cauſe ;
mais voyons ce qui a fuivi. Nulle réponfe
de la part des Auteurs de la premiere
Lettre. On peut dire que ce filence leur
a fait honneur : heureux fi quelques Compatriotes
prenant la choſe d'un autre biais,
croyant toute la Province intereffée
dans le Proverbe des Moutons , qui n'étoit
qu'une plaifanterie en recrimination :
heureux , dis-je , fi quelques Compariotes
ne fe fuffent avifés de mettre encore
des Triolets fur la Scene en faveur
de la Champagne , & à la dérifion des
Dreuxiens.
Mais avant que je vous rende compte
de cette Piéce , l'ordre veut , MoNSIEUR
, que je n'oublie pas un incident
qui l'a précedée. Une Lettre écrite de
Paris le 27. Octobre 1727. & fignée
Roger : Lettre d'un ftile grave , & prefque
Stoïcien , parut dans le même Mercure
SEPTEMBRE . 1728. 1967
cure de Novembre page 241 8. L'Auteur
y traite mal les Dreuxiens , principalement
pour avoir ignoré qu'Ai eſt une
Ville de Champagne. Il fupplée à cette
ignorance , & il les inftruit auffi fur la fituation
de Chaffagne , & c. Il ne paroît
pas fi fçavant fur la fituation de Riez ,
avouant qu'il ne connoît pas ce lieu
mais qu'on l'a affuré que Riez eft un Vignoble
de Bourgogne : telle eft la Lettre
incidente d'un homme qui n'a aucun interêt
à la conteftation , qui écrit pour
écrire , & c .
La Réponſe de la Dame eft inferée
dans le 1. vol . de Decembre fuivant
page 2652. Le Cenfeur y eft renvoyé à
I'Almanach pour apprendre que Riez n'eſt
pas un Vignoble de Bourgogne , mais une
Ville de Provence , & on lui confeille
d'aller à l'école.
Feüilletez mieux votre Almanach ,
Monfieur R. je vous l'ordonne ,
Raifonneur ab hoc & ab hac ,
Feüilletez mieux votre Almanach :
Allez dans ce nouveau Tric- trac ,
A l'Ecole , & je vous pardonne :
Feüilletez mieux votre Almanach ,
Monfieur R, je vous l'ordonne.
Ciij Ces
1968 MERCURE DE FRANCE .
Cependant les nouveauxTrioletsCham
penois , dont je viens de parler , font préparés
, & paroiffent enfin dans le Mercure
de Janvier 1728. page 71. dattez du
18. Decembre précedent. Les Dreuxiens
y font encore taxez de prendre à gauche ,
&c. & d'être au moins demi- Normands ,
&c . Plufieurs Champenois Lettrez y font
cités par oppofition aux 99. Moutons ,&c.
& fans nier l'exiftence du malin Proverbe
, on en détourne le fens à l'avantage
de la Nation Champenoiſe de cette maniere
:
Le Champenois n'a du Mouton ,
Que la candeur , non la bétife ;
Tel eft le vrai fens du dicton ,
Le Champenois n'a du Mouton ,
( Dupe en cela , qu'y feroit- on ? )
Que la bonne foi , la franchiſe.
Le Champenois n'a du Mouton
Que la candeur , non la bétife.
Enfin , MONSIEUR , & c'eft , fans doute
, ce qu'il y a de meilleur dans cette
nouvelle faillie A l'exemple de la Dame
de Dreux vous êtes pris pour arbitre de
ce grand differend , ce qui acheve de con.
firmer
SEPTEMBRE. 1728. 1969
firmer le droit que vous ayez de juger les
Parties.
Sur un débat fi férieux ,
Répand les jeux de ta Critique ,
En Triolets judicieux ,
Sur un débat fi férieux ,
Auteur ſenſé , mais gracieux
SENECE' verſe un ſel attique :
Sur un débat fi férieux ,
Répand les jeux de ta Critique
Il ne falloit pas s'attendre que les Dreuxiens
demeuraffent en refte. La même
Dame met la main à la plume pour la
derniere fois , & répond aux derniers
Triolets défobligeans. Sa Réponſe intitulée
: Fin des Triolets, & c . eft inferée dans
le Mercure de Juin dernier , 1. vol .
page 1099. C'est une Lettre qui va droit
au fait , qui démontre que le nouvel adverfaire
s'écarte exprès du vrai fujet de la
querelle , & que fon interprétation du
Proverbe des Moutons eft fophiftiquée
&c. L'article qui concerne le fameux La
Fontaine , mis à la tête des Champenois
Lettrés , eft réjoüiffant. Depuis cette Réplique
toute la Champagne garde le filence
: enforte que l'affaire eft de part
Ciiij &
1970 MERCURE DE FRANCE .
& d'autre en état d'être jugée .
Car je ne crois pas , MONSIEUR.
que je doiye m'arrêter à ce qui a été produit
incidemment par certains efprits
mal faits , qui n'étant point mêlez dans
la querelle , & prenant de travers des chofes
qui ne les regardent point , fe font
avilés d'écrire des Lettres anonimes mal
digerées & farcies de Triolets piquans
dont les uns vous ont été adreffées , &
les autres à mes Secretaires . Si je fais
l'honneur à ces Phantomes , contre lefquels
des gens fenfez ne doivent point fe
battre , de faire ici quelque mention de
leurs productions , c'eſt pour vous rendre ,
MONSIEUR , une partie de la juſtice qui
vous eft dûe , ces Lettres ayant procuré
au Public la belle Piéce dont vous
avés enrichi le 1. vol . du Mercure , page
2640. fous le titre de Lettre Apologeti-
&c. datée du 7. Decembre 1727 .
Votre modeftie m'empêche d'en faire l'éloge
; mais vous me permettrez de ne pas
paffer fous filence un endroit de cette
Lettre qui eft de confequence pour le
fujet dont il s'agit ici. Les Anonimes ont eu
la temerité de vous imputer la citation du
Proverbe imaginaire du Chemin de Dreux.
Vous répondez ce qui fuit:
que,
» Le reproche que l'on me fait d'avoir
» cité ce Proverbe , eft.une pure calomnie
» dont
SEPTEMBRE. 1728 . 1971
» dont je demanderois réparation , fi je
fçavois à qui la demander. Je ne connois
» point ce Proverbe , & ne fçai pas mê-
» me ce qu'il fignifie . J'ai été toute ma
» vie du fentiment qu'il ne falloit jamais
» blâmer en general une Nation , ni une
» Communauté , & que par tout il fe
» trouve des perfonnes de merite . Quant'
» à la Ville de Dreux , je n'y fus de ma
» vie , & je n'en connois ni la fituation
» ni les Habitans , fi ce n'eft par un fort
» bel endroit de fon Hiftoire , qui m'ap-
>> prend qu'elle a tiré fon nom de ces fa-
>> meux Druïdes , qui dans les bons fie-
>> cles de l'ancienne Gaule , y avoient
» établi le fiége principal de leur Reli-
» gion , & de leur Philofophie ; & je ne
» doute aucunement que les femences de
>> leur Doctrine & de leur vertu ne ſe
foyent perpetuées dans leurs Defcen
» dans.
Une déclaration fi précife & fi fenfée
a dû couvrir d'une égale confufion les
Auteurs du prétendu Proverbe , & ceux
qui ont eu la temerité de vous l'imputer.
Vous aviez quelque raifon de croire que
l'imputation venoit de la part de ceux qui
s'y trouvent intereffez , mais je fçai qu'ils
n'ont jamais eu cette penſée , & que vous
êtes en veneration à Dreux comme à Paris
, & par tout où l'on fe pique d'hono`
rest
1972 MERCURE DE FRANCE :
rer le vrai merite & la belle érudition:
Oui , MONSIEUR , je fçai que les Dreuxiens
penfoient bien fur votre fujet avant
qu'on eut vû dans le Mercure la justice
que vous leur rendez par les belles paroles
que je viens de citer.
Il ne me refte plus , pour ne rien omettre
, qu'un mot fur certaine Lettre écrite
le 10. Janvier dernier , & fignée le Maire
d'Ai ,fuivie de Triolets qui vous font
adreffez par l'Auteur de la Lettre . Elle
eft inferée dans le Mercure de Janvier ,
page 76. On y trouve de la gayeté , &
la répetition du quolibet , à gauche , &c.
contre les Citoyens de Dreux. Les Triolets
vous regardent , MONSIEUR , uniquement,
& ne font faits avec les 2. ou 3 .
Notes Hiftoriques qui les accompagnent ,
que pour blâmer la préference que vous
avez donnée au vin de Rheims , fur celui
d'Ai , dans votre Lettre du 28. Septembre
1727. ci-devant citée . Tout cela né
peut être regardé que comme un incident
frivole , qu'ont fait naître l'amour
de la Patrie , & la paffion d'écrire .
Tels font , MONSIEUR , le commencement
, les progrès & les incidents du
Procès que vous avez à juger , fur lequel ,
après en avoir réduit le précis dans les
bornes les plus étroites qu'il m'a été poffible
, j'ai à donner mes conclufions . Deux
Qu
SEPTEMBRE . 1728 1973
ou trois refléxions fuffiront pour les déterminer,
1º. C'eſt une maxime inconteſtable
que dans les procedés qui deviennent des
querelles férieufes , les Aggreffeurs ont
toujours le premier tort & le principal
tort.
2º. Attaquer des perfonnes de gayeté
de coeur , & les infulter fur le blâme
general
d'une Nation , ou d'un Corps , eft
un procedé qui merite repréhenfion .
3°. On a toujours regardé comme peu
avifez tous ceux qui n'ayant perfonnellement
aucun interêt dans les conteftations
qui fe préfentent , s'y mêlent fans en être
requis , brouillent & aggravent les chofes
, au lieu de les pacifier en les éclairciffant.
J'applique , MONSIEUR , ces maximes
à la caufe dont il s'agit ici : les Auteurs
des deux Lettres Champenoifes font
précisément dans le cas de la premiere &
de la feconde refléxion . Les Auteurs des
Lettres fignées , Pune Roger , & l'autre le
Maire d'Ai , & les Ecrivains anonymes
qui ont fait paffer jufqu'à vous , Monfieur
, des Lettres & des Triolets mal mefurés
, tombent dans le cas de la 3º Reflexion.
Cvj CON .
1974 MERCURE DE FRANCE.
CONCLUSIONS.
Dans ces circonftances , toutes chofes
mûrement peſées , j'eftime qu'il y a lieu
de condamner les Auteurs des deux premieres
Lettres , folidairement & fans di
vilion , à tenir & eftimer les Habitans de
Dreux pour gens de bonne fame & renommée
, droits , finceres & bien avifés ,
reconnoître qu'ils ne font en aucune fa
çon Normans , ni demi- Normans , la
Ville de Dreux étant toute Françoife ,
tant au ſpirituel qu'au temporel ; en outre
de faire en particulier à la Dame de
Dreux directement offenfée dans lefdites
deux Lettres , & dans les Triolets y
joints , telle fatisfaction qu'il vous plaira
, MONSIEUR , d'arbitrer , au moyen
de quoi ladite Dame & les autres Ci
toyens de Dreux , feront tenus de les recevoir
à pardon , & de reconnoître réciproquement
la Nation Champenoife pour
Nation diftinguée du côté de l'efprit , de
la franchiſe & de la generofité ; avec injonction
aux uns & aux autres , de tenir
pour abfurdes & malignement fabriqués
tous Quolibets, Proverbes, Dictons , &c.
* Dreux eft du Diocèfe de Chartres , du Reffort
du Parlement de Paris , & de l'Orleanois .
pour le Gouvernement.
contre
SEPTEMBRE. 1728. 1975
contre l'honneur des deux Nations , défenſes
de s'en fervir à l'avenir , fous peine
d'amende , & c.
2
A l'égard de la Lettre fignée Roger
le débouter de fon'intervention avec dépens
, le condamner à faire inceffamment
un cours de Topographie Françoi
fe , de quoi il rapportera Certificat en
bonne forme du Profeffeur qui l'aura
inftruit , bien & dûëment légalisé par les
Maire & Confuls de la Ville de Riez.
Pour ce qui regarde l'Auteur de la Lettre
, fignée le Maire d'Ai , le débouter
pareillement de fon intervention , avec dépens
, & défenfes à lui de fe fervir à l'avenir
du Dicton employé dans ladite
Lettre , fous les peines ci - deffus . Ordon--
ner que la préference du Vin de Kheims
fur celui d'Ai , fubfiftera telle que vous
l'avez établie , défenfes au contraire .
Et quant aux Ecrivains cachés , qui par
Lettres indifcretes & par Triolets abfurdes
, fe font immifcés dans la querelie
les condamner , fi découverts & appréhendés
peuvent être , à fubir la peine
portée par la loi deCaligule contre les Auteurs
d'une mauvaiſe Piece , * fçavoir de
* Caligula , tefte Sueton. Cap. 20.Lugduni in
Galliâ , certamina Oratoria ea lege inftituit ut
qui maximè difplicuiffent , fpongia linguave ,
(cripta à fe delerent , nifi maluiffent aut fe
l'effa
1976 MERCURE DE FRANCE .
l'effacer avec la langue , ou avec une
éponge ; fi mieux n'aiment les Délinquants
, conformément à ladite loi , être
plongez dans la plus prochaine Riviere ,
après avoir été rudement battus à coups
de ferule.
que
mê-
Et afin d'arrêter la licence de ceux qui,
à l'imitation des Ecrivains Champenois ,
Parties dans cette Cauſe , attachent une
Note de blâme , de fufpicion , & prefd'infamie
aux termes de Normand &
de Normandie , fans avoir égard aux bonnes
qualités & aux avantages confiderables
qui fe trouvent dans la Nation &
dans la Province de ce nom , fans confiderer
, dis - je , que l'une & l'autre ,
me tout le Pays du Maine y joint , font
de tout temps fous ma protection particu
liere faire très expreffes inhibitions &
défenſes à toutes perfonnes de fe fervir de
ces termes ou d'autres équivalents dans
l'efprit ci deffus marqué , à peine de telle
amende qu'il vous plaira de prononcer ,
appliquable au profit des pauvres Plai
deurs des deux Provinces. Moyennant
quoi , j'eftime , Monfieur , que le Jugement
qui doit intervenir , formé par votre
équité & par vos lumieres , terminera
heureuſemeut une affaire , qui , après
rulis objurgari , & in proximum flumen mergs.
Lub.in Juvenal.
avoir
SEPTEMBRE. 1728. 1977
avoir attiré l'attention du Public , fervira
de régle pour le paffé , d'exemple & de
loi pour l'avenir.
*****:XXXXXXX :XXX
EPIGRAM M E.
UN Magifter , grand Choriſte au Pupitre
,
Au demeurant un Baudet en ſurplis ,
Etant requis de tranflater l'Epitre ,
Ne put paffer In diebus illis .
Parbleu , pourtant , dit- il , fi je fçai lire ,
De ces deux mots , je comprens l'un fort
bien ;
Car in die , les Indes nous veut dire ;
Pour bufillis , ma foi je n'en fçai rien .
LETTRE fur le Paradoxe du P. C. J.
E premier Volume de votre Journal
de Juin m'étant tombé entre les
mains , j'ai vu , Monfieur , page 1122 .
& fuiv. que le P. C. prétend établir ce
Paradoxe , que la difference des deux
grandeurs égales n'eft pas toujours nulle .
1978 MERCURE DE FRANCE .
Il tâche de le prouver , en rapportant les
deux fuites 1 plus plus , &c . & plus
plus , &c. qui font égales , dit- il , &
dont la difference eft néanmoins une grandeur
fenfible. Mais le P. C. oublie d'a
vertir les Lecteurs que ces deux fuites
forment des quantitez infiniment gran.
des ; ce qui feroit tout-à-fait propre à
faire ceffer le Paradoxe , pour les perfon
nes même qui ne feroient nullement Géometres.
En effet , le fini s'évanoüiffant
lorfqu'on le compare à l'infini , & n'étant
rien par rapport à lui , tout le monde
fçait qu'on peut regarder comme égales ,
deux grandeurs infinies , auffi - tôt que l'une
ne furpaffe l'autre que d'un excès li
mité. D'où il fuit que les deux feries dont
il s'agit , formant des quantités infinies
& étant égales , mais non pas d'une éga
tité rigoureuse , il'eft très- poffible , qu'en
ôtant l'une de l'autre il ne tefte pas zero
abfolu ; mais une certaine grandeur dé
terminée. Au furplus , on voit très aiſément
que les deux feries 1 plus plus }
&c. & plus plus , &c. compofées
d'un égal nombre de termes , ne font pas
rigoureusement égales : car jointes enfemble
elles font i plus plus plus plus
plus , &c. & chacune des deux fuites
devroit donc être la moitié de cette fom-
2 &
me:mais la fuite plus plus , &c . au
lieu
SEPTEMBRE . 1728. 1979
d'être moitié de toute la fomme , ne l'eſt
ici , comme on voit , que des trois premiers
termes ; & fi on pouvoit les deux
fuites à l'infini , la feconde plus plus
&c. ne feroit encore moitié que de la
fomme 1 plus plus } plus ¦ plus ¦ plus /
&c. continuée feulement jufqu'à la moitié
du nombre de fes termes . Or la ferie
plus plus , & c . étant toujours de cette
forte moindre que la moitié de la fomme
I plus plus plus plus plus , &c. il
faut neceffairement que la premiere ſerie
1 plus plus , & c . foit plus grande ; &
ainfi il n'eft point furprenant , fi elle
furpaffe l'autre d'une quantité déterminée.
C'est ce qui arrive auffi , comme le fçavoient
déja les Géometres : mais le P. C.
ajoûte que cela doit arriver ainfi , à priori.
Je finis , Monfieur car je n'ai nulle.
ment envie de priver le Public des refléxions
de cet Auteur . J'ai l'honneur d'être
très-veritablement , votre très humble
& très- obéïffant ferviteur.
>
B. H. D. R..
LETTRE
1980 MERCURE DE FRANCE .
LETTRE du P. C. à M. de la Roque,
au fujet du Paradoxe Géometrique .
ONSIEUR ,
J'ai l'honneur de vous renvoyer la ſeconde
Lettre anonime fur le Paradoxe
Géometrique.Comme on ne vous l'a apparemment
adreffée que pour la rendre pu
blique , ce feroit dommage de priver de
cette fatisfaction un Auteur, qui, fans dou
te , a fait de fon mieux en l'écrivant ,
quoique je me ferois bien paffé d'une
critique , que fon Auteur n'oſe avoüer
aux yeux du Public . Ce n'eft pas la feule,
& il en vient de paroître une autre du
même caractere dans le dernier Mercure
de Juillet , page 1585. Si l'on fait bien ,
pourquoi cherche - t - on les tenebres ? Et
puis ne viendra-t - on pas encore dire que
c'est moi qui fais toutes ces critiques ,
comme l'ont dit quelquefois ceux mêmes
qui en étoient les Auteurs, & qui auroient
bien fçû fe faire connoître fi elles avoient
réüffi , mais qui me les attribuoient dès
qu'ils en voyoient le mauvais fuccès . On
n'en ufe pas ainfi lorfqu'on n'a en vûë que
le bien de la choſe & la verité ; & je vous
avouë
SEPTEMBRE . 1728. 1981
avouë que j'aurois laiffé tomber ces deux
nouvelles critiques fans réponſe , fi l'Auteur
de la premiere ne m'étoit connu , &
fi je ne l'eftimois même affez pour paffer
par deffus cette formalité , dont je le pric
cependant de ne pas fe diſpenſer une autre
fois , au cas que la réponſe que je m'en
vais avoir l'honneur de lui faire , ne lui
paroiffe pas fuffifante.
1º. Je pourrois me contenter d'oppofer
aux deux anonimes , la Lettre auffi folide
qu'obligeante , dont M. de Fontenelle
m'a honoré à cette occafion . Mais je n'ai
befoin que d'eux mêmes pour mettre le
Paradoxe à couvert de leurs attaques. Ils
vont au même but tous deux , l'un en
voulant prouver qu'il eft faux , l'autre en
ſe donnant pour un homme pour qui c'eſt
une verité commune. Mais à quelque but
qu'ils aillent , ils me permettront de les
mener au mien . Un Paradoxe eſt une
verité réelle , jointe à une faufſeté apparente.
Qu'on joigne les deux critiques enfemble
, l'un prouvera à l'autre que c'eſt
une verité , & celui- ci prouvera à celui-là
qu'il y a une apparence de fauffeté . Ce
qu'il falloit démontrer.
•
2º. Le dernier anonime prétend que
je n'avois qu'à avertir que les deux feries
étoient infinies , pour faire ceffer le Paradoxe
. C'eſt là une maniere de ſe donner
рпол
1982 MERCURE DE FRANCE
pour un homme qui fçait la choſe ; mais
1º . j'aurois eu beau en avertir , je ne
l'aurois appris qu'à ceux qui le fçavoient
déja. 2 °. Plufieurs de ceux à qui on l'a
dit depuis , l'ont nié , & je crois pouvoir
citer le premier anonime , pour preuve
qu'on peut être Géometre & avoir beau
coup d'efprit fans le croire. 3 ° . Le Paradoxe
eût ceffé , dit - il , pour ceux qui font le
moins Géometres , & cependant aujourd'hui
même on connoît des gens d'efprit
qui font même Géometres jufqu'à un
certain point, pour qui c'eſt un Paradoxe
& quelque chofe de pis .
3. Ce fecond anonime même , qui
fe donne pour infinitaire & pour un homme
pour qui ceci n'eft point un Paradoxe,
me permettra de lui faire remarquer qu'il
n'a pas même pris l'état de la queſtion ,
& qu'il n'eft nullement de ceux pour qui
le Paradoxe eût ceffé. Car ce Paradoxe
ne confifte pas à dire que deux chofes
ôtées l'une de l'autre laiffent un refte réel
lorfqu'elles ne font pas rigoureufement égales
. C'eſt ainſi qu'il l'entend , mais ce n'eſt
pas ainfi que je l'ai entendu , ni qu'il faut
l'entendre. Il s'agit de deux choſes trèsrigoureusement
, très -géometriquement éga
les , qui ne laiffent pas , étant ôtées , de
fe trouver arithmétiquement inégales . Et
c'eft , pour llee ddiirree eenn paffant , cette diftiction
SEPTEMBRE. 1728. 1983
tiction entre l'égalité géometrique & l'egalité
arithmetique , qui donne le propre 启
priori , & le dénouement complet du Paradoxe
.
4°. Mais aucun des anonimes n'a pris
la chofe du côté le plus intereffant . Ils
fe font arrêtez aux préliminaires qui font
une affaire depuis affez long - temps démontrée
par les Géometres. Le plus fingulier
n'eft pas que deux quantitez égales
ayent une difference infiniment petite par
I I I
2 3 4
rapport à elles , ni que dx foit nul par
rapport à x , ou 2xdx , par rapport à xx.
Tous ces dx font quelque chofe de fort
abftrait & de fort vague , que la plupart
des gens regardent tout au plus comme
des êtres de raifon qui n'ont point de lieu
hors de l'idée des Géometres. Au lieu
qu'on fçait ce qu'on dit , lorfqu'on dit
que la difference de 1. , & c . eft
II2 , c'est-à - dire une fuite dont tous les
termes ont l'unité pour numerateur &
pour dénominateurs fucceffifs 1. fois 2 ,
3 fois 4. 5 fois 6. 7 fois 8. , & c . à l'infini
; qu'un Triangle a pour fa differen
tielle , 1. plus 1. plus 1. plus 1. & c . que
l'integrale d'une ligne eft 1 , 2 , 3 , 4, &c.
que le quarré de 1 plus 1. plus 1. & c.
eft 1 , 3 , 5 , 7, &c. ou 2 , 4, 6 , & c. que
le quarré de 1 , 3 , 5, 7, & c . eft & c . que
la Quadrature de la Parabole eft 2, 8 , 18 ,
2 129
I
32
1984 MERCURE DE FRANCE:
32 , &c ; &c. car on s'eft trop preffé de
juger de ce Paradoxe , lorſqu'on s'y eſt
borné, & qu'on n'a pas vû que ce que j'y
indiquois , valoit peut- être mieux que ce
que j'en découvrois.
9
5. Cependant comme c'eſt une clef,
je dois en établir la verité exacte & rigoureufe
, contre les oppofitions des deux
anonimes dont l'un , en le regardant
comme non exact , & l'autre comme non
rigoureux , le font également efforcez de
le ruiner , mais inutilement , rien n'étant
plus géometriquement vrai. J'ai affez démontré
cette verité géometrique & l'égalité
rigoureufe des deux fuites , dans ma
Réponse à M. de Fontenelle , & je terminerois
ici cette Lettre , fi je n'avois rien
de nouveau à ajoûter. Les deux Critiques
n'en ont pas ufé de même , car ils n'ont
dit que ce que j'avois ſuffiſamment indiqué
, & qu'ils pouvoient bien ſuppoſer
que je fçavois & que tout le monde fçavoit
, puifque c'étoit même mon deffein de
faire remarquer que 1. furpaffoit , que
furpaffoit , & c.
6. Mais c'eſt la Démonſtration que
j'ai indiquée de l'égalité des deux fuites
qui a été , contre mon intention, un piege
pour ceux qui le font trop preffez de dire
leur avis fur une matiere affez délicate &
qu'il eft bon d'avoir long- temps remaniée
avant
SEPTEMBRE . 1728. 1985
I I
avant que d'en parler , furtout pour contredire.
Pour démontrer que 1. & c . eft
égale à &c.j'ai 24 dit qu'il n'y avoit qu'à
prendre la moitié de la ferie entiere 1.1 } & c
ce qui donne , &c . c'eſt - à - dire, tous
les pairs. C'est là- deffus qu'on a crû pouvoir
trouver à mordre ; car , a-t- on dit
il s'agit ici des pairs qui font alternatifs
dans la ferie entiere 1 . ; , &c. & dont
le nombre eft deux fois moindre que ceux
qu'on trouve en divifant chaque terme
de cette ferie entiere par la moitié. Or fi
ceux- ci font la moitié de cette ferie entiere
, a t'on ajoûté, les autres qui font ent
un nombre infiniment plus petit , font
beaucoup moindres que la moitié , &c .
On a crû ce raifonnement évident.
I
7°. Mais j'avois averti dès l'entrée du
Paradoxe , que plus on fait d'ufage de
fon efprit , plus on trouve de raisons de fe
défier de fes propres lumieres ; que les chofes
qu'on croit le mieux entendre , &c . j'avois
même averti en finiffant qu'il falloit
être Géometre infinitaire pour démêler
tout ceci. Ce que j'avois dit en general ,
j'ai le plaifir de le voir fe verifier en détail.
M. de Fontenelle eft infinitaire &
cela fans équivoque , auffi a - t - il bien démêlé
ce Paradoxe , peut- être moins parce
qu'il eft infinitaire , que parce qu'il s'y eft
porté avec une modeftie & une efpece de
défiance
1986 MERCURE DE FRANCE:
défiance que l'on ne peut fe laffer d'admirer
au commencement de fa Lettre ,
p. 1588. du Journal de Juillet . L'air captieux
de la Démonſtration indiquée , ne
lui a pas impofé un moment , & il a vû
d'un coup d'oeil que cette ferie qui a deux
fois plus de termes que l'autre , ne laiſſe pas
de lui être exactement égale , le furplus de
fes termes n'étant rien par rapport à elle.
8°. Comme ce celebre Auteur ne s'étoit
pas arrêté aux fuites factionnaires ,
& qu'il étoit allé tout de fuite aux afcendantes
que je n'avois fait qu'indiquer dans
le Paradoxe , c'eft fur ces feries afcendantes
que j'ai fait rouler la Réponſe que j'ai
eu l'honneur de lui faire. C'eft pourquoi
je dois indiquer ici une nouvelle Démonftration
appropriée aux feries fractionnaires
. Comme j'ai démontré les feries afcendantes
par le Triangle , je puis démontrer
les defcendantes par l'hyperbole ,
qu'il n'y a qu'à concevoir divifée en une
infinité d'ordonnées , dont les paires formeront
une nouvelle hyperbole ou demie
hyperbole égale à celle des impaires qui
leur font alternatives . Mais il y a une
autre maniere de divifer une hyperbole
en deux ; c'eſt en faifant paffer entre
fa circonference & fes afymptotes une
autre hyperpole qui partage en deux
toutes les ordonnées & cette ma
>
niere
SEPTEMBRE . 1728. 1987.
niere fe rapporte à la Démonftration indiquée
dans le Paradoxe de Juin . Voilà
tout ce que j'avois à dire là - deffus. Siles
Critiques répliquent , je les prie de me
faire l'honneur de mettre leur nom à leur
Ouvrage autrement je me croirai difpenfé
de leur répliquer moi-même , d'autant
mieux qu'en voilà , je penfe , affez
pour les vrais Géometres infinitaires , feuls
Juges dans cette matiere . Je fuis , &c .
Ce 8. Juillet.
XXX:XXXXXXXXXXX :X
TRADUCTION du fecond
Epithalame de Catulle , fur les Noces
de Manlius & de Julie.
Vefper adeft , juvenes confurgite , &c.
Le Poëte invite les jeunes garçons & les
jeunes filles au Chant Nuptial.
'Apperçois de la nuit l'Etoille avant- cou-
J'Ariere ,
Qui renouvelle fa carriere.
Enfans , il faut quitter la table & fe lever ,
L'Epoufe doit bientôt dans ces lieux arriver ,
Celebrez cette nuit à l'Hymen deſtinée.
✪ hymenée, Hymen ! viens Hymen, hymenée !
D Et
1988 MERCURE DE FRANCE :
•
Et vous qui pour ce Dieu , formez déja des
voeux ,
Jeunes filles , venez ; prenez part à ces jeux ,
L'Etoille qui préfide à l'amoureux Myftere ,
Brille déja fur l'Hemiſphere ,
Ce n'eſt pas vainement qu'on nous voit affemblez
,
Il faut qu'avec nos chants , les vôtres foient
mêlez ,
Pour réjouir l'Epoufe fortunée .
O hymenée, Hymen ! viens Hymen,hymenée !
Choeur des jeunes Garçons.
La Palme qu'il faut mériter ,
Chers Compagnons , n'eft pas facile à remporter.
Les Filles pour leurs Chants, méditent des merveilles
,
Mais fi nous détournons nos yeux & nos
oreilles ,
Nos Chants & nos efforts deviendront fuperflus.
Elles auront toute la gloire ,
Par elles nous ferons vaincus ;
Vous fçavez que les foins précedent la vic
toire .
Soyons donc attentifs & concertons nos voix,
Leur
SEPTEMBRE. 1728. 1989
Leur Hymne ne doit pas plutôt être entonnée.
Que nous devons répondre & chanter à la fois.
O hymenée , Hymen ! ô Hymen , hymenée !
Choeur des jeunes Filles.
O Heſper , n'es-tu pas des Cieux ,
L'Aftre le plus fatal , le plus pernicieux ,
De ta trifte influence on a beau fe deffendre.
Ton pouvoir arrache du ſein ,
D'une mere allarmée , & qui refifte en vain ,
Sa fille dans un âge tendre.
Pour la livrer à l'Epoux plein d'ardeur.
Que pourroit faire plus un ennemi vainqueur.
Dans une Ville abandonnée
Afon indifcrete fureur?
O hymenée , Hymen ! Hymen , ô himenée !
Choeur des Garçons.
O Hefper , n'es - tu pas des Cieux ,
L'Aftre le plus aimable & le plus gracieux.
L'on confirme par toi les noeuds du mariage ,
Tout ce que les parens , les Epoux ont juré,
De plus faint & de plus facré ,
N'a rien qui pour toûjours les lie & les engage,
Que ton éclat brillant ne paroiffe à leurs yeux.
Dij Pour
1990 MERCURE DE FRANCE.
Pourroit- on défirer de la faveur des Dieux ,
Une plus douce deſtinée ?
O hymenée , Hymen ! Hymen , ô hymenée;
Choeur des Filles .
Vois la difgrace qui nous fuit ,
Hefper , tu nous ravis une de nos compagnes.
La Garde a beau veiller , dès que con Aftre
luit,
Le voleur qui de jour erre dans les campagnes,
Se cache à la faveur des ombres de la nuit.
Mais quand changeant de nom , tu finis ta
carriere .
Prêt de quitter notre Hemiſphere ,
Tu furprens ce voleur au même lieu caché.
On fçait ce que Louvent, Heſper , t'a reproché,
Fille , jeune & timide à l'Hymen deſtinée ,
Qui dans le fecret de fon coeur ,
En reffent nuit & jour l'impatiente ardeur.
O hymenée , Hymen ! Hymen , ô himenée !
Choeur des Garçons.
Une fleur dont on voit briller le vif émail,
Qui du fer de la bêche ou des pieds du bęſtail ,
1 N'a point été brifée ,
Que le Soleil nourrit , qu'embellit la rofée .
Et
SEPTEMBRE. 1728. 1991
Et que careffent les Zephirs ,
Attire du paffant les yeux & les defirs.
Mais fi- tôt qu'elle perd cette beauté flétrie ,
Par l'indifcret attouchement ,
D'une main qui ternit fon plus grand ornement
>
Elle eſt abandonnée , elle n'eſt plus chérie.
Telle une jeune fille , encor dans la candeur ,
Qui fçait conferver ſa pudeur ,
De tout le monde eft defirée.
Mais dès qu'elle a perdu la fleur ,
De la vertu , dont elle étoit parée ,
Elle perd auffi- tôt fes plus doux agrémens ,
Elle cefle de plaire à la troupe bien née ,
Des Compagnes & des Amans.
O hymenée , Hymen ! Hymen , ô hymenée !
Choeur des Filles .
La Vigne qui naît dans les Champs ,
Sans aucun Art & fans culture ,
Ne produit qu'un fruit brute , âpre de fa nature
,
Ses rameaux mal nourris , font foibles & pan
chans.
Mais , par fon propre poids , d'elle- même accablée
,
E iij Eprou
1992 MERCURE DE FRANCE.
Eprouvant chaque jour l'infulte du paſſant ,.
Aux pieds duquel elle eft foulée ,
Si d'un Ormeau voifin , quelle embraffe en
croiffant ,
Elle reçoit l'appui. Pour elle l'on s'empreffe ,.
Et plus d'un Ouvrier la cultive fans ceffe.
Telle une fille fans Epoux.
Qui perd de fes beaux jours l'ufage le plus
doux ,
Vieillit dans le mépris . Mais fi dans le jeune
âge ,
Elle veut fe foumettre au joug du mariage ,
A fon Epoux , à ſes Parens ,
Dont elle fatisfait les voeux les plus ardens .
Elle devient plus chere après la foi donnée..
Q hymenée › Hymen ! Hymen , ô hymenée ! .
Choeur des Garçons & des Filles .
Toi , qui dois ceder aux tranſports ,
D'un amour tendre & conjugale ,
Avec ton jeune Epoux dans l'ardeur nuptiale
Ne tente pas de vains efforts.
La partie entre vous ne feroit pas égale.
De tes parens il faut fuivre la loi :
De ta virginité non plus que de ta foi ,
TH
SEPTEMBRE. 1728. 1993
Tu n'es pas feule la maîtreffe.
Ceux dont tu tiens le jour , partagent avec
toi ;
Le pouvoir du deſtin qui pour eux s'intereffe,
Avec ta dot ils ont cedé leurs droits
A l'Epoux dont ils ont fait choix.
Comment feule contre eux pourrois- tu te deffendre
,
A leurs defirs il eft temps de te rendre.
Parens , Epoux , Hymen , Amour , tous d'une
voix ,
T'ont déja condamnée .
O hymenée , Hymen ! Hymen , ô hymenée !
Manlius, pour quiCatulle a fait deux Epithalames
, étoit d'une famille illuftre dans
Rome , & celebre par les grands hommes
qu'elle a produits. Par fon Mariage avec
Julie , il étoit allié à la famille de Jules
Cefar. Catulle étoit né auprès de Veronne,
dans une prefqu'ifle agréable nommée Sirmion
, au Lac de Garde , où fon depere
meuroit , lequel fut grand ami de Cefar.
La curiofité & le defir d'apprendre infpira
à Catulle dans fa grande jeuneffe , l'inclination
de voyager dans l'Afie . Il fie
quelque féjour en Bythinie dans le temps
que Cefar y étoit pour la feconde fois ,
Diiij, à
1994 MERCURE DE FRANCE .
le
à fon retour d'Alexandrie à Rome. Mais
il fit connoiffance dans la Macedoine avec
Manlius , qui en étoit Gouverneur ,
même dont parle Ciceron dans fon Oraifon
contre Pifon. Ce fut lui qui amena
Catulle à Rome , où il s'adonna â l'étude
de la Poëfie , pour laquelle il eut un génie
galant , tendre & facile ; mais ſa Muſe
quelquefois un peu trop libre & trop peu
retenue dans les expreffions , comme il
fe voit dans quelques- unes de fes Poëfies
, marquoit en lui un air de paffion
& de licence affez répandu parmi les jeu.
nes Romains de fon âge & de fon temps.
On peut dire de lui ce que Quintilien
difoit d'Horace : Horatium in quibufdam
nolim interpretari. Apparamment cet Orateur
vouloit parler de la 8 ° & de la 1 2º.
Ode du 5 Livre & de quelques endroits
de fes Satyres. A cela près , Horace renferme
tous les caracteres de la Poëfie
fçavante , hiftorique , politique , critique ,
morale & galante . C'eft le Poëte de tous
les honnêtes gens de tous âges & de tous
états. Outre Lefbie , qui fut la paffion
dominante de Catulle & la plus délicate ,
il aima mieux encore Hypfitille , qui étoit
de Veronne. Mais les fens & la débauche
eurent plus de part à celle- ci que le coeur
& l'efprit , fi on en juge par une Poëfie
qu'il a faite pour elle .
Morean de Mantonr.
SEPTEMBRE . 1728. 1995
LE JUGEMENT DE TMOLE.
CANTATE ,
De Made l'Heritier.
Orfqu'on eft animé par l'Amour & la
gloire ,
Peut- on manquer d'être vainqueur ?
Quand de beaux yeux regnent fur un grand
coeur ,
Ils le guident à la Victoire .
Dans les Jeux , aux Combats pleins d'une
noble ardeur ,
Il cueille des Lauriers d'éternelle mémoire.
Lorsqu'on eft animé par l'Amour & la gloire ,
Peut- on manquer d'être vainqueur ?
Sur les hauts fommets du Mont Tmole ,
Pan faifoit refonner fa Flute & fes Chanfons ,
Le Prince qui dora les Ondes du Pactole ,
Souvent en admiroit les fons.
Sur la foi de Midas , plein d'une folle audace,
Pan ofe défier par fes ruftiques Airs ,
Le Dieu dont les charmans Concerts ,
Dy Font
1996 MERCURE DE FRANCE:
Font les délices du Parnaffe.
Pour juge de leur differend ,
Ils choififfent Tmole à l'inftant.
Ils fentent un dépit que l'Amour accompagne.
Tmoles s'étant affis fur fa verte Montagne ,
Glorieux de juger de fi fameux talens ,
Pan fit entendre ainfi fes champêtres accens.
Ne nous plaignons point que les Belles
Tiranniſent nos coeurs par trop de cruauté. »
C'est notre peu de fermeté ,
Qui les rend fi cruelles.
Si lorfque nous voyons nos foupirs impuiffans,
Auffi-tôt à leurs loix nous devenions rebelles ;
Elles nous offriroient l'encens ,
Que nous prodiguons pour elles.
Pan, rempli d'un ardent courouxý -
Ne reprit qu'un moment haleine:
Il aimoit la Nymphe Cyrene :
Souvent la Belle à fes genoux ,
Voyoit Apollon d'un oeil doux' ;
Et Pan n'attitoit que fa haine.
i
Pour
SEPTEMBRE 7728. 1997
Pour piquer fon Rival & le rendre jaloux ,
Il cache fous ces mots les malheurs de fa
chaîne.
Lorfque l'Amour nous donne du chagrin,
Implorons de Bacchus le fecours favorable.
Bien fouvent le verre à la main ,
On rend fa Maîtreffe traitable.
Un bel objet plein de dédain
Pour un infipide Blondin ,
Cherira d'un buveur l'enjoûment agreable."
Vivent les plaifirs de la table .
Vive l'Amour d'accord avec le vin.
Pan ayant achevé la folâtre Mufique >
De fa Chanfon Bacchique ;
Tmole dit au Dieu du jour , ›
Votre Lyre tendre ,
Doit fe faire entendre ,
Enfin à fon tour :
Ce difcours fait lever le beau- fils de Latone ;
Couronné de Lauriers , vétu de pourpre &
d'or ,
Il brille plus lui- même encor
Que tous les ornemens dont l'éclat l'environne.
Dvj
11
1998 MERCURE DE FRANCE.
Il prend fa Lyre, & d'un ton gracieux ,
Anime par ces mots fes fons harmonieux.
Quand un bel objet a ſçû plaire ,
Il a beau faire foupirer ,
Le doux plaifir de l'adorer ,
Touche un coeur délicat & fçait le fatisfaire.
Toujours les Heros & les Dieux ,
Et fur la Terre & dans les Cieux ,
Ont aimé de cette maniere.
Partiſans de Bacchus, dont la troupe vulgaire,
Deshonore le nom d'Amant ;
Par votre bizare enjoument ,
Et votre Mufique groffiere ,
Vous efperez en vain d'être heureux en aimants
Lorfqu'une Belle veut fe rendre ,
Ce n'eft qu'au vif empreffement ,
D'un Amant délicat, galant, foumis & tendre.
Tranfporté du plaifir touchant ,
Que donnoit Apollon par fa Lyre & fon chant.
Tmole jugea qu'il avoit la victoire ,
Et que Pan vainement prétendoit à la gloire
D'atteindre
SEPTEMBRE. 1728. 1999
D'atteindre par fa Flute à la noble douceur ,
De la Lyre de ce Vainqueur.
Que cet Arrêt fut doux pour la Nymphe Cyrene
!
Cachée à l'ombre des Buiffons;
Elle avoit entendu les diverfes Chanfons
Des deux Rivaux qui vivoient fous fa chaîne.
Senfible au tendre amour
Du charmant Dieu du jour ,
Elle cede au penchant qui vers ce Dieu l'entraîne
,
Et court plus legere qu'un Fan ,
Accroître fon triomphe , & la honte de Pan.
Mais pendant qu'en ces lieux , à l'envi tout
s'empreffe ,
D'applaudir fans réſerve à l'équitable Arrêt ,
Que Tmole a prononcé pour le Dieu du Permeffe
,
Midas feul déclame fans ceffe ,
Que l'Arbitre a fuivi la gue ou l'interêt :
La Lyre eft fans appas pour fon oreille épaiffe ,
Et la Flute feule lui plait. 1
Chacun rit de fa manie ;
Mais
2000 MERCURE DE FRANCE.
T Mais ce n'eft pas encor tout ,
Dans l'inftant elle eft punie.
Apollon irrité de fon bizare gout
Change fes oreilles de forme ,
Et pour le comble de fes maux ,
A
De celles du plus vil de tous les animaux ,
Elles ont la grandeur énorme.
2
Si tous les mauvais connoiffeurs ,
Etoient marquez à des marques pareilles :
O Ciel ! que l'on verroit d'oreilles !
Etaler à nos yeux leurs difformes longueurs.
***
LETTRE de M. le Curé de S. Quën
de Vignacourt, Diocèse d' Amiens , écrite
le 6. Asût 1728. au fujet des Perce
oreilles , &c.
Our fatisfaire la curiofité d'un grand
Pnombre de perfonnes qui fouhaitent
apprendre ce qui eft arrivé depuis 17268-
au fils du fieur Lafitte , Chirurgien au
Bourg de Domard-les- Ponthieu , dans le
Diocèle d'Amiens , au fujet des Perceoreilles
, qui fortent de fa tête par les
Oreilles
SEPTEMBRE . 1728. 2001
oreilles , & quelquefois par le nez ; je
crois ne pouvoir rien faire de mieux , que
de vous prier de vouloir encore inferer
dans l'un de vos Mercures , les circonftances
que j'ai l'honneur de vous mar--
quer fur ce fait , & je fuis perfuadé que
le Public n'en fera pas moins frappé qu'il
l'a été de la lecture des deux Lettres que
vous lui avez communiquées par le moyen
de vos Journaux , & en dernier lieu par
celui de Juin de 1726. 2. vol .
Ce fait pourroit paffer pour un Paradoxe
, s'il n'y avoit pas autant de témoins
pour le prouver , qu'il y a de perfonnes
dans le pays, fans compter les gens
de diftinction qui ont voulu s'en affurer
par eux mêmes ; cependant on veut nous
perfuader qu'on n'en croit rien à Paris &
dans d'autres Villes confiderables , où l'on
fe pique de penfer jufte. Si cela eft , nous
ne pouvons répondre autre chofe que de
demander fr on peut croire fûrement ce
que l'on voit : ce principe admis , nous
affurons le Public que nous rendons témoignage
à la verité.
M. du Vernay , habile Chirurgien &
Membre de l'Academie des Sciences , paffant
par Abbeville en 1726. fut informé
par M. Bellot , aujourd'hui Doyen
des Medecins de cette Ville , de la con--
tinuation de ce fait , & l'ayant prié de
vouloir
2002 MERCURE DE FRANCE .
vouloir bien lui dire ce qu'il en penſoit ,
il détermina M. Bellot à faire prendre au
Malade pendant 15. jours , matin & foir ,
un bol fait avec 7. grains de Mercure
doux & autant de Diaphoretique mineral
, incorporez dans de la Gelée de Groifeilles
ou de Pommes , aprés deux faignées
du bras , à quelques jours de diftance
& une purgation d'infufion de
Sené , & c.
Le fieur de Lafitte ayant reçû cette Ordonnance
, commença de la mettre en
oeuvre, & il avoit tout lieu d'en efperer un
heureux fuccès ; car il fortit de la tête
du jeune homme une quantité prodigieuſe
de ces Infectes ; mais comme ce Remede
aiguifoit fort fon appetit , & que d'ailleurs
fon pere étoit obligé de fortir con
tinuellement à caufe des maladies populaires
qui regnoient dans les lieux circonvoilins
, il n'obferva point le régime
qui convenoit en pareil cas ; au contraire
faififfant tantôt un bon chanteau de pain ,
tantôt de la viande ou des fruits , à l'inf
çû de fa mere , il devint bien- tôt dans un
état déplorable ; car fon corps le trouva
couvert de plufieurs abfcès dans des parties
dangereules , ce qui détermina le fieur
de Lafitte d'interrompre le Remede.
Non feulement il n'a pas été poffible
de compter les Perce - oreilles qui font fortis
SEPTEMBRE . 1728. 2003
tis de la tête de ce jeune homme pendant
l'année 1727. mais le nombre en
a été encore plus confiderable cette prefente
année . Le fieur de Lafite , déclare
& affure avec fa femme , qu'ils en ont
vû fortir 62. de fes oreilles le 30. Juillet
dernier , & que la veille il en étoit forti
plus de 20. Ce qui doit plus étonner
le Public , c'eft qu'il y a plus de 5. ans
qu'il en eft travaillé . Il en fort peu l'hyver
; mais le mois de May étant venu ,
ils recommencent à paroître & ne ceffent
de fortir qu'à la fin de Novembre . Il
eft vrai qu'il n'en fort pas tous les jours ,
mais au moins il eft rare qu'une femaine
ou au plus une quinzaine fe paffe , fans
qu'il en forte. Ils font la plupart fort
gros , & l'on n'en voit point de pareils
fur les fleurs ou dans les fruits . Depuis
deux ans il ne les fent plus ni fortir ni
rentrer ; au refte , il n'eft point fourd ,
il ſe porte affez bien , il a toûjours grand
appétit ; mais fon teint pâlit beaucoup ,
& l'on croit remarquer en lui un commencement
de ſtupidité. Quoiqu'il ſouffre
beaucoup pendant l'été , il fouffre
bien davantage en hyver ; deforte que
fon pere a crû le perdre l'hyver dernier.
Parmi un fi grand nombre de fçavans
Medecins , ne s'en trouvera- t - il point
quelqu'un
2004 MERCURE DE FRANCE.
quelqu'un qui rompe le filence pour nous
dévoiler , autant qu'il eft poffible , ce
myftere de la nature ? Car il nous paroît
intereffant de connoître les Parties ou
Sinus , dans lefquels ces Infectes font
renfermez , ces Sinus doivent être ſpacieux
pour en contenir un fi grand nombre.
Il ne l'eft pas moins de fçavoir ce
qui fait leur nourriture , & comment ils
n'ont encore endommagé aucun vaiffeau ,
& caufé quelques abfcès , alteré même let
tympan de louie ; il n'eft pas moins à
fouhaiter qu'on découvre un Remede
propre à exterminer ces Infectes & à en
détruire l'Ovaire , & c .
La Lettre qu'on vient de lire eft nonfeulement
fignée de M. de Savoye , Curé
de S. Ouën & Doyen Royal de Vignacourt
, mais elle eft accompagnée d'un
Certificat du Curé & des Ecclefiaftiques
de la Paroiffe de Domard & des Officiers
de la Baronie & Senechauffée dudit lieu
de Domard ; fçavoir , les Lieutenant General
, Procureur Fifcal , Maire & Echevins
, &c. qui atteftent tous la même cho
fe. Il y a auffi une Lettre particuliere du
Medecin qui a vû le Malade , fignée Bellot
, & datée d'Abbeville le 16. Août
dernier , qui confirme tout ce que M. le
Curé de S. Quën a écrit là- deffus .
2.
EX
SEPTEMBRE . 1728. 2008
XXXXX
EXPLICATION
de l'Enigme du
mois de Juin.
Que
Ue le Mercure eft prévoyant !
Comme il voit que l'hyver s'approche incef
famment !
Que la femme déja préparé ſa Capote ,
Il nous offre une Redingote.
Moulins , ce 29. Août 1.728 ..
EXPLICATION
du Logogryphe
du même mois .
Ciel , que les goûts font differens
Qu'il eft peu de Mortels contens !
L'un comme un Limaçon renfermé dans fa
coque ,
A Paris, à Lima , préfere une bicoque ,
D'un Inftrument mélodieux ,
Ecoute avec plaifir le Son harmonieux .
L'autre aime les Lauriers & la Palme immortelle
,
Qu'on cueille dans les Champs de Mars .
Celui - ci plus rêveur qu'un Maçon fans truelle,
Porte de tous côtez fes farouches regards ;
En.
2006 MERCURE DE FRANCE.
En un mot , je ne vois aucun Mortel enFrance ;
De Paris à Quimper , de Mâcon à Coutance ,
Qui puiffe être à couvert des deftins ennemis
,
Fût-il par fa bonté , fa valeur , fa puiffance ,
Plus craint que Soliman , plus aimé que LOUIS .
Moulins , id.
EXPLICATION de la " , de la 3′ &
de la 4 Enigme du Mercure de
Juillet 1728.
EN me reveillant le matin ,
Et mettant la Plume à la main ,
Ma femme a cherché fon Eguille ,
Pour travailler avec fa fille ;
Mais un mal de tête d'abord ,
A tous trois nous a fait grand tort ,
Pourquoi ne point laiffer l'Ouvrage ?
Je n'étois pas fort echauffé ,
J'ai pris un tant foit peu courage ;
Pour faire d'excellent Caffé.
D'Orvilliers , de Vernon.
ExSEPTEMBRE.
1728. 2007
Explication du fecond Logogryphe du
même Mercure.
Pourquoi tant creufer mon cerveau ?
Ce Logogrypge- cy n'eft- il pas fur l'Ormeau ?
Oui , c'eft le mot , ou ce doit l'être ,
Il eft fort facile à connoître ,
Otant I'm , il refte eau d'autre part il refte or;
Laiffons donc celui - là , cherchons ailleurs
encor.
D'Orvilliers , de Vernon.
Explication du 3 Logogryphe , idem.
fur les mêmes rimes .
PouOur trouver ici même chofe ,
Lifant à l'ordinaire , ou lifant à rebours ,
Eve , à qui nous devons nos jours
Du gentil Logogryphe eft encore la cauſe.
D'Orvilliers , de Vernon ,
Explication du 4 Logogryphe , idem .
Ay maudit mille fois l'Ouvrage ,
J'AY
Mais je n'ai point perdu courage ,
En rencontrant d'abord Tripot ,
J'ai vu que je n'étois pas fot ;
J'ai
T008 MERCURE DE FRANCE.
J'ai vu le Po , j'ai vû le Tage ,
J'ai vu mitonner le Potage ,
Après que la groffe Margor ,
Avoit bien fait bouillir le Pot
Ce n'eft pas tout, j'ai vu triage s
Enfin , j'ai découvert Stage ;
Avec cela fuis-je capot ?
Oui , fi je n'en dis davantage ;
Expliquons donc tout en un mot ;
Bon Dieu , le plaiſant Tripotage.
D'Orvilliers , à Vernon , le 15. d'Août
1728 .
Les deux Enigmes du mois dernier ,
ont été faites fur les mots de Souris &
de Mantille. On a dû expliquer le Logogryphe
par le mot Tarif.
PREMIERE ENIGME.
' Ay de l'eaù qui n'eſt point humide ,
J'AY
Du feu qui n'a point de chaleur ,
Quoique mon corps foit fans couleur ,
La matiere en est bien folide,
Sur
SEPTEMBRE. 1728. 2009
Sur les Rofes fouvent on me trouve couché ;
Mais par un fort affez bizarre ,
Ce n'eſt pas une chofe
rare ,
De me voir fur la Croix fortement attaché.
Des Dames d'un haut rang je quitte peu l'oreille
,
Et fors très- rarement des mains des Courtifans
;
Mais par une diſgrace à nulle autre pareille .
On me force à fervir de fimples Artiſans.
DEUXIE' ME ENIGME.
E fuis né prifonnier , petit & miferable ,
Souvent de ma priſon on me délivre à table,
J'engendre des enfans , prifonniers comme moi,
Et je porte le nom d'un Roy.
J'engendre dans mon fein l'image de monPere.
Je ne fuis point le Dieu de l'Ifle de Cythere ,
J'habite pourtant dans les coeurs :
Ici Mortels verfez des pleurs ,
Un de mes logemens à tué votre Mere ,
Et nous caufa bien des malheurs.
TROISIE' ME ENIG ME.
Ntiere en France & deux tiers en
E
Afrique
Tel qui porta mon nom fut un grand politique.
Ma
2010 MERCURE DE FRANCF :
Ma tête fans fuccès , jamais rien n'entreprit ;
Sans elle je fuis tout efprit.
Dans mon être fimple & phyfique ,
Je ſuis bonne à la chair auffi-bien qu'au poiſſon;
Mais fi par hazard on s'applique
A me prendre d'autre façon ;
Lors dans mon humeur flegmatique ,
Je pourrois bien noyer plus d'un Gaſcon.
LOGOGRYPHE.
Au changement par la Nature ,
Je fuis fans ceffe deſtiné ;
Et de même mon nom imitant ma figure ,
En diverfes façons peut être combiné.
Qu'on le divife en deux parties ,
Et que de la premiere on retranche la fin ,
On trouvera le nom d'un infigne coquin ,
Dont maintes Maifons font forties.
Otez-en le chef à fon tour ,
Et vous mettrez foudain des fubftances au
jour ,
Qui ne font point aneanties.
De la derniere part les ufages divers ,
Rap
SEPTEMBRE. 1728. 2011
Rappellent le nom d'une Ville ,
Et d'un Pape auffi faint qu'habile :
Mais lorsqu'au rebours on l'enfile ,
On trouve l'heureux jour qui fauva l'Univers .
Sans chef, la premiere partie ,
La fin de l'autre part pour la fienne prétend ;
De cette maniere affortie ,
Elle eſt un mot Hebreu que tout le monde en
tend :
De la moitié de la premiere ,
Et des trois quarts de la derniere ,
Vous compofez encor le nom d'un fruit vanté ,
Que l'on feme en hyver , & qu'on mange en
été.
Enfin de rares affemblages ,
Me font le Dieu des Vents & la Nymphe des
Bois.
L'endroit où les enfans vont recevoir des loix,
Et la Fête des Mariages ;
On me trouve chez l'Epicier ,
Je galoppe avec le Courier ,
Je fuis le Compagnon du Maître d'Eliſée ,
Terme de Géometre , Acteur dans la Médée ,
Un fer utile & meurtrier.
Ami Lecteur, quoique tu tentes ,
E Toutes
2012 MERCURE DE FRANCE
}
Toutes ces formes differentes ,
Prouvent que tu perdrois de ta peine les fruits ,
Si tu voulois me voir toûjours tel que je fuis,
Par M. Medy de Seon , de Marfeille.
AUTRE LOGOGRYPHE.
A
Me ni corps , ne fuis qu'un nom ,
Quoique fimple être de raiſon ,
A mon approche on s'effraye , on enrage ,
De mon Entier voilà l'image.
Me démembrant , de mes morceaux
Naîtront divers biens , divers maux.
De mes trois parts , les deux dernieres
Font des Troupes les plus guerrieres ,
De fages , de difcrets fuyards.
Et de mes deux premieres parts ,
Se font accords en Bémol , en Béquarre
Si mon chef eſt ſeul , gare ,
Il jure, à ce qu'on dit ,
On le voit fuivre en récompenſe ,
De trois Lettres dont le produit ,
Donne un tréfor plus rare qu'on ne penfe.
Et pour achever ce bonheur,
Joignez
SEPTEMBRE. 1728. 2013
Joignez à ces trois la derniere ,
Vous vous ferez formé , Lecteur ,
D'un vrai bien , la mefure entiere.
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS , & c.
H
ISTOIRE des Grands Chemins de
l'Empire Romain , contenant l'origine
, le progrès & l'étenduë quafi incroyable
des chemins militaires , pavez
depuis la Ville de Rome jufqu'aux extrémitez
de fon Empire ; où le voit la
grandeur & la puiffance incomparable.
des Romains ; enfemble l'éclairciffement
de l'Itineraire d'Antonin , & de la Carte
de Peutinger. Par Nicolas Bergier , Avocat
au Siege Préfidial de Rheims. Nouvelle
Edition , revûë & corrigée , enrichie
des Cartes qui reprefentent les Grands
Chemins de l'Empire . A Bruxelles , chez
J. Leonard , 1728. 2. vol. in 4. & fe
trouve à Paris , ruë S. Jacques , chez
F. Giffart . Nous avons publié l'année paffée
le Programme de la Soufcription de
cet Ouvrage.
HISTOIRE LITTERAIRE de la
Ville
E ij
2014 MERCURE DE FRANCE .
Ville de Lyon , avec une Bibliotheque
des Auteurs Lyonnois , diftribuez par
fiecles. Par le P. Dominique de Colonia
D. L. C. D. J. A Lyon , chez Bigollet ,
vol. in 4.
SENTIMENS NOUVEAUX , ou Préceptes
fur la Grammaire , la Rhétorique,
la Poëfie & la Philofophie , pour appren
dre à ceux qui fans faire profeffion d'étude
, aiment la lecture , les regles fixes
& certaines , tirées de la raifon , pour
juger des Ouvrages d'efprit , d'une ma
niere à fe faire honneur dans les Cercles .
A Paris , rue de la Harpe , chez la venve
Qudot , 1728.in 12 .
Q. HORATII FLACCI Carmina , &c .
Les Poëfies d'Horace rétablies dans leur
ordre naturel & dans leur premiere pureté.
Par le R. P. Sanadon , de la Compagnie
deJefus. Traduction d'une ancienne
Hymne fur les Fêtes de Venus , avec
des Reflexions critiques fur la même Piece.
A Paris , chez la Roche , Cavelier,
Robuftel, Huart l'aîné & Chaubert. 1728.
in 18. de 348. pages pour les Poëfies
d'Horace , & 63. pages pour l'Hymne,
HISTOIRE DE L'ACADEMIE ROYADES
SCIENCES , année 1725. avec les
Méf
SEPTEMBRE . 1728. 2015.
Memoires de Mathématique & de Phyfique
pour la même année , tirez des Regiftres
de cette Académie . A Paris , de
I primerie Royale , 1727. in 4. 153 .
pages pour l'Hiftoire & 354. pour les
Memoires : Planches 14.
C'est le 28 Volume depuis 1699 .
LE COURTISAN PREDESTINE ' ,
ou le Duc de Joyeuſe , Capucin , diviſé
en deux Parties . Par feu M. de Cailliere ,
Marechal de Batailles des Armées du Roi,
& c. Nouvelle Edition , revûë , corrigée
& augmentée de Notes pour fervir à l'intelligence
de quelques faits de l'Hiftoire ,
rapportez dans la Vie de ce Duc. A Paris
, Quay des Auguftins , chez Mufier ,
1728. in 12 .
L'ART DE SAIGNER , accommodé
aux principes de la circulation du fang ,
où l'on explique toutes les circonstances
qu'il faut obferver pour bien faire la Saignée
, & où l'on donne les moyens de remedier
aux accidens dont elle eft quelquefois
fuivie. Nouvelle Edition , revûë
& augmentée par M. D. Ancien Prévôt
de la Compagnie des Maîtres Chirurgiens
de Paris . Rue de la Harpe , chez la veuve
d'Houry , 1728. in 12 .
E iij
LA
2016 MERCURE DE FRANCE
LA RELIGION CHRETIENNE , prouvée
par l'accompliffement des Propheties
de l'Ancien & du Nouveau Teftament ,
fuivant la Méthode des SS. Peres. A Paris
, chez Efprit Billiot , Gab . F. Quillan ,
&c. 1728. in 4. de 286. pages , fans l'Epitre
, la Préface & la Table.
ESSAI PHILOSOPHIQUE fur la Providence
. A Paris , chez Gregoire Ditpuis
, 1728. in 12. de 337. pages .
GRAMMAIRE ITALIENNE , à l'ufage
des Dames , avec des Dialogues & un
Traité de la Poëfie . Par M. l'Abbé Antonini.
A Paris , Quay des Augustins ,
& rue S. Jacques , chez Rolin & Bordelet
, in 8 .
Briaffon , Libraire , ruë S. Jacques , fait
imprimer des augmentations au Voyage
du Tour du Monde , par le Gentil , dont
il a acheté toute l'Edition & le Privilege .
Il y a mis des Planches neuves & de meilleur
goût que les précedentes s'étant
fervi pour cela de Graveurs fort eftimez.
Ce Livre paroîtra dans deux ou trois
mois. On trouve auffi chez le même Libraire
, toutes les Comedies qui compofent
le Théatre Italien , en cinq volumes ,
qui fe vendoient ci - devant chez Flahault.
avec le Dédain affecté , &c .
TRAITE'
SEPTEMBRE. 1728. 2017
TRAITE ' de la Peinture & de la Sculp
ture , par Mrs Richardfon , pere & fils .
A Amfterdam , chez H. Vytvverff, 1728 .
3. vol. in 8.
JUSTIFICATION DE LA MORALE
& de la Doctrine de l'Eglife de Rome
& de toute l'Italie , contre un Livre anonime
qui a pour titre : la Morale des Jefuites
, & de la Conſtitution Unigenitus ,
comparée avec la Morale des Payens . Par
M. Matthieu Petitdidier , Evêque de Ma-
' cra , Abbé de Senone. A Estival , chez
J. Martin Hellier , 1727. in 12. de
316. pages , & fe trouve à Paris , Quay
des Auguftins, chez Guill . de Bure .
RELATION de l'ouverture du corps
d'une femme trouvée prefque fans coeur,
précedée de l'Hiftoire de la maladie qui
a caufé la deftruction de ce vifcere , par
le fieur Soumain , Chirurgien Juré à Paris
& de feu S. A. R. Monfeigneur le Duc
d'Orleans . A Paris , chez Nicolas Pepie ,
ruë S. Jacques , au grand S. Bafile , 17 28 .
in 12. de 30. pages.
Cette Relation comprend deux parties ;
dans la premiere , l'Auteur fait une Hiltoire
affez détaillée de la maladie de feuë
Mile Heuzé ; fes premieres incommoditez
commencerent au mois de Décembre de
E iiij l'année
2018 MERCURE DE FRANCE .
脊
l'année 720. elle fut attaquée d'une fievre
continuë , avec fluxion de poitrine
& une toux feche , elle guérit de cette
maladie , mais la toux fubfifta ; environ
un an après , elle reffentit un battement
de palpitation à la partie anterieure de la
poitrine du côté droit , entre le troifiéme
& quatrième des cartilages qui uniffent
les côtes avec le fternum , en comptant
de haut en bas .
Ce battement n'incommoda pas beaucoup
la Malade jufqu'au commencement
de l'année 1724. il commença dèflors à
augmenter fi confiderablement , qu'à la
fin de l'année 172 5 on apperçut une élevation
très- fenfible dans l'endroit même
où le faifoit auparavant fentir le battement
, l'élevation & le battement répondoient
à l'étendue de la paume de la main,
la Malade reffentoit dans cette partie des
douleurs qui devinrent infenfiblement
très aiguës & s'étendirent juſqu'à la partie
pofterieure & fuperieure de la poitrine ,
ces douleurs étoient beaucoup plus violentes
pendant la nuit que durant le jour.
L'élevation & la circonfcription de la
tumeur s'accrurent beaucoup pendant le
cours de l'année 1727. tous les fymptomes
enfin de fa maladie , comme la
toux , la difficulté de refpirer , les fyncopes
, les fuffocations , &c. augmenterent
SEPTEMBRE. 1728. 2019
rent confiderablement jufqu'au jour de
fa mort , qui fut le 19. de Mars de la
prefente année 1728 .
On fit le lendemain l'ouverture de fon
corps , & c'eft le détail de cette ouverture
qui fait le fujet de la feconde Partie
de la Relation . L'ouverture du cadavre
fut faite par les S Soumain & Bajet ,
Chirurgiens , en prefence de plufieurs perfonnes
. Après avoir emporté les téguments
& féparé le fternum d'avec les côtes &
les clavicules , on apperçut des prolongemens
membraneux , qui partant de deffous
le fternum en forme de rayons , alloient
former à droite & à gauche des
adherences entre le poulmon , la pleure
& le diaphragme ; on trouva dans le côté
gauche de la poitrine un épanchement
d'environ deux pintes d'une eau rouffâtre,
les lobes du poulmon étoient fort engorgez
& de couleur livide , leurs vaiffeaux
étoient variqueux & extrémement dilatez ;
on obferva au- deffous du fternum , une
tumeur de figure conique , fort confiderable
, de couleur blanche , jaunâtre , dont
la furface étoit écailleufe & inégale &
qui répondoit au côté droit de la poitrine,,
furtout par fa pointe.
On renverfa enfuite le fternum , qu'on
trouva carié dans fa partie moyenne in-
, pour mettre cette tumeur à décou →
Ev vert
terne ,
2020 MERCURE DE FRANCE
vert ; elle étoit formée par la dilatation
du pericarde , avec lequel une grande partie
du médiaftin s'étoit confondue par
coalefcence ; après l'avoir ouverte , on
ne découvrit dans fa cavité qu'une portion
charnuë , oblongue , prefque platte ,
qui avoit trois travers de doigt en longueur
, deux en largeur , & environ un
pouce dans fa partie la plus épaiffe ; elle
étoit de couleur jaune tanné & d'une confiftence
très- molle ; elle occupoit le côté
gauche de la cavité , & n'étoit attachée
nulle part : on peut affurer que ce nétoit
autre choſe qu'une portion du ventricule
gauche du coeur , dans la pointe de la◄
quelle on appercevoit encore un reſte de
cavité , tout le refte du coeur ayant été
détruit. En examinant la face interne du
péricarde , on remarqua trois grandes embouchures
& deux petites , qu'on à reconnûës
être , foit par leur fituation , foit
par
la diffection , les embouchures des
grands vaiffeaux du coeur ; les trois grandes
étoient pour la veine cave afcendante
, pour la veine cave defcendante &
pour l'aorte ; des deux petites , l'une étoit
pour l'artère & l'autre pour la veine pulmonaire
: tous ces vaiffeaux étoient fans
valvules .
-L'Auteur finit par quelques conjectu
res qu'il forme fur la deftruction du coeur.
1
SEPTEMBRE, 1728. 2021
Il feroit à fouhaiter qu'un Phénomene aufli
fingulier trouvât des éclairciffemens , &
qu'on pût fur tout expliquer comment la
circulation a pû fe foutenir , quoiqu'imparfaitement
, nonobftant la deftruction
de ce vifcere , auquel on a toûjours don--
né le nom de Primum vivens & ultimum
moriens.
METHODE DE MUSIQUE , felon un
nouveau Systême très - court , très- facile
& très-fur , approuvé par M" de l'Académie
Royale des Sciences , & par les
plus habiles Muficiens de Paris. Dédiée
à la Reine. Par M*** Prêtre du Diocèle
de Genéve . A Paris , ruë de la Harpe
chez P. Simon , 1728. in 8. de 216. pages
, fans la Préface , &c .
›
On trouve chez le même Libraire , le
Breviaire Romain , la Méthode du Plein-
Chant , notez felon ce nouveau Systême
& la Réponse à la Critique , &c .
On s'acquitte aujourd'hui envers le Public
, dit l'Auteur , de la promeffe qu'on
lur a faite , en lui offrant ici la Méthode
de Mufique pour apprendre à la chanter
régulierement , en general , & en très- peu
de temps
.
REPLIQUE de M. de Barras , à la Réponſe
du P.dę la Maugeraye , inferée dans
E v les
2022 MERCURE DE FRANCE.
les Memoires pour l'Hiftoire des Scien
ces , Mars 1726. Article 25. Brochure
in 12. de 75. pages . A Marſeille , chez
Dominique Sibié , 1728 .
Dans cette Réplique , M. de Barras fe
deffend , non - feulement contre le P.de la
Maugeraye, mais il embraffe dans la même
querelle les Peres Caftel & de Languedoc,
Jefuites , fans oublier l'Auteur des nouveaux
Commentaires fur Polybe . » J'ay
» profité , dit il , à l'égard de ce dernier ,
>> de cette occafion pour donner quelque
>> figne de vie , & pour montrer que tant
>> qu'un honnête homme a l'épée au côté
» & la plume à la main , il n'eft jamais
hors d'état de fe deffendre , & c.
que
Comme il eft prefque impoffible que
dans les conteftations Litteraires , il n'échappe
toûjours quelque vivacité & quelchofe
de defobligeant , qui ne peut
jamais tenir lieu de preuves & de bonnes
raifons , M. de Barras , qui paroît
perfuadé de cette vivacité , par rapport à
fon Ecrit, marque fur la fin de la Réplique
une confideration particuliere pour la Robbe
de fon principal Adverfaire : J'ai témo
gné , dit -il , en plus d'un endroit , &
il fi it ainfi fa Lettre : la confideration &
le re pect que j'avois pour la perfonne de
mes Adverfaires , en general pour la
Compagnie de Jefus, dont ils font Membres,
!
&
SEPTEMBRE. 1728. 2013
& à laquelle j'ai l'honneur d'être afilié.
NOUVEAU SYSTESME DE PHILO
SOPHIE , établi fur la nature des chofes
connues par elles -mêmes, mises en parallele
avec l'opinion des anciens Philofophes,
fur les premiers principes de la Nature &
fur lefquels on n'a rien trouvé de fixe &
de ftable jufqu'à prefent. Auquel on a
jont un Traité de la Nature de l'ame &
de l'existence de Dieu , prouvée l'une &
l'autre par une chaîne fuivie d' Argumens
capables de convaincre les plus incrédules
les plus opiniâtres . A Paris , chez le
Breton , Quay des Auguftins , 2. vol.
in 12 .
Le titre magnifique de ce Livre ne ref
femble point à tant d'autres qui promettent
beaucoup & ne tiennent rien . L'Auteur
de ce nouveau Systême de Philofophie
n'a rien avancé qu'il n'ait executé ;
& qu'il n'ait executé , au fentiment de
plufieurs perfonnes , avec toute la netteté,
la précifion & la force poffible. Jufqu'à
prefent , felon eux & felon l'Auteur , les
Philofophes anciens & modernes , avoient
marché à tâtons dans la vafte & épineufe
carriere de la Philofophie ; de la diverfité
de leurs opinions naiffoient chaque
jour de nouvelles difficultez , qui , loin
d'éclairer les hommes , les jettoient dans
de
2024 MERCURE DE FRANCE .
de nouveaux embarras . Mais tout va être
applani par le ſecours de ce nouveau Syſtême
qui ne laiffe , felon l'Auteur , rien
d'incertain fur ces matieres.
Il prétend avoir raffemblé les preuves
les plus claires & les plus convaincantes
pour détruire les fauffes idées que l'on a
introduites dans la Philofophie. Il veut
porter la lumiere dans le fein des ténebres,
& rendre la Philoſophie à l'uſage de tous
les hommes.
Pour y parvenir avec tout l'ordre qu'exige
cette matiere , il la divife en trois
Chapitres , qui font le fujet du premier
Volume. Dans le premier il explique les
quatre premiers principes fur lefquels
roule tout fon Syftême. Dans le fecond
il fait voir la convenance qu'il y a
entre les faintes Ecritures & fes fentimens :
il répond aux objections que les Journaliftes
de Trevoux ont faites contre lui ; il
réfute , felon fes principes , l'opinion de
M. Defcartes fur l'Etendue , & finit ce
Chapitre par des Réflexions fur le Temps ,
qu'il prouve être un Etre diftinct des autres
Etres , ayant fes modes comme eux ,
auffi bien que le mouvement . Cette opinion
nouvelle a attiré l'attention de tous
les Philofophes , qui ont crû jufqu'ici que
la durée des chofes n'étoit point diftinguée
des chofes qui durent . Enfin dans
le
SEPTEMBRE. 1728. 2025
le troifiéme Chapitre , il prétend qu'on
ne peut acquerir la connoiffance de fon
Ouvrage , que par des Réflexions intellectuelles
, & il finit en récapitulant avec
beaucoup d'exactitude , tout ce qu'il a
avancé dans le corps de l'Ouvrage , pour
en rendre les impreffions plus fortes &
plus utiles.
Le fecond Volume renferme des Réflexions
fur la nature de l'Ame , & un
Traité fur l'Exiſtence de Dieu . Les Ouvrages
qui ont parû jufqu'à prefent fur
cette matiere , ne doivent pas empêcher
qu'on ne life avec utilité celui - ci . L'Auteur
nous affure qu'il n'a rien omis de
ce qui pouvoit le rendre eftimable ; pour
cela il a commencé par expliquer la nature
de l'Ame & fes operations ; de- là il
paffe à la démonftration de l'Exiſtence
de Dieu , & aux rapports neceffaires qui
font entre le Créateur & les Créatures ;
il n'oublie pas ceux que l'homme a avec
la Loi Divine & Civile , & avec les Etres
Phyfiques & moraux : tout cela accompagné
de démonftrations fi fortes que
l'Auteur affure qu'elles doivent frapper
les plus incrédules. Il finit ce Traité important
en proteſtant qu'il s'eft ſervi de
fes lumieres , que fon Syftême n'eft établi
que fur les Reflexions qu'il a faites fur la
Nature en general. On voit par là combien
2016 MERCURE DE FRANCE.
bien on s'abufe quand on s'imagine qu'il
y a des matieres fur lefquelles on ne peut
rien dire de nouveau. On a crû jufqu'à
prefent qu'on ne pouvoit pouffer la lumiere
naturelle plus loin que les modernes ont
fait. Ce fera au ublic à juger fi celui
qu'on prefente , n'abrege pas une infinité
de difficultez qu'on trouve dans la
Philofophie nouvelle . Au refte , l'Auteur
eft un Magiftrat également recomman
dable par la naiffance , par fon âge & par
fa probité.
Il paroît un Livre intitulé : l'Histoire
Sacrée de la Providence & de la conduite
de Dieu fur les hommes , depuis le commencement
du Monde jufqu'aux temps
prédits dans l'Apocalipfe , tirée de l'Ancien
& du Nouveau Teftament , reprefentée
en cinq cens Tableaux gravez d'après
Raphaël & autres grands Maîtres ,
& expliquée par les paroles mêmes de
PEcriture en Latin & en François . It fe
vend chez l'Auteur , rue du Four , Fauxbourg
S. Germain , vis - à - vis l'Hôtel
d'Hambourg, & à Pâque 1 729.il fe vendra
rue du Foin , du côté de la ruë de la Harpe
, au Heaume , Quartier de Sorbonne.
L'Ouvrage complet forme trois volumes
, petit in folio ; dédié à la Reine , par
le fieur de Marne , que Sa Majesté vient
d'ho
SEPTEMBRE. 1728. 2027
d'honorer du titre de fon Graveur ordinaire
tant pour récompenfer fon zele , que
pour reconnoître le foin & l'application
qu'il a apportée à cet Ouvrage.
On peut dire qu'on n'à point encore vû
paroître de Recueil des Hiftoires Sacrées
de la Bible que l'on puiffe comparer à
celui- cy , ni pour le nombre des fujets, ni
pour la beauté des Deffeins ; & pour ne
laiffer rien à defirer on a gravé au bas
de chaque Planche , non -feulement les
fujets qu'elle contient en general , mais
encore une Explication Latine & Françoiſe
de ces fujets , & le précis de ce que
les Livres Saints en difent . Cet Ouvrage
peut être d'un grand ornement & d'une
grande utilité pour inferer & faire relier
dans des Bibles & autres Livres qui traitent
de l'Ancien & du Nouveau Teftament.
HISTOIRE DU THEATRE ITALIEN ,
depuis la décadence de la Comedie Latine
; avec un Catalogue des Tragédies &
Comédies Italiennes , imprimées depuis
l'an 1500. jufqu'à l'an 1660. & une
Differtation fur la Tragedie Moderne. Par
Louis Riccoboni , in 8. de 3 20. pages avec
17. Figures des Habits des perfonages caracteriſez
de ce Théatre , & un Poëme
Italien fur la maniere de reprefenter ,
c'eft-
:
2018 MERCURE DE FRANCE.
c'eft à- dire , fur l'art de la déclamation
& du gefte Théatral .
Cet Ouvrage eft compofé de pluſieurs
parties differentes ; on y trouve d'abord
une Differtation fur l'origine & fur l'antiquité
des Pieces Dramatiques en Italie.
La décadence de l'Empire Romain entraîna
celle des Lettres , & par confequent
celle de la Tragedie & celle de la Comedie
réguliere . Le zele de la Religion concourut
à faire abolir ces Spectacles , onles regardoit
nonfeulement comme un des Actes de Religion
du Paganiſme , mais encore comme
une chofe propre à fortifier l'attachement
des Peuples pour l'Idolâtrie , & par confequent
comme contraire au progrès du
Chriftianifme. On fçait avec quelle force
les Peres déclamoient alors contre le
Théatre. Cependant leurs prédications
furent fans fruit tant que l'Empire ſubſiſ
ta lorfqu'il eut été entieremenr détruit
dans l'Occident , que les Vifigoths furent
maîtres de l'Espagne , les Francs de la
Gaule , les Vandales de l'Afrique & de la
Siçile , & les Oftrogoths de l'Italie ; ces
Nations barbares abolirent des Spectacles
qui étoient d'une très- grande dépense &
qui ne devoient pas être de leur gout. Les
anciennes Comedies & les anciennes Tragedies
rouloient fur des avantures & réprefentoient
des moeurs totalement inconnues
à
SEPTEMBRE . 1728. 2029
à ces Peuples ; elles étoient d'ailleurs écrites
dans une Langue qu'ils n'entendoient pas ,
c'étoit beaucoup pour eux que de comprendre
le Latin barbare de la populace
que nous trouvons fur quelques Monuments
de ces temps là.
De tous les Spectacles du Cirque , les
Oftrogoths ne conferverent que les Chaffes
& les Combats d'animaux , le courage &
l'addreffe des Beftiaires , flatterent leur humeur
guerriere ; mais comme la bravoure
des Nations du Nord , étoit jointe à l'humanité
, elles ne purent fouffrir les Spectacles
dans lefquels on faifoit un jeu de
verfer du fang humain , & elles abolirent
les Gladiateurs de tous les Spectacles du
Théatre. Les Oftrogoths ne conferverent
que les Mimes & les Pantomimes , efpece
de Comediens , qui par leurs geftes &
par leur figure , plutôt que par leurs difcours
, excitoient le rire des Spectateurs.
Les Pieces de ces fortes d'Acteurs roulant
toutes fur des intrigues de Valets &
de gens de la lie du peuple , comportoient
un langage groffier & barbare , qui par là
étoit à la portée des Auditeurs.
L'Auteur croit que le nom & l'habillement
de ces Acteurs s'eft conſervé dans
l'Italie. Apulée défigne l'habit des Mimes
par le nom general de Centunculus , qui
marque un vêtement compofé de pieces
rap2020
MERCURE DE FRANCE .
rapportées de differentes couleurs , ce qui
reffemble fort à l'habit d'Arlequin. Ces
Mimes étoient nuds- pieds ou du moins
avec des chauffures plattes , ce qui les taifoit
nommer Planipedes , à la difference
des Acteurs de la Comedie , les Socci de
ces derniers , quoique moins élevez que
le Cothurne , qui étoit une efpece d'Echaffe
, l'étoient cependant affez pour hauf
fer la taille des Acteurs. Quelques- uns de
ces Mimes avoient la tête rafe & fe barbouilloient
de fuye ; ce qui nous reprefente
le mafque & la chauffure d'Arlequin
. Quelques uns de ces Mimes étoient
vétus de blanc & ils formoient une espece
particuliere défignée par la couleur de l'habit.
Dans le Royaume de Naples & dans
la Calabre , le perfonnage & l'habit du
Polichinelle reprefentent ces Mimes blancs
des Anciens.
Les Acteurs bouffons de la Comedie Italienne
n'ont pas feulement confervé l'habit
des anciens Mimes, ils en ont encore gardé
le nom. On les nomme Zanni ou Dfanni,
ce qui eft une legere alteration du nom
Latin Sannio , dérivé de Sanna , Plaifanterie,
raillerie, brocard. Un ancien Grammairien
Latin nous apprend que ces Acteurs
étoient nommez Sanni , auffi- bien
que Sanniones. Cette derniere découverte
avoit été entrevûë par M. Ménage ,
qui
SEPTEMBRE. 1728. 2031
qui l'avoit abandonnée trop legerement
fur la foi d'un fçavant Italien , comme le
fait voir l'Auteur.
On ignore abfolument l'état du Théatre
en Italie depuis l'invafion des Lombards
, quoique l'on ait bien des raifons de
croire qu'il continua toûjours d'y avoir
des Comédiens ou des Mimes . On fçait
feulement que S. Thomas d'Aquin parle
au milieu du treiziéme fiecle de la Comedie
comme d'un Spectacle qui fubfiftoit
depuis longtemps . Ce Pere examine
même fi l'on peut exercer cet Art lans
pecher contre le Chriftianifme , il le nom .
ine l'Art des Hiftrions , parce que ces
Spectacles ne confiftoient alors que dans
les plaifanteries des Mimes . Il le croit
indifferent en lui - même & une chofe
bonne pour le délaffement dont les hommes
ne peuvent fe paffer , il n'en condamne
que l'excès par lequel on feroit
fon unique occupation d'une choſe frivole
, où l'abus , par lequel on fe permettroit
dans ces Spectacles des actions.
E ou des paroles contraires à la pureté des
moeurs & à l'honnêteté publique .
De ce que les Acteurs de la Comedie
Italienne ont confervé le nom & l'habil-
I lement des Mimes Latins , l'Auteur de
la Differtation eft fort porté à croire qu'ils
ont gardé auffi la forme des Farces Atellanes
»
2032 MERCURE DE FRANCE .
lanes , reprefentées par les Mimes : &
comme la Comédie Italienne ancienne fe
jouoit à l'impromptu , il foupçonne que
les Atellannes fe jouoient de même , il
en auroit pû trouver des preuves au moins
très probables dans l'antiquité .
Cette Comedie impromptu occupa feu.
le les Théatres d'Italie juſqu'à l'an 1300.
mais peu après on vit des Comedies plus
régulieres , l'Auteur en nomme une qu'il
croit plus ancienne que le Dante , & au
plus tard de la fin du quatorziéme fiecle ;
la Calandra , Comedie en profe du Cardinal
Bibiena , eft , felon lui , anterieure
au 16 fiecle , elle fut imprimée en 1520 .
mais plus de 30. ans après avoir été faite.
Peu après cette Comedie on en vit paroître
un grand nombre , conduites aſſez
régulierement & écrites avec foin par les
meilleurs Poëtes de ce fiecle , dans lequel
l'Italie produifit un grand nombre d'Ecrivains.
Le Triffino & le Rucellai , publierent
alors des Tragedies. On trouve
dans la Sophoniſbe du Tricin , des beautez
que le plus parfait des Tragiques François
n'a pas dédaigné d'imiter . L'exemple
du Triffino & du Ruccellai , fut fuivi par
leurs Compatriotes , on vit un grand
nombre de Tragedies , peut -être trop regulieres
, car elles font fouvent des copies
ferviles des Originaux Grecs. Par là elles
pouvoient
SEPTEMBRE. 1728. 2033
pouvoient devenir froides , & pour y remedier
, leurs Auteurs choififfoient les fujets
les plus terribles & les plus propres à frapper
l'imagination de leurs Spectateurs , ils
alloient jufqu'à employer non -feulement.
le Tragique du Spectacle , mais encore
l'atroce & le funefte ; deforte que le
moyen qu'ils avoient pris pour arrêter
les Spectateurs , fut peut- être ce qui les
éloigna .
Les Comédies régulieres n'avoient
point paffé fur le Théatre public , elles
étoient reprefentées par des Societez
d'honnêtes gens , qui fous le nom d'Académiciens
, joüoient en certain temps
devant un Auditoire invité les Piéces
qu'eux-mêmes ou des Poëtes de leurs
amis avoient compofées.
Les Comédiens de profeffion continuerent
de jouer à l'impromptu des Comédies
dont ils inventoient & dont ils concertoient
les Sujets.
En 1611. Flaminio Scala Comédien
illuftre , & Chef d'une troupe célebre
fit imprimer le Recueil de les propres
Comédies en forme d'Arguments ou
de Canevas , difpofez à peu près comme
Ele Scenario qui eft expofé derriere le
Théatre de la Comédie Italienne , mais
un peu moins concis . La conftruction de
ces Fables du Scala étoit foible & même
mau2034
MERCURE DE FRANCE
mauvaiſe au jugement de l'Auteur qui le
plaint fur tout de ce qu'elles étoient pour
la plupart très-fcandaleufes. Ce fut vers
l'an 1560 , & du vivant de Flaminio
Scala que les femmes furent introduires
fur la Scene Italienne. Avant ce tems ,
c'étoient de jeunes garçons fous des habits
de femmes qui joüoient ces Rôles.
Un Comédien Italien dans un Livre
imprimé en 1616. nous apprend que de
fon tems les Académies ne furent pas les
feules qui reprefenterent des Comédies
régulieres ; les Comédiens de profeffion
en repréſenterent plufieurs , & il y eût
des Auteurs qui en compoferent exprès
pour eux.
>
La décadence des Lettres en Italie , arrivée
au
commencement du dix ſeptiéme
fiécle , caufa celle du Théatre ; on abandonna
les Tragédies & les Comédies écrites
pour mettre à leur place des Comédies
imitées ou même traduites de
l'Eſpagnol
qui étoient fouvent un mêlange de Tragique
& de Comique, comme dans la vie
eft un fonge dans le Feftin de Pierre , & c.
Ces fortes de Piéces partageoient le Théa.
tre avec les Comédies Italiennes , joüées
impromptu à l'ancienne maniere . M. Pabbé
d'Aubignac croyoit que l'Italie n'avoit
jamais connu d'autres Drames que
ceux - là , mais c'eſt une ignorance dont
l'AuSEPTEMBRE
. 1728. 2035
' Auteur ne peut concevoir comment un
auffi habile homme que l'Abbé d'Aubignac
a été coupable.
L'Auteur paffe enfuite à l'examen des
perfonnages de cette Comédie impromptu.
On trouve dans les Canevas de Flaminio
Leala , les quatre Mafques de la
Comédie Italienne , & les quatre Dialectes
qui y font encore ; les deux Vieillards
, dont l'un parle Venitien , & l'autre
Boulonois . Les deux Zanni ou Bouf.
fons qui parloient Bergamafque ou Lombard
, felon le Pays dans lequel on reprefentoit.
L'Auteur croit que Nuzante ,
Auteur & Comédien en même temps .
eft l'Inventeur du Mafque des deux Vieillards
, & que c'eſt lui qui a introduit lạ
varieté des Dialectes. Ce Nuzante mourut
en 1542. Les divers Cantons de l'Italie
imaginerent des Mafques , des Habits
, des Caracteres & des Jargons differens.
Ce qui eft plaifant pour un Pays
ne l'étant pas toujours ailleurs , faute de
connoître le modele du ridicule que l'on
met fur la Scene. La domination des Efpagnols
en Italie , introduifit les Capitans
qui étoient des Copies outrées de
l'oftentation , de bravoure que l'on reproche
à cette Nation. L'excellence des
Acteurs qui joüoient ces mauvailes Piéces
, cachoient à la plupart des Specta-
F teurs
2036 MERCURE
DE FRANCE
.
teurs l'imperfection
de ces mêmes Piéces.
Aufli la Comédie étoit - elle très-confiderée
; l'Auteur conferve une Copie des
Lettres de Nobleffe données par l'Empereur
Mathias au Cecchino , qui repreſentoit
les Rôles d'Arlequin .
Les plus graves Perfonnages
ne dédaignoient
pas de fe mêler du Théatre , du
moins pour le régler , & l'Auteur prouve
que S. Charles Borromée avoit nommé
une perfonne pour examiner même les
Canevas des Comédies jouées à l'impromptu
, & que fur fon rapport ce faint
Evêque approuvoit
ces Canevas , & les
fignoit de la main .
Après ce détail hiftorique , l'Auteur
rend compte des avantages & des défa
vantages de cette maniere de jouer à
l'impromptu. Quelque vivacité & quelque
verité qu'elle jette dans le jeu des Acteurs
, elle eft fujette d'ailleurs à de grands
inconveniens qu'il ne diffimule pas . L'impromptu
fuppofe des Acteurs qui ayent
beaucoup d'efprit , & qui s'énoncent avec
facilité , avec pureté & avec grace . Il
faut que leur imagination échauffée &
pleine du Sujet , leur fourniffe des difcours
convenables , & il faut que cela fe trouve
également dans les interlocuteurs qui
dialoguent enfemble , il faut qu'ils fçachent
s'écouter & fe répondre mutuellement
SEPTEMBRE . 1728. 2037
ment , il faudroit que celui qui répond
pût prévoir jufqu'où ira le fentiment de
celui qui lui parle , & qu'en répondant
à ce qu'on lui dit , il préparât l'Auditeur
à ce que l'on va dire . En un mot , dans
l'impromptu il faut fe remettre fur le hazard
du fuccès d'une Scene qu'un habile
homme pourroit ne pas rendre, quoi qu'il
y employât tout le loifir & tout le travail
poffible. Cet aveu que l'Auteur fait des
inconveniens de l'impromptu eft d'une
grande force ; car il eft rare que le Public
s'en foit apperçu dans les Scenes purement
Italiennes , qu'il a jouées de cette
façon avec la Deile Flaminia , fa femme
& fouvent il y a eû telle de ces Scenes
aufquelles ceux qui entendent l'Italien
ont avoué que l'on ne pouvoit rien defirer
même pour la précifion du Dialogue.
Les Acteurs médiocres fe fervent pour
fe tirer d'affaire dans les Scenes où ils
font embarraffez de l'expedient des Lazzi,
c'eſt- à- dire , de certains Jeux de Théatre
qui interrompent le fil de l'action de la
Scene , & qui donnent le tems à ces Acteurs
de penfer à ce qu'ils diront lorfqu'il
faudra y revenir. Ces Lazzi font
proprement de l'appanage de l'Arlequin ,
qui par fon Caractere de balourd . & d'étourdi
, eft en droit d'interrompre l'ac-
Fij tion .
To38 MERCURE DE FRANCE .
tion. Ils doivent fervir à renouer ce qu'ils
ont coupé , c'eſt à - dire , que pour être
bons , ils doivent ramener les interlocu
teurs & les Spectateurs à la matiere dont
ils les avoient écartez . Telle est l'idée que
l'Auteur donne des Lazzi , idée de laquelle
les Lazzi que l'on voit fur le
Théatre , ne s'écartent que trop fouvent,
comme il en convient lui - même ; cependant
cette idée doit fervir à difcerner les
Lazzi bien imaginez , & à condamner
ceux qui font vicieux .
L'impromptu regna feul fur le Théatre
Italien depuis l'an 1690. Si l'on joüoit
quelques Comédies écrites , elles fe fentoient
du mauvais gout , & ne reffem ,
bloient en rien à celles du bon fiécle . Pour
mettre ces dernieres fur le Théatre , il
fallut les traveftir , en prendre feulement
le Canevas , & abandonner le détail du
Dialogue & la fuite des Scenes aux hazards
de ce même impromptu.
Cette mode dura long- temps , parce
qu'elle fe foûtenoit par l'excellence des
Acteurs , dont le merite en donnoit aux
mauvaiſes Piéces qu'ils reprefentoient.
Mais ces excellens Acteurs qui joignoient
la culture que l'efprit reçoit par l'étude
& par une éducation liberale aux graces
du corps & de l'action , manquerent
vers
l'an 1680. & les Acteurs ignorans qui
leur
SEPTEMBRE . 1728. 2039
leur fuccederent , deftituez d'efprit , de
talents & de moeurs , eurent recours pour
foûtenir leurs miferables farces aux fottifes
& aux obfcenitez . Une feule troupe
s'étoit préfervé de cette licence , & avoit
confervé la modeftie . Cette troupe qui
avoit quitté l'Italie, & qui paffa en Aliemagne
, avoit à fa tête le grand pere &
la grand'mere de la Delle Flaminia , femme
de l'Auteur. Pietro Cotta, jeune hom
me , né à Rome , entra dans cette troupe.
Comme il avoit de l'efprit , de la fcience
& des moeurs , il s'attacha à purger le
Théatre des licences dont il avoit été rempli.
Le bruit que faifoient en deçà des
Monts les Tragédies Françoifes lui donna
l'idée de ramener la Tragédie fur les
Théatres d'Italie , dont elle avoit été bannie
depuis fi long - temps. Il reprefenta une
Tragedie Italienne d'un Auteur célebre
& réuffit ; encouragé par ce fuccès , il
ofa mettre fur la Scene les Traductions
des plus célebres Tragédies Françoiles ,
& il força , pour ainfi dire , les Spectateurs
à en fupporter la repréſentation.
Car le plus grand nombre de ces Spectateurs
, accoûtumez aux bouffonneries des
Zanni , croyoient que l'on ne devoit aller
au Théatre que pour y rire.
Cotta ayant quitté le Théatre , l'Auteur
âgé de 24. ans , & depuis deux ans
Fiij Chef
2040 MERCURE DE FRANCE .
Chef d'une Troupe de Comédiens réſolut
de fuivre fon exemple. Il mit fur la Scene
les bonnes Tragédies des anciens Auteurs
, & donna même celles des Auteurs
Modernes. Pour menager fes Spectateurs
il entremêloit les repréſentations de ces
Tragédies de celles des Comédies ordinaires
, où le jeu de Théatre domine , &
où l'on cherche feulement à faire rire le
Spectateur aux dépens même du bon fens
& du vrai- femblable .
La moitié de l'Ouvrage reftoit encore
à faire , & il falloit ramener le goût de
la bonne Comédie. L'Auteur commença
par accoûtumer fes Spectateurs à voir des
Comédies plus régulieres , en leur donnant
des imitations des Comédies Françoifes
jouées à l'impromptu , & dans lefquelles
il faifoit entrer les Acteurs mafquez.
Il donna enfuite des Traductions
fuivies de quelques - unes de ces mêmes
Comédies , & il en repréſenta qui étoient
entierement de lui . Son coup d'effai fut
la Femme Jaloufe ; elle eft connuë du Pu.
blic , & elle a été repréſentée ici avec fuccès
dans les deux Langues.
Le fuccès de cette Piéce qui ne rouloit
point fur une intrigue amoureuſe , lui fit
elperer que les Spectateurs pourroient
fouffrir une Comédie fans mafques & fans
Arlequin , écrite en Vers ou en Profe
avec
SEPTEMBRE. 1728. 2041
2
avec foin , & dans laquelle l'impromp
tu n'auroit point lieu. Il fentoit la
grandeur de l'entreprife : le Public avoit
bien voulu venir quelquefois à la Comédie
pour n'y point rire , mais il n'étoit
pas sûr qu'il confentît à rire d'un autre
Spectacle que de celui auquel il étoit accoûtumé.
Ainfi il chercha à s'appuyer du
nom d'un Auteur célebre ; il choisit une
Comédie de l'Ariofte qu'il mit avec de
legers changemens , en état de paroître
fur la Scene fans choquer les moeurs. Le
nom de l'Ariofte caufa un contre-temps
fâcheux , le Partere s'attendît à voir une
Piécé tirée du Poëme de l'Ariofte , & ne
voyant paroître ni Roland , ni Angelique
, ni Bradamante , ni Roger , il reçut
fr mal la Piéce , qu'elle ne put être achevée.
Ce fut dans ce tems là que l'Auteur
fut appellé par Monfeigneur le Duc d'Orleans
, & qu'il reçut ordre de choisir
une Troupe , & de l'amener en France
; c'eft à cette Epoque que l'Auter .
finit la premiere Partie de fon Ou
vrage.
La feconde contient un Catalogue des
Tragédies & des Comédies Italiennes
compofées depuis l'an 15oo . jufques vers
1650. Les Tragédies font au nombre de
240. toutes en Vers , à l'exception d'une
feule qui eft en Profe. Les Comédies écri-
F iiij tes
2042 MERCURE DE FRANCE .
tes , foit en Vers , foit en Profe , font fans
comparaison en plus grand nombre , &
cela doit fuffire pour défabufer ceux qui
croyent que l'Italie n'a point de Tragedies
ni de Comédies régulieres .
Les Italiens connoiffent les noms de
139. Auteurs Tragiques , & de plus de
288. Auteurs Comiques qui ont fleuri
dans l'espace de 150. ans , fans compter
les anonimes les Auteurs des Paftorales
, ni ceux des Drames facrez dont il
n'eft pas queſtion dans ce Catalogue .
"
Ce Catalogue n'eft pas une fimple lifte.
L'Auteur y a répandu diverfesRemarques
au fujet des Piéces & de leurs Auteurs
qui plairoient , fans doute , aux Amateurs
de la Litterature du Théatre . Nous renvoyons
au Mercure prochain l'abregé de
la troifiéme Partie . Cependant avant que
de finir , nous ne pouvons nous empêcher
de rapporter une refléxion de l'Aureur.
Les Critiques Italiens , admirateurs
de l'Antiquité , ont décidé que les Tragé
dies Italiennes font audeffous du médiocre
, en comparaifon de la Tragédie Grecque.
Si l'on vouloit juger des Tragédies
Italiennes fur cette décifion , ne tomberoit-
on pas dans le cas d'un Etranger
qui s'en tenant à la maniere dont les zelateurs
de l'Antiquité ( le P Raprin , M. Dacier
, &c. ) parlent de la Tragédie Françoife
SEPTEMBRE. 1728. 2043
çoife , croiroit que les Piéces de Corneille
& de Racine ne meritent pas d'être
lûës . Ces Tragédies Italiennes s'éloignent
beaucoup moins du Théatre Grec
que les Françoifes ; & fi la perfection dépendoit
de la reffemblance avec les Anciens
, les Tragédies Italiennes l'empor
reroient de beaucoup fur les Françoifes
.
MASTURE DES VAISSEAUX ; & c.
A Paris , ruë S. Jacques , chez Cl. Jombert
, 1728. in 4 ° . de 164. pages & 5•
Planches gravées.
REFLEXIONS fur le premier & le fecond
Tome des Commentaires de Polybe
, faits par M. Follard , & fur fon Livre
de la nouvelle Découverte , avec des
Refléxions Militaires & Hiftoriques . A
Paris , rue S. Jacques , chez Ganeau ,
1728. in 12. de 118. pages.
REMARQUES SUR HOMERE , avec
la Traduction de la Préface de l'Homiere
Anglois de M. Pope , & d'un Effai fur
la Vie & les Ecrits de ce Poëte , par le
même Auteur. A Paris , ruë S. Jacques ,
chez Martin , & Quai des Auguftins
chez la veuve Contelier , 1728. in 12 .
F v HIS
2044 MERCURE DE FRANCE :
+ HISTOIRE de la derniere Révolu
tion de Perfe . 2. vol . in 12. A Paris
chez Briaffon . ruë S. Jacques , 1728 .
METHODE de Mufique felon un nouveau
Systême très- court , très facile &
très-fùr , approuvé par Meffieurs de l'Académie
Royale des Sciences , & des plus
habiles Muficiens de Paris , dédié à la
Reine . Par M .... Prêtre . 1. vol. in 8 °.
A Paris , chez Pierre Simon , ruë de la
Harpe , à l'Hercule , 1728 .
Ce Livre contient l'execution du nouveau
Systême de Mufique dont il eft parlé
dans quelques Mercures.
Le Breton , le pere , vient de publier une
Traduction du Poëme de M. Pope , célebre
Poëte Anglois , dont le Sujet eft
l'Enlevement de la Boucle de cheveux de
Sylvie , rien n'eft , dit on , plus politique
& plus ingénieux que cette Fiction.
LA
CHRONOLOGIE DES ANCIENS
ROYAUMES , Corrigée , à laquelle on
a joint une Chronique abregée , qui contient
ce qui s'eft paffé anciennement en
Europe , jufqu'à la Conquête de la Perfe
par Alexandre le Grand , traduite de
l'AnSEPTEMBRE.
1728. 2045
P'Anglois de M. le Chevalier Ifaac Newton.
A Paris, chez Martin , Coignard fils,
& Guerin , Libraires , ruë S. Jacques
& Montalant , Quai des Auguftins ,
1728. in 4. de 416. pages , fans la
Préface.
Le Public attendoit avec impatience
cet Ouvrage de M. Newton , & l'on
peut dire que l'impreffion n'a rien fait
diminuer de l'idée avantageufe que les
gens habiles en avoient conçue , en lifant
le court Extrait qui avoit donné lieu à
quelques difputes . Le Traducteur y a
joint une Préface très- curieuſe , & trèsintereffante
; il décrit d'abord en fimple
Hiftorien , tout ce qui s'est écrit pour ou
contre , à l'occafion de cet Ouvrage . I
feroit à fouhaiter que toutes les difputes
des gens de Lettres fuffent traitées avec
la même politeffe . Ce n'eft pas qu'il ſoit
toujours de leur avis ; mais il les critique
avec tant de modeftie , qu'il faudroit
être de bien mauvaife humeur pour s'en
plaindre. Enfuite il développe les principaux
Points du Systême Chronologique
de M. Newton ; il ne fe laiffe pas féduire
par fes idées nouvelles , il montre adroitement
par où elles peuvent donner prife à
la Critique. Cela n'empêche point que
le Traducteur n'eftime infiniment cer
Ouvrage.
Fvj » Je
2046 MERCURE DE FRANCE :
•
>> Je n'ignore pas , dit il , que le Sy
» tême de M. Newton eft regardé comme
» une nouveauté trop hardie ; cependant
» quand on fe reprefente que l'ancienne
Hiftoire Profane eft remplie de confu-
>> fion , que les Grecs qui ont écrit tard
» font célebres par leurs menfonges & par
>> leurs impoſtures , & que les Egyptiens ,
» entêtés d'une chimerique Antiquité ,
» ont remplis de fictions leur Hiftoire ;
>> il eft difficile de condamner un génie du
>> premier ordre , qui cherche à s'ouvrir
» une route nouvelle pour débrouiller ce
cahos. Que fi l'on confidere avec atten-
» tion l'enchaînement heureux de fes
» idées , le mêlange ingénieux de faits de
» toute efpece , heureufement préſervez
» de cette féchereffe , qui femble infépa-
» rable de la ſcience des temps , les Ta-
» bleaux que forment l'origine des Bourgs
» & des Villes , la naiffance des Sciences
» & des Arts ; enfin les conféquences qui
naiffent fi rapidement des faits emprun-
» tés des anciens Auteurs : en faveur de
>> tant de beautez , ceux même qui n'a-
>> dopteront pas les idées , pardonneront
» à un tel Ecrivain la liberté qu'il s'est
>> donnée .
Le Traducteur après avoir rapporté l'éloge
que les adverfaires de M. Newton
ont fait de la Chronologie abregée ,ajoûte :
Quelle
SEPTEMBRE . 1728. 2047
>
» Quelle plus noble idée ne ſe formerent-
» ils pas de l'Ouvrage entier ? En effet
>> tout ce qui peut rendre l'érudition cu-
>> rieufe s'y trouve raffemblé ; Mytholo-
>> gie neuve & ingénieuſe , combinaiſons
» heureuſes , évenemens rapprochez avec
>> beaucoup d'art , détails curieux , re-
» cherches profondes , allufions finement
» démêlées , étymologies fçavantes , voilà
» en gros ce quifrappera tout efprit non
» prévenu ; on doit furtout admirer ces
» connoiffances dans le plus célebre de
>> tous les Géometres : on fçait que ces
» Meffieurs tiennent à grand honneur de
» méprifer la fcience des faits .
Nous rapporterons ce morceau de la
Préface pour faire connoître le ftile du
Traducteur , & pour préfenter une idée
de l'Ouvrage , dont nous ne fçaurions
donner un Extrait fans nous engager dans
de longues & fçavantes difcuffions , qui
excederoient nos bornes ordinaires .
Henry & Lamefle achevent d'imprimer
un Livre interreffant , intitulé : Traité
de la charité envers le Prochain , & de fes
vrais caracteres , tiré des Livres faints ,
dans lequel on expofe par la pure parole de
Dien , les Devoirs generaux & particuliers
à l'égard du Prochain. C'est un volume
2048 MERCURE DE FRANCE.
lume in 12. de soo . pages , dédié à la
Reine.
د
Henry , rue S. Jacques . vis -à-vis
S. Yves , a imprimé un Livre intitulé :
La vraie & fauffe Religion , dédié à
M. Herault. Par le R. P. Pietre de S. Benoît
, Carme du grand Convent de Paris.
C'est un in-12 . de 519. pages. On y démontre
la fauffeté de laReligionProteftante
, & la verité de la Religion Catholique .
TRAITE DE LA PENITENCE , imprimé
chez Ganeau, aux- Armes de Dombes
. A Paris , 1728. dédié à la Reine .
On peut dire que ce Livre renferme
tout ce qu'il faut enfeigner & pratiquer
fur la Penitence , enforte qu'il peut tenir
lieu de Traité de Théologie , & qu'il
fuffit fur cette matiere , pour les Ecclefiaftiques
qu'on éleve dans les Seminaires
, pour les Curez , pour les Prédicateurs
, pour les Miffionnaires, & pour tous
les Fideles .
Deluffeux , Libraire , proche S. Etienne
d'Egrès , a imprimé un Traité de la Meſſe ,
où l'on établit qu'il y a neuf Dogmes de
foi décidez fur ce divin Sacrifice , combattu
par un Auteur moderne.
La
SEPTEMBRE. 1728. 2049
La veuve Mazieres , rue S. Jacques
à la Providence , a imprimé un Livre intitulé
: La vraye Maniere d'entendre la
Meffe. Il y a trois chapitres : dans le premier
, on explique ce que c'eft que la
Meffe. Dans le deuxiéme on rapporre
des prieres fort édifiantes tirées des Peres
& des anciennes Liturgies , pour reciter
pendant la Meffe . Dans le troifiéme , on
expofe les fruits qu'on doit retirer de ce
Myftere .
La même débite les Actes du Concile
d'Embrun , en un volume in - folio.
Coignard , fils , rue faint Jacques , au
Livre d'or , débite l'Inftruction Paſtorale
du Cardinal de Biffy contre les appels , &
un Cathechifme du même Cardinal fur
la Conteſtation preſente .
EXTRAIT d'une Lettre écrite de
Lisbonnefur un évenement
extraordinaire.
Dominga
Fernándeo , fille , âgée de 24 ans , fe maria en Février 1727 .
avec André de Caftro , Marchand & habitant
de la Ville de Caraminhal. Cette
femme , après fept mois de mariage , fit
une chute qui lui caufa un vomiffement .
Le 8 Février 1728. elle accoucha d'un
garçon ,
2050 MERCURE DE FRANCE.
garçon , le 20 d'Avril d'une fille , le 26
du même mois , d'un garçon ; le 27. de
deux autres garçons ; le 29. d'un autre ,
& le 30 encore d'un autre : aucun de ces
enfans n'a reçu le batême , fice n'eſt la
fille. Le 5. May , cette femme accoucha
encore de deux filles & d'un garçon ;
mais on ne fçait pas fi ces derniers ont été
baptifés; on marque feulement que la
mere avoit reçû l'Extrême - Onction . La
Marquife de Parga , dans les Terres de laquelle
fe trouve fituée la Ville de Caraminhal,
eft allé voir cette femme , & en a fait
prendre foin. Cet évenement fi extraordinaire
eft attefté par une Lettre que la
Marquise de Parga a écrite à la Marquife
de Valladares , qui demeure à Vigo en
Galice : ainfi il n'y a pas lieu de le révo
quer en doute.
AUTRE Extrait d'une Lettre de Portugal.
N mande de Villeneuve de Famili
Ocation qui eft dans le Territoire de
-Buccellos dépendant de la Juridiction de
Vermoin , que le 8. May dernier il y tomba
une quantité prodigieufe de grêle d'une
telle groffeur , que les fruits de la terre
en furent très- endommagés. Sur l'aprèsmidy
cette grêle fut fuivie d'une grande
pluye , & on apperçut à l'Occident vers
la
SEPTEMBRE. 1728. 205
la Paroiffe de faint Julien de Kalendario
à un quart de lieuë de Familication une
colomne formée par une efpece de fumée,
au centre de laquelle on voyoit quelques
flammes ; cette colomne s'avançoit vers
l'Orient en forme de tourbillon , toujours
en direction droite , & avec un
mouvement fi impetueux , que tout ce
qu'elle rencontroit , elle l'enveloppoit
& le rejettoit en l'air , rompant & déracinant
les plus gros arbres , avec un bruit
parmi lequel on entendit comme de voix
confufes. Ce Phénomene parut jufqu'à
la Ville de Familication , dans laquelleon
tenoit ce jour-là une grande Foire de
denrées & beftiaux , ce qui y avoit attiré
un grand concours .
Il est difficile d'exprimer la conſternation
que ce Phénomene caufa , les
beftiaux forcerent les enclos où on les tenoit
enfermés , & les chevaux prirent le
mord aux dents , fans pouvoir être retenus
par ceux qui les montoient ; cependant
il n'y eut point d'autre dommage
dans la Ville ; la colomne en queſtion fe
tourna du côté du Sud , & parcourut
avec la même furie les Paroiffes de faint
Jacques d'Antas & de Requiation jufqu'à
celle de Vermoin , où elle fe diffipa
ayant fait de grands ravages par tout le
Territoire qu'elle parcourut.
ME
>
2052 MERCURE DE FRANCE .
MEMOIRE du fieur Lagache fur l'invention
nouvelle d'un Inftrument d'Aftronomie
, &c.
N eft en peine de fçavoir quelle eft la
meilleure méthode d'obſerver les hauteurs
fur mer par le Soleil & par les étoiles ,
foit avec des Inftrumens déja connus , foit
avec des inftrumens de nouvelle invention.
Le fieur Lagache d'Amiens a inventé fur ce
fujet une Sphere marine & aftronomique
( mouvante , fi l'on veut , ) de la derniere fimplicité
; on y connoîtra tous les vents , & elle
fera trouver à toute heure fur Mer & dans
l'inftant les Meridiens tout autour de la terre ,
Pheure & les minutes , tant du Soleil que de la
Lune , les longitudes & les latitudes , ce qui
fe rapportera auffi également avec les étoiles
connués. Tout cela le fera par une application
avec la bouffole , qui donnera,même les
preuves de toutes les operations. Comme c'eft
le Soleil & la Lune qui reglent toutes chofes ,
ce fera auffi par eux -mêmes qu'on fe reglera
la nuit comme le jour.
Cette Spere fera toujours pointée au Midy
perpendiculairement & horizontalement , &
démontrera le Nord & le Sud , le Levant & le
Couchant , par l'éguille de la bouſſole , à laquelle
elle fera appliquée ; ladite bouffole fera
connoître le Pole à fon ordinaire , l'un reglera
l'autre , fuivant les endroits où l'on fe trouvera
fur Mer. Par cet aplomb , on connoîtra
les hauteurs du Soleil & des étoiles , les longitudes
& les latitudes où elles fe trouveront
au Ciel , pour les rapporter à celles où l'on
fe trouvera fur Mer par les calculs ordinaires
qui
SEPTEMBRE . 1728. 2053
qui feront aifez à faire , toutes chofes étant
marquées fur cette ſphere.
L'Auteur offre d'envoyer fa nouvelle Sphere
à Meffieurs de l'Académie Royale des Sciences
, ou à quelque bon Pilote , pour en faire
l'experience.
Ledit fieur Lagache a trouvé le fecret d'arrêter
fur le champ les Chevaux qui prennent
le mord aux dents , en donnant lieu au poitrail
de leur tomber fur les jambes de devant ;
ce qui les tient pris , & les arrête tout court ,
de forte qu'ils ne peuvent plus bleffer perfonne
par leurs écarts. Cela fe fait en déta
chant les deux courroyes de cuir qui foûtiennent
le poitrail au couffin où ils font attachez
au haut des épaules ; & en les attachant
avec un cordon à noeud coulant , que le Cocher
ou le Maître même étant dans le caroffe ,
pourra tirer dans le moment que les Chevaux
prendront le mord aux dents , ou bien les arrêter
enſemble au conffin avec une clavette , où
ledit cordon fera attaché . L'experience en a
été faite pluſieurs fois.
TERME employé dans les Chartes dont
on demande la fignification. Extrait
d'une Lettre , &c.
J
"' ai cru jufqu'ici que le mot Bigre étoir
un terme bas , ridicule , injurieux ,
fabriqué dans quelque Halle , &c . Cependant
il fe trouve employé dans les
Chartes Latines & Françoifes depuis le
12. fiécle : En voici deux preuves.
Et habebit Domina Abbatiffa fanai
2954 MERCURE DE FRANCE .
tti Salvatoris duos Bigros in Forefta Do
mini Regis , & c .
J'ai droit d'envoyer mon Bigre dans les
forêts du Roy , avec les Bigres dudit Seis
gneur Roy.
On ne doute pas que les Experts dans
la diplomatique , ne donnent la vraye fignification
de ce terme par le moyen du
Mercure qui en a déja propofé d'autres.
M. du Cange , dont j'ai confulté le Gloffaire
, s'eft contenté de propofer ce même
terme , mais il ne l'a pas expliqué .
* Archives de l'Abbaye S. Sauveur d'E
vreux .
Les Amateurs de Mufique feront bien
ailes d'apprendre qu'on commence à
graver les Motets de feu M. de la Lande,
Sur- Intendant de la Mufique du Roy. I
en paroîtra deux à la fin du mois de Decembre
, un ancien & un moderne , &
on continuera de les donner deux à deux.
AVIS AU PUBLIC pour l'impreffion d'un
Dictionnaire François & Latin , compofé fur
un fiftême nouveau , & c. Par M. Manavit
de Toulouse.
C'eft le titre d'une feuille volante imprimée
à Toulouſe , dans laquelle , après avoir
parlé en general de l'utilité des Dictionnaires,
& du goût prefent pour cette forte de Livres ,
on expofe le plan & l'utilité particuliere de
celui que prépare M, Manavit. Les mots françois
SEPTEMBRE . 1728. 2055
çois s'y trouveront richement hiftoriez par des
Notes Françoifes & Latines , c'est - à- dire , de
fi beaux endroits de Litterature , que le Lecteury
trouvera de quoi fatisfaire fa curiofité ,
de quoi s'inftruire.
Cet Ouvrage eft, dit-on,augmenté d'environ
fix mille mots , foit François , foit Noms propres
de Villes , & lieux du monde , foit de
Noms de Plantes , de Mineraux , d'Animaux ,
qui ne font point dans les autres Dictionnaires.
Celui - ci era intitulé : Anthologie des Dictionnaires
François ou Latins , ou LE CALEPIN
de la jeunesse , pour ſe perfectionner dans quelque
Profeffion où l'on foit appellé.
"
On voit aufli par cette feuille imprimée que
le Roy vient d'accorder à l'Autheur un Privilege
general , pour faire imprimer & débiter
dans tout le Royaume fon Diction
,,naire. Le Mercure de France annonça cette
Anthologie des Dictionnaires au mois de
Septembre 1725. p. 2039. Le Journal des
Sçavans en fit de même au mois de Mars
1729. p . 785. en l'honorant d'un jugement
favorable. Et l'Hiftoire litteraire imprimée
» à Amfterdam , a fait voir à toute l'Europe
l'utilité & l'importance de cet Ouvrage ,
qui n'eft claffique que pour le rendre plus
"propre à toute forte d'Etats .
"
"
Enfin , après avoir répondu à quelques objections
, l'Autheur élevé , comme il le dit ,
dans la Typographie , & s'étant principalement
attaché a la correction des Livres , &c. croit
qu'il fuffit de l'expofition du deffein de fon
Dictionnaire pour faire juger qu'il eft digne,
non-feulement de la curiofité de ceux qui
»compofent la Republique des Lettres , mais
encore de celle des Princes & des Grands
puifque ce qui fait fa nouveauté , leur conviendra
•
2056 MERCURE DE FRANCE :
» viendra. Elle confifte à inftruire de toutes
⚫ choſesen peu de tems, & par la feule lecture.
NON EST IN TOTO DOCTIOR ORBE LIBER.
L'Autheur n'auroit rien rifqué d'attendre ce
grand éloge de la bouche du Public , après le
luccès de fon Ouvrage.
On écrit de Londres que le 3. Volume
in-folio des Oeuvres de M. de Boulainvillier
paroît chez Dunoyer. Il contient
14. Lettres fur l'ancien gouvernement de
France. L'hiftoire abregée de ce Royaume
depuis le commencement de la Monarchie
jufqu'à Charles VIII . Plufieurs
Memoires prefentez au Duc d'Orleans ,
Regent de France . Deux Tables alphabetiques
; la premiere , pour les Generalitez
de France contenues dans les deux
volumes , qui ont déja paru ; la feconde
, pour les matieres hiftoriques contenuës
tant dans le premier , que dans le
troifiéme volume.
On propofe par Soufcription dans la
même Ville : Introduction d'un Systême
general philofophique & Pratique de
Hydroftatique & de l'Hydraulique . Par
M. Etienne Switzer. Le but eft de donner
les meilleures methodes , pour élever
& conduire les eaux dans les bâtimens
& les jardins. Le prix eft de 18 .
fchelins en feuille , & une guinée rélié.
Ce
SEPTEMBRE. 1728. 2057
Ce livre eft orné de plufieurs planches .
On imprime à Amfterdam l'Hiftoire
de George I. Roy de la Grande Bretagne
, qui contient l'Hiftoire de tous les
grands évenemens de l'Europe , depuis
la Paix d'Utrecht , jufqu'à la mort de ce
Prince , écrite par le Lord R. . . , & enrichie
de plufieurs Pieces curieufes & authentiques
, tant par rapport aux affaires
du Nord , qu'à celle de la quadruple Al-
·liance & celle d'Hanover.
Le fieur Philippe Cooely , Corroyeur
de Dublin , a obtenu une Patente du Roy
d'Angleterre , pour faire valoir le fecret
qu'il a trouvé de teindre le cuir en écarlate
& en bleu , à l'imitation du Maro-
Equin de Levant,
On.mande de Londres que le fieur
Charles Gervafe , premier Peintre du
Roy d'Angleterre , a commencé depuis
peu les Portraits de L. M. qui doivent
être placés dans l'Hôtel de Ville , aux
dépens de la Ville de Londres.
= peu
Le 19. du mois dernier , on prefenta
au Roy d'Angleterre , un Animal qui
vient des Indes , & qu'on nomme Armadillo
ou Tatufie. Cet animal eft de la
groffeur
2058 MERCURE DE FRANCE .
groffeur d'un Chat , ayant le corps couvert
d'écailles , la tête femblable à celle d'un
cochon , les jambes hautes d'environ
trois pouces , & une queue longue de
deux pieds .
Les Planches originales de Jacques Callot ,
d'Etienne de la Belle & d'Ifrael Sylveftre , célebres
Graveurs , que le fieur Jacques Fagnani
a en fa poffeffion , font à vendre à un
prix très raifonnable. Il en fera d'autant meilleure
. compofition , que fon grand âge ne lui
permet pas
de continuer fon commerce.
Celles de Callot font au nombre de soo,
fçavoir :
La Tentation de S. Antoine.
Le Siege de Breda , de la Rochelle , de l'lfle
de Rhé , grandes pieces .
Vues du Pont neuf , ou Tour de Neſle , &
celle du vieux Louvre.
Le Nouveau Teftament , dix pieces.
L'Enfant prodigue , onze pieces .
1
La grande & la petite Paffion & une petite
Ovale .
Martyres des Apôtres .
Vie de la Vierge.
Les grands Apôtres avec leur martyre dans
les fonds.
Triomphe de la Vierge..
Les Saints de l'année.
Les grandes Miferes de la Guerre, 18. feüilles
Les petites miferes de la Guerre, 7. feuilles.
Les Ballets de Nancy , 10. feuilles.
Carroufel de Nancy , le Parterre de Nancy &
la Foire de Florence.
Toutes fortes de Figures pour deffiner.
Les Caprices.
CroSEPTEMBRE
. 1728. 2059.
Grotefques , Comédiens , &c.
Oeuvre de Labelle.
Les grands Païfages .
Vues de Rome , avec des Antiquitez principales
.
Les Vûës du Port de Livourne.
Grands Convois d'Arras.
Ports de Mer.
Plufieurs Livres à deffiner.
Vûës de France & d'Italie.
Toutes fortes de Figures à la Perfienne.
Château S. Ange.
Les Embarquemens , & c.
Les Planches de Labelle,grandes & petites,
confiftent en 259.
Celles de Sylveftre confiftent en 1000. Planches
, tant grandes que petites : Sçavoir ,
La Vue de Rome en general , & celle de faint
Pierre en particulier.
Campo -Vaccino , qui font les Antiquitez des
Palais des Empereurs.
Les principales Eglifes des Stations de Rome.
Les Antiquitez de Rome , fuite .
Vûës des plus belles Maifons , Palais & Jardins
de Rome.
Vûës de Florence , Eglifes & belles Maifons.
Vues des Maiſons Royales de France , Meudon
, Fontainebleau , Vaux , Luxembourg ,
Seaux , S. Cloud.
Grande vûë de Paris , toutes Eglifes de Paris
& belles Maifons de Paris & de France.
Ville de Madrid , Seville & autres Villes d'Efpagne.
Ledit fieur Fagnani voulant quitter fon commerce,
vendra tous fes Bijoux , Curiofitez de
G toutes
2060 MERCURE DE FRANCE .
toutes fortes , Tableaux & Eftampes d'Italie
& autres. Il en fera très bonne compofition.
Sa demeure eft ruë de la Monnoye , à
Paris.
SUITE des Medailles du Roy.
E 24. Aouft dernier , veille de faint
Louis , il fut prefenté au Roy , fuivant
la coûtume , une Medaille dont
nous ne donnons ici que le Revers , parce
que le Portrait de S. M. qui en fait
la face , eft fur toutes les Medailles que
nous avons fait graver qui regardent
l'Hiftoire de ce jeune Monarque ; nous
avons cru inutile de le repeter en cette occafion
, & jugé qu'il étoit au contraire
plus à propos de mettre au moins une
année d'intervale , afin qu'on puiffe remarquer
la difference des traits de fon augufte
vifage.
Ce revers reprefente Hercule debout,
tel à peu près qu'on le voit fur une Medaille
antique confulaire , legerement
couvert d'une peau de Lion , ayant près
de lui fa maffuë , & tenant à la main une
lyre . Il a à fes pieds deux Globes , &
quelque attribut de la Peinture & de la
Sculpture ; on découvre dans le fond de
la Medaille une partie de Bibliotheque.
Pour legende HERCULES MUSARUM ,
l'Hercule des Mufes . Le Coin eft de M.
le Blanc. On
LES
HERCU
MUSA
MDCCXXVIII,
VM.
SEPTEMBRE. 1728. 2061
On mande d'Auxerre que des Moif
fonneurs ont découvert dernierement ,
proche la Ville de Brienon - l'Archevêque
, à cinq lieues d'Auxerre , un grand
pot rempli de Medailles du bas Empire.
Comme il y en avoit au moins trente ou
quarante livres, on promet de nous donner
avis des plus confiderables qui auront
été remarquées , s'il s'y en eft trouvé
dans une fi grande quantité , ainfi qu'il
ya lieu de l'efperer .
L'Académie Royale des belles - Lettres
, Sciences & Arts de Bordeaux propole
à tous les Sçavans une Medaille
d'or de la valeur de 300 liv... Ce
prix fondé par le feu Duc de la Force ,
eft promis à celui qui expliquera avec le
plus de probabilité , la nature, l'action , &
la propagation du feu. Il fera diftribué le
25. Aouft 1729.
Jean-Baptifte Couture , Profeffeur d'Eloquence
au College Royal , Infpecteur
du même College , Penfionnaire de l'Académie
Royale des Belles Lettres , &
ancien Recteur de l'Univerfité , mourut
à Paris le 16. du mois dernier dans la
foixante -dix -neuviéme année de fon âge.
Les beaux Arts ont fait une très gran-
Gij
de
2062 MERCURE DE FRANCE
de perte en la perfonne de M. de Lalouette
, Beneficier & ancien Maître.de
Mufique de l'Eglife de Paris , mort le 3 1
Aouft dans un âge trés- avancé. Le 9 de
ce mois , on celébra un Service folemnel
pour le repos de fon ame , dans l'Eglife
des Grands Auguftins , par le foin
de M's Guillery , de la Croix , Petouille
& Gaumay , Maîtres de muſique
de S. Germain l'Auxerrois , de la Sainte
Chapelle , de Notre- Dame, & de l'Egliſe
des SS. Innocens. Un très- grand nombre
de Muficiens invitez employerent
tous leurs talens & toute leur capacité ,
pour rendre leurs derniers devoirs à cet
illuftre mort.
La mort nous a enlevé auffi depuis peu
un autre Muficien très- celebre , que tous
lesJoueurs de Viale regrettent infiniment,
c'eſt M. Marets . Il avoit porté cet Inf
trument à un haut dégré de perfection .
Outre fon merite particulier pour la
Viole , il avoit un grand talent pour la
Compofition, ayant fait plufieurs Opera,
ou entr'autres beaux morceaux de fymphonie,
laTempête d'Alcionne eft regardée
comme une chofe admirable . Il eft mort
dans un âge très- avancé , laiffant deux
fils dignes heritiers de tous les talens.
Le
SEPTEMBRE. 1728. 2063
Le fieur Vaultier , très excellent Joueur
de violon, eft mort prefqu'en même tems à
la fleur de fon âge ,extrêmement regretté.
Nous ne negligerons pas de donner cet
avis important aux amateurs de la bonne
chere au fujet des friants pâtez de Perdrix rouges
, garnis de truffes , du Sr Villereynier de
Ia Gatine , fameux Patiffier à Perigueux. Il
les compofe depuis long - tems à la grande
fatisfaction des gens les plus délicats , & les
plus difficiles. Il donne avis qu'il a trouvé
le fecret de les conferver pendant plus de
deux mois , & qu'il en envoye non -feulement
dans toutes les Villes du Royaume , mais encore
en Espagne , en Italie , en Allemagne ,
en Flandres & en Angleterre. Le prix de chaque
perdrix eft de dix livres pour le Royaume
, & de quinze pour les Pays étrangers ,
tous frais faits , & les pâtez rendus francs
de Port. Ceux qui voudront faire ufage de ce
mets exquis , n'auront qu'à écrire au fieur
Pierre Villereynier de la Gatine , Maître Patiffier
ordinaire du Roy , à la Tête noire , à
Perigueux.
Le fieur Dugeron , ancien Chirurgien
d'Armée , donne encore avis qu'il a le fecret
d'une opiate fans goût , qui préſerve les
dents de fe gâter & de tomber. Il demeure
au grand Cloître fainte Oportune à Paris.
de
Le fieur Lefcure , cy - devant Chirurgien
Major des Gardes du Corps de la Reine d'Efpagne
, continuë de donner des preuves
l'efficacité de fon Sel , par les cures qu'il produit
journellement dans les vapeurs & mala-
G iij dies
2064 MERCURE DE FRANCE :
convulfives , vertiges ou tournoyemens de
tête , épilepfie ou mal caduc , & c. Son remede
eft très-facile à prendre , il donne la maniere
de s'en fervir , peut fe tranſporter
par- tout.
Le fieur Lefcure demeure à- prefent ruë du
Jour , à l'Image S. Louis , proche le grand
Portail de S. Euftache. Il fait réponse à tous
ceux qui lui font l'honneur de lui écrire ,
port payé. -
CHANSON DU TEM S.
Morgué, Piarrot , morguć ! La plie a
fait marveilles ,
Le raifin groffit chaque jour ;
Préparons nos togniaux , nos hottes , nos
bouteilles ;
Nos Tavarniers font bian fots à leur tour
Que nos femmes criont avec grand tintamare;
Gauffons-nous - en , crois - moi , Coufin :
Bûvons dès- à- prefent autant de coups de vin ,
Qu'il a tombé de gouttes guiau par tarre.
Les paroles & la Musique de cet air
font de M. Morel.
SPECB
THE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
ASTOR
, LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONS
THE
NEW
YORK
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ASTOR
, LENOX
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TILDEN
FOUNDATIONS
.
SEPTEMBRE . 1728. 2065
2
L
SPECTACLES.
E Mardy 3. Aouft , on reprefenta au College
de Louis le Grand , la Tragedie de
Sennacherib , pour la diftribution des prix
fondés par Sa Majesté.
Sujet de la Tragédie.
L'Ange Exterminateur ayant immolé dans
une nuit cent quatre- vingt cinq mille hommes
de l'Armée de Sennacherib , Roy des Affyriens
; ce Tyran crut que ce malheur étoit
un effet de la colere du Dieu qu'il adoroit
il fongea à l'appaifer par de fanglans facrifices
; il en fut la premiere victime : fes deux fils
aînés le facrifierent lui - même au pied de fon
Idole.
La tradition des Hebreux , felon S. Jerôme ,
eft que c'étoit fes deux fils aînés que Sennacherib
vouloit immoler , & qu'ils le prévinrent.
ACTEURS.
Sennacherib , Roy des Affyriens , Pierre de
la Biche de Paris .
Adramelech , premier Fils de Sennacherib ,
Joseph- Barthelemy Morin , de Rouen.
Sarazar , fecond Fils de Sennacherib , Nicolas
Robinet , de Paris.
Affaradon , troifiéme Fils de Sennacherib
Charles de Montlinot , de Paris.
Oftanes , Grand- Prêtre des Faux - Dieux , Ang
toine Gallet , de Valence.
G iiij Tharbanes ,
THE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARE
ASTOR
, LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONS
SEPTEMBRE : 1728. 2065
XXXXXXXXXXXX:XXX
SPECTACLES.
E Mardy 3. Aouft , on reprefenta au Col-
Llege
lege de Louis le Grand , la Tragedie de
Sennacherib , pour la diftribution des prix
fondés par Sa Majefté.
Sujet de la Tragédie.
1
L'Ange Exterminateur ayant immolé dans
une nuit cent quatre - vingt cinq mille hommes
de l'Armée de Sennacherib , Roy des Affyriens
; ce Tyran crut que ce malheur étoit
un effet de la colere du Dieu qu'il adoroit
il fongea à l'appaifer par de fanglans facrifices;
il en fut la premiere victime : fes deux fils
aînés le facrifierent lui- même au pied de fon
Idole.
La tradition des Hebreux , felon S. Jerôme ,
eft que c'étoit fes deux fils aînés que Sennacherib
vouloit immoler , & qu'ils le prévinrent.
ACTEURS.
Sennacherib , Roy des Affyriens , Pierre de
la Biche de Paris .
Adramelech , premier Fils de Sennacherib
Joseph- Barthelemy Morin , de Rouen.
Sarazar , fecond Fils de Sennacherib , Nicolas
Robinet , de Paris.
Affaradon , troifiéme Fils de Sennacherib ,
Charles de Montlinot , de Paris.
Oftanes , Grand- Prêtre des Faux- Dieux , An•
toine Gallet , de Valence.
G iiij Tharbanes ,
2066 MERCURE DE FRANCE:
Tharbanes , General des Armées de Sennacherib
, Nicolas René Verdceval , de Paris ,
Anael , Ifraelite , neveu de Tobie , Henry
le Court , de Montpellier.
Narbal , Officier de l'Armée de Sennacherib ,
Charles Fourrier , de S. Domingue.
>
ACTE I.
>
L'action théatrale commence dès le point
du jour , immédiatement après le reveil de
Sennacherib. Ce Roy cruel eft toûjours frap
pé de la fanglante image des cent quatrevingt
- cinq mille hommes qu'il a perdus dans
une feule nuit , il forme d'horribles projets de
vengeance contre le Dieu d'Ifraël , qui a
triomphé de fon Dieu tutelaire ; en vain
Tharbanes tâche à le détourner de la conquête
de la Paleſtine , qui lui coûte déja fi
cher ; il s'affermit dans fes projets ambitieux ,
& ne refpire que fang . Il ordonne que tous
les Hebreux qui font à Ninive , foient char
gez de fers pour être immolez aux
Manes de fes Soldats en attendant que
la prife de Jerufalem lui livre un plus grand
nombre de victimes . Anael , jeune Ifraël , ne
veu de Tobie demande à être prefenté devant
lui ; il l'exhorte à ne plus irriter le Dieu des
Hebreux dont il a déja éprouvé le courroux ,
& qui eft prêt d'accomplir ce qu'il a annoncé
denx mois auparavant au Roy Ezechias par
fon Prophete. Le Tyran méprife ces prédic
tions ; Affaradon , fon troifiéme Fils , lui demande
vainement la liberté de ce jeune Ifraëlite
, il la lui refufe , & va dans fon Temple
implorer le fecours de fon Idole . Anaël , à
qui on a donné la cour pour prifon , témoigne
l'horreur qu'il a d'un tel féjour , & prie le
Dieu des Hebreux de mettre un frein aux
bouches
SEPTEMBRE. 1728. 2067
bouches des Blafphemateurs de fon faint Nom.
ACTE II.
Adramelech & Sarazar , fils de Sennacherib
, commencent cet Acte. Ils reviennent des
Provinces où le Roy leur pere les a envoyez
folliciter du fecours contre les Ifraëlites.
Tandis que Tharbanes va informer Sennacherib
de leur arrivée , ils s'entretiennent enfemble.
Adramelech communique à fon frere
les foupçons jaloux qu'il a conçûs contre le
jeune Affaradon , leur cadet , dont il craint
l'ambition ; il lui fait part auffi de fa haine
contre Oftanes , Grand - Prêtre de leur Dieu ,
il le croit contraire à fes interêts . Le Roy
vient s'informer de la difpofition où ces deux
Fils ont laiffé les Provinces de fon Empire .
Tharbanes vient lui dire que l'armée eft prête
à partir. Sennacherib veut implorer la protection
de fon Idole , avant que de fe mettre
en marche. Le Grand- Prêtre vient pour engager
le Roy à continuer les voeux que l'arrivée
de fes deux Fils a interrompus. Ces deux
Princes irritez contre Oftanes , dont les prédictions
ont eu un fuccès fi funefte , laiffent
échapper des termes offenfans contre ce Miniftre
des Autels ; Sennacherib leur impofe filence
, & les congedie , pour entretenir Of
tanes en fecret. Il lui fait confidence du voeu
qu'il a fait. Il a promis à fon Dieu un Sacrifice
qui furpaffe tous ceux que le Dieu des
Hebreux a jamais pû exiger ; le Grand- Prêtre
loüe fon zele , & fe retire , pour faire place à
l'Ifraëlite Anaël , que Sennacherib a fait appeller
,, pour s'inftruire de la nature des Sacrifices
qu'on offre au Dieu des Hebreux .
Anaël , après avoir parlé du Sacrifice du
GY coeur >
2068 MERCURE DE FRANCE :
•
coeur , rapporte les préparatifs du Sacrifice
d'Ifaac , & l'immolation de la fille de Jephté.
Sennacherib juge par- là qu'il faut qu'il immole
à fon Dieu fes deux propres enfans . Il en eſt
faifi d'horreur : il ordonne au jeune Hebreu
de le laiffer , & fort lui - même fans avoir rien
réfolu.
ACTE III.
Le trouble dans lequel Sarazar voit fon
pere , l'oblige à tácher d'en pénétrer la caufe
par l'entremise de Tharbanes & par lui même.
Adramelech fe joint à eux pour faire expliquer
Sennacherib , qui malgré leurs inftances
réiterées , refufe toujours de leur communiquer
fon deffein ; il leur laiffe feulement entrevoir
qu'il eft occupé du foin d'appaifer fes
Dieux. Tharbanes lui dit qu'il doit abandonner
ce foin aux Prêtres , & ne fonger qu'à
gouverner fes Etats. Adramelech ajoute qu'il
ne doit mettre fa confiance qu'en fon épée ,
fans fatiguer les Dieux par des prieres inutiles.
Sarazar n'eft pas de leur fentiment ; il
foûtient que les Dieux font redoutables , &
qu'on doit fe concilier même ceux de fes ennemis.
Sennacherib panche du côté de ce
dernier ; il les fait tous fortir pour parler en
fecret à Anael qu'il fair venir : il lui fait entendre
qu'il veut adorer le Dieu des Hebreux
, & le mêler avec ceux des Affyriens.
L'Ifraëlite lui répond avec fermeté que fon
Dieu eft un Dieu jaloux qui ne fouffre point
de partage , & que , s'il veut l'adorer , il faut
renverfer tous fes autres Dieux ; ces dernieres
paroles portent le Tyran à une fureur
extrême , il fait arrêter Anaël , pour le livrer
aux derniers fupplices. Aflaradon qui le
protege , l'arrache d'entre les mains des Soldats
;
SEPTEMBRE . 1728. 2069
me ,
dats ; Sennacherib fe voyant enlever fa vićtidit
dans un mouvement de douleur ,
qu'il lui faudra peut- être remplacer un fang
vil par un fang précieux. Affaradon lui demande
l'explication de ces mots qui lui font
échappés , Sennacherib lui ordonne de fe retirer
. Le Grand- Prêtre vient fçavoir quel
genre de victimes il doit immoler. Le Roy lui
ayant avoué qu'il faut que le couteau mortel
tombe fur fa propre famille , s'il veut offrir un
Sacrifice qui égale ceux qu'on offre au Dieu
des Hebreux. Oftanes approuve fon deffein ;
& comme il a éré offenfé par Adramelech &
par Sarazar , il déclare que fes deux Fils aînés
lui étant les plus chers , il faut qu'il les immole
préferablement à tous les autres. Sennacherib
veut avoir un figne plus marqué de la
volonté des Dieux , il ordonne le Sacrifice
de deux Taureaux , auquel il affiftera lui même;&
pour fe vanger du Dieu des Hebreux
qui le force à en venir à cet excès de cruauté ,
il forme le deffein de faire apoftafier tous les
Ifraëlites qu'il tient dans fes fers ; il ordonne à
Nirbal d'aller offrir la liberté à ceux d'entr'eux
qui offriront de l'encens au Dieu des Affyriens.
ACTE IV.
Affaradon encore frappé des paroles qui
font échappées à fon pere , ne doute point
qu'il ne foit dans le deffein d'appaifer les
Dieux par le fang de quelques - uns de fes enfans
, il eft tout réfolu à fe dévouer lui- même
à ce fanglant Sacrifice . Ses deux freres qui
viennent du Temple , où ils ont fauvé leur
pere des deux taureaux prêts à fe jetter fur
lui , lui difent d'une maniere infultante , qu'il
fçait fe trouver auprès du Roy , quand il faut
G vj recevoir
2070 MERCURE DE FRANCE:
recevoir fes careffes ; mais qu'il s'en éloigne ,
dès qu'il s'agit de partager les perils. Sennacherib
écarte ce jeune Prince en arrivant , &
ne lui donne pas le tems de lui faire part de
la genereufe réfolution qu'il a formée de fe
facrifier pour appaifer la colere des Dieux. A
peine s'eft-il retiré , que le Roy embraffe Adramelech
& Sarazar , en reconnoiffance du zele
avec lequel ils viennent de leur conferver la
vie , il frémit quand il fonge au prix qu'il referve
à un fi grand fervice ; ces deux Princes
fe retirent à l'approche du Grand Prêtre , qui
vient raconter au Roy les prodiges qui fe font
paffez dans le Temple ; il employe les motifs
les plus preffans de la Religion , pour le porter
à ne plus differer le facrifice de ſes deux
enfans. Ce coupable & malheureux pere demande
du tems . Narbal apporte la lifte des
Hebreux qui ont apoftafié ; le nombre en eft
petit ; mais il fait entendre au Roy qu'il feroit
beaucoup plus grand , fi l'on pouvoit engager
Anael à montrer un exemple d'infidelité .
Sennacherib mande ce jeune Ifraëlite , qui
malgré les plus terribles menaces , demeute
inébranlable dans fa foi. Tharbanes vient annoncer
la confternation où la finiftre oblation
des deux taureaux a jetté tous les Ninivites ,
ce qui oblige le Tyran à fe déterminer au fanglant
Sacrifice qu'il a promis aux Dieux ; il or
donne d'égorger la nuit fuivante tous les Hebreux
qui n'ont point offert d'encens à ſes
Dieux.
ACTE V.
Le Roy , par le confeil d'Oftanes a fait porter
au Temple un Bandeau Royal , & une épée,
Simbole du Commandément des armées , pour
micux attirer Adramelech & Sarazar à l'Autel
où
SEPTEMBRE. 1728. 2071
où ils doivent être immolés . Tandis que ces
deux Princes fe difpofent à s'y rendre , Affaradon
qui fe doute du deffein de fon pere , vient
leur faire part de fes juftes frayeurs . Tharbanes
arrive , pour les conduire au Temple avec une
celebrité qui approche du triomphe. Adramelech
frappé de ce qu'Affaradon vient de lui
reveler , hefite quelque tems ; & prenant enfin
fon parti , il engage Sarazar à le fuivre &
à l'imiter. Affaradon veut les accompagner ,
mais on l'en empêche . Anael vient implorer
fa protection en faveur de tous les Hebreux
captifs qu'on doit égorger ; il lui promet de
faire tous les efforts pour les fauver , mais il
n'efpere pas y réüffir. Adramelech & Sarazar
reviennent du Temple , le trouble dans les
yeux , tenant chacun un coûteau fanglant
dans leurs mains ; ils fçavent qu'ils ont immolé
leperfide Oftanes , mais ils ignorent la
moitié de leur crime , ils n'en font que
trop tôt inftruits ; on amene Sennacherib percé
de coups , il les avoit reçus , en voulant
fauver Oftanes , & ces coups font partis de
la main de fes propres enfans ; ils déteftent
leur parricide , quoiqu'involontaire ; & fe
condamnant à un banniffement perpetuel , ils
cedent la couronne à leur frere Affaradon . Le
Roy la fait mettre fur la tête de ce jeune Prince
, & lui recommande deux choſes : la premiere
de n'adorer jamais le Dieu des Hebreux
, l'autre de le craindre toujours . Sennacherib
meurt ; Anaël fe profterne aux pieds
du nouveau Roy , & le prie d'accomplir fa
promeffe. Affaradon tient fa promeffe , les
Hebreux font fauvez & mis en liberté.
Cette Tragedie fut fuivie d'un Balet qui a
pour titre : Les Voeux de la France ; la fitua
tion prefente de ce puiffant Empire lui offrant
quatre
2072 MERCURE DE FRANCE.
quatre principaux objets de fes voeux , fçavoir
, 1 ° . La confervation de la Religion : 2 °.
La continuation de la Paix : 3 ° . L'augmentation
de l'abondance : 4° . L'accroiſſement de la
Famille Royale , l'Auteur en a fait la matiere
du Ballet , en fubdivifant chaque partie en
quatre Entrées.
Premiere Partie.
Les voeux de la France pour la confervation
de la Religion.
Subdivifion.
Premiere Entrée. L'infenfibilité .
La Religion placée fur une élevation , fe
prefente aux hommes pour recevoir les refpects
qui lui font dûs , ils détournent la
vûe , ou ne la regardent qu'avec indifference
;elle les reveille , & les rend enfin ſenfibles
à fes interêts.
Deuxième Entrée. Le Libertinage.
Plufieurs jeunes gens qui s'étoient rangez
auprès de la Religion , courent à la volupté
qui leur prefente des chaînes couvertes de
fleurs , ils fe laiffent enchaîner , les fleurs tombent
, ils s'apperçoivent de leur efclavage
ils en rougiffent , ils s'adreffent à la Religion
qui brifent leurs fers .
Troifiéme Entrée. L'Erreur.
L'Erreur accompagnée du menfonge & de
l'hyprocrifie , met un bandeau fur les yeux de
tous ceux qui l'approchent. On les voit tous
errer au hazard , & prêts de tomber dans des
précipices affreux ; la verité & la fimplicité
leus
SEPTEMBRE . 1728. 2073
leur arrache le bandeau fatal , & les fauvent
des précipices qui font fous leurs pas.
Quatriéme Entrée . L'Impieté.
L'Impieté fuivie de l'Orgueil & de la Curiofité,
veut détrôner la Religion, elle fe couvre
d'un bouclier d'où partent des éclairs & dest
foudres. Les plus opiniâtres font écrasés.
Seconde Partie.
Les voeux de la France pour la coutinua-.
tion de la Paix.
Subdivifion.
Premiere Entrée.
Des Soldats de differens partis veulent en
venir aux mains . La Paix les fépare , & les
contraint de mettre les armes bas.
Deuxième Entrée .
Des Matelots de divers peuples fe menacent
de leurs rames : on les met d'accord , ils pourfuivent
leur route.
Troifiéme Entrée.
Les Plenipotentiaires de divers Etats de
l'Europe , tenant une épée d'une main &
une branche d'olivier de l'autre, viennent rendre
hommage à la Paix , la Prudence , & la
Perfuafion leur apportent des articles qu'ils
fignent.
Quarriéme Entrée.
Des peuples divers danfent autour des ar
ticles fignez qu'on a atrachez à une colomne ,
& fe donnent la main en figne d'alliance.
Troi
2074 MERCURE DE FRANCE .
Troifiéme Partie.
Les voeux de la France pour l'augmentation
de l'abondance.
Subdivifion.
Premiere Entrée. La circulation des Efpeces.
Des Avares renferment leur or & leur argent
dans les coffres forts ; des Génies les
ouvrent malgré eux , & diftribuent les Efpeces
à plufieurs Ouvriers.
Deuxième Entrée. Provifion de Blé.
Des Moiffonneurs , Batteurs en grange, Fariniers
, & c. font des provifions de Blé ou de
Farine.
Troifiéme Entrée : Provifion de Vin.
Des Vendangeurs & Hotteurs font vendange ,
foulent le raiſin dans des cuves , & c.
Quatrième Entrée : L'Extenfion du Commerce.
Des Marchands François vont trafiquer dans
l'Afie , l'Afrique & l'Amerique ; trois Ports
de ces trois Parties du Monde s'ouvrent à leur
approche. L'échange des Marchandifes fe fait
avec des Afiatiques , des Africains & des
Americains.
Quatrième Partie.
Les voeux de la France pour l'accroiffement
de la Famille Royale .
Subdivifion. Premiere Entrée.
Le Génie de la France fait préparer un Berceau
: les Vertus Royales prennent ſoin de l'orner,
& les Ris voltigent autour.
Deuxième
SEPTEMBRE . 1728. 2075
Deuxième Entree.
Les douze Signes du Zodiaque fe difputent
l'honneur de préfider à la naiffance de l'Enfant
Royal , qui fait l'attente des Peuples . Le Signe
du Lion l'emporte fur tous les autres.
Troifiéme Entrée.
Les Heures du jour & de la nuit difputent à
leur tour à qui préfidera à cette Naiflance: Celle
qui l'emporte va fe placer auprès du Berceau .
Quatriéme Entrée .
1
Desperfonnes de differens états , conditions
& profeffions viennent danfer autour du Berceau.
Ballet
general.
Les Provinces de France rendent graces au
Ciel de voir leurs voeux exaucez en partie , &
fe flattent qu'ils feront bien - tôt entierement
comblez.
Le Pere Porée Auteur de cet Ouvrage, dont
l'heureux génie eft fi connu , fit terminer ce
grand & magnifique Spectacle par un Eloge du
Roi en Vers de fa compofition.
Le 11. Août on reprefenta pour la
diftribution des Prix , fur le Théâtre du
College Mazarin , la Tragédie de Sedecias
, dont voici le Sujet.
Nabuchodonofor , ayant pris Jerufalem après
un fiége de deux ans , fit crever les yeux à Sedecias
, qui en étoit Roi , après avoir fait
donner la mort à fes deux fils en fa préſence ,
&
2076 MERCURE DE FRANCE .
& l'emmena prifonnier à Babylone , comme
Dieu l'avoit fait prédire par les Prophetes en
punition de ſes crimes.
ACTE I.
Nabuchodonofor , après la prife de Jerufalem
, fe plaint que Sedecias , & les deux
Princes fes fils , lui font échappez ; Aremante,
l'un de fes Generaux , tâche de le confoler de
ce leger malheur , par les grands avantages
qu'il a remportez d'ailleurs ; & par l'esperance
de reprendre ce Roi ennemi. Nabazaris , Prince
Chaldéen , & General auffi des Armées du
Vainqueur , arrive & lui annonce que Sedecias
& fes enfans n'ont pû fe fauver de fa pourfuite.
Il amene encore avec lui un prifonnier
nommé Gedelie , dont les mauvais confeils
ont perdu ce malheureux Roi des Juifs , &
dont la trahifon l'a fait prendre . Ce méchant
tâche de s'infinuer dans l'efprit de Nabuchodonofor
par fes lâches flatteries . Dans le tems
qu'il raconte les particularitez du fiége , on
voit venir Jéremie , que le vainqueur a fait
tirer de la prifon où Sedecias l'avoit fait mettre.
Nabuchodonofor le reçoit avec bonté ;
mais Jéremie paroît infenfible à fes careffes ;
il déplore la perte de Jerufalem , & gémit fur
les pechez de fon peuple ; il exhorte le Vainqueur
à la clémence. Ce Prince ne lui répond
rien ; il va donner de nouveaux ordres à
l'Armée. Jeremie le fuit dans l'efperance d'ob
tenir ce qu'il vient de lui demander .
ACTE II.
Jeremie preffe Nabuchodonofor , & tâche
autant qu'il peut de le porter à la pitié Ce
Roi
SEPTEMBRE . 1728. 2077
Roi de Babilone , lui avoit caché la prife de
Sedecias ; il la lui apprend , & lui promet de
le rendre témoin de l'accueil qu'il lui fera ; le
Prophete détefte la trahifon de Gedelie qui l'a
fait prendre ; ce perfide fe juftifie d'une maniere
à s'attirer encore plus l'indignation de Jeremie.
Gedelie rette feul ; il fait connoître la
noirceur de fon ame dans un Monologue ; il
balance entre la crainte & l'efperance ; mais
la crainte eft la plus forte , & lui donne des
preffentimens de fa fin funefte ; il fort à l'approche
de Sedecias & de fes enfans. Emegere
qui les conduit ne leur laiffe entrevoir rulle
efperance de pardon . Nabuchodonofor entre
; Sedecias s'humilie devant lui , mais il
ne fait qu'augmenter l'orgueil de fon ennemi.
Ce dernier lui impofe filence , & affis dans un
fauteuil , il lui reproche fa perfidie ; il lui
dit ironiquement d'interroger le Prophete fur
le fort qu'il lui réſerve.
ACTE III.
Sedecias , incertain du fort qui l'attend , demande
à Jeremie s'il n'y a point d'efperance
pour les enfans , trop content de perdre la vie,
pourvû qu'ils foyent fauvez ; le Prophete ne
lui annonce rien de favorable ; il ne laiffe pas
de lui promettre de s'employer pour lui &
pour les Princes , fes fils. Sedecias ne lui trouve
pas affez de zele , & témoigne à fes fils
à quel point il reffent le malheur qui les
menace Azarie , l'un des deux , le flatte que
ce malheur fera borné à la captivité Helcie ,
fon frere , plus genereux , fait entendre qu'il
préfereroit la mort à l'efclavage; ils montrent
tous deux beaucoup de tendreffe pour
leur pere. Aremante amene à Sedecias le
jeune
2078 MERCURE DE FRANCE.
eune Mardochée , qui s'eft trouvé parmi les
prifonniers. Ce Juif apporte un Oracle d'E
zechiel qui femble contredire celui de Jeremie.
Tandis que Sedecias le medite tout bas ,
les deux Princes font diverfes queftions àMardochée
; mais leur pere les fait paffer dans un
autre appartement , pour mieux fe confulter
tout feul. Un grand bruit qu'il entend tout à
coup le fait trembler pour fes enfans ; il court
pour être immolé à leur place , s'il ne peut les
fauver qu'en fe dévoüant lui-même à la mort.
ACTE IV.
Le preffentiment de Sedecias n'eft que trop
juftifié ; ce bruit qu'il a entendu à la fin de
l'Acte précedent , regardoit fes enfans , & le
regardoit lui- même ; mais ce qui acheve de
l'accabler , c'eft de voir que fon favori , le
perfide Gedelie , s'eft chargé du funefte emploi
, de l'accabler de fers ; Mardochée montre
un exemple tout contraire , & redouble fes
refpects envers fon Roi. Aremante , fous les
ordres de qui Gedelie execute cette indigne
commiffion , fait conduire ces malheureux
Princes dans la place où Nabuchodonofor va
revenir ; il fait entendre qu'il a encore une
execution fanglante à faire de plufieurs autres
infortunés ; le cruel Roi de Babilone lui
réitere fes ordres barbares en arrivant avec
Nabazaris . Il confulte ce dernier fur la vengeance
qu'il doit prendre de Sedecias . Ce
General inftruit des terribles miracles que
Dieu a operés en faveur de fon peuple , lui
confeille d'ufer de clémence envers fes Captifs
. Nabuchodonofor traite tous ces miracles
de Fables. Il ordonne à Nabazaris de faire
tuer les deux enfans en préfence de leur pere ,
&
SEPTEMBRE. 1728. 2079
& de faire crever les yeux à ce dernier ,après
qu'il les aura vû égorger. Jeremie arrive après
cet ordre barbare , ce Vainqueur le preffe de
venir à Babilone , & lui dit qu'il va lui faire
voir un spectacle qui lui ôtera l'efperance
de pouvoir vivre encore fur les triftes ruines
de la Patrie.
ACTE V.
Nabuchodonofor commence ce dernier Acte
avec Aremante. Celui- ci lui rend compte des
executions qu'il a fait faire des Principaux des
Juifs , furtout de Gedelie qui étoit préfent à
ce fpectacle , & qui ne s'attendoit pas à être
une des victimes . Mardochée vient implorer
la clémence du Vainqueur en faveur de fon
Roi ; Nabuchodonofor lui dit ironiquement
que ce Prince ni fes enfans ne verront jamais
Babilone ; Jeremie qui n'eft que trop inftruit
de tout ce qui s'eft déja paffé , gémit de tous
ces évenemens que le Roi barbare attribue aux
deftinées ; ce Prophete n'en reconnoît point
d'autre caufe que la Providence & les décrets
immuables du vrai Dieu.Il prédit la ruine entiere
de Babilone , & le rétabliffement de Jerufalem.
On amene le malheureux Sedecias ,
à qui on a crevé les yeux , après l'avoir rendu
témoin du meurtre de fes deux fils ; il accable
d'imprécations Nabuchodonofor qu'il
ne voit pas. Le fuperbe Vainqueur l'accable,
Jà fon tour de fanglants reproches ; il ordonne
qu'on le mene en cet état devant tout
le monde , pour être enfuite conduit à Babilone
, où il doit achever fes triftes jours dans
un cruel efclavage.
6 Capob
L'Académie Royale de Mufique remit
Le
2080 MERCURE DE FRANCE .
le 7. de ce mois l'Opera des Amours de
Protée , Balet qui fut donné pour
la premiere
fois avec beaucoup de fuccès au
mois de May 1720. Le Poëme eft de feu
M. de la Font , & la Mufique de M. Gervais
, Maître de Muſique de la Chapelle
du Roi.
PROLOGUE.
L'Auteur du Poëme juftifie fa fiction
dans ſa Préface ; il fuppofe deux Amours ,
fils de Venus , fçavoir l'Amour conſtant
& l'Amour volage ; il fonde la liberté
qu'il prétend avoir prife , fur le nom de
Mere des Amours que les Poëtes donnent
à Venus . Voici ce qu'il dit de fa verfification
: A l'égard du ftile , j'ai tâché
fans le négliger , de le fubordonner aux
chofes , & de n'en pas faire l'eſſentiel de
mon Ouvrages heureux file Public y peut
trouver d'ailleurs de quoi s'en dédommager
, & veut bien le recevoir avec indulgence.
Cette modeftie n'a pas empêché
qu'on n'ait rendu juſtice à ſa Piéce , &
qu'on ne l'ait trouvée mieux verfifiée que
les précedentes , qui étoient forties de fa
plume . L'action du Prologue est trèsfimple
, & tout à fait riante. L'Amour
conftant , fuivi d'une troupe d'Amants
conftants , fe plaint à l'Amour volage
de
SEPTEMBRE . 1728. 2081
de la temerité qu'il a de vouloir regner
dans Paphos , c'eſt le lieu de la Scene ;
l'Amour volage lui répond qu'ayant reçû
comme lui la naiffance de Venus , il doit
être affocié à fon Empire ; ils invitent
leur Cour à foûtenir leurs droits ; l'Amour
volage l'emporte fur l'Amout conftant.
Ce dernier appelle Venus à fon fe-'
cours . Venus defcend des Cieux , & pour
terminer leurs differends , elle leur dit :
Eh bien , pour difpenfer vos loix ,
Amours , entre vous deux , il faut faire un
partage :
à l'Amour conftant.
Vous , mon fils , joüiffez du charmant avantage
,
De bleffer tous les coeurs pour la premiere
fois ;
Mais confentez auffi qu'après leur premier
choix ,
Ils puiffent à leur gré fuivre l'Amour volage.
L'Auteur lie le Prologue à la Piéce par
ces autres Vers .
Venus.
Tendres Amours , qu'un fpectacle pompeux
Signale ici votre puiffance :
Du
2082 MERCURE DE FRANCE .
Du caractere de vos feux ,
Faites- y voir la difference.
L'Amour conftant.
Vertumne par fes foins & fa conftante ardeur
,
A fçû vaincre autrefois une Beauté rebelle.
L'Amour volage.
De Protée , à mon gré , je gouvernois le
coeur ,
Ce Dieu changeant brûla pour elle.
Venus.
Amours , il faut en ma faveur ,
›
Que l'hiftoire s'en renouvelle,
L'Amour conftant donne fes armes à
l'Amour volage , qui lui remet auffi les
fiennes , ce qu'ils expriment par un trèsbeau
Duo. Le Prologue finit par ce
Choeur à la gloire de Venus.
Regnez ,belle Venus ,tout flatte votre gloire ;
Vous rendez aux Amours une éternelle
paix ;
Que Paphos à jamais
En garde la memoire.
ACTE
SEPTEM BRET 1728. 2083
ACTE I.
Protée étoit fils de l'Ocean & de The
tys. Il avoit reçû des Dieux le pouvoir de
prendre diverfes formes pour échapper
aux regards des Mortels curieux , qui vouloient
le forcer à leur reveler les fecrets
du Deftin , dont il étoit le fidele dépofitaire
. C'eft fur ces divers changemens
que l'Auteur en fait un inconftant de
profeffion ; tout ce qui lui donne lieu
de nous le peindre fous ce Caractere ,
c'eft une autorité du Mythologifte , qui
rapporte que ce fage Pafteur du Dieu des
Mers aima Pomone , Déeffe des Jardins ,
& qu'il époufa Therone , Nymphe de la
Mer.
>
Dans la premiere Scene , Therone ſe
plaint de l'inconftance de Protée comme
d'un vice d'habitude , voici ce qu'elle
dit :
Amour , brife les noeuds d'une fatale chaîne ;
Te feras- tu toujours un plaifir de ma peine?
De Protée en ces lieux , on attend le retour :
Vient- il faire à mes feux quelque nouvel outrage
?
Ne puis- je hair le volage ,
Ou le devenir à mon tour ?
H Voilà
2084 MERCURE DE FRANCE :
Voilà le Caractere du Heros de la Piéce,
établi dès les premiers Vers .
Dans la feconde Scene Pomone vient
s'applaudir de fon prochain bonheur ;
elle annonce le retour de Protée à la fidelle
Therone , & lui promet de parler
en fa faveur à fon volage Amant. Therone
la prie de cacher fa foibleffe à cet
ingrat.
La troifiéme Scene eft entre Pomone &
Vertumne ; ce dernier la prie de lui permettre
de publier fon amour , dont il a
fait un fecret jufqu'à ce jour ; le but que
l'Auteur s'eft propofé en annonçant ce
long filence
c'est que Protée ait lieu
d'ignorer quel eft fon Rival , fans quoi
ce Dieu changeant n'auroit pas lieu d'avoir
recours à l'artifice qui fait le noeud
de la Piéce. Pomone permet à Vertumne
d'annoncer fon choix aux habitans des
lieux de fon Empire ; Vertumne fe retire
, pour aller préparer une Fête en l'honneur
de fon Amante.
Protée arrive dans un Char traîné
par
des Tritons. Pomone lui demande s'il
vient chercher fes premiers fers , ou former
quelque nouvelle chaîne : Protée lui
fait entendre d'une maniere équivoque
qu'il étoit déja amoureux d'un objet charmant
, quand les Deftin l'appella dans la
Créte , & qu'il revient fur ce rivage plus
amouSEPTEMBRE
1728. 2089
>
amoureux que jamais ; il ordonne aux
Tritons de chanter la Beauté qu'il adore
ce qui fait la Fête de ce premier Acte ;
Pomone , pendant toute cette Fête croit
que c'eft Therone qui y eft célebrée , mais
elle eft détrompée par Triton qui lui
adreffe ces quatre Vers alternativement
avec le Chour:
Déeffe , jouiffez d'une douce victoire ;
L'Amour vous préparoit un triomphe charmant
;
A l'aimable Pomone il réfervoit la gloire
De fixer un volage Amant.
Quoique Protée ne lui ait parlé d'amour
que par Ambaffadeurs , elle ne laiffe
pas de lui répondre elle- même ; elle lui
témoigne la furprife & la douleur que
cette déclaration lui cauſe ; pour le faire
revenir à Therone , elle lui dit qu'elle eft
engagée ailleurs , & le quitte .
Protée demande à Triton quel eft fon
Rival. Triton lui répond , que tout ce
qu'il peut lui dire , c'eft que Vertumne
parle fouvent à Pomone , & qu'il pourroit
bien être cet Amant heureux que la
Déeffe lui préfere . C'eft-là ce qui donne
lieu au traveftiffement de Protée , comme
on le va voir dans le fecond Acte.
Hij A C2086
MERCURE DE FRANCE.
ACTE II.
Protée ayant pris la figure de Vertumne
, commence cet Acte avec Triton
qui eft furpris de fa parfaite reffemblance
avec fon Rival prétendu. L'effai qu'il va
faire l'allarme, & donne lieu à une priere
des plus fingulieres qu'on ait jamais adreffées
à l'Amour .
A mour , vien feconder mes voeux;
De l'objet que j'adore , excite la colere ;
Ah ! fi tu veux me rendre heureux ,
Fais que je puiffe lui déplaire.
с
ou même
Quelques Critiques ont avancé que cette
penſée porte à faux ; l'Amour , ontils
dit , ne rendra pas Protée heureux en
faifant qu'il puiffe déplaire à Pomone fous
la figure de Vertumne ; qu'elle foit indifferente
pour Vertumne
qu'elle le haïffe , qu'importe ? Protée en
fera-t- il plus avancé ? Il fçaura feulement
que Vertumne n'eft pas fon Rival ; mais
il ne connoîtra pas le Rival aimé , dont
Pomone lui a parlé : voici les propres
termes de cette Déeffe dans l'Acte précedent
:
Pour un autre que vous , ma tendreffe eft extrême
;
SEPTEMBRE. 1728. 2087
Vous en laiffer douter , ce feroit vous trahir.
On auroit voulu que Pomone lui fic
feulement entendre qu'elle ne vouloit
rien aimer : & que Protée ne laiffât pas
de la foupçonner d'aimer Vertumne, fondé
fur ce que Triton lui en dit ; il feroit
plus tranquille en apprenant qu'elle n'aimne
point ce prétendu Rival , & pourroit
fe flatter qu'elle paffât un jour de l'Indifference
à l'Amour.
Au refte , fa Scene avec Pomone eft
très bien deffinée : en voici le Plan.
A peine Pomone voit Protée fous la
forme de Vertumne , qu'elle s'applaudit
de le revoir fi -tôt auprès d'elle ; Protée
fe feroit bien paffé d'un accueil fi tendre ;
Pomone s'apperçoit de fa trifteffe , & lui
en demande la caufe ; il lui dit qu'il craint
que les honneurs que fes fujets viennent
lui rendre ne l'occupent plus que fon
amour ; Pomone charmée de cette délicateffe
, redouble de tendreffe ; il eft encore
plus frappé ; il lui échappe des plaintes
, qu'elle attribuë à la jaloufie que peut
lui caufer la concurrence de Protée , elle
le raffûre , pour ainfi dire, contre lui-même
: ce dernier coup le détermine à la
vengeance ; il lui avoue qu'il n'eft plus
digne de fon amour , parce qu'il eft infidele
; il lui nomme Therone pour fa Rivale
H iij
2088 MERCURE DE FRANCE :
vale , & la laiffe dans cette douloureufe
fituation . Pomone eft mortellement frappée
de ce qu'elle vient d'apprendre , elle
jure de fe venger de Therone ; on vient
célebrer une Fête à fa gloire , qu'elle ne
voit que parce qu'elle ne peut s'en difpenfer
; elle eft compofée de Bergers &
de Bergeres qui lui offrent les prémices des
fleurs & des fruits de la terre ; cette Fête
eft d'autant plus trifte pour cette Déeſſe ,
qu'on n'y parle que de fes charmes & de
l'amour que Vertumne a pour elle ; elle
congedie enfin les fujets , après leur avoir
promis la continuation de fes bienfaits.
Therone arrive ; Pomone l'accable d'injures
, & lui reproche fa perfidie au fujet
de Protée. Therone le juftifie autant qu'îl
lui eft poffible , & s'offre à maltraiter ce
même Protée en la préfence. Pomone ne
l'accufe que d'être aimée , cela ne ſuffitpas
pour la rendre perfide , mais c'en eſt
toujours affez pour la rendre odieufe aux
yeux d'une Rivale . On auroit voulu que
Pomone en quittant Therone lui eut fait
entendre qu'elle ne l'en croyoit pas ; au
lieu que fon filence fait préfumer qu'elle
la croit innocente , & qu'elle eft à demi
reconciliée avec elle.
ACSEPTEMBRE
. 1728. 2089
ACTE III.
Il s'en faut bien qu'on ait trouvé ce
dernier Acte auffi raitonnable que le fecond.
C'eft Vertumne qui le commence ;
il vient de rencontrer fa chere Pomone
qui n'a jetté ſur lui que des regards d'indignation
; il ne fçait à quoi attribuer fon
malheur . Il fort fans annoncer les perfonnages
qui lui fuccedent ; c'eft un dé
faut dans une Piéce , mais dans le genre
de celle- ci l'Auteur n'a pû fe difpenfer d'y
tomber , parce qu'il ne falloit jamais faire
trouver deux Vertumnes enfemble , àરે
moins que ce ne fut pour le dénouement .
La feconde Scene eft entre Protée , toujours
transformé en Vertumne . On n'a
pas compris quel pouvoit être le deffein
de Protée , parlant d'amour à Therone.
Quel avantage peut- il en tirer , at'on
dit , fi c'eſt une feinte ? & fi c'eſt une
verité , pourquoi n'a -t- il pas fait entendre
aux Spectateurs , qu'il veut revenir à
elle ? Cette Scene ne laiffe pas d'être touchante
de la part de Therone ; elle protefte
au prétendu Vertumne qu'elle fera
toujours fidele à Protée , tout volage qu'il
eft . Quoi de plus doux pour cet Amant
-s'il revenoit veritablement à Therone ?
& quel dénouement plus heureux , fi un
H iiij
ten
2090 MERCURE DE FRANCE :
T
tendre repentir l'obligeoit à fe faire connoître
? Mais un dénouement comique a
paru plus riant à l'Auteur ; il avance luimême
dans fa Préface , que c'eft de tous
les genres de Théatre celui auquel le Public
aime le plus volontiers à fe prêter , à
caufe du plaifir qui en réfulte . Ne diroiton
pas que le plaifir qui réfulte du pathétique
eft infipide ? Revenons à notre Scene:
Therone dit tendrement par une efpece
d'à
parte , en parlant deProtée :
Amour , fais -lui fçavoir mes mortelles allarmes
;
Peins-lui les maux que je reffens,
Porte- lui mes triftes accents ;
Il ne fçait pas combien il m'a coûté de larmes.
Protée paroît attendri à ces dernieres
paroles : il le fait connoître par cet à
parte.
Que je la plains ! ... mais quel tendre retour
,
Entre elle & la Déeffe , aujourd'hui me partage
!
Devrois- je, helas ! à tant d'amour
Oppofer un coeur fi volage ?
Ces
SEPTEMBRE . 1728. 2091
Ces quatre Vers fembloient promettre
le dénouement qu'on auroit fouhaité ;
mais l'efperance des Spectateurs a été détruite
par ce cinquiéme .
Suivons la je prétends l'éprouver davantage.
Le noeud continue entre Pomone , Vertumne
& Therone . Vertumne a beau
vouloir fe juftifier auprès de Pomone d'une
infidelité qu'elle a apprife de fa propre
bouche ; c'eſt en vain qu'il attefte Therone
; cette même Therone lui foûtient
en face , qu'il vient de lui parler d'amour ;
a- ton jamais vû de Tragique plus Comique
? Enfin Protée vient débrouiller cette
aventure par ces Vers :
Raffurez vos efprits trop long- tems agités :
Vertumne , vous Déeffe , & vous Nymphe ,
écoutez .
L'Amour me force à rompre le filence ;
Sortez , fortez de votre erreur :
De vos troubles , enfin , reconnoiffez l'Auteur
;
De Vertumne , Protée avoit pris l'apparence
:
A Therone je rends mon coeur :
Je fuis touché de ſa conft ance.
Hv Pomone
2092 MERCURE DE FRANCE .
Pomone & Therone également furpri
fes , lui demandent la caufe de la fupercherie
qu'il leur a faite ; il répond à la
premiere :
J'ai voulu voir fi vous étiez fidelle.
Et à l'autre;
J'ai voulu voir fi vous m'aimiez toujours.
?
Ainfi ce fage interprete du Deftin , commence
par une tromperie & finit par un
menfonge.
La Fête de ce dernier Acte eft confacrée
à Pomone , comme celles des Actes
précedents ; elle eft compofée de Jardiniers
& de Jardinieres.
Cette Piéce a paru bien remife & bien
executée ; cependant elle n'a
pas fait efperer
une grande réuffite , furtout dans
une faifon où les meilleurs Ouvrages de
Théatre ne ſe ſoûtiennent qu'avec peine.
Le 14. on donna par extraordinaire une
reprefentation de l'Opera de Roland que
SA.S. Madame la Ducheffe honora de
fa préfence.L'Affemblée fut des plus nombreuſes
. Le fieur Chaffé chanta le Rôle
de Roland avec applaudiffement , de même
que la Delle Antier celui d'Angelique.
Les Comédiens Italiens repréfenterent
le
SEPTEMBRE . 1728. 2093
le 31. Août Arlequin Aftrologue , Statuë,
Enfant & Perroquet , Comédie Italienne
en cinq Actes , que Madame la Ducheffe
honora de fa préſence , & qui la divertit
beaucoup. Arlequin a tout le jeu de la
Piéce par les déguifemens qu'il y prend
pour rendre une Lettre à la Maîtreffe de
fon Patron . Tous ces déguifemens font
fort finguliers , furtout celui d'un enfant
de quatre ou cinq ans , & celui de la Statuë.
Cette Piéce attira tout Paris lorfqu'elle
fut jouée dans fa nouveauté au
mois d'Août 1616.
Les Comédiens François donnerent au
commencement de ce mois une reprefentation
des Comédies du Grondeur & de
Pourceaugnac , qui fut honorée de la préfence
de la Ducheffe de Bourbon .
La premiere reprefentation de la Comédie
nouvelle de l'Ecole des Bourgeois , lera
donnée le 20. de ce mois . Ces Comédiens
ont reçû une autre Comédie nouvelle
, fous le titre de l'Impertinent par contagion
, en 5. Actes & en Vers , de M. de
Boiffy.
Le 6. l'Opera Comique donna la premiere
reprefentation d'une Piéce en deux
Actes , ornée de deux divertiffemens , de
Danſes & des Vaudevilles , qui a pour
titre ,laPenelope Françoife, fuivied'une au-
Hvj tre
2094 MERCURE DE FRANCE :
tre en un Acte , intitulée les Noces de la
Folie , ou le Temple de Mémoire , avec un
divertiffement qui eft terminé par les -
fieurs Nivelon & Sallé, deux Suivants de
la Folie , lefquels danfent une Entrée trèsbien
caracterifée . On voit à la premiere
Piéce , une décoration du fieur Servandoni
, qui reprefente une Prairie terminée
par un Bois , avec un Château dans
l'éloignement , & à un des côtés , un
Torrent qui vient fe jetter par caſcade
dans la Prairie . Cette Décoration a été
trouvée très- ingenieufement imaginée &
très -bien executée , malgré la petiteffe du
lieu .
Le 8. de ce mois , Fête de la Nativité de la
Vierge , le Concert fpirituel recommença au
Château des Tuilleries . Le fieur Mouret fit
chanter deux Moters à grand Choeur , qui
furent parfaitement bien executés & très - applaudis
; le premier, Beatus vir , eft de la compofition
de M. Gaumay , Maître de Muſique
des SS. Innocens , & le fecond Benedictus Dominus
, de M. Campra , dont la réputation eft
connue de tout le monde. La Dle le Maure
chanta dans le premier un morceau qui fit
beaucoup de plaifir. La Dlle Antier chanta
feule un Motet avec fimphonie , qui fut fort
applaudi ; il eft de la compofition de M. Couperin
, Organiſte du Roi . Les, fieurs le Clerc
& Blavet , joüerent féparement des Concerto
fur le Violon & la Flute , qui charmerent la
nombreufe Affemblée , que tant d'excellens
Su-
4
SEPTEMBRE. 1728. 2095
Sujets ne manquent guéres d'attirer. Elle fut
honorée de la préfence de Madame la Ducheffe
, accompagnée de Seigneurs & Dames
de fa Cour. Ce Concert ne recommencera que
le premier Novembre prochain , Fête de la
Touffaint.
XXXXX:XXXX :XXXXXX
NOUVELLES DU TEMPS.
TURQUIE.
ON mande de Conftantinople que la mala- die contagieufe y étoit entierement ceffée,
& qu'on y avoit publié une Ordonnance du
Grand Seigneur pour faire tenir les rues plus
nettes qu'elles ne l'ont été juſqu'à préfent.
Les Lettres du Levant portent , que la maladie
contagieufe avoit ceflé dans la Romelie ,
mais que la mortalité étoit encore fort confiderable
dans la Morée au commencement du
mois dernier
On a appris de Tunis , que l'Armée du Bey
étoit campée aux environs de Chefre , dont les
habitans s'étoient revoltés ; que cette Place
l'une des plus importantes du Pays , ayant été
reprife par le Bey , avoit été rafée ; que les
autres Rebelles étoient encore dans les Montagnes
, dont on n'avoit pû jufqu'à préfent les
faire fortir , mais qu'on efperoit de les réduire
par la famine.
On mande de Tetuan que Muley- Abdemelech
, nouveau Roi de Maroc & de Miquenez
, avoit fait à la fin du mois de Juillet fon
Entrée publique à Maroc , & que Muley Hames
2096 MERCURE DE FRANCE .
met , fon frere , avoit été conduit dans la Fortereffe
de Miquenez , où plufieurs de fes Partiſans
avoient été étranglés .
Le 18. Juillet , le Contre- Amiral Grave
Commandant l'Escadre Hollandoife , compofée
de fept Vaiffeaux de Guerre & de 4. Bâtimens
de tranfport , entra dans le Port d'Alger
, après avoir falué & reçû le falut accoutumé.
Le lendemain ayant communiqué au
Bey le fujet de fa Commiffion , il fut complimenté
par les Députez du Divan , & le 20- il
fut réfolu de ratifier pour trois années la Tréve
conclue avec les Hollandois. Le 21. on
commença à débarquer le fubfide annuel de la
République d'Hollande , confiftant en Canons
de fer & de bronze , affuts , poudre , voiles ,
cordages , ancres & autres munitions de
Guerre pour le fervice de la Marine. On aſſûre
que le Bey avoit réfolu de faire préfent au
Vice- Amiral Hollandois de plufieurs Efclaves
de fa Nation , en reconnoiffance des préfens
qu'il avoit reçûs de lui , & que l'Eſcadre avoit
dû mettre à la voile le 27 , du même mois , pour
aller renouveller les Tréves faites avec les Régences
de Tunis & de Tripoli.
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Conftantinople
le 29. Juillet 1728. fur les
Affaires de Perfe , &c.
ONpublieici qu'Aly. Pacha de Tauris, a
donné une bataille contre Schah Iſmaël ,
nouveau Prétendant à la Couronne de Perfe ,
qu'Ifmael a été vaincu , mis en fuite , fon
Camp pillé , & la Villede Tauris délivrée de
la crainte d'un fiége.
Achmet-Kupruli , Pacha de Babilone , &
SeSEPTEMBRE.
1728. 2097
Seraskier , a fubjugué la Province de Ouveis ,
en conféquence du dernier Traité. Cette Conquête
ne produit d'autre avantage aux Turcs
que la communication libre avec Ballora , &
la sûreté du Paffage des Caravanes ; les Turcs
ne retirent rien de cette Province : ils y tiennent
un Pacha qui n'a pas plus d'autorité que
celui qu'ils envoyent à Tunis , à Alger , &c.
les Arabes du Pays fe conduifant à leur maniere
, c'est- à- dire , prefque dans l'indépendance.
Le Tréfor du Grand- Seigneur s'augmente
confiderablement par les nouvelles découvertes
de Mines d'argent qu'on a faites dans le
Territoire d'Erzerom.
La pefte qui a été terrible à Smirne , commence
à s'appaifer , mais elle s'eft communiquée
, comme c'eft l'ordinaire à Conftanti
nople.
L'Ambaffadeur que Schah- Tamas , fils du
dernier Roi de Perfe , envoye à la Porte , eft
encore retenu à Tauris. On dit que ce Prince
eft fuperieur en forces à Acheraf Kan.
Les troubles ne ceflent point en Tartarie , &
il ne faut pas efperer qu'ils finiffent tandis que
le Sultan Dely vivra & fera en état de remuer
; cela a obligé la Porte à continuer fes
précautions , & à choifir Topal- Ofman , Pacha
de Viddin , pour commander fur ces Frontieres
; c'eft un General d'une valeur connuë
& de grande réputation .
On a faitici de grandes réjoüiffances pour
la Conquête de la Province de Ouveis , elles
ont été fuivies de la folemnité des Mariages de
trois filles du Grand-Seigneur , & d'une fille
du Sultan Muſtapha , fon frere . Les trois Sultanes
ont été données à trois nouveaux Pachas
qu'on a créez exprès , fçavoir ; le Seliktar ,
ou
2098 MERCURE DE FRANCE .
ou Porte Epée , le Buyuk , & le Kutchuk,
Vmr Akor , c'eft- à - dire , le grand & le petit
Ecuyer. La fille du Sultan Mustapha a été
donnée à Abdoulla , qui s'eft acquis beaucoup
de réputation , & a donné de grandes
marques de valeur dans la Guerre de Perfe ,
de fageffe & de fermeté dans la derniere
révolte de Smirne , qu'il a appaifée . Le Grand
Vizir a été de toutes les Cavalcades qui fe
font faites à l'occafion de ces quatre Mariages
, & il y a paru avec un air affable , répandant
lui- même de l'argent au peuple , ce qui
lui a attiré beaucoup d'applaudiffement .
Il a fait depuis une Cavalcade de plaifir au
Village de Belegrade , accompagné de fept Pachas
du Banc , ce qui ne s'étoit pas vû depuis
long-tems à Conftantinople ; il s'eft promené
devant toutes les maifons des deux Villages
répandant de l'or & de l'argent de tous
côtez.
Nous venons de recevoir par Marſeille deux
Volumes imprimez cette année à Paris , intitulés
Hiftoire de la derniere Révolution de
Perfe. Je vous ai toujours dit que cette Révolution
ne manqueroit pas d'Hiftoriens . Le
Chevalier de Clairac , qui à paffé ici bien du
tems avec M. Dandrezel , notre dernier Ambaffadeur
, me mande que fon Ouvrage fur le
même fujet s'avance fort , & qu'il ne penfe
prefque à autre chofe. D'un autre côté , le
Drogman Georgien , dont je vous ai parlé plufieurs
fois , eft depuis près d'un an en Allemagne
, où il est allé en partie pour y faire imprimer
un corps d'Hiftoire de fa façon fur les
mêmes évenemens.
Je reviens à celle qui a été imprimée à Paris
, compofée , dit l'Editeur , uniquement fur
les Mémoires du P. Jude Krufinski , Jefuite Polonois
.
SEPTEMBRE . 1728. 2099
lonois . Si cela eft , on doit en faire cas pour
le fonds des chofes , l'Auteur de ces Mémoires
ayant été témoin oculaire de beaucoup
de faits > je le connois d'ailleurs , l'ayant
fort frequenté ici depuis fon retour de
Perfe , pour un bon efprit , & pour un Amateur
de la verité. C'eft dommage que fes Mémoires
ne vont point audelà de l'année 1 725 .
L'Editeur François y fupplée de fon chef en
conduifant la même Hiftoire jufqu'au Traité
conclu entre le G. S. & Acheraf Kan fur la
fin de Septembre 1727.
De tout cet Ouvrage, qui eft fort long, je n'ai
encore lû que la Préface, & un autre Diſcours
Préliminaire , intitulé : Introduction à l'Histoire
de la derniere Révolution de Perfe , &c . Ainfi ne
vous attendez point ici à des Remarques de
ma part fur le corps de cette Hiftoire.
Je me contenterai d'obferver que l'Ecrivain
François , en parlant d'Ali , Gendre
de Mahomet , dit page 47. de l'Introduction,
qu'il mourut empoifonné ; cela ne s'accorde
pas avec ce que les Auteurs les plus approuvez
de l'Hiftoire des Califes , ont écrit de la
mort d'Ali : ils marquent tous qu'il fut affaffiné
dans la grande Moſquée de la Ville de
Coufa par Abdalrahman , l'un des trois fameux
Devoüez qui entreprirent de fe défaire
des trois Chefs qui troubloient alors l'Empire
des Mufulmans ; fçavoir Ali , Moavie , &
Amru. Ce fait eft des plus authentiques & des
plus remarquables de l'Hiftoire Mahometane .
Les affaffins s'étant trouvé dans un méme
jour , & prefque à la même heure , l'un à
Coufa , l'autre à Damas , & le troifiéme en
Egypte , executerent leur mauvais deffein
avec des fuccès differens , mais toujours Ali
futfrappé mortellement , & ne vêcut que trois
оц
2100 MERCURE DE FRANCE.
ou quatre jours. C'eft Haffan , fon fils aîné
qui mourut empoisonné par ſa femme : notre
Auteur le nomine Hocen , qui ne fut jamais
fon nom : le fien eft fi célebre , comme ayant
été conjointement avec fon frere Houffain , le
pere de tous ceux qu'on appelle Cherifs , defcendants
de Mahomet par Fatime , premiere
femme d'Ali , qu'on ne peut guéres s'y méprendre.
A propos de Cherif , nom Arabe qui fignifie
Noble , celui d'Acheraf Kan en eft formé,
& exprime le fuperlatif , ou le très- Noble.
Ainfi , Monfieur , en l'écrivant de cette maniere
, on l'écrit parfaitement bien en notre
Langue , & on ne le défigure pas , comme il
left certainement dans la nouvelle Hiftoire
où il eft toujours écrit Afzraf. Si le P. Krufinski
a pris certe coûtume dans fes Mémoires
, c'eft, fans doute , qu'il a eu plus d'égard
à l'expredion Turque , qui eftropie ſouvent
les mots Arabes , qu'à l'étymologie du nom .
Nos meilleurs Drogmans écrivent toujours
Acheraf dans leurs Traductions.
RUSSIE .
LFête de S. Pierre , dont le Czar porte le
E 10. Juillet , jour auquel on célebre la
nom , il y eut de grandes Fêtes à Moscou.
S. M Cz. dîna en public avec les Ambaffadeurs
des Princes Etrangers & les Principaux Seigneurs
de fa Cour."
Le bruit court que le Czar a fait un Teftament
, par lequel il nomme la Princeffe Nathalie
, fa foeur , pour lui fucceder en cas
qu'il vint à mourir fans pofterité . Cette Princeffe
qui eft âgée de 15 ans depuis le 22. Juillet
dernier, a pris poffeffion depuis peu de la
granda
SEPTEMBRE. 1728. 2 TOT
Grande-Maîtrife de l'Ordre de fainte Catheri
ne, qui a été inftitué en faveur des Dames par
la feuë Czarine .
On a eu avis que le Sultan Acheraf fait
de nouvelles difficultez fur le réglement des
limites des Provinces conquifes fur la Perſe.
Il prétend que les Places qui refteront au Czar
Iui feront cedées , à condition que'S . M. Cz.
en recevra l'Inveftiture du Souverain de Perſe,
& qu'il fera tenu d'en payer les redevances à
toutes les mutations. Sur cela on preffe la marche
des Troupes deftinées à augmenter l'Armée
Mofcovite en Perfe , & le départ du Com→
te Amiral Synowin qui doit aller à Aftracan
pour y commander la Flote du Czár , qui fera
compofée de 16. Frégates , de 36. Galeres
& d'autres Bâtimens plats .
Le Clergé Mofcovite ayant été averti qu'on
alloit dreffer un Etat exact de tes revenus , a
prévenu cette recherche par des offres d'un
fubfide affez confiderable pour mettre le Czar
en état de faire de grandes entrepriſes . Après
les premiers payemens qu'ils en ont faits , on a
pris dans le Confeil Privé diverfes réfolutions
pour augmenter les forces maritimes de S. M.
Czarienne,
Le bruit court que le Prince de Heffe- Hombourg
époufera la Ducheffe Doüairiere de Curlande
, & que c'eſt en faveur de ce futur mariage
qu'il a été nommé Gouverneur general &
Commandant en Chef de l'Eftonie & de la Livonie.
Les Marchands Anglois & Hollandois établis
à Petersbourg, ont envoyé quelques Députez à
Mofcou pour s'intereffer dans le commerce de
laChine qui fe doit faire par Caravannes ,& on
dit qu'ils ont réfolu d'y employer un fonds de
600000. Roubles .
Le
2102 MERCURE DE FRANCE:
Les Troupes qu'on avoit fait partir pour
aller travailler aux nouvelles Fortifications
qu'on vouloit conftruire dans l'Ifle de Nargin ,
vis- à- vis la Rade de Revel , ont eu ordre de
retourner dans leurs Quartiers , depuis qu'on
a fçû que le projet de fortifier cette ifle caufoit
de l'inquietude à quelques Puiffances avec lefquelles
le Czar a réfolu de vivre en bonne intelligence
.
On a appris de Derbent , qu'un détachement
des Troupes du Sultan Acheraf , foutenu de
quelques Tartares , s'étoit approché de cette
Ville pendant la nuit du 26. au 27. du mois de
Juin dernier , dans le deffein de l'efcalader &
de la furprendre ; ce qu'il auroit pû executer ,
s'il n'avoit pas été découvert par un Parti de
60. Dragons , qui rentra dans la Ville en diligence
pour y donner l'alarme. Sur cette nouvelle
on a envoyé ordre aux Generaux qui
commandent en Perfe, d'agir contre le Sultan
Acheraf comme contre un Ennemi déclaré .
On a appris depuis qu'on avoit reçû avis de
Derbent que le Sultan Acheraf avoit fait faire
aux Mofcovites des propofitions d'accommodement
fi avantageufes , qu'on ne doutoit plus
qu'ils ne les euffent acceptées , & que le Trai
té ne fût figné.
I
POLOGNE .
Ly eût fur la fin du mois de Juillet de grandes
conteftations entre les Députez de la Diete
annuelle qui fe tient à Varfovie pour la taxe
fur le vin, fur la biere & fur les autres boiffons .
Plufieurs d'entre eux mirent le fabre à la main,
& ily en eut quelques- uns de bleffez. On a
appris depuis qu'on avoit repris les féances , &
que les dernieres conferences avoient été affez
tranquilles. M.
SEPTEMBRE . 1728 : 2103
M. Wittingholff Commandant des Troupes
du Duc de Meckelbourg , eft allié vers Riga
pour y faire la revue des Troupes de ce Prince ,
qui ne confiftent qu'en 3500 hommes , qu'il a
ordre de conduire vers les frontieres du Duché
de Meckelbourg , pour en difputer l'entrée
aux nouvelles Troupes d'execution qui doivent
s'y rendre en vertu du dernier Decret du Confeil
Aulique.
On mande de Varfovie qu'on y avoit reçû
avis que le Roi de Pologne n'étant pas en état
d'y venir auffi - tôt qu'il l'avoit fait efperer , il
avoit réfolu de retarder jufqu'au mois de Décembre
prochain l'ouverture de la Diete generale
de ce Royaume qui devoit fe faire à Grodno
dans le mois d'Octobre.
Les Proteftans de Thorn font dans une
grande confternation , depuis que le Roi leur
a fait fignifier qu'ils euffent à répondre dans
fix femaines aux demandes qui leur feroient
faites touchant l'inexecution de plufieurs articles
de la Sentence renduë contre leur Ville
en 1724 comme de n'avoir pas tranfporté leur
College & leurs Ecoles à une lieuë de la Ville,
ainfi que cela leur avoit été ordonné ; de n'avoir
pas fait retirer les Miniftres Geveth &
Oloff ; d'avoir mis le Secretaire Wachschlagr
en poffeffion de fa Charge , & de n'avoir pas
fait remplir par des Catholiques plufieurs
Charges qui vaquoient par la démiffion des
Non-Conformiftes .
La Duchefle de Meckelbourg & la Ducheſſe
Douairiere deCurlande , fa foeur , font toujours à
Mittau , où le Czar leur a envoyé une Com .
pagnie de cent hommes pour monter la garde
dans leur Palais .
Il y a actuellement dans le Duché de Curlande
un Corps de Troupes Mofcovites de
12000
2104 MERCURE DE FRANCE .
12000 hommes qui peut être renforcé en 24
heures par un pareil nombre. Ces Troupes feront
commandées par le Comte de Sapicha .
General Mofcovite , en cas qu'après la mort
du Duc Ferdinand on veüille faire executer
les Decrets de la derniere Commiffion Polonoiſe.
SUED E.
E Roi a accordé aux Habitans d'Helfimtoutes
fortes de Marchandiſes , afin d'y attirer
les vaiffeaux marchands qui paffent le Sund.
On efpere tirer un profit trés- confiderable
des mines d'argent d'Arbago , où l'on a dé
couvert depuis quelques mois des veines de
ce Métal beaucoup plus riches que les précedentes.
Le Comte de Caſteja , Miniſtre Plenipotentiaire
de France , ayant demandé fatisfaction
d'une infulte faite publiquement par un nommé
Laurent à l'Abbé Guyon qui a été chargé des
affaires du Roi Très- Chrétien depuis le départ
du Comte de Brancas Cereft, ce particulier fut
condamné à mort le 16. du mois dernier par le
premier Confeil de Juſtice de la Cour du Roi
DANNEMAR C.
Es Miniftres du Roi d'Angleterre & de la
Republique d'Hollande prefenterent un Memoire
au Roi le 6. du mois dernier , pour lui
faire des repréſentations au fujet de l'établiffement
de la nouvelle Compagnie de Commerce
d'Altena , pour le prier de retirer le Privilege
accordé en dernier lieu à cette Compagnie , &
de la laiffer fur l'ancien pied. Ce Memoire eſt
conçû en ces termes :
SA
SEPTEMBRE . 1728. 2105
f
Sa Majefté , le Roi de la Grande Bretagne &
L. H. P. les Etats Generaux des Provinces- Unies,
`prévoyant le tort que la tranſation de la Compagnie
des Indes Orientales de Copenhague à Altena
, fera au commerce de leurs Sujets; & s'ap- ,
percevant avec chagrin que presque au moment
qu'ils fe donnent tant d'efforts pour empêcher le
progrès de la Compagnie d'Oftende , le Roi de
Dannemarc, leur bon ami & Allié , en érige une
autre , également préjudiciable à leurs Sujets ,
ont ordonné à leurs fouffignez Miniftres d'en
faire des repréſentations très - humbles à Sa Majefté
Danoife , efperant de l'amitié de S. M.
qu'auffi tôt qu'Elle fera informée du déplaifir
que cette nouvelle leur cauſe , elle retirera le
Privilege accordé en dernier lieu à cette Compa
gnie, & la laiffera fur l'ancien pied qu'elle a
toujours fubfifté à Copenhague , &c.
Le Roi a fait faire à Mylord Glenorchy la
Déclaration fuivante.
Sa Majefté , le Roi de Dannemarc , de Norvegue
, &c. s'étant fait rapporter ce qui a été
représenté dans un Memoire du 31. du paſſé ,
figné par Mylord Glenorchi , Envoyé extraordinaire
du Roi de la Grande Bretagne , & par M.
d'Afsendelft Résident de L. H. P. au sujet du
prétendu transport de la Compagnie des Indes
Orientales de Copenhague à Altena , a ordonné
de répondre au Lord Glenorchi , que comme Sa
Majefté a donné au Roi de la Grande Bretagne
toutes les marques imaginables de fon amitié
fincere , & du defir qu'Elle a de contribuer de
toutfon pouvoir au bien & à l'avantage de S. M.
de fes Sujets , elle efpere auffi que S, M. Brit.
en agira de même à ſon égard , & ne permettra
pas qu'on lui impofe des loix dans une affaire
qui
2106 MERCURE DE FRANCE.
qui regarde le commerce de fes Sujets , & qui
fera vue par S. M. Brit . d'un autre oeil , lorfqu'elle
apprendra par fon Envoyé que l'inten
tion de S. M. n'a jamais été de transferer la
Compagnie dont il est question , dans la Ville
d'Altena , encore moins d'y en ériger une nouvelle
femblable à celle d'Oftende ; Qu'elle n'a
accordé à cette Compagnie d'autres nouvelles
conditions que celles qui font fondées fur l'an
cien Octroy , fur le droit incontestable qu'elle
a de négocier aux Indes de la même maniere
que d'autres Nations lefont . Que ce commerce
n'a pas commencé d'aujourd'hui , & que l'on
en eft en poffeffion depuis plus d'un fiecle , fans
y avoir jamais été troublé , & fans que perfonne
fe foit donné des mouvemens pour s'y oppofer;
Qu'outre cela on ne sçauroit produire un
feul Traité conclu avec S. M. ou avec ses Prédeceffeurs
, de glorieufe memoire , qui foit consraire
, ou qui porte défenſe à ce qui a toujours
été accordé à cette Compagnie ; Qu'ainfi ce
qui eft permis à d'autres Puiffances de regler en
fait de commerce , le doit être auffi à S. M. pour
le bien de fes Sujets , de -forte que l'on ne doute
pas que S. M. Brit . étant convaincuë des raiſons
que S. M. a de regler dans fes Etats le commerce
de fes Sujets , furtout celui de la
Compagnie des Indes dont il est question , fur le
pied qu'il a toujours été ,& de la maniere qu'on
jugera la plus avantageuse pour cette Compagnie,
ne quitte fans peine le fentiment contraire
qu'on pourroit lui avoir fait concevoir de certe
affaire, & qu'au lieu d'y apporter aucun empêchement
, elle ſoutiendra plutôt S. M. dans fes
juftes intentions & dans les droits incontestables
qu'elle a eu depuis plus d'un fiecle. C'eft fur
quoi M. l'Enveyé extraordinaire eft prié de faire
toutes les représentations favorables à fa Cour ,
&
SEPTEMBRE . 1728. 2107
S. M. le fait, au refte, affurer de fa bienveil
lance & protection Royale . Fait à Copenhague
le 17. Août 1728. Signé , Von Hagen .
ALLEMAGNE .
E Roi de Portugal a fait prefent à l'Empe-
LEreur de deux Lions , de deux Tigres & de
deux gros Singes qui ont été mis dans la Ménagerie.
Le 18. du mois dernier S. M. Imp . partit
de Gratz pour Trielte , accompagné d'une partre
des Seigneurs de la Cour & de quelquesuns
de fes Miniftres .
Les trois vailleaux de guerre qu'on attend à
Trieste , & dont le Czar fait prefent à l'Empereur
, font de 80 , de 60 & de 40 pieces de
canon .
On affure que S. M. I. a nommé depuis
peu pour fon troifiéme Plenipotentiaire au
Congrès de Soiffons , le Baron de Fonseca ,
qui eft actuellement chargé de fes affaires à la
Cour du Roi Très - Chrétien
On a envoyé des ordres dans tous les Ports
Imperiaux d'Italie , d'y armer en diligence les
galeres & les vaiffeaux de guerre qui y font ,
& on doit en former des Efcadres avec les
vaiffeaux de la Religion de Malte , pour donner
la chaffe aux Corfaires de Tunis , d'Alger
& de Tripoly.
L'Empereur a fait diftribuer mille ri'dales
aux paysans qu'on avoit employés pour faire
lever les Dains dans la derniere & magn fiue
chaffe qui fe fit au commencement du mois
dernier fur les terres du Comte de Breuner
Grand- Treforier de Stirie , à laquelle toute la
Cour Imperiale affifta , & où l'on prit 103.
Dains. L. M. I. ont fait à cette occafion de
I très2108
MERCURE DE FRANCE .
très -beaux prefens au Comte & à la Comteffe
de Breuner. Tous les payfans étoient habillés
de rouge & de verd..
On effuya à Gratz vers le milieu du mois
dernier , un orage fi violent , que l'Eglife des
Dominiquains en fut renversée , & il y eut
plufieurs perfonnes bleffées. Le même ouragant
ayant abattu le Theatre qu'on avoit dreſſé
dans les jardins du Palais pour le nouvel Opera
d'Orefte & Pylade , on le repréfente à preſent
fur celui du College des Jefuites.
Le 16. Août , vers les cinq heures du foir ,
l'Empereur partit de Gratz pour les Pays hereditaires
de l'Autriche interieure. Il alla coucher
au Bourg Imperial de Villedone.
Le 17. S. M. I. fe rendit au Château de
Bronſée , appartenant au Comte de Breuner ,
où elle chaffa le Cerf : on en prit 22. Aprés le
dîner elle continua fon voyage , & alla coucher
à Marbourg,
Le 18. l'Empereur dîna à Frefen , & coucha
à Mauth , le 19. à Wolckermark , & le 20.
$. M. I. arriva à Claghenfurt . Les clefs de la
Ville lui furent préfentées par le Comte Chriftofle
de Cronegg qui en eft Gouverneur , à la
tête des Magiftrats . S. M. I. fe rendit à l'Eglife
des Jefuites , où elle reçut les premiers complimens
des Députez des Etats de Carinthie.
Enfuite elle alla dîner à l'Hôtel des Comies
de Rofamberg qui eft fur la Place , où les Habitans
s'étoient mis en haye & fous les armes .
Le 21 les Ouvriers des Mines firent leurs
exercices devant l'Empereur.
Le 22.S.M.I. reçut l'hommage des Députez
des Etats, après quoi elle montă ſur un cheval
magnifiquement harnaché ; & ayant àfon côté
le Comte Sigifmond de Vaghenberg Maréchal
de la Province , elle fe rendit à l'Eglife Cathedrale
SEPTEMBRE . 1728. 2109
drale où elle fut reçûé par l'Evêque à la tête
du Clergé. Après avoir entendu la Meffe du
Saint- Elprit , l'Empereur retourna dîner à
P'Hôtel de Rofamberg , & l'après - midi il confirma
les Privileges de la Province , & accor
da quelques graces à divers Gentilshommes.
Le 24. Fète de S. Barthelemy , S. , M. I. tint
Chapelle dans l'Eglife des Jefuites , & l'aprèsmidi
elle donna audience de congé aux Députez
des Etats de la Province. Enfuite l'Empereur
partit pour fe rendre dans la Carniole ; &
ayant paffé le Drave , il alla coucher à Mauth.
Le 25. il dîna à Marckel , & coucha à Crainbourg.
REJOUISS ANCES publiques faites à
Berne , & c. Extrait d'une Letre écrite
de Soleure le 11. Septembre 1728.
Left fi rare , Monfieur , de voir des Fêtes
publiques dans un Pays où le Magiftrat s'oc
cupe uniquement des affaires du Gouvernement
, & le Peuple remplit fon tems par une
affiduité extraordinaire au travail ; que la Fête
publique qu'il y a eu à Berne pour celebrer la
Deux-centiéme année de la Prétendue Réformation
dans cette Ville , paroît mériter à ce
feul titre votre attention.
Quoique le tems ne fût pas tout- à - fait favorable
le 25. Juillet jour de cette Fête , à
caufe de la pluye qui furvint , on ne s'en apperçut
prefque pas par lebon ordre qu'on avoit
établi , & par l'activité de la Jeuneffe , qui ayant
préparé les artifices , s'étoit auffi chargée de
les tirer ; ce qu'elle fit avec toute la diligence
& avec le fuccès qu'on auroit pû attendre des
plus Experts du métier.
La nouvelle de cette Fête avoit attiré un
I ij grand
2110 MERCURE DE FRANCE .
grand nombre d'Etrangers dans la Ville de
Berne & le Magiftrat qui s'y étoit attendu ,
avoit donné de fi bons ordres pour leur réception
, que tous ceux qui étoient venus à ce
fpectacle , furent reçûs & traitez en divers endroits
par des gens prépofez , avec une politeffe
& un ordre qu'on ne fçauroit affez louer.
Il y avoit des tables préparées & fervies avec
tant de profufion , qu'il fembloit qu'on étoit
venu plutôt à un repas qu'à un fpectacle ; les
meilleurs vins du Pays y furent prodiguez ; car
on n'en boit point d'autres dans le Canton de
Berne les Bernois firent voir qu'ils en ont de
très-bons , fur- tout ceux de la Cofte & de Lavau.
Il parut meilleur encore par la manierę
dont on le préfenta aux Etrangers ; j'étois de
ce nombre , & je puis vous affurer que ces
Meffieurs ont fait voir en toutes chofes également
l'efprit d'ordre & de magnificence qui
regne dans leur Pays . Tout le monde en revint
content , & Meffieurs de Berne dûrent l'être
auffi de l'affluence des fpectateurs que leur Fête
avoit attirez dans leur Ville ; c'est dommage
feulement qu'ayant pris une époque de deux
cens ans pour le fujet de leur Fête , on ne
puiffe pas fe flatter d'en voir une feconde de
cette efpece:mais cette Fête leur a fi bien réüffi,
que peut -être trouveront- ils l'occafion d'ea
faire de femblables , quand ce ne feroit que
pour nepas laiffer perdre le goût que leur Jeuneffe
a pris pour de parer's fpectacles , & pour
exercer l'habileté qu'elle y a fait paroître .
Je fuis , & c.
Explication
SEPTEMBRE . 1728. 2111
1
Explication du Feu d'artifice qui a été tiré à
Berne le 26. Août 1728. avec la permiffion de
P'Etat , fous la direction de M. Jean Rodolphe ,
Wurtemberger du Grand Confeil , Colonel
d'Artillerie du Canton de Berne, & Directeur
de la Compagnie des Artificiers .
L
·
E Corps de ce Feu d'Artifice repréſentoit
un Arc de triomphe de 72 pieds de hauteur
& de 65 de largeur ou de face , au devant de
laquelle étoit une espece d'Enclos ou de Parc
quarré entouré de plufieurs milliers de fufées
pefant ufqu'à 12 livres chacune. Le Parc n'avoit
pas moins de 120 pas de longueur de chaque
côté.
Sur le milieu de cet Arc de triomphe étoit
un grand Soleil jettant beaucoup de lumiere ,
avec cette Infcription :
POST TENEBRAS LUX.
Au-deffus de l'entablement on voyoit la Statue
du Duc Berchtold de Zeringuen , comme
fondateur de la Ville de Berne; à fon côté droit
un peu plus bas celle du Chevalier de Burbenberg
, comme Directeur des bâtimens de cette
Ville , tenant de fa main droite les armes de
Berne , & du côté gauche celle du Seigneur
de Wedifchwyl premier Avoyer de Berne : au
deffous de ces deux dernieres Statues étoient
les armoiries des deux Avoyers d'àprefent ,
fort illuminées , de même que l'Infcription : enfin
les deux côtez de l'Arc de triomphe étoient
ornez de deux grands trophées d'armes , &c.
Le premier Acte de ce beau fpectacle commença
par une falve de douze pieces de canon ,
laquelle fut repetée à chaque Acte & à la fin
du Feu d'artifice un Ange volant & partant de
I iij
la
2112 MERCURE DE FRANCE .
la grande Eglife , alluma le premier Feu , qui
confiftoit à droit & à gauche en huic girandoles
, quatre caiffons , vingt tonneaux d'artifice
, & en une grande quantité de fufées difpofées
à l'entour du Parc .
Au fecond Acte on vit une grande roüe jettant
toutes fortes deFeux & douze petites roues
qui firent un effet merveilleux . Elles furent fuivies
de 40 ballons & de 30 caiffons d'artifice
jettant quantité d'étoiles , &c. de 8 girandoles,
& de plufieurs centaines de fufées à l'entour
du Parc ; enfin de 40 tonneaux d'artifice qui
fauterent en l'air & firent un terrible feu . Les
ballons furent jettez par des mortiers de 25 &
so livres .
Dans le troifiéme Acte , au lieu des petites
roues de feu , on vit briller 12 grandes étoiles
qui furent fuivies de 38 ballons , de 30 tonneaux
remplis de ferpentaux & de 12 girandoles
, de 6 caiffons & d'une grande quantité
de fufées du parc , enfin de 60 tonneaux d'artifice
jettez des deux côtez.
Le quatriéme & dernier Acte commença par
12 petites roües de feu fuivies de 12 girandoles,
de 8 catffons , de plufieurs milliers de fufées
partant de tous les côtez du Parc , de 72 ballons
de differentes fortes , de 40 ballons d'artifice
, & enfin de 80 tonneaux jettez en l'air &
faifantbeaucoup de bruit . Ce grand fpectacle
finit par une derniere décharge de 12 pieces de
canon , dont on a parlé au commencement.
O
ITALIE.
N écrit de Naples que le Cardinal Pignatelli
, Archevêque de cette Ville , qui a
été à l'extrémité , fe porte beaucoup mieux
depuis que fon Medecin l'a déterminé de boire
à la glace .
La
SEPTEMBRE . 1728. 2113
La Congrégation de la Santé à Rome a
écrit à tous les Princes voifins de l'Etat Eccléfiaftique
, au fujet de la derniere Ordonnance
publiée à Venife, par rapport à la Foire
de Sinigaglia . Elle leur a fait entendre que les
Venitiens ne fe font déclarés avec tant de vigueur
contre cette Foire , que pour l'attirer
chez eux que depuis long - tems ils ont fair
diverſes tentatives pour y parvenir fous differens
pretextes ; que la maladie contagieufe qui
paroît être prefentement le motif de leur
précaution , n'eft qu'un moyen pour faire ve
nir les Vaiffeaux Marchands dans leur Etat , &
qu'ils les recevoient à Venife , & dans les
autres Ports de la Mer Adriatique après une
quarantaine qu'ils ne veulent pas admettre
pour la Foire de Sinigaglia . Cette Lettre n'a
encore produit aucun effet , & les Princes aufquels
elle a été adrefiée , n'ont rien changé à
leurs précedentes Ordonnances , qui caufent
de très -grands dommages aux Sujets du Pape ,
& interrompent la correfpondance & le commerce
avec les Etrangers. Cependant on apprend
de Naples que le Tribunal de la Santé
y fit publier au commencement du mois dernier
une Interdiction de tout Commerce , tant
par terre que par mer , avec l'Etat Ecclefiafti.
que pendant la Foire de Sinigaglia.
Le Prince du Montliban , auquel le Pape
donna dernierement une Audience particuliere
, a été logé au College des Maronites par
ordre de S. S. qui l'y fait défrayer.
Le 29 Juillet , on inonda la Place Navone ,
& fur le foir il y eut grand concours de Nobleſſe
.
Le 30 Juillet , le Marquis d'Almenara , Viceroy
, & Capitaine General du Royaume de
Naples par Interim , arriva dans la Capitale
I iiij de
2114 MERCURE DE FRANCE .
de ce Royaume , venant de Palerme ; il fut reçu
à fon débarquement par le Cardinal d'Al ૬૫
than , & par le Confeil collateral , au bruit
d'un triple falve de l'Artillerie des Châteaux
& de la Marine ; il fut conduit au Palais par le
Cardinal , & c. Le 31. les Députez de la Ville
de Naples allerent au Palais complimenter le
nouveau Viceroy & le Gardinal d'Althan , qui
étoient affis fous le dais , à côté l'un de l'autre.
Le foir , le Cardinal s'embarqua fur une des
Galeres de Naples , pour le conduire à Nettuno
, d'où il s'eft rendu enfuite à Fraſcati ,
enfuite à Rome.
&
On apprend auffi que M. Bichi , ci- devant
Nonce à Lisbonne , étoit gardé à vûë par ordre
du Roy de Portugal , de crainte qu'obéiffant
aux derniers ordres du Pape , il ne prit le
parti d'aller à Rome
Sa Sainteté a donné à l'Abbé Brunetti la
charge deSolliciteur desCanonifations des SS.
qui vaquoit par la mort de l'Abbé Zuccarini.
Les Religieufes Servites de Pefaro , faifant
travailler aux réparations d'un vieux mur de
leur Monaftere , y ont découvert une Mine
d'argent , & elles ont tiré plus de 200. onces
de ce metal , mais le Gouverneur en ayanɛ
été informé , elles ont reçu ordre de faire fermer
cette Mine.
Les Capucins de Veniſe ont receu avis de
Rome, que les Cardinaux de la Congrégation
des Rires y avoient tenu une Affemblée particuliere
pour la future Beatification du P. Fidele
de Zigmeringen , Capucin Allemand
&
Miffionnaire Apoftolique , qui fut maffacré en
16 2
pour la Foi Catholique , par les Calvinittes
du Pays des Grifons .
On mande de Rome qu'il eft arrivé de Lif
bonne de nouveaux Ordres à tous les Portugais
SEPTEMBRE. 1728. 2115
0%
gais de fe retirer de cette Capitale , & de l'Etat
Eccléfiaftique dans trois mois , à peine de
confifcation de leurs biens. Le Roy de Portugal
leur enjoint en même tems de faire fermer
Eglife Nationale de S. Antoine.
Le 3. du mois dernier , le Cardinal de Palignac
fe rendit en grand cortege chez le Cardinal
Ottoboni , ou il fut queftion des preuves
qui doivent préceder l'admiffion du Cardinal
de Polignac à l'Ordre du S. Efprit , dans le
premier Chapitre qui fera tenu par le Roy de
France.
Le 28. le Pape fe rendit à l'Eglife de faint
Auguftin , dont on célébroit la Fête ; il y tint
Chapelle Pontificale , & après la Mefle , on y
chanta un Te Deum Solemnel à plufieurs
Choeurs de Mufique , pour rendre graces à
Dieu de la découverte du Corps de ce Docteur
de l'Eglife.
de Le Cardinal Fini eft allé de la part du Pape ,
ordonner aux Carmes de S. Chryfogone ,
réduire à quatre , tous les Autels de leur Eglife
, ce qu'ils ont refufé d'executer , fous prétexte
qu'ils n'étoient pas en état de faire cette
dépenfe , & que cette réduction diminuëroit
confiderablement leurs revenus , & les mettroit
hors d'état de fubfifter.
ESPAGNE .
Na appris de Malaga que deuxFregates de
OOmMMailte avoient attaqué au mois de Juilldeet
dernier , à la hauteur de cette Ville , un Cor◄
faire Algerien de ro . pieces de canon & de 4.
à fco hommes d'équipage ; qu'il s'étoit défendu
pendant quatre heures avec tant de bravoure
& d'opiniâtreté , que lorfqu'il s'étoit
rende , les Chevaliers de Malte n'avoient trouvê
2116 MERCURE DE FRANCE .
vé fur le Vaiffeau que dix à douze hommes de
refte de tout l'équipage ; que le Bâtiment étoit
tout percé , qu'il ne lui reftoit plus qu'un mát ,
& que la moitié de la pouppe étoit emportée.
Les deux Frégates eurent 45. hommes tués ,
& 60. bleffés . Dans le nombre des premiers
font deux Chevaliers de Malte qui faifoient leur
Caravanne . 1
On a fait partir de Cadiz fix Vaiſſeaux de
guerre , pour aller au - devant des Galions 13 &
fes conduire en fûreré dans les Ports d'Eſpagne.
On équipe dans le même Port une Efcadre ,
dont le Commandement a été donné au Marquis
de Mari
On mande des Ports de Bifcaye , de Guipufcoa
& de Galice qu'on y avoit lancé à
l'eau douze Vaiffeaux de guerre de divers
rangs , & qu'on en avoit mis un pareil nombre
fur les Chantiers , avec ordre aux Gouverneurs
d'en preffer la conſtruction.
On écrit de Ceuta qu'on y avoit appris que
les Blancs du Royaume de Maroc s'étoient
foulevez contre Muley Abdemelech , leur nouveau
Roy , qu'ils tenoient la Campagne avec
une armée de près de 60000 hommes ; qu'ils
avoient furpris le Château de Salé , où ils
avoient trouvé foo. Barils de poudre , dont
ils s'étoient faifis , & que Muley Abdemelech
avoit raflemblé les Noirs qui lui font demeurez
fideles , pour aller les combattre.
PORTUGAL.
Eas.Juillet , le Roy accompagné des Infans
Dom Antoine & Dom François , fes
freres affifta dans l'Eglife Royale de S. Dominique
, à un Auto da Fé qui fur celebré
;
avec
SEPTEMBRE . 1728. 2117
avec la Solemnité accoûtumée . Cent douze
perfonnes y furent jugées & condamnées à
differentes peines , fçavoir , treize aux Galeres
& au foüet , tant pour avoir époufé deux
Femmes , que pour Magie , de 99. accufez de
Judaifme , 89. furent condamnez à demeurer
en prifon , jufqu'à ce qu'il plaife au Tribunal
de l'Inquifition de les en faire fortir ; quatre
furent condamnés aux Galeres , & les fix autres
à être brûlez ; fçavoir , Thereſe de Silva ,
âgée de 46. ans , qui nia ce crime , & protefta
être Catholique Roderigo Nunez de Payra ,
âgée de 22. ans ; Lucie Mendez , âgée de 62 .
& Frences d'Alvin , âgée de 48. s'étant
avouées coupables , dans l'efperance d'avoir
leur grace , furent executées pour n'avoir pas
nommé leurs Accufateurs. Jean Lopez, &
Marie Correra de Sylva qui font morts en prifon
, furent brûlez en effigie.
Le Cardinal Pereyra , que le Roy a rappellé
de Genes , a ordre de ſe rendre à fon Evêché ,
en arrivant dans le Royaume , & de ne pas
paroître à la Cour,
L'Abbé Lercari qui a apporté le Bonnet au
Cardinal Motta & Sylva , eft parti de Lisbonne
pour retourner à Rome , après avoir receu
quantité de prefens.
Le 14 Juillet , le feu prit vers les onze heures
du foir , dans le Couvent de S. François
de Bragance , & malgré les foins qu'on y ap
porta , le Dortoir , le Refectoire , les Offices
& la Sacriftie furent conſumez en moins
de quatre heures.
Un Noraire de Lisbonne , auquel le Nonce
du Pape à Madrid avoit adreffé un paquet venant
de Rome , étant allé trouver M Bichi
pour lui remettre ce paquet qui contenoit les
derniers Ordres de Sa S. pour le retour de ce
I vij
Prélat
2118 MERCURE DE FRANCE.
Prélat à Rome ; le Roi en fut informé le lendem
in , & S M. donna fur le champ des
ordres pour faire arrêter ce Notaire , & pour
faire ouvrir toutes les Lettres d'Italie , de
France & de Hollande qui étoient au Bureau
de la Pofte , afin de fçavoir fi malgré les défentes
, quelque particulier n'étoit pas en correfpondance
avec les Sujets du Pape.
Le Roy a fait auffi publier unOrdre par lequel
on ne laiffe fortir aucun Vaiffeau , fans y avoir
fait la recherche d'un jeune homme & d'une
jeune fille qui fe font mariez depuis peu en vertu
d'une Difpente du Pape que ce jeune homme
a rapportée de Rome , pour épouser cette
fille fans le confentement de fon pere , & pour
la tirer du Monaſtere où ſon pere l'avoit fait
mettre.
GRANDE BRETAGNE.
Es Commiffaires de l'Amirauté reçurent le
17 du mois dernier des Lettres du Capitaine
S. Lo , Chef d'Eſcadre , datées de la Jamaique
du 13 Juin. Elles portent que le Solebay ,
Vaiffeau du Roy d'Angleterre y avoit apporté
les Or ires de S. M. Brit. touchant l'execution
des préliminaires dans les Indes Occidentales
, & de pareils Ordres du Roy d'Espagne ,
adreffées aux Vicer is du Mexique & du Perou
, au Commandant des Gallions & autres ;
qu'auffi -tôt le Capitaine S. Lo avoit fait partir
un Vaiffeau pour porter les Ordres de S.
M. Cat & rappeller les Vailleaux qui croiffoient
fur les côtes de la Nouvelle Efpagne.
Les Commiffaires nommez par le Parlement
pour la construction du Pont entre Fulham
& Putney , fe font affemblés pour la defaination
des fonds qu'ils ont entre les mains ,
fuiSEPTEMBRE
. 1728 . 211
& ils ont choifi M. Price pour leur Architecte.
On écrit de Gibraltar du 21. Juillet , qu'on
fortifioit cette Place de plus en plus ; qu'entr'-
autres ouvrages , on avoit taillé dans le Roc ,
entre la Ville & la Batterie de Wils , un paflage
ou un homme pouvoit pafler fans être découvert
; qu'on avoit placé fur le Rocher 2.
pieces de gros canon qui feront à l'abri des
bombes que la tête du vieux Mole étoit perfectionné
, & qu'on y avoit auffi placé 17.
pieces de canon de 32. livres de bale ; qu'on
parloit de mettre des paliffades de fer d'une
nouvelle invention ; & enfin qu'on travailloit
à rendre cette Fortereffe une des plus confiderables
de l'Europe .
Le 28. Août , Coffam Choja , Envoyé Extraordinaire
du Pacha & du Divan de Tripoli
, arriva à Londres de Weymouth , avec une
fuite de zo. perfonnes Les preſens dont il
étoit chargé pour le Roy en partant de Tripoli
, confiftoient en douze beaux chevaux de
Barbarie , dont quatre font morts en route ,
un Lion qui eft mort , huit Gazeles , dont cinq
font mortes , 16. petites Brebis dont il n'en
relte que quatre & deux jeunes Autruches.
La Cour a pris le deüil pour la mort de l'Evêque
d'Ofnabourg , & il a été permis aux
Gentilshommes qui iront à Hampton- Court ,
d'y paroître en habits de couleurs , avec des
paremens noirs , à l'exception des Dimanches
& des Jeudis qu'ils font obligez d'être vêtus
de noir. Ce deüil a été reglé de la maniere
fuivante : les hommes porteront fur leur juft'au-
corps la garniture entiere de boutons, des
épées & boucles noires & du linge uni. Les
Dames porteront de la Soye noire , blanche
ou grife , de la batifte ou mouffeline, avec de
Féfilé , & des Eventails blancs ou -noirs.
Le
2120 MERCURE DE FRANCE.
Le Superbe & le Leopard , vaiffeaux de
guerre de l'Efcadre du Roy en Amerique ,
font arrivez à Portsmouth ; les Capitaines
ont rapporté que le refte de l'Eſcadre de S. M.
s'étoit retiré à la Jamaique.
PAYS -BAS .
Na jugé à Bruxelles les Cabaliftes qui furent
arrêtees à Lier , il y a environ deux
mois. Ils furent condamnez à un banniffement
de dix ans hors du Pays : la Sentence ordonne
que les papiers feront brûlez par la main
de l'Executeur . Le Prêtre qui a été arrêté avec
eux , fera jugé dans peu , & l'on croit que la
Sentence fera beaucoup plus rigoureuſe
MORTS , NAISSANCES
Des Pays étrangers .
C
Hriftine - Françoife de Heffe - Reinfels-
Wanfried , Epoufe de Dominique Marquart
, Prince de Loewenftein & Wercheim
mourut en couche le 14 Juillet dernier. Elle
étoit fille de Chretien Augufte , & petite - fille
de Charles , grand Oncle de la jeune Ducheffe
de Bourbon.
L'Infant Dom Alexandre , quatriéme fils
du Roy de Portugal , mourut à Lisbonne de
la petite verole le 2. du mois dernier , âgé de
quatre ans , dix mois & neuf jours Son corps
fut porté le même jour dans l'Eglite du Convent
de S. Vincent de Fora , où l'on fit le lendemain
les obfeques , avec les ceremonies accoûtumées.
SEPTEMBRE. 1728. 2121
coûtumées. Dom Pierre de Menefez , Chanoine
de l'Eglife Patriarchale , y recita les
Prieres ordinaires en Habits Pontificaux . Le
corps fut prefenté au P Prieur par Dom Louis
Baltazar de Sylveira , Vifiteur de la Ma fon de
la Reine, qui fit les fonctions de Majordome
Major , en l'abfence du Marquis de Fronteira.
Le cercueil fut defcendu dans le Caveau .
par le Duc de Cadaval , & par les Marquis
d'Allegrette,d'Angeja , de Cafcaes , de Valence,
& par le Comte Affumar , & il fut placé
auprès de ceux des Princes Dom Jean & Dom
Pierre.
Erneft Augufte de Brunſwick - Lunebourg ,
Duc d'York Prince & Eyeque d'Ofnabruck ,
Chevalier de l'Ordre de la Jarretiere , mourut
à Ofnabruck le 14. du mois dernier , à trois
heures du matin , âgé de 13. ans , dix mois &
27 jours. Il étoit le plus jeune des freres du
feu Roy d'Angleterre , George I. & fils d'Erneft
Augufte , Premier Electeur d'Hanover
mort le 28. Janvier 1698. & de Sophie , fille
de Frederic V. Electeur Palatin , morte le
premier Juin 1714. Il avoit été élû Evêque
d'Olnabruck. au commencement de l'année
1718. à la place de Charles Jofeph , Prince de
Lorraine & Archevêque de Treves , qui mourut
le 4 Decembre 1715. Ce Prince qui eft
generalement regretté , également des Catholiques
& des Proteftans , a fait des legs confiderables,
tant à fes Officiers & Domeftiques
qu'aux Pauvres , anfquels il laiffe cent mille
écus. Comme cet Evêché doit être poffedé alternativement
par un Prince Catholique , &
par un Prince Proteftant , le Chapitre en a
pris la Regence jufqu'à la prochaine Election
qui fe fera auffi tôt que les Princes Catholiques
qui y prétendent , fe feront déclarez .
Guil
2122 MERCURE DE FRANCE.
Guillaume Erneft , Duc de Saxe -Weymar
mourut à Munich le 19. Aoutt , dans la foixante-
fixiéme année de fon age, étant né le 19.
Octobre 1662 Il avoit époufé le premier
Novembre 1683 Charlote Marie , fille de Bernard
de Saxe Jena , qui mourut en 1703. Le
Duc de Saxe Gotha ayant reçu avis de la mort
de ce Prince , a fait partir quelques Troupes ,
pour reprendre le Bailliage de Kraningsfeld
qui avoit été engagé à la Maifon de Weymar.
Dom Baltazar de Villalba , Colonel & Brigadier
des Armées du Roy d'Espagne , mourut
à Alger le 28 du mois dernier , agé de
$ 8 . ans , après 20. années d'esclavage , ayant
été pris dans le tems que les Maures s'emparerent
de la Fortereffe d'Oran , S. M. Cath . n'avoit
jamais pû obtenir fa liberté , quelques
fommes qu'il eût fait offrir à la Regence d'Alger.
Il est mort à Turnham - Green , près de
Londres , un Particulier nommé Dorothy-
Hinton , âgé de 105. ans (accomplis . Il avoit
eu cinq femmes , & laiffe trente enfans .
Le Prince Emanuel Louis , fils unique du
Prince Leopoli d'Anhalt- Coethen , mourut
en bas âge au commencement de ce mois.
La Prince Anne Louife de Naffau - Siegen ,
Dame de l'Ordre de la Croifade , mourut le
16. Aouft , au Château de Renaix , près d'Oudenarde
, âgée de 48. ans . Elle étoit Chanoineffe
de Nivelle , lorfqu'elle époufa le Comte
d'Omberg , dont elle étoit veuve depuis plufieurs
années .
La Reine de Sardaigne , dont la fanté commençoit
depuis quelque tems à s'affo:blir , fut
attaquée à Turin leas . du mois dernier d'une
coli que violente, tccompagnée de vomiffemens.
Les douleurs qu'elle avoit reffenties le matin ,
augmenSEPTEMBRE
. 1728. 2723
augmenterent confiderablement l'après midi.
Les differens remedes qu'on lui donna n'ayant
produit aucun effet , elle tomba vers le minuit
dans un grand affoupiffement ; & elle mourut
le 26. Août à fept heures & demie du matin ,
âgée de 19 ans moins un jour. Cette Princefle
qui fe nommoit Anne - Marie , étoit fille de Philippe
I. Duc d'Orleans , Frere unique du Feu
Roi de France , Louis XIV. mort le 9. Juin
1701. & d'Henriette d'Angleterre fa premiere
femme , morte le 30. Juin 1670. Elle avoit
été mariée le 9. Avril 1684. à Victor Amedée
II. Duc de Savoye & Roi de Sardaigne , à prefent
régnant , qui a eu d'elle trois Princes &
quatre Princeffes , dont il ne reste de vivant
que le Prince de Piémont . L'aînée des Princeffes
, Marie- Adelaide , qui avoit été mariée
le 7. Décembre 1697. au feu Duc de Bourgogne
, Pere du Roi de France , mourut le
12. Février 1712. la feconde mourut en bas âge
les. Août 1690. la troifiéme avoit époufé le
11. Septembre 1701. Philippe V.Roi d'Espagne.
Eile mourut le 14. Février 1714. L'aîné des
trois Princes mourut le 22. Mars 1715 , dans
fa feizième année.
Le 8. du mois dernier la jeune Ducheffe de
Saxe Hildburghaufen, de la maifon des Comtes
d'Erbarch , accoucha à Francfort d'un Prince,
qui fut nommé Frederic- Augufte Albert
Le 25. du même mois 1 Electrice de Baviere
accoucha à Munich d'un Prince.
Le même jour, la Princeffe Epoufe du Margrave
de Bade- Baden , accoucha à Raftadt d'un
Prince qui fut baptifé le lendemain par le Cardinal
Comte de Schomborn , & nommé Charles
Louis Damien - Adam George.
Le 29. Août la Princeffe Epoufe du Prince
Royal de Saxe , accoucha à Dreſde d'une
Prin
2124 MERCURE DE FRANCE.
Princeffe qui fut baptifée dans la Chapelle du
Château , & nommée Anne- Marie- Angelique-
Xaviere.
Le 30 du mois dernier la Princeffe Epouſe
du Comte de la Lippe- Detmold , accoucha à
Francfort d'un Fils qui fut nommé Frederic-
Augufte.
XXXXXXX :XXXXXX :XX
FRANCE ,
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c .
E 16 du mois dernier , Fête de S. Roch ,
le Roi , en qualité de Confrere de la
Confrerie Royale de la fainte Vierge , de
S. Roch & de S. Sebaftien , érigée depuis plus
de 200 ans , dans l'Eglife de l'Hôpital Royal
des Quinze vingts , y fit rendre les Pains - benits
, préfentés par l'Abbé de Sefmaiſons ,
Aumônier de S M en quartier , & par Mrs
Meffier , Doyen des Maîtres d'Hôtel du Roi ,
Courtois , Contrôleur , & de Silly , Tréforier
des grandes Aumônes . L'Evêque de Quebec
célebra la Meffe Pontificalement .
Melle Ravenel , femme d'un Libraire de
cette Ville , qui fe promenoit au Bois de Boulogne
fur la fin du mois dernier , fut bleffée
par un Taureau , & mourut quelques jours
après.
A peu près dans le même temps , il arriva
à l'Hôtel Royal des Invalides , un Soldat âgé
de 113. ans , qui en a paflé 80. au Service du
Roi. Il vient de Mezieres où il étoit depuis
long - tems en détachement. M. d'Angervil
liers .
SEPTEMBRE . 1728. 2125-
*
liers , Secretaire d'Etat de la Guerre , a ordonné
qu'on en eut un foin particulier.
Les Vendanges font fort belles & fort abondantes
autour de Paris . On dit la même chofe
de la Bourgogne , de la Champagne & des
autres Provinces du Royaume. La premiere
Voiture de Vin nouveau qui entre dans Paris
& qui ne paye point d'entrée , arriva à l'Hôtel
de Ville , le 3. de ce mois , dont le commencement
a été fort froid , mais le temps fut fi
fort échauffé du 8. au 15. que les Termométres
font montez de 7. degrez plus haut qu'ils
n'avoient fait de tout l'Eté ; & en moins de
deux jours d'interval ils font baiffez de plus
de 20. degrez.
Le 16. du mois dernier le Roi chaffa dans le
Bois de Boulogne , & le foir S. M. foupa au
Château de la Meute avec plufieurs Seigneurs
de fa Cour. Sur la fin du Repas , le fieur Hamoche
, premier Acteur de l'Opera Comique ,
parut dans ton habit de Nourrice , chanta divers
Pots- pourris & Vaudevilles , qui divertire
nt beaucoup.
Il n'y a encore eu à Fontainebleau ni Comédie
ni Concert. Le Roi va ſouvent à la
Chaffe du Sanglier , du Cerf & du Chevreuil.
Le Marquis Deudicour , Grand- Louvetier
de France , & le Marquis de Livri , Premier
Maître- d'Hôtel du Roi , chaffent fouvent le
Loup avec l'Equipage de S. M. qui leur en a
donné la permiffion.
Le Roi va fouvent fe promener à la Rivicre
, Maiſon de plaifance du Comte de Toulouze
, d'où S. M. revient fouper à Fontainebleau
à fon grand Couvert, avec les Seigneurs
de fa Cour.
Il part tous les jours un Courier de Verfailles
2126 MERCURE DE FRANCË .
les pour apprendre au Roi des nouvelles de
la Reine & de Meldames de France ; il en part
un également de Fontainebleau .
Le 3 de ce mois , le Roi Stanislas , & la
Reine fon épouse , arrivérent à Verſailles où
ils font venus paffer quelques jours avec la
Reine , leur fille.
Le 10 ce Prince alla coucher à Petit-Bourg,
& le lendemain il fe rendit à Chailly , où le
Cardinal de Fleury fe trouva , ainfi qu'un
grand nombre des Principaux Seigneurs de la
Cour de Fontainebleau , qui allerent lui rendre
leurs devoirs. Le Roi alla à Chailly , après
que le Roi Staniflas y fut arrivé , & S. M. paffa
quelque- tems avec lui. Le Roi Staniſlas partit
enfuite pour Verfailles , d'où il partit le 15 .
avec la Reine , fon époufe , ayant toujours
gardé l'Incognito pendant leur féjour à Verfailles
.
Le 16. le Roi prit le deuil pour la mort de
l'Evêque d'Ofnabrug , Oncle du Roi d'Angleterre.
La Reine qui a été indiſpoſée au commencement
de ce mois , n'a eu aucun reffentiment
de fiévre depuis le 9. S. M. fe porte beaucoup
mieux , & fes forces fe rétabliffent de
jour en jour.
Le 25. du mois dernier , Fête de S. Louis , le
Roi fit rendre à l'Eglife de la Paroiffe de Fontainebleau
, les Pains Benits qui furent préfentés
par l'Abbé de Sefmaiſons , Aumônier de
S. M. en quartier.
Le 26. le Prince de Bouillon prêta Serment
de fidelité entre les mains du Roi , pour la
Charge de Grand- Chambellan de France , &
S. M. en lui accordant cette Charge , lui a
donné auffi le Gouvernement de la Haute &
Baffe Auvergne , pour lequel il prêta Serment
SEPTEMBRE, 1728. 2127
ment entre les mains du Roi le 16. de ce
mois .
Le 28. M. Schefted , Ambaffadeur Extraor
dinaire , & Plénipotentiaire du Roi de Dannemarc
au Congrès de Soiffons , eut à Verfailles
une Audience particuliere de la Reine , à
laquelle il fut conduit par le Chevalier de
Sainctot , Introdućteur des Ambaffadeurs. II
alla enfuite faluer Mefdames de France , conduit
par le même Introducteur.
Le premier de ce mois , le Roi entendit dans
la Chapelle du Château de Fontainebleau , la
Meffe de Requiem , pendant laquelle le De profundis
fut chanté par la Mufique , pour le repos
de l'ame du feu Roi Louis XIV . Le même
jour on célebra pour le même fujet , avec
les céremonies accoûtumées , dans l'Eglife de
l'Abbaye Royale de S. Denis , le Service folemnel
qui fe fait tous les ans. L'Evêque
d'Alet y Officia pontificalement. Le Duc du
Maine , le Prince de Dombes , le Comte d'Eu
& le Comte de Touloufe y affifterent , ainfi que
plufieurs Seigneurs de la Cour.
Le 8. de ce mois , Fête de la Nativité de la
Vierge , la Ducheffe de Bourbon alla pour la
premiere fois à l'Eglife de S. Sulpice , fa Paroiffe
, où elle affifta au Service Divin.
La Compagnie des Indes a fait afficher ,
qu'on feroit à Nantes le 30. de ce mois , la
vente des Marchandifes arrivées depuis peu au
Port de l'Orient , fur quatre de fes Vaiffeaux ,
fçavoir , le Lys , le Jupiter , la Badine &
P'Expedition.
L'Efcadre des Vaiffeaux & des Galeres du
Roi , commandée par M. de Grand - Pré , Chef
d'Efcadre des Armées Navales de S. M. arriva
le 19. de Juillet devant Tripoly. Le Pacha
Chef de cette République , ayant refufé de
>
2128 MERCURE DE FRANCE
traiter des fatisfactions qui lui furent dem andées
pour réparation des Infractions faites aux
Traités M. de Grand-Pré , prit le parti de
bombarder la Ville de Tripoly. Il y a été jetté
pendant fix nuits plus de 1800. Bombes qui
ont détruit la plus grande partie des maifons.
Après cette expedition , l'Efcadre de S. M. eſt
partie de la Rade de Tripoly le 29. Juillet pour
retourner à Tunis & revenir enfuite à Toulon.
Il en a été detaché trois Frégates pour croiſer
contre les Tripolins , & affurer la Navigation
des Bâtimens François. Le Roi a donné ordre
d'armer pour le même effet , trois autres Frégates
au Port de Toulon.
Le de ce mois le Roi entendit
dans la Cha- pelle du Château
de Fontainebleau
la Meſſe , pendant
laquelle
l'Evêque
de Bayonne
prêta
Serment
de fidelité entre les mains de S. M.
Le même jour , la Reine fe rendit à la Chapelle
du Château de Verfailles , où S. M. après
avoir entendu la Meffe celebrée par l'Evêque
Comte de Châlons , fon Premier Aumônier
fut relevée de fes couches avec les cérémonies
accoûtumées .
Le Marquis de Plelo a été nommé par le Roi
fon Miniftre Plénipotentiaire à la Cour du
Roi de Dannemarc .
"
Le 9. M. Maffei , Ambaffadeur Extraordinaire
du Roi de Sardaigne , eut, en grand manteau
de deüil , Audience particuliere du Roi ,
dans laquelle il lui donna part de la mort de la
Reine de Sardaigne , Ayeule Maternelle de
S. M. Il fut conduit à cette Audience par le
Chevalier de Sainctot , Introducteur des Ambaffadeurs
; & le 19. le Roi prit le grand deüil
pour la mort de cette Princeffe.
La Reine , dont la fanté continuë de fe rétablir
de plus en plus , n'étant pas cependant
encore
1
SEPTEMBRE . 1728. 2129
encore en état d'aller à Fontainebleau , le Roi
alla le 21. à Verfailles pour la voir , & retourna
le lendemain à Fontainebleau.
kakakak
MORTS , NAISSANCES
& Mariages
.
E 2. Septembre , Alexandre de Vaultier
Chevalier , Seigneur , Baron de Guerard,
de Reuilly , Comte de Moyencourt , Chevalier
de S. Louis , Colonel Almirante d'Efpagne
, Capitaine de Vaiffeau du Roi , Gouverneur
pour S. M. de l'Ifle de la Guadaloupe ,
Lieutenant de Roi au Gouvernement General
des Illes du Vent , mourut à Paris âgé de
68. ans.
M. Daniel Foucault , Lieutenant - Colonel du
Regiment de Luxembourg , Brigadier des Armées
du Roi , Chevalier de l'Ordre Militaire
de S. Louis , mourut à Paris le 2. de Septembre
, âgé de 70. ans .
Boulay
Yves- Jean- François de Salle- Chevays du
Gentilhomme ordinaire du Roi
mourut à Paris le 3. de ce mois , âgé de 33 .
ans. Son corps fut porté à S. Euftache , fa Pa.
roiffe , & de- là aux Jacobins de la rue S. Honoré
, où il fut inhumé dans la Sépulture de .
fes Ancêtres .
Guillaume -Bouquier , Chirurgien Juré , &
Bourgeois de Paris , celui qui donnoit le fameux
Remede contre la fièvre , mourut le
âgé de 83. ans.
3.
François Regnault , Confeiller du Roi
Doyen, des Quartiniers , ancien Echevin
Adminiftrateur de l'Hôtel- Dieu , des Hôpitaux
2130 MERCURE DE FRANCE.
taux des Incurables , des Petites Maifons & de
la Trinité , ancien Maître & Garde des Marchands
, ancien Juge- Conful , ancien Commiffaire
des Pauvres , & ancien Marguillier
de S. Germain de l'Auxerrois , mourut le 4-
âgé de 80. ans.
Antoine de Pas , Marquis de Feuquieres
Mettre de Camp du Regiment de Bourgogne ,
Infanterie , mourut le 9. de ce mois au Chateau
de la Grange en Brie , dans la 33. année
de fon âge.
M. Yves Courtial , Prêtre , Bachelier de
Sorbonne , Chapelain perpetuel de la Sainte
Chapelle Royale du Palais , mourut le 11 .
Septembre , âgé de 81. ans.
Louis - Charles- François Triftan , Chevalier
, Seigneur de Maifon , Moufquetaire du
Roi dans la feconde Compagnie , mourut
le 18. âgé de 27. ans .
Alexandre - Nicolas de la Rochefoucault ,
Marquis de Surgeres , &c . époufa le 29. Juillet
dernier D. Jeanne - Therefe Fleuriau de
Morville , fille de N. Fleuriau Comte de Morville
, Miniftre d'Etat , Chevalier de la Toifon
d'or , & de Dame Charlotte - Elifabeth de
Vienne. La cérémonie de la célebration fut
faite à S Euftache par M. Paris , Evêque Titulaire
d'Europés , Coadjuteur d'Orleans , en
préfence du Curé de cette Paroiffe.
Bertrand , Vicomte de Rochechouart , fils
de feu Louis Jofeph Victor de Rochechouart ,
& de Dame Marie Defcars , époufa le 3. Août
Julie- Sophie de Rochechouart , fille d'Alexandre
de Rochechouart , Marquis de Jars , &c,"
Capitaine -Colonel des Gardes du Corps , &
Majordome de S. M. la Reine d'Espagne ,
feconde Douairiere , & de Dame Marie de
Loheac de Crupado.
1
Michel
SEPTEMBRE. 1728. 2131
Michel- Jean Baptifte Charon , Marquis de
Menars , Brigadier des Armées du Roi , Capitaine
du Château de Blois & des Chaffes ,
Chevalier de S. Louis , veuf de Marie- Charlotte
de Saligné , époufa le 4. Anne de Caftras
de la Riviere , fille de Pierre de Caftras de la
Riviere , Mestre de Camp d'Infanterie , Brigadier
des Armées du Roi , Chevalier de
S. Louis , & de Dame Diane Charlotte de
Chaumont Gnitry.
Guy Louis- Charles , Comte de Laval Montmorency
, fils de Claude- Charles , Marquis de
Laval , & c, & de Dame Marie - Therefe d'Hautefort
, époufa le 11. Août D. Adélaïde Salbigethon
Defpinay , fille de François , Marquis
Defpinay , & c. Brigadier des Armées du
Roy , Colonel de Dragons , & de deffunte
Dame Marie- Anne Do.
Dame N. Megret , époufe de Claude Pelot ,
Chevalier , Comte de Treviers , & c. Confeiller
au Parlement , accoucha le 31 d'un Fils qui
fut tenu fur les Fonts , & nommé Claude-
Anne -François pour François - Nicolas Megret
, Grand- Audiancier de France , & par D.
Anne le Clerc de Leffeville , Epoufe de Charles
-Bertrand le Clerc de Leffeville , Confeiller
au Parlement.
- Dame Reine Magdelaine de Durfort de
Duras , Epoufe d'Emmanuel , Marquis d'Hau
tefort , de Surville , & c . Meftre de Camp du
Regiment de Condé , Infanterie , accoucha le
17. Septembre d'un fils , tenu fur les Fonts
& nommé Jean- Louis Emmanuel par Jean-
Baptifte de Durfort , Duc de Duras , Lieutenant
General des Armées du Roy , Com
mandant pour Sa Majefté en Guyenne , reprefenté
par Emanuel Felicite de Durfort , Comte
de Duras fon Fils , & par Dame Louife de
K Crevant
2132 MERCURE DE FRANCE.
Crevant d'Humieres , veuve de Louis- Charles
de Hautefort , Marquis de Surville , Lieutenant
General des Armées du Roy , & c.
Dame Marie- Anne de Maifon , Epoufe de
Louis - Gabriel Bazin , Marquis de Bezons ,
Meftre de Camp du Regiment Dauphin étran
ger , Cavalerie , & Gouverneur des Ville &
Citadelle de Cambray & Pays de Cambrefis ,
accoucha le 7. Septembre , d'une fille qui
fut tenuë fur les Fonts , & nommée Françoife-
Gabrielle- Jacques , par M. Jacques Etienne
Bazin , Chevalier de Bezons , Capitaine
au Regiment Dauphin, étranger,Cavalerie , &
par Dame Françoife Joly d'Harville , Com
teffe de Crevecoeur , époufe de M. Jacques de
Crevecoeur, Brigadier des Armées du Roy , &
Lieutenant- Colonel du Regiment du Roy.
François- Guillaume Briçonnet , Chevalier ,
Prefident aux Enquêtes du Parlement , epou
fa le 13. Septembre Dame Elifabeth de Lambert
d'Herbigny, fille de Pierre- Charles d'Her
bigny , Chevalier , Marquis de Tibouville ,
& c . Confeiller d'Etat , & de Louife-Françoife-
Armande Deltrade.
P
TABLE.
Ieces fugitives ; Ode , 1917
Lettre au fujet du Traité des differentes
faignées , & c.
Reflexions fur cette Lettre , & c.
Supplique en Vers , à l'Ordre Social ,
1921
1927
1939
Sons de la Langue Françoite , Table , & c. 1944
Le tre fur cette matiere ,
1946
arithmetiques Logogryphes répondans aux
fons , & c.
Triolets de Septembre ,
Epigramme ,
1957
1959
Plaidoyer de Mercure auTribunal de, & c 1961
1977
>
ibid.
Lettre fur le Paradoxe du P C. J.
Lettre du P. C. au fujet du Paradoxe geome-
1980 trique ,
Traduction de la deuxiéme Epithalame de Catulle
, & c.
Jugement de Tmole , Cantate ,
1987
1995
Nouvelle Lettre au fujet des Perce- oreilles ,
2000
Explications des Enigmes &Logogryphes, 2005
Enigmes à deviner ,
Logogryphes ,
2008
2010
Nouvelles Litteraires , & c. Hiftoire des grands
chemins , & c. 2013
Relation de l'ouverture du corps d'une femme
trouvée prefque fans coeur , &c.
Replique de M. de Barras , & c.
2017
2011
Nouveau Systême de Philofophie , & c. 2023
Hiftoire facrée de la Providence , & c. reprefentée
en soo tableaux gravez , &c. 2026
Hiftoire du Theatre Italien , & c. 2027
La Chronologie des anciens Royaumes , & c.
de Newton , 2044
2049
Lettre de Lisbonne ; Accouchement extraordi
naire , & c.
Phenomene en Portugal , & c. 2050
Nouvel Inftrument d'Aftronomie , & c 2851
Terme dont on demande la fignification , 2053
Nouveau Dictionnaire François & Latin, 2054
Planches originales de J. Callot, à vendre, 2058
Nouvelle Médaille du Roi gravée en tailledouce
, 2060
Prix propofé par l'Academie de Bordeaux, & c.
Chanfon notée ,
2061
2064
Spectacles , Tragedie de Sennacherib , Extrait ,
Nouvelles du Tems , de Turquie'
2065'
2095
Lettre de Conftanticople fur les affaires de
Perfe , & c . 2096
2104
De Ruffie,Pologne, Suede & Danemarc, 2100
Memoire , & c. & Déclaration du Roi de Dannemarc
fur la Compagnie d'Altena ,
D'Allemagne, & c.Voyage de l'Empereur . 2107
Réjouiffances publiques à Berne ,
D'Italie , d'Elpagne & Portugal ,
D'Angleterre & Pays - Bas ,
2109
2112
2118
Morts , Naiffances des Pays Etrangers , 2120
France , Nouvelles de la Cour , &c.
Morts , Naiffances & Mariages ,
Errata de Juillet.
2124
2129
Age 1593 derniere ligne , en tems , lifez
en tout tems .
P. 1671. l. 3 du bas , derriens , 1. derriere.
P. 1694. 1.5 du bas , Dorziois , l . Donzois.
P. 169 5. l . 8. le Blaru , 1. le Blanc.
Ibid. 1. 28. fon pere , l. fon frere .
Errata d'Août.
Page 1730. ligne derniere , l'abjet le Prince,
lifez l'Ajet ferviteur du Prince.
P. 1834.1 2. ete , l . a été.
P. 1870. 1. 20. épouse , l . époux .
P. 1891. 1. derniere , Durford , l. Durfort,
P. 1895. I dernieres , ticuliere , l. particuliere
P
Fautes à corriger dans ce Livre.
Age 1926. ligne 8. la , lifez le
P. 1940. 1. 15. marchez
, I marches
,
P. 1943. l. 10 j'enfere
, j'enferre
.
1.
P. 1999. 1. 20. gue , 1. brigue.
P. 2035. l. 7. leala , I. fcala .
P. 2012. 16 qui plairoient , l. qui plairont.
P. 2047. l. 16. rapporterons , 1. rapportons.
P2055.1.23 . 1729. l. 1726.
P. 2059. I. 6. du bas , Eglifes , l. les Eglifes.
La Planche de la nouvelle Médaille regarde la
tge
La Chanfon notée regarde lapage
2060
2064
Qualité de la reconnaissance optique de caractères