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Presentedby
John
Bigelow
to the
Century
Association
3
MERCURE
DE
FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT.
JUIN. 1728 .
PREMIER VOLUME.
QUE
COLLIGIT
STARGITE
Chez
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER , rue
S. Jacques , au Lys d'Or.
LA VEUVE PISSOT, Quay de Conti,
à la defcente du Pont Neuf , au coin
de la rue de Nevers , à la Croix d'Or.
JEAN DE NULLY , au Palais,
à l'Ecu de France & à la Palme.
M. D C C. XXVIII.
Avec Approbation & Privilege du Roi.
THE NFWs
PUBLIC LIBRAR
33155
ASTOR , LENOX AND
TILDEN FOUNG TRONS
1905
LABR
A VIS.
ADRESSE generale pour toutes
chofes eft à M. MOREAU
Commis au Mercure vis - à- vis la Comedie
Françoife , à Paris . Ceux qui pour leur
commodité voudront remettre leurs Paquets
cachetez aux Libraires qui vendent le
Mercure à Paris , peuvent fe fervir de
cette voye pour les faire tenir.
On prie très - inftamment , quand on
adreffe des Lettres ou Paquets par la Pofte,
d'avoir foin d'en affranchir le Port ,
comme cela s'eft toûjours pratiqué , afin
d'épargner , à nous le déplaifir de les
rebuter , & à ceux qui les envoyent
celui , non - feulement de ne pas voir
paroître leurs Ouvrages , mais même de
les perdre , s'ils n'en ont pas gardé de
copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de
la prémiere main , & plus promptement
n'auront qu'à donner leurs adreffes à M.
Moreau , qui aura foin de faire leurs paquets
fans perte de temps , & de les faireporter
fur l'heure à la Pofte , ou aux Meffageries
qu'on lui indiquera.
1
PRIX XXX. SOLS.
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT.
XXXX
JUIN 1728.
***
PIECES FUGITIVES ,
en Vers & en Profe.
LE TOM BEAU ...
O DE.
Uel Spectacle affreux me découvre
L'éternel féjour de l'horreur ?
Tombeau , c'eft ton fein qui s'en
tr'ouvre ,
Objet de trouble & de terreur !
Manes errants , plaintives ombres ,
Je viens dans vos demeures fombres ,
1. vol. A ij Avec
1080 MERCURE DE FRANCE .
C
Avec vous apprendre à mourir ;
Loin cet aveuglement timide ,
Qui préfere un calme perfide
Au trouble , qui peut le guérir.
2
Prodige ! énigme impénétrable !
Notre efprit craint d'enviſager
L'inftant heureux & défirable
Qui du corps doit le dégager ;
Helas! à lui -même contraire,
Il craint la fin d'une mifere ,
Qu'il ne ceffe de fouhaitter ,
Il ne sçauroit , triſte victime ,
Ni fouffrir ce corps , qui l'opprime ,
Ni fe réfoudre à le quitter.
Aveugle , & vaine réſiſtance !
La mort ne perd rien de fes droits ;
Le moment de notre naiffance
Lui - même nous mit fous fes loix .
Foible avorton de la lumiere ,
L'un femble n'ouvrir fa carriere' ,
Que pour entrer dans le ton beau ;
I voi. A
JUIN. 1081 1728.
A peineat il le temps de naître ,
Et fi- tôt qu'il eft , ceffant d'être ,
Le Cercueil lui fert de berceau .
L'autre en la faifon floriffante ,
Dont tout femble affurer le cours ,
Voit couper la trame brillante
D'un nombre infini de beaux jours :
Malgré la fanté la plus ferme
Il touche au redoutable terme ,
Que lui cache un âge impofteur;
Vaftes projets , voeux chimeriques ,
Efpoir de grandeurs phantaftiques ,
Yous tombez avec votre auteur,
Ainfi la jeuneffe fuccombe.
Mais quel eft celui que je vois ,
Prêt à s'écrouler fous la tombe
Entraîné par fon propre poids ?
Sûr préfage de fa ruine ,
Il fent de fa frefle machine
Tous les refforts fe défunir ;
Et la mort n'y trouve à détruire ,
I. vol.
Que A iij
1082 MERCURE DE FRANCE .
Que desyeux las de le conduire ,
Despieds lasde le foûtenir.
Ah ! du moins , Déeffe barbare ,
Reſpecte ces hommes divins ,
Qu'un efprit élevé fépare
Du refte chetif des humains ;
Sauve d'un éternel filence
Ceux dont la fublime éloquence
Gagne les coeurs , & les Eſprits ;
Ceux , dont la poëtique audace
Des tendres accords du Parnaffe
A cent fois remporté le prix.
Vains projets ! ta Faux homicide
Moiffonne ces fiéres beautez ,
Dont un culte lâche & perfide
Fait prefque des Divinitez ;
Tu flétris jufqu'aux moindres traces
Des vives , des riantes graces ,
Le doux charme de tant de coeurs :
Graces tant de fois adorées ;
I vol.
Helas
!
JUIN. 1083
1728.
Helas ! en tes bras abhorrées
De leurs propres adorateurs.
Eft- ce peu que tu les opprimes
Ces foibles objets de tes coups ?
Faut-il des plus grandes victimes
A ton implacable couroux ?
Va fous la Pourpre & la Couronne
De ceux que le fafte environne
Frapper la haute Majeſté ;
Apprens leur ce qu'ils n'ofent croire ,
Que jufques au ſein de la gloire
Ils portent la mortalité.
Qu'ils tombent , ces Héros celebres ,
Ces Maîtres du vafte Univers .
Tombeau , de tes noires tenebres ,
Que tous les mortels foient couverts .
Mais quel objet s'offre à ma vûë ?
La grandeur en vain confonduë
Veut elle braver le Cercueil ?
L'homme aux traits de la mort en bute
I. vol.
Veut-
A iiij
1084 MERCURE DE FRANCE:
Veut- il fur le lieu de fa chûte
Immortalifer fon orgueil ?
Superbes noms , titres Auguftes ,
Echappez à la Faux du temps ,
Envain des Rois Guerriers ou Juftes
Ornez-vous les froids monumens ?
Que pouvez- vous pour leur mémoire ?
Ce fol étalage de gloire
Nous apprend qu'ils perirent tous ;
Et que profcrits du rang des hommes
S'ils furent plus que nous ne fommes ,
Ils font devenus moins que nous.
..
P. M. L.H.D. P.
XXX :XXXXXXXXXX* :*
LETTRE écrite de Dreux le 29. Novembre
1727. par M.... à M. Des-,
forges Maillart , aufujet de fa Differtation
für Les Bons- mots , inférée dans le
Mercure de France du mois de Septembre
dernier.
O
N veut me perfuader , Monfieur ,
que je dois répondre à la feconde
partie de votre Ecrit fur les Bons - mots
I. vol.
imJUIN.
1728. 1085
imprimée dans le Mercure de Septembre
1727. mais quelle réponſe peut- on demander
? Je vous avoie , que je ne fçait
comment m'y prendre : car comme les
deux parties de votre Ecrit ne font fondées
que fur de fimples raifonnemens ,
fans preuve , fans autorité , je croi avoir
détruit la feconde , en renverfant la premiere
dans le Mercure d'Octobre dernier.
Voyons cependant fi nous n'aurons.
pas encore quelques nouvelles réfléxions.
à faire .
>
Vous n'aviez pas tort , comme vous
voyez , Monfieur , de vous imaginer
qu'en vous déclarant ouvertement l'ennemi
des Bons - mots , & en vous donnant
comme vous dites , la liberté de critiquer
les lettres qui ont paru fur ce fujet , dans le
même Journal Avril 1726 , & Février
Il vous enfaudroit payer la façon...
Auffi eft - ce , Monfieur , ce qui vous eft
arrivé . Si ç'a été bien ou mal , je n'en dois
point être le Juge : c'eft de l'aveu des perfonnes
équitables & défintereffées , qu'il
faut attendre ce Jugement.
1727:
Mon deffein n'étoit pas de vous terraf
fer ; je n'avois en vue feulement , que de
diffiper vos ténébres , & je me flatois que
ma Lettre que je viens de citer du moisde
Février 1727 , quoique très - fuccinte
fuffiroit pour vous faire ouvrir les yeux ,
F
I
I.val.
& Av
1086 MERCURE DE FRANCE:
2
& que j'aurois la fatisfaction de vous voir
abandonner vos préjugez , & embraffer
mon fentiment fur les Bons - mots , ou plutôt
le fentiment unanime des gens d'efprit
; mais je me fuis trompé. Quelques
preuves que j'aie pû vous aporter , de l'utilité
& de l'agrément des Bons - mots dans
la converſation , vous ne vous y êtes point
rendu , vous avez au contraire encore eu
la démangeaifon d'écrire contre leurs Partifans
, & d'aprêter à rire tout de nouveau
à beaucoup d'honnêtes gens , c'eft ,
Monfieur , permettez-moi de le dire ,pouſfer
la prévention bien loin.
Vous m'accufez de n'avoir pas ufé de
toute la politeße convenable à votre égard,
& d'avoir employé des termes peu réfléchis .
Vous prétendez outre cela que , le défaut
de délicateffe n'est point reparé par la jufteffe
de l'efprit. Je n'entreprendrai point ,
Monfieur , de me juftifier là- deffus , je
n'ai , pour ainſi dire , rien à répondre à de
pareilles invectives. Putida , xaxožμba
funt hac. Nos Lettres font imprimées ,
les Lecteurs éclairés en jugeront . Je croi
qu'il n'eft point à propos d'amufer ainfi
le Public , ou plutôt de le fatiguer de
nos querelles perfonnelles. Il vaudroit
beaucoup mieux venir au fait , & éclaircir
le fujet qui eft en conteftation entre
nous.
1. vol.
Comme
JUIN.
1728 1087
Comme vous êtes bien aife de vous juſtifier
, vous dites que vous allez répondre
aux differens
Chefs d'accufation
, fans
ufer à mon exemple d'une procedure brufque
, termes , ajoutez- vous , que vous tirez
de ma Lettre. Me feroit- il permis
Monfieur , de vous reprefenter
qu'il n'eft
pas tout- à- fait de la bonne - foi de parler
comme vous faites ? Vous mettez fur mon
compte des chofes qui n'y doivent point
être , & auxquelles
je n'ai jamais penſé.
Je ne fçaurois m'imaginer
, que vous ne
Vous foyez pas aperçû , que ces termes ne
vous regardent
point , & qu'ils ne me doivent
point être imputez . Ils ne font pas
même cenfez être de ma Lettre , & on
ne les y trouve , que parce que , ils étoient
auparavant
employez
dans la narration
d'un trait d'hiftoire que je rapporte. Je
ne puis , dis- je encore une fois , me perfuader
, que vous ne vous foyez pas apperçû
vous -même de la verité de ce que
j'avance. N'apréhendez
vous point de per
dre par- là la confiance
du Public , de ce
Public , au Tribunal
duquel vous deman
dez juſtice ?
Je n'entrerai point dans des difcuffions
ennuyeules pour foutenir ce que j'ai déja
dit contre votre Critique ; je laifferai roug
cela , de peur d'abufer de la patience des
Lecteurs : & venant au fait , je ne puis em
J. Vol
Avj
aucune
1088 MERCURE DE FRANCE.
aucune façon vous paffer le paradoxe que
vous foutenez . Vous voulez abfolument
bannir les Bons -mots des converfations ,
l'entrepriſe n'eft pas petite , le fuccès n'en
fera pas heureux , prenez y bien garde.
Pour moi , je croi qu'on peut y en admettre
quelques uns . Voilà des fentimens
bien contraires.
>
Demeurons au moins chacun dans notre
opinion , jufqu'à ce qu'il plaife à quelque
Juge équitable de prendre la balance
en main , de pefer nos raifons , & de prononcer
enfuite la condamnation de l'un
ou de l'autre ; mais en attendant , rien ,
ce me femble , ne doit nous empêcher de
fuivre le confeil d'Horace , qui croit
qu'on peut quitter quelquefois fon férieux ;
tantôt , dit il , on doit faire le perfonage
d'un Rheteur , tantôt celui d'un Poëte
& dans certain tems celui d'un fin- railleurs
la raifon qu'il en donne , c'eft continuet-
il , parce qu'une plaifanterie dite à
propos décide fouvent des plus grandes
chofes beaucoup mieux , & avec plus de
fuccès que les Syllogifmes les plus preffans...
ridiculum acri , fortiùs ac melius
magnas plerumque fecat res ...
Ce précepte eft merveilleux quand on
s'en fert avec les ménagemens neceffaires ,
& qu'on lui donne les bornes qu'il doit
avoir ; ilparoît que ce Grand - Maître ſça-
1. vol.
voit
JUIN . 1728. 108
voit lui-même en ufer avantageufement ,
puifque Perfe nous apprend qu'il touchoit
adroitement tous les défauts de fon amien
le faifant rire . Omne vafer vitium ridenti
Flaccus amico , tangit & admiffus circum
pracordia ludit. J'avoue qu'il faut certaines
précautions pour dire des Bons - mots
& je loue fort ce qu'a dit là - deffus un
} Poëte Moderne .
Qu'une févere contenance
Ne condamne jamais la modefte licence
Des propos que vous entendrez.
Aux Bons- mots que l'on dit joignez plutôt les
vôtres ,
Mais faites quand vous en direz
Que les gens dont vous raillerez-
Puiffent rire comme les autres.
C'étoit un des talens d'Ariftippe de Cy-
Fene dont il eft parlé dans Diogene ,
Laerce , & dans Plutarque. Il étoit de la
Cour de Denys le Tyran , & ce Prince lui
ayant un jour dit qu'on voyoit les Philofophes
à la porte des Grands , mais qu'on
ne voyoit pas les Grands à la porte des
Philofophes ; c'eft, lui répondit Ariftippe,
que les Medecins font ordinairement chez
les malades. Je prends la liberté de vous
demander en paffant , Monfieur , fi vous .
s. vol.
trous
1090 MERCURE DE FRANCE .
trouvez quelque mal dans ce bon mot ?
Nous ne voyons pas , du moins que Denys
, qui n'étoit pas fans raifon furnommé
le Tyran en ait marqué le moindre reffentiment
à fon Auteur. Tous les Bons- mots
ne font donc pas à rejetter , comme je l'ai
déja dit dans plufieurs Lettres , en appuyant
ma propofition fur des raifons fi convaincantes
, que vous n'avez pû y répondre .
Pour foutenir l'erreur dans laquelle
vous êtes tombé en confondant les Sentences
avec les Bons - mots vous dites
qu'il y a beaucoup de rapport entre les uns
& les autres ; fi je vous accordois cela ,
où en feriez-vous ? Faites vous attention
que ce feroit un motif pour admettre les
Bons mots dans la converfation ? Mais
non , Monfieur : je ne croi point qu'il y
ait aucune convenance entre les Sentences
& les Bons- mots , & la verité vous force
d'en convenir vous même , puifque vous
reconnoiffez , qu'il y a dans les premieres
plus de nobleffe , plus de gravité , & c . ce
qui , felon moi , conftitue une difference
réelle entre les uns & les autres.
Ce n'eft donc point par une prétenduë
convenance qu'ils doivent faire partie de
la converfation , ce n'eft que par leurs qualitez
particuliéres , & ,pour ainsi dire , perfonnelles
, qualitez dont notre Demoiselle
a prefque fait un dénombrement dans fa
1
1. vol.
premiere
JUIN. 17288 1.091
premiere Lettre duMercure d'Avril 1726.
Voici comme elle en parle . » Le Bon mot,
>> dit- elle , eft un fel qui doit faire l'affai
» fonnement de la converfation... Le
» Bon-mot , ajoute - t - elle un peu plus bas ,
doit être fin , délicat... » & c'est pour ces
raiſons , Monfieur , qu'on doit en faire
ufage , & non pas , comme je l'ai déja dit ,
pour leur convenance avec les fentences
puifqu'il n'y en a aucune.
*
Si vous aviez lû ma Lettre , je ne dis
pas , comme vous , Monfieur , à tête repofée
; mais feulement avec quelque attention
, vous ne diriez pas comme vous
faites qu'après m'être étendu en fuperfluitez
, je place un pour arriver au but que
vous allez voir qui n'eft fuivi d'aucune
preuve. Qu'il me foit permis , Monfieur
de rapporter ici l'article en queftion , tiré
du Mercure de Février 1727. page 250.
il est heureufement fort court : » Voilà ce
qui peut paffer pour le préambule de la
» Differtation de M. D. Voilà la route
» qu'il a tenue , pour arriver au but que
>> vous allez voir ; il pofe pour fondement
>> que tous les Bons- mots font fatyriques .
mordans , &c. & qu'il ne peut y en avoir
» d'autres que de ce caractere , & la conféquence
qu'il en tire , eft qu'on ne doit
» point les admettre dans les converfa-
» tions...
>>
I. vol. Enfuite
1092 MERCURE DE FRANCE.
Enfuite viennent les raifons que j'oppoſe
à votre Sophifme , & auxquelles je vous
prie d'avoir recours , pour me difpenfer
de tomber dans des redites .
Pour prouver l'inutilité des Bons - mots,
vous vous rejettez fur la difficulté qu'il y
a à en produire , & c'eft beaucoup , ditesvous
, à un homme d'en avoir produit un
en fa vie ; mais , Monfieur , eft- ce là une
raifon pour les rejetter entierement tous ?
La difficulté d'en produire exclut - elle la
poffibilité Nos Boifroberts , nos Huets
n'ont- ils pas été , pour ainsi dire , une
fource féconde de reparties vives ? Les
Duperons , les de Thou , les Menages...
ne font-ils pas de fûrs garants de la poffibilité
de produire des Bons mots ? L'Auteur
de l'Hiftoire de l'Académie Françoife
dit en particulier de Boifrobert
qu'il railloit agréablement , qu'il avoit le
génie naturellement tourné à la plaifanterie
, qualité qui lui acquit les bonnes graces
du Cardinal de Richelieu . Je n'ignorois
pas ce que vous raportez d'un Moderne
qui s'exprime ainfi Difeurs de Bonsmos
, mauvais caracteres . J'ai cité moimême
cette foible autorité dans ma Lettre
du mois de Juin 1726. mais comme
Mademoiſelle C. de ***** y a fuffifamment
répondu , vous me difpenferez d'en
parler de nouveau .
J'
1. vol.
Quant
JUIN. 1728. 1093
Quant à certains Génies éguilez , qui ,
dites - vous , manquant de matiere pour
fatirifer autrui , ont tourné leur rage contre
eux-mêmes ; cela ne va point encore à la
profcription des Bons- mots ; nous n'avons
point prétendu que les Difeurs de
Bons-mots foient ENRAGEZ . Va labiis
fceleftis. Au contraire Monfieur , s'il
s'en trouve quelqu'un de ce caractere nous
lui réfervons la même peine , que Cefar
fit fubir à Timagenes , nous leur interdifons
l'entrée de toute Affemblée d'hon-
*
nêtes
gens.
>
De tous les Bons-mots que vous rapor
tez , pas un,dites - vous , n'eft de votre goût ,
pas un , Monfieur , n'eft du mien : du
moins ferons - nous d'accord en quelque
chofe vous & moi . Je n'appelle point bon
de
Timagenes étoit un Rheteur d'Alexandrie
qui ayant été pris par Gabinius , fut mené à
Rome , où le fils de Sylla Pacheta , & l'affran
chit. Cefar l'honora de fa bienveillance , mais
comme c'étoit un railleur outré , quine menageoit
perfonne , & qui parloit avec trop
liberté , il ne conferva pas long- tems fes bonnes
graces. Cefar le chaffa , & lui deffendit l'entrée
de fon Palais . Seneque fait de lui ce portrait.
Homo acida lingua , & qui nimis liber
erat , difertus , & dicax , à quo multa improbè,
fed venuftè dicta. Le Sage a dit de ces fortes de
gens , qui inconfideratus eft ad loquendum fen
tiet mala... os ftulti contritio ejus .
་
1. val.
mot
1094 MERCURE DE FRANCE.
mot ce qui n'eft que puerilité , fade équivoque
, poliffonnerie , quolibet... Enfin
tout ce qui eft de la nature des prétendus
Bons- mots que vous nous expofez .
Il ne s'agit pas d'en trouver & de critiquer
des mauvais mots , il faut voir s'il
ne peut pas y en avoir de bons. Il falloit
marquer le ridicule , ou la foibleſſe de
tous ceux que j'ai rapportez , c'eft ce que
yous avez omis .
"
Votre Differtation , au refte , permettez-
moi , Monfieur , de le dire en finiffant
, porte ce titre bien gratuitement , &
je ne ferai pas le feul qui le penfe ainfi
puiſqu'on n'y difcute rien felon la bonne
Critique , qu'on n'y prouve rien , & qu'on
n'y apprend rien . On s'attend à toute autre
chofe quand on voit le titre de Dißer
tation à la tête d'un Ouvrage , fur tout
quand il vient de la part d'un Auteur qui
comme vous le dites , page 200. du même
Journal de Septembre 1727 , s'eft acquis
quelque réputation.
J'aurois encore bien des chofes à dire ,
mais je me contente de ceci . C'en eft affez ,
fi vous daignez y faire attention , c'en eft
trop ,
fi vous prenez le parti contraire. Je
fuis , Monfieur , &c .
1. vol. IDILLE
JUIN. 1095 1728.
****************
Y DILL E.
L'Amour rétabli fur la Scene Tragique à
la bonte d'Apollon .
Par le P. Poncy , Jefuite.
Ur la Scene , jadis, Melpomene éplorée
S
D'une noble douleur paroiffoit penetrée
Et ne s'abaiffoit point à des foupirs honteux
L'Amour étoit banni de fes fuperbes jeux s
Des plus hautes vertus la Scene étoit l'école.
Et non comme à prefent un ſpectacle frivole ,
Où Venus tient fa Cour plus fouvent qu'à
Paphos ;
Les Heros y parloient , y mouroient en Heros ,
Et la Grece long - tems par l'art de Melpomene
Les vit avec honneur revivre fur la Scene,
On ignoroit alors ces dangereux Romans
D'un tas d'efprits oififs , trompeurs amufemens
,
Et ces vains Opera qu'inventa
la moleffe ,
Ce fiecle heureux finit. Bientôt Rome & la
Grece ,
féduites par l'Amour qui cherche à fe vanger
Cons
I. val.
1096 MERCURE DE FRANCE .
Contre la raifon même ofent le proteger ;
Ce perfide enchanteur, veritable Prothée
Se revêtoit fouvent d'une forme empruntée ,
D'âge en âge , l'on vit augmenter ſes progrès:
Melpomene en pouffoit de fteriles regrets;
Au cours de fa victoire envain elle s'oppoſe ;
Sur tous les autres bords , ceux que la Seine
arrofe
Plaiſent à Cupidon , déterminent fon choix:
Le coeur des Citoyens eft docile à fes loix ;
Il connoît leur penchant , il fçait que du
Théatre
Le fuperbe Pâris fut toujours idolâtre,
Que les François ,enſemble amoureux & guerriers
,
Uniffent fur leur front les Myrthes aux Lauriers
;
Le fuccès fuit l'Amour , de fes flammes finiftres
Poëtes , hiftrions , trop coupables Miniftres
Dégradent Melpomene & font rougir fon
front;
L'Elysée en couroux partage fon affront :
Ces Grecs & ces Romains que l'hiftoire révere
Sur la Scene déchûs de leur vertu fevere ,
Y paroiffent marquez en burleſques Tircis , 1. vol.
Et
JUIN 1097 1728 .
Et les plus fiers Guerriers y font Amans tranfis .
Les manes des Heros que l'Amour défigure ,
Demandent à grands cris qu'on venge leur
injure ,
Melpomene les porte au Thrône d'Apollon ;
Peut-on tromper l'Amour dans le facré vallon?
Ce Dieu , fans être vû ni de Phoebus ni
d'elle ,
,
Apprend,pour fon Empire une trifte nouvelle,
Qu'un Poëte fameux , formé felon leur coeur
Du Théatre avili va réparer l'honneur ;
Il n'eft qu'un feul moyen d'empêcher ma
ruine ,
Corneille vieillira , dit - il , formons Racine ,
Le beau fexe à mes loix toujours afſujetti ,
D'un Auteur né galand foutiendra le pari .
L'un & l'autre arriva , ce fublime génie
Corneille , des François éprouva la manie ,
La nouveauté leur plaît , & Racine naiffant
Penfa prefque effacer Corneille vieilliſſant ,
De Venus avec art il étendit l'Empire ;
Il met dans fon parti jufques à la fatyre ;
Cependant fans attendre au déclin de fes
jours
Samufe détempée abjura les Amours
A
1. vol.
1098 MERCURE DE FRANCE.
A fes Maîtres pervers faintement infidelle ;
Elle ofa fe frayer une route nouvelle ,
Et fût toucher les coeurs fans emprunter leurs
traits ;.
La vertu lui prêtoit fes innocens attraits ,
Peut-être elle eut joui d'un triomphe durable ,
L'Amour l'intertompit , adverfaire implacable
,
Il engage la Parque à ſervir ſon couroux ,
Elle frappe ; Racine expire fous fes coups ,
Melpomene en pâlit , elle vole au Parnaffe,
Et de l'Amour vainqueur , fonge à punir l'audace
:
Phoebus alloit fe rendre, ô revers douloureux !
Mille jeunes Beautez , efcadron dangereux ,
Conduites par l'Amour qui leur préte fes
armes ,
Aux cris de Melpomene oppofent tous leurs
charmes ,
Le Dieu trop complaifant , pour la feconde
fois ,
Laiffe rentrer l'Amour dans fes prétendus
droits ,
Du Théatre amolli les Heros difparoiffent
En leur place déja les Celadons renaiffent ,
Melpomene confulte & les larmes aux yeux ,
1. vol
AbJUIN.
1728 . 1099
Abandonne la Terre & s'en retourne aux
Cieux ,
Le bon goût irrité fuit fes traces divines ,
Cupidon triomphant ne fait plus de Racines ';
Il n'en a plus befoin pour s'affurer les coeurs ,
Phoebus fur quelques- uns verſe encor ſes faveurs
;
Mais l'Amour les corrompt & fes lâches maximes
,
Enervent les efprits , empoiſonnent les rimes :
Pour égaler Racine on fait de vains efforts ,
Ce Poëte emporta fa lyre chez les morts.
FIN des Triolets . Lettre écrite de Dreux ,
le 15 Mars 1728. pour réponse à ceux
qui font imprimez dans le Mercure de
Janvier.
Tou
Outes chofes ont leur temps , Mon
fieur. Les Triolets qui ont amufé ſi
agréablement une année entiere dans le
Mercure , tirent à leur fin . Le feul M. de
Senecé qui les a reffufcitez , & qui a le
talent d'en faire d'inimitables , peut avoir
le privilege de les continuer. Du moins
nous avons droit d'attendre de lui un jugement
poëtique fur la fameufe querelle
I vol.
qui
1100 MERCURE DE FRANCE .
qui s'eft émeuë entre les Champenois &
les Dreufiens, querelle à laquelle les Triolets
ont eu bonne part, & qui finit, ce me
femble , faute de combattans ; car je ne
crois pas , Monfieur, qu'on doive compter
ce nouvel Athlete qui s'eft mis fur les
rangs dans le Mercure de Janvier dernier
fort gratuitement, & .prefque fans interêt
au fond de la conteftation .
le
Il eft aifé de voir que ce n'eft pas
même Champenois qui a commencé la
querelle dans le Mercure d'Octobre précedent.
Ce premier n'a rien que de rude
& d'impoli ; il brufque & rompt en vifiere
; vous fçavez auffi en quelle monnoye
il a été payé , & c . L'autre , au con
traire , c'eſt- à - dire le nouveau venu , fans
s'embaraffer de l'état de la queftion , &
diffimulant que fon compatriote eft l'agreffeur
, n'a fongé qu'à laver fon pays
d'une prétendue tâche qu'il trouve dans
le Proverbe de quatre - vingt dix - neuf
Moutons , &c.
Pour y réüffir , il a crû qu'il fuffifoit de
faire entrer dans fes Triolets les noms de
plufieurs Champenois habiles & reconnus
pour tels dans la Republique des Lettres.
C'est ce que perfonne n'a envie de
lui contefter . On ne conteftera pas non
plus que fes Triolets font jolis & des meilleurs
qu'on voye dans le Mercure. Mais
I vol.
en
JUIN.
1728.
,
en faifant cet aveu , le nouveau combattant
ne gagne rien ; car qui peut ignorer
que malgré la prévention , il fe trouve
aujourd'hui par tout des Gens de Lettres ,
dans la Zamble même & la Groelande
pour me fervir de fes termes ; témoin la
Ruffie & fes dépendances , dont on appelloit
les habitans des Ours mal leches ,
devenuë de nos jours , fçavante & polie.
Aufli ce n'eft pas - là de quoi il s'agit dans
notre querelle.
Mais puifque l'Auteur a pris la choſe
de ce biais , à la bonne heure. On trouve.
cependant , s'il eft permis de glofer fur le.
glofeurs on trouve , dis- je , que le début
de fa Légende n'eft pas heureux , & qu'il
auroit pu commençer mieux qu'il n'a fait,
la Lifle de fes Champenois Lettrez .
Quoi ! quatre-vingt dix- neuf Moutons,
Et La Fontaine , font cent bêtes !
Oui , lui répondra quelque Rieur , le
compte eft juste. Ou vous n'avez jamais
connu la Fontaine , ou vous devez conve .
nir que ce Poëte étoit fouvent moins
homme que machine animale , & que
tout Paris a été le témoin de fes écarts ,
de fes abfences , &c . hors de la Sphere
de l'humanité. Je ne fçai , Monfieur ,
ce Rieur auroit grand tort ; mais je me
fouviendrai toûjors d'une avanture affez
fi
1. vol. B plaifante
110 MERCURE DE FRANCE.
>>
»
plaifante , arrivée à gens d'honneur & de
probité , de qui je la tiens , par rapport à
notre Poëte . Il faut que je vous en regale
, fuppofé que vous l'ignoriez ; & je me:
fervirai des propres termes dont l'un de
ces Meffieurs s'eft fervi en la rendant '
publique .
Les Fables de M. de la Fontaine me
firent naître l'envie de connoître l'Auteur.
Trois amis de concert, nous fimes:
» une partie , & par le moyen d'un qua-
» triéme, qui avoit quelque habitude auprès
de cet homme rare , nous l'attirâmes
dans un petit coin de la Ville à une
» maifon confacrée aux Mufes , où nous
lui donnâmes un repas , pour avoir le
plaifir de joüir de fon entretien . Il ne fe
fit point prier ; il vint à point nommé
fur le midi. La compagnie étoit bonne,
» la Table propre & délicate & le Buffet
» bien garni. Point de compliment d'entrée
, point de façons , nulle grimace
nulle contrainte. La Fontaine garda
>> un profond filence , & on ne s'en éton-
≫ na point , parce qu'il avoit autre chofe
à faire qu'à parler. Il mangea comme
» quatre & bût de même. Le repas fini
» on commença à ſouhaiter qu'il parlât
» mais il s'endormit. Après trois quartsd'heure
de fommeil , il revint à lui ; il
» voulut s'excufer fur ce qu'il avoit fati-
(
>
n vol.
gué ;
JUIN
. 1728.
1103
}}
gue ; on lui dit que cela ne demandoit
32 point d'excufe , que tout ce qu'il faifoit
étoit bien fait ; on s'approcha
de lui ;
» on voulut le mettre en humeur , & l'o-
» bliger à laiffer voir fon efprit , mais fon
efprit ne parut point ; il étoit allé je ne
fçai où , car durant tout le temps que
» la Fontaine demeura avec nous , il ne
» nous ſembla être qu'une machine fans
ames on le jetta dans un Caroffe , &
» nous lui dîmes adieu pour toûjours.
Mais revenons
à nos Moutons, puifque
Mouton y a ; l'Auteur des derniers Triolets
n'a pas ofé nier le Proverbe , cité par la
Dame de Dreux , en recrimination
; mais il
l'interprete plaifamment
en cette maniere ,
Le Champenois n'a du Mouton ,
Que la candeur , non la bêtife ,
Tel eſt le vrai féns du dicton , &c.
Que dites vous , Monfieur , de cette
interpretation ? Penfez- vous que le vrai
fens du Proverbe foit bien mafqué par
un pareil fophifme ? Qu'eſt - ce en effet
que la candeur du Mouton , fi ce n'eft
fa ftupidité & fa bêtife outrée ? Cela fe
peut dire également d'un autre animal à
plus longues oreilles & de plufieurs autrés
qui ne font pas plus chargez de malice
que le Mouton. On dira peut étre
·
1 vol. Bij que
1104 MERCURE DE FRANCE .
que cette candeur fe doit entendre icy
phyfiquement ; c'eft à- dire , de la blancheur
de cet animal , fimbole d'innocence
, & c. mais par malheur il y a auffi des
Moutons noirs , &c. Cela fuppoferoit du
moins de la varieté & du mélange dans la
nation Champenoife , dont le Mouton
fi l'on en croît notre Interprete, eſt comme
le fimbole. On fçait qu'il y a un certain
Peuple , fort connu dans l'Hiftoire
Orientale , qui eft divifé en deux parties ;
l'une de la racé du Mouton blanc , &
l'autre du Mouton noir . Faudra t - il diftinguer
de la même maniere la Nation dont
je viens de parler? Tout cela peut former
un embarras ; tirez - en , Monfieur , fi vous.
le pouvez , nos Adverfaires , qui ont fi
mal enfourné en parlant Proverbe , pour
infulter gens qui ne le meritoient pas , &
qui ne leur demandoient rien. J'efpere
que M. de Senecé voudra bien nous juger
les uns & les autres . C'eft ce que nous attendons
de fa complaifance , de fa juftice
& de fa capacité. Je fuis Monfieur
& c .
A Fable de l'Eglogue fuivante , eft ;
LA Là cequ'on nous marque , fondée fur
une vérité : On a vû ces jours paffez une
i vol.
jeune
JUIN. 1728. 1105
jeune & aimable fille de nos quartiers, qui
faillit à mourir de douleur , parce que
fon
Amant avoit pris parti dans un Régiment
de Cavalerie.
FLORE ET POMONE.
EGLOGUE
Flore.
Où court Pomone , & que veut dire
Qu'elle paffe fans m'aborder ?
Permis à Jupiter chargé d'un vafte empire.
D'avoir des foins qu'on puiffe lire
Sur un front nébuleux que leur poids fait rider;
Mais quel chagrin fuffit à te rendre rêveufe ,
Toi , qu'aucun embarras ne peut inquiéter
Qué celui de fçavoir fi tu dois plus enter
D'Ambrelte que de Virgouleufe ?
Pomone .
Flore , le temps n'eft plus où mon coeur tout
à foy
Du foin de fes Vergers faifoit fa feule affaire :
Depuis que par l'Arrêt des deftins en colere
L'imperieux hymen m'affervit à fa loy ,
Envain pour rappeller cette heureufe indolence
I vol.
Je Biij
1106 MERCURE DE FRANCE.
Je fatigue le Ciel par des voeux fuperflus ,
Elle échape à mon eſperance ;
Elle ne revient point , Flore , le tems n'eft plus.
Flore.
Quoi donc ! cette amitié fi belle , fi conſtante,
Cet indiffoluble lien ,
Vertumne fi charmé, Pomone fi contente ,
Quoi donc , tout cela n'eft plus rien ?
Flore ,me difois -tu , ceffe d'être légere ',
Les folâtres baifers de tes coquets Zéphirs ,
De leurs tiedes foupirs l'haleine paffagere
Valent- ils de l'hymen les folides plaifirs ?
Cependant, aujourd'hui tu changes de langaeg
Et pour empoifonner ton heureux mariage
Le dégoût à l'ennui ſe joint ,
Malgré ton rang , & malgré l'avantage
D'un Epoux qui ne vieillit point !
Pomone.
Cette immortalité dont nos Epoux joüiffent
A pour nous de foibles appas :
Nos maris ne vieilliffent pas ,
Mais nos mariages vieilliffent ,
Et de l'énormité du cas
살
I vol.
Jupiter
JUIN. P107 1728.
Jupiter & Junon l'exemple nous fourniffent.
Délicieuſe nouveauté ,
Mere des doux plaifirs , charme de la nature ,
Par toi la riante verdure
Donne au jeune Printems fa piquante beauté ,
L'éclat de l'or , l'odeur de l'ambre
Près de toi n'ont rien de charmant ,
Et tu fçais égaler par ton feul agrément
La Cerife précoce au Melon de Septembre;
Les Mufes avec foin t'affectent dans leurs
chants ;
Le Soleil fe cache dans l'Onde
Pour montrer chaque jour de nouveaux feux
au monde ,
Tu fournis aux Amours leurs traits les plus
touchans .
Ah ! nouveauté voluptueuſe ,
L'hymen , le froid hymen languit fans tonfecours.
Que ne fais - tu pour lui dans fa courſe ennuyeuſe
Ce que tu fis les premiers jours ?
Flore.
Plus je fonge à vos avantures ,
Mo'ns je vois par quelles blefsüres
I. vol. B iiij Votre
108 MERCURE DE FRANCE:
Votre amour auroit pû périr ,
Moi , qui fçai combien de figures
Vertumne a fait pour t'acquerir.
Pomone.
Pour venir à fes fins , il n'eft aucune adreffe
Qu'Amour ne fache ménager.
Vertumne a fait pour m'engager
Mille & mille tours de fouplefle .
Par un fâcheux , par un trifte retour
Pour ranimer l'ardeur de fes flammes mou
rantes ,
Je me transforme chaque jour
En cent figures differentes ,
Et ne puis réüffir à fixer fon amour.
Oublions , oublions la douleur paffagere
Du plaifir, de l'hymen , fi - tôt évanoui.
Mais toi , dont l'enjoûment infulte à ma mifere
,
Toi-même , tu parois d'un air moins réjoüi
Que tu ne l'es à l'ordinaire.
Flore.
Je n'ai point de commerce avec les noirs foucis
Ce que tu crois chagrin, c'eſt pitié toute pure ; vol.
Je
JUIN 1728. 1109
Je veux fous cet Ormeau te conter l'avanture
Qui rend mon tein plus pâle , & mes yeux
obfcurcis.
Auprès d'une claire Fontaine
Qu'un vieux Chêne tient à l'abri ,
Hors d'inquiétude & de peine
Je rêvois fans objet fur le gazon fleuri
La délicieuſe molefle
Répandoit fes parfums fur les airs d'alentour;
L'Herbette pour faire fa cour
S'épaiffiffoit fous ſa Déeſſe:
Mille petites fleurs accourant fe montrer
Emailloient à l'envi la naiffante verdure ,
Et par la voix de la nature
S'empreffoient de me remontrer
Qu'elles méritoient bien d'entrer
Dans l'ornement de ma coëfûre.
Je m'amufois à les choifir ,
Quand un foupir brûlant vint frapper mon
oreille :
Mon foupçon jaloux fe reveille ;
Et je crus que j'anrois le chagrinant plaifir
De prendre fur le fait mon volage Zephir.
I vol.
Un B v.
1110 MERCURE DE FRANCE .
Un Buiffon d'Eglantiers , d'une épaiffeur obf
cure
De mes perçans regards interrompoit le cours,
Je l'ouvre adroitement fans craindre l'avanture
De la Déeffe des amours.
J'apperçois au travers une jeune Bergere
Affeztrifte pour m'émouvoir ,
Affez belle pour me déplaire ,
Et de mes agrémens balancer le pouvoir.
L'éclat de fes beaux yeux qu'une amére infor
tune
Groffiffoit d'un torrent de pleurs
Ne reffembloit pas mal à l'éclat de la Eune
Quand fa lumiere brille au travers des va
peurs ;
Son habit négligé , par plus d'une ouverture ,
Expofoit aux regards la neige de fon fein ;
Ses cheveux mal rangez, erroient à l'avanture ,
Et fa tête preffoit l'Yvoire defa main.
Après quelques momens d'une extafe inquiete
Son coeur outre d'ennuis à fa langue cut 1
cours ,
Et la douleur plaintive , à la douleur muette ,
Prêta de fes regrets l'officieux fe cours
I vol.
JUIN.
IIII 1718.
Il eſt donc vrai , Tirfis , que ton ame cruelle
Veut pour le champ de Mars abandonner ces
lieux ,
Ces lieux ! où tu jurois qu'une ardeur éternelle
Soumettroit tes deftins au pouvoir de mesyeux
?
Ah Berger ! ta beauté dans nos Champs fi
vantée
Suffit pour affronter des appas couroucés ,
Pour forcer la rigueur d'une Amante irritée 3
Etnon des Bataillons de Piques hériffez.
Si l'ardeur des combats excitoit ton courage ,
Il en eft parmi nous qui te convenoiene
mieux ;
Tu pouvois difputer à tout notre Village
De la danfe ou du chant les prix ambitieux.
Tu pouvois avec moi difputer de tendreffe ,
Mon coeur n'en fçait que trop , bien qu'il ait
peu vécu ;
Er tour jeune qu'il eft , je fens à fa foibleffe,
Oui, cher Tirfis,je fens que je t'aurois vaincu,
Malheureufe ! c'est moi , c'eft ma rigueur extrême
Qui livre à ce péril les jours de mon Berger :
Que me demandoit- il un rien , un je vous
aime :
I vol
Par B vj
1112 MERCURE DE FRANCE .
Par un cruel refus falloit- il l'égorger ?
Vaine & fauffe pudeur!& toi bouche traîtreſſe
Qui refufa , deux mots pour conferver fes
jours ,
Va ; puifque tu n'as pû t'ouvrir à la tendreffe;
Aux plaintes, aux regrets ouvre-toi pour toujours.
Que vous êtes heureux , troupeaux de nos
Campagnes
Qui ne combattez point pour la grandeur des
Rois ?
Que vous êtes heureux, Rofiers de nos Montagnes
,
Qui ne voulez point croitre à la hauteur des
Bois !
Funeste ambition , pefte infame des Villes
Par qui tant de beaux jours ont été racourciss
Devois- tu pénétrer dans nos facrez aziles ,
Ette joindre au dépit pour m'arracher Tirfis
Qui pourra de mon coeur , calmer les juſtes
craintes ?
Comment fur les frayeurs le rendre fatisfait ?
I
Peut- être en ce moment que je m'exhale en
plaintes
2
I vol
JUIN. 1113 1728 .
Il lave de fon fang le crime que j'ai fait.
Peut-être un fer barbare... O Cieux...
A ces paroles
Sa preffante douleur la contraint de finir ,
Ses jambes tremblantes & molles
Nepeuvent plus la foûtenir.
Elle fent fa vigueur mourante
Succomber tout à coup fous l'excès de fes
maux ,
Et tombe pâle & languiffante
Comme un Lys tranché par la Faux.
Le brillant Incarnat qui la rendoit fi belle 】
Parmi les airs eft emporté ,
L'Amour & le Zéphir en entrent en querelle ;
Chacun d'eux en prétend augmenter de fon
aîle
A
L'agréable varieté.
Pour moi , de qui le coeur au plaifir eft porté » ,
Laiffant au Dieu qui l'a bleffée
Le fouci de la fecourir ,
1
Plus vite que le pas , je me fuis éclipfée :
Et meure de douleur quiconque en veut mou.
rir.
Je n'ai pû cependant à cette infortunée
I vol. Refufer
1114 MERCURE DE FRANCE.
Refufer quelque émotion ,
Et fi tu me vois conſternée,
Ce n'eft que de compaffion.
Pomone.
O Mars , divinité cruelle ,
Si ton ombre feule eft mortelle ,
Quel coeur de ta fureur pourra ſe garantir ›
Elle ne fçavoit pas , la pauvre créature ,
Qu'on ne fait aujourd'hui la guerre qu'en
peinture ,
Et tu devois l'en avertir.
Mais , adieu : ton caquet ne fait pas mon affaire
:
On ne s'en laffe point , on pourroit y vieillir ;
J'ai des fruits nouveaux à cueillir ,
Et Vertumne eft chagrin plufqu'à ſon ordinaire.
Flore.
Va payer l'interêt de ces charmantes nuits
Qui par tes doux rêcits me rendojent fi rêveufe
:
Quels portraits quelle joie émouvante &
Aateufe !
Quand je m'en reffouviens , je ne fçais où je
fuis.
I vel.
Fomene
.
JUIN.
1111
1728:
Pomone.
Te tairas-tu , belle caufeufe ?
Adieu , Reine des fleurs ,
Flore.
Bon foir , Reine des fruits.
DE SE'NE CE'.
Avant que de donner cette piéce au
public , M. de Sénecé l'envoya à M.Car
relet , qui l'en remercia par les quatre
Vers que voići :
Non, tu ne peux avoir tant de luftres complets:
Si tu veux m'en convaincre, il faut ,fans te de
plaire ,
Il faut , cher SE'N ECE' , montrer ton Bapuſtaire
,
Où ne plus compoſer d'Ouvrages fi parfaits.
kakakakakakak şikakakakakakai
LETTRE du 5 Janvier 1726. à M. de
Mairan de l'Academie Royale des
Sciences , fur les Obfervations Meteoro
logiques , faites à Beziers en 1724 .
J
E vous ai rendu compte , Monfieur,
dans mes précedentes Lettres de tout
ce qui s'eſt paffé dans notre Academie de-
I vol.
puis
116 MERCURE DE FRANCE .
puis votre départ , & en dernier lieu j'ai
eu l'honneur de vous écrire pour vous
prier au nom de tous nos Confreres , de
remercier tres - humblement Monfeigneur
l'ancien Evêque de Fréjus de la bonté
qu'il a euë de nous obtenir du Roy la
permiffion de faire chaque année deux
Affemblées publiques. Je vous marquai
en même- temps que M. Portal on ſe préparoit
à faire l'ouverture de la premiere
de ces Séances ; qu'on avoit nommé ceux
qui doivent parler après lui ; & que je vous
envoyerois bien- tôt un Extrait de tous les
Difcours qui y feroient lûs.Il ne me reſte
à prefent , M.qu'à vous donner le réfultat
de nos Obfervations Meteorologiques
de l'année paffée .
Reg. 20 Dec. 1715 .
Obfervations fur la quantité de Pluye
de 1725.
Lignes.
En Janvier 1 2 Juillet
4
Aouft
Septembre
Lignes.
S
4
Février 12
Mars 59 Z
2
Avril 24/1/20 Octobre
May 63
Novembre 68
Juin 3
Decembre
4 I vol.
La
JUIN. 1728. 1117
La fomme totale de la hauteur de Pluye
en1725 , eft 204 lignes , qui font 17
pouces.
Sur le Thermometre & le Barometre.
Dans le commencement de l'année , le
Thermometre defcendit le 4 Février julqu'au
25 dégré , vers les fept à huit heures
du matin, auquel temps je fais mes ob.
fervations en Hyver ; & vers la fin de
l'année ; fçavoir les 8 , 11 , 17 & 30
Decembre , il n'eft pas defcendu plus bas
que de 27 dégrez . Ainfi l'année paffée n'a
pas
été fort froide .
Le même Thermometre a marqué la
plus grande chaleur le 21 de Septembre,
la Liqueur du Tube étant à 92 dégrez
vers les trois heures après midi , qui eſt
le temps de mes obfervations en Eté. Les
21 , 22 Juillet , 11 , 12 , 20 , Aouft , 13
& 14 Septembre furent auffi des jours
affez chauds . La Liqueur étant montée
après midy jufqu'à 84 & 85 dégrez .
2
La plus grande pefanteur de l'Air a été
marquée par le Barometre le 3 Mars , le
Mercure étant monté à 28 pouces 2
lignes par un temps fombre. Il avoit été
plufieurs fois à 28 pouces 2 lignes dans
les mois de Janvier & de Février . Il s'eft
trouvé au plus bas qu'il foit defcendu , à
27 pouces 3 lignes , le 19 Decembre par
un
I vel.
1118 MERCURE DE FRANCE.
an temps de pluye , & le lendemain il fut
à 27 pouces 8 lignes , ce qui eft la plus
grande variation que j'aye remarquée
l'année derniere en 24 heures,
On fera cette année - cy les mêmes Ob.
fervations , & l'on tâchera d'y joindre à
l'avenir celles des Vents & de l'Aiguille
Aimantée. Je fuis , Monfieur , &c.
La fuite pour le prochain Mercure.
ODE.
A M. d'Auvergne , Avocat , Chevalier
Académicien de l'Ordre Social , fur la
nouvelle année.
CHer d'Auvergne , voici le jour
Qui recommence une autre année ,
Pour la rendre plus fortunée >
Tâchons d'accroître notre amour.
Que notre union mutuelle
Aux humains ferve de modéle ,
Par elle rendons - nous fameux ;
De nos jours employons le refte
En imitant Pilade , Orefte ;
Soyons toujours amis comme eux.
1. vol.1.
Pour
JUIN. 1728.
1116
雜
Pour toi je ferois des fouhaits ,
S'ils étoient bons à quelque chofe ,
Je t'en ferois en Vers , en Profe ,
S'ils fe changeoient en des effets ; ,
Mais ils ne font que des chimeres
Ou plutôt des vapeurs legeres -
Qui fe détruifent en naiffant.
Ami , pourtant je le fouhaite ,
Cette felicité parfaite
Qui naît toujours d'un coeur content.
Que'aveugle divinité
Nous éleve au haut de fa roje ,
Qu'elle nous plonge dans la boue ,
Gardons la même égalité.
Ce n'eft pas l'éclat des richeffes
Qui doit enfanter les tendreffes ,
Ou qui doit en rompre le cours;
Qu'un plus beau motif nous excite
Quand on s'aime pour le merite ,
On ne peut que s'aimer toujours.
Amitié
J. vol.
1120 MERCURE DE FRANCE .
Amitié que tes fentimens
Ont d'apas pour les belles ames !
Que tes chaftes & tendres flammes
Leur font goûter de biens charmans !
Sans toi , la plus brillante vie
A cent chagrins eft affervie ,
Tu fais le bonheur des Mortels.
O tendre amitié ! je te jure ,
D'un coeur ennemi du parjure ,
D'encenſer toujours tes Autels .
M
Quel bien précieux je te dois ,
Societé noble & fçavante ! *
La pure flamme qui m'enchante ,
Eft le fruit de tes douces loix .
Dans le nombre de mes Confréres ,
Dont les ames droites , finceres ,
Font briller un amour charmant ,
* L'Ordre Social , inftitué à Verdun fur Meufe
en 1724. fous le bon plaifir du Roy , par les
Principaux Officiers du Regiment de Toulouze ,
Infanterie , fous la protection de feüe Madame
la Ducheffe d'Orleans.
1. vol.
D'AuJUIN.
1728 .
1121
D'Auvergne qui m'aime & m'eftime ,
Par un retour trop légitime,
Elt aimé de moi cherement.
Avec quelle rapidité ,
藥
Helas ! s'écoulent les journées !
Comme s'entaffent les années !
On vole à la caducité .
D'une viteffe imperceptible
Le tems , ce deſtructeur terrible ,
Nous traîne après lui fans pitié ;
Mais , cher ami , pourquoi me plaindre
De fes coups je n'ai rien à craindre ,
J'éternife notre amitié.
Quand tous deux dans les mêmes murs ,
Ferons-nous éclater fans ceffe
Le beau feu de notre tendreffe ?
Aprochés doux momens futurs :
Déja mon ame eſt toute émüe
En fongeant que ta chere vüe
Caufera mes heureux tranſports .
Donsféduifans de la fortune ,
I. vol.
Votre
1122 MERCURE DE FRANCE.
Votre valeur eft trop commune
Un ami vaut tous les tréfors .
Quand nous nous verrons chaque jour
Ciel ! quelle douceur infinie !
Sans façon , fans cérémonie
Nous nous marquerons notre amour.
Tems , où j'efpere un bien folide ,
Hâte- toi d'une aîle rapide ,
Vole, viens combler tous mes voeux ;
Je mets en toi mon eſperance :
Répons à mon impatience ,
C'est toi qui dois me rendre heureux.
Par M. l'Affichard , Chevalier- Académicien
de l'Ordre Social.
***************
PARADOXE GEOMETRIQUÉ
Proposé & démontrépar L. P. C.J.
Pluss
Lus on fait d'ufage de fon efprit ,
plus on trouve de raifons de fe défier
de fes propres lumieres. Les chofes mêmes
que nous croyons le mieux entendre ,
font
JUIN. 1728 . 1123
›
font fujettes à mille exceptions què
nous ne fçaurions prévoir , & qui ont
droit de nous déconcerter , lorfqu'elles
fe prefentent à nous pour la premiere
fois. C'eft un Axiome de la Géométrie
vulgaire & de la plus fimple Arithmétis
que , que fi d'une quantité on ôte unè
quantité égale , il ne doit rien refter , fi
de 1o. on ôté 10. le refte eft zero ; fi de
100. on ôte 100. fi de , &c . ou même
fi d'une chofe on ôte toutes fes parties , fi
de 10. on ôte 5. enfuite 3. & puis a . le
refte eft zero. Tout le monde fçait cela ,
tout le monde le trouve évident , & il n'y
a pas de petit Arithméticien de quatre
jours qui croye qu'il puiffe y avoir quelqu'un
dans le monde qui entende cola
mieux que lui . A la verité , rien n'eft plus
fimple que de dire 3. moins 3. fait zero ,
9. moins 9. fait zero. Voici pourtant
deux faits Géometriques , tous deux démontrez
& inconteftables.
*
Si l'on prend tous les nombres fractiomaires
naturels à l'infini , c'est - à- dire ,
ceux dont le numerateur eft l'unité , &
dont les dénominateurs foient tous les
nombres naturels fucceffivement 1. 2. 3.
45. & c. ces fractions en un mot , un
unième , un deuxième , un tiers , un quart
un cinquième , un fixième , &c . il eft démontré
que la fomme des alternatifs pairs
eft
I 24 MERCURE DE FRANCE .
→
>
eft égale à la fomme des alternatifs impairs
, c'est- à-dire , que une moitié , un
quart, un fixieme , un huitième , &c. font
la même fomme que un uniéme
un tiers , un cinquiéme un , &c . Rien
n'eft plus facile,au refte, que la démonf
tration de cela : car fi on divife la fuite
entiere par 2. on aura la fuite des pairs ,
laquelle eft par confequent la moitié de.
toute la fuite , dont les impairs font par
confequent auffi l'autre moitié . Or il n'eft
pas moins démontré que fi de tous les im
pairs on ôte tous les pairs , le refte ne fera
pas Zero , puifqu'au contraire , felon Mer
cator , adopté par tous les plus habiles
Géometres de ce fiecle , cette fuite , 1
moins une moitié, plus un tiers moius un
quart , &c. eft la valeur d'un Quadrilatere
hyperbolique .
Au refte, ce n'eft pas le feul cas où cela
fe trouve ; il y en a des exemples à l'infini :
la Quadrature du Cercle par le celebre
M. Lebnis , eft auffi le refte de deux quantitez
égales ôtées l'une de l'autre. Je puis
même citer des cas où le refte de deux
quantitez égales eft infini , & infiniment
infini à l'infini . Et qu'on ne dife pas qu'il
y a ici du mal entendu & quelque fophif
me ; car non- feulement cela eft ainfi ,
mais j'ajoûte que cela doit être à priori,
comme on dit , & que parconfequent l'A-
$
xiome
JUIN. 1728. 1125
xiome vulgaire , fuivant lequel le refte de
deux quantitez égales , ôtées l'une de l'autre
, elt Zero , n'eft pas exact , ou plutôt
n'eft pas affez géneralement exprimé. Je
donnerai bientôt le dénouement de ce Paradoxe
. En attendant je fouhaite que quel
qu'un me prévienne. Mais il faut être.
Géometre & Géometre infinitaire pour
en trouver l'à priori , qui eft tout fimple
& un Axiome auffi.
శ్రీ శ్రీ శ్రీ
EPITHALAM E.
Sur le Mariage du Duc de Parme , avec
la Princeffe de Modéne.
V Enez , Hymen , doux Hymenée !
Venez Junon dans ces beaux lieux ,
Venez unir la deſtinée
De deux coeurs faits pour êtte heureux.
Les noms & d'Elte & de Farneze ,
Furent toujours cheris des Cieux ;
Il faut aujourd'hui qu'il vous plaife ,
De les éternifer tous deux ,
Par des enfans & des neveux !
*
Finon préfide aux noces & aux accoucher
m.ns.
1. vol.
Que
C
#116 MERCURE DE FRANCE .
Que de Heros de ces deux Races
Ont déja confacré ces noms !
Tous les Princes de leurs maifons
Marchent encore fur leurs traces.
On n'en parle que fur ce ton ,
Dans toute l'heureufe Aufonie ,
Et toute la vafte Iberie ,
En benit le fang & le nom ,
Tout le dit & tout le publie.
C'eft de ce fang que font fortis ,
Ces Epoux fibien affortis ,
Pour qui fument nos Sacrifices :
Venez, Divinités propices ,
Où pourriez- vous unir deux coeurs ,
Sous de plus éclatans aufpices ?
Ou fur des augures meilleurs >
Il ne leur faut ici que votre miniftere ,
Le Ciel leur a donné fes tréfors précieux ,
La nature , à l'envi , le coeur de leurs Ayeux ,
Le nom , fon rang héréditaire ,
La gloire , ce qu'elle a de mieux :
Mais leur bonheur eft votre affaire .
to vol
Les
JUIN. 1728 . 1127
Les Dieux fe font tous épuiſez ,
En faveur de l'un & de l'autre ;
A votre tour autoriſez
Un deftin qui dépend du vôtre.
Il ne s'agit plus que de vous !
C'eft de vous que dépend le bonheur des
Epoux !
Leur fort eft des plus beaux, qu'il foit des plus
durables ;
Qu'ils doivent à l'Hymen , qu'ils doivent à
Junon ,
Autant qu'ils doivent à leur nom !
Et qu'ils s'aiment toujours autant qu'ils font
aimables !
Qu'une longue pofterité
Retrace à la race future ,
Le merite , l'éclat & la felicité ,
Que raffemblent en eux le Ciel & la nature !
L'Epoux avec l'éclat , les titres , les vertus
Qu'il tient de fes Auguftes Peres ,
De l'Aufonie eft le Titus ,
Il réunit en lui leurs plus beaux caracteres.
I.vol. Cij C'eft
1128 MERCURE DE FRANCE.
C'eſt le fils de Veſpaſien ,
Genereux , liberal , prévenant , jufte , affable
Cheri de tous , à tous aimable ;
C'eft Titus, en un mot , il n'y déroge en rien .
C'est ce qu'en dit & qu'en publie ,
L'Europe comme l'Italie ;
Il en a parcouru les Cours & les Climats ,
Au grand bonheur de fes Etats.
Dans le digne objet de ſa flame ,
Que de douceur , de dignité !
On lui voit fur le front , dans les yeux , &
dans l'ame ,
Mille traits de Divinité.
Auffi de fon Augufte * mere ,
A- t- elle les vertus , l'efprit & les appas
Avec fon double caractere ,
Et de Minerve & de Pallas.
Difons tout on le voit , de fon Auguſte
Aycule ,
Elle a la dignité , la conduite & le coeur ,
Soeur de l'Imperatrice de fon nom.
Madame la Ducheffe de Brunfurick.
Į , vol.
Et
JUIN.
1129
1728 .
Et cette reffemblance feule ,
Et pour elle une gloire , & pour tous un
bonheur.
Quelle union ! quelle affemblage !
De quel espoir vous nous flatez !
Junon , Hymen , Amours , c'eft votre pur ou
vrage ,
Tirez - en tous les fruits que vous en promettez
,
Rendez des deux Epoux la memoire immortelle
,
Au gré de leurs defirs , faites que chaque
jour ,
Leur Hymen foit à leur Amour ,
Ce qu'eft à leur nom notre zele.
Inconftantes Divinités ,
Qui fi fouvent vous démentez ,
Eternifez les noeuds d'une union fi belle ;
C'est pour eux & pour nous que nous le demandons
>
Et qu'à la faveur de Lucine ,
Ils tirent de leur origine
Autant de vrais Heros que nous en attendons .
1
1. vol,
C iij
1130 MERCURE DE FRANCE .
Il ne peut rien fortir qui ne brille & ne plaiſe
Du mêlange du fang * d'Hanovre & de Farneze
.
Par M. de M...
*** ***
REPONSE à la queftion propofée dans
le Mercure de Mars , page 517.
V
Ous avez propofé , Meffieurs , dans
votre Mercure du mois de Mars dernier,
page 517.une Question qui n'a point
été répondue. On demande , lequel des
deux donne davantage ? Du fils qui fauve
la vie à fon pere, ou du pere qui la donne à
fon fils ? Cette queftion ne laifle pas d'avoir
fa difficulté ; car, comme il faudroit
une perfonne défintereffée pour la réfoudre,
& que neceflairement tous les hommes
ont une de ces deux qualitez , de pere
ou de fils ; on peut croire qu'il y aura de
la prévention dans le jugement qu'on en
portera. Je vais cependant , toute partialité
à part , tâcher de faire voir
› par les
raifons que j'apporterai , que le pere eft en
effet plus obligé à fon fils qui lui fauve la
vie , que le fils ne l'eft à fon pere qui lui
donne le jour. Prouvons.
* Le fang d'Efe & d'Hanovre eft le même.
& vol.
Tout
JUIN. 1728. 111
Tout le monde convient que le bienfait
n'eſt caracteriſé bienfait qu'autant qu'il
eft exercé avec connoiffance de caufe , fecondé
de l'intention déterminée de rendre
fervice à quelqu'un qui nous eft connus
mais fi au contraire , par un effet du hazard
, vous faites quelque bien à un homme
, fans le connoître ,fans aucun deffein ,
pourrez-vous , de bonne foy , exiger de la
reconnoiffance de cet homme , qui ne
doit remercier que le fort qui lui a procuré
la bonne fortune, & non pas vous qui
n'en avez été la caufe que fortuitement ?
On tirera facilement une confequence de
ceci; un pere entraîné par le plaifir des
fens , par le defir d'avoir un heritier , fatisfaction
particuliere pour lui , donne le
jour à fon fils , mais ce fils ne lui eſt pas
connu ; il ne peut y avoir une volonté de
faire du bien , puifqu'il n'y a point d'objet
réel fur lequel il puiffe tomber ; toute
l'obligation d'un fils fe réduit donc au hazard
, & c'eft lui feul qu'il doit remercier
de fa naiffance . Il n'en eft pas de même du
fils qui fauve la vie à fon pere , il le connoît
, il y a un mouvement décidé de lui
rendre fervice ; c'eft un vrai zele qui le
transporte , une vive amitié qui l'anime ,
& l'amour filial qui le fait agir; enfin , fon
action a tous les caracteres de la généro-
I vol . C iiij
fité
1132 MERCURE DE FRANCE .
fité fondée fur la vertu . Comme on pourroit
croire que j'avance icy un paradoxe
de mon chef , j'ajouterai que tous les anciens
ont eu une vraie veneration pour
les enfans qui s'étoient diftinguez par de
femblables traits.
La premiere vertu que Virgile donne à
fon Heros dans l'Enéide , c'eſt fon amour
pour fon pere qui lui fait hazarder fa vie ,
& négliger fa femme , pour le fauver fur
fes épaules de l'incendie de Troye , & c.
que
Paufanias donne des louanges exceflives
à Androclée & à fes foeurs , filles d'Antipoenus
; comme l'Oracle avoit rapporté
les Thébains furmonteroient les Orchoméniens,
fi quelque perfonne de la plus
illuftre famille fe dévouoit pour la patrie;
ces genereufes filles voyant que tout Thebes
jettoit les yeux fur leur pere, comme
étant de la plus noble race , fe donnerent
la mort pour lui fauver la vie ; ce qui fut
trouvé à beau par Hercule , que ce Héros
leur décerna les honneurs divins dans le
Temple de Diane ; ne pouvant s'imaginer
que celles qui avoient fait une fi belle
action , ne fuffent pas immortelles.
Silins rapporte qu'Amphinomus & Anapius
,freres , Siciliens , furent recommandables
par leur piété , pour avoir au péril de
leurs vies , fauvé leur pere de la Ville de
ti
I vol. Catane
JUIN.
1728. 1133.
Catane , que les flammes du Mont Etna
embrafoient ; ce trait feul a fait paffer
leurs noms à la pofterité.
Non feulement les anciens regardoient
avec admiration une pareille vertu' , mais
même il fuffifoit que l'on fe fut diftingué
par quelque fervice confiderable envers
fes parens , pour s'attirer toute leur eltime.
J'en rapporterai un feul exemple que
le fameux Solon me fournit. Ce fage Légiflateur
connoiffoit bien tout le prix de
la vertu,& une loüange de fa part ne pouvoit
être fufpecte. Lorfque Crefus l'eut
fait venir dans la Cour , & que ce Prince
fuperbe eut commandé qu'on lui montrât
tous fes tréfors, la magnificence de fes appartemens
& de fes meubles ; Créfus lui
demanda , s'il avoit jamais vû d'homme
plus heureux que lui ? Solon répondit que:
oui , &
c'étoit un particulier d'Athenes
nommé Tellus, fort homme de bien , qui
avoit vû fa patrie toûjours floriffante , qui
avoit laissé après lui des enfans generalement
eftimez , & qui après avoir été toute
fa vie à couvert de la neceffité , étoit mort:
en combattant genereufement pour fa patrie.
Crefus piqué de cette réponſe,lui demanda
encore fi après ce Tellus , il avoit
connu un autre homme, dont le bonheur fut
égal au fien ? Solon répondit , qu'il avoit
connu de plus heureux que lui , Cleobis &
que
v vol.. Biton Cy
1134 MERCURE DE FRANCE.
1
·
a
Biton , deux freres qui étoient d'Argos
qui avoient en pour Argie leur mere ,
Pretreffe deJunon , tant d'amour , qu'un
jour de fête , comme elle devoit aller au
Temple , fes Boeufs tardant trop à venir, ils
Se mirent eux -mêmes au joug & trainerent
le Char de leur mere , qui ravie de joje ,
pria Junon d'accorder àfes enfans ce qu'ily
avoit de meilleur pour les hommesla Déeffe
exauga fes prieres ; car après le facrifice
Cléobis & Biton s'étant allé coucher, ils fu
rent trouvez morts le lendemain. Junonfaifant
entendre par-là que le plus grand bien
qui puiffe arriver aux hommes en cette vies
c'est d'en fortir. Ils terminerent ainfi leur
carriere par une mort douce & tranquille ,
au milieu d'une gloire immortelle . C'eſt ainfi
que Solon préferoit la vertu de ces deux
freres , à tout l'éclat brillant du plus magnifique
Roy du monde . En effet, les plus
grandes actions des plus illuftres Capitaines,
comme l'a remarqué un Sçavant(a)
de notre fiecle , n'ont pas été plus vantées
que cette action de pieté. Ceux d'Argos
pour honorer leur memoire , confacrerent
leurs Statues dans le Temple de Delphes
.
Le même Solon (b)comptoit pour fi peu
le jour que le pere donne à fon fils , quand
( a ) M. Dacier.
(b ) Plutarque , dans la vie de Solon.
I vol.
une
JUÍN
. 1728. 1135
une éducation convenable ne fuivoit pas
la naiffance, qu'il difpenfoit par fes loix le
fils de nourrir fon pere , s'il ne lui avoit
pas fait apprendre quelque mêtier. Les
enfans nez d'une ( c ) Courtilane en étoient
de même difpenfez ; mais il vouloit auffi
qu'on regardat comme infame celui qui
ayant été bien élevé par fes parens , refuferoit
de les nourrir . Ce grand homme
faifant confifter toute l'obligation d'un
fils , dans la feule éducation que fon pere
lui donnoit , & regardant la naiffance
comme rien .
Finiffons par un exemple où il paroît
que le ciel même aide par des prodiges les
enfans qui fe portent à des actions genereufes
. Perfonne n'ignore ce qui arriva à
Athis , fils de Crélus , dont je viens de
parler . Ce jeune Prince qui étoit muet de
naiffance , voyant un Soldat du Roy Cy
sus,le bras levé pour tuer fon pere,fit un fi
grand effort, pour l'avertir du danger qui
le menaçoit , qu'il rompit les filets qui
empêchoient fa langue d'agir , prononçant
à haute voix ces mots : Mon pere,prenezgarde
à vous ; on voit par tout ce que j'ai
rapporté que les anciens regardoient une
pareille action bien au deffus du commun
, & comme le plus bel effet de la
vertu la plus fublime ; convenons done
(c ) Diogene Laërce .
I. vol.
Cvj
avec
1136 MERCURE DE FRANCE .
avec eux , que le fils donne davantage
fon pere , en lui fauvant la vie , que le pere
en la donnant à fon fils fi c'est une fi belle
vertu de fe montrer religieux envers les
parens , les enfans en font d'autant plus
obligez , de ne fe point écarter du profond
refpect qu'ils doivent à leur pere , puifqu'ils
voyent le cas infini qu'on a toûjours
fait de cette forte de pieté , & que c'eft le
plus beau & le plus sûr moyen de fe faire
generalement eftimer . Je fuis Meffieurs ,
& c.
T. D. L. C.
SONNET.
BOUTS - RIMEZ remplis fur la
Converfion du Pecheur.
Seigneur , c'eft par un coup de ta grace
Puiffante ,
Victorieux
Qu'ur pecheur de Satan fe voit
Qu'il foule aux pieds un monde inconftant
Odieux ,
Sans que de fon poifon fon ame fe Reffente,
3
Pour goûter les douceurs d'une paix Innocente,
Il cherche la retraite , & s'arrache à ces
lieux ,
Is vol.
Ou
JUIN. 1137 1723 .
Où la fortune & l'or placés au rang des Dieux,
Renverferoient bien- tôt une vertu Naissante,
Au jeûne , à l'oraiſon , fans ceffe il a Recours,
Pour vaincre , il a beſoin de ce divin Secours,
Lorfque fes fens lui font nne guerre Charnelle,
Pour fes crimes paffés pénétré de Douleur,
Ce Pénitent fait voir la livide Couleur
Qu'un cilice répand fur fa chair Criminelle.
XX:XXXXXXXXXXX : XX
LE
FESTE donnée à Paris.
E Chevalier Couvay , Portugais , Conful
general de fa Nation , ayant été
chargé par la Cour de Portugal de donner
une Fête publique au fujet du double mariage
des Infants & des Infantes d'Efpagne
& de Portugal , prit toutes les mefures
néceffaires pour l'éxecution des ordres
qu'il avoit reçus , & pour donner en
même-tems des marques éclatantes de
fon zele ardent & de fon profond respect.
pour la Perfonne Sacrée de S. M. Portuguaife
, & pour fon augufte Famille . Il
I... voľ
s’elk
1138 MERCURE DE FRANCE .
s'eft attaché en tout à foutenir la dignité
de fa Commiffion .
Toutes les differentes parties qui entroient
dans la compofition du deffein que
le Chevalier Couvay s'étoit propolé , le
trouvant dans l'état de perfection que
l'on pouvoit defirer , autant par la capacité
& la vigilance , que par le grand nombre
des perfonnes employées , fous la direction
du fieur Teftart , fi diftingué par
fes talens dans l'Académie de Peinture de
Paris . L'invitation fut faite à tous les Am .
baffadeurs & Miniftres des Cours Etrangeres
qui devoient affifter à cette Célébration
, & le jour fut pris pour le 18. da
mois d'Avril. On ne travailla que la nuit
du Samedi au Dimanche pour la décoration
exterieure . Prefque toute la façade
de l'Hôtel de Vic , où le Chevalier Couvay
fait fa demeure , fe trouva dès la
pointe du jour occupée de cette décoration
, & préfenta aux yeux du peuple un
fpectacle qui lui parut fubit.
La face de l'Edifice ou du Temple , étoit
d'un marbre blanc feint , de 42 pieds de
large fur so de hauteur ; le plan s'avançoit
en forme circulaire , & préfentoit
deux avant corps que couronnoit un
Entablement d'Ordre Corinthien , orné
d'une fufe de Lapis , & de toures les moulures
qui fervoient à l'enrichir. Il étoit
-
1
1. vol.
porté
JUIN 1718. 1139
porté par fix colomnes de la même matiere
, dont 4. fervoient à former la faillie
des avants-corps . Dans les entre- deux de
ces colomnes étoient plaets deux Médaillons
de chaque côté ; ils étoient ornés
de feftons d'or moulu , aufli - bien que les
Chapiteaux & les Bafes des colemnes.
Dans les premiers Médaillons étoient
deux Emblêmes. Dans l'un , l'Amour tenoit
fon Arc d'une main , & de l'autre
quatre fléches ; il avoit fon Carquois fur
l'épaule , & voloit audeffus des deux Hemifpheres
, dont , l'un reprefentoit par
fes traits géographiques le contour des
Etats , que le Roy d'Efpagne & le Roi de
Portugal poffedent en Europe ; & l'autre,
ceux qu'ils poffedent dans le nouveau
monde , & pour ame ces mots :
Notus niroquefub axe.
Dans l'autre Médaillon , l'Hymen tenoit
dans chaque main une torche allumée
, & voloit à la rencontre de l'Amour
, audeffus de deux femblables Hemifpheres
, avec ces mots :
Unus nonfufficit Orbis.
Dans les deux autres Médaillons étoient
les Devifes fuivantes. Des Rameaux d'O
livier , des Branches de Myrthe & de
Laurier , raffemblés comme pour en faire
1. vol.
des
140 MERCURE DE FRANCE.
des Couronnes , dont quelques - unes pa
roiffoient déja commencées .
Quot apta Coronis.
Un Bouquet magnifique de Rofes &
de Lys . }
Novus ex nexu Decor.
Les deux autres Colomnes qui étoient
auffi de Lapis , mais plus éloignées que
les premieres , fervoient à porter l'Entablement
du milieu qui lailloit une place
à la Renommée,d'où elle prenoit fon vol
pour apprendre aux deux Mondes la nouvelle
de ces Alliances Souveraines . Sur la
Banderolle de la Trompette qu'elle tenoit
dans la main gauche , étoit écrit :
Vires acquirit eundo.
Ce mot a fon allufion à l'accroiffement
de la puiffance du Portugal.
Les arriere- corps étoient formés par deux
Confoles , qui portoir at fur le même focle
de l'Ordre Corinthien ; elles étoient
Couronnées par une corniche dont les
moulures participoient de l'Entablement,
& ces mêmes Confoles portoient fur leur
corniches deux vafes , dont la forme
étoit finguliere , & la matiere précieufe.
Les Obelifques qui couronnoient l'Edifice
, foutenus fur deux piedeftaux 2
dont
JUIN. 1728.
1141
dont le plan par un contour oppofé à celui
des avants corps paroiffoit le retirer en
demi cercle comme pour aller rejoindre
le corps du Bâtiment , étoient de 2 o . pieds
de haut , & terminés par deux Caffolettes
d'or moulu . Des Génies pareillement d'or
moulu , placez fur la faillie des piedeftaux
, de chacun des Obelifques , portoient
des Ecuffons où étoient les Armes
d'Efpagne & de Portugal . Autour des
Obelifques on avoit peint des fleurs qui
paffoient en feftons fur le devant des piedsd'Eftaux
, & tomboient enfuite de chaque
côté jufques fur l'Entablement.
Le milieu de cet Edifice étoit occupé
par la Statuë de Minerve , qui d'un côté
préfentoit la main à l'Amour & de l'autre
à l'Hymen . L'Amour portoit dans celle
de fes mains qui étoit libre , un Ecuffon
chargé de deux Portraits accollez des
deux Infants d'Efpagne & de Portugal ,
& l'Hymen portoit pareillement ceux des
deux Infants .
Aux deux extremités étoient la Statuë
de Neptune & celle de Cybele. Tout cela
eft relatif à une double alliance de deux
Royaumes puiffans , l'un par l'étendue
de fes Domaines , & l'autre par la navigation.
Le grand nombre d'illuminations ,
tant celles qui la nuit fuivante éclairoient
toute la façade de l'Hôtel , que celles qui
1. vol.
étoient
1142 MERCURE DE FRANCE.
étoient placées dans les maifons oppofées,
faifoient fortir toutes les figures de la décoration
, & les animoient de telle forte ,
que toutes les Divinitez fembloient en
mouvement pour la célébration de ces
Mariages. Les croifées du dedans de la
cour , qui a environ 24. toifes en quarré ,
étoient également'illuminées.
Toutes les perfonnes de l'un & de l'autre
fexe qui étoient invitées , fe rendirent
à l'Hôtel de Vic , vers l'heure de midy.
Quoique la Cour fut en deuil , l'Affemblée
le quitta ce jour- là . Les Dames qui
avoient été invitées par Madame Couvay,
& qui étoient au nombre de 25. ou 30 ,
n'avoient rien oublié pour donner à la
Fête tout l'éclat que le fexe feul peut
lui donner , lorfqu'une parure également
brillante & entendue , en releve les graces
& la beauté. Les Miniftres s'y montrerent
dans toute la magnificence que
demandoit la dignité de leur reprefentation
. On croit devoir pour l'honneur de
cette journée en mettre ici les noms.
M. M. Mafcei , Nonce du Pape.
Le Baron de Benterrieder , Plénipotentiaire
de l'Empereur.
Le Marquis de Santa Cruz , Plénipotentiaire
d'Espagne .
Le Marquis de Berraneçca , auffi Plénipotentiaire
d'Efpagne.
1. vol.
De
JUIN. 1728. 1143
De Walpoole , Ambaffadeur d'Angleterre.
Le Comte Maffei , Ambaffadeur du Roy
de Sardaigne.
Canali , Ambaffadeur de Venife.
Van- Hoey , Ambaffadeur d'Hollande .
De Ghedda , Envoyé Extraordinaire de
Suede.
Le Comte d'Efteinville , Envoyé Extraordinaire
de Loraine .
Le Comte de San Severino d'Ar ig
Envoyé Extraordinaire de Parme .
Le Prince Kourakin , Miniftre Plénipotentiaire
du Czar.
De Grevembroch , chargé des Affaires de
l'Electeur Palatin.
L'Abbé Franquini , chargé des Affaires
du Grand - Duc de Tofcane.
Le Marquis de Rangoni , Envoyé de Modene
.
Le Chevalier Borio , chargé des Affaires
du Duc de Guaftalla.
Sorba , Envoyé de Genes .
Laffientz , chargé des Affaires du Roi de
Dannemarck.
L'Abbé Rota , Auditeur de la Nonciature.
M. le Baron de Fonfeca , chargé des
Affaires de l'Empereur , & M. le Chambrier
, chargé de celles duRoi de Pruffe
envoyerent s'excufer pour caufe de maladie,
& M. le Bailly de Mefme , Ambaffadeur
de Malthe , ne put s'y rendre non
plus ,, ayant appris le même jour la mort
1144 MERCURE DE FRANCE .
du Marquis de Fontenille , fon beá
frere .
Leurs Excellences , en fortant du Salon
où elles s'étoient affemblées pour fe
rendre dans le lieu où le dîner étoit fervi
, pafferent dans l'appartement de
Madame Couvay qui fe trouva ouvert , &
ayant veu l'Affemblée de toutes les Dames
, fe plaignirent avec beaucoup de
politeffe de la cérémonie qui les féparoit
d'une compagnie fi gracieufe.
li
Lorfque la Table fut fervie , on en donna
le fignal par une décharge de plus de
so . Boëtes , placées dans le Jardin .
Dans une profufion fomptueule de toutes
efpeces de mets dont on avoit fait venir
partie deplufieurs Provinces voisines ,
& de quelques unes éloignées , on admira
particulierement la délicateffe & la propreté
, & fur tout l'ordonnance & la legereté
du fervice . Le fieur de la Barre ,
qui a conduit les Tables , eft ce célébre
Maître-d'Hôtel qui avoit été mandé d'Angleterre
pour le repas du Couronnement
du feu Roi Georges . Il crut que dans une
Fête où étoient invités tous les Miniftres
des Cours Etrangeres , il y avoit de la galanterie
à y expofer des mets de toutes les
Nations ; c'eft ce qu'il fit fans qu'il y eut
à cela une affectation trop marquée & par
forme d'hommage à leur goût particulier.
La Table fut fervie en gras & en maigre ,
JUIN. 1145 1728 .
!
& il étoit difficile de décider dans lequel
des deux le Service étoit plus magnifique ,
& la chere plus délicate. Il y avoit 24.
Suiffes pour porter les plats , & 15. Valets
de Chambre pour fervir à Table .
La décharge des Bottes dans le Jardin
fut réiterée lorsqu'on but aux doubles
Mariages .
Une feconde Table de 30. couverts
pour les Dames & pour quelques Amis
particuliers , dont Madame Couvay faifot
les honneurs , fut fervie en mêmetems
& dans le même ordre que celle des
Ambaffadeurs .
On fortit de Table fur les cinq heures
, & toute la Compagnie fe raffembla
dans un Salon où parmi tous les ornemens
dont il étoit fufceptible , étoit placé
le Portrait de Sa Majesté Portugaile . Le
Sujet de la Décoration qui occupoit la
porte de l'Hôtel avoit donné lieu à un
Epithalame au fujet du double Mariage ,
& où regnoient les Myfteres de la même
Allegoric. Ce divertiffement fut mis en
Mulique par un des plus habiles Compofiteurs
* , & executé par les plus belles voix
& les meilleurs Simphoniftes. La De le
Maure , qui reprefentoit Minerve , y foutint
par la beauté de fa voix toute la difunction
qu'elle s'eft acquife.
* Lefieur de Villeneufve
1. vol.
Voici
1146 MERCURE DE FRANCE .
Voici les paroles de l'Epithalame , elle
font de M. l'Abbé Nadal , fort connu pa
les Tragédies qu'il a données au Public
& cy- devant Secretaire de l'Ambaffadd
Extraordinaire à la Cour d'Angleterre de
feu M. le Duc Daumont .
Le lieu de la Scene reprefente un Temple
que l'on vient d'élever fur les confins
de l'Efpagne & de Portugal pour la célébration
des Mariages . Minerve , que les
deftins ont chargée de cette double union ,
préfide à la Cérémonie , & le Dialogue
eft entre cette Divinité & l'Hymen , PAmour
, les Graces , les Vertus , une troupe
de Jeux , d'Amours & de Génies.
Minerve.
Hymen , Amour , allumez vos flambleaux ;
C'eft Minerve qui vous l'ordonne :
Pour former les noeuds les plus beaux ,
Acquittés -vous des foins que je vous donne.
1
Hymen , Amour , & c .
L'Hymen .
C'eſt à Minerve à diſpoſer de moi :
Elle eft des Dieux la fageffe profonde.
L'Amour.
Je veux bien, comme vous , en recevoir la loy.
Moy qui la donne à tout le monde.
I. vol.
L'HyJUIN
1728. 1147
L'Hymen & l'Amour enfimbl .
C'eſt à Minerve à difpofer , & c.
Je veux bien, comme vous , &c.
Minerve , l'Amour, l'Hymen.
Que des Deftins l'ordre enfin s'accompliffe
,
Pour le bonheur de cent Peuples divers.
Que le fang des Bourbons , aux Bragances s'unille
,
Des fruits d'un double Hymen , qu'un fi beau
Sang rempliffe ,
Tous les Trônes de l'Univers,
Le Choeur.
Que des Deftins , & c.
L'Amour,
Jeux, Amours , volez fur mes traces
Pour unir de tendres Epoux .
Et pour en rendre encor le fpectacle plus
doux ,
Montrez- vous au milieu des Vertus & des
Graces.
L'Hymen.
En faveur des divins attraits ,
Dont le Ciel partagea deux Auguftes Mortelles
,
I vol
Amour
,
1148 MERCURE DE FRANCE.
Amour , change avec moi tes flammes & ter
traits ,
Et que des coeurs comblés des biens les plus
parfaits ,
N'en foient encor que plus fideles.
Pour les unir de mille noeuds fecrets ,
Et qu'ils brulent d'ardeurs qui foient toujours
nouvelles ,
Amour , change avec moi tes flammes & tes
traits .
Un Génie , en parlant de l'Infant d'Efpagne
& de l'Infante de Portugal.
O Sageffe éternelle , adorable Minerve ,
C'eſt à toi que le Ciel réſerve
D'unir ces deux Amans à tes pieds abatus . "
Dans cette Fête illuftre , & que toi feul or
donne ,
L'Hymen offre mille vertus ,
Et l'Amour autant de Couronnes.
Une Grace à l'Infant de Portugal .
Minerve à votre fort préfide ;
Elle raffemble ici fa Cour ,
A l'Autel où l'Hymen vous guide ,
Hebé , l'aimable Hebé , vous attend en ce
jour.
Ι . υο!. HâtésJUIN.
1149 1728 .
Hâtés-vous , volez ,jeune Alcide ,
Sur les aîles de l'Amour ,
Dans un choix où le Ciel décide ,
La gloire & la beauté vous flatent tour à
tour.
Hatés-vous , volés ,jeune Alcide.
Sur les aîles de l'Amour.
Un fecond Génie , à l'Infant de Portugal.
Quelle gloire vous environne !
Prince , vous êtes né pour porter la Couronne
,
Déja , vers vous les coeurs volent de tous
côtés.
En portant vos regards du Couchant à l'Aurore
,
De quel vafte pouvoir ne font- ils point flattés
?
Digne fils d'un Heros que l'Univers adore ,
Par les mains de l'Amour , l'Hymen vous lie
encore
A ces grands Rois dont vous fortés.
Minerve.
Fiers Aquilons , fuyés dans vos grottes profondes
;
Qu'un Ciel plus pur éclaire ce féjour ,
Et pour refpecter ce grand jour ,
I. vol. D Fai
1150 MERCURE DE FRANCE .
Faites taire le bruit des Ondes .
Et toi , Soleil , fufpends le cours de ton flambeau
;
Témoin pour quelque tems d'un ſpectacle fi
beau ,
Cours l'annoncer dans les deux Mondes.
L'Hymen , l'Amour.
Vous , Souverain des Mers , vous , puiſſante
Cybele ,
Soyés les feurs garants d'une union fi belle.
De tant de Rois victorieux ,
Protegés le Sang glorieux .
Minerve.
Que le deftin jamais n'en tariffe la fource ,
Qu'il triomphe toujours , qu'il regne en ces
Climats ;
Autant que le Soleil ,qui jamais dans fa courfe
Ne difparoît de leurs Etats,
Quel deftin , &c,
Le Chaur
Le Concert étant fini fur les neuf heures
, la plupart des Miniftres Etrangers
fe retirerent pour fonger à leur déguifement
, & chacun d'eux revit à la tête
d'une Mafcarade brillante,
I. vol,
L'illuJUIN
. 1
1728.
L'illumination du Jardin venoit d'être
annoncée par une grande quantité de Fufées
volantes qui en partoient de tous côtez
, & qui ne difcontinuerent point pendant
long- tems .
A
A dix heures du foir , on fervit un ambigu
pour les Dames fur une Table de 30.
Couverts ; les Cavaliers en grand nome
bre mangeoient debout .
Une Fête fi brillante fut terminée
par
un Bal qui commença à minuit ; il y eut
un concours de plus de 2000. perfonnes
qui n'entrerent que par Billets , à l'exception
de M rs les Ducs de Villeroy &..
de Gêvres , qui entrerent fur des cachets
de leurs Armes.
Le Prince Kourakin ouvrit le Bal avec
Madame Couvay , il y avoit fix Piéces &
deux Galleries éclairées, & difpofées pour
recevoir les Mafques. On danfoit dans
les deux principaux Salons . Dans une
des Chambres étoit dreffé un Buffet par
Gradins , garni de toutes fortes de fruits, de
Confitures féches , de Biſcuits & de toutes
fortes de vins & de liqueurs. Des Valets
de Chambre portoient continuellement
dans les Salles, des Corbeilles remplies
de ces mêmes fruits & confitures
des Soucoupes, & des Caraffes de liqueurs
fraîches , des glaces , &c. On fervit du
1
I. vol.
Dij Caffé
1152 MERCURE DE FRANCE.
Caffé & du Chocolat à tous ceux qui en
demanderent.
Quelques Princeffes du Sang s'étant dé
malquées , M. Couvay fit porter aux lieux
où elles fe repofoient toutes fortes de rafraîchiffemens
par fix Valets de Chambre,
eſcortés par deux Suiffes .
Au fond du Jardin de l'Hôtel de Vic , eft
an treillage qui reprefente un Edifice d'Ordre
Dorique , cintré en fon plan entre deux
Pavillons. ils font ornés de lilaftres grouppés
,couronnés de leurs Entablemens , avec
des vafes au-deffus , & d'un fronton circulaire
, avec une Coupole qui les termine.
Un grand Cintre entre les deux Pavillons
eft pareillement orné de Pilaftres , couronnés
de leurs Entablemens , avec des vafes
au- deffus . Dans toute l'étendue de
cet Edifice , entre les Pilaftres , fous
l'Entablement , régnoient des Feftons &
Guirlandes à fleurs , & audeffous des vafes
d'Orangers . Tout ce Treillage étoit
éclairé & formoit la façade d'un Palais
brillant dans un ordre d'Architecture
dont toutes les parties diftinctes étoient
lumineufes . Dans le milieu étoit un Fronton
circulaire , où la figure de l'air , poſée
fur un pied d'Eftal, repréſentoit une Divipité
portée fur des flammes .
Le Pattere divifé en fix allées , formoit
I, vol.
une
JUIN. 1728.
tine étoille dans le milieu , d'où s'élevoit
une Piramide illuminée . On avoit placé
de la Symphonie dans plufieurs endroits
du Jardin , qui parut alors un Sallon brillant
; & en même- temps un débouchement
pour les Mafques ; ce qui ôta toute
la confufion du Bal , & n'y laiffa de mouvement
que ce qu'il en falloit pour former
un beau defordre.
Les avenues de l'Hôtel étoient gardées
par deux Efcoüades du Guet à Cheval &
d'une à pied ; la porte & le dedans par
douze Suiffes .
On avoit eu la précaution, en cas d'accident
, de faire venir une Pompe de la
Ville , avec 14 hommes pour la faire
jouer. Il femble que tout contribuoit au
fuccès de la Fête , & deux Fontaines de
vin y coulerent dès les neuf heures du foir
pour le peuple, qui donna beaucoup d'applaudiffemens
à celui qui foûtenoit l'honneur
de fa nation avec autant d'éclat que
d'intelligence.
XXXXXXXXXXXXXXX
REFLEXIONS morales fur mon âge de
quatre- vingt-fept ans .
PAr grace de la Providence
Mon dix -huitiéme luftre enfin eft arrivé ,
I. vol.
Dij Ce
1154 MERCURE DE FRANCE .
Ce fera le dernier felon toute apparence;
Mais j'ignore un fecret que Dieu s'eft reſerve
A quoi bon défirer une trop longue vie ?
Celle qui dure moins, eft plus à ſouhaiter
Lorfque dans peu de temps elle nous eft ravie,
On a moins de peine à compter.
Je me trouve à la fin d'une longue carriere
Il ne m'en refte plus qu'un trifte fouvenir :
Je vais n'être plus que pouffiere ,
Et je crains pour mon ame un terrible avenir.
Je n'avois qu'une feule affaire
Je n'ai montré pour elle aucun foin empreffé
J'en ai fait plus de mille , & la plus neceffaire
Eft celle où j'ay le moins penfé.
J'ai vû pendant le cours de mes longues
années ,
Papes, Rois , Empereurs , ce qu'on voit de
plus grand ,
Suivre la Loy des Deſtinées ;
Un jour ſeul a détruit cet éclat apparent.
I vol.
Il
JUIN. 1728. iiss
Il n'eft point de gloire complete ;
A quoi fert devant Dieu la nobleſſe du fang ?
Par un juíte decret le Sceptre & la Houlette
Seront placez au même rang,
Naître , vivre & mourir partagent notre vies
Pour fe fauver , il faut fouffrir ;
Mais par une indolence à nos fens affervie ,
On ne fçait vivre ni mourir.
Le monde nous féduit & la vie eft un fonge :
L'homme fans y penfer , croyant vivre s'endort
;
Le tempsfans faire bruit nous détruit & nous
ronge ;
Et l'on fe reveille à la mort.
Dans ce corps miferable , où l'ame eft con
fonduë ,
Celle-ci pour agir fouffre mille accidens ,
Et c'eſt un don du ciel quand l'autre continue
Dans l'égalité de ſes ſens.
On eft quelques inftans dans ce monde vifible
:
A vel. On D` iiij
1156 MERCURE DE FRANCE.
On abuſe du temps , tréfor fi regretté ;
L'incrédule pecheur doute qu'il feit poffible
Qu'il le mene à l'éternité.
Mais qu'eft -ce ,à dire vrai , que la terre où
nous fommes ?
Un atome dans l'air , quoique pefant & lourd,
Gouverné par de foibles hommes
Qui paffent chacun à leur tour.
Meditant dans ma folitude ,
Où j'ai tout le loifir de penſer à la mort ,
Je fais de mon tombeau ma principale étude,
Et me crois à toute heure arrivé ſur le bord.
Puis- je avoir merité le prix & la couronne,
Si je n'ai pas dompté tous mes fens révoltez?
Faudra - t- il plus long - temps que mon efprit
raiſonne ,
Lorfque Dieu tonne à mes côtez ?
Repaffant par l'efprit ma jeuneſſe égarée ,
Je n'y trouve qu'erreurs , que coupables defirs
Une ſcience vaine & toûjours préparée
A juftifier mes plaifirs.
I. vel..
La
| JUIN. 1157 1728.
La vieilleffe eft un mal, mais chacun le défire,
Et quand on y parvient , on déplore fon fort ;
Borné , foible , chagrin , on gemit , on fou
pire ,
Sur les approches de la mort.
L'ame en paroît toute troublée ,
Et le corps , de la terre inutile fardeau ,
Cette maffle de chair par les ans accablée
Ne demande que le tombeau.
J'ai vu l'impiété , l'orgueil & l'avarice
Dominer à leur gré , fur les triftes Mortels ,
Mettre en dérifion les loix & la juftice ,
Le Sanctuaire & les Autels ..
J'ay vû par les mondains la fortune adorée”,,
Tenir l'honneur captiffous fes pieds abbatu
Et d'un fuberbe éclat la licence entourée ,
Prendre le pas fur la vertu
1 :
J'ai vû d'un Roy puiffant l'affreuſe deſtinée , ›
Condamné par raifon d'Etat ,
D. vol. D. Y
1158 MERCURE DE FRANCE.
Il laiffe à l'Echaffaut fa Tête couronnée ,
Et l'exemple inoüi d'un horrible attentat.
J'ai vû contre nos Rois l'Europe conjurée ,
Des ennemis liguez l'effroyable union ;
Seulement pour fixer la trop longue durée
Des fuccès de la Nation .
J'ai vu pour cet effet dans les plaines Belgiques
Les efforts . ramaffez de cent peuples divers ,
Qui fembloient par l'horreur des batailles tra
giques
Vouloir dépeupler l'Univers.
Enfin,j'ai vu chez nous, prefque fous la Cou
ronne ,
L'impitoyable mort , mettre la France en ducit
Sa redoutable Faulx qui n'épargne perſonne ,
Mit Pere, Mere & Fils dans un même cercueil
Des dogmes de la foy l'unité diviſée ,
Docteurs contre Docteurs , le Schifme répandu
;
Une Eglife à l'autre oppofée ,
Et tous s'entr'accufans d'un fens mal entendu. I vol.
Un
JUIN. 1723 1159
Un hommejufte , égal , humble , fincere &
fage
Eft ce que j'aurai vû de plus rare icy bas :
Mais quoi ! d'avoir tant vû quel fera l'avantage
,
Seigneur , fi je ne vous voi pas ?
Il eſt une ſcience où parviennent à peine
Les fuperbes efprits qui penfent tout fçavoir:
Il faut pour les fauver que la Croix leur ap
prenne
Ce qu'ils ne peuvent concevoir.
Notre unique leçon doit être l'Evangile ,
C'eſt la feule Religion ,
Quidu Ciel à qui veut rend le chemin facile,
Et qui fçait relever notre condition.
Lejufte chaquejour juge fa confcience ;
S'il tombe , il veut fe relever ; >
Le hardi libertin , même fans qu'il y penfe
Court d'abîme en abîme & ne peut fe fauver.
Une grace d'enhaut fans ceffe me convie
A penfer au grand jour qui doit regler mon
7
fort ,
1vol. D vj
Yr60 MERCURE DE FRANCE
Il en eft temps, enfin, chaque inſtant de ma vie
Peut être celui de ma mort,
Pour bien finir fon cours, & ne pas s'y m'éprendre
Il faut que l'on renonce à des foins fuperflus ;-
Le grand Juge fouvent , laffé de nous atten»
dre ,
Se retire & n'écoute plus.
Ignorant où je vais , une fombre triſteſſe :
Vient m'arracher quelques foupirs ;.
Mais je vois , obfedé d'une lâche foibleffe ,
Que mon coeur fe confume en ftériles défirs ..
Je puis pour quelque temps devenir moins
coupable ,
Former de faints projets , croire , aimer , ef
perer . +
Craindre le Juge formidable ;
Mais pourrai - je , fans vous , Seigneur , perfe
verer.
En l'état où je fuis , malgré moi , folitaire
Exemple infortuné des ravages du temps ,
I vol
Gemiffant
JUIN.
FI6H 1728.
Gemiffant fous le poids d'une trifte mifere
Je crains cette mort que j'attens.
Je vous offre , mon Dieu , mes dernieres
années ;
Ne me puniffez pas d'avoir trop attendu ;
Vos bontez font- elles bornées ?
Mes larmes , ma douleur , tout fera- t - il perdu
Si c'eft votre mifericorde ,
Seigneur , qui prolonge mes ansa
Que ce délai qu'elle m'accorde ,
Ne ferve pas du moins à pecher plus long
temps.
Que plutôt dès demain , mon ame agoniafante
,
Puiffe par les fecours de la Vierge & dess
Saints ,
Purifiée & triomphante ,
Etre remise entre vos mains.
G. G. D. M..
A Frefville , 1728 .
Ufque in fenectam & fenium , Deus , ne derslinquas
me . Pfal . 70.
I. vol.
OBSER
#162 MERCURE DE FRANCE :
OBSERVATIONS fur la compofition
du Chant Ecclefiaftique de plufieurs
nouveaux Breviaires.
N
1
Ous ne fommes plus dans ces fiecles
où l'on aimoit à rimailler dans les
Offices divins. Les Antiennes & les Répons
étoient compofez de rimes ou de
vers, & fouvent de l'un & de l'autre enfemble.
Qu'il étoit facile dans ces moyens
fiecles de compoſer du chant ! La cefure
desVers où l'endroit de la Rime dictoient
au compofiteur les paufes & les caden
ces. A prefent qu'on tire tout de l'Ecriture
Sainte , & des endroits les plus beaux
de ces Livres Sacrez , c'eft un travail au
deffus de bien des gens ; Péloquence &
l'énergie de la parole de Dieu demandent
une attention extraordinaire , dont plufieurs,
ou ne fe foucient pas ou ne croyent
pas qu'on doive s'embaraffer. Les Épîtres
de S. Paul ont des textes longs , fouvent
peu coupez , chargez de plufieurs
penſées nobles, élevées , éloquentes, énergiques.
L'Evangile & les autres Livres
hiftoriques font pleins d'expreffions tendres
, pathetiques ; ils contiennent des
Dialogues, & fouvent dans ces Dialogues
I vol
font
JUIN 17288
1.168.
font rapportées les paroles d'un troifiéme
interlocuteur. Les Prophetes font remplis
de menaces , de termes d'empire &
d'autorité de la part de Dieu . L'antithefe
regne dans les Livres Sapientiaux ; c'eſt
une perpetuelle oppofition du bien au mal..
Si l'on puife dans tous ces Saints Livres
de quoi éclairer l'efprit & échauffer le
coeur dans la celebration de l'Office Divin
c'eft une confequence neceffaire
que la matiere eft digne de toute l'attention
des compofiteurs de chant , & qu'ils.
y trouveront dequoi s'exercer folidement..
Mais on me permettra de dire que ce n'eſt
pas toujours dans les pieces de Chant des
premiers temps qu'ils trouveront des modeles
propres à être adaptez entierement
fut ces nouveaux textes . Entreprendre de
le faire ordinairement , c'eft comme fil'on
vouloit ajufter fur le corps d'un Géant les
habits d'un Nain ou d'un homme de taille
commune. Il faut le plus fouvent compofer
tout à neuf, & ne prendre des anciens
que ce que l'énergie ou le brillant du texte
fait naître à l'inftant de la compofition
dans l'efprit de celui qui eft rempli de
leurs heureufes rencontres .
A la bonne- heure fi quelques pieces
anciennes peuvent convenir entierement
fur de nouvelles paroles ; mais il eft rare
qu'elles y faffent fi bien , ou qu'on puiffe
I vol. faire
1164 MERCURE DE FRANCE.
faire avouer d'abord qu'elles y convien
nent , quoique ce fut la verité. On demande
fi dans cette neceffité de compoſer
à neuf des Antiennes & Répons , comme
on en a compofé un grand nombre à Paris
, dans le temps du Breviaire de M. de
Harlay. S'il eft libre dans le chant de faire
monter & defcendre ,comme on veut & au
hazard. Je dis à cela qu'il faut fuivre certaines
regles , qui font fondées fur le bon
fens , & qu'on voit pratiquées dans les
pieces veritablement primitives & non alterées.
Il faut élever ou baiffer la voix
fuivant la nature des Periodes & des parties
qui les compofent . Il faut ménager
les progrès à la tierce , à la quarte , à la
quinte, &c. fuivant que les termes du difcours
l'exigent. Mais ce ne font - là que
des preceptes generaux . Il faut en faire
l'application . Je dis donc que l'attention
au texte eft ce qui doit faire éclore le
chant , mais je parle d'une attention bien
prefente , une attention actuelle & bien
vive; & non pas de ces attentions qui ne
font qu'effleurer le fujet. Je ne dis pas
qu'elle s'attache feulement à la quantité
des fyllabes , ni à mefurer par Pufage de
la prononciation leur longueur & leur
briéveté , ne changeant une fyllabe brevet
de plufieurs notes que lorfque l'allongement
du mot lui fait perdre de fa briéve
·
1 vol.
té;
JUIN . 1728. 1165
té ; c'eft ce que l'on fuppofe ; & l'on veut
bien croire auffi qu'on ne fera pas affez
abftrait pour couper un mot en deux. Il
s'agit d'une attention férieufe aux regles
des Grammairiens , aux regles des Orateurs
, & de plus encore , s'il le faut , aux
regles de la Logique , autant qu'elles peuvent
influer dans la diftinction & féparation
des parties du difcours.
Je pole pour principes que la principale
piece des phrafes ordinaires font les
Verbes,fur tout les Verbes actifs . Ils font
l'ame du difcours & du raifonnement ; ils
font la liaifon des autres parties de l'édi
fice ; & dès-là ils font ordinairement les
mots les plus fufceptibles d'expreffion
dans le chant. Après quoi viennent certains
Adverbes expreffifs,& certains noms
Adjectifs. Pour ce qui eft des noms Subftantifs
, comme ils font plus fimples , ils
n'exigent pas ordinairement tant d'expreffion
,fi ce n'eft certains fameux noms
comme Tenebra, Diabolus, Opprobrium ,
Profundum , Furor ; où l'on voit natu
rellement qu'il ne faut pas s'exprimer
comme on feroit fur Lumen , Lux , Cla-'
ritas , Altitudo , Manfuetudo. Tel pêcheroit
contre les regles de la Grammaire
qui feroit fonner le Comparatif ou l'Adverbe
de comparaifon plus bas que le Pofitif,
ou les Adverbes fimples & inanimez ,
Ivola
qui
1166 MERCURE DE FRANCE.
qui obligeroit en chantant , de féparer la
prépofition de fon cas par une paufe neceffaire
, qui ne feroit pas attention que
deux négations valent une affirmation
qu'un non devant un Verbe change la nature
du difcours , & fait que ce Verbe fignifiant
le contraire de ce qu'il fignifioit ,
n'étant point précédé d'un non , il n'eft
plus neceffaire de l'exprimer comme on
auroit fait lorfqu'il étoit fans négation .
Tel pecheroit encore contre les regles de
la Grammaire qui confondroit les deux
fignifications d'un même mot, lorfque cependant
l'une demande de la douceur ,
&
Pautre un certain ton d'empire ; qui feroir
fonner bien haut ou par de fieres élevations
, les termes qui fignifient de la confternation
, de la crainte & du tremblement;
qui feroit des infléxions de trifteffe
& de langueur fur les mots qui fignifient
la joye & l'allégreffe ; qui lorfqu'un nom
eft entre deux Verbes , le feroit rapporter
à celui à qui il n'appartient pas ; qui feroit
joindre le monofyllabe au mot qui
le précede dans d'autres occafions que
celles où la conſtruction l'exige , ou qui ne
le joindroit pas quand il le faut ; c'eſt- àdire
, quand le Monofyllabe fert de repos
au mot précedent ; ce que les Grammairiens
appellent du nom d'Enclitiques ; qui
dans la diffection d'une phrafe s'attache-
1. νοί.
roit
JUIN 1728. 1167
roit quelquefois trop fcrupuleufement à
la pofition des virgules , telle qu'elle eft
dans les Breviaires , où fouvent elle n'eft
pas conforme à la maniere ordinaire de
lire & de prononcer, qui ne diftingueroit
pas (au moins lorſqu'il eft aifé de le faire )
les endroits où la conjonction & lie une
propofition à une autre propofition , d'avec
ceux où elle lie fimplement un nom à
un autre nom , un Adverbe à un autre
Adverbe ; puifque l'experience fait connoître
qu'il y a des occafions où l'arrangement
des termes de la propofition liée
demande qu'on ne laiffe pas la conjonction
avec une feule note route fimple.
Il n'eft pas neceffaire d'être Muficien
ou Chantre , pour comprendre que ce feroit-
là des deffauts contre l'exactitude du
chant , & qu'un Auteur qui dans fa compofition
ne le foucie pas de les éviter , ou ne
veut pas fe conformer à la droite raiſon
ou veut que le chant foit une occupation
puerile , dans laquelle tout eft pardonnable
, parce qu'il eft fans confequence .
Cet autre pecheroit contre ce qui eſt
propre aux figures de l'élocution , qui feroit
finir des demandes & interrogations
par des chutes & des abbaiffemens trop
fenfibles & trop marquez , lorfqu'il y a
moyen de faire autrement . Il iroit de pleingré
contre l'ordre de la nature même qui
1. vol.
1168 MERCURE DE FRANCE.
a dicté le ton des interrogations ; & dèslà
il feroit condamnable. Ce ne feroit pas
une faute moins grande contre les regles
du diſcours , fi dans les textes qui renferment
des Dialogues , il donnoit aux interlocuteurs
des tons qui ne leur conviennent
pas , faifant, par exemple, parler haut
celui dont le caractere étoit de ne pas
crier , & qu'on ne doit croire avoir élèvé
fa voix que lorfque l'hiftoire le marque
expreffement. Ce feroit violer la nature
des récits hiftoriques que de ne pas diftinguer
dans les Dialogues ce qui eft de
l'hiftorien , par un ton mediocre qui eft
celui qui lui convient . Ce feroit fe rendre
ridicule que de faire fonner d'une Ma
niere infipide & bizare les termes & les
tours dont l'Ecriture fe fert pour défigner
certaines circonstances où la tendreffe ,
l'humanité & la franchife des anciens a
paru à découvert . Celui- là iroit contre les
preceptes les plus communs qui dans les
Antithefes qu'on fçait être une figure fi
fort répandue dans l'Ecriture fainte , &
fur tout dans les Livres moraux , mettroit
tout de même niveau , ou bien en prendroit
tout le contre- pied , élevant où il
faut baiffer , & baiffant où il faut élever ;
qui dans une gradation feroit refter de
plain pied ou feroit finit fur la même
Corde chaque membre de la gradation ;
1. vol.
qui
JUIN. 1728. 1169
qui dans les parenthefes quelquefois ufitées
dans les Livres Sacrez , feroit aller
du même train que dans un contexte ſuivi
, fans faire fentir par un changement
de fon le changement de difcours . Celuilà
enfin pecheroit contre ce que la Logique
fait développer dans l'Elocution ; qui
ne feroit pas réflexion que fouvent le fujet
d'une propofition renferme des propofitions
incidentes , lefquelles ne forment
en elles - mêmes qu'un tout imparfait ; &
qui donneroit à cette propofition incidente
un fon décifif & conclufif , lequel ne
convient qu'à la propofition entiere &
revêtue de fon attribut.
Le reste de ces Obfervations pour le prochain
Journal,
LA VERITE .
ODE.
V Aines Déités du Parnaſſe ,
Je n'invoque point vos faveurs ;
Mufes , refpectez mọn audace ,
Mes chants dédaignent vos fureurs,
Je te fens, Déeffe facrée ,
I vol.
De
1170 MERCURE DE FRANCE.
Deton feu mon ame éclairée ,
Se livre à tes heureux tranſports ,
Verité , ton abord m'inſpire ,
Anime les fons de ma Lyre ,
Immortalife mes accords .
B
Pourquoi de ton culte adorable
Ne goûtons - nous plus les attraits ?
Ton San&uaire venerable
Eft-il donc fermé pour jamais ?
Ton régne a paffé comme un fonge ,
Et le noir Démon du menfonge
Ufurpant l'encens des Mortels ,
De tes images renversées
Erige de honteux trophées
Sur les débris de tes Autels
Nous comptons en vain la Sageffe
Le prix de nos foins curieux ,
Notre faftueufe foibleffe
Veut dévoiler l'ordre des Cieux.
Victimes d'une vaine étude ,
Nous nageons dans l'incertitude ,
I vol.
Un
JUI N.
1178.
1728 .
Un faux éclat nous éblouit ,
Nous errons en d'épaiffes ombres ,
Guidés par des lumiéres fombres ,
Plus dangereufes que la nuit.
Raifan , ton fol orgueil t'égare ;
Ton aveugle témérité
Croit par les fentiers du Tenare
Voler à l'immortalité.
Séduit par la voix du Sophifme ,
Dans fon orgueilleux Fanatiſme ,
L'homme fe fait des Dieux nouveaux ,
Des Dieux , qui ,Protecteurs des vices
De fes forfaits foient les complices ;
chaque crime a fes Heros.
S
Déja l'injuftice & la rage ,
yrans abfolus dans ces lieux ,
ur un Char fouillé de carnage ,
larchent d'un pas audacieux ;
crime annonce leur puiffance
leurs traits la foible innocence
le fçait oppofer que des pleurs.
t
I.vol.
Trife
1172 MERCURE DE FRANCE .
Trifte fecours , en fes allarmes !
L'innocence n'a que des larmes ;
L'injuftice que des fureurs.
L'erreur , triomphant de la terre,
Excite des feux dévorans ,
L'air brille , quels coups de Tonnerre !
Je vois les premiers Conquerans .
Le fer dans les Vill es fumantes
Moiffonne des Palmes fanglantes ,
Notre fang , perfide Guerrier ,
Arrofe le Champ des Conquêtes ,
Les Cyprès qui couvrent nos têtes ,
Sont la tige de vos Lauriers.
Quel Dieu comble le précipice ?
Nos voeux ne font pas fuperflus ;
La verité toujours propice
Paroît , les crimes ne font plus ;
De fes monftres , la troupe impie
Afon afpect anéantie ,
Voit fon empire renverfé ;
Et leur révolte témeraire
I vol.
n'a
JUIN. 1728 . [ 173
N'a fait que groffir le Tonnerre ,
Dont leur orgueil eft terraffé.
M
Tout annonce , tout fait connoître
Dans les Cieux , la Terre , les Mers ,
La verité d'un premier Eſtre ,
Seul arbitre de l'Univers ;
Da vrai conftant inalterable !
Le caractere inéfaçable
Fait éclater de toutes parts
Les traits de fa grandeur
immenſe.
Mortels adorez fa puiſſance ,
Triomphez
fous fes Etendarts .
Envain du penchant qui l'entraîne
L'homme fe cache la rigueur ,
Engourdi du poids de fa chaîne
Ilveut ignorer fon malheur .
Contre l'importune lumiere
D'une verité meurtriere ,
Il oppofe un fatal bandeau ,
Au fein même de les délices ,
1. vol.
Par E
1174 MERCURE DE FRANce .
Par tout, pour éclairer fes vices
Il trouve ce cruel flambeau .
L'impie effrayé de fon crime
S'enyvre de l'iniquité ,
Ses pas le portent vers l'abîme ,
Ses yeux redoutent la clarté ;
La Verité toujours préſente ,
Le pourſuit par tout , l'épouvante ,
Son coeur s'épuiſe en vains efforts ,
Son ame eft fans ceffe allarmée ,
Il la banit de fon idée ,
Il la retrouve en fes remords.
M
Heureux qui d'un fincere hommage
Honore la Divinité ,
Dont le coeur n'a point fait d'outrage
A la voix de la Verité ;
En vain la difcorde & l'envie
Souflent le poifon fur fa vie ,
Leurs coups affermiffent fes pas ,
Les traits lincez contre fa gloire
1. vol.
No
JUIN. 1728. 1175
Ne font qu'afflurer fa victoire
En multipliant ſes combats.
Que formant des ligues cruelles
· La haine excite fes ferpens
Que des legions criminelles
Attaquent les jours innocens ;
Son coeur toujours ferme , tranquille
Elle connoît la crainte fervile ,
Sa vertu feule eft fon appui ,
Il brave une impuiſſante trame ,
Grand Dieu ! Que peut craindre fon ame
Ton bras vainqueur combat pour lui.
Par M. D. ** .
kak
REPONSE au Mémoire envoyé à
Lifbonne fur la femme à la vûe per
gante.
Experience appuyée des circonftances
les plus réelles , peut empêcher
qu'on ne traite de vifion , la vertu de la
Dile Pedegache. Elle ne voit ce qui
eft caché dans la terre que par les vapeurs
1. vol.
E-ij qu
1176 MERCURE DE FRANCE .
qui en fortent , qui lui font diftinguer
les qualitez de terre , de pierre & de fable
, &c. jufques dans l'endroit politif
où fe trouve l'eau , quand même la fource
en feroit à 30. & 40. braffes ; mais où
il n'y a point d'eau , elle ne voit rien.
Quant au corps humain , elle ne péne
tre pas à travers les habits , mais à nud ,
& diftingue parfaitement le coeur , l'eftomach
, & c . les abfcès, s'il y en a , la bîle
trop abondante , & autres infirmités qu'il
peut y avoir ; elle voit à fept mois de grof.
feffe , fi la femme eft enceinte d'un garçon,
ou d'une fille, ce qui lui eft arrivé à
elle-même ; outre d'autres experiences
qu'elle a faites pour fatisfaire quelques curieux
, & entr'autres une femme enceinte
de deux Jumeaux . Elle voit dans les corps
comme on voit dans une bouteille .
On a envoyé au mary de cette D lle la
Copie de ce qu'on avoit mis dans le Mercure
de France fans fa participation . Il
trouva qu'on y avoit mis des choſes qui
n'étoient pas veritables , & d'autres qu'on
avoit oubliées. Il s'en rapporte là- deffus au
Mémoire qu'il a envoyé à M. Couvay .
S'il fe trouvoit avec une fortune un peu
raifonnable, il iroit à Paris pour faire voir
la verité de ce qu'il a avancé. Son occupation
eft dans le Commerce. Il a affez
d'affaires , & il fe flate fi le Négoce lui en
1. vol.
fournit
JUIN. 1728. 1177
fournit les moyens , de fe retirer dans peu
d'années en France , fon pays natal , avec
fon épouse.
XXX:XXXXXXXXXXX :X
REFLEXIONS.
LA joye mêlée à l'étude la foûtient &
la fait durer , en confervant la fanté ,
fans laquelle il eft prefque impoffible de
faire de grands progrès dans les Sciences
qui demandent beaucoup d'application .
Quand un homme d'étude s'entretient
dans la joye , fa converfation & fes compofitions
mêmes fe fentent de cette agréable
difpofition ; on lit fes ouvrages avec
plus de plaifir . Silden étoit très - fçavant ;
mais fon application infléxible aux tra
vaux du Cabinet , le rendirent trifte &
heriffé à caufe de fon humeur féche &
mélancolique. Galilée au contraire , d'humeur
gaye , & qui fçavoit donner du relâche
à fes profondes méditations , répand
la gayeté dans fes Dialogues , &
nous fait rire de chofes , qui forties d'une
autre bouche que de la fienne , nous feroient
froncer le fourcil , & noirciroient
notre humeur.
Il n'y a peut- être rien de plus rare dans
I. vol.
E iij
tou1178
MERCURE DE FRANCE.
toutes les actions de la vie , que d'écrire
de bonne grace. Ce n'eft pas rire de bonne
grace que de montrer de belles dents ;
il faut que le fujet le demande , & que le
rire foit proportionné au fujet & à l'occafion
.
Il n'eft pas ordinaire
que celui qui fait
Fire fe faffe beaucoup aimer.
Un moyen sûr pour être méprifé , c'eſt
de méprifer les autres.
On n'eft pas méprifable pour être pauvre
: le Lion à la chaîne n'en eft pas moins
vaillant.
Un vrai amour de Dieu , & une para.
faite humilité peuvent nous faire fuporter
les mépris , & nous les faire defirer même
, il ne manqueroit plus qu'à le pouvoir
croire méprifable. Ce qui n'eft pas
impoffible.
On eft plus fenfible à la mocquerie qu'à
l'injure , car celle - ci eft fouvent un mouvement
d'envie ou de colere , au lieu que
Fautre eft prefque toujours l'effet du mépris.
Le mépris des richeffes & des honneurs,
1 vol.
qui
JUIN 1728. 1179
!
>
qui quelquefois eft un effet de la vertu &
du défintereffement n'a fouvent pour
caufe que le chagrin de ne les pas pof
feder .
La deſtinée de ceux à qui perfonne ne
plaît, eft de ne plaire à perfonne ; c'eſt l'ordre
d'être autant meprifé qu'on méprife.
Laudas , Gaure , nikil`, reprendis cuncta ,
videto
Ne placeas nulli , dum tibi nemo placet.
Qui demande trop hardiment , & fans
confideration , a toujours plus de la moitié
de la honte du refus.
O honte ! cruel poifon de la vie humaine,
que de malheurs on voit arriver par
toi ! Combien de filles ceffent de l'être
par la honte qu'elles ont de ne pouvoir
rien refufer à ceux de qui elles ont reçû
des préfens ! Que de meres parricides par
le même fujet! Que de dupes dans le monde
fe font par- là laiffé attraper ! la honte
de refufer eft la vertu des fots. Car la honte
eft une vertu à l'égard de foi même , &
un grand vice à l'égard d'autrui.
Les efprits foibles font toujours du parti
de ceux qui les perfuadent les derniers.
I vol.
On
E iiij
1180 MERCURE DE FRANCE :
On cache fouvent par une audace ap
parente beaucoup de timidité & de foibleffe.
Les plaintes font les feules armes des foibles
.
Rien n'eft fi trompeur , & quelquefois
fi dangereux que l'humeur douce de certaines
perfonnes ; qui n'eft pour l'ordinaire
qu'un effet de leur foibleffe , qui fe
convertit facilement en aigreur . La verita
ble douceur eft inféparable de la fermeté.
Le défaut de bon fens eft le pire de tous
les degrez de pauvreté .
EXPLICATION du Logogryphe pro
pofe dans le Mercure d'Avril.
Nonje
On,je ne crains pas qu'on me biffe ,
Et dès le fecond Vers je tiens le
Logogryphe.
C'eft le courage utile aux Eleves de Mars,
Sept Lettres font ce nom qui brave les ha
zards,
Otez le cou , la Tête , & fon fort eft la Rage.
Mais l'une de fes parts fous le bon nom de Cour
1. vol...
Donne
JUIN.
17: 8. 1186
Donne du luftre aux Rois , l'Amant en fait
ufage
Pour faire agréer fon amour.
L'autre part , l'âge ayant le chef de la premiere
Eft la cage de mes Oiseaux.
En fubftituant l'or : & laiffant le derriere ,
J'ai l'orage , du Ciel qui lance les carreaux ;
Mais pour le conjurer , j'ôte A, refte un grain
d'orge ,
Puis j'unis les deux chefs , dont aufi - tôt je
forge
Le Cor dont on fe fert pour empêcher Briffaut
De tomber en deffaut.
Je retourne à mon nom & je le dénature
En fupprimant la Ville de Goa ››
Alors de nos Pafteurs je rencontre la Cure ,
Mot que toujours le charlatan vanta ..
D'objets dans un feul mot voyez quel affemblage
,
Ma patience en eft à bout;
Et j'efpere que pour le coup
Mercure enfin fera content de mon courage
Le Prieur de Sermaife .
1. vol. ENIG Ev
1182 MERCURE DE FRANCE .
Qu
ENIGM E.
1
Uoique de nouvelle ftrufture ,
Je me fuis fait un grand renom ,
A l'étranger je dois mon nom
Comme ma baroque figure ,
Si- tôt qu'en France j'ai paru
A moi tout homme eft accouru ,
D'un mal- adroit j'ai pris la place ,
Et quoiqu'il ait meilleure grace ,
Mon Maître me trouve aujourd'hui
Moins embaraffante que lui ,
En revanche je le raffure
Contre maint choc & mainte injure.
A. B. C.
XXXXXKKÉXXXKXWXXXXXXXX
LOGOGRYPHE
JAi les deux tiers en Amerique ,
Où d'un Royaume entier je fais tout l'orne
ment.
Ma troifiéme partie , ame de la Mufique ,
Se forme par un Element
1 vol.
Comme
JUIN. 1183 17288
Comme je fuis fort fédentaire ,
On me voit rarement fortir de ma maiſon ,
Etant de figure à déplaire ,
J'évite le grand jour ; n'en ai- je pas raiſon
Mais quoique je ne fois qu'un animal immonde
,
Prefqu'en horreur à tout le monde .
Je fuis prefque fans changement ,
Homme & Ville en un feul moment.
Le premier , toujours neceffaire ,
L'eft aujourd'hui plus que jamais ;
Et qui veut élever des fuperbes Palais ,
A befoin de fon miniftere.
Ainfi , je fuis , ami Lecteur ,
Ville, Infecte , homme mercenaire ,
Et de plus un grand Empereur.
L'Enigme & le Logogriphe du mois de
May ont été faits fur Mercure. Voici les
nams ou les mots des Logogriphes arithmetiques
du même mois , avec l'a, b , c, quâ
fert à les chercher.
T. 2. 3. 4. 5. 6; 7; 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. 1S.
a. b. c. d . e. f. g.
h.i. j. k . l . m. n. oe.
16. 17. 15. 19. 20. 21. 22. 23. 24. 25.
P. q. r. s. c. U. V. Xo X. Z.
x: valam
Evi
184 MERCURE DE FRANCE .
1. A. d . a . m.
I. 4. I. 13.
ADAM , nom commun
dont les Hebreux fe fervent
pour exprimer l'homme. Il fignifie
Terre rouge ; mais ce nom fe donne particulierement
au premier homme que
Dieu créa lui même le fixiéme jour de la
création du monde. Gen. v . 26.
AVRIL , quatrième
2. A. v. r. i . l . 2 AVRIL
I. 22. 18. 9. 12. mois de l'année felon
notre fupputation , & le fecond fuivant
celle des Aftronomes , pendant lequel le
Soleil parcourt le figne du Taureau . Mois
& date des Logogryphes .
12. I.
3. L. a. m. e.c. 5 LAMEC , fils de Ma-
1353 thufalem , & pere de
Noé , mourut cinq ans avant le Déluge.
Lamech, de la race de Seth , fut homme
de bien ; Lamech petit - neveu de Caïn
fut homicide & peu continent. Il fut le
premier qui époula deux femmes .
4. C. h. a. n. v. r. e.
3. 8. 1. 14. 22. 18. 5.
mois de Mars.
5.
CHAN VÆR E , Mot
de l'Enigme du
L. a. r o. q. u. e ? LA ROQUE , nom
de l'Auteur du 12. 1. 18. 15. 17. 21. 5.
Mercure François.
6 L. o. g. o . g. r. i . f. e . LOGOGRIFE,
11. 15.7. 15. 7. 18. 9. 6. 5. forte de Symbole
en paroles énigmatiques , petite énigme
qu'on propoſe à deviner à des Ecoliers
pour leur éveiller l'efprit , il tient le
1. vol.
miJUIN.
1728. 1185
milieu entre le Rebus & la vraie Enigme
, ou l'Emblême . On a auffi donné le
nom de Logogrife , quoiqu'inproprement,
aux petits problêmes arithmétiques , propofés
chaque mois , fur la fuite naturelle
des nombres 1. 2. 3. 4. , &c. répondant
aux lettres a , b , c , d , & c.
7 Q.u. e. n. o. u. i . l . l . c. ¿ QUE NOUILLE,
17. 21 , 5. 14. 15. 21. 9. 12. 12.5. Smot de l'Enig
me du mois de Mars.
16. 1 , 18. 9. 19.
& 8. P. a. r. i. s. PARIS , Ville Capitale
du Royaume de France,
Ville d'où l'on a datté les premiers Logogryfes
arithmetiques du Merc. François .
9. M. e. r . c. u . r. e. ) MERCURE , Dieu
3
13, 5. 18. 3. 21. 18. 5. des Paiens , étoit
fils de Jupiter & de Maïa , & nâquit en
Arcadie , fur le Mont Cyllene . Il étoit le
Meffager des Dieux . Il a fervi figurément
en ce fens , de titre à plufieurs Livres qui
annoncent quelque chofe de nouveau .
10. L. a. C. i. r. e . LA CIRE , mot de
} 12. 1. 3. 9. 18. 5.l'Enigme du mois 9.
d'Avril , ouvrage que font les Abeilles ,
pour y recevoir leur miel . Et Cire d'Ef
pagne , qui fert à cacheter des lettres.
10. 11. Sur le même mot de la Cire,
12. C. ai. r. e. CLAIRE . Anagra
3. 12. 1. 9. 18. 5. me du mot la Cire.
13. R.e.d. i . n. g o.t. e.KEDINGOTE
18. 5. 4. 9. 14. 7. 15.20.5. mot Anglois,
· I. vol.
depuis
1186 MERCURE DE FRANCE:
depuis peu francifé ; il fignifie un habit
de Cheval ; efpece de Calaque.
14. C. o. u. r. a. g. e2 COURAGE , mot
3. 15. 21.18. 7. 7. 5. du Logogrife en
vers , du mois d'Avril .
LS. R. o. y .
18. 15. 24 .
}
Sdu
Roy , Souverain , Maître
abfolu .
16.
MERCURE , voyez 9.
17. LA CIRE , voyez 10.
18. Nom de celui qui a écrit & envoyé
des Logogryfes Arithmetiques à l'Auteur
du Mercure François , & qui a figné Logogryfe
18°.
19. L. o. ü. i. s. Lours , nom d'un Saint
12. 15. 2.1.9.119. & d'un Roy ,
toute la terre .
S
20. P. h. y. 1. i. s .
16.
connu de
PHYLIS ou Phyl-
8. 24-12.9. 19. Slis, fille de Licurgue
Roy de Thrace.
21. M. a. y. MAY , cinquième mois de
13. 124 SP'année , à compter depuis
Janvier , durant lequel le Soleil entre
dans le figne des Gémeaux , & les Plantes
fleuriffent. Datte des Logogryfes.
az R. i. c. u x. RIBux , terre en Breta
18. 9. 5. 21. 23. Igne , a donné fon nom
à une Maiſon tres- noble & tres- ancienne.
23. G. o. f. o. n. Goson ( Déodat
7. 15. 19. 19. 14. Fou Dieu donné )
vingt- feptiéme Grand - Maître de l'Ordre
de S.Jean de Jerufalem,furnommé PEx-
L. vol.
termiJUIN
1728. 1187
terminateur du Dragon. La famille de
Gofon finit à Jean de Gozon , & Marthe
fa fille époufa Loüis I. de Montcalm .
24. G. o. z. o . n . Gozon, écrit avec
7. I5. 25. 35. 14.Sle z au lieu de l'
25. S. t. ST , terme indéclinable , dont
19. -20. on fe fert pour commander le
filence . Ces deux Lettres chez les Romains
fignifioient : Sed tace , ou filentium
tene.
QUESTION.
Saver (au cas qu'il foit
poffible ) pouçavoir
files avantages
de l'Art de
roient prévaloir
fur les maux qu'il pour
roit occafionner
dans le monde . Et s'il s'en
fuivroit
que les maux étant jugez plusgrands
, on feroit condamnable
de chercher
ce qui pourroit
faire réüffir cet Art.
AUTR E.
Dans quel état , dans quelles circonf
tances vaudroit - il mieux être aveugle
que fourd ?
**X*XX:XXXX -XXXX **
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS , & c.
B
IBLIOTHEQUE GERMANIQUE
tome onzième , 1716.
i vol
DIST
1188 MERCURE DE FRANCE .
DISSERTATION fur deux queftions
importantes de droit naturel , concernant
les engagemens des Soldats qui s'enrôlent
au fervice des Souverains Etrangers
, pour fervir de réponſe à une Lettre
addreffée fur ce fujet à M. de Creufaz
Profeffeur en Philofophie , & c.
"
On travaille à un ouvrage touchant les
droits & les devoirs de l'homme , dans lequel
on traitera ces questions .
I. S'il eft permis à quelque homme que
ce foit de fe louer indifferemment à un
Prince Etranger , pour porter les armes ,
fans s'embarraffer de la juftice ou de l'injustice
des guerres que ce Prince peut
avoir ?
II. Si un Prince ou un Souverain , quelconque
, peut vendre à un autre Souverain
des Regimens, ou promettre de lui en
fournir ; & fi un Souverain peut permettre
que fur les terres un autre Souverain
leve des Troupes ; tout cela fans s'embar
raffer de leur deftination que d'une ma
niere politique & indifferente à la juftice
ou à l'injuftice des armes ? Et en cas que
cela fe puiffe faire pour un , fi cela peut
en même temps le faire pour plufieurs ?
ESSAY d'une hiftoire exacte & circon
L. vol.
ftanciée
JUIN. 1718. 1189
Aanciée des Empereurs & de l'Empire
d'Allemagne l'Hiftoire de l'Einpereur
Frederic I. Par M. Henry de Bunau . A
Leipfick , chez T. Fritsch , 1722 , grand
in 4° . de 433. pages , fans la Preface &
la Table:
M. Jean- Samuel Fuchs donnera dans
peu au public à Leiplick , la defcription
d'une espece de Bateau , propre à naviger
également deffus & deffous l'eau .
M. Goetze doit faire imprimer inceffamment
un Traité latin des Moulins des
Anciens : De piftrinis veterum.
M. Van Bashuyfen de Zerbft , continue
de publier des Differtations Académiques
, fur divers points d'Antiquitez
hébraïques. Au mois de Septembre dernier
il en fit imprimer une fur l'Afperfion
du fang qui fe faifoit dans le licu tres
faint , par le Souverain Pontife .
On a vûauprès de Kiel un exemple affez
remarquable de Superfetation . Une Payfane
accouchée d'une fille le 18 May
1725. accoucha de nouveau d'un garçon
le 3 d'Octobre fuivant. Les deux enfans
ont été baptifez & font encore en vie ;
mais ce dernier eft plus petit & plus déli-
I. vol.
cat
1190 MERCURE DE FRANCE .
cat que le premier. Cette femme avoit déja
eu deux couches en 1722 & 1723.
De Petersbourg , le 7 Janvier de cette
année 172 6. on tint icy la premiere affemblée
folemnelle de notre Académie.
M. Kohl avoit invité le public à cette ce .
remonie par un Programme latin , qui a
été traduit en Ruffien , par le fieur Ilinski,
Interprete de l'Academie , & imprimé dans
les deux languès. M. Bulfinger prononça
une Harangue fur la deftination , les devoirs
& l'utilité d'une Académie des fciences.
Il y traita auſſi cette queſtion : Si les
Obfervations qu'on a faites jusqu'à prefent
fur l'Aiman , fuffisent pour pouvoir fe flater
de réfoudre le fameux Problême des
longitudes. S. A. R. M.le Duc d'Holftein
honora cette ceremonie de fa preſence.
Le Senat , le Synode & la plupart des
Miniftres Etrangers y affifterent auffi.Les
Profeffeurs curent enfuite l'honneur de
dîner à la table de S. A. R.
Comme la Bible Ruffienne eft devenue
extrêmement rare , on a chargé l'Archimandrite
Athanafe Condoidi , Grec de Nation
, habile homme & qui entend parfaitement
les deux langues , conjointement
avec un autre membre du Synode de conferer
de nouveau la Verfion Ruffienne
avec le Grec . Ainfi on efpere d'avoir bien-
1. vol. τότ
JUIN.. 1728. 1121
tôt une Traduction exacte & à bon marché
de toute l'Ecriture fainte.
BIBLIOTHEQUE GERMANIQUE ,
&c. Tome douzième , 1726 .
ANECDOTES GRECQUES , Sacrées &
Prophanes. Par M. Wolf , Pafteur & Curateur
du College; tome 4° . A Hambourg,
chez Felginet 1724. in- 89 . de 271 pag.
Latin.
Las PRINCIPAUX ARGUMENS dont
on fe fert pour établir la verité de la Religion
Chrétienne contre fes adverſaires ,
avec une Enumeration des deffenfeurs de
la Religion. On y a joint l'Avant -propos
& les premiers Chapitres de la démonftration
Evangelique d'Eufebe , qui n'avoient
point encore été imprimez . A
Hambourg, chez T. C. Felginet , 17250
in 4° de 755 pages , fans la Préface & la
Table. Latin.
CHOISI E de BIBLIOTHEQUE
Droit , par M. Struve , 6 °. édition , corrigée
& augmentée par les foins de M. C.
G. Buder , Bibliothecaire
des Ducs de
Saxe. A Jêne, 1725. in - 8 ° . de 840 pag..
fans les Préfaces & les Tables.
I vol.
II
1192 MERCURE DE FRANCE .
2/
Il paroît à Jêne un nouveau Journal
Allemand , intitulé : Memoires furles Sçavans
& fur leurs Ouvrages . On promet
d'en publier fix feuilles par mois.
M. Hubfch de Drefden a inventé un
Cadran folaire qui doit marquer les minutes
aufli bien que les heures , fans être
de beaucoup plus grand qu'une montre
ordinaire.
On a traduit de l'Anglois en Allemand
& imprimé à Leiplic , l'ouvrage du Docteur
Hutchinfon , fur les fortileges .
L'Hiftoire des Allemands avant la fordation
de la Monarchie Françoife , par le
Docteur Maſcou, a paru à la derniere foire
, in-4 . en Allemand.
Hendel a imprimé à Halle , un Effay
de Medecine Théologique , par M. Alberti
, Confeiller , Profeffeur en Medecine
. C'est un in - 8 ° . d'environ 800 pag.
qui contient dix Differtations latines ,
dont voici les fujets, 1 ° . De la Religion
d'un Medecin . 2 ° . De la confcience d'un
Medecin . 3 ° . De la fuperftition en Medecine.
4. De la Confeffion qu'un malade
fait à fon Medecin . 5. Des Prédictions
des malades. 6. Memento mori , ou du fou-
1. vol
venic
JUIN . 1728. 1193
venir de la mort. 7. De la réfurrection
des malades à demi morts. 8.Du pouvoir
du Diable fur les corps des hommes.
9. Des Spectres. 10. De la Medecine di
vine & miraculeufe de Jefus- Chrift .
M. Bruckman va faire imprimer à
Brunſwick une Defcription latine de toutes
les Mines du monde qui ont été découvertes
depuis fon origine. Ce fera un
in fol d'environ 400 pag. avec plufieurs
figures. Le titre de l'Ouvrage fera : Magnalia
Dei in locis fubterraneis.
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Peters
bourg , au mois de May 1726..
'Edifice deftiné à l'Académie de cette
L'ville,n'eftpas encore tout à fait ache
vé ; mais ce fera un veritable Palais L'appartement
des raretez & curiofitez de toute
efpece , la Bibliotheque , le Théatre
d'Anatomie , les Salles d'affemblée & les
Ecoles feront placez de fuite . Derriere ſeront
les logemens des Profeffeurs . La Bibliotheque
eft un vafte & beau bâtiment ,
qui comprend aufli le Recueil des curiofitez
naturelles & le Cabinet des Médail
les . Les curiofitez feront diftribuées en
plufieurs Chambres . Il y en a déja huit de
rangées , & il refte encore des curiofitez
I. vol.
pour
1194 MERCURE DE FRANCE .
pour plus de trente. Je n'ai jamais rien
vu de plus beau que le coup
d'oeil que prefentent
ces huit chambres rangées . On le
perd dans la multitude des choles rares &
agréables qui s'y trouvent.
Pour vous donner une idée de la Bibliotheque
, je vous dirai que M. du Vernay
m'a affuré qu'en fait de Mathématiques ,
de Medecine & de Phyfique, il n'y a point
de Livre rare qui ne s'y trouve . Je puis
dire la même chofe par rapport aux Ouvrages
d'antiquité.
La premiere partie des Mémoires de
notre Académie paroîtra au commence.
ment de l'année prochaine . Nous avons
reçu ces jours paffez de Conftantinople
quantité de Médailles , trouvées dans l'Afie
Mineure . La plufpart font des Rois de
Syrie ; ce ne font pas les moins rares ,
comme vous fçavez.
C'eft M.Schumacher qui eft Bibliothecaire
en chef. Il eft chargé outre cela de
la Finance & de l'Infpection des Bâtimens;
c'est un tres-habile homme & d'un
commerce aifé. La Jurifdiction Académique
eft entre les mains du Prefident & des
Profeffeurs . Tout fe propofe en Latin dans
les Conferences , mais d'ailleurs on parle
beaucoup François.
BIBLIOTHEQUE ANGLOISE , &c.
I vol.
tome
JUIN. 1728.
1195
tome fecond , premiere partie , 1727.
›
L'APOLOGIE DE LA RELIGION
CHRETIENNE , par Athenagoras , &
fon Traité de la réfurrection des morts ,
contre les Pyrrhoniens & les incrédules
de fon frècle. Piéces traduites en Anglois,
avec un fragment curieux de Juftin Martiere
, touchant la réfurrection ; imprimé
pour la premiere fois : & deux autres fragmens
concernant l'état des morts , dont
l'un eft attribué à Jofeph , & l'autre à
Méthodius tirés des Manufcrits de
M. Grabe . On y a joint deux Differtations
, dont l'une traite de la Doctrine des
Juifs touchant la réfurrection ; & l'autre
concerne Athenagoras & fes ouvrages.
Par David Humphreys, Bachelier ès Arts
du College de la Trinité à Cambridge. A
Londres , 1724. in 8. de 307.pages.
TRAITE' DE L'ORINE ET DU DROIT
DES DIXMES , pour l'entretien des Miniftres
des Eglifes Chrétiennes , & c . Par
Humphreys Prideaux , Docteur en Théologie
, Doyen de Norwich. A Londres ,
17136 in 8. de 353. pages , fans la Préface
en Anglois.
TRAITE DE LA NUTRITION DU
FOETUS dans la matrice , où l'on fait
1. vol.
voir
1196 MERCURE DE FRANCE.]
voir qu'il y eft nourri d'une maniere qui
aétéinconnuë jufqu'à préfent. On y montre
auffi l'ufage de la glande Thymus . On
y a joint un Appendix , qui contient des
Obfervations fur la nourriture des enfans
nouveaux nez . Par F. Bellinger , Aggrégé
au College des Medecins . A Londres ,
1727. in 8. de 95. pages fans la Préface
en Anglois,
BIBLIOTHEQUE ANGLOISE , & c.
tome fecond , feconde partie , 1712.
ESSAIS SUR DIVERS SUJETS . Seconde
édition par le Chevalier Bulstrode ,
Envoyé de Charles II. & de Jacques II . à
la Cour de Bruxelles , publiés par M. Bulftrode
, fon fils , qui y a ajouté une Préface.
A Londres , 1727. in 8. de 39 0. pages
, fans la Préface qui en contient 32 .
Le Chevalier Bulftrode fuivit le Roi
Jacques en France , où il a vêcu environ
20. ans dans la retraite . C'est là qu'il compofa
les Eflais compris dans ce Livre , &
où il mourut à l'âge de 101. ans. Il connoiffoit
bien la nature humaine , & comme
fa vie avoit été fort diverfifiée , il étoit
très-capable de donner aux autres de bons
avis fur la maniere dont ils doivent fe
conduire dans les differens Etats où il
s'étoit trouvé lui-même.
I , vol .
Ce
JUIN. 1728. 1197
Ce volume contient 15. Effais où l'Auteur
traite des Compagnies & de la Converfation
, de la Solitude & de la Retraite;
de la Vie & de la Converfion de fainte Marie-
Magdelaine ; de la Vie & de la Converfion
de S. Paul; de la Nobleffe , du Contentement
, des Femmes , de la Connoiffance
de Dieu , & de l'Atheiſme ; de la
Religion , des Rois & des Princes , & de
l'Education des Princes ; de l'Homme, de
la Grandeur d'ame , des Enfans , des Loix,
de la Vieilleffe , en Anglois .
>> Dans le Difcours fur les femmes.Y at-
il quelque chofe dans la nature , dit
»l'Auteur , à quoi l'on puiffe comparer
» la beauté d'une femme ? N'eft- elle point
>>> environnée depuis la tête jufqu'aux pieds
» d'une majesté qui éblouit ? Peut- on la
»> regarder fans étonnement ? Peut -on jet-
» ter les yeux fur elle fans extafe ? Cer-
» tainement , la figure , la voix & l'air
>> d'une belle femme , font fi admirables ,
qu'il faut être aveugle pour ne pas voir
» que toutes les beautez dont le monde
eft capable, fe trouvent concentrées dans
" ce fexe .
Après ce bel éloge , l'Auteur ajoûte que
les femmes reffemblent au feu , qui échauffe
agréablement à une certaine diftance
& qui brûle lorfqu'on s'en approche de
trop près. Il dit que l'image du Créateur
I. vol. F brille
1198 MERCURE DE FRANCE .
brille du moins autant dans les femmes
que dans les hommes ; & il croit qu'il y
a dans le Ciel autant d'Anges femelles
que d'Anges mâles.
1
» Il eft vrai , continue l'Auteur , qu'Eve
fir paroître une grande foibleffe en fe
>> laiffant féduire par le ferpent ; mais la
foibleffe d'Adamfut encore plus grande ,
puifqu'il fe laiffa vaincre aux follicitations
d'Eve , qui étoit plus foible que lui.
» Les anciens Philofophes avoient meil-
>> leure opinion du beau fexe que les Juifs
>>& les Turcs. Ils attribuoient les Sciences
>> aux Muſes , la Douceur aux Graces , &
» l'Infpiration prophetique aux Sybilles.
>>Nous trouvons dans tous les Auteurs de
» grands exemples de vertu parmi les
» femmes ; & fi elles confideroient l'af-
» cendant qu'elles ont fur nous , & que ,
» quoiqu'elles foient la fource de tous nos
» malheurs , nous ne laiffons pas de les
» adorer , elles feroient un peu plus com-
» plaifantes qu'elles ne le font . Plufieurs
» croyent que les femmes ont été créées
» pour exciter en nous cette douce flam-
» me , qui fubtilife les particules groffieres
>> dont nous fommes compofez . L'amour
des femmes nous eft naturel : c'eft un feu,
>> qui ne s'éteint point avant que le fang
» perde fa chaleur : il arrive même fou-
» vent que ce feu eft plus ardent dans la
מ
I. vol.
» derJUIN
. 1718. 1199
» derniere partie de notre vie que dans la
»fleur de notre jeuneffe . Le feu de l'amour
>> nous incommode alors plus qu'aupa-
» ravant , & il excite en nous des defirs
accompagnés d'inquiétude , parce que
nous fçavons qu'il ne durera pas long-
» temps. M. Bulftrode rend juftice au merite
des Dames en divers endroits du même
Difcours , lequel il conclut en ces ter-
» mes: S'il y avoit autant de femmes que
» d'hommes fur le Trône , nous verrions
» fouvent qu'elles auroient des qualitez
fuperieures aux nôtres. Il y a plufieurs
» Dames qui meritent de regner ; & il y
>> en auroit beaucoup plus , fi on avoit foin
» de les inftruire & de les élever dans les
grandes affaires dès leur jeuneffe . 13
Nous finirons , dit le Bibliothecaire
Anglois , par un paffage tiré du difcours
fur les enfans. L'Auteur dit que ceux qui
ont part aux affaires publiques , & qui
fouhaitent de tranfmettre à leur pofterité
les honneurs dont ils jouiffent , devroient
élever du moins un de leurs enfans dans
la connoiffance de ces affaires , comme
cela le pratique ailleurs . Par ce moyen ,
continue- t-il, les grands Emplois ne tomberoient
point entre les mains de perfonnes
ignorantes , qui n'ont pas les qualirez
neceffaires pour s'en bien acquitter.
A cette occafion il rapporte un bon mot
I vol. Fij
de
1200 MERCURE DE FRANCE .
de Jacques I. Ce Prince dit un jour qu'il
avoit un Secretaire qui nefçavoit pas écrire
, & un Archevêque qui ne fçavoit pas
prêcher.
LETTRES EDIFIANTES & curieufes
, écrites des Miffions Etrangeres par
quelques Miffionnaires de la Compagnie
de Jefus. XVIII . Recueil . A Paris , ruë
de la Bouclerie , chez N. le Clerc , & ruë
S. Jacques , chez le Mercier,fils , 1728
in 12. de 463. pages , fans la premiere
Lettre & la Table.
>
LES POESIES D'HORACE , difpofées
fuivant l'ordre Chronologique, & traduites
en François , avec des Remarques &
des Differtations Critiques . Par le R. P.
Sanadon, de la Compagnie de Jefus . A Paris
, Quai des Augustins , chez Chaubert ;
& Compagnie. 1728. 2. vol in 4.
TRAITE' DU SENS LITTERAL & du
Sens Myftique des faintes Ecritures , felon
la Doctrine des Peres , où l'on fait
voir l'oppofition du Systême , des Figuriftes
Modernes aux principes de l'Antiqui
té , fur l'explication des Ecritures , & fa
parfaite conformité avec le Syftême d'Origene,
condamné par les Peres, avec des
Remarques fur la Lettre d'un Prieur à un
I. vol. de
JUIN. 172 8.
1201
de les amis . A Paris , ruë S. Severin ,
chez Jacques Vincent , 17 27. in 12. de
plus de 600 pages.
INSTRUCTION METHODIQUE pour
l'Ecole Paroiffiale , dreffée en faveur des
petites Ecoles. Divifée en quatre parties .
La premiere traite des qualitez & des
vertus neceffaires aux Maîtres & aux
Maîtreffes d'Ecole , &c. La feconde donne
des moyens faciles pour élever les enfans
à la pieté , par l'affiftance aux Offices
Divins , & aux Inftructions qui fe font à
la Paroiffe. La troifiéme comprend la méthode
que l'on peut garder pour enfeigner
à lire & à écrire , avec plufieurs avis pour
expliquer les principes de la Langue Latine.
La quatriéme , qui fe vend auffi ſéparément,
pour la commodité des enfans
contient des Inftructions familieres pour
enfeigner l'Orthographe Françoiſe fans la
connoiffance de la Langue Latine . 2. Les
principales régles de l'Arithmétique . 3 .
Les pratiques les plus familieres du Chriftianifme
, conformes à la capacité de la
jeuneffe . 4. Les pratiques les plus familieres
de la Civilité quell'on peut enfeigner
dans les Ecoles . Dediée à M. le Chantre
de l'Eglife de Paris . Par M. J. D. B. Prê
tre , à Paris , rue S. Victor , chez G. Ch.
Berton. 1727. in 12.
I vol.
Fiij
GRAND
1202 MERCURE DE FRANCE.
GRAND ALPHABET divifé par fyllabes
Françoises , de 2 , 3. & 4. lettres
chacune , &c . pour inftruire avec plus
grande facilité les enfans à bien lire . Extrait
de l'art . 2. de la troifiéme partie de
P'Ecole Paroiffiale 1728. chez le même
in 24.
INSTRUCTIONS COURTES ET FAMILIERES
fur le Symbole , pour fervir
de fuite aux Inftructions courtes &
familieres de M. Jofeph- Lambert , Prêtre,
Docteur de la Maifon & Societé de Sorbonne
, Prieur de S. Martin de Palaiſeau.
Troisième année , à Paris , ruë S. Jacques
, chez Lottin . 1728. 2. vol. in 12 .
de plus de 600. pages chacun.
LE PARFAIT NOTAIRE APOSTO
LIQUE , & Procureur des Officialitez ,
contenant les régles & les formules de toutes
fortes d'Actes Eccléfiaftiques qui font
paffés tant par les Notaires , que par les
Secretaires des Prélats & Superieurs Eccléfiaftiques
, par les Curez & Vicaires ,
par les Patrons & Collateurs des Benefices
, par les Univerfitez , par les Greffiers
des Chapitres , & autres matieres Eccléfiaftiques
, avec une Inftruction fur la
Procedure des Officialitez ; le tout conformément
aux nouveaux Edits & Décla-
I. vol.
rations ,
JUIN. 1728. 1203
fations , Arrêts & Réglemens , à la Jurifprudence
& à l'ufage moderne. Par M. J.
L. Brunet , Avocat au Parlement , ruë
S. Jacques , chez Cl . Robustel , 1728.2 .
vol. in 4.
SPLANCHNOLOGIE , ou l'Anatomie
des Viſceres , avec des Figures originales
tirées d'après les Cadavres , fuivie d'une
Differtation fur l'origine de la Chirurgie
par M. Croiffant de Garengeot , Chirur
gien , &c. A Paris , ruë S. Jacques , chez
Cavelier chez Huart , 1728 , I. vol.
in 12. de 570. pages , prix , 3. liv . 10.
fols relié.
L'Auteur de ce Livre eft déja fort connu
par plufieurs Ouvrages qui lui ont ac
quis de l'eftime , tels que font un Traité
d'Operations de Chirurgie, dont la feconde
édition eft actuellement fous preffe ; un
Traité d'Inftrumens de Chirurgie, feconde
édition , en 2. vol . in 12. avec 60. plan-
' ches en taille-douce ; un Traité de Miotomie
, auffi feconde édition , fuivi d'une
Miologie abregée. 1. vol . in 12 .
L'Anatomie des Vifceres que l'on annonce
aujourd'hui , eft ornée de 2 o . Planches
en taille-douce , dont les deffeins ont
été faits fur des cadavres diffequés par
l'Auteur. On doit conclure delà que les
Figures ordinaires , répanduës dans la plû-
1. vol.
F iij
part
1204 MERCURE DE FRANCE .
pas
part des Livres d'Anatomie , ne l'ayant
fatisfait,fes Difcours ont auffi quelque
chofe de particulier. En effet , l'Auteur
s'eft appliqué à donner des Deſcriptions
non feulement plus circonftanciées , mais
qui n'ayant d'autre modele que le cadavre
, font plus vraies ; & à relever plufieurs
erreurs qui fe trouvent même dans
les Livres les plus modernes.
C La Differtation fur l'origine de la Chirurgie
& de la Medecine qui termine cet
ouvrage & fur le partage de ces deux
Sciences, fait voir que la Chirurgie eft la
premiere ſcience de l'Art de guérir, que la
Medecine venue long- tems après , a été
inventée par des Chirurgiens , & que le
Public feul a fait le partage de ces deux
fciences , en forçant chaque Artiſte ( par
l'occupation qu'il lui donnoit ) à s'adonner
à l'une & à l'autre de ces Profeffions.
La cinquiéme femaine de la Spectatrice
paroît. Če petit ouvrage eft écrit legerement
& avec foin . Quelques fragmens
en pourront faire juger. Je compare
un de ces Sçavans , dit -on à la page so .
de la feconde Semaine , à un petit Arti-
Jan , qui eft perfuadé qu'il voit tout avec
évidence , & qu'il fe trouve fort bien de
n'affaiblir d'aucun doute toutes les connoif-
1. vol.
fances
JUIN. 1728 .
1205
fances de fon métier , qui prend des mesures
juftes fur fon petit négoce , furfes profits ,
fur fa dépenfe , en neceſſaire & en superflu
; que le defir de fçavoir n'inquiete points
que l'ignorance ne chagrine point ; qui met
à profit ce quil fait , & croit n'avoir que.
faire de ce qu'il nefçait pas .
Page 52. Un Sçavant, qu'on appelle du
premier ordre , fut- il dans l'indigence , fe
regarde comme le Monarque de la République
des Lettres . Un homme fenfe ; mais
fort ignorant, qui ne fait que les chofes
neceffaires à la vie , comme gagner de quoi
fe nourrir & fe vêtir honnêtement & commodément
, de quoi établir fes enfans , &;
eft un gueux pour le Sçavant , &c.
A la page 87. on lit cette Hiftoriette.
Une fille d'honnête famille & bien éle
vée , mais d'un temperamment à fe mettre
violemment en colere quand elle en
avoit quelque grand fujet , fut affez malheureuſe
pour tuer un de fes freres qui
l'avoit outragée , & pour être obligée à ſe
fauver de la maifon paternelle. Comme
elle étoit réfoluë , elle fe déguifa en homme
, s'enrôla & fervit bien fagement pendant
plufieurs années . Léonor ( c'eft le
nom qu'a donné l'Hiftorien à cette fille )
avoit pour fon malheur une belle phyfio- :
nomie , un je ne fçai quoi plus aimable,
I. vol.
Fv que
1206 MERCURE DE FRANCE .
1
1
que la beauté. Un Soldat de fa Compa
gnie , auffi enfant de Famille , & dont
les manieres étoient fort au deffus de la
Soldatefque , fentit un grand penchant
pour elle , fans fçavoir qu'elle fut fille . Il
étoit bien-fait & de bonne mine ; la fympathie
fe forma. Elle fut réciproque , ils
devinrent fort unis , mais ce n'étoit que de
l'amitié.
Quoiqu'elle cachat fon fexe avec beaucoup
de foin , il le découvrit par hazard.
Voilà l'amitié changée en amour. Elle
s'en apperçut par un changement de conduite
dans fon ami , & l'ami devina en remarquant
des manieres plus réfervées dans
cette fille , qu'elle avoit penetré fa décou
verte. La réferve de Léonor augmenta
l'amour du Soldat. Il lui rendit des foins
d'un nouveau ftile , & lui fit une déclaration
tendre , accompagnée des affurances
parfaites de toute la confideration
qu'elle meritoit .
›
Léonor convaincuë du malheur d'être
fille , l'avoia de bonne grace au jeune
homme lui conta fon hiftoire , en
changeant fon crime & le nom de fes parens
, & le conjura de lui garder le fecret
& de fe contenter de fon amitié .
Mais l'amour des hommes n'eft nifi complaifant
ni fi délicat. Si - tôt qu'il peut fe
prévaloir de quelque difgrace, de quelque
1. vol.
befoin ,
JUIN. 1728. 1207
befoin , 'il devient mercenaire . Tel fut celui
du Soldat. Il garda le fecret , mais fes
defirs augmenterent , & fon amour devint
preffant. Cependant comme il n'étoit
pas brutal , fa conduite fut moderée ; il fit
voir à Léonor tout l'amour qu'il avoit
& il feignit une forte de refpect qu'il n'avoit
pas : adreffe ordinaire des hommes
pour corrompre les perfonnes fages. C'eſt
un piége pour les attraper , & elles y donnent
d'autant mieux , que le refpect qui
femble un effet de l'amour délicat , eft ce
qu'il y a de plus oppofé au défir de les
tromper,
Le jeune homme parut fe faire d'extrêmes
violences. Il offrit d'époufer , & fit
des promeffes de mariage qui furent déchirées.
Il perfevera & toucha enfin le
coeur de Léonor en fe rendant le plus aimable
qu'il put , & en lui perfuadant qu'il
avoit de bonnes intentions ; & peut-être
ne mentoit- il pas.
Si-tôt qu'une fille touchée , croit aux bonnes
intentions , elle eft perduë , fi elle ne
fe fauve. Léonor ne fe fauva pas , elle fe
perdit done. Une promeffe de mariage fur
acceptée & il y parut . Cela fe fuit affez
naturellement entre jeunes gens qui s'aiment.
Si le Soldat eut vêcu , il auroit eu de
quoi le repentir , mais il fut tué dans une
I. vol.
F vj action.
1208 MERCURE DE FRANCE.
action. Léonor défolée méditoit un coup
de défefpoir , quand il lui vint dans l'efprit
de tenter la generofité de fon Capitaine
. Elle lui fit le même récit qu'au Soldat
, & y ajouta celui de fa derniere difgrace.
Il étoit homme d'honneur & galant
homme. Il la plaignit , lui donna fon
congé & de l'argent pour fe retirer. Penetrée
de reconnoiffance , elle partit &
crut ne pouvoir mieux faire que d'aller
accoucher fecretement chez une parente ,
dont le peu de difcretion lui donna de
nouvelles inquiétudes ; elle y mourut de
chagrin de fes difgraces paffées , & de la
crainte de celles à venir.
Dans la feuille de la cinquiéme femaine
, on parle d'un petit ouvrage nouveau
qui paroît fous le titre , Adieux de la méchante
Femme. Il étoit naturel que la Spectatrice
faifit cette occafion pour faire l'apologie
de fon fexe. Les gens raifonnables
foufcriront , fans doute , aux bonnes
raifons qu'elle allégue pour le défendre de
l'injuſtice des hommes .
• SOUSCRIPTION des Livres de Plein-
Chant , tant à l'ufage de Rome que des
Diocéfes du Clergé de France , & autres ,
felon le nouveau fyftême de Chant , inventé
par M... Prêtre du Diocèle de Genêve
, propofée par voye de foufcription.
1 υοί
Le
JUIN. 1728. 1209
"
Le Plein-Chant , fuivant ce fyftême , eft
beaucoup plus court , plus facile & plus
fûr à imprimer , à apprendre & à mettre
en pratique les Livres feront non -feulement
à meilleur marché , mais ils feront
de plus grand , de plus beau papier , &
de plus beau caractere que tous ceux qui
ont paru jufqu'à préfent. Ce fyftême a
été approuvépar Mrs de l'Académie Royale
des Sciences & par les plus habiles
Maîtres de Mufique.
C'eft là le titre d'une brochure in 4.1
d'environ 1 2.pages , imprimée chez P.Simon
, rue de la Harpe , qui contient un
petit détail fur le fujet en queftion . On
trouve à la fin qu'on ne recevra les Souf-
#criptions que depuis le premier du mois
de May 1728. jufqu'au premier Janvier
1729. auquel temps l'impreffion fe commencera
? & on promet de fournir le
Livre dans le courant de ladite année
1729 .
Ducoin , rue Bourlabbé , & Simon ruë
de la Harpe , délivreront les Soufcriptions.
LA MONARCHIE DES HEBREUX ,
par fon Excellence M.le Marquis de Saint
Philippe. Traduit de l'Efpagnol. A la
Haye,chez Albert & Vander Kloot, 1727 •
4 vol. in- 12
1 vol.
IMP
.
1210 MERCURE DE FRANCE .
>
IMP.CES . AUGUSTI , Temporum Notatio
, Genus & Scriptorum Fragmenta
&c. c'est - à-dire , Chronologie de la vie
d'Augufte , Généalogie de cet Empereur,
& Recueil des Fragmens de fes écrits ,précedez
du Livre de Nicolas de Damas, fur
l'Education d'Augufte. Par M. Fabricius
Docteur & Profeffeur au College d'Hambourg.
A Hambourg, chez la veuve de
Felginer , 1727. in- 4°. de 253 pages.
On apprend de la Haye , qu'on y voit
un Muficien Allemand qui fonne du
Cor de chaffe d'une maniere auffi agréa
ble que furprenante. Il tire un fon admirable
de cet Inftrument ; il fait plus , il en
embouche deux à la fois & joue differentes
parties , & paffe avec un art qu'on ne
fçauroit concevoir , de la tierce à la quar
te , parcourt la quinte , la fexte & l'octave
, revient à l'uniffon , fait des tenuës
d'un côté , pendant que le deffus va fon
train;& en un mot, fait entendre des chofes
dont l'execution paroît inconcevable.
Le plaifir que font à tout le monde les
Eftampes du celebre Watteau , nous rend
extremement attentifs à donner avis au
public de tout ce qu'on grave d'après les
Tableaux ou les Deffeins de cet habile
Maître. Il paroît depuis peu plufieurs
I vol.
Estampes
THE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY.
ASTOR,
LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONS.
YORK
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONS
2
JUI N. 1728. 1211
que
Estampes nouvellement gravées par les
plus habiles Graveurs , que fon ami continue
à mettre en lumiere.Elles répondent
parfaitement au goût & au défir les
Curieux ont depuis long - temps de poffeder
les gracieufes productions deWatteau .
Ces Eftampes fe vendent chez Fr. Chereau,
Graveur du Roy , ruë S. Jacques ,& chez
Jan Audran , Graveur du Roy , en fon
Hôtel Royal des Gobelins . On trouve
chez les mêmes les deux volumes des Etudes
, gravez fur les Deffeins d'après natude
Watteau , avec l'abregé de la vie. >
*********
PRINTEM S.
P Endant le doux Printems , au gré de vos
défirs ,
Papillons , careffez toutes les fleurs nouvelles:
Et vous ,jeunes amans , pour goûter cent plaifirs
Aimez toutes les belles-
Par M. l'Affichard.C.A.D.L.O.S.
LE MOMENT.
Vaudeville , fur une Gavotte de M.Ripert.
Par l'Auteur de la Chanfon . Ton himeur
eft Caterenne.
YOUD
I vol. Amis
1212 MERCURE DE FRANCE. ]
A
Mis , je ne veux plus boire ,
J'entends l'heure du Berger.
L'amour m'offre une victoire .
Que je ne puis négliger ;
Ne retardez pas , ma gloire ,
Un moment peut tout changer .
J'adorois une cruelle ,
Qui méprifoit ma langueur ;
Mais par hazard , de la belle ,
Je viens de fléchir le coeur ;
Un moment trop tard , près d'elle
Peut reveiller fa rigueur.
Sa vertu foible & mourante ,
Pouffe le dernier foupir ;
Son humeur indifferente ,
Devient fenfible au plaifir :
Le doux moment fe prefente :
Je vais vite le faifir.
La conftance & la tendreffe ,
Les foins , les foupirs , les pleurs ,
I. vol.
Rarement
JUIN. 1728. 1213
Rarement d'une maîtreffe ,
Nous attirent les faveurs :
Un feul moment de foibleffe ,
Fait plus que dix ans d'ardeurs .
Ce n'eft point le vrai mérite ,
Qui fait un heureux amant :
On le prend comme on le quitte ,
Sans trop fçavoir bien comments
Quelquefois la réüffite
Roule fur un feul moment.
Un je ne fçai quoi bizare ,
Tient fouvent lieu de vertu .
Telle vous traite en barbare ,
Quoique par tout bien venu,
Qui tout d'un coup fe déclare ,
En faveur d'un inconnu ,
Un magot épouventable
Tortu d'efprit & de corps
Quelquefois d'une indomptable
Triomphe avec peu d'efforts ,
Tandis I vol.
11214 MERCURE DE FRANCE.
Tandis que l'Amant aimable ,
Seche au feu de fes tranſports .
1
Amis de cette morale ,
Voici ce que je conclus ;
Que telle , aujourd'hui Veſtale ,
Peut demain ne l'être plus ;
Et qu'un bon moment égale
La Lucrece à la Venus.
SPECTACLES.
LE 29 Avril les Comédiens
Italiens
remirent au Théatre , les Amans
ignorans , Comédie en profe & en trois
Actes , & des Divertiffemens , par M.Antreau.
Cette Piece avoit été reprefentée
dans fa nouveauté au mois d'Avril 1720.
On en peut voir l'Extrait dans le Mercu
re d'Avril de la même année , page 65.
La Dile Thomaffin y a joué le Rôle de la
Dile Silvia avec beaucoup d'intelligence.
Les May , ils jouerent une Piece Italienne
, qui n'avoit pas encore paru fur
ce Théatre , intitulée : Les Contre - temps ,
on l'Amant étourdi . C'eft le même fujet
1. vol. dont
JUIN. 1728. 1275
dont Moliere s'eft fervi pour faire la Comédie
de l'Etourdi , qu'on joie au Théatre
François.
Le 3 de ce mois , les Comédiens François
remirent au Théatre la Tragedie
d'Herode, & Mariamne , de M: de Voltaire
. Cette Piece avoit été repreſentée
dans fa nouveauté le 6 Mars 1724. Elle
ne fut jouée que cette feule fois ; on en
donna même un Extrait abregé dans le
Mercure du même mois , page 530 , &
tel que cette feule reprefentation avoit pû
le permettre . Cette chute fi peu attenduë,
obligea l'Auteur de retirer fa Piece
& d'y faire des changemens confiderables
.
Elle fut redonnée le 10 Avril 17255 .
à l'ouverture du Théatre , & elle eut un
très-grand fuccès ; on en verra l'Extrait
plus au long dans le Mercure d'Avril
1725 , page 801. Le public a revû cette
Tragedie avec beaucoup de plaifir . Les
deux principaux Rôles font remplis par le
ficur Dufrefne & par la Die le Couvreur.
Le fieur Quinaut y joue celui de
Varus ; le fieur le Grand , celui de Nabal
, & c .
Le 4 de ce mois , les Comediens François
lurent & reçurent unanimement une
Comédie nouvelle en Vers & en cinq
1. vol.
Actes
1216 MERCURE DE FRANCE .
Actes , intitulée : L'Ecole des Peres.Cette
Piece eft de M. Piron , déja connu par
plufieurs autres Ouvrages d'efprit .
Le même jour on remit au Théatre la
petite Comédie de Crifpin , Rival de fon
Maître , de M. le Sage , dans laquelle le
fieur de Montmeny joua le Rôle du Valet
la Branche , avec beaucoup d'applaudiffemens
. Cet Acteur a été reçu depuis à
demi part , par ordre de la Cour.
Le 3 de ce mois les Comédiens Italiens
remirent au Théatre la petite Comédie
Dumauvais Menage,joüée en May 1725 .
C'est une Parodie de la Tragedie d'Herode
& Mariamne , de M. de Voltaire ,.
qu'on a repriſe au Théatre François , comme
on vient de le dire. On peut voir
l'Extrait de la Parodie dans le 2 vol. de
Juin de la même année .
Le 31 May , les mêmes Comédiens reprefenterent
une petite Comédie nouvelle
, intitulée : Le Retour de Tendreffe ou la
Feinte veritable ; quoyque cette Piece ne
foit que le coup d'effay d'un jeune homme
, elle n'a pas laiffé d'être generalement
applaudie. Elle eft de M. Fuzillier.
En voici l'Extrait. "
ACTEURS.
Dorante , Amant de Lucinde , lefieur Ro-
1. vol .
magnesi.
JUIN. 1728. 1217
Lucinde , Amante de Dorante , la De
Sylvia.
Oronte , Pere de Julie , le fieur Pacqueti.
Julie , Amante de Lifimon , la D" Thomaffin.
Lifimon, Amante de Julie , le fieur Mario .
Spinette , fuivante de Lucinde , la D la
Arlequin , Valet de Dorante ,
Lande.
le ficur
Thomaffin.
La Scene eft dans la maiſon d'Oronte.
Dorante s'étant brouillé avec Lucinde,
& croyant ne l'aimer plus , pour mieux
fe venger d'elle , recherche en mariage
Julie , fille d'Oronte & coufine de fa
premiere Maîtreffe.C'eſt lui qui ouvre la
Scene avec Arlequin , à qui il fait connoître
que tout eft prêt pour fon Hymen
avec Julie. Arlequin veut le détourner
de ce mariage pour deux raifons; la premiere
, c'eft qu'il eft amoureux de Spinette
, fuivante de Lucinde ; la feconde .
c'est qu'il ne croit pas fon Maître guéri de
fa premiere paffion , & qu'il craint pour
lui un retour de tendreffe qui le condam
neroit à un long repentir. Dorante ne
tient aucun compte des confeils de fon
valet ; & pour lui perfuader l'infidelité
dont il fait fon bonheur , il lui dit qu'il
I vol aime
1218 MERCURE DE FRANCE .
aime Julie jufqu'à être jaloux des trop
fréquentes vifites que lui rend Lifimon.
Lucinde vient avec la fuivante Spinette ;
elle affecte une grande liberté d'efprit &
de coeur aux yeux de Dorante; elle porte
la feinte jufqu'à la plaifanterie ; elle lui
demande des nouvelles de fon mariage ;
Dorante lui répond qu'il doit être célebré
ce jour même ; Lucinde le prie de
vouloir bien le differer . Dorante qui l'aime
encore plus qu'il ne croît, fe flatte que
c'eft un retour de tendreffe qui oblige fa
premiere Amante à lui faire cette priere.
Il lui en demande la raifon ; elle reprend
le ton plaifant , & lui dit , qu'elle a fait
quelques apprêts de mafcarade dont
elle le veut régaler à fa nôce , & qu'elle
voudroit bien qu'ils ne fuffent pas perdus.
Ces dernieres paroles paroiffent fi picquantes
à Dorante qu'il la quitte brufquement
pour aller preffer la nôce. Spinette
joue à peu près le même perfonnanage
auprès de Lucinde , qu'Arlequin a
fait auprès de Dorante. Lucinde eft beaucoup
plus émuë que Dorante ne l'a paru ,
mais elle croit que cette émotion vient
plutôt d'un défir de vengeance que d'un
refte d'amour . Julie vient achever de la
déterminer à fe venger d'un infidele . Lifimon
dont Dorante a paru jaloux, eft veritablement
aimé de Julie. Cette jeune
I vol.
coufine
JUIN
1728. 1219
coufine de Lucinde lui fait connoître la
repugnance qu'elle a pour ce mariage où
Oronte fon pere la condamne ; elle eft
picquée de ce que Dorante a plutôt confulté
l'interêt de l'Auteur de fa naiſſance ,
que le coeur de fa future époufe ; elle prie
Lucinde de la fecourir dans une fi trifte
fituation , & la conjure de vouloir bien
renoüer de tendreffe avec Dorante , ou
du moins de le feindre pour détourner un
hymen , qui feroit le malheur de la vie.
Lucinde occupée de fa vengeance, lui promet
de la fervir de fon mieux , dût- elle
faire des avances que fa fierté ne lui permettroit
pas dans toute autre occafion :
elles le retirent toutes deux à l'approche
de Dorante & de Lifimon.
Ces deux prétendus Rivaux font d'un
caractere tout-à fait oppofé ; Dorante dit
tres férieufement à Lilimon qu'il ne veut
plus fouffrir les vifites affidues qu'il rend
à Julie. Lifimon ne fait que rire de fa jaloufie
& lui protefte qu'il redoublera fes
affiduitez auprès de Julie qu'il aime &
qu'il aimera toute fa vie . Dorante met
l'épée à la main ; Lifimon n'en eft pas
plus ému , & lui dit en badinant qu'il
doit refpecter la maifon du beaupere. Il
prend enfin fon férieux à fon tour. Il lui
dit qu'il lui laiffe le temps de la reflexion
, & qu'après cela il ne tiendra qu'à
I vol. lui
1220 MERCURE DE FRANCE.
lui d'être maître du choix du lieu & des
armes , depuis l'épée jufqu'au Canon :
Gare la Bombe , répond Arlequin . Oronte
furvient ; Dorante picqué de ce que Lifimon
lui a dit qu'il aime encore Lucinde,
le prie d'avancer la fignature du Contrat
; Öronte en eft ravi ; & après avoir
long-temps vanté les exploits paffez , il
quitte fon gendre futur pour aller mander
le Notaire. Lucinde vient ; elle joue
fi - bien le perfonnage d'Amante affligée ,
qu'elle attendrit les Spectateurs, tout prévenus
qu'ils font que ce n'eft qu'un jeu : Le
piége eft fi adroitement tendu que Dorante
y donne ; il eft au defefpoir d'avoir
preffé un mariage que le feul dépit lui a
fait rechercher ; il promet à Lucinde de
le rompre , quoiqu'il en puiffe arriver ;
elle redouble fes témoignages de tendrefle
; il fe jette à fes pieds pour l'en remercier.
Oronte arrive pendant qu'il lui
baife la main avec toutes les démonftrations
de l'Amant le plus tendre qui fut jamais.
Le colere vieillard ne pouvant plus
fe contenir , dit à Dorante qu'il voudroit
n'avoir que trente ans , pour tirer raifon
de l'injure qu'il lui fait , auffi- bien qu'à fa
fille. Julie lui répond qu'il ne peut mieux
venger fa gloire offenfée qu'en la mariant
avec Lifimon , qui eft prefent. Oronte y
confent , mais il ne trouve pasDorante
1.vol.
affez
JUIN. 1728. 1221
affez puni , puifqu'il fera heureux avec
Lucinde ; Julie lui dit qu'il ne fera pas
fi heureux qu'il le pente , puitque la
tendreffe de Lucinde n'eft qu'une feinte
qu'elles ont concertée enfemble. A ce mot
de feinte Dorante ne peut retenir fon
courroux : nous avons un démêlé à vn der
avant votre mariage , dit-il à Lifimon : je
ne me bats plus , lui répond ce dernier , fur
le ton goguenard ; je dois rendre compte
de ma race à la pofterité. Dorante refte
feul avec Lucinde à qui il fait de fanglants
reproches de fa fupercherie ; elle
commence à fentir que la feinte eft une verité
; vous verrez , lui dit - elle en foûriant
, que pour réparer ma faute, il faudra
que je vous époufe : ces derniers mots
raffurent Dorante . Lucinde lui avoie
que l'amour a eu plus de part à fa feinte
qu'elle ne croyoit , & finit par ces mots :
le Notaire eft là dedans pourfaire le Con
trat de Lifimon avec Julie ; fuivez- moi ,
je vais prendre Acte de mon innocence.
Comme cette Piéce eft écrite d'un ſtyle
à faire plaifir , nous avons crû en faire
beaucoup à nos Lecteurs , en leur en donnant
quelques fragments. Nous les prendrons
dans deux Scenes qui ont été fort
applaudies. Le premier dans la quatriéme
Scene entre Lucinde & Spinette .
1. vol.
G Lu1222
MERCURE DE FRANCE .
Lucinde.
Le pauvre Dorante a bien des affaires .
Je le plains , & ma Couſine auſſi .
Spinette.
Mais , vous ne l'aimez donc plus ?
Lucinde.
N'en es- tu convaincuë que d'aujourdhui
feulement ?
Spinette.
Son mariage ne vous picque point ?
Lucinde.
Tu le vois , & c..
Spinette.
Quelflegme! oh ! je crains bien
ealme ne nous amene l'orage.
Lucinde .
que
ce
Mais , Spinette , tu es folle : eft - ce ma
faute à moi ,fi je ne fuis point picquéer
Spinette.
Vous croyez ne le pas êtres mais vous ne
vous êtes brouillée avec Dorante que par
une extravagance de fa part , & un eniêtement
de la vôtre. Un frivole point d'honneur
vous arrête ; vous en êtes fur le céremonial
; perfonne ne veut faire les premieres
démarches , vous ferez la dupe de
votre fierté l'un & l'autre.
Lucinde riant.
Ah! ha ! ha !
Spinette .
Oui , cela eft fort rifible : mort de ma
1. vol.
vie !
JUIN. 1728. 1223
3
vie ! je ne vous plaindrai pas , au moins ,
quand vous viendrez me dire : Spinette
c'en est donc fait tout espoir eft perdu. Je
pouvois d'un feul mot me conferver mon
cher Darante ; & je fuis caufe de fon malheur
& du mien .... car je fuis feure qu'il
vous aime toujours , & qu'unfeul regard...
Lucinde.
Tu nous fais plus malheureux que
nous ne le fommes ; il fe mariera fans repentir
, & je le verrai fans jaloufie . D'ailleurs
ne voudrois -tu pas que j'allaffe le conjurer
de renoйer notre chaîne ! cela me conviendroit
fort ; mon fexe m'auroit des obligations
infinies ; je lui tracerois une jolie
route : non , il ne fera pas dit que j'aboliſſe
fes privileges ; & quand j'aurois tort , ce
n'eft pas à moi à revenir la premiere.
Spinette.
Voilà des Privileges qui font beaucoup
d'honneur à notre fexe ! affurément ! ah !
Madame, de pareils avantages ne nous
font accordez qu'en conféquence de notre
folle vanité ; & les hommes qui nous connoiffent
& qui ne cherchent que les moyens
de nous vaincre, n'en pourroient trouver de
plus sûr que de flatter notre orgueil.
Lucinde.
Vous nous accommodez bien, Mademoifelle.
1. vol.
Gij Spi1224
MERCURE DE FRANCE.
Spinette .
Comme vous devez l'être , Madame , &c.
Scene de feinte prétenduë de la part de
Lucinde avec Dorante , c'eſt la neuviéme
de la Piéce .
Lucinde à Dorante en foûpirant .
Quoi ? vous ne me regardez pas ! le noeud
que vous allez former vous rend- il mon
ennemi ?
Dorante.
Moi ! Madame! j'aurai toujours pour
vous la plus tendre cftime..
Lucinde.
Ah! vous feignez de ne pas entendre .
Voussavez que ce fatal mariage...
Et bien!
Dorante.
Lucinde.
Me défefpere , m'affaffine, & vous allez
Pachever!
Dorante.
Comment croirai-je ce que vous me dites ,
Madame ? Il n'y a qu'un moment que vous
étiez d'une gayeté....
Lucinde .
Fort bien ! Monfieur , fort bien ! fi vous
n'aviez pas oublié le langage de mes yeux,
vous auriez lu la contrainte où me jettoit
cette malheureufe gayeté que vous me rez
prockeze
JUIN . 1728. 1221
Dorante à part.
Où cela nous va- t- il mener ?
Lucinde.
•
Je vois enfin qu'il faut que ce foit mol
qui parle , & que j'immole à mon amour
ces précieufes bienfeances où notre fexe nous ·
oblige. Ab ! puifque nous naiffons plus
tendres, pourquoi nous impofe- t- on la cruelle
neceffité d'attendre que ces ingrats reviennent
à nous les premiers ?
Dorante à part.
Jufte Ciel elle m'aimeroit encore!
Lucinde
à part.
Bon ! cela prend.
Dorante.
Eh ! Madame , ne vous préviendrionsnous
pas , fi nous ne craignions de redoubler
vos mépris ? Mais , vous , que pouvezvous
rifquer ? votre fexe charmant n'est- il
pas toujours sûr de la victoire ? Quelque
fujet que nous ayons de nous plaindre de
Ini , pour peu qu'il hazarde un regard , it
fait moins éclater fa foibleße que la nôtre.
Lucinde.
Nous ne sommes pas fi redoutables que
vous le dites .
mes
Dorante.
Mais oferois-je vous demander , Mada :
à quoi tend cette entrevuë ? est - ce pour
jetter fur le refte de ma vie une amertume
que rien ne pourra adoucir ? Est- ce pour
}
7
1. vol . Giij
1226 MERCURE DE FRANCE .
me faire fentir toute la rigueur de votre perte
, que vous feignez d'être fenfible à la
mienne ? Ah! fi vous aviez été veritablement
touchée de ma résolution , vous ne
m'auriezpas laiffé engagé fi avant dans une
affaire dont je ne puis plus me dedire.
Lucinde .
Donc , vous ne pouvez plus vous dédire
! ab infenfee , pourquoi comptois - tu fi
fortfur le retour d'un volage ? étois - tu aff.z
vaine pour te flatter que cette démarche
l'attendriroit ? que ne t'épargnois - tu du
moins la bonte de pleurer à fes yeux ? à
part ; je crois que je pleure tout de bon.
Dorante .
Quelle fituation ! il ne falloit plus que
fes larmes pour m'achever.
Lucinde .
Voyez- les , voyez- les couler , Monfieur;
elles doivent flatter votre orgueil ; le triomphe
n'eft pas commun ; & ce font les premieres
que l'amour m'ait fait répandre.
Tout le refte de cette Scene eft écrit à
peu près de même ; mais ce que nous vevons
d'en extraire doit fuffire pour donner
une idée avantageufe d'une plume
qui commence par où les autres finiffent.
Les Spectateurs ont été fi touchez
des fentimens qui y font répandus , qu'ils
ont pris la feinte pour une verité ; il eſt
vrai que Lucinde n'étoit pas auffi diffimu-
I. vel.
léc
JUIN. 1728.
1227
lée qu'elle avoit prétendu l'être , puifqu'elle
finit par ces mots qu'elle dit à
parte : cela va à merveille ; mais il me
femble que la chofe devient auffi un peufé
rieufe de mon côté.
EXTRAIT de la petite Comédie , qui a
pourtitre : Le Triomphe de Plutus , repréfentée
fur le Théatre Italien , & annoncée
dans le Mercure d'Avril.
ACTEURS.
Orfmidas , Oncle d'Amynthe. Le fieur
Paquery.
Amynthe , mere d'Orfmidas .
La Dile
Thomaffin
.
Apollon , fous la figure d'Ergafte . Le fieur
Romagnezy.
Plutus , fous la figure de M. Richard. Le
fieur Dominique .
lle
Spinette , Suivante d'Amynthe . La D
la Lande.
Arlequin , Valet d'Ergafte .
La Scene eft dans la maiſon d'Orfmidas.
Plutus ouvre la Scene & expofe le fujet
de la Piéce ; il fait entendre aux Spectareurs
, qu'Apollon s'étant vanté dans le
Ciel , qu'il l'emporteroit fur lui auprès
d'une Maîtreffe , prétend foutenir la ga-
I. vol.
Giiij geure ;
1218 MERCURE DE FRANCE .
geure ; & qu'il eft déja deſcendu de l'olympe
, pour prouver ce qu'il a ofé avancer.
Plutus entreprend de rabattre fon orgueil
, par des conquêtes qui ne laiffent
plus douter fon témeraire Rival de l'avantage
que le Dieu des Richeffes doit avoir
fur le Dieu des Vers. Après cette courte
expofition , Apollon vient ; il le prend fur
le ton plaifant avec Plutus ; dans la confidence
réciproque qu'ils fe font de leurs
entrepriſes amoureufes ; ils fe trouvent
Rivaux Amynthe , niéce d'Orfmidas ,
eft l'objet de leur amour ; mais quoi qu'Apollon
foit le premier en datte , & qu'il
ait déja fait quelque progrès fur le coeur
de fa nouvelle Maîtreffe , Plutus ne défefpere
pas de lui arracher une victoire qu'il
croit fûre ; Apollon regarde fon Rival
d'un oeil de pitié , ce qui l'excite encore
plus à ne rien oublier pour triompher d'un
concurrent fi infultant. Spinette furvient ,
Apollon lui demande des nouvelles de fa
chere Maîtreffe ; Spinette a beau lui faire
valoir les foins qu'elle lui rend auprès
d'elle , Apollon fe contente de lui témoi
gner de la reconnoiffance , mais il ne lui
en donne aucune marque fenfible ; il fe
retire pour aller donner ordre à l'execution
d'une Fête qu'il a compofée pour
Amynthe . Plutus , qui s'eft apperçû du
mécontentement
de Spinette , au fujet de
1. vol.
la
JUIN. 1728. 1229
la reconnoiffance fterile de fon Rival , la
met bien tôt dans fes interêts par un riche
Diamant qu'il lui donne ; Spinette l'avoit
d'abord trouvé groffier ; mais fa liberalité
le lui fait trouver préferable aux Amants
les plus polis ; Arlequin , qui arrive & qui
fe plaint qu'Ergafte ( c'eft le nom qu'Apollon
a pris ) ne lui a pas encore donné
la premiere obole de fes gages , en
eft fur le champ confolé par une pluie
d'or , que M. Richard ( c'eft ainfi que
fe nomme Plutus ) fait couler dans fes
mains ; Orfmidas éprouve à fon tour des
effets de fa prodigalité ; il eft occupé de
la vente d'une Terre , dont il deftine le
prix à marier fa niéce Amynthe avec le
faux Ergafte ; on ne veut pas lui en donner
la fomme qu'il prétend; le faux M. Richard
le tire d'embarras ; il achete cette
Terre fans l'avoir vuë , & lui en donne
tout ce qu'il en veut en bons billets qu'il
lui met entre les mains ; il lui demande
fa niéce en mariage , après s'être fait connoître
à lui , pour un riche Négociant dont
le Commerce & la Fortune font immenfes
; Orfinidas ne peut réfifter à des paroles
infiniment plus énergiques pour lu
que toute l'éloquence de fon Rival ; it
n'y a pas juſqu'à faniéce Amynthe , qui
ne rende les armes à un Amant fi fplendide
; elle accepte fans répugnance un ri-
I. vol. G che
1230 MERCURE DE FRANCE .
che bracelet dont il orne fon bras ; & un
coffret de pierreries qu'il met entre les
mains de fa Suivante. Apollon vient faire
executer le Divertiffement qu'il a com
pofé pour elle ; la bonne opinion qu'il a
de fes talens , l'empêche des'appercevoir
du refroidiffement de fa chere Amynthe ;
la Fête eft trouvée très-ennuyeufe par Plu
tus , Apollon n'en eft pas furpris ; mais il
tombe dans un grand étonnement , quand
il voit quel effet produit fur le coeur de
l'Oncle & de la Niéce , un cadeau de la
façon de fon Rival . Ce font des Crocheteurs
chargez d'étoffes très - riches & de
facs d'or qui compofent le Balet ; tout ,
jufqu'à fon Valet Arlequin , fe déclare en
faveur des richeffes ; Apollon picqué d'avoir
perdu la gageure , fe retire dans
l'Olympe , après s'être fait reconnoître
pour le Dieu du Mérite ; Plutus fe déclare
à fon tour Dieu des Richeffes , & remonte
au Ciel , après avoir fait préfent à
Amynthe de toutes les richeffes qu'il vient
d'étaler à fes yeux ; les Acteurs qu'il a
payez d'avance executent une derniere
Fête qui roule fur la puiffance de l'or.
1. vol.
NOU.
JUIN. 1728. 1231
XXX:XXXXX XXXXXX :X
NOUVELLES DU TEMPS.
TURQUIE.
fait grand Confondances qu'on
N apprend de Conftantinople qu'on avoit
rail , à l'occafion de la naiilance d'un Prince ,
dont une des femmes du Grand - Seigneur accoucha
le 7. Mars dernier.
Ces avis portent qu'il avoit été réfolu dans
le Divan , de ne fournir aucun fecours aux Perfans
contre les Motcovites , dans la crainte
que l'Empereur & la République de Venife ne
déclaraffent la Guerre à la Porte , pour faire
une diverfion en faveur du Czar.
On a appris des Frontieres de Perfe , que
le Pacha qui s'étoit mis en marche pour aller
foumettre au Sultan Acheraf une Province fituée
à l'Eft de l'Euphate , vers le Golfe Perfique
& habitée par des Arabes , n'ayant pû
réuffir dans cette entrepriſe , étoit revenu joindre
le refte de l'Armée du G. S.
On a appris en dernier lieu que le Sultan
Acheraf , qui étoit allé camper avec 40000.
hommes , près de la Mer Cafpienne , dans l'efperance
d'y recevoir un renfort confiderable
de la part des Turcs & des Tartares , en étoit
parti avec précipitation pour retourner à Ifpaham
, ayant été informé que le Prince Thamas
qui éroit revenu de la Chine , étoit entré en
Perfe à la tête d'une Armée de près de cent
mille hommes , compofée de Troupes de l'Empereur
de la Chine , & des fecours que le
Grand Mogol lui avoit fournis .
I. vol.
CA- G vj
1230 MERCURE DE FRANCE.
che bracelet dont il orne fon bras ; & un
coffret de pierreries qu'il met entre les
mains de fa Suivante. Apollon vient faire
executer le Divertiffement qu'il a com
pofé pour elle ; la bonne opinion qu'il a
de fes talens , l'empêche des'appercevoir
du refroidiffement de fa chere Amynthe ;
la Fête eft trouvée très- ennuyeufe par Plu
tus , Apollon n'en eft pas furpris ; mais il
tombe dans un grand étonnement , quand
il voit quel effet produit fur le coeur de
l'Oncle & de la Niéce , un cadeau de la
façon de fon Rival . Ce font des Crocheteurs
chargez d'étoffes très - riches & de
facs d'or qui compofent le Balet ; tout
jufqu'à fon Valet Arlequin , fe déclare en
faveur des richeffes ; Apollon picqué d'avoir
perdu la gageure , fe retire dans
l'Olympe , après s'être fait reconnoître
pour le Dieu du Mérite ; Plutus fe déclare
à fon tour Dieu des Richeffes , & remonte
au Ciel , après avoir fait préfent à
Amynthe de toutes les richeffes qu'il vient
d'étaler à fes yeux ; les Acteurs qu'il a
payez d'avance executent une derniere
Fête qui roule fur la puiffance de l'or.
1. vol.
NOU.
JUIN.
1728. 1231
XX :
XXXXXXXXXXX :X
NOUVELLES DU TEMPS .
TURQUIE.
N apprend de Conftantinople qu'on avoit
fait de grandes réjouiffances dans le Sérail
, à l'occafion de la naiffance d'un Prince ,
dont une des femmes du Grand - Seigneur accoucha
le 7. Mars dernier.
Ces avis portent qu'il avoit été réfolu dans
le Divan , de ne fournir aucun fecours aux Perfans
contre les Mofcovites , dans la crainte
que l'Empereur & la République de Venife ne
déclaraffent la Guerre à la Porte , pour faire
une diverfion en faveur du Czar.
On a appris des Frontieres de Perfe , que
le Pacha qui s'étoit mis en marche pour aller
foumettre au Sultan Acheraf une Province fituée
à l'Eft de l'Euphate , vers le Golfe Perfique
& habitée par des Arabes , n'ayant pû
réuffir dans cette entrepriſe , étoit revenu joindre
le refte de l'Armée du G. S.
On a appris en dernier lieu que le Sultan
Acheraf , qui étoit allé camper avec 40000.
hommes , près de la Mer Cafpienne , dans l'efperance
d'y recevoir un renfort confiderable
de la part des Turcs & des Tartares , en étoit
parti avec précipitation pour retourner à Ifpaham
,, ayant été informé que le Prince Thamas
qui étoit revenu de la Chine , étoit entré en
Perfe à la tête d'une Armée de près de cent
mille hommes , compofée de Troupes de l'Empereur
de la Chine , & des fecours que le
Grand Mogol lui avoit fournis .
1
I. vol.
G vj
Co1232
MERCURE DE FRANCE .
1
COPIE d'une Lettre du R P. Beguin
Commandeur du Convent de la Mercy
de Paris , Député General de la Redemption
des Captifs . Ecrite de Salé le
26 Avril 1728 , à M. Couvay.
E partis de Cadix le 31 du paffé , Monfieur,
Jemme je vous le marquaipar madernieres
nous arrivâmes icy le 4 de ce mois , ignorant
les révolutions qui y étoient arrivées depuis
quinze jours , & qu'il étoit impoffible que nous
pufions fçavoir; en mouillant à la rade de Salé.
Vers le midi , nous fumes abordez par deux Bateaux
du Port , y ayant dans chacun vingt Rameurs.
Le Gouverneur les avoit envoyé dès le
matin qu'il nous avoit apperçusils s'étoient rangez
auprès d'un Vaiffeau Anglois , qui avoit
mouillé à cette rade , afin que nous ne puffions
pas être informez de ce qui fe paffoit.
Trente hommes entrerent d'abord dans notre
Tartane , fe difant envoyez par le fieur Pillet ,
Gouverneur du Port , pour nous faire paffer la
Barre & nous amener au Port où il nous attendoit
pour nous recevoir. Nous n'eûmes aucune
défance de cette politeffe , qui auroit dégénéré
en brutalité, fi nous n'avions pas voulu defcendre
dans leur Batteau , étant chargez , comme
nous l'avons appris dans la fuite , de nous amener
de force , fi nous n'avions pas voulu entrer
de gré; & cela fous peine de leur tête .
Nous fimes débarquer feulement nos offres
fans autre chofe , laiſſant nos prefens dans la
Tartane qui n'entra que le lendemain . Nous
arrivâmes ainfi à terre où nous , trouvmes nos
Marchan Is François qui nous voyoient arriver
1. vol.
JUIN. 1728 . 1233
•
àregret, & après nous être tous embraffez , nous
allames faluer le Gouverneur qui étoit affis à
terre à deux pas de là , fur un Bourlet Jeulement
, environné de fes Arguafils. Il nous reçût
tres gracieusement , & nous dit que nous trouverions
bien du changement , auquel nous ne
nous attendions pas , mais que nous ne devions
avoir aucune inquiétude fur cela que nos affaires
n'en iroient pas moins bien , & que nous
étions en toute sûreté. Ce difcours me faifit le
eoeur, nos Marchands n'ayant pû nous informer
de ce qui fe paffoit & l'ignorant entierement.
Après ces premiers complimens , nos Marchands
François nous conduisirent crez eux où ils
nous avoient préparé des appartemens ; c'étoit à
qui nous auroit , mais nous nous patageâmes
afin qu'un feul n'eus pas le fardeau , & nousfumes
informez des révolutions arrivées depuis le
18 Mars , que Mouley- Hamet regnant , avoit été
déposé le 18 , chassé du Palais & remis dans l'ancienne
Maifon qu'il occupoit avant qu'il fut
Roy , où on lui avoit donné des gardes de peur
qu'il ne fe fauvat ; que cela s'étoit fait d'un
confentement unanime , fans tirer un coup de
piftolet , par les menées du Chef des Eunuques,
nommé Ben Margean, qui gouverne aujourd'hui
abfolument le Royaume , prenant pour prétexte
les débauches exceffives du Roy , mais ayant
toujours eu en vue de placerfur le Trône , fon
frere Abdemelec.
Après la dépofition de ce Roy , le lendemain
19 fe paffa en conteftation , pour se déterminer
fur le choix de celui qui lui fuccederoit . Quatre
mille députez de l'armée des Noirs , compofée
de foixante mille hommes , & campée à 17
lieues de Miquenez , lieu de la réfidence ordi
naire , étant arrivez pour faire des remontranses
au Roy fur fa conduite , furent fort cha
I. vol.
quez
1234 MERCURE DE FRANCE .
quez
du procedé qu'on avoit tenu envers lui ,
voulant abfolument le rétablir fur le Trône , on
faillit même à en venir aux mains ; mais enfin
gagnez par les Grands & les promeffes qu'on
leur fit , ilsfe défifterent de leur entreprise.
Le Dimanche 20 , il ſe tint un grand Confeil
dans le Palais , pour se déterminer fur le choix
d'un Roy. Les Noirs ne vouloient point d'abdemelec
, & propofoient un autre de fes freres ,
Seachant qu'Abdemelec ne les aimoit point ,
l'ayant déja battu dans deux batailles qu'ils
avoient gagnées contre lui ; mais le rufé Eunuque
fit tant parfes intrigues & par les efperances
qu'il leur donna , qu'Abdemelec ne pouvoit
& qu'il n'auroit jamais aucun reffentiment
contr'eux , qu'ayant fait faire devant
eux une assemblée des Notables de la Loy, tous
déciderent qu'ayant dans ces occafions obéi aux
ordres du Roy , on reconnut que celui qui viendroit
après lui , ne pouvoit pas en conscience
conferver contr'eux le moindre reffentiment.
Après cette décifion , l'Eunuque ajoûta, qu'il
étoit important pour la tranquillité du Royaume
qu'Abdemelec fut nommé à la place de fon
frere , qu'autrement il continueroit la guerre
contre celui qu'on nommeroit , comme il l'avoit
faite à celui qu'on venoit de déplacer,& qu'ainfi
le Royaume feroit toûjours en trouble , ce qui
pourroit cauferfa deftruction . On se rendit à
toutes ces raisons , & on réfolut de le proclamer
Roy.
Comme il étoit abfent , on envoya chercher fon
fils , âgé de 15 ans , qui avoit été pris l'année
passée dans la bataille que fon pere avoit perduë,
& am né à Miquenez , où Hamet fon oncle
l'avoit fort bien reçû & équipé de tout ce
qui étoit convenable à fa qualité. Douze Grands
furent députez pour l'aller chercher ; on le con- I. vol.
duifit
JUIN. 1728. 1235
duifit à l'affemblée , dans un magnifique Caroffe
de fon grand pere, que l'Eunuque lui avoit
envoyé Le General de l'armée l'embraſſa ,le prit
entre fes bras, l'éleva jufques fur fes épaules, le
mit fur un magnifique Cheval , & s'écria : Vive
la verité , vive la loy de Mahomet , vive Abdemelec
; le reste de l'affemblée fit la même proclamation
, ce qui fut executé de même dans
toute la Ville de Miquenez , & l'a été enfuite
dans toutes les Villes du Royaume, fans aucune
contradiction.
›
Lejeune Prince fut déclaré Regent du Royaume
jufqu'à l'arrivée de fon pere , mais fous la
conduite de Ben Margean, à qui on a donné toute
autorité fur lui , & fans l'avis duquel il ne
peut rien faire. De quelle maniere tout cela
s'eft tramé , c'eft ce que je me referve de dire
dans la relation que je me propofe de faire de
mon voyage , & que je ne puis icy vous marquer
pour abreger cette lettre . Dans le même
moment on dépêcha des Couriers de toutes
parts , pour en donner avis à Abdemelec , ne
Seachant pas le lieu où il eft ; & depuis le 20
Mars jufqu'à ce jour 26 Avril , on n'a pû encore
le trouver ; ce qui met tout le Royaume
en émeute & à la veille d'une révolution . Le
gros de l'armée des Noirs n'étant pas trop content
de ce changement , la glofe fcandaleufe
dit , qu'étant fans argent pour continuer la
guerre contre fon frere , il étoit allé audevant
d'une Caravanne , qui vient de Guinée , chargée
de Poudre d'or , pour la piller & que
Payant attaquée , il avoit été blessé dangereufement
; ce qui fait qu'on le dit tantôt dans un
endroit , tantôt dans un autre; on a même déja
fait deux fois des réjouissances fur des nouvelles
faites exprès, qu'il étoit à Maroc ,& une autrefois
à Fez d'autres difent, ; que ne voulant laif-
1. vol.
Ser
1236 MERCURE DE FRANCE .
fer rien derriere lui qui puiffe lui donner des inquiétudes,
il va à droite & à gauche pour foumettre
les rebelles rendre les chemins libres,
qui font prefque tous occupez par les Arabes
qui fe font débandez & mis au pillage.
Vous jugez bien , Monfieur , que nous fommes
dans une conjoncture tres - épineuse , mais
il n'y a plus moyen de reculer , la porte pour
fortir nous étant fermée , il faut prendre fon
parti & avoir patience ; étant partis de Cadix
avec de bons Paffeports que nous ne reçûmes
que le 1 de Mars , & des afsûrances pofitives
de tous les Marchands de Salé que tout étoit
tranquille , & que nous pouvions compter fur
un fuccès infaillible , tous autres que nous y
auroient étépris ; déforientez fur nos mesures
I
le projet formé , nous avons commencé une
autre Manoeuvre , lejour même de notre arrivée,
ne doutant point qu'on n'eut envoyé à¦Miquenez
donner avis de notre arrivée à Salé , avec
nos deux Efclaves Ambaffadeurs , nous envoya
mes un Exprès au Pere Gardien des Recolets de
Miquenez qui y ont un Hofpice , le priant de
nous donner avis de ce qui fe paffoit quelles
mesures nous devions prendre nous en eúmes réponfe,
& par le même Courier , nous reçûmes
trois Lettres ; l'une de Ben Margean , Chef des
Eunuques du Royaume , l'autre du jeune
Prince , qui figure pour le Roy fon pere , & la
troifiéme d'un Bacha , mais fans beaucoup de
credit aujourd'hui . Quand je dis le même Courier,
j'entens le Secretaire de Ben Margean , accompagné
de deux de fes Efclaves , dont l'un
eft frere d'un de nos Ambassadeurs . J'en envoye
les Copies traduites de l'Arabe en François au
Per Vicaire General , que je prie de vous communiquer
, vous y verrez de grandes politeffes
des afsurances pofitives d'un heureux fuccès I. vol
dans
JUIN. 1728. 1237
dans notre Miffion . Nous répondimes à ces Lestres
, avec des prefens que nous envoyâmes à
l'Eunuque & à ce jeune Prince , par le méme
Secretaire qui nous avoit apporté leurs Le tres .
Les prefens ont été bien reçûs , ils en ont été
tres-fatisfaits . L'Eunuque nous a encore écrit
à peu près dans les mêmes termes, nous affurant
que nous ne pafferons pas par d'autres mains
que les fiennes , & que fi nous ne réffiffons pas,
nous enpourrions rejetter toute lafautefur lui,
qu'il nous donne fa tête fi tout ne fe paffe pas à
notre fatisfaction : Dieu le veuille , car ces genscy
fe ruinent en promeffes.
do
Il nous a envoyé une Lettre pour le Gouver
neur du Château, auquel il recommande de nous
procurer toute forte d'agrément ; que fi nous
voulons aller à la chaffe, ou nous promener hors
de la Ville , de nous donner des gardes , &
de faire couper la tête au premier qui nous in-
Jultera. Il nous dit encore de demeurer à Salé ,
où nous ferons plus tranquilles qu'à Miquenez,
que
dès que le Roy fera arrivé , il nous envoyera
chercher . Nous avons rendu la Lettre au
Gouverneur qui eft venu nous recevoir jufques
hors du Château, avec 24 gardes , il nous a fait
mille offres de fervices ; auffi est- ce un digne homme
, intime ami des Chrétiens , & qui , au cas
de revolution , nous donnera à nos Marchands
une retraite dans le Château , car les
Arabes font des courfes jufques dans la Ville ..
On aura de lapeine à croire qu'un Roy proclamé
, qui cherchoit par la force des armes àfe
rendre maitre d'un Royaume , ne paroiffe pas
après 38 jours de recherche , & qu'on ne puisse
pas fçavoir pofitivement où il eft . C'est cependant
ce qui arrive aujourd'hui , quoique toutes
les Villes fe foient rangées fous fon obéiffance,és
que tous les Peuples le défirent avec empreſſe- 1. val.
ment
,
1238 MERCURE DE FRANCE .
ment. Ce fera un trait d'Hiftoire des plus finguliers
, & qu'un Negre Eunuque & Esclave , qui
opere tous ces changemens , foit maitre du
Royaume , fe foutienne dans cet intervalle ,
fans aucune révolution , &c,
L
RUSSIE
A Flote qui doit mettre à la voile peu de
temps après le retour du Czar à Peterf
bourg, ne fera compofée que de douze Vailfeaux
de Guerre & de cinq Frégates ..
On apprend de Molcou , qu'on y trouva
vers le milieu du mois d'Avril dernier , près
d'une des portes de cette Ville , une Lettre cachetée,
dont la fufcription portoit qu'elle contenoit
des chofes de la derniere importance ; on
l'ouvrit & on n'y trouva que des invectives
ourrées contre la conduite des Miniftres à l'égard
du Prince Menzixoff : ce qui a déterminé
le Czar à faire publier une Proclamation par
laquelle il promet le pardon avec une récompenfe
à l'Auteur de cette Lettre , s'il vient
avouer fa faute & déclarer fes complices. Ceux
au contraire qui ayant connoiffance de cette
Lettre , n'en dénonceront pas les Auteurs au
Confeil Privé , feront punis comme ennemis de
I'tat . On a appris depuis , qu'on avoit arrêté
à Mofcou une Dame , parente du Prince Men.
zikoff , foupçonnée d'avoir part à cette Lettre
injurienfe que cette Dame ayant été mife¹à la
queftion , s'étoit avouée coupable, & qu'elle
avoit nommé fes complices aufquels on devoit
faire incellamment le procès .
Le Patriarche de Mofcou & les autres Prélats
de ce pays, ont reçû ordre de fournir dans
trois mois , un Etat exact de tous les revenus
des biens Ecclefiaftiques , afin qu'on puiffe I. vol.
lever
JUIN. 1728. 1239
lever deffus une impofition équitable pour les
befoins de l'Etat.
Le 28. du mois dernier , le Czar partit de
Mofcou avec les deux Princeffes fes Soeur &
Tante ,, pour se rendre à Wunirou , maiſon de
plaifance où S. M. Cz. doit paffer quelques
jours pour prendre le divertiffement de la
Chaffe .
Le nouveau parti qui s'eft formé en Perfe en
faveur du Prince Thamas , fils du Roi de Perfe
detrôné , Schah- Huffain , contre le Sultan
Acheraf, devenant de jour en jour plus confiderable
, on croit que ce dernier ne fera pas en
état cette année de faire aucune entrepriſe fur
les Provinces conquifes par le feu Czar .
Les dernieres Lettres de Mofcou portent que
l'Envoyé du Pr . Thamas y étoit arrivé.
Le Comte Sara - Uladiflas Ragufiski , Ambaffadeur
du Czar à la Cour de l'Empereur de
la Chine , a envoyéà la Cour les Obfervations
qu'il a faites fur la fituation de la Ville de Selginski
, voifine des Frontieres de la Chine, avec
le Plan de cette Ville , & un Projet pour en
bâtir une nouvelle auprès de l'ancienne. Toutes
ces Piéces ayant été examinées dans le
Confeil , on a déja fait partir quelques Ingénieurs
pour tracer le Plan de cette nouvelle
Ville , où l'on efpere établir un Entrepos de
Commerce qui fera très- avantageux aux Mofcovites.
On a équipé à Petersbourg quatre Frégates
pour porter en Espagne une grande quantité
de Canons de fer , des Fonderies d'Olonitz ; le
Duc de Liria les a achetés pour le compte de
S. M. C. pour laquelle on conftruit dans cette
Ville quelques Vaiffeaux de Guerre , qui font
prefque tous en état d'être lancés à l'eau , mais
dont le plus fort n'eft que de 4 Piéces de
Canon.
1240 MERCURE DE FRANCE.
O
DANNEMAR C.
N embarqua à Copenhague , au commencement
du mois dernier , beaucoup de
provifions & de munitions de Guerre fur les
Vaiffeaux qui doivent tranfporter dans le
Groenlande les familles qui fe font offertes d'y
aller établir une Colonie ; leur engagement
n'eft que pour fix années : pendant les trois
premieres , le Roi leur fournira des vivres ,
des habits , des outils , & les ouvriers néceffaires
pour leur conftruire des habitations . Le
Major Pors a été nommé Gouverneur & Commandant
de cette nouvelle Colonie. Le Capitaine
Landorff commandera fous lui la Milice
avec un Lieutenant & quelques Officiers Subalternes
.
M. de Seheftedt , Confeiller du Confeil Privé ,
a été nommé par le Roi fon Miniftre Plénipotentiaire
au prochain Congrès : S. M. a fait
choifir 33. des plus beaux Chevaux de fes Ecuries
pour les attelages & les Chevaux de main
de ce Miniftre.
On maria le 15. du mois dernier dans l'Eglife
de la Garnifon de Copenhague , les jeunes
geus engagés pour le Groenland , avec des
filles de la maifon des Orfelins , après quoi on
les fit embarquer fur les Vaiffeaux du Roi pour
les faire partir au premier vent favorable."
POLOGNE.
ON a reçû avis des que les maladies coFnrtoangtiieeurfeessdye fTauirfqoiueinet
de grands ravages , qu'elles s'étoient communiquées
faute de précautions , à quelques Villages
des Terres de la République , dont une
I. vol.
par
JUIN. 1728.
1241
partie des habitans s'étoit retirée dans les bois.
Le Duc de Meckelbourg eft parti de
Dantzic pour fe rendre , à ce qu'on publie
dans fon Duché , avant qu'on y ait mis à execution
le dernier Decret de l'Empereur .
ALLEMAGNE.
LE 3. May ,Fête de l'Invention de la fainte
Croix , l'Imperatrice Amelie tint à Vienne
dans le Monaftere des Religieufes de la Vifitation
, un Chapitre de l'Ordre de la Croifade ,
dans lequel elle nomma pour Dames de cet
Ordre , l'Archi -Ducheffe Marie- Therefe , &
28. autres Dames tant Allemandes qu'Italiennes.
Le Duc de Richelieu , cy- devant Ambaffadeur
Extraordinaire du Roi T. Ch. partit de
Vienne le 5. du mois dernier , pour retourner
en France, laiffant ici M. de Buffy pour prendre
foin des affaires jufqu'à l'arrivée du Comte de
Cambis , qui a été nommé Miniftre Plénipotentiaire
de S. M. T. Ch . auprès de l'Empereur.
Le Comte Philippe de Kinski a été nommé
Envoyé Extraordinaire de S. M. I. à la Cour du
Roi d'Angleterre.
Le Confeil Aulique a rendu un Arrêt , qui
déclare le Duc de Meckelbourg démis de la
Regence de fes Etats , & en nomme le Duc
fon frere Adminiftrateur , avec 3 fooo. Rifdales
de revenu. On a affigné 40000. Ritdales de
penfion au Duc deMeckelbourg dépoffedé, 5000.
Rifdales par an à la Ducheffe fon Epoufe qu'il
a répudiée , 12000. à celle qu'il a épousée en
fecondes noces , & à la Princeffe fa fille. Le
refte de fes revenus qui monte à 40000. Rifdales
, fera employé au payement des dettes pu-
A. vol.
bli1242
MERCURE DE FRANCE.
bliques & des arrérages dûs à la Commiffion
d'éxecution , dont les Troupes fortiront du
Meckelbourg , & ce Duché fera dorénavant
fous la protection du Roi de Pruffe. On a appris
depuis que le Duc Charles Léopold de
Meckelbourg , étoit allé à Berlin pour enga
ger S. M. Pr . à prendre fes interêts , que le Duc
Chrétien Louis , fon frere , s'étoit excufé d'accepter
l'adminiftration du Duché , & qu'il ne
l'empêchoit pas de jouir de fes droits pendant
fa vie ; mais on vient d'apprendre en dernier
Lieu que le Duc Chrétien qui eft à Hambourg,
incognito , a eû plufieurs Conférences avec le
Comte de Metfch , Miniftre Plénipotentiaire
de l'Empereur auprès des Princes de la Bafle-
Saxe , & le bruit court à préfent que ce Prince
fe conformera aux intentions de l'Empereur ,
& qu'il fe rendra inceffamment à Schwerin
pour y prendre l'adminiftration du Duché de
Meckelbourg , fuivant les conditions impofées
par le Décret du Confeil Aulique , qui l'obli
ge à ne rien faire fans l'avis de quatre Confeillers
de Regence que S. M. I. doit nommer
Les Ecuyers de l'Empereur ont ordre de
faire tenir 3500. Chevaux fur la route de
Gratz en Stirie , pour le voyage que S. M. I.
doit y faire le 16. de ce mois.
Le Comte de Saftago a été nommé depuis
peu Viceroy de Sicile. Il doit s'y rendre inceffamment
pour relever le Comté de Palma.
On apprend de Berlin que le Roy de Pologne
étoit attendu le 26 du mois dernier à Poſtdam,
où il devoit dîner avec le Roy de Pruffe;
que L.M.fe rendroient le 29 à Spandau ; que les
Fêtes qu'on devoit donner à S. M. Pol, dureroient
17 jours , & qu'elles finiroient par un
Bal magnifique qui fe donnera dans l'Orangerie
de Charlottembourg. La fuite du Roy de
I. vol.
PoJUIN.
1728. 1243
Pologne doit être de 7 perfonnes , fans compter
les Comteffes d'Orzelska , de Bielinska &
Ockzin, qui font du voyage. La fuite du Pr.
Electoral de Saxe ne fera que de fept ou huit
Seigneurs .
ITALIE.
7Oici les noms & qualitez des cinq Cardinaux
que le Pape avoit refervez, in petto.
Marc-Antoine Anfidei , Archevêque titulaire
de Damiete , Evêque de Peroule & Af
feffeur du S. Office ,
Profper Lambertini Bolonois , Archevêque
titulaire de Theodofie , Evêque d'Ancone , Secretaire
de la Congregation du Concile , &
Promoteur de la Foy.
Gregoire Celleri , né dans le territoire de
Peroufe , Religieux de l'Ordre de S. Dominique
, Profeffeur en Théologie & Maître du
facré Palais .
Antoine Banchieri , de Piftoye , Confulteur
du S. Office , Vice-Camerlingue & Gouverneur
de Rome.
Charles Colligola , de Spolete , Treforier
general de la Chambre Apoftolique.
Dans le même Confiftoire , le Pape fit Cardinaux
le P.Vincent- Louis Gotti , Milanois ,
de l'Ordre de S. Dominique , Patriarche élu
de Jerufalem , & le P. Léandre Porzia , originaire
du Frioul , Religieux Benedictin de la
Congregation du Mont- Caffin & Evêque de
Bergame.
S. S. a accordé aux nouveaux Cardinaux
Banchieri , Colligola , Celleri & Gotti , une
penfion de cent écus d'or par mois , fur les revenus
de la Chambre Apoftolique.
Le 10 May , le Pape tint un Confiftoire
fecret
A. vol.
1244 MERCURE DE FRANCE .
mer
fecret , dans lequel il fit la ceremonie de fer-
& d'ouvrir la bouche aux nouveaux
Cardinaux , enfuite S. S. leur diftriba leurs
titres ; fçavoir , au Cardinal Affidei , celui
de S. Pierre in Montorio ; au Cardinal Lambertini
, celui de Ste Croix de Jerufalem ; au
Cardinal Cellery , celui de S. Auguftin ; au
Cardinal Banchieri , celui de S.Pierre ès Liens ;
au Cardinal Colligola , celui de Ste Marie in
Campitello & au Cardinal Porzia , celui de
S Jerôme des Esclavons.
Le Cardinal Davia a été nommé Protecteur
des Catholiques d'Angleterre , à la place du
feu Cardinal Gualterio.
Le Cardinal Bentivoglio chargé des affaires
du Roy d'Espagne à Rome , a deffendu aux Religieufes
Efpagnoles qui font en ce pays , d'accepter
aucun titre , in partibus , fous peine
d'encourir la difgrace de S. M. Cat. & de la
faifie de leurs revenus en Espagne.
Le Duc de Richelieu , cy- devant Ambaffadeur
Extraordinaire du Roy T. Ch . à la Cour
de l'Empereur , qui arriva à Venife au cammencement
du mois dernier , en a dû partir à
la fin du même mois pour aller voir les principales
Villes d'Italie .
On écrit de Rome qu'au commencement
du mois dernier , le Barigel des Sbirres de la
Place Navone , ayant paflé avec fa Compagnie
devant le Palais du Cardinal de Polignac.char
gé des affaires du Roy T. Ch . ce Cardinal en
porta fes plaintes au Cardinal Banchieri , alors
Gouverneur de Rome, qui fit caffer & conduire
en prifon ce Barigel.
Les Religieux de la Congrégation du Mont-
Olivet , étant affemblez à la fin d'Avril pour
l'Election d'un General de leur Congrégation ,
de Provincial de cette Province arriva à Naples
2. vol.
avec
JUIN 1728.
1245
avec un Bref du Pape qui le déclare General .
Hen fit lecture dans le Chapitre & fe fit reconnoître;
mais la plupart des Religieux , zelez
pour l'étroite obfervance de leur Regle , & pour
la liberté de leurs fuffrages , firent leurs proteftations
dans les Regiftres Capitulaires; après
quoi , ayant porté leur plainte au Card. Viceroy
& aux Miniftres de l'Empereur , ils en obtinrent
un Acte, qui deffend à ce nouveau General
de faire les fonctions de fa Charge , julqu'à
ce que S. M. I. ait été informée de cette
affaire.
On a reçu par le Capitaine d'une Navire Anglois
,arrivé à Venife de Zante en 34 jours , un
procès verbal , certifié par M. Marc- Antoine
Delfino , Provediteur de l'Ifle , par lequel il
paroît qu'au jour du départ de ce Vaiſſeau , il
n'étoit mort dans la Ville que 135 perfonnes de
la pefte, qu'il n'y avoit dans les Lazareths que
40 malades , dont dix étoient hors de danger ,
& qu'il y avoit tout lieu d'efperer que dars
peu la Ville feroit entierement délivrée de la
contagion .
On mande de Corfou , par des Lettres du 6.
du mois dernier, que deux Vaiffeaux de la République
de Venife , y étoient arrivez depuis
peu de l'Archipel , avec trois Bâtimens Pirates
, armez cy- devant à Malthe ; mais dont les
équipages ,qui ne font compofez que de Grecs.
avoient formé le complot de courir indifferemment
fur tous les Vaiffeaux qu'ils rencon
treroient . Ces trois Corfaires ont troublé la
Navigation pendant deux années ; de telle forte
qu'aucun Vaiffeau n'ofoit fortir des Ifles de
l'Archipel fans une eſcorte; mais ayant été pris
il y un mois par les deux Vaiffeaux de guerre
dont on vient de parler , les Capitaines ont été
mis aux fers , & ils ont confeffé à la torture
I. vol.
H qu'ils
1246 MERCURE DE FRANCE.
qu'ils avoient pris dix à douze Barques Franfoifes
, qu'ils avoient coulées à fond , après en
avoir égorgé les Equipages & pillé les Marchandiles.
Le 24 du mois dernier , le Pape revêtu de
fes habits Pontificaux , fut porté de la Chapelle
de Sixte à l'Eglife de S. Pierre , accompagné
de douze Cardinaux , des Confulteurs de la
Congrégation des Rites , & S. S. y canonifa
le Bienheureux Jean de Prato, Efpagnol & Religieux
Mineur de l'Ordre de S. François , avec
les mêmes cérémonies qui furent obfervées le
16 de May , à la Canonifation de la Bienheureufe
Marguerite de Cortone. On tira pendant
ces deux jours le Canon du Château S. Ange ;
& le foir , tous les Palais de Rome furent illuminez.
Par les dernieres nouvelles de Venife, le mal
contagieux étoit fi confidérable à Napoli de
Romanie , à Guafagni & dans d'autres lieux
voifins , qu'il n'étoit plus poffible de prendre
des précautions pour empêcher qu'il ne ſe
communiquât plus loin.
La
PORTUGAL .
E Vaiffeau de Guerre le fainte Therefe ,
partit de Lisbonne le 18 Avril , pour Goa ,
ayant à bord 17 Jefuites, deftinez aux Miffions
des Indes Orientales. Douze autres Jefuites
font prêts à partir du même Poit , pour les Indes
,fur le Vaiffeau la Mere de Dieu.
Le P. Manuel Alvarés , de la Compagnie de
Jefus, cy- devant Profeffeur en Théologie dans
I'Univerfité d'Evora,& actuellement dans celle
de Coimbre , a été choisi pour être Confefleur
de la Princeffe des Afturies.
Trois Religieux de l'Ordre de S. François ,
1. vol.
choifis
JUIN. 1728 .
1247
choifis par le P. Manuel du Pas , Commiffaire
General de la Terre- Sainte , s'embarquerent
au commencement du mois dernier à Liſbonne.
fur un Vaiffeau François , deftiné pour Gênes,
pour aller porter à Jerufalem les aumônes
qu'ils ont recueillies dans ce Royaume, & une
Tapiflerie de Velours cramoifi que le Roy a
donnée pour orner l'interieur de l'Eglife du
S. Sepulcre.
Les Religieux de la Mercy à Lisbonne, ayant
reçû avis de Rome que la Congregation des
Rites avoit confirmé le culte qu'on rend depuis
plufieurs années à S.Serapio, Religieux de leur
Ordre , natif d'Irlande , qui fut martyrifé en
Afrique en 1240.Ils firent chanter un Te Deum ,
& illuminer la Façade de leur Eglife & de leur
Convent , pendant trois nuits confécutives .
O
ESPAGNE .
N publia à Madrid le 29. Avril , un DecreptudbuliRkoay,
qui orldeonne que du jour de
la publication , jufqu'au 31 du mois de Juillet
prochain , on ait à porter aux Hôtels des Monnoyes
tous les demis Reaux , les Reaux fimples
, les Reaux de Plate de fabrique ancienne ,
qui ne font pas de figure ronde , ainfi que les
Monnoyes qui ont valeur de Plate neuve, vulgairement
appellées Maries , pour y être refondus
& fabriquez de figure ronde avec un
cordon , afin d'empêcher que les Efpeces ne
foient rognées comme elles ont été fujettes à
l'être jufqu'à prefent. Ces Efpeces qui auront
cours encore pendant ces 3 mois , feront reçûës
dans le commerce & dans les Caiffes Royales ,
au prix qu'elles ont à prefent- Ce terme expiré,
elles ne feront plus reçûës qu'aux Hôtels des
Monnoyes , à raifon de 60 Reaux de Plate de
1. vol.
Mon- Hij
1248 MERCURE DE FRANCE.
Monnoye de Province par marc , de onze deniers
de loy .
Le Vaiffeau le N D. de Valbanera , commandé
par le Capitaine Dom Jean Garfia Romero,
& conftruit fur les Chantiers de Tacotalpa
dans la nouvelle Elpagne , pour le compte de
Dom Jean Chrifoftome de Berroa , auquel le
Roy en avoit accordé le Registre , c'eft à dire ,
la permiffion de le charger dans ce Port , d'argent
, de fruits, & de marchandifes , arriva le
3. May au Port du Paffage , avec environ deux
millions de Piaftres tant en or qu'en argent, &
marchandiſes. Il étoit parti du Port de la Veracruz
le 3 Janvier dernier.
Le 30 du mois dernier , M. André Erizzo
Ambaffadeur ordinaire de la Republique de
Venife , fit fon entrée publique à Madrid. Il
fortit à Cheval de fon Hôtel, accompagné de
Dom Pierre Meffia de Chavez , Mayordome
du Roy , précédé du Comte de Villa - Franca
Introducteur des Ambaffadeurs & des Gentilhommes
de la Bouche & de la Maiſon du Roy.
Le Cortege de l'Ambaffadeur étoit compofé
de quatre Caroffes , d'un Ecuyer , quatre
Gentilhommes , fix Pages , quatre Ajudans de
la Chambre & de 24 domeftiques de livrée. Il
arriva à midi au Palais , où il fut reçû fur l'Efcalier
, dans la Salle des Gardes & dans les
Antichambres, avec les ceremonies ordinaires ;
& après avoir eu audience du Roy & de la
Reine , il fut reconduit à fon Hôtel avec le
même cortege.
La petite verole dont le Prince des Afturies
eft attaqué n'a aucun des fymptômes qui puiffe
faire craindre des fuites fâcheufes : elle eft
fortie avec beaucoup d'abondance , & on a tout
lieu d'efperer que la fanté de ce Prince fera
bien-tôt rétablie : en effet on a appris depuis
qu'il étoit en parfaite convalefcence.
Le
JUIN. 1728. 1249
:
LeRoy a envoyé ordre au Viceroy du Mexique
de faire ceffer toute hoftilité conre tles
Anglois , tant par mer que par terre : de communiquer
cet ordre aux Gouverneurs particuliers
du Pays de faire rendre aux Agens
des Directeurs de la Compagnie Angloife de
la Mer du Sud , le Vaiffeau le Prince Frederic ,
avec toute fa charge ; de rétablir le commerce
avec les Anglois , conformément au Traité de
l'Affiente & aux articles 2 & 3 , des Articles
Préliminaires , fignez à Paris d'envoyer en
Cour une Lifte exacte & un Inventaire de tous
les Vaiffeaux & effets qui ont été pris fur les
Anglois , dans les Indes Occidentales ; & de
faire garder ces Effets avec foin , jufqu'à nouvel
ordre.
On apprend de S. Andero qu'on y a lancé à
l'eau quelques Vaiffeaux de Guerre nouvellement
conftruits ; & qu'on travaille avec beau
coupde diligence à la conftruction de plufieurs
autres , dans divers Ports de ce Royaume, enforte
qu'on compte que le Roy pourra mettre
en Mer une Flote de 40 Vaiffeaux de ligne fans
compter les Frégates : & on mande de Cadiz
qu'ily étoit arrivé vers la fin du mois dernier,
onze Vaiffeaux de Guerre des Ports de Bifcaye,
d'où l'on en attend encore d'autres pour
former une Eſcadre que le Marquis de Mari
doit commander.
GRANDE BRETAGNE.
Orfqu'on paya à Chatam fur la fin du mois
dernier , l'Equipage du Vaiffeau de Guerre
le Château de Sterlin , les Matelots firent entre
eux une Collecte de 30 liv fterlin , dont ils
firent préfent au fieur Jean Brand leur Contre-
Maître , pour acheter une Chaîne d'argent &
I. vol. H iij un
1250 MERCURE DE FRANCE.
un fiflet d'or qu'il doit porter pendant fa vie ;
comme une marque de leur affection & de leur
reconnoiffance des bons traitemens qu'ils en
ont reçus depuis plufieurs années qu'ils fervent
fous lui. Il n'y a peut- être jamais eu d'exemple
d'une femblable reconnoiffance dans
aucune Marine de l'Europe.
L'Académie Royale de Mufique à Londres
dont le Duc de Grafton étoit Gouverneur, &
le Duc de Richmond Sous- Gouverneur , s'é.
tant affemblée depuis peu , réfigna fa Patente
à M. Heidegger , qui aura feul à l'avenir la
direction de l'Opera , afin de le rétablir dans
fon ancien luftre,
L'Opera de Ptolomée qu'on a repreſenté en
dernier lieu , a été honoré plufieurs fois de la
préſence du Roi .
Le 22. May , on préfenta une Requête au
Roi , au nom de tous les prifonniers infolvables
qui font en grand nombre dans les prifons
de Londres , & l'on efpere que S. M. leur procurera
un Acte du Parlement par lequel leurs
Créanciers feront obligés de leur fournir leur
fubfiftance , ou de confentir à leur élargiffe-
`ment.
Le 26. du mois dernier , il arriva à Londres
un Exprès dépêché de Gibraltar , pour donner
avis que le solebay , Vaiffeau de Guerre du
Roi en étoit parti le 24. Avril pour les Indes
Occidentales avec les ordres de S. M. au
Contre Amiral Hopfon de revenir inceffamment
en Angleterre avec fon Efcadre .
Le premier de ce mois , le Marquis de Stainville
, Envoyé Extraordinaire du Duc de Lorraine
, eut Audience publique du Roy , de la
Reine , du Duc de Cumberland , de la Princeffe
Royale & de la Princeffe Caroline.
Le Commun Confeil de Londres a réfolu de
I. vol.
faire
JUIN.
1251 1728.
faire bâtir une maison pour loger à l'avenir le
Lord-Maire pendant fon année d'exercice , &
il a chargé de ce foin deux Aldermans qui
ont été élus à la pluralité des voix .
L
HOLLANDE PAYS - BAS .
E Baron de Hop & M. Gollinga , Minif
tres Plénipotentiaires de la République
d'Hollande , font partis de la Haye pour fe
rendre au Congrès de Soiffons , où ils feront
joints par M. Hurgronie , troifiéme Plénipotentiaire
.
On mande de Schafhoufe que les Payfans de
Havenftein s'étoient foulevez contre l'Abbé
de S. Blaiſe , mais qu'on avoit fait marcher
contre eux des Troupes Imperiales qui les
avoient forcés de fe foumettre & de prêterSerment
de fidelité à ce Prélat dans la forme qu'il
leur avoit prefcrite.
MORTS, MARIAGES
des Pays Etrangers .
N a appris d'Odemira en Portugal , qu'il
y étoit mort au mois de Mars dernier
un homme age de 118. ans , nommé , d'Alcunha
Savilho qui s'étoit marié à 92. ans.
Le Prince Jean - Charles de Heffe - Hombourg
, mourut à Mofcou de la petite verole
le 10. du mois dernier , dans la 22. année de
fon âge , étant né le 25. Août 1706.
La Princeffe Anne Petrówna , fille aînée du
feu Czar Pierre I. & époufe du Duc de Holf-
I vol. Hiiij
tein
1252 MERCURE DE FRANCE .
tein Gottorp , mourut à Kiel le 15. May ver
les dix heures du matin , dans la 17. année de
fon âge , étant née le 16. Février 1712. Cette
Princeffe avoit eu une très mauvaiſe fanté depuis
fon départ de Petersbourg , & le Prince
dont elle accoucha il y a quelques mois , eft
toujours fort languiffant. Le corps de la Ducheffe
d'Holftein a été embaumé & depofé
dans l'Eglife du Château , ce qui fait croire
qu'il fera tranfporté à Petersbourg conformément
à fes dernieres intentions . Le Duc fon
Epoux , qui eft inconfolable ( de fa perte , a
demeuré deux jours enfermé ſans vouloir parler
à perfonne.
La Princeffe Doüairiere de Naffau - Idftein ,
de la Maifon des Princes d'Otingen , mourut
le 19. du mois dernier , à Wifbaden , d'une attaque
d'apoplexie.
Le 22. du mois dernier , le Comte Fréderic
Guillaume de Wolftein mourut âgé de 12 .
ans. Il étoit feul heritier de cette Maiſon , dont
la fucceffion appartiendra à l'Electeur de Baviere
, après la mort du Comte Regent de
Wolftein.
Le Comte de Naffau Ottweiller , mourut à
Francfort le 25. du mois dernier , âgé de 76.
ans , fans laiffer d'enfans mâles . Le Comte de
Naffau Ufingen a herité de fes Terres.
Le Prince Antoine -Ulrick de Waldeck ,
Comte de l'Empire du Banc de Veteravie ,
mourut fur la fin du mois dernier à Manheim
dans la sz . année de fon âge . Il avoit épousé
au mois d'Octobre 1700. Louife , fille de Chrétien
II. Comte Palatin de Birkenfeldt , dont il
a eu cinq enfans.
Le Prince Chrétien- Philippe , heritier du feu
Prince de Waldeck, mourut au commencement
de ce mois à Manheim fans avoir été marié.
1. vol.
La
JUIN 1728. 1253
La Duchelle Sophie de Holftein- Beck , née
Princeffe de Heffe Philipsdahl , mourut au
Commencement de ce mois à Marbourg , âgée
de 33. ans .
Le Mariage de Dona Cornelie , niéce du
Cardinal Barbein , avec le fils aîné de la Princeffe
Carbognano , qui prendra le titre de
Prince de Paleftrine , eft conclu.
Le 26 , du mois dernier , la célebration du
Mariage du Prince Jofeph de S. Elie , Napolitain
, avec la Comteffe Brandcis , Dame de la
Chambre de l'Imperatrice , fe fit à Vienne en
préſence de L. M. Imp.
FRANCE ,
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
E 28. du mois dernier , M. d'Angervilliers
alla à l'Hôtel Royal des Invalides
, où il fut reçû avec les céremonies
ordinaires. Il fit grace à tous les Soldats
prifonniers , à l'exception de trois
qui avoient volé , qu'il a fait mettre au
Château de Biceftre pour un an. Le même
jour , ce Miniftre choifit 130. Soldats
Invalides dort on a compofé deux Compagnies
, qui ferviront à Soiffons pendant
la tenue du Congrès pour y faire la Patroüi
le.
t
Le 30. May , M. Zacharie Canale ;
I vol.
Am- Hv
1254 MERCURE DE FRANCE .
Ambaffadeur Ordinaire de la République
de Venife , fit fon Entrée publique à Paris.
Le Maréchal d'Etrées & le Comte de
Monconfeil , Introducteur des Ambaffadeurs
, allerent le prendre dans les Caroffes
du Roi & de la Reine au Convent de Picpus
, d'où la Marche fe fit en cet ordre .
Le Caroffe de l'Introducteur , deux
Caroffes du Maréchal d'Etrées , précedés
de fon Suiffe , de fon Ecuyer & de quatre
Pages à Cheval ; un Suiffe de l'Ambaffadeur
, à Cheval ; la Livrée de l'Ambaffadeur
, à pied ; huit Officiers à Cheval ;
deux Ecuyers & fix Pages à Cheval ;
le Caroffe du Roy , aux côtez duquel
marchoient la Livrée du Maréchal d'Etrées
& celle du Comte de Monconfeil ;
le Caroffe de la Reine ; celui de Madame
la Ducheffe d'Orleans , Doüairiere ; ceux
du Duc d'Orleans , de la Ducheffe de
Bourbon , Douairiete , du Duc de Bourbon
, du Comte de Clermont , de la Princeffe
de Conty , Douairiere , de la Princeffe
de Conty , feconde Doüairiere , de
la Princeffe de Conty , troifiéme Douairiere
, du Duc & de la Ducheffe du Maine
, du Prince de Dombes , du Comte
d'Eu , du Comte & de la Comteffe de
Touloufe , & celui de M. Chauvelin
Garde des Sceaux , Miniftre & Secretaire
d'Etat , ayant le département des Affaires
1. vol.
EtranJUI
N. 1728. 1255
Etrangeres ; & à une diftance de 30. à
40. pas un Suifle de l'Ambaffadeur
marchant, à cheval, devant fes quatre Caroffes:
Reine
Après qu'il fut arrivé à fon Hôtel , il
fut complimenté de la part du Roy , par
le Duc de la Tremoille , premier Gentilhomme
de la Chambre ; de la part de la
, par le Comte de Teffé , fon Premier
Ecuyer ; & de la part de Madame la
Ducheffe d'Orleans , Doüairiere , par le
Marquis de Crevecoeur , fon Premier
Ecuyer.
les
Le premier de ce mois , le Prince de
Lixin & le Comte de Monconfeil , Introducteur
des Ambaffadeurs , allerent prendre
l'Ambaffadeur en fon Hôtel dans les
Caroffes du Roi & de la Reine , & ils le
conduisirent à Verfailles , où il eut fa premiere
Audience publique du Roi ; il trouva
à fon paffage , dans l'avant - Cour du
Château , les Compagnies des Gardes
Françoifes & Suiffes fous les armes
Tambours appellant : dans la Cour , les
Gardes de la Porte & ceux de la Prévoté
fous les armes , à leurs poftes ordinaires ;
& fur l'efcalier, les Cent- Suiffes en habits
de céremonie , la Hallebarde à la main.
11 fut reçu en dedans de la Salle des Gardes
, par le Duc de Bethune , Capitaine
des Gardes du Corps , qui étoient en
›
1 vol.
Hvj haye
1256 MERCURE DE FRANCE.
haye & fous les armes. Après l'Audience
du Roi , l'Ambaffadeur fut conduit à celle
de la Reine par le Prince de Lixin & le
Comte de Monconfeil , & enfuite à celle
de Mefdames de France , par le Comte de
Monconfeil . Il alla à ces deux Audiences,
en Robe , conformément à l'ufage des
Ambaffadeurs de Venife ; & après avoir
été traité par les Officiers du Roi , il fut
reconduit à Paris par le Comte de Monconfeil
, Introducteur des Ambaffadeurs ,
dans les Caroffes de L. M. avec les céremonies
accoutumées.
DISCOURS de M. l'Abbé Oneill , Aumônier
de S. A. S. M. le Duc d'Or
leans , en préfentant le Corps de la Princeffe
fa fille, à l' Abbeffe du Val de Grace
le 15. May dernier.
MADAME ,
Voici encore le Corps de très- Haute
très- Puiffante , & très- Excellente Princeffe
, Mademoiselle , Louiſe d'Orleans ;
fille de très Haut , très Puiffant , & très-
Excellent Prince , Monfeigneur Louis
Duc d'Orleans , & c . Premier Prince du
Sang , & de très Haute , très- Puiffante ,
très- Excellente Princeffe , Augufte-
I vol.
MarieJUIN.
1728. 1257
Marie-Jeanne de Bade - Baden . La Mort
moiffonna hier à S. Cloud la Princeffe
que nous vous amenons , qui fait l'objet
de la joye des Anges , & le fujet de notre
concours. La commiffion fera finie , Madame
, quand j'aurai remis entre vos mains
ce pur & innocent Dépôt , pour être inhumé
dans votre fainte & Royale Mailon,
que nous reconnoiffons être la fépulture
de fes Auguftes Ayeux , defquels je ne
parlerai point , crainte de renouveller la
mémoire des pertes extrêmes que nous
avons faites , & d'aigrir nos douleurs.
Le 30. du mois dernier , Dimanche de
l'Octave de la Fête du S. Sacrement , la
Reine entendit la Meffe dans la Chapelle
du Château de Verfailles , & S. M. communia
par les mains de l'Abbé de fainte
Hermine , fon Aumônier en quartier.
Au commencement de ce mois , la Reine
a eu quelques accès de fiévre qui n'ont
point eu de fuite. S. M. eft à préfent en
parfaite fanté.
Le premier Juin , le Baron de Penterrieder,
Miniftre Plénipotentiaire de l'Empereur
au Congrès de Soiffons , cut Audience
particuliere du Roi , étant conduit
par le Comte de Monconfeil , Introducreur
des Ambaffadeurs .
Le 2. le Comte de Sinzendorff , Grand-
Chancelier de la Cour de S. M. Imperia
1. vol. le ,
1258 MERCURE DE FRANCE.
le , & fon Premier Miniftre Plénipotentiaire
au même Congrès , cut auffi Audience
particuliere du Roi. Il y fut conduit
, ainfi qu'à l'Audience de la Reine &
à celle de Meldames de France , par
même Introducteur .
le
Le Roi a nommé Intendant de la Gene .
ralité de Paris , M. de Harlay , Confeiller
d'Etat , qui eft actuellement Intendant en
Alface .
M. Ceberet , Maréchal des Camps &
Armées du Roi , & Infpecteur d'Infanterie
, a été nommé par S. M. Commandant
dans la Ville de l'Ifle , à la place du
feu Comte de l'Ifle.
LETTRE écrite de Champagne au fujet
d'un Orage & de la Grêle extraordinaire
qui est tombée fur la Ville de Troyes
en Champagne & aux environs , le 16 .
May 1728.
Ile Seigneur a vilité nos iniquitez , par
L n'eft que trop vrai , Monfieur , que
un fleau terrible ; & quoique j'adore avec
foumiffion le bras qui s'eft appefanti fur
nous , je ne puis fans répandre des larmes ,
vous faire le détail que vous me demandez
des pertes caufées dans la Ville de
Troyes & aux environs , par l'épouventable
Orage qui y tomba le 16. de ce
Ι υοί.
mois ,
JUIN 1728 . 1259
mois , jour de la Pentecôte.
Après quelques coups de Tonnere , il
commença fur les huit heures & demie
du foir à tomber une Grêle fi groffe & fi
abondante , que je ne pense pas qu'on ait
jamais rien vu de fi terrible ; & la rapidité
avec laquelle les vitres & les toits des
maiſons furent brifez & broyez , n'offroit
pas moins qu'une mort certaine & inévitable.
Les maifons , les Eglifes mêmes les
mieux voutées , ne paroiffoient pas des
afyles affurez à ceux qui s'y étoient refu-
-giez ; & il étoit impoflible de fortir fans
être écrafé fur le champ.
La premiere Grêle qui tomba , n'étoit
d'abord pas plus groffe que des oeufs de
pigeon ; un inftant après elle étoit comme
les plus gros oeufs de poule ; puis tout
d'un coup il fembla que c'étoient de groffes
pierres cornues qui brifoient & fracaffoient
tout . Vous vous figurez fans peine
l'horreur que pouvoit caufer un femblable
fpectacle , quand vous fçaurez que
chacun de ces morceaux de Grêle pefoit
fix à fept livres , plufieurs perfonnes en
ayant pefé en differens endroits. Cet Orage
ne dura par bonheur que cinq minutes;
car il eft hors de doute que s'il avoit continué
avec la même violence feulement
une demie heure , les habitans de la ville
comme ceux de la campagne auroient été
J.vol.
écra
1266 MERCURE DE FRANCE .
écrafez fous les ruines de leurs maifons
On
peut dire
que la Ville
a effuyé
le
plus
fort
de l'Orage
, car il n'y a pas un
feul Edifice
qui n'en
ait été beaucoup
endommagé
. La perte
des belles
vitres
de
l'Eglife
de faint
Jean
, eft eftimée
à plus
de trente
mille
livres
, & le nombre
des
tuiles
de la couverture
qui ont été briſées
,
monte
au moins
à foixante
cinq
milliers
,
fans
compter
les ardoifes
dont
il ne refte
pas une d'entiere
du côté que l'Orage
eft
venu .
' L'Eglife de S. Pierre & toutes les autres
de cette Ville , n'ont pas été plus épargnées
; & il n'eft pas feulement refté un
morceau de plomb aux vitres de la Bibliotheque
des Jacobins. , Jugez par - là du
dommage qu'ont reçû les maifons particulieres
, dont il feroit trop long de vous
faire le détail : mais pour vous en donner
une idée fenfible , il ne fuffira de vous dire
que les Officiers de chaque quartier ,
ayant fait par toute la Ville une vifite
exacte du dommage caufé à tous les bâtimens
, le fentiment des Maffons , Charpentiers
, Couvreurs & Vitriers qui y ont
été appellez , porte l'eftimation de la perte
pour la feule Ville de Troyes , à trois
millions de livres , fans compter celle des
dehors de la Ville. En cette eftimation
n'eft point non plus compris le dégât des
I vol. Jardins
JUIN.
1728. IIGI
Jardins dont la perte ne laiffe pas d'être
confiderable. Vous fçavez quelle étoit la
Situation du mien , qui à beaucoup près
n'eft pas des plus beaux de la Ville ; j'eftime
cependant que j'y fouffre un dommage
de plus de 800. livres . On ne peut
plus l'appeller un jardin ; car tous les arbres
, fans exception , & même les plus
gros pieds de vignes ou treilles qui y
étoient , font réduits en morceaux , comme
s'ils avoient été fciez ou coupez exprès
avec une ferpe ; & toutes les autres
plantes hachées & enfoüies dans la
terre .
A l'égard de la campagne , on y compte
trente-deux Villages & leurs finages entierement
ruinez : tous les bleds generalement
& les autres grains ou légumes ont
été enterrez par la Grêle , ou rafez plus près
de terre que fi on les avoit fauchez. Les
vignes de Montgueux , Barberay , fainte
Maure , Vailly , Crenay & faint Parre ,
dans lesquelles on ne voit pas même de
feüilles , n'offrent aux yeux qu'un fpectacle
auffi trifte , que la perte en eft doulou .
reufe à ceux qui la fouffrent ; perte d'au
tant plus déplorable qu'elle ne laiffe aucune
efperance de rétabliffement pourl'avenir
, puifque les plus gros feps ont été
totalement coupez & hachez par cette
horrible Grêle , qui étoit encore le len-
1. vel.
demain
1262 MERCURE DE FRANCE .
demain matin de la hauteur d'un homme.
Des Commiffaires nommez pour cet effet
, font actuellement avec les Officiers
de l'Election la vifite de tous les lieux endommagez
par ce fâcheux accident : il
eft indubitable que la perte de tant de
biens doit monter à des fommes confiderables
, dont leur rapport nous donnera
une connoiffance plus particuliere .
Je finis par une réflexion qui ne paroîtra
pas à tout autre , auffi intéreffante qu'à
vous , Monfieur , qui fçavez quelle dévotion
le peuple de ce pays a pour aller en
pelerinage à faint Clair , dont la fêre ſe
trouvoit ce jour -là . L'affluence qu'il y
avoit en ce lieu , étoit très- nombreuſe ;
& fi cet accident avoit furpris tant de
monde dans le chemin , il est très certain
qu'une infinité de perfonnes auroient été
écrafées & hachées par ces carreaux de
glace qui ont renversé les plus gros arbres
; mais nous n'apprenons pas qu'il
y ait eu plus de deux hommes de tuez. Je
fuis , &c .
Le 4. de ce mois , le Roi partit de Ver
failles vers les neuf heures du matin , fuivi
des Troupes de fa Maiſon , qui ont ac
coutumé de l'accompagner dans fes Voya
ges . 11 paffa avec tout fon Cortege fur les
Remparts de cette Ville, à dix heures , &
I. vol.
fu
JUIN. 1728. 1263
fut falué par le Canon de la Baftille & de
l'Hôtel des Invalides ; S. M. arriva vers
les trois heures après midi au Château de
Compiegne , où elle doit faire quelque
féjour.
La Ville de Compiegne eft nommée par
les Auteurs Latins Compendium. Elle eft
fituée dans le petit Pays de Valois , fur le
Confluant de l'Aine & de l'Oife , entre
Noyon , Soiffons & Senlis , & eft célebre
pour avoir été le féjour des Rois . Clotaire
I. mourut en cette Ville en 561 .
Charles le Chauve qui la fit rebâtir en
876 , lui donna le nom de Charleville
Carolopolis , & il augmenta ou fonda la
célebre Abbaye de S. Corneille , où Louis
II. dit le Begue , & Louis V. font enterrés .
On dit que le même Roi mit en cette Abbaye
un des trois Suaires dont le Sauveur
du monde fut enveloppé en fon Sepulchre .
Le Roi S. Louis fonda à Compiegne les
Eglifes des Dominicains & des Cordeliers
. Charles VI. prit Compiegne en
1415. fur le Duc de Bourgogne qui l'aſfiegea
, quinze ans après , par les foins de
Jean de Luxembourg. La Pucelle d'Orleans
y fut priſe dans une fortie , & fut
vendue aux Anglois , & l'Armée du Roi
Charles VII . en fit lever le Siége en 1431 .
Au refte , Compiegne eft une affez belle
Ville , & a de grandes Places & de jolies
I. vol.
Mai1264
MERCURE DE FRANCE.
Maifons. Le Palais du Roi & la Maiſon
de Ville font magnifiques. Outre la Collegiale
de S. Jacques , qui eft la principale
Eglife , il y en a plufieurs autres
avec un College de Jefuites. Cette Ville
eft affez marchande ; on y fait diverfes
fortes de Manufactures , & on y charge
quantité de bois qu'on apporte à Paris ,
dont elle n'eft éloignée qu'environ de 18.
eu 20. lieuës .
Cette Ville eft encore célebre par les
Affemblées Ecclefiaftiques & par les Conciles
qui s'y font tenus , comme celui de
757. où l'on fit 18. Canons . En 8 33. le
Roi Louis le Debonnaire, par la conjuration
de fes trois fils , & par la Sentence des
Evêques , fut dépoffedé & contraint de
quitter les Couronnes Le Ciel permit
qu'il fut rétabli fur le Trône malgré cet
attentat . Renaud , Métropolitain de
Rheims , affembla en ro85. un Concile
à Compiegne. Il y en fut tenu ún autre
en 1201. un en 1277. Robert de
Courtenay en célebra deux en 1301. &
en 1304. Guillaume de Trie , auffi Archevêque
de Rheims , affembla le Concile
de 1329. Contre ceux qui s'oppofoient aux
libertés des Eglifes.
Le 6. de ce mois , l'Abbé de Gêvres ,
Evêque - Comte de Beauvais , Pair de
1. vol. France
JUIN. 1728. 1265
France , fut facré dans l'Eglife Paroifliale
du Village de S. Ouen , par
, par l'Archevêque
de Rouen , affifté des Evêques de
Châlons fur Marne & de Sarepte.
Le 6 Juin , une Efcadre compofée de
onze Vaiffeaux & autres Bâtimens , commandez
par M. de Grandpré , Chef d'Efcadre
des Armées Navales , & de deux
Galeres , commandées par M. le Chevalier
de l'Aubefpine , partit des Rades de
Toulon pour les Côtes de Barbaries.
Les Vaffaux de cette Efcadre font ,
Le Saint Efprit de
Le Léopard de
Le Grafton , de
L'Alcyon , de
Le Tigre , de
La Seine , de
74 Canons
64
62
30
50
40
30
L'Aftrée , de
L'Immaculée Conception, de 12
La Galiotte l'Ardente ,
La Galiotte la Tempête ,
La Galiotte la Foudroyante ,
Les deux Galeres font :
L'Eclatante .
La Ducheffe.
On écrit de Perpignan que M. de la
Combe , Brigadier des Armées du Roy
Lieutenant de S. M. au Gouvernement
1. vol.
de
1266 MERCURE DE FRANCE .
de la même Ville , & commandant en
l'abfence du Duc de Noailles & du Marquis
de Fimarcon en Rouffillon , Con-
Hans & Cerdaigne , avoit reçû un pouvoir
du Roy pour aller traiter conjointement
avec M. d'Athofé , Commiffaire
Ordonnateur en Rouffillon, la reftitution
réciproque des Déserteurs , Voleurs &
Affaffins qui pafferont de la Frontiere de
la France à celle d'Efpagne , depuis l'Ocean
jufqu'à la Méditerranée . Le Baron
d'Huart, Lieutenant General des Armées
de S. M. C. Commandant en Lampourdan
, & M. de Condamine , Commiffaire
, Ordonnateur en Catalogne , ont
été nommez par le Roy d'Efpagne pour
le même fujet . Les Commiffaires du Roy
partirent de Perpignan le 5. de ce mois ,
pour fe rendre à Gironne , Ville nommée
pour l'affemblée.
Le Duc de Bournonville , premier Miniftre
Plenipotentiaire du Roy d'Eſpagne
au Congrez de Soiffons , arriva à Compiégne
le 9 de ce mois , & le lendemain
matin il eut une Audiance particuliere du
Roy.
M. Goflinga , l'un des Miniftres Plénipotentiaires
de la République d'Hollande
au même Congrez , qui a paffé quelques
jours à Compiegne , a eu l'honneur auffi
de faluer S. M.
I. vol.
Le
JUIN. 1728. 1267
Le 12. de ce mois , le Comte de Konigsfeld
, Miniftre de l'Electeur de Baviere
, qui s'eft rendu depuis à Soiffons , eut
Phonneur de faluer le Roy , accompagné
du Comte d'Albert.
Le 13. le P. Surian , Prêtre de l'Oratoire
, nommé par le Roy à l'Evêché de
Vence , fut facré à Paris dans l'Eglife de
VO PInftitution des Peres de l'Oratoire
Archevêque de Bezançon , affifté des
Evêques de S. Malo & de S. Brieu.
Le
C
, par
w
ENTRE'E publique de M. le Marquis
de Bonac , Ambaffadeur de France ,
dans la Ville de Soleure . Extrait d'une
Lettre , écrite de cette Ville le 10 May
1728 .
L'Ambaffadeur de France fit fon
M'entrée publique à Soleure le 1
de ce mois ,avec une magnificence extraor
dinaire ; tout fon équipage étoit des plus
leftes & des mieux entendus , & on n'a
jamais vû en pareille occafion un plus
beau Cortege ; car tout ce qui compofe
le Gouvernement de ce Canton y affifta
en Caroffe ou à Cheval ; les Dragons de
P'Etat s'y trouverent auffi , ainfi que toute
'Infanterie , laquelle fut rangée en deux
files depuis la porte par où ce Miniſtre
entra dans la Ville, jufques à la Cour, c'eft
I. vol. ainfi
1268 MERCURE DE FRANCE .
ainsi qu'on appelle à Soleure l'Hôtel des
Ambaffadeurs . Ily eut durant la marche
& à l'arrivée trois décharges de 20 piéces
de Canon du Rempart . Le lendemain
M. l'Ambaffadeur fut complimenté de la
part de l'Etat , par l'un des principaux
membres : Son Difcours fut auffi Alateur
que la réponſe de S. E. fut gracieufe & ap
plaudie.
Le jour d'après , M. l'Ambaffadeur f
rendit à l'Hôtel de Ville ; & après qu'il eu
fait à l'Etat un nouveau Difcours , il re
mit la Lettre du Roy & deux copies de for
Difcours , l'une en François & l'autre el
Allemand.
Les Ceremonies férieufes finirent - là
S. E. avoit invité tout le Corps du Gou
vernement à venir dîner chez lui.La prin
cipale Table , difpofée en Fer à Cheval
étoit de 8o . couverts ; il y eut auffi plu
fieurs autres Tables , & il ne manqua pa
un feul membre de l'Etat . Le repas fu
long & magnifique , les vins exquis & c.
abondance. Il eft inutile de vous dir
que la joye y fut grande , & que la fant
du Roy , de la Reine & de Mefdames d
France , y furent buës de bon coeur & am
plement.
On n'a jamais vû tant de joye & tan
de démonftration de zele pour la gloire &
le fervice du Roy . Ce qui vous paroîtr
J. vol.
1
JUIN. 1728. 1249
le plus extraordinaire , c'eſt que tout cela
s'eit paffé fans le moindre bruit & incident.
C'est notre coup d'effay , nous tâcherons
de mieux faire , fi nous pouvons ,
à la Diéte qui fe tiendra le 2 4 de ce mois.
Je ne manquerai pas de vous en faire un
petit détail.
BENEFICES DONNEZ.
L
'Abbaye de S. Victor de Paris , Ordre
de S. Auguftin , vacante par le décès
de M.le Cardinal Gualterio , a été donnée
à M. l'Abbé de Fitzjames.
L'Abbaye de Genefton , Ordre de faint
Auguftin, Diocèfe de Nantes , vacante par
le décès de M. Orceaux , en faveur de
M. Louis Malo Moreau de Maupertuis ,
Clerc tonluré , du Diocèfe de S. Malo .
L'Abbaye de Tourtoirac , Ordre de faint
Benoît , Diocèle de Perigueux , vacante
par le décès du dernier Titulaire , en faveur
de M. l'Abbé de Montchevil, Clerc
tonfuré.
L'Abbaye de Silly , Ordre de Prémontré
, Diocèle de Séez , vacante par le décès
de M. de Tournefort , en faveur de
M. l'Abbé Néel , Confeiller Clerc au Par
lement de Rouen .
A. vol.
I L'Abbaye
1250 MERCURE DE FRANCE .
L'Abbaye d'Obazine , Ordre de Citeaux
, Diocèle de Limoges , vacante par
le décès de M. de l'Efcure , en faveur de
l'Abbé de S. Aulaire , Prêtre & Aumonier
de la Reine .
L'Abbaye de Léoncel , Ordre de Citeaux
, Diocèse de Die , vacante par le
décès du dernier Titulaire , en faveur de
M. Alexandre Milon , Evêque de Valence.
L'Abbaye de Fonreaude, Ordre de Prémontré
, Diocèle de S. Pons , vacante par
le décès du dernier Titulaire,, en faveur
de M. Louis- Alexandre- Marin de Kbringal
, Clerc tonfuré, du Diocèle de S.Paul
de Leon.
L'Abbaye reguliere & Chef- d'ordre de
S. Ruf, dans la Ville de Valence , fous la
Regle de S. Auguftin , vacante par le décès
de M. de Serre , dernier Titulaire , en
faveur de M. Pierre - Louis Chomel , Vicaire
General & Grand- Prieur de cet
Ordre .
Le Prieuré de Vaux fur Poligny , Ordre
de S. Benoît , Diocèle de Besançon ,
vacant par le décès de M.de Grammont ,
Evêque d'Arethufe , en faveur de M. Gabriel
de Plantavit de la Pauze de Margon ,
Prêtre du Diocèfe de Béziers .
Le Prieuré Conventuel & Electif de
Château- neuf , & fes Annexes de Font-
1 vol. blanche
JUIN. 1728. 125x
blanche , Ordre de Grammont , Dio.èfe
de Bourges , vacant par le décès de M.Lé
ridan , en faveur de M. Jacques - Alexandre
Graffin de Glatigny , Clerc tonfuré ,
du Diocèle de Sens.
La Prevôté de l'Eglife Collegiale de
S. Pierre de Caffel , Diocèfe dYpres, vacante
par le décès de M. de Luppé , en faveur
de M. Erneft de Haynin de Querenain
, Prêtre du Diocèle d'Arras .
L'Abbaye de Sauvoir, Diocèse de Léon ,
Ordre de Citeaux , vacante par le décès
de la Dame de Sainte Colombe , en faveur
de Madame de Fremeur , Religieufe
du même Ordre.
sh
L'Abbaye de S. Michel de Doulens ,
Ordre de S, Benoît , Diocèfe d'Amiens
vacante par la démiflion de Madame de .
Boufflers Remiancourt , en faveur de Madame
de Maroles , Religieufe du même
Ordre.
Le Prieuré de S. Michel de Crepy en
Valois , Ordre de S. Auguftin , Diocèle
'de Senlis , vacant par le décès de Madame
de Verthamont , en faveur de Madame
Darfy , Religieufe du même Ordre .
L'Abbaye de Greftain , Ordre de S.Be
noît , Diocèfe de Lizieux , vacante par le
décès de M. de Lévy , en faveur de M
l'Abbé de Fontenay , Prêtre , Aumônic
ordinaire de la Reine.
211. vol. Le I ij
1252 MERCURE DE FRANCE.
Le Prieuré de Royalpré , Ordre du Val
des Choux , fous la Regle de S. Benoît ,
au Diocèle de Lizieux , vacant par le décès
de M. du Puy , en faveur de M.Jacques-
Charles de Heudcy de Pommainville
, Prêtre du Diocèfe de Séez.
MORTS
********
NAISSANCES ;
&
Mariages.
D
Champigni
- Ame Marie Cecile Moufle de
Champigni , époufe de M.François
Guillaume Briçonnet , Chevalier , Comte
d'Auteuil , Confeiller du Roy en tous les
Confeils , Prefident au Parlement en la
troifiéme Chambre des Enquêtes , mourut
à Paris le 15 May dernier , âgée de
22 ans.
George - Paul Andrault de Maulévrier
Langeron , ancien Abbé , General des
Chanoines Reguliers de Saint Antoine
mourut à Paris le 19 du mois dernier, âgé
de 76 ans .
M. Elias de la Roche - Aimont, Marquis
de S.Maixant, Baron de la Farge , Ecuyer,
Seigneur, ancien Lieutenant pour le Roy
Bethune , & de la Province de Flandre
Chevalier de l'Ordre Militaire de S.Louis ,
mourir le 2.1 âgé de 65 ans. "
M. François du Four , Prêtre , Bache-
1. vol.
JUIN. 1728 .
1253
lier en Théologie de la Faculté de Paris
Prieur de S. Lea de Serans , mourut le s
Juin , agé d'environ 30 ans.
François-Armand de Lorraine , Evêque
de Bayeux , Abbé de Royaumont , de
Notre-Dame des Châtelliers & de S. Farou
de Meaux , mourut à Paris le 9 de ce
mois , dans la 64 année de fon âge, étant
né le 13 Février 1665. Il étoit fils de
Louis de Lorraine , Comte d'Armagnac ,.
Grand Ecuyer de France , Chevalier des
Ordres du Roy, mort le 13 Juin 1718.
& de Catherine de Neuville - Villeroy
morte le 25 Decembre 1707 .
Le même jour 9 Juin , Martin de Rataben
, ancien Evêque de Viviers , Abbé
de S. Barthelemi de Noyon & de Mortemer
, Diocèle de Rouen , mourut en cette
Ville dans fa 74 année. Il étoit Evêque
d'Ypres , lorfqu'il fut nommé à l'Evêché
de Viviers.
Marie Bouthillier, veuve de Cefar Augufte
, Duc de Choifeul , Pair de France ,
Chevalier des Ordres du Roy , Lieutenant
General de fes armées , Gouverneur de
la Ville & Evêché de Toul ; & en premieres
nôces de Nicolas Boulard , premier
Prefident au Parlement de Dijon ,
mourut le 11 Juin , âgée de 82 ans .
Dame Catherine Henriette le Bas de
Montargis , époufe de M. Charles - Jean-
1. vol.
I iij François
1254 MERCURE DE FRANCE .
François Henault , Prefident en la Premiere
Chambre des Enquêtes du Parlement,
& l'un des Quarante de l'Académie
Françoife , mourut le 17. âgée d'environ
33 ans.
Dame Marguerite- Paule de Grivel- Douvoy
, époufe d'Antoine Charles de Pas ,
Marquis de Feuquiere , Meſtre de Camp
du Regiment de Bourgogne , Lieutenant
General pour le Roy & Gouverneur des
Ville , Comté & Evêché de Toul , accou
cha le 30 May d'un fils , qui fut tenu
fur les fonts & nommé Antoine , par deux
pauvres.
Dame Gabrielle le Veneur de Tilliers ,
époufe d'Alexis -Madelaine Rofalie , Com
te de Châtillon , Maréchal des Camps &
Armées du Roy , Grand Baillif d'Hagueneau
, Meftre de Camp , General de la
Cavalerie Légere de France , accoucha le
9 Juin d'une fille , qui fut nommée Olym
pe- Rofalie - Gabrielle ,par Jacques Janneguy
le Veneur, Comte de Tilliers, Briga
dier des Armées du Roy ; & par Dame
Rofalie de Brovilly , époufe d'Alexis-
Henry de Châtillon , Chevalier des Ordes
du Roy , & c.
C
-
Michel-Charles Dorothé de Ronche
rolles , Comte de Pont Saint Pierre ,
Meftre de Camp du Regiment Royal des
Cravattes , fils de Michel de Ronche-
I vol.
rolles
JUIN. 1728 . 1255
tolles , Marquis de Pont - Saint - Pierre ,
Premier Baron de Normandie , Confeiller
d'Honneur, né au Parlemenr de Rouen ,
& de Dame Marie - Anne Dorothée Evardle
Gris , Marquife d'Echauffou & de
Montreuil , Comteffe de Cizay , épouſa
le 25. May dernier Charlotte- Marguerite
de Romilley la Chefnelaye , fille d'Adolphe-
Charles de Romilley , Marquis de la
Chefnelaye , Brigadier des Armées du
Roi , Meftre de Camp d'un Regiment
d'Infanterie de fon nom, Gouverneur de la
Ville & Château de Fougeres , & de feue
Dame Marie- Marguerite Ranchin .
La Maifon de Roncherolles , originaire
de Normandie , eft fi connue dans tous
nos Hiftoriens , & nous en avons parlé
tant de fois dans nos Journaux , que nous
ne jugeons pas à propos d'en rien dire
davantage . Elle porte pour armes , d'argent
à deux faces de gueules.
On fçait de même que la Maifon de
Romilley la Chefnelaye eft originaire de
Bretagne & très - diftinguée par fon ancienneté
& par fes alliances . Le Marquis
de la Chefnelaye , pere de la Comteffe de
Pont-Saint-Pierre , eft frere de Madame
la Ducheffe de Gêvres , Doüairiere , &
porte pour armes , écartelé au 1. & 4.
d'azur a deux Léopards d'or , armés &
couronnés de gueules , qui eft Romilley :
I vol.
I iiij &
1256 MERCURE DE FRANCE.
1
& au 2. & 3. de fable femé de fleurs de
Lys d'or , qui eft Belleforiere- Soyecourt ,
Maifon dont étoit la mere du Marquis de
la Cheſnelaye.
François de Rivoire , Marquis du Palais
, Brigadier des Armées du Roi , Lieutenant
des Gardes du Corps de Sa Majefté
, fils de feu François - Gilbert de Rivoire
, Marquis du Palais , & de feue
Dame Françoile de la Tour d'Auvergne ,
époufa le 3. de Juin Marie - Catherine-
Dorothée de Roncherolles Pont - Saint-
Pierre , foeur du Comte de Pont- Saint-
Pierre , dont il eft parlé dans le précedent
article.
La maison du Marquis du Palais , originaire
du Dauphiné d'Auvergne , eft rétablie
depuis plufieurs fiécles dans le Comté
de Forez , ainfi que le juſtifient fes Lettres
Patentes de Charles , Duc de Bourbonnois
, d'Auvergne & de Chatelleraut ,
Comte de Clermont en Beauvoifis , de
Forez , de la Marche , Dauphin d'Auver
gne , &c. Premier Chambrier & Connêtable
de France , en datte du 13. Juillet
1623 , par lesquelles ce Prince en confideration
des très bons , très - grands, trèsloüables
, & très recommandables fervices
que Humbault de Rivoire , Chevalier,"
Seigneur du Palais avoit rendus dans les
I TAL
Guerres
JUIN. 1728.
1257
Guerres d'Italie en la Conquête du Du
ché de Milan , accorde audit Humbault
de Rivoire , à fes Hoirs & ayans cauſe, à
perpetuité , fa juſtice haute , moyenne &
baffe pour fa Terre , Seigneurie & Place
Forte du Palais , fituée dans ledit Comté
de Forez , ayec plufieurs autres droits
énoncés dans lefdites Lettres Patentes.
Cette Maifon a donné dans tous les
temps des Comtes de S. Jean de Lyon
& n'eft pas moins diftinguée par fes grandes
alliances que par fon ancienneté. Ses
armes qui fe voient aux voutes & aux
portes de la Métropole de Vienne en Dauphiné
, font fafcé d'or & de gueules de
8. piéces , à la bande d'azur chargée de
3. Aeurs de Lys d'or.
ARRESTS , DECLARATIONS ,
ORDONNANCES ET SENTENCES
DE POLICE , & C..
ENTENCE de Police , du Vendredi 16
Avril 1728, qui condamne la veuve le Duc
& le nommé Guillot, Laboureurs , à l'amende,
& en la confifcation de plufieurs Bottes de
Paille faifies fur eux , & expofées en vente à
faux poids.
SANTENCE de Palice
3 voly
Iy Autre
1258 MERCURE DE FRANCE.
Autre , du même jour , qui condamne le
nommé He billon , fils , Marchand de Foin , en
trente livres d'amende , & en la confifcation de
deux cens foixante - trois bottes de Foin faifies
fur lui pour avoir été trouvées d'un poids plus
leger que celui prefcrit par l'Ordonnance."
Autre , du 20 Avril , concernant la vente
des Huitres , qui en deffend le débit , depuis
le dernier Avril jufqu'au dernier Jeudi du
mois d'Aouft de chaque année , & c.
Autre , du 23. Avril , portant deffen es de
donner à loger à aucuns Mendians & Gens
fans aveu , ni à aucuns Domeftiques , Apprentifs
& Ouvriers s'ils ne font porteurs de Certificats
de leurs Maîtres ; enjoint à ceux qui
doent à loger de tenir un Regiftre des Perfontes
qu'ils logent , & de le faire vifer tous
les mois par le Commiffaire de leur Quartiers
& qui condamne les nommez Evrard & Col
Jireau en Quinze livres d'amende chacun , &
1 Veuve Dufrefne & le nommé Carachon ,
Soldat Invalide , en trente livres d'amende
auffi chacun.
Autre du 30 Avril , qui condamne les nom
mez le Duc , Bouchard , Lucy , Lamare & de
la Cour , Laboureurs , en mille livres d'amende
chacun , pour avoir difcontinué d'apporter
des Avoines fur le Carreau de la Halle , à def
fein d en faire augmenter le prix.
ARREST du 9 May , qui deffend de blanchir
les Toiles Batifles & Linons avart le 15
Mars , & pafé le deri ier Septembre de chaque
année , à peine de sco liv.d'amende contre les
Contreverans , &c.
2. vol.
DéclaraJUIN
1728. 1259
DECLARATION du Roy , concernant les
Imprimeurs. Donnée à Verfailles le 10 May
1728. Regiftrée en Parlement le 19 May 1728.
par laquelle il eft dit ce qui fuit :
Article I. Que les Edits , Ordonnances ,
Déclarations & Reglemens rendus fur le fair
de l'Imprimerie , foient executez felon leur
forme & teneur dans tous les points aufquels
il ne fera pas dérogé par ces Préfentes ; deffendons
à tous Imprimeurs , Libraires , Colporteurs
& autres d'y contrevenir , fous les
peines qui y font contenuës.
II. Voulons que tous Imprimeurs qui feront
convaincus d'avoir imprimé fous quelque
titre que ce puifle être , de Memoires ,
Relations , Nouvelles Ecclefiaftiques , ou autres
dénominations , des Ouvrages ou Ecrits
non revêtus de Privilege , ni permiffion fur
des difputes nées ou à naitre en matiere de Religion
, & notamment ceux qui , feroient contraires
aux Bulles reçûës dans notre Royaume,
au refpect dû à notre S.Pere le Pape ,aux Evêques
, & à notre autorité , foient condamnez
pour la premiere fois à être appliquez au Car
can ; même à plus grande peine , s'il y échet ,
fans que ladite peine du Carcan puiffe être
moderée fous quelque prétexte que ce foit ; &
en cas de recidive , ordonnons que lesdits Imprimeurs
foient en outte condamnez aux Galeres
pour cinq ans ; laquelle peine ne pourra
pareillement être remife ni moderée .
III. La difpofition de l'article précedent aura
lieu pareillement à l'égard des Imprimeurs qui
feront convaincus d'avoir imprimé des Ouvrages
ou Ecrits , tendans à troubler la tranquillité
de l'Etat , ou à corrompre les moeurs
de nos Sujets , & qui par cette raifon n'auroient
pû être revêtus de Privilege ni de Permiffion
.
I vj
Iy,
1260 MERCURE DE FRANCE:
IV. Voulons que ceux qui feront convaincus
d'avoir compofé & fait imprimer des Ouvrages
ou Ecrits de la qualité marquée dans
l'un ou dans l'autre des deux précedens articles
, foient condamnez comme perturbateurs
du repos public pour la premiere fois au banniffement
à temps hors du Reffort du Parle
ment où ils feront jugez , & en cas de recidive
au banniffement à perpetuité hors de notre
Royaume.
>
V. A l'égard des autres Ouvrages ou Ecrits
qui n'étant de la qualité & fur les matieres cydeffus
marquées auront été imprimez fans
Privilege ni Permiffion , laillons à la prudence
& à la Religion de nos Juges , par rapport
aufdits Ouvrages feulement , de prononcer
contre les Imprimeurs & Auteurs telle peine
qu'ils jugeront convenable , fuivant l'exigence
des cas ; leur enjoignant neanmoins de tenir
féverement la main à ce que tous ceux qui auront
eu part à la Compofition , Impreffion ou
diftribution de tous Libelles, de quelque nature
qu'ils puiffent être , foient punis fuivant la rigueur
de nos Ordonnances ..
VI. Déclarons fujers aux peines portées par
les articles II III. & V de notre préfente Déclaration
,dans les differens cas quiy font énoncez
, tous Imprimeurs qui fe trouveront faifis
d : Formes compofées pour imprimer des Ouvrages
non revêtus de Privilege ni de Permif
fion , & ce encore qu'il n'y en eût aucune
Epreuve ni feüille tirée.
VI . Défendons tres - exprefsément à tous
Imprimeurs de travailler ou faire travailler
ailleurs que dans les maifons où ils demeurent
ou dans celles à la porte defquelles fera pofée
une enfeigne publique d'Imprimerie : Ordonnons
que conformément aux anciens Regle-
1. val.
mens
JUIN. 1728. 1261
"
mens la porte de leur Imprimerie ne fesa
fermée , pendant tout le temps de leur travail,
que par un fimple loquet ; comme auffi leur
faifons tres expreffes inhibitions & deffenfes
d'avoir dans leurs maiſons ou autres lieux ou
ils imprimeront , aucunes portes de derriere ,
par lesquelles ils puiffent faire fortir clandetinement
aucuns Imprimez ; le tout à peine.
d'interdiction pendant fix mois,& de cinq cens
livres d'amende , qui ne pourra être remife ni
moderée par nos Juges ; même de déchéance
de la Maîtrife , ou autre plus grande punition
en cas de récidive .
VIII . Deffendons à tous Imprimeurs de fer
fervir pour leurs Imprimeries de Rouleaux , à
peine d'interdiction pendant fix mois , & det
Joo livres d'amende , même de déchéance de
fa Maîtrife , & autre plus grande punition en
cas de récidive.
IX. Enjoignons à tous Imprimeurs de mar
quer au bas de leurs Ouvrages le nom de la
Ville dans laquelle ils les auront imprimez , &
la datte de l'année où l'impreffion en aura été
faite , à peine de cinq cens livres d'amende
pour chaque contravention ; leur faifons tresexpreffes
inhibitions & deffenfes de fuppofer le
nom d'une autre Ville , ni aucunes dartes fauffes
, à peine d'être pourfuivis extraordinairement
& punis comme Fauffaires.
X. Toutes les peines portées par les arti
cles II . III. V. VI . VII , VIII. & IX. de notre
prefente Déclaration contre les Imprimeurs ,
auront également lieu fuivant les differens cas
contre les Protes , Correcteurs & Compofiteurs
enfemble contre les Diftributeurs &
Colporteurs de Libelles , dans ce qui peut les
regarder.
XI. Et afin que tous les Protes, Correcteur Догово
ou
1262 MERCURE DE FRANCE.
ou Compofiteurs des Imprimeries ne puiffent
excufer leurs contraventions , fous prétexte
qu'ils ont préfumé que l'Imprimeur pour le
quel ils travaillent , avoit obtenu un Privilege
ou une Permiffion , & qu'on ne peut leur imputer
leur ignorance fur un fait dont ils ne
font pas chargez : Ordonnons qu'à l'avenir
fur la Copie du Livre ou Ouvrage qu'il s'agira
d'imprimer , les Imprimeurs feront tenus de
tranfcrire en entier le Privilege ou la Permiffion
par eux obtenus , & de figner la Copie
qu'ils en auront écrite fur celle dudit Livre ou
Ouvrage. Défendons aufdits Protes , Correcteurs
ou Compofiteurs de travailler à l'impreffion
d'aucun Livre ou Ouvrage , fur la Copie
duquel ledit Privilege ou Permiffion n'auront
pas été tranfcrits & lignez par l'Imprimeur; &
en cas de contraventions , voulons qu'ils
foient fujets aux mêmes peines que lesdits
Imprimeurs , conformément à l'article precedent.
XII Deffendons tres exprefsément à toutes
perfonnes de quelque état & condition qu'elles
foient , & à toutes Communautez Ecclefiaftiques
ou Laïques , Seculieres ou Regulieres
, d'avoir dans leurs maifons , à la Ville out
à la Campagne des Imprimeries privées , foit
avec Preffe , Rouleaux ou autrement , le tout
à peine; fçavoir, contre les Particuliers de 3000
liv. d'amende , dont les Proprietaires , s'ils demeurent
dans la maifon , ou les principaux
Locataires des maifons feront refponfables ; &
con re les Communautez de la même peine de
3roo I'v . d'amen le, & d'être en outre déchûës
de tous les Privileges & Immunitez à elles accordées
, tant par Nous que par les Rois nos
Prédecefleurs.
1. vola
Autre
JUIN. 1728. 1263
Lir
Autre du même jour , portant deffenfes de
nourrir des Pigeons , Lapins , Volailles , &c.
dans les Maiſons de la Ville & Fauxbourgs de
Paris.
Autre du même jour , qui permet aux Bouchers
d'ouvrir leurs Eftaux les Dimanches ,
commencer depuis le premier Dimanche d'après
la Trinité , jufqu'au premier Samedy d'après
la Notre- Dame de Septembre.
SENTENCE DE POLICE , du 28. May ,
Coqui condamne le nommé Fardel , Meufnier, en
vingt livres d'amende , pour avoir contrevenu
aux Ordonnances de Police , qui deffendent
d'entrer dans les Ecuries ou Greniers à Foin
avec des lumieres , fi elles ne font renfermées
dans des Lanternes .
Autre du 11. Juin , qui condamne à l'amende
plufieurs Particuliers , pour avoir negligé
d'arrofer le devant de leurs Portes.
Autre du mêmejour , portant Reglement fur
ce qui doit être obfervé pendant la Foire de
S. Laurent.
Autre du même jour , portant deffenfes de
louer fans permiffion aucunes Parties des Maifons
voifines de la Foire S. Laurent pendant la
tenuë de ladite Foire .
Autre du 14. du même mois , portant deffenfes
de tirer aucunes Fufées ou armes à feu la
veille & le jour . de la Fête de S. Jean- Baptilte.
Autre du 15. dudit mois , contre plufieurs
1. vel.
Par1264
MERCURE DE FRANCE .
Particuliers trouvez vêtus des Ecoffes des
Indes.
Autre du 30. Avril , qui condamne les nommez
le Duc , Bouchard , Lucy , Lamare & de
la Cour , Laboureurs , en mille livres d'amende
chacun , pour avoir difcontinué d'apporter
des Avoines fur le Carreau de la Halle , à deffein
d'en faire augmenter le prix.
ORDONNANCE DU ROY , du 12. May
1728.concernant la promenade du Parc de Vincennes,
par laquelle il eft deffendu aux gens de
Livrées d'y entrer , & à toutes perfonnes d'en
dégrader les arbres , d'y commettre des infolences
, & c.
ORDONNANCE DE POLICE , du 20.
May , portant deffenfes de laiffer dans les ruës
des pieds d'Artichaux & écoffes de Pois ou
de Feyes.
Autre du même jour , portant deffenfes de
queillir des Barbeaux.
1. Vol'.. SUPJUIN.
1728. 1269
A
A
SUPPLEMENT.
Peine les Logogryfes arithmetiques
ont ils paru , que M. Defnouettes
le Clouftier , nous en a envoyé d'Andely
l'Explication . On ne doit pas moins admirer
l'heureufe facilité du Poëte , que la
diligence & la fagacité de l'Algebrifte. Ce
digne & loüable exemple ne manquera
pas apparemment de donner , à l'occafion
de cet ingenieux badinage , toute l'émulation
neceffaire dans l'étude des nombres.
Le Trifmegifte d'Andely , après la folu
tion des petits Problêmes , en propofe
deux que nous numerotons 26. & 27.
pour obferver l'ordre de l'indication des
Logogryfes , dont on ne pourroit parler
fans cette attention .
Pour répondre à l'exactitude de M. le
Clouftier , nous donnons à la fin de ce
Livre ,fa Lettre du 12. Juin 1728 , plutôt
que de la renvoyer à fa veritable place
dans le Mercure fuivant.
Nous avons mis le No des Logogrifes
fur chaque mot , trouvé par la folution
des Problêmes ; le Lecteur verra mieux
par-là , le tour & l'adreffe de l'ingenieux
Auteur.
1. vol.
Voici
1266 MERCURE DE FRANCE:
Voici , Monfieur , l'explication des
Logogrifes arithmetiques que vous pourrez
inferer dans le Mercure , & c .
E laifferai tout là ..... morbleu , Seigneur
JE
18 .
du Mas ....
Votre épineux calcul met à bout mon algebre
;
Oui , je fuis pour le moins autant dans l'embarras
Qu'un jeune Clerc qui fait une Oraifon funebre.
5.
Où diantre aller chercher , la Roque, Avril ,
3.
Lamec ,
4.
Chanvre
7.
16.
Mercure , Adam , Logogryphe ,
Quenoüille ,
Et tous bizarres mots dont la rime m'embrouille
,
8.
Paris..... je n'en puis plus , mon efprit eft
à fec.
En mangeant l'appetit vient , à ce que l'on
dit,
10. 11.
Je reprens donc l'ouvrage & je trouve la Cire ,
13. 23. 24. 12.
Redingote , Gozon , claire.... que vais - jedire ,
L'amas de ces grands mots m'accable & m'étourdit.
T9. If.
Mais je trouve Louis , le nom du Roy
14 .
courage ,
1. val.
Cc
JUIN. 1267 1728.
Ce nom fi refpecté , des Lys fait tout l'honheur
,
Le peuple fous fon regne exempt de la terreur
Qu'infpire le Dieu Mars au milieu du carnage
,
Joüit heureufement d'une tranquille paix ,
21.
Et dans le mois de May fous un feuillage
épais ,
20.
Coridon à Philis déclare fon martire ,
25.
La Bergere fe rend , mais St..... c'en eft
trop dire.
Explication des Logogryphes du mois
Le r Adam.
2 Avril.
3
4
Lamec.
Chanvre.
dernier.
5 La Roque.
6 Logogrife.
Quenoüille .
14 Courage.
15 Roy.
16 Mercure.
17 La Cire.
18 Du Mas.
19 Louis.
20 Phylis.
21 May.
7
8 Paris.
9
Mercure. 22
10 & 11 La cire .
23
Gofon .
J 2 Claire. 24 Gozon
.
13 Redingote . 25
St.
1. vol.
La
#268 MERCURE DE FRANCE;
26. Logogrife de deux lettres .
La premiere Lettre , plus la feconde ,
égale trente trois.
La difference de leurs cubes eft deux
mille quatre cens cinquante-fept.
27. Logogrife de 6. lettres .
La premiere plus un, eft géométriquement
à la troifiéme , comme la cinquiéme
eft à la fixiéme.
La feconde divifée par deux eft la racine
quarrée de douze fois , la troifiéme ;
& un de plus.
La troifiéme eft la racine quarrée de
trois fois la quatriéme ; plus un.
La quatrième eft la racine quarrée de
la uxieme , ajoutee avec un.
La cinquiéme eft la racine quarrée de
fix fois la fixiéme.
La fixiéme eft fix fois la troifiéme.
Et la forme totale eft 60.
J'ai l'honneur d'être , &c .
DES NOUETTES LE CLOUSTIER
D'Andely ce 12 Juin 1728 .
On donnera la fuite des Logogrifes arit
metiques dans le tome fuivant ; avec une
Lettre inftructive & tres bien écrite fur le
même sujet .
I. vol.
Explication
CEN
JUIN.
1728. 1269
COL
EXPLICATION de
l'Enigme du dernier
Mercure.
E faire aimer à la Ville , à la Cour,
-
Rechercher de
l'Etranger même ;
Nous peindre d'un Amant la paffion extrême ,
Du le mépris qu'Iris a fait de fon amour ;
Faire connoître une perfonne obfcure;
tre utile aux Sçavants , ainſi qu'aux beaux efprits
;
ous ces traits , du Public cheri ,
Qui ne reconnoîtroit
MERCURE?
A Geneve , par If. Am, Mar....`
Le deuxième volume
extraordinaire de
mois , eft
actuellement fous preffe , &
aroîtra
inceffamment.
APPROBATION,
Ay lû par ordre de Monfeigneur le Garde
des Sceaux , le premier volume du Mercure
France du mois de juin , & j'ai crû qu'on
ouvoit en permettre l'impreffion. A Paris ,
1. Juillet 1728.
HARDION,
1
1. vol
TAakakakakakak
Pleces
TABLE.
Ieces Fugitives , le Tombeau , Ode , 1079
Lettre fur les Bons mots
Idyle ,
Lettre fur les Triolets ,
Flore & Pomone , Eglogue ,
Lettre fur l'Académie de Beziers
Ode , fur la nouvelle année ,
Paradoxe Géometrique du P. C.€.
108
109
109
110
111
112
Epithalame fur le Mariage du Duc de Parme
Réponse à une queftion propofé , &c.
Sonnet ,
ཏུ ཀཐཱ།
Fête donnée à Paris par le Chevalier Couvay
Epithalame , mife en Mufique , &c.
Réflexions morales , A
Obfervations fur la compofition du Chant
clefiaftique , & c.
La Verité, Ode.
ΤΗ
II
Réponſe fur la femme Portugaife à la vue pe
çante ,
Réflexions ,
117
117
Explication du Logogryfe donné en Avril
Enigme & Logogryphes nouveaux ,
Explication des Logogryphes arithmetiques
Deux Queftions propofées
118
118
118
118
Nouvelles Litteraires de la Bibliotheque Ge
manique ,
Bibliotheque Angloife ,
Ibi
119
Splancnologie ou Anatomie des Vifceres
120
I. vol.
L
A
La Spectatrice , s me Semaine ,
Soufcription des Livres de Plein Chant , 1208
Nouvelles Eftampes de Watteau ,
Chanfon en Vaudeville notez ,
Spectacles ,
Le Retour de Tendreffe , Extrait.
1204
1210
1211
1214
1216
Le Triomphe de Plutus , Extrait.
Nouvelles du Temps , de Turquie ,
Lettre écrite de Salé ,
1227
1231
1234
De Ruffie , Dannemarc & Pologne , 1238
D'Allemagne & d'Italie , 1241
De Portugal & Efpagne 1246
Grande Bretagne & Hollande . 1249
Morts , Mariages des Pays Etrangers , 1251-
France , Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
Orage de Grêle à Troye,
Voyage du Roi à
Compiegne
1253
1258
1262
Entrée à Soleure du Marquis de Bonac , 1267
Benefices donnez ,
Morts , Naiffances & Mariages ,
Arrêts , Déclarations , & c.
Suplement Logogryphes , & c,
1249
1252
1257
1265
TII
A as ancor
811
apisom
452
1
Fautes à corriger dans ce Livre.
PASTITII Lender
Age 1118. ligne derniere , ons lifez foyons:
P1138.1. 2. du bas , fufe , l. frife.
P. 1141. 1. 23. Infants , l. Infantes. l.
P. 12. 1. 21. à fleurs , 1. de fleurs .
P. 1175 1. 8. connoît , l . voit.
P. 1178. l . 1. d'écrire , l. de rire .
P. 1180. l. derniere , bon , l. beau.
P. 1188. l. 6. Creufas , 1. Croufas.
P. 1195. 1.7. Martiere , 4 Martyr.
P. 1204. 1. 7. & à , 1. & plus propres à.
Ibid. 1. 20. & à , l. ou à .
P. 1205.l. 15. & , ôtez ce mot.
L'Air noté doit regarder la page 12 II.
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT
JUIN. 1728 .
SECOND VOLUME.
QUE
COLLIGIT
SPARGIT
Chez
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER , mu
S.Jacques , au Lys d'Or.
LA VEUVE PISSÓT, Quay de Conty,
à la defcente du Pont Neuf , au coin
de la rue de Nevers , à la Croix d'Or.
JEAN DE NULLY , au Palais,
à l'Ecu de France & à la Palme.
M. D C C. XXVIII.
Avec Approbation & Privilege du Roi.
A VIS.
Lcho
ADRESSE generale pour toutes
chofes eft à M. MOREAU ,
Commis au Mercure¸vis - à-vis la Comedie
Françoife , à Paris. Ceux qui pour leur
commodité voudront remettre leurs Paquets
cachetez aux Libraires qui vendent le
Mercure à Paris , peuvent fe fervir de
cette voye pour les faire tenir.
On prie très - inſtamment , quand on
adreffe des Lettres ou Paquets par la Pofte,
d'avoir foin d'en affranchir le Port ,
comme cela s'est toujours pratiqué , afin
d'épargner à nous le déplaifir de les
rebuter , & à ceux qui les envoyent ,
celui , non - feulement de ne pas voir
paroître leurs Ouvrages , mais même de
les perdre , s'ils n'en ont pas gardé de
copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de
la premiere main , & plus promptement ,
n'auront qu'à donner leurs adreſſes à M.
Moreau , qui aura foin de faire leurs pa
quets fans perte de temps , & de les faire
porterfur l'heure à la Pofte , ou aux Mef-
Jageries qu'on lui indiquera.
6
PRIX XXX. SOLS.
MERCURE
DE FRANCE ,
DEDIE
AU
Ror.
AV
JUIN. 1728.
XXXXXXXX** XXXXXXXXXXXX
PIECES
FUGITIVES ,
en Vers & en Profe.
LE
CONQUERANT ,
ODE .
U Temporte une aveugle rage ,
Superbe ennemi des humains ?
Je vois , de fang & de carnage ,
Fumer tes facrileges mains !
Je vois les Villes défolées ,
De leurs murailles ébranlées
2. vol.
A
Ates
1296 MERCURE DE FRANCE .
A tes pieds foûmettre l'orgueil ;
Ou bien- tôt réduites en cendre ,
De quiconque ofa les deffendre
Devenir le trifte cercueil,
O quels excès de barbarie
Enfante la foif de regner !
Quoi ! fe jouer de notre vie !
Se plaire à nous exterminer !
Faut-il pour étendre un Empire
Immoler tout ce qui refpire
Aux traits d'une noire fureur ?
Et de troubles infatiable
Se faire un fpectacle agréable
De l'Univers rempli d'horreur?
Tel , Jadis , l'opprobre des Princes
Neron , le barbare Néron ,
De la Maîtreffe des Provinces
Fit prefque un fecond Ilion I
Senfible à la chûte de Rome ,
L'Univers par la main d'un homme
Voit
3. vol.
JUIN.
1728. 1297
Voit perir l'ouvrage des Dieux ;
Lui feul armé par la furie
Fait du malheur de fa patrie
Le cruel plaifir de fes yeux.
M
O toy , de qui l'ame hautaine
S'égare en d'injuftes projets ,
Le monde eft-il donc ton domaine?
Les hommes font- ils tes fujets ?
Ta gloire fertile en ravages ,
Par tant de fameux brigandages
Doit-elle fe manifefter ?
Pour rendre tes palmes durables ,
Du fang de tant de miferables
Crois-tu devoir les cimenter ?
M
De quelque beau nom que l'on nomme
Tes grands , mais funeftes travaux ,
N'eft ce donc qu'en ceffant d'être homme
Que tu peux atteindre au Héros ?
Quoi toûjours avide de nuire
Induftrieux à tout détruire ,
a vol.
Tyran
A iij
1298 MERCURE DE FRANCE
J
Tyran forcené des Mortels ,
Infracteur des loix les plus juftes
Sont- ce là les titres auguftes ,
Qui vont te briguer des Autelsa
平
Quoy! l'homme à lui-même contraire
Iroit , tremblant à tes genoux ,
Baifer une main fanguinaire ,
Qui le fait tomber fous fes coups !
Ce grand , ce glorieux hommage
Seroit donc le prix de ta rage ,
Ou le fruit de ta cruauté !
Folle erreur ! Efperance vaine !
Le fleau de la race humaine
Deviendroit fa Divinité.
BAS
Ah ! que plutôt la terre entiere,
Théatre fanglant de tes faits ,
Maudiffe une valeur altiere ,
Dont elle a reffenti les traits !
Héros par nos larmes celebre ,
Periffe une gloire funebre ,
2. vol.
Que
JUIN. 1299 1728.
Que tu ne dois qu'à nos malheurs !
Ou puiffe une fidelle hiftoire ,
En perpetuant ta memoire
Immortalifer tes fureurs.
}
Puiffent les regrets lamentables ,
Les cris de tant de malheureux
Bien-tôt fur tes Lauriers coupables
Attirer la foudre des Cieux !
Puiffe cette foudre allumée
Venger la nature opprimée
D'un fi funefte emportement!
Et par un revers légitime
Te rendre la jufte victime.
D'un Dieu dont tu fus l'inftrument !
Voi le fier vainqueur de l'Afie
De quel fafte il brille aujourd'hui !
De refpect , de crainte faifie
La terre fe taît devant lui :
Souverain jufqu'aux bords de l'Onde
A la vafte enceinte du monde
2. vol.
A iii,
1300 MERCURE DE FRANCE.
Il ne peut borner fon grand coeur ;
Ni trouver en cette carriere
A fa gloire affez de matiere ,
Ni d'étendue à fon bonheur.
Vain bonheur ! Impuiſſante gloire !
Bien-tôt des plus fuperbes rangs
La Renommée & la Victoire
Verront tomber çes Conquerans ,
Bien tôt la Déeffe implacable ,
De l'Ombre la plus redoutable ,
Fait difparoître la fplendeur ;
A fes traits tout homme eft en bute ,
Et la meſure de la chute ,
Devient celle de la grandeur.
ᎣᎣ Ꭳ
SUITE des Obfervations fur la compofition
du Chant Ecclefiaftique.
E ne fçai fi je me fais affez comprendre
dans ce que je viens de dire ; mais
ce font là les principaux deffauts que j'ai
crû devoir remarquer dans le Chant des
Compofiteurs modernes , fans parler de
2. vol. ceux
JUIN. 1728 .
1301
"
la
ceux qui font contre le Chant en lui- même.
Tel qu'eft , par exemple , celui de
confondre dans le premier & cinquiéme
mode Ecclefiaftique les deux efpeces de
ce mode ou ton qui font très differentes ,
& d'admettre dans l'efpece Eolienne au
thente , ce qui n'eft propre qu'à la Dorienne
; & dans l'lonienne authente , ce
qui ne convient qu'à l'efpece Lydienne .
Les anciens ont connu parfaitement ce
Chant Eolien ; ils fçavoient à merveille
que le caractere diftinctif de fon authente
d'avec le Dorien authente , elt que
corde immédiatement fuperieure à la dominante
de ce mode , qui eft la quinte ,
n'eft dans toute la piece Eolienne , fimplement
éloignée de cette corde dominante
que d'un femiton , & jamais d'un
ton ; & que dans l'Ionien authente , le
caractere qui le diftingue du Lydien , eft
que la corde immédiatement inférieure à
la dominante de ce mode qui eft auffi la
quinte, foit toûjours éloignée de cette dominante
d'un ton , & la corde fuivante
en defcendant d'un femiton . Sans ces
diftinctions le Chant Dorien & le Chant
Eolien qui font tous deux Chants mineurs,
feroient entierement la même chofe
, & les deux Chants majeurs Ionien &
Lydien n'auroient point de difference.
Les fignes dont on fe fert. pour déli-
2. vol.
gner
A v
132 MERCURE DE FRANCE .
gner ces modes ou efpeces de Chants font
un peu arbitraires , je l'avoue ; que ce
foit D & F , au lieu d'A & C , il n'importe
pas de beaucoup , pourvû qu'on retienne
la chofe & qu'on ne diminue paş
le nombre des modes en mettant deux
en un. C'est encore rendre le Chant défectueux
en lui - même , que de moduler ,
par exemple , une Antienne de telle maniere
, que lorsqu'on y veut joindre la
Neume de jubilation , felon le mode dont
on a chiffré cette Antienne , on fent que
cette Neume n'y convient pas , & qu'au
lieu de la Neume de l'authente , il auroit
fallu la Neume du plagal , & vice versa .
Toutes ces chofes ont été excellemment
remarquées , quoiqu'en d'autres termes
par les Peres le Clerc & Jumilhac , Benedictins
, après le celebre Guy Aretin .
Voyez leur Livre fur le Plain - chant ,pag.
144 , 149 & 2 82. col. 2. & 288. col. r.
Le Chant Ecclefiaftique , fi on le confidere
en lui même , doit de plus être regardé
comme une espece de déclamation
lente , dans laquelle on fait fentir les membres
des périodes avec leurs incifum , &
même quelquefois avec la fubdivifion de
ces incifum.Cette lenteur exige des paufes,
& des paufes qui foient même plus fréquentes
que la rencontre des points & des
virgules ordinaires. Ainfi à peine peut - on
2. vol.
dire
JUIN. 1728. 1303
dire deux ou trois mots de fuite , fans
faire fentir une paufe , une féparation ou
interruption de fens , tant petite foit elle.
Mais dans cette féparation ou divifion de
textes , faites par petites parcelles , il y a
des endroits où les paules doivent être
plus ou moins fenfibles , fuivant la liaiſon
naturelle des mots ; C'est ce que Guy Aretin
appelle les diftinctions . Le Chant a
encore cela de different de la prononcia→
tion ordinaire , qu'une traînée de notes
mife à la queue d'un mot ou fur la pénultiéme
fyllabe , fait l'équivalent d'une pau
fe , en donnant du poids à ce dernier mot.
Outre cela il faut fçavoir diftinguer les
endroits où le chant peut fouffrir qu'on
refpire & qu'on faffe les repos fur des cor
des autres que la corde finale & la corde
dominante ; c'est- à - dire , (ur les cordes difcretives
, où un repos , lorfqu'il est bien
ménagé par un acheminement naturel ,
fait quelquefois un meilleur effet que fur
les cordes principales ; c'eft ce que quels
ques uns appellent une cadence rompue.
Ainfi , combien d'attention ne faut- il pas
pour bien conduire une piece de Chant',
& fur tout pour la rendre mélodieufe &
agréable, avec l'obfervation de toutes ces
regles , & encore d'autres que jértais , de
crainte d'être trop long. Car il ne s'agit
pas de les obferver fur le papier ; il faut
2. vol.
A vjs
que
1304 MERCURE DE FRANCE .
que dans l'execution cela contente l'oreil
le . Il est bien aifé de coucher par écrit un
progrès d'élevation fur Excelfus Dominus ,
& un progrès de deſcente fur humiliá refpicitsmais
il faut que cette élevation & cet
abaiffement ayent de l'agrément & du goût
relativement l'un à l'autre , lorfqu'on en
viendra à l'execution. Ce ne font pas les
yeux qui font juges du Chant , mais Poreille
.
Un Chant revêtu de toutes les formalitez
cy- deffus marquées , & qui avec cela
eft harmonieux , coulant , parlant , élégant
, expreffif, gracieux & prudemment
diverfifié durant le cours de toute une
année , doit incontestablement être plus
goûté par les oreilles fines , qu'un chant
où ces preceptes ne feroient nullement
ou tres - rarement obfervez , & qui de plus
auroit en foi une certaine groffiereté, une
certaine froideur : pour couper court, un
chant qui feroit fade, infipide, gêné, agrefte,
alambiqué, guindé & plein de redites &
de répetitions continuelles . Et fi l'on pouvoit
dans le fiecle prefent , être fi facile que
de ne fe pas foucier des regles ni des qualitez
effentielles au chant , il n'y auroit
prefque point d'Ecclefiaftique qui ne fut
en état d'en compofer & de noter fon Breviaire
; ce ne feroit plus une chofe fi rare,
ni qui méritât tant d'être mise à l'épreu-
2. vol.
JUIN. 1728: 1308
ve ; & il ne faudroit pas s'embaraffer fi
fort de faire promettre de la docilité à
ceux qu'on employe pour en faire les ébauches.
Pour moi j'ai toûjours confeillé à
ceux qui m'ont confulté là - deffus , de le
regler ordinairement fur l'Antiphonier de
Paris , que je regarde & regarderai toûjours
comme le meilleur modele qu'on
puiffe imiter dans le corps des Répons &
dans les Antiennes . Je l'ai entendu executer
en entier pendant plufieurs années ,
& il eft impoffible qu'on n'en fente le bon
goût , lorsqu'on en a été ainfi rebattu .
Si quelqu'un le méprile pour ne l'avoir
jamais oui executer , & n'être jamais forti
de fon propre Diocèſe , c'eſt qu'il eſt encore
dominé par un refte de préventions
contre la délicateffe de la grande Ville ,
foutenu peut- être par un fervile attachement
à des gothieitez des cinq , ou fix derniers
fiecles , où l'on faifoit confifter la
beauté du Chant à être bien long & plein
de répetitions. La perfonne qui eut la conduite
de l'Antiphonier de Paris , outre le
rang qu'elle occupoit dans le Clergé de la
premiere Eglife , étoit encore diftinguée par
fa naiffance, & par fa fcience dans les matieres
Ecclefiaftiques neceffairement liées.
aux Offices divins ; elle étoit extrêmement
verfée dans la lecture des Ouvrages raifonnez
des anciens Maîtres de Chant , &
2. vol.
Qu
1306 MERCURE DE FRANCE.
outre cela fameufe par les voyages Liturgiques
& Litteraires en Europe , & parfes
Relations dans toute la Chretienté : enforte
qu'on peut dire qu'elle poffedoit pleinement
tous les talens que Charlemagne
eftimoit de fon temps : temps auquel on
compofoit encore exactement le Chant
d'Eglife , & auquel , comme je l'ai dit
dans une autre Lettre inferée dans le Mercure
de Septembre 1725 , les plus grands
hommes regardoient le Chant comme
très- digne de leurs foins , parce que peu
de gens pouvoient fe gêner affez pour acquerir
l'habitude d'avoir une attention
actuelle aux Régles de la Grammaire & de
la Rhetorique ; ou que s'il fe trouvoit des
gens en état de l'avoir , c'étoient des ef.
prits qui ne réuniffoient point en leur perfonne
la fcience de la mélodie , ni qui euffent
le principe des fons féconds en rencontres
, ou qui fçuffent les régles des progrès
de fons felon la nature des modes ,
auxquels ils le rapportent . Je me fouviens
d'avoir oui dire à ce fçavant Abbé & Chanoine
, lorfque je commençois il y a environ
vingt- quatre ans, à lui faire voir de
ma compofition , que l'endroit par lequel
on reconnoiffoit l'habileté d'un ouvrier en
ce genre , étoit qu'il fût en état fans le
fecours d'aucun Livre , d'animer fur l'heure
les paroles qu'on voudroit fuivant la
166
ご
W
2. vol. -moJUIN.
1728. 1307
modulation de chacun des treize modes
ufitez dans l'Antiphonier de Paris , & à
les animer felon les régles de ces modes ,
& felon toutes les loix de la conftruction
du difcours. Il ajoûta que c'étoit une fcience
qui ne s'acquerroit pas facilement ; &
pour en venir aux exemples , il me fit remarquer
une partie des fautes d'un Office
de S. Charles dont le Chant avoit été
nouvellement imprimé à Paris , in 12 .
chez Gregoire Dupuis , dans lequel il
m'affura qu'il n'y avoit prefque rien de
recevable. La Critique des Piéces de cet
Office que le hazard préfenta , m'apprit
à connoître les défauts que je remarque
aujourd'hui dans les nouveaux Offices
dont les Auteurs , ou ne peuvent , ou ne veulent
pas s'aftreindre à fuivre les régles ; &
il me fit beaucoup valoir ce principe d'Ariftide:
Oportet & melodiam contemplari &
Rhytmum & dictionem ut perfectus Cantus
efficiatur. Une agréable inodulation la
liaifon ou féparation du difcours , & enfin
l'expreffion font les trois chofes néceffaires
pour former un Chant parfait.
>
Au reite , Monfieur , ce que je dis ici
touchant la correfpondance du Chant
avec la parole , ne regarde pas les Hymnes.
Je fuppofe que l'on comprend que
je ne parle que des Antiennes & des Répons.
Les Hymnes font un article à
part
2. vol.
qui
1308 MERCURE DE FRANCE .
qui a été traité plus au long dans une autre
Lettre qui eft à la tête du Mercure du
mois d'Août de l'année 1726. C'est tout
dire en deux mots , qu'il eft impoffible à
caufe de la varieté des ftrophes , que ce
qui a exprimé la parole dans l'une des
ftrophes , l'exprime dans l'autre ; à moins
que toutes les ftrophes ne renfermaffent
la même penfée exprimée en termes fynonimes
& également mefurez pour la
quantité ; ce qui eft entierement oppolé
à la Poëfie.
Ce 30. Novembre 1727 .
XX:XXXXXXXXXXX :XX
EPITRE.
D'une Amante à fon Amant Guerrier
que l'Auteurfeint être dans l'Armée qui
faifoit le Siége d'une Place.
Depuis
Epuis que loin de moi , fur les pas de
Villars ,
La Gloire , cher Cléon , t'entraîne aux champs
de Mars
Pourquoi , fourd à mes voeux , par un cruel
filence
As tu de mes ennuis aigri la violence ?
1.υοί .
No
JUIN. 1728. 1309
Ne te fouvient il plus des fermens qu'à mes
yeux ,
Tu fis , quand la douleur attendrit mes adieux >
Puifqu'il faut , quelqu'épris que je fois de vos
charmes ,
Me rendre vers Landau , que menacent nos armes
›
Mes Lettres, difois - tu , plus heureufes que moi ,
Viendront de mon amour vous garantir lafoi ;
Votre image en mon coeur fidelement tracée ,
Par l'abfence ou le tems n'en peut être ef
facée ,
Et pour Climene enfin brûlant jufqu'au trépas
...
Je le fouhaitois trop , pour ne te croire pas ,
Cruel . Mais aujourd'hui de ton ingratitude
Me refte- il , helas ! la moindre incertitude ?
Vingt fois dans la froideur de tes embraffemens
J'ai dû voir & j'ai vu tous tes déguiſemens.
Mais toujours trop facile à me laiffer furprendre
,
Dans le fond de mon coeur l'Amour t'a fçû
défendre ,
Et lorfque dans le tien je vouloispénetrer ,
J'éteignois le flambeau qui pouvoit m'éclairer
2. vol.
Mes
1310 MERCURE DE FRANCE:
Mes yeux s'ouvrent enfin ; une trifte lumiere
Me découvre à préfent ton ame toute entiere
,
Je me rapelle encor le jour de ton départ,
Ton coeur à tes fermens eut- il la moindre
part ?
Lorfque je fuccombois à mes vives allarmes ,
Quand j'allois expirer , verfas- tu quelques
larmes ?
Et de mes foibles mains échapant bruſques
ment ,
Daignas- tu pour me voir te tourner un mo»
ment ?
Je te fuivis des yeux tant qu'il me fut poffible.
L'excés de ma douleur me rendoit infenfible ;
Mais quand j'eus en tremblant rapellé mes efprits
,
Dans l'ombre de la nuit je pouffai mille cris.
Que cette nuit pour moi ne fut elle éternelle
,
Si je devois un jour te revoir infidele !
J'aurois dû le prévoir , helas ! dans tous
tems ,
s les
Les Guerriers ont été les plus grands inconf
tans.
1
2 vol.
Quel.
JUIN. 1728. 1311
Quelquefois , pour charmer ma trifte inquiétude
,
Je te cherche , infenfée , en cette folitude,
Où, quand tu me jurois de vivre fous ma loi ,
Je fentois tout l'amour que tu feignois pour
moi.
Vaine précaution ! Pâle , déſeſperée ,
J'ai beau porter par tout une vûë égarée ,
J'ai beau te demander à tout ce que je vois ,
Ainfi que mon Amant , tout eft fourd à ma
voix.
Alors , m'abandonnant au chagrin qui me
tuë ,
De mouvemens divers je me fens combatuë,
Mon coeur entre l'efpoir & la crainte flotant
,
Te peint tantôt fidele & tantôt inconftant ,
Et toujours , juftes Dieux ! pour irriter ma
peine ,
S'offre à mon fouvenir le redoutable Eus
gene . ( a )
Je crois voir ce Heros , fur un bouillant Cour
fier .
Prêt à lever fur toi fon homicide acier ,
( a ) Le Prince Eugene.
2. vol.
Je
1312 MERCURE DE FRANCE:
Je te vois à ton tour , pour femer l'épouvante
,
Tel qu'Achille autrefois dans les Ondes du
Xanthe , (b )
Le glaive entre les dents , ( c ) d'un bras victorieux
Fendre du Rhin fanglant les flots impérieux.
Tes Soldats , comme toi , refpirant le carnage
,
S'élancent dans le Fleuve , atteignent le Rivage
,
François audacieux , où voulez -vous courir ?
La Terre fous vos pas eft prête à s'entr'ouvrir
;
Dans fon perfide ſein le falpêtre s'enflâme.
Mais Bellone a foufflé fa fureur dans votre
ame.
Cent Tonneres d'airain ont beau gronder fur
vous ,
Vous vous précipitez au devant de leurs
coups.
Du moins , fiers ennemis , dans ce danger funefte
,
Epargnez mon Amant , je vous livre le reste.
(b) Homere Iliad.
( c) Ce fait eft rapporté par M. de Larreg
dans fon Hiftoire de Louis XIV. Tome 9.
2. vol.
Mais
JUIN 1728 . 1313
Mais que dis - je ? où m'entraîne un aveugle
tranfport
Les Barbares ont trop d'interêt à fa mort.
J'aprens de toutes parts que fa valeur extrême
,
Fatale aux ennemis , pourra l'être à luimême
,
Et
que le fort jaloux de fes heureux progrès ,
Peut- être changera fes Lauriers en Cyprès.
Périffe le Mortel dont la main odieufe
Alluma le flambeau de cette guerre affreuſe ,
Et qui méconnoiffant l'Amour & fes plaifirs
Te déroba , Cleon, à mes tendres défirs !
Helas depuis ce jour , en proie à mes allarmes
,
Mes yeux , mes triftes yeux ne s'ouvrent plus
qu'aux larmes ,
Et te voyant fans ceffe affronter le trépas ,
Je crains tous les périls que ton coeur ne
craint pas,
Cher & cruel Auteur de mon inquiétude ;
Releve un peu le poids d'une chaîne fi rude ,
Ecris -moi promptement ; mais que dans cet
Ecrit ,
2 vol.
Ton
1314 MERCURE DE FRANCE.
Ce foir ton coeur , qui me parle & non pas
zon efprit s
Ou plutôt , pour calmer mon déſeſpoir extrême
,
Difpenfe- toi d'écrire , & viens ici toi- même.
Fidele à Cytherée , ainfi le Dieu Guerrier
Quelquefois pour le Myrthe a quitté de Laurier.
Viens , ranime en mon coeur un refte d'efperance
;
Ne feras- tu conftant que dans ton inconftance
?
Si tu vois fans amour mes charmes impuiffans
,
Verras-tu fans pitié l'amour que je reffens.
Par M.Cocquard , Avocat au Parlement
de Dijon.
10-
R. vol. LET.
JUIN. 1718. 1315
>>
LETTRE écrite de Beziers le 10. Mars
1727. à M. Penna , Premier Medecin
de S. A. S. M. le Prince de Monaco.
Par M. Bouillet de l'Académie des Bel-
Jes- Lettres Sciences & Arts de Bordeaux
, Docteur en Medecine de la Faculté
de Montpellier , Profeßeur des
Mathematiques , & Secretaire de l'Académie
de Beziers , au fujet de la Rhubarbe.
N
Ous fommes ici , Monfieur , dans
la même peine où vous êtes : nos
Apoticaires font tout - à- fait dépourvûs de
Rhubarbe ; & nos Marchands ( a ) n'en
(a) La Rhubarbe vaut maintenant à Marfeille
plus de so. écus la livre : on n'y en trouve
pas même autant qu'on veut à ce prix - là.
D'ailleurs elle eft fi mauvaife , qu'il y a de la
confcience d'en donner aux Malades. Heureufement
nous pouvons aujourd'hui nous en paffer
d'autant plus aifément que nous connoiffons
beaucoup de Remedes équivalents . Mais
parce que tout le monde n'eft pas en état de
faire un jufte difcernement de ces Remedes
j'ajoûterai fur la fin de cette Lettre quelques
Notes un peu étendues là- deffus en faveur des
Chirurgiens de la Campagne , qui font fouvent
obligés de travailler fans l'avis du Medecin
2 vol.
font
1316 MERCURE DE FRANCE.
font prefque plus venir de Marſeille , foit
parce qu'elle y eft d'une cherté exceſſive ,
foit parce qu'on n'y en trouve guére maintenant
qui foit paffablement bonne . Voilà
, je vous avoüe , un fecours de moins
pour la cure des Maladies , & un fujet de
chagrin pour des Medecins entêtés de ce
Remede. Je ne doute pas même que ceux
qui ont fi fort vanté cette Racine dans
les Siécles paffés , ne défefperaffent aujourd'hui
de la guériſon de la plupart de
leurs Malades , & ne fuffent comine tentés
de renoncer à leur Profeffion . Vous
fçavés , M. les louanges qu'ils lui prodiguoient
. Dire de cette Drogue ( b ) qu'elle
Au refte , je ne chercherai point ici d'où
vient que la Rhubarbe eft aujourd'hui fi rare ,
& de fi mauvaife qualité. Si c'eft parce qu'on
n'en apporte plus de la Chine , du Royaume de
Boutan , ou de Perfe , à caufe des troubles qui
regnent depuis long- temps dans ces contrées,
& qui caufent une interruption dans le Commerce
; ou fi c'eſt parce que le grand débit de
cette Drogue en a prefque detruit l'efpece , &
qu'on n'en trouve maintenant que dans des
lieux où elle n'a pas accoûtumé d'y acquerir
le même degré de maturité & de bonté. Le
temps nous éclaircira là deffus . On ne sçait
pas encore bien pofitivement en quel endroit des
Indes nait la Rhubarbe . V. Diction . Univ . de
Commerce. Paris 1723 .
6) Voy. prefque tous les Auteurs de Me
decine qui ont écrit depuis le 12. fiécle.
2. vol.
Purge
JUIN. 1728. 1317
19
purge la Bile , fortifie le Ventre , arrête
les Devoyemens , leve les Obftructions
chaffe la Malignité, tue les Vers , & c . Ce
n'étoit pas affez pour faire connoître fa
vertu : tout ce qui défigne des actions corporelles
leur paroiffent fort au deffous de
P'idée qu'ils s'étoient formée de ce Remede
; il falloit quelque chofe de plus fublime
pour en marquer les admirables
qualités , il falloit spiritualifer en quelque
forte fes Operations . La Rhubarbe ( c)
difoient - ils , eft l'ame du foye ; les plus
moderés fe contentoient de dire qu'elle
en eft le Coeur : tant on étoit prévenu de
l'excellence & de la neceffité de ce Remede
. Enfin vous n'ignorez point que depuis
quelque tems on n'ordonnoit prefque
plus de potion purgative fans Rhubarbe
qu'on la joignoit encore à beaucoup
d'autres compofitions ( d ) d'un ufa-
(c) Non fine ratione & experimento quidam
ex Medicis Rhubarbarum Hepatis animam nuncuparunt.
folenand. confil. medicinal.fect. 111 .
page 279.Jonton. Idea univerf. Medecin. practic.
p . 172. c . aliis Cor. Hepatis dicitur.
Schroder, Phytolog. Claff. 111 .
(d) Voyés toutes les Pharmacopées , & les
formules répandues dans tous les livres de Medecine
, Pratique des derniers Siécles . La Rhubarbe
y eft employée dans les Syrops , dans
les Opiates , dans les Pillules , dans les Trochifques
, dans les Electuaires , dans les Bo-
2.vol.
ges
B
# 318 MERCURE DE FRANCE .
*
ge journalier en un mot , qu'on en failoit
un des pilliers de la Medecine.
Mais vous fçavez auffi, M. que la mode
& la coûtume font des torrents qui entraînent
prefque toujours tout le monde ,
& vous n'avez pas été, fans doute, des derniers
à reconnoître que de tous tems ( e )
les Medecins & le Public ont pouffé trop
loin leur crédulité à l'égard de certains
Remedes. L'hiftoire de la Medecine (ƒ)
nous en fournit plus d'un exemple . Pline
(g ) fe plaint que fes Antagonistes ne
ceffoient point de vanter certaines compofitions
ou mêlanges embroüillés , &
qu'ils n'eftimoient que les Drogues étrangeres.
Ne pouvons nous pas
dire auffi que
ce mauvais goût † s'eft tranímis en partie
lus , & c. dans les Emplâtres même , témoin
celle de Manardus , qu'un fçavant Medecin
dont nous parlerons ci -après , ( ** ) n'a pû
s'empêcher de traiter d'impertinence.
* Pomet, Hift. generale des Drogues, part. 1 .
V. 2. pag. I.
(e) Voy. Hiftoire de la Medecine, par M. Dan
niel le Clerc.
(f) Ibid. paffim.
(g ) Hiftor.natural. lib. 22. cap.24. & lib. 24.
cap 1.
(† ) On n'aime guére aujourd'hui les grandes
Compofitions ; mais on eftime encore un
peu trop les Drogues étrangeres . Ce n'eſt pas
qu'elles ne foient pas affez efficaces , & que je
2. vel
juſJUIN.
1728. 1319
jufqu'à nous , & qu'à l'égard de la Rhubarbe
, on a été même de nos jours dans
une espece de fuperftition . Quelque éloigné
qu'on fût de penter ( b ) , comme ceux
qui nous ont précedés , on ne laiffoit pas
d'agir comme eux à cet égard , & on ne
fe mettoit guére en peine de fe conformer
aux vûës d'unfçavant Medecin ** du fiéne
me ferve volontiers de toutes celles qu'on
peut recouvrer ailément & à peu de frais , mais
leur trop grand uſage eft à blâmer .
(b ) Les anciens croyoient qu'il n'y avoit
que certains purgatifs propres à évacuer la
Bile , d'autres à chaffer la Mélancolie , & c . On
eft maintenant revenu de ces préjugés , & l'on
eft convaincu qu'ils agiffent tous également fur
les premieres voyes , & fur le Sang , avec cette
feule difference que les uns agiffent plus doucement
, les autres avec plus de violence .
** Daniel Ludovicus Medic . Ducal. Saxo .
Gothan. De Pharmacia moderno fæculo applicanda.
Differt . 1. de Remediorum felectu
eum Commentariis Volfangi Venelii , Michaelis
Ettmulleri . Vid. tom. 2. oper. ejufd.
Ettmull. Le livre de ce Medecin a été traduit
en François & imprimé en 1710. à Lyon en 2.
vol. in 8. fous le Titre de Traité du bon choix
des Medicaments . Réduire la Pharmacie à une
noble fimplicité , épargner la Bourfe des Malades
, foulager leur palais & leur eſtomach
c'eft le but que cet Auteur s'y propofe.
Quant à la Rhubarbe , il n'en vouloit point
du tout il la trouvoit trop chere , quoiqu'elle
ne valût alors qu'environ 20. écus la livre
& il l'abandonnoit volontiers aux Indes Orien-
2. vol.
cle Bij
1320 MERCURE DE FRANCE :
cle paffé . Mais qu'on ait outré ou non l'ufage
de la Rhubarbe , ce n'eft pas ce qui
doit maintenant nous toucher le plus . Il
ne s'agit , M. que de fçavoir fi l'on peut déformais
le paffer de ce Remede ; & c'eſt
de quoi vous conviendrés bien -tôt avec
moi , fi vous voulez prendre la peine de
lire ce que j'ai dit à ce fujet dans une des
Affemblées ordinaires de notre Académie.
Extrait des Regiftres de l'Académie de
Beziers . 6. Février 1727.
Pour faire voir que la Rhubarbe eft
moins neceffaire qu'on ne penfe communément
, & rendre en quelque façon fa
perte plus fupportable , je fis remarquer
d'abord que nos plus grands Maîtres en
Medecine , Hippocrate ( k ) & Galien (1) ,
tales où elle croît. Il convenoit pourtant , que
cette Racine eſt paffablement bonne & efficace;
mais comme il avoit trouvé autant de vertu
dans la Rhubarbe du Païs , & qu'il s'étoit confirmé
de plus en plus dans fon fentiment par
fa propre experience , il ne daignoit point employer
celle de Levant dans fes Medecines , &
il n'en étoit pas pour cela moins heureux dans
fa pratique V. Diff, 1. de Select.Remed. apud
Ettmull. pag. 63 .
( k ) Hipocrate vivoit dans le XXXVI. fiécle
du monde , 400. ans avant J. C. c'est le premier
qui ait clairement enfeigné la Medecine au rapport
de Pline , lib. 26. cap. 2.
( 1 ) Galien a vêcu dans le deuxième fiécle
après la naiffance de N. S. J. C.
2. vol. 2,
ne
JUIN. 1728. 7328
ne s'en étoient point fervis : que le plus
ancien d'entre les Arabes , Serapion &
Avicenne ( m ) n'avoient pas connu cette
Racine , ou avoient ignoré fa principale
qualité , je veux dire , la vertu laxative *
& que Mefué & Averrhoës ( n ) étoient
Ils ne connoifoient l'un & l'autre que trèspeu
de Purgatifs, V. Hipp . & Gal . oper. Edit.
in 13 tom digeft . Parifiis 1679:
( m ) Serapion vivoit, felon quelques - uns , en
722. & felon d'autres en 1066. Avicene nâquit
en 981. & mourut en 1037. c'eſt- à - dire , qu'ils
florifoient l'un & l'autre entre le 8. & le rr .
fiécle de l'Ere Chrétienne .
* On convient affez aujourd'hui que le Rha
ou Rheon de Diofcoride , que Celle nomme
Radix pontica , Pline Rhacoma , Galien Rheon
ponticum , & qu'on appelle maintenant Rhapontic
de Levant et une Racine très - differente
de la Rhubarbe purgative , ( Mattiol in
Diofcor. Manard. Epift. Leonard. Fuchf. errat.
recent. medic. Profp. Alpin . de Rhaponiic . Turnefort,
mater. med. &c. ) quoiqu'il y ait eû autretois
d'habiles Medecins qui les confondoient
enfemble. (Joan. Ruell. Aloys . Anguillar. & c. )
mais on ne fçait pas bien laquelle de ces deux
Racines a été employée par Serapion & Avicenne
; on foupçonne pourtant avec affez de
vrai-femblance qu'ils ne fe fervoient que du
Rhapontic , quoique leur Traducteur ait employé
par tout le mot de Rhubarbe. Ce qu'il y
a de sûr au moins , c'eft qu'ils ne s'en fervoient
que comme d'un aftringent & non comme
d'un purgatif. V. Serap . l. fimpl. C. 206. Avicenn.
l. 2. tract. 2. C. 585.
(2) Mefue & Averrhoës vivoient dans le
2. vol. B iij les
1322 MERCURE DE FRANCE .
les premiers qui l'avoient mife en ufage
dans l'intention de purger.
Il cft vrai que Paul ginete ( o ) femble
avoir eû connoiffance de cette Drogue
, & l'avoir employée quelquefois en
vûe de lâcher le ventre ; ce qui avanceroit
l'époque de ce remede de quelques
fiécles .Mais outre qu'il ne paroît pas avoir
été fuivi en cela par les premiers Arabes ,
outre qu'il ne parle (p) que du Rhapontic
dans fon Traité des Simples , il fe peut faire
qu'il eût reconnu que le Rhapontic aidoit
à laction des autres Purgatifs ( comme
M. de Tournefort ( 7 ) dit l'avoit éprou-
12. fiécle. Ils font les premiers qui ayent clairement
reconnu la faculté purgative de la Rhubarbe.
Ce dernier fait même un crime à Galien
, d'avoir écrit que la Rhubarbe eft feulement
aftringente : mais il ne prenoit pas garde
que Galien ne parloit que du Rhapontic .
(o ) Paul Eginete floriffoit dans le 4 fiécle.
Il employoit le Rheon dans bien des compofitions
purgatives V. Pauli Ægineta Opus de re
Medica nunc prim . latinit.donat . Joan. Guinter.
Andernac. Doct. Med Parifiis 1532.
~ (p ).V. Paul. Eginet. lib. VII.cap. 3 , de particular.
fimplic. medicam facultatibus.
(q ) La Racine du Rhapontic purge , à ce que
dit M. de Tournefort , affez benignement prife
en poudre , depuis deux dragmes jufqu'à quatre
, & en infufion ou en décoction , depuis demie
once jufqu'à fix dragmes: mais elle refferre
plus fortement que la Rhaba : be , & ce n'eft
pas , dit il, un remède à méprifer dans la Diar- 2. vol.
thée.
JUIN. 1728. 1323
vé ) , ce qui aura peut être trompé fon
Traducteur. Ceci n'eft dit neanmoins que
par conjecture. Je laiffe à des gens plus
habiles que moi dans l'hiftoire de la Medecine
, & dans la critique à décider cette
queſtion . D'ailleurs il m'importe peu
qu'on avance ou qu'on retarde (r) la connoiffance
de la Rhubarbe de cinq ou fix
cens ans ; il me fuffit qu'on n'ait point
rhée & dans la Diffenterie . V. Tract . de Mat.
medic. feu Hist.ufus & Analys.fimpl.Medicam .
&c. Ce livre , depuis la mort de l'Auteur a été
imprimé à Paris , en 2 vol. in 12. 1717.
Profper Alpin raporte d'après un de fes amis,
que certains Moines qui habitoient proche du
Mont-Rhodope , en Thrace , fe fervoient autrefois
tres-frequemment du Rhapontic , à la
place de la Rhubarbe en doublant la dofe , &
qu'ils en avoient prefque épuisé tous les environs.
V. Difp. de Rhap, C. VII.
Mais parce que Difcoride , Galien , & prefque
tous ceux qui font venus après , n'ont parlé
du Rhapontic , que comme d'une Racine aftringente
, je ferois d'avis d'en furfeoir l'ufage
jufqu'à ce qu'on en ait fait de nouvelles épreuves
; à quoi notre Académie ne manquera pas
de travailler inceffamment.
( r) Si Paul Eginete a connu la Rhubarbe, il
y a maintenant 1300 ans qu'elle a cominencé
d'être en ufage , au lieu qu'il n'y en a que 700.
fi c'eft Mefue & Averrhoës qui s'en foient fervis
les premiers. Quoiqu'il en foit, il fera toujours
vrai de dire que ce remede a été inconnu
en Europe pendant plus de 4200 ans , felon la
maniere vulgaire de compter.
2. vol. Biiij
cm1324
MERCURE DE FRANCE.
employé ce remede dans les quarantedeux
premiers fiecles du monde , ( ce
qu'on n'oferoit(s) certainement me contefter
) pour être en droit de conclure que
puifqu'on s'en eft paffé fi long-temps , on
peut bien s'en priver aujourd'hui . Car
enfin pourquoi ne le pourroit - on pas ?
Nos maladies feroient- elles differentes de
celles de nos Peres , ou aurions - nous maintenant
beaucoup moins de Purgatifs qu'ils
n'en avoient de leur temps ?
Je ne finirois pas , M. fi je voulois
rapporter icy tout ce que j'alleguai pour
faire voir qu'en general les Maladies font
aujourd'hui les mêmes ( t ) que du temps
d'Hippocrate , de Celle & de Galien , qu'il
n'y en a que peu de nouvelles ( u) , & que
la difference des Climats , des Alimens ,
( s ) On a vu cy- deffus que Galien ne connoifloit
point la Rhubarbe, & qu'il n'avoit parlé
que du Rhapontic . V. 1. 8 fimpl . medic. cap.
XVII. pag. 224. Tom. 13. Edit. Charter.
(t ) Ce n'eft pas que ces Auteurs ayent décrit
toutes les maladies auffi exactement que
nos modernes. ( Fernel , Sennert , Riviere ,
Jonfton , Vvillis , Sydenham , Bellini , Morton ,
Baglivi , Ramazzini , & c . ) Mais on peut inferer
de leurs écrits qu'il y a peu de maladies
qu'ils n'ayent connuës .
( u) Je ne m'amuferai point à difcuter files
maladies qu'on prétend, qui font nouvelles , le
font veritablement, Elles font en fi petit nombre
, qu'elles ne tirent pas icy à confequence..
2.vela des
JUIN . 1728. 1325
des Inclinations , des Exercices (v ) , &c.
n'a tout au plus que fait varier quelques
Symptômes. Vous pouvez aifément vous
convaincre vous- même de ce que j'avance,
vous qui puifez dans ces fources , &
qui comparez les obfervations de ces rares
génies avec ce que la Pratique de la
Medecine vous met chaque jour devant
les yeux . J'ajoûterai feulement que je
n'oubliai rien pour démontrer que quand
nos maladies feroient plus differentes
qu'elles ne font de celles qu'on obſervoit
autrefois , quand il y en auroit un
plus grand nombre de nouvelles que nous
n'en connoiffons , quand la difference des
temperamens , de l'air , du régime , des
exercices , & c. produiroit une plus grande
variété dans les Symptômes qu'on n'a
remarqué jufqu'icy , il ne s'enfuivroit (x)
pas qu'on eût abfolument befoin de tous
(v ) On peut confulter là - deffus les Auteurs
citez dans la notte ( † )
(x)La diverfité des fimptômes n'exige pas
toûjours des Remedes differens , mais une methode
differente , & ce n'eft qu'en ce fens qu'on
doit prendre cette maxime de Celfe, aliud ( medicinæ
genus ) opus effe Roma , aliud in Ægyto
, aliud in Galliis . Ainfi peu de Purgatifs
fuffifent à ceux qui fçavent les employer
propos .
On ne manque point de Purgatifs , on manque
d'une conduite qui en prévienne le befoin trop
2. Vet. By
frequent
1316 MERCURE DE FRANCE.
les purgatifs que nous connoiſſons , fi fort
leur nombre s'eft accrû dans ces der
niers fiecles.
Je m'étendis auffi un peu fur les moyens
( y ) de remplacer la Rhubarbe ou de
remplir sûrement les indications pour
lefquelles on avoit accoûtumé de l'emfrequent.
M. de Fontenelle , Hift . de l'Acad.
R. des Sc. 1724, p . 58.
* Outre l'Elaterium , le Cnicus , l'Ellebore ,
P'Agaric , la Scammonée , l'Aloës , les Pruneaux
, les Rofes , les Fleurs de Pécher , & c .
dont les anciens fe font fervis ; nous avons
maintenant le Sené , la Manne , la Cafle , les
Tamarinds , le Turbith , le Jalap , &c fanscompter
les fels purgatifs qu'on a compofez
de nos jours, comme le fel admirable de Glauber
, le fel Polycrefte de la Rochelle , celui de-
M. Razoux , le fel d'Angleterre , ceux que la
Nature nous fournit , comme le fel Cathartique
d'Espagne , à quoi nous pouvons oindre
les Eaux Thermales , Minerales , de Balaruc ,.
de Camarez , de Gabian , de Roujan , de Vendres
, & c. fans compter encore tant de préparations
de Mercure , d'Antimoine , & c. fans
parler enfin de l'Ipecacuanha , dont l'uſage eft
au ourd'hui fi univerfellement répandu .
(y)Si on ne juge de la Rhubarbe que par les
eff ts les plus averez , & qu'on la confidere
feulement comme un Purgatif doux & affez
foible , fuivant les ob ervations d'un habile
Chy nifte de l'Academie de Paris (Mem.1710 .
page 163. & fuiv. ) on r'aura pas beaucoup
de peine à s'en paffer Il n'y aura cu'à augmenter
de demie once la dofe ordinaire de la man-
2. vol..
пор
JUIN 1728. 1327
·ployer , & à cette occafion je fis un affez
long dénombrement des Purgatifs & des
ne , & ajoûter quelques grains de Kina , dans
toutes les maladies accompagnées de fiévre oude
cours de ventre ; & dans celles où ces accidens
ne fe rencontreront pas , & où l'on
n'appercevra nulle apparence d'inflammation,
on pourra fort - bien fe fervir du Jalap, pourvû.
qu'on en proportionne la dofe à l'âge,au fexe,
au temperamment , qu'on y joigne la crême de
tartre ou le fuc des limons , & qu'on le mêle
avec le Sené , la Manne , la Caffe , & c. Si c'eft:
en potion ou avec le Kina , la Canelle , le
Saffran de Mars , le Sel d'Abfynthe , & c. Si
c'eft en Bolus ou en Opiate. On peut même
pour les enfans nouvellement fevrez , mêler
quelques grains de Jalap avec quelques cuillerées
d'infufion de Sené, de Semen- contra ou de
Petit Abfynthe , le Syrop de fleurs de pêcher
où la Manne , & c. Pour ceux qui ne font pas
encore fevrez , le Sirop de Chicorée , celui de
Fleurs de Pêcher , quelques cuille: ées d'une légere
infufion de Sené fuffiront. Enfin pour les:
perfonnes les plus délicates on pourra fortbien
fe fervir du Jalap & du Sené , dans du
petit Lait , ou dans une Décoction ou de Pruneaux
ou de Capillaire ou de Semence de Pavot
blanc en un mot , le Jalap eft un tres - bon
Purgatif , & ce n'eft pas fans raifon que M..
Boulduc fe plaint ( Hift de l'Acad. Roy. des Sc.
1701. de ce qu'il eft fi négligé.
Mais fi on veut un remede qui purge en refferrant
, on pourra ufer du Syrop Rofat folu
tif, ou de l'Eau de Neuf , infufions de Roles ,
ou bien mêler quelques grains d'Ipecacuanha
avec la Manne , le Kina , & c.
23 vol. Pour B.vj
1328 MERCURE DE FRANCE .
vomitifs les plus ufitez ; après quoi je
priai , au nom de la Compagnie , un * de
nos Académiciens d'examiner attentivement
( 2) la Rhubarbe du païs , & de faire
fur cette Racine tous les effais neceffaires
pour en rendre l'ufage sûr & aifé.
Je fis en même -temps quelques remarques
generales tant fur les differentes manieres
( aa ) de fuppléer à la Purgation ,
que fur les précautions ( bb ) qu'il falloit
Pour ceux qui ont accoûtumé de mâcher de
la Rhubarbe, il n'y a qu'à les avertir que cette
pratique ne fert qu'à rendre leur ventre plus
pareffeux , & qu'il y a des moyens plus sûrs
pour fe procurer la liberté qu'ils cherchent.
V. De la Digeft . & des Malad. de l'Eftomach ,
par M. Hecquet. 11. Part. A Paris , 1712.
* M. Cros , Docteur en Med. de la Facul. de
Montp. a bien voulu fe charger de cet examen,
& il en rendra bien- tôt compte au public.
(z ) Cette Plante nous eft apportée de Perpignan
; elle croît fur les Pyrenées , & dans
les Jardins où on la cultive. M. de Tournefort
que donnée à double doſe , elle a autant de
vertu que la Rhubarbe de Levant . V Mater.
dit
med. fup. laud
Lapaib kort. latif. C. B. Hippolak.five Rhabar.
Monach . Dod.
( aa ) Les moyens les plus fimples & les
plus aifez de fuppléer à la Purgation , font le
Reg me , les Lavemens , la Saignée , &c. V.
Bellini de miffione fanguinis.
( bb ) V l'excellent livre de M Hecquet de
Purganda Medicina , & c Paris , 1714 Les
Chirurgiens pourront confulter le Traité des
V
21. valo
Maladies
JUIN
. 1718.
1329
}
apporter dans l'ufage de ce Remede. J'indiquai
enfin quelques remedes propres à
fortifier ( cc ) , à refferrer ( di ) à déboucher
( ee ) à tuer les vers ( ff) , & c. à
quoi on deftinoit communément la Rhubarbe.
Mais ces chofes vous font trop
connues pour m'y arrêter davantage.
J'ai l'honneur d'être , & c.
Maladies les plus fréquentes , & c . de M. Hel
vetius , 3. édit. Paris 1723. en attendant que je
donne quelque choſe là - deflus .
(cc) Nous ne manquons pas de remedespropres
à fortifier l'eftomach, & il feroit trop
long d'en donner icy la lifte. Après tout, l'eftomach
a moins befoin de confortatifs qu'on
ne penfe. V. de la Dig. & des mal.de l'eftomach.
cité cy-deffus.
( dd ) Nous ne manquons pas auffi de remedes
aftringents . V. Turnef, mat, med . Tauvry,
Traité des Médicamens , & c.
(.ee ee ) Il feroit inutile d'entaffer icy des Aperitifs,
tout le monde fçait que nous en avons à
foif on
(ff)V. Traité de la Generation des Vers,
par M Andry , & c. Paris , 1718.
La derniere Lettre pour le prochain
Mercure.
2. vol. L'Exil
1330 MERCURE DE FRANCE .
L'EXIL DU CHRETIEN .
POEME.
Uand de mes triftes jours , trancherezvous
le fil ,
Q
Grand Dieu jufques à quand durera mon
exil ?
Ne puis-je abandonner cette terre étrangere ?
N'êtes-vous plus mon Roy , mon Seigneur &
mon Pere ?
Vous l'êtes , je le fens , mes infidelitez
Ne vous ôteront point les noms que vous
portez :
Ces noms fi précieux , fi chers à ma mémoire :
L'objet de mon amour , mon eſpoir , & ma
gloire.
O Dieu ! mille ennemis infultent à ma foy ;
C'est peu de fecouer le joug de votre loy :
Ils feignent , infenfez, de ne vous pas connoître
;
Ils ont dit dans leur coeur , nous n'avons point
de maître :
Sans contrainte , vivons au gré de nos défirs.-
Nos loix font nos penchants , & nos Dieux
nos plaifirs.
2 val.
Ex
JUIN. 1332
1728.
Et tandis que les Cieux annoncent vos Ora
cles ,
Que feul maître abfolu , prodigue de miracles,
Votre puiffance éclate en tout temps , en tout
lieu ,
Ils m'ofent demander où vous êtes , mon-
Dieu !
Où vous êtes ! les Monts devant vous s'ap
planiffent.
La Mer fufpend fes Flots , les Cieux vousobéiffent
:
Juge éternel des morts & Pere des vivans ,
Vos ordres font portez fur les aîles des vents.-
Votre voix par leur nom appelle les Etoilles ,
Elles viennent La nuit fe couvre de fes voiles ,
Elle marche en filence , & , devançant le jour ,
L'Aurore du Soleil annonce le retour.
Il part comme un Géant dans fa courfe ras
pide ,
Et la main qui l'a fait , eft celle qui le guide..
Vous du Trône de gloire , où vous êtes
porté ,
Grand Dieu , vous parcourez le Temps , l'Eternité
:
De chacun des mortels pefez les deftinées ,
Voyez comme un inftant , les millions d'années
,
2 vols.
Suf
{ -
13 32 MERCURE DE FRANCE .
Sur toute la Nature avés les yeux ouverts :
Et du plus haut des Cieux atteignant les Enfers
.
Comprés jufqu'aux cheveux qui tombent de
nos têtes ,
Et l'on m'ofe , Seigneur , demander où vous
[êtes !
Et le foudre vangeur eft oifíf en vos mains !
Et vous ne perdés pas ces perfides humains !
Non je ne puis fouffrir l'excès de leur ma
lice 5
Je crains,même à la voir,de m'en rendre com,
plice :
Si loin de ma patrie en ce féjour affreux ,
Je ne fçaurois couler que des jours malheu
reux.
Ciel avec quels tranfports , & quelle violence
Mon coeur vole vers vous , & mon ame s'é
lance
Pleins de l'heureux efpoir de l'immortalité ,
Et toujours malgré moi je me fens arrêté.
Toujours un poids fatal , une funefte chaîne
Me courbe vers la terre , & m'attache & m'entraîne.
Soit erreur , foit foibleffe , helas ! combien de
fois ,
2. Vol.
InJUIN.
1728. 1333
E
Infidele à moi-même , oubliai-je vos loix ?
Honteux , je l'avoürai , par un défordre extrême
,
Incertain de mon coeur , je m'ignore moi
nt même ,
S
01
Dans le doute, Mortel , fi j'aime , ou fi je hais
Tout m'allarme , & je crains de vous perdre à
jamais.
Jufqu'à quand , Seigneur , voulez- vous que
je craigne ?
Ne hâterés - vous pas le jour de votre Regne ?
Ces jours , où pleins d'horreur , de trouble & de
respect ,
On verra treffaillir les Cieux à votre aſpect :
Lorfqu'ouvrant à vos Saints les portes éternelies
,
Vous les raffemblerez à l'ombre de vos aîles ,
Et
que de toutes parts , confus , épouvanté ,
L'Impie éprouvera ce qu'il a merité.
Peut-être trop d'ardeur m'enflame & vous offenſe
:
Plus digne de pitié que de votre vengeance ,
Pour ce monde pervers , & ce monde infenfé
J'implore donc ce fang que vous avez verſé ;
Dieu Sauveur , appaifés votre jufte colere ;
Ayez pour vos enfans , ayez un coeur de pere ;.
z vol.
Laiffez
1334 MERCURE DE FRANCE.
Laiffez vous attendrir aux larmes , aux regrets
De ceux que votre grace a percés de fes traits ,
Qui fuyant Babilone , & fes lâches maximes
,
Ont toujours ignoré fes erreurs & fes crimes
X
Et faintement jaloux de l'honneur de Sion ,
De votre gloire ont fait toute leur paffion .
De ces coeurs innocens , de ces ames heureufes
,
Les larmes devant vous font toujours précieuſes
;
Mais faites plus encor : entendés leurs foupirs
,
Signalés votre amour , & comblés leurs defirs.
Faites prendre à la Terre une face nouvelle ,
Que tout Peuple aujourd'hui foit un Peuple
fidelle ,
Et que la pieté, triomphant en ces lieux
Retrace par avance une image des Cieux ;
Que s'il faut que le crime inonde encor la
terre .
Et que toujours au Ciel l'homme faffe la
guerre ,
Ordonnés que mes yeux fe ferment pour jamais
.
2 vol.
Tranf
JUIN. 1728. 1335
Tranſportés- moi , Seigneur , au féjour de la
paix .
Dum dicunt mihi per fingulos dies : ubi
eft Deus tuus ? Pfal . 41 .
akakakakakakakakakakakakakak
TRADUCTION de l'Epitaphe de Melun
, par l'Auteur de l'Interpretation
Latine.
E Monument eft confacré à Dieu ,
Cras
très -Grand & très - Bon . C'est un fils.
qui l'a élevé pour honorer la mémoire de
Pierre Renault fon pere , & de fa mere
Binira , qui ont bien merité tous deux
cette marque de fon refpect & de fon
amour.
*
Paffant , je vous conjure de chercher
avec foin quelque remede qui puiffe foulager
la trifteffe d'une veuve infortunée
dont le coeur languit dans la douleur . Elle
fut l'unique époule de Pierre Renault ,
Magiftrat diftingué par fon fçavoir & par
fon zele pour la juftice & le bon ordre.
Il lui fut ravi le jour même des Ides de
May 1585. par une mort prématurée
c'eft ce qui augmente fes pleurs . Elle avoit
eû de fon mariage deux fils & une fille
qui lui tinrent lieu de leur pere. Ils étoient
* L'Auteur de l'Epitaphe fait parler l'Epouses .
2. vol. tous
1336 MERCURE DE FRANCE .
tous trois fort jeunes quand elle le perdit
. L'aîné étoit néanmoins au deffus de
l'enfance , & fa voix commençoit à fe
former. Il étoit l'heritier de la famille ent
qualité de premier enfant mâle. Les deux
autres n'avoient point encore quitté la
mamelle ni reçû le Bapteme , le dernier
garçon qui étoit d'une complexion foible,
a eu depuis affez de peine à vivre en cultivant
les Arts . Je les ai alletez moi-même
; c'étoit une confolation pour moidans
ma douleur , car après la perte de
mon époux , mes enfans étoient mon unique
efperance . Mais , helas ! depuis que'
je fuis feparée de ce cher époux , je ne'
fçai quelle vertu fecrete me détruit infenfiblement
comme lui ; je Aétris , je me
confume , je perds ma beauté : non , on
ne me reconnoîtroit plus pour Binita: Il
eft tems , fans doute , que je me rejoigne à
mon époux , puiſque mon âge & ma foibleffe
m'ont renduë mure , & propre à
lui être réunie . C'est avec actions de gra
ces que je reçois la mort , de celui qui la
donne , & que j'acheve le cours de mon
veuvage. Mais , quoi ! je ne me trompe
point , celui qui marque les demeures
dans l'autre monde termine fes lenteurs &
me rend enfin à mon époux. Je meurs en
pouffant un foupir de joie. Dans l'Equinoxe
de Mars 1602 .
2 vol. Les
JUIN. 1728. 1337
Les corps de ces deux Epoux que la
mort avoit féparez , font rejoints par la
mort dans ce lépulchre , où ils pouriffent
enfemble l'un auprès de l'autre .
Je fuis venue j'ai paflé , vous qui êtes
venus , vous pafferez de même .
En imprimant dans le Mercure du mois
de Mars dernier l'Epitaphe en question
avec l'Interpretation Latine , il s'eft gliffé
deux ou trois fautes qu'on corrigera de
cette maniere . Lifez prabio , au lieu de
prabie. Lifez dejugate , & non pas dejugato.
Lifez Iduum , & non pas Idibus . Il
faut ôter les deux points qui font après
le mot Reginaldi , lifez Lamberat , & non
Lumberat ; ftaminum , & non ftamionum ;
gafandus , & non gafiandus ; dividia , &
non , dividua.
Comme l'explication que je donne du
mot Binira n'eft qu'une conjecture , fondée
fur la convenance du fens & fur fon
rapport avec la troifiéme Lettre initiale de
P'Infcription , j'ai penfé en relifant l'Epitaphe
que ce mot pourroit bien être formé
du verbe Grec Brew , d'où vient
ITTоBros , & peut être Bwvipa , qui fignifieroit
la même chofe . Si cette conjecture
paroît plus vrai -femblable que la premiere
, il faudra traduire ainfi ces mots ,
Etiam Biniram creduas ? Me croira- t'on
encore du goût pour les plaifirs du Mariage
?
1338 MERCURE DE FRANCE .
XXXX XXXXXX : X
REPONSE aux Vers fur une Dame qui
faifoit des Recruës pour fon mari . Par
la même Damefur les mêmes rimes .
V
Qus faites des Commis au Roi ,
Tircis , & c'eft- là vôtre employ ;
A quoi bon chercher d'autres peines ?
L'Amour en fournit aisément ,
Mais que dis- je ? entrez dans fes chaînes ,
Vous vallez feul un Régiment .
M
Qui vous arrête ? eft ce l'argent
Non , un fi vil engagement
Eft pour une ame mercenaire .
D'un feul miroir j'ai fait les frais ;
Profitez de ce doux falaire ,
Vous ne déferterez jamais.
Et quoi vous n'ofez l'accepter !
Qui peut encor vous arrêter?
Ah! faut-il qu'un tel avantage
A votre amour n'ajoute rien ,
2. vol.
Cruel !
JUIN. 1728. 1339
Cruel ! vous manquez de courage ,
Quand onaime on fert toujours bien.
A Moulins , ce s . Juin 1728 .
jkakakakakaki kkkkkkk
SUITE du Voyage de Baffe- Normandie.
LETTRE CINQUIE'ME .
A Peine ,Monfieur , étions - nous de
>
retour de la Ville de Coutances
où j'ai fini ma derniere Lettre , que le
P. Prieur & un autre Religieux de l'Abbaye
de la Luferne , Députez par le R. P.
Abbé , qui étoit malade à l'infirmerie
vinrent pour la feconde fois au Château
du Grippon complimenter M. le Marquis
de Bethune , & le fupplier d'aller
voir leur Abbaye , ce qu'il ne fut pas
poffible de refufer , ni de remettre à un
autre temps. Le jour pris , il ne fallut employer
que deux ou trois heures pour arriver
à cette Abbaye . Elle eft fituée dans
un grand enfoncement au milieu d'un
bois de haute Futaye ; on ne peut rien
voir de plus defert & de plus faintement
affreux que cette fituation .
M. le Marquis de Bethune fut reçû au
2. vol.
de -là
1340 MERCURE DE FRANCE .
de- là de la porte de la premiere Cour par
le P. Prieur , fuivi de plufieurs Religieux
qui le conduifirent dans l'Eglife au ſon
des Cloches , jufques fur un Prie-Dieu ,
qui avoit été préparé devant le Grand-
Autel. Nous étions partis fi tard , qu'il
fallut nous contenter de quelques prieres ,
au lieu d'une Meffe Solemnelle que nous
devions entendre , pendant laquelle , à
l'Offertoire , & c . ces Religieux fe feroient
acquittés des devoirs aufquels ils font tenus
envers les Seigneurs de la Terre de
Grippon.
Nous trouvâmes cette Eglife fort bien.
bâtie , propre & fpacieuſe , mais dans une
grande obſcurité , à cauſe de la profondeur
du Terrain & des arbres qui l'environ◄
nent. J'ai tiré des Infcriptions , que j'ai
vues dans le Cloître & des Tombeaux
qui font dans l'Eglife , le peu de chofes
que j'ai à vous dire de l'hiſtoire de cette
Abbaye.
S. Nortbert fonda l'Ordre de Prémontré
en l'année 1120. Du vivant même de
ce Fondateur , un Seigneur de Grippon
nommé Aftulphe de Subligny fonda en
1143. dans fon Domaine , l'Abbaye de
la Luferne de Lucerna pour des Religieux
du même Ordre . Il avoit un frere nommé
Richard qui fut Evêque d'Avranches &
qui confacra l'Eglife au nom de la Sainte
2. vol.
TriJUIN.
1728. 1341
Trinité le 18. Octobre 1145. Il eſt enterré
dans cette. Eglife , & l'on y voit fa
figure en Marbre fur fon Tombeau . On
y voit auffi celle de Jean de la Mouche ,
l'un des defcendans d'Aftalphe de Subligny
, qui mourut en 1300. & celle d'un
autre Evêque , nommé le Bienheureux
Achar , auparavant Chanoine de S. Victor
, on ne fçait pas le temps de fa mort .
Il n'y a rien de fort curieux dans toute
cette Maiſon , fi ce n'eft la ftructure antique
de fes bâtimens , qui font vaftes ,
& prefque fans ordre ni fymmetrie . On
dit qu'ils font de la premiere Fondation , &
cela eft affez croyable. En reconnoiſſance
de cette fondation qui produit aujour
d'hui environ 8000. liv . de revenu , les
Abbés & Religieux de la Luyferne font
comme je l'ai déja dit, fujets à plufieurs de
voirs voici comment le Cartulaire du
Grippon s'en explique.
» ITEM , ledit Seigneur à caufe de la-
>> dite Terre du Grippon & de Subligny,
» eft Fondeur , lui & fes prédeceffeurs
» de Sainte Trinité de l'Abbaye de la Luy-
» ferne , où il y a plufieurs Prééminences,
» Obits , Dignitez & Libertez ; c'eſt à
fçavoir , quand ledit fieur du Grippon
» meurt , lui & fes Succeffeurs , & il veult
efluyre fa fépulture en ladite Abbaye
» ledit Abbé & Religieux font tenus de
>>
1
2. vol.
C≫ venir
1342 MERCURE DE FRANCE.
venir audevant du corps jufqu'à la pre-
" miere Cloaifon des murailles de ladite
» Abbaye recepvoir le corps avec quatre
>> Cierges & deulx Torches , & inhumer
» ledit corps en ladite Abbaye , foit en
» Ceur où en la Nef , là où ledit fieur du
» Grippon ordonnera de eftre mys, & dire
» Meffe à Dyacre & Soubzdyacre , Vêpres
>> & Vigiles de Mors . Item , font tenus
ledit Abbé & Religieux , quant ledit
» fieur du Grippon vouldra oüir la Meſſe
» & le Divin Service en ladite Abbaye ,
» où Ceur où en la Nef , de lui dreffer
» Banc , Sarge & Carreaux . Item , font
» fubgietz ledit Abbé & Religieux que
» toutes fois que ledit ficur du Grippon
» voudra aller à ladite Abbaye de la Luy.
» zerne , de les fubftenter lui fixiéme &
» fix Chevaux , de boire , viandes & d'au-
» tres chofes convenables pour fubftenter
>> ledit Sieur , & Serviteurs & Chevaux ,
» comme audit fieur appartient . Item , a
» droit ledit fieur du Grippon quant ledit
» Abbé de ladite Abbaye eft mort d'être
» à leur Election , que feront lefdits Re-
>> ligieux , & font tenus lefdits Religieux
» de faire à fçavoir audit fieur du Grip-
» pon à fon domicile dudit lieu du Grip-
>> pon , & fi le voulloir dudit fieur eft d'y
» aller , il ira fans qu'il ait voix en ladite
élection ; mais pour les garder , que on
2. vol.
>> ne
JUI N. 1728. 1343
» ne leur face nuyfance ne force en leur
» Election .
Cette Abbaye , après avoir été longtemps
gouvernée par des Abbés Réguliers
, a eû dans la fuite des Abbés Commandataires
; mais depuis peu de temps ,
les Religieux font rentrés dans leurs anciens
Droits , le feu Roy y ayant nommé
un Religieux de l'Ordre.
Au refte , ces Peres nous firent un trèsgrand
régale en poiffon , car on ne mange
point de viande chez eux : je fus furtout
charmé de cette abondance de coquillages
de toute efpece dont ils s'étoient pourveus
, & dont le P. Prieur eut la bonté de
me donner une piéce que j'avois nommée
le Monftre , laquelle j'emportai avec
moi à cauſe de ſa fingularité & de la groffeur
des pattes. C'étoit proprement une
Ecreviffe de Mer, qu'on nomme en Normandie
, comme à Paris , un Crabbe
terme entierement Grec , puifque * xápα-
fos en cette Langue fignifie la même
* Ce mot fe trouve dans les bons Auteurs
Grecs , pour marquer une efpece d'Ecreviffe
differente des autres.C'eft de- làqueVoffius prétend
que les Flamands ont pris le mot de Krabbe
, devenu enfuite François. L'Etimologifte ,
cité par Voffius , derive dexos de nae tête
& de Baiver marcher ; parce que cette Ecreviffe
marche fur fa tête , ou plutôt s'en aide
Pour marcher.
2. vol.
Cij chofe
1344 MERCURE DE FRANCE .
chole . En Provence on le nomme Efqui
nade , autre nom Grec Enivos donné
proprement à l'Heriffon de Mer , & c.
L'infirmité du R. P. Abbé m'empêcha
d'avoir l'honneur de le voir , je l'avois
connu & fréquenté à Paris ; mais j'allai
rendre vifite à l'un des plus anciens Religieux
de la Maiſon , qui avoit amaffé
quelques curiofités ; il avoit fu tout un
affez bon nombre de Médailles modernes
: celle qui me frappa le plus , fut une
grande piéce d'environ quatre pouces de
diametre. Le Heros de cette Médaille y
eft reprefenté en Bufte , armé d'une Cuiraffe
, fur le devant de laquelle on voit
Hercule , qui combat le Centaure . Ces
deux petites figures font dorées , le refte
de la Médaille ne l'eft pas . On lit tout autour
ces deux Vers pour toute inftruction.
Alter adeft Cæfar Scipio Romanus & alter.
Seu pacem populis , feu fera bella dedit .
La Médaille n'a point de Revers , &
elle n'a point été frappée , mais la face eft
affez nette & bien confervée. Je vous
avoie , Monfieur , que je ne connois
point encore ce perfonnage , à cheveux
courts , la tête couverte d'une Toque
&c. Je vous envoye toujours le deffein
2 vol.
de
M
•POPV
PVLISSEW
!
BELLA
ASTOR,
LENOX AND
TILDEN
FOUNDATIONS.
YOR
THE NEW YORK
PUBLIC LIBRARY .
ASTOR, LENOX AND
TILDEN FOUNDATIONS.
JUIN . 1728. 1345
de cette Médaille , le même que ce bon
Religieux avoit fait faire pour l'envoyer
à Paris , afin d'en avoir l'explication ;
vous en ferez part à nos Amis , & tel autre
ufage que vous trouverez à propos . Je
crois qu'on peut la propofer aux Curieux
comme une espece d'Enigme métallique .
>
*
Au retour de cette Abbaye nous trou
vâmes des Lettres de Paris , qui nous engagerent
à penser à notre départ de Normandie
, la Saifon étant d'ailleurs affez
avancée. Il fut déterminé pour la huitaine
, temps que j'employai à rendre quelques
vifites à la Nobleffe des environs
&c. Je vifitai furtout M. le Marquis , &
Madame la Marquife de Pierre - Font , qui
eft comme vous fçavez , Parifienne
deux perfonnes d'un merite particulier &
d'un commerce charmant . Le Château
de Beauchamp , où ils font leur féjour ,
a fa curiofité par fa fituation extrêmement
élevée , & où l'on n'arrive qu'après bien
des contours : il eft fort logeable , & les
environs en font tout- à- fait riants , par les
foins qu'on a pris de cultiver & d'orner le
Terrain , qui eft tout en terraffes , & fournit
de grandes com noditez en fruits , herbages
, & c. fans compter les Parteres qui
font des mieux entendus .
Je ne trouvai au Château du Menil-
Garnier que le Receveur , c'eft prefque
2 vol.
C iij le
1346 MERCURE DE FRANCE .
le feul Bâtiment moderne de quelque conféquence
qui foit dans tout ce canton . Il
a été conftruit fur le modele du Palais
d'Orleans , ou du Luxembourg de Paris :
l'Architecte a executé fur un moindre
Plan le même deffein , par les ordres &
aux dépens de Thomas Morant , Baron
du Menil- Garnier , Tréforier de l'Epargne
, Grand-Tréforier des Ordres du Roi ,
lequel a fait auffi bâtir affez près de ce
Château une Eglife & un Convent de Religieux
de l'Ordre de S. Dominique , en
affignant un fonds pour leur entretien . La
Terre du Menil - Garnier a depuis été érigée
en Marquifat , lequel eft forti de la
Famille de Mrs Morant , par la mort fans
enfans mâles de Thomas - Alexandre Morant
, Maître des Requêtes , Intendant à
Moulins & en Provence , & enfin Premier
Préfident du Parlement de Touloufe
.
A votre confideration je pouffai de - là
jufqu'à la Paroiffe du Menilhue , qui eft
une des Dépendances du Menil - Garnier ,
pour en voir le Curé , homme curieux &
d'un très bon commerce , mais avec le
quel il n'y a rien du tout à faire fur l'échange
Litteraire que vous aviez propofé,
malgré toutes les paroles données & confirmées
; & quoique tout le défavantage
foit de votre côté. Il conſerve au refte
2.201
très
JUIN 1728 . 1347
très- précieufement le Livre que vous lui
avez envoyéJani Cæcil. Frey D. Medici
Facult. Parif. & c. opera 1. vol . 8 ° . Paris
, 1645. & il a raifon d'en faire cas ,
l'Auteur étoit fon Ayeul Paternel , mais
felon le jugement de l'un de nos meilleurs
Critiques , cet Auteur n'étoit pas
capable de faire un bon Livre. Quoiqu'il
en foit , M. le Curé du Menilhue eft toujours
le même que vous l'avez vû , obligeant
, poli , bon Pafteur , & ayant fouvent
dans la bouche cette belle parole :
SEMPER RECTA , qui eft fa devife favorite
, écrite à la tête de tous fes Livres ,
&c. Cependant , comme je viens de vous
le dire , vous n'aurez point ceux qui vous
avoient été promis . Les Peres Frey & de
Neuville , fes Neveux , Jefuites , d'un merite
diftingué , n'étoient point là , quoique
dans le temps des Vacances. Le premier
enfeigne les Mathematiques à Caën ,
Janus Cæcilius Frey étoit fçavant , fi c'eft
étre Sçavant que d'avoir beaucoup lû ; mais
fi fçavoir eft connoître avec certitude , ou tout
aumoins avec probabilité , ordre netteté , il
n'étoit pas fçavant. Ses Ouvrages que j'ai vûs
font pleins d'une érudition indigefte ; & loin
qu'on y remarque de la Critique, on est souvent
étonné de la crédulité de l'Auteur. Ses petitsfils
ne lui reffemblent pas : ils ont autant de
goût que d'étude . Extrait d'une Lettre du
R. P. J
2. vol.
& C iiij
1348 MERCURE DE FRANCE .
& l'autre eft auffi Profeffeur à Blois . Je
n'y trouvai pas non plus M. Frey de Neuville
leur frere , Avocat au Parlement de
Rennes , qui aime les Lettres , & qui fe
diftingue parmi ceux de la Profeffion , le
même dont il eft parlé dans le Mercure
de Septembre 1722. à l'occafion de quelques
Piéces de fa façon , fur la Pefte de
Marſeille.
La Paroiffe du Menilhue eft contiguë
à celle de la Balaine , le bon Curé eut
grand foin de m'en faire fouvenir en le
quittant , & d'ajouter que la Dame de
cette Paroiffe le trouveroit fort mauvais ,
fi étant venu fi près de fa Maifon je n'a-.
vois pas l'honneur de la voir. Il acheva
de me déterminer en ajoûtant que les Livres
& les Papiers de Philippe de Mornay
, Seigneur du Pleffis- Marly , l'un des
plus fçavans hommes de fon temps , &
Ayeul maternel de M. de S. Germain ,
Seigneur de la Balaine , défunt époux de
la Dame en queftion , étoient encore dans
cette Maiſon. Je trouvai dans les avenuës
le Chevalier Daubigny , frere de la Dame,
qui revenoit de la Chaffe : nous eûmes
bien-tôt renouvellé connoiffance &
nous arrivâmes enfemble à la Maifon Seigneuriale,
où je fus reçû le plus obligeamment
du monde . On ne parloit pas moins
que de m'y retenir plufieurs jours , mais
2. vol.
JUIN. 1728. 1349
à force d'inftances j'obtins que je partirois
le lendemain. On joua , on le promena ,
on but & mangea longuement , & j'eus
bien de la peine à trouver une heure de
temps pour voir le Cabinet où font confervées
les dépouilles Litteraires du Sçavant
Mornay.
J'y trouvai beaucoup de Livres , prefque
tous d'érudition Eccléfiaftique & de
Controverfe ; j'y vis le Manufcrit Original
de fon Ouvrage fur l'Euchariftie , qui
fut le fujet de la fameufe Conférence de
Fontainebleau en l'année 1600. entre
N. du Perron , Evêque d'Evreux , depuis
Cardinal , &c . & lui. Je vis beaucoup
d'autres Manufcrits qui marquent la capacité
& le goût de du Mornay, qui fçavoit
les Langues & beaucoup d'autres choſes
qu'on négligeoit alors . Parmi les Papiers
de Famille je trouvai qu'il fut Confeiller
d'Etat , Capitaine de cinquante hommes
d'Armes , Gouverneur de la Ville & du
Château de Saumur . Il fut élevé dès fon
enfance dans la Religion P. R. par Françoiſe
du Bec fa mere , & mourut au mois
de Novembre 1623. Il eut plufieurs filles
de fon mariage avec
defquelles , fçavoir Elizabeth de Mornay
, époufa Jacques de S. Germain
Seigneur de la Balaine , &c . Anne de
Mornay , foeur puifnée d'Elizabeth , époul'une
"
2. vol. fa Cy
1350 MERCURE DE FRANCE ..
fa en fecondes Nóces Jacques Nompar de
Caumont , Duc de la Force , Pair & Maréchal
de France .
On eût grande envie le lendemain de
me manquer de parole , máis on me laiffa
enfin partir , fort fatisfait de ma vifite .
La mort de M. le Marquis de Pirou >
Claude de Vey , Marquis de Piron &
de By arrivée depuis mon dernier
Voyage , me difpenfa d'aller , felon ma
coûtume , au Château de Breffey , où ce
Seigneur qui m'honoroit d'une amitié
particuliere faifoit fa demeure ordinaire ..
C'est une des plus belles Maifons de la
Province : les Connoiffeurs en admirent
furtout le grand Eſcalier qui eft d'un deſfein
fingulier , & d'une hardie execution.
Je n'allai point non plus à Pirou , quoique
le Château de ce nom foit encore plus
curieux , & plus renommé que l'autre . Il
eft vrai que cette renommée est un peu
chinerique , & tient quelque choſe de
celle de la fondation de Rome.
Le Château de Pirou , d'une structure
très antique & des plus folides , eft fitué
prefque fur le bord de la Mer , auprès du
Port de Granville . Sion en croit une vieille
Chronique & la Tradition duays , il
fur bâti par un grand Seigneur bon Magicien
, & par les filles célebres Fées
qui fe métamorphoferent en Oyes fauva-
2. vol.
ges
JUIN. 1728. 1351
ges , lorfque les Normans vinrent s'emparer
de la Neuftrie , & qu'ils parurent
pour la premiere fois au Havre de Pirou .
Ce font , ajoûte la Chronique , ces mêmes
Oyes qui viennent tous les ans faire
leurs nids dans des trous ou niches de
pierre qui font au pied des murailles du
Château. Des Oyes fauvages en effet , ne
manquent jamais de venir tous les ans
au commencement du Printemps prendre
poffeffion de ces niches , dans lefquelles
on a foin de mettre du foin ou de la paille :
& c'eft fans doute ce qu'il y a de plus ve-"
ritable dans les differentes hiftoires qu'on
débite fur ce fujet . M. de Scuderi , dans
fon Almaïde , fait une magnifique Defcription
du Château de Pirou , fous le
nom de Befmeliane , &c. & André du
Chêne ne l'a pas oubliée dans fon Livre
des Antiquitez , Villes , Châteaux , & c .
de France . Il l'appelle le fort Château de
Pirou , où il y a , dit - il , beaucoup de Cignes
& d'Oyes fauvages .
Je revins au Grippon par laVille d'Avranches
,dont je vous ai parlé dans ma derniere
Lettre. Je trouvai dans un Manufcrit des
Archives de la Cathedrale où je fis en paffane
quelques recherches qu'il y avoit autrefois
des vignes aux environs de cette
Ville , & qu'on payoit à un Chanoine la
dixme du Vin & des Raifins. Vous voyez ,
2.vol.
C vi Mon
1352 MERCURE DE FRANCE .
:
Monfieur , que la Normandie avoit auffi
fes Vignobles , en ajoûtant celui - ci à
ceux dont j'ai déja fait mention dans mes
précedentes Lettres mais les coteaux
Normands n'ont apparemment pas approché
de la réputation de ceux qui ont
donné lieu à un Differend & aux Triolets
imprimez dans le Mercure. On trou
ve pourtant que le vin de Collinhou près
de Rouen l'emportoit fur tous les vins de
Normandie, & que cela étoit paffé en un
vieux Proverbe , qu'il a plû à Robert
Cenalis , Evêque d'Avranches , de nous
conferver dans le quatriéme Livre de fon
Hiftoire.
Le vin trenche bouyau d'Aurenches
Et rompt ceinture de Laval ,
A mandé à Regnault ( a ) d'Argences ,
Que Collinhou aura le gal.
trouvai dans ces mêmes Archives
la confirmation de plufieurs faits Hiftoriques
& Genealogiques , que j'avois déja
( a ) Il y a encore aujourd'hui des Vignes à
Argences , Paroiffe prochede Caën . Pagus Argentiarum
racemaria foecunditate plufquam
vini maturitate memorabilis . Uni in tota Neuftria
cedit qua apud Rothomagum eft vitifera
cultura : quam vulgo Collinhou appellant ; id
atteflante veteri Adagio. R. Cenalis, pag 155.
2. vol.
ap
JUIN 1728. 1353
appris par le Cartulaire du Grippon , &
je fis d'autres découvertes . Olivier Teffon
, Seigneur de la Roche Teffon & les
Deſcendans , Seigneurs du Grippon , y
font une grande figure dans plufieurs titres
de Fondations , & c.
On y voit auffi que cet Olivier Teffon
avoit épousé Anfelme de Subligny, fille &
feule heritiere de Hacoulz de Subligny ,&
de Dame Deniſe d'Avranches , Seigneurs
du Grippon , de Subligny , d'Avranches ,
de Marcé , & c. Icelle Denise d'Avranches
, fille de Othaire d'Avranches . La
Maifon ( b ) d'Avranches avoit dans fon
Domaine au Xe fiécle , la Ville d'Avranches
& plufieurs grandes Terres aux environs
: Celle du Grippon étoit de ce nombre
. La Maiſon de Subligny étoit une
branche de celle d'Avranches, laquelle eft
enfin tombée dans celle de Teffon , l'une
des plus anciennes de la Province .
Jehan Teffon , Seigneur du Grippon
& c. arriere - petit Fi's d'Olivier Teflon ,
avoit époufé Dame Marie Painel , Dame
(b ) Cette Maifon étoit tres- confiderable &
dans de grandes alliances avec les plus illuftres
de France & d'Angleterre . Renaud de Courtenay
mort en 1209. avoit épousé Havoife , fille
de Robert d'Avranches , & de Mahaut ,Baronne
d'Okeampion , Mariage qui a donné à cette
branche de la Maifon de Courtenay, une posterité
de plus de trois fiecles.
2. vol.
de
1354 MERCURE DE FRANCE .
· de Hocquiny , &c. mariage qui donna
naiffance à Catherine Teffon leur unique
heritiere,laquelle époufa Jean de Villiers,
Chevalier , Seigneur du Grippon & de
Subligny par ce mariage , & Baron du
Hommet , de Pacy , &c . qualifié de Connétable
Heredital de Normandie , & c. Ce
Jean de Villiers eft reconnu pour Chef
de l'illuftre Maifon d'où font fortis les
Ducs de Buckingham en Angleterre.
Marie de Villiers fa fille aînée & principale
heritiere , époufa Gilles Tournemi
ne Chevalier , Seigneur de la Hunaudaye,
&c. Jehanne de Villiers fa four puifnée,
époufa René de Fefchal , Chevalier , Seigneur
de Poligny de Marboué , &c . &
lui apporta en mariage la Terre du Grippon
avec les dépendances. Deux autres
feurs acheverent de partager la grande
fuccellion de Jean de Villiers , & Marie-
Catherine de Teffon fon épouſe , Dame du
Grippon , & firent des alliances à peu
près femblables.
Du mariage de René Fefchal & de
Jehanne de Villiers , fille de Catherine
Teffon , nâquit Jean de Fefchal, Seigneur
du Grippon , & c . c'est lui qui fit faire ce
beau Recueil de Chartres , Titres , & c.
qui forment le Cartulaire dont j'ai parlé ,
& qui s'accorde fi bien avec les Archives
de l'Eglife d'Avranches. Il le fit enfuite
2. vol. rendre
JUIN. 1728. 1355
1
rendre authentique , avec les formalitez
requifes , fuivant le procès verbal qui eft
à la fin , en date du 22. Septembre 1530.
Enfin ce même Jean de Fefchal aliena
quelque temps après cette belle ferre.Le
Contrat que j'ai vû porte qu'elle fut venduë
par Mellire Jean Fefchal , Cheva-
» lier , Seigneur Châtelain du Grippon
» & de Marboué , & Loys de Feſchal ,
Ecuyer , fon fils aîné , fieur de Poligny
» & de Forcey, à Noble & Honoré Sicur
Maitre Antoine le Marchant , fieur de
» Cavigny & de Chavoy , Conieiller du
Roy en fa Court de Parlement à Koüen ,
» le Jeudy tiers jour de May 1537. J'ay
parlé ailleurs de la Nobleffe & de l'Ancienneté
de cette Famille .
>>
>>
Je m'avifai la veille de notre départ
d'aller faire un tour au Bourg de la Haye-
Paynel , éloigné du Grippon feulement
d'une demi lieuë ; je m'y rendis à pied
& en chaffant. Ce Bourg n'eft aujourd'hui
confidérable qu'à cauſe de ſes Marchez
qui font des plus grands & des plus
fréquentez du pays . Paganel , Paganelius ,
d'où eft venu le nom de Paynel , étoit un
Officier de Guerre , diftingué dans les premiers
temps que la Normandie fût occupée
par les Anglois .
On donnoit alors le nom Germain ou
2. vol. Saxon
1356 MERCURE DE FRANCE.
Saxon de Haga ( a ) Haye , à une efpace
de Terrain clos & enfermé par une Paliffade
de gros Pieux & d'autres bois difpofez
à cet ufage . Cet enclos fervoit de
retraite & de demeure aux Officiers &
aux Gens de Guerre , qui étoient auffi
les Maîtres des Terres des environs.Telle
eft , felon les anciens Ecrivains Normans
, l'origine & l'Etymologie du nom
& de la Seigneurie de la Haye - Paynel ,
dont ce Capitaine Paganel fut comme le
fondateur & premier proprietaire . Ses
(b) fucceffeurs formerent la Maiſon de
Paynel qui a été illuftre durant plufieurs
fiecles dans la Normandie , alliée des plus
grandes Maifons , tant de cette Province
que des autres , comme d'Etouteville
d'Harcourt , Daubuffon , de Matignon ,
de Rohan , de Teffon , &c . On trouve
qu'elle devint fi opulente , qu'à l'occafion
du mariage dont j'ai parlé cy- deffus
de Jean Teffon avec Marie Paynel , on
fit une espece de Proverbe qui dure encore
dans le Pays : Teflon le Noble, & Paynel
le Riche.
(a) Haga feps , fepes , fepimentum ex virgultis
confectum Germanis Hage , & c. Anglo
Saxonibus Haez (Hage) &c etiam fumitur pro
militari vallo quod ex Palis conficitur gallicè
Palliflade. Du Cange.
( b ) Duo fuere Paganelli Fulco & Guillelmus
Fratres , an. 1171.c. Sigibert Chron. I. vol.
Cette
JUIN. 1728. 1357
13
Cette derniere Maifon eft éteinte , du
moins je ne connois perfonne qui en
porte le nom , ou qui prétende en defcendre.
La Terre de la Haye - Paynel appartient
aujourd'hui à la Marquife de Pontcalet,
de la Province de Bretagne . Il n'en
eft pas de même de la Maifon de Teffon.
M. de Teffon , Ecuyer de S. A. S. M. le
Duc d'Orleans , en defcend ; & il y a encore
d'autres Gentilshommes Normans
qui en font iffus , & qui portent le même
nom . Gilles - André de la Roque , Autheur
de l'Hiftoire de la Maifon d'Harcourt
, 2. vol. fol. Paris 1662.parle affez
au long de celle de Teffon , tom . I. lib.8.
pag. 319, & c. A la fin du même tome on
trouve une addition dans laquelle il eft
parlé particulierement d'Olivier Teffon
Seigneur du Grippon . Selon cet Autheur ,
les Armes de Teffon font fafcées de fix
piéces , de Paille & d'Hermine ; & felon
l'Armorial de Céfar de Grand- Pré , Teffon
porte : Fafcé d'Hermines & de Sinople
de fix pieces ; ce qui paroît plus
exact .
Je n'étois pas venu , Monfieur , au fameux
Bourg de la Haye - Paynel pour y
faire des Remarques Historiques ; le deffein
eut été témeraire ; le peu que vous
en voyez icy par occafion & par convenance,
eft tiré d'ailleurs que des Archives
4
2. vol. du
1358 MERCURE DE FRANCE .
chives du lieu , où à peine voit-on un
Notaire.
Je comptois fort de revenir dîner au
Grippon , après avoir vû à la Haye quelques
perfonnes que je croyois bien d'y
rencontrer un jour de marché , mais il
me fut impoffible de réfifter aux politeſfes
& aux inftances du Curé de cette Paroiffe
, qui donnoit à dîner ce jour -là au
Receveur des Aydes & à deux Notables
du lieu . On fe mit à table un peu tard &
le repas fût long , principalement à caufe
d'un incident .
Il furvint vers le milieu un Gentilhomme
des environs , fuivi de fes Chiens , &
entraîné , difoit - il , jufques là par l'ardeur
de la Chaffe. C'étoit un vrai Gentilhomme
à Lièvre , & du calibre de ceux que
Cervantes a fi bien peint au commencement
de fon Dom Guichote . Au furplus
grand hableur & fort entêté; on ne s'en
apperçût pas d'abord , car il mouroit de
faim en arrivant mais au bout d'une demi
heure notre homme fe rendit le maîtrede
la converfation & s'érigea en préfident
de la Table . Il commença par nous vanter
fes Proueffes de Chaffe , la bonté de
fa Meute ; terme qui à voir fes Chiens ,
faifoit rire jufqu'aux Valets , & rappelloit
le fouvenir des Chaffeurs de Moliere.
2. Vol.
De
JUIN. 1728. 1389
De ces gens qui fuivis de dix Hourets galeux
Difent ma Meute & font les Chaffeurs merveilleux.
"
Il parla enfuite Procès , fpécialement
de celui qu'il avoit contre des voiſins
qu'il appelloit fes Vaffaux. Par malheur
les deux Notables , nos convives , un peu
trop grecs fur cette matiere , s'aviferent
d'en trouver le fonds injufte & la procedure
irreguliere . Il n'en fallut pas davantage
pour former un grand débat & prefque
une querelle,que je tâchai de calmer
en prenant une bouteille de ce gros vin de
Bourdeaux , qui vient par mer en Normandie
, de laquelle je verfai à la ronde.
Quel poifon me donnez vous là ? dit
>> notre Gentilhomme , fçachez que ce vin
» ne vaut pas le moindre Cidre de ce
>> Canton , qu'on continuë de m'en verfer ,
>> celui de céans eft de l'Olif , & cela me
» fuffit . Le Receveur des Aydes , Franc-
Bourguignon, crut de bien ripofter en difant
» Il eft fâcheux , Monfieur , qu'il
» n'y ait icy ni vin de Bourgogne , ni vin
» de Champagne , vous laifferiez là votre
» Cidre . Corbleu , repliqua le Chaffeur ,
tous les vins du monde ne fçauroient
entrer en comparaifon avec nôtre Or
fondu du Grippon , de Subligny , de l'O-
2.vol.
lif
1360 MERCURE DE FRANCE .
lif, & c. c'eft ainfi qu'il qualifioit le Cidre
de ces Cantons , les plus celebres, à la verité
, de toute la Normandie à cet égard .
Ces paroles n'eurent pas plutôt été lâchées
par le Normant & relevées par le
Bourguignon , qu'il fe forma entr'eux une
conteftation qui devint bien -tôt vive ; ce
dernier ayant de meilleurs poulmons &
foûtenant une meilleure thefe , eût plufieurs
fois le deffus . Son adverfaire après
avoir épuifé les lieux communs & les in
jures , eut recours aux authoritez . Après
l'Ecriture , celle d'un Médecin Normant ,
nommé ( a ) Paulmier , qui a fait un curieux
Traité fur le Cidre , &c . ne fût pas
oubliée. Le Receveur qui avoit de la lecture
ne s'en tint pas plus battu ; l'Ecriture
& plufieurs Autheurs furent par lui
citez en faveur du vin ; il foûtint même
( érudition perduë) que cette liqueur étoit
autrefois dans le rang des meilleurs remedes
, & que les Medecins Arabes ordonnoient
le Cherab , c'eſt- à- dire , le vin
( a) Julien Paulmier , Palmerius , natif de
Coutance , & Medecin de la Faculté de Paris ,
a compofé en latin deux petits Traitez fur le
Vin & fur le Cidre , imprimez d'abord à Paris,
1. vol. in 8. 1588. & l'année ſuivante à Caën ,
traduits en François , par l'Auteur. Ces deux
Editions ne fe trouvent plus . Je crois que cet
Ouvrage a été réimprimé depuis .
2.001.
en
JUIN. 1728. 1361
en leur langue , pour plufieurs maladies ,
d'où eft venu le nom general de Syrop.
Le Diable m'emporte , interrompit brufquement
notre Chaffeur, fi je connois aucun
de ces gens là; c'étoient apparemment
des foux comme vous , M. le Receveur ,
&c. Il fe fit là- deffus , comme vous pouvez
le penfer , un grand éclat de rire, qui
auroit terminé la Comedie , fi le Gentilhomme,
fans fe démonter , n'eut continué
en ces termes: Et pour vous montrer, Mrs,
que j'ai toute la raifon de mon côté, voici
une piece décifive que je porte toûjours
fur moi , & contre laquelle il n'y a point
de replique. C'est un Docteur de Paris qui
l'a compofée. Là- deffus il tira un vieux
Portefeuille dans lequel , avec fes Lunettes
& fon Peigne , il y avoit beaucoup de
papiers , la plupart timbrez : Tenez , me
dit- il, en meprefentant un de fes papiers :
Lifez , je vous prie , tout haut , la condamnation
de ce bon Monfieur & de fes pareils
.
"
Je fus fort étonné de trouver dans ce
papier une Ode Françoiſe fur le Cidre, &
encore plus quand après avoir lû tout bas
la premiere Strophe, je reconnus que c'étoit
une traduction de la belle Ode latine
de M. du Hamel , qui fut fi fort applaudie
du temps de la fameufe difpute fur
la préférence des Vins , &c. Difpute dans
2. vol.
laquelle
1362 MERCURE DE FRANCE:
1
laquelle on mêla incidemment le Cidre ;
la Bierre , l'Eau , & qui donna lieu à plufieurs
Piéces de nos meilleurs Poëtes . J'en
ai quelque part un Recueil , qui devient
complet par le moyen de cette traduction
que j'ignorois : & afin que notre convive
ne s'avifat pas de me la refufer , je lus
la Piéce avec emphaſe , je la loüai fort ,
& je loüai auffi fon bon goût. La Compagnie
en marqua de la fatisfaction , &
le Partifan du Cidre crût avoir gagné
fon procès. Il en fit verfer à tous des rafades
, m'embraffa plufieurs fois , & me
permit de faire copier l'Ode par le Magifter
du Village qui fut mandé fur le
champ. Je la joints à ma Lettre comme
une Piéce des plus fugitives , & qui mérite
d'être tirée de l'oubli. Je fuis Mon
fieur , &c.
2. vol.
Le
JUIN. 1728. 1363
LE CID RE.
O D E.
Quis rumor aures perfonat infolens ? &c.
Q
Uelles font ces voix indifcretes
Qui fe font entendre en tous lieux ?
Quoy ! Mufes , ( a ) deux fameux Poëtes
S'ofent quereller à vos yeux !
Pour quel fujet leur vaine audace
Allarme-t'elle du Parnaffe
Les pacifiques habitans →
Pour du vin ! Je le croi à peine ,
Quoi ! des buveurs de l'Hippocrene
Le vin feroit des combatans ?
Poëte , la guerre eſt fatale
Que caufe un vain entêtement :
La faute entre vous est égale ,
Pareil fera le châtiment :
( a ) M. Coffin & Grenan , Autheurs des Odes
fur le vin de Champagne , & fur le Vin de
Bourgogne.
2. vol.
Car
1364 MERCURE DE FRANCE:
Car pourquoi par vos vers infignes
Loüer tant le jus de vos vignes.
Et blâmer les autres liqueurs ?
Quoy ! la Bourgogne & la Champagne ,
Seule du Pays de Cocagne
Ont elles toutes les douceurs ?
Je veux bien que Bacchus excite
Le Phlegme d'un trop froid rimeur ,
Et que du Guerrier il irrite
Quelquefois l'indolente humeur ;
Mais ce feu de peu de durée
N'a qu'une ardeur accelerée ,
Qui naît & périt à la fois ,
Et files Deftins trop faciles
Laiffent vieillir ces imbeciles
La goute les met aux abois.
Mais , Pomone , tes privileges
Signalent bien mieux ta liqueurs
Tu mets dans ceux que tu proteges
Un eſprit folide , un grand coeur ,
Tem oins ces Heros dont la gloire
Gravée au Temple de Mémoire 2. vol
Honorent
JUIN.
1365
1728.
Honorent leur integrité ;
Témoins les Sçavans , dont la plume
A fçu par plus d'un beau volume
S'acquerir l'immortalité.
Dieux ! quelle Affemblée éclatante
D'éloquens & braves Céſars !
Mufe , leur nombre m'épouvente ,
Sauvons- nous , fuyons les hazards :
Ce n'eft pas à mes foibles rimes
A tracer les vertus fublimes
De ces grands Soutiens des Etats ;
Et vouloir fans voix & fans force
Suivre une fi flateufe amorce ,
C'eft courir fans fer aux combats.
Oui , chers favoris de Pomone ,
Qui buvez fon jus à longs traits ,
Contens des biens qu'elle vous donne
Pour vous le vin eft fans attraits ;
Vous évitez ces fucs perfides ,
Qui rendent leurs buveurs ftupides ,
Ou qui renverfentla raiſon ,
Et la liqueur traîtreffe & dure ,
vol.
D
Qu
1366 MERCURE DE FRANCE .
Qui tranche & rompt mainte ceinture ,
Eft pour vous un fatal poiſon .
Mais tels qu'une belle prairie
Qu'arrofe un paiſible ruiffeau ,
Toujours verte , toujours fleurie ,
N'offre rien aux yeux que de beau ;
Nourris du divin Jus des Pommes
Les Normands , entre tous les hommes,
Sont robuftes & gracieux ;
Et leur grand genie en fa courſe
Eit un Fleuve qui dès la fource
N'a rien eu que de merveilleux .
O Cidre ! ô celefte Ambroisie !
Des dons que les Dieux nous ont faits
Quinteffence , Elixir de vie ,
C'eft toy qui produis ces effets .
Poëtes , dans cette mer d'ambre ,
Dans ce charmant Jus de Septembre ,
Yoyez le jouer les Saphirs :
Dicux ! quelle exhalaifon divine
S'élevant dans cette Piſcine
Moüille les ailes des Zéphirs!
2.201. Faur
JUIN.
1367
1728 .
Faut-il s'étonner fi la Troupe
Des Mufes , ces divines Soeurs ,
Ayant goûté de cette coupe
En eftima tant les douceurs ?
Si , defon pays exilée ,
Elle en fut bien-tôt confolée ,
Ayant fait un plus digne choix .
Enfin fi fa reconnoiffance
Au Cidre donna la puiffance
Que l'Hippocrêne eût autrefoîs ?
Depuis cette heureuſe arrivée ,
Le Cidre empreint d'un feu divin ,
De la nature dépravée
Corrigea le mauvais levain .
Dès lors chez vous , belle Neuſtrie ,
Et la fageffe & l'induſtrie
Trouverent un charmant féjour ;
Et l'on vit de vos riches Plages
Sortir de tous rangs , de tous âges ,
Mille grands hommes chaque jour.
C'est ainsi , Déeffe fincere ,
Que vous repandez vos faveurs
2.vol. Sur
D ij
7368 MERCURE DE FRANCE
Sur chaque Mortel qui préfere
Votre Jus aux autres liqueurs.
Loin de fouffrir qu'aucun des vôtres
Cede jamais la palme à d'autres ,
Vous comblez leurs plus doux fouhaits ;
*
Vous qui mépriſez nos breuvages ,
Ppëtes , dans le vin peu fages ,
Dormez & n'écrivez jamais.
Vos , o Prophani , queis malè confciis
Sordent amana munera Neuftria ,
Torpere damnofo veterno
Digna cohors , procul efte vates.
J. DUHAMEL , Eloquentia Profeſſer
in Graffinao.
2. vol. LETTRE
JUIN. 1728. 1369
LETTRE écrite de Toulouse le premier
Novembre 1725. à M. de Lapeyronie
, Premier Chirurgien du Roi , par
M. Jean Fefte , cy- devant Chirurgien-
Major du Regiment de la Feuillade
Infanteries fur un fait fingulier de Chirurgie.
E fçai avec quelle attention , Monfeur
,vous cherchez à approfondir les
miracles de la Nature , & que la fanté de
l'homme étant votre principal objet , vous
aimés qu'on vous faffe part de ce qui
lui arrive de fingulier , & qui peut l'intereffer.
J'ai l'honneur de vous préfenter
la relation exacte & fuccinte , d'un fait
de Chirurgie qui m'a paru nouveau ; &
fi vous le jugés digne d'être donné au Public
, je fuis perfuadé qu'elle fera bien
mieux reçue partant d'une plume comme
la vôtre. J'ai parcouru les écrits des plus
célebres Auteurs qui nous ont donné des
Obſervations , & je n'en ai point trouvé
de pareilles. Je joins au récit du fait la
maniere dont je me fuis comporté , &
quoique le fuccès m'ait favorifé , je ne
croirai ma méthode digne de fervir de
2. vol.
Diij Régle
1370 MERCURE DE FRANCE:
Régle dans un cas pareil , que lorfqu'elle
aura cû votre approbation.
Le 27. du mois d'Octobre 1724 , la
femme de M. le Noble , très - habile Chirurgien
de cette Ville , accoucha d'un
garçon deux jours s'étant écoulez fans
que l'enfant vuidat le Meconium , on s'apperçût
que non -feulement il n'avoit point
d'anus mais même que les deux feffes
étant jointes enſemble , ne faifoient qu'un
tout imparfait , fans aucun veftige de raye
pour les féparer.
>
♪
M. le Noble me pria de voir fon fils ;
je m'y tranſportai , & l'ayant trouvé dans
l'état que je viens de décrire , je crûs
qu'il étoit neceffaire de lui faire promptement
un anus , partie fi neceffaire & que
la nature lui avoit refuté. La maigreur de
l'enfant, fa foibleffe extraordinaire , l'impoffibilité
où il étoit de prendre le teton
& la tenfion confiderable de fon ventre
d'où le Méconium remontant par un mouvement
antiperistaltique jufques dans l'eftomach
, fortoit par un mouvement continuel
& menaçant d'une mort prochaine ,
me paroiffoient des accidens affez graves
pour engager à y porter un prompt fecours.
On le fit promptement baptifer ,
& le pere me pria d'operer . En m'en chargeant
, je le priai d'appeller un Medecin
& deux de fes confreres . Il manda M. de
2. vol. Lord a
JUIN. 1728. 1371
ns
es
Lord , Profeffeur , dont le nom , l'habileté
& la probité vous font connus , avec
Mrs Peironet & Sainte, très - habiles Chirurgiens
, à qui le fait parut nouveau comme
à moi. M. Peironet , très - habile Accoucheur
, nous dit qu'il avoit vû un enfant
, non dans le cas de celui - ci , mais
dont l'anus étoit feulement clos , qu'on
le lui avoit ouvert , & que cette operation
ne l'avoit pas empêché de mourir
trois femaines après , qu'ainfi il hefitoit
à confentir à cette operation , d'autant
plus qu'il craignoit que les parois de l'inteftin
rectum , ne fuffent colés l'un à l'autre.
Je penfai autrement , & je conclus à
une operation douteuſe , plutôt que d'attendre
une mort certaine & prompte. Le
pere , qui étoit Chirurgien , décida entre
& fut de mon avis. Je me mis en
devoir d'operer ; je fis tenir l'enfant par
la Sage Femme , je lui mis un oreiller
fous le ventre ; & lui faifant tenir les
cuiffes écartées , les jambes un peu pliées ,
le dos tourné vers le jour , je reconnus
avec mon doigt le Coccix , & je marquai
avec de l'encre l'endroit où j'avois deffein
d'operer. Je pris une grande lancette
à abfcès , dont je portai la pointe fur l'endroit
que j'avois marqué ; & tournant
l'un des tranchans vers le Coccix , & l'autre
vers le Raphe , je l'enfonçai prefque
nous ,
2 vol.
Diiij toute
1372 MERCURE DE FRANCE.
toute entiere jufqu'à l'endroit où je pen
fois qu'étoit l'extrémité du Rectum . II
en forti un vent , ce qui me fit bien augurer.
Je quittai cette lancette pour en
prendre une plus petite , que je portai
dans la même ouverture , auffi avant que
la précédente , mais dans un fens oppolé ,
c'est - à - dire , que les deux tranchans regardoient
les deux feffes . Dans l'inſtant
le Méconium fortit en grande quantité ,
& le volume du ventre diminua confiderablement.
Je mis dans l'ouverture un
bourdonet attaché à un fil , trempé dans
de l'huille d'amendes douces, & par deffus
des plumaffeaux & compreffes,le tout foutenu
d'un bandage convenable. Je mis
fur le ventre des fomentations émolientes.
Le lendemain , je fis des injections dans
le Rectum , avec de l'eau & de l'huille
d'amendes douces , & je fis prendre à
l'enfant une demie- once de fyrop de fleurs
de Peché , ce qui le purgea fort bien . Il
prit des forces , & fur en moins de quinze
jours en état de fupporter une feconde
operation beaucoup plus douloureufe que
la premiere. Il s'agiffoit de lui faire deux
feffes. D'abord j'alongeai l'inciſion du côté
du Raphé , enfuite ayant introduit une
fonde crenelée , jufqu'à la marge de l'a
nus , je portai dans fa crenelure un Biftouri
droit , & je coupai de bas en haut ,
2. val.
pouffant
JUIN. 1728. 1373
pouffant l'incifion vers le Coccix . Cela
donna un peu de fang ; je l'arrêtai avec
desBourdonets de charpie feche que je mis
dans le fond de la playe . J'en mis d'autres
par deffus , trempés dans un digeftif
fimple ; je mis des compreffes & un bandage
pour contenir le tout.
Quelques jours après ayant mis la playe
en fupuration , j'en couvris les bords avec
de petites bandelettes de linge , garnies de
pompholix , ce qui fit un effet merveil-
Teux . Cependant M. le Noble nous propola
de mettre entre les deux feffes des
écailles d'Huitres calcinées , pilées & mifes
en poudre , afin de deffécher & faire
cicatrifer l'extrêmité des fibres charnuës
que j'avois coupées : cela réuffit auffi , &
en moins de quinze jours la cicatrice fut
faite de maniere que les feffes de cet enfint
font auff naturelles & auffi bien moulées
que celles des autres .
La fingularité du fait m'a engagé de
rendre cette obfervation publique , &
j'ai crû devoir laiffer paffer une année
pour rendre compte de la fanté de l'en
fant , qui eft gros & gras , contre l'attent
de bien des gens qui fe perfuadoient qu'i
ne pouvoit furvivre long -tems à une pa-I
reille operation .
Le fait eft attefté par les Medecins &
Chirurgiens qui étoient préfents à l'opera-
2. vol.
D v tion,
1374 MERCURE DE FRANCE.
tion comme vous pouvez le voir , par
leur feing, au bas de la Relation . J'ofe me
Alatter , onfieur , que vous recevrez favorablement
ce que j'ai l'honneur de vous
préfenter. Je proate de cette occafion pour
vous affurer du refpect avec lequel j'ai
l'honneur d'être , &c .
RE'TONSE de M. de Lapeyronie , écrite
de Marly le 2. Avril 1725 .
Ai lû , Monfieur , la Relation que
Jvous m'avez adreffée ; elle m'a paru
fingulere . Je vous fais mon compliment
de ce que l'operation que vous avez faite
a ti bien réuli Il n'eft pas ordinaire que
les teffsfe colent auffi parfaitement qu'elles
l'étoient dans ce fujet . Le fuccès juftifie
la conduite que vous avez tenue , qui
étoit certainement la meilleure qu'on pouvoit
tenir . S'il le trouve un jour quelque
occafion où je puiffe vous faire plaitir
j'en profiterai volontiers. Je fuis très- parfaitement
, &c.
?
2. vel.
RE
JUIN. 1728. 1375
REGULUS
POEM E.
Qui a remporté le Prix deftiné à ce genre
de Poëfie par le jugement de l'Académie
des Jeux Floraux en 1728 .
-M
Ufes , retracez - moi ce Romain magnanime
,
Qui fut de fon ferment l'efclave & la victime
,
Sous les plus nobles traits offiez - nous Regulus
;
Infpirez- moi des Vers dignes de fes vertus ,
Dans le
teſſe ,
camp des Romains d'où naît cette trif-
Chez les Carthaginois que de cris d'allegreffes
Regulus eft tombé dans un piége fatal ,
Déteftable fecret de l'empire infernal ;
Sans prévoir les horreurs que la terre recele,
Ce Heros fe confis à fon fein infidele ;
Soudain on le faifit , on le charge de fers
Que Regulus eft grand dans ce trifte revers ,
2. vol.
Tout D vj
1376 MERCURE DE FRANCE.
Tout défarmé qu'il eft , il fait trembler Carthage,
Et Xantippe lui- même admire fon courage ;
Regulus, lui dit - il , trois cens Carthaginois
Gémiffent dès long tems fous vos honteuses
loix ;
Retournez au Senat , faites qu'on nous les
rende ,
Et j'accorde aux Romains une faveur plus
grande ,
Je conferve vos jours & vous rends à leurs
voeux ,
Vous agirez pour vous en travaillant pour
eux :
Que de votre retour votre foi foit le gage ;
Mon coeur qui vous connoît ne veut point
d'autre otage .
Regulus promet , part, arrive , le Senat
Ne le trouve attentifqu'au falut de l'Etat ,
Vos captifs font nombreux , jeunes , vaillans
illuftres ,
Pour moi , dit Regulus , j'ai fourni douze
lufties ,
Je fuis feul , épuifé par d'affidus travaux ,
Ce que j'ai fait pour vous , & le peu que je
vaux ,
N'exigent pas , Romains , de fi grands Sacrifices
;
2. votos
Non,
JUIN.' 17288 1377
Non , livrez-moi plutôt aux plus cruels fupplices
,
Que de vous perdre tous pour me fauver le
jour :
A vos fiers ennemis j'ai juré mon retour ;
Ils n'épargneront rien pour ébranler vos ames ;
Mais quand vous me verrez en proye au fer ,
aux flammes ,
Combattez fans pâlir , loin de plaindre mon
fort ;
Si je péris pour vous , Romains , vangez ma
mort.
Alors, dans le Senat régue un morne filence ,
On héfite , on gémit , on vante fa conftance.
Le Peuple défolé, les Chefs & les Soldats
Accourent tous en foule au devant de fes
pas ,
Ses enfans effrayez . & fon épouſe en larmes ,
Embraffent fes genoux , lui marquent leurs
allarmes ;
Regulus les releve , infenfible à leurs pleurs ;
Ah , dit- il , cachez-moi ces honteufes douleurs
;
Mes fils, par vos Exploits éternifez ma gloire ;
Vous , d'un Epoux cheri conſervez la mémoire
,
Fille de Métellus , prenez mes fentimens ,
гово 2+
Et
1378 MERCURE DE FRANCE.
Et gravez mon courage au coeur de vos enfans
;
Soldats , votre douleur & m'afflige & m'honore
,
Arrofez mon Tombeau d'un fang que Rome
abhorre ;
C'est l'unique Tribut , & pour moi le plus
doux ,
Que Regulus mourant puiffe éxiger de vous .
Il les quitte à ces mots , c'eft en vain qu'on
l'arrête ,
A Xantippe inquiet , il va porter fa tête ;
Je fçais garder ma foi , même à mes ennemis ,
Je reviens , & voilà ce que je t'ai promis ;
Que Carthage abandonne un eſpoir témeraire,
Je lis dans tes regards , ton dépit , ta colere
,
Je ne t'ai point trahi , mais tu m'as mal connu ,
J'ai parlé contre toi , c'eft affez , je l'ai dû,
Qui brave le trépas , craint peu ta barbarie ,
Il n'eft point de Romain qui ne me porte envie
;
Je fçai deffen tre Rome & non pas la trahir ,
Vaincre fes ennemis , & non leur obéir ;
Quelle etoit ton erreur , Xantippe ! as-tu pû
croire
2. vol.
Qu'aux
ཨཀ ཙབྷ
JUIN. 1728. 1379
Qu'aux honneurs affurez d'une longue mémoire
,
Je pourrois préferer un vil reſte de jours ,
Dont les ans au Tombeau précipitent le
cours ?
Tes Captifs en nos mains te caufent plus d'allarmes
.
Qu'à tout Rome ma mort , ne coûtera de
larmes ,
C'est ce que je prétens : ordonne mon trépas ,
Vange toi ; fi je vis , crains encore ce bras ;
Xantippe à ce difcours attefte en fa colere
Les a guftes rayons de l'Aftre qui l'éclaire ,
Qu'avant que fon flambeau s'éteigne au fein
des mers ,
La mort de Regulus effraira l'Univers ;
Il dit , & les effets rempliffent la menace :
La vertu devant lui ne trouva jamais grace ,
Barbares Affricains , vos bois , vos rocs affreux
,
Des Tygres , des Lions , repaires ténebreux ,
N'ont rien de fi cruel , n'ont rien de fi fauvage
Que vos coeurs, où l'Enfer vient de fouffler fa
rage ;
Quels tourmens , quelle mort , endure Regulus
!
Rome
2. vol.
1380 MERCURE DE FRANCE.
Rome ne pouffe point de regrets fuperflus ;
Les Dieux à Scipion ont remis leur Tonnerre;
Du fang des Affricains , fon bras couvre la
Terre ,
La Terre avec horreur boit ce fang infecté ,
Et par la perfidie, & par la cruauté:
Regulus eft content , & du rivage fombre ,
Voit Carthage fumante immolée à fon ombre.
Qui ftat promiffis melior eft expugnatore Urbium
,
Ambrof. lib. de Officiis hominis Chriftiani.
.
Par le P. Poncy , Jeſuite ,
C'est la troifiéme année que ce Pere
remporte à Touloufe le Prix du Poëme.
XX:XXXXXXXXXXX :XX
PRIERE à Dieu faite à la fin du
dernier Sermon de l'Avent , prêché à la
Cour de Lorraine , par M. l'Abbé de
Rofay , Chanoine de Soißons.
C
' Eft à vous , Seigneur , qui préfidez
également fur les coeurs & fur les
deltinées des Monarques ; c'eft à vous
maintenant à benir des travaux entrepris
2. Vaka
pour
JUIN . 1728.
7381
pour votre gloire , & à faire germer par
la fécondité de votre grace la femence de
votre Evangile ; ( car hélas ! que fommes
nous, Miniftres de cet Evangile , que d'inutiles
organes , fi vous ne parlez vous - même
avec nous? ) C'eſt à vous à exaucer
dans votre mifericorde les voeux que j'ai
fouvent portez au pied de votre Trône, &
que je redouble en ce moment pour la
fanctification de cette Affemblée ; vous fçavez
, vous qui fondez les coeurs , que je
n'en fis jamais de plus finceres , de plus
légitimes , de plus empreffez ; je l'ai vûë
avec effufion de joye,cette Affemblée refpectable
à mes yeux , & qui eft devenuë
chere à mon zele , je l'ai vûë prêter à ma
voix une oreille attentive , & témoigner
par une édifiante affiduité une faim facrée
de votre parole , je l'ai annoncée , cette
parole qui enfante le falut & la vie , avec
la défiance que devoit m'infpirer ma foi
bleffe ; mais en même temps avec la force
que fçait donner l'autorité du miniſteré ,
& ce n'a point été une petite confolation
pour votre Miniftre au milieu de fes penibles
occupations , d'avoir fait entendre
vos veritez les plus terribles , à des Auditeurs
également verfez dans la pratique
& dans la fcience de votre loy , à des Courtifans
qui ne fe piquent pas moins de foûmiffion
aux volontez de leur Dieu que de
་ ་་་
2. vol.
zele
1382 MERCURE DE FRANCE .
zele pour les interêts de leurs Princes
& à des Princes fi aimez des hommes
qu'ils n'ont rien à défirer que d'être autant
aimez de vous , & fi religieux envers
vous , que leur exemple (je le dis par conviction
) eft après celui d'un Dieu la plus
touchante des leçons & pour les Audi▾
teurs & pour le Prédicateur même.
Il n'appartient qu'à vous , ô mon Dieu,
de former des Princes de ce caractere , it
n'appartient qu'à vous , qui donnez fouvent
les Royaumes fans donner la gloire
du Regne , de réunir fur un même Trône
, ce qui pourroit faire la richeffe & la
felicité de plufieurs , je veux dire , un Souverain
amateur du vrai , partifan de la fageffe
, jufte eſtimateur du merite , qui ſe
fait un devoir de meriter toutes les louanges
, & une loy de n'en accepter jamais
aucune ; une Souveraine , bonne épouse ,
bonne mere , qui compte fes jours par
fes bienfaits , & qui n'a peut - être d'autre
déplaifir que de nnee pouvoir pas faire affez
d'heureux ; un Prince digne heritier de
leurs vertus , ainfi que de leur puiffance,
Prince , l'amour de la patrie , l'admiration
des étrangers , qui par les plus magnifi
dons de la nature & de la grace a de
ques
quoy feconder vos plus grands deffeins ;
un autre Prince du plus heureux & du
plus charmant naturel , en qui croiffent
2. vol.
avec
JUIN 1728. 1383
avec l'efperance des peuples , les qualitez
qui font les Héros; des Princeffes , l'ornement
de leur fexe , qui font connoître au
monde mille charmes en elles , & qui ne
connoiffent que ceux de la vertu qu'elles ,
font trouver plus aimable . Voilà , grand
Dieu , l'ouvrage de votre Providence mifericordieufe
, dans l'une des plus illuftres
Maifons de l'Univers, qui meriteroit d'être
l'une des plus puiffantes ; mais ce n'eft
point encore tout ; une Cour Aoriffante &
reglée , des peuples laborieux & foûmis ,
des ferviteurs zélez & fideles , l'union aut
dedans , la réputation au dehors , l'attachement
inviolable de la Nation , l'amitié
des Puiffances voisines , & ( ce qui
doit être flateur pour des ames bien nées )
Ies fuffrages & les çoeurs de tous ceux qui
en font les témoins ; telles font à l'égard
des Maîtres qui nous commandent les bene
lictions temporelles que vous avez
jointes aux celeftes benedictions dont
vous les avez prévenus .
Ainfi s'accomplit à nos yeux la promelfe
que vous avez faite par votre Prophete,
de benir l'homme qui vous craint : Ecce
fic benedicetur homo , qui timet Do" inum
; ainfi vous plaifez - vous , Seigneur ,
à répandre vos largeffes fur ces enfans de
votre droite qui fe plaifent à faire honorer
votre nom ; eh ! qu'eft- il befoin d'en
2. vol,
apporter
1384 MERCURE DE FRANCE.
apporter des preuves à des coeurs naturellement
bons & reconnoiffans ! les chants
d'allégreffe dont retentiffent chaque jour
vos Temples , publient , mieux que je
ne puis le faire , une marque encore toute
recente & bien fignalée de votre protection
fur eux ; ils n'ont envifagé qu'avec
effroy , non plus que vous , le plus ferme
appuy de cette Couronne , prêt à être
moiffonné par la même faulx qui fut fi fa .
tale à leur tendreffe ; le coup mortel fufpendu
, quoiqu'en éloignement , fur une
fi intereffante victime , fembloit devoir à
tout moment les immoler avec elle , & les
foucis , les pleurs , les perplexitez , fruits
ordinaires d'une tendre affection , avoient
déja prefque épuifé toute la fenfibilité de
leurs coeurs & des nôtres. Loin de fe livrer
entierement , ou à des reffources humaines
, ou à une douleur immoderée ,
ils ont eu recours à vous par la ferveur de
la priere ; ils ont mis toute leur confiance
en votre bonté fuprême , dont ils ont
tant de fois reffenti les effets ; vous les
avez vûs avec complaifance defcendre de
l'orgueil de leur rang pour vous demander
grace dans les gemiffemens & l'humiliation
; votre bras qui ne s'étoit point
armé pour frapper , mais pour montrer
jufqu'où peut aller votre Puiffance , s'eſt
contenté du Sacrifice de leurs coeurs , & ,
2. vol.
touché
་
1728. 1385 JUIN.
touché par tant de voeux & par tant de
fupplications , vous avez changé en joye
la trifteffe commune , en confervant le
précieux gage & de leurs efperances &
de notre félicité. Que ne fera pas pour
vous , mon Dieu , une Famille auffi
chrétienne qu'elle eft augufte , après ce
que vous avez fait & ce que vous ferez
encore pour remplir fes grandes deftinées
? Car combien ne doit - elle pas être
reconnoiffante envers vous , lorfque vous
yous montrez fi liberal envers elle ! &
avec quel zele doit - elle en toute occafion
fe charger du foin de votre gloire ,
vous renvoyer celle qui lui vient des
hommes , vous faire un hommage des
hommages mêmes de tout un peuple qui
la chérit & qui l'admire ?
Vous donc qui diftribuez , comme il
vous plaît , & quand il vous plaît , ces
graces qui font les Souverains felon
votre coeur , faites bien comprendre à
ceux à qui vous m'avez envoyé , & pour
qui vous m'avez infpiré vous- même le
dévouement le plus refpectueux ; que
c'eſt en vain qu'un Prince fçait commander
aux autres , s'il ne fçait pas vous
obeïr ; qu'il ne peut regner ni juftement
ni glorieufement , qu'autant qu'il vous fait
regner avec luisqu'en un mot il vous doit
un ferviteur dans le Maître d'un Etat, &,
2. vol.
dans
1386 MERCURE DE FRANCE :
que
dans le dépofitaire de votre Puiffance, un
imitateur de votre fainteté . Souffrez
je vous demande icy , non l'accroiffement
de leur grandeur & de leur renommée ;
Chélas ! à quoi leur ferviroit de fe conci .
lier l'eftime & la poffeffion même du
monde entier, s'ils venoient à perdre leurs
ames ) ? mais que je vous demande ce qui
me femble préferable à toutes les Couronnes
de la terre , ce que je voudrois
leur acquerir au prix de ma vie ; ce qu'ils
vous demandent eux - mêmes tous les
jours , leur falut , Seigneur , leur falut ;
voilà ce que je vous demande pour ces
Têtes fi auguftes & fi cheres , & ce que
je vous demande avec toute l'ardeur dont
mon coeur eft capable , & ce que je vous
demande par les merites du grand Sacrifice
dont je viens de les entretenir, & que
j'offre fouvent pour leur confervation ; &
voici ce que je vous demande pour nous ,
c'eft d'épargner deformais à nos fenfibles
coeurs les allarmes qui viennent de les
mettre à l'une des plus rudes épreuves.
C'eft de confirmer fur la Maifon du jufte
& pieux David toutes les faveurs dont
vous l'avez comblée jufqu'icy. Qu'un
Prince , le meilleur des Princes , employe à
procurer le bonheur de fes Sujets des années
prolongées de generation en generation
; qu'une Princeffe que vous avez al-
2. vol.
fociée
JUIN. 1728. 1387
fociée à fa gloire, & qui fait nos délices ,
fe voye renaître fous l'ombre de vos aîles
dans les enfans de fes enfans ; enfin , que
leur Royale Famille fi- bien élevée, fi - bien
unie , fi- bien aſſortie , compte dans une
pofterité nombreufe autant de Héros que
dans fes magnanimes Ancêtres : Dies
fuper dies adjicies , & annos ufque in diem
generationis & generationis, Mais que votre
mifericorde n'en demeure pas là ,
qu'elle fanctifie toutes les profperitez par
toutes les vertus , & qu'aux bonheurs
d'une vie mortelle elle faffe fucceder la
poffeffion d'une immortalité bien-heureule
, où nous conduifent tous , le Pere , le
Fils & le S. Efprit.
A M ..... Receveur General des
Finances.
Donc par étude & vive intelligence ,'
Si
Trop bien fçavez en épineux employ ,
Devancer âge & longue experience :
que chacun en y rêvant en foy ,
S'étonne , & dit : Cettuy preux en finance ,
Novice n'eft , & m'eſt avis , je croi ,
Qu'où l'on finit , c'eſt par là qu'il commence,
1. vol.
-Bien
1388 MERCURE DE FRANCE:
Bien eft-il vrai qu'éclairant fon deſtin ,
Un Frere expert lui fraya le chemin ,
Lui prefcrivit fa regle favorite ,
De s'élever fur l'aîle du merite :
Et que dès l'âge aux innocens ébats ,
Par lui vertu dans fon coeur fut empreinte
Mais tout ainfi que d'aller à Corinthe ,
N'eft libre à tous de marcher fur fes pas.
Tels font fur vous, & ce n'eft pas merveille,
Les doux propos qui charment mon oreille.
Miniftre , enfin , foûriant à ſon choix ,
Au cri public veut bien mêler fa voix ,
Phebus auffi , Non , qu'en cette matiere ,
Il foit grand Clerc & Juge competent.
De Ducats onc ce Dieu ne fit Litiere.
Point ne connoit Etats , acquit patent.
Sur l'efprit feul il étend fon empire ,
Et le fouvient que du votre , Beau Sire ,
Il a pris foin dès vos plus jeunes ans ,
D'où lui font chers vos fuccès éclatants .
Son eſpoir eft , votre goût l'en affure ,
Qu'à vos emplois dérobant des momens ,
2. vol
Savourerez
JUIN. 1728. 1389
Savourerez fes doctes Rudimens ,
Sans quoy l'efprit n'a ſolide pâture.
Puiffai - je un jour , aydé du Dieu des vers ,
Trouver ma place en ces momens divers.
TAVENOT.
XXXX:XXXX XXX :XXXX
EXTRAIT d'une Lettre écrite de
Turin , au fujet d'une groffeße de quin-
Ze ans .
Arie Marguerite , femme de Ga-
› lara furnommé la Fleur , valet
de M. Couarto , enceinte depuis environ
le mois de May 1713 , mourut enfin le
Mardy 30. Mars de la préfente année
1728. elle fut portée dans l'Amphitheatre
Anatomique de l'Univerfité , où
elle fut ouverte en préfence de plufieurs
Medecins & Chirurgiens de cette Ville.
Le ventre étant ouvert , on trouva l'Epiploon
adhérant au Péritoine ; après l'en
avoir détaché , on découvrit une tumeur
ovale , groffe comme la tête d'un enfant
de trois ou quatre ans , de couleur blanche
jaunâtre , fituée dans le baffin derriere
la matrice qui étoit elle- même dans
fa fituation & fa groffeur naturelles ; cette 2. vol.
E tumeur
1390 MERCURE DE FRANCE .
tumeur étoit formée par un foetus qui
avoit pris naiffance hors de la matrice ;
le fac ou la membrane qui l'enveloppoit ,
étoit épais de deux lignes , & étoit fi
fortement attaché au foetus qu'on ne pût
l'en féparer que par lambeaux .
Ce foetus étoit de la groffeur d'un foetus
de huit mois ; le Parietal droit , les os
de la jambe & du pied , étoient décou
verts , les tégumens & les mufcles qui
fervent à recouvrir ces os avoient été détruits
& confumés. Toutes ces parties
n'exhaloient aucune mauvaiſe odeur ; les
chairs , quoique defféchées , étoient dailleurs
très - vermeilles , & avoient acquis
une confiſtance qu'on pourroit comparer
à celle de la viande falée. Les poumons
furnageoient dans l'eau ; on ne trouva aucun
veftige du Placenta , mais feulement
une portion du cordon umbilical deffechée
.
Le pied gauche du foetus fe trouvoit
dans l'ovaie droit , où l'on voyoit une
ouverture longue de deux pouces ou environ
, & large d'un pouce ; cette ouverture
reffembloit à une playe vermeille
de figure ovale , dont les bords étoient
plus élevés que le fond d'environ deux
lignes ; ces mêmes bords fe terminoient
& fe confondoient parfaitement avec lá
membrane qui enveloppoit le foetus ; à
2. vol.
côté
JUIN. 1728. 1391
côté du pied gauche du foetus , fe trouvoit
dans l'ovaire même une végetation
offeufe , longue de fix lignes , & large
de deux & demie , qui ne reffembloit à au- `
cun os du corps humain.
Explication du Logogryphe de May.
P
Ar ma foi , c'eſt la mer à boire ;
A le chercher , je fuis trop ob.
ftiné ;
Dodart feroit avec bien moins de
gloire ,
La cure,d'un malade à la mort condamné .
Le cû dans un fauteüil & l'efprit à la gêne
Du Logogryphe obfcur je maudis l'Inventeur
,
Et donnerois un écu de bon coeur ,
A qui pourroit finir ma peine.
Que n'ai-je le talent du Thebain malheureux ,
Qui devint le mari de Madame fa mere
Le Logogryphe alors loin d'être ténébreux ,
Me paroîtroit une Enigine ordinaire ;
Mais pour la pénétrer , mon efprit eft trop
dur.
J'aime ois mieux cent fois ne vivre que
mûre ,
de
2. vol.
Eure
Eij
1392 MERCURE DE FRANCE.
}
Etre réduit à faire un mur ,
Qu'à deviner le Logogriphe obfcur
De ce maudit MERCURE!
1
Mercure ! M'y voilà , contre toute efperance ,
Oui , c'eſt le mot ; je le trouve un peu tard ;
Mais quoi bien ſouvent le hazard ,
Fait les trois quarts de notre intelligence.
PAPEL.
********:
ENIGM E.
Curieux , voici ma nature.
Un Artifan employe à ma ſtructure ,
Divers materiaux entre lefquels l'acier
N'eft mis en oeuvre le dernier.
Semblable à l'Epigramme , une pointe bien fine
Me fait valoir , & me termine.
Mon trifte fort me met entre les mains
D'un Maître des plus inhumains.
Quoique du mal qu'il me fait faire
Prefque toûjours , il tire un affûré ſalaire ,
Plus des trois quarts du tems it me tient en
prifon.
Je bleffe bien des gens en certaine faiſon :
2.vol. Plus .
JUIN. 1393
1728.
Plus que des traits d'amour ma bleffure eft fenfible.
Salutaire pour l'un , pour l'autre elle eſt nuifible
;
En l'un & l'autre cas , je n'ai raiſon ni tort
De mon Maître je fuis la grave fantaiſie :
Si quelquefois je rends la vie ,
Quelquefois je donne la mort.
Logogriphe.
On nom est tout François , fix lettres le
M
compofent ;
Qui prenant par la fin , de ſuite ſe tranſpoſent,
Et font deux mots Latins , chacun d'une'
moitié ;
1
Mon Anagrame jufte , engage à l'amitié ,
Une lettre de moins , j'ai le nom d'un Apôtre
Dans les deux tiers d'un bout , dans les deux
tiers de l'autre ,
Royaume & Mont fameux fe trouvent à l'envers
:
Ma moitié fait un temps, & l'autre fend les airs
Deux tiers font un Adverbe , & l'autre eft Particule
:
On a beau m'attaquer jamais je ne recule.
GUEROULT de Fecamp en Normandie
.
2. vol. Suite
E iij .
3194 MERCURE DE FRANCE
SUITE
des Logogrifes aritmetiques .
Malgré le foin qu'on a eu de corriger
les épreuves , l'Imprimeur a laiffé deux
fautes effentielles dans les Logogrifes du
mois de May , en mettant page 960.
10 Logogrife égale d'une fois , au lieu
de égale deux fois , & page 966. 24°
Logogrife , le quarré de la 3e égale le quart,
au lieu de égale le quarré.
L'Algebre pur exprimé avec ces propres
caracteres, eft toûjours fans équivoque
, il n'en eft pas de même du langage
François ; c'eft pourquoi l'on a furligné
dans les Logogrifes l'endroit fufceptible
d'équivoque . Par exemple, dans cette expreffion
du 27 Logogrife. La 4 eft la
racine quarrée de la 6e plus uns ce furlignement
marquera que plus un doit fe
rapporter à la 6e & non à la 4º , ni à la
racine quarrée , &c.
Si malgré cette attention on craint l'équivoque
, il fera plus fûr de mettre endeçà
des racines , & des quarrez , toutes
les parties qui ne s'y rapportent point.
Par exemple dans cette expreffion du 22 °
Logogrife. La racine quarrée de la
1º moins deux égale , un , plus la racine
quarrée de la 2º , au lieu de dire , égale
2. vol. la
JUIN. 1728.
1395
la racine quarrée de la 2 , plus un.
On peut encore fe fervir des points
fufpenfifs pour féparer les idées , comme
dans l'expreffion du 37 ° Logogrife , où
- l'on trouve le quarré de la 2 ... moins
Lare , & c. Lefquels points font voir que 1 ,
moins la 1 fe rapporte au quarré & non
àla 2 , & ainfi des autres exemples.
#
A. B. C.
Des Logogrifes arithmétiques.
a . b. c. d. e. f. g. h . i . j . k. 1. m. n. o.
2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. 15.
P. q. r. s . t . u . v . x . y . z.
16. 17. 18. 19. 20. 21. 22. 23. 24. 25.
28. Logogrife de quatre lettres , ou de
quatre nombres.
Ea racine quarrée de la 1 ° moins un ,
égale la racine cube de la 2e , plus fix.
Le quarré du de la ze , égale cinq fois
la 3 , plus la racine quarré de la 3 , plus
la de la 4 .
La racine cube de la 3e moins un , égale
la racine quarrée , de la racine quarrée
e
de la 4 pius deux . '
La4 eft géometriquement à la 2 ,comme
les trois premieres , à fix fois la 1º.
2. vol.
29.
E iiij
396 MERCURE DE FRANCE.
29. Logogrife de quatre lettres.
Quatre fois le quarré de la moins deux
fois cette premiere , égale le quarré de
la 2º , moins le quarré de la 3 .
La racine quarrée de la 2e égale la 3 ' ,
moins la racine quarrée de la 1 .
La 3 égale la racine de la 2 °, plus la racine
de la 1 .
43 La 3 égale les de la 4 ° moins la 2º .
La racine du produit de la 1 par la 2 ;
égale deux fois la racine de la 2º .
30. Logogrife de quatre lettres.
La racine quarrèe de la 1 , égale la racine
cube de la 2º moins un .
La racine quarrée de la 2º, ajoûtée à deux,
égale moins un , la racine quarrée du
produit de la 1º par la 2º.-
Le quarré de la 3e égale le produit de la
1º , par la 3º , ajoûté à la 3º.
Le 1 eft arithmetiquement à la 2 ° , comme
la 4 à un plus le quarré de la 3º.
31. Logogrife de trois lettres.
La fomme de cinq , plus le quarré de la
1 , égale la fomme des trois moins deux.
La racine quarrée de la 2e moins fix ,
égale deux fois la racine quarrée de la
3
e
moins un .
Le quarré de la 3e égale la fomme des 1º
2
e moins deux .
2.vol.
32.
4
JUIN. 1728. 1397
32. Logogrife de trois lettres .
Le quarré de la 1 , plus la fomme de la
1 & de la 2 ; égale le quarré de la 2 ° .
Le quarré de15 de la feconde , égale le
quarré de la 3e.
La racine des 2º , 3º , plus cinq , égale
moins un, la racine des 1,1,3° plus deux.
e e
33. Logogrife de trois lettres.
Le 2 plus la racine cube de la de la iº, N4
égale la des 2º, 3º. 13
La racine de la 2 ... Plus fix égale la
racine quarrée du du quarré de la 3º .
La racine de la 3. plus deux , égale quatre
fois la racine de la 2 .
34. Logogrife de quatre lettres.
Les 1 , 2 , 3 ° égalent la fomme de la 4 ,
plus treize.
e
Les 1 , 2 & 4° , égalent la 3e
quinze ,
e
> plus
Les 1 , 3 & 4º , égalent la 2 º , plus
quarante- neuf.
с
Les 2 , 3 & 4° , égalent la 1 , plus
vingt -cinq.
35. Logogrife de quaire lettres .
Deux fois la racine quarrée du dou-
1
2. vol .
ble E v
1398 MERCURE DE FRANCE.
ble de la 1 , égale la 2de moins la de
la 1
Le quarré de la 2de...plus fa racine égalent
quatre fois le produit de la 3 par
3º
la 4 , moins quatre fois la 4 .
Trois fois la racine quarrée de la 3e
moins quatre , plus quatre égale trois
fois la 4. moins deux .
La fomme des 3 & 4° égale la 1 .
36. Logogrife de deux lettres .
Les quarrez des deux lettres, moins leurs
racines égalent 450 .
La fomme des deux lettres , plus le produit
de l'une par l'autre , égalent 27 1.
37.Logogrife de deux lettres.
e
Deux fois la racine de la 1 ° , plus un ›
égale cinq fois la racine de la 2 de,
moins deux.
La racine du produit de l'une par l'autre ,
égale le quarré de la 2de moins
la 1 .
e
38. Logogrife de fepilettres.
La 1 ° eft arithm . à la 3 ° , comme la 7 ° l'eft
à la 6 .
Le tiers du quarré de la 2 ° , égale deux
fois la 3 , plus la 4º .
2. vol.
La
JUIN. 1399
1728.
La 3 , plus la 4 , égalent la 1 , plus le
de la 7° .
La racine cube de la 4° égale le de la
je.
e
Le quarré de las égale la 2º .
La rac. qu . de la 6 ° , plus deux ; plus la
se égale la racine quarrée de la fomme
des trois moyennes , ajoûté au de
la 2 .
و ا
La de la 1 , plus la racine quarrée de la
derniere , égalent le de la 6 ° , ajoûté
à la racine quarrée , de la fomme
· des 3 & 4° .
39. Logogrife de trois lettres .
La de trois fois la 1 , eft un quarré, dont
2
la racine égale
La 2 plus un , eft
:
de la 2 .
un autre quarré , dont
la racine égale de la ; * .
e
·
La 3 plus un , eft auffi un quarré, dont
la racine égale le } de la 2º . 13
40. Logogrife de deux lettres .
La fomme des deux quarrez égale celle
de $ 77.
La fomme des deux cubes , divifée par
celle des deux racines , égale celle de
553 .
La re eft la plus petite.
2.vol.
E vj Nous
1400 MERCURE DE FRANCE .
Nous avons aufli reçu une lettre de
Paris , du 14 Juin , fur les premiers 25 .
Logogrifes arithmetiques. On y trouvera
des réfléxions judicieuſes , dignes
d'un bon efprit & d'un vrai Géometre.
Le Lecteur en va juger.
Nous avons encore reçu une Lettre
fans datte , avec l'explication des vingtcinq
Logogrifes arithmetiques en vers ,
& même rime , comme
Adam eft le uniéme.
Avril eft le deuxième .
Lamec eft le troifiéme , &c .
L'Auteur au quinziéme a mis le mot de
Foy au lieu du mot Roy.
Nous aurions bien fouhaité pouvoir
donner les deux Logogrifes qu'il nous a
envoyez , mais nous nous femmes fait
une loy de ne donner que ceux dont les
Auteurs auront l'attention de nous donner
le mot ou le nom , afin que fans
être obligez de les refoudre , nous
puiffions les examiner & juger de leurs
idées , avant que d'en faire part au public .
Notre crainte & notre précaution font
d'autant mieux fondées , que l'Aureur à
la fin de fa Lettre fans datte, dit lui-même.
>
Sans vanitý les rimes font affez riches
pour quelqu'un qui n'a jamais fait de
vers , & qui n'eſt pas obligé d'avoir plus
2. νοί.
d'efprit
JUIN. 1401 1728 .
d'efprit que fon nom ne le porte par fa fignature
Logogrifique.
LETTRE écrite de Paris le 14 .
Juin 1728 .
MESSIEURS ,
Les mots des 25. Logogryphes Arithmétiques
propofés dans le Mercure du
mois de May dernier font ,
1. 3.
Adam , Avril , Lamec , Chanvre
5. 6. 7.
la Roque , Logogryphe , Quenoüille
10. II. 12 .
Paris , Mercure , la Cire , la Cire , Claire ,
13. 14. 15.
16.
Redingote , Courage , Roy , Mercure
17. 18. 19. 20. 27.
la Cire , Dumas , Louis , Phylis , May
22. 24. 25.
Rieux , Golon , Gozon , St.
>
Je doute que beaucoup de gens fe foient
amufés à déchiffrer cette nouvelle forte
d'Enigme. La voye la plus sûre pour y
parvenir , eft fans doute celle de l'Analyfe
; mais fouvent elle mene par un chemin
long & pénible , comme lorfqu'elle
fait rencontrer une équation du 5 ou 6e
2 vol.
degré
1402 MERCURE DE FRANCE .
degré dont dépend la réfolution du Problême.
En ce cas , l'objet n'eft pas affez
important pour dédommager un Algebrifte
verfé dans le calcul du tems qu'il
employeroit à chercher la folution . Îl ſe
contente d'avoir apperçû la route qu'il
faut fuivre , il est sûr de fon fait , & ne
va pas plus avant .
La voye du tâtonnement , toute incertaine
qu'elle eft en general , ne laiffe pas
de fe trouver la plus courte dans certains
cas , où il arrive qu'en méditant avec attention
fur les conditions du Logogryphe
Arithmétique , on en trouve la folution ;
mais lorsque le Problême eft un peu plus
compofé , on a une fi grande quantité de
fuppofitions à faire ,qu'à moins qu'un heureux
hazard ne faffe rencontrer d'abord
quelqu'un des nombres inconnus , ce
prétendu amufement devient un vrai
caffe-tête , & ne peut manquer de rebuter.
Je ne vois donc que deux fortes de gens
qui puiffent penfer qu'il eft de leur honneur
de déchiffrer les nouveaux Logogryphes
. Les premiers feront quelques
Arithméticiens , non Algebriftes , qui fe
picquent de réfoudre les Problêmes d'Arithmétique
fans le fecours de l'Algebre ,
ceux ci ne pouvant y parvenir qu'en tâtonnant
, ne peuvent manquer de tomber
2 vol.
dans
JUIN. 1728. 1403
dans les inconveniens que nous venons
de décrire , à moins que le hazard ne leur
foit affez favorable dans les premieres fuppofitions
qu'ils feront obligez de faire
pour leur en épargner un grand nombre .
Il est vrai que plus ils auront de connoiffance
des raports des nombres , plus il
leur fera aifé de ſe renfermer dans certaines
limites ; mais ils ne pourront jamais
éviter de faire le plus fouvent quantité
d'effais inutiles .
Les feconds qui pourront s'attacher à
deviner les Logogryphes Arithmétiques ,
feront quelques Algebriftes encore novices
qui voudront faire effai de leurs forces
, & qui regarderont ces fortes de Problêmes
comme propres à les exercer &
à les rompre au calcul pour fe mettre en
état d'en faire ufage plus utilement dans
les Problêmes de Géometrie & de Phyfique.
Mais les uns & les autres trouveront
dans leur projet des difficultés très- propres
à les rebater , fi l'Auteur des nouveaux
Logogryphes , ( M. Dumas , Logog.
18. ) en cas qu'il continue d'en donner,
ne juge pas à propos de réformer quelques
expreffions équivoques qui ſe rencontrent
fréquemment dans les 25. Logogryphes
du Mercure de May ; par
exemple , lorfqu'on lit dans la premiere
2.vol.
con1404
MERCURE DE FRANCE .
7
condition du 24 Logog . pag. 966 , le
quart du quarré de la feconde , plus un ;
cette expreffion a trois fens differents , &
peut s'entendre également dans tous les
trois . On ne fçait s'il faut faire le quarré
du nombre répondant à la feconde lettre ,
en prendre le quart & y ajouter l'unité ;
ou s'il faut faire le quarré du nombre fecond
, y ajouter un & prendre le quart du
total ; ou enfin , s'il faut faire le quarré
de la fomme du nombre fecond ajouté à
l'unité , & prendre le quart de ce quarré .
Et c'eſt le dernier fens qui fe trouve être
le veritable après la folution du Problême
, quoique ce foit celui qui fe préfente
le dernier . D'ailleurs la premiere partie
de la propofition qui eft relative à ces
derniers mots , a auffi un double fens ; &
chacun des deux , dont elle eft fufceptible ,
pouvant s'appliquer aux trois fens de la
derniere partie de la propofition ; il s'enfuit
que la propofition entiere le quarré
de la 1 plus un égale le du quarré de la
2º plus un , peut s'entendre de fix façons
differentes qui s'exprimeroient chacune
differemment en caracteres Algebriques .
Enforte que fi on appelle x le nombre
répondant à la premiere lettre, & y le nombre
répondant à la feconde , on ne fçaura
laquelle des fix équations fuivantes exprime
la propofition précedente , in fensi
ab authore intento.
JUIN. 1728. 1405
4
x+1 ×x+ 1 = yy +I
4
x + 1 × x + = + XXI = WI
4 4
Voilà donc fix calculs à tenter , & ce
n'eft que le dernier qui peut donner la
folution .
J'ai choisi cet exemple parmi un grand
nombre de propofitions équivoques qui
ſe rencontrent & qui arrêtent à chaque
pas. Quelquefois même il arrive que la
même expreffion eft employée par l'Auteur
en deux fens differents dans la même
propofition. Comme dans la premiere
condition du Logogryphe 22 la Racine
quarrée de la premiere moins deux eft égale
à la Racine quarrée de la feconde plus un.
On voit après la folution que par la Racine
quarrée de la premiere moins deux
l'Auteur a entendu V82 en mettant
2 fous le figne radical , & que par la
Racine quarrée de la 2 ° plus un il n'a pas
entendu √ en mettant fous le
figne , ce qui donneroit V 10 qui eft incommenfurable
, mais V g + 1 ou 3 + I
4. Avant que le Problême fut réfolu
il a fallu deviner quel étoit le vrai fens
de la premiere partie de la propofition ,
2. vol.
&
1406 MERCURE DE FRANCE .
& enfuite qu'il falloit entendre la feconde
d'une maniere differente de la premiere
.
Pour ôter ces fortes d'équivoques , il
faut ou prendre une affez longue périphrafe
, comme nous avons fait , pour indiquer
les trois fens differents de la même
expreffion ; ou fe fervir des caracteres
Algébriques qui ne font pas entendus de
tout le monde. En forte que les nouveaux
Logogryphes ne feroient plus à portée
que d'un affez petit nombre de Lecteurs.
Il y a encore un autré inconvenient dont
il eft affez difficile de fe garentir. Ce font
les fautes d'impreffion qui en pareille matiere
font fouvent d'une très-grande conféquence
Je n'en ai remarqué qu'une qui
foit importante ; c'eft dans le 24 ° Logogryphe
à la 3 condition . Il faut lire le
quarré de la 4 au lieu du quart de la 4°
Il y en a quelques autres aufquelles il eft
ailé de fuppléer . 10° Logogryphe , se
condition. La cinquième plus fix , égale
d'une fois la re , lifez égale deux fois la
1re. Logog. 20. 4° condition , le quarré
de la feconde de moins deux , lifez le
quarré de la feconde , moins deux . C'est
peut-être peu de choſe qu'une faute d'impreffion
en 25. Logogryphes de cette efpece
, mais c'en eft encore plus qu'il n'en
faut pour faire perdre patience au Calcu
e с
2. vol.
lateur
JUIN.
1407
1728 .
lateur qui ne fçait pas qu'elle y eft , &
qui lorfqu'il la foupçonne , peut la chercher
long-tems où elle n'eft pas. Je
fuis , & c .
XXXXX:XXXX :XXXXXX
NOUVELLES LITTERAIRES
B
DES BEAUX ARTS , & c.
IBLIOTHEQUE ANGLOISE , &c.
Tome II. premiere & feconde partie
. Tome IV. premiere & feconde partie
1718. & Tome V. premiere & feconde
partie , 1719 .
RECUEIL DE LETTRES PHILOSOPHIQUES
, écrites par feu M. Rey &
d'autres perfonnes avec qui il entretenoit
correfpondance , tant en Angleterre que
dans les Pays Etrangers. On y a joint
celles de M. François Willoughby. Ce
Recueil contient plufieurs découvertes
curieufes dans l'Hiftoire des Quadrupedes
, des Oyleaux , des Poiffons , des Infectes
, des Plantes , des Foffiles , des Fontaines
, &c. publié par Guillaume Derham
, Chapelain du Prince de Galles , &
Membre de la Societé Royale. A Londres
, chez les Freres Illys , 1718. in 8 ° .
2. vol.
de
1408 MERCURE DE FRANCE.
de 376. pages , fans la Préface & la Table.
Ouvrage Anglois.
Dans la 17. Lettre , M. Lhwyd , raconte
de quelle maniere les Chauve - Souris
fe logent dans les Cavernes du Pays
de Galles pendant l'hyver . Elles choififfent
les lieux les plus fecs , elles s'accrochent
à la voute avec leurs ongles , &
fe couvrent de leurs aîles ; & étant fufpendues
perpendiculairement , fans fe
toucher les unes les autres , elles dorment
pendant quelques mois.
Dans une autre Lettre , M. Sloane fait
fçavoir à M. Rey , qu'après plusieurs
combats publics entre un Tigre & trois
Dogues on donna à cet animal une volaille
en vie , il la mangea après l'avoir
plumée fort adroitement.
Au mois de Novembre 1699. M. Sloa
ne écrit à M. Rey qu'il avoit vû l'homme
fort de la Province de Kent ; cet homme ,
dit il , a levé 2000. livres pefant , a rom .
pu une corde capable de foutenir un poids
d'environ 3000. livres ; & un cheval de
charette extrêmement fort n'a pû lui faire
quitter le lieu où il étoit. Il n'y a rien
dans l'exterieur de cet homme qui marque
une force extraordinaire .
RELATION de la Religion , du gouvernement,
des Sciences , de l'Economie ,
2 vol.
& c .
JUIN. 1728.
1409
&c. des Malabares communiqué par les
Miffionnaires Danois, à leurs correfpondans
en Europe . Traduite de l'Allemand
en Anglois. A Londres , 1717. in - 8 °. de
68. pages fans la Préface.
On voit fur la Côte de Coromandel
de fort grands Elephans qui viennent de
l'ifle Ceylan & d'autre pays. On y voit
auffi des Cerfs auffi petits que des Levreaux
, avec leurs bois ; ils ne deviennent
jamais plus grands .
Il n'y a ni bois ni foreft fur cette Côte ,
& par conféquent elle ne produit pas
beaucoup d'animaux fauvages . Les Etats
du grand Mogol font remplis de forêts ,
où l'on voit un grand nombre d'animaux
rares. La Côte de Coromandel , produit
des Perroquets , de beaux Paons , des
Oyfeaux de Paradis , & c .
L'Auteur de cet Ouvrage , M. Ziegen.
balgh , dit , qu'il ne fe fouvient pas d'avoir
vu dans ce pays là un feul arbre ni
un feul fruit qui reffemble à ceux de
l'Europe. Les meilleurs fruits font les
figues qu'on appelle Ananas , les Mangos
, les Coawes , le Coco , &c . Les arbres
font revêtus de feuilles & de fleurs pendant
toute l'année ; & l'on fait deux recoltes
tous les ans . En 1709. que l'Auteur
écrivit cette Relation , il y eut une
grande difette de fruits , faute de pluye
2. vol.
dans
14 10 MERCURE DE FRANCE.
dans la faifon qu'elle tombe ordinairement.
Outre le Thé , on a plufieurs autres
liqueurs. L'Areck eft une espece d'Eau de
vie , & le Fincsk, une espece de petit
Vin. Le fuc de Coco eft affez commun ;
c'eft une eau fort rafraîchiffante qui ne
manque jamais d'étancher la foif.
La Bierre de Brunſwick qu'on y tranfporte
, eft d'un fort grand uſage . Si on
en met une cueillerée dans un verre de
Bierre fucrée & bouillie , cela lui donne
une grande fraîcheur , & la rend auffi
bonne que fi elle avoit été nouvellement
braffée en Europe ; c'eft la liqueur la plus
commune à Tranquebas . La côte de
Coromandel ne produit point de vin .
On ne voit point de Mandians parmi
les Malabars , à l'exception des Itaquiens
qui ont abandonné leurs biens , leurs femmes
& leurs enfans , pour être en état
de mieux fervir leurs Dieux . On leur
donne du ris par tout où ils vont.
Ce
Il y a plufieurs perfonnes riches &
confiderables parmi les Malabars , mais
ils font generalement pauvres.
peuple ne le céde point à aucune Nation
de l'Europe , en adreffe , par rapport
aux Mêtiers & aux Arts .
On ne voit point de neige fur la côte
de Coromandel , & les Malabars n'en
2. vol.
ont
JUIN. 1728. 1411
ont aucune idée . L'Arc - en - Ciel y paroit
fouvent : le peuple s'imagine que
lorfqu'il tonne , un Roi du monde fupérieur
fait la guerre à fes voiſins , & que
l'Arc - en -Ciel eft l'Arc dont il fe fert
pour décocher des flêches.
Les Malabars écrivent auffi vite que nous
fur des feuilles de palmier avec un ftile de
fer. Les caracteres font noirs & les feüilles
jaunâtres . Ils ont des écoles dans les
Villes , les Bourgs , &c. On n'y envoye
jamais les filles , à l'exception de celles
que l'on deftine au fervice des Idoles ,
& que l'on appelle les Servantes de Dieu.
Elles s'appliquent à acquerir la connoiffance
de la langue des Brachmanes qui
eft la langue Scavante des Malabars.
QUATRIE ME Extrait du 30 °. volu.
me des Mémoires Philofophiques de la
Societé Royale , &c. On y voit la troifiéme
Lettre écrite à M. HALLEY , Secretaire
de la Societé Royale , par M.
HENRI BARHAM , &c . où il rend comp
te d'un Meteore qu'il a vû dans la Jamaïque
, & qui s'enfonça dans la terre ,
M. Barham vit un Globe de feu , c'étoit
au matin , qui paroiffoit avoir la groffeur
d'une bombe , & qui tomba avec une
grande rapidité. Il trouva à l'endroit où
ce Globe de feu étoit tombé dans la rer-
2. vol.
re
1412 MERCURE DE FRANCE.
re , un trou de la groffeur de la tête d'un
homme , & cinq ou fix autres trous aux
environs de celui - là , de la groffeur du
poing. Ces trous & fur tout celui du milieu
étoient fi profonds qu'on n'en pou
voit trouver le fond avec de longs batons.
L'herbe qui croiffoit près de ces
trous étoit entierement brûlée , & l'on
fentit dans ce lieu - là une odeur de foû
fre pendant long tems.
Suite du même Extrait des Mémoires
Philofophiques. IV. Lettre écrite par M.
Guillaume Beckett , Chirurgien , à M.
Jacques Douglaff, Docteur en Medecine,
& c . On entreprend d'y prouver que le
Mal Venerien étoit connu long - tems
avant la découverte des Indes Occiden
tales . Des Médecins diftinguez ont eu
la même penſée & particulierement Charles
Patin , qui nous a donné une Differ
tation pour prouver l'antiquité de cette
maladie .
#
MEMOIRE ET AVANTURE d'un
homme de qualité qui s'eft retiré du mon
de. A Paris , au Palais , chez Theodore
le Gras , & rue Saint Jacques , chez la
veuve Delaulne , & Gabriel Martin ,
1728. 2. vol . in 12. de plus de 500.
pages , prix 3. 1. 10. f.
2. vol.
L
JUIN. 1728.
>
1415
Le même Theodore
le Gras débite
un vol. in- 8°. de 2. liv . 10. f. C'eſt le
Supplement
au nouveau
& parfait Notaire
contenant
de nouveaux
modeles de
Contrats & Actes , dreffe für le ftile des
plus habiles Notaires , & dans les termes
les plus ufitez. Recueillis
par F. B. Dev...
ancien Maître - Clerc de Notaire , à Paris
, 1728. in-8 °.
RETRAITES SPIRITUELLES , propres
à tous les états , par feu le R. P.
Sanadon , de la Compagnie de Jefus . A
Paris , rue S. Jacques , chez Gregoire Dupuis
, 1728. in 12 .
LA VRAYE ET FAUSSE RELIGION ,
par forme d'entretien entre un Religieux
& un Proteftant , qui doutant de fa
Religion , médite fon retour à l'Eglife Romaine
, par le R. P. Charles - Pierre de
S. Benoît, ancien Profeffeur enTheologie ,
Prieur & Affilié au grand Convent &
College Royal des Carmes. A Paris , rue
S. Jasques , chez Henry , in- 12 .
> LE LIVRE DES ENFANS ou Idées
generales & Définitions des chofes dont
les Enfans doivent être inftruits ; nouvelle
Edition , revûë, corrigée & augmen
tée. A Paris , Quay des Auguftins , &
2. vol.
The
F
1464 MERCURE DE FRANCE.
ru: S. Jacquesy chez Ofmont & Єlou-
Zier, 1.7.28 .
A
HISTOIRE de très- noble & chevalureux
Prince Gerard , Comte, de Ne
vers , & de Rhetel , & de la très- ver
tueule & fage Princef Euriant de Savoye
, la mye. િ Ouvrage enrichi de No
tes critiques & hiftoriques. A Paris ,
Quay des Auguftins , chez Ravenel, 1728 .
REFLEXIONS fur le premier & deuxiéme
Tome des Commentaires de Polybe ,
fait par M. Follard ; & fur fon livre de
la nouvelle Découverte , avec des Ré-
Alexions militaires & hiftoriques. A Paris
, rue S. Jacques , ch. Eftienne Ga
neau, 1728. broch. in- 12 .
$
12
HISTOIRE ROMAINE depuis la
fondation de Rome jufqu'à la tranſlation
de l'Empire par Conftantia. Traduit de
P'Anglois de Laurent Echard. A Paris,
rue S. Jacques , chez Martin & Guerin ,
& Quay des Auguftins , chez la veuve
Couftelier , & Jacques Guerin , 1728 .
6. vol. in -12 .
NOUVEAU SISTEME DE PHILOSO
PHIE , établi fur la nature des choſes
caufées par elles -mêmes , mis en paral-
2.vel. lele
JUIN. 1728. 1415
1.
lele avec l'opinion des anciens Philofophes
, fur les premiers principes de la
Nature , & fur lesquels on n'a rien trouvé
de fixe & de certain juſqu'à préſent.
Auquel on a joint un Traité de la Nature
de l'Ame , & de l'Existence de Dieu ,
prouvés l'un & l'autre par une chaîne
fuivie d'argumens capables de convaincre
les plus incrédules & les plus opiniâtres
. A Paris , Quay des Auguftins , chez-
Nicolas Le Breton , fils , 1728. 2. vol.
in 12. de près de 800. pages . prix 4.1.
relié.
Pour donner de cet Ouvrage l'idée
qu'on en doit avoir , il n'y a qu'à rapporter
les termes de M. Moreau de Mautour
, qui en eft le Cenfeur. Je n'y ai
rien trouvé , dit -il , qui ne fut conforme
à la Religion , à la Morale & à la Raifon.
L'Auteur auffi recommandable par
la profonde érudition , que par
le rang
diftingué qu'il tient dans la Magiftrature ,
paroît avoir établi la nouveauté de fon
Siftême fur des principes & des raiſonnemens
folides , & c .
>
EXPERIENCES DE PHYSIQUE
par M. Pierre Poliniere , Docteur en Medecine
. Troifiéme édition , revûë , corri
gée & augmentée par l'Auteur. A Paris,
rue de la vieille Bouclerie , grande Salle
2. val. Fij
du
1416 MERCURE DE FRANCE .
du Palais & rue S. Jacques , chez Charles
Moette, Cl. Prudhoe
&
25h
Guill. Ca
9
velier , 1728. in 12. avec environ 350 .
fig. en Taille- douce. prix 3 liv . 1o fols ,
relić.
*
eni
, ( )
MARIETTE tuc S. Jacques, aux Co-
HD &
lomnes d'Hercule , vend le Voyage de la
Louifiane , dus P. Laval , D. L. CoD. J
fait en 17201 par ordre du Roy , volinu
4°. dans lequel font traitées diverfes matieres
de Physique , Aftronone Geo
graphie & Marine. L'Auteur y a joint des
Obfervations fur la Refraction , faitesi à
Marſeille , avec des Reflexions fur ces
Obfervations ; & divers Voyages qu'il a
faits pour la correction de la Carte de Provence
; & des Reflexions fur divers points
du Systême de M.Newton. Dans le Journal
du voyage de la Louiſiane , qui occupe
304. pages , on trouve 21 Cartes ou
Plans . On en trouve 9 à la fin du Traité
de la Refraction , qui contient 96 pages.
la Relation des voyages de Provence, qui
eft de 151 pages , & auffi accompagnées
de Cartes , & principalement de la Carte
de la Provence. Les Reflexions fur le
Systême de Newton rempliffent 191 pages,
& une Explication en forme de Dictionnaire
des termes de la Marine.
2. vol.
COMBI.
JUIN 17 1417
COMBINAISON GENERALE des
Changes des principales Places de l'Europe
,par rapport à la France. Par le
fieur DARIUS , Banquier à Paris .
CE
Et Ouvrage , dont le titre feul annonce
l'utilité , paroîtra dans le mois d'Aouft de
la prefente année 1728. Il eft divifé en trois
Volumes in quarto , dont chacun contiendra
un certain nombre de Combinaiſons.
Chaque Combinaiſon comprend trois Places
, dont les Changes font comparez & égalez
fur tous les dégrez de variation qu'ils peuvent
naturellement recevoir.
L'un des trois Changes eft placé au milieu,
& c'eſt à chacun des dégrez de ce Change que
tous les dégrez poffibles des deux autres
Changes font comparez.
Ces deux Changes forment deux colomnes,
& tous les nombres, qui fe répondent de l'une
à l'autre colomne fur la même ligne, fe trouvent
toujours en égalité avec le Change placé
au milieu ; enforte que les Changes de deux
Places étant connus , dans quelque variation
qu'on les confidere , on ne peut manquer de
découvrir dans un inftant le Change corref
pondant de la troifiéme Place.
Il n'importe lequel des trois Changes on
veuille trouver , les deux premiers connus préfenteront
neceffairement le troifiéme , parce
qu'ils font toujours en égalité.
Ainfi dans la Combinaifon qui a pour titre ,
Paris , Londres, Amfterdam, le Change de Paris
fur Londres eft celui qui occupe le milieu ,
& à chacun de fes dégrez on a comparé tous
2. vol.
Fiij les
1418 MERCURE DE FRANCE.
les dégrez des deux autres Changes , qui font
selui d'Amfterdam ſur Londres , & celui de
Paris fur Amfterdam ; le dégré du Change du
milieu n'eft pas répeté , & n'accompagne pas
lès dégrez des deux colomnes , parce qu'étant .
le même, il est toujours fuppofé , & que la ré
petition eût été inutile.
L'exemple qu'on donne de l'une des pages
du premier Volume , rendra cette difpofition
plus fenfible.
Si l'on veut fçavoir ce que produiront à
Amfterdam des Lettres fur Londres , priſes à
Paris à 33 deniers Sterling pour un Ecu de
60 fols , le Change d'Amfterdam fur Londres
étant à 3 fols de gros pour une livre Sterling
, on trouvera dans la feconde colomne un
nombre correſpondant qui indiquera que cette
négociation doit produire à Amſterdam 57
denier de gros pour un Ecu de 60 fols, & par
là on verra s'il conviendra de faire un pareil
arbitrage en comparant ce produit avec le
Change courant de Paris fur Amfterdam .
Toutes les Combinaiſons font difpofées de
la même maniere , on trouve dans chacune les
égalitez & les rapports juftes des Changes de
trois Places , à quelque prix que puiffent être
les Changes , & leur ufage eft également fimple
& facile pour toutes fortes d'arbitrages ,
foit que l'on compte de Paris ou des Païs
Etrangers .
On peut auffi trouver avec la même facilité.
le rapport d'un quatrième , cinquième, fixiéme
ou autre Change , quoique les Combinaiſons
ne foient compofées que de trois Changes : it
ne s'agit pour cela que de paffer d'une Com--
binaifon à une autre , & d'en parcourir affez
pour avoir enfin un terme connu qui ferve
2. vol.
dans
JUIN. 1728. 1419
dans la Combinaiſon où l'on doit trouver le
-Change qu'on cherche.
Il feroit inutile d'entrer dans un plus grand
détail fur l'utilité & fur la difpofition de l'Ouvrage
; les Banquiers & Négocians , foit du
Royaume , foit des Pais Etrangers , fentiront
affez qu'il leur épargrera la peine de faire des
calculs très - longs & très - penibles , qui fou
vent rebutent dans les recherches qu'on eft
obligé de faire fur les Changes , & pour lef
quels on n'a pas même toujours le temps néceffaire
fuivant les occafions.
> La Preface donnera une idée plus ample de
Pavantage & des fecours qu'on peut tirer d'un
pareil Ouvrage dans le Commerce & dans la
Banque.
2
On trouvera au commencement du premier
Volume les prix courans des Changes , & les
Monnoyes de Change de toutes les Places
contenues dans l'Ouvrage , & c.
ESSAY fur la Poële Grecque , traduit
de l'Anglois de M. Voltaire , par M...
A Paris , chez Chaubert , à l'entrée du
Quay des Augustins , près le Pont S. Mishel
, à la Renommée & à la Prudence
1728. Brochure in 12. de 170 pages ,
fans l'Avertiffement. Prix 24 fols.
En lifant un Ouvrage auffi ingenieux
que cet Effay , on ne peut s'empêcher de
fçavoit mauvais gré à M. de Voltaire de
l'avoir écrit en Anglois , & de n'avoir
pas fait à fa langue naturelle l'honneur de
220
vol
s'en1420
MERCURE DE FRANCE .
s'en fervir en cette occafion . Mais elle n'y
a rien perdu , puifque l'Ouvrage paroît
aujourd'hui traduit en François d'une
maniere tres- avantageufe , & qu'on a de
la peine à s'imaginer que cette copie ne
foit pas l'Original même de l'Auteur.
Quoiqu'il en foit , il y a bien à profiter
dans cet écrit. On y apprend à méprifer
les Regles vagues , incertaines & arbitraires
de l'Epopée , qui font dire aujour
d'hui à tant de perfonnes que la Henriade
n'eft point un Poëme Epique; comnie s'il
étoit neceffaire que tout Poëme Epique
reffemblât à PIliade ou à l'Eneide. La
plupart des
nap
Mode
Võl- *
ל כ
»
taire , ont puifé les Regles de la Poëlie
Epique dans les Livres d'oiſiefel , fui,
» vant la coûtume , ou plutôt luivant las
» foibleffe des hommes, qui prennent com-
» munément les commencemens d'un Art
»pour les principes de l'Art affez
même ;
>> peu judicieux pour le perfuader que
chaque chofe doit être réellement &
» dans fa propte nature , telle qu'elle étoit
» lorfqu'elle a été inventée. L'Auteur P
nous fait voir differentes fortes de Poes a
mes Epiques , qui tous ont leur merite P
quoiqu'ils ne foient pas tous conformes
aux Poëmes d'Homere & de Virgile, els
font la Pharfale de Lucain , l'Italle dé : s
livrée du Triffino , & les Poemes de Ca
2 vol.
moëns
JUIN.
1718. 1421
moëns , d'Alonze , d'Ercilla , du Taffe &
de Milton . On nous donne icy une idée
curieufe de tous ces Poëmes , dont la plû4
part font auffi peu connus en France qu'ils
font eftimez dans leurs pays . Ce que l'Aufeur
dit du Paradis perdu de Milton eſt
tres- agréable , & fuffit pour nous faire
connoître le grand génie de ce Poëte An- V
glois , & nous faire fouhaiter que la traduction
qu'un homme d'efprit en a faite
en François, paroiffe bien-tôt . Au refte les
louanges que M. de Voltaire donne au
Paradis perdu , ne peuvent paroître fufpectes
, puifqu'il a le courage de le cenfurer
dans les endroits mêmes que les
Anglois admirent le plus ; les Italiens
les Efpagnols , les Portugais , les Anglois
ont chez eux des Poëmes Epiques
il n'y a que les François qui n'en ont
point ; l'Auteur en apporte diverfes rai-
Tons qui font affez folides pour faire conclure
naturellement qu'un Poëme en
François , dans le genre de l'Iliade & de
l'Eneïde , ne réuffira jamais . C'eſt en vain
qu'on voudroit citer le Telemaque , qui
n'eft point un Poëme , quelque chofe
qu'on dife ; 10. parce qu'il n'eft point
écrit en vers , & qu'il feroit même infupportable
s'il étoit mefuté & rimé.
2 °. Parce que la fiction de ce Roman
Poëtique eft affez peu de chofe & ne
2
2. vol.
F v plaîc
1412 MERCURE DE FRANCE.
plait qu'autant qu'elle donne lieu à des
moralités admirables & à des portraits
hardis . C'eft fans doute pour cela que:
M. de Voltaire n'a point mis le Tel‹maque
au nombre des Poemes Epiques , &
qu'il a jugé à propos d'avouer que les
François n'en ont point ; mais il n'a garde
de dire qu'ils n'en peuvent avoir.
T
L'Ouvrage dont il s'agit , a autant de
fuccès iey qu'il en a eu à Londres, parce
qu'il n'y a perfonne qui ne foit en état
de le lire avec beaucoup de plaifir & d'u
tilité ; il feroit à fouhaiter que M.de Voltaire
eut traité à fond la matiere de l'Epopée
, mais il ne s'eft point propofé ce
but , & ceux qui prétendent que cet écrit
eft fuperficiel , font des critiques affez
peu équitables ; s'ils veulent y faire at
tention , ils verront que l'Auteur en traitant
cette matiere légerement , a dit bien
des chofes meures & folides ,
T
NOUVEAU SISTEME DU MONDE..
Le fieur Mauny , Ingenieur , qui› denna
Pannée derniere une Démonftration du
cours du Soleil autour de la terre , qui fe
fait fur une Sphere qu'il a inventée , vient
de mettre au jour le nouveau Siftême du
monde , auquel cette Sphere fert de fondement
, & dans lequel il prétend que le
2. vol.
principe
JUIN 1728. 1423
♡
>
principe de la Science pour connoître les
longitudes fur Mer, fe trouve renfermé.
Cet Ouvrage ne contient que deux feüilles
in 4. mais il eft enrichi de deux
Planches , fur l'une defquelles eft gravé.
te Siftême de Copernic , & fur l'autre le
Siſtême nouveau.
L'Auteur mer ces deux Siftêmes figurez
en parallele, & il prétend que la preu
vé de la fauffeté de l'un ', & du vrai de
'Pautre , eft évidente par la verification
des deux , fur les Tables de la connoiffance
des Temps , de l'Académie Royale
des Sciences.
Pat la verification qu'il fait du Siftê-
' me 'de Copernic , il trouve que felon ce
Siftême le paffager de notre Meridien
par le Belier le vingt - un Mars , jour de
FEquinoxe du Printemps de l'année
1727 auroit dû arriver à environ mi
Auit , au lieu que felon les Tables de la
connoiffance des Temps , le paffage de
notre Meridien apar le Belier , eft, arrivé.
ce jour-là à environ midi.
» 10Le 122. Jaim , jour du Solſtice d'Eté ,
ce paffage auroit dû arriver , felon Capernic,
à environ huit heures du matin ; au
lieu que felon la connoiffance des Temps,.
Liteft arrivé à environ fix heures du foir.
Le 14 Septembre , jour de l'Equino
'xe d'Automne , ce paffage auroit dû arri
2.vol.
ver
F vj
1424 MERCURE DE FRANCE.
ver , felon Copernic , à environ midis
au lieu que felon la connoiffance des
Temps , il eft arrivé à environ minuit.
Et le 22. Decembre , jour du Solstice
d'Hyver , ce paffage auroit dû arriver ,
felon Copernic , à environ quatre dü
res du matin , au lieu que felon la con- ì
noiffance des Temps , il eft arrivé à environ
fix heures du foir. S
Cet Auteur fait obferver plufieurs au
tres difficultez dans le Syftême de Co
pernic.
A l'égard du fien , il prétend que dans
Ia verification qu'il en fait fur les mêmes
Tables de la connoiffance des Temps , il
s'y rapporté parfaitement ce qui en doit
faire connoître le vrai : ce que cer Au
teur foûtient d'autant plus fortement ,
qu'il eft outre cela fondé fur fa Sphere
dont les mouvemens démontrent les accroiffemens
& les diminutions des jours ,
& les changemens de faifons , naturelle
ment comme ces mutations arrivent , ce
qu'il eft impoffible , dit-il , de pouvoir ,
démontrer par les Spheres 'd'aucun autre
Siftême , prétendant qu'étant tous faux ,
leurs Spheres font pareillement fauffes.
Ce nouveau Systême fe vend chez
Ballard , au haut de la ruë de S. Jean de
Beauvais.
La démonftration du cours du Soleil
2. vol.
au
3 JUIN
1728. 1428
autour de la Terre fe vend chez la
Meſie , tuë de la Vieille Bouclerie.
L'adreffe de l'Auteur eft rue Phelippeaux
, chez M. Morin , Tapiffier.
Ibparusle mois paffé chez déux differens
Libraires à Londres , en mêmetems
, deux Editions in 89 , de la Honriade
de M. de Voltaire , revûë , corrigée
& augmentée de Remarques critiiques
at smbfiye əl nəb səthiumil e
A
On imprime dans la même Ville en
Latin , deux Traitez de M. Newton , celui
qui contient fes Leçons d'Optique de
1669, & 1670. L'Eloge de M. Newton
par M. de Fontenelle , a été traduit
trois fois en Anglois , 2
Un Medecin d'auprès de Londres , a
publié des Obfervations fur les proprietez
& les effets des differentes fortes de
Bieres , ou il examine en quel cas elles
font bonnes ou nuifibles.
SACRE ERUDITIONIS Cultoribus ,
& Fautoribus S. D.Joan . Jacobus Breitingerus.
Tiguri Helvetiorum, 1x . Kal . Maij.
M. DCC . XXVIII .
C'est le titre d'un Programme Latin
que nous avons receu depuis peu , & qui
contient le projet d'une nouvelle Edition
2. vol.
de
1426 MERCURE DE FRANCE.
de la Verfion des Septante , laquelle nous
avons déja annoncée dans le Mercure de
"Mai dernier , page 991 .
La reception de ce Programme nous a
rendus plus attentifs fur un fujet , d'ail-
"Feurs fi important . On ne peut que louer
l'entreprife , & lesfoins
que ſe donne M.
Breitinger pour la bien executer ; mais
l'interêt de la verité ne nous permet pas
de diffimuler que dans le Projet qu'il préfente
il y a deux ou trois erreurs de fait ,
dont nous croyons qu'il fera lui -même
bien-aife d'être détrompé . La premiere
fe trouve dans ces expreffions . His uberrimi
fupplementi loco accedent diverfæ
Scripture variorum Codd. MM. SS . qui
maximam partem cum editis hactenus collati
non funt. Nous pouvons affurer que
ces mêmes Manufcrits ont été collationnés
il y a dix ans , par M. Weltein
le jeune , Diacre de l'Eglife de S. Leonard
, à Bafle ; & qu'on s'en eſt déja fervi
dans une Edition des Septante qui für
faite en 1945. Les deux autres méprifes
doivent moins être imputées au nouvel
Editeur qu'à M. Ifelin , cité dans le Programme
, comme un bon garant des pa
roles fuivantes. Sunt autem III. Bibliotheee
Academica Bafileenfis Codd. Membranaceis
quorum unus , & c. de quibus
vir venerandus Fac. Chriftoph. Ifelius ,
2. vol.
So
JUIN. 1728. 1429
>>
S.T. D. & Prof. ita monet. » Neque eft
» fane quod exiſtimes ab ullo antehac effe
» cum editis collatos : nam quæ pauca
» Lectiones variæ à cæleb . Monfalconio
» allegantur , puto illas ego Mabillonium,
>> vel fi quis fuit alius , certis locis curfim
>> infpectis , uri ferè fit in peregrinatione
» ab hominibus eruditis , olim adnotaffe .
1° C'eft un fait également vrai & affez
fingulier , que M. Helin , en parlant ainſi
a pris bonnement pour un manufcrit de la
Bibliotheque de Bafle en Suiffe , un manufcrit
du Monaftere de S. Bafile , à Rome
, qui eft cité dans les Hexaples , donnez
par le P. de Monfaucon . 2º. Il ſe
trompe encore en fuppofant que le P.
Mabillon à tiré du prétendu Manufcrit
de Bafle , les variantes Leçons employées
dans les Hexaples. Le P. Mabillon n'a
point fait ce travail ; quoique fort fçavant
homme d'ailleurs , il fçavoit peu de
grec , & étoit incapable de s'amufer à
extraire fuperficiellement des variantes
Leçons , dont il ne pouvoit faire aucun
ufage dans la Sphere de les études.
•
*
On apprend de la Haye , qu'on a
traduit de l'Allemand , l'hiftoire de l'Ordre
Militaire de Malte , dans les grandes
Maîtrifes de la Marche de Brandebourg
, de Saxe , de Pomeranie & de Vana
volo dalie
,
1428 MERCURE DE FRANCE .
dalie , par M. Beckmans. Elle est con
fiderablement augmentée par M. Dithmar
, Profeffeur en Hiftoire , à Francfort
fur l'Oder ; & elle fervira de fuite
à celle du même Ordre , par l'Abbé de
Vertot.
Le P. Manuel de Sa , de la Compagnie
de Jefus , nommé au Patriarchat
d'Ethiopie , & Académicien
Provincial
de l'Académie de l'Hiftoire , à Lisbonne ,
y mourut au
commencement du mois
dernier ; ainfi que le P. Michel de Sainte
Marie , Religieux de l'Ordre des Hermites
de S. Auguſtin , qui étoit auffi Membre
de cette
Académie.
EXPERIENCE faite fur la Mer , dont
on demande l'explication. Extrait de
la lettre d'un Officier de Marine , du
26. Juin , 1728 .
C
Omme on doit toûjours chercher
à s'inftruire , j'ai crû que vous ne
me refuferiez pas d'inferer dans le Mercure
une Experience qui me paroît interreffante,
& fur laquelle j'ai confulté d'habiles
gens qui n'ont pu me donner làdeffus
de raifon fatisfaifante .
Au mois d'Aouft 1724. allant à l'Ifle
de Cayenne par le Dromadaire , Vaif-
2. vol.
feau
JUIN 1728. 1429
*
W
feau du Roi , commandé par M: le Comte
Defgouttes , étant par le trayers du
fameux fleuve des Amazones , & à vingtcinq
braffes d'eau , on fit l'experience qui
fuit. On prit une bouteille de verre d'An
gleterre , qu'on remplit d'eau de la Mer ,
on la boucha bien avec un bouchon de
lege couvert de cire , & on couvrit
encore le bouchon d'une toile godronnée.
On attacha la bouteille à la fonde
, & on la laiffa l'efpace d'un quart
d'heure au fond de la Mer , après quoi
on retira la bouteille en bon état. L'eau
qui étoit auparavant falée n'étoit plus
qu'un peu faumatre : J'ai voulu faire la.
même experience dans la rade de l'Ile
de Cayenne
, mais
elle
n'a pas
rette
non
plis qu'à mon retour en France à l'atte
rage . Tous les vaiffeaux qui vont à Cayenne
ont fait la même épreuve que nous ,
& elle n'a jamais manqué . Nous avions
à bord un Jéfuite nommé le P. de Noe
qui ne pur nous donner là - deffus de
raffon plaufible.
L'empreffement du Public pour les
Eftampes de l'histoire de Dom Quichotte
dont les Tableaux font peints par M.
Ch. Coypel , Ecuyer , Peintre du Roi , &
premier Peintre de Monfeigneur le Duc
d'Orleans , fait croire qu'on lui fera plai-
2. vol.
Gix
1430 MERCURE DE FRANCE.
fir de l'avertir que l'on en diftribuë deux
nouvelles Eftampes qui font les vingtdeuxième
de cette fuite. L'une eft gravee
par le fieur Tardieu , & l'autre pår le
feur L. Surugue, qui en fait la diftribution
à l'ordinaire , & chez qui feul on eft
affuré d'avoir les Originaux ; car l'impudence
de certaines gens va jufqu'à mettre
à leurs mauvaifes copies , les noms
des Graveurs & les mêmes adreffes qui
font aux Originaux pour mieux tromper
les Amateurs : c'eft dequoi on a cru devoir
avertir le public. Ledit fieur Surugue
demeure à l'entrée de la rue des Noyers
entre les deux premieres portes Cocheres ,
vis -à-vis S. Tves , au fecond Appartement.
Il vend auffi les Comedies de Molieres
gravées fur les Deffeins deM. Ch.Coypel ,
& tout ce qui a été fait fur fes Tableaux
ou fes Deffcins ; entr'autres une grande
Eftampe achevée depuis peu , reprefen
tant l'Apotheofe d'Hercule. La magnifi .
cence de la compofition & la grace de
l'execution , femblent avoir difputé laquelle
emporteroit le prix dans ce Tableau
; il eft gravé par le fieur Surugue.
Toutes les belles Eftampes gravées fur
Tes Tableaux de M. Antoine Coypel, E.
Guyer , premier Peintre du Roi , & de
2. vol.
MonJUIN.
1728. 1431
Monfeigneur le Duc d'Orleans , Regent.
Ces Estampes font en poffeffion de l'eftime
de tous les Curieux connoiffeurs qui les
ont toûjours recherchées avec avidité
& qui les regardent comme des modeles
de la plus parfaite maniere de graver
, par l'expreffion fçavante & difficile
des caracteres differens de tous les objets
qui entrent dans la compofition des Tableaux
de ce grand Peintre ; elles font
gravées par les fieurs Audran , Simonean's
Trouvain , Poilly , Duchange , Tardien ,
& tous les plus habiles du tems dont la
réputation eft affez connue.
Les Deffeins du Cabinet du Roi , de Ra
phael , des Caraches , & de tous les grands
Peintres d'Italie . Ces Eftampes imitent
parfaitement la correction , la maniere , la
facilité & la touche des Deffeins origi
naux .
L'Oeuvre de M. Girardon , fameux
Sculpteur du Roi , avec son Portrait , &
fon beau Cabinet de Sculptures antiques
& modernes. Cette Oeuvre compofe 46.
Planches de differentes grandeurs , dans
lefquelles font comprifes celles du Tombeau
du Cardinal de Richelieu.
Les Eftampes du Roman Comique de
Scaron, dont il délivre actuellement deux
Sujets qui font , la Rancune qui coupe
le Chapeau de Ragotin , & Ragotin le
7
2. vol.
pied,
1432 MERCURE DE FRANCE .
L
pied dans le pot de Chambre. On don
nera la fuite à mesure qu'elle fe fera . On :
ne doit pas confondre cet Ouvrage avec:
un autre propofé fous le même titre .
,
Le grand Escalier des Ambaffadeurs du
Château de Verfailles en 24. Eftampes
avec une Deſcription , pour lequel le Public
a foufcrit. Le fieur Surugue prie les
Soufcripteurs qui ne font point encore
remplis , de retirer ce qui leur manque
de cet Ouvrage pendant que les Planches
font encore entre les mains.
Plufieurs Piéces de M. Vleugles , Ecuyer,
Directeur de l'Académie de Peinture à
Rome, & tout l'Oeuvre .
Plufieurs Piéces nouvelles de Watteau,
& tout l'Oeuvre complet , premieres
épreuves.
Toutes les Oeuvres de M. B. Picart
enfemble ou féparement.
.. Plufieurs Eftampes de differents Maîtres
dont il a les Planches .
de
Enfin , ledit fieur Surugue eft en état
procurer aux Curieux plufieurs Eftampes
rares , tant anciennes que modernes ,
comme :
Les Oeuvres de C. Wiffer , Graveur
Flamand , Suyderoef, & autres.
Louis XV. à cheval , peint par M. Parofel.
Les Amours de Daphnis & Cloé , de
2 vol.
M²
JUIN. 1728. 1435
M Philippus Aurelienfis , & plufieurs autres
Piéces.
On donnera inceffamment un Catalogue
détaillé de toutes les Eftampes qu'il
annonce aujourd'hui
མཉམ་
Jud
-Voici encore quelques Estampes d'après
Watteau , cet élegant & gracieux Maître
que le Public recevra , fans doute
avec le même empreffèment qu'il a reçû
toutes celles que fon heureux génie a
produites. Le Paravant que nous avons
annoncé l'année derniere , gravé par le
fieur Crepy le fils , paroît depuis peu . Ce
font fix morceaux en hauteur , dans le
goût de l'Eſcarpolente , qui parut il y a
quelque tems , d'après le même Watteau ,
gravée par le même . Ce font des Sujets
champêtres , accompagnez d'ornemens
très galants , très gracieux & variez avec
un goût admirable. L'habile Graveur eft
très heureufement entré dans l'efprit de
l'Auteur , & en a conſervé toutes les
graces & la legereté. Cette Suite ſe vend
chez Gerfaint , Marchand, fur le Pont Nôtre-
Dame , & chez Surugue , ruë des
Noyers.
On trouve chez les mêmes une nouvelle
Eftampe d'après le même Maître qui reprefente
un Concert , gravée par le fieur
a vol.
J,
1434 MERCURE DE FRANCE.
J. Moyreau, d'un ton ferme & haut en cou.
leur. On lit ces Vers au bas.
Du bel âge où les jeux rempliffent vos dé
firs ,
Connoiffés tout le prix , vive & tendre jeuneffe
.
Par des fons animés , par des chants d'allegreffe
.
•
Du Printemps de vos jours célebrés les plaifirs.
Pour nous,Cenfeurs Barbons, chargés de fains
& d'âge ,
Nous crions à grand tort contre vos paffetemps
: ६
Ah ! fi nous en pouvions rappeller les momens
>
De ces momens heureux nous ferions même
ulage.
L'Abbé de Rotelin a été élu par PAcadémie
Françoile à la place vacante par
la mort de l'Abbé Fraguier. Il y alla prendre
féance le Lundy 28 de ce mois ; il
prononça un très - beau Difcours auquel
' Abbé Gedoin répondit . Dans la même
Séance M. de la Motte récita trois Pleaumes
traduits en Vers François. L'Abbé
2. vol.
do;
JUIN 1728.
1438
Oliver termina la Séance par une lecture
qu'il fit de la vie de feu Mrs Chapelain
& Conrard , anciens Académi
ciens. Pakunat 259.
M. Hardion , Académicien Affocié dans
l'Académie Royale des Belles Lettres , a
obtenu la penfion qui a vaqué dans cette
Académie par la mort de l'Abbé Fraguier.
2
On a appris de Meffine que le 11.
Avril , vers les neuf heures du matin , on
yeayoit fenti plufieurs fecouffes d'un tremblement
de terre dont on s'eft apperçu
depuis dans toute la Sicile & dans la
Calabre , & qui a caufé beaucoup d'effroi.
$
Le fieur de Bois-Mortier , Compofiteur
de Mufique , a donné le 10. de ce mois
fon 23 Oeuvre , qui confifte en Mo-
LOLS.
Le fieur l'Erable , Facteur d'Inftruments
avent depuis plus de 20. ans , a inventé
des Baffes de Flutes Traverfieres qui font
un grand effet. Il avertit le Public que
toutes les Flutes Traverfieres & à bec 1
Haut-Bois & Baffons, marquez du nom de
Nauft , font de lui. Made Nauſt , qui
2 vol.
étoit
1436 MERCURE DE FRANCE .
étoit la Belle - mere étant morte au mois de
May dernier. Tous ces Inftrumens feront
marquez à l'avenir du nom de l'Erable.
.
On trouve chez M. Gafnier , Négociant
, ruë Quincampoix , près le Bureau
des Marchands , une inftruction curieufe
en forme de Lettre , au fujet d'un Remede
, appellé Arcane de vie incorruptible
compofé par M. de Caudole , Chimiſte ,
de Marfeille . Il fait connoître dans cet
écrit que toutes les maladies viennent de
l'eftomach ; il démontre par plufieurs experiences
qu'il a faites , qu'on doit préferer
les remedes extraits des animaux &
des végétaux , à ceux qu'on tire des Métaux
& des Mineraux ; & il donne la
compofition de fon Arcane de vie , avec
fes proprietez & la maniere de s'en fervir .
Les Approbations des Medecins de la Faculté
de Paris , qui ont employé ce Remede
avec beaucoup de fuccès , les bons
effets qu'il produit tous les jours , & le
Privilege accordé à l'Auteur par le Premier
Medecin du Roy , font croire que
l'Arcane de vie fera très- fecourable &
très-utile au Public.
Il entre dans la compoſition , les Baumes
de la Mecque , de Tolu , de Judée ,
du Perou , le vrai Bijon , la Myrrhe & le
Storax en larme. L'Auteur joint à cela
3. vol.
les
JUIN. 1728 .
1437
les Aromates huileux & céphaliques , furtout
la poudre de Vipere .
)
Les vertus de ce Remede font d'augmenter
la châleur naturelle , de ranimer
toutes les parties vitales , d'entretenir la
perſonne en fanté , de conferver l'humide
radical, de faire circuler le fang , d'en abforber
les acides, & de le rendre balzamique
il donne un bon tein & beaucoup
d'apetit reftaure & répare les forces abatuës.
1
La doze pour l'ufage ordinaire eft d'en
prendre une demie cuillerée à caffé dans
une cuillerée à bouche d'excellent vin
&c. c'est un grand ftomachique ; il fait
beaucoup de bien aux femmes fujettes aux
vapeurs hyſteriques , provoque les mois
retenus , fait revenir promptement dans
les accidens d'apopléxie , ainfi que dans
l'épileptie , les fyncopes , les convulfions ,
les létargies , & c. On donne dans ces occafions
l'Arcane de vie fans véhicule , il
eft fouverain contre les coliques venteufes
, les néphretiques , & les points de
côté . C'eſt un fébrifuge que l'Auteur met
au deffus du Quinquinat , furtout pour
les fiévres intermittentes . C'eſt encore un
puiffant réfolutif ; il guérit & réfour en
très -peu de tems toutes fortes de contufions,
& diffout le fang extravafé & coagulé
, & c .
2. vol.
Les G
1438 MERCURE DE FRANCE.
Les Pilules mercuriales de M. Bellofte ,
Confeiller , Premier Chirurgien de feuë
Madame Royale de Savoye , dont il a été
fait mention dans le Mercure du mois
d'Avril dernier , fe diftribuent toujours
avec un grand fuccès . On continuë à en
faire des cures admirables pour toutes les
maladies véneriennes fans la falivation ;
les écrouelles , les rhumatifmes fciatiques
, & gourtes naiffantes ; pour les opilations
, les obftructions des glandes &
des vifceres de toutes les parties du corps ,
même fchirreufes & cancereuſes ; les
galles de differente efpece , la gravelle &
difficulté d'uriner. Elles ne caufent aucune
châleur , ni alteration. Ce remede eft auffi
commode que facile à prendre , d'autant
qu'il n'oblige pas à garder la chambre ni
le lit , ni à obferver une diette rigoureufe ."
Elles ne fe gâtent jamais pourvû qu'on les
tienne dans une boëte. On avertit que
l'âge avancé de M. Bellofte le pere , l'obligeant
à rappeller fon fils , le Public n'a
plus que deux mois de tems à profiter du
féjour à Paris de M. Bellofte le fils . Il
demeure au petit Hôtel d'Aumont , ruë
de la Mortellerie. Il fournit des boëtes de
toute grandeur avec des mémoires pour
la maniere de s'en fervir.
2. vol.
SPEC
.
JUIN. 1728. 1439
L
SPECTACLES.
E Lundy 21. de ce mois , les Comédiens
François donnerent la premiere
repréſentation de la Comédie nouvelle
du faux Sçavant , en trois Actes , en Profe
, avec un Prologue. Cette Piéce a été
jouée quatre fois : nous en pourrons parler
plus au long , & dire quelque chofe
du mérite de cet Ouvrage , & des défauts
que le Public y a remarqués.
Le 30. M. le Lieutenant General de Police
fit l'ouverture de la Foire S. Laurent
avec les cérémonies accoûtumées ;
le même jour le nouvel Opera Comique
fit l'ouverture de fon Théatre par
une Piéce nouvelle , en trois Actes , ornée
de chants & de danfes , intitulée , Achmet
& AlmanZine , qui fut reçûë très favorablement
du Public . On en parlera plus
au long dans le prochain Journal.
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Lyon
le 24. Juin 1728 , fur une nouvelle
Tragédie.
E 23. du mois de May dernier , on
au ville
une nouvelle Tragédie du R. P. Folard , 2. vol.
Gij
Je1440
MERCURE DE FRANCE.
Jefuite , intitulée THE MISTOCLE. Le
fuccès de cette Piéce fut fort au - deffus de
ce qu'on a vû jufqu'à préfent dans ce
College. Les principaux Perfonnages ne
jouerent point en Ecoliers , mais en Ac
teurs dignes du public éclairé ; une magnifique
décoration qui reprefentoit le
Palais de Xerxès , donnoit un grand éclat
au Spectacle ; on peut dire que la Piéce
meritoit tout cet appareil. Elle me parut
écrite avec beaucoup de force & d'élegance.
Les fentimens en font nobles &
extrêmement vifs , & s'il y a quelque chofe
à dire, c'eſt qu'il y en a, ce ſemble , un
peu trop. Le dénouement , qui eft tiré de
Diodore de Sicile , eft peut - être le Spectacle
le plus frappant & le plus nouveau
qu'on puiffe mettre fur la Scene. La conduite
de la Piéce forme une fufpenfion
très- intereffante , & qui va toujours en
augmentant. M rs de l'Hôtel de Ville de
Lyon ont donné après la reprefentation ,
des marques honorables & très genereufes
de leur fatisfaction à l'Auteur , & ils
l'ont prié avec M rs de l'Académie des
Sciences de cette Ville , dont il eſt un des
Membres , de faire imprimer fa Piéce .
HYPERMENESTRE , EXTRAIT .
Le 1. de ce mois l'Académie Royale de
Mufique remit au Théatre la Tragédie
2. vol.
d'HyJUIN.
1728. 1441
d'Hypermnestre. Le Poëme eft de feu
M. de la Font , Auteur de plufieurs autres
Piéces de Théatre qu'il a données tant à
P'Opera qu'à la Comédie Françoiſe , &
la Mufique eft de M. Gervais , Maître de
Mufique de la Chapelle du Roi . Cette
Piéce avoit été reprefentée pour la premiere
fois le 5. Novembre 1716. On fut
obligé de l'interrompre après la treiziéme
repréſentation , pour y faire un cinquiéme
Acte , attendu que celui qui avoit
d'abord été donné n'étoit pas goûté. Le
nouveau cinquiéme Acte fut plus heureux ;
la Piéce fut repriſe dans le mois d'Avril
de l'année fuivante , & fut jouée affez
long tems . Ce cinquiéme Acte parut raifonnable
, & tel qu'il pouvoit être , conformément
au premier plan dans lequel
l'action principale fe trouve confommée à
la fin du quatriéme Acte , comme on le
verra dans l'Extrait (uivant.
Prologue.
Il n'y a prefque point d'action dans le
Prologue. La Scene eft en Egypte ; on y
célebre l'Apotheofe d'Ifis ; on prie eette
Déeffe d'être toujours favorable aux Peuples
qu'elle protege ; le Nil promet aux
Egyptiens de rendre leurs campagnes fertiles
par le fecours de fes eaux ; Ifis vient
2. vol.
G iij
auffi
1442 MERCURE DE FRANCE .
auffi affûrer les Egyptiens de fa protection
; elle part des rivages du Nil , en
chantant ces Vers qui lient le Prologue à
la Tragédie .
Pour affûrer votre bonheur extrême ,
Hypermneftre m'engage à partir de ces lieux ;
Je veux qu'un doux Hymen l'uniffe à ce qu'elle
aime ;
Il eft ordonné par les Dieux ,
Et je vais l'achever moi- même.
Sujet hiftorique de la Pièce.
Egyptus & Danaus étoient fils de Belus ;
le premier étoit pere de cinquante fils
& l'autre comptoit autant de filles ; Egyptus
propofa à Danaus de ne faire qu'une
même famille en mariant fes cinquante
filles avec fes cinquante fils ; Danaus s'oppofa
à cet Hymen , parce qu'un Oracle
lui avoit annoncé qu'il mourroit de la main
d'un des fils de fon frere ; mais s'y trouvant
forcé par Egyptus , beaucoup plus
puiffant que lui , il ordonna à fes filles de
poignarder leurs maris la premiere nuit
de leurs nôces ; la feule Hypermnestre refufa
d'obéir à des ordres fi cruels ; elle
épargna Lyncée , lequel accomplit l'Oracle
en donnant la mort à Danaus , meurtrier
de fes freres. On ne parle point du
2. vol.
fup.
JUIN. 1728. 1443
fupplice des Danaïdes , autrement appellées
Belides ; il n'en eft point queftion dans
la Tragédie , dont voici le plan .
ACTE I.
Danaus ayant été chaffé d'Egypte par
fon frere Egyptus , vint s'emparer du
Thrône d'Argos , dont Gelanor étoit legitime
poffeffeur ; il lui ravit en même tems
& l'Empire & la vie . Les Manes de ce
Roi opprimé ne ceffant de l'effrayer dans
des fonges , il lui fit rendre des honneurs
funébres , dont Gelanor fut fi irrité , qu'il
fortit de fon Tombeau & prononça cct
Oracle :
Ne croi pas expier ta facrilege audace ,
De tes regrets forcez n'attends que le tré-
Pas:
Un des fils d'Egyptus doit regner en tø
place i 4
Tu péris , fi pour toi ton fang ne s'arme
pas.
Cet Oracle jette l'effroi dans le coeur
de Danaus ; cependant , quoiqu'il foit
très- pofitif dans les trois premiers Vers ,
il paroît conditionel dans le quatriéme ;
cette lueur d'efperance engage Danaus à
former le projet qu'il exprime dans la derniere
Scene de cet Acte.
2. vol.
Quel
G iiij
1444 MERCURE DE FRANCE.
Quel oracle fatal ! quelle horreur ! je friffone.
Un des fils d'Egyptus doit ravir ma Couronne
!
Ciel , montre moi la main qu'armera ton courroux
!
Un des fils d'Egyptus ! obſcurité fatale !
Votre vengeance eft fans égale ;
Ombre inhumaine, expliquez - vous .
Ah ! fur Lyncée & fur fes Freres ,
Du fort qui me pourfuit , faiſons tomber les
coups .
Quoi ! du crime d'un feul les punirai je tous?
Que j'éprouve à la fois de mouvements contraires
!
...a.. 00:
Ombre inhumaine , expliquez- vous ;
Quel eft le criminel ? nommez-moi ma victime
;
Vous me cachez l'Auteur du projet le plus
noir ?
Eh bien ; c'eſt à mon fang à faire fon devoir :
Grands Dieux , je vous charge du crime :
Il feroit à fouhaiter que tous les Vers
de la Piéce fuffent auffi beaux que ceux
qu'on vient de citer .
2. vol .
A.CJUIN
1728. 1445
ACTE II.
Le Vaiffeau de Lyncée ayant été écarté
par l'orage , tous fes freres font arrivez
fans lui dans le Port d'Argos; le foin que les
Dieux fembloient avoir pris de fes jours ,
en l'empêchant d'arriver dans un lieu où
la mort lui eſt deſtinée , perfuade à Danaus
que c'est lui que ces Dieux ont reſervé
à lui ravir l'Empire & la vie ; il en
témoigne fon regret à Hypermneſtre ſa
fille , qui n'attribuë fa douleur qu'à la
tendreffe qu'il a pour elle , parce qu'il
fçait qu'elle aime Lyncée , qu'elle a vû
autrefois dans fa Cour , & qu'il lui a deftiné
pour époux. Dans cette agitation il
quitte fa fille qui fe plaint aux Dieux de
la perte de fon Amant. Sa trifteffe eft
bien-tôt calmée par l'approche des Vaiffeaux
de Lyncée . Les habitans d'Argos &
une troupe de Matelots , viennent le réjouir
avec elle de l'arrivée de Lyncée ;
après la Fête , Lyncée arrive ; la Scene
qu'il a avec Hypermneftre cft tendre de
part & d'autre , mais il n'y a rien que d'ordinaire
dans les fentimens & dans les expreffions.
Ils fe retirent tous deux pour
rendre auprès du Roi.
fe
2. vol. Gy AC1446
MERCURE DE FRANCE,
ACTE III.
Tout le monde convient que c'eft ici
l'Acte le plus intereffant de la Piéce : Danaus
, Lyncée & Hypermneftre le commencent.
Le Théatre reprefente le Temple
d'Ifis , où tout eft preparé pour l'Hymen
de ces deux Amans ; leurs freres &
leurs foeurs ont déja été unis Danaus
rend raifon de cette diftinction par des
Vers qu'il adreffe à Lyncée.
91518
•
404
De vos freres déja j'ai rempli tous les voeux ;
Seul héritier de cet Empire ,.
Prince , je vous devois un Hymen plus pompeux
by two
La céremonie de ce dernier Hymen ſe
fait avec beaucoup de folemnité ; Lyncée
& Hypermneftre fe jurent une foi éternelle
fur l'Autel ; on doit fçavoir gré à
l'Auteur d'avoir introduit dans le Temple
les peuples d'Argos , & furtout des Bergers
, par ces Vers :
Aux habitans d'Argos , aux Bergers d'alen.
tour ,
Prêtres , ouvrez le Temple où régne la Déeffe ;
&
Il eft tems de répondre au zele qui le preffe ,
2. vol.
Qu'ils
JUIN. 1728. 1447
Qu'ils viennent à nos yeux célebrer ce grand
jour ;
La Fête auroit été trop grave fans ce
fecours qui l'a renduë très riante ; une
fédition excitée par les vengeurs de Gelanor
, oblige le Roi à les aller combattre
; mais Lyncée l'ayant prié de lui laiffer
l'honneur de les réduire il y confent
& refte avec la fille pour faire une Scene
des plus frappantes : nos Lecteurs ne ,fefâchez
de la trouver ici toute enront
pas
tiere :
Danaus.
Princeffe , vous voyez le noeud qui vous engage
:
Tout vous lie à l'Epoux dont pour vous j'ai
fait choix ;
Mais vainement l'Amour vous impofe des
loix :
Le fang , ma fille , exige davantage.
Hypermnestre.
Je vous dois tout , Seigneur , ma tendreffe, ma
foy ;
Danans.
Que ce refpect m'eft cher ! ma fille , écoutezmoy
.
La fu reur des Mutins n'eft pas encore éteinte ;
2 vol.
G vj Mais
1448 MERCURE DE FRANCE .
Mais c'eft peu qu'à mes loix ils ne foient pas
foûmis :
Le Ciel me porte une plus rude atteinte ,
Il arme contre moy de plus grands ennemis ;
J'ai tout à redouter d'un projet fanguinaire.
Hypermnestre.
Des Enfans d'Ægyptus l'invincible fecours
Répond , Seigneur , du falut de vos jours.
Danaus .
Non ; c'eſt à vous de fauver votre pere ;
Vous feule vous pouvez m'arracher au trépas;
Votre vertu m'eſt neceffaire
Elle doit armer votre bras.
Hypermneftre.
Mon bras ! parlez ; que dois - je faire ?
Quel ennemi faut - il vous immoler ?
Danaus.
Ma Fille , fon nom feul peut vous faire trembler.
qxH
Hypermnestrem mot
Ne me foupçonnez point d'une indigne foibleffe
;
Si l'augufte ferment que j'ai fait en ce jour
Ne peut calmer le trouble qui vous preffe,
9
2. val.
Que
JUIN. 1449
1728. T
Que cet Autel garant de ma tendreſſe
m & up u
Le foit pour vous de mon amour.
T900
Ho
Elle pofe la main fur l'Autel.
Hymen facré , c'eſt toy ſeul que j'attefte ;
A mon fidele Amant je viens d'unir ma
foy ;
Puiffes-tu dans ce jour me devenir funefte,
Si je ne venge pas & mon Pere & mon
Roy.
r9g à Danaüs.
Periffe l'ennemi qui caufe nos allarmes :
Vendons-lui cher vos terreurs & mes
larmes.
Danaus prefentant un Poignard
à Hypermnestre.
Hé bien ; de ce Poignard armez donc votre
main :
Du plus affreux péril ma tête eft menacée
;
< -3119111 20-
Hypermneftre.
Nommez , nommez l'Auteur d'un complot
inhumain.
Danaus.
Vous devez m'immoler...
2 vol.
Hyperm
1450 MERCURE DE FRANCE.
Hypermnestre.
Et qui , Seigneur ?
Danaus .
Lyncée.
។
Hypermnestre.
Lyncée ! ô Ciel ! que dites -vous ?
Les Dieux ordonneroient ce fanglant facrifice
!
A peine de vos mains je reçois un Epoux ,
Et de la mienne, hélas ! vous voulez qu'il périffe
.
Danaus ordonne à Hypermneftre d'aller
remplir le ferment qui la lie , mais com -
me il n'a pas trop lieu de compter fur
fon obéiffance , il fait connoître qu'il a
tout prévû , & qu'on doit pendant la nuit
affieger de toutes parts l'appartement de
Lyncée , & le faire périr.
ACTE I V.
Cet Acte ne plaît guere moins que le
précedent ; mais le Muficien y eft au deffus
du Poëte. Une troupe de jeunes garçons
& de jeunes filles, conduits par Arcas,
viennent chanter une Epithalame dans
les Jardins du Palais de Danaus , fous les
14
2. vol. Fenêtres
JUIN. 1728. 1451
Fenêtres de l'appartement des nouveaux
mariez ; on y danfe' une Paffacaille , qui
paffe pour un chef- d'oeuvre . Hypermneftre
ne peut foûtenir plus long temps des
Concerts fi perfides ; les Ordonnateurs de
certe trompeufe fête fe retirent avec ceux
qui l'exécutent : Hypermneftre paroît tenant
un Poignard à la main encore incertaine
de ce qu'elle doit faire. Lyncée
arrive. Ce Poignard fatal frappe les yeuxs ,
il demande à fon Epoule pour quel fujet
elle en eft armée : elle veut le plonger
dans fon fein. Lyncée retient le coup &
lui arrache le Poignard ; il continue à lui
demander d'où peut naître un defefpoir
fi funefte ; elle ne peut répondre que ces
mots :
Un Oracle... Un Poignard...
Le Tonnere gronde , les cris des mourans
annoncent la fanglante Tragedie qui
fe pafle derriere le Theatre. Hypermneftre
rompt enfin ce long filence par ce
vers :
Je fremis, fauvez -vous : on immole vos freres.
Lyncée la quitte pour aller au fecours
de les Freres.
ACTE V.
Le Lecteur juge bien par ce qui a pré-
2. vol.
cedé,
1452 MERCURE DE FRANCE .
cedé , que l'action principale eft confommée
; il ne reste à voir que la mort dele
Danaus annoncée par l'Oracle ; mais cette
Catastrophe , outre qu'elle n'a rien des
frappant , ne fournit que la matiere d'une de
Scene. Celui qui fut chargé de faire ces
Actes par le confentement du premier
Auteur , ne pouvoit donc que le rendre
raifonnable , & plus fupportable que celui
dont on avoit jugé la fuppreffion neceffaire
.
Lyncée , l'épée à la main , cherche Da
naüs pour lui donner la mort , il commen
ce par ces vers , qu'il adreffe aux Dieux.
Redoutables vengeurs des crimes de la
Terre
Du foin de les punir n'eftes - vous plus
jaloux ?
Qu'ay-je vû le cruel ! s'il échappe au
tonnere ,
Qu'il n'échappe pas à mes coups .
Hypermnestre arrive toute éplorée , &
n'oublie rien pour le détourner d'une fi
jufte vengeance : elle l'en conjure au nom
de fon amour par ces deux Vers :
Eh ! quel Dieu lui fera propice ,
Si l'Amour ne le fauve pas ?
Lyncée eft inexorable , mais voyant
qu'Hypermnestre, au defefpoir,va fe livrer
L
2. vol.
à
JUIN. 1728. 1453
à la fureur de fon Pere ; le péril inévitable
d'une époufe fi tendre & fi vertueufe
le défarme ; til lui promet de refpecter
les jours de fon Pere , pourvû qu'elle fe
détermine à le fuivre : elle y confent ;
Lyncée fort pour lui aller ouvrir les chemins
de la fuite par le fecours de fes Egyp
tiens. Danaus vient un moment après ,
il a appris que Lyncée s'eft fauvé. Il
ordonne à fes Argiens de courir après
lui ; il fait de fanglans reproches à fa fille,
il la menace de la mort ; elle a beau lui
› répondre avec autant de fermeté que de
tendreffe :
Les Dieux ont rempli mon attente ,
Seigneur , vos jours font confervez ,
Je tremblois pour vous , vous vivez :
La mort n'a rien qui m'épouvente.
Danaus lui dit , en parlant de Lyncée :
Quoy , lorfque tu trahis & ton Pere &
ton Roy ,
Tu crois qu'à fes fermens il fera plus fdele
!
Tu viens de lui laiffer , cruelle ,
Un exemple à manquer de foy .
Hypermneftre s'excufe par ces vers :
Dans l'état où j'étois , Seigneur , qu'ayje
dû faire ?
2. vol.
Quel
1454 MERCURE DE FRANCE.
Quel crime ay - je commis ? foûmiſe à
deux fermens ,
Pouvois -je de mon coeur regler les mouvemens
?
Si le devoir excitoit ma colere ,
Le devoir fufpendoit mes coups :
Pour être fidelle à mon Pere ,
Devois- je trahir mon Epoux.
L'argument eft affez concluant ; mais la
raifon ne fuffit pas , fur tout dans un Acte
précedé de deux autres où l'action eft
toute des plus vives : Un bruit de guerre
annonce à Danaus l'approche de fon ennemi
, il fort pour l'aller combattre. Lyncée
ne tarde pas à revenir victorieux. Il
ordonne en arrivant qu'on fauve Danaüs,
mais c'en eſt déja fait : l'Oracle eft rempli
, & la Piece finit par ce teftament de
mort : c'eft Danaus qui parle d'abord à
Hyperinneftre , & après à Lyncée .
Danaus.
Non n'accufe que toy de mon funefte
fort ,
J'expire par tes coups , n'en doute point,
perfide ,
Tu deviens en un jour parjure & parricide
.
2 vol.
C'eft
JUIN 1455 1728 .
C'eft toy qui me donnes la mort .
Ton Epoux moins cruel , épargnoit fa
victime ,
Mais qui peut échapper au fort qui le
pourfuit ?
Sans l'aveu de fon coeur fa main a fait le
crime ,
Elle a porté le coup & les Dieux l'ont
conduit.
Lyncée.
Dieux inhumains !
Danaus.
Eft-ce à toy de t'en plaindre
Ces Dieux , cruels pour moi , t'accablent
de faveurs ,
De mes jours malheureux le flambeau va
- s'éteindre :
L'Oracle eft accompli , tu regnes , & je
meurs.
Voilà quelle eft la Tragedie d'Hypermneftre
, telle qu'elle vient d'être remife
au Théatre , au gré du public; il ne nous
refte plus qu'à faire part à nos Lecteurs
des jugemens qu'on a portez fur cet Opera.
On l'a trouvé affez bien écrit ; mais
beaucoup plus fort d'action que d'expreffion.
M. Deftouches , nouveau Di- 2. vol.
recteur
1456 MERCURE DE FRANCE .
recteur de l'Académie Royale de Mufique
, n'a rien omis de ce qui pouvoit
contribuer à le faire réüffir : la diftribution
des Rôles a été telle qu'on la fouhaitoit
les Acteurs , tant chantans que
danfans , s'y font diftinguez : la Dlle Antier
n'y a pas fait regreter la Dlle Journer
dans le Rôle d'Hypermneftre.
:
Le Ballet qui eft de la compofition du
fieur Blondy , eft des mieux deffinez &
des mieux caracterifez . Les Diles Camargo
& Salé y brillent également , chacune
dans fon genre. Ces deux admirables
Danfeufes executent un pas de trois avec
la Dlle Perit , dans le Prologue . La Dile
Menet danſe plufieurs Entrées dans le premier
Acte . La Dile Camargo danfe dans
le fecond un air de Tambourin , qui fait
l'étonnement & l'admiration de tout le
monde. Il eft fuivi d'un pas de deux des
fieurs Laval & Maltaire:Dans le troifiéme
la Dite Sallé danfe avec le fieur Dumoulin,
ainfi que dans la Paffacaille du 4° Acte
avec autant de fineffe & de grace que de
nobleffe & de légereté.
9
La Mufique eft generalement eftimée
& paffe pour une des meilleures parmi
les modernes . L'Auteur du Poëme eft
trouvé en beaucoup d'endroits audeffus
de lui- même, fur tout dans fon troifiéme
Acte le plan de fa Piece eft auffi bien
2. vol. fuivi
JUIN.
1457
1728 .
fuivi qu'il le puiffe être dans un fujer ,
que le feul refpect qu'on a pour les anciens
peut rendre fupportable ; fes fêtes.
font parfaitement bien amenées & font
partie de l'action ; la plus belle fituation de
fa Piece n'a pas laiffé que d'être cenfurée ;
on a trouvé peu vrai- femblable que Danaus
, fçachant que fa fille aime Lyncée,
pût fe flatter qu'elle lui donneroit la
mort : on a cru que pour éviter cet inconvenient
, il auroit fallu qu'il ignorât cet
amour réciproque & que les feuls fpectateurs
en fuffent inftruits ; le double ferment
d'Hypermneftre fur le même Autel,
& coup fur coup , n'en auroit pas produit
un effet moins vif. Mais quand on
lui pafferoit, difent les Critiques , ce mande
vrai - ſemblance , il ne faudroit pas que
qu'il fit dire à Danaüs :
Mais vainement l'amour vous impoſe des loix,
Le fang , ma Fille , exige davantage.
-
Il fuffiroit , difent ils , qu'il s'expliquât
ainfi : Mais fi l'amour vous impofe
des loix , &c. Ce terme , vainement ;
doit jetter Hypermneſtre dans la défiance,
& l'empêcher de faire un ferment dont
fon Pere a befoin ; on trouve encore que
Danaüs devroit lui cacher que fes foeurs
vont lui immoler fes victimes ; l'amour
2. vol.
d'Hys
1458 MERCURE DE FRANCE .
'Hypermneftre pour Lyncée , pouvoit
bien s'étendre jufqu'aux malheureux Freres
de ce Prince ; & par là le complot
barbare du Roy auroit été révélé , & auroit
manqué ; on pourroit répondre , pour
la deffenfe de l'Auteur, que Danaüs efperoit
animer Hypermnestre par l'exemple
de fes foeurs ; mais elles ne font qu'Epou-.
fes, au lieu qu'elle eft Epoule & Amante.
Voilà les Critiques qui font venuës à notre
connoiffance ; mais ces obfervations ,
quoique tres - judicieufes , n'empêchent
pas que cette Piece ne foit remplie d'une
infinité de beautez qui demandent grace
pour le peu de deffauts qu'on y trouve.
Le 28. Juin , les Comediens Italiens
donnerent la premiere repréſentation d'une
petite Piece nouvelle d'un Acte , qui
a pour titre la Bonne Femme . C'est une
Parodie de l'Opera d'Hypermnestre . Cette
Piece qui eft de la compofition des fieurs
Dominique & Romagnefi , a été très - bien
reçûë du Public . Il y a plufieurs traits de
critique très-fenfez , répandus dans l'Ouvrage.
On en donnera l'Extrait dans le
prochain Mercure .
Les mêmes Comediens préparent une
Comedie d'un Acte , Françoife , intitulée ,
Alequin Arbitre.
L'Académie Royale de Mufique repete
2. vol.
actuel
JUIN 1728 . 1459
actuellement un nouvel Opera qui a pour
titre , la Princeffe d'Elide , Ballet Héroïque
, en trois Actes , avec un Prologue .
Il fera donné le 20. de Juillet . On en
donnera l'Extrait dans le prochain Mercure.
NOUVELLES DU TEMPS.
TURQUIE.
L s'eft tenu un Divan à Conftantinople au
Iconenteneur du anois
quel on réfolut de ne fournir aucun fecours
au Sultan Acheraf, dont le parti diminue de
jour en jour , depuis l'arrivée du Prince Thamas
fur les Frontieres de Perfe , & l'on croit
que le Grand Seigneur n'entreprendra rien
contre les Mofcovites , quoiqu'il en ait été
fortement follicité par le Corps des Janiflaires.
Dans les premiers jours du mois de May
le Brigadier General Romanshoff , Minittre
Plenipotentiaire du Czar , obtint du Grand-
Vizir , l'audience qu'il follicitoit inutilement
depuis plus de fix mois. Il pria ce premier Miniftre
de donner fes ordres par rapport au Reglement
des limites des Provinces conquifes
par le feu Czar , du côté de la Mer Cafpienne;
le Grand- Vizir l'affura que l'Aga qui devoit
partir pour ſe rendre auprès du Sultan Acheraf,
en qualité d'Envoyé Extraordinaire, feroit
chargé de l'engager à nommer des Commiffaires
de fa part pour travailler à ce Reglement
avec ceux du G. S. & de S. M. Gz.
2. vol.
La
1460 MERCURE DE FRANCE.
La maladie contagieufe fait beaucoup de
ravage à Conftantinople , & l'on croit que la
plupart des Miniftres Etrangers prendront la
réfolution de fe retirer à la Campagne pendant
quelque temps.
On apprend de Chio que cette maladie s'étoit
communiquée à toutes les Illes de l'Archipel,
qu'il y étoit mort un Patriarche des Grecs ,
un Evêque Catholique , douze, Prêtres , le
Gardien d'un Convent des Capucins & un
Agent de Commerce de la Nation Françoiſe .
Les dernieres nouvelles fur les nouveaux
troubles de Perfe , portent que le Prince Thamas
ayant voulu pénetrer dans le Royaume ,
à la tête d'un Corps de Troupes Auxiliaires ,
il avoit été furpris & arrêté par le Prince de
Candahar , fous prétexte qu'ayant été longtemps
en correfpondance avec lui , & l'ayant
même fait proclamer à la place du Roy dépoffedé
, il avoit voulu lui faire couper la
tête , pour fe rendre maître de ſa Principauté.
TRADUCTION de la Lettre de Muley
Aly , fils de Muley - Abdemelec , Roy
regnant de Maroc , écrite au R. P.
Beguin , Commandeur de l'Ordre de
la Mercy , Député General de la Rédemption
des Captifs , & aux autres
Religieux François , fes Compagnons.
ALUT. Nous vous félicitons de votre heu-
Sreuse arrivée en notre Pays ; ayant été
informez que vous êtes prefentement en notre
Ville de Salé , où vous devez refter paisiblement
en toute confiance en Dieu , juſqu'à- ce que
notre Seigneur & Pere le Roy des Maures , 2. vol.
vienne
JUIN. 1728 . 1461
vous trouvienne
ici , efperant qu'il y arrivera bien- tôt.
Alors vous pourrez vous rendre auprès de nous
pour le faluer ; vous aurez de lui une audiance
favorable , & nous vous affurons que vous obtiendrez
toutes vos demandes &que
verez auprès de ce Prince plus de faveur que
vous n'en pourriez trouver auprès de tout autre.
J'ai mandé à notre Serviteur Mehemet Belcady
, & à notre Efclava Abdela , qu'ils ayent
foin de vous , pour qu'il ne vous manque aucune
chofe , & qu'il ne vous arrive aucun mal ;
ainfi attendez en patience & ne vous inquietez
point . Je vous fouhaite la paix. Ecrite le
26. de la Lune de Chaban , l'an de l'Hegire de
notre Prophete 1140. Signé ALY , Serviteur de
Dieu , fils du Roy des Maures.
TRADUCTION de la Lettre du Chef
des Eunuques , Benmargean .
PAR LA GRACE DE DIEU. Cette
Lettre eft pour tous les Religieux François
de la Rédemption des Captifs . La benediction
de Dieu foit fur ceux qui croyent en notre
Prophete. Ce qui s'offre à vous dire , eft de
vous féliciterfur votre heureuſe arrivée en ce
Pays. Jay appris vous y
que
êtes venus pour
voir notre Maître vous acquitter de la Commiffion
dont vous êtes chargez de la part de
l'Empereur de France , votre Maître. Soyez
perfuadez que vous ferez très - bien reçûs de
notre Roy. Pour ce qui eft du sujet de votre
Voyage , croyez par avance que ce Prince ne
fera en tout que votre volonté ; demeurez cependant
tranquilles à Saléjufqu'à ce que notre
Maitre foit arrivé ici , & dès que Dieu l'aura
amené , nous vousferons part de fes ordres pour 2 vol.
H Vous
1462 MERCURE DE FRANCE.
vous rendre ici avec les prefens dont vous êtes
chargés. Vous pouvez demander tout ce que vous
fouhaiterez ; vous devez croire que vous ferez
entierement fatisfaits , que toutes vos de
mandes vous feront accordées ; je vous fuis
caution de tout ce que je vous promets : fi c'est
pour traiter du rachapt de vos freres captifs s
c'eft fur ma tête que je vous promets un bon
fuccès. Nous trouvons dans nos Traditions que
tous les Efclaves Chrétiens détenus dans ce
Pays , doivent étre mis en liberté ſous le regne
de ce Roy , parce que , graces à Dieu , c'est un
Princeé quitable, qui ne connoit que la verité,
qui n'a qu'une parole , fur laquelle la bene-.
diction de Dieu eft répandue. Ecrite à Miquenez
le 27. de la Lune de Chaban de l'année 1140 .
Nous vous envoyons le Secretaire & le fidele
Serviteur de notre Maître , nous vous le recommandons
: &n'oubliez pas de preſenter quelque
chofe au Fils du Roy.
EXTRAIT d'une Lettre du R. P.
Béguin , du 27. Avril 1728 .
N fignant cette Lettre , le fieur Pillet a
Eenvoyé chercher tous les Marchands Frangois
, pour leur remettre une Lettre que le Roy
leur écrit de Thedla, à trois journées de Mique
nez, & qu'il a envoyée par un de fes Alcaides,
accompagné de vingt hommes , pour leur dire
de venir à Miquenez avec nous , qu'il ne fera
que leur volonté & la vôtre. Il leur dit de ne
rien donner à cet Alcaïde , ayant ordonné à
Pillet de le fatisfaire avec fon monde. Les Marchands
étant enfuite venus ici , nous ont fait
voir la Lettre où eft le Sceau du Roy , enforte
qu'il paroit qu'il n'y a plus lieu de douter que 2 vol.
се
JUIN.
1728 . 1465
ée Prince n'arrive . Nous expedierons demain
matin un Courier pour Miquenez , pour fçavoir
fi ce n'eft point là une feinte , avec priere
au Pere Gardien des Récolets , de parler à l'Eunuque
Benmargean , de lui dire que nous ne
partirons point fans fon ordre, & que nous l'entendons
, furtout que Pillet qui veut venir avec
nous ne fe mêle de rien . Par le retour du Courier
, qui fera dans trois jours , nous fçaurons
fi le Roi eft à Miquenez , en attendant nous ale
lons nous tenir prêts , &c.
2
Les Lettres de Sainte -Croix en Barbarie ,
portent que Muley-Hamet s'étoit mis en campagne
pour combattre Muley- Abdemelech fon
frere , qui fut proclamé Roy à Miquenez il y
a quelques mois ; qu'il avoit écrit aux Habitans
de Maroc & de Salé , pour les engager
dans fon parti , les affurant qu'il alloit rétablir
la Paix & le Commerce , & qu'il les mettroit
en état de faire des armemens en Mer beaucoup
plus avantageux que fous le regne du Roy
fon pere.Ces Lettres ajoûtent qu'on doute que
ce Prince puiffe réüffir dans fes entrepriſes .
parce qu'il attaque un frere qui eft generalement
aimé de tous les Peuples.
On n'a pas reçû par les dernieres Lettres de
Tunis, la confirmation des premiers avis qu'on
avoit eu de la réduction des Rebelles à l'obéïffance
du Bey ; on mande au contraire que fon
Neveu s'étoit retranché fur la Montagne d'Allod
; qu'il y avoit fait venir une grande quantité
de vivres & de munitions de guerre , &
qu'il ne s'étoit encore rien paffé de confidérable
entre les deux Camps . Ce qui a donné lieu
aux faux bruits qui s'étoient répandus fi fouvent
, c'eft que les Peuples des Frontieres
d'Alger , qui s'étoient foulevez à caufe de la 2 vol.
Hij
1464 MERCURE DE FRANCE.
mauvaife adminiſtration du Bey , font rentrez
dans leur devoir , & qu'à cette occafion on a
fait revenir plufieurs Habitans de Tunis qu'on
avoit chaflez de la Ville , parce qu'ils étoient
d'intelligence avec ces derniers .
RUSSIE
E Czar eft revenu à Mofcou de fa Maifon
de Plaifance , où il avoit été paffer quelques
jours avec les Princeffes fes Soeurs &
Tante.
On travaille toûjours avec beaucoup de diligence
à l'inftruction du procès du Prince
Menzikoff Le bruit court que le Czar a ordonné
qu'on lui fit fubir la peine du Knout , *
pour lui faire avouer plufieurs malverfations
fur lefquelles on n'a pû trouver aucune preu
ve complette dans l'examen de fes papiers . La
plupart des Particuliers qu'on avoit arrêtez à
Mofcou pour avoir eu part à la Lettre écrite à
S.M Cz. en faveur de ce Miniftre , font éxilez
en Siberie. On croit que ceux qu'on retient
encore dans les prifons , font réfervez à de plus
grandes peines.
On équipoit au commmencement de ce mois
deux Frégates de 48. pieces de Canon chacune
, pour aller à Kiel prendre le Corps de la
Ducheffe d'Holftein & le porter à Petersbourg ,
avec tous les Domeftiques Mofcovites de cette
Princeffe.
La Relation que le Prince Dolhorucki , Maréchal
des armées du Czar , a envoyé de Backu ,
* La peine du Knout confifte à recevoir de
grands coups fur le dos , d'une bande de cuir ,
enmanchée à un long baton. Le Patient eft
porté nud fur le dos d'un homme. 2. vol.
fur
JUIN. 1728. 1465
5
fur le dernier combat qui s'eft donné fur les
Frontieres de Perfe,eft datée du 18. Janvier dernier
, vieux ftile . Elle porte qu'au mois de Decembre
dernier, le Sultan Acheraf, qui eft prefentement
maître d'Ifpaham & de plufieurs
Provinces , avoit envoyé le Cham Sandal ,
Commandant en Chef, accompagné de plufieurs
Sultans avec 400. Aghuanis & Guazilbars
, dans la Province de Chylan , pour y
faire une invafion ; qu'à leur arrivée le Géneral
Svachoff , qui commande les Troupes
Mofcovites dans cette Province , avoit envoyé
un Détachement d'Infanterie à leur rencontre,
fous le commandement du Major Urloff , avec
120 Dragons , so. Cofaques & 150 hommes
du Pays , tant Armeniens que Georgiens ; ce
qui faifoit en tout à 605 hommes. Ils trouverent
les Perfans le 20 Décembre entre Roudoucel
& Thémijeanes , en ordre de bataille
dans un lieu très avantageux , n'ayant laiffé
aux Mofcovites qu'un paffage fort étroit &
marécageux. Auffi-tôt que ce Détachement
commença à s'approcher des ennemis , armés
de pied en cap, il attaqua l'avant-garde Mofcovite
, le Sabre à la main , fuivant leur coûtu❤
me & avec beaucoup de violence , & il la
ferra de fi près qu'il penfa la faire plier ,
mais elle fut promtement fecourue par fon
Infanterie , qui ayant arrêté la Cavalerie Perfanne
par une décharge génerale , la mit en
fuite , la pourfuivit vivement, la bayonnette au
bout du fufil, & la déroute fut telle, qu'elle fut
obligée de tourner bride & de paffer fur le ventre
à fa propre Infanterie pour fe fauver. Dans
le moment la Cavalerie Mofcovite s'étant avancée
, chargea les ennemis fi vigoureuſement ,
qu'ils furent forcez d'abandonner le champ de
bataille . Il reſta ſur la place 600. hommes da
2. τοί. H iij côté
1466 MERCURE DE FRANCE.
côté des Perfans , fur lefquels on fit auffi
beaucoup de Prifonniers. On leur prit dix Etendarts
, 150 chevaux , 110. fufils , trois paires
de timballes , cinq trompettes , 200 tentes &
une grande quantité d'armes & de bagages.
Du côté des Mofcovites , il n'y eût de tués
qu'un Sergent , trois Fantaffins , un Dragon
un Armenien , & vingt- huit bleffés . A lanouvelle
de cette action , les habitans du Pays qui
font naturellement ennemis des Perfans , allerent
les pourfuivre dans les villages & dans
les bois , d'où ils en amenerent plufieurs au
Camp des Mofcovites , qui leur firent préfent
des armes , chevaux & bagages dont ils
les avoient dépouillés .
On a appris des Prifonniers faits dans ce
Combat , que le Kam Mehemet Gedaff avoit
été tué d'un coup de fabre fur la tête ; que le
Kam Seint y avoit reçu dans la poitrine un
coup de feu , malgré lequel il s'étoit fauvé à
cheval , & que le refte des Perfans s'étoit retiré
en confufion dans la Ville de Kasbin , ou
le Kam Sandal , leur Chef,bleffé à mort dans le
combat , avoit été tranfporté fur un brancard.
Malgré cette action , il y a toûjours une
correfpondance mutuelle entre le Lieutenant
General Levachoff , & le Gouverneur de
Kasbin , qui a déclaré depuis à ce Lieutenant
General de la part du Sultan Acheraff , que
c'étoit fans aucun ordre de fon Maître que
le Kam Sandal avoit commis cet acte d'hoftilité
contre les Mofcovites , & qu'il le prioit
de fa part de l'oublier , & de vivre dorénavant
avec lui en bonne intelligence.
Le Prince Dolhorucki , mande auffi de Backu
, par les lettres du 25. Mars qu'il a apris
de Ghilan par celles du Lieutenant Levachoff ,
que le parti d'Acheraf s'affoibliffoit tous les
jours,
JUIN. 1728. 1467
jours , & que plufieurs Troupes fe joignoient
au frere du deffunt ufurpateur Miri- Mamouth
qui s'étoit avancé jufqu'à Schiras , pour lui
difputer fes conquêtes ; que fur ces avis ,
Acheraf avoit envoyé ordre au Gouveneur
de Kasbin de le venir trouver à Ipaham avec
le Kam- Gedan ; qu'ils s'étoient mis en marche
pour s'y rendre avec 600 hommes qu'ils
avoient raffemblés ; mais qu'à peine étoient
ils arrivés à Kachines , qu'ils avoient été entierement
défaits par les Chatzalts , le Kam ,
Gedan tué & le Gouverneur de Kasbin fait
prifonnier que ce n'avoit été qu'à la follicitation
de fes amis qu'on lui avoit permis de
continuer fa route vers Ifpaham , & que prefque
tous les habitans du Pays s'étoient revoltez
contre les Aguanis.
Les mêmes lettres ajoutent que le Kam-
Houffain , fils de Tachmacip , étoit à Mechad ,
avec une partie de fes Troupes , d'où il avoit
envoyé depuis peu un Exprès au General
Levachoff, pour renouveller la bonne intelligence
avec les Mofcovites.
Le Brigadier General Romanshoff écrit de
Conftantinople , que le Grand -Vizir lui avoit
déclaré dans une Audience particuliere que le
Grand Seigneur fouhaitoit de voir rétablir
la bonne intelligence entre les Moscovites &
les Perfans que S. H. avoit confeillé au Sultan
Acherafd'abandonner fes prétentions fur
Derbent , & de ne plus infifter fur la démolition
du Fort d'Andreof ; que ne doutant pas
que ce Prince n'eût tous les égards imaginables
pour la recommandation du Grand- Seigneur
, il lui confeilloit de fe rendre inceffa mment
à Tiflis pour travailler au reglement des
limites avec les Commiffaires de S. H. & avec
ceux du Sultan Acheraf. Surquoi il a été ré-
Hiiij folu
1468 MERCURE DE FRANCE
folu d'envoyer des pleins pouvoirs au General
Romanshoff , pour traiter avec les Perfans.
On frappe dans l'Hôtel des Monnoyes pour
20000 Roubles de Médailles d'or & d'argent ,
à l'occafion du Couronnement du Czar , & on
doit les envoyer à fes Miniftres dans les Cours
Etrangeres & aux Gouverneurs de fes Places.
Les quatre Vaiffeaux de guerre de 40. pieces
de Canon qu'on a conftruits à Peterf
bourg , pour le compte du Roi d'Eſpagne
s'empreffent de mettre à la voile pour Cadiz ,
avec une grande quantité de canons de fer &
de boulets des fonderies d'Olonitz.
POLOGNE.
Es avis des Frontieres portent que la maladie
contagieufe faifoit de grands ravages
fur les limites , entre la Turquie & la
Pologne, que quelques Villages du Territoire
de la République en étoient infectés , &
que les habitans de la campagne étoient prêts
d'abandonner leurs demeures pour ſe retirer
dans les bois .
On apprend auffi des frontieres que le Kan
des Tartares ayant été joint par un corps de
Troupes du Grand Seigneur , s'étoit mis en
marche pour aller combattre le Sultan Deli ,
qui eft dans la Crimée avec une armée trèsnombreufe
, compofée de Calmuques & de
Cofaques.
On écrit de la Valachie , que le Prince Mauro
Cordato s'étoit reconcilié avec l'ancienneMaifon
deCantacuzen; que pour établir une parfaite
union entre les deux Maifons, il avoit marié
fon fils aîné avec la Princeffe , fille du frere
du Prince Etienne , Hofpodar de Walachie ,
qu'il
JUIN. 1728. 1469
qu'il avoit donné des emplois confiderables
au frere de cette Princeffe , & qu'il avoit dépeché
un Courier à Vienne pour faire part de
cette reconciliation , & de cette alliance au
Prince de Valachie , qui font fous la protection
de l'Empereur depuis la diſgrace de leur Pere.
ALLEMAGNE.
E differend de la Ville de Worms avec le
Clergé Catholique , fut jugé le 31. du mois
dernier , au Confeil Aulique. Il a été défendu
aux Magiftrats de s'oppofer aux Procef
fions du S. Sacrement.
On a fcellé depuis peu à Vienne les Lettres
Patentes de l'Empereur , qui permet aux Vaiffeaux
de Pavillon étranger , d'entrer dans les
Ports des Royaumes de Naples & de Sicile
fans payer aucuns droits.
On apprend de Vienne , que le départ de
la Cour pour Gratz eft fixé au 17. de ce mois ..
La fuite de L. M. I. fera de 980. perfonnes..
Le Duc de Meckelbourg a envoyé de Dantzic:
dans fon Duché , des Mandemens très- rigoureux
pour défendre à fes Sujets de fe foûmettre
à la nouvelle adminiftration qu'on doit y
établir , conformement au dernier Decret du
Confeil Aulique.
On apprend de Vienne , que l'Empereur a
fait dire à M. Schroder , Miniftre du Duc de
Meckelbourg , de ne plus paroître à la Cour,
& d'écrire à ce Prince qu'on ne recevroit:
plus au Confeil Aulique aucune Declaration
de fa part , à moins qu'il ne voulût y comparoître
en perfonnes.
On apprend de Berlin , que le 26. du mois
dernier , le Roi de Pologne arriva â Potsdama
vers les huit heures du matin, S. M. y fut re-
24 volo.
Hy
1470 MERCURE DE FRANCE:
çûë à la porte du Château par le Roi de Pruffe ,
qui lui préfenta les Generaux , & les autres
Officiers qu'il avoit nommés pour le fervir.
Le Prince Electoral de Saxe étant arrivé une
heure après , fut reçu par le Prince Royal de
Prufle , qui le conduifit dans l'appartement
qu'on lui avoit préparé. L. M. Polonoife &
Pruffienne dînerent avec ces deux Princes à
une table de trente couverts , magnifiquement
fervie. Ce repas dura jufqu'au foir qu'on alla
faire un tour dans les jardins.
Le 27. le Roy de Pologne fe rendit à Cheval
avec le Prince Electoral fon Fils , dans une
Plaine voifine , pour voir la revûë que le Roy
de Pruffe y fit de fon Regiment , appellé des
grands Grenadiers , & compofé de trois Bataillons.
Le Pr. Royal de Pruffe y parut à la
tête du fecond Bataillon. Ce Regiment qu'on
peut regarder comme une Troupe unique,après
avoir fait l'exercice , défila devant les deux
Rois , qui retournerent enfuite au Château
où ils dînerent dans l'appartement de S.M.Pr.
Le 28. le Roy dîna dans fon appartement.
L'après midi on fe divertit à tirer aux Beccaf
fes & de l'Arbaleftre, & le foir on foupa dans
la Salle rouge.
Le 29. les deux Rois allerent à Spandau , où
L.M. furent traitées avec leur fuite , par le
General Gerfdorf, Gouverneur de cette place.
Elles arriverent à Berlin à cinq heures du
foir , au bruit d'une triple Salve de l'Artillerie
. Elles allerent peu de temps après rendre
vifite à la Reine , qui prefenta au Roy de Pologne
toute la famille Royale, après quoi S.M.
Pol. fe retira dans fon appartement , où elle
fut agréablement furpriſe de trouver un tresmagnifique
Bureau d'Ambre , que le Roy de
Pruffe y avoit fait placer, pour en faire preſent 1. vol.
JUIN. 1728. 1471
à S. M. Pol. Če Bureau eft d'un prix d'autant
plus grand que tous les Tiroirs étoient remplis
de morceaux d'Ambre tres- rare , & qu'on
eftime plus de 15000 Rifdales . Le Roy de
Pruffe foupa ce foir là avec la Reine & les
Princeffes.
Le 30. les Miniftres & les Generaux Pruffiens
allerent le matin faire leur Cour au Roy
& au Pr. Royal de Pologne . S. M & S. A. R.
allerent enfuite joindre S. M Pr. dans les appartemens
de parade , où elles s'entretinrent
pendant quelque temps. Le Roy de Pologne
ayant donné la main à la Reine , & le Prince
fon fils à la Princeffe Royale de Pruffe ; cette
illuftre compagnie fe rendit dans la Salle des
Chevaliers , où l'on dîna à une Table de 42
couverts , fervie de mets les plus délicats &
avec une fomptuofité extraordinaire ; les principaux
Seigneurs de la fuite des deux Cours
dînerent à cette Table : à chaque fanté qu'on
but, on fit une décharge de 36 pieces de Canon.
Après le repas , le Roy de Pologne reconduifit
la Reine dans fon appartement , où il y eut
Affemblée. Les Comteffes Orzelska , Bilinska
& Pocicy furent prefentées à la Reine. Le foir
L. M. allerent voir le grand Arcenal & la Fon
derie , & fe retirerent enfuite dans leurs appartemens.
Le 31. après la grande revûë qui fe fit le
matin , 14 Regimens , dont dix d'Infanterie
de deux Bataillons chacun , & quatre de Cavalerie
, défilerent devant le Château depuis
midi jufqu'à trois heures ; la beauté & l'adreffe
de ces Troupes furent admirées de tous
les Spectateurs. Enfuite on fe mit à Table &
tous les Officiers Generaux eurent l'honneur
de dîner avec L. M.
Le 1. de ce mois , le Roy de Po'ogne & le
2. vol.
Hvj
•
Pr.
1472 MERCURE DE FRANCE :
Pr. Electoral de Saxe allerent à Berlin pour y
voir ce qu'il y a de plus remarquable ; enfuite
S. M. alla dîner avec le Roy de Pruffe , chez le
Comte de Grumkaw, Miniftre d'Etat; les deux
Princes dînerent chez M. de Creutz , autre Miniftre
, & l'après midy le Roy de Pologne alla.
voir Montbijou , Maiſon de Plaifance de la
Reine , après quoi il fit une vifite à la Margrave
, Douairiere de Brandebourg. Le Prince .
Electoral de Saxe foupa ce foir- là avec la Reine
de Pruffe.
La Revue du Regiment des Gendarmes &
de ceux du Pr . Royal , du Pr. Frederic & du
General Lotum , fe rendirent au Jardin de
Schutzenhoff , dans l'un des Fauxbourgs de
Berlin , où L. M. dînerent chez le General
Natzmar. Il y eut cinq Tables dans autant de
Salons que ce General y avoit fait conftruire
& orner magnifiquement. Le Roy de Pologne
l'ayant recommandé au Roy de Pruffe , il fut
nommé Felt- Maréchal , à la place du feu Duc
d'Holftein . M. Linger , Colonel d'Infanterie ,
fut fait en même temps Major General .
Le 3. le Roy de Pologne & le Roy de Pruffe
virent l'exercice des Canoniers & Bombardiers
, après quoi ils allerent dîner chez le
General Comte de Seckendorff. Le Pr. Elec--
toral de Saxe dîna chez M. de Katfch . Le foir
S. M. Pol. alla fouper chez la Reine à Montbijou.
Le 4. les deux Rois après avoir foupé dans
l'appartement du Roy de Pruffe , fe promenerent
dans la Ville, dont les maifons des principales
rues étoient illuminées; leurs M.étoient.
accompagnées de quantité de Seigneurs & de
Dames.
Le s.le Regiment d'Infanterie du Comte de.
Denhoff , fit les exercices & paffa en revûë
2...valo
devant
JUIN. 1728. 1473
devant les deux Rois , qui firent l'honneur à ce
Comte de dîner chez lui. Le foir , il y eut
Bal au Château ; le Pr. Royal de Pologne en
fit l'ouverture avec la Reine. On y foupa à
differentes Tables , & cette fête dura jufques
bien avant dans la nuit .
4
Le 6. les deux Rois dînerent chez M. de
Creutz , Miniftre d'Etat , & le Prince Royal de
Pologne chez le Comte de Seckendorff. L'après
midi , les Ouvriers qui travaillent aux
Mines de Sel , qu'on nomme Hallorum , &
qu'on avoit fait venir de Hall , firent leurs
exercices fur la Riviere , en prefence des deux
Rois , qui en parurent tres fatisfaits. Le Pr.
Royal alla voir les Ecuries & le Cabinet de raretez.
Le foir, S.A.R. foupa chez la Margrave,
Douairiere , où il y avoit une nombreuſe affemblée
, & le General Lotum traita les Dames
Polonoifes à fouper , où les deux Rois fe
trouverent. Il y eut Bal , & c.
Le 7 , le Roy de Pruffe , accompagné de
plufieurs Miniftres & Generaux, tant Pruffiens
que Saxons , dina chez le Lieutenant General
Keppel , Miniftre des Etats Generaux des Provinces
Unies. Le Roy de Pologne qui s'étoit
trop fatigué la veille , dina feul dans fon appartement
, & le Pr . Royal fon fils alla dîner
chez M. de Cnyphaufen . Le foir L. A. R. fouperent
dans une grande & nouvelle Salle que
le Roy de Pruffe avoit fait conftruire au Châ
où il y eut Bal , qui dura jufqu'au jour.
Le 8. les deux Rois , le Prince Royal & les
Miniftres dînerent chez le Baron d'llgen.L.M.
& S. A. R. partirent enfuite pour Charlottembourg
, où la Cour fut tres- nombreuſe. On y
danfa & on "foupa à plufieurs Tables , fervies
dans la plus grande magnificence , On tira enfuite
un tres - beau Feu d'artifice qui fit tout
reau ,
2. vol.
l'effet
1474 MERCURE DE FRANCE
l'effet qu'on en pouvoit attendre , & dont tous
les Spectateurs furent frappez d'admiration
On en fait monter la dépenfe jufqu'à 50000
écus.
Le 9 toute la Cour tira au prix dans les
Jardins de cette Maifon de Plaifance. La Comteffe
d'Orzelska s'y fignala par fon adreffe , &
le Comte Maurice de Saxe remporta le premier
prix.
Le ro. les Ouvriers des Salines repeterent
leurs exercices , qui firenr encore beaucoup
de plaifir.
Le il y eut une grande Chaffe dans les
Bois des environs , où l'on tua 400 Cerfs &
38 Sangliers . Après la Chaffe , le Baron de
Herffeld ; Grand Foreftier du Roy de Pruffe ,
eut l'honneur de traitter L.M.dans une Maiſon
qu'il avoit fait dreffer au milieu de la Forêt.
Après le repas on vit une danſe de Payfans &
de Payfanes , dont les deux Rois & route la
Cour furent tres - fatisfaits .
Le 12. le Pr.Electoral de Saxe partit de grand
matin de Berlin , au bruit d'une triple Salve
d'Artillerie , pour retourner à Drefde. Le
Roy de Pologne refta ce jour- là à Charlottembourgjufqu'à
dix heures du foir qu'il partit
pour Fravenftadt. S. M. fut faluée à fon départ
par une triple décharge de 120 piéces de
Canon.
O
ITALIE.
N mande de Naples de la fin du mois
dernier , qu'on reffentoit depuis quelques
jours de frequentes fecouffes de tremblement
de terre dans la Calabre , furtout à Nicatro ,
Bourg que les habitans ont abandonné pour
fe mettre en sûreté. On mande auffi que les
chaleurs font exceffives , & qu'il regne à la
2. vol.
campagne
JUIN. 1728 . 1475
campagne une maladie Epidemique , qui faís
mourir beaucoup de Beftiaux.
Le 26. du mois paffé , les Académiciens Por
tugais qui étoient établis à Rome , allerent
prendre congé du Card. Cienfuegos . Ils doivent
partir inceffamment pour fe rendre à Civita-
Vecchia.
Le 27. le Card. Barberin alla rendre vifite au
Card. de Polignac , chargé des affaires du Roy
T.Ch. à Rome , pour lui faire part que Dom
Jule -Cefar Colonne , qui vient d'époufer Dona
Cornelie fa niéce , & qui a pris le nom de
Pr. de Paleſtrine , devoit partir inceffamment
pour aller voyager en France ; & il le pria de
lui procurer les accueils les plus favorables
pendant fon féjour dans ce Royaume.
Le bruit couroit à Rome au commencement
de ce mois que le Roy de Portugal a fait remettre
à Gênes une fomme de 400 mille écus
pour les frais du voyage & du féjour que le
Cardinal de Mota & Sylva doit faire en Italie,
avec deffenfes cependant d'approcher de cette
Capitale.
On écrit de Rome que le R. P. Joanelli , Dominicain,
Venitien premier Bibliothequaire de
la Bibliotheque Cafenata, donnée au Convent
de la Minerve, a été fait Maître du Sacré Palais
à la place du R. P. Selleri , nommé Cardinal.
Cette Dignité eft attachée à l'Ordre de S. Dominique
depuis cinq cens ans , & prefque dès
fon inftitution .
On apprend par la voye de Venife qu'il n'y
avoit aucun veftige de contagion dans l'Ile de
Corfou , que cette maladie diminuoit confiderablement
à Zante , mais qu'elle continuoit
de faire de grands ravages dans le Levant ; que
la Natolie , la Romanie , la Turquie Meridionale,
Conftantinople , Smyrne , prefque toutes 2.vol
les
1476 MERCURE DE FRANCE.
les Ifles de l'Archipel , l'Epire , l'Achaie
la Morée , étoient infectées , ainfi que les Villes
de Thebes , de Salone & plufieurs autres
des Territoires de Livadie , de Guaftugni &
de Megare. Dans cès circonftances on ne tiendra
pas la Foire de Sinigaglia , cette année.
Le Prince Emanuel de Portugal arriva de
Marſeille à Gênes vers le 15. de ce mois,fous
le nom du Comte de Brenne. Il doit aller à Lorette
, d'où l'on croit qu'il retournera à
Vienne. น
Le 29. du mois dernier , on effuya à Florence
un orage terrible vers les deux heures après
midy. Le Tonnere tomba dans l'Appartement Q
de la Princeffe Eleonore , où il brûla une Gar- Re
derobe pleine d'habits , plufieurs tentures de bo
Tapifferies & d'autres meubles .
On mande de Bologne que la groffeffe de la Br
Princefle Clementine Sobieska , y avoit été
déclarée par le Chevalier de S. George , fonto
Epoux .
&
Le 3 de ce mois
, M. de
Campredon
, En-
Ro
voyé
du Roy
T. Ch. fit fon
Entrée
publique
à
Gênes
.
Deux Corfaires d'Alger ont pris dans l'ef-
( pace de deux mois fur les côtes d'Italie 13 .
Bâtimens Napolitains & deux Venitiens , furt
lefquels ils ont fait plus de 200. Eiclaves.
On mande de Tunis que les Rebelles man- qu
quant de vivres dans les Montagnes où ils s'étoient
retirés , s'étoient rendus à difcretion , th
& que tous les parens des mutins qu'on avoit ce
chaffé de la Ville avoient eu la permiffion d'y
rentrer.
CO
ne
2. vol .
Bor
JUIN. 1477,
1728.
PORTUGAL.
Bichi , ci- devant Nonce du Pape à
M Lifbonne ,étant tombé malade à Montemaggiore
, où il s'étoit retiré par ordre de la
Cour , le Roi eft allé le voir , & S M. ayant
trouvé qu'il n'étolt pas logé commodément ,
le fit tranfporter dans une autre Maiſon.
Le 16. du mois dernier , les Religieux de
l'Ordre de S. Paul , premier Hermite , tiarent
leur Chapitre General dans leur Convent du
Mont d'Offa , & ils élurent pour leur General
le Pere de S. Antoine , Docteur en Théologie,
Qualificateur du S. Office , & actuellement
Recteur du Convent du S. Sacrement de Lisbonne.
On apprend de Madrid que le Marquis de
Brancas , Chevalier des Ordres du Roi T. Ch.
& fon Ambaffadeur à la Cour d'Espagne , y
étoit arrivé au commencement de ce mois ,
& qu'il avoit eu Audience particuliere du
Roi , de la Reine , des Princes & Princeffes
de la Maiſon Royale.
L
GRANDE BRETAGNE.
Es Lettres de Briftol du 19. de ce mois
portent qu'il étoit arrivé dans la Riviere
quatre Vaiffeaux chargés de 99 25. boiffeaux de
bled qui viennent des Pays Etrangers , ce qui
en a fait confiderablement diminuer le prix.
Cela donnera quelque foulagement aux pauvres
ouvriers des environs qui fouffrent beaucoup
faute d'ouvrage , parce que les Marchands
ne font rien faire pour les Pays Etrangers depuis
près d'un an.
Le Lord Maire , accompagné de ſes Offi- 2. vola
ciers
1478 MERCURE DE FRANCE.
ciers , alla le 19. felon la coûtume , dans tous
les Marchés de Londres , recueillir les aumô.
nes pour les pauvres prifonniers pour dette .
MORT des Pays Etrangers.
Dona Scolaftique - Marie des Urfins de
Gravina , Soeur du Pape Benoît XIII.
mourut à Naples le 30. May dernier dans le
Monaftere de la Sapience . Elle étoit Religieufe
de l'Ordre de S. Dominique dès fa plus tendre
jeuneffe ; plus illuftre par fes vertus que par
fa naiffance ; on n'a jamais pû l'engager à fortir
de fon état de fimple Religieufe, & à accepter
la Superiorité.
FRANCE ,
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
Leu
E. 29. du mois dernier , vers les 2 .
heures après midi , le Roi fit dans
la feconde Cour du Château de Verfailles
, la revue des deux Compagnies des
Moufquetaires. S. M. paffa dans les
rangs , & les vit défiler . Ces deux Com- 2
pagnies pafferent enfuite devant la Reine,
qui étoit fur fon Balcon avec Mesdames
de France.
2. vol.
Le
JUIN. 1728. 1479
Le Marquis de Bonnivet, Premier Cornette
de la feconde Compagnie , a vendu
fa Charge 700oo . liv . au Marquis de
Canillac,avec l'agrément du Roi , qui lui a
accordé un Brevet de Mestre de Camp
de Dragons Reformés , & à Mrs de Moriac
& de Bermond , Maréchaux des Logis
de la même Compagnie , qui ſe ſont
retirez , une penfion de 1500. liv . à
chacun.
La Marquife de la Vrilliere & la Comteffe
de S. Florentin font arrivées d'Angleterre
, très-fatisfaites de leur voyage.
Le Duc de Richelieu qui a été Ambaffadeur
Extraordinaire auprès de l'Empereur,
eft arrivé à la Cour, & a eu l'hon
neur de faluer S. M.
M. de la Tour , Intendant de la Géné
ralité de Poitiers , a été nommé par le
Roi Intendant de Bretagne.
Lorfque le Roi arriva à Compiegne , le
Duc d'Humieres qui en eft Gouverneur
lui préfenta les Clefs de la Ville , qui font
d'argent. On tira le Canon & on fonna les
Cloches ; les habitans donnerent de grandes
marques de réjouiffance. S. M. va
tous les jours à la Chaffe , excepté le Dimanche
& le Jeudy . Elle foupe tous les
foirs avec les Seigneurs qu'elle nomme.
Il n'y a de Dames que Mademoiſelle de
Charolois , la Comteffe de Toulouſe &
2. vol.
les
1480 MERCURE DE FRANCE .
les Dames dont les Epoux font du Voya
ge , par les Charges qui les obligent a
fuivre le Roi .
Le s. de ce mois , le Concert continua
au Château des Tuilleries. La Dylle le Maure
chanta la Cantate des Bains de Tomery.
On y chanta auffi le Motet , Beati omnes y
qui timent , & c. de M. Defmarefts . Les
grandes chaleurs ont empêché la continuation
des Concerts qu'on redonnera
dans une faifon plus convenable.
Le 17. de ce mois , vers les deux heures
après midy , Mefdames de France , accompagnées
de la Ducheffe de Ventadour ,
Gouvernante des Enfans de France , allerent
pour leur premiere fortie du Château
de Verſailles , fe promenerent à la
Maiſon Royale de S. Cyr .
Le Roi a accordé à M. Bernard , Maître
des Requêtes , & Sur- Intendant de la
Maifon de la Reine , l'agrément de la
Charge de Grand - Croix , Prevôt & Maître
des Cérémonies de l'Ordre Royal &
Militaire de S. Louis , vacante par la
mort de M. le Blanc , Secretaire d'Etat .
1
M. Feydeau de Brou , Confeiller d'Etat
, & Intendant de Bretagne , a été nommé
par S. M. Intendant d'Alface .
Le 21. de ce mois , le Roi reçut à Compiegne
pendant la Meffe le Serment de
2.vol.
fidelité
JUIN. 1728. 11481
fidelité de l'Evêque , Comte de Beauvais
, Pair de France.
Le Roi paroît fort content du féjour
de Compiegne. S. M. y a chaffé le Cerf
& le Sanglier , & a ordonné de faire 68.
nouvelles routes dans la Forêt , ce qui
fait croire que le Roi s'y plaît , & qu'il
y fera d'autres voyages. S. M. en partira
le premier de Juillet pour retourner à
Verlailles .
To
Congrès de Soiffons.
Ous les préparatifs pour cette augufte
Affemblée ayant étéfaits , les Ambaffadeurs
Plénipotentiaires , nommez pour y
affifter , qui étoient à Paris où à la Cour ,
fe rendirent à Soiffons , où l'Ouverture
du Congrès avoit été indiquée au Lundy
14. de ce mois .
Le Cardinal de Fleury, Miniftre d'Etat,
& Premier Ambaffadeur- Plénipotentiaire
du Roy, arriva le 13. au matin à Soiffons .
Après avoir donné part de fon arrivée, S.E .
reçût les vifites de tous les Ambaffadeurs
Plénipotentiaires , qu'il alla voir le même
jour,
Le 4. vers les onze heures du matin ,
les Ambaffadeurs Plénipotentiaires au
Congrès , fe rendirent en grand cortege
au Château que le Roy avoit fait prépa-
2 , vol.
rer
1482 MERCURE DE FRANCE.
rer & meubler des Tapifferies & Meubles
de la Couronne , & ils firent l'ouverture
de leurs Conferences. Après
cette premiere Affemblée , tous les
Ambaffadeurs Plénipotentiaires revinrent
chez le Cardinal de Fleury
donna à dîner .
> qui leur
Le 15. le Comte de Sinzendorff
Chancelier de la Cour de l'Empereur ,
& fon premier Ambaffadeur Plenipotentiaire
au Congrès , donna un tres -grand
repas à tous les Ambaffadeurs , qui furent
traitez le lendemain avec la même magnificence
, chez le Duc de Bournonville,
premier Ambaffadeur Plenipotentiaire du
Roy d'Espagne.
La Ville de Soiffons , dans l'Ile de
France , quoiqu'en Picardie , eft fituée
dans une agréable Valée . La Campagne
eft abondante en grains , en vins , en gibier
, & on y trouve ailément tout ce qui
eft neceffaire à la vie . Soiffons , qui eſt à
18 lieues de Paris & à 7 de Compiègne ,
eft Capitale d'un petit Pays , qu'on appelle
Soiffonnois ; avec titre de Comté
& Evêché fuffragant de Reims. Elle eft
tres-ancienne , grande & riche. Sous la :
premiere Race de nos Rois , Soiffons a
été Capitale d'un Royaume , & a toujours
depuis porté titre de Comté. La Riviere
d'Aine la traverſe d'un côté & la rend
+
20
22. vol.
tres.
JUIN. 1728. 1483
res-marchande par la commodité des
gros Bateaux qui y abordent facilement.
ly a dans cette Ville , Préfidial , Genealité
& une Académie de beaux Efprits .
'Eglife Cathedrale , dédiée fous le titre
les SS . Martyrs Gervais & Protais , a un
Chapitre , où il y a un Prevôt , Doyen ,
Chantre , &c. Cette Ville contient plueurs
Maifons Ecclefiaftiques & Reli
ieuſes , avec les Abbayes de S. Médard ,
e S. Crefpin le Grand , de N. D. de s
ean des Vignes , de S. Leger des Vignes
z de S. Crefpin en Chaye , lez- Soiffons,
Outre ces Abbayes , il y en a 17 autres
lans le Diocèze . Le plus ancien Evêque
t S. Sixte , qui le fut enfuite de Rheims,
qui eut pour fucceffeur à Soiffons , un
. Prêtre , nommé Sinicius. L'Evêque
ft le premier fuffragant de Rheims , &
droit de facrer nos Rois en l'abſence de
on Métropolitain.
L'an 743 , ou 744 , 23. Prélats s'af
femblerent à Soiffons pour diverfes afaires
importantes. Le fecond Concile de
Soiffons fut tenu en 853. en la prefence
le Charles le Chauve , au fujet des Clercs
onfacrez par Ebben de Rheims . Hincmar
qui étoit à fa place , les fit dépofer .
Cette affaire eut des fuites fâcheufes &
fut débrouillée dans un autre Concile de
Soiffons en 866. On en tint un autre en
2. vol .
944
1484 MERCURE DE FRANCE .
941. un autre en 1078. un autre en
1092. un autre en 1120. & ( felon)
d'autres ) en 1137. Un autre en 1155.
En 1210. ou ( felon d'autres ) en 1202.
On affembla un Concile à Soiffons pour
l'affaire de Philippe Augufte , qui avoit
répudié fon époufe Ingeburge , & qu'il
alla reprendre , lorfque les Prélats étoient
fur le point de décider s'il le devoit faire .
On en tint un autre en 1456.
L'Académie de Soiffons a été établie
fous la protection de M. le Card . d'Etrées
, par Lettres Patentes du Roy ,
données au Camp devant Dole , au mois
de Juin 1674. & regiftrées au Parlement
le 27 Juin 1675.
Avant ces Lettres, & dès l'année 1650 ,
les premiers qui ont compofé cette Compagnie,
s'affembloient regulierement une
fois la femaine , conferoient de leurs études
, rapportoient leurs difficultez & corrigeoient
enſemble leurs compofitions.
L'Académie Françoiſe fait l'honneur
aux Académiciens de Soiffons de les admettre
dans fes Affemblées publiques &
particulieres , de leur donner ſceance , &
de demander leur avis fur les matieres
dont on y délibere , comme à ceux qui la
compofent.
L'Académie de Soiffons a pris de cette
liaifon avec l'Académie Françoife , le
2. vol.
Lujet
JUIN.
1485
1728 .
¿
eft un Aiglon
Mafujer
de fa Devife : le corps eft un
qui s'éleve vers le Soleil à la fuite d'un
Aigle , avec ces paroles pour ame ,
ternis auribus audax . Cette Académie fe
tient fort honorée de l'engagement où
elle eft de prendre toujours un Protecteur
du Corps de l'Académie Françoife ,
& de lui envoyer tous les ans une Piéce
de fa compofition . Elle a prefque les mêmes
Statuts & les mêmes Ufages que l'Académie
Françoife. Le nombre de fes Académiciens
eft fixé à vingt .
XXXXX:XXXX :XXXXXX
MORTS , MARIAGES , & c.
Mi
du Frêne , natif de Paris , autrefois
Lieutenant dans le Regiment
d'Orleans ,, mourut à Lyon le 30. du
mois dernier , âgé de 99. ans & 10 .
mois.
Dame Anne Minot de Merille , veuve
de Pierre le Texier de Montarfis , Ecuyer,
Confeiller- Secretaire du Roi , & Garde
des Pierreries de la Couronne , mourut à
Paris le 19. de ce mois , âgée de 65. ans .
Jofeph- François de la Croix , Marquis
de Caftries , Baron des Etats de Languedoc
, Lieutenant pour le Roi en la même
Province , Gouverneur de la Ville , Ci- 2. vol.
I
tadele
1486 MERCURE DE FRANCE.
tadelle & Diocèfe de Montpellier , & de
la Ville & Port de Cette , & Forts en dépendans
, Sénéchal de Montpellier , Chevalier
des Ordres du Roi , Maréchal des
Camps & Armées de Sa Majefté , & Che.
valier d'Honneur de S. A. R. Madame
la Ducheffe d'Orleans , mourut le 24.
de ce mois, dans la 69. année de fon âge.
M. Louis-François- Paul , Marquis de
Soudeille , Lieutenant de Roi dans la Province
de Limoufin , fils de feu Louis
Marie , Marquis de Soudeille , & de Dame
Marie Robert de Lignerac , époufa
le 24. Juin D le Jeanne -Genevieve Colte
de Champeron , fille de Jean - Charles
Cofte de Champeron , Chevalier , Seigneur
de Mefly , Marcouville , &c. Confeiller
du Roi en fes Confeils , Prefident
de la Cour des Aydes , & de Dame Mad
rie -Geneviève du Chefne.
ADDITION
.
ODE
A M. l'Evêque & Comte d'Agde ,
entrant pour la premiere fois
dans fon Diocèfe .
Loin
Qin de moi, prophane vulgaire ;
Je hay tes fentiers trop battus :
2. vol. Et
1
(
JUIN. 1728. 1487
Et toi , qu'au Parnaffe on revére ,
Vien m'animer , Divin Phebus.
Mon Prélat des Cieux eft l'ouvrage :
Je veux , aidé de ton fuffrage ,
Loüer fes Vertus dans mes Vers :
Peux-tu me refuſer ta Lyre ?
Mais non...fui . L'ardeur qui m'infpire ,、
Mieux que toi foûtiendra mes airs.
娶
C'en eft fait , le feu de mon zele
Jufqu'à lui vient de m'entraîner ;
Quelle eft cette troupe immortelle ,
Qui ſe plaît à l'environner ?
Devant lui marche la Sageffe ,
Minerve autour de lui s'empreſſe ,
Themis même lui fert d'appuy :
Que dis-je ? affable , débonnaire...
Ah ! nos voeux auroient- ils pû faire
UnP rélat fi parfait que lui ?
Qu'un autre pour chanter ta gloire ,
LA CHASTRE , exalte tes ayeux ,
Qu'il faffe revivre l'hiſtoire ,
2. vo!.
De I iij
1488 MERCURE DE FRANCE.
De leurs faits les plus merveilleux.
Pour moi que ton merite enchante ,
Dans toi , c'est toi feul que je chante ,
Sans l'appui de leurs noms fameux ,
Et c'est moins leur rang que j'admire ,
Que de voir en toi feul reluire ,
Tout ce qu'on admiroit dans eux.
f
Le fouvenir du grand FEUQUIERE✶
Sera toûjours cher à nos coeurs ;
Sa main proprice & falutaire
Verfoit fur nous mille faveurs.
Ah ! fi des deftins trop feveres ,
Nos triftes cris , nos voeux finceres ,
Avoient pû fléchir le courroux ;
Ou fi la vertu la plus rare ,
Fermoit le chemin du Tenare ,
Il feroit encor parmi nous.
諾
Les grands maux font- ils fans remede ?
Non le Ciel exauce nos cris ; :
LA CHASTRE à FEU QUIERE fuccede ,
C'eſt affés nos maux font finis.
* Feu M. d'Agde.
2. vol.
Que
JUIN
. 1728. 1489
Que fa préfence eſt agreable !
Un doux Printems eft moins aimable ,
LA CHASTRE comble tous nos voeux ;
O toi qui fous les yeux dois paître ,
Cher Troupeau , pour changer de maître ,
Tu n'en deviens pas moins heureux.
Ainfi , quand la faulx de la Parque
Nous eut ravile GRAND LOUIS ,
Sur la mort d'un fi grand Monarque ,
Tout retentiffoit de nos cris.
Mais a t'il fini fa carriere ?
Un nouveau Soleil nous éclaire ;
Quels doux momens nous font rendus !
Le Héros que la France adore ,
Ne fait pas moins revivre encore ,
Nôtre bonheur que fes Vertus !
柒
Ceffe donc tes mortelles plaintes ,
Veuve , LA CHA STRE et ton appui :
Orphelin , met fin à tes craintes ,
Tu vas revoir ton Pere en lui.
Toi qui trop fenfible à la honte ,
2. vol.
I inj Du
1490 MERCURE DE FRANCE.
Du fort malheureux qui te dompte ,
Nous en caches le trifte effet ,
Cours à lui : fa bonté t'invite ;
Rarement fa gauche eſt inſtruite ,
Des faveurs que fa droite a fait.
Pourfuis , Prélat , dont la memoire
Doit être à jamais en honneur ;
Tu ne peux affurer ta gloire ,
Qu'en affurant nôtre bonheur ,
Pourfuit... fais nous joüir fans ceffe
De cette folide allegreffe ,
Que déja fur nous tu répands ;
Et puiffent les Cieux équitables ,
A tes Vertus incomparables ,
Mefurer le cours de tes ans !
Par M. l'Abbé Portes , du Diocèſe
d'Agde , âgé d'environ vingt ans , étu
diant en Theologie , dans l'Õniverſité de
Montpellier.
A L'AUTEUR DU MERCURE.
Liq
Es nouveaux
Logogryphes
arithmétiques
, Monfieur
, méritent
tous les
applaudiffemens
que vous leur donnez
;
2. vol.
mais
JUIN. 1491
1728 .
mais ce n'est là que
le.123. de la 25...
métamorphofée en 6. par 18. Voicy une
autre forte de Logogryphes , qu'aucun de
ceux à qui je l'ai propofé n'a pu réfoudre.
Deforte que je me fuis mis dans l'efprit
qu'il n'y avoit que l'Auteur des Logogryphes
qui pût en avoir la clef. Je vous prie
donc de l'inferer le plutôt qu'il fe pourra
dans votre Journal , afin que cet Auteur
l'y voye avec le Public . Dignus vindice
nodus.
Aux Arithméticiens , adieu ,
Aux Géometres , falut.
Pour aider un peu à l'adipe , quatre
mots , & a2y2y4x4 +6 Lettres
donnent l'Hemiftiche.
Premier mot de 3. Lettres . Décrivez le lieu
géometrique de yax3 + bx2 + x1 +dxo
Enfuite parallelement au point d'inflexion
tirez aybx furmontée d'un cercle
infiniment petit. Et pour finir , décrivez
la moitié gauche de y 2xx2.
Second Problême. Nombre des Lettres c
en ftyle de 123. faites un Angle de
45. d. qui marque que le Ciel eft plus
grand que la Terre. Enfuite conftruiſez
géométrico - grammaticalement l'équation
y3x4x5 &c . à l'aide du 2. &
du 3. d.
2. vol.
Trois
1492 MERCURE DE FRANCE .
Troifiéme Problême. Vous trouverez le
nombre & la forme des Lettres en décrivant
géometrico- grammaticalement le
lieu géometrique de y2x-x2 entre
deux paralleles acoftées chacune d'une parallele
, qui fait avec elle le fyftême des
Angles alternes égaux .
Dernier Problême . Le nombre des Let .
tres eft le refté de la fouftraction compolée
des deux Racines de x2 +12x+ 20=0
faites donc l'Angle du 2. Prob . à côté
de la courbe d'Euclide & de la moitié de
a 2y 2 y 4x4 , mi- partie à plomb par
fon grand axe parallelement à fa Tangente.
Tirez aybe qui n'atteigne pas
tout- à - fait la Développée d'un cercle , le
tout terminé par le lieu géométrique de
yaxz , & c.
On n'a pas propofé ce Logogriphe , ou
plutôt ce Problême dans toute la diffi
culté, puifqu'on y a fuivi l'alphabet commun
des Grammairiens & des Géometres.
Si ceci n'arrête point , on ira plus
loin. D'abord par quelques Problêmes
on donnera un alphabet , lequel fervira
pour réfoudre d'autres Problêmes qui
tranfporteront dans un nouvel alphabet
fuivi de nouveaux Problêmes , à e
l'infini , s'il le faut ; les feuls derniers Problêmes
donnant la réfolution complette.
Telle est l'étendue de la 25 ... dégradée
2. vol.
JUIN. 1728. 1493
à 6. jufqu'ici , car 6. évidemment ne fait
pas 25. fans parler de ce qui y manque ,
& que 123. ni 18. ne peut fuppléer.
Signé, 25. &c.
On apprend par un Memoire qui nous a
été communiqué , & qui a pour principe
l'utilité publique , que le fieur de Lyvernette
, Maître Chirurgien à Paris , a encore
fait fur la fin de cè mois , une
operation des plus heureufes , en la
perfonne de M. l'Abbé de Thiange , attaqué
fubitement d'une fuppreffion totale
d'urine , caufée par la Néphrétique & par
l'embarras de plufieurs gros grains , qui
s'étoient amaffez dans le canal de l'uretere.
Mrs Chirac & Sidobe , Medecins , convinrent
qu'on mettroit le Malade entre
fes mains. 11 opera en leur prefence , &
par le moyen des bougies de fa façon , il
brifa le maffis de pierre , fit fortir en un
inftant une grande quantité d'urine &
beaucoup de gravier , ce qui dès ce moment
foulagea confiderablement le Malade
, qui eft aujourd'hui tout - à - fait guéri.
Peu de temps auparavant , le même Chirurgien
avoit travaillé auffi heureuſement
en la perfonne d'un Efpagnol de diftinction
, Secretaire du Roy d'Eſpagne .
On apprend de Londres que Mrs Senox
& Johnfon , qui ont entrepris l'Edition
2. vol.
d'un
1494 MERCURE DE FRANCE .
d'un Atlas Maritime , ou Vûë generale des
Côtes , par rapport au Commerce & à la
Navigation, en prefenterent le 23.du mois
dernier un Exemplaire aux Commiffaites
de l'Amirauté , aufquels ils l'ont dédiée .
Le General des Cordeliers , qui eſt
chargé des affaires du Roi de Portugal ,
à Rome , jufqu'à l'accommodement de fes
differends avec le S. Siege , y fait faire pour
une Confrairie de Lifbonne , un Crucifix
d'or , dont la tête des cloux fera de diamans
, & le pied d'eftal orné de Pierreries
précieuſes.
Nous apprenons que M. de Fontenelle
a communiqué au R. P. Caftel , Jefuite ,
le dénouement , à priori , de fon Paradoxe
Géométrique , inféré dans le premier volume
du Mercure de ce mois , page 1122.
Nous donnerons inceffamment la fçavante
Lettre de ce celebre Auteur . Elle eſt
datée du 11. Juillet.
akkkkkkkkk
TABLE.
Ieces Fugitives , le Conquerant , Ode , 1295
Obfervations fur le Chant Eccléfiaftique ,
1300
Epitre d'une Amante , & c. 1308
Lettre fur l'Académie de Beziers , & c. 1315
L'Exil du Chrétien , Poëme . 1330
Traduction de l'Epitaphe de Melun , & c. 1335
2. vol. Réponie
Réponse aux Vers de la Dame qui faifoit des
Recruës ,
Suite du Voyage de Normandie
Le Cidre , Ode.
>
1338
1339
1363
Lettre fur un fait fingulier de Chirurgie , 1369
Regulus , Poëme.
1375
Priere à Dieu faite à la fin d'un Sermon , & c.
و
1380
1387
Vers à M. ***
Extrait de Lettre fur une groffeffe de 15. ans ,
& c. 1389
Explication du Logogryphe de May , 1391
Nouvelle Enigme & nouveau Logogriphe >
1392
1401
Suite des Logogryphes arithmetiques , 1394
Lettre fur les Logogriphes ,
Nouvelles Litteraires , & c. Bibliotheque Angloife
, & c.
Recueil de Lettres Philofophiques , &c.
Relation , & c . des Malabares ,
1407
J408
Extrait des Mémoires Philofophiques , & c.
Nouveau Systême de Philofophie ,
Voyage de la Louifiane du P. Laval ,
Effai fur la Poëfie Grecque , & c.
1411
1414
1416
Combinaiſon Generale des Changes , &c.
Nouveau Systême du monde , & c.
1417
1419
1422
Programe pour une nouvelle Verfion des Septantes
,
Experience faite fur mer , & c.
1426
1428
1429
Nouvelles Eftampes de Dom Quichotte &
autres , & c.
Nouvelles Eftampes d'après Watteau , 1433
Arcane de vie incorruptible , excellent remede
,
Spectacles , Tragédie nouvelle de Thémistocle,
joüée à Lyon ,
1436
1439
2. vol.
ExExtrait
de l'Opera d'Hypermneſtre
Nouvelles du Temps , de Turquie ,
1440
1459
Nouvelles d'Affrique , 1460
Traduction de la Lettre du Chef des Eunuques
, 1461
Extrait d'une Lettre du P. Beguin , 1462
De Ruffie , 1464
De Pologne , 1468
D'Allemagne ,
1469
D'Italie ,
1474
Portugal , Grande Bretagne ,
1477
Mort des Pays Etrangers , 1478
France, nouvelles de la Cour, de Paris, &c.ibid.
Congrès de Soiffons , 1481
Morts , Mariages , 1485
Addition , Ode , &c. 1486
Lettre & Logogrife Steganographique , 1490
Errata du premier Volume de Juin.
Age 1101. ligne 18. l'Ifle , lifez Lifte .
P. 1164.1. 3 du bas , changeant 1. chargeant
.
P. 1230. 1. derniere , 4 , 1. 40.
P. 1253. 1. 6. S. Farou , l. S. Faron.
Ibid. 1. 15. Bataben , 1. Batabon .
Fautes à corriger dans ce Livre.
PAge 13 14. lignepremiere, me, ôtez ce mot. P. 1330. l. 17 le fecouer , L. de fecouer.
P. 1332. 1. 21 pleins , 1. plein.
P. 1333. l. 6. le doute , Mortel , l. le doute
mortel .
Ibid. l. 9. jufqu'à , l. juſques à.
La Médaille gravée doit regarder la page 1344
John
Bigelow
to the
Century
Association
3
MERCURE
DE
FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT.
JUIN. 1728 .
PREMIER VOLUME.
QUE
COLLIGIT
STARGITE
Chez
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER , rue
S. Jacques , au Lys d'Or.
LA VEUVE PISSOT, Quay de Conti,
à la defcente du Pont Neuf , au coin
de la rue de Nevers , à la Croix d'Or.
JEAN DE NULLY , au Palais,
à l'Ecu de France & à la Palme.
M. D C C. XXVIII.
Avec Approbation & Privilege du Roi.
THE NFWs
PUBLIC LIBRAR
33155
ASTOR , LENOX AND
TILDEN FOUNG TRONS
1905
LABR
A VIS.
ADRESSE generale pour toutes
chofes eft à M. MOREAU
Commis au Mercure vis - à- vis la Comedie
Françoife , à Paris . Ceux qui pour leur
commodité voudront remettre leurs Paquets
cachetez aux Libraires qui vendent le
Mercure à Paris , peuvent fe fervir de
cette voye pour les faire tenir.
On prie très - inftamment , quand on
adreffe des Lettres ou Paquets par la Pofte,
d'avoir foin d'en affranchir le Port ,
comme cela s'eft toûjours pratiqué , afin
d'épargner , à nous le déplaifir de les
rebuter , & à ceux qui les envoyent
celui , non - feulement de ne pas voir
paroître leurs Ouvrages , mais même de
les perdre , s'ils n'en ont pas gardé de
copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de
la prémiere main , & plus promptement
n'auront qu'à donner leurs adreffes à M.
Moreau , qui aura foin de faire leurs paquets
fans perte de temps , & de les faireporter
fur l'heure à la Pofte , ou aux Meffageries
qu'on lui indiquera.
1
PRIX XXX. SOLS.
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT.
XXXX
JUIN 1728.
***
PIECES FUGITIVES ,
en Vers & en Profe.
LE TOM BEAU ...
O DE.
Uel Spectacle affreux me découvre
L'éternel féjour de l'horreur ?
Tombeau , c'eft ton fein qui s'en
tr'ouvre ,
Objet de trouble & de terreur !
Manes errants , plaintives ombres ,
Je viens dans vos demeures fombres ,
1. vol. A ij Avec
1080 MERCURE DE FRANCE .
C
Avec vous apprendre à mourir ;
Loin cet aveuglement timide ,
Qui préfere un calme perfide
Au trouble , qui peut le guérir.
2
Prodige ! énigme impénétrable !
Notre efprit craint d'enviſager
L'inftant heureux & défirable
Qui du corps doit le dégager ;
Helas! à lui -même contraire,
Il craint la fin d'une mifere ,
Qu'il ne ceffe de fouhaitter ,
Il ne sçauroit , triſte victime ,
Ni fouffrir ce corps , qui l'opprime ,
Ni fe réfoudre à le quitter.
Aveugle , & vaine réſiſtance !
La mort ne perd rien de fes droits ;
Le moment de notre naiffance
Lui - même nous mit fous fes loix .
Foible avorton de la lumiere ,
L'un femble n'ouvrir fa carriere' ,
Que pour entrer dans le ton beau ;
I voi. A
JUIN. 1081 1728.
A peineat il le temps de naître ,
Et fi- tôt qu'il eft , ceffant d'être ,
Le Cercueil lui fert de berceau .
L'autre en la faifon floriffante ,
Dont tout femble affurer le cours ,
Voit couper la trame brillante
D'un nombre infini de beaux jours :
Malgré la fanté la plus ferme
Il touche au redoutable terme ,
Que lui cache un âge impofteur;
Vaftes projets , voeux chimeriques ,
Efpoir de grandeurs phantaftiques ,
Yous tombez avec votre auteur,
Ainfi la jeuneffe fuccombe.
Mais quel eft celui que je vois ,
Prêt à s'écrouler fous la tombe
Entraîné par fon propre poids ?
Sûr préfage de fa ruine ,
Il fent de fa frefle machine
Tous les refforts fe défunir ;
Et la mort n'y trouve à détruire ,
I. vol.
Que A iij
1082 MERCURE DE FRANCE .
Que desyeux las de le conduire ,
Despieds lasde le foûtenir.
Ah ! du moins , Déeffe barbare ,
Reſpecte ces hommes divins ,
Qu'un efprit élevé fépare
Du refte chetif des humains ;
Sauve d'un éternel filence
Ceux dont la fublime éloquence
Gagne les coeurs , & les Eſprits ;
Ceux , dont la poëtique audace
Des tendres accords du Parnaffe
A cent fois remporté le prix.
Vains projets ! ta Faux homicide
Moiffonne ces fiéres beautez ,
Dont un culte lâche & perfide
Fait prefque des Divinitez ;
Tu flétris jufqu'aux moindres traces
Des vives , des riantes graces ,
Le doux charme de tant de coeurs :
Graces tant de fois adorées ;
I vol.
Helas
!
JUIN. 1083
1728.
Helas ! en tes bras abhorrées
De leurs propres adorateurs.
Eft- ce peu que tu les opprimes
Ces foibles objets de tes coups ?
Faut-il des plus grandes victimes
A ton implacable couroux ?
Va fous la Pourpre & la Couronne
De ceux que le fafte environne
Frapper la haute Majeſté ;
Apprens leur ce qu'ils n'ofent croire ,
Que jufques au ſein de la gloire
Ils portent la mortalité.
Qu'ils tombent , ces Héros celebres ,
Ces Maîtres du vafte Univers .
Tombeau , de tes noires tenebres ,
Que tous les mortels foient couverts .
Mais quel objet s'offre à ma vûë ?
La grandeur en vain confonduë
Veut elle braver le Cercueil ?
L'homme aux traits de la mort en bute
I. vol.
Veut-
A iiij
1084 MERCURE DE FRANCE:
Veut- il fur le lieu de fa chûte
Immortalifer fon orgueil ?
Superbes noms , titres Auguftes ,
Echappez à la Faux du temps ,
Envain des Rois Guerriers ou Juftes
Ornez-vous les froids monumens ?
Que pouvez- vous pour leur mémoire ?
Ce fol étalage de gloire
Nous apprend qu'ils perirent tous ;
Et que profcrits du rang des hommes
S'ils furent plus que nous ne fommes ,
Ils font devenus moins que nous.
..
P. M. L.H.D. P.
XXX :XXXXXXXXXX* :*
LETTRE écrite de Dreux le 29. Novembre
1727. par M.... à M. Des-,
forges Maillart , aufujet de fa Differtation
für Les Bons- mots , inférée dans le
Mercure de France du mois de Septembre
dernier.
O
N veut me perfuader , Monfieur ,
que je dois répondre à la feconde
partie de votre Ecrit fur les Bons - mots
I. vol.
imJUIN.
1728. 1085
imprimée dans le Mercure de Septembre
1727. mais quelle réponſe peut- on demander
? Je vous avoie , que je ne fçait
comment m'y prendre : car comme les
deux parties de votre Ecrit ne font fondées
que fur de fimples raifonnemens ,
fans preuve , fans autorité , je croi avoir
détruit la feconde , en renverfant la premiere
dans le Mercure d'Octobre dernier.
Voyons cependant fi nous n'aurons.
pas encore quelques nouvelles réfléxions.
à faire .
>
Vous n'aviez pas tort , comme vous
voyez , Monfieur , de vous imaginer
qu'en vous déclarant ouvertement l'ennemi
des Bons - mots , & en vous donnant
comme vous dites , la liberté de critiquer
les lettres qui ont paru fur ce fujet , dans le
même Journal Avril 1726 , & Février
Il vous enfaudroit payer la façon...
Auffi eft - ce , Monfieur , ce qui vous eft
arrivé . Si ç'a été bien ou mal , je n'en dois
point être le Juge : c'eft de l'aveu des perfonnes
équitables & défintereffées , qu'il
faut attendre ce Jugement.
1727:
Mon deffein n'étoit pas de vous terraf
fer ; je n'avois en vue feulement , que de
diffiper vos ténébres , & je me flatois que
ma Lettre que je viens de citer du moisde
Février 1727 , quoique très - fuccinte
fuffiroit pour vous faire ouvrir les yeux ,
F
I
I.val.
& Av
1086 MERCURE DE FRANCE:
2
& que j'aurois la fatisfaction de vous voir
abandonner vos préjugez , & embraffer
mon fentiment fur les Bons - mots , ou plutôt
le fentiment unanime des gens d'efprit
; mais je me fuis trompé. Quelques
preuves que j'aie pû vous aporter , de l'utilité
& de l'agrément des Bons - mots dans
la converſation , vous ne vous y êtes point
rendu , vous avez au contraire encore eu
la démangeaifon d'écrire contre leurs Partifans
, & d'aprêter à rire tout de nouveau
à beaucoup d'honnêtes gens , c'eft ,
Monfieur , permettez-moi de le dire ,pouſfer
la prévention bien loin.
Vous m'accufez de n'avoir pas ufé de
toute la politeße convenable à votre égard,
& d'avoir employé des termes peu réfléchis .
Vous prétendez outre cela que , le défaut
de délicateffe n'est point reparé par la jufteffe
de l'efprit. Je n'entreprendrai point ,
Monfieur , de me juftifier là- deffus , je
n'ai , pour ainſi dire , rien à répondre à de
pareilles invectives. Putida , xaxožμba
funt hac. Nos Lettres font imprimées ,
les Lecteurs éclairés en jugeront . Je croi
qu'il n'eft point à propos d'amufer ainfi
le Public , ou plutôt de le fatiguer de
nos querelles perfonnelles. Il vaudroit
beaucoup mieux venir au fait , & éclaircir
le fujet qui eft en conteftation entre
nous.
1. vol.
Comme
JUIN.
1728 1087
Comme vous êtes bien aife de vous juſtifier
, vous dites que vous allez répondre
aux differens
Chefs d'accufation
, fans
ufer à mon exemple d'une procedure brufque
, termes , ajoutez- vous , que vous tirez
de ma Lettre. Me feroit- il permis
Monfieur , de vous reprefenter
qu'il n'eft
pas tout- à- fait de la bonne - foi de parler
comme vous faites ? Vous mettez fur mon
compte des chofes qui n'y doivent point
être , & auxquelles
je n'ai jamais penſé.
Je ne fçaurois m'imaginer
, que vous ne
Vous foyez pas aperçû , que ces termes ne
vous regardent
point , & qu'ils ne me doivent
point être imputez . Ils ne font pas
même cenfez être de ma Lettre , & on
ne les y trouve , que parce que , ils étoient
auparavant
employez
dans la narration
d'un trait d'hiftoire que je rapporte. Je
ne puis , dis- je encore une fois , me perfuader
, que vous ne vous foyez pas apperçû
vous -même de la verité de ce que
j'avance. N'apréhendez
vous point de per
dre par- là la confiance
du Public , de ce
Public , au Tribunal
duquel vous deman
dez juſtice ?
Je n'entrerai point dans des difcuffions
ennuyeules pour foutenir ce que j'ai déja
dit contre votre Critique ; je laifferai roug
cela , de peur d'abufer de la patience des
Lecteurs : & venant au fait , je ne puis em
J. Vol
Avj
aucune
1088 MERCURE DE FRANCE.
aucune façon vous paffer le paradoxe que
vous foutenez . Vous voulez abfolument
bannir les Bons -mots des converfations ,
l'entrepriſe n'eft pas petite , le fuccès n'en
fera pas heureux , prenez y bien garde.
Pour moi , je croi qu'on peut y en admettre
quelques uns . Voilà des fentimens
bien contraires.
>
Demeurons au moins chacun dans notre
opinion , jufqu'à ce qu'il plaife à quelque
Juge équitable de prendre la balance
en main , de pefer nos raifons , & de prononcer
enfuite la condamnation de l'un
ou de l'autre ; mais en attendant , rien ,
ce me femble , ne doit nous empêcher de
fuivre le confeil d'Horace , qui croit
qu'on peut quitter quelquefois fon férieux ;
tantôt , dit il , on doit faire le perfonage
d'un Rheteur , tantôt celui d'un Poëte
& dans certain tems celui d'un fin- railleurs
la raifon qu'il en donne , c'eft continuet-
il , parce qu'une plaifanterie dite à
propos décide fouvent des plus grandes
chofes beaucoup mieux , & avec plus de
fuccès que les Syllogifmes les plus preffans...
ridiculum acri , fortiùs ac melius
magnas plerumque fecat res ...
Ce précepte eft merveilleux quand on
s'en fert avec les ménagemens neceffaires ,
& qu'on lui donne les bornes qu'il doit
avoir ; ilparoît que ce Grand - Maître ſça-
1. vol.
voit
JUIN . 1728. 108
voit lui-même en ufer avantageufement ,
puifque Perfe nous apprend qu'il touchoit
adroitement tous les défauts de fon amien
le faifant rire . Omne vafer vitium ridenti
Flaccus amico , tangit & admiffus circum
pracordia ludit. J'avoue qu'il faut certaines
précautions pour dire des Bons - mots
& je loue fort ce qu'a dit là - deffus un
} Poëte Moderne .
Qu'une févere contenance
Ne condamne jamais la modefte licence
Des propos que vous entendrez.
Aux Bons- mots que l'on dit joignez plutôt les
vôtres ,
Mais faites quand vous en direz
Que les gens dont vous raillerez-
Puiffent rire comme les autres.
C'étoit un des talens d'Ariftippe de Cy-
Fene dont il eft parlé dans Diogene ,
Laerce , & dans Plutarque. Il étoit de la
Cour de Denys le Tyran , & ce Prince lui
ayant un jour dit qu'on voyoit les Philofophes
à la porte des Grands , mais qu'on
ne voyoit pas les Grands à la porte des
Philofophes ; c'eft, lui répondit Ariftippe,
que les Medecins font ordinairement chez
les malades. Je prends la liberté de vous
demander en paffant , Monfieur , fi vous .
s. vol.
trous
1090 MERCURE DE FRANCE .
trouvez quelque mal dans ce bon mot ?
Nous ne voyons pas , du moins que Denys
, qui n'étoit pas fans raifon furnommé
le Tyran en ait marqué le moindre reffentiment
à fon Auteur. Tous les Bons- mots
ne font donc pas à rejetter , comme je l'ai
déja dit dans plufieurs Lettres , en appuyant
ma propofition fur des raifons fi convaincantes
, que vous n'avez pû y répondre .
Pour foutenir l'erreur dans laquelle
vous êtes tombé en confondant les Sentences
avec les Bons - mots vous dites
qu'il y a beaucoup de rapport entre les uns
& les autres ; fi je vous accordois cela ,
où en feriez-vous ? Faites vous attention
que ce feroit un motif pour admettre les
Bons mots dans la converfation ? Mais
non , Monfieur : je ne croi point qu'il y
ait aucune convenance entre les Sentences
& les Bons- mots , & la verité vous force
d'en convenir vous même , puifque vous
reconnoiffez , qu'il y a dans les premieres
plus de nobleffe , plus de gravité , & c . ce
qui , felon moi , conftitue une difference
réelle entre les uns & les autres.
Ce n'eft donc point par une prétenduë
convenance qu'ils doivent faire partie de
la converfation , ce n'eft que par leurs qualitez
particuliéres , & ,pour ainsi dire , perfonnelles
, qualitez dont notre Demoiselle
a prefque fait un dénombrement dans fa
1
1. vol.
premiere
JUIN. 17288 1.091
premiere Lettre duMercure d'Avril 1726.
Voici comme elle en parle . » Le Bon mot,
>> dit- elle , eft un fel qui doit faire l'affai
» fonnement de la converfation... Le
» Bon-mot , ajoute - t - elle un peu plus bas ,
doit être fin , délicat... » & c'est pour ces
raiſons , Monfieur , qu'on doit en faire
ufage , & non pas , comme je l'ai déja dit ,
pour leur convenance avec les fentences
puifqu'il n'y en a aucune.
*
Si vous aviez lû ma Lettre , je ne dis
pas , comme vous , Monfieur , à tête repofée
; mais feulement avec quelque attention
, vous ne diriez pas comme vous
faites qu'après m'être étendu en fuperfluitez
, je place un pour arriver au but que
vous allez voir qui n'eft fuivi d'aucune
preuve. Qu'il me foit permis , Monfieur
de rapporter ici l'article en queftion , tiré
du Mercure de Février 1727. page 250.
il est heureufement fort court : » Voilà ce
qui peut paffer pour le préambule de la
» Differtation de M. D. Voilà la route
» qu'il a tenue , pour arriver au but que
>> vous allez voir ; il pofe pour fondement
>> que tous les Bons- mots font fatyriques .
mordans , &c. & qu'il ne peut y en avoir
» d'autres que de ce caractere , & la conféquence
qu'il en tire , eft qu'on ne doit
» point les admettre dans les converfa-
» tions...
>>
I. vol. Enfuite
1092 MERCURE DE FRANCE.
Enfuite viennent les raifons que j'oppoſe
à votre Sophifme , & auxquelles je vous
prie d'avoir recours , pour me difpenfer
de tomber dans des redites .
Pour prouver l'inutilité des Bons - mots,
vous vous rejettez fur la difficulté qu'il y
a à en produire , & c'eft beaucoup , ditesvous
, à un homme d'en avoir produit un
en fa vie ; mais , Monfieur , eft- ce là une
raifon pour les rejetter entierement tous ?
La difficulté d'en produire exclut - elle la
poffibilité Nos Boifroberts , nos Huets
n'ont- ils pas été , pour ainsi dire , une
fource féconde de reparties vives ? Les
Duperons , les de Thou , les Menages...
ne font-ils pas de fûrs garants de la poffibilité
de produire des Bons mots ? L'Auteur
de l'Hiftoire de l'Académie Françoife
dit en particulier de Boifrobert
qu'il railloit agréablement , qu'il avoit le
génie naturellement tourné à la plaifanterie
, qualité qui lui acquit les bonnes graces
du Cardinal de Richelieu . Je n'ignorois
pas ce que vous raportez d'un Moderne
qui s'exprime ainfi Difeurs de Bonsmos
, mauvais caracteres . J'ai cité moimême
cette foible autorité dans ma Lettre
du mois de Juin 1726. mais comme
Mademoiſelle C. de ***** y a fuffifamment
répondu , vous me difpenferez d'en
parler de nouveau .
J'
1. vol.
Quant
JUIN. 1728. 1093
Quant à certains Génies éguilez , qui ,
dites - vous , manquant de matiere pour
fatirifer autrui , ont tourné leur rage contre
eux-mêmes ; cela ne va point encore à la
profcription des Bons- mots ; nous n'avons
point prétendu que les Difeurs de
Bons-mots foient ENRAGEZ . Va labiis
fceleftis. Au contraire Monfieur , s'il
s'en trouve quelqu'un de ce caractere nous
lui réfervons la même peine , que Cefar
fit fubir à Timagenes , nous leur interdifons
l'entrée de toute Affemblée d'hon-
*
nêtes
gens.
>
De tous les Bons-mots que vous rapor
tez , pas un,dites - vous , n'eft de votre goût ,
pas un , Monfieur , n'eft du mien : du
moins ferons - nous d'accord en quelque
chofe vous & moi . Je n'appelle point bon
de
Timagenes étoit un Rheteur d'Alexandrie
qui ayant été pris par Gabinius , fut mené à
Rome , où le fils de Sylla Pacheta , & l'affran
chit. Cefar l'honora de fa bienveillance , mais
comme c'étoit un railleur outré , quine menageoit
perfonne , & qui parloit avec trop
liberté , il ne conferva pas long- tems fes bonnes
graces. Cefar le chaffa , & lui deffendit l'entrée
de fon Palais . Seneque fait de lui ce portrait.
Homo acida lingua , & qui nimis liber
erat , difertus , & dicax , à quo multa improbè,
fed venuftè dicta. Le Sage a dit de ces fortes de
gens , qui inconfideratus eft ad loquendum fen
tiet mala... os ftulti contritio ejus .
་
1. val.
mot
1094 MERCURE DE FRANCE.
mot ce qui n'eft que puerilité , fade équivoque
, poliffonnerie , quolibet... Enfin
tout ce qui eft de la nature des prétendus
Bons- mots que vous nous expofez .
Il ne s'agit pas d'en trouver & de critiquer
des mauvais mots , il faut voir s'il
ne peut pas y en avoir de bons. Il falloit
marquer le ridicule , ou la foibleſſe de
tous ceux que j'ai rapportez , c'eft ce que
yous avez omis .
"
Votre Differtation , au refte , permettez-
moi , Monfieur , de le dire en finiffant
, porte ce titre bien gratuitement , &
je ne ferai pas le feul qui le penfe ainfi
puiſqu'on n'y difcute rien felon la bonne
Critique , qu'on n'y prouve rien , & qu'on
n'y apprend rien . On s'attend à toute autre
chofe quand on voit le titre de Dißer
tation à la tête d'un Ouvrage , fur tout
quand il vient de la part d'un Auteur qui
comme vous le dites , page 200. du même
Journal de Septembre 1727 , s'eft acquis
quelque réputation.
J'aurois encore bien des chofes à dire ,
mais je me contente de ceci . C'en eft affez ,
fi vous daignez y faire attention , c'en eft
trop ,
fi vous prenez le parti contraire. Je
fuis , Monfieur , &c .
1. vol. IDILLE
JUIN. 1095 1728.
****************
Y DILL E.
L'Amour rétabli fur la Scene Tragique à
la bonte d'Apollon .
Par le P. Poncy , Jefuite.
Ur la Scene , jadis, Melpomene éplorée
S
D'une noble douleur paroiffoit penetrée
Et ne s'abaiffoit point à des foupirs honteux
L'Amour étoit banni de fes fuperbes jeux s
Des plus hautes vertus la Scene étoit l'école.
Et non comme à prefent un ſpectacle frivole ,
Où Venus tient fa Cour plus fouvent qu'à
Paphos ;
Les Heros y parloient , y mouroient en Heros ,
Et la Grece long - tems par l'art de Melpomene
Les vit avec honneur revivre fur la Scene,
On ignoroit alors ces dangereux Romans
D'un tas d'efprits oififs , trompeurs amufemens
,
Et ces vains Opera qu'inventa
la moleffe ,
Ce fiecle heureux finit. Bientôt Rome & la
Grece ,
féduites par l'Amour qui cherche à fe vanger
Cons
I. val.
1096 MERCURE DE FRANCE .
Contre la raifon même ofent le proteger ;
Ce perfide enchanteur, veritable Prothée
Se revêtoit fouvent d'une forme empruntée ,
D'âge en âge , l'on vit augmenter ſes progrès:
Melpomene en pouffoit de fteriles regrets;
Au cours de fa victoire envain elle s'oppoſe ;
Sur tous les autres bords , ceux que la Seine
arrofe
Plaiſent à Cupidon , déterminent fon choix:
Le coeur des Citoyens eft docile à fes loix ;
Il connoît leur penchant , il fçait que du
Théatre
Le fuperbe Pâris fut toujours idolâtre,
Que les François ,enſemble amoureux & guerriers
,
Uniffent fur leur front les Myrthes aux Lauriers
;
Le fuccès fuit l'Amour , de fes flammes finiftres
Poëtes , hiftrions , trop coupables Miniftres
Dégradent Melpomene & font rougir fon
front;
L'Elysée en couroux partage fon affront :
Ces Grecs & ces Romains que l'hiftoire révere
Sur la Scene déchûs de leur vertu fevere ,
Y paroiffent marquez en burleſques Tircis , 1. vol.
Et
JUIN 1097 1728 .
Et les plus fiers Guerriers y font Amans tranfis .
Les manes des Heros que l'Amour défigure ,
Demandent à grands cris qu'on venge leur
injure ,
Melpomene les porte au Thrône d'Apollon ;
Peut-on tromper l'Amour dans le facré vallon?
Ce Dieu , fans être vû ni de Phoebus ni
d'elle ,
,
Apprend,pour fon Empire une trifte nouvelle,
Qu'un Poëte fameux , formé felon leur coeur
Du Théatre avili va réparer l'honneur ;
Il n'eft qu'un feul moyen d'empêcher ma
ruine ,
Corneille vieillira , dit - il , formons Racine ,
Le beau fexe à mes loix toujours afſujetti ,
D'un Auteur né galand foutiendra le pari .
L'un & l'autre arriva , ce fublime génie
Corneille , des François éprouva la manie ,
La nouveauté leur plaît , & Racine naiffant
Penfa prefque effacer Corneille vieilliſſant ,
De Venus avec art il étendit l'Empire ;
Il met dans fon parti jufques à la fatyre ;
Cependant fans attendre au déclin de fes
jours
Samufe détempée abjura les Amours
A
1. vol.
1098 MERCURE DE FRANCE.
A fes Maîtres pervers faintement infidelle ;
Elle ofa fe frayer une route nouvelle ,
Et fût toucher les coeurs fans emprunter leurs
traits ;.
La vertu lui prêtoit fes innocens attraits ,
Peut-être elle eut joui d'un triomphe durable ,
L'Amour l'intertompit , adverfaire implacable
,
Il engage la Parque à ſervir ſon couroux ,
Elle frappe ; Racine expire fous fes coups ,
Melpomene en pâlit , elle vole au Parnaffe,
Et de l'Amour vainqueur , fonge à punir l'audace
:
Phoebus alloit fe rendre, ô revers douloureux !
Mille jeunes Beautez , efcadron dangereux ,
Conduites par l'Amour qui leur préte fes
armes ,
Aux cris de Melpomene oppofent tous leurs
charmes ,
Le Dieu trop complaifant , pour la feconde
fois ,
Laiffe rentrer l'Amour dans fes prétendus
droits ,
Du Théatre amolli les Heros difparoiffent
En leur place déja les Celadons renaiffent ,
Melpomene confulte & les larmes aux yeux ,
1. vol
AbJUIN.
1728 . 1099
Abandonne la Terre & s'en retourne aux
Cieux ,
Le bon goût irrité fuit fes traces divines ,
Cupidon triomphant ne fait plus de Racines ';
Il n'en a plus befoin pour s'affurer les coeurs ,
Phoebus fur quelques- uns verſe encor ſes faveurs
;
Mais l'Amour les corrompt & fes lâches maximes
,
Enervent les efprits , empoiſonnent les rimes :
Pour égaler Racine on fait de vains efforts ,
Ce Poëte emporta fa lyre chez les morts.
FIN des Triolets . Lettre écrite de Dreux ,
le 15 Mars 1728. pour réponse à ceux
qui font imprimez dans le Mercure de
Janvier.
Tou
Outes chofes ont leur temps , Mon
fieur. Les Triolets qui ont amufé ſi
agréablement une année entiere dans le
Mercure , tirent à leur fin . Le feul M. de
Senecé qui les a reffufcitez , & qui a le
talent d'en faire d'inimitables , peut avoir
le privilege de les continuer. Du moins
nous avons droit d'attendre de lui un jugement
poëtique fur la fameufe querelle
I vol.
qui
1100 MERCURE DE FRANCE .
qui s'eft émeuë entre les Champenois &
les Dreufiens, querelle à laquelle les Triolets
ont eu bonne part, & qui finit, ce me
femble , faute de combattans ; car je ne
crois pas , Monfieur, qu'on doive compter
ce nouvel Athlete qui s'eft mis fur les
rangs dans le Mercure de Janvier dernier
fort gratuitement, & .prefque fans interêt
au fond de la conteftation .
le
Il eft aifé de voir que ce n'eft pas
même Champenois qui a commencé la
querelle dans le Mercure d'Octobre précedent.
Ce premier n'a rien que de rude
& d'impoli ; il brufque & rompt en vifiere
; vous fçavez auffi en quelle monnoye
il a été payé , & c . L'autre , au con
traire , c'eſt- à - dire le nouveau venu , fans
s'embaraffer de l'état de la queftion , &
diffimulant que fon compatriote eft l'agreffeur
, n'a fongé qu'à laver fon pays
d'une prétendue tâche qu'il trouve dans
le Proverbe de quatre - vingt dix - neuf
Moutons , &c.
Pour y réüffir , il a crû qu'il fuffifoit de
faire entrer dans fes Triolets les noms de
plufieurs Champenois habiles & reconnus
pour tels dans la Republique des Lettres.
C'est ce que perfonne n'a envie de
lui contefter . On ne conteftera pas non
plus que fes Triolets font jolis & des meilleurs
qu'on voye dans le Mercure. Mais
I vol.
en
JUIN.
1728.
,
en faifant cet aveu , le nouveau combattant
ne gagne rien ; car qui peut ignorer
que malgré la prévention , il fe trouve
aujourd'hui par tout des Gens de Lettres ,
dans la Zamble même & la Groelande
pour me fervir de fes termes ; témoin la
Ruffie & fes dépendances , dont on appelloit
les habitans des Ours mal leches ,
devenuë de nos jours , fçavante & polie.
Aufli ce n'eft pas - là de quoi il s'agit dans
notre querelle.
Mais puifque l'Auteur a pris la choſe
de ce biais , à la bonne heure. On trouve.
cependant , s'il eft permis de glofer fur le.
glofeurs on trouve , dis- je , que le début
de fa Légende n'eft pas heureux , & qu'il
auroit pu commençer mieux qu'il n'a fait,
la Lifle de fes Champenois Lettrez .
Quoi ! quatre-vingt dix- neuf Moutons,
Et La Fontaine , font cent bêtes !
Oui , lui répondra quelque Rieur , le
compte eft juste. Ou vous n'avez jamais
connu la Fontaine , ou vous devez conve .
nir que ce Poëte étoit fouvent moins
homme que machine animale , & que
tout Paris a été le témoin de fes écarts ,
de fes abfences , &c . hors de la Sphere
de l'humanité. Je ne fçai , Monfieur ,
ce Rieur auroit grand tort ; mais je me
fouviendrai toûjors d'une avanture affez
fi
1. vol. B plaifante
110 MERCURE DE FRANCE.
>>
»
plaifante , arrivée à gens d'honneur & de
probité , de qui je la tiens , par rapport à
notre Poëte . Il faut que je vous en regale
, fuppofé que vous l'ignoriez ; & je me:
fervirai des propres termes dont l'un de
ces Meffieurs s'eft fervi en la rendant '
publique .
Les Fables de M. de la Fontaine me
firent naître l'envie de connoître l'Auteur.
Trois amis de concert, nous fimes:
» une partie , & par le moyen d'un qua-
» triéme, qui avoit quelque habitude auprès
de cet homme rare , nous l'attirâmes
dans un petit coin de la Ville à une
» maifon confacrée aux Mufes , où nous
lui donnâmes un repas , pour avoir le
plaifir de joüir de fon entretien . Il ne fe
fit point prier ; il vint à point nommé
fur le midi. La compagnie étoit bonne,
» la Table propre & délicate & le Buffet
» bien garni. Point de compliment d'entrée
, point de façons , nulle grimace
nulle contrainte. La Fontaine garda
>> un profond filence , & on ne s'en éton-
≫ na point , parce qu'il avoit autre chofe
à faire qu'à parler. Il mangea comme
» quatre & bût de même. Le repas fini
» on commença à ſouhaiter qu'il parlât
» mais il s'endormit. Après trois quartsd'heure
de fommeil , il revint à lui ; il
» voulut s'excufer fur ce qu'il avoit fati-
(
>
n vol.
gué ;
JUIN
. 1728.
1103
}}
gue ; on lui dit que cela ne demandoit
32 point d'excufe , que tout ce qu'il faifoit
étoit bien fait ; on s'approcha
de lui ;
» on voulut le mettre en humeur , & l'o-
» bliger à laiffer voir fon efprit , mais fon
efprit ne parut point ; il étoit allé je ne
fçai où , car durant tout le temps que
» la Fontaine demeura avec nous , il ne
» nous ſembla être qu'une machine fans
ames on le jetta dans un Caroffe , &
» nous lui dîmes adieu pour toûjours.
Mais revenons
à nos Moutons, puifque
Mouton y a ; l'Auteur des derniers Triolets
n'a pas ofé nier le Proverbe , cité par la
Dame de Dreux , en recrimination
; mais il
l'interprete plaifamment
en cette maniere ,
Le Champenois n'a du Mouton ,
Que la candeur , non la bêtife ,
Tel eſt le vrai féns du dicton , &c.
Que dites vous , Monfieur , de cette
interpretation ? Penfez- vous que le vrai
fens du Proverbe foit bien mafqué par
un pareil fophifme ? Qu'eſt - ce en effet
que la candeur du Mouton , fi ce n'eft
fa ftupidité & fa bêtife outrée ? Cela fe
peut dire également d'un autre animal à
plus longues oreilles & de plufieurs autrés
qui ne font pas plus chargez de malice
que le Mouton. On dira peut étre
·
1 vol. Bij que
1104 MERCURE DE FRANCE .
que cette candeur fe doit entendre icy
phyfiquement ; c'eft à- dire , de la blancheur
de cet animal , fimbole d'innocence
, & c. mais par malheur il y a auffi des
Moutons noirs , &c. Cela fuppoferoit du
moins de la varieté & du mélange dans la
nation Champenoife , dont le Mouton
fi l'on en croît notre Interprete, eſt comme
le fimbole. On fçait qu'il y a un certain
Peuple , fort connu dans l'Hiftoire
Orientale , qui eft divifé en deux parties ;
l'une de la racé du Mouton blanc , &
l'autre du Mouton noir . Faudra t - il diftinguer
de la même maniere la Nation dont
je viens de parler? Tout cela peut former
un embarras ; tirez - en , Monfieur , fi vous.
le pouvez , nos Adverfaires , qui ont fi
mal enfourné en parlant Proverbe , pour
infulter gens qui ne le meritoient pas , &
qui ne leur demandoient rien. J'efpere
que M. de Senecé voudra bien nous juger
les uns & les autres . C'eft ce que nous attendons
de fa complaifance , de fa juftice
& de fa capacité. Je fuis Monfieur
& c .
A Fable de l'Eglogue fuivante , eft ;
LA Là cequ'on nous marque , fondée fur
une vérité : On a vû ces jours paffez une
i vol.
jeune
JUIN. 1728. 1105
jeune & aimable fille de nos quartiers, qui
faillit à mourir de douleur , parce que
fon
Amant avoit pris parti dans un Régiment
de Cavalerie.
FLORE ET POMONE.
EGLOGUE
Flore.
Où court Pomone , & que veut dire
Qu'elle paffe fans m'aborder ?
Permis à Jupiter chargé d'un vafte empire.
D'avoir des foins qu'on puiffe lire
Sur un front nébuleux que leur poids fait rider;
Mais quel chagrin fuffit à te rendre rêveufe ,
Toi , qu'aucun embarras ne peut inquiéter
Qué celui de fçavoir fi tu dois plus enter
D'Ambrelte que de Virgouleufe ?
Pomone .
Flore , le temps n'eft plus où mon coeur tout
à foy
Du foin de fes Vergers faifoit fa feule affaire :
Depuis que par l'Arrêt des deftins en colere
L'imperieux hymen m'affervit à fa loy ,
Envain pour rappeller cette heureufe indolence
I vol.
Je Biij
1106 MERCURE DE FRANCE.
Je fatigue le Ciel par des voeux fuperflus ,
Elle échape à mon eſperance ;
Elle ne revient point , Flore , le tems n'eft plus.
Flore.
Quoi donc ! cette amitié fi belle , fi conſtante,
Cet indiffoluble lien ,
Vertumne fi charmé, Pomone fi contente ,
Quoi donc , tout cela n'eft plus rien ?
Flore ,me difois -tu , ceffe d'être légere ',
Les folâtres baifers de tes coquets Zéphirs ,
De leurs tiedes foupirs l'haleine paffagere
Valent- ils de l'hymen les folides plaifirs ?
Cependant, aujourd'hui tu changes de langaeg
Et pour empoifonner ton heureux mariage
Le dégoût à l'ennui ſe joint ,
Malgré ton rang , & malgré l'avantage
D'un Epoux qui ne vieillit point !
Pomone.
Cette immortalité dont nos Epoux joüiffent
A pour nous de foibles appas :
Nos maris ne vieilliffent pas ,
Mais nos mariages vieilliffent ,
Et de l'énormité du cas
살
I vol.
Jupiter
JUIN. P107 1728.
Jupiter & Junon l'exemple nous fourniffent.
Délicieuſe nouveauté ,
Mere des doux plaifirs , charme de la nature ,
Par toi la riante verdure
Donne au jeune Printems fa piquante beauté ,
L'éclat de l'or , l'odeur de l'ambre
Près de toi n'ont rien de charmant ,
Et tu fçais égaler par ton feul agrément
La Cerife précoce au Melon de Septembre;
Les Mufes avec foin t'affectent dans leurs
chants ;
Le Soleil fe cache dans l'Onde
Pour montrer chaque jour de nouveaux feux
au monde ,
Tu fournis aux Amours leurs traits les plus
touchans .
Ah ! nouveauté voluptueuſe ,
L'hymen , le froid hymen languit fans tonfecours.
Que ne fais - tu pour lui dans fa courſe ennuyeuſe
Ce que tu fis les premiers jours ?
Flore.
Plus je fonge à vos avantures ,
Mo'ns je vois par quelles blefsüres
I. vol. B iiij Votre
108 MERCURE DE FRANCE:
Votre amour auroit pû périr ,
Moi , qui fçai combien de figures
Vertumne a fait pour t'acquerir.
Pomone.
Pour venir à fes fins , il n'eft aucune adreffe
Qu'Amour ne fache ménager.
Vertumne a fait pour m'engager
Mille & mille tours de fouplefle .
Par un fâcheux , par un trifte retour
Pour ranimer l'ardeur de fes flammes mou
rantes ,
Je me transforme chaque jour
En cent figures differentes ,
Et ne puis réüffir à fixer fon amour.
Oublions , oublions la douleur paffagere
Du plaifir, de l'hymen , fi - tôt évanoui.
Mais toi , dont l'enjoûment infulte à ma mifere
,
Toi-même , tu parois d'un air moins réjoüi
Que tu ne l'es à l'ordinaire.
Flore.
Je n'ai point de commerce avec les noirs foucis
Ce que tu crois chagrin, c'eſt pitié toute pure ; vol.
Je
JUIN 1728. 1109
Je veux fous cet Ormeau te conter l'avanture
Qui rend mon tein plus pâle , & mes yeux
obfcurcis.
Auprès d'une claire Fontaine
Qu'un vieux Chêne tient à l'abri ,
Hors d'inquiétude & de peine
Je rêvois fans objet fur le gazon fleuri
La délicieuſe molefle
Répandoit fes parfums fur les airs d'alentour;
L'Herbette pour faire fa cour
S'épaiffiffoit fous ſa Déeſſe:
Mille petites fleurs accourant fe montrer
Emailloient à l'envi la naiffante verdure ,
Et par la voix de la nature
S'empreffoient de me remontrer
Qu'elles méritoient bien d'entrer
Dans l'ornement de ma coëfûre.
Je m'amufois à les choifir ,
Quand un foupir brûlant vint frapper mon
oreille :
Mon foupçon jaloux fe reveille ;
Et je crus que j'anrois le chagrinant plaifir
De prendre fur le fait mon volage Zephir.
I vol.
Un B v.
1110 MERCURE DE FRANCE .
Un Buiffon d'Eglantiers , d'une épaiffeur obf
cure
De mes perçans regards interrompoit le cours,
Je l'ouvre adroitement fans craindre l'avanture
De la Déeffe des amours.
J'apperçois au travers une jeune Bergere
Affeztrifte pour m'émouvoir ,
Affez belle pour me déplaire ,
Et de mes agrémens balancer le pouvoir.
L'éclat de fes beaux yeux qu'une amére infor
tune
Groffiffoit d'un torrent de pleurs
Ne reffembloit pas mal à l'éclat de la Eune
Quand fa lumiere brille au travers des va
peurs ;
Son habit négligé , par plus d'une ouverture ,
Expofoit aux regards la neige de fon fein ;
Ses cheveux mal rangez, erroient à l'avanture ,
Et fa tête preffoit l'Yvoire defa main.
Après quelques momens d'une extafe inquiete
Son coeur outre d'ennuis à fa langue cut 1
cours ,
Et la douleur plaintive , à la douleur muette ,
Prêta de fes regrets l'officieux fe cours
I vol.
JUIN.
IIII 1718.
Il eſt donc vrai , Tirfis , que ton ame cruelle
Veut pour le champ de Mars abandonner ces
lieux ,
Ces lieux ! où tu jurois qu'une ardeur éternelle
Soumettroit tes deftins au pouvoir de mesyeux
?
Ah Berger ! ta beauté dans nos Champs fi
vantée
Suffit pour affronter des appas couroucés ,
Pour forcer la rigueur d'une Amante irritée 3
Etnon des Bataillons de Piques hériffez.
Si l'ardeur des combats excitoit ton courage ,
Il en eft parmi nous qui te convenoiene
mieux ;
Tu pouvois difputer à tout notre Village
De la danfe ou du chant les prix ambitieux.
Tu pouvois avec moi difputer de tendreffe ,
Mon coeur n'en fçait que trop , bien qu'il ait
peu vécu ;
Er tour jeune qu'il eft , je fens à fa foibleffe,
Oui, cher Tirfis,je fens que je t'aurois vaincu,
Malheureufe ! c'est moi , c'eft ma rigueur extrême
Qui livre à ce péril les jours de mon Berger :
Que me demandoit- il un rien , un je vous
aime :
I vol
Par B vj
1112 MERCURE DE FRANCE .
Par un cruel refus falloit- il l'égorger ?
Vaine & fauffe pudeur!& toi bouche traîtreſſe
Qui refufa , deux mots pour conferver fes
jours ,
Va ; puifque tu n'as pû t'ouvrir à la tendreffe;
Aux plaintes, aux regrets ouvre-toi pour toujours.
Que vous êtes heureux , troupeaux de nos
Campagnes
Qui ne combattez point pour la grandeur des
Rois ?
Que vous êtes heureux, Rofiers de nos Montagnes
,
Qui ne voulez point croitre à la hauteur des
Bois !
Funeste ambition , pefte infame des Villes
Par qui tant de beaux jours ont été racourciss
Devois- tu pénétrer dans nos facrez aziles ,
Ette joindre au dépit pour m'arracher Tirfis
Qui pourra de mon coeur , calmer les juſtes
craintes ?
Comment fur les frayeurs le rendre fatisfait ?
I
Peut- être en ce moment que je m'exhale en
plaintes
2
I vol
JUIN. 1113 1728 .
Il lave de fon fang le crime que j'ai fait.
Peut-être un fer barbare... O Cieux...
A ces paroles
Sa preffante douleur la contraint de finir ,
Ses jambes tremblantes & molles
Nepeuvent plus la foûtenir.
Elle fent fa vigueur mourante
Succomber tout à coup fous l'excès de fes
maux ,
Et tombe pâle & languiffante
Comme un Lys tranché par la Faux.
Le brillant Incarnat qui la rendoit fi belle 】
Parmi les airs eft emporté ,
L'Amour & le Zéphir en entrent en querelle ;
Chacun d'eux en prétend augmenter de fon
aîle
A
L'agréable varieté.
Pour moi , de qui le coeur au plaifir eft porté » ,
Laiffant au Dieu qui l'a bleffée
Le fouci de la fecourir ,
1
Plus vite que le pas , je me fuis éclipfée :
Et meure de douleur quiconque en veut mou.
rir.
Je n'ai pû cependant à cette infortunée
I vol. Refufer
1114 MERCURE DE FRANCE.
Refufer quelque émotion ,
Et fi tu me vois conſternée,
Ce n'eft que de compaffion.
Pomone.
O Mars , divinité cruelle ,
Si ton ombre feule eft mortelle ,
Quel coeur de ta fureur pourra ſe garantir ›
Elle ne fçavoit pas , la pauvre créature ,
Qu'on ne fait aujourd'hui la guerre qu'en
peinture ,
Et tu devois l'en avertir.
Mais , adieu : ton caquet ne fait pas mon affaire
:
On ne s'en laffe point , on pourroit y vieillir ;
J'ai des fruits nouveaux à cueillir ,
Et Vertumne eft chagrin plufqu'à ſon ordinaire.
Flore.
Va payer l'interêt de ces charmantes nuits
Qui par tes doux rêcits me rendojent fi rêveufe
:
Quels portraits quelle joie émouvante &
Aateufe !
Quand je m'en reffouviens , je ne fçais où je
fuis.
I vel.
Fomene
.
JUIN.
1111
1728:
Pomone.
Te tairas-tu , belle caufeufe ?
Adieu , Reine des fleurs ,
Flore.
Bon foir , Reine des fruits.
DE SE'NE CE'.
Avant que de donner cette piéce au
public , M. de Sénecé l'envoya à M.Car
relet , qui l'en remercia par les quatre
Vers que voići :
Non, tu ne peux avoir tant de luftres complets:
Si tu veux m'en convaincre, il faut ,fans te de
plaire ,
Il faut , cher SE'N ECE' , montrer ton Bapuſtaire
,
Où ne plus compoſer d'Ouvrages fi parfaits.
kakakakakakak şikakakakakakai
LETTRE du 5 Janvier 1726. à M. de
Mairan de l'Academie Royale des
Sciences , fur les Obfervations Meteoro
logiques , faites à Beziers en 1724 .
J
E vous ai rendu compte , Monfieur,
dans mes précedentes Lettres de tout
ce qui s'eſt paffé dans notre Academie de-
I vol.
puis
116 MERCURE DE FRANCE .
puis votre départ , & en dernier lieu j'ai
eu l'honneur de vous écrire pour vous
prier au nom de tous nos Confreres , de
remercier tres - humblement Monfeigneur
l'ancien Evêque de Fréjus de la bonté
qu'il a euë de nous obtenir du Roy la
permiffion de faire chaque année deux
Affemblées publiques. Je vous marquai
en même- temps que M. Portal on ſe préparoit
à faire l'ouverture de la premiere
de ces Séances ; qu'on avoit nommé ceux
qui doivent parler après lui ; & que je vous
envoyerois bien- tôt un Extrait de tous les
Difcours qui y feroient lûs.Il ne me reſte
à prefent , M.qu'à vous donner le réfultat
de nos Obfervations Meteorologiques
de l'année paffée .
Reg. 20 Dec. 1715 .
Obfervations fur la quantité de Pluye
de 1725.
Lignes.
En Janvier 1 2 Juillet
4
Aouft
Septembre
Lignes.
S
4
Février 12
Mars 59 Z
2
Avril 24/1/20 Octobre
May 63
Novembre 68
Juin 3
Decembre
4 I vol.
La
JUIN. 1728. 1117
La fomme totale de la hauteur de Pluye
en1725 , eft 204 lignes , qui font 17
pouces.
Sur le Thermometre & le Barometre.
Dans le commencement de l'année , le
Thermometre defcendit le 4 Février julqu'au
25 dégré , vers les fept à huit heures
du matin, auquel temps je fais mes ob.
fervations en Hyver ; & vers la fin de
l'année ; fçavoir les 8 , 11 , 17 & 30
Decembre , il n'eft pas defcendu plus bas
que de 27 dégrez . Ainfi l'année paffée n'a
pas
été fort froide .
Le même Thermometre a marqué la
plus grande chaleur le 21 de Septembre,
la Liqueur du Tube étant à 92 dégrez
vers les trois heures après midi , qui eſt
le temps de mes obfervations en Eté. Les
21 , 22 Juillet , 11 , 12 , 20 , Aouft , 13
& 14 Septembre furent auffi des jours
affez chauds . La Liqueur étant montée
après midy jufqu'à 84 & 85 dégrez .
2
La plus grande pefanteur de l'Air a été
marquée par le Barometre le 3 Mars , le
Mercure étant monté à 28 pouces 2
lignes par un temps fombre. Il avoit été
plufieurs fois à 28 pouces 2 lignes dans
les mois de Janvier & de Février . Il s'eft
trouvé au plus bas qu'il foit defcendu , à
27 pouces 3 lignes , le 19 Decembre par
un
I vel.
1118 MERCURE DE FRANCE.
an temps de pluye , & le lendemain il fut
à 27 pouces 8 lignes , ce qui eft la plus
grande variation que j'aye remarquée
l'année derniere en 24 heures,
On fera cette année - cy les mêmes Ob.
fervations , & l'on tâchera d'y joindre à
l'avenir celles des Vents & de l'Aiguille
Aimantée. Je fuis , Monfieur , &c.
La fuite pour le prochain Mercure.
ODE.
A M. d'Auvergne , Avocat , Chevalier
Académicien de l'Ordre Social , fur la
nouvelle année.
CHer d'Auvergne , voici le jour
Qui recommence une autre année ,
Pour la rendre plus fortunée >
Tâchons d'accroître notre amour.
Que notre union mutuelle
Aux humains ferve de modéle ,
Par elle rendons - nous fameux ;
De nos jours employons le refte
En imitant Pilade , Orefte ;
Soyons toujours amis comme eux.
1. vol.1.
Pour
JUIN. 1728.
1116
雜
Pour toi je ferois des fouhaits ,
S'ils étoient bons à quelque chofe ,
Je t'en ferois en Vers , en Profe ,
S'ils fe changeoient en des effets ; ,
Mais ils ne font que des chimeres
Ou plutôt des vapeurs legeres -
Qui fe détruifent en naiffant.
Ami , pourtant je le fouhaite ,
Cette felicité parfaite
Qui naît toujours d'un coeur content.
Que'aveugle divinité
Nous éleve au haut de fa roje ,
Qu'elle nous plonge dans la boue ,
Gardons la même égalité.
Ce n'eft pas l'éclat des richeffes
Qui doit enfanter les tendreffes ,
Ou qui doit en rompre le cours;
Qu'un plus beau motif nous excite
Quand on s'aime pour le merite ,
On ne peut que s'aimer toujours.
Amitié
J. vol.
1120 MERCURE DE FRANCE .
Amitié que tes fentimens
Ont d'apas pour les belles ames !
Que tes chaftes & tendres flammes
Leur font goûter de biens charmans !
Sans toi , la plus brillante vie
A cent chagrins eft affervie ,
Tu fais le bonheur des Mortels.
O tendre amitié ! je te jure ,
D'un coeur ennemi du parjure ,
D'encenſer toujours tes Autels .
M
Quel bien précieux je te dois ,
Societé noble & fçavante ! *
La pure flamme qui m'enchante ,
Eft le fruit de tes douces loix .
Dans le nombre de mes Confréres ,
Dont les ames droites , finceres ,
Font briller un amour charmant ,
* L'Ordre Social , inftitué à Verdun fur Meufe
en 1724. fous le bon plaifir du Roy , par les
Principaux Officiers du Regiment de Toulouze ,
Infanterie , fous la protection de feüe Madame
la Ducheffe d'Orleans.
1. vol.
D'AuJUIN.
1728 .
1121
D'Auvergne qui m'aime & m'eftime ,
Par un retour trop légitime,
Elt aimé de moi cherement.
Avec quelle rapidité ,
藥
Helas ! s'écoulent les journées !
Comme s'entaffent les années !
On vole à la caducité .
D'une viteffe imperceptible
Le tems , ce deſtructeur terrible ,
Nous traîne après lui fans pitié ;
Mais , cher ami , pourquoi me plaindre
De fes coups je n'ai rien à craindre ,
J'éternife notre amitié.
Quand tous deux dans les mêmes murs ,
Ferons-nous éclater fans ceffe
Le beau feu de notre tendreffe ?
Aprochés doux momens futurs :
Déja mon ame eſt toute émüe
En fongeant que ta chere vüe
Caufera mes heureux tranſports .
Donsféduifans de la fortune ,
I. vol.
Votre
1122 MERCURE DE FRANCE.
Votre valeur eft trop commune
Un ami vaut tous les tréfors .
Quand nous nous verrons chaque jour
Ciel ! quelle douceur infinie !
Sans façon , fans cérémonie
Nous nous marquerons notre amour.
Tems , où j'efpere un bien folide ,
Hâte- toi d'une aîle rapide ,
Vole, viens combler tous mes voeux ;
Je mets en toi mon eſperance :
Répons à mon impatience ,
C'est toi qui dois me rendre heureux.
Par M. l'Affichard , Chevalier- Académicien
de l'Ordre Social.
***************
PARADOXE GEOMETRIQUÉ
Proposé & démontrépar L. P. C.J.
Pluss
Lus on fait d'ufage de fon efprit ,
plus on trouve de raifons de fe défier
de fes propres lumieres. Les chofes mêmes
que nous croyons le mieux entendre ,
font
JUIN. 1728 . 1123
›
font fujettes à mille exceptions què
nous ne fçaurions prévoir , & qui ont
droit de nous déconcerter , lorfqu'elles
fe prefentent à nous pour la premiere
fois. C'eft un Axiome de la Géométrie
vulgaire & de la plus fimple Arithmétis
que , que fi d'une quantité on ôte unè
quantité égale , il ne doit rien refter , fi
de 1o. on ôté 10. le refte eft zero ; fi de
100. on ôte 100. fi de , &c . ou même
fi d'une chofe on ôte toutes fes parties , fi
de 10. on ôte 5. enfuite 3. & puis a . le
refte eft zero. Tout le monde fçait cela ,
tout le monde le trouve évident , & il n'y
a pas de petit Arithméticien de quatre
jours qui croye qu'il puiffe y avoir quelqu'un
dans le monde qui entende cola
mieux que lui . A la verité , rien n'eft plus
fimple que de dire 3. moins 3. fait zero ,
9. moins 9. fait zero. Voici pourtant
deux faits Géometriques , tous deux démontrez
& inconteftables.
*
Si l'on prend tous les nombres fractiomaires
naturels à l'infini , c'est - à- dire ,
ceux dont le numerateur eft l'unité , &
dont les dénominateurs foient tous les
nombres naturels fucceffivement 1. 2. 3.
45. & c. ces fractions en un mot , un
unième , un deuxième , un tiers , un quart
un cinquième , un fixième , &c . il eft démontré
que la fomme des alternatifs pairs
eft
I 24 MERCURE DE FRANCE .
→
>
eft égale à la fomme des alternatifs impairs
, c'est- à-dire , que une moitié , un
quart, un fixieme , un huitième , &c. font
la même fomme que un uniéme
un tiers , un cinquiéme un , &c . Rien
n'eft plus facile,au refte, que la démonf
tration de cela : car fi on divife la fuite
entiere par 2. on aura la fuite des pairs ,
laquelle eft par confequent la moitié de.
toute la fuite , dont les impairs font par
confequent auffi l'autre moitié . Or il n'eft
pas moins démontré que fi de tous les im
pairs on ôte tous les pairs , le refte ne fera
pas Zero , puifqu'au contraire , felon Mer
cator , adopté par tous les plus habiles
Géometres de ce fiecle , cette fuite , 1
moins une moitié, plus un tiers moius un
quart , &c. eft la valeur d'un Quadrilatere
hyperbolique .
Au refte, ce n'eft pas le feul cas où cela
fe trouve ; il y en a des exemples à l'infini :
la Quadrature du Cercle par le celebre
M. Lebnis , eft auffi le refte de deux quantitez
égales ôtées l'une de l'autre. Je puis
même citer des cas où le refte de deux
quantitez égales eft infini , & infiniment
infini à l'infini . Et qu'on ne dife pas qu'il
y a ici du mal entendu & quelque fophif
me ; car non- feulement cela eft ainfi ,
mais j'ajoûte que cela doit être à priori,
comme on dit , & que parconfequent l'A-
$
xiome
JUIN. 1728. 1125
xiome vulgaire , fuivant lequel le refte de
deux quantitez égales , ôtées l'une de l'autre
, elt Zero , n'eft pas exact , ou plutôt
n'eft pas affez géneralement exprimé. Je
donnerai bientôt le dénouement de ce Paradoxe
. En attendant je fouhaite que quel
qu'un me prévienne. Mais il faut être.
Géometre & Géometre infinitaire pour
en trouver l'à priori , qui eft tout fimple
& un Axiome auffi.
శ్రీ శ్రీ శ్రీ
EPITHALAM E.
Sur le Mariage du Duc de Parme , avec
la Princeffe de Modéne.
V Enez , Hymen , doux Hymenée !
Venez Junon dans ces beaux lieux ,
Venez unir la deſtinée
De deux coeurs faits pour êtte heureux.
Les noms & d'Elte & de Farneze ,
Furent toujours cheris des Cieux ;
Il faut aujourd'hui qu'il vous plaife ,
De les éternifer tous deux ,
Par des enfans & des neveux !
*
Finon préfide aux noces & aux accoucher
m.ns.
1. vol.
Que
C
#116 MERCURE DE FRANCE .
Que de Heros de ces deux Races
Ont déja confacré ces noms !
Tous les Princes de leurs maifons
Marchent encore fur leurs traces.
On n'en parle que fur ce ton ,
Dans toute l'heureufe Aufonie ,
Et toute la vafte Iberie ,
En benit le fang & le nom ,
Tout le dit & tout le publie.
C'eft de ce fang que font fortis ,
Ces Epoux fibien affortis ,
Pour qui fument nos Sacrifices :
Venez, Divinités propices ,
Où pourriez- vous unir deux coeurs ,
Sous de plus éclatans aufpices ?
Ou fur des augures meilleurs >
Il ne leur faut ici que votre miniftere ,
Le Ciel leur a donné fes tréfors précieux ,
La nature , à l'envi , le coeur de leurs Ayeux ,
Le nom , fon rang héréditaire ,
La gloire , ce qu'elle a de mieux :
Mais leur bonheur eft votre affaire .
to vol
Les
JUIN. 1728 . 1127
Les Dieux fe font tous épuiſez ,
En faveur de l'un & de l'autre ;
A votre tour autoriſez
Un deftin qui dépend du vôtre.
Il ne s'agit plus que de vous !
C'eft de vous que dépend le bonheur des
Epoux !
Leur fort eft des plus beaux, qu'il foit des plus
durables ;
Qu'ils doivent à l'Hymen , qu'ils doivent à
Junon ,
Autant qu'ils doivent à leur nom !
Et qu'ils s'aiment toujours autant qu'ils font
aimables !
Qu'une longue pofterité
Retrace à la race future ,
Le merite , l'éclat & la felicité ,
Que raffemblent en eux le Ciel & la nature !
L'Epoux avec l'éclat , les titres , les vertus
Qu'il tient de fes Auguftes Peres ,
De l'Aufonie eft le Titus ,
Il réunit en lui leurs plus beaux caracteres.
I.vol. Cij C'eft
1128 MERCURE DE FRANCE.
C'eſt le fils de Veſpaſien ,
Genereux , liberal , prévenant , jufte , affable
Cheri de tous , à tous aimable ;
C'eft Titus, en un mot , il n'y déroge en rien .
C'est ce qu'en dit & qu'en publie ,
L'Europe comme l'Italie ;
Il en a parcouru les Cours & les Climats ,
Au grand bonheur de fes Etats.
Dans le digne objet de ſa flame ,
Que de douceur , de dignité !
On lui voit fur le front , dans les yeux , &
dans l'ame ,
Mille traits de Divinité.
Auffi de fon Augufte * mere ,
A- t- elle les vertus , l'efprit & les appas
Avec fon double caractere ,
Et de Minerve & de Pallas.
Difons tout on le voit , de fon Auguſte
Aycule ,
Elle a la dignité , la conduite & le coeur ,
Soeur de l'Imperatrice de fon nom.
Madame la Ducheffe de Brunfurick.
Į , vol.
Et
JUIN.
1129
1728 .
Et cette reffemblance feule ,
Et pour elle une gloire , & pour tous un
bonheur.
Quelle union ! quelle affemblage !
De quel espoir vous nous flatez !
Junon , Hymen , Amours , c'eft votre pur ou
vrage ,
Tirez - en tous les fruits que vous en promettez
,
Rendez des deux Epoux la memoire immortelle
,
Au gré de leurs defirs , faites que chaque
jour ,
Leur Hymen foit à leur Amour ,
Ce qu'eft à leur nom notre zele.
Inconftantes Divinités ,
Qui fi fouvent vous démentez ,
Eternifez les noeuds d'une union fi belle ;
C'est pour eux & pour nous que nous le demandons
>
Et qu'à la faveur de Lucine ,
Ils tirent de leur origine
Autant de vrais Heros que nous en attendons .
1
1. vol,
C iij
1130 MERCURE DE FRANCE .
Il ne peut rien fortir qui ne brille & ne plaiſe
Du mêlange du fang * d'Hanovre & de Farneze
.
Par M. de M...
*** ***
REPONSE à la queftion propofée dans
le Mercure de Mars , page 517.
V
Ous avez propofé , Meffieurs , dans
votre Mercure du mois de Mars dernier,
page 517.une Question qui n'a point
été répondue. On demande , lequel des
deux donne davantage ? Du fils qui fauve
la vie à fon pere, ou du pere qui la donne à
fon fils ? Cette queftion ne laifle pas d'avoir
fa difficulté ; car, comme il faudroit
une perfonne défintereffée pour la réfoudre,
& que neceflairement tous les hommes
ont une de ces deux qualitez , de pere
ou de fils ; on peut croire qu'il y aura de
la prévention dans le jugement qu'on en
portera. Je vais cependant , toute partialité
à part , tâcher de faire voir
› par les
raifons que j'apporterai , que le pere eft en
effet plus obligé à fon fils qui lui fauve la
vie , que le fils ne l'eft à fon pere qui lui
donne le jour. Prouvons.
* Le fang d'Efe & d'Hanovre eft le même.
& vol.
Tout
JUIN. 1728. 111
Tout le monde convient que le bienfait
n'eſt caracteriſé bienfait qu'autant qu'il
eft exercé avec connoiffance de caufe , fecondé
de l'intention déterminée de rendre
fervice à quelqu'un qui nous eft connus
mais fi au contraire , par un effet du hazard
, vous faites quelque bien à un homme
, fans le connoître ,fans aucun deffein ,
pourrez-vous , de bonne foy , exiger de la
reconnoiffance de cet homme , qui ne
doit remercier que le fort qui lui a procuré
la bonne fortune, & non pas vous qui
n'en avez été la caufe que fortuitement ?
On tirera facilement une confequence de
ceci; un pere entraîné par le plaifir des
fens , par le defir d'avoir un heritier , fatisfaction
particuliere pour lui , donne le
jour à fon fils , mais ce fils ne lui eſt pas
connu ; il ne peut y avoir une volonté de
faire du bien , puifqu'il n'y a point d'objet
réel fur lequel il puiffe tomber ; toute
l'obligation d'un fils fe réduit donc au hazard
, & c'eft lui feul qu'il doit remercier
de fa naiffance . Il n'en eft pas de même du
fils qui fauve la vie à fon pere , il le connoît
, il y a un mouvement décidé de lui
rendre fervice ; c'eft un vrai zele qui le
transporte , une vive amitié qui l'anime ,
& l'amour filial qui le fait agir; enfin , fon
action a tous les caracteres de la généro-
I vol . C iiij
fité
1132 MERCURE DE FRANCE .
fité fondée fur la vertu . Comme on pourroit
croire que j'avance icy un paradoxe
de mon chef , j'ajouterai que tous les anciens
ont eu une vraie veneration pour
les enfans qui s'étoient diftinguez par de
femblables traits.
La premiere vertu que Virgile donne à
fon Heros dans l'Enéide , c'eſt fon amour
pour fon pere qui lui fait hazarder fa vie ,
& négliger fa femme , pour le fauver fur
fes épaules de l'incendie de Troye , & c.
que
Paufanias donne des louanges exceflives
à Androclée & à fes foeurs , filles d'Antipoenus
; comme l'Oracle avoit rapporté
les Thébains furmonteroient les Orchoméniens,
fi quelque perfonne de la plus
illuftre famille fe dévouoit pour la patrie;
ces genereufes filles voyant que tout Thebes
jettoit les yeux fur leur pere, comme
étant de la plus noble race , fe donnerent
la mort pour lui fauver la vie ; ce qui fut
trouvé à beau par Hercule , que ce Héros
leur décerna les honneurs divins dans le
Temple de Diane ; ne pouvant s'imaginer
que celles qui avoient fait une fi belle
action , ne fuffent pas immortelles.
Silins rapporte qu'Amphinomus & Anapius
,freres , Siciliens , furent recommandables
par leur piété , pour avoir au péril de
leurs vies , fauvé leur pere de la Ville de
ti
I vol. Catane
JUIN.
1728. 1133.
Catane , que les flammes du Mont Etna
embrafoient ; ce trait feul a fait paffer
leurs noms à la pofterité.
Non feulement les anciens regardoient
avec admiration une pareille vertu' , mais
même il fuffifoit que l'on fe fut diftingué
par quelque fervice confiderable envers
fes parens , pour s'attirer toute leur eltime.
J'en rapporterai un feul exemple que
le fameux Solon me fournit. Ce fage Légiflateur
connoiffoit bien tout le prix de
la vertu,& une loüange de fa part ne pouvoit
être fufpecte. Lorfque Crefus l'eut
fait venir dans la Cour , & que ce Prince
fuperbe eut commandé qu'on lui montrât
tous fes tréfors, la magnificence de fes appartemens
& de fes meubles ; Créfus lui
demanda , s'il avoit jamais vû d'homme
plus heureux que lui ? Solon répondit que:
oui , &
c'étoit un particulier d'Athenes
nommé Tellus, fort homme de bien , qui
avoit vû fa patrie toûjours floriffante , qui
avoit laissé après lui des enfans generalement
eftimez , & qui après avoir été toute
fa vie à couvert de la neceffité , étoit mort:
en combattant genereufement pour fa patrie.
Crefus piqué de cette réponſe,lui demanda
encore fi après ce Tellus , il avoit
connu un autre homme, dont le bonheur fut
égal au fien ? Solon répondit , qu'il avoit
connu de plus heureux que lui , Cleobis &
que
v vol.. Biton Cy
1134 MERCURE DE FRANCE.
1
·
a
Biton , deux freres qui étoient d'Argos
qui avoient en pour Argie leur mere ,
Pretreffe deJunon , tant d'amour , qu'un
jour de fête , comme elle devoit aller au
Temple , fes Boeufs tardant trop à venir, ils
Se mirent eux -mêmes au joug & trainerent
le Char de leur mere , qui ravie de joje ,
pria Junon d'accorder àfes enfans ce qu'ily
avoit de meilleur pour les hommesla Déeffe
exauga fes prieres ; car après le facrifice
Cléobis & Biton s'étant allé coucher, ils fu
rent trouvez morts le lendemain. Junonfaifant
entendre par-là que le plus grand bien
qui puiffe arriver aux hommes en cette vies
c'est d'en fortir. Ils terminerent ainfi leur
carriere par une mort douce & tranquille ,
au milieu d'une gloire immortelle . C'eſt ainfi
que Solon préferoit la vertu de ces deux
freres , à tout l'éclat brillant du plus magnifique
Roy du monde . En effet, les plus
grandes actions des plus illuftres Capitaines,
comme l'a remarqué un Sçavant(a)
de notre fiecle , n'ont pas été plus vantées
que cette action de pieté. Ceux d'Argos
pour honorer leur memoire , confacrerent
leurs Statues dans le Temple de Delphes
.
Le même Solon (b)comptoit pour fi peu
le jour que le pere donne à fon fils , quand
( a ) M. Dacier.
(b ) Plutarque , dans la vie de Solon.
I vol.
une
JUÍN
. 1728. 1135
une éducation convenable ne fuivoit pas
la naiffance, qu'il difpenfoit par fes loix le
fils de nourrir fon pere , s'il ne lui avoit
pas fait apprendre quelque mêtier. Les
enfans nez d'une ( c ) Courtilane en étoient
de même difpenfez ; mais il vouloit auffi
qu'on regardat comme infame celui qui
ayant été bien élevé par fes parens , refuferoit
de les nourrir . Ce grand homme
faifant confifter toute l'obligation d'un
fils , dans la feule éducation que fon pere
lui donnoit , & regardant la naiffance
comme rien .
Finiffons par un exemple où il paroît
que le ciel même aide par des prodiges les
enfans qui fe portent à des actions genereufes
. Perfonne n'ignore ce qui arriva à
Athis , fils de Crélus , dont je viens de
parler . Ce jeune Prince qui étoit muet de
naiffance , voyant un Soldat du Roy Cy
sus,le bras levé pour tuer fon pere,fit un fi
grand effort, pour l'avertir du danger qui
le menaçoit , qu'il rompit les filets qui
empêchoient fa langue d'agir , prononçant
à haute voix ces mots : Mon pere,prenezgarde
à vous ; on voit par tout ce que j'ai
rapporté que les anciens regardoient une
pareille action bien au deffus du commun
, & comme le plus bel effet de la
vertu la plus fublime ; convenons done
(c ) Diogene Laërce .
I. vol.
Cvj
avec
1136 MERCURE DE FRANCE .
avec eux , que le fils donne davantage
fon pere , en lui fauvant la vie , que le pere
en la donnant à fon fils fi c'est une fi belle
vertu de fe montrer religieux envers les
parens , les enfans en font d'autant plus
obligez , de ne fe point écarter du profond
refpect qu'ils doivent à leur pere , puifqu'ils
voyent le cas infini qu'on a toûjours
fait de cette forte de pieté , & que c'eft le
plus beau & le plus sûr moyen de fe faire
generalement eftimer . Je fuis Meffieurs ,
& c.
T. D. L. C.
SONNET.
BOUTS - RIMEZ remplis fur la
Converfion du Pecheur.
Seigneur , c'eft par un coup de ta grace
Puiffante ,
Victorieux
Qu'ur pecheur de Satan fe voit
Qu'il foule aux pieds un monde inconftant
Odieux ,
Sans que de fon poifon fon ame fe Reffente,
3
Pour goûter les douceurs d'une paix Innocente,
Il cherche la retraite , & s'arrache à ces
lieux ,
Is vol.
Ou
JUIN. 1137 1723 .
Où la fortune & l'or placés au rang des Dieux,
Renverferoient bien- tôt une vertu Naissante,
Au jeûne , à l'oraiſon , fans ceffe il a Recours,
Pour vaincre , il a beſoin de ce divin Secours,
Lorfque fes fens lui font nne guerre Charnelle,
Pour fes crimes paffés pénétré de Douleur,
Ce Pénitent fait voir la livide Couleur
Qu'un cilice répand fur fa chair Criminelle.
XX:XXXXXXXXXXX : XX
LE
FESTE donnée à Paris.
E Chevalier Couvay , Portugais , Conful
general de fa Nation , ayant été
chargé par la Cour de Portugal de donner
une Fête publique au fujet du double mariage
des Infants & des Infantes d'Efpagne
& de Portugal , prit toutes les mefures
néceffaires pour l'éxecution des ordres
qu'il avoit reçus , & pour donner en
même-tems des marques éclatantes de
fon zele ardent & de fon profond respect.
pour la Perfonne Sacrée de S. M. Portuguaife
, & pour fon augufte Famille . Il
I... voľ
s’elk
1138 MERCURE DE FRANCE .
s'eft attaché en tout à foutenir la dignité
de fa Commiffion .
Toutes les differentes parties qui entroient
dans la compofition du deffein que
le Chevalier Couvay s'étoit propolé , le
trouvant dans l'état de perfection que
l'on pouvoit defirer , autant par la capacité
& la vigilance , que par le grand nombre
des perfonnes employées , fous la direction
du fieur Teftart , fi diftingué par
fes talens dans l'Académie de Peinture de
Paris . L'invitation fut faite à tous les Am .
baffadeurs & Miniftres des Cours Etrangeres
qui devoient affifter à cette Célébration
, & le jour fut pris pour le 18. da
mois d'Avril. On ne travailla que la nuit
du Samedi au Dimanche pour la décoration
exterieure . Prefque toute la façade
de l'Hôtel de Vic , où le Chevalier Couvay
fait fa demeure , fe trouva dès la
pointe du jour occupée de cette décoration
, & préfenta aux yeux du peuple un
fpectacle qui lui parut fubit.
La face de l'Edifice ou du Temple , étoit
d'un marbre blanc feint , de 42 pieds de
large fur so de hauteur ; le plan s'avançoit
en forme circulaire , & préfentoit
deux avant corps que couronnoit un
Entablement d'Ordre Corinthien , orné
d'une fufe de Lapis , & de toures les moulures
qui fervoient à l'enrichir. Il étoit
-
1
1. vol.
porté
JUIN 1718. 1139
porté par fix colomnes de la même matiere
, dont 4. fervoient à former la faillie
des avants-corps . Dans les entre- deux de
ces colomnes étoient plaets deux Médaillons
de chaque côté ; ils étoient ornés
de feftons d'or moulu , aufli - bien que les
Chapiteaux & les Bafes des colemnes.
Dans les premiers Médaillons étoient
deux Emblêmes. Dans l'un , l'Amour tenoit
fon Arc d'une main , & de l'autre
quatre fléches ; il avoit fon Carquois fur
l'épaule , & voloit audeffus des deux Hemifpheres
, dont , l'un reprefentoit par
fes traits géographiques le contour des
Etats , que le Roy d'Efpagne & le Roi de
Portugal poffedent en Europe ; & l'autre,
ceux qu'ils poffedent dans le nouveau
monde , & pour ame ces mots :
Notus niroquefub axe.
Dans l'autre Médaillon , l'Hymen tenoit
dans chaque main une torche allumée
, & voloit à la rencontre de l'Amour
, audeffus de deux femblables Hemifpheres
, avec ces mots :
Unus nonfufficit Orbis.
Dans les deux autres Médaillons étoient
les Devifes fuivantes. Des Rameaux d'O
livier , des Branches de Myrthe & de
Laurier , raffemblés comme pour en faire
1. vol.
des
140 MERCURE DE FRANCE.
des Couronnes , dont quelques - unes pa
roiffoient déja commencées .
Quot apta Coronis.
Un Bouquet magnifique de Rofes &
de Lys . }
Novus ex nexu Decor.
Les deux autres Colomnes qui étoient
auffi de Lapis , mais plus éloignées que
les premieres , fervoient à porter l'Entablement
du milieu qui lailloit une place
à la Renommée,d'où elle prenoit fon vol
pour apprendre aux deux Mondes la nouvelle
de ces Alliances Souveraines . Sur la
Banderolle de la Trompette qu'elle tenoit
dans la main gauche , étoit écrit :
Vires acquirit eundo.
Ce mot a fon allufion à l'accroiffement
de la puiffance du Portugal.
Les arriere- corps étoient formés par deux
Confoles , qui portoir at fur le même focle
de l'Ordre Corinthien ; elles étoient
Couronnées par une corniche dont les
moulures participoient de l'Entablement,
& ces mêmes Confoles portoient fur leur
corniches deux vafes , dont la forme
étoit finguliere , & la matiere précieufe.
Les Obelifques qui couronnoient l'Edifice
, foutenus fur deux piedeftaux 2
dont
JUIN. 1728.
1141
dont le plan par un contour oppofé à celui
des avants corps paroiffoit le retirer en
demi cercle comme pour aller rejoindre
le corps du Bâtiment , étoient de 2 o . pieds
de haut , & terminés par deux Caffolettes
d'or moulu . Des Génies pareillement d'or
moulu , placez fur la faillie des piedeftaux
, de chacun des Obelifques , portoient
des Ecuffons où étoient les Armes
d'Efpagne & de Portugal . Autour des
Obelifques on avoit peint des fleurs qui
paffoient en feftons fur le devant des piedsd'Eftaux
, & tomboient enfuite de chaque
côté jufques fur l'Entablement.
Le milieu de cet Edifice étoit occupé
par la Statuë de Minerve , qui d'un côté
préfentoit la main à l'Amour & de l'autre
à l'Hymen . L'Amour portoit dans celle
de fes mains qui étoit libre , un Ecuffon
chargé de deux Portraits accollez des
deux Infants d'Efpagne & de Portugal ,
& l'Hymen portoit pareillement ceux des
deux Infants .
Aux deux extremités étoient la Statuë
de Neptune & celle de Cybele. Tout cela
eft relatif à une double alliance de deux
Royaumes puiffans , l'un par l'étendue
de fes Domaines , & l'autre par la navigation.
Le grand nombre d'illuminations ,
tant celles qui la nuit fuivante éclairoient
toute la façade de l'Hôtel , que celles qui
1. vol.
étoient
1142 MERCURE DE FRANCE.
étoient placées dans les maifons oppofées,
faifoient fortir toutes les figures de la décoration
, & les animoient de telle forte ,
que toutes les Divinitez fembloient en
mouvement pour la célébration de ces
Mariages. Les croifées du dedans de la
cour , qui a environ 24. toifes en quarré ,
étoient également'illuminées.
Toutes les perfonnes de l'un & de l'autre
fexe qui étoient invitées , fe rendirent
à l'Hôtel de Vic , vers l'heure de midy.
Quoique la Cour fut en deuil , l'Affemblée
le quitta ce jour- là . Les Dames qui
avoient été invitées par Madame Couvay,
& qui étoient au nombre de 25. ou 30 ,
n'avoient rien oublié pour donner à la
Fête tout l'éclat que le fexe feul peut
lui donner , lorfqu'une parure également
brillante & entendue , en releve les graces
& la beauté. Les Miniftres s'y montrerent
dans toute la magnificence que
demandoit la dignité de leur reprefentation
. On croit devoir pour l'honneur de
cette journée en mettre ici les noms.
M. M. Mafcei , Nonce du Pape.
Le Baron de Benterrieder , Plénipotentiaire
de l'Empereur.
Le Marquis de Santa Cruz , Plénipotentiaire
d'Espagne .
Le Marquis de Berraneçca , auffi Plénipotentiaire
d'Efpagne.
1. vol.
De
JUIN. 1728. 1143
De Walpoole , Ambaffadeur d'Angleterre.
Le Comte Maffei , Ambaffadeur du Roy
de Sardaigne.
Canali , Ambaffadeur de Venife.
Van- Hoey , Ambaffadeur d'Hollande .
De Ghedda , Envoyé Extraordinaire de
Suede.
Le Comte d'Efteinville , Envoyé Extraordinaire
de Loraine .
Le Comte de San Severino d'Ar ig
Envoyé Extraordinaire de Parme .
Le Prince Kourakin , Miniftre Plénipotentiaire
du Czar.
De Grevembroch , chargé des Affaires de
l'Electeur Palatin.
L'Abbé Franquini , chargé des Affaires
du Grand - Duc de Tofcane.
Le Marquis de Rangoni , Envoyé de Modene
.
Le Chevalier Borio , chargé des Affaires
du Duc de Guaftalla.
Sorba , Envoyé de Genes .
Laffientz , chargé des Affaires du Roi de
Dannemarck.
L'Abbé Rota , Auditeur de la Nonciature.
M. le Baron de Fonfeca , chargé des
Affaires de l'Empereur , & M. le Chambrier
, chargé de celles duRoi de Pruffe
envoyerent s'excufer pour caufe de maladie,
& M. le Bailly de Mefme , Ambaffadeur
de Malthe , ne put s'y rendre non
plus ,, ayant appris le même jour la mort
1144 MERCURE DE FRANCE .
du Marquis de Fontenille , fon beá
frere .
Leurs Excellences , en fortant du Salon
où elles s'étoient affemblées pour fe
rendre dans le lieu où le dîner étoit fervi
, pafferent dans l'appartement de
Madame Couvay qui fe trouva ouvert , &
ayant veu l'Affemblée de toutes les Dames
, fe plaignirent avec beaucoup de
politeffe de la cérémonie qui les féparoit
d'une compagnie fi gracieufe.
li
Lorfque la Table fut fervie , on en donna
le fignal par une décharge de plus de
so . Boëtes , placées dans le Jardin .
Dans une profufion fomptueule de toutes
efpeces de mets dont on avoit fait venir
partie deplufieurs Provinces voisines ,
& de quelques unes éloignées , on admira
particulierement la délicateffe & la propreté
, & fur tout l'ordonnance & la legereté
du fervice . Le fieur de la Barre ,
qui a conduit les Tables , eft ce célébre
Maître-d'Hôtel qui avoit été mandé d'Angleterre
pour le repas du Couronnement
du feu Roi Georges . Il crut que dans une
Fête où étoient invités tous les Miniftres
des Cours Etrangeres , il y avoit de la galanterie
à y expofer des mets de toutes les
Nations ; c'eft ce qu'il fit fans qu'il y eut
à cela une affectation trop marquée & par
forme d'hommage à leur goût particulier.
La Table fut fervie en gras & en maigre ,
JUIN. 1145 1728 .
!
& il étoit difficile de décider dans lequel
des deux le Service étoit plus magnifique ,
& la chere plus délicate. Il y avoit 24.
Suiffes pour porter les plats , & 15. Valets
de Chambre pour fervir à Table .
La décharge des Bottes dans le Jardin
fut réiterée lorsqu'on but aux doubles
Mariages .
Une feconde Table de 30. couverts
pour les Dames & pour quelques Amis
particuliers , dont Madame Couvay faifot
les honneurs , fut fervie en mêmetems
& dans le même ordre que celle des
Ambaffadeurs .
On fortit de Table fur les cinq heures
, & toute la Compagnie fe raffembla
dans un Salon où parmi tous les ornemens
dont il étoit fufceptible , étoit placé
le Portrait de Sa Majesté Portugaile . Le
Sujet de la Décoration qui occupoit la
porte de l'Hôtel avoit donné lieu à un
Epithalame au fujet du double Mariage ,
& où regnoient les Myfteres de la même
Allegoric. Ce divertiffement fut mis en
Mulique par un des plus habiles Compofiteurs
* , & executé par les plus belles voix
& les meilleurs Simphoniftes. La De le
Maure , qui reprefentoit Minerve , y foutint
par la beauté de fa voix toute la difunction
qu'elle s'eft acquife.
* Lefieur de Villeneufve
1. vol.
Voici
1146 MERCURE DE FRANCE .
Voici les paroles de l'Epithalame , elle
font de M. l'Abbé Nadal , fort connu pa
les Tragédies qu'il a données au Public
& cy- devant Secretaire de l'Ambaffadd
Extraordinaire à la Cour d'Angleterre de
feu M. le Duc Daumont .
Le lieu de la Scene reprefente un Temple
que l'on vient d'élever fur les confins
de l'Efpagne & de Portugal pour la célébration
des Mariages . Minerve , que les
deftins ont chargée de cette double union ,
préfide à la Cérémonie , & le Dialogue
eft entre cette Divinité & l'Hymen , PAmour
, les Graces , les Vertus , une troupe
de Jeux , d'Amours & de Génies.
Minerve.
Hymen , Amour , allumez vos flambleaux ;
C'eft Minerve qui vous l'ordonne :
Pour former les noeuds les plus beaux ,
Acquittés -vous des foins que je vous donne.
1
Hymen , Amour , & c .
L'Hymen .
C'eſt à Minerve à diſpoſer de moi :
Elle eft des Dieux la fageffe profonde.
L'Amour.
Je veux bien, comme vous , en recevoir la loy.
Moy qui la donne à tout le monde.
I. vol.
L'HyJUIN
1728. 1147
L'Hymen & l'Amour enfimbl .
C'eſt à Minerve à difpofer , & c.
Je veux bien, comme vous , &c.
Minerve , l'Amour, l'Hymen.
Que des Deftins l'ordre enfin s'accompliffe
,
Pour le bonheur de cent Peuples divers.
Que le fang des Bourbons , aux Bragances s'unille
,
Des fruits d'un double Hymen , qu'un fi beau
Sang rempliffe ,
Tous les Trônes de l'Univers,
Le Choeur.
Que des Deftins , & c.
L'Amour,
Jeux, Amours , volez fur mes traces
Pour unir de tendres Epoux .
Et pour en rendre encor le fpectacle plus
doux ,
Montrez- vous au milieu des Vertus & des
Graces.
L'Hymen.
En faveur des divins attraits ,
Dont le Ciel partagea deux Auguftes Mortelles
,
I vol
Amour
,
1148 MERCURE DE FRANCE.
Amour , change avec moi tes flammes & ter
traits ,
Et que des coeurs comblés des biens les plus
parfaits ,
N'en foient encor que plus fideles.
Pour les unir de mille noeuds fecrets ,
Et qu'ils brulent d'ardeurs qui foient toujours
nouvelles ,
Amour , change avec moi tes flammes & tes
traits .
Un Génie , en parlant de l'Infant d'Efpagne
& de l'Infante de Portugal.
O Sageffe éternelle , adorable Minerve ,
C'eſt à toi que le Ciel réſerve
D'unir ces deux Amans à tes pieds abatus . "
Dans cette Fête illuftre , & que toi feul or
donne ,
L'Hymen offre mille vertus ,
Et l'Amour autant de Couronnes.
Une Grace à l'Infant de Portugal .
Minerve à votre fort préfide ;
Elle raffemble ici fa Cour ,
A l'Autel où l'Hymen vous guide ,
Hebé , l'aimable Hebé , vous attend en ce
jour.
Ι . υο!. HâtésJUIN.
1149 1728 .
Hâtés-vous , volez ,jeune Alcide ,
Sur les aîles de l'Amour ,
Dans un choix où le Ciel décide ,
La gloire & la beauté vous flatent tour à
tour.
Hatés-vous , volés ,jeune Alcide.
Sur les aîles de l'Amour.
Un fecond Génie , à l'Infant de Portugal.
Quelle gloire vous environne !
Prince , vous êtes né pour porter la Couronne
,
Déja , vers vous les coeurs volent de tous
côtés.
En portant vos regards du Couchant à l'Aurore
,
De quel vafte pouvoir ne font- ils point flattés
?
Digne fils d'un Heros que l'Univers adore ,
Par les mains de l'Amour , l'Hymen vous lie
encore
A ces grands Rois dont vous fortés.
Minerve.
Fiers Aquilons , fuyés dans vos grottes profondes
;
Qu'un Ciel plus pur éclaire ce féjour ,
Et pour refpecter ce grand jour ,
I. vol. D Fai
1150 MERCURE DE FRANCE .
Faites taire le bruit des Ondes .
Et toi , Soleil , fufpends le cours de ton flambeau
;
Témoin pour quelque tems d'un ſpectacle fi
beau ,
Cours l'annoncer dans les deux Mondes.
L'Hymen , l'Amour.
Vous , Souverain des Mers , vous , puiſſante
Cybele ,
Soyés les feurs garants d'une union fi belle.
De tant de Rois victorieux ,
Protegés le Sang glorieux .
Minerve.
Que le deftin jamais n'en tariffe la fource ,
Qu'il triomphe toujours , qu'il regne en ces
Climats ;
Autant que le Soleil ,qui jamais dans fa courfe
Ne difparoît de leurs Etats,
Quel deftin , &c,
Le Chaur
Le Concert étant fini fur les neuf heures
, la plupart des Miniftres Etrangers
fe retirerent pour fonger à leur déguifement
, & chacun d'eux revit à la tête
d'une Mafcarade brillante,
I. vol,
L'illuJUIN
. 1
1728.
L'illumination du Jardin venoit d'être
annoncée par une grande quantité de Fufées
volantes qui en partoient de tous côtez
, & qui ne difcontinuerent point pendant
long- tems .
A
A dix heures du foir , on fervit un ambigu
pour les Dames fur une Table de 30.
Couverts ; les Cavaliers en grand nome
bre mangeoient debout .
Une Fête fi brillante fut terminée
par
un Bal qui commença à minuit ; il y eut
un concours de plus de 2000. perfonnes
qui n'entrerent que par Billets , à l'exception
de M rs les Ducs de Villeroy &..
de Gêvres , qui entrerent fur des cachets
de leurs Armes.
Le Prince Kourakin ouvrit le Bal avec
Madame Couvay , il y avoit fix Piéces &
deux Galleries éclairées, & difpofées pour
recevoir les Mafques. On danfoit dans
les deux principaux Salons . Dans une
des Chambres étoit dreffé un Buffet par
Gradins , garni de toutes fortes de fruits, de
Confitures féches , de Biſcuits & de toutes
fortes de vins & de liqueurs. Des Valets
de Chambre portoient continuellement
dans les Salles, des Corbeilles remplies
de ces mêmes fruits & confitures
des Soucoupes, & des Caraffes de liqueurs
fraîches , des glaces , &c. On fervit du
1
I. vol.
Dij Caffé
1152 MERCURE DE FRANCE.
Caffé & du Chocolat à tous ceux qui en
demanderent.
Quelques Princeffes du Sang s'étant dé
malquées , M. Couvay fit porter aux lieux
où elles fe repofoient toutes fortes de rafraîchiffemens
par fix Valets de Chambre,
eſcortés par deux Suiffes .
Au fond du Jardin de l'Hôtel de Vic , eft
an treillage qui reprefente un Edifice d'Ordre
Dorique , cintré en fon plan entre deux
Pavillons. ils font ornés de lilaftres grouppés
,couronnés de leurs Entablemens , avec
des vafes au-deffus , & d'un fronton circulaire
, avec une Coupole qui les termine.
Un grand Cintre entre les deux Pavillons
eft pareillement orné de Pilaftres , couronnés
de leurs Entablemens , avec des vafes
au- deffus . Dans toute l'étendue de
cet Edifice , entre les Pilaftres , fous
l'Entablement , régnoient des Feftons &
Guirlandes à fleurs , & audeffous des vafes
d'Orangers . Tout ce Treillage étoit
éclairé & formoit la façade d'un Palais
brillant dans un ordre d'Architecture
dont toutes les parties diftinctes étoient
lumineufes . Dans le milieu étoit un Fronton
circulaire , où la figure de l'air , poſée
fur un pied d'Eftal, repréſentoit une Divipité
portée fur des flammes .
Le Pattere divifé en fix allées , formoit
I, vol.
une
JUIN. 1728.
tine étoille dans le milieu , d'où s'élevoit
une Piramide illuminée . On avoit placé
de la Symphonie dans plufieurs endroits
du Jardin , qui parut alors un Sallon brillant
; & en même- temps un débouchement
pour les Mafques ; ce qui ôta toute
la confufion du Bal , & n'y laiffa de mouvement
que ce qu'il en falloit pour former
un beau defordre.
Les avenues de l'Hôtel étoient gardées
par deux Efcoüades du Guet à Cheval &
d'une à pied ; la porte & le dedans par
douze Suiffes .
On avoit eu la précaution, en cas d'accident
, de faire venir une Pompe de la
Ville , avec 14 hommes pour la faire
jouer. Il femble que tout contribuoit au
fuccès de la Fête , & deux Fontaines de
vin y coulerent dès les neuf heures du foir
pour le peuple, qui donna beaucoup d'applaudiffemens
à celui qui foûtenoit l'honneur
de fa nation avec autant d'éclat que
d'intelligence.
XXXXXXXXXXXXXXX
REFLEXIONS morales fur mon âge de
quatre- vingt-fept ans .
PAr grace de la Providence
Mon dix -huitiéme luftre enfin eft arrivé ,
I. vol.
Dij Ce
1154 MERCURE DE FRANCE .
Ce fera le dernier felon toute apparence;
Mais j'ignore un fecret que Dieu s'eft reſerve
A quoi bon défirer une trop longue vie ?
Celle qui dure moins, eft plus à ſouhaiter
Lorfque dans peu de temps elle nous eft ravie,
On a moins de peine à compter.
Je me trouve à la fin d'une longue carriere
Il ne m'en refte plus qu'un trifte fouvenir :
Je vais n'être plus que pouffiere ,
Et je crains pour mon ame un terrible avenir.
Je n'avois qu'une feule affaire
Je n'ai montré pour elle aucun foin empreffé
J'en ai fait plus de mille , & la plus neceffaire
Eft celle où j'ay le moins penfé.
J'ai vû pendant le cours de mes longues
années ,
Papes, Rois , Empereurs , ce qu'on voit de
plus grand ,
Suivre la Loy des Deſtinées ;
Un jour ſeul a détruit cet éclat apparent.
I vol.
Il
JUIN. 1728. iiss
Il n'eft point de gloire complete ;
A quoi fert devant Dieu la nobleſſe du fang ?
Par un juíte decret le Sceptre & la Houlette
Seront placez au même rang,
Naître , vivre & mourir partagent notre vies
Pour fe fauver , il faut fouffrir ;
Mais par une indolence à nos fens affervie ,
On ne fçait vivre ni mourir.
Le monde nous féduit & la vie eft un fonge :
L'homme fans y penfer , croyant vivre s'endort
;
Le tempsfans faire bruit nous détruit & nous
ronge ;
Et l'on fe reveille à la mort.
Dans ce corps miferable , où l'ame eft con
fonduë ,
Celle-ci pour agir fouffre mille accidens ,
Et c'eſt un don du ciel quand l'autre continue
Dans l'égalité de ſes ſens.
On eft quelques inftans dans ce monde vifible
:
A vel. On D` iiij
1156 MERCURE DE FRANCE.
On abuſe du temps , tréfor fi regretté ;
L'incrédule pecheur doute qu'il feit poffible
Qu'il le mene à l'éternité.
Mais qu'eft -ce ,à dire vrai , que la terre où
nous fommes ?
Un atome dans l'air , quoique pefant & lourd,
Gouverné par de foibles hommes
Qui paffent chacun à leur tour.
Meditant dans ma folitude ,
Où j'ai tout le loifir de penſer à la mort ,
Je fais de mon tombeau ma principale étude,
Et me crois à toute heure arrivé ſur le bord.
Puis- je avoir merité le prix & la couronne,
Si je n'ai pas dompté tous mes fens révoltez?
Faudra - t- il plus long - temps que mon efprit
raiſonne ,
Lorfque Dieu tonne à mes côtez ?
Repaffant par l'efprit ma jeuneſſe égarée ,
Je n'y trouve qu'erreurs , que coupables defirs
Une ſcience vaine & toûjours préparée
A juftifier mes plaifirs.
I. vel..
La
| JUIN. 1157 1728.
La vieilleffe eft un mal, mais chacun le défire,
Et quand on y parvient , on déplore fon fort ;
Borné , foible , chagrin , on gemit , on fou
pire ,
Sur les approches de la mort.
L'ame en paroît toute troublée ,
Et le corps , de la terre inutile fardeau ,
Cette maffle de chair par les ans accablée
Ne demande que le tombeau.
J'ai vu l'impiété , l'orgueil & l'avarice
Dominer à leur gré , fur les triftes Mortels ,
Mettre en dérifion les loix & la juftice ,
Le Sanctuaire & les Autels ..
J'ay vû par les mondains la fortune adorée”,,
Tenir l'honneur captiffous fes pieds abbatu
Et d'un fuberbe éclat la licence entourée ,
Prendre le pas fur la vertu
1 :
J'ai vû d'un Roy puiffant l'affreuſe deſtinée , ›
Condamné par raifon d'Etat ,
D. vol. D. Y
1158 MERCURE DE FRANCE.
Il laiffe à l'Echaffaut fa Tête couronnée ,
Et l'exemple inoüi d'un horrible attentat.
J'ai vû contre nos Rois l'Europe conjurée ,
Des ennemis liguez l'effroyable union ;
Seulement pour fixer la trop longue durée
Des fuccès de la Nation .
J'ai vu pour cet effet dans les plaines Belgiques
Les efforts . ramaffez de cent peuples divers ,
Qui fembloient par l'horreur des batailles tra
giques
Vouloir dépeupler l'Univers.
Enfin,j'ai vu chez nous, prefque fous la Cou
ronne ,
L'impitoyable mort , mettre la France en ducit
Sa redoutable Faulx qui n'épargne perſonne ,
Mit Pere, Mere & Fils dans un même cercueil
Des dogmes de la foy l'unité diviſée ,
Docteurs contre Docteurs , le Schifme répandu
;
Une Eglife à l'autre oppofée ,
Et tous s'entr'accufans d'un fens mal entendu. I vol.
Un
JUIN. 1723 1159
Un hommejufte , égal , humble , fincere &
fage
Eft ce que j'aurai vû de plus rare icy bas :
Mais quoi ! d'avoir tant vû quel fera l'avantage
,
Seigneur , fi je ne vous voi pas ?
Il eſt une ſcience où parviennent à peine
Les fuperbes efprits qui penfent tout fçavoir:
Il faut pour les fauver que la Croix leur ap
prenne
Ce qu'ils ne peuvent concevoir.
Notre unique leçon doit être l'Evangile ,
C'eſt la feule Religion ,
Quidu Ciel à qui veut rend le chemin facile,
Et qui fçait relever notre condition.
Lejufte chaquejour juge fa confcience ;
S'il tombe , il veut fe relever ; >
Le hardi libertin , même fans qu'il y penfe
Court d'abîme en abîme & ne peut fe fauver.
Une grace d'enhaut fans ceffe me convie
A penfer au grand jour qui doit regler mon
7
fort ,
1vol. D vj
Yr60 MERCURE DE FRANCE
Il en eft temps, enfin, chaque inſtant de ma vie
Peut être celui de ma mort,
Pour bien finir fon cours, & ne pas s'y m'éprendre
Il faut que l'on renonce à des foins fuperflus ;-
Le grand Juge fouvent , laffé de nous atten»
dre ,
Se retire & n'écoute plus.
Ignorant où je vais , une fombre triſteſſe :
Vient m'arracher quelques foupirs ;.
Mais je vois , obfedé d'une lâche foibleffe ,
Que mon coeur fe confume en ftériles défirs ..
Je puis pour quelque temps devenir moins
coupable ,
Former de faints projets , croire , aimer , ef
perer . +
Craindre le Juge formidable ;
Mais pourrai - je , fans vous , Seigneur , perfe
verer.
En l'état où je fuis , malgré moi , folitaire
Exemple infortuné des ravages du temps ,
I vol
Gemiffant
JUIN.
FI6H 1728.
Gemiffant fous le poids d'une trifte mifere
Je crains cette mort que j'attens.
Je vous offre , mon Dieu , mes dernieres
années ;
Ne me puniffez pas d'avoir trop attendu ;
Vos bontez font- elles bornées ?
Mes larmes , ma douleur , tout fera- t - il perdu
Si c'eft votre mifericorde ,
Seigneur , qui prolonge mes ansa
Que ce délai qu'elle m'accorde ,
Ne ferve pas du moins à pecher plus long
temps.
Que plutôt dès demain , mon ame agoniafante
,
Puiffe par les fecours de la Vierge & dess
Saints ,
Purifiée & triomphante ,
Etre remise entre vos mains.
G. G. D. M..
A Frefville , 1728 .
Ufque in fenectam & fenium , Deus , ne derslinquas
me . Pfal . 70.
I. vol.
OBSER
#162 MERCURE DE FRANCE :
OBSERVATIONS fur la compofition
du Chant Ecclefiaftique de plufieurs
nouveaux Breviaires.
N
1
Ous ne fommes plus dans ces fiecles
où l'on aimoit à rimailler dans les
Offices divins. Les Antiennes & les Répons
étoient compofez de rimes ou de
vers, & fouvent de l'un & de l'autre enfemble.
Qu'il étoit facile dans ces moyens
fiecles de compoſer du chant ! La cefure
desVers où l'endroit de la Rime dictoient
au compofiteur les paufes & les caden
ces. A prefent qu'on tire tout de l'Ecriture
Sainte , & des endroits les plus beaux
de ces Livres Sacrez , c'eft un travail au
deffus de bien des gens ; Péloquence &
l'énergie de la parole de Dieu demandent
une attention extraordinaire , dont plufieurs,
ou ne fe foucient pas ou ne croyent
pas qu'on doive s'embaraffer. Les Épîtres
de S. Paul ont des textes longs , fouvent
peu coupez , chargez de plufieurs
penſées nobles, élevées , éloquentes, énergiques.
L'Evangile & les autres Livres
hiftoriques font pleins d'expreffions tendres
, pathetiques ; ils contiennent des
Dialogues, & fouvent dans ces Dialogues
I vol
font
JUIN 17288
1.168.
font rapportées les paroles d'un troifiéme
interlocuteur. Les Prophetes font remplis
de menaces , de termes d'empire &
d'autorité de la part de Dieu . L'antithefe
regne dans les Livres Sapientiaux ; c'eſt
une perpetuelle oppofition du bien au mal..
Si l'on puife dans tous ces Saints Livres
de quoi éclairer l'efprit & échauffer le
coeur dans la celebration de l'Office Divin
c'eft une confequence neceffaire
que la matiere eft digne de toute l'attention
des compofiteurs de chant , & qu'ils.
y trouveront dequoi s'exercer folidement..
Mais on me permettra de dire que ce n'eſt
pas toujours dans les pieces de Chant des
premiers temps qu'ils trouveront des modeles
propres à être adaptez entierement
fut ces nouveaux textes . Entreprendre de
le faire ordinairement , c'eft comme fil'on
vouloit ajufter fur le corps d'un Géant les
habits d'un Nain ou d'un homme de taille
commune. Il faut le plus fouvent compofer
tout à neuf, & ne prendre des anciens
que ce que l'énergie ou le brillant du texte
fait naître à l'inftant de la compofition
dans l'efprit de celui qui eft rempli de
leurs heureufes rencontres .
A la bonne- heure fi quelques pieces
anciennes peuvent convenir entierement
fur de nouvelles paroles ; mais il eft rare
qu'elles y faffent fi bien , ou qu'on puiffe
I vol. faire
1164 MERCURE DE FRANCE.
faire avouer d'abord qu'elles y convien
nent , quoique ce fut la verité. On demande
fi dans cette neceffité de compoſer
à neuf des Antiennes & Répons , comme
on en a compofé un grand nombre à Paris
, dans le temps du Breviaire de M. de
Harlay. S'il eft libre dans le chant de faire
monter & defcendre ,comme on veut & au
hazard. Je dis à cela qu'il faut fuivre certaines
regles , qui font fondées fur le bon
fens , & qu'on voit pratiquées dans les
pieces veritablement primitives & non alterées.
Il faut élever ou baiffer la voix
fuivant la nature des Periodes & des parties
qui les compofent . Il faut ménager
les progrès à la tierce , à la quarte , à la
quinte, &c. fuivant que les termes du difcours
l'exigent. Mais ce ne font - là que
des preceptes generaux . Il faut en faire
l'application . Je dis donc que l'attention
au texte eft ce qui doit faire éclore le
chant , mais je parle d'une attention bien
prefente , une attention actuelle & bien
vive; & non pas de ces attentions qui ne
font qu'effleurer le fujet. Je ne dis pas
qu'elle s'attache feulement à la quantité
des fyllabes , ni à mefurer par Pufage de
la prononciation leur longueur & leur
briéveté , ne changeant une fyllabe brevet
de plufieurs notes que lorfque l'allongement
du mot lui fait perdre de fa briéve
·
1 vol.
té;
JUIN . 1728. 1165
té ; c'eft ce que l'on fuppofe ; & l'on veut
bien croire auffi qu'on ne fera pas affez
abftrait pour couper un mot en deux. Il
s'agit d'une attention férieufe aux regles
des Grammairiens , aux regles des Orateurs
, & de plus encore , s'il le faut , aux
regles de la Logique , autant qu'elles peuvent
influer dans la diftinction & féparation
des parties du difcours.
Je pole pour principes que la principale
piece des phrafes ordinaires font les
Verbes,fur tout les Verbes actifs . Ils font
l'ame du difcours & du raifonnement ; ils
font la liaifon des autres parties de l'édi
fice ; & dès-là ils font ordinairement les
mots les plus fufceptibles d'expreffion
dans le chant. Après quoi viennent certains
Adverbes expreffifs,& certains noms
Adjectifs. Pour ce qui eft des noms Subftantifs
, comme ils font plus fimples , ils
n'exigent pas ordinairement tant d'expreffion
,fi ce n'eft certains fameux noms
comme Tenebra, Diabolus, Opprobrium ,
Profundum , Furor ; où l'on voit natu
rellement qu'il ne faut pas s'exprimer
comme on feroit fur Lumen , Lux , Cla-'
ritas , Altitudo , Manfuetudo. Tel pêcheroit
contre les regles de la Grammaire
qui feroit fonner le Comparatif ou l'Adverbe
de comparaifon plus bas que le Pofitif,
ou les Adverbes fimples & inanimez ,
Ivola
qui
1166 MERCURE DE FRANCE.
qui obligeroit en chantant , de féparer la
prépofition de fon cas par une paufe neceffaire
, qui ne feroit pas attention que
deux négations valent une affirmation
qu'un non devant un Verbe change la nature
du difcours , & fait que ce Verbe fignifiant
le contraire de ce qu'il fignifioit ,
n'étant point précédé d'un non , il n'eft
plus neceffaire de l'exprimer comme on
auroit fait lorfqu'il étoit fans négation .
Tel pecheroit encore contre les regles de
la Grammaire qui confondroit les deux
fignifications d'un même mot, lorfque cependant
l'une demande de la douceur ,
&
Pautre un certain ton d'empire ; qui feroir
fonner bien haut ou par de fieres élevations
, les termes qui fignifient de la confternation
, de la crainte & du tremblement;
qui feroit des infléxions de trifteffe
& de langueur fur les mots qui fignifient
la joye & l'allégreffe ; qui lorfqu'un nom
eft entre deux Verbes , le feroit rapporter
à celui à qui il n'appartient pas ; qui feroit
joindre le monofyllabe au mot qui
le précede dans d'autres occafions que
celles où la conſtruction l'exige , ou qui ne
le joindroit pas quand il le faut ; c'eſt- àdire
, quand le Monofyllabe fert de repos
au mot précedent ; ce que les Grammairiens
appellent du nom d'Enclitiques ; qui
dans la diffection d'une phrafe s'attache-
1. νοί.
roit
JUIN 1728. 1167
roit quelquefois trop fcrupuleufement à
la pofition des virgules , telle qu'elle eft
dans les Breviaires , où fouvent elle n'eft
pas conforme à la maniere ordinaire de
lire & de prononcer, qui ne diftingueroit
pas (au moins lorſqu'il eft aifé de le faire )
les endroits où la conjonction & lie une
propofition à une autre propofition , d'avec
ceux où elle lie fimplement un nom à
un autre nom , un Adverbe à un autre
Adverbe ; puifque l'experience fait connoître
qu'il y a des occafions où l'arrangement
des termes de la propofition liée
demande qu'on ne laiffe pas la conjonction
avec une feule note route fimple.
Il n'eft pas neceffaire d'être Muficien
ou Chantre , pour comprendre que ce feroit-
là des deffauts contre l'exactitude du
chant , & qu'un Auteur qui dans fa compofition
ne le foucie pas de les éviter , ou ne
veut pas fe conformer à la droite raiſon
ou veut que le chant foit une occupation
puerile , dans laquelle tout eft pardonnable
, parce qu'il eft fans confequence .
Cet autre pecheroit contre ce qui eſt
propre aux figures de l'élocution , qui feroit
finir des demandes & interrogations
par des chutes & des abbaiffemens trop
fenfibles & trop marquez , lorfqu'il y a
moyen de faire autrement . Il iroit de pleingré
contre l'ordre de la nature même qui
1. vol.
1168 MERCURE DE FRANCE.
a dicté le ton des interrogations ; & dèslà
il feroit condamnable. Ce ne feroit pas
une faute moins grande contre les regles
du diſcours , fi dans les textes qui renferment
des Dialogues , il donnoit aux interlocuteurs
des tons qui ne leur conviennent
pas , faifant, par exemple, parler haut
celui dont le caractere étoit de ne pas
crier , & qu'on ne doit croire avoir élèvé
fa voix que lorfque l'hiftoire le marque
expreffement. Ce feroit violer la nature
des récits hiftoriques que de ne pas diftinguer
dans les Dialogues ce qui eft de
l'hiftorien , par un ton mediocre qui eft
celui qui lui convient . Ce feroit fe rendre
ridicule que de faire fonner d'une Ma
niere infipide & bizare les termes & les
tours dont l'Ecriture fe fert pour défigner
certaines circonstances où la tendreffe ,
l'humanité & la franchife des anciens a
paru à découvert . Celui- là iroit contre les
preceptes les plus communs qui dans les
Antithefes qu'on fçait être une figure fi
fort répandue dans l'Ecriture fainte , &
fur tout dans les Livres moraux , mettroit
tout de même niveau , ou bien en prendroit
tout le contre- pied , élevant où il
faut baiffer , & baiffant où il faut élever ;
qui dans une gradation feroit refter de
plain pied ou feroit finit fur la même
Corde chaque membre de la gradation ;
1. vol.
qui
JUIN. 1728. 1169
qui dans les parenthefes quelquefois ufitées
dans les Livres Sacrez , feroit aller
du même train que dans un contexte ſuivi
, fans faire fentir par un changement
de fon le changement de difcours . Celuilà
enfin pecheroit contre ce que la Logique
fait développer dans l'Elocution ; qui
ne feroit pas réflexion que fouvent le fujet
d'une propofition renferme des propofitions
incidentes , lefquelles ne forment
en elles - mêmes qu'un tout imparfait ; &
qui donneroit à cette propofition incidente
un fon décifif & conclufif , lequel ne
convient qu'à la propofition entiere &
revêtue de fon attribut.
Le reste de ces Obfervations pour le prochain
Journal,
LA VERITE .
ODE.
V Aines Déités du Parnaſſe ,
Je n'invoque point vos faveurs ;
Mufes , refpectez mọn audace ,
Mes chants dédaignent vos fureurs,
Je te fens, Déeffe facrée ,
I vol.
De
1170 MERCURE DE FRANCE.
Deton feu mon ame éclairée ,
Se livre à tes heureux tranſports ,
Verité , ton abord m'inſpire ,
Anime les fons de ma Lyre ,
Immortalife mes accords .
B
Pourquoi de ton culte adorable
Ne goûtons - nous plus les attraits ?
Ton San&uaire venerable
Eft-il donc fermé pour jamais ?
Ton régne a paffé comme un fonge ,
Et le noir Démon du menfonge
Ufurpant l'encens des Mortels ,
De tes images renversées
Erige de honteux trophées
Sur les débris de tes Autels
Nous comptons en vain la Sageffe
Le prix de nos foins curieux ,
Notre faftueufe foibleffe
Veut dévoiler l'ordre des Cieux.
Victimes d'une vaine étude ,
Nous nageons dans l'incertitude ,
I vol.
Un
JUI N.
1178.
1728 .
Un faux éclat nous éblouit ,
Nous errons en d'épaiffes ombres ,
Guidés par des lumiéres fombres ,
Plus dangereufes que la nuit.
Raifan , ton fol orgueil t'égare ;
Ton aveugle témérité
Croit par les fentiers du Tenare
Voler à l'immortalité.
Séduit par la voix du Sophifme ,
Dans fon orgueilleux Fanatiſme ,
L'homme fe fait des Dieux nouveaux ,
Des Dieux , qui ,Protecteurs des vices
De fes forfaits foient les complices ;
chaque crime a fes Heros.
S
Déja l'injuftice & la rage ,
yrans abfolus dans ces lieux ,
ur un Char fouillé de carnage ,
larchent d'un pas audacieux ;
crime annonce leur puiffance
leurs traits la foible innocence
le fçait oppofer que des pleurs.
t
I.vol.
Trife
1172 MERCURE DE FRANCE .
Trifte fecours , en fes allarmes !
L'innocence n'a que des larmes ;
L'injuftice que des fureurs.
L'erreur , triomphant de la terre,
Excite des feux dévorans ,
L'air brille , quels coups de Tonnerre !
Je vois les premiers Conquerans .
Le fer dans les Vill es fumantes
Moiffonne des Palmes fanglantes ,
Notre fang , perfide Guerrier ,
Arrofe le Champ des Conquêtes ,
Les Cyprès qui couvrent nos têtes ,
Sont la tige de vos Lauriers.
Quel Dieu comble le précipice ?
Nos voeux ne font pas fuperflus ;
La verité toujours propice
Paroît , les crimes ne font plus ;
De fes monftres , la troupe impie
Afon afpect anéantie ,
Voit fon empire renverfé ;
Et leur révolte témeraire
I vol.
n'a
JUIN. 1728 . [ 173
N'a fait que groffir le Tonnerre ,
Dont leur orgueil eft terraffé.
M
Tout annonce , tout fait connoître
Dans les Cieux , la Terre , les Mers ,
La verité d'un premier Eſtre ,
Seul arbitre de l'Univers ;
Da vrai conftant inalterable !
Le caractere inéfaçable
Fait éclater de toutes parts
Les traits de fa grandeur
immenſe.
Mortels adorez fa puiſſance ,
Triomphez
fous fes Etendarts .
Envain du penchant qui l'entraîne
L'homme fe cache la rigueur ,
Engourdi du poids de fa chaîne
Ilveut ignorer fon malheur .
Contre l'importune lumiere
D'une verité meurtriere ,
Il oppofe un fatal bandeau ,
Au fein même de les délices ,
1. vol.
Par E
1174 MERCURE DE FRANce .
Par tout, pour éclairer fes vices
Il trouve ce cruel flambeau .
L'impie effrayé de fon crime
S'enyvre de l'iniquité ,
Ses pas le portent vers l'abîme ,
Ses yeux redoutent la clarté ;
La Verité toujours préſente ,
Le pourſuit par tout , l'épouvante ,
Son coeur s'épuiſe en vains efforts ,
Son ame eft fans ceffe allarmée ,
Il la banit de fon idée ,
Il la retrouve en fes remords.
M
Heureux qui d'un fincere hommage
Honore la Divinité ,
Dont le coeur n'a point fait d'outrage
A la voix de la Verité ;
En vain la difcorde & l'envie
Souflent le poifon fur fa vie ,
Leurs coups affermiffent fes pas ,
Les traits lincez contre fa gloire
1. vol.
No
JUIN. 1728. 1175
Ne font qu'afflurer fa victoire
En multipliant ſes combats.
Que formant des ligues cruelles
· La haine excite fes ferpens
Que des legions criminelles
Attaquent les jours innocens ;
Son coeur toujours ferme , tranquille
Elle connoît la crainte fervile ,
Sa vertu feule eft fon appui ,
Il brave une impuiſſante trame ,
Grand Dieu ! Que peut craindre fon ame
Ton bras vainqueur combat pour lui.
Par M. D. ** .
kak
REPONSE au Mémoire envoyé à
Lifbonne fur la femme à la vûe per
gante.
Experience appuyée des circonftances
les plus réelles , peut empêcher
qu'on ne traite de vifion , la vertu de la
Dile Pedegache. Elle ne voit ce qui
eft caché dans la terre que par les vapeurs
1. vol.
E-ij qu
1176 MERCURE DE FRANCE .
qui en fortent , qui lui font diftinguer
les qualitez de terre , de pierre & de fable
, &c. jufques dans l'endroit politif
où fe trouve l'eau , quand même la fource
en feroit à 30. & 40. braffes ; mais où
il n'y a point d'eau , elle ne voit rien.
Quant au corps humain , elle ne péne
tre pas à travers les habits , mais à nud ,
& diftingue parfaitement le coeur , l'eftomach
, & c . les abfcès, s'il y en a , la bîle
trop abondante , & autres infirmités qu'il
peut y avoir ; elle voit à fept mois de grof.
feffe , fi la femme eft enceinte d'un garçon,
ou d'une fille, ce qui lui eft arrivé à
elle-même ; outre d'autres experiences
qu'elle a faites pour fatisfaire quelques curieux
, & entr'autres une femme enceinte
de deux Jumeaux . Elle voit dans les corps
comme on voit dans une bouteille .
On a envoyé au mary de cette D lle la
Copie de ce qu'on avoit mis dans le Mercure
de France fans fa participation . Il
trouva qu'on y avoit mis des choſes qui
n'étoient pas veritables , & d'autres qu'on
avoit oubliées. Il s'en rapporte là- deffus au
Mémoire qu'il a envoyé à M. Couvay .
S'il fe trouvoit avec une fortune un peu
raifonnable, il iroit à Paris pour faire voir
la verité de ce qu'il a avancé. Son occupation
eft dans le Commerce. Il a affez
d'affaires , & il fe flate fi le Négoce lui en
1. vol.
fournit
JUIN. 1728. 1177
fournit les moyens , de fe retirer dans peu
d'années en France , fon pays natal , avec
fon épouse.
XXX:XXXXXXXXXXX :X
REFLEXIONS.
LA joye mêlée à l'étude la foûtient &
la fait durer , en confervant la fanté ,
fans laquelle il eft prefque impoffible de
faire de grands progrès dans les Sciences
qui demandent beaucoup d'application .
Quand un homme d'étude s'entretient
dans la joye , fa converfation & fes compofitions
mêmes fe fentent de cette agréable
difpofition ; on lit fes ouvrages avec
plus de plaifir . Silden étoit très - fçavant ;
mais fon application infléxible aux tra
vaux du Cabinet , le rendirent trifte &
heriffé à caufe de fon humeur féche &
mélancolique. Galilée au contraire , d'humeur
gaye , & qui fçavoit donner du relâche
à fes profondes méditations , répand
la gayeté dans fes Dialogues , &
nous fait rire de chofes , qui forties d'une
autre bouche que de la fienne , nous feroient
froncer le fourcil , & noirciroient
notre humeur.
Il n'y a peut- être rien de plus rare dans
I. vol.
E iij
tou1178
MERCURE DE FRANCE.
toutes les actions de la vie , que d'écrire
de bonne grace. Ce n'eft pas rire de bonne
grace que de montrer de belles dents ;
il faut que le fujet le demande , & que le
rire foit proportionné au fujet & à l'occafion
.
Il n'eft pas ordinaire
que celui qui fait
Fire fe faffe beaucoup aimer.
Un moyen sûr pour être méprifé , c'eſt
de méprifer les autres.
On n'eft pas méprifable pour être pauvre
: le Lion à la chaîne n'en eft pas moins
vaillant.
Un vrai amour de Dieu , & une para.
faite humilité peuvent nous faire fuporter
les mépris , & nous les faire defirer même
, il ne manqueroit plus qu'à le pouvoir
croire méprifable. Ce qui n'eft pas
impoffible.
On eft plus fenfible à la mocquerie qu'à
l'injure , car celle - ci eft fouvent un mouvement
d'envie ou de colere , au lieu que
Fautre eft prefque toujours l'effet du mépris.
Le mépris des richeffes & des honneurs,
1 vol.
qui
JUIN 1728. 1179
!
>
qui quelquefois eft un effet de la vertu &
du défintereffement n'a fouvent pour
caufe que le chagrin de ne les pas pof
feder .
La deſtinée de ceux à qui perfonne ne
plaît, eft de ne plaire à perfonne ; c'eſt l'ordre
d'être autant meprifé qu'on méprife.
Laudas , Gaure , nikil`, reprendis cuncta ,
videto
Ne placeas nulli , dum tibi nemo placet.
Qui demande trop hardiment , & fans
confideration , a toujours plus de la moitié
de la honte du refus.
O honte ! cruel poifon de la vie humaine,
que de malheurs on voit arriver par
toi ! Combien de filles ceffent de l'être
par la honte qu'elles ont de ne pouvoir
rien refufer à ceux de qui elles ont reçû
des préfens ! Que de meres parricides par
le même fujet! Que de dupes dans le monde
fe font par- là laiffé attraper ! la honte
de refufer eft la vertu des fots. Car la honte
eft une vertu à l'égard de foi même , &
un grand vice à l'égard d'autrui.
Les efprits foibles font toujours du parti
de ceux qui les perfuadent les derniers.
I vol.
On
E iiij
1180 MERCURE DE FRANCE :
On cache fouvent par une audace ap
parente beaucoup de timidité & de foibleffe.
Les plaintes font les feules armes des foibles
.
Rien n'eft fi trompeur , & quelquefois
fi dangereux que l'humeur douce de certaines
perfonnes ; qui n'eft pour l'ordinaire
qu'un effet de leur foibleffe , qui fe
convertit facilement en aigreur . La verita
ble douceur eft inféparable de la fermeté.
Le défaut de bon fens eft le pire de tous
les degrez de pauvreté .
EXPLICATION du Logogryphe pro
pofe dans le Mercure d'Avril.
Nonje
On,je ne crains pas qu'on me biffe ,
Et dès le fecond Vers je tiens le
Logogryphe.
C'eft le courage utile aux Eleves de Mars,
Sept Lettres font ce nom qui brave les ha
zards,
Otez le cou , la Tête , & fon fort eft la Rage.
Mais l'une de fes parts fous le bon nom de Cour
1. vol...
Donne
JUIN.
17: 8. 1186
Donne du luftre aux Rois , l'Amant en fait
ufage
Pour faire agréer fon amour.
L'autre part , l'âge ayant le chef de la premiere
Eft la cage de mes Oiseaux.
En fubftituant l'or : & laiffant le derriere ,
J'ai l'orage , du Ciel qui lance les carreaux ;
Mais pour le conjurer , j'ôte A, refte un grain
d'orge ,
Puis j'unis les deux chefs , dont aufi - tôt je
forge
Le Cor dont on fe fert pour empêcher Briffaut
De tomber en deffaut.
Je retourne à mon nom & je le dénature
En fupprimant la Ville de Goa ››
Alors de nos Pafteurs je rencontre la Cure ,
Mot que toujours le charlatan vanta ..
D'objets dans un feul mot voyez quel affemblage
,
Ma patience en eft à bout;
Et j'efpere que pour le coup
Mercure enfin fera content de mon courage
Le Prieur de Sermaife .
1. vol. ENIG Ev
1182 MERCURE DE FRANCE .
Qu
ENIGM E.
1
Uoique de nouvelle ftrufture ,
Je me fuis fait un grand renom ,
A l'étranger je dois mon nom
Comme ma baroque figure ,
Si- tôt qu'en France j'ai paru
A moi tout homme eft accouru ,
D'un mal- adroit j'ai pris la place ,
Et quoiqu'il ait meilleure grace ,
Mon Maître me trouve aujourd'hui
Moins embaraffante que lui ,
En revanche je le raffure
Contre maint choc & mainte injure.
A. B. C.
XXXXXKKÉXXXKXWXXXXXXXX
LOGOGRYPHE
JAi les deux tiers en Amerique ,
Où d'un Royaume entier je fais tout l'orne
ment.
Ma troifiéme partie , ame de la Mufique ,
Se forme par un Element
1 vol.
Comme
JUIN. 1183 17288
Comme je fuis fort fédentaire ,
On me voit rarement fortir de ma maiſon ,
Etant de figure à déplaire ,
J'évite le grand jour ; n'en ai- je pas raiſon
Mais quoique je ne fois qu'un animal immonde
,
Prefqu'en horreur à tout le monde .
Je fuis prefque fans changement ,
Homme & Ville en un feul moment.
Le premier , toujours neceffaire ,
L'eft aujourd'hui plus que jamais ;
Et qui veut élever des fuperbes Palais ,
A befoin de fon miniftere.
Ainfi , je fuis , ami Lecteur ,
Ville, Infecte , homme mercenaire ,
Et de plus un grand Empereur.
L'Enigme & le Logogriphe du mois de
May ont été faits fur Mercure. Voici les
nams ou les mots des Logogriphes arithmetiques
du même mois , avec l'a, b , c, quâ
fert à les chercher.
T. 2. 3. 4. 5. 6; 7; 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. 1S.
a. b. c. d . e. f. g.
h.i. j. k . l . m. n. oe.
16. 17. 15. 19. 20. 21. 22. 23. 24. 25.
P. q. r. s. c. U. V. Xo X. Z.
x: valam
Evi
184 MERCURE DE FRANCE .
1. A. d . a . m.
I. 4. I. 13.
ADAM , nom commun
dont les Hebreux fe fervent
pour exprimer l'homme. Il fignifie
Terre rouge ; mais ce nom fe donne particulierement
au premier homme que
Dieu créa lui même le fixiéme jour de la
création du monde. Gen. v . 26.
AVRIL , quatrième
2. A. v. r. i . l . 2 AVRIL
I. 22. 18. 9. 12. mois de l'année felon
notre fupputation , & le fecond fuivant
celle des Aftronomes , pendant lequel le
Soleil parcourt le figne du Taureau . Mois
& date des Logogryphes .
12. I.
3. L. a. m. e.c. 5 LAMEC , fils de Ma-
1353 thufalem , & pere de
Noé , mourut cinq ans avant le Déluge.
Lamech, de la race de Seth , fut homme
de bien ; Lamech petit - neveu de Caïn
fut homicide & peu continent. Il fut le
premier qui époula deux femmes .
4. C. h. a. n. v. r. e.
3. 8. 1. 14. 22. 18. 5.
mois de Mars.
5.
CHAN VÆR E , Mot
de l'Enigme du
L. a. r o. q. u. e ? LA ROQUE , nom
de l'Auteur du 12. 1. 18. 15. 17. 21. 5.
Mercure François.
6 L. o. g. o . g. r. i . f. e . LOGOGRIFE,
11. 15.7. 15. 7. 18. 9. 6. 5. forte de Symbole
en paroles énigmatiques , petite énigme
qu'on propoſe à deviner à des Ecoliers
pour leur éveiller l'efprit , il tient le
1. vol.
miJUIN.
1728. 1185
milieu entre le Rebus & la vraie Enigme
, ou l'Emblême . On a auffi donné le
nom de Logogrife , quoiqu'inproprement,
aux petits problêmes arithmétiques , propofés
chaque mois , fur la fuite naturelle
des nombres 1. 2. 3. 4. , &c. répondant
aux lettres a , b , c , d , & c.
7 Q.u. e. n. o. u. i . l . l . c. ¿ QUE NOUILLE,
17. 21 , 5. 14. 15. 21. 9. 12. 12.5. Smot de l'Enig
me du mois de Mars.
16. 1 , 18. 9. 19.
& 8. P. a. r. i. s. PARIS , Ville Capitale
du Royaume de France,
Ville d'où l'on a datté les premiers Logogryfes
arithmetiques du Merc. François .
9. M. e. r . c. u . r. e. ) MERCURE , Dieu
3
13, 5. 18. 3. 21. 18. 5. des Paiens , étoit
fils de Jupiter & de Maïa , & nâquit en
Arcadie , fur le Mont Cyllene . Il étoit le
Meffager des Dieux . Il a fervi figurément
en ce fens , de titre à plufieurs Livres qui
annoncent quelque chofe de nouveau .
10. L. a. C. i. r. e . LA CIRE , mot de
} 12. 1. 3. 9. 18. 5.l'Enigme du mois 9.
d'Avril , ouvrage que font les Abeilles ,
pour y recevoir leur miel . Et Cire d'Ef
pagne , qui fert à cacheter des lettres.
10. 11. Sur le même mot de la Cire,
12. C. ai. r. e. CLAIRE . Anagra
3. 12. 1. 9. 18. 5. me du mot la Cire.
13. R.e.d. i . n. g o.t. e.KEDINGOTE
18. 5. 4. 9. 14. 7. 15.20.5. mot Anglois,
· I. vol.
depuis
1186 MERCURE DE FRANCE:
depuis peu francifé ; il fignifie un habit
de Cheval ; efpece de Calaque.
14. C. o. u. r. a. g. e2 COURAGE , mot
3. 15. 21.18. 7. 7. 5. du Logogrife en
vers , du mois d'Avril .
LS. R. o. y .
18. 15. 24 .
}
Sdu
Roy , Souverain , Maître
abfolu .
16.
MERCURE , voyez 9.
17. LA CIRE , voyez 10.
18. Nom de celui qui a écrit & envoyé
des Logogryfes Arithmetiques à l'Auteur
du Mercure François , & qui a figné Logogryfe
18°.
19. L. o. ü. i. s. Lours , nom d'un Saint
12. 15. 2.1.9.119. & d'un Roy ,
toute la terre .
S
20. P. h. y. 1. i. s .
16.
connu de
PHYLIS ou Phyl-
8. 24-12.9. 19. Slis, fille de Licurgue
Roy de Thrace.
21. M. a. y. MAY , cinquième mois de
13. 124 SP'année , à compter depuis
Janvier , durant lequel le Soleil entre
dans le figne des Gémeaux , & les Plantes
fleuriffent. Datte des Logogryfes.
az R. i. c. u x. RIBux , terre en Breta
18. 9. 5. 21. 23. Igne , a donné fon nom
à une Maiſon tres- noble & tres- ancienne.
23. G. o. f. o. n. Goson ( Déodat
7. 15. 19. 19. 14. Fou Dieu donné )
vingt- feptiéme Grand - Maître de l'Ordre
de S.Jean de Jerufalem,furnommé PEx-
L. vol.
termiJUIN
1728. 1187
terminateur du Dragon. La famille de
Gofon finit à Jean de Gozon , & Marthe
fa fille époufa Loüis I. de Montcalm .
24. G. o. z. o . n . Gozon, écrit avec
7. I5. 25. 35. 14.Sle z au lieu de l'
25. S. t. ST , terme indéclinable , dont
19. -20. on fe fert pour commander le
filence . Ces deux Lettres chez les Romains
fignifioient : Sed tace , ou filentium
tene.
QUESTION.
Saver (au cas qu'il foit
poffible ) pouçavoir
files avantages
de l'Art de
roient prévaloir
fur les maux qu'il pour
roit occafionner
dans le monde . Et s'il s'en
fuivroit
que les maux étant jugez plusgrands
, on feroit condamnable
de chercher
ce qui pourroit
faire réüffir cet Art.
AUTR E.
Dans quel état , dans quelles circonf
tances vaudroit - il mieux être aveugle
que fourd ?
**X*XX:XXXX -XXXX **
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS , & c.
B
IBLIOTHEQUE GERMANIQUE
tome onzième , 1716.
i vol
DIST
1188 MERCURE DE FRANCE .
DISSERTATION fur deux queftions
importantes de droit naturel , concernant
les engagemens des Soldats qui s'enrôlent
au fervice des Souverains Etrangers
, pour fervir de réponſe à une Lettre
addreffée fur ce fujet à M. de Creufaz
Profeffeur en Philofophie , & c.
"
On travaille à un ouvrage touchant les
droits & les devoirs de l'homme , dans lequel
on traitera ces questions .
I. S'il eft permis à quelque homme que
ce foit de fe louer indifferemment à un
Prince Etranger , pour porter les armes ,
fans s'embarraffer de la juftice ou de l'injustice
des guerres que ce Prince peut
avoir ?
II. Si un Prince ou un Souverain , quelconque
, peut vendre à un autre Souverain
des Regimens, ou promettre de lui en
fournir ; & fi un Souverain peut permettre
que fur les terres un autre Souverain
leve des Troupes ; tout cela fans s'embar
raffer de leur deftination que d'une ma
niere politique & indifferente à la juftice
ou à l'injuftice des armes ? Et en cas que
cela fe puiffe faire pour un , fi cela peut
en même temps le faire pour plufieurs ?
ESSAY d'une hiftoire exacte & circon
L. vol.
ftanciée
JUIN. 1718. 1189
Aanciée des Empereurs & de l'Empire
d'Allemagne l'Hiftoire de l'Einpereur
Frederic I. Par M. Henry de Bunau . A
Leipfick , chez T. Fritsch , 1722 , grand
in 4° . de 433. pages , fans la Preface &
la Table:
M. Jean- Samuel Fuchs donnera dans
peu au public à Leiplick , la defcription
d'une espece de Bateau , propre à naviger
également deffus & deffous l'eau .
M. Goetze doit faire imprimer inceffamment
un Traité latin des Moulins des
Anciens : De piftrinis veterum.
M. Van Bashuyfen de Zerbft , continue
de publier des Differtations Académiques
, fur divers points d'Antiquitez
hébraïques. Au mois de Septembre dernier
il en fit imprimer une fur l'Afperfion
du fang qui fe faifoit dans le licu tres
faint , par le Souverain Pontife .
On a vûauprès de Kiel un exemple affez
remarquable de Superfetation . Une Payfane
accouchée d'une fille le 18 May
1725. accoucha de nouveau d'un garçon
le 3 d'Octobre fuivant. Les deux enfans
ont été baptifez & font encore en vie ;
mais ce dernier eft plus petit & plus déli-
I. vol.
cat
1190 MERCURE DE FRANCE .
cat que le premier. Cette femme avoit déja
eu deux couches en 1722 & 1723.
De Petersbourg , le 7 Janvier de cette
année 172 6. on tint icy la premiere affemblée
folemnelle de notre Académie.
M. Kohl avoit invité le public à cette ce .
remonie par un Programme latin , qui a
été traduit en Ruffien , par le fieur Ilinski,
Interprete de l'Academie , & imprimé dans
les deux languès. M. Bulfinger prononça
une Harangue fur la deftination , les devoirs
& l'utilité d'une Académie des fciences.
Il y traita auſſi cette queſtion : Si les
Obfervations qu'on a faites jusqu'à prefent
fur l'Aiman , fuffisent pour pouvoir fe flater
de réfoudre le fameux Problême des
longitudes. S. A. R. M.le Duc d'Holftein
honora cette ceremonie de fa preſence.
Le Senat , le Synode & la plupart des
Miniftres Etrangers y affifterent auffi.Les
Profeffeurs curent enfuite l'honneur de
dîner à la table de S. A. R.
Comme la Bible Ruffienne eft devenue
extrêmement rare , on a chargé l'Archimandrite
Athanafe Condoidi , Grec de Nation
, habile homme & qui entend parfaitement
les deux langues , conjointement
avec un autre membre du Synode de conferer
de nouveau la Verfion Ruffienne
avec le Grec . Ainfi on efpere d'avoir bien-
1. vol. τότ
JUIN.. 1728. 1121
tôt une Traduction exacte & à bon marché
de toute l'Ecriture fainte.
BIBLIOTHEQUE GERMANIQUE ,
&c. Tome douzième , 1726 .
ANECDOTES GRECQUES , Sacrées &
Prophanes. Par M. Wolf , Pafteur & Curateur
du College; tome 4° . A Hambourg,
chez Felginet 1724. in- 89 . de 271 pag.
Latin.
Las PRINCIPAUX ARGUMENS dont
on fe fert pour établir la verité de la Religion
Chrétienne contre fes adverſaires ,
avec une Enumeration des deffenfeurs de
la Religion. On y a joint l'Avant -propos
& les premiers Chapitres de la démonftration
Evangelique d'Eufebe , qui n'avoient
point encore été imprimez . A
Hambourg, chez T. C. Felginet , 17250
in 4° de 755 pages , fans la Préface & la
Table. Latin.
CHOISI E de BIBLIOTHEQUE
Droit , par M. Struve , 6 °. édition , corrigée
& augmentée par les foins de M. C.
G. Buder , Bibliothecaire
des Ducs de
Saxe. A Jêne, 1725. in - 8 ° . de 840 pag..
fans les Préfaces & les Tables.
I vol.
II
1192 MERCURE DE FRANCE .
2/
Il paroît à Jêne un nouveau Journal
Allemand , intitulé : Memoires furles Sçavans
& fur leurs Ouvrages . On promet
d'en publier fix feuilles par mois.
M. Hubfch de Drefden a inventé un
Cadran folaire qui doit marquer les minutes
aufli bien que les heures , fans être
de beaucoup plus grand qu'une montre
ordinaire.
On a traduit de l'Anglois en Allemand
& imprimé à Leiplic , l'ouvrage du Docteur
Hutchinfon , fur les fortileges .
L'Hiftoire des Allemands avant la fordation
de la Monarchie Françoife , par le
Docteur Maſcou, a paru à la derniere foire
, in-4 . en Allemand.
Hendel a imprimé à Halle , un Effay
de Medecine Théologique , par M. Alberti
, Confeiller , Profeffeur en Medecine
. C'est un in - 8 ° . d'environ 800 pag.
qui contient dix Differtations latines ,
dont voici les fujets, 1 ° . De la Religion
d'un Medecin . 2 ° . De la confcience d'un
Medecin . 3 ° . De la fuperftition en Medecine.
4. De la Confeffion qu'un malade
fait à fon Medecin . 5. Des Prédictions
des malades. 6. Memento mori , ou du fou-
1. vol
venic
JUIN . 1728. 1193
venir de la mort. 7. De la réfurrection
des malades à demi morts. 8.Du pouvoir
du Diable fur les corps des hommes.
9. Des Spectres. 10. De la Medecine di
vine & miraculeufe de Jefus- Chrift .
M. Bruckman va faire imprimer à
Brunſwick une Defcription latine de toutes
les Mines du monde qui ont été découvertes
depuis fon origine. Ce fera un
in fol d'environ 400 pag. avec plufieurs
figures. Le titre de l'Ouvrage fera : Magnalia
Dei in locis fubterraneis.
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Peters
bourg , au mois de May 1726..
'Edifice deftiné à l'Académie de cette
L'ville,n'eftpas encore tout à fait ache
vé ; mais ce fera un veritable Palais L'appartement
des raretez & curiofitez de toute
efpece , la Bibliotheque , le Théatre
d'Anatomie , les Salles d'affemblée & les
Ecoles feront placez de fuite . Derriere ſeront
les logemens des Profeffeurs . La Bibliotheque
eft un vafte & beau bâtiment ,
qui comprend aufli le Recueil des curiofitez
naturelles & le Cabinet des Médail
les . Les curiofitez feront diftribuées en
plufieurs Chambres . Il y en a déja huit de
rangées , & il refte encore des curiofitez
I. vol.
pour
1194 MERCURE DE FRANCE .
pour plus de trente. Je n'ai jamais rien
vu de plus beau que le coup
d'oeil que prefentent
ces huit chambres rangées . On le
perd dans la multitude des choles rares &
agréables qui s'y trouvent.
Pour vous donner une idée de la Bibliotheque
, je vous dirai que M. du Vernay
m'a affuré qu'en fait de Mathématiques ,
de Medecine & de Phyfique, il n'y a point
de Livre rare qui ne s'y trouve . Je puis
dire la même chofe par rapport aux Ouvrages
d'antiquité.
La premiere partie des Mémoires de
notre Académie paroîtra au commence.
ment de l'année prochaine . Nous avons
reçu ces jours paffez de Conftantinople
quantité de Médailles , trouvées dans l'Afie
Mineure . La plufpart font des Rois de
Syrie ; ce ne font pas les moins rares ,
comme vous fçavez.
C'eft M.Schumacher qui eft Bibliothecaire
en chef. Il eft chargé outre cela de
la Finance & de l'Infpection des Bâtimens;
c'est un tres-habile homme & d'un
commerce aifé. La Jurifdiction Académique
eft entre les mains du Prefident & des
Profeffeurs . Tout fe propofe en Latin dans
les Conferences , mais d'ailleurs on parle
beaucoup François.
BIBLIOTHEQUE ANGLOISE , &c.
I vol.
tome
JUIN. 1728.
1195
tome fecond , premiere partie , 1727.
›
L'APOLOGIE DE LA RELIGION
CHRETIENNE , par Athenagoras , &
fon Traité de la réfurrection des morts ,
contre les Pyrrhoniens & les incrédules
de fon frècle. Piéces traduites en Anglois,
avec un fragment curieux de Juftin Martiere
, touchant la réfurrection ; imprimé
pour la premiere fois : & deux autres fragmens
concernant l'état des morts , dont
l'un eft attribué à Jofeph , & l'autre à
Méthodius tirés des Manufcrits de
M. Grabe . On y a joint deux Differtations
, dont l'une traite de la Doctrine des
Juifs touchant la réfurrection ; & l'autre
concerne Athenagoras & fes ouvrages.
Par David Humphreys, Bachelier ès Arts
du College de la Trinité à Cambridge. A
Londres , 1724. in 8. de 307.pages.
TRAITE' DE L'ORINE ET DU DROIT
DES DIXMES , pour l'entretien des Miniftres
des Eglifes Chrétiennes , & c . Par
Humphreys Prideaux , Docteur en Théologie
, Doyen de Norwich. A Londres ,
17136 in 8. de 353. pages , fans la Préface
en Anglois.
TRAITE DE LA NUTRITION DU
FOETUS dans la matrice , où l'on fait
1. vol.
voir
1196 MERCURE DE FRANCE.]
voir qu'il y eft nourri d'une maniere qui
aétéinconnuë jufqu'à préfent. On y montre
auffi l'ufage de la glande Thymus . On
y a joint un Appendix , qui contient des
Obfervations fur la nourriture des enfans
nouveaux nez . Par F. Bellinger , Aggrégé
au College des Medecins . A Londres ,
1727. in 8. de 95. pages fans la Préface
en Anglois,
BIBLIOTHEQUE ANGLOISE , & c.
tome fecond , feconde partie , 1712.
ESSAIS SUR DIVERS SUJETS . Seconde
édition par le Chevalier Bulstrode ,
Envoyé de Charles II. & de Jacques II . à
la Cour de Bruxelles , publiés par M. Bulftrode
, fon fils , qui y a ajouté une Préface.
A Londres , 1727. in 8. de 39 0. pages
, fans la Préface qui en contient 32 .
Le Chevalier Bulftrode fuivit le Roi
Jacques en France , où il a vêcu environ
20. ans dans la retraite . C'est là qu'il compofa
les Eflais compris dans ce Livre , &
où il mourut à l'âge de 101. ans. Il connoiffoit
bien la nature humaine , & comme
fa vie avoit été fort diverfifiée , il étoit
très-capable de donner aux autres de bons
avis fur la maniere dont ils doivent fe
conduire dans les differens Etats où il
s'étoit trouvé lui-même.
I , vol .
Ce
JUIN. 1728. 1197
Ce volume contient 15. Effais où l'Auteur
traite des Compagnies & de la Converfation
, de la Solitude & de la Retraite;
de la Vie & de la Converfion de fainte Marie-
Magdelaine ; de la Vie & de la Converfion
de S. Paul; de la Nobleffe , du Contentement
, des Femmes , de la Connoiffance
de Dieu , & de l'Atheiſme ; de la
Religion , des Rois & des Princes , & de
l'Education des Princes ; de l'Homme, de
la Grandeur d'ame , des Enfans , des Loix,
de la Vieilleffe , en Anglois .
>> Dans le Difcours fur les femmes.Y at-
il quelque chofe dans la nature , dit
»l'Auteur , à quoi l'on puiffe comparer
» la beauté d'une femme ? N'eft- elle point
>>> environnée depuis la tête jufqu'aux pieds
» d'une majesté qui éblouit ? Peut- on la
»> regarder fans étonnement ? Peut -on jet-
» ter les yeux fur elle fans extafe ? Cer-
» tainement , la figure , la voix & l'air
>> d'une belle femme , font fi admirables ,
qu'il faut être aveugle pour ne pas voir
» que toutes les beautez dont le monde
eft capable, fe trouvent concentrées dans
" ce fexe .
Après ce bel éloge , l'Auteur ajoûte que
les femmes reffemblent au feu , qui échauffe
agréablement à une certaine diftance
& qui brûle lorfqu'on s'en approche de
trop près. Il dit que l'image du Créateur
I. vol. F brille
1198 MERCURE DE FRANCE .
brille du moins autant dans les femmes
que dans les hommes ; & il croit qu'il y
a dans le Ciel autant d'Anges femelles
que d'Anges mâles.
1
» Il eft vrai , continue l'Auteur , qu'Eve
fir paroître une grande foibleffe en fe
>> laiffant féduire par le ferpent ; mais la
foibleffe d'Adamfut encore plus grande ,
puifqu'il fe laiffa vaincre aux follicitations
d'Eve , qui étoit plus foible que lui.
» Les anciens Philofophes avoient meil-
>> leure opinion du beau fexe que les Juifs
>>& les Turcs. Ils attribuoient les Sciences
>> aux Muſes , la Douceur aux Graces , &
» l'Infpiration prophetique aux Sybilles.
>>Nous trouvons dans tous les Auteurs de
» grands exemples de vertu parmi les
» femmes ; & fi elles confideroient l'af-
» cendant qu'elles ont fur nous , & que ,
» quoiqu'elles foient la fource de tous nos
» malheurs , nous ne laiffons pas de les
» adorer , elles feroient un peu plus com-
» plaifantes qu'elles ne le font . Plufieurs
» croyent que les femmes ont été créées
» pour exciter en nous cette douce flam-
» me , qui fubtilife les particules groffieres
>> dont nous fommes compofez . L'amour
des femmes nous eft naturel : c'eft un feu,
>> qui ne s'éteint point avant que le fang
» perde fa chaleur : il arrive même fou-
» vent que ce feu eft plus ardent dans la
מ
I. vol.
» derJUIN
. 1718. 1199
» derniere partie de notre vie que dans la
»fleur de notre jeuneffe . Le feu de l'amour
>> nous incommode alors plus qu'aupa-
» ravant , & il excite en nous des defirs
accompagnés d'inquiétude , parce que
nous fçavons qu'il ne durera pas long-
» temps. M. Bulftrode rend juftice au merite
des Dames en divers endroits du même
Difcours , lequel il conclut en ces ter-
» mes: S'il y avoit autant de femmes que
» d'hommes fur le Trône , nous verrions
» fouvent qu'elles auroient des qualitez
fuperieures aux nôtres. Il y a plufieurs
» Dames qui meritent de regner ; & il y
>> en auroit beaucoup plus , fi on avoit foin
» de les inftruire & de les élever dans les
grandes affaires dès leur jeuneffe . 13
Nous finirons , dit le Bibliothecaire
Anglois , par un paffage tiré du difcours
fur les enfans. L'Auteur dit que ceux qui
ont part aux affaires publiques , & qui
fouhaitent de tranfmettre à leur pofterité
les honneurs dont ils jouiffent , devroient
élever du moins un de leurs enfans dans
la connoiffance de ces affaires , comme
cela le pratique ailleurs . Par ce moyen ,
continue- t-il, les grands Emplois ne tomberoient
point entre les mains de perfonnes
ignorantes , qui n'ont pas les qualirez
neceffaires pour s'en bien acquitter.
A cette occafion il rapporte un bon mot
I vol. Fij
de
1200 MERCURE DE FRANCE .
de Jacques I. Ce Prince dit un jour qu'il
avoit un Secretaire qui nefçavoit pas écrire
, & un Archevêque qui ne fçavoit pas
prêcher.
LETTRES EDIFIANTES & curieufes
, écrites des Miffions Etrangeres par
quelques Miffionnaires de la Compagnie
de Jefus. XVIII . Recueil . A Paris , ruë
de la Bouclerie , chez N. le Clerc , & ruë
S. Jacques , chez le Mercier,fils , 1728
in 12. de 463. pages , fans la premiere
Lettre & la Table.
>
LES POESIES D'HORACE , difpofées
fuivant l'ordre Chronologique, & traduites
en François , avec des Remarques &
des Differtations Critiques . Par le R. P.
Sanadon, de la Compagnie de Jefus . A Paris
, Quai des Augustins , chez Chaubert ;
& Compagnie. 1728. 2. vol in 4.
TRAITE' DU SENS LITTERAL & du
Sens Myftique des faintes Ecritures , felon
la Doctrine des Peres , où l'on fait
voir l'oppofition du Systême , des Figuriftes
Modernes aux principes de l'Antiqui
té , fur l'explication des Ecritures , & fa
parfaite conformité avec le Syftême d'Origene,
condamné par les Peres, avec des
Remarques fur la Lettre d'un Prieur à un
I. vol. de
JUIN. 172 8.
1201
de les amis . A Paris , ruë S. Severin ,
chez Jacques Vincent , 17 27. in 12. de
plus de 600 pages.
INSTRUCTION METHODIQUE pour
l'Ecole Paroiffiale , dreffée en faveur des
petites Ecoles. Divifée en quatre parties .
La premiere traite des qualitez & des
vertus neceffaires aux Maîtres & aux
Maîtreffes d'Ecole , &c. La feconde donne
des moyens faciles pour élever les enfans
à la pieté , par l'affiftance aux Offices
Divins , & aux Inftructions qui fe font à
la Paroiffe. La troifiéme comprend la méthode
que l'on peut garder pour enfeigner
à lire & à écrire , avec plufieurs avis pour
expliquer les principes de la Langue Latine.
La quatriéme , qui fe vend auffi ſéparément,
pour la commodité des enfans
contient des Inftructions familieres pour
enfeigner l'Orthographe Françoiſe fans la
connoiffance de la Langue Latine . 2. Les
principales régles de l'Arithmétique . 3 .
Les pratiques les plus familieres du Chriftianifme
, conformes à la capacité de la
jeuneffe . 4. Les pratiques les plus familieres
de la Civilité quell'on peut enfeigner
dans les Ecoles . Dediée à M. le Chantre
de l'Eglife de Paris . Par M. J. D. B. Prê
tre , à Paris , rue S. Victor , chez G. Ch.
Berton. 1727. in 12.
I vol.
Fiij
GRAND
1202 MERCURE DE FRANCE.
GRAND ALPHABET divifé par fyllabes
Françoises , de 2 , 3. & 4. lettres
chacune , &c . pour inftruire avec plus
grande facilité les enfans à bien lire . Extrait
de l'art . 2. de la troifiéme partie de
P'Ecole Paroiffiale 1728. chez le même
in 24.
INSTRUCTIONS COURTES ET FAMILIERES
fur le Symbole , pour fervir
de fuite aux Inftructions courtes &
familieres de M. Jofeph- Lambert , Prêtre,
Docteur de la Maifon & Societé de Sorbonne
, Prieur de S. Martin de Palaiſeau.
Troisième année , à Paris , ruë S. Jacques
, chez Lottin . 1728. 2. vol. in 12 .
de plus de 600. pages chacun.
LE PARFAIT NOTAIRE APOSTO
LIQUE , & Procureur des Officialitez ,
contenant les régles & les formules de toutes
fortes d'Actes Eccléfiaftiques qui font
paffés tant par les Notaires , que par les
Secretaires des Prélats & Superieurs Eccléfiaftiques
, par les Curez & Vicaires ,
par les Patrons & Collateurs des Benefices
, par les Univerfitez , par les Greffiers
des Chapitres , & autres matieres Eccléfiaftiques
, avec une Inftruction fur la
Procedure des Officialitez ; le tout conformément
aux nouveaux Edits & Décla-
I. vol.
rations ,
JUIN. 1728. 1203
fations , Arrêts & Réglemens , à la Jurifprudence
& à l'ufage moderne. Par M. J.
L. Brunet , Avocat au Parlement , ruë
S. Jacques , chez Cl . Robustel , 1728.2 .
vol. in 4.
SPLANCHNOLOGIE , ou l'Anatomie
des Viſceres , avec des Figures originales
tirées d'après les Cadavres , fuivie d'une
Differtation fur l'origine de la Chirurgie
par M. Croiffant de Garengeot , Chirur
gien , &c. A Paris , ruë S. Jacques , chez
Cavelier chez Huart , 1728 , I. vol.
in 12. de 570. pages , prix , 3. liv . 10.
fols relié.
L'Auteur de ce Livre eft déja fort connu
par plufieurs Ouvrages qui lui ont ac
quis de l'eftime , tels que font un Traité
d'Operations de Chirurgie, dont la feconde
édition eft actuellement fous preffe ; un
Traité d'Inftrumens de Chirurgie, feconde
édition , en 2. vol . in 12. avec 60. plan-
' ches en taille-douce ; un Traité de Miotomie
, auffi feconde édition , fuivi d'une
Miologie abregée. 1. vol . in 12 .
L'Anatomie des Vifceres que l'on annonce
aujourd'hui , eft ornée de 2 o . Planches
en taille-douce , dont les deffeins ont
été faits fur des cadavres diffequés par
l'Auteur. On doit conclure delà que les
Figures ordinaires , répanduës dans la plû-
1. vol.
F iij
part
1204 MERCURE DE FRANCE .
pas
part des Livres d'Anatomie , ne l'ayant
fatisfait,fes Difcours ont auffi quelque
chofe de particulier. En effet , l'Auteur
s'eft appliqué à donner des Deſcriptions
non feulement plus circonftanciées , mais
qui n'ayant d'autre modele que le cadavre
, font plus vraies ; & à relever plufieurs
erreurs qui fe trouvent même dans
les Livres les plus modernes.
C La Differtation fur l'origine de la Chirurgie
& de la Medecine qui termine cet
ouvrage & fur le partage de ces deux
Sciences, fait voir que la Chirurgie eft la
premiere ſcience de l'Art de guérir, que la
Medecine venue long- tems après , a été
inventée par des Chirurgiens , & que le
Public feul a fait le partage de ces deux
fciences , en forçant chaque Artiſte ( par
l'occupation qu'il lui donnoit ) à s'adonner
à l'une & à l'autre de ces Profeffions.
La cinquiéme femaine de la Spectatrice
paroît. Če petit ouvrage eft écrit legerement
& avec foin . Quelques fragmens
en pourront faire juger. Je compare
un de ces Sçavans , dit -on à la page so .
de la feconde Semaine , à un petit Arti-
Jan , qui eft perfuadé qu'il voit tout avec
évidence , & qu'il fe trouve fort bien de
n'affaiblir d'aucun doute toutes les connoif-
1. vol.
fances
JUIN. 1728 .
1205
fances de fon métier , qui prend des mesures
juftes fur fon petit négoce , furfes profits ,
fur fa dépenfe , en neceſſaire & en superflu
; que le defir de fçavoir n'inquiete points
que l'ignorance ne chagrine point ; qui met
à profit ce quil fait , & croit n'avoir que.
faire de ce qu'il nefçait pas .
Page 52. Un Sçavant, qu'on appelle du
premier ordre , fut- il dans l'indigence , fe
regarde comme le Monarque de la République
des Lettres . Un homme fenfe ; mais
fort ignorant, qui ne fait que les chofes
neceffaires à la vie , comme gagner de quoi
fe nourrir & fe vêtir honnêtement & commodément
, de quoi établir fes enfans , &;
eft un gueux pour le Sçavant , &c.
A la page 87. on lit cette Hiftoriette.
Une fille d'honnête famille & bien éle
vée , mais d'un temperamment à fe mettre
violemment en colere quand elle en
avoit quelque grand fujet , fut affez malheureuſe
pour tuer un de fes freres qui
l'avoit outragée , & pour être obligée à ſe
fauver de la maifon paternelle. Comme
elle étoit réfoluë , elle fe déguifa en homme
, s'enrôla & fervit bien fagement pendant
plufieurs années . Léonor ( c'eft le
nom qu'a donné l'Hiftorien à cette fille )
avoit pour fon malheur une belle phyfio- :
nomie , un je ne fçai quoi plus aimable,
I. vol.
Fv que
1206 MERCURE DE FRANCE .
1
1
que la beauté. Un Soldat de fa Compa
gnie , auffi enfant de Famille , & dont
les manieres étoient fort au deffus de la
Soldatefque , fentit un grand penchant
pour elle , fans fçavoir qu'elle fut fille . Il
étoit bien-fait & de bonne mine ; la fympathie
fe forma. Elle fut réciproque , ils
devinrent fort unis , mais ce n'étoit que de
l'amitié.
Quoiqu'elle cachat fon fexe avec beaucoup
de foin , il le découvrit par hazard.
Voilà l'amitié changée en amour. Elle
s'en apperçut par un changement de conduite
dans fon ami , & l'ami devina en remarquant
des manieres plus réfervées dans
cette fille , qu'elle avoit penetré fa décou
verte. La réferve de Léonor augmenta
l'amour du Soldat. Il lui rendit des foins
d'un nouveau ftile , & lui fit une déclaration
tendre , accompagnée des affurances
parfaites de toute la confideration
qu'elle meritoit .
›
Léonor convaincuë du malheur d'être
fille , l'avoia de bonne grace au jeune
homme lui conta fon hiftoire , en
changeant fon crime & le nom de fes parens
, & le conjura de lui garder le fecret
& de fe contenter de fon amitié .
Mais l'amour des hommes n'eft nifi complaifant
ni fi délicat. Si - tôt qu'il peut fe
prévaloir de quelque difgrace, de quelque
1. vol.
befoin ,
JUIN. 1728. 1207
befoin , 'il devient mercenaire . Tel fut celui
du Soldat. Il garda le fecret , mais fes
defirs augmenterent , & fon amour devint
preffant. Cependant comme il n'étoit
pas brutal , fa conduite fut moderée ; il fit
voir à Léonor tout l'amour qu'il avoit
& il feignit une forte de refpect qu'il n'avoit
pas : adreffe ordinaire des hommes
pour corrompre les perfonnes fages. C'eſt
un piége pour les attraper , & elles y donnent
d'autant mieux , que le refpect qui
femble un effet de l'amour délicat , eft ce
qu'il y a de plus oppofé au défir de les
tromper,
Le jeune homme parut fe faire d'extrêmes
violences. Il offrit d'époufer , & fit
des promeffes de mariage qui furent déchirées.
Il perfevera & toucha enfin le
coeur de Léonor en fe rendant le plus aimable
qu'il put , & en lui perfuadant qu'il
avoit de bonnes intentions ; & peut-être
ne mentoit- il pas.
Si-tôt qu'une fille touchée , croit aux bonnes
intentions , elle eft perduë , fi elle ne
fe fauve. Léonor ne fe fauva pas , elle fe
perdit done. Une promeffe de mariage fur
acceptée & il y parut . Cela fe fuit affez
naturellement entre jeunes gens qui s'aiment.
Si le Soldat eut vêcu , il auroit eu de
quoi le repentir , mais il fut tué dans une
I. vol.
F vj action.
1208 MERCURE DE FRANCE.
action. Léonor défolée méditoit un coup
de défefpoir , quand il lui vint dans l'efprit
de tenter la generofité de fon Capitaine
. Elle lui fit le même récit qu'au Soldat
, & y ajouta celui de fa derniere difgrace.
Il étoit homme d'honneur & galant
homme. Il la plaignit , lui donna fon
congé & de l'argent pour fe retirer. Penetrée
de reconnoiffance , elle partit &
crut ne pouvoir mieux faire que d'aller
accoucher fecretement chez une parente ,
dont le peu de difcretion lui donna de
nouvelles inquiétudes ; elle y mourut de
chagrin de fes difgraces paffées , & de la
crainte de celles à venir.
Dans la feuille de la cinquiéme femaine
, on parle d'un petit ouvrage nouveau
qui paroît fous le titre , Adieux de la méchante
Femme. Il étoit naturel que la Spectatrice
faifit cette occafion pour faire l'apologie
de fon fexe. Les gens raifonnables
foufcriront , fans doute , aux bonnes
raifons qu'elle allégue pour le défendre de
l'injuſtice des hommes .
• SOUSCRIPTION des Livres de Plein-
Chant , tant à l'ufage de Rome que des
Diocéfes du Clergé de France , & autres ,
felon le nouveau fyftême de Chant , inventé
par M... Prêtre du Diocèle de Genêve
, propofée par voye de foufcription.
1 υοί
Le
JUIN. 1728. 1209
"
Le Plein-Chant , fuivant ce fyftême , eft
beaucoup plus court , plus facile & plus
fûr à imprimer , à apprendre & à mettre
en pratique les Livres feront non -feulement
à meilleur marché , mais ils feront
de plus grand , de plus beau papier , &
de plus beau caractere que tous ceux qui
ont paru jufqu'à préfent. Ce fyftême a
été approuvépar Mrs de l'Académie Royale
des Sciences & par les plus habiles
Maîtres de Mufique.
C'eft là le titre d'une brochure in 4.1
d'environ 1 2.pages , imprimée chez P.Simon
, rue de la Harpe , qui contient un
petit détail fur le fujet en queftion . On
trouve à la fin qu'on ne recevra les Souf-
#criptions que depuis le premier du mois
de May 1728. jufqu'au premier Janvier
1729. auquel temps l'impreffion fe commencera
? & on promet de fournir le
Livre dans le courant de ladite année
1729 .
Ducoin , rue Bourlabbé , & Simon ruë
de la Harpe , délivreront les Soufcriptions.
LA MONARCHIE DES HEBREUX ,
par fon Excellence M.le Marquis de Saint
Philippe. Traduit de l'Efpagnol. A la
Haye,chez Albert & Vander Kloot, 1727 •
4 vol. in- 12
1 vol.
IMP
.
1210 MERCURE DE FRANCE .
>
IMP.CES . AUGUSTI , Temporum Notatio
, Genus & Scriptorum Fragmenta
&c. c'est - à-dire , Chronologie de la vie
d'Augufte , Généalogie de cet Empereur,
& Recueil des Fragmens de fes écrits ,précedez
du Livre de Nicolas de Damas, fur
l'Education d'Augufte. Par M. Fabricius
Docteur & Profeffeur au College d'Hambourg.
A Hambourg, chez la veuve de
Felginer , 1727. in- 4°. de 253 pages.
On apprend de la Haye , qu'on y voit
un Muficien Allemand qui fonne du
Cor de chaffe d'une maniere auffi agréa
ble que furprenante. Il tire un fon admirable
de cet Inftrument ; il fait plus , il en
embouche deux à la fois & joue differentes
parties , & paffe avec un art qu'on ne
fçauroit concevoir , de la tierce à la quar
te , parcourt la quinte , la fexte & l'octave
, revient à l'uniffon , fait des tenuës
d'un côté , pendant que le deffus va fon
train;& en un mot, fait entendre des chofes
dont l'execution paroît inconcevable.
Le plaifir que font à tout le monde les
Eftampes du celebre Watteau , nous rend
extremement attentifs à donner avis au
public de tout ce qu'on grave d'après les
Tableaux ou les Deffeins de cet habile
Maître. Il paroît depuis peu plufieurs
I vol.
Estampes
THE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY.
ASTOR,
LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONS.
YORK
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONS
2
JUI N. 1728. 1211
que
Estampes nouvellement gravées par les
plus habiles Graveurs , que fon ami continue
à mettre en lumiere.Elles répondent
parfaitement au goût & au défir les
Curieux ont depuis long - temps de poffeder
les gracieufes productions deWatteau .
Ces Eftampes fe vendent chez Fr. Chereau,
Graveur du Roy , ruë S. Jacques ,& chez
Jan Audran , Graveur du Roy , en fon
Hôtel Royal des Gobelins . On trouve
chez les mêmes les deux volumes des Etudes
, gravez fur les Deffeins d'après natude
Watteau , avec l'abregé de la vie. >
*********
PRINTEM S.
P Endant le doux Printems , au gré de vos
défirs ,
Papillons , careffez toutes les fleurs nouvelles:
Et vous ,jeunes amans , pour goûter cent plaifirs
Aimez toutes les belles-
Par M. l'Affichard.C.A.D.L.O.S.
LE MOMENT.
Vaudeville , fur une Gavotte de M.Ripert.
Par l'Auteur de la Chanfon . Ton himeur
eft Caterenne.
YOUD
I vol. Amis
1212 MERCURE DE FRANCE. ]
A
Mis , je ne veux plus boire ,
J'entends l'heure du Berger.
L'amour m'offre une victoire .
Que je ne puis négliger ;
Ne retardez pas , ma gloire ,
Un moment peut tout changer .
J'adorois une cruelle ,
Qui méprifoit ma langueur ;
Mais par hazard , de la belle ,
Je viens de fléchir le coeur ;
Un moment trop tard , près d'elle
Peut reveiller fa rigueur.
Sa vertu foible & mourante ,
Pouffe le dernier foupir ;
Son humeur indifferente ,
Devient fenfible au plaifir :
Le doux moment fe prefente :
Je vais vite le faifir.
La conftance & la tendreffe ,
Les foins , les foupirs , les pleurs ,
I. vol.
Rarement
JUIN. 1728. 1213
Rarement d'une maîtreffe ,
Nous attirent les faveurs :
Un feul moment de foibleffe ,
Fait plus que dix ans d'ardeurs .
Ce n'eft point le vrai mérite ,
Qui fait un heureux amant :
On le prend comme on le quitte ,
Sans trop fçavoir bien comments
Quelquefois la réüffite
Roule fur un feul moment.
Un je ne fçai quoi bizare ,
Tient fouvent lieu de vertu .
Telle vous traite en barbare ,
Quoique par tout bien venu,
Qui tout d'un coup fe déclare ,
En faveur d'un inconnu ,
Un magot épouventable
Tortu d'efprit & de corps
Quelquefois d'une indomptable
Triomphe avec peu d'efforts ,
Tandis I vol.
11214 MERCURE DE FRANCE.
Tandis que l'Amant aimable ,
Seche au feu de fes tranſports .
1
Amis de cette morale ,
Voici ce que je conclus ;
Que telle , aujourd'hui Veſtale ,
Peut demain ne l'être plus ;
Et qu'un bon moment égale
La Lucrece à la Venus.
SPECTACLES.
LE 29 Avril les Comédiens
Italiens
remirent au Théatre , les Amans
ignorans , Comédie en profe & en trois
Actes , & des Divertiffemens , par M.Antreau.
Cette Piece avoit été reprefentée
dans fa nouveauté au mois d'Avril 1720.
On en peut voir l'Extrait dans le Mercu
re d'Avril de la même année , page 65.
La Dile Thomaffin y a joué le Rôle de la
Dile Silvia avec beaucoup d'intelligence.
Les May , ils jouerent une Piece Italienne
, qui n'avoit pas encore paru fur
ce Théatre , intitulée : Les Contre - temps ,
on l'Amant étourdi . C'eft le même fujet
1. vol. dont
JUIN. 1728. 1275
dont Moliere s'eft fervi pour faire la Comédie
de l'Etourdi , qu'on joie au Théatre
François.
Le 3 de ce mois , les Comédiens François
remirent au Théatre la Tragedie
d'Herode, & Mariamne , de M: de Voltaire
. Cette Piece avoit été repreſentée
dans fa nouveauté le 6 Mars 1724. Elle
ne fut jouée que cette feule fois ; on en
donna même un Extrait abregé dans le
Mercure du même mois , page 530 , &
tel que cette feule reprefentation avoit pû
le permettre . Cette chute fi peu attenduë,
obligea l'Auteur de retirer fa Piece
& d'y faire des changemens confiderables
.
Elle fut redonnée le 10 Avril 17255 .
à l'ouverture du Théatre , & elle eut un
très-grand fuccès ; on en verra l'Extrait
plus au long dans le Mercure d'Avril
1725 , page 801. Le public a revû cette
Tragedie avec beaucoup de plaifir . Les
deux principaux Rôles font remplis par le
ficur Dufrefne & par la Die le Couvreur.
Le fieur Quinaut y joue celui de
Varus ; le fieur le Grand , celui de Nabal
, & c .
Le 4 de ce mois , les Comediens François
lurent & reçurent unanimement une
Comédie nouvelle en Vers & en cinq
1. vol.
Actes
1216 MERCURE DE FRANCE .
Actes , intitulée : L'Ecole des Peres.Cette
Piece eft de M. Piron , déja connu par
plufieurs autres Ouvrages d'efprit .
Le même jour on remit au Théatre la
petite Comédie de Crifpin , Rival de fon
Maître , de M. le Sage , dans laquelle le
fieur de Montmeny joua le Rôle du Valet
la Branche , avec beaucoup d'applaudiffemens
. Cet Acteur a été reçu depuis à
demi part , par ordre de la Cour.
Le 3 de ce mois les Comédiens Italiens
remirent au Théatre la petite Comédie
Dumauvais Menage,joüée en May 1725 .
C'est une Parodie de la Tragedie d'Herode
& Mariamne , de M. de Voltaire ,.
qu'on a repriſe au Théatre François , comme
on vient de le dire. On peut voir
l'Extrait de la Parodie dans le 2 vol. de
Juin de la même année .
Le 31 May , les mêmes Comédiens reprefenterent
une petite Comédie nouvelle
, intitulée : Le Retour de Tendreffe ou la
Feinte veritable ; quoyque cette Piece ne
foit que le coup d'effay d'un jeune homme
, elle n'a pas laiffé d'être generalement
applaudie. Elle eft de M. Fuzillier.
En voici l'Extrait. "
ACTEURS.
Dorante , Amant de Lucinde , lefieur Ro-
1. vol .
magnesi.
JUIN. 1728. 1217
Lucinde , Amante de Dorante , la De
Sylvia.
Oronte , Pere de Julie , le fieur Pacqueti.
Julie , Amante de Lifimon , la D" Thomaffin.
Lifimon, Amante de Julie , le fieur Mario .
Spinette , fuivante de Lucinde , la D la
Arlequin , Valet de Dorante ,
Lande.
le ficur
Thomaffin.
La Scene eft dans la maiſon d'Oronte.
Dorante s'étant brouillé avec Lucinde,
& croyant ne l'aimer plus , pour mieux
fe venger d'elle , recherche en mariage
Julie , fille d'Oronte & coufine de fa
premiere Maîtreffe.C'eſt lui qui ouvre la
Scene avec Arlequin , à qui il fait connoître
que tout eft prêt pour fon Hymen
avec Julie. Arlequin veut le détourner
de ce mariage pour deux raifons; la premiere
, c'eft qu'il eft amoureux de Spinette
, fuivante de Lucinde ; la feconde .
c'est qu'il ne croit pas fon Maître guéri de
fa premiere paffion , & qu'il craint pour
lui un retour de tendreffe qui le condam
neroit à un long repentir. Dorante ne
tient aucun compte des confeils de fon
valet ; & pour lui perfuader l'infidelité
dont il fait fon bonheur , il lui dit qu'il
I vol aime
1218 MERCURE DE FRANCE .
aime Julie jufqu'à être jaloux des trop
fréquentes vifites que lui rend Lifimon.
Lucinde vient avec la fuivante Spinette ;
elle affecte une grande liberté d'efprit &
de coeur aux yeux de Dorante; elle porte
la feinte jufqu'à la plaifanterie ; elle lui
demande des nouvelles de fon mariage ;
Dorante lui répond qu'il doit être célebré
ce jour même ; Lucinde le prie de
vouloir bien le differer . Dorante qui l'aime
encore plus qu'il ne croît, fe flatte que
c'eft un retour de tendreffe qui oblige fa
premiere Amante à lui faire cette priere.
Il lui en demande la raifon ; elle reprend
le ton plaifant , & lui dit , qu'elle a fait
quelques apprêts de mafcarade dont
elle le veut régaler à fa nôce , & qu'elle
voudroit bien qu'ils ne fuffent pas perdus.
Ces dernieres paroles paroiffent fi picquantes
à Dorante qu'il la quitte brufquement
pour aller preffer la nôce. Spinette
joue à peu près le même perfonnanage
auprès de Lucinde , qu'Arlequin a
fait auprès de Dorante. Lucinde eft beaucoup
plus émuë que Dorante ne l'a paru ,
mais elle croit que cette émotion vient
plutôt d'un défir de vengeance que d'un
refte d'amour . Julie vient achever de la
déterminer à fe venger d'un infidele . Lifimon
dont Dorante a paru jaloux, eft veritablement
aimé de Julie. Cette jeune
I vol.
coufine
JUIN
1728. 1219
coufine de Lucinde lui fait connoître la
repugnance qu'elle a pour ce mariage où
Oronte fon pere la condamne ; elle eft
picquée de ce que Dorante a plutôt confulté
l'interêt de l'Auteur de fa naiſſance ,
que le coeur de fa future époufe ; elle prie
Lucinde de la fecourir dans une fi trifte
fituation , & la conjure de vouloir bien
renoüer de tendreffe avec Dorante , ou
du moins de le feindre pour détourner un
hymen , qui feroit le malheur de la vie.
Lucinde occupée de fa vengeance, lui promet
de la fervir de fon mieux , dût- elle
faire des avances que fa fierté ne lui permettroit
pas dans toute autre occafion :
elles le retirent toutes deux à l'approche
de Dorante & de Lifimon.
Ces deux prétendus Rivaux font d'un
caractere tout-à fait oppofé ; Dorante dit
tres férieufement à Lilimon qu'il ne veut
plus fouffrir les vifites affidues qu'il rend
à Julie. Lifimon ne fait que rire de fa jaloufie
& lui protefte qu'il redoublera fes
affiduitez auprès de Julie qu'il aime &
qu'il aimera toute fa vie . Dorante met
l'épée à la main ; Lifimon n'en eft pas
plus ému , & lui dit en badinant qu'il
doit refpecter la maifon du beaupere. Il
prend enfin fon férieux à fon tour. Il lui
dit qu'il lui laiffe le temps de la reflexion
, & qu'après cela il ne tiendra qu'à
I vol. lui
1220 MERCURE DE FRANCE.
lui d'être maître du choix du lieu & des
armes , depuis l'épée jufqu'au Canon :
Gare la Bombe , répond Arlequin . Oronte
furvient ; Dorante picqué de ce que Lifimon
lui a dit qu'il aime encore Lucinde,
le prie d'avancer la fignature du Contrat
; Öronte en eft ravi ; & après avoir
long-temps vanté les exploits paffez , il
quitte fon gendre futur pour aller mander
le Notaire. Lucinde vient ; elle joue
fi - bien le perfonnage d'Amante affligée ,
qu'elle attendrit les Spectateurs, tout prévenus
qu'ils font que ce n'eft qu'un jeu : Le
piége eft fi adroitement tendu que Dorante
y donne ; il eft au defefpoir d'avoir
preffé un mariage que le feul dépit lui a
fait rechercher ; il promet à Lucinde de
le rompre , quoiqu'il en puiffe arriver ;
elle redouble fes témoignages de tendrefle
; il fe jette à fes pieds pour l'en remercier.
Oronte arrive pendant qu'il lui
baife la main avec toutes les démonftrations
de l'Amant le plus tendre qui fut jamais.
Le colere vieillard ne pouvant plus
fe contenir , dit à Dorante qu'il voudroit
n'avoir que trente ans , pour tirer raifon
de l'injure qu'il lui fait , auffi- bien qu'à fa
fille. Julie lui répond qu'il ne peut mieux
venger fa gloire offenfée qu'en la mariant
avec Lifimon , qui eft prefent. Oronte y
confent , mais il ne trouve pasDorante
1.vol.
affez
JUIN. 1728. 1221
affez puni , puifqu'il fera heureux avec
Lucinde ; Julie lui dit qu'il ne fera pas
fi heureux qu'il le pente , puitque la
tendreffe de Lucinde n'eft qu'une feinte
qu'elles ont concertée enfemble. A ce mot
de feinte Dorante ne peut retenir fon
courroux : nous avons un démêlé à vn der
avant votre mariage , dit-il à Lifimon : je
ne me bats plus , lui répond ce dernier , fur
le ton goguenard ; je dois rendre compte
de ma race à la pofterité. Dorante refte
feul avec Lucinde à qui il fait de fanglants
reproches de fa fupercherie ; elle
commence à fentir que la feinte eft une verité
; vous verrez , lui dit - elle en foûriant
, que pour réparer ma faute, il faudra
que je vous époufe : ces derniers mots
raffurent Dorante . Lucinde lui avoie
que l'amour a eu plus de part à fa feinte
qu'elle ne croyoit , & finit par ces mots :
le Notaire eft là dedans pourfaire le Con
trat de Lifimon avec Julie ; fuivez- moi ,
je vais prendre Acte de mon innocence.
Comme cette Piéce eft écrite d'un ſtyle
à faire plaifir , nous avons crû en faire
beaucoup à nos Lecteurs , en leur en donnant
quelques fragments. Nous les prendrons
dans deux Scenes qui ont été fort
applaudies. Le premier dans la quatriéme
Scene entre Lucinde & Spinette .
1. vol.
G Lu1222
MERCURE DE FRANCE .
Lucinde.
Le pauvre Dorante a bien des affaires .
Je le plains , & ma Couſine auſſi .
Spinette.
Mais , vous ne l'aimez donc plus ?
Lucinde.
N'en es- tu convaincuë que d'aujourdhui
feulement ?
Spinette.
Son mariage ne vous picque point ?
Lucinde.
Tu le vois , & c..
Spinette.
Quelflegme! oh ! je crains bien
ealme ne nous amene l'orage.
Lucinde .
que
ce
Mais , Spinette , tu es folle : eft - ce ma
faute à moi ,fi je ne fuis point picquéer
Spinette.
Vous croyez ne le pas êtres mais vous ne
vous êtes brouillée avec Dorante que par
une extravagance de fa part , & un eniêtement
de la vôtre. Un frivole point d'honneur
vous arrête ; vous en êtes fur le céremonial
; perfonne ne veut faire les premieres
démarches , vous ferez la dupe de
votre fierté l'un & l'autre.
Lucinde riant.
Ah! ha ! ha !
Spinette .
Oui , cela eft fort rifible : mort de ma
1. vol.
vie !
JUIN. 1728. 1223
3
vie ! je ne vous plaindrai pas , au moins ,
quand vous viendrez me dire : Spinette
c'en est donc fait tout espoir eft perdu. Je
pouvois d'un feul mot me conferver mon
cher Darante ; & je fuis caufe de fon malheur
& du mien .... car je fuis feure qu'il
vous aime toujours , & qu'unfeul regard...
Lucinde.
Tu nous fais plus malheureux que
nous ne le fommes ; il fe mariera fans repentir
, & je le verrai fans jaloufie . D'ailleurs
ne voudrois -tu pas que j'allaffe le conjurer
de renoйer notre chaîne ! cela me conviendroit
fort ; mon fexe m'auroit des obligations
infinies ; je lui tracerois une jolie
route : non , il ne fera pas dit que j'aboliſſe
fes privileges ; & quand j'aurois tort , ce
n'eft pas à moi à revenir la premiere.
Spinette.
Voilà des Privileges qui font beaucoup
d'honneur à notre fexe ! affurément ! ah !
Madame, de pareils avantages ne nous
font accordez qu'en conféquence de notre
folle vanité ; & les hommes qui nous connoiffent
& qui ne cherchent que les moyens
de nous vaincre, n'en pourroient trouver de
plus sûr que de flatter notre orgueil.
Lucinde.
Vous nous accommodez bien, Mademoifelle.
1. vol.
Gij Spi1224
MERCURE DE FRANCE.
Spinette .
Comme vous devez l'être , Madame , &c.
Scene de feinte prétenduë de la part de
Lucinde avec Dorante , c'eſt la neuviéme
de la Piéce .
Lucinde à Dorante en foûpirant .
Quoi ? vous ne me regardez pas ! le noeud
que vous allez former vous rend- il mon
ennemi ?
Dorante.
Moi ! Madame! j'aurai toujours pour
vous la plus tendre cftime..
Lucinde.
Ah! vous feignez de ne pas entendre .
Voussavez que ce fatal mariage...
Et bien!
Dorante.
Lucinde.
Me défefpere , m'affaffine, & vous allez
Pachever!
Dorante.
Comment croirai-je ce que vous me dites ,
Madame ? Il n'y a qu'un moment que vous
étiez d'une gayeté....
Lucinde .
Fort bien ! Monfieur , fort bien ! fi vous
n'aviez pas oublié le langage de mes yeux,
vous auriez lu la contrainte où me jettoit
cette malheureufe gayeté que vous me rez
prockeze
JUIN . 1728. 1221
Dorante à part.
Où cela nous va- t- il mener ?
Lucinde.
•
Je vois enfin qu'il faut que ce foit mol
qui parle , & que j'immole à mon amour
ces précieufes bienfeances où notre fexe nous ·
oblige. Ab ! puifque nous naiffons plus
tendres, pourquoi nous impofe- t- on la cruelle
neceffité d'attendre que ces ingrats reviennent
à nous les premiers ?
Dorante à part.
Jufte Ciel elle m'aimeroit encore!
Lucinde
à part.
Bon ! cela prend.
Dorante.
Eh ! Madame , ne vous préviendrionsnous
pas , fi nous ne craignions de redoubler
vos mépris ? Mais , vous , que pouvezvous
rifquer ? votre fexe charmant n'est- il
pas toujours sûr de la victoire ? Quelque
fujet que nous ayons de nous plaindre de
Ini , pour peu qu'il hazarde un regard , it
fait moins éclater fa foibleße que la nôtre.
Lucinde.
Nous ne sommes pas fi redoutables que
vous le dites .
mes
Dorante.
Mais oferois-je vous demander , Mada :
à quoi tend cette entrevuë ? est - ce pour
jetter fur le refte de ma vie une amertume
que rien ne pourra adoucir ? Est- ce pour
}
7
1. vol . Giij
1226 MERCURE DE FRANCE .
me faire fentir toute la rigueur de votre perte
, que vous feignez d'être fenfible à la
mienne ? Ah! fi vous aviez été veritablement
touchée de ma résolution , vous ne
m'auriezpas laiffé engagé fi avant dans une
affaire dont je ne puis plus me dedire.
Lucinde .
Donc , vous ne pouvez plus vous dédire
! ab infenfee , pourquoi comptois - tu fi
fortfur le retour d'un volage ? étois - tu aff.z
vaine pour te flatter que cette démarche
l'attendriroit ? que ne t'épargnois - tu du
moins la bonte de pleurer à fes yeux ? à
part ; je crois que je pleure tout de bon.
Dorante .
Quelle fituation ! il ne falloit plus que
fes larmes pour m'achever.
Lucinde .
Voyez- les , voyez- les couler , Monfieur;
elles doivent flatter votre orgueil ; le triomphe
n'eft pas commun ; & ce font les premieres
que l'amour m'ait fait répandre.
Tout le refte de cette Scene eft écrit à
peu près de même ; mais ce que nous vevons
d'en extraire doit fuffire pour donner
une idée avantageufe d'une plume
qui commence par où les autres finiffent.
Les Spectateurs ont été fi touchez
des fentimens qui y font répandus , qu'ils
ont pris la feinte pour une verité ; il eſt
vrai que Lucinde n'étoit pas auffi diffimu-
I. vel.
léc
JUIN. 1728.
1227
lée qu'elle avoit prétendu l'être , puifqu'elle
finit par ces mots qu'elle dit à
parte : cela va à merveille ; mais il me
femble que la chofe devient auffi un peufé
rieufe de mon côté.
EXTRAIT de la petite Comédie , qui a
pourtitre : Le Triomphe de Plutus , repréfentée
fur le Théatre Italien , & annoncée
dans le Mercure d'Avril.
ACTEURS.
Orfmidas , Oncle d'Amynthe. Le fieur
Paquery.
Amynthe , mere d'Orfmidas .
La Dile
Thomaffin
.
Apollon , fous la figure d'Ergafte . Le fieur
Romagnezy.
Plutus , fous la figure de M. Richard. Le
fieur Dominique .
lle
Spinette , Suivante d'Amynthe . La D
la Lande.
Arlequin , Valet d'Ergafte .
La Scene eft dans la maiſon d'Orfmidas.
Plutus ouvre la Scene & expofe le fujet
de la Piéce ; il fait entendre aux Spectareurs
, qu'Apollon s'étant vanté dans le
Ciel , qu'il l'emporteroit fur lui auprès
d'une Maîtreffe , prétend foutenir la ga-
I. vol.
Giiij geure ;
1218 MERCURE DE FRANCE .
geure ; & qu'il eft déja deſcendu de l'olympe
, pour prouver ce qu'il a ofé avancer.
Plutus entreprend de rabattre fon orgueil
, par des conquêtes qui ne laiffent
plus douter fon témeraire Rival de l'avantage
que le Dieu des Richeffes doit avoir
fur le Dieu des Vers. Après cette courte
expofition , Apollon vient ; il le prend fur
le ton plaifant avec Plutus ; dans la confidence
réciproque qu'ils fe font de leurs
entrepriſes amoureufes ; ils fe trouvent
Rivaux Amynthe , niéce d'Orfmidas ,
eft l'objet de leur amour ; mais quoi qu'Apollon
foit le premier en datte , & qu'il
ait déja fait quelque progrès fur le coeur
de fa nouvelle Maîtreffe , Plutus ne défefpere
pas de lui arracher une victoire qu'il
croit fûre ; Apollon regarde fon Rival
d'un oeil de pitié , ce qui l'excite encore
plus à ne rien oublier pour triompher d'un
concurrent fi infultant. Spinette furvient ,
Apollon lui demande des nouvelles de fa
chere Maîtreffe ; Spinette a beau lui faire
valoir les foins qu'elle lui rend auprès
d'elle , Apollon fe contente de lui témoi
gner de la reconnoiffance , mais il ne lui
en donne aucune marque fenfible ; il fe
retire pour aller donner ordre à l'execution
d'une Fête qu'il a compofée pour
Amynthe . Plutus , qui s'eft apperçû du
mécontentement
de Spinette , au fujet de
1. vol.
la
JUIN. 1728. 1229
la reconnoiffance fterile de fon Rival , la
met bien tôt dans fes interêts par un riche
Diamant qu'il lui donne ; Spinette l'avoit
d'abord trouvé groffier ; mais fa liberalité
le lui fait trouver préferable aux Amants
les plus polis ; Arlequin , qui arrive & qui
fe plaint qu'Ergafte ( c'eft le nom qu'Apollon
a pris ) ne lui a pas encore donné
la premiere obole de fes gages , en
eft fur le champ confolé par une pluie
d'or , que M. Richard ( c'eft ainfi que
fe nomme Plutus ) fait couler dans fes
mains ; Orfmidas éprouve à fon tour des
effets de fa prodigalité ; il eft occupé de
la vente d'une Terre , dont il deftine le
prix à marier fa niéce Amynthe avec le
faux Ergafte ; on ne veut pas lui en donner
la fomme qu'il prétend; le faux M. Richard
le tire d'embarras ; il achete cette
Terre fans l'avoir vuë , & lui en donne
tout ce qu'il en veut en bons billets qu'il
lui met entre les mains ; il lui demande
fa niéce en mariage , après s'être fait connoître
à lui , pour un riche Négociant dont
le Commerce & la Fortune font immenfes
; Orfinidas ne peut réfifter à des paroles
infiniment plus énergiques pour lu
que toute l'éloquence de fon Rival ; it
n'y a pas juſqu'à faniéce Amynthe , qui
ne rende les armes à un Amant fi fplendide
; elle accepte fans répugnance un ri-
I. vol. G che
1230 MERCURE DE FRANCE .
che bracelet dont il orne fon bras ; & un
coffret de pierreries qu'il met entre les
mains de fa Suivante. Apollon vient faire
executer le Divertiffement qu'il a com
pofé pour elle ; la bonne opinion qu'il a
de fes talens , l'empêche des'appercevoir
du refroidiffement de fa chere Amynthe ;
la Fête eft trouvée très-ennuyeufe par Plu
tus , Apollon n'en eft pas furpris ; mais il
tombe dans un grand étonnement , quand
il voit quel effet produit fur le coeur de
l'Oncle & de la Niéce , un cadeau de la
façon de fon Rival . Ce font des Crocheteurs
chargez d'étoffes très - riches & de
facs d'or qui compofent le Balet ; tout ,
jufqu'à fon Valet Arlequin , fe déclare en
faveur des richeffes ; Apollon picqué d'avoir
perdu la gageure , fe retire dans
l'Olympe , après s'être fait reconnoître
pour le Dieu du Mérite ; Plutus fe déclare
à fon tour Dieu des Richeffes , & remonte
au Ciel , après avoir fait préfent à
Amynthe de toutes les richeffes qu'il vient
d'étaler à fes yeux ; les Acteurs qu'il a
payez d'avance executent une derniere
Fête qui roule fur la puiffance de l'or.
1. vol.
NOU.
JUIN. 1728. 1231
XXX:XXXXX XXXXXX :X
NOUVELLES DU TEMPS.
TURQUIE.
fait grand Confondances qu'on
N apprend de Conftantinople qu'on avoit
rail , à l'occafion de la naiilance d'un Prince ,
dont une des femmes du Grand - Seigneur accoucha
le 7. Mars dernier.
Ces avis portent qu'il avoit été réfolu dans
le Divan , de ne fournir aucun fecours aux Perfans
contre les Motcovites , dans la crainte
que l'Empereur & la République de Venife ne
déclaraffent la Guerre à la Porte , pour faire
une diverfion en faveur du Czar.
On a appris des Frontieres de Perfe , que
le Pacha qui s'étoit mis en marche pour aller
foumettre au Sultan Acheraf une Province fituée
à l'Eft de l'Euphate , vers le Golfe Perfique
& habitée par des Arabes , n'ayant pû
réuffir dans cette entrepriſe , étoit revenu joindre
le refte de l'Armée du G. S.
On a appris en dernier lieu que le Sultan
Acheraf , qui étoit allé camper avec 40000.
hommes , près de la Mer Cafpienne , dans l'efperance
d'y recevoir un renfort confiderable
de la part des Turcs & des Tartares , en étoit
parti avec précipitation pour retourner à Ifpaham
, ayant été informé que le Prince Thamas
qui éroit revenu de la Chine , étoit entré en
Perfe à la tête d'une Armée de près de cent
mille hommes , compofée de Troupes de l'Empereur
de la Chine , & des fecours que le
Grand Mogol lui avoit fournis .
I. vol.
CA- G vj
1230 MERCURE DE FRANCE.
che bracelet dont il orne fon bras ; & un
coffret de pierreries qu'il met entre les
mains de fa Suivante. Apollon vient faire
executer le Divertiffement qu'il a com
pofé pour elle ; la bonne opinion qu'il a
de fes talens , l'empêche des'appercevoir
du refroidiffement de fa chere Amynthe ;
la Fête eft trouvée très- ennuyeufe par Plu
tus , Apollon n'en eft pas furpris ; mais il
tombe dans un grand étonnement , quand
il voit quel effet produit fur le coeur de
l'Oncle & de la Niéce , un cadeau de la
façon de fon Rival . Ce font des Crocheteurs
chargez d'étoffes très - riches & de
facs d'or qui compofent le Balet ; tout
jufqu'à fon Valet Arlequin , fe déclare en
faveur des richeffes ; Apollon picqué d'avoir
perdu la gageure , fe retire dans
l'Olympe , après s'être fait reconnoître
pour le Dieu du Mérite ; Plutus fe déclare
à fon tour Dieu des Richeffes , & remonte
au Ciel , après avoir fait préfent à
Amynthe de toutes les richeffes qu'il vient
d'étaler à fes yeux ; les Acteurs qu'il a
payez d'avance executent une derniere
Fête qui roule fur la puiffance de l'or.
1. vol.
NOU.
JUIN.
1728. 1231
XX :
XXXXXXXXXXX :X
NOUVELLES DU TEMPS .
TURQUIE.
N apprend de Conftantinople qu'on avoit
fait de grandes réjouiffances dans le Sérail
, à l'occafion de la naiffance d'un Prince ,
dont une des femmes du Grand - Seigneur accoucha
le 7. Mars dernier.
Ces avis portent qu'il avoit été réfolu dans
le Divan , de ne fournir aucun fecours aux Perfans
contre les Mofcovites , dans la crainte
que l'Empereur & la République de Venife ne
déclaraffent la Guerre à la Porte , pour faire
une diverfion en faveur du Czar.
On a appris des Frontieres de Perfe , que
le Pacha qui s'étoit mis en marche pour aller
foumettre au Sultan Acheraf une Province fituée
à l'Eft de l'Euphate , vers le Golfe Perfique
& habitée par des Arabes , n'ayant pû
réuffir dans cette entrepriſe , étoit revenu joindre
le refte de l'Armée du G. S.
On a appris en dernier lieu que le Sultan
Acheraf , qui étoit allé camper avec 40000.
hommes , près de la Mer Cafpienne , dans l'efperance
d'y recevoir un renfort confiderable
de la part des Turcs & des Tartares , en étoit
parti avec précipitation pour retourner à Ifpaham
,, ayant été informé que le Prince Thamas
qui étoit revenu de la Chine , étoit entré en
Perfe à la tête d'une Armée de près de cent
mille hommes , compofée de Troupes de l'Empereur
de la Chine , & des fecours que le
Grand Mogol lui avoit fournis .
1
I. vol.
G vj
Co1232
MERCURE DE FRANCE .
1
COPIE d'une Lettre du R P. Beguin
Commandeur du Convent de la Mercy
de Paris , Député General de la Redemption
des Captifs . Ecrite de Salé le
26 Avril 1728 , à M. Couvay.
E partis de Cadix le 31 du paffé , Monfieur,
Jemme je vous le marquaipar madernieres
nous arrivâmes icy le 4 de ce mois , ignorant
les révolutions qui y étoient arrivées depuis
quinze jours , & qu'il étoit impoffible que nous
pufions fçavoir; en mouillant à la rade de Salé.
Vers le midi , nous fumes abordez par deux Bateaux
du Port , y ayant dans chacun vingt Rameurs.
Le Gouverneur les avoit envoyé dès le
matin qu'il nous avoit apperçusils s'étoient rangez
auprès d'un Vaiffeau Anglois , qui avoit
mouillé à cette rade , afin que nous ne puffions
pas être informez de ce qui fe paffoit.
Trente hommes entrerent d'abord dans notre
Tartane , fe difant envoyez par le fieur Pillet ,
Gouverneur du Port , pour nous faire paffer la
Barre & nous amener au Port où il nous attendoit
pour nous recevoir. Nous n'eûmes aucune
défance de cette politeffe , qui auroit dégénéré
en brutalité, fi nous n'avions pas voulu defcendre
dans leur Batteau , étant chargez , comme
nous l'avons appris dans la fuite , de nous amener
de force , fi nous n'avions pas voulu entrer
de gré; & cela fous peine de leur tête .
Nous fimes débarquer feulement nos offres
fans autre chofe , laiſſant nos prefens dans la
Tartane qui n'entra que le lendemain . Nous
arrivâmes ainfi à terre où nous , trouvmes nos
Marchan Is François qui nous voyoient arriver
1. vol.
JUIN. 1728 . 1233
•
àregret, & après nous être tous embraffez , nous
allames faluer le Gouverneur qui étoit affis à
terre à deux pas de là , fur un Bourlet Jeulement
, environné de fes Arguafils. Il nous reçût
tres gracieusement , & nous dit que nous trouverions
bien du changement , auquel nous ne
nous attendions pas , mais que nous ne devions
avoir aucune inquiétude fur cela que nos affaires
n'en iroient pas moins bien , & que nous
étions en toute sûreté. Ce difcours me faifit le
eoeur, nos Marchands n'ayant pû nous informer
de ce qui fe paffoit & l'ignorant entierement.
Après ces premiers complimens , nos Marchands
François nous conduisirent crez eux où ils
nous avoient préparé des appartemens ; c'étoit à
qui nous auroit , mais nous nous patageâmes
afin qu'un feul n'eus pas le fardeau , & nousfumes
informez des révolutions arrivées depuis le
18 Mars , que Mouley- Hamet regnant , avoit été
déposé le 18 , chassé du Palais & remis dans l'ancienne
Maifon qu'il occupoit avant qu'il fut
Roy , où on lui avoit donné des gardes de peur
qu'il ne fe fauvat ; que cela s'étoit fait d'un
confentement unanime , fans tirer un coup de
piftolet , par les menées du Chef des Eunuques,
nommé Ben Margean, qui gouverne aujourd'hui
abfolument le Royaume , prenant pour prétexte
les débauches exceffives du Roy , mais ayant
toujours eu en vue de placerfur le Trône , fon
frere Abdemelec.
Après la dépofition de ce Roy , le lendemain
19 fe paffa en conteftation , pour se déterminer
fur le choix de celui qui lui fuccederoit . Quatre
mille députez de l'armée des Noirs , compofée
de foixante mille hommes , & campée à 17
lieues de Miquenez , lieu de la réfidence ordi
naire , étant arrivez pour faire des remontranses
au Roy fur fa conduite , furent fort cha
I. vol.
quez
1234 MERCURE DE FRANCE .
quez
du procedé qu'on avoit tenu envers lui ,
voulant abfolument le rétablir fur le Trône , on
faillit même à en venir aux mains ; mais enfin
gagnez par les Grands & les promeffes qu'on
leur fit , ilsfe défifterent de leur entreprise.
Le Dimanche 20 , il ſe tint un grand Confeil
dans le Palais , pour se déterminer fur le choix
d'un Roy. Les Noirs ne vouloient point d'abdemelec
, & propofoient un autre de fes freres ,
Seachant qu'Abdemelec ne les aimoit point ,
l'ayant déja battu dans deux batailles qu'ils
avoient gagnées contre lui ; mais le rufé Eunuque
fit tant parfes intrigues & par les efperances
qu'il leur donna , qu'Abdemelec ne pouvoit
& qu'il n'auroit jamais aucun reffentiment
contr'eux , qu'ayant fait faire devant
eux une assemblée des Notables de la Loy, tous
déciderent qu'ayant dans ces occafions obéi aux
ordres du Roy , on reconnut que celui qui viendroit
après lui , ne pouvoit pas en conscience
conferver contr'eux le moindre reffentiment.
Après cette décifion , l'Eunuque ajoûta, qu'il
étoit important pour la tranquillité du Royaume
qu'Abdemelec fut nommé à la place de fon
frere , qu'autrement il continueroit la guerre
contre celui qu'on nommeroit , comme il l'avoit
faite à celui qu'on venoit de déplacer,& qu'ainfi
le Royaume feroit toûjours en trouble , ce qui
pourroit cauferfa deftruction . On se rendit à
toutes ces raisons , & on réfolut de le proclamer
Roy.
Comme il étoit abfent , on envoya chercher fon
fils , âgé de 15 ans , qui avoit été pris l'année
passée dans la bataille que fon pere avoit perduë,
& am né à Miquenez , où Hamet fon oncle
l'avoit fort bien reçû & équipé de tout ce
qui étoit convenable à fa qualité. Douze Grands
furent députez pour l'aller chercher ; on le con- I. vol.
duifit
JUIN. 1728. 1235
duifit à l'affemblée , dans un magnifique Caroffe
de fon grand pere, que l'Eunuque lui avoit
envoyé Le General de l'armée l'embraſſa ,le prit
entre fes bras, l'éleva jufques fur fes épaules, le
mit fur un magnifique Cheval , & s'écria : Vive
la verité , vive la loy de Mahomet , vive Abdemelec
; le reste de l'affemblée fit la même proclamation
, ce qui fut executé de même dans
toute la Ville de Miquenez , & l'a été enfuite
dans toutes les Villes du Royaume, fans aucune
contradiction.
›
Lejeune Prince fut déclaré Regent du Royaume
jufqu'à l'arrivée de fon pere , mais fous la
conduite de Ben Margean, à qui on a donné toute
autorité fur lui , & fans l'avis duquel il ne
peut rien faire. De quelle maniere tout cela
s'eft tramé , c'eft ce que je me referve de dire
dans la relation que je me propofe de faire de
mon voyage , & que je ne puis icy vous marquer
pour abreger cette lettre . Dans le même
moment on dépêcha des Couriers de toutes
parts , pour en donner avis à Abdemelec , ne
Seachant pas le lieu où il eft ; & depuis le 20
Mars jufqu'à ce jour 26 Avril , on n'a pû encore
le trouver ; ce qui met tout le Royaume
en émeute & à la veille d'une révolution . Le
gros de l'armée des Noirs n'étant pas trop content
de ce changement , la glofe fcandaleufe
dit , qu'étant fans argent pour continuer la
guerre contre fon frere , il étoit allé audevant
d'une Caravanne , qui vient de Guinée , chargée
de Poudre d'or , pour la piller & que
Payant attaquée , il avoit été blessé dangereufement
; ce qui fait qu'on le dit tantôt dans un
endroit , tantôt dans un autre; on a même déja
fait deux fois des réjouissances fur des nouvelles
faites exprès, qu'il étoit à Maroc ,& une autrefois
à Fez d'autres difent, ; que ne voulant laif-
1. vol.
Ser
1236 MERCURE DE FRANCE .
fer rien derriere lui qui puiffe lui donner des inquiétudes,
il va à droite & à gauche pour foumettre
les rebelles rendre les chemins libres,
qui font prefque tous occupez par les Arabes
qui fe font débandez & mis au pillage.
Vous jugez bien , Monfieur , que nous fommes
dans une conjoncture tres - épineuse , mais
il n'y a plus moyen de reculer , la porte pour
fortir nous étant fermée , il faut prendre fon
parti & avoir patience ; étant partis de Cadix
avec de bons Paffeports que nous ne reçûmes
que le 1 de Mars , & des afsûrances pofitives
de tous les Marchands de Salé que tout étoit
tranquille , & que nous pouvions compter fur
un fuccès infaillible , tous autres que nous y
auroient étépris ; déforientez fur nos mesures
I
le projet formé , nous avons commencé une
autre Manoeuvre , lejour même de notre arrivée,
ne doutant point qu'on n'eut envoyé à¦Miquenez
donner avis de notre arrivée à Salé , avec
nos deux Efclaves Ambaffadeurs , nous envoya
mes un Exprès au Pere Gardien des Recolets de
Miquenez qui y ont un Hofpice , le priant de
nous donner avis de ce qui fe paffoit quelles
mesures nous devions prendre nous en eúmes réponfe,
& par le même Courier , nous reçûmes
trois Lettres ; l'une de Ben Margean , Chef des
Eunuques du Royaume , l'autre du jeune
Prince , qui figure pour le Roy fon pere , & la
troifiéme d'un Bacha , mais fans beaucoup de
credit aujourd'hui . Quand je dis le même Courier,
j'entens le Secretaire de Ben Margean , accompagné
de deux de fes Efclaves , dont l'un
eft frere d'un de nos Ambassadeurs . J'en envoye
les Copies traduites de l'Arabe en François au
Per Vicaire General , que je prie de vous communiquer
, vous y verrez de grandes politeffes
des afsurances pofitives d'un heureux fuccès I. vol
dans
JUIN. 1728. 1237
dans notre Miffion . Nous répondimes à ces Lestres
, avec des prefens que nous envoyâmes à
l'Eunuque & à ce jeune Prince , par le méme
Secretaire qui nous avoit apporté leurs Le tres .
Les prefens ont été bien reçûs , ils en ont été
tres-fatisfaits . L'Eunuque nous a encore écrit
à peu près dans les mêmes termes, nous affurant
que nous ne pafferons pas par d'autres mains
que les fiennes , & que fi nous ne réffiffons pas,
nous enpourrions rejetter toute lafautefur lui,
qu'il nous donne fa tête fi tout ne fe paffe pas à
notre fatisfaction : Dieu le veuille , car ces genscy
fe ruinent en promeffes.
do
Il nous a envoyé une Lettre pour le Gouver
neur du Château, auquel il recommande de nous
procurer toute forte d'agrément ; que fi nous
voulons aller à la chaffe, ou nous promener hors
de la Ville , de nous donner des gardes , &
de faire couper la tête au premier qui nous in-
Jultera. Il nous dit encore de demeurer à Salé ,
où nous ferons plus tranquilles qu'à Miquenez,
que
dès que le Roy fera arrivé , il nous envoyera
chercher . Nous avons rendu la Lettre au
Gouverneur qui eft venu nous recevoir jufques
hors du Château, avec 24 gardes , il nous a fait
mille offres de fervices ; auffi est- ce un digne homme
, intime ami des Chrétiens , & qui , au cas
de revolution , nous donnera à nos Marchands
une retraite dans le Château , car les
Arabes font des courfes jufques dans la Ville ..
On aura de lapeine à croire qu'un Roy proclamé
, qui cherchoit par la force des armes àfe
rendre maitre d'un Royaume , ne paroiffe pas
après 38 jours de recherche , & qu'on ne puisse
pas fçavoir pofitivement où il eft . C'est cependant
ce qui arrive aujourd'hui , quoique toutes
les Villes fe foient rangées fous fon obéiffance,és
que tous les Peuples le défirent avec empreſſe- 1. val.
ment
,
1238 MERCURE DE FRANCE .
ment. Ce fera un trait d'Hiftoire des plus finguliers
, & qu'un Negre Eunuque & Esclave , qui
opere tous ces changemens , foit maitre du
Royaume , fe foutienne dans cet intervalle ,
fans aucune révolution , &c,
L
RUSSIE
A Flote qui doit mettre à la voile peu de
temps après le retour du Czar à Peterf
bourg, ne fera compofée que de douze Vailfeaux
de Guerre & de cinq Frégates ..
On apprend de Molcou , qu'on y trouva
vers le milieu du mois d'Avril dernier , près
d'une des portes de cette Ville , une Lettre cachetée,
dont la fufcription portoit qu'elle contenoit
des chofes de la derniere importance ; on
l'ouvrit & on n'y trouva que des invectives
ourrées contre la conduite des Miniftres à l'égard
du Prince Menzixoff : ce qui a déterminé
le Czar à faire publier une Proclamation par
laquelle il promet le pardon avec une récompenfe
à l'Auteur de cette Lettre , s'il vient
avouer fa faute & déclarer fes complices. Ceux
au contraire qui ayant connoiffance de cette
Lettre , n'en dénonceront pas les Auteurs au
Confeil Privé , feront punis comme ennemis de
I'tat . On a appris depuis , qu'on avoit arrêté
à Mofcou une Dame , parente du Prince Men.
zikoff , foupçonnée d'avoir part à cette Lettre
injurienfe que cette Dame ayant été mife¹à la
queftion , s'étoit avouée coupable, & qu'elle
avoit nommé fes complices aufquels on devoit
faire incellamment le procès .
Le Patriarche de Mofcou & les autres Prélats
de ce pays, ont reçû ordre de fournir dans
trois mois , un Etat exact de tous les revenus
des biens Ecclefiaftiques , afin qu'on puiffe I. vol.
lever
JUIN. 1728. 1239
lever deffus une impofition équitable pour les
befoins de l'Etat.
Le 28. du mois dernier , le Czar partit de
Mofcou avec les deux Princeffes fes Soeur &
Tante ,, pour se rendre à Wunirou , maiſon de
plaifance où S. M. Cz. doit paffer quelques
jours pour prendre le divertiffement de la
Chaffe .
Le nouveau parti qui s'eft formé en Perfe en
faveur du Prince Thamas , fils du Roi de Perfe
detrôné , Schah- Huffain , contre le Sultan
Acheraf, devenant de jour en jour plus confiderable
, on croit que ce dernier ne fera pas en
état cette année de faire aucune entrepriſe fur
les Provinces conquifes par le feu Czar .
Les dernieres Lettres de Mofcou portent que
l'Envoyé du Pr . Thamas y étoit arrivé.
Le Comte Sara - Uladiflas Ragufiski , Ambaffadeur
du Czar à la Cour de l'Empereur de
la Chine , a envoyéà la Cour les Obfervations
qu'il a faites fur la fituation de la Ville de Selginski
, voifine des Frontieres de la Chine, avec
le Plan de cette Ville , & un Projet pour en
bâtir une nouvelle auprès de l'ancienne. Toutes
ces Piéces ayant été examinées dans le
Confeil , on a déja fait partir quelques Ingénieurs
pour tracer le Plan de cette nouvelle
Ville , où l'on efpere établir un Entrepos de
Commerce qui fera très- avantageux aux Mofcovites.
On a équipé à Petersbourg quatre Frégates
pour porter en Espagne une grande quantité
de Canons de fer , des Fonderies d'Olonitz ; le
Duc de Liria les a achetés pour le compte de
S. M. C. pour laquelle on conftruit dans cette
Ville quelques Vaiffeaux de Guerre , qui font
prefque tous en état d'être lancés à l'eau , mais
dont le plus fort n'eft que de 4 Piéces de
Canon.
1240 MERCURE DE FRANCE.
O
DANNEMAR C.
N embarqua à Copenhague , au commencement
du mois dernier , beaucoup de
provifions & de munitions de Guerre fur les
Vaiffeaux qui doivent tranfporter dans le
Groenlande les familles qui fe font offertes d'y
aller établir une Colonie ; leur engagement
n'eft que pour fix années : pendant les trois
premieres , le Roi leur fournira des vivres ,
des habits , des outils , & les ouvriers néceffaires
pour leur conftruire des habitations . Le
Major Pors a été nommé Gouverneur & Commandant
de cette nouvelle Colonie. Le Capitaine
Landorff commandera fous lui la Milice
avec un Lieutenant & quelques Officiers Subalternes
.
M. de Seheftedt , Confeiller du Confeil Privé ,
a été nommé par le Roi fon Miniftre Plénipotentiaire
au prochain Congrès : S. M. a fait
choifir 33. des plus beaux Chevaux de fes Ecuries
pour les attelages & les Chevaux de main
de ce Miniftre.
On maria le 15. du mois dernier dans l'Eglife
de la Garnifon de Copenhague , les jeunes
geus engagés pour le Groenland , avec des
filles de la maifon des Orfelins , après quoi on
les fit embarquer fur les Vaiffeaux du Roi pour
les faire partir au premier vent favorable."
POLOGNE.
ON a reçû avis des que les maladies coFnrtoangtiieeurfeessdye fTauirfqoiueinet
de grands ravages , qu'elles s'étoient communiquées
faute de précautions , à quelques Villages
des Terres de la République , dont une
I. vol.
par
JUIN. 1728.
1241
partie des habitans s'étoit retirée dans les bois.
Le Duc de Meckelbourg eft parti de
Dantzic pour fe rendre , à ce qu'on publie
dans fon Duché , avant qu'on y ait mis à execution
le dernier Decret de l'Empereur .
ALLEMAGNE.
LE 3. May ,Fête de l'Invention de la fainte
Croix , l'Imperatrice Amelie tint à Vienne
dans le Monaftere des Religieufes de la Vifitation
, un Chapitre de l'Ordre de la Croifade ,
dans lequel elle nomma pour Dames de cet
Ordre , l'Archi -Ducheffe Marie- Therefe , &
28. autres Dames tant Allemandes qu'Italiennes.
Le Duc de Richelieu , cy- devant Ambaffadeur
Extraordinaire du Roi T. Ch. partit de
Vienne le 5. du mois dernier , pour retourner
en France, laiffant ici M. de Buffy pour prendre
foin des affaires jufqu'à l'arrivée du Comte de
Cambis , qui a été nommé Miniftre Plénipotentiaire
de S. M. T. Ch . auprès de l'Empereur.
Le Comte Philippe de Kinski a été nommé
Envoyé Extraordinaire de S. M. I. à la Cour du
Roi d'Angleterre.
Le Confeil Aulique a rendu un Arrêt , qui
déclare le Duc de Meckelbourg démis de la
Regence de fes Etats , & en nomme le Duc
fon frere Adminiftrateur , avec 3 fooo. Rifdales
de revenu. On a affigné 40000. Ritdales de
penfion au Duc deMeckelbourg dépoffedé, 5000.
Rifdales par an à la Ducheffe fon Epoufe qu'il
a répudiée , 12000. à celle qu'il a épousée en
fecondes noces , & à la Princeffe fa fille. Le
refte de fes revenus qui monte à 40000. Rifdales
, fera employé au payement des dettes pu-
A. vol.
bli1242
MERCURE DE FRANCE.
bliques & des arrérages dûs à la Commiffion
d'éxecution , dont les Troupes fortiront du
Meckelbourg , & ce Duché fera dorénavant
fous la protection du Roi de Pruffe. On a appris
depuis que le Duc Charles Léopold de
Meckelbourg , étoit allé à Berlin pour enga
ger S. M. Pr . à prendre fes interêts , que le Duc
Chrétien Louis , fon frere , s'étoit excufé d'accepter
l'adminiftration du Duché , & qu'il ne
l'empêchoit pas de jouir de fes droits pendant
fa vie ; mais on vient d'apprendre en dernier
Lieu que le Duc Chrétien qui eft à Hambourg,
incognito , a eû plufieurs Conférences avec le
Comte de Metfch , Miniftre Plénipotentiaire
de l'Empereur auprès des Princes de la Bafle-
Saxe , & le bruit court à préfent que ce Prince
fe conformera aux intentions de l'Empereur ,
& qu'il fe rendra inceffamment à Schwerin
pour y prendre l'adminiftration du Duché de
Meckelbourg , fuivant les conditions impofées
par le Décret du Confeil Aulique , qui l'obli
ge à ne rien faire fans l'avis de quatre Confeillers
de Regence que S. M. I. doit nommer
Les Ecuyers de l'Empereur ont ordre de
faire tenir 3500. Chevaux fur la route de
Gratz en Stirie , pour le voyage que S. M. I.
doit y faire le 16. de ce mois.
Le Comte de Saftago a été nommé depuis
peu Viceroy de Sicile. Il doit s'y rendre inceffamment
pour relever le Comté de Palma.
On apprend de Berlin que le Roy de Pologne
étoit attendu le 26 du mois dernier à Poſtdam,
où il devoit dîner avec le Roy de Pruffe;
que L.M.fe rendroient le 29 à Spandau ; que les
Fêtes qu'on devoit donner à S. M. Pol, dureroient
17 jours , & qu'elles finiroient par un
Bal magnifique qui fe donnera dans l'Orangerie
de Charlottembourg. La fuite du Roy de
I. vol.
PoJUIN.
1728. 1243
Pologne doit être de 7 perfonnes , fans compter
les Comteffes d'Orzelska , de Bielinska &
Ockzin, qui font du voyage. La fuite du Pr.
Electoral de Saxe ne fera que de fept ou huit
Seigneurs .
ITALIE.
7Oici les noms & qualitez des cinq Cardinaux
que le Pape avoit refervez, in petto.
Marc-Antoine Anfidei , Archevêque titulaire
de Damiete , Evêque de Peroule & Af
feffeur du S. Office ,
Profper Lambertini Bolonois , Archevêque
titulaire de Theodofie , Evêque d'Ancone , Secretaire
de la Congregation du Concile , &
Promoteur de la Foy.
Gregoire Celleri , né dans le territoire de
Peroufe , Religieux de l'Ordre de S. Dominique
, Profeffeur en Théologie & Maître du
facré Palais .
Antoine Banchieri , de Piftoye , Confulteur
du S. Office , Vice-Camerlingue & Gouverneur
de Rome.
Charles Colligola , de Spolete , Treforier
general de la Chambre Apoftolique.
Dans le même Confiftoire , le Pape fit Cardinaux
le P.Vincent- Louis Gotti , Milanois ,
de l'Ordre de S. Dominique , Patriarche élu
de Jerufalem , & le P. Léandre Porzia , originaire
du Frioul , Religieux Benedictin de la
Congregation du Mont- Caffin & Evêque de
Bergame.
S. S. a accordé aux nouveaux Cardinaux
Banchieri , Colligola , Celleri & Gotti , une
penfion de cent écus d'or par mois , fur les revenus
de la Chambre Apoftolique.
Le 10 May , le Pape tint un Confiftoire
fecret
A. vol.
1244 MERCURE DE FRANCE .
mer
fecret , dans lequel il fit la ceremonie de fer-
& d'ouvrir la bouche aux nouveaux
Cardinaux , enfuite S. S. leur diftriba leurs
titres ; fçavoir , au Cardinal Affidei , celui
de S. Pierre in Montorio ; au Cardinal Lambertini
, celui de Ste Croix de Jerufalem ; au
Cardinal Cellery , celui de S. Auguftin ; au
Cardinal Banchieri , celui de S.Pierre ès Liens ;
au Cardinal Colligola , celui de Ste Marie in
Campitello & au Cardinal Porzia , celui de
S Jerôme des Esclavons.
Le Cardinal Davia a été nommé Protecteur
des Catholiques d'Angleterre , à la place du
feu Cardinal Gualterio.
Le Cardinal Bentivoglio chargé des affaires
du Roy d'Espagne à Rome , a deffendu aux Religieufes
Efpagnoles qui font en ce pays , d'accepter
aucun titre , in partibus , fous peine
d'encourir la difgrace de S. M. Cat. & de la
faifie de leurs revenus en Espagne.
Le Duc de Richelieu , cy- devant Ambaffadeur
Extraordinaire du Roy T. Ch . à la Cour
de l'Empereur , qui arriva à Venife au cammencement
du mois dernier , en a dû partir à
la fin du même mois pour aller voir les principales
Villes d'Italie .
On écrit de Rome qu'au commencement
du mois dernier , le Barigel des Sbirres de la
Place Navone , ayant paflé avec fa Compagnie
devant le Palais du Cardinal de Polignac.char
gé des affaires du Roy T. Ch . ce Cardinal en
porta fes plaintes au Cardinal Banchieri , alors
Gouverneur de Rome, qui fit caffer & conduire
en prifon ce Barigel.
Les Religieux de la Congrégation du Mont-
Olivet , étant affemblez à la fin d'Avril pour
l'Election d'un General de leur Congrégation ,
de Provincial de cette Province arriva à Naples
2. vol.
avec
JUIN 1728.
1245
avec un Bref du Pape qui le déclare General .
Hen fit lecture dans le Chapitre & fe fit reconnoître;
mais la plupart des Religieux , zelez
pour l'étroite obfervance de leur Regle , & pour
la liberté de leurs fuffrages , firent leurs proteftations
dans les Regiftres Capitulaires; après
quoi , ayant porté leur plainte au Card. Viceroy
& aux Miniftres de l'Empereur , ils en obtinrent
un Acte, qui deffend à ce nouveau General
de faire les fonctions de fa Charge , julqu'à
ce que S. M. I. ait été informée de cette
affaire.
On a reçu par le Capitaine d'une Navire Anglois
,arrivé à Venife de Zante en 34 jours , un
procès verbal , certifié par M. Marc- Antoine
Delfino , Provediteur de l'Ifle , par lequel il
paroît qu'au jour du départ de ce Vaiſſeau , il
n'étoit mort dans la Ville que 135 perfonnes de
la pefte, qu'il n'y avoit dans les Lazareths que
40 malades , dont dix étoient hors de danger ,
& qu'il y avoit tout lieu d'efperer que dars
peu la Ville feroit entierement délivrée de la
contagion .
On mande de Corfou , par des Lettres du 6.
du mois dernier, que deux Vaiffeaux de la République
de Venife , y étoient arrivez depuis
peu de l'Archipel , avec trois Bâtimens Pirates
, armez cy- devant à Malthe ; mais dont les
équipages ,qui ne font compofez que de Grecs.
avoient formé le complot de courir indifferemment
fur tous les Vaiffeaux qu'ils rencon
treroient . Ces trois Corfaires ont troublé la
Navigation pendant deux années ; de telle forte
qu'aucun Vaiffeau n'ofoit fortir des Ifles de
l'Archipel fans une eſcorte; mais ayant été pris
il y un mois par les deux Vaiffeaux de guerre
dont on vient de parler , les Capitaines ont été
mis aux fers , & ils ont confeffé à la torture
I. vol.
H qu'ils
1246 MERCURE DE FRANCE.
qu'ils avoient pris dix à douze Barques Franfoifes
, qu'ils avoient coulées à fond , après en
avoir égorgé les Equipages & pillé les Marchandiles.
Le 24 du mois dernier , le Pape revêtu de
fes habits Pontificaux , fut porté de la Chapelle
de Sixte à l'Eglife de S. Pierre , accompagné
de douze Cardinaux , des Confulteurs de la
Congrégation des Rites , & S. S. y canonifa
le Bienheureux Jean de Prato, Efpagnol & Religieux
Mineur de l'Ordre de S. François , avec
les mêmes cérémonies qui furent obfervées le
16 de May , à la Canonifation de la Bienheureufe
Marguerite de Cortone. On tira pendant
ces deux jours le Canon du Château S. Ange ;
& le foir , tous les Palais de Rome furent illuminez.
Par les dernieres nouvelles de Venife, le mal
contagieux étoit fi confidérable à Napoli de
Romanie , à Guafagni & dans d'autres lieux
voifins , qu'il n'étoit plus poffible de prendre
des précautions pour empêcher qu'il ne ſe
communiquât plus loin.
La
PORTUGAL .
E Vaiffeau de Guerre le fainte Therefe ,
partit de Lisbonne le 18 Avril , pour Goa ,
ayant à bord 17 Jefuites, deftinez aux Miffions
des Indes Orientales. Douze autres Jefuites
font prêts à partir du même Poit , pour les Indes
,fur le Vaiffeau la Mere de Dieu.
Le P. Manuel Alvarés , de la Compagnie de
Jefus, cy- devant Profeffeur en Théologie dans
I'Univerfité d'Evora,& actuellement dans celle
de Coimbre , a été choisi pour être Confefleur
de la Princeffe des Afturies.
Trois Religieux de l'Ordre de S. François ,
1. vol.
choifis
JUIN. 1728 .
1247
choifis par le P. Manuel du Pas , Commiffaire
General de la Terre- Sainte , s'embarquerent
au commencement du mois dernier à Liſbonne.
fur un Vaiffeau François , deftiné pour Gênes,
pour aller porter à Jerufalem les aumônes
qu'ils ont recueillies dans ce Royaume, & une
Tapiflerie de Velours cramoifi que le Roy a
donnée pour orner l'interieur de l'Eglife du
S. Sepulcre.
Les Religieux de la Mercy à Lisbonne, ayant
reçû avis de Rome que la Congregation des
Rites avoit confirmé le culte qu'on rend depuis
plufieurs années à S.Serapio, Religieux de leur
Ordre , natif d'Irlande , qui fut martyrifé en
Afrique en 1240.Ils firent chanter un Te Deum ,
& illuminer la Façade de leur Eglife & de leur
Convent , pendant trois nuits confécutives .
O
ESPAGNE .
N publia à Madrid le 29. Avril , un DecreptudbuliRkoay,
qui orldeonne que du jour de
la publication , jufqu'au 31 du mois de Juillet
prochain , on ait à porter aux Hôtels des Monnoyes
tous les demis Reaux , les Reaux fimples
, les Reaux de Plate de fabrique ancienne ,
qui ne font pas de figure ronde , ainfi que les
Monnoyes qui ont valeur de Plate neuve, vulgairement
appellées Maries , pour y être refondus
& fabriquez de figure ronde avec un
cordon , afin d'empêcher que les Efpeces ne
foient rognées comme elles ont été fujettes à
l'être jufqu'à prefent. Ces Efpeces qui auront
cours encore pendant ces 3 mois , feront reçûës
dans le commerce & dans les Caiffes Royales ,
au prix qu'elles ont à prefent- Ce terme expiré,
elles ne feront plus reçûës qu'aux Hôtels des
Monnoyes , à raifon de 60 Reaux de Plate de
1. vol.
Mon- Hij
1248 MERCURE DE FRANCE.
Monnoye de Province par marc , de onze deniers
de loy .
Le Vaiffeau le N D. de Valbanera , commandé
par le Capitaine Dom Jean Garfia Romero,
& conftruit fur les Chantiers de Tacotalpa
dans la nouvelle Elpagne , pour le compte de
Dom Jean Chrifoftome de Berroa , auquel le
Roy en avoit accordé le Registre , c'eft à dire ,
la permiffion de le charger dans ce Port , d'argent
, de fruits, & de marchandifes , arriva le
3. May au Port du Paffage , avec environ deux
millions de Piaftres tant en or qu'en argent, &
marchandiſes. Il étoit parti du Port de la Veracruz
le 3 Janvier dernier.
Le 30 du mois dernier , M. André Erizzo
Ambaffadeur ordinaire de la Republique de
Venife , fit fon entrée publique à Madrid. Il
fortit à Cheval de fon Hôtel, accompagné de
Dom Pierre Meffia de Chavez , Mayordome
du Roy , précédé du Comte de Villa - Franca
Introducteur des Ambaffadeurs & des Gentilhommes
de la Bouche & de la Maiſon du Roy.
Le Cortege de l'Ambaffadeur étoit compofé
de quatre Caroffes , d'un Ecuyer , quatre
Gentilhommes , fix Pages , quatre Ajudans de
la Chambre & de 24 domeftiques de livrée. Il
arriva à midi au Palais , où il fut reçû fur l'Efcalier
, dans la Salle des Gardes & dans les
Antichambres, avec les ceremonies ordinaires ;
& après avoir eu audience du Roy & de la
Reine , il fut reconduit à fon Hôtel avec le
même cortege.
La petite verole dont le Prince des Afturies
eft attaqué n'a aucun des fymptômes qui puiffe
faire craindre des fuites fâcheufes : elle eft
fortie avec beaucoup d'abondance , & on a tout
lieu d'efperer que la fanté de ce Prince fera
bien-tôt rétablie : en effet on a appris depuis
qu'il étoit en parfaite convalefcence.
Le
JUIN. 1728. 1249
:
LeRoy a envoyé ordre au Viceroy du Mexique
de faire ceffer toute hoftilité conre tles
Anglois , tant par mer que par terre : de communiquer
cet ordre aux Gouverneurs particuliers
du Pays de faire rendre aux Agens
des Directeurs de la Compagnie Angloife de
la Mer du Sud , le Vaiffeau le Prince Frederic ,
avec toute fa charge ; de rétablir le commerce
avec les Anglois , conformément au Traité de
l'Affiente & aux articles 2 & 3 , des Articles
Préliminaires , fignez à Paris d'envoyer en
Cour une Lifte exacte & un Inventaire de tous
les Vaiffeaux & effets qui ont été pris fur les
Anglois , dans les Indes Occidentales ; & de
faire garder ces Effets avec foin , jufqu'à nouvel
ordre.
On apprend de S. Andero qu'on y a lancé à
l'eau quelques Vaiffeaux de Guerre nouvellement
conftruits ; & qu'on travaille avec beau
coupde diligence à la conftruction de plufieurs
autres , dans divers Ports de ce Royaume, enforte
qu'on compte que le Roy pourra mettre
en Mer une Flote de 40 Vaiffeaux de ligne fans
compter les Frégates : & on mande de Cadiz
qu'ily étoit arrivé vers la fin du mois dernier,
onze Vaiffeaux de Guerre des Ports de Bifcaye,
d'où l'on en attend encore d'autres pour
former une Eſcadre que le Marquis de Mari
doit commander.
GRANDE BRETAGNE.
Orfqu'on paya à Chatam fur la fin du mois
dernier , l'Equipage du Vaiffeau de Guerre
le Château de Sterlin , les Matelots firent entre
eux une Collecte de 30 liv fterlin , dont ils
firent préfent au fieur Jean Brand leur Contre-
Maître , pour acheter une Chaîne d'argent &
I. vol. H iij un
1250 MERCURE DE FRANCE.
un fiflet d'or qu'il doit porter pendant fa vie ;
comme une marque de leur affection & de leur
reconnoiffance des bons traitemens qu'ils en
ont reçus depuis plufieurs années qu'ils fervent
fous lui. Il n'y a peut- être jamais eu d'exemple
d'une femblable reconnoiffance dans
aucune Marine de l'Europe.
L'Académie Royale de Mufique à Londres
dont le Duc de Grafton étoit Gouverneur, &
le Duc de Richmond Sous- Gouverneur , s'é.
tant affemblée depuis peu , réfigna fa Patente
à M. Heidegger , qui aura feul à l'avenir la
direction de l'Opera , afin de le rétablir dans
fon ancien luftre,
L'Opera de Ptolomée qu'on a repreſenté en
dernier lieu , a été honoré plufieurs fois de la
préſence du Roi .
Le 22. May , on préfenta une Requête au
Roi , au nom de tous les prifonniers infolvables
qui font en grand nombre dans les prifons
de Londres , & l'on efpere que S. M. leur procurera
un Acte du Parlement par lequel leurs
Créanciers feront obligés de leur fournir leur
fubfiftance , ou de confentir à leur élargiffe-
`ment.
Le 26. du mois dernier , il arriva à Londres
un Exprès dépêché de Gibraltar , pour donner
avis que le solebay , Vaiffeau de Guerre du
Roi en étoit parti le 24. Avril pour les Indes
Occidentales avec les ordres de S. M. au
Contre Amiral Hopfon de revenir inceffamment
en Angleterre avec fon Efcadre .
Le premier de ce mois , le Marquis de Stainville
, Envoyé Extraordinaire du Duc de Lorraine
, eut Audience publique du Roy , de la
Reine , du Duc de Cumberland , de la Princeffe
Royale & de la Princeffe Caroline.
Le Commun Confeil de Londres a réfolu de
I. vol.
faire
JUIN.
1251 1728.
faire bâtir une maison pour loger à l'avenir le
Lord-Maire pendant fon année d'exercice , &
il a chargé de ce foin deux Aldermans qui
ont été élus à la pluralité des voix .
L
HOLLANDE PAYS - BAS .
E Baron de Hop & M. Gollinga , Minif
tres Plénipotentiaires de la République
d'Hollande , font partis de la Haye pour fe
rendre au Congrès de Soiffons , où ils feront
joints par M. Hurgronie , troifiéme Plénipotentiaire
.
On mande de Schafhoufe que les Payfans de
Havenftein s'étoient foulevez contre l'Abbé
de S. Blaiſe , mais qu'on avoit fait marcher
contre eux des Troupes Imperiales qui les
avoient forcés de fe foumettre & de prêterSerment
de fidelité à ce Prélat dans la forme qu'il
leur avoit prefcrite.
MORTS, MARIAGES
des Pays Etrangers .
N a appris d'Odemira en Portugal , qu'il
y étoit mort au mois de Mars dernier
un homme age de 118. ans , nommé , d'Alcunha
Savilho qui s'étoit marié à 92. ans.
Le Prince Jean - Charles de Heffe - Hombourg
, mourut à Mofcou de la petite verole
le 10. du mois dernier , dans la 22. année de
fon âge , étant né le 25. Août 1706.
La Princeffe Anne Petrówna , fille aînée du
feu Czar Pierre I. & époufe du Duc de Holf-
I vol. Hiiij
tein
1252 MERCURE DE FRANCE .
tein Gottorp , mourut à Kiel le 15. May ver
les dix heures du matin , dans la 17. année de
fon âge , étant née le 16. Février 1712. Cette
Princeffe avoit eu une très mauvaiſe fanté depuis
fon départ de Petersbourg , & le Prince
dont elle accoucha il y a quelques mois , eft
toujours fort languiffant. Le corps de la Ducheffe
d'Holftein a été embaumé & depofé
dans l'Eglife du Château , ce qui fait croire
qu'il fera tranfporté à Petersbourg conformément
à fes dernieres intentions . Le Duc fon
Epoux , qui eft inconfolable ( de fa perte , a
demeuré deux jours enfermé ſans vouloir parler
à perfonne.
La Princeffe Doüairiere de Naffau - Idftein ,
de la Maifon des Princes d'Otingen , mourut
le 19. du mois dernier , à Wifbaden , d'une attaque
d'apoplexie.
Le 22. du mois dernier , le Comte Fréderic
Guillaume de Wolftein mourut âgé de 12 .
ans. Il étoit feul heritier de cette Maiſon , dont
la fucceffion appartiendra à l'Electeur de Baviere
, après la mort du Comte Regent de
Wolftein.
Le Comte de Naffau Ottweiller , mourut à
Francfort le 25. du mois dernier , âgé de 76.
ans , fans laiffer d'enfans mâles . Le Comte de
Naffau Ufingen a herité de fes Terres.
Le Prince Antoine -Ulrick de Waldeck ,
Comte de l'Empire du Banc de Veteravie ,
mourut fur la fin du mois dernier à Manheim
dans la sz . année de fon âge . Il avoit épousé
au mois d'Octobre 1700. Louife , fille de Chrétien
II. Comte Palatin de Birkenfeldt , dont il
a eu cinq enfans.
Le Prince Chrétien- Philippe , heritier du feu
Prince de Waldeck, mourut au commencement
de ce mois à Manheim fans avoir été marié.
1. vol.
La
JUIN 1728. 1253
La Duchelle Sophie de Holftein- Beck , née
Princeffe de Heffe Philipsdahl , mourut au
Commencement de ce mois à Marbourg , âgée
de 33. ans .
Le Mariage de Dona Cornelie , niéce du
Cardinal Barbein , avec le fils aîné de la Princeffe
Carbognano , qui prendra le titre de
Prince de Paleftrine , eft conclu.
Le 26 , du mois dernier , la célebration du
Mariage du Prince Jofeph de S. Elie , Napolitain
, avec la Comteffe Brandcis , Dame de la
Chambre de l'Imperatrice , fe fit à Vienne en
préſence de L. M. Imp.
FRANCE ,
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
E 28. du mois dernier , M. d'Angervilliers
alla à l'Hôtel Royal des Invalides
, où il fut reçû avec les céremonies
ordinaires. Il fit grace à tous les Soldats
prifonniers , à l'exception de trois
qui avoient volé , qu'il a fait mettre au
Château de Biceftre pour un an. Le même
jour , ce Miniftre choifit 130. Soldats
Invalides dort on a compofé deux Compagnies
, qui ferviront à Soiffons pendant
la tenue du Congrès pour y faire la Patroüi
le.
t
Le 30. May , M. Zacharie Canale ;
I vol.
Am- Hv
1254 MERCURE DE FRANCE .
Ambaffadeur Ordinaire de la République
de Venife , fit fon Entrée publique à Paris.
Le Maréchal d'Etrées & le Comte de
Monconfeil , Introducteur des Ambaffadeurs
, allerent le prendre dans les Caroffes
du Roi & de la Reine au Convent de Picpus
, d'où la Marche fe fit en cet ordre .
Le Caroffe de l'Introducteur , deux
Caroffes du Maréchal d'Etrées , précedés
de fon Suiffe , de fon Ecuyer & de quatre
Pages à Cheval ; un Suiffe de l'Ambaffadeur
, à Cheval ; la Livrée de l'Ambaffadeur
, à pied ; huit Officiers à Cheval ;
deux Ecuyers & fix Pages à Cheval ;
le Caroffe du Roy , aux côtez duquel
marchoient la Livrée du Maréchal d'Etrées
& celle du Comte de Monconfeil ;
le Caroffe de la Reine ; celui de Madame
la Ducheffe d'Orleans , Doüairiere ; ceux
du Duc d'Orleans , de la Ducheffe de
Bourbon , Douairiete , du Duc de Bourbon
, du Comte de Clermont , de la Princeffe
de Conty , Douairiere , de la Princeffe
de Conty , feconde Doüairiere , de
la Princeffe de Conty , troifiéme Douairiere
, du Duc & de la Ducheffe du Maine
, du Prince de Dombes , du Comte
d'Eu , du Comte & de la Comteffe de
Touloufe , & celui de M. Chauvelin
Garde des Sceaux , Miniftre & Secretaire
d'Etat , ayant le département des Affaires
1. vol.
EtranJUI
N. 1728. 1255
Etrangeres ; & à une diftance de 30. à
40. pas un Suifle de l'Ambaffadeur
marchant, à cheval, devant fes quatre Caroffes:
Reine
Après qu'il fut arrivé à fon Hôtel , il
fut complimenté de la part du Roy , par
le Duc de la Tremoille , premier Gentilhomme
de la Chambre ; de la part de la
, par le Comte de Teffé , fon Premier
Ecuyer ; & de la part de Madame la
Ducheffe d'Orleans , Doüairiere , par le
Marquis de Crevecoeur , fon Premier
Ecuyer.
les
Le premier de ce mois , le Prince de
Lixin & le Comte de Monconfeil , Introducteur
des Ambaffadeurs , allerent prendre
l'Ambaffadeur en fon Hôtel dans les
Caroffes du Roi & de la Reine , & ils le
conduisirent à Verfailles , où il eut fa premiere
Audience publique du Roi ; il trouva
à fon paffage , dans l'avant - Cour du
Château , les Compagnies des Gardes
Françoifes & Suiffes fous les armes
Tambours appellant : dans la Cour , les
Gardes de la Porte & ceux de la Prévoté
fous les armes , à leurs poftes ordinaires ;
& fur l'efcalier, les Cent- Suiffes en habits
de céremonie , la Hallebarde à la main.
11 fut reçu en dedans de la Salle des Gardes
, par le Duc de Bethune , Capitaine
des Gardes du Corps , qui étoient en
›
1 vol.
Hvj haye
1256 MERCURE DE FRANCE.
haye & fous les armes. Après l'Audience
du Roi , l'Ambaffadeur fut conduit à celle
de la Reine par le Prince de Lixin & le
Comte de Monconfeil , & enfuite à celle
de Mefdames de France , par le Comte de
Monconfeil . Il alla à ces deux Audiences,
en Robe , conformément à l'ufage des
Ambaffadeurs de Venife ; & après avoir
été traité par les Officiers du Roi , il fut
reconduit à Paris par le Comte de Monconfeil
, Introducteur des Ambaffadeurs ,
dans les Caroffes de L. M. avec les céremonies
accoutumées.
DISCOURS de M. l'Abbé Oneill , Aumônier
de S. A. S. M. le Duc d'Or
leans , en préfentant le Corps de la Princeffe
fa fille, à l' Abbeffe du Val de Grace
le 15. May dernier.
MADAME ,
Voici encore le Corps de très- Haute
très- Puiffante , & très- Excellente Princeffe
, Mademoiselle , Louiſe d'Orleans ;
fille de très Haut , très Puiffant , & très-
Excellent Prince , Monfeigneur Louis
Duc d'Orleans , & c . Premier Prince du
Sang , & de très Haute , très- Puiffante ,
très- Excellente Princeffe , Augufte-
I vol.
MarieJUIN.
1728. 1257
Marie-Jeanne de Bade - Baden . La Mort
moiffonna hier à S. Cloud la Princeffe
que nous vous amenons , qui fait l'objet
de la joye des Anges , & le fujet de notre
concours. La commiffion fera finie , Madame
, quand j'aurai remis entre vos mains
ce pur & innocent Dépôt , pour être inhumé
dans votre fainte & Royale Mailon,
que nous reconnoiffons être la fépulture
de fes Auguftes Ayeux , defquels je ne
parlerai point , crainte de renouveller la
mémoire des pertes extrêmes que nous
avons faites , & d'aigrir nos douleurs.
Le 30. du mois dernier , Dimanche de
l'Octave de la Fête du S. Sacrement , la
Reine entendit la Meffe dans la Chapelle
du Château de Verfailles , & S. M. communia
par les mains de l'Abbé de fainte
Hermine , fon Aumônier en quartier.
Au commencement de ce mois , la Reine
a eu quelques accès de fiévre qui n'ont
point eu de fuite. S. M. eft à préfent en
parfaite fanté.
Le premier Juin , le Baron de Penterrieder,
Miniftre Plénipotentiaire de l'Empereur
au Congrès de Soiffons , cut Audience
particuliere du Roi , étant conduit
par le Comte de Monconfeil , Introducreur
des Ambaffadeurs .
Le 2. le Comte de Sinzendorff , Grand-
Chancelier de la Cour de S. M. Imperia
1. vol. le ,
1258 MERCURE DE FRANCE.
le , & fon Premier Miniftre Plénipotentiaire
au même Congrès , cut auffi Audience
particuliere du Roi. Il y fut conduit
, ainfi qu'à l'Audience de la Reine &
à celle de Meldames de France , par
même Introducteur .
le
Le Roi a nommé Intendant de la Gene .
ralité de Paris , M. de Harlay , Confeiller
d'Etat , qui eft actuellement Intendant en
Alface .
M. Ceberet , Maréchal des Camps &
Armées du Roi , & Infpecteur d'Infanterie
, a été nommé par S. M. Commandant
dans la Ville de l'Ifle , à la place du
feu Comte de l'Ifle.
LETTRE écrite de Champagne au fujet
d'un Orage & de la Grêle extraordinaire
qui est tombée fur la Ville de Troyes
en Champagne & aux environs , le 16 .
May 1728.
Ile Seigneur a vilité nos iniquitez , par
L n'eft que trop vrai , Monfieur , que
un fleau terrible ; & quoique j'adore avec
foumiffion le bras qui s'eft appefanti fur
nous , je ne puis fans répandre des larmes ,
vous faire le détail que vous me demandez
des pertes caufées dans la Ville de
Troyes & aux environs , par l'épouventable
Orage qui y tomba le 16. de ce
Ι υοί.
mois ,
JUIN 1728 . 1259
mois , jour de la Pentecôte.
Après quelques coups de Tonnere , il
commença fur les huit heures & demie
du foir à tomber une Grêle fi groffe & fi
abondante , que je ne pense pas qu'on ait
jamais rien vu de fi terrible ; & la rapidité
avec laquelle les vitres & les toits des
maiſons furent brifez & broyez , n'offroit
pas moins qu'une mort certaine & inévitable.
Les maifons , les Eglifes mêmes les
mieux voutées , ne paroiffoient pas des
afyles affurez à ceux qui s'y étoient refu-
-giez ; & il étoit impoflible de fortir fans
être écrafé fur le champ.
La premiere Grêle qui tomba , n'étoit
d'abord pas plus groffe que des oeufs de
pigeon ; un inftant après elle étoit comme
les plus gros oeufs de poule ; puis tout
d'un coup il fembla que c'étoient de groffes
pierres cornues qui brifoient & fracaffoient
tout . Vous vous figurez fans peine
l'horreur que pouvoit caufer un femblable
fpectacle , quand vous fçaurez que
chacun de ces morceaux de Grêle pefoit
fix à fept livres , plufieurs perfonnes en
ayant pefé en differens endroits. Cet Orage
ne dura par bonheur que cinq minutes;
car il eft hors de doute que s'il avoit continué
avec la même violence feulement
une demie heure , les habitans de la ville
comme ceux de la campagne auroient été
J.vol.
écra
1266 MERCURE DE FRANCE .
écrafez fous les ruines de leurs maifons
On
peut dire
que la Ville
a effuyé
le
plus
fort
de l'Orage
, car il n'y a pas un
feul Edifice
qui n'en
ait été beaucoup
endommagé
. La perte
des belles
vitres
de
l'Eglife
de faint
Jean
, eft eftimée
à plus
de trente
mille
livres
, & le nombre
des
tuiles
de la couverture
qui ont été briſées
,
monte
au moins
à foixante
cinq
milliers
,
fans
compter
les ardoifes
dont
il ne refte
pas une d'entiere
du côté que l'Orage
eft
venu .
' L'Eglife de S. Pierre & toutes les autres
de cette Ville , n'ont pas été plus épargnées
; & il n'eft pas feulement refté un
morceau de plomb aux vitres de la Bibliotheque
des Jacobins. , Jugez par - là du
dommage qu'ont reçû les maifons particulieres
, dont il feroit trop long de vous
faire le détail : mais pour vous en donner
une idée fenfible , il ne fuffira de vous dire
que les Officiers de chaque quartier ,
ayant fait par toute la Ville une vifite
exacte du dommage caufé à tous les bâtimens
, le fentiment des Maffons , Charpentiers
, Couvreurs & Vitriers qui y ont
été appellez , porte l'eftimation de la perte
pour la feule Ville de Troyes , à trois
millions de livres , fans compter celle des
dehors de la Ville. En cette eftimation
n'eft point non plus compris le dégât des
I vol. Jardins
JUIN.
1728. IIGI
Jardins dont la perte ne laiffe pas d'être
confiderable. Vous fçavez quelle étoit la
Situation du mien , qui à beaucoup près
n'eft pas des plus beaux de la Ville ; j'eftime
cependant que j'y fouffre un dommage
de plus de 800. livres . On ne peut
plus l'appeller un jardin ; car tous les arbres
, fans exception , & même les plus
gros pieds de vignes ou treilles qui y
étoient , font réduits en morceaux , comme
s'ils avoient été fciez ou coupez exprès
avec une ferpe ; & toutes les autres
plantes hachées & enfoüies dans la
terre .
A l'égard de la campagne , on y compte
trente-deux Villages & leurs finages entierement
ruinez : tous les bleds generalement
& les autres grains ou légumes ont
été enterrez par la Grêle , ou rafez plus près
de terre que fi on les avoit fauchez. Les
vignes de Montgueux , Barberay , fainte
Maure , Vailly , Crenay & faint Parre ,
dans lesquelles on ne voit pas même de
feüilles , n'offrent aux yeux qu'un fpectacle
auffi trifte , que la perte en eft doulou .
reufe à ceux qui la fouffrent ; perte d'au
tant plus déplorable qu'elle ne laiffe aucune
efperance de rétabliffement pourl'avenir
, puifque les plus gros feps ont été
totalement coupez & hachez par cette
horrible Grêle , qui étoit encore le len-
1. vel.
demain
1262 MERCURE DE FRANCE .
demain matin de la hauteur d'un homme.
Des Commiffaires nommez pour cet effet
, font actuellement avec les Officiers
de l'Election la vifite de tous les lieux endommagez
par ce fâcheux accident : il
eft indubitable que la perte de tant de
biens doit monter à des fommes confiderables
, dont leur rapport nous donnera
une connoiffance plus particuliere .
Je finis par une réflexion qui ne paroîtra
pas à tout autre , auffi intéreffante qu'à
vous , Monfieur , qui fçavez quelle dévotion
le peuple de ce pays a pour aller en
pelerinage à faint Clair , dont la fêre ſe
trouvoit ce jour -là . L'affluence qu'il y
avoit en ce lieu , étoit très- nombreuſe ;
& fi cet accident avoit furpris tant de
monde dans le chemin , il est très certain
qu'une infinité de perfonnes auroient été
écrafées & hachées par ces carreaux de
glace qui ont renversé les plus gros arbres
; mais nous n'apprenons pas qu'il
y ait eu plus de deux hommes de tuez. Je
fuis , &c .
Le 4. de ce mois , le Roi partit de Ver
failles vers les neuf heures du matin , fuivi
des Troupes de fa Maiſon , qui ont ac
coutumé de l'accompagner dans fes Voya
ges . 11 paffa avec tout fon Cortege fur les
Remparts de cette Ville, à dix heures , &
I. vol.
fu
JUIN. 1728. 1263
fut falué par le Canon de la Baftille & de
l'Hôtel des Invalides ; S. M. arriva vers
les trois heures après midi au Château de
Compiegne , où elle doit faire quelque
féjour.
La Ville de Compiegne eft nommée par
les Auteurs Latins Compendium. Elle eft
fituée dans le petit Pays de Valois , fur le
Confluant de l'Aine & de l'Oife , entre
Noyon , Soiffons & Senlis , & eft célebre
pour avoir été le féjour des Rois . Clotaire
I. mourut en cette Ville en 561 .
Charles le Chauve qui la fit rebâtir en
876 , lui donna le nom de Charleville
Carolopolis , & il augmenta ou fonda la
célebre Abbaye de S. Corneille , où Louis
II. dit le Begue , & Louis V. font enterrés .
On dit que le même Roi mit en cette Abbaye
un des trois Suaires dont le Sauveur
du monde fut enveloppé en fon Sepulchre .
Le Roi S. Louis fonda à Compiegne les
Eglifes des Dominicains & des Cordeliers
. Charles VI. prit Compiegne en
1415. fur le Duc de Bourgogne qui l'aſfiegea
, quinze ans après , par les foins de
Jean de Luxembourg. La Pucelle d'Orleans
y fut priſe dans une fortie , & fut
vendue aux Anglois , & l'Armée du Roi
Charles VII . en fit lever le Siége en 1431 .
Au refte , Compiegne eft une affez belle
Ville , & a de grandes Places & de jolies
I. vol.
Mai1264
MERCURE DE FRANCE.
Maifons. Le Palais du Roi & la Maiſon
de Ville font magnifiques. Outre la Collegiale
de S. Jacques , qui eft la principale
Eglife , il y en a plufieurs autres
avec un College de Jefuites. Cette Ville
eft affez marchande ; on y fait diverfes
fortes de Manufactures , & on y charge
quantité de bois qu'on apporte à Paris ,
dont elle n'eft éloignée qu'environ de 18.
eu 20. lieuës .
Cette Ville eft encore célebre par les
Affemblées Ecclefiaftiques & par les Conciles
qui s'y font tenus , comme celui de
757. où l'on fit 18. Canons . En 8 33. le
Roi Louis le Debonnaire, par la conjuration
de fes trois fils , & par la Sentence des
Evêques , fut dépoffedé & contraint de
quitter les Couronnes Le Ciel permit
qu'il fut rétabli fur le Trône malgré cet
attentat . Renaud , Métropolitain de
Rheims , affembla en ro85. un Concile
à Compiegne. Il y en fut tenu ún autre
en 1201. un en 1277. Robert de
Courtenay en célebra deux en 1301. &
en 1304. Guillaume de Trie , auffi Archevêque
de Rheims , affembla le Concile
de 1329. Contre ceux qui s'oppofoient aux
libertés des Eglifes.
Le 6. de ce mois , l'Abbé de Gêvres ,
Evêque - Comte de Beauvais , Pair de
1. vol. France
JUIN. 1728. 1265
France , fut facré dans l'Eglife Paroifliale
du Village de S. Ouen , par
, par l'Archevêque
de Rouen , affifté des Evêques de
Châlons fur Marne & de Sarepte.
Le 6 Juin , une Efcadre compofée de
onze Vaiffeaux & autres Bâtimens , commandez
par M. de Grandpré , Chef d'Efcadre
des Armées Navales , & de deux
Galeres , commandées par M. le Chevalier
de l'Aubefpine , partit des Rades de
Toulon pour les Côtes de Barbaries.
Les Vaffaux de cette Efcadre font ,
Le Saint Efprit de
Le Léopard de
Le Grafton , de
L'Alcyon , de
Le Tigre , de
La Seine , de
74 Canons
64
62
30
50
40
30
L'Aftrée , de
L'Immaculée Conception, de 12
La Galiotte l'Ardente ,
La Galiotte la Tempête ,
La Galiotte la Foudroyante ,
Les deux Galeres font :
L'Eclatante .
La Ducheffe.
On écrit de Perpignan que M. de la
Combe , Brigadier des Armées du Roy
Lieutenant de S. M. au Gouvernement
1. vol.
de
1266 MERCURE DE FRANCE .
de la même Ville , & commandant en
l'abfence du Duc de Noailles & du Marquis
de Fimarcon en Rouffillon , Con-
Hans & Cerdaigne , avoit reçû un pouvoir
du Roy pour aller traiter conjointement
avec M. d'Athofé , Commiffaire
Ordonnateur en Rouffillon, la reftitution
réciproque des Déserteurs , Voleurs &
Affaffins qui pafferont de la Frontiere de
la France à celle d'Efpagne , depuis l'Ocean
jufqu'à la Méditerranée . Le Baron
d'Huart, Lieutenant General des Armées
de S. M. C. Commandant en Lampourdan
, & M. de Condamine , Commiffaire
, Ordonnateur en Catalogne , ont
été nommez par le Roy d'Efpagne pour
le même fujet . Les Commiffaires du Roy
partirent de Perpignan le 5. de ce mois ,
pour fe rendre à Gironne , Ville nommée
pour l'affemblée.
Le Duc de Bournonville , premier Miniftre
Plenipotentiaire du Roy d'Eſpagne
au Congrez de Soiffons , arriva à Compiégne
le 9 de ce mois , & le lendemain
matin il eut une Audiance particuliere du
Roy.
M. Goflinga , l'un des Miniftres Plénipotentiaires
de la République d'Hollande
au même Congrez , qui a paffé quelques
jours à Compiegne , a eu l'honneur auffi
de faluer S. M.
I. vol.
Le
JUIN. 1728. 1267
Le 12. de ce mois , le Comte de Konigsfeld
, Miniftre de l'Electeur de Baviere
, qui s'eft rendu depuis à Soiffons , eut
Phonneur de faluer le Roy , accompagné
du Comte d'Albert.
Le 13. le P. Surian , Prêtre de l'Oratoire
, nommé par le Roy à l'Evêché de
Vence , fut facré à Paris dans l'Eglife de
VO PInftitution des Peres de l'Oratoire
Archevêque de Bezançon , affifté des
Evêques de S. Malo & de S. Brieu.
Le
C
, par
w
ENTRE'E publique de M. le Marquis
de Bonac , Ambaffadeur de France ,
dans la Ville de Soleure . Extrait d'une
Lettre , écrite de cette Ville le 10 May
1728 .
L'Ambaffadeur de France fit fon
M'entrée publique à Soleure le 1
de ce mois ,avec une magnificence extraor
dinaire ; tout fon équipage étoit des plus
leftes & des mieux entendus , & on n'a
jamais vû en pareille occafion un plus
beau Cortege ; car tout ce qui compofe
le Gouvernement de ce Canton y affifta
en Caroffe ou à Cheval ; les Dragons de
P'Etat s'y trouverent auffi , ainfi que toute
'Infanterie , laquelle fut rangée en deux
files depuis la porte par où ce Miniſtre
entra dans la Ville, jufques à la Cour, c'eft
I. vol. ainfi
1268 MERCURE DE FRANCE .
ainsi qu'on appelle à Soleure l'Hôtel des
Ambaffadeurs . Ily eut durant la marche
& à l'arrivée trois décharges de 20 piéces
de Canon du Rempart . Le lendemain
M. l'Ambaffadeur fut complimenté de la
part de l'Etat , par l'un des principaux
membres : Son Difcours fut auffi Alateur
que la réponſe de S. E. fut gracieufe & ap
plaudie.
Le jour d'après , M. l'Ambaffadeur f
rendit à l'Hôtel de Ville ; & après qu'il eu
fait à l'Etat un nouveau Difcours , il re
mit la Lettre du Roy & deux copies de for
Difcours , l'une en François & l'autre el
Allemand.
Les Ceremonies férieufes finirent - là
S. E. avoit invité tout le Corps du Gou
vernement à venir dîner chez lui.La prin
cipale Table , difpofée en Fer à Cheval
étoit de 8o . couverts ; il y eut auffi plu
fieurs autres Tables , & il ne manqua pa
un feul membre de l'Etat . Le repas fu
long & magnifique , les vins exquis & c.
abondance. Il eft inutile de vous dir
que la joye y fut grande , & que la fant
du Roy , de la Reine & de Mefdames d
France , y furent buës de bon coeur & am
plement.
On n'a jamais vû tant de joye & tan
de démonftration de zele pour la gloire &
le fervice du Roy . Ce qui vous paroîtr
J. vol.
1
JUIN. 1728. 1249
le plus extraordinaire , c'eſt que tout cela
s'eit paffé fans le moindre bruit & incident.
C'est notre coup d'effay , nous tâcherons
de mieux faire , fi nous pouvons ,
à la Diéte qui fe tiendra le 2 4 de ce mois.
Je ne manquerai pas de vous en faire un
petit détail.
BENEFICES DONNEZ.
L
'Abbaye de S. Victor de Paris , Ordre
de S. Auguftin , vacante par le décès
de M.le Cardinal Gualterio , a été donnée
à M. l'Abbé de Fitzjames.
L'Abbaye de Genefton , Ordre de faint
Auguftin, Diocèfe de Nantes , vacante par
le décès de M. Orceaux , en faveur de
M. Louis Malo Moreau de Maupertuis ,
Clerc tonluré , du Diocèfe de S. Malo .
L'Abbaye de Tourtoirac , Ordre de faint
Benoît , Diocèle de Perigueux , vacante
par le décès du dernier Titulaire , en faveur
de M. l'Abbé de Montchevil, Clerc
tonfuré.
L'Abbaye de Silly , Ordre de Prémontré
, Diocèle de Séez , vacante par le décès
de M. de Tournefort , en faveur de
M. l'Abbé Néel , Confeiller Clerc au Par
lement de Rouen .
A. vol.
I L'Abbaye
1250 MERCURE DE FRANCE .
L'Abbaye d'Obazine , Ordre de Citeaux
, Diocèle de Limoges , vacante par
le décès de M. de l'Efcure , en faveur de
l'Abbé de S. Aulaire , Prêtre & Aumonier
de la Reine .
L'Abbaye de Léoncel , Ordre de Citeaux
, Diocèse de Die , vacante par le
décès du dernier Titulaire , en faveur de
M. Alexandre Milon , Evêque de Valence.
L'Abbaye de Fonreaude, Ordre de Prémontré
, Diocèle de S. Pons , vacante par
le décès du dernier Titulaire,, en faveur
de M. Louis- Alexandre- Marin de Kbringal
, Clerc tonfuré, du Diocèle de S.Paul
de Leon.
L'Abbaye reguliere & Chef- d'ordre de
S. Ruf, dans la Ville de Valence , fous la
Regle de S. Auguftin , vacante par le décès
de M. de Serre , dernier Titulaire , en
faveur de M. Pierre - Louis Chomel , Vicaire
General & Grand- Prieur de cet
Ordre .
Le Prieuré de Vaux fur Poligny , Ordre
de S. Benoît , Diocèle de Besançon ,
vacant par le décès de M.de Grammont ,
Evêque d'Arethufe , en faveur de M. Gabriel
de Plantavit de la Pauze de Margon ,
Prêtre du Diocèfe de Béziers .
Le Prieuré Conventuel & Electif de
Château- neuf , & fes Annexes de Font-
1 vol. blanche
JUIN. 1728. 125x
blanche , Ordre de Grammont , Dio.èfe
de Bourges , vacant par le décès de M.Lé
ridan , en faveur de M. Jacques - Alexandre
Graffin de Glatigny , Clerc tonfuré ,
du Diocèle de Sens.
La Prevôté de l'Eglife Collegiale de
S. Pierre de Caffel , Diocèfe dYpres, vacante
par le décès de M. de Luppé , en faveur
de M. Erneft de Haynin de Querenain
, Prêtre du Diocèle d'Arras .
L'Abbaye de Sauvoir, Diocèse de Léon ,
Ordre de Citeaux , vacante par le décès
de la Dame de Sainte Colombe , en faveur
de Madame de Fremeur , Religieufe
du même Ordre.
sh
L'Abbaye de S. Michel de Doulens ,
Ordre de S, Benoît , Diocèfe d'Amiens
vacante par la démiflion de Madame de .
Boufflers Remiancourt , en faveur de Madame
de Maroles , Religieufe du même
Ordre.
Le Prieuré de S. Michel de Crepy en
Valois , Ordre de S. Auguftin , Diocèle
'de Senlis , vacant par le décès de Madame
de Verthamont , en faveur de Madame
Darfy , Religieufe du même Ordre .
L'Abbaye de Greftain , Ordre de S.Be
noît , Diocèfe de Lizieux , vacante par le
décès de M. de Lévy , en faveur de M
l'Abbé de Fontenay , Prêtre , Aumônic
ordinaire de la Reine.
211. vol. Le I ij
1252 MERCURE DE FRANCE.
Le Prieuré de Royalpré , Ordre du Val
des Choux , fous la Regle de S. Benoît ,
au Diocèle de Lizieux , vacant par le décès
de M. du Puy , en faveur de M.Jacques-
Charles de Heudcy de Pommainville
, Prêtre du Diocèfe de Séez.
MORTS
********
NAISSANCES ;
&
Mariages.
D
Champigni
- Ame Marie Cecile Moufle de
Champigni , époufe de M.François
Guillaume Briçonnet , Chevalier , Comte
d'Auteuil , Confeiller du Roy en tous les
Confeils , Prefident au Parlement en la
troifiéme Chambre des Enquêtes , mourut
à Paris le 15 May dernier , âgée de
22 ans.
George - Paul Andrault de Maulévrier
Langeron , ancien Abbé , General des
Chanoines Reguliers de Saint Antoine
mourut à Paris le 19 du mois dernier, âgé
de 76 ans .
M. Elias de la Roche - Aimont, Marquis
de S.Maixant, Baron de la Farge , Ecuyer,
Seigneur, ancien Lieutenant pour le Roy
Bethune , & de la Province de Flandre
Chevalier de l'Ordre Militaire de S.Louis ,
mourir le 2.1 âgé de 65 ans. "
M. François du Four , Prêtre , Bache-
1. vol.
JUIN. 1728 .
1253
lier en Théologie de la Faculté de Paris
Prieur de S. Lea de Serans , mourut le s
Juin , agé d'environ 30 ans.
François-Armand de Lorraine , Evêque
de Bayeux , Abbé de Royaumont , de
Notre-Dame des Châtelliers & de S. Farou
de Meaux , mourut à Paris le 9 de ce
mois , dans la 64 année de fon âge, étant
né le 13 Février 1665. Il étoit fils de
Louis de Lorraine , Comte d'Armagnac ,.
Grand Ecuyer de France , Chevalier des
Ordres du Roy, mort le 13 Juin 1718.
& de Catherine de Neuville - Villeroy
morte le 25 Decembre 1707 .
Le même jour 9 Juin , Martin de Rataben
, ancien Evêque de Viviers , Abbé
de S. Barthelemi de Noyon & de Mortemer
, Diocèle de Rouen , mourut en cette
Ville dans fa 74 année. Il étoit Evêque
d'Ypres , lorfqu'il fut nommé à l'Evêché
de Viviers.
Marie Bouthillier, veuve de Cefar Augufte
, Duc de Choifeul , Pair de France ,
Chevalier des Ordres du Roy , Lieutenant
General de fes armées , Gouverneur de
la Ville & Evêché de Toul ; & en premieres
nôces de Nicolas Boulard , premier
Prefident au Parlement de Dijon ,
mourut le 11 Juin , âgée de 82 ans .
Dame Catherine Henriette le Bas de
Montargis , époufe de M. Charles - Jean-
1. vol.
I iij François
1254 MERCURE DE FRANCE .
François Henault , Prefident en la Premiere
Chambre des Enquêtes du Parlement,
& l'un des Quarante de l'Académie
Françoife , mourut le 17. âgée d'environ
33 ans.
Dame Marguerite- Paule de Grivel- Douvoy
, époufe d'Antoine Charles de Pas ,
Marquis de Feuquiere , Meſtre de Camp
du Regiment de Bourgogne , Lieutenant
General pour le Roy & Gouverneur des
Ville , Comté & Evêché de Toul , accou
cha le 30 May d'un fils , qui fut tenu
fur les fonts & nommé Antoine , par deux
pauvres.
Dame Gabrielle le Veneur de Tilliers ,
époufe d'Alexis -Madelaine Rofalie , Com
te de Châtillon , Maréchal des Camps &
Armées du Roy , Grand Baillif d'Hagueneau
, Meftre de Camp , General de la
Cavalerie Légere de France , accoucha le
9 Juin d'une fille , qui fut nommée Olym
pe- Rofalie - Gabrielle ,par Jacques Janneguy
le Veneur, Comte de Tilliers, Briga
dier des Armées du Roy ; & par Dame
Rofalie de Brovilly , époufe d'Alexis-
Henry de Châtillon , Chevalier des Ordes
du Roy , & c.
C
-
Michel-Charles Dorothé de Ronche
rolles , Comte de Pont Saint Pierre ,
Meftre de Camp du Regiment Royal des
Cravattes , fils de Michel de Ronche-
I vol.
rolles
JUIN. 1728 . 1255
tolles , Marquis de Pont - Saint - Pierre ,
Premier Baron de Normandie , Confeiller
d'Honneur, né au Parlemenr de Rouen ,
& de Dame Marie - Anne Dorothée Evardle
Gris , Marquife d'Echauffou & de
Montreuil , Comteffe de Cizay , épouſa
le 25. May dernier Charlotte- Marguerite
de Romilley la Chefnelaye , fille d'Adolphe-
Charles de Romilley , Marquis de la
Chefnelaye , Brigadier des Armées du
Roi , Meftre de Camp d'un Regiment
d'Infanterie de fon nom, Gouverneur de la
Ville & Château de Fougeres , & de feue
Dame Marie- Marguerite Ranchin .
La Maifon de Roncherolles , originaire
de Normandie , eft fi connue dans tous
nos Hiftoriens , & nous en avons parlé
tant de fois dans nos Journaux , que nous
ne jugeons pas à propos d'en rien dire
davantage . Elle porte pour armes , d'argent
à deux faces de gueules.
On fçait de même que la Maifon de
Romilley la Chefnelaye eft originaire de
Bretagne & très - diftinguée par fon ancienneté
& par fes alliances . Le Marquis
de la Chefnelaye , pere de la Comteffe de
Pont-Saint-Pierre , eft frere de Madame
la Ducheffe de Gêvres , Doüairiere , &
porte pour armes , écartelé au 1. & 4.
d'azur a deux Léopards d'or , armés &
couronnés de gueules , qui eft Romilley :
I vol.
I iiij &
1256 MERCURE DE FRANCE.
1
& au 2. & 3. de fable femé de fleurs de
Lys d'or , qui eft Belleforiere- Soyecourt ,
Maifon dont étoit la mere du Marquis de
la Cheſnelaye.
François de Rivoire , Marquis du Palais
, Brigadier des Armées du Roi , Lieutenant
des Gardes du Corps de Sa Majefté
, fils de feu François - Gilbert de Rivoire
, Marquis du Palais , & de feue
Dame Françoile de la Tour d'Auvergne ,
époufa le 3. de Juin Marie - Catherine-
Dorothée de Roncherolles Pont - Saint-
Pierre , foeur du Comte de Pont- Saint-
Pierre , dont il eft parlé dans le précedent
article.
La maison du Marquis du Palais , originaire
du Dauphiné d'Auvergne , eft rétablie
depuis plufieurs fiécles dans le Comté
de Forez , ainfi que le juſtifient fes Lettres
Patentes de Charles , Duc de Bourbonnois
, d'Auvergne & de Chatelleraut ,
Comte de Clermont en Beauvoifis , de
Forez , de la Marche , Dauphin d'Auver
gne , &c. Premier Chambrier & Connêtable
de France , en datte du 13. Juillet
1623 , par lesquelles ce Prince en confideration
des très bons , très - grands, trèsloüables
, & très recommandables fervices
que Humbault de Rivoire , Chevalier,"
Seigneur du Palais avoit rendus dans les
I TAL
Guerres
JUIN. 1728.
1257
Guerres d'Italie en la Conquête du Du
ché de Milan , accorde audit Humbault
de Rivoire , à fes Hoirs & ayans cauſe, à
perpetuité , fa juſtice haute , moyenne &
baffe pour fa Terre , Seigneurie & Place
Forte du Palais , fituée dans ledit Comté
de Forez , ayec plufieurs autres droits
énoncés dans lefdites Lettres Patentes.
Cette Maifon a donné dans tous les
temps des Comtes de S. Jean de Lyon
& n'eft pas moins diftinguée par fes grandes
alliances que par fon ancienneté. Ses
armes qui fe voient aux voutes & aux
portes de la Métropole de Vienne en Dauphiné
, font fafcé d'or & de gueules de
8. piéces , à la bande d'azur chargée de
3. Aeurs de Lys d'or.
ARRESTS , DECLARATIONS ,
ORDONNANCES ET SENTENCES
DE POLICE , & C..
ENTENCE de Police , du Vendredi 16
Avril 1728, qui condamne la veuve le Duc
& le nommé Guillot, Laboureurs , à l'amende,
& en la confifcation de plufieurs Bottes de
Paille faifies fur eux , & expofées en vente à
faux poids.
SANTENCE de Palice
3 voly
Iy Autre
1258 MERCURE DE FRANCE.
Autre , du même jour , qui condamne le
nommé He billon , fils , Marchand de Foin , en
trente livres d'amende , & en la confifcation de
deux cens foixante - trois bottes de Foin faifies
fur lui pour avoir été trouvées d'un poids plus
leger que celui prefcrit par l'Ordonnance."
Autre , du 20 Avril , concernant la vente
des Huitres , qui en deffend le débit , depuis
le dernier Avril jufqu'au dernier Jeudi du
mois d'Aouft de chaque année , & c.
Autre , du 23. Avril , portant deffen es de
donner à loger à aucuns Mendians & Gens
fans aveu , ni à aucuns Domeftiques , Apprentifs
& Ouvriers s'ils ne font porteurs de Certificats
de leurs Maîtres ; enjoint à ceux qui
doent à loger de tenir un Regiftre des Perfontes
qu'ils logent , & de le faire vifer tous
les mois par le Commiffaire de leur Quartiers
& qui condamne les nommez Evrard & Col
Jireau en Quinze livres d'amende chacun , &
1 Veuve Dufrefne & le nommé Carachon ,
Soldat Invalide , en trente livres d'amende
auffi chacun.
Autre du 30 Avril , qui condamne les nom
mez le Duc , Bouchard , Lucy , Lamare & de
la Cour , Laboureurs , en mille livres d'amende
chacun , pour avoir difcontinué d'apporter
des Avoines fur le Carreau de la Halle , à def
fein d en faire augmenter le prix.
ARREST du 9 May , qui deffend de blanchir
les Toiles Batifles & Linons avart le 15
Mars , & pafé le deri ier Septembre de chaque
année , à peine de sco liv.d'amende contre les
Contreverans , &c.
2. vol.
DéclaraJUIN
1728. 1259
DECLARATION du Roy , concernant les
Imprimeurs. Donnée à Verfailles le 10 May
1728. Regiftrée en Parlement le 19 May 1728.
par laquelle il eft dit ce qui fuit :
Article I. Que les Edits , Ordonnances ,
Déclarations & Reglemens rendus fur le fair
de l'Imprimerie , foient executez felon leur
forme & teneur dans tous les points aufquels
il ne fera pas dérogé par ces Préfentes ; deffendons
à tous Imprimeurs , Libraires , Colporteurs
& autres d'y contrevenir , fous les
peines qui y font contenuës.
II. Voulons que tous Imprimeurs qui feront
convaincus d'avoir imprimé fous quelque
titre que ce puifle être , de Memoires ,
Relations , Nouvelles Ecclefiaftiques , ou autres
dénominations , des Ouvrages ou Ecrits
non revêtus de Privilege , ni permiffion fur
des difputes nées ou à naitre en matiere de Religion
, & notamment ceux qui , feroient contraires
aux Bulles reçûës dans notre Royaume,
au refpect dû à notre S.Pere le Pape ,aux Evêques
, & à notre autorité , foient condamnez
pour la premiere fois à être appliquez au Car
can ; même à plus grande peine , s'il y échet ,
fans que ladite peine du Carcan puiffe être
moderée fous quelque prétexte que ce foit ; &
en cas de recidive , ordonnons que lesdits Imprimeurs
foient en outte condamnez aux Galeres
pour cinq ans ; laquelle peine ne pourra
pareillement être remife ni moderée .
III. La difpofition de l'article précedent aura
lieu pareillement à l'égard des Imprimeurs qui
feront convaincus d'avoir imprimé des Ouvrages
ou Ecrits , tendans à troubler la tranquillité
de l'Etat , ou à corrompre les moeurs
de nos Sujets , & qui par cette raifon n'auroient
pû être revêtus de Privilege ni de Permiffion
.
I vj
Iy,
1260 MERCURE DE FRANCE:
IV. Voulons que ceux qui feront convaincus
d'avoir compofé & fait imprimer des Ouvrages
ou Ecrits de la qualité marquée dans
l'un ou dans l'autre des deux précedens articles
, foient condamnez comme perturbateurs
du repos public pour la premiere fois au banniffement
à temps hors du Reffort du Parle
ment où ils feront jugez , & en cas de recidive
au banniffement à perpetuité hors de notre
Royaume.
>
V. A l'égard des autres Ouvrages ou Ecrits
qui n'étant de la qualité & fur les matieres cydeffus
marquées auront été imprimez fans
Privilege ni Permiffion , laillons à la prudence
& à la Religion de nos Juges , par rapport
aufdits Ouvrages feulement , de prononcer
contre les Imprimeurs & Auteurs telle peine
qu'ils jugeront convenable , fuivant l'exigence
des cas ; leur enjoignant neanmoins de tenir
féverement la main à ce que tous ceux qui auront
eu part à la Compofition , Impreffion ou
diftribution de tous Libelles, de quelque nature
qu'ils puiffent être , foient punis fuivant la rigueur
de nos Ordonnances ..
VI. Déclarons fujers aux peines portées par
les articles II III. & V de notre préfente Déclaration
,dans les differens cas quiy font énoncez
, tous Imprimeurs qui fe trouveront faifis
d : Formes compofées pour imprimer des Ouvrages
non revêtus de Privilege ni de Permif
fion , & ce encore qu'il n'y en eût aucune
Epreuve ni feüille tirée.
VI . Défendons tres - exprefsément à tous
Imprimeurs de travailler ou faire travailler
ailleurs que dans les maifons où ils demeurent
ou dans celles à la porte defquelles fera pofée
une enfeigne publique d'Imprimerie : Ordonnons
que conformément aux anciens Regle-
1. val.
mens
JUIN. 1728. 1261
"
mens la porte de leur Imprimerie ne fesa
fermée , pendant tout le temps de leur travail,
que par un fimple loquet ; comme auffi leur
faifons tres expreffes inhibitions & deffenfes
d'avoir dans leurs maiſons ou autres lieux ou
ils imprimeront , aucunes portes de derriere ,
par lesquelles ils puiffent faire fortir clandetinement
aucuns Imprimez ; le tout à peine.
d'interdiction pendant fix mois,& de cinq cens
livres d'amende , qui ne pourra être remife ni
moderée par nos Juges ; même de déchéance
de la Maîtrife , ou autre plus grande punition
en cas de récidive .
VIII . Deffendons à tous Imprimeurs de fer
fervir pour leurs Imprimeries de Rouleaux , à
peine d'interdiction pendant fix mois , & det
Joo livres d'amende , même de déchéance de
fa Maîtrife , & autre plus grande punition en
cas de récidive.
IX. Enjoignons à tous Imprimeurs de mar
quer au bas de leurs Ouvrages le nom de la
Ville dans laquelle ils les auront imprimez , &
la datte de l'année où l'impreffion en aura été
faite , à peine de cinq cens livres d'amende
pour chaque contravention ; leur faifons tresexpreffes
inhibitions & deffenfes de fuppofer le
nom d'une autre Ville , ni aucunes dartes fauffes
, à peine d'être pourfuivis extraordinairement
& punis comme Fauffaires.
X. Toutes les peines portées par les arti
cles II . III. V. VI . VII , VIII. & IX. de notre
prefente Déclaration contre les Imprimeurs ,
auront également lieu fuivant les differens cas
contre les Protes , Correcteurs & Compofiteurs
enfemble contre les Diftributeurs &
Colporteurs de Libelles , dans ce qui peut les
regarder.
XI. Et afin que tous les Protes, Correcteur Догово
ou
1262 MERCURE DE FRANCE.
ou Compofiteurs des Imprimeries ne puiffent
excufer leurs contraventions , fous prétexte
qu'ils ont préfumé que l'Imprimeur pour le
quel ils travaillent , avoit obtenu un Privilege
ou une Permiffion , & qu'on ne peut leur imputer
leur ignorance fur un fait dont ils ne
font pas chargez : Ordonnons qu'à l'avenir
fur la Copie du Livre ou Ouvrage qu'il s'agira
d'imprimer , les Imprimeurs feront tenus de
tranfcrire en entier le Privilege ou la Permiffion
par eux obtenus , & de figner la Copie
qu'ils en auront écrite fur celle dudit Livre ou
Ouvrage. Défendons aufdits Protes , Correcteurs
ou Compofiteurs de travailler à l'impreffion
d'aucun Livre ou Ouvrage , fur la Copie
duquel ledit Privilege ou Permiffion n'auront
pas été tranfcrits & lignez par l'Imprimeur; &
en cas de contraventions , voulons qu'ils
foient fujets aux mêmes peines que lesdits
Imprimeurs , conformément à l'article precedent.
XII Deffendons tres exprefsément à toutes
perfonnes de quelque état & condition qu'elles
foient , & à toutes Communautez Ecclefiaftiques
ou Laïques , Seculieres ou Regulieres
, d'avoir dans leurs maifons , à la Ville out
à la Campagne des Imprimeries privées , foit
avec Preffe , Rouleaux ou autrement , le tout
à peine; fçavoir, contre les Particuliers de 3000
liv. d'amende , dont les Proprietaires , s'ils demeurent
dans la maifon , ou les principaux
Locataires des maifons feront refponfables ; &
con re les Communautez de la même peine de
3roo I'v . d'amen le, & d'être en outre déchûës
de tous les Privileges & Immunitez à elles accordées
, tant par Nous que par les Rois nos
Prédecefleurs.
1. vola
Autre
JUIN. 1728. 1263
Lir
Autre du même jour , portant deffenfes de
nourrir des Pigeons , Lapins , Volailles , &c.
dans les Maiſons de la Ville & Fauxbourgs de
Paris.
Autre du même jour , qui permet aux Bouchers
d'ouvrir leurs Eftaux les Dimanches ,
commencer depuis le premier Dimanche d'après
la Trinité , jufqu'au premier Samedy d'après
la Notre- Dame de Septembre.
SENTENCE DE POLICE , du 28. May ,
Coqui condamne le nommé Fardel , Meufnier, en
vingt livres d'amende , pour avoir contrevenu
aux Ordonnances de Police , qui deffendent
d'entrer dans les Ecuries ou Greniers à Foin
avec des lumieres , fi elles ne font renfermées
dans des Lanternes .
Autre du 11. Juin , qui condamne à l'amende
plufieurs Particuliers , pour avoir negligé
d'arrofer le devant de leurs Portes.
Autre du mêmejour , portant Reglement fur
ce qui doit être obfervé pendant la Foire de
S. Laurent.
Autre du même jour , portant deffenfes de
louer fans permiffion aucunes Parties des Maifons
voifines de la Foire S. Laurent pendant la
tenuë de ladite Foire .
Autre du 14. du même mois , portant deffenfes
de tirer aucunes Fufées ou armes à feu la
veille & le jour . de la Fête de S. Jean- Baptilte.
Autre du 15. dudit mois , contre plufieurs
1. vel.
Par1264
MERCURE DE FRANCE .
Particuliers trouvez vêtus des Ecoffes des
Indes.
Autre du 30. Avril , qui condamne les nommez
le Duc , Bouchard , Lucy , Lamare & de
la Cour , Laboureurs , en mille livres d'amende
chacun , pour avoir difcontinué d'apporter
des Avoines fur le Carreau de la Halle , à deffein
d'en faire augmenter le prix.
ORDONNANCE DU ROY , du 12. May
1728.concernant la promenade du Parc de Vincennes,
par laquelle il eft deffendu aux gens de
Livrées d'y entrer , & à toutes perfonnes d'en
dégrader les arbres , d'y commettre des infolences
, & c.
ORDONNANCE DE POLICE , du 20.
May , portant deffenfes de laiffer dans les ruës
des pieds d'Artichaux & écoffes de Pois ou
de Feyes.
Autre du même jour , portant deffenfes de
queillir des Barbeaux.
1. Vol'.. SUPJUIN.
1728. 1269
A
A
SUPPLEMENT.
Peine les Logogryfes arithmetiques
ont ils paru , que M. Defnouettes
le Clouftier , nous en a envoyé d'Andely
l'Explication . On ne doit pas moins admirer
l'heureufe facilité du Poëte , que la
diligence & la fagacité de l'Algebrifte. Ce
digne & loüable exemple ne manquera
pas apparemment de donner , à l'occafion
de cet ingenieux badinage , toute l'émulation
neceffaire dans l'étude des nombres.
Le Trifmegifte d'Andely , après la folu
tion des petits Problêmes , en propofe
deux que nous numerotons 26. & 27.
pour obferver l'ordre de l'indication des
Logogryfes , dont on ne pourroit parler
fans cette attention .
Pour répondre à l'exactitude de M. le
Clouftier , nous donnons à la fin de ce
Livre ,fa Lettre du 12. Juin 1728 , plutôt
que de la renvoyer à fa veritable place
dans le Mercure fuivant.
Nous avons mis le No des Logogrifes
fur chaque mot , trouvé par la folution
des Problêmes ; le Lecteur verra mieux
par-là , le tour & l'adreffe de l'ingenieux
Auteur.
1. vol.
Voici
1266 MERCURE DE FRANCE:
Voici , Monfieur , l'explication des
Logogrifes arithmetiques que vous pourrez
inferer dans le Mercure , & c .
E laifferai tout là ..... morbleu , Seigneur
JE
18 .
du Mas ....
Votre épineux calcul met à bout mon algebre
;
Oui , je fuis pour le moins autant dans l'embarras
Qu'un jeune Clerc qui fait une Oraifon funebre.
5.
Où diantre aller chercher , la Roque, Avril ,
3.
Lamec ,
4.
Chanvre
7.
16.
Mercure , Adam , Logogryphe ,
Quenoüille ,
Et tous bizarres mots dont la rime m'embrouille
,
8.
Paris..... je n'en puis plus , mon efprit eft
à fec.
En mangeant l'appetit vient , à ce que l'on
dit,
10. 11.
Je reprens donc l'ouvrage & je trouve la Cire ,
13. 23. 24. 12.
Redingote , Gozon , claire.... que vais - jedire ,
L'amas de ces grands mots m'accable & m'étourdit.
T9. If.
Mais je trouve Louis , le nom du Roy
14 .
courage ,
1. val.
Cc
JUIN. 1267 1728.
Ce nom fi refpecté , des Lys fait tout l'honheur
,
Le peuple fous fon regne exempt de la terreur
Qu'infpire le Dieu Mars au milieu du carnage
,
Joüit heureufement d'une tranquille paix ,
21.
Et dans le mois de May fous un feuillage
épais ,
20.
Coridon à Philis déclare fon martire ,
25.
La Bergere fe rend , mais St..... c'en eft
trop dire.
Explication des Logogryphes du mois
Le r Adam.
2 Avril.
3
4
Lamec.
Chanvre.
dernier.
5 La Roque.
6 Logogrife.
Quenoüille .
14 Courage.
15 Roy.
16 Mercure.
17 La Cire.
18 Du Mas.
19 Louis.
20 Phylis.
21 May.
7
8 Paris.
9
Mercure. 22
10 & 11 La cire .
23
Gofon .
J 2 Claire. 24 Gozon
.
13 Redingote . 25
St.
1. vol.
La
#268 MERCURE DE FRANCE;
26. Logogrife de deux lettres .
La premiere Lettre , plus la feconde ,
égale trente trois.
La difference de leurs cubes eft deux
mille quatre cens cinquante-fept.
27. Logogrife de 6. lettres .
La premiere plus un, eft géométriquement
à la troifiéme , comme la cinquiéme
eft à la fixiéme.
La feconde divifée par deux eft la racine
quarrée de douze fois , la troifiéme ;
& un de plus.
La troifiéme eft la racine quarrée de
trois fois la quatriéme ; plus un.
La quatrième eft la racine quarrée de
la uxieme , ajoutee avec un.
La cinquiéme eft la racine quarrée de
fix fois la fixiéme.
La fixiéme eft fix fois la troifiéme.
Et la forme totale eft 60.
J'ai l'honneur d'être , &c .
DES NOUETTES LE CLOUSTIER
D'Andely ce 12 Juin 1728 .
On donnera la fuite des Logogrifes arit
metiques dans le tome fuivant ; avec une
Lettre inftructive & tres bien écrite fur le
même sujet .
I. vol.
Explication
CEN
JUIN.
1728. 1269
COL
EXPLICATION de
l'Enigme du dernier
Mercure.
E faire aimer à la Ville , à la Cour,
-
Rechercher de
l'Etranger même ;
Nous peindre d'un Amant la paffion extrême ,
Du le mépris qu'Iris a fait de fon amour ;
Faire connoître une perfonne obfcure;
tre utile aux Sçavants , ainſi qu'aux beaux efprits
;
ous ces traits , du Public cheri ,
Qui ne reconnoîtroit
MERCURE?
A Geneve , par If. Am, Mar....`
Le deuxième volume
extraordinaire de
mois , eft
actuellement fous preffe , &
aroîtra
inceffamment.
APPROBATION,
Ay lû par ordre de Monfeigneur le Garde
des Sceaux , le premier volume du Mercure
France du mois de juin , & j'ai crû qu'on
ouvoit en permettre l'impreffion. A Paris ,
1. Juillet 1728.
HARDION,
1
1. vol
TAakakakakakak
Pleces
TABLE.
Ieces Fugitives , le Tombeau , Ode , 1079
Lettre fur les Bons mots
Idyle ,
Lettre fur les Triolets ,
Flore & Pomone , Eglogue ,
Lettre fur l'Académie de Beziers
Ode , fur la nouvelle année ,
Paradoxe Géometrique du P. C.€.
108
109
109
110
111
112
Epithalame fur le Mariage du Duc de Parme
Réponse à une queftion propofé , &c.
Sonnet ,
ཏུ ཀཐཱ།
Fête donnée à Paris par le Chevalier Couvay
Epithalame , mife en Mufique , &c.
Réflexions morales , A
Obfervations fur la compofition du Chant
clefiaftique , & c.
La Verité, Ode.
ΤΗ
II
Réponſe fur la femme Portugaife à la vue pe
çante ,
Réflexions ,
117
117
Explication du Logogryfe donné en Avril
Enigme & Logogryphes nouveaux ,
Explication des Logogryphes arithmetiques
Deux Queftions propofées
118
118
118
118
Nouvelles Litteraires de la Bibliotheque Ge
manique ,
Bibliotheque Angloife ,
Ibi
119
Splancnologie ou Anatomie des Vifceres
120
I. vol.
L
A
La Spectatrice , s me Semaine ,
Soufcription des Livres de Plein Chant , 1208
Nouvelles Eftampes de Watteau ,
Chanfon en Vaudeville notez ,
Spectacles ,
Le Retour de Tendreffe , Extrait.
1204
1210
1211
1214
1216
Le Triomphe de Plutus , Extrait.
Nouvelles du Temps , de Turquie ,
Lettre écrite de Salé ,
1227
1231
1234
De Ruffie , Dannemarc & Pologne , 1238
D'Allemagne & d'Italie , 1241
De Portugal & Efpagne 1246
Grande Bretagne & Hollande . 1249
Morts , Mariages des Pays Etrangers , 1251-
France , Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
Orage de Grêle à Troye,
Voyage du Roi à
Compiegne
1253
1258
1262
Entrée à Soleure du Marquis de Bonac , 1267
Benefices donnez ,
Morts , Naiffances & Mariages ,
Arrêts , Déclarations , & c.
Suplement Logogryphes , & c,
1249
1252
1257
1265
TII
A as ancor
811
apisom
452
1
Fautes à corriger dans ce Livre.
PASTITII Lender
Age 1118. ligne derniere , ons lifez foyons:
P1138.1. 2. du bas , fufe , l. frife.
P. 1141. 1. 23. Infants , l. Infantes. l.
P. 12. 1. 21. à fleurs , 1. de fleurs .
P. 1175 1. 8. connoît , l . voit.
P. 1178. l . 1. d'écrire , l. de rire .
P. 1180. l. derniere , bon , l. beau.
P. 1188. l. 6. Creufas , 1. Croufas.
P. 1195. 1.7. Martiere , 4 Martyr.
P. 1204. 1. 7. & à , 1. & plus propres à.
Ibid. 1. 20. & à , l. ou à .
P. 1205.l. 15. & , ôtez ce mot.
L'Air noté doit regarder la page 12 II.
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT
JUIN. 1728 .
SECOND VOLUME.
QUE
COLLIGIT
SPARGIT
Chez
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER , mu
S.Jacques , au Lys d'Or.
LA VEUVE PISSÓT, Quay de Conty,
à la defcente du Pont Neuf , au coin
de la rue de Nevers , à la Croix d'Or.
JEAN DE NULLY , au Palais,
à l'Ecu de France & à la Palme.
M. D C C. XXVIII.
Avec Approbation & Privilege du Roi.
A VIS.
Lcho
ADRESSE generale pour toutes
chofes eft à M. MOREAU ,
Commis au Mercure¸vis - à-vis la Comedie
Françoife , à Paris. Ceux qui pour leur
commodité voudront remettre leurs Paquets
cachetez aux Libraires qui vendent le
Mercure à Paris , peuvent fe fervir de
cette voye pour les faire tenir.
On prie très - inſtamment , quand on
adreffe des Lettres ou Paquets par la Pofte,
d'avoir foin d'en affranchir le Port ,
comme cela s'est toujours pratiqué , afin
d'épargner à nous le déplaifir de les
rebuter , & à ceux qui les envoyent ,
celui , non - feulement de ne pas voir
paroître leurs Ouvrages , mais même de
les perdre , s'ils n'en ont pas gardé de
copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de
la premiere main , & plus promptement ,
n'auront qu'à donner leurs adreſſes à M.
Moreau , qui aura foin de faire leurs pa
quets fans perte de temps , & de les faire
porterfur l'heure à la Pofte , ou aux Mef-
Jageries qu'on lui indiquera.
6
PRIX XXX. SOLS.
MERCURE
DE FRANCE ,
DEDIE
AU
Ror.
AV
JUIN. 1728.
XXXXXXXX** XXXXXXXXXXXX
PIECES
FUGITIVES ,
en Vers & en Profe.
LE
CONQUERANT ,
ODE .
U Temporte une aveugle rage ,
Superbe ennemi des humains ?
Je vois , de fang & de carnage ,
Fumer tes facrileges mains !
Je vois les Villes défolées ,
De leurs murailles ébranlées
2. vol.
A
Ates
1296 MERCURE DE FRANCE .
A tes pieds foûmettre l'orgueil ;
Ou bien- tôt réduites en cendre ,
De quiconque ofa les deffendre
Devenir le trifte cercueil,
O quels excès de barbarie
Enfante la foif de regner !
Quoi ! fe jouer de notre vie !
Se plaire à nous exterminer !
Faut-il pour étendre un Empire
Immoler tout ce qui refpire
Aux traits d'une noire fureur ?
Et de troubles infatiable
Se faire un fpectacle agréable
De l'Univers rempli d'horreur?
Tel , Jadis , l'opprobre des Princes
Neron , le barbare Néron ,
De la Maîtreffe des Provinces
Fit prefque un fecond Ilion I
Senfible à la chûte de Rome ,
L'Univers par la main d'un homme
Voit
3. vol.
JUIN.
1728. 1297
Voit perir l'ouvrage des Dieux ;
Lui feul armé par la furie
Fait du malheur de fa patrie
Le cruel plaifir de fes yeux.
M
O toy , de qui l'ame hautaine
S'égare en d'injuftes projets ,
Le monde eft-il donc ton domaine?
Les hommes font- ils tes fujets ?
Ta gloire fertile en ravages ,
Par tant de fameux brigandages
Doit-elle fe manifefter ?
Pour rendre tes palmes durables ,
Du fang de tant de miferables
Crois-tu devoir les cimenter ?
M
De quelque beau nom que l'on nomme
Tes grands , mais funeftes travaux ,
N'eft ce donc qu'en ceffant d'être homme
Que tu peux atteindre au Héros ?
Quoi toûjours avide de nuire
Induftrieux à tout détruire ,
a vol.
Tyran
A iij
1298 MERCURE DE FRANCE
J
Tyran forcené des Mortels ,
Infracteur des loix les plus juftes
Sont- ce là les titres auguftes ,
Qui vont te briguer des Autelsa
平
Quoy! l'homme à lui-même contraire
Iroit , tremblant à tes genoux ,
Baifer une main fanguinaire ,
Qui le fait tomber fous fes coups !
Ce grand , ce glorieux hommage
Seroit donc le prix de ta rage ,
Ou le fruit de ta cruauté !
Folle erreur ! Efperance vaine !
Le fleau de la race humaine
Deviendroit fa Divinité.
BAS
Ah ! que plutôt la terre entiere,
Théatre fanglant de tes faits ,
Maudiffe une valeur altiere ,
Dont elle a reffenti les traits !
Héros par nos larmes celebre ,
Periffe une gloire funebre ,
2. vol.
Que
JUIN. 1299 1728.
Que tu ne dois qu'à nos malheurs !
Ou puiffe une fidelle hiftoire ,
En perpetuant ta memoire
Immortalifer tes fureurs.
}
Puiffent les regrets lamentables ,
Les cris de tant de malheureux
Bien-tôt fur tes Lauriers coupables
Attirer la foudre des Cieux !
Puiffe cette foudre allumée
Venger la nature opprimée
D'un fi funefte emportement!
Et par un revers légitime
Te rendre la jufte victime.
D'un Dieu dont tu fus l'inftrument !
Voi le fier vainqueur de l'Afie
De quel fafte il brille aujourd'hui !
De refpect , de crainte faifie
La terre fe taît devant lui :
Souverain jufqu'aux bords de l'Onde
A la vafte enceinte du monde
2. vol.
A iii,
1300 MERCURE DE FRANCE.
Il ne peut borner fon grand coeur ;
Ni trouver en cette carriere
A fa gloire affez de matiere ,
Ni d'étendue à fon bonheur.
Vain bonheur ! Impuiſſante gloire !
Bien-tôt des plus fuperbes rangs
La Renommée & la Victoire
Verront tomber çes Conquerans ,
Bien tôt la Déeffe implacable ,
De l'Ombre la plus redoutable ,
Fait difparoître la fplendeur ;
A fes traits tout homme eft en bute ,
Et la meſure de la chute ,
Devient celle de la grandeur.
ᎣᎣ Ꭳ
SUITE des Obfervations fur la compofition
du Chant Ecclefiaftique.
E ne fçai fi je me fais affez comprendre
dans ce que je viens de dire ; mais
ce font là les principaux deffauts que j'ai
crû devoir remarquer dans le Chant des
Compofiteurs modernes , fans parler de
2. vol. ceux
JUIN. 1728 .
1301
"
la
ceux qui font contre le Chant en lui- même.
Tel qu'eft , par exemple , celui de
confondre dans le premier & cinquiéme
mode Ecclefiaftique les deux efpeces de
ce mode ou ton qui font très differentes ,
& d'admettre dans l'efpece Eolienne au
thente , ce qui n'eft propre qu'à la Dorienne
; & dans l'lonienne authente , ce
qui ne convient qu'à l'efpece Lydienne .
Les anciens ont connu parfaitement ce
Chant Eolien ; ils fçavoient à merveille
que le caractere diftinctif de fon authente
d'avec le Dorien authente , elt que
corde immédiatement fuperieure à la dominante
de ce mode , qui eft la quinte ,
n'eft dans toute la piece Eolienne , fimplement
éloignée de cette corde dominante
que d'un femiton , & jamais d'un
ton ; & que dans l'Ionien authente , le
caractere qui le diftingue du Lydien , eft
que la corde immédiatement inférieure à
la dominante de ce mode qui eft auffi la
quinte, foit toûjours éloignée de cette dominante
d'un ton , & la corde fuivante
en defcendant d'un femiton . Sans ces
diftinctions le Chant Dorien & le Chant
Eolien qui font tous deux Chants mineurs,
feroient entierement la même chofe
, & les deux Chants majeurs Ionien &
Lydien n'auroient point de difference.
Les fignes dont on fe fert. pour déli-
2. vol.
gner
A v
132 MERCURE DE FRANCE .
gner ces modes ou efpeces de Chants font
un peu arbitraires , je l'avoue ; que ce
foit D & F , au lieu d'A & C , il n'importe
pas de beaucoup , pourvû qu'on retienne
la chofe & qu'on ne diminue paş
le nombre des modes en mettant deux
en un. C'est encore rendre le Chant défectueux
en lui - même , que de moduler ,
par exemple , une Antienne de telle maniere
, que lorsqu'on y veut joindre la
Neume de jubilation , felon le mode dont
on a chiffré cette Antienne , on fent que
cette Neume n'y convient pas , & qu'au
lieu de la Neume de l'authente , il auroit
fallu la Neume du plagal , & vice versa .
Toutes ces chofes ont été excellemment
remarquées , quoiqu'en d'autres termes
par les Peres le Clerc & Jumilhac , Benedictins
, après le celebre Guy Aretin .
Voyez leur Livre fur le Plain - chant ,pag.
144 , 149 & 2 82. col. 2. & 288. col. r.
Le Chant Ecclefiaftique , fi on le confidere
en lui même , doit de plus être regardé
comme une espece de déclamation
lente , dans laquelle on fait fentir les membres
des périodes avec leurs incifum , &
même quelquefois avec la fubdivifion de
ces incifum.Cette lenteur exige des paufes,
& des paufes qui foient même plus fréquentes
que la rencontre des points & des
virgules ordinaires. Ainfi à peine peut - on
2. vol.
dire
JUIN. 1728. 1303
dire deux ou trois mots de fuite , fans
faire fentir une paufe , une féparation ou
interruption de fens , tant petite foit elle.
Mais dans cette féparation ou divifion de
textes , faites par petites parcelles , il y a
des endroits où les paules doivent être
plus ou moins fenfibles , fuivant la liaiſon
naturelle des mots ; C'est ce que Guy Aretin
appelle les diftinctions . Le Chant a
encore cela de different de la prononcia→
tion ordinaire , qu'une traînée de notes
mife à la queue d'un mot ou fur la pénultiéme
fyllabe , fait l'équivalent d'une pau
fe , en donnant du poids à ce dernier mot.
Outre cela il faut fçavoir diftinguer les
endroits où le chant peut fouffrir qu'on
refpire & qu'on faffe les repos fur des cor
des autres que la corde finale & la corde
dominante ; c'est- à - dire , (ur les cordes difcretives
, où un repos , lorfqu'il est bien
ménagé par un acheminement naturel ,
fait quelquefois un meilleur effet que fur
les cordes principales ; c'eft ce que quels
ques uns appellent une cadence rompue.
Ainfi , combien d'attention ne faut- il pas
pour bien conduire une piece de Chant',
& fur tout pour la rendre mélodieufe &
agréable, avec l'obfervation de toutes ces
regles , & encore d'autres que jértais , de
crainte d'être trop long. Car il ne s'agit
pas de les obferver fur le papier ; il faut
2. vol.
A vjs
que
1304 MERCURE DE FRANCE .
que dans l'execution cela contente l'oreil
le . Il est bien aifé de coucher par écrit un
progrès d'élevation fur Excelfus Dominus ,
& un progrès de deſcente fur humiliá refpicitsmais
il faut que cette élevation & cet
abaiffement ayent de l'agrément & du goût
relativement l'un à l'autre , lorfqu'on en
viendra à l'execution. Ce ne font pas les
yeux qui font juges du Chant , mais Poreille
.
Un Chant revêtu de toutes les formalitez
cy- deffus marquées , & qui avec cela
eft harmonieux , coulant , parlant , élégant
, expreffif, gracieux & prudemment
diverfifié durant le cours de toute une
année , doit incontestablement être plus
goûté par les oreilles fines , qu'un chant
où ces preceptes ne feroient nullement
ou tres - rarement obfervez , & qui de plus
auroit en foi une certaine groffiereté, une
certaine froideur : pour couper court, un
chant qui feroit fade, infipide, gêné, agrefte,
alambiqué, guindé & plein de redites &
de répetitions continuelles . Et fi l'on pouvoit
dans le fiecle prefent , être fi facile que
de ne fe pas foucier des regles ni des qualitez
effentielles au chant , il n'y auroit
prefque point d'Ecclefiaftique qui ne fut
en état d'en compofer & de noter fon Breviaire
; ce ne feroit plus une chofe fi rare,
ni qui méritât tant d'être mise à l'épreu-
2. vol.
JUIN. 1728: 1308
ve ; & il ne faudroit pas s'embaraffer fi
fort de faire promettre de la docilité à
ceux qu'on employe pour en faire les ébauches.
Pour moi j'ai toûjours confeillé à
ceux qui m'ont confulté là - deffus , de le
regler ordinairement fur l'Antiphonier de
Paris , que je regarde & regarderai toûjours
comme le meilleur modele qu'on
puiffe imiter dans le corps des Répons &
dans les Antiennes . Je l'ai entendu executer
en entier pendant plufieurs années ,
& il eft impoffible qu'on n'en fente le bon
goût , lorsqu'on en a été ainfi rebattu .
Si quelqu'un le méprile pour ne l'avoir
jamais oui executer , & n'être jamais forti
de fon propre Diocèſe , c'eſt qu'il eſt encore
dominé par un refte de préventions
contre la délicateffe de la grande Ville ,
foutenu peut- être par un fervile attachement
à des gothieitez des cinq , ou fix derniers
fiecles , où l'on faifoit confifter la
beauté du Chant à être bien long & plein
de répetitions. La perfonne qui eut la conduite
de l'Antiphonier de Paris , outre le
rang qu'elle occupoit dans le Clergé de la
premiere Eglife , étoit encore diftinguée par
fa naiffance, & par fa fcience dans les matieres
Ecclefiaftiques neceffairement liées.
aux Offices divins ; elle étoit extrêmement
verfée dans la lecture des Ouvrages raifonnez
des anciens Maîtres de Chant , &
2. vol.
Qu
1306 MERCURE DE FRANCE.
outre cela fameufe par les voyages Liturgiques
& Litteraires en Europe , & parfes
Relations dans toute la Chretienté : enforte
qu'on peut dire qu'elle poffedoit pleinement
tous les talens que Charlemagne
eftimoit de fon temps : temps auquel on
compofoit encore exactement le Chant
d'Eglife , & auquel , comme je l'ai dit
dans une autre Lettre inferée dans le Mercure
de Septembre 1725 , les plus grands
hommes regardoient le Chant comme
très- digne de leurs foins , parce que peu
de gens pouvoient fe gêner affez pour acquerir
l'habitude d'avoir une attention
actuelle aux Régles de la Grammaire & de
la Rhetorique ; ou que s'il fe trouvoit des
gens en état de l'avoir , c'étoient des ef.
prits qui ne réuniffoient point en leur perfonne
la fcience de la mélodie , ni qui euffent
le principe des fons féconds en rencontres
, ou qui fçuffent les régles des progrès
de fons felon la nature des modes ,
auxquels ils le rapportent . Je me fouviens
d'avoir oui dire à ce fçavant Abbé & Chanoine
, lorfque je commençois il y a environ
vingt- quatre ans, à lui faire voir de
ma compofition , que l'endroit par lequel
on reconnoiffoit l'habileté d'un ouvrier en
ce genre , étoit qu'il fût en état fans le
fecours d'aucun Livre , d'animer fur l'heure
les paroles qu'on voudroit fuivant la
166
ご
W
2. vol. -moJUIN.
1728. 1307
modulation de chacun des treize modes
ufitez dans l'Antiphonier de Paris , & à
les animer felon les régles de ces modes ,
& felon toutes les loix de la conftruction
du difcours. Il ajoûta que c'étoit une fcience
qui ne s'acquerroit pas facilement ; &
pour en venir aux exemples , il me fit remarquer
une partie des fautes d'un Office
de S. Charles dont le Chant avoit été
nouvellement imprimé à Paris , in 12 .
chez Gregoire Dupuis , dans lequel il
m'affura qu'il n'y avoit prefque rien de
recevable. La Critique des Piéces de cet
Office que le hazard préfenta , m'apprit
à connoître les défauts que je remarque
aujourd'hui dans les nouveaux Offices
dont les Auteurs , ou ne peuvent , ou ne veulent
pas s'aftreindre à fuivre les régles ; &
il me fit beaucoup valoir ce principe d'Ariftide:
Oportet & melodiam contemplari &
Rhytmum & dictionem ut perfectus Cantus
efficiatur. Une agréable inodulation la
liaifon ou féparation du difcours , & enfin
l'expreffion font les trois chofes néceffaires
pour former un Chant parfait.
>
Au reite , Monfieur , ce que je dis ici
touchant la correfpondance du Chant
avec la parole , ne regarde pas les Hymnes.
Je fuppofe que l'on comprend que
je ne parle que des Antiennes & des Répons.
Les Hymnes font un article à
part
2. vol.
qui
1308 MERCURE DE FRANCE .
qui a été traité plus au long dans une autre
Lettre qui eft à la tête du Mercure du
mois d'Août de l'année 1726. C'est tout
dire en deux mots , qu'il eft impoffible à
caufe de la varieté des ftrophes , que ce
qui a exprimé la parole dans l'une des
ftrophes , l'exprime dans l'autre ; à moins
que toutes les ftrophes ne renfermaffent
la même penfée exprimée en termes fynonimes
& également mefurez pour la
quantité ; ce qui eft entierement oppolé
à la Poëfie.
Ce 30. Novembre 1727 .
XX:XXXXXXXXXXX :XX
EPITRE.
D'une Amante à fon Amant Guerrier
que l'Auteurfeint être dans l'Armée qui
faifoit le Siége d'une Place.
Depuis
Epuis que loin de moi , fur les pas de
Villars ,
La Gloire , cher Cléon , t'entraîne aux champs
de Mars
Pourquoi , fourd à mes voeux , par un cruel
filence
As tu de mes ennuis aigri la violence ?
1.υοί .
No
JUIN. 1728. 1309
Ne te fouvient il plus des fermens qu'à mes
yeux ,
Tu fis , quand la douleur attendrit mes adieux >
Puifqu'il faut , quelqu'épris que je fois de vos
charmes ,
Me rendre vers Landau , que menacent nos armes
›
Mes Lettres, difois - tu , plus heureufes que moi ,
Viendront de mon amour vous garantir lafoi ;
Votre image en mon coeur fidelement tracée ,
Par l'abfence ou le tems n'en peut être ef
facée ,
Et pour Climene enfin brûlant jufqu'au trépas
...
Je le fouhaitois trop , pour ne te croire pas ,
Cruel . Mais aujourd'hui de ton ingratitude
Me refte- il , helas ! la moindre incertitude ?
Vingt fois dans la froideur de tes embraffemens
J'ai dû voir & j'ai vu tous tes déguiſemens.
Mais toujours trop facile à me laiffer furprendre
,
Dans le fond de mon coeur l'Amour t'a fçû
défendre ,
Et lorfque dans le tien je vouloispénetrer ,
J'éteignois le flambeau qui pouvoit m'éclairer
2. vol.
Mes
1310 MERCURE DE FRANCE:
Mes yeux s'ouvrent enfin ; une trifte lumiere
Me découvre à préfent ton ame toute entiere
,
Je me rapelle encor le jour de ton départ,
Ton coeur à tes fermens eut- il la moindre
part ?
Lorfque je fuccombois à mes vives allarmes ,
Quand j'allois expirer , verfas- tu quelques
larmes ?
Et de mes foibles mains échapant bruſques
ment ,
Daignas- tu pour me voir te tourner un mo»
ment ?
Je te fuivis des yeux tant qu'il me fut poffible.
L'excés de ma douleur me rendoit infenfible ;
Mais quand j'eus en tremblant rapellé mes efprits
,
Dans l'ombre de la nuit je pouffai mille cris.
Que cette nuit pour moi ne fut elle éternelle
,
Si je devois un jour te revoir infidele !
J'aurois dû le prévoir , helas ! dans tous
tems ,
s les
Les Guerriers ont été les plus grands inconf
tans.
1
2 vol.
Quel.
JUIN. 1728. 1311
Quelquefois , pour charmer ma trifte inquiétude
,
Je te cherche , infenfée , en cette folitude,
Où, quand tu me jurois de vivre fous ma loi ,
Je fentois tout l'amour que tu feignois pour
moi.
Vaine précaution ! Pâle , déſeſperée ,
J'ai beau porter par tout une vûë égarée ,
J'ai beau te demander à tout ce que je vois ,
Ainfi que mon Amant , tout eft fourd à ma
voix.
Alors , m'abandonnant au chagrin qui me
tuë ,
De mouvemens divers je me fens combatuë,
Mon coeur entre l'efpoir & la crainte flotant
,
Te peint tantôt fidele & tantôt inconftant ,
Et toujours , juftes Dieux ! pour irriter ma
peine ,
S'offre à mon fouvenir le redoutable Eus
gene . ( a )
Je crois voir ce Heros , fur un bouillant Cour
fier .
Prêt à lever fur toi fon homicide acier ,
( a ) Le Prince Eugene.
2. vol.
Je
1312 MERCURE DE FRANCE:
Je te vois à ton tour , pour femer l'épouvante
,
Tel qu'Achille autrefois dans les Ondes du
Xanthe , (b )
Le glaive entre les dents , ( c ) d'un bras victorieux
Fendre du Rhin fanglant les flots impérieux.
Tes Soldats , comme toi , refpirant le carnage
,
S'élancent dans le Fleuve , atteignent le Rivage
,
François audacieux , où voulez -vous courir ?
La Terre fous vos pas eft prête à s'entr'ouvrir
;
Dans fon perfide ſein le falpêtre s'enflâme.
Mais Bellone a foufflé fa fureur dans votre
ame.
Cent Tonneres d'airain ont beau gronder fur
vous ,
Vous vous précipitez au devant de leurs
coups.
Du moins , fiers ennemis , dans ce danger funefte
,
Epargnez mon Amant , je vous livre le reste.
(b) Homere Iliad.
( c) Ce fait eft rapporté par M. de Larreg
dans fon Hiftoire de Louis XIV. Tome 9.
2. vol.
Mais
JUIN 1728 . 1313
Mais que dis - je ? où m'entraîne un aveugle
tranfport
Les Barbares ont trop d'interêt à fa mort.
J'aprens de toutes parts que fa valeur extrême
,
Fatale aux ennemis , pourra l'être à luimême
,
Et
que le fort jaloux de fes heureux progrès ,
Peut- être changera fes Lauriers en Cyprès.
Périffe le Mortel dont la main odieufe
Alluma le flambeau de cette guerre affreuſe ,
Et qui méconnoiffant l'Amour & fes plaifirs
Te déroba , Cleon, à mes tendres défirs !
Helas depuis ce jour , en proie à mes allarmes
,
Mes yeux , mes triftes yeux ne s'ouvrent plus
qu'aux larmes ,
Et te voyant fans ceffe affronter le trépas ,
Je crains tous les périls que ton coeur ne
craint pas,
Cher & cruel Auteur de mon inquiétude ;
Releve un peu le poids d'une chaîne fi rude ,
Ecris -moi promptement ; mais que dans cet
Ecrit ,
2 vol.
Ton
1314 MERCURE DE FRANCE.
Ce foir ton coeur , qui me parle & non pas
zon efprit s
Ou plutôt , pour calmer mon déſeſpoir extrême
,
Difpenfe- toi d'écrire , & viens ici toi- même.
Fidele à Cytherée , ainfi le Dieu Guerrier
Quelquefois pour le Myrthe a quitté de Laurier.
Viens , ranime en mon coeur un refte d'efperance
;
Ne feras- tu conftant que dans ton inconftance
?
Si tu vois fans amour mes charmes impuiffans
,
Verras-tu fans pitié l'amour que je reffens.
Par M.Cocquard , Avocat au Parlement
de Dijon.
10-
R. vol. LET.
JUIN. 1718. 1315
>>
LETTRE écrite de Beziers le 10. Mars
1727. à M. Penna , Premier Medecin
de S. A. S. M. le Prince de Monaco.
Par M. Bouillet de l'Académie des Bel-
Jes- Lettres Sciences & Arts de Bordeaux
, Docteur en Medecine de la Faculté
de Montpellier , Profeßeur des
Mathematiques , & Secretaire de l'Académie
de Beziers , au fujet de la Rhubarbe.
N
Ous fommes ici , Monfieur , dans
la même peine où vous êtes : nos
Apoticaires font tout - à- fait dépourvûs de
Rhubarbe ; & nos Marchands ( a ) n'en
(a) La Rhubarbe vaut maintenant à Marfeille
plus de so. écus la livre : on n'y en trouve
pas même autant qu'on veut à ce prix - là.
D'ailleurs elle eft fi mauvaife , qu'il y a de la
confcience d'en donner aux Malades. Heureufement
nous pouvons aujourd'hui nous en paffer
d'autant plus aifément que nous connoiffons
beaucoup de Remedes équivalents . Mais
parce que tout le monde n'eft pas en état de
faire un jufte difcernement de ces Remedes
j'ajoûterai fur la fin de cette Lettre quelques
Notes un peu étendues là- deffus en faveur des
Chirurgiens de la Campagne , qui font fouvent
obligés de travailler fans l'avis du Medecin
2 vol.
font
1316 MERCURE DE FRANCE.
font prefque plus venir de Marſeille , foit
parce qu'elle y eft d'une cherté exceſſive ,
foit parce qu'on n'y en trouve guére maintenant
qui foit paffablement bonne . Voilà
, je vous avoüe , un fecours de moins
pour la cure des Maladies , & un fujet de
chagrin pour des Medecins entêtés de ce
Remede. Je ne doute pas même que ceux
qui ont fi fort vanté cette Racine dans
les Siécles paffés , ne défefperaffent aujourd'hui
de la guériſon de la plupart de
leurs Malades , & ne fuffent comine tentés
de renoncer à leur Profeffion . Vous
fçavés , M. les louanges qu'ils lui prodiguoient
. Dire de cette Drogue ( b ) qu'elle
Au refte , je ne chercherai point ici d'où
vient que la Rhubarbe eft aujourd'hui fi rare ,
& de fi mauvaife qualité. Si c'eft parce qu'on
n'en apporte plus de la Chine , du Royaume de
Boutan , ou de Perfe , à caufe des troubles qui
regnent depuis long- temps dans ces contrées,
& qui caufent une interruption dans le Commerce
; ou fi c'eſt parce que le grand débit de
cette Drogue en a prefque detruit l'efpece , &
qu'on n'en trouve maintenant que dans des
lieux où elle n'a pas accoûtumé d'y acquerir
le même degré de maturité & de bonté. Le
temps nous éclaircira là deffus . On ne sçait
pas encore bien pofitivement en quel endroit des
Indes nait la Rhubarbe . V. Diction . Univ . de
Commerce. Paris 1723 .
6) Voy. prefque tous les Auteurs de Me
decine qui ont écrit depuis le 12. fiécle.
2. vol.
Purge
JUIN. 1728. 1317
19
purge la Bile , fortifie le Ventre , arrête
les Devoyemens , leve les Obftructions
chaffe la Malignité, tue les Vers , & c . Ce
n'étoit pas affez pour faire connoître fa
vertu : tout ce qui défigne des actions corporelles
leur paroiffent fort au deffous de
P'idée qu'ils s'étoient formée de ce Remede
; il falloit quelque chofe de plus fublime
pour en marquer les admirables
qualités , il falloit spiritualifer en quelque
forte fes Operations . La Rhubarbe ( c)
difoient - ils , eft l'ame du foye ; les plus
moderés fe contentoient de dire qu'elle
en eft le Coeur : tant on étoit prévenu de
l'excellence & de la neceffité de ce Remede
. Enfin vous n'ignorez point que depuis
quelque tems on n'ordonnoit prefque
plus de potion purgative fans Rhubarbe
qu'on la joignoit encore à beaucoup
d'autres compofitions ( d ) d'un ufa-
(c) Non fine ratione & experimento quidam
ex Medicis Rhubarbarum Hepatis animam nuncuparunt.
folenand. confil. medicinal.fect. 111 .
page 279.Jonton. Idea univerf. Medecin. practic.
p . 172. c . aliis Cor. Hepatis dicitur.
Schroder, Phytolog. Claff. 111 .
(d) Voyés toutes les Pharmacopées , & les
formules répandues dans tous les livres de Medecine
, Pratique des derniers Siécles . La Rhubarbe
y eft employée dans les Syrops , dans
les Opiates , dans les Pillules , dans les Trochifques
, dans les Electuaires , dans les Bo-
2.vol.
ges
B
# 318 MERCURE DE FRANCE .
*
ge journalier en un mot , qu'on en failoit
un des pilliers de la Medecine.
Mais vous fçavez auffi, M. que la mode
& la coûtume font des torrents qui entraînent
prefque toujours tout le monde ,
& vous n'avez pas été, fans doute, des derniers
à reconnoître que de tous tems ( e )
les Medecins & le Public ont pouffé trop
loin leur crédulité à l'égard de certains
Remedes. L'hiftoire de la Medecine (ƒ)
nous en fournit plus d'un exemple . Pline
(g ) fe plaint que fes Antagonistes ne
ceffoient point de vanter certaines compofitions
ou mêlanges embroüillés , &
qu'ils n'eftimoient que les Drogues étrangeres.
Ne pouvons nous pas
dire auffi que
ce mauvais goût † s'eft tranímis en partie
lus , & c. dans les Emplâtres même , témoin
celle de Manardus , qu'un fçavant Medecin
dont nous parlerons ci -après , ( ** ) n'a pû
s'empêcher de traiter d'impertinence.
* Pomet, Hift. generale des Drogues, part. 1 .
V. 2. pag. I.
(e) Voy. Hiftoire de la Medecine, par M. Dan
niel le Clerc.
(f) Ibid. paffim.
(g ) Hiftor.natural. lib. 22. cap.24. & lib. 24.
cap 1.
(† ) On n'aime guére aujourd'hui les grandes
Compofitions ; mais on eftime encore un
peu trop les Drogues étrangeres . Ce n'eſt pas
qu'elles ne foient pas affez efficaces , & que je
2. vel
juſJUIN.
1728. 1319
jufqu'à nous , & qu'à l'égard de la Rhubarbe
, on a été même de nos jours dans
une espece de fuperftition . Quelque éloigné
qu'on fût de penter ( b ) , comme ceux
qui nous ont précedés , on ne laiffoit pas
d'agir comme eux à cet égard , & on ne
fe mettoit guére en peine de fe conformer
aux vûës d'unfçavant Medecin ** du fiéne
me ferve volontiers de toutes celles qu'on
peut recouvrer ailément & à peu de frais , mais
leur trop grand uſage eft à blâmer .
(b ) Les anciens croyoient qu'il n'y avoit
que certains purgatifs propres à évacuer la
Bile , d'autres à chaffer la Mélancolie , & c . On
eft maintenant revenu de ces préjugés , & l'on
eft convaincu qu'ils agiffent tous également fur
les premieres voyes , & fur le Sang , avec cette
feule difference que les uns agiffent plus doucement
, les autres avec plus de violence .
** Daniel Ludovicus Medic . Ducal. Saxo .
Gothan. De Pharmacia moderno fæculo applicanda.
Differt . 1. de Remediorum felectu
eum Commentariis Volfangi Venelii , Michaelis
Ettmulleri . Vid. tom. 2. oper. ejufd.
Ettmull. Le livre de ce Medecin a été traduit
en François & imprimé en 1710. à Lyon en 2.
vol. in 8. fous le Titre de Traité du bon choix
des Medicaments . Réduire la Pharmacie à une
noble fimplicité , épargner la Bourfe des Malades
, foulager leur palais & leur eſtomach
c'eft le but que cet Auteur s'y propofe.
Quant à la Rhubarbe , il n'en vouloit point
du tout il la trouvoit trop chere , quoiqu'elle
ne valût alors qu'environ 20. écus la livre
& il l'abandonnoit volontiers aux Indes Orien-
2. vol.
cle Bij
1320 MERCURE DE FRANCE :
cle paffé . Mais qu'on ait outré ou non l'ufage
de la Rhubarbe , ce n'eft pas ce qui
doit maintenant nous toucher le plus . Il
ne s'agit , M. que de fçavoir fi l'on peut déformais
le paffer de ce Remede ; & c'eſt
de quoi vous conviendrés bien -tôt avec
moi , fi vous voulez prendre la peine de
lire ce que j'ai dit à ce fujet dans une des
Affemblées ordinaires de notre Académie.
Extrait des Regiftres de l'Académie de
Beziers . 6. Février 1727.
Pour faire voir que la Rhubarbe eft
moins neceffaire qu'on ne penfe communément
, & rendre en quelque façon fa
perte plus fupportable , je fis remarquer
d'abord que nos plus grands Maîtres en
Medecine , Hippocrate ( k ) & Galien (1) ,
tales où elle croît. Il convenoit pourtant , que
cette Racine eſt paffablement bonne & efficace;
mais comme il avoit trouvé autant de vertu
dans la Rhubarbe du Païs , & qu'il s'étoit confirmé
de plus en plus dans fon fentiment par
fa propre experience , il ne daignoit point employer
celle de Levant dans fes Medecines , &
il n'en étoit pas pour cela moins heureux dans
fa pratique V. Diff, 1. de Select.Remed. apud
Ettmull. pag. 63 .
( k ) Hipocrate vivoit dans le XXXVI. fiécle
du monde , 400. ans avant J. C. c'est le premier
qui ait clairement enfeigné la Medecine au rapport
de Pline , lib. 26. cap. 2.
( 1 ) Galien a vêcu dans le deuxième fiécle
après la naiffance de N. S. J. C.
2. vol. 2,
ne
JUIN. 1728. 7328
ne s'en étoient point fervis : que le plus
ancien d'entre les Arabes , Serapion &
Avicenne ( m ) n'avoient pas connu cette
Racine , ou avoient ignoré fa principale
qualité , je veux dire , la vertu laxative *
& que Mefué & Averrhoës ( n ) étoient
Ils ne connoifoient l'un & l'autre que trèspeu
de Purgatifs, V. Hipp . & Gal . oper. Edit.
in 13 tom digeft . Parifiis 1679:
( m ) Serapion vivoit, felon quelques - uns , en
722. & felon d'autres en 1066. Avicene nâquit
en 981. & mourut en 1037. c'eſt- à - dire , qu'ils
florifoient l'un & l'autre entre le 8. & le rr .
fiécle de l'Ere Chrétienne .
* On convient affez aujourd'hui que le Rha
ou Rheon de Diofcoride , que Celle nomme
Radix pontica , Pline Rhacoma , Galien Rheon
ponticum , & qu'on appelle maintenant Rhapontic
de Levant et une Racine très - differente
de la Rhubarbe purgative , ( Mattiol in
Diofcor. Manard. Epift. Leonard. Fuchf. errat.
recent. medic. Profp. Alpin . de Rhaponiic . Turnefort,
mater. med. &c. ) quoiqu'il y ait eû autretois
d'habiles Medecins qui les confondoient
enfemble. (Joan. Ruell. Aloys . Anguillar. & c. )
mais on ne fçait pas bien laquelle de ces deux
Racines a été employée par Serapion & Avicenne
; on foupçonne pourtant avec affez de
vrai-femblance qu'ils ne fe fervoient que du
Rhapontic , quoique leur Traducteur ait employé
par tout le mot de Rhubarbe. Ce qu'il y
a de sûr au moins , c'eft qu'ils ne s'en fervoient
que comme d'un aftringent & non comme
d'un purgatif. V. Serap . l. fimpl. C. 206. Avicenn.
l. 2. tract. 2. C. 585.
(2) Mefue & Averrhoës vivoient dans le
2. vol. B iij les
1322 MERCURE DE FRANCE .
les premiers qui l'avoient mife en ufage
dans l'intention de purger.
Il cft vrai que Paul ginete ( o ) femble
avoir eû connoiffance de cette Drogue
, & l'avoir employée quelquefois en
vûe de lâcher le ventre ; ce qui avanceroit
l'époque de ce remede de quelques
fiécles .Mais outre qu'il ne paroît pas avoir
été fuivi en cela par les premiers Arabes ,
outre qu'il ne parle (p) que du Rhapontic
dans fon Traité des Simples , il fe peut faire
qu'il eût reconnu que le Rhapontic aidoit
à laction des autres Purgatifs ( comme
M. de Tournefort ( 7 ) dit l'avoit éprou-
12. fiécle. Ils font les premiers qui ayent clairement
reconnu la faculté purgative de la Rhubarbe.
Ce dernier fait même un crime à Galien
, d'avoir écrit que la Rhubarbe eft feulement
aftringente : mais il ne prenoit pas garde
que Galien ne parloit que du Rhapontic .
(o ) Paul Eginete floriffoit dans le 4 fiécle.
Il employoit le Rheon dans bien des compofitions
purgatives V. Pauli Ægineta Opus de re
Medica nunc prim . latinit.donat . Joan. Guinter.
Andernac. Doct. Med Parifiis 1532.
~ (p ).V. Paul. Eginet. lib. VII.cap. 3 , de particular.
fimplic. medicam facultatibus.
(q ) La Racine du Rhapontic purge , à ce que
dit M. de Tournefort , affez benignement prife
en poudre , depuis deux dragmes jufqu'à quatre
, & en infufion ou en décoction , depuis demie
once jufqu'à fix dragmes: mais elle refferre
plus fortement que la Rhaba : be , & ce n'eft
pas , dit il, un remède à méprifer dans la Diar- 2. vol.
thée.
JUIN. 1728. 1323
vé ) , ce qui aura peut être trompé fon
Traducteur. Ceci n'eft dit neanmoins que
par conjecture. Je laiffe à des gens plus
habiles que moi dans l'hiftoire de la Medecine
, & dans la critique à décider cette
queſtion . D'ailleurs il m'importe peu
qu'on avance ou qu'on retarde (r) la connoiffance
de la Rhubarbe de cinq ou fix
cens ans ; il me fuffit qu'on n'ait point
rhée & dans la Diffenterie . V. Tract . de Mat.
medic. feu Hist.ufus & Analys.fimpl.Medicam .
&c. Ce livre , depuis la mort de l'Auteur a été
imprimé à Paris , en 2 vol. in 12. 1717.
Profper Alpin raporte d'après un de fes amis,
que certains Moines qui habitoient proche du
Mont-Rhodope , en Thrace , fe fervoient autrefois
tres-frequemment du Rhapontic , à la
place de la Rhubarbe en doublant la dofe , &
qu'ils en avoient prefque épuisé tous les environs.
V. Difp. de Rhap, C. VII.
Mais parce que Difcoride , Galien , & prefque
tous ceux qui font venus après , n'ont parlé
du Rhapontic , que comme d'une Racine aftringente
, je ferois d'avis d'en furfeoir l'ufage
jufqu'à ce qu'on en ait fait de nouvelles épreuves
; à quoi notre Académie ne manquera pas
de travailler inceffamment.
( r) Si Paul Eginete a connu la Rhubarbe, il
y a maintenant 1300 ans qu'elle a cominencé
d'être en ufage , au lieu qu'il n'y en a que 700.
fi c'eft Mefue & Averrhoës qui s'en foient fervis
les premiers. Quoiqu'il en foit, il fera toujours
vrai de dire que ce remede a été inconnu
en Europe pendant plus de 4200 ans , felon la
maniere vulgaire de compter.
2. vol. Biiij
cm1324
MERCURE DE FRANCE.
employé ce remede dans les quarantedeux
premiers fiecles du monde , ( ce
qu'on n'oferoit(s) certainement me contefter
) pour être en droit de conclure que
puifqu'on s'en eft paffé fi long-temps , on
peut bien s'en priver aujourd'hui . Car
enfin pourquoi ne le pourroit - on pas ?
Nos maladies feroient- elles differentes de
celles de nos Peres , ou aurions - nous maintenant
beaucoup moins de Purgatifs qu'ils
n'en avoient de leur temps ?
Je ne finirois pas , M. fi je voulois
rapporter icy tout ce que j'alleguai pour
faire voir qu'en general les Maladies font
aujourd'hui les mêmes ( t ) que du temps
d'Hippocrate , de Celle & de Galien , qu'il
n'y en a que peu de nouvelles ( u) , & que
la difference des Climats , des Alimens ,
( s ) On a vu cy- deffus que Galien ne connoifloit
point la Rhubarbe, & qu'il n'avoit parlé
que du Rhapontic . V. 1. 8 fimpl . medic. cap.
XVII. pag. 224. Tom. 13. Edit. Charter.
(t ) Ce n'eft pas que ces Auteurs ayent décrit
toutes les maladies auffi exactement que
nos modernes. ( Fernel , Sennert , Riviere ,
Jonfton , Vvillis , Sydenham , Bellini , Morton ,
Baglivi , Ramazzini , & c . ) Mais on peut inferer
de leurs écrits qu'il y a peu de maladies
qu'ils n'ayent connuës .
( u) Je ne m'amuferai point à difcuter files
maladies qu'on prétend, qui font nouvelles , le
font veritablement, Elles font en fi petit nombre
, qu'elles ne tirent pas icy à confequence..
2.vela des
JUIN . 1728. 1325
des Inclinations , des Exercices (v ) , &c.
n'a tout au plus que fait varier quelques
Symptômes. Vous pouvez aifément vous
convaincre vous- même de ce que j'avance,
vous qui puifez dans ces fources , &
qui comparez les obfervations de ces rares
génies avec ce que la Pratique de la
Medecine vous met chaque jour devant
les yeux . J'ajoûterai feulement que je
n'oubliai rien pour démontrer que quand
nos maladies feroient plus differentes
qu'elles ne font de celles qu'on obſervoit
autrefois , quand il y en auroit un
plus grand nombre de nouvelles que nous
n'en connoiffons , quand la difference des
temperamens , de l'air , du régime , des
exercices , & c. produiroit une plus grande
variété dans les Symptômes qu'on n'a
remarqué jufqu'icy , il ne s'enfuivroit (x)
pas qu'on eût abfolument befoin de tous
(v ) On peut confulter là - deffus les Auteurs
citez dans la notte ( † )
(x)La diverfité des fimptômes n'exige pas
toûjours des Remedes differens , mais une methode
differente , & ce n'eft qu'en ce fens qu'on
doit prendre cette maxime de Celfe, aliud ( medicinæ
genus ) opus effe Roma , aliud in Ægyto
, aliud in Galliis . Ainfi peu de Purgatifs
fuffifent à ceux qui fçavent les employer
propos .
On ne manque point de Purgatifs , on manque
d'une conduite qui en prévienne le befoin trop
2. Vet. By
frequent
1316 MERCURE DE FRANCE.
les purgatifs que nous connoiſſons , fi fort
leur nombre s'eft accrû dans ces der
niers fiecles.
Je m'étendis auffi un peu fur les moyens
( y ) de remplacer la Rhubarbe ou de
remplir sûrement les indications pour
lefquelles on avoit accoûtumé de l'emfrequent.
M. de Fontenelle , Hift . de l'Acad.
R. des Sc. 1724, p . 58.
* Outre l'Elaterium , le Cnicus , l'Ellebore ,
P'Agaric , la Scammonée , l'Aloës , les Pruneaux
, les Rofes , les Fleurs de Pécher , & c .
dont les anciens fe font fervis ; nous avons
maintenant le Sené , la Manne , la Cafle , les
Tamarinds , le Turbith , le Jalap , &c fanscompter
les fels purgatifs qu'on a compofez
de nos jours, comme le fel admirable de Glauber
, le fel Polycrefte de la Rochelle , celui de-
M. Razoux , le fel d'Angleterre , ceux que la
Nature nous fournit , comme le fel Cathartique
d'Espagne , à quoi nous pouvons oindre
les Eaux Thermales , Minerales , de Balaruc ,.
de Camarez , de Gabian , de Roujan , de Vendres
, & c. fans compter encore tant de préparations
de Mercure , d'Antimoine , & c. fans
parler enfin de l'Ipecacuanha , dont l'uſage eft
au ourd'hui fi univerfellement répandu .
(y)Si on ne juge de la Rhubarbe que par les
eff ts les plus averez , & qu'on la confidere
feulement comme un Purgatif doux & affez
foible , fuivant les ob ervations d'un habile
Chy nifte de l'Academie de Paris (Mem.1710 .
page 163. & fuiv. ) on r'aura pas beaucoup
de peine à s'en paffer Il n'y aura cu'à augmenter
de demie once la dofe ordinaire de la man-
2. vol..
пор
JUIN 1728. 1327
·ployer , & à cette occafion je fis un affez
long dénombrement des Purgatifs & des
ne , & ajoûter quelques grains de Kina , dans
toutes les maladies accompagnées de fiévre oude
cours de ventre ; & dans celles où ces accidens
ne fe rencontreront pas , & où l'on
n'appercevra nulle apparence d'inflammation,
on pourra fort - bien fe fervir du Jalap, pourvû.
qu'on en proportionne la dofe à l'âge,au fexe,
au temperamment , qu'on y joigne la crême de
tartre ou le fuc des limons , & qu'on le mêle
avec le Sené , la Manne , la Caffe , & c. Si c'eft:
en potion ou avec le Kina , la Canelle , le
Saffran de Mars , le Sel d'Abfynthe , & c. Si
c'eft en Bolus ou en Opiate. On peut même
pour les enfans nouvellement fevrez , mêler
quelques grains de Jalap avec quelques cuillerées
d'infufion de Sené, de Semen- contra ou de
Petit Abfynthe , le Syrop de fleurs de pêcher
où la Manne , & c. Pour ceux qui ne font pas
encore fevrez , le Sirop de Chicorée , celui de
Fleurs de Pêcher , quelques cuille: ées d'une légere
infufion de Sené fuffiront. Enfin pour les:
perfonnes les plus délicates on pourra fortbien
fe fervir du Jalap & du Sené , dans du
petit Lait , ou dans une Décoction ou de Pruneaux
ou de Capillaire ou de Semence de Pavot
blanc en un mot , le Jalap eft un tres - bon
Purgatif , & ce n'eft pas fans raifon que M..
Boulduc fe plaint ( Hift de l'Acad. Roy. des Sc.
1701. de ce qu'il eft fi négligé.
Mais fi on veut un remede qui purge en refferrant
, on pourra ufer du Syrop Rofat folu
tif, ou de l'Eau de Neuf , infufions de Roles ,
ou bien mêler quelques grains d'Ipecacuanha
avec la Manne , le Kina , & c.
23 vol. Pour B.vj
1328 MERCURE DE FRANCE .
vomitifs les plus ufitez ; après quoi je
priai , au nom de la Compagnie , un * de
nos Académiciens d'examiner attentivement
( 2) la Rhubarbe du païs , & de faire
fur cette Racine tous les effais neceffaires
pour en rendre l'ufage sûr & aifé.
Je fis en même -temps quelques remarques
generales tant fur les differentes manieres
( aa ) de fuppléer à la Purgation ,
que fur les précautions ( bb ) qu'il falloit
Pour ceux qui ont accoûtumé de mâcher de
la Rhubarbe, il n'y a qu'à les avertir que cette
pratique ne fert qu'à rendre leur ventre plus
pareffeux , & qu'il y a des moyens plus sûrs
pour fe procurer la liberté qu'ils cherchent.
V. De la Digeft . & des Malad. de l'Eftomach ,
par M. Hecquet. 11. Part. A Paris , 1712.
* M. Cros , Docteur en Med. de la Facul. de
Montp. a bien voulu fe charger de cet examen,
& il en rendra bien- tôt compte au public.
(z ) Cette Plante nous eft apportée de Perpignan
; elle croît fur les Pyrenées , & dans
les Jardins où on la cultive. M. de Tournefort
que donnée à double doſe , elle a autant de
vertu que la Rhubarbe de Levant . V Mater.
dit
med. fup. laud
Lapaib kort. latif. C. B. Hippolak.five Rhabar.
Monach . Dod.
( aa ) Les moyens les plus fimples & les
plus aifez de fuppléer à la Purgation , font le
Reg me , les Lavemens , la Saignée , &c. V.
Bellini de miffione fanguinis.
( bb ) V l'excellent livre de M Hecquet de
Purganda Medicina , & c Paris , 1714 Les
Chirurgiens pourront confulter le Traité des
V
21. valo
Maladies
JUIN
. 1718.
1329
}
apporter dans l'ufage de ce Remede. J'indiquai
enfin quelques remedes propres à
fortifier ( cc ) , à refferrer ( di ) à déboucher
( ee ) à tuer les vers ( ff) , & c. à
quoi on deftinoit communément la Rhubarbe.
Mais ces chofes vous font trop
connues pour m'y arrêter davantage.
J'ai l'honneur d'être , & c.
Maladies les plus fréquentes , & c . de M. Hel
vetius , 3. édit. Paris 1723. en attendant que je
donne quelque choſe là - deflus .
(cc) Nous ne manquons pas de remedespropres
à fortifier l'eftomach, & il feroit trop
long d'en donner icy la lifte. Après tout, l'eftomach
a moins befoin de confortatifs qu'on
ne penfe. V. de la Dig. & des mal.de l'eftomach.
cité cy-deffus.
( dd ) Nous ne manquons pas auffi de remedes
aftringents . V. Turnef, mat, med . Tauvry,
Traité des Médicamens , & c.
(.ee ee ) Il feroit inutile d'entaffer icy des Aperitifs,
tout le monde fçait que nous en avons à
foif on
(ff)V. Traité de la Generation des Vers,
par M Andry , & c. Paris , 1718.
La derniere Lettre pour le prochain
Mercure.
2. vol. L'Exil
1330 MERCURE DE FRANCE .
L'EXIL DU CHRETIEN .
POEME.
Uand de mes triftes jours , trancherezvous
le fil ,
Q
Grand Dieu jufques à quand durera mon
exil ?
Ne puis-je abandonner cette terre étrangere ?
N'êtes-vous plus mon Roy , mon Seigneur &
mon Pere ?
Vous l'êtes , je le fens , mes infidelitez
Ne vous ôteront point les noms que vous
portez :
Ces noms fi précieux , fi chers à ma mémoire :
L'objet de mon amour , mon eſpoir , & ma
gloire.
O Dieu ! mille ennemis infultent à ma foy ;
C'est peu de fecouer le joug de votre loy :
Ils feignent , infenfez, de ne vous pas connoître
;
Ils ont dit dans leur coeur , nous n'avons point
de maître :
Sans contrainte , vivons au gré de nos défirs.-
Nos loix font nos penchants , & nos Dieux
nos plaifirs.
2 val.
Ex
JUIN. 1332
1728.
Et tandis que les Cieux annoncent vos Ora
cles ,
Que feul maître abfolu , prodigue de miracles,
Votre puiffance éclate en tout temps , en tout
lieu ,
Ils m'ofent demander où vous êtes , mon-
Dieu !
Où vous êtes ! les Monts devant vous s'ap
planiffent.
La Mer fufpend fes Flots , les Cieux vousobéiffent
:
Juge éternel des morts & Pere des vivans ,
Vos ordres font portez fur les aîles des vents.-
Votre voix par leur nom appelle les Etoilles ,
Elles viennent La nuit fe couvre de fes voiles ,
Elle marche en filence , & , devançant le jour ,
L'Aurore du Soleil annonce le retour.
Il part comme un Géant dans fa courfe ras
pide ,
Et la main qui l'a fait , eft celle qui le guide..
Vous du Trône de gloire , où vous êtes
porté ,
Grand Dieu , vous parcourez le Temps , l'Eternité
:
De chacun des mortels pefez les deftinées ,
Voyez comme un inftant , les millions d'années
,
2 vols.
Suf
{ -
13 32 MERCURE DE FRANCE .
Sur toute la Nature avés les yeux ouverts :
Et du plus haut des Cieux atteignant les Enfers
.
Comprés jufqu'aux cheveux qui tombent de
nos têtes ,
Et l'on m'ofe , Seigneur , demander où vous
[êtes !
Et le foudre vangeur eft oifíf en vos mains !
Et vous ne perdés pas ces perfides humains !
Non je ne puis fouffrir l'excès de leur ma
lice 5
Je crains,même à la voir,de m'en rendre com,
plice :
Si loin de ma patrie en ce féjour affreux ,
Je ne fçaurois couler que des jours malheu
reux.
Ciel avec quels tranfports , & quelle violence
Mon coeur vole vers vous , & mon ame s'é
lance
Pleins de l'heureux efpoir de l'immortalité ,
Et toujours malgré moi je me fens arrêté.
Toujours un poids fatal , une funefte chaîne
Me courbe vers la terre , & m'attache & m'entraîne.
Soit erreur , foit foibleffe , helas ! combien de
fois ,
2. Vol.
InJUIN.
1728. 1333
E
Infidele à moi-même , oubliai-je vos loix ?
Honteux , je l'avoürai , par un défordre extrême
,
Incertain de mon coeur , je m'ignore moi
nt même ,
S
01
Dans le doute, Mortel , fi j'aime , ou fi je hais
Tout m'allarme , & je crains de vous perdre à
jamais.
Jufqu'à quand , Seigneur , voulez- vous que
je craigne ?
Ne hâterés - vous pas le jour de votre Regne ?
Ces jours , où pleins d'horreur , de trouble & de
respect ,
On verra treffaillir les Cieux à votre aſpect :
Lorfqu'ouvrant à vos Saints les portes éternelies
,
Vous les raffemblerez à l'ombre de vos aîles ,
Et
que de toutes parts , confus , épouvanté ,
L'Impie éprouvera ce qu'il a merité.
Peut-être trop d'ardeur m'enflame & vous offenſe
:
Plus digne de pitié que de votre vengeance ,
Pour ce monde pervers , & ce monde infenfé
J'implore donc ce fang que vous avez verſé ;
Dieu Sauveur , appaifés votre jufte colere ;
Ayez pour vos enfans , ayez un coeur de pere ;.
z vol.
Laiffez
1334 MERCURE DE FRANCE.
Laiffez vous attendrir aux larmes , aux regrets
De ceux que votre grace a percés de fes traits ,
Qui fuyant Babilone , & fes lâches maximes
,
Ont toujours ignoré fes erreurs & fes crimes
X
Et faintement jaloux de l'honneur de Sion ,
De votre gloire ont fait toute leur paffion .
De ces coeurs innocens , de ces ames heureufes
,
Les larmes devant vous font toujours précieuſes
;
Mais faites plus encor : entendés leurs foupirs
,
Signalés votre amour , & comblés leurs defirs.
Faites prendre à la Terre une face nouvelle ,
Que tout Peuple aujourd'hui foit un Peuple
fidelle ,
Et que la pieté, triomphant en ces lieux
Retrace par avance une image des Cieux ;
Que s'il faut que le crime inonde encor la
terre .
Et que toujours au Ciel l'homme faffe la
guerre ,
Ordonnés que mes yeux fe ferment pour jamais
.
2 vol.
Tranf
JUIN. 1728. 1335
Tranſportés- moi , Seigneur , au féjour de la
paix .
Dum dicunt mihi per fingulos dies : ubi
eft Deus tuus ? Pfal . 41 .
akakakakakakakakakakakakakak
TRADUCTION de l'Epitaphe de Melun
, par l'Auteur de l'Interpretation
Latine.
E Monument eft confacré à Dieu ,
Cras
très -Grand & très - Bon . C'est un fils.
qui l'a élevé pour honorer la mémoire de
Pierre Renault fon pere , & de fa mere
Binira , qui ont bien merité tous deux
cette marque de fon refpect & de fon
amour.
*
Paffant , je vous conjure de chercher
avec foin quelque remede qui puiffe foulager
la trifteffe d'une veuve infortunée
dont le coeur languit dans la douleur . Elle
fut l'unique époule de Pierre Renault ,
Magiftrat diftingué par fon fçavoir & par
fon zele pour la juftice & le bon ordre.
Il lui fut ravi le jour même des Ides de
May 1585. par une mort prématurée
c'eft ce qui augmente fes pleurs . Elle avoit
eû de fon mariage deux fils & une fille
qui lui tinrent lieu de leur pere. Ils étoient
* L'Auteur de l'Epitaphe fait parler l'Epouses .
2. vol. tous
1336 MERCURE DE FRANCE .
tous trois fort jeunes quand elle le perdit
. L'aîné étoit néanmoins au deffus de
l'enfance , & fa voix commençoit à fe
former. Il étoit l'heritier de la famille ent
qualité de premier enfant mâle. Les deux
autres n'avoient point encore quitté la
mamelle ni reçû le Bapteme , le dernier
garçon qui étoit d'une complexion foible,
a eu depuis affez de peine à vivre en cultivant
les Arts . Je les ai alletez moi-même
; c'étoit une confolation pour moidans
ma douleur , car après la perte de
mon époux , mes enfans étoient mon unique
efperance . Mais , helas ! depuis que'
je fuis feparée de ce cher époux , je ne'
fçai quelle vertu fecrete me détruit infenfiblement
comme lui ; je Aétris , je me
confume , je perds ma beauté : non , on
ne me reconnoîtroit plus pour Binita: Il
eft tems , fans doute , que je me rejoigne à
mon époux , puiſque mon âge & ma foibleffe
m'ont renduë mure , & propre à
lui être réunie . C'est avec actions de gra
ces que je reçois la mort , de celui qui la
donne , & que j'acheve le cours de mon
veuvage. Mais , quoi ! je ne me trompe
point , celui qui marque les demeures
dans l'autre monde termine fes lenteurs &
me rend enfin à mon époux. Je meurs en
pouffant un foupir de joie. Dans l'Equinoxe
de Mars 1602 .
2 vol. Les
JUIN. 1728. 1337
Les corps de ces deux Epoux que la
mort avoit féparez , font rejoints par la
mort dans ce lépulchre , où ils pouriffent
enfemble l'un auprès de l'autre .
Je fuis venue j'ai paflé , vous qui êtes
venus , vous pafferez de même .
En imprimant dans le Mercure du mois
de Mars dernier l'Epitaphe en question
avec l'Interpretation Latine , il s'eft gliffé
deux ou trois fautes qu'on corrigera de
cette maniere . Lifez prabio , au lieu de
prabie. Lifez dejugate , & non pas dejugato.
Lifez Iduum , & non pas Idibus . Il
faut ôter les deux points qui font après
le mot Reginaldi , lifez Lamberat , & non
Lumberat ; ftaminum , & non ftamionum ;
gafandus , & non gafiandus ; dividia , &
non , dividua.
Comme l'explication que je donne du
mot Binira n'eft qu'une conjecture , fondée
fur la convenance du fens & fur fon
rapport avec la troifiéme Lettre initiale de
P'Infcription , j'ai penfé en relifant l'Epitaphe
que ce mot pourroit bien être formé
du verbe Grec Brew , d'où vient
ITTоBros , & peut être Bwvipa , qui fignifieroit
la même chofe . Si cette conjecture
paroît plus vrai -femblable que la premiere
, il faudra traduire ainfi ces mots ,
Etiam Biniram creduas ? Me croira- t'on
encore du goût pour les plaifirs du Mariage
?
1338 MERCURE DE FRANCE .
XXXX XXXXXX : X
REPONSE aux Vers fur une Dame qui
faifoit des Recruës pour fon mari . Par
la même Damefur les mêmes rimes .
V
Qus faites des Commis au Roi ,
Tircis , & c'eft- là vôtre employ ;
A quoi bon chercher d'autres peines ?
L'Amour en fournit aisément ,
Mais que dis- je ? entrez dans fes chaînes ,
Vous vallez feul un Régiment .
M
Qui vous arrête ? eft ce l'argent
Non , un fi vil engagement
Eft pour une ame mercenaire .
D'un feul miroir j'ai fait les frais ;
Profitez de ce doux falaire ,
Vous ne déferterez jamais.
Et quoi vous n'ofez l'accepter !
Qui peut encor vous arrêter?
Ah! faut-il qu'un tel avantage
A votre amour n'ajoute rien ,
2. vol.
Cruel !
JUIN. 1728. 1339
Cruel ! vous manquez de courage ,
Quand onaime on fert toujours bien.
A Moulins , ce s . Juin 1728 .
jkakakakakaki kkkkkkk
SUITE du Voyage de Baffe- Normandie.
LETTRE CINQUIE'ME .
A Peine ,Monfieur , étions - nous de
>
retour de la Ville de Coutances
où j'ai fini ma derniere Lettre , que le
P. Prieur & un autre Religieux de l'Abbaye
de la Luferne , Députez par le R. P.
Abbé , qui étoit malade à l'infirmerie
vinrent pour la feconde fois au Château
du Grippon complimenter M. le Marquis
de Bethune , & le fupplier d'aller
voir leur Abbaye , ce qu'il ne fut pas
poffible de refufer , ni de remettre à un
autre temps. Le jour pris , il ne fallut employer
que deux ou trois heures pour arriver
à cette Abbaye . Elle eft fituée dans
un grand enfoncement au milieu d'un
bois de haute Futaye ; on ne peut rien
voir de plus defert & de plus faintement
affreux que cette fituation .
M. le Marquis de Bethune fut reçû au
2. vol.
de -là
1340 MERCURE DE FRANCE .
de- là de la porte de la premiere Cour par
le P. Prieur , fuivi de plufieurs Religieux
qui le conduifirent dans l'Eglife au ſon
des Cloches , jufques fur un Prie-Dieu ,
qui avoit été préparé devant le Grand-
Autel. Nous étions partis fi tard , qu'il
fallut nous contenter de quelques prieres ,
au lieu d'une Meffe Solemnelle que nous
devions entendre , pendant laquelle , à
l'Offertoire , & c . ces Religieux fe feroient
acquittés des devoirs aufquels ils font tenus
envers les Seigneurs de la Terre de
Grippon.
Nous trouvâmes cette Eglife fort bien.
bâtie , propre & fpacieuſe , mais dans une
grande obſcurité , à cauſe de la profondeur
du Terrain & des arbres qui l'environ◄
nent. J'ai tiré des Infcriptions , que j'ai
vues dans le Cloître & des Tombeaux
qui font dans l'Eglife , le peu de chofes
que j'ai à vous dire de l'hiſtoire de cette
Abbaye.
S. Nortbert fonda l'Ordre de Prémontré
en l'année 1120. Du vivant même de
ce Fondateur , un Seigneur de Grippon
nommé Aftulphe de Subligny fonda en
1143. dans fon Domaine , l'Abbaye de
la Luferne de Lucerna pour des Religieux
du même Ordre . Il avoit un frere nommé
Richard qui fut Evêque d'Avranches &
qui confacra l'Eglife au nom de la Sainte
2. vol.
TriJUIN.
1728. 1341
Trinité le 18. Octobre 1145. Il eſt enterré
dans cette. Eglife , & l'on y voit fa
figure en Marbre fur fon Tombeau . On
y voit auffi celle de Jean de la Mouche ,
l'un des defcendans d'Aftalphe de Subligny
, qui mourut en 1300. & celle d'un
autre Evêque , nommé le Bienheureux
Achar , auparavant Chanoine de S. Victor
, on ne fçait pas le temps de fa mort .
Il n'y a rien de fort curieux dans toute
cette Maiſon , fi ce n'eft la ftructure antique
de fes bâtimens , qui font vaftes ,
& prefque fans ordre ni fymmetrie . On
dit qu'ils font de la premiere Fondation , &
cela eft affez croyable. En reconnoiſſance
de cette fondation qui produit aujour
d'hui environ 8000. liv . de revenu , les
Abbés & Religieux de la Luyferne font
comme je l'ai déja dit, fujets à plufieurs de
voirs voici comment le Cartulaire du
Grippon s'en explique.
» ITEM , ledit Seigneur à caufe de la-
>> dite Terre du Grippon & de Subligny,
» eft Fondeur , lui & fes prédeceffeurs
» de Sainte Trinité de l'Abbaye de la Luy-
» ferne , où il y a plufieurs Prééminences,
» Obits , Dignitez & Libertez ; c'eſt à
fçavoir , quand ledit fieur du Grippon
» meurt , lui & fes Succeffeurs , & il veult
efluyre fa fépulture en ladite Abbaye
» ledit Abbé & Religieux font tenus de
>>
1
2. vol.
C≫ venir
1342 MERCURE DE FRANCE.
venir audevant du corps jufqu'à la pre-
" miere Cloaifon des murailles de ladite
» Abbaye recepvoir le corps avec quatre
>> Cierges & deulx Torches , & inhumer
» ledit corps en ladite Abbaye , foit en
» Ceur où en la Nef , là où ledit fieur du
» Grippon ordonnera de eftre mys, & dire
» Meffe à Dyacre & Soubzdyacre , Vêpres
>> & Vigiles de Mors . Item , font tenus
ledit Abbé & Religieux , quant ledit
» fieur du Grippon vouldra oüir la Meſſe
» & le Divin Service en ladite Abbaye ,
» où Ceur où en la Nef , de lui dreffer
» Banc , Sarge & Carreaux . Item , font
» fubgietz ledit Abbé & Religieux que
» toutes fois que ledit ficur du Grippon
» voudra aller à ladite Abbaye de la Luy.
» zerne , de les fubftenter lui fixiéme &
» fix Chevaux , de boire , viandes & d'au-
» tres chofes convenables pour fubftenter
>> ledit Sieur , & Serviteurs & Chevaux ,
» comme audit fieur appartient . Item , a
» droit ledit fieur du Grippon quant ledit
» Abbé de ladite Abbaye eft mort d'être
» à leur Election , que feront lefdits Re-
>> ligieux , & font tenus lefdits Religieux
» de faire à fçavoir audit fieur du Grip-
» pon à fon domicile dudit lieu du Grip-
>> pon , & fi le voulloir dudit fieur eft d'y
» aller , il ira fans qu'il ait voix en ladite
élection ; mais pour les garder , que on
2. vol.
>> ne
JUI N. 1728. 1343
» ne leur face nuyfance ne force en leur
» Election .
Cette Abbaye , après avoir été longtemps
gouvernée par des Abbés Réguliers
, a eû dans la fuite des Abbés Commandataires
; mais depuis peu de temps ,
les Religieux font rentrés dans leurs anciens
Droits , le feu Roy y ayant nommé
un Religieux de l'Ordre.
Au refte , ces Peres nous firent un trèsgrand
régale en poiffon , car on ne mange
point de viande chez eux : je fus furtout
charmé de cette abondance de coquillages
de toute efpece dont ils s'étoient pourveus
, & dont le P. Prieur eut la bonté de
me donner une piéce que j'avois nommée
le Monftre , laquelle j'emportai avec
moi à cauſe de ſa fingularité & de la groffeur
des pattes. C'étoit proprement une
Ecreviffe de Mer, qu'on nomme en Normandie
, comme à Paris , un Crabbe
terme entierement Grec , puifque * xápα-
fos en cette Langue fignifie la même
* Ce mot fe trouve dans les bons Auteurs
Grecs , pour marquer une efpece d'Ecreviffe
differente des autres.C'eft de- làqueVoffius prétend
que les Flamands ont pris le mot de Krabbe
, devenu enfuite François. L'Etimologifte ,
cité par Voffius , derive dexos de nae tête
& de Baiver marcher ; parce que cette Ecreviffe
marche fur fa tête , ou plutôt s'en aide
Pour marcher.
2. vol.
Cij chofe
1344 MERCURE DE FRANCE .
chole . En Provence on le nomme Efqui
nade , autre nom Grec Enivos donné
proprement à l'Heriffon de Mer , & c.
L'infirmité du R. P. Abbé m'empêcha
d'avoir l'honneur de le voir , je l'avois
connu & fréquenté à Paris ; mais j'allai
rendre vifite à l'un des plus anciens Religieux
de la Maiſon , qui avoit amaffé
quelques curiofités ; il avoit fu tout un
affez bon nombre de Médailles modernes
: celle qui me frappa le plus , fut une
grande piéce d'environ quatre pouces de
diametre. Le Heros de cette Médaille y
eft reprefenté en Bufte , armé d'une Cuiraffe
, fur le devant de laquelle on voit
Hercule , qui combat le Centaure . Ces
deux petites figures font dorées , le refte
de la Médaille ne l'eft pas . On lit tout autour
ces deux Vers pour toute inftruction.
Alter adeft Cæfar Scipio Romanus & alter.
Seu pacem populis , feu fera bella dedit .
La Médaille n'a point de Revers , &
elle n'a point été frappée , mais la face eft
affez nette & bien confervée. Je vous
avoie , Monfieur , que je ne connois
point encore ce perfonnage , à cheveux
courts , la tête couverte d'une Toque
&c. Je vous envoye toujours le deffein
2 vol.
de
M
•POPV
PVLISSEW
!
BELLA
ASTOR,
LENOX AND
TILDEN
FOUNDATIONS.
YOR
THE NEW YORK
PUBLIC LIBRARY .
ASTOR, LENOX AND
TILDEN FOUNDATIONS.
JUIN . 1728. 1345
de cette Médaille , le même que ce bon
Religieux avoit fait faire pour l'envoyer
à Paris , afin d'en avoir l'explication ;
vous en ferez part à nos Amis , & tel autre
ufage que vous trouverez à propos . Je
crois qu'on peut la propofer aux Curieux
comme une espece d'Enigme métallique .
>
*
Au retour de cette Abbaye nous trou
vâmes des Lettres de Paris , qui nous engagerent
à penser à notre départ de Normandie
, la Saifon étant d'ailleurs affez
avancée. Il fut déterminé pour la huitaine
, temps que j'employai à rendre quelques
vifites à la Nobleffe des environs
&c. Je vifitai furtout M. le Marquis , &
Madame la Marquife de Pierre - Font , qui
eft comme vous fçavez , Parifienne
deux perfonnes d'un merite particulier &
d'un commerce charmant . Le Château
de Beauchamp , où ils font leur féjour ,
a fa curiofité par fa fituation extrêmement
élevée , & où l'on n'arrive qu'après bien
des contours : il eft fort logeable , & les
environs en font tout- à- fait riants , par les
foins qu'on a pris de cultiver & d'orner le
Terrain , qui eft tout en terraffes , & fournit
de grandes com noditez en fruits , herbages
, & c. fans compter les Parteres qui
font des mieux entendus .
Je ne trouvai au Château du Menil-
Garnier que le Receveur , c'eft prefque
2 vol.
C iij le
1346 MERCURE DE FRANCE .
le feul Bâtiment moderne de quelque conféquence
qui foit dans tout ce canton . Il
a été conftruit fur le modele du Palais
d'Orleans , ou du Luxembourg de Paris :
l'Architecte a executé fur un moindre
Plan le même deffein , par les ordres &
aux dépens de Thomas Morant , Baron
du Menil- Garnier , Tréforier de l'Epargne
, Grand-Tréforier des Ordres du Roi ,
lequel a fait auffi bâtir affez près de ce
Château une Eglife & un Convent de Religieux
de l'Ordre de S. Dominique , en
affignant un fonds pour leur entretien . La
Terre du Menil - Garnier a depuis été érigée
en Marquifat , lequel eft forti de la
Famille de Mrs Morant , par la mort fans
enfans mâles de Thomas - Alexandre Morant
, Maître des Requêtes , Intendant à
Moulins & en Provence , & enfin Premier
Préfident du Parlement de Touloufe
.
A votre confideration je pouffai de - là
jufqu'à la Paroiffe du Menilhue , qui eft
une des Dépendances du Menil - Garnier ,
pour en voir le Curé , homme curieux &
d'un très bon commerce , mais avec le
quel il n'y a rien du tout à faire fur l'échange
Litteraire que vous aviez propofé,
malgré toutes les paroles données & confirmées
; & quoique tout le défavantage
foit de votre côté. Il conſerve au refte
2.201
très
JUIN 1728 . 1347
très- précieufement le Livre que vous lui
avez envoyéJani Cæcil. Frey D. Medici
Facult. Parif. & c. opera 1. vol . 8 ° . Paris
, 1645. & il a raifon d'en faire cas ,
l'Auteur étoit fon Ayeul Paternel , mais
felon le jugement de l'un de nos meilleurs
Critiques , cet Auteur n'étoit pas
capable de faire un bon Livre. Quoiqu'il
en foit , M. le Curé du Menilhue eft toujours
le même que vous l'avez vû , obligeant
, poli , bon Pafteur , & ayant fouvent
dans la bouche cette belle parole :
SEMPER RECTA , qui eft fa devife favorite
, écrite à la tête de tous fes Livres ,
&c. Cependant , comme je viens de vous
le dire , vous n'aurez point ceux qui vous
avoient été promis . Les Peres Frey & de
Neuville , fes Neveux , Jefuites , d'un merite
diftingué , n'étoient point là , quoique
dans le temps des Vacances. Le premier
enfeigne les Mathematiques à Caën ,
Janus Cæcilius Frey étoit fçavant , fi c'eft
étre Sçavant que d'avoir beaucoup lû ; mais
fi fçavoir eft connoître avec certitude , ou tout
aumoins avec probabilité , ordre netteté , il
n'étoit pas fçavant. Ses Ouvrages que j'ai vûs
font pleins d'une érudition indigefte ; & loin
qu'on y remarque de la Critique, on est souvent
étonné de la crédulité de l'Auteur. Ses petitsfils
ne lui reffemblent pas : ils ont autant de
goût que d'étude . Extrait d'une Lettre du
R. P. J
2. vol.
& C iiij
1348 MERCURE DE FRANCE .
& l'autre eft auffi Profeffeur à Blois . Je
n'y trouvai pas non plus M. Frey de Neuville
leur frere , Avocat au Parlement de
Rennes , qui aime les Lettres , & qui fe
diftingue parmi ceux de la Profeffion , le
même dont il eft parlé dans le Mercure
de Septembre 1722. à l'occafion de quelques
Piéces de fa façon , fur la Pefte de
Marſeille.
La Paroiffe du Menilhue eft contiguë
à celle de la Balaine , le bon Curé eut
grand foin de m'en faire fouvenir en le
quittant , & d'ajouter que la Dame de
cette Paroiffe le trouveroit fort mauvais ,
fi étant venu fi près de fa Maifon je n'a-.
vois pas l'honneur de la voir. Il acheva
de me déterminer en ajoûtant que les Livres
& les Papiers de Philippe de Mornay
, Seigneur du Pleffis- Marly , l'un des
plus fçavans hommes de fon temps , &
Ayeul maternel de M. de S. Germain ,
Seigneur de la Balaine , défunt époux de
la Dame en queftion , étoient encore dans
cette Maiſon. Je trouvai dans les avenuës
le Chevalier Daubigny , frere de la Dame,
qui revenoit de la Chaffe : nous eûmes
bien-tôt renouvellé connoiffance &
nous arrivâmes enfemble à la Maifon Seigneuriale,
où je fus reçû le plus obligeamment
du monde . On ne parloit pas moins
que de m'y retenir plufieurs jours , mais
2. vol.
JUIN. 1728. 1349
à force d'inftances j'obtins que je partirois
le lendemain. On joua , on le promena ,
on but & mangea longuement , & j'eus
bien de la peine à trouver une heure de
temps pour voir le Cabinet où font confervées
les dépouilles Litteraires du Sçavant
Mornay.
J'y trouvai beaucoup de Livres , prefque
tous d'érudition Eccléfiaftique & de
Controverfe ; j'y vis le Manufcrit Original
de fon Ouvrage fur l'Euchariftie , qui
fut le fujet de la fameufe Conférence de
Fontainebleau en l'année 1600. entre
N. du Perron , Evêque d'Evreux , depuis
Cardinal , &c . & lui. Je vis beaucoup
d'autres Manufcrits qui marquent la capacité
& le goût de du Mornay, qui fçavoit
les Langues & beaucoup d'autres choſes
qu'on négligeoit alors . Parmi les Papiers
de Famille je trouvai qu'il fut Confeiller
d'Etat , Capitaine de cinquante hommes
d'Armes , Gouverneur de la Ville & du
Château de Saumur . Il fut élevé dès fon
enfance dans la Religion P. R. par Françoiſe
du Bec fa mere , & mourut au mois
de Novembre 1623. Il eut plufieurs filles
de fon mariage avec
defquelles , fçavoir Elizabeth de Mornay
, époufa Jacques de S. Germain
Seigneur de la Balaine , &c . Anne de
Mornay , foeur puifnée d'Elizabeth , époul'une
"
2. vol. fa Cy
1350 MERCURE DE FRANCE ..
fa en fecondes Nóces Jacques Nompar de
Caumont , Duc de la Force , Pair & Maréchal
de France .
On eût grande envie le lendemain de
me manquer de parole , máis on me laiffa
enfin partir , fort fatisfait de ma vifite .
La mort de M. le Marquis de Pirou >
Claude de Vey , Marquis de Piron &
de By arrivée depuis mon dernier
Voyage , me difpenfa d'aller , felon ma
coûtume , au Château de Breffey , où ce
Seigneur qui m'honoroit d'une amitié
particuliere faifoit fa demeure ordinaire ..
C'est une des plus belles Maifons de la
Province : les Connoiffeurs en admirent
furtout le grand Eſcalier qui eft d'un deſfein
fingulier , & d'une hardie execution.
Je n'allai point non plus à Pirou , quoique
le Château de ce nom foit encore plus
curieux , & plus renommé que l'autre . Il
eft vrai que cette renommée est un peu
chinerique , & tient quelque choſe de
celle de la fondation de Rome.
Le Château de Pirou , d'une structure
très antique & des plus folides , eft fitué
prefque fur le bord de la Mer , auprès du
Port de Granville . Sion en croit une vieille
Chronique & la Tradition duays , il
fur bâti par un grand Seigneur bon Magicien
, & par les filles célebres Fées
qui fe métamorphoferent en Oyes fauva-
2. vol.
ges
JUIN. 1728. 1351
ges , lorfque les Normans vinrent s'emparer
de la Neuftrie , & qu'ils parurent
pour la premiere fois au Havre de Pirou .
Ce font , ajoûte la Chronique , ces mêmes
Oyes qui viennent tous les ans faire
leurs nids dans des trous ou niches de
pierre qui font au pied des murailles du
Château. Des Oyes fauvages en effet , ne
manquent jamais de venir tous les ans
au commencement du Printemps prendre
poffeffion de ces niches , dans lefquelles
on a foin de mettre du foin ou de la paille :
& c'eft fans doute ce qu'il y a de plus ve-"
ritable dans les differentes hiftoires qu'on
débite fur ce fujet . M. de Scuderi , dans
fon Almaïde , fait une magnifique Defcription
du Château de Pirou , fous le
nom de Befmeliane , &c. & André du
Chêne ne l'a pas oubliée dans fon Livre
des Antiquitez , Villes , Châteaux , & c .
de France . Il l'appelle le fort Château de
Pirou , où il y a , dit - il , beaucoup de Cignes
& d'Oyes fauvages .
Je revins au Grippon par laVille d'Avranches
,dont je vous ai parlé dans ma derniere
Lettre. Je trouvai dans un Manufcrit des
Archives de la Cathedrale où je fis en paffane
quelques recherches qu'il y avoit autrefois
des vignes aux environs de cette
Ville , & qu'on payoit à un Chanoine la
dixme du Vin & des Raifins. Vous voyez ,
2.vol.
C vi Mon
1352 MERCURE DE FRANCE .
:
Monfieur , que la Normandie avoit auffi
fes Vignobles , en ajoûtant celui - ci à
ceux dont j'ai déja fait mention dans mes
précedentes Lettres mais les coteaux
Normands n'ont apparemment pas approché
de la réputation de ceux qui ont
donné lieu à un Differend & aux Triolets
imprimez dans le Mercure. On trou
ve pourtant que le vin de Collinhou près
de Rouen l'emportoit fur tous les vins de
Normandie, & que cela étoit paffé en un
vieux Proverbe , qu'il a plû à Robert
Cenalis , Evêque d'Avranches , de nous
conferver dans le quatriéme Livre de fon
Hiftoire.
Le vin trenche bouyau d'Aurenches
Et rompt ceinture de Laval ,
A mandé à Regnault ( a ) d'Argences ,
Que Collinhou aura le gal.
trouvai dans ces mêmes Archives
la confirmation de plufieurs faits Hiftoriques
& Genealogiques , que j'avois déja
( a ) Il y a encore aujourd'hui des Vignes à
Argences , Paroiffe prochede Caën . Pagus Argentiarum
racemaria foecunditate plufquam
vini maturitate memorabilis . Uni in tota Neuftria
cedit qua apud Rothomagum eft vitifera
cultura : quam vulgo Collinhou appellant ; id
atteflante veteri Adagio. R. Cenalis, pag 155.
2. vol.
ap
JUIN 1728. 1353
appris par le Cartulaire du Grippon , &
je fis d'autres découvertes . Olivier Teffon
, Seigneur de la Roche Teffon & les
Deſcendans , Seigneurs du Grippon , y
font une grande figure dans plufieurs titres
de Fondations , & c.
On y voit auffi que cet Olivier Teffon
avoit épousé Anfelme de Subligny, fille &
feule heritiere de Hacoulz de Subligny ,&
de Dame Deniſe d'Avranches , Seigneurs
du Grippon , de Subligny , d'Avranches ,
de Marcé , & c. Icelle Denise d'Avranches
, fille de Othaire d'Avranches . La
Maifon ( b ) d'Avranches avoit dans fon
Domaine au Xe fiécle , la Ville d'Avranches
& plufieurs grandes Terres aux environs
: Celle du Grippon étoit de ce nombre
. La Maiſon de Subligny étoit une
branche de celle d'Avranches, laquelle eft
enfin tombée dans celle de Teffon , l'une
des plus anciennes de la Province .
Jehan Teffon , Seigneur du Grippon
& c. arriere - petit Fi's d'Olivier Teflon ,
avoit époufé Dame Marie Painel , Dame
(b ) Cette Maifon étoit tres- confiderable &
dans de grandes alliances avec les plus illuftres
de France & d'Angleterre . Renaud de Courtenay
mort en 1209. avoit épousé Havoife , fille
de Robert d'Avranches , & de Mahaut ,Baronne
d'Okeampion , Mariage qui a donné à cette
branche de la Maifon de Courtenay, une posterité
de plus de trois fiecles.
2. vol.
de
1354 MERCURE DE FRANCE .
· de Hocquiny , &c. mariage qui donna
naiffance à Catherine Teffon leur unique
heritiere,laquelle époufa Jean de Villiers,
Chevalier , Seigneur du Grippon & de
Subligny par ce mariage , & Baron du
Hommet , de Pacy , &c . qualifié de Connétable
Heredital de Normandie , & c. Ce
Jean de Villiers eft reconnu pour Chef
de l'illuftre Maifon d'où font fortis les
Ducs de Buckingham en Angleterre.
Marie de Villiers fa fille aînée & principale
heritiere , époufa Gilles Tournemi
ne Chevalier , Seigneur de la Hunaudaye,
&c. Jehanne de Villiers fa four puifnée,
époufa René de Fefchal , Chevalier , Seigneur
de Poligny de Marboué , &c . &
lui apporta en mariage la Terre du Grippon
avec les dépendances. Deux autres
feurs acheverent de partager la grande
fuccellion de Jean de Villiers , & Marie-
Catherine de Teffon fon épouſe , Dame du
Grippon , & firent des alliances à peu
près femblables.
Du mariage de René Fefchal & de
Jehanne de Villiers , fille de Catherine
Teffon , nâquit Jean de Fefchal, Seigneur
du Grippon , & c . c'est lui qui fit faire ce
beau Recueil de Chartres , Titres , & c.
qui forment le Cartulaire dont j'ai parlé ,
& qui s'accorde fi bien avec les Archives
de l'Eglife d'Avranches. Il le fit enfuite
2. vol. rendre
JUIN. 1728. 1355
1
rendre authentique , avec les formalitez
requifes , fuivant le procès verbal qui eft
à la fin , en date du 22. Septembre 1530.
Enfin ce même Jean de Fefchal aliena
quelque temps après cette belle ferre.Le
Contrat que j'ai vû porte qu'elle fut venduë
par Mellire Jean Fefchal , Cheva-
» lier , Seigneur Châtelain du Grippon
» & de Marboué , & Loys de Feſchal ,
Ecuyer , fon fils aîné , fieur de Poligny
» & de Forcey, à Noble & Honoré Sicur
Maitre Antoine le Marchant , fieur de
» Cavigny & de Chavoy , Conieiller du
Roy en fa Court de Parlement à Koüen ,
» le Jeudy tiers jour de May 1537. J'ay
parlé ailleurs de la Nobleffe & de l'Ancienneté
de cette Famille .
>>
>>
Je m'avifai la veille de notre départ
d'aller faire un tour au Bourg de la Haye-
Paynel , éloigné du Grippon feulement
d'une demi lieuë ; je m'y rendis à pied
& en chaffant. Ce Bourg n'eft aujourd'hui
confidérable qu'à cauſe de ſes Marchez
qui font des plus grands & des plus
fréquentez du pays . Paganel , Paganelius ,
d'où eft venu le nom de Paynel , étoit un
Officier de Guerre , diftingué dans les premiers
temps que la Normandie fût occupée
par les Anglois .
On donnoit alors le nom Germain ou
2. vol. Saxon
1356 MERCURE DE FRANCE.
Saxon de Haga ( a ) Haye , à une efpace
de Terrain clos & enfermé par une Paliffade
de gros Pieux & d'autres bois difpofez
à cet ufage . Cet enclos fervoit de
retraite & de demeure aux Officiers &
aux Gens de Guerre , qui étoient auffi
les Maîtres des Terres des environs.Telle
eft , felon les anciens Ecrivains Normans
, l'origine & l'Etymologie du nom
& de la Seigneurie de la Haye - Paynel ,
dont ce Capitaine Paganel fut comme le
fondateur & premier proprietaire . Ses
(b) fucceffeurs formerent la Maiſon de
Paynel qui a été illuftre durant plufieurs
fiecles dans la Normandie , alliée des plus
grandes Maifons , tant de cette Province
que des autres , comme d'Etouteville
d'Harcourt , Daubuffon , de Matignon ,
de Rohan , de Teffon , &c . On trouve
qu'elle devint fi opulente , qu'à l'occafion
du mariage dont j'ai parlé cy- deffus
de Jean Teffon avec Marie Paynel , on
fit une espece de Proverbe qui dure encore
dans le Pays : Teflon le Noble, & Paynel
le Riche.
(a) Haga feps , fepes , fepimentum ex virgultis
confectum Germanis Hage , & c. Anglo
Saxonibus Haez (Hage) &c etiam fumitur pro
militari vallo quod ex Palis conficitur gallicè
Palliflade. Du Cange.
( b ) Duo fuere Paganelli Fulco & Guillelmus
Fratres , an. 1171.c. Sigibert Chron. I. vol.
Cette
JUIN. 1728. 1357
13
Cette derniere Maifon eft éteinte , du
moins je ne connois perfonne qui en
porte le nom , ou qui prétende en defcendre.
La Terre de la Haye - Paynel appartient
aujourd'hui à la Marquife de Pontcalet,
de la Province de Bretagne . Il n'en
eft pas de même de la Maifon de Teffon.
M. de Teffon , Ecuyer de S. A. S. M. le
Duc d'Orleans , en defcend ; & il y a encore
d'autres Gentilshommes Normans
qui en font iffus , & qui portent le même
nom . Gilles - André de la Roque , Autheur
de l'Hiftoire de la Maifon d'Harcourt
, 2. vol. fol. Paris 1662.parle affez
au long de celle de Teffon , tom . I. lib.8.
pag. 319, & c. A la fin du même tome on
trouve une addition dans laquelle il eft
parlé particulierement d'Olivier Teffon
Seigneur du Grippon . Selon cet Autheur ,
les Armes de Teffon font fafcées de fix
piéces , de Paille & d'Hermine ; & felon
l'Armorial de Céfar de Grand- Pré , Teffon
porte : Fafcé d'Hermines & de Sinople
de fix pieces ; ce qui paroît plus
exact .
Je n'étois pas venu , Monfieur , au fameux
Bourg de la Haye - Paynel pour y
faire des Remarques Historiques ; le deffein
eut été témeraire ; le peu que vous
en voyez icy par occafion & par convenance,
eft tiré d'ailleurs que des Archives
4
2. vol. du
1358 MERCURE DE FRANCE .
chives du lieu , où à peine voit-on un
Notaire.
Je comptois fort de revenir dîner au
Grippon , après avoir vû à la Haye quelques
perfonnes que je croyois bien d'y
rencontrer un jour de marché , mais il
me fut impoffible de réfifter aux politeſfes
& aux inftances du Curé de cette Paroiffe
, qui donnoit à dîner ce jour -là au
Receveur des Aydes & à deux Notables
du lieu . On fe mit à table un peu tard &
le repas fût long , principalement à caufe
d'un incident .
Il furvint vers le milieu un Gentilhomme
des environs , fuivi de fes Chiens , &
entraîné , difoit - il , jufques là par l'ardeur
de la Chaffe. C'étoit un vrai Gentilhomme
à Lièvre , & du calibre de ceux que
Cervantes a fi bien peint au commencement
de fon Dom Guichote . Au furplus
grand hableur & fort entêté; on ne s'en
apperçût pas d'abord , car il mouroit de
faim en arrivant mais au bout d'une demi
heure notre homme fe rendit le maîtrede
la converfation & s'érigea en préfident
de la Table . Il commença par nous vanter
fes Proueffes de Chaffe , la bonté de
fa Meute ; terme qui à voir fes Chiens ,
faifoit rire jufqu'aux Valets , & rappelloit
le fouvenir des Chaffeurs de Moliere.
2. Vol.
De
JUIN. 1728. 1389
De ces gens qui fuivis de dix Hourets galeux
Difent ma Meute & font les Chaffeurs merveilleux.
"
Il parla enfuite Procès , fpécialement
de celui qu'il avoit contre des voiſins
qu'il appelloit fes Vaffaux. Par malheur
les deux Notables , nos convives , un peu
trop grecs fur cette matiere , s'aviferent
d'en trouver le fonds injufte & la procedure
irreguliere . Il n'en fallut pas davantage
pour former un grand débat & prefque
une querelle,que je tâchai de calmer
en prenant une bouteille de ce gros vin de
Bourdeaux , qui vient par mer en Normandie
, de laquelle je verfai à la ronde.
Quel poifon me donnez vous là ? dit
>> notre Gentilhomme , fçachez que ce vin
» ne vaut pas le moindre Cidre de ce
>> Canton , qu'on continuë de m'en verfer ,
>> celui de céans eft de l'Olif , & cela me
» fuffit . Le Receveur des Aydes , Franc-
Bourguignon, crut de bien ripofter en difant
» Il eft fâcheux , Monfieur , qu'il
» n'y ait icy ni vin de Bourgogne , ni vin
» de Champagne , vous laifferiez là votre
» Cidre . Corbleu , repliqua le Chaffeur ,
tous les vins du monde ne fçauroient
entrer en comparaifon avec nôtre Or
fondu du Grippon , de Subligny , de l'O-
2.vol.
lif
1360 MERCURE DE FRANCE .
lif, & c. c'eft ainfi qu'il qualifioit le Cidre
de ces Cantons , les plus celebres, à la verité
, de toute la Normandie à cet égard .
Ces paroles n'eurent pas plutôt été lâchées
par le Normant & relevées par le
Bourguignon , qu'il fe forma entr'eux une
conteftation qui devint bien -tôt vive ; ce
dernier ayant de meilleurs poulmons &
foûtenant une meilleure thefe , eût plufieurs
fois le deffus . Son adverfaire après
avoir épuifé les lieux communs & les in
jures , eut recours aux authoritez . Après
l'Ecriture , celle d'un Médecin Normant ,
nommé ( a ) Paulmier , qui a fait un curieux
Traité fur le Cidre , &c . ne fût pas
oubliée. Le Receveur qui avoit de la lecture
ne s'en tint pas plus battu ; l'Ecriture
& plufieurs Autheurs furent par lui
citez en faveur du vin ; il foûtint même
( érudition perduë) que cette liqueur étoit
autrefois dans le rang des meilleurs remedes
, & que les Medecins Arabes ordonnoient
le Cherab , c'eſt- à- dire , le vin
( a) Julien Paulmier , Palmerius , natif de
Coutance , & Medecin de la Faculté de Paris ,
a compofé en latin deux petits Traitez fur le
Vin & fur le Cidre , imprimez d'abord à Paris,
1. vol. in 8. 1588. & l'année ſuivante à Caën ,
traduits en François , par l'Auteur. Ces deux
Editions ne fe trouvent plus . Je crois que cet
Ouvrage a été réimprimé depuis .
2.001.
en
JUIN. 1728. 1361
en leur langue , pour plufieurs maladies ,
d'où eft venu le nom general de Syrop.
Le Diable m'emporte , interrompit brufquement
notre Chaffeur, fi je connois aucun
de ces gens là; c'étoient apparemment
des foux comme vous , M. le Receveur ,
&c. Il fe fit là- deffus , comme vous pouvez
le penfer , un grand éclat de rire, qui
auroit terminé la Comedie , fi le Gentilhomme,
fans fe démonter , n'eut continué
en ces termes: Et pour vous montrer, Mrs,
que j'ai toute la raifon de mon côté, voici
une piece décifive que je porte toûjours
fur moi , & contre laquelle il n'y a point
de replique. C'est un Docteur de Paris qui
l'a compofée. Là- deffus il tira un vieux
Portefeuille dans lequel , avec fes Lunettes
& fon Peigne , il y avoit beaucoup de
papiers , la plupart timbrez : Tenez , me
dit- il, en meprefentant un de fes papiers :
Lifez , je vous prie , tout haut , la condamnation
de ce bon Monfieur & de fes pareils
.
"
Je fus fort étonné de trouver dans ce
papier une Ode Françoiſe fur le Cidre, &
encore plus quand après avoir lû tout bas
la premiere Strophe, je reconnus que c'étoit
une traduction de la belle Ode latine
de M. du Hamel , qui fut fi fort applaudie
du temps de la fameufe difpute fur
la préférence des Vins , &c. Difpute dans
2. vol.
laquelle
1362 MERCURE DE FRANCE:
1
laquelle on mêla incidemment le Cidre ;
la Bierre , l'Eau , & qui donna lieu à plufieurs
Piéces de nos meilleurs Poëtes . J'en
ai quelque part un Recueil , qui devient
complet par le moyen de cette traduction
que j'ignorois : & afin que notre convive
ne s'avifat pas de me la refufer , je lus
la Piéce avec emphaſe , je la loüai fort ,
& je loüai auffi fon bon goût. La Compagnie
en marqua de la fatisfaction , &
le Partifan du Cidre crût avoir gagné
fon procès. Il en fit verfer à tous des rafades
, m'embraffa plufieurs fois , & me
permit de faire copier l'Ode par le Magifter
du Village qui fut mandé fur le
champ. Je la joints à ma Lettre comme
une Piéce des plus fugitives , & qui mérite
d'être tirée de l'oubli. Je fuis Mon
fieur , &c.
2. vol.
Le
JUIN. 1728. 1363
LE CID RE.
O D E.
Quis rumor aures perfonat infolens ? &c.
Q
Uelles font ces voix indifcretes
Qui fe font entendre en tous lieux ?
Quoy ! Mufes , ( a ) deux fameux Poëtes
S'ofent quereller à vos yeux !
Pour quel fujet leur vaine audace
Allarme-t'elle du Parnaffe
Les pacifiques habitans →
Pour du vin ! Je le croi à peine ,
Quoi ! des buveurs de l'Hippocrene
Le vin feroit des combatans ?
Poëte , la guerre eſt fatale
Que caufe un vain entêtement :
La faute entre vous est égale ,
Pareil fera le châtiment :
( a ) M. Coffin & Grenan , Autheurs des Odes
fur le vin de Champagne , & fur le Vin de
Bourgogne.
2. vol.
Car
1364 MERCURE DE FRANCE:
Car pourquoi par vos vers infignes
Loüer tant le jus de vos vignes.
Et blâmer les autres liqueurs ?
Quoy ! la Bourgogne & la Champagne ,
Seule du Pays de Cocagne
Ont elles toutes les douceurs ?
Je veux bien que Bacchus excite
Le Phlegme d'un trop froid rimeur ,
Et que du Guerrier il irrite
Quelquefois l'indolente humeur ;
Mais ce feu de peu de durée
N'a qu'une ardeur accelerée ,
Qui naît & périt à la fois ,
Et files Deftins trop faciles
Laiffent vieillir ces imbeciles
La goute les met aux abois.
Mais , Pomone , tes privileges
Signalent bien mieux ta liqueurs
Tu mets dans ceux que tu proteges
Un eſprit folide , un grand coeur ,
Tem oins ces Heros dont la gloire
Gravée au Temple de Mémoire 2. vol
Honorent
JUIN.
1365
1728.
Honorent leur integrité ;
Témoins les Sçavans , dont la plume
A fçu par plus d'un beau volume
S'acquerir l'immortalité.
Dieux ! quelle Affemblée éclatante
D'éloquens & braves Céſars !
Mufe , leur nombre m'épouvente ,
Sauvons- nous , fuyons les hazards :
Ce n'eft pas à mes foibles rimes
A tracer les vertus fublimes
De ces grands Soutiens des Etats ;
Et vouloir fans voix & fans force
Suivre une fi flateufe amorce ,
C'eft courir fans fer aux combats.
Oui , chers favoris de Pomone ,
Qui buvez fon jus à longs traits ,
Contens des biens qu'elle vous donne
Pour vous le vin eft fans attraits ;
Vous évitez ces fucs perfides ,
Qui rendent leurs buveurs ftupides ,
Ou qui renverfentla raiſon ,
Et la liqueur traîtreffe & dure ,
vol.
D
Qu
1366 MERCURE DE FRANCE .
Qui tranche & rompt mainte ceinture ,
Eft pour vous un fatal poiſon .
Mais tels qu'une belle prairie
Qu'arrofe un paiſible ruiffeau ,
Toujours verte , toujours fleurie ,
N'offre rien aux yeux que de beau ;
Nourris du divin Jus des Pommes
Les Normands , entre tous les hommes,
Sont robuftes & gracieux ;
Et leur grand genie en fa courſe
Eit un Fleuve qui dès la fource
N'a rien eu que de merveilleux .
O Cidre ! ô celefte Ambroisie !
Des dons que les Dieux nous ont faits
Quinteffence , Elixir de vie ,
C'eft toy qui produis ces effets .
Poëtes , dans cette mer d'ambre ,
Dans ce charmant Jus de Septembre ,
Yoyez le jouer les Saphirs :
Dicux ! quelle exhalaifon divine
S'élevant dans cette Piſcine
Moüille les ailes des Zéphirs!
2.201. Faur
JUIN.
1367
1728 .
Faut-il s'étonner fi la Troupe
Des Mufes , ces divines Soeurs ,
Ayant goûté de cette coupe
En eftima tant les douceurs ?
Si , defon pays exilée ,
Elle en fut bien-tôt confolée ,
Ayant fait un plus digne choix .
Enfin fi fa reconnoiffance
Au Cidre donna la puiffance
Que l'Hippocrêne eût autrefoîs ?
Depuis cette heureuſe arrivée ,
Le Cidre empreint d'un feu divin ,
De la nature dépravée
Corrigea le mauvais levain .
Dès lors chez vous , belle Neuſtrie ,
Et la fageffe & l'induſtrie
Trouverent un charmant féjour ;
Et l'on vit de vos riches Plages
Sortir de tous rangs , de tous âges ,
Mille grands hommes chaque jour.
C'est ainsi , Déeffe fincere ,
Que vous repandez vos faveurs
2.vol. Sur
D ij
7368 MERCURE DE FRANCE
Sur chaque Mortel qui préfere
Votre Jus aux autres liqueurs.
Loin de fouffrir qu'aucun des vôtres
Cede jamais la palme à d'autres ,
Vous comblez leurs plus doux fouhaits ;
*
Vous qui mépriſez nos breuvages ,
Ppëtes , dans le vin peu fages ,
Dormez & n'écrivez jamais.
Vos , o Prophani , queis malè confciis
Sordent amana munera Neuftria ,
Torpere damnofo veterno
Digna cohors , procul efte vates.
J. DUHAMEL , Eloquentia Profeſſer
in Graffinao.
2. vol. LETTRE
JUIN. 1728. 1369
LETTRE écrite de Toulouse le premier
Novembre 1725. à M. de Lapeyronie
, Premier Chirurgien du Roi , par
M. Jean Fefte , cy- devant Chirurgien-
Major du Regiment de la Feuillade
Infanteries fur un fait fingulier de Chirurgie.
E fçai avec quelle attention , Monfeur
,vous cherchez à approfondir les
miracles de la Nature , & que la fanté de
l'homme étant votre principal objet , vous
aimés qu'on vous faffe part de ce qui
lui arrive de fingulier , & qui peut l'intereffer.
J'ai l'honneur de vous préfenter
la relation exacte & fuccinte , d'un fait
de Chirurgie qui m'a paru nouveau ; &
fi vous le jugés digne d'être donné au Public
, je fuis perfuadé qu'elle fera bien
mieux reçue partant d'une plume comme
la vôtre. J'ai parcouru les écrits des plus
célebres Auteurs qui nous ont donné des
Obſervations , & je n'en ai point trouvé
de pareilles. Je joins au récit du fait la
maniere dont je me fuis comporté , &
quoique le fuccès m'ait favorifé , je ne
croirai ma méthode digne de fervir de
2. vol.
Diij Régle
1370 MERCURE DE FRANCE:
Régle dans un cas pareil , que lorfqu'elle
aura cû votre approbation.
Le 27. du mois d'Octobre 1724 , la
femme de M. le Noble , très - habile Chirurgien
de cette Ville , accoucha d'un
garçon deux jours s'étant écoulez fans
que l'enfant vuidat le Meconium , on s'apperçût
que non -feulement il n'avoit point
d'anus mais même que les deux feffes
étant jointes enſemble , ne faifoient qu'un
tout imparfait , fans aucun veftige de raye
pour les féparer.
>
♪
M. le Noble me pria de voir fon fils ;
je m'y tranſportai , & l'ayant trouvé dans
l'état que je viens de décrire , je crûs
qu'il étoit neceffaire de lui faire promptement
un anus , partie fi neceffaire & que
la nature lui avoit refuté. La maigreur de
l'enfant, fa foibleffe extraordinaire , l'impoffibilité
où il étoit de prendre le teton
& la tenfion confiderable de fon ventre
d'où le Méconium remontant par un mouvement
antiperistaltique jufques dans l'eftomach
, fortoit par un mouvement continuel
& menaçant d'une mort prochaine ,
me paroiffoient des accidens affez graves
pour engager à y porter un prompt fecours.
On le fit promptement baptifer ,
& le pere me pria d'operer . En m'en chargeant
, je le priai d'appeller un Medecin
& deux de fes confreres . Il manda M. de
2. vol. Lord a
JUIN. 1728. 1371
ns
es
Lord , Profeffeur , dont le nom , l'habileté
& la probité vous font connus , avec
Mrs Peironet & Sainte, très - habiles Chirurgiens
, à qui le fait parut nouveau comme
à moi. M. Peironet , très - habile Accoucheur
, nous dit qu'il avoit vû un enfant
, non dans le cas de celui - ci , mais
dont l'anus étoit feulement clos , qu'on
le lui avoit ouvert , & que cette operation
ne l'avoit pas empêché de mourir
trois femaines après , qu'ainfi il hefitoit
à confentir à cette operation , d'autant
plus qu'il craignoit que les parois de l'inteftin
rectum , ne fuffent colés l'un à l'autre.
Je penfai autrement , & je conclus à
une operation douteuſe , plutôt que d'attendre
une mort certaine & prompte. Le
pere , qui étoit Chirurgien , décida entre
& fut de mon avis. Je me mis en
devoir d'operer ; je fis tenir l'enfant par
la Sage Femme , je lui mis un oreiller
fous le ventre ; & lui faifant tenir les
cuiffes écartées , les jambes un peu pliées ,
le dos tourné vers le jour , je reconnus
avec mon doigt le Coccix , & je marquai
avec de l'encre l'endroit où j'avois deffein
d'operer. Je pris une grande lancette
à abfcès , dont je portai la pointe fur l'endroit
que j'avois marqué ; & tournant
l'un des tranchans vers le Coccix , & l'autre
vers le Raphe , je l'enfonçai prefque
nous ,
2 vol.
Diiij toute
1372 MERCURE DE FRANCE.
toute entiere jufqu'à l'endroit où je pen
fois qu'étoit l'extrémité du Rectum . II
en forti un vent , ce qui me fit bien augurer.
Je quittai cette lancette pour en
prendre une plus petite , que je portai
dans la même ouverture , auffi avant que
la précédente , mais dans un fens oppolé ,
c'est - à - dire , que les deux tranchans regardoient
les deux feffes . Dans l'inſtant
le Méconium fortit en grande quantité ,
& le volume du ventre diminua confiderablement.
Je mis dans l'ouverture un
bourdonet attaché à un fil , trempé dans
de l'huille d'amendes douces, & par deffus
des plumaffeaux & compreffes,le tout foutenu
d'un bandage convenable. Je mis
fur le ventre des fomentations émolientes.
Le lendemain , je fis des injections dans
le Rectum , avec de l'eau & de l'huille
d'amendes douces , & je fis prendre à
l'enfant une demie- once de fyrop de fleurs
de Peché , ce qui le purgea fort bien . Il
prit des forces , & fur en moins de quinze
jours en état de fupporter une feconde
operation beaucoup plus douloureufe que
la premiere. Il s'agiffoit de lui faire deux
feffes. D'abord j'alongeai l'inciſion du côté
du Raphé , enfuite ayant introduit une
fonde crenelée , jufqu'à la marge de l'a
nus , je portai dans fa crenelure un Biftouri
droit , & je coupai de bas en haut ,
2. val.
pouffant
JUIN. 1728. 1373
pouffant l'incifion vers le Coccix . Cela
donna un peu de fang ; je l'arrêtai avec
desBourdonets de charpie feche que je mis
dans le fond de la playe . J'en mis d'autres
par deffus , trempés dans un digeftif
fimple ; je mis des compreffes & un bandage
pour contenir le tout.
Quelques jours après ayant mis la playe
en fupuration , j'en couvris les bords avec
de petites bandelettes de linge , garnies de
pompholix , ce qui fit un effet merveil-
Teux . Cependant M. le Noble nous propola
de mettre entre les deux feffes des
écailles d'Huitres calcinées , pilées & mifes
en poudre , afin de deffécher & faire
cicatrifer l'extrêmité des fibres charnuës
que j'avois coupées : cela réuffit auffi , &
en moins de quinze jours la cicatrice fut
faite de maniere que les feffes de cet enfint
font auff naturelles & auffi bien moulées
que celles des autres .
La fingularité du fait m'a engagé de
rendre cette obfervation publique , &
j'ai crû devoir laiffer paffer une année
pour rendre compte de la fanté de l'en
fant , qui eft gros & gras , contre l'attent
de bien des gens qui fe perfuadoient qu'i
ne pouvoit furvivre long -tems à une pa-I
reille operation .
Le fait eft attefté par les Medecins &
Chirurgiens qui étoient préfents à l'opera-
2. vol.
D v tion,
1374 MERCURE DE FRANCE.
tion comme vous pouvez le voir , par
leur feing, au bas de la Relation . J'ofe me
Alatter , onfieur , que vous recevrez favorablement
ce que j'ai l'honneur de vous
préfenter. Je proate de cette occafion pour
vous affurer du refpect avec lequel j'ai
l'honneur d'être , &c .
RE'TONSE de M. de Lapeyronie , écrite
de Marly le 2. Avril 1725 .
Ai lû , Monfieur , la Relation que
Jvous m'avez adreffée ; elle m'a paru
fingulere . Je vous fais mon compliment
de ce que l'operation que vous avez faite
a ti bien réuli Il n'eft pas ordinaire que
les teffsfe colent auffi parfaitement qu'elles
l'étoient dans ce fujet . Le fuccès juftifie
la conduite que vous avez tenue , qui
étoit certainement la meilleure qu'on pouvoit
tenir . S'il le trouve un jour quelque
occafion où je puiffe vous faire plaitir
j'en profiterai volontiers. Je fuis très- parfaitement
, &c.
?
2. vel.
RE
JUIN. 1728. 1375
REGULUS
POEM E.
Qui a remporté le Prix deftiné à ce genre
de Poëfie par le jugement de l'Académie
des Jeux Floraux en 1728 .
-M
Ufes , retracez - moi ce Romain magnanime
,
Qui fut de fon ferment l'efclave & la victime
,
Sous les plus nobles traits offiez - nous Regulus
;
Infpirez- moi des Vers dignes de fes vertus ,
Dans le
teſſe ,
camp des Romains d'où naît cette trif-
Chez les Carthaginois que de cris d'allegreffes
Regulus eft tombé dans un piége fatal ,
Déteftable fecret de l'empire infernal ;
Sans prévoir les horreurs que la terre recele,
Ce Heros fe confis à fon fein infidele ;
Soudain on le faifit , on le charge de fers
Que Regulus eft grand dans ce trifte revers ,
2. vol.
Tout D vj
1376 MERCURE DE FRANCE.
Tout défarmé qu'il eft , il fait trembler Carthage,
Et Xantippe lui- même admire fon courage ;
Regulus, lui dit - il , trois cens Carthaginois
Gémiffent dès long tems fous vos honteuses
loix ;
Retournez au Senat , faites qu'on nous les
rende ,
Et j'accorde aux Romains une faveur plus
grande ,
Je conferve vos jours & vous rends à leurs
voeux ,
Vous agirez pour vous en travaillant pour
eux :
Que de votre retour votre foi foit le gage ;
Mon coeur qui vous connoît ne veut point
d'autre otage .
Regulus promet , part, arrive , le Senat
Ne le trouve attentifqu'au falut de l'Etat ,
Vos captifs font nombreux , jeunes , vaillans
illuftres ,
Pour moi , dit Regulus , j'ai fourni douze
lufties ,
Je fuis feul , épuifé par d'affidus travaux ,
Ce que j'ai fait pour vous , & le peu que je
vaux ,
N'exigent pas , Romains , de fi grands Sacrifices
;
2. votos
Non,
JUIN.' 17288 1377
Non , livrez-moi plutôt aux plus cruels fupplices
,
Que de vous perdre tous pour me fauver le
jour :
A vos fiers ennemis j'ai juré mon retour ;
Ils n'épargneront rien pour ébranler vos ames ;
Mais quand vous me verrez en proye au fer ,
aux flammes ,
Combattez fans pâlir , loin de plaindre mon
fort ;
Si je péris pour vous , Romains , vangez ma
mort.
Alors, dans le Senat régue un morne filence ,
On héfite , on gémit , on vante fa conftance.
Le Peuple défolé, les Chefs & les Soldats
Accourent tous en foule au devant de fes
pas ,
Ses enfans effrayez . & fon épouſe en larmes ,
Embraffent fes genoux , lui marquent leurs
allarmes ;
Regulus les releve , infenfible à leurs pleurs ;
Ah , dit- il , cachez-moi ces honteufes douleurs
;
Mes fils, par vos Exploits éternifez ma gloire ;
Vous , d'un Epoux cheri conſervez la mémoire
,
Fille de Métellus , prenez mes fentimens ,
гово 2+
Et
1378 MERCURE DE FRANCE.
Et gravez mon courage au coeur de vos enfans
;
Soldats , votre douleur & m'afflige & m'honore
,
Arrofez mon Tombeau d'un fang que Rome
abhorre ;
C'est l'unique Tribut , & pour moi le plus
doux ,
Que Regulus mourant puiffe éxiger de vous .
Il les quitte à ces mots , c'eft en vain qu'on
l'arrête ,
A Xantippe inquiet , il va porter fa tête ;
Je fçais garder ma foi , même à mes ennemis ,
Je reviens , & voilà ce que je t'ai promis ;
Que Carthage abandonne un eſpoir témeraire,
Je lis dans tes regards , ton dépit , ta colere
,
Je ne t'ai point trahi , mais tu m'as mal connu ,
J'ai parlé contre toi , c'eft affez , je l'ai dû,
Qui brave le trépas , craint peu ta barbarie ,
Il n'eft point de Romain qui ne me porte envie
;
Je fçai deffen tre Rome & non pas la trahir ,
Vaincre fes ennemis , & non leur obéir ;
Quelle etoit ton erreur , Xantippe ! as-tu pû
croire
2. vol.
Qu'aux
ཨཀ ཙབྷ
JUIN. 1728. 1379
Qu'aux honneurs affurez d'une longue mémoire
,
Je pourrois préferer un vil reſte de jours ,
Dont les ans au Tombeau précipitent le
cours ?
Tes Captifs en nos mains te caufent plus d'allarmes
.
Qu'à tout Rome ma mort , ne coûtera de
larmes ,
C'est ce que je prétens : ordonne mon trépas ,
Vange toi ; fi je vis , crains encore ce bras ;
Xantippe à ce difcours attefte en fa colere
Les a guftes rayons de l'Aftre qui l'éclaire ,
Qu'avant que fon flambeau s'éteigne au fein
des mers ,
La mort de Regulus effraira l'Univers ;
Il dit , & les effets rempliffent la menace :
La vertu devant lui ne trouva jamais grace ,
Barbares Affricains , vos bois , vos rocs affreux
,
Des Tygres , des Lions , repaires ténebreux ,
N'ont rien de fi cruel , n'ont rien de fi fauvage
Que vos coeurs, où l'Enfer vient de fouffler fa
rage ;
Quels tourmens , quelle mort , endure Regulus
!
Rome
2. vol.
1380 MERCURE DE FRANCE.
Rome ne pouffe point de regrets fuperflus ;
Les Dieux à Scipion ont remis leur Tonnerre;
Du fang des Affricains , fon bras couvre la
Terre ,
La Terre avec horreur boit ce fang infecté ,
Et par la perfidie, & par la cruauté:
Regulus eft content , & du rivage fombre ,
Voit Carthage fumante immolée à fon ombre.
Qui ftat promiffis melior eft expugnatore Urbium
,
Ambrof. lib. de Officiis hominis Chriftiani.
.
Par le P. Poncy , Jeſuite ,
C'est la troifiéme année que ce Pere
remporte à Touloufe le Prix du Poëme.
XX:XXXXXXXXXXX :XX
PRIERE à Dieu faite à la fin du
dernier Sermon de l'Avent , prêché à la
Cour de Lorraine , par M. l'Abbé de
Rofay , Chanoine de Soißons.
C
' Eft à vous , Seigneur , qui préfidez
également fur les coeurs & fur les
deltinées des Monarques ; c'eft à vous
maintenant à benir des travaux entrepris
2. Vaka
pour
JUIN . 1728.
7381
pour votre gloire , & à faire germer par
la fécondité de votre grace la femence de
votre Evangile ; ( car hélas ! que fommes
nous, Miniftres de cet Evangile , que d'inutiles
organes , fi vous ne parlez vous - même
avec nous? ) C'eſt à vous à exaucer
dans votre mifericorde les voeux que j'ai
fouvent portez au pied de votre Trône, &
que je redouble en ce moment pour la
fanctification de cette Affemblée ; vous fçavez
, vous qui fondez les coeurs , que je
n'en fis jamais de plus finceres , de plus
légitimes , de plus empreffez ; je l'ai vûë
avec effufion de joye,cette Affemblée refpectable
à mes yeux , & qui eft devenuë
chere à mon zele , je l'ai vûë prêter à ma
voix une oreille attentive , & témoigner
par une édifiante affiduité une faim facrée
de votre parole , je l'ai annoncée , cette
parole qui enfante le falut & la vie , avec
la défiance que devoit m'infpirer ma foi
bleffe ; mais en même temps avec la force
que fçait donner l'autorité du miniſteré ,
& ce n'a point été une petite confolation
pour votre Miniftre au milieu de fes penibles
occupations , d'avoir fait entendre
vos veritez les plus terribles , à des Auditeurs
également verfez dans la pratique
& dans la fcience de votre loy , à des Courtifans
qui ne fe piquent pas moins de foûmiffion
aux volontez de leur Dieu que de
་ ་་་
2. vol.
zele
1382 MERCURE DE FRANCE .
zele pour les interêts de leurs Princes
& à des Princes fi aimez des hommes
qu'ils n'ont rien à défirer que d'être autant
aimez de vous , & fi religieux envers
vous , que leur exemple (je le dis par conviction
) eft après celui d'un Dieu la plus
touchante des leçons & pour les Audi▾
teurs & pour le Prédicateur même.
Il n'appartient qu'à vous , ô mon Dieu,
de former des Princes de ce caractere , it
n'appartient qu'à vous , qui donnez fouvent
les Royaumes fans donner la gloire
du Regne , de réunir fur un même Trône
, ce qui pourroit faire la richeffe & la
felicité de plufieurs , je veux dire , un Souverain
amateur du vrai , partifan de la fageffe
, jufte eſtimateur du merite , qui ſe
fait un devoir de meriter toutes les louanges
, & une loy de n'en accepter jamais
aucune ; une Souveraine , bonne épouse ,
bonne mere , qui compte fes jours par
fes bienfaits , & qui n'a peut - être d'autre
déplaifir que de nnee pouvoir pas faire affez
d'heureux ; un Prince digne heritier de
leurs vertus , ainfi que de leur puiffance,
Prince , l'amour de la patrie , l'admiration
des étrangers , qui par les plus magnifi
dons de la nature & de la grace a de
ques
quoy feconder vos plus grands deffeins ;
un autre Prince du plus heureux & du
plus charmant naturel , en qui croiffent
2. vol.
avec
JUIN 1728. 1383
avec l'efperance des peuples , les qualitez
qui font les Héros; des Princeffes , l'ornement
de leur fexe , qui font connoître au
monde mille charmes en elles , & qui ne
connoiffent que ceux de la vertu qu'elles ,
font trouver plus aimable . Voilà , grand
Dieu , l'ouvrage de votre Providence mifericordieufe
, dans l'une des plus illuftres
Maifons de l'Univers, qui meriteroit d'être
l'une des plus puiffantes ; mais ce n'eft
point encore tout ; une Cour Aoriffante &
reglée , des peuples laborieux & foûmis ,
des ferviteurs zélez & fideles , l'union aut
dedans , la réputation au dehors , l'attachement
inviolable de la Nation , l'amitié
des Puiffances voisines , & ( ce qui
doit être flateur pour des ames bien nées )
Ies fuffrages & les çoeurs de tous ceux qui
en font les témoins ; telles font à l'égard
des Maîtres qui nous commandent les bene
lictions temporelles que vous avez
jointes aux celeftes benedictions dont
vous les avez prévenus .
Ainfi s'accomplit à nos yeux la promelfe
que vous avez faite par votre Prophete,
de benir l'homme qui vous craint : Ecce
fic benedicetur homo , qui timet Do" inum
; ainfi vous plaifez - vous , Seigneur ,
à répandre vos largeffes fur ces enfans de
votre droite qui fe plaifent à faire honorer
votre nom ; eh ! qu'eft- il befoin d'en
2. vol,
apporter
1384 MERCURE DE FRANCE.
apporter des preuves à des coeurs naturellement
bons & reconnoiffans ! les chants
d'allégreffe dont retentiffent chaque jour
vos Temples , publient , mieux que je
ne puis le faire , une marque encore toute
recente & bien fignalée de votre protection
fur eux ; ils n'ont envifagé qu'avec
effroy , non plus que vous , le plus ferme
appuy de cette Couronne , prêt à être
moiffonné par la même faulx qui fut fi fa .
tale à leur tendreffe ; le coup mortel fufpendu
, quoiqu'en éloignement , fur une
fi intereffante victime , fembloit devoir à
tout moment les immoler avec elle , & les
foucis , les pleurs , les perplexitez , fruits
ordinaires d'une tendre affection , avoient
déja prefque épuifé toute la fenfibilité de
leurs coeurs & des nôtres. Loin de fe livrer
entierement , ou à des reffources humaines
, ou à une douleur immoderée ,
ils ont eu recours à vous par la ferveur de
la priere ; ils ont mis toute leur confiance
en votre bonté fuprême , dont ils ont
tant de fois reffenti les effets ; vous les
avez vûs avec complaifance defcendre de
l'orgueil de leur rang pour vous demander
grace dans les gemiffemens & l'humiliation
; votre bras qui ne s'étoit point
armé pour frapper , mais pour montrer
jufqu'où peut aller votre Puiffance , s'eſt
contenté du Sacrifice de leurs coeurs , & ,
2. vol.
touché
་
1728. 1385 JUIN.
touché par tant de voeux & par tant de
fupplications , vous avez changé en joye
la trifteffe commune , en confervant le
précieux gage & de leurs efperances &
de notre félicité. Que ne fera pas pour
vous , mon Dieu , une Famille auffi
chrétienne qu'elle eft augufte , après ce
que vous avez fait & ce que vous ferez
encore pour remplir fes grandes deftinées
? Car combien ne doit - elle pas être
reconnoiffante envers vous , lorfque vous
yous montrez fi liberal envers elle ! &
avec quel zele doit - elle en toute occafion
fe charger du foin de votre gloire ,
vous renvoyer celle qui lui vient des
hommes , vous faire un hommage des
hommages mêmes de tout un peuple qui
la chérit & qui l'admire ?
Vous donc qui diftribuez , comme il
vous plaît , & quand il vous plaît , ces
graces qui font les Souverains felon
votre coeur , faites bien comprendre à
ceux à qui vous m'avez envoyé , & pour
qui vous m'avez infpiré vous- même le
dévouement le plus refpectueux ; que
c'eſt en vain qu'un Prince fçait commander
aux autres , s'il ne fçait pas vous
obeïr ; qu'il ne peut regner ni juftement
ni glorieufement , qu'autant qu'il vous fait
regner avec luisqu'en un mot il vous doit
un ferviteur dans le Maître d'un Etat, &,
2. vol.
dans
1386 MERCURE DE FRANCE :
que
dans le dépofitaire de votre Puiffance, un
imitateur de votre fainteté . Souffrez
je vous demande icy , non l'accroiffement
de leur grandeur & de leur renommée ;
Chélas ! à quoi leur ferviroit de fe conci .
lier l'eftime & la poffeffion même du
monde entier, s'ils venoient à perdre leurs
ames ) ? mais que je vous demande ce qui
me femble préferable à toutes les Couronnes
de la terre , ce que je voudrois
leur acquerir au prix de ma vie ; ce qu'ils
vous demandent eux - mêmes tous les
jours , leur falut , Seigneur , leur falut ;
voilà ce que je vous demande pour ces
Têtes fi auguftes & fi cheres , & ce que
je vous demande avec toute l'ardeur dont
mon coeur eft capable , & ce que je vous
demande par les merites du grand Sacrifice
dont je viens de les entretenir, & que
j'offre fouvent pour leur confervation ; &
voici ce que je vous demande pour nous ,
c'eft d'épargner deformais à nos fenfibles
coeurs les allarmes qui viennent de les
mettre à l'une des plus rudes épreuves.
C'eft de confirmer fur la Maifon du jufte
& pieux David toutes les faveurs dont
vous l'avez comblée jufqu'icy. Qu'un
Prince , le meilleur des Princes , employe à
procurer le bonheur de fes Sujets des années
prolongées de generation en generation
; qu'une Princeffe que vous avez al-
2. vol.
fociée
JUIN. 1728. 1387
fociée à fa gloire, & qui fait nos délices ,
fe voye renaître fous l'ombre de vos aîles
dans les enfans de fes enfans ; enfin , que
leur Royale Famille fi- bien élevée, fi - bien
unie , fi- bien aſſortie , compte dans une
pofterité nombreufe autant de Héros que
dans fes magnanimes Ancêtres : Dies
fuper dies adjicies , & annos ufque in diem
generationis & generationis, Mais que votre
mifericorde n'en demeure pas là ,
qu'elle fanctifie toutes les profperitez par
toutes les vertus , & qu'aux bonheurs
d'une vie mortelle elle faffe fucceder la
poffeffion d'une immortalité bien-heureule
, où nous conduifent tous , le Pere , le
Fils & le S. Efprit.
A M ..... Receveur General des
Finances.
Donc par étude & vive intelligence ,'
Si
Trop bien fçavez en épineux employ ,
Devancer âge & longue experience :
que chacun en y rêvant en foy ,
S'étonne , & dit : Cettuy preux en finance ,
Novice n'eft , & m'eſt avis , je croi ,
Qu'où l'on finit , c'eſt par là qu'il commence,
1. vol.
-Bien
1388 MERCURE DE FRANCE:
Bien eft-il vrai qu'éclairant fon deſtin ,
Un Frere expert lui fraya le chemin ,
Lui prefcrivit fa regle favorite ,
De s'élever fur l'aîle du merite :
Et que dès l'âge aux innocens ébats ,
Par lui vertu dans fon coeur fut empreinte
Mais tout ainfi que d'aller à Corinthe ,
N'eft libre à tous de marcher fur fes pas.
Tels font fur vous, & ce n'eft pas merveille,
Les doux propos qui charment mon oreille.
Miniftre , enfin , foûriant à ſon choix ,
Au cri public veut bien mêler fa voix ,
Phebus auffi , Non , qu'en cette matiere ,
Il foit grand Clerc & Juge competent.
De Ducats onc ce Dieu ne fit Litiere.
Point ne connoit Etats , acquit patent.
Sur l'efprit feul il étend fon empire ,
Et le fouvient que du votre , Beau Sire ,
Il a pris foin dès vos plus jeunes ans ,
D'où lui font chers vos fuccès éclatants .
Son eſpoir eft , votre goût l'en affure ,
Qu'à vos emplois dérobant des momens ,
2. vol
Savourerez
JUIN. 1728. 1389
Savourerez fes doctes Rudimens ,
Sans quoy l'efprit n'a ſolide pâture.
Puiffai - je un jour , aydé du Dieu des vers ,
Trouver ma place en ces momens divers.
TAVENOT.
XXXX:XXXX XXX :XXXX
EXTRAIT d'une Lettre écrite de
Turin , au fujet d'une groffeße de quin-
Ze ans .
Arie Marguerite , femme de Ga-
› lara furnommé la Fleur , valet
de M. Couarto , enceinte depuis environ
le mois de May 1713 , mourut enfin le
Mardy 30. Mars de la préfente année
1728. elle fut portée dans l'Amphitheatre
Anatomique de l'Univerfité , où
elle fut ouverte en préfence de plufieurs
Medecins & Chirurgiens de cette Ville.
Le ventre étant ouvert , on trouva l'Epiploon
adhérant au Péritoine ; après l'en
avoir détaché , on découvrit une tumeur
ovale , groffe comme la tête d'un enfant
de trois ou quatre ans , de couleur blanche
jaunâtre , fituée dans le baffin derriere
la matrice qui étoit elle- même dans
fa fituation & fa groffeur naturelles ; cette 2. vol.
E tumeur
1390 MERCURE DE FRANCE .
tumeur étoit formée par un foetus qui
avoit pris naiffance hors de la matrice ;
le fac ou la membrane qui l'enveloppoit ,
étoit épais de deux lignes , & étoit fi
fortement attaché au foetus qu'on ne pût
l'en féparer que par lambeaux .
Ce foetus étoit de la groffeur d'un foetus
de huit mois ; le Parietal droit , les os
de la jambe & du pied , étoient décou
verts , les tégumens & les mufcles qui
fervent à recouvrir ces os avoient été détruits
& confumés. Toutes ces parties
n'exhaloient aucune mauvaiſe odeur ; les
chairs , quoique defféchées , étoient dailleurs
très - vermeilles , & avoient acquis
une confiſtance qu'on pourroit comparer
à celle de la viande falée. Les poumons
furnageoient dans l'eau ; on ne trouva aucun
veftige du Placenta , mais feulement
une portion du cordon umbilical deffechée
.
Le pied gauche du foetus fe trouvoit
dans l'ovaie droit , où l'on voyoit une
ouverture longue de deux pouces ou environ
, & large d'un pouce ; cette ouverture
reffembloit à une playe vermeille
de figure ovale , dont les bords étoient
plus élevés que le fond d'environ deux
lignes ; ces mêmes bords fe terminoient
& fe confondoient parfaitement avec lá
membrane qui enveloppoit le foetus ; à
2. vol.
côté
JUIN. 1728. 1391
côté du pied gauche du foetus , fe trouvoit
dans l'ovaire même une végetation
offeufe , longue de fix lignes , & large
de deux & demie , qui ne reffembloit à au- `
cun os du corps humain.
Explication du Logogryphe de May.
P
Ar ma foi , c'eſt la mer à boire ;
A le chercher , je fuis trop ob.
ftiné ;
Dodart feroit avec bien moins de
gloire ,
La cure,d'un malade à la mort condamné .
Le cû dans un fauteüil & l'efprit à la gêne
Du Logogryphe obfcur je maudis l'Inventeur
,
Et donnerois un écu de bon coeur ,
A qui pourroit finir ma peine.
Que n'ai-je le talent du Thebain malheureux ,
Qui devint le mari de Madame fa mere
Le Logogryphe alors loin d'être ténébreux ,
Me paroîtroit une Enigine ordinaire ;
Mais pour la pénétrer , mon efprit eft trop
dur.
J'aime ois mieux cent fois ne vivre que
mûre ,
de
2. vol.
Eure
Eij
1392 MERCURE DE FRANCE.
}
Etre réduit à faire un mur ,
Qu'à deviner le Logogriphe obfcur
De ce maudit MERCURE!
1
Mercure ! M'y voilà , contre toute efperance ,
Oui , c'eſt le mot ; je le trouve un peu tard ;
Mais quoi bien ſouvent le hazard ,
Fait les trois quarts de notre intelligence.
PAPEL.
********:
ENIGM E.
Curieux , voici ma nature.
Un Artifan employe à ma ſtructure ,
Divers materiaux entre lefquels l'acier
N'eft mis en oeuvre le dernier.
Semblable à l'Epigramme , une pointe bien fine
Me fait valoir , & me termine.
Mon trifte fort me met entre les mains
D'un Maître des plus inhumains.
Quoique du mal qu'il me fait faire
Prefque toûjours , il tire un affûré ſalaire ,
Plus des trois quarts du tems it me tient en
prifon.
Je bleffe bien des gens en certaine faiſon :
2.vol. Plus .
JUIN. 1393
1728.
Plus que des traits d'amour ma bleffure eft fenfible.
Salutaire pour l'un , pour l'autre elle eſt nuifible
;
En l'un & l'autre cas , je n'ai raiſon ni tort
De mon Maître je fuis la grave fantaiſie :
Si quelquefois je rends la vie ,
Quelquefois je donne la mort.
Logogriphe.
On nom est tout François , fix lettres le
M
compofent ;
Qui prenant par la fin , de ſuite ſe tranſpoſent,
Et font deux mots Latins , chacun d'une'
moitié ;
1
Mon Anagrame jufte , engage à l'amitié ,
Une lettre de moins , j'ai le nom d'un Apôtre
Dans les deux tiers d'un bout , dans les deux
tiers de l'autre ,
Royaume & Mont fameux fe trouvent à l'envers
:
Ma moitié fait un temps, & l'autre fend les airs
Deux tiers font un Adverbe , & l'autre eft Particule
:
On a beau m'attaquer jamais je ne recule.
GUEROULT de Fecamp en Normandie
.
2. vol. Suite
E iij .
3194 MERCURE DE FRANCE
SUITE
des Logogrifes aritmetiques .
Malgré le foin qu'on a eu de corriger
les épreuves , l'Imprimeur a laiffé deux
fautes effentielles dans les Logogrifes du
mois de May , en mettant page 960.
10 Logogrife égale d'une fois , au lieu
de égale deux fois , & page 966. 24°
Logogrife , le quarré de la 3e égale le quart,
au lieu de égale le quarré.
L'Algebre pur exprimé avec ces propres
caracteres, eft toûjours fans équivoque
, il n'en eft pas de même du langage
François ; c'eft pourquoi l'on a furligné
dans les Logogrifes l'endroit fufceptible
d'équivoque . Par exemple, dans cette expreffion
du 27 Logogrife. La 4 eft la
racine quarrée de la 6e plus uns ce furlignement
marquera que plus un doit fe
rapporter à la 6e & non à la 4º , ni à la
racine quarrée , &c.
Si malgré cette attention on craint l'équivoque
, il fera plus fûr de mettre endeçà
des racines , & des quarrez , toutes
les parties qui ne s'y rapportent point.
Par exemple dans cette expreffion du 22 °
Logogrife. La racine quarrée de la
1º moins deux égale , un , plus la racine
quarrée de la 2º , au lieu de dire , égale
2. vol. la
JUIN. 1728.
1395
la racine quarrée de la 2 , plus un.
On peut encore fe fervir des points
fufpenfifs pour féparer les idées , comme
dans l'expreffion du 37 ° Logogrife , où
- l'on trouve le quarré de la 2 ... moins
Lare , & c. Lefquels points font voir que 1 ,
moins la 1 fe rapporte au quarré & non
àla 2 , & ainfi des autres exemples.
#
A. B. C.
Des Logogrifes arithmétiques.
a . b. c. d. e. f. g. h . i . j . k. 1. m. n. o.
2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. 15.
P. q. r. s . t . u . v . x . y . z.
16. 17. 18. 19. 20. 21. 22. 23. 24. 25.
28. Logogrife de quatre lettres , ou de
quatre nombres.
Ea racine quarrée de la 1 ° moins un ,
égale la racine cube de la 2e , plus fix.
Le quarré du de la ze , égale cinq fois
la 3 , plus la racine quarré de la 3 , plus
la de la 4 .
La racine cube de la 3e moins un , égale
la racine quarrée , de la racine quarrée
e
de la 4 pius deux . '
La4 eft géometriquement à la 2 ,comme
les trois premieres , à fix fois la 1º.
2. vol.
29.
E iiij
396 MERCURE DE FRANCE.
29. Logogrife de quatre lettres.
Quatre fois le quarré de la moins deux
fois cette premiere , égale le quarré de
la 2º , moins le quarré de la 3 .
La racine quarrée de la 2e égale la 3 ' ,
moins la racine quarrée de la 1 .
La 3 égale la racine de la 2 °, plus la racine
de la 1 .
43 La 3 égale les de la 4 ° moins la 2º .
La racine du produit de la 1 par la 2 ;
égale deux fois la racine de la 2º .
30. Logogrife de quatre lettres.
La racine quarrèe de la 1 , égale la racine
cube de la 2º moins un .
La racine quarrée de la 2º, ajoûtée à deux,
égale moins un , la racine quarrée du
produit de la 1º par la 2º.-
Le quarré de la 3e égale le produit de la
1º , par la 3º , ajoûté à la 3º.
Le 1 eft arithmetiquement à la 2 ° , comme
la 4 à un plus le quarré de la 3º.
31. Logogrife de trois lettres.
La fomme de cinq , plus le quarré de la
1 , égale la fomme des trois moins deux.
La racine quarrée de la 2e moins fix ,
égale deux fois la racine quarrée de la
3
e
moins un .
Le quarré de la 3e égale la fomme des 1º
2
e moins deux .
2.vol.
32.
4
JUIN. 1728. 1397
32. Logogrife de trois lettres .
Le quarré de la 1 , plus la fomme de la
1 & de la 2 ; égale le quarré de la 2 ° .
Le quarré de15 de la feconde , égale le
quarré de la 3e.
La racine des 2º , 3º , plus cinq , égale
moins un, la racine des 1,1,3° plus deux.
e e
33. Logogrife de trois lettres.
Le 2 plus la racine cube de la de la iº, N4
égale la des 2º, 3º. 13
La racine de la 2 ... Plus fix égale la
racine quarrée du du quarré de la 3º .
La racine de la 3. plus deux , égale quatre
fois la racine de la 2 .
34. Logogrife de quatre lettres.
Les 1 , 2 , 3 ° égalent la fomme de la 4 ,
plus treize.
e
Les 1 , 2 & 4° , égalent la 3e
quinze ,
e
> plus
Les 1 , 3 & 4º , égalent la 2 º , plus
quarante- neuf.
с
Les 2 , 3 & 4° , égalent la 1 , plus
vingt -cinq.
35. Logogrife de quaire lettres .
Deux fois la racine quarrée du dou-
1
2. vol .
ble E v
1398 MERCURE DE FRANCE.
ble de la 1 , égale la 2de moins la de
la 1
Le quarré de la 2de...plus fa racine égalent
quatre fois le produit de la 3 par
3º
la 4 , moins quatre fois la 4 .
Trois fois la racine quarrée de la 3e
moins quatre , plus quatre égale trois
fois la 4. moins deux .
La fomme des 3 & 4° égale la 1 .
36. Logogrife de deux lettres .
Les quarrez des deux lettres, moins leurs
racines égalent 450 .
La fomme des deux lettres , plus le produit
de l'une par l'autre , égalent 27 1.
37.Logogrife de deux lettres.
e
Deux fois la racine de la 1 ° , plus un ›
égale cinq fois la racine de la 2 de,
moins deux.
La racine du produit de l'une par l'autre ,
égale le quarré de la 2de moins
la 1 .
e
38. Logogrife de fepilettres.
La 1 ° eft arithm . à la 3 ° , comme la 7 ° l'eft
à la 6 .
Le tiers du quarré de la 2 ° , égale deux
fois la 3 , plus la 4º .
2. vol.
La
JUIN. 1399
1728.
La 3 , plus la 4 , égalent la 1 , plus le
de la 7° .
La racine cube de la 4° égale le de la
je.
e
Le quarré de las égale la 2º .
La rac. qu . de la 6 ° , plus deux ; plus la
se égale la racine quarrée de la fomme
des trois moyennes , ajoûté au de
la 2 .
و ا
La de la 1 , plus la racine quarrée de la
derniere , égalent le de la 6 ° , ajoûté
à la racine quarrée , de la fomme
· des 3 & 4° .
39. Logogrife de trois lettres .
La de trois fois la 1 , eft un quarré, dont
2
la racine égale
La 2 plus un , eft
:
de la 2 .
un autre quarré , dont
la racine égale de la ; * .
e
·
La 3 plus un , eft auffi un quarré, dont
la racine égale le } de la 2º . 13
40. Logogrife de deux lettres .
La fomme des deux quarrez égale celle
de $ 77.
La fomme des deux cubes , divifée par
celle des deux racines , égale celle de
553 .
La re eft la plus petite.
2.vol.
E vj Nous
1400 MERCURE DE FRANCE .
Nous avons aufli reçu une lettre de
Paris , du 14 Juin , fur les premiers 25 .
Logogrifes arithmetiques. On y trouvera
des réfléxions judicieuſes , dignes
d'un bon efprit & d'un vrai Géometre.
Le Lecteur en va juger.
Nous avons encore reçu une Lettre
fans datte , avec l'explication des vingtcinq
Logogrifes arithmetiques en vers ,
& même rime , comme
Adam eft le uniéme.
Avril eft le deuxième .
Lamec eft le troifiéme , &c .
L'Auteur au quinziéme a mis le mot de
Foy au lieu du mot Roy.
Nous aurions bien fouhaité pouvoir
donner les deux Logogrifes qu'il nous a
envoyez , mais nous nous femmes fait
une loy de ne donner que ceux dont les
Auteurs auront l'attention de nous donner
le mot ou le nom , afin que fans
être obligez de les refoudre , nous
puiffions les examiner & juger de leurs
idées , avant que d'en faire part au public .
Notre crainte & notre précaution font
d'autant mieux fondées , que l'Aureur à
la fin de fa Lettre fans datte, dit lui-même.
>
Sans vanitý les rimes font affez riches
pour quelqu'un qui n'a jamais fait de
vers , & qui n'eſt pas obligé d'avoir plus
2. νοί.
d'efprit
JUIN. 1401 1728 .
d'efprit que fon nom ne le porte par fa fignature
Logogrifique.
LETTRE écrite de Paris le 14 .
Juin 1728 .
MESSIEURS ,
Les mots des 25. Logogryphes Arithmétiques
propofés dans le Mercure du
mois de May dernier font ,
1. 3.
Adam , Avril , Lamec , Chanvre
5. 6. 7.
la Roque , Logogryphe , Quenoüille
10. II. 12 .
Paris , Mercure , la Cire , la Cire , Claire ,
13. 14. 15.
16.
Redingote , Courage , Roy , Mercure
17. 18. 19. 20. 27.
la Cire , Dumas , Louis , Phylis , May
22. 24. 25.
Rieux , Golon , Gozon , St.
>
Je doute que beaucoup de gens fe foient
amufés à déchiffrer cette nouvelle forte
d'Enigme. La voye la plus sûre pour y
parvenir , eft fans doute celle de l'Analyfe
; mais fouvent elle mene par un chemin
long & pénible , comme lorfqu'elle
fait rencontrer une équation du 5 ou 6e
2 vol.
degré
1402 MERCURE DE FRANCE .
degré dont dépend la réfolution du Problême.
En ce cas , l'objet n'eft pas affez
important pour dédommager un Algebrifte
verfé dans le calcul du tems qu'il
employeroit à chercher la folution . Îl ſe
contente d'avoir apperçû la route qu'il
faut fuivre , il est sûr de fon fait , & ne
va pas plus avant .
La voye du tâtonnement , toute incertaine
qu'elle eft en general , ne laiffe pas
de fe trouver la plus courte dans certains
cas , où il arrive qu'en méditant avec attention
fur les conditions du Logogryphe
Arithmétique , on en trouve la folution ;
mais lorsque le Problême eft un peu plus
compofé , on a une fi grande quantité de
fuppofitions à faire ,qu'à moins qu'un heureux
hazard ne faffe rencontrer d'abord
quelqu'un des nombres inconnus , ce
prétendu amufement devient un vrai
caffe-tête , & ne peut manquer de rebuter.
Je ne vois donc que deux fortes de gens
qui puiffent penfer qu'il eft de leur honneur
de déchiffrer les nouveaux Logogryphes
. Les premiers feront quelques
Arithméticiens , non Algebriftes , qui fe
picquent de réfoudre les Problêmes d'Arithmétique
fans le fecours de l'Algebre ,
ceux ci ne pouvant y parvenir qu'en tâtonnant
, ne peuvent manquer de tomber
2 vol.
dans
JUIN. 1728. 1403
dans les inconveniens que nous venons
de décrire , à moins que le hazard ne leur
foit affez favorable dans les premieres fuppofitions
qu'ils feront obligez de faire
pour leur en épargner un grand nombre .
Il est vrai que plus ils auront de connoiffance
des raports des nombres , plus il
leur fera aifé de ſe renfermer dans certaines
limites ; mais ils ne pourront jamais
éviter de faire le plus fouvent quantité
d'effais inutiles .
Les feconds qui pourront s'attacher à
deviner les Logogryphes Arithmétiques ,
feront quelques Algebriftes encore novices
qui voudront faire effai de leurs forces
, & qui regarderont ces fortes de Problêmes
comme propres à les exercer &
à les rompre au calcul pour fe mettre en
état d'en faire ufage plus utilement dans
les Problêmes de Géometrie & de Phyfique.
Mais les uns & les autres trouveront
dans leur projet des difficultés très- propres
à les rebater , fi l'Auteur des nouveaux
Logogryphes , ( M. Dumas , Logog.
18. ) en cas qu'il continue d'en donner,
ne juge pas à propos de réformer quelques
expreffions équivoques qui ſe rencontrent
fréquemment dans les 25. Logogryphes
du Mercure de May ; par
exemple , lorfqu'on lit dans la premiere
2.vol.
con1404
MERCURE DE FRANCE .
7
condition du 24 Logog . pag. 966 , le
quart du quarré de la feconde , plus un ;
cette expreffion a trois fens differents , &
peut s'entendre également dans tous les
trois . On ne fçait s'il faut faire le quarré
du nombre répondant à la feconde lettre ,
en prendre le quart & y ajouter l'unité ;
ou s'il faut faire le quarré du nombre fecond
, y ajouter un & prendre le quart du
total ; ou enfin , s'il faut faire le quarré
de la fomme du nombre fecond ajouté à
l'unité , & prendre le quart de ce quarré .
Et c'eſt le dernier fens qui fe trouve être
le veritable après la folution du Problême
, quoique ce foit celui qui fe préfente
le dernier . D'ailleurs la premiere partie
de la propofition qui eft relative à ces
derniers mots , a auffi un double fens ; &
chacun des deux , dont elle eft fufceptible ,
pouvant s'appliquer aux trois fens de la
derniere partie de la propofition ; il s'enfuit
que la propofition entiere le quarré
de la 1 plus un égale le du quarré de la
2º plus un , peut s'entendre de fix façons
differentes qui s'exprimeroient chacune
differemment en caracteres Algebriques .
Enforte que fi on appelle x le nombre
répondant à la premiere lettre, & y le nombre
répondant à la feconde , on ne fçaura
laquelle des fix équations fuivantes exprime
la propofition précedente , in fensi
ab authore intento.
JUIN. 1728. 1405
4
x+1 ×x+ 1 = yy +I
4
x + 1 × x + = + XXI = WI
4 4
Voilà donc fix calculs à tenter , & ce
n'eft que le dernier qui peut donner la
folution .
J'ai choisi cet exemple parmi un grand
nombre de propofitions équivoques qui
ſe rencontrent & qui arrêtent à chaque
pas. Quelquefois même il arrive que la
même expreffion eft employée par l'Auteur
en deux fens differents dans la même
propofition. Comme dans la premiere
condition du Logogryphe 22 la Racine
quarrée de la premiere moins deux eft égale
à la Racine quarrée de la feconde plus un.
On voit après la folution que par la Racine
quarrée de la premiere moins deux
l'Auteur a entendu V82 en mettant
2 fous le figne radical , & que par la
Racine quarrée de la 2 ° plus un il n'a pas
entendu √ en mettant fous le
figne , ce qui donneroit V 10 qui eft incommenfurable
, mais V g + 1 ou 3 + I
4. Avant que le Problême fut réfolu
il a fallu deviner quel étoit le vrai fens
de la premiere partie de la propofition ,
2. vol.
&
1406 MERCURE DE FRANCE .
& enfuite qu'il falloit entendre la feconde
d'une maniere differente de la premiere
.
Pour ôter ces fortes d'équivoques , il
faut ou prendre une affez longue périphrafe
, comme nous avons fait , pour indiquer
les trois fens differents de la même
expreffion ; ou fe fervir des caracteres
Algébriques qui ne font pas entendus de
tout le monde. En forte que les nouveaux
Logogryphes ne feroient plus à portée
que d'un affez petit nombre de Lecteurs.
Il y a encore un autré inconvenient dont
il eft affez difficile de fe garentir. Ce font
les fautes d'impreffion qui en pareille matiere
font fouvent d'une très-grande conféquence
Je n'en ai remarqué qu'une qui
foit importante ; c'eft dans le 24 ° Logogryphe
à la 3 condition . Il faut lire le
quarré de la 4 au lieu du quart de la 4°
Il y en a quelques autres aufquelles il eft
ailé de fuppléer . 10° Logogryphe , se
condition. La cinquième plus fix , égale
d'une fois la re , lifez égale deux fois la
1re. Logog. 20. 4° condition , le quarré
de la feconde de moins deux , lifez le
quarré de la feconde , moins deux . C'est
peut-être peu de choſe qu'une faute d'impreffion
en 25. Logogryphes de cette efpece
, mais c'en eft encore plus qu'il n'en
faut pour faire perdre patience au Calcu
e с
2. vol.
lateur
JUIN.
1407
1728 .
lateur qui ne fçait pas qu'elle y eft , &
qui lorfqu'il la foupçonne , peut la chercher
long-tems où elle n'eft pas. Je
fuis , & c .
XXXXX:XXXX :XXXXXX
NOUVELLES LITTERAIRES
B
DES BEAUX ARTS , & c.
IBLIOTHEQUE ANGLOISE , &c.
Tome II. premiere & feconde partie
. Tome IV. premiere & feconde partie
1718. & Tome V. premiere & feconde
partie , 1719 .
RECUEIL DE LETTRES PHILOSOPHIQUES
, écrites par feu M. Rey &
d'autres perfonnes avec qui il entretenoit
correfpondance , tant en Angleterre que
dans les Pays Etrangers. On y a joint
celles de M. François Willoughby. Ce
Recueil contient plufieurs découvertes
curieufes dans l'Hiftoire des Quadrupedes
, des Oyleaux , des Poiffons , des Infectes
, des Plantes , des Foffiles , des Fontaines
, &c. publié par Guillaume Derham
, Chapelain du Prince de Galles , &
Membre de la Societé Royale. A Londres
, chez les Freres Illys , 1718. in 8 ° .
2. vol.
de
1408 MERCURE DE FRANCE.
de 376. pages , fans la Préface & la Table.
Ouvrage Anglois.
Dans la 17. Lettre , M. Lhwyd , raconte
de quelle maniere les Chauve - Souris
fe logent dans les Cavernes du Pays
de Galles pendant l'hyver . Elles choififfent
les lieux les plus fecs , elles s'accrochent
à la voute avec leurs ongles , &
fe couvrent de leurs aîles ; & étant fufpendues
perpendiculairement , fans fe
toucher les unes les autres , elles dorment
pendant quelques mois.
Dans une autre Lettre , M. Sloane fait
fçavoir à M. Rey , qu'après plusieurs
combats publics entre un Tigre & trois
Dogues on donna à cet animal une volaille
en vie , il la mangea après l'avoir
plumée fort adroitement.
Au mois de Novembre 1699. M. Sloa
ne écrit à M. Rey qu'il avoit vû l'homme
fort de la Province de Kent ; cet homme ,
dit il , a levé 2000. livres pefant , a rom .
pu une corde capable de foutenir un poids
d'environ 3000. livres ; & un cheval de
charette extrêmement fort n'a pû lui faire
quitter le lieu où il étoit. Il n'y a rien
dans l'exterieur de cet homme qui marque
une force extraordinaire .
RELATION de la Religion , du gouvernement,
des Sciences , de l'Economie ,
2 vol.
& c .
JUIN. 1728.
1409
&c. des Malabares communiqué par les
Miffionnaires Danois, à leurs correfpondans
en Europe . Traduite de l'Allemand
en Anglois. A Londres , 1717. in - 8 °. de
68. pages fans la Préface.
On voit fur la Côte de Coromandel
de fort grands Elephans qui viennent de
l'ifle Ceylan & d'autre pays. On y voit
auffi des Cerfs auffi petits que des Levreaux
, avec leurs bois ; ils ne deviennent
jamais plus grands .
Il n'y a ni bois ni foreft fur cette Côte ,
& par conféquent elle ne produit pas
beaucoup d'animaux fauvages . Les Etats
du grand Mogol font remplis de forêts ,
où l'on voit un grand nombre d'animaux
rares. La Côte de Coromandel , produit
des Perroquets , de beaux Paons , des
Oyfeaux de Paradis , & c .
L'Auteur de cet Ouvrage , M. Ziegen.
balgh , dit , qu'il ne fe fouvient pas d'avoir
vu dans ce pays là un feul arbre ni
un feul fruit qui reffemble à ceux de
l'Europe. Les meilleurs fruits font les
figues qu'on appelle Ananas , les Mangos
, les Coawes , le Coco , &c . Les arbres
font revêtus de feuilles & de fleurs pendant
toute l'année ; & l'on fait deux recoltes
tous les ans . En 1709. que l'Auteur
écrivit cette Relation , il y eut une
grande difette de fruits , faute de pluye
2. vol.
dans
14 10 MERCURE DE FRANCE.
dans la faifon qu'elle tombe ordinairement.
Outre le Thé , on a plufieurs autres
liqueurs. L'Areck eft une espece d'Eau de
vie , & le Fincsk, une espece de petit
Vin. Le fuc de Coco eft affez commun ;
c'eft une eau fort rafraîchiffante qui ne
manque jamais d'étancher la foif.
La Bierre de Brunſwick qu'on y tranfporte
, eft d'un fort grand uſage . Si on
en met une cueillerée dans un verre de
Bierre fucrée & bouillie , cela lui donne
une grande fraîcheur , & la rend auffi
bonne que fi elle avoit été nouvellement
braffée en Europe ; c'eft la liqueur la plus
commune à Tranquebas . La côte de
Coromandel ne produit point de vin .
On ne voit point de Mandians parmi
les Malabars , à l'exception des Itaquiens
qui ont abandonné leurs biens , leurs femmes
& leurs enfans , pour être en état
de mieux fervir leurs Dieux . On leur
donne du ris par tout où ils vont.
Ce
Il y a plufieurs perfonnes riches &
confiderables parmi les Malabars , mais
ils font generalement pauvres.
peuple ne le céde point à aucune Nation
de l'Europe , en adreffe , par rapport
aux Mêtiers & aux Arts .
On ne voit point de neige fur la côte
de Coromandel , & les Malabars n'en
2. vol.
ont
JUIN. 1728. 1411
ont aucune idée . L'Arc - en - Ciel y paroit
fouvent : le peuple s'imagine que
lorfqu'il tonne , un Roi du monde fupérieur
fait la guerre à fes voiſins , & que
l'Arc - en -Ciel eft l'Arc dont il fe fert
pour décocher des flêches.
Les Malabars écrivent auffi vite que nous
fur des feuilles de palmier avec un ftile de
fer. Les caracteres font noirs & les feüilles
jaunâtres . Ils ont des écoles dans les
Villes , les Bourgs , &c. On n'y envoye
jamais les filles , à l'exception de celles
que l'on deftine au fervice des Idoles ,
& que l'on appelle les Servantes de Dieu.
Elles s'appliquent à acquerir la connoiffance
de la langue des Brachmanes qui
eft la langue Scavante des Malabars.
QUATRIE ME Extrait du 30 °. volu.
me des Mémoires Philofophiques de la
Societé Royale , &c. On y voit la troifiéme
Lettre écrite à M. HALLEY , Secretaire
de la Societé Royale , par M.
HENRI BARHAM , &c . où il rend comp
te d'un Meteore qu'il a vû dans la Jamaïque
, & qui s'enfonça dans la terre ,
M. Barham vit un Globe de feu , c'étoit
au matin , qui paroiffoit avoir la groffeur
d'une bombe , & qui tomba avec une
grande rapidité. Il trouva à l'endroit où
ce Globe de feu étoit tombé dans la rer-
2. vol.
re
1412 MERCURE DE FRANCE.
re , un trou de la groffeur de la tête d'un
homme , & cinq ou fix autres trous aux
environs de celui - là , de la groffeur du
poing. Ces trous & fur tout celui du milieu
étoient fi profonds qu'on n'en pou
voit trouver le fond avec de longs batons.
L'herbe qui croiffoit près de ces
trous étoit entierement brûlée , & l'on
fentit dans ce lieu - là une odeur de foû
fre pendant long tems.
Suite du même Extrait des Mémoires
Philofophiques. IV. Lettre écrite par M.
Guillaume Beckett , Chirurgien , à M.
Jacques Douglaff, Docteur en Medecine,
& c . On entreprend d'y prouver que le
Mal Venerien étoit connu long - tems
avant la découverte des Indes Occiden
tales . Des Médecins diftinguez ont eu
la même penſée & particulierement Charles
Patin , qui nous a donné une Differ
tation pour prouver l'antiquité de cette
maladie .
#
MEMOIRE ET AVANTURE d'un
homme de qualité qui s'eft retiré du mon
de. A Paris , au Palais , chez Theodore
le Gras , & rue Saint Jacques , chez la
veuve Delaulne , & Gabriel Martin ,
1728. 2. vol . in 12. de plus de 500.
pages , prix 3. 1. 10. f.
2. vol.
L
JUIN. 1728.
>
1415
Le même Theodore
le Gras débite
un vol. in- 8°. de 2. liv . 10. f. C'eſt le
Supplement
au nouveau
& parfait Notaire
contenant
de nouveaux
modeles de
Contrats & Actes , dreffe für le ftile des
plus habiles Notaires , & dans les termes
les plus ufitez. Recueillis
par F. B. Dev...
ancien Maître - Clerc de Notaire , à Paris
, 1728. in-8 °.
RETRAITES SPIRITUELLES , propres
à tous les états , par feu le R. P.
Sanadon , de la Compagnie de Jefus . A
Paris , rue S. Jacques , chez Gregoire Dupuis
, 1728. in 12 .
LA VRAYE ET FAUSSE RELIGION ,
par forme d'entretien entre un Religieux
& un Proteftant , qui doutant de fa
Religion , médite fon retour à l'Eglife Romaine
, par le R. P. Charles - Pierre de
S. Benoît, ancien Profeffeur enTheologie ,
Prieur & Affilié au grand Convent &
College Royal des Carmes. A Paris , rue
S. Jasques , chez Henry , in- 12 .
> LE LIVRE DES ENFANS ou Idées
generales & Définitions des chofes dont
les Enfans doivent être inftruits ; nouvelle
Edition , revûë, corrigée & augmen
tée. A Paris , Quay des Auguftins , &
2. vol.
The
F
1464 MERCURE DE FRANCE.
ru: S. Jacquesy chez Ofmont & Єlou-
Zier, 1.7.28 .
A
HISTOIRE de très- noble & chevalureux
Prince Gerard , Comte, de Ne
vers , & de Rhetel , & de la très- ver
tueule & fage Princef Euriant de Savoye
, la mye. િ Ouvrage enrichi de No
tes critiques & hiftoriques. A Paris ,
Quay des Auguftins , chez Ravenel, 1728 .
REFLEXIONS fur le premier & deuxiéme
Tome des Commentaires de Polybe ,
fait par M. Follard ; & fur fon livre de
la nouvelle Découverte , avec des Ré-
Alexions militaires & hiftoriques. A Paris
, rue S. Jacques , ch. Eftienne Ga
neau, 1728. broch. in- 12 .
$
12
HISTOIRE ROMAINE depuis la
fondation de Rome jufqu'à la tranſlation
de l'Empire par Conftantia. Traduit de
P'Anglois de Laurent Echard. A Paris,
rue S. Jacques , chez Martin & Guerin ,
& Quay des Auguftins , chez la veuve
Couftelier , & Jacques Guerin , 1728 .
6. vol. in -12 .
NOUVEAU SISTEME DE PHILOSO
PHIE , établi fur la nature des choſes
caufées par elles -mêmes , mis en paral-
2.vel. lele
JUIN. 1728. 1415
1.
lele avec l'opinion des anciens Philofophes
, fur les premiers principes de la
Nature , & fur lesquels on n'a rien trouvé
de fixe & de certain juſqu'à préſent.
Auquel on a joint un Traité de la Nature
de l'Ame , & de l'Existence de Dieu ,
prouvés l'un & l'autre par une chaîne
fuivie d'argumens capables de convaincre
les plus incrédules & les plus opiniâtres
. A Paris , Quay des Auguftins , chez-
Nicolas Le Breton , fils , 1728. 2. vol.
in 12. de près de 800. pages . prix 4.1.
relié.
Pour donner de cet Ouvrage l'idée
qu'on en doit avoir , il n'y a qu'à rapporter
les termes de M. Moreau de Mautour
, qui en eft le Cenfeur. Je n'y ai
rien trouvé , dit -il , qui ne fut conforme
à la Religion , à la Morale & à la Raifon.
L'Auteur auffi recommandable par
la profonde érudition , que par
le rang
diftingué qu'il tient dans la Magiftrature ,
paroît avoir établi la nouveauté de fon
Siftême fur des principes & des raiſonnemens
folides , & c .
>
EXPERIENCES DE PHYSIQUE
par M. Pierre Poliniere , Docteur en Medecine
. Troifiéme édition , revûë , corri
gée & augmentée par l'Auteur. A Paris,
rue de la vieille Bouclerie , grande Salle
2. val. Fij
du
1416 MERCURE DE FRANCE .
du Palais & rue S. Jacques , chez Charles
Moette, Cl. Prudhoe
&
25h
Guill. Ca
9
velier , 1728. in 12. avec environ 350 .
fig. en Taille- douce. prix 3 liv . 1o fols ,
relić.
*
eni
, ( )
MARIETTE tuc S. Jacques, aux Co-
HD &
lomnes d'Hercule , vend le Voyage de la
Louifiane , dus P. Laval , D. L. CoD. J
fait en 17201 par ordre du Roy , volinu
4°. dans lequel font traitées diverfes matieres
de Physique , Aftronone Geo
graphie & Marine. L'Auteur y a joint des
Obfervations fur la Refraction , faitesi à
Marſeille , avec des Reflexions fur ces
Obfervations ; & divers Voyages qu'il a
faits pour la correction de la Carte de Provence
; & des Reflexions fur divers points
du Systême de M.Newton. Dans le Journal
du voyage de la Louiſiane , qui occupe
304. pages , on trouve 21 Cartes ou
Plans . On en trouve 9 à la fin du Traité
de la Refraction , qui contient 96 pages.
la Relation des voyages de Provence, qui
eft de 151 pages , & auffi accompagnées
de Cartes , & principalement de la Carte
de la Provence. Les Reflexions fur le
Systême de Newton rempliffent 191 pages,
& une Explication en forme de Dictionnaire
des termes de la Marine.
2. vol.
COMBI.
JUIN 17 1417
COMBINAISON GENERALE des
Changes des principales Places de l'Europe
,par rapport à la France. Par le
fieur DARIUS , Banquier à Paris .
CE
Et Ouvrage , dont le titre feul annonce
l'utilité , paroîtra dans le mois d'Aouft de
la prefente année 1728. Il eft divifé en trois
Volumes in quarto , dont chacun contiendra
un certain nombre de Combinaiſons.
Chaque Combinaiſon comprend trois Places
, dont les Changes font comparez & égalez
fur tous les dégrez de variation qu'ils peuvent
naturellement recevoir.
L'un des trois Changes eft placé au milieu,
& c'eſt à chacun des dégrez de ce Change que
tous les dégrez poffibles des deux autres
Changes font comparez.
Ces deux Changes forment deux colomnes,
& tous les nombres, qui fe répondent de l'une
à l'autre colomne fur la même ligne, fe trouvent
toujours en égalité avec le Change placé
au milieu ; enforte que les Changes de deux
Places étant connus , dans quelque variation
qu'on les confidere , on ne peut manquer de
découvrir dans un inftant le Change corref
pondant de la troifiéme Place.
Il n'importe lequel des trois Changes on
veuille trouver , les deux premiers connus préfenteront
neceffairement le troifiéme , parce
qu'ils font toujours en égalité.
Ainfi dans la Combinaifon qui a pour titre ,
Paris , Londres, Amfterdam, le Change de Paris
fur Londres eft celui qui occupe le milieu ,
& à chacun de fes dégrez on a comparé tous
2. vol.
Fiij les
1418 MERCURE DE FRANCE.
les dégrez des deux autres Changes , qui font
selui d'Amfterdam ſur Londres , & celui de
Paris fur Amfterdam ; le dégré du Change du
milieu n'eft pas répeté , & n'accompagne pas
lès dégrez des deux colomnes , parce qu'étant .
le même, il est toujours fuppofé , & que la ré
petition eût été inutile.
L'exemple qu'on donne de l'une des pages
du premier Volume , rendra cette difpofition
plus fenfible.
Si l'on veut fçavoir ce que produiront à
Amfterdam des Lettres fur Londres , priſes à
Paris à 33 deniers Sterling pour un Ecu de
60 fols , le Change d'Amfterdam fur Londres
étant à 3 fols de gros pour une livre Sterling
, on trouvera dans la feconde colomne un
nombre correſpondant qui indiquera que cette
négociation doit produire à Amſterdam 57
denier de gros pour un Ecu de 60 fols, & par
là on verra s'il conviendra de faire un pareil
arbitrage en comparant ce produit avec le
Change courant de Paris fur Amfterdam .
Toutes les Combinaiſons font difpofées de
la même maniere , on trouve dans chacune les
égalitez & les rapports juftes des Changes de
trois Places , à quelque prix que puiffent être
les Changes , & leur ufage eft également fimple
& facile pour toutes fortes d'arbitrages ,
foit que l'on compte de Paris ou des Païs
Etrangers .
On peut auffi trouver avec la même facilité.
le rapport d'un quatrième , cinquième, fixiéme
ou autre Change , quoique les Combinaiſons
ne foient compofées que de trois Changes : it
ne s'agit pour cela que de paffer d'une Com--
binaifon à une autre , & d'en parcourir affez
pour avoir enfin un terme connu qui ferve
2. vol.
dans
JUIN. 1728. 1419
dans la Combinaiſon où l'on doit trouver le
-Change qu'on cherche.
Il feroit inutile d'entrer dans un plus grand
détail fur l'utilité & fur la difpofition de l'Ouvrage
; les Banquiers & Négocians , foit du
Royaume , foit des Pais Etrangers , fentiront
affez qu'il leur épargrera la peine de faire des
calculs très - longs & très - penibles , qui fou
vent rebutent dans les recherches qu'on eft
obligé de faire fur les Changes , & pour lef
quels on n'a pas même toujours le temps néceffaire
fuivant les occafions.
> La Preface donnera une idée plus ample de
Pavantage & des fecours qu'on peut tirer d'un
pareil Ouvrage dans le Commerce & dans la
Banque.
2
On trouvera au commencement du premier
Volume les prix courans des Changes , & les
Monnoyes de Change de toutes les Places
contenues dans l'Ouvrage , & c.
ESSAY fur la Poële Grecque , traduit
de l'Anglois de M. Voltaire , par M...
A Paris , chez Chaubert , à l'entrée du
Quay des Augustins , près le Pont S. Mishel
, à la Renommée & à la Prudence
1728. Brochure in 12. de 170 pages ,
fans l'Avertiffement. Prix 24 fols.
En lifant un Ouvrage auffi ingenieux
que cet Effay , on ne peut s'empêcher de
fçavoit mauvais gré à M. de Voltaire de
l'avoir écrit en Anglois , & de n'avoir
pas fait à fa langue naturelle l'honneur de
220
vol
s'en1420
MERCURE DE FRANCE .
s'en fervir en cette occafion . Mais elle n'y
a rien perdu , puifque l'Ouvrage paroît
aujourd'hui traduit en François d'une
maniere tres- avantageufe , & qu'on a de
la peine à s'imaginer que cette copie ne
foit pas l'Original même de l'Auteur.
Quoiqu'il en foit , il y a bien à profiter
dans cet écrit. On y apprend à méprifer
les Regles vagues , incertaines & arbitraires
de l'Epopée , qui font dire aujour
d'hui à tant de perfonnes que la Henriade
n'eft point un Poëme Epique; comnie s'il
étoit neceffaire que tout Poëme Epique
reffemblât à PIliade ou à l'Eneide. La
plupart des
nap
Mode
Võl- *
ל כ
»
taire , ont puifé les Regles de la Poëlie
Epique dans les Livres d'oiſiefel , fui,
» vant la coûtume , ou plutôt luivant las
» foibleffe des hommes, qui prennent com-
» munément les commencemens d'un Art
»pour les principes de l'Art affez
même ;
>> peu judicieux pour le perfuader que
chaque chofe doit être réellement &
» dans fa propte nature , telle qu'elle étoit
» lorfqu'elle a été inventée. L'Auteur P
nous fait voir differentes fortes de Poes a
mes Epiques , qui tous ont leur merite P
quoiqu'ils ne foient pas tous conformes
aux Poëmes d'Homere & de Virgile, els
font la Pharfale de Lucain , l'Italle dé : s
livrée du Triffino , & les Poemes de Ca
2 vol.
moëns
JUIN.
1718. 1421
moëns , d'Alonze , d'Ercilla , du Taffe &
de Milton . On nous donne icy une idée
curieufe de tous ces Poëmes , dont la plû4
part font auffi peu connus en France qu'ils
font eftimez dans leurs pays . Ce que l'Aufeur
dit du Paradis perdu de Milton eſt
tres- agréable , & fuffit pour nous faire
connoître le grand génie de ce Poëte An- V
glois , & nous faire fouhaiter que la traduction
qu'un homme d'efprit en a faite
en François, paroiffe bien-tôt . Au refte les
louanges que M. de Voltaire donne au
Paradis perdu , ne peuvent paroître fufpectes
, puifqu'il a le courage de le cenfurer
dans les endroits mêmes que les
Anglois admirent le plus ; les Italiens
les Efpagnols , les Portugais , les Anglois
ont chez eux des Poëmes Epiques
il n'y a que les François qui n'en ont
point ; l'Auteur en apporte diverfes rai-
Tons qui font affez folides pour faire conclure
naturellement qu'un Poëme en
François , dans le genre de l'Iliade & de
l'Eneïde , ne réuffira jamais . C'eſt en vain
qu'on voudroit citer le Telemaque , qui
n'eft point un Poëme , quelque chofe
qu'on dife ; 10. parce qu'il n'eft point
écrit en vers , & qu'il feroit même infupportable
s'il étoit mefuté & rimé.
2 °. Parce que la fiction de ce Roman
Poëtique eft affez peu de chofe & ne
2
2. vol.
F v plaîc
1412 MERCURE DE FRANCE.
plait qu'autant qu'elle donne lieu à des
moralités admirables & à des portraits
hardis . C'eft fans doute pour cela que:
M. de Voltaire n'a point mis le Tel‹maque
au nombre des Poemes Epiques , &
qu'il a jugé à propos d'avouer que les
François n'en ont point ; mais il n'a garde
de dire qu'ils n'en peuvent avoir.
T
L'Ouvrage dont il s'agit , a autant de
fuccès iey qu'il en a eu à Londres, parce
qu'il n'y a perfonne qui ne foit en état
de le lire avec beaucoup de plaifir & d'u
tilité ; il feroit à fouhaiter que M.de Voltaire
eut traité à fond la matiere de l'Epopée
, mais il ne s'eft point propofé ce
but , & ceux qui prétendent que cet écrit
eft fuperficiel , font des critiques affez
peu équitables ; s'ils veulent y faire at
tention , ils verront que l'Auteur en traitant
cette matiere légerement , a dit bien
des chofes meures & folides ,
T
NOUVEAU SISTEME DU MONDE..
Le fieur Mauny , Ingenieur , qui› denna
Pannée derniere une Démonftration du
cours du Soleil autour de la terre , qui fe
fait fur une Sphere qu'il a inventée , vient
de mettre au jour le nouveau Siftême du
monde , auquel cette Sphere fert de fondement
, & dans lequel il prétend que le
2. vol.
principe
JUIN 1728. 1423
♡
>
principe de la Science pour connoître les
longitudes fur Mer, fe trouve renfermé.
Cet Ouvrage ne contient que deux feüilles
in 4. mais il eft enrichi de deux
Planches , fur l'une defquelles eft gravé.
te Siftême de Copernic , & fur l'autre le
Siſtême nouveau.
L'Auteur mer ces deux Siftêmes figurez
en parallele, & il prétend que la preu
vé de la fauffeté de l'un ', & du vrai de
'Pautre , eft évidente par la verification
des deux , fur les Tables de la connoiffance
des Temps , de l'Académie Royale
des Sciences.
Pat la verification qu'il fait du Siftê-
' me 'de Copernic , il trouve que felon ce
Siftême le paffager de notre Meridien
par le Belier le vingt - un Mars , jour de
FEquinoxe du Printemps de l'année
1727 auroit dû arriver à environ mi
Auit , au lieu que felon les Tables de la
connoiffance des Temps , le paffage de
notre Meridien apar le Belier , eft, arrivé.
ce jour-là à environ midi.
» 10Le 122. Jaim , jour du Solſtice d'Eté ,
ce paffage auroit dû arriver , felon Capernic,
à environ huit heures du matin ; au
lieu que felon la connoiffance des Temps,.
Liteft arrivé à environ fix heures du foir.
Le 14 Septembre , jour de l'Equino
'xe d'Automne , ce paffage auroit dû arri
2.vol.
ver
F vj
1424 MERCURE DE FRANCE.
ver , felon Copernic , à environ midis
au lieu que felon la connoiffance des
Temps , il eft arrivé à environ minuit.
Et le 22. Decembre , jour du Solstice
d'Hyver , ce paffage auroit dû arriver ,
felon Copernic , à environ quatre dü
res du matin , au lieu que felon la con- ì
noiffance des Temps , il eft arrivé à environ
fix heures du foir. S
Cet Auteur fait obferver plufieurs au
tres difficultez dans le Syftême de Co
pernic.
A l'égard du fien , il prétend que dans
Ia verification qu'il en fait fur les mêmes
Tables de la connoiffance des Temps , il
s'y rapporté parfaitement ce qui en doit
faire connoître le vrai : ce que cer Au
teur foûtient d'autant plus fortement ,
qu'il eft outre cela fondé fur fa Sphere
dont les mouvemens démontrent les accroiffemens
& les diminutions des jours ,
& les changemens de faifons , naturelle
ment comme ces mutations arrivent , ce
qu'il eft impoffible , dit-il , de pouvoir ,
démontrer par les Spheres 'd'aucun autre
Siftême , prétendant qu'étant tous faux ,
leurs Spheres font pareillement fauffes.
Ce nouveau Systême fe vend chez
Ballard , au haut de la ruë de S. Jean de
Beauvais.
La démonftration du cours du Soleil
2. vol.
au
3 JUIN
1728. 1428
autour de la Terre fe vend chez la
Meſie , tuë de la Vieille Bouclerie.
L'adreffe de l'Auteur eft rue Phelippeaux
, chez M. Morin , Tapiffier.
Ibparusle mois paffé chez déux differens
Libraires à Londres , en mêmetems
, deux Editions in 89 , de la Honriade
de M. de Voltaire , revûë , corrigée
& augmentée de Remarques critiiques
at smbfiye əl nəb səthiumil e
A
On imprime dans la même Ville en
Latin , deux Traitez de M. Newton , celui
qui contient fes Leçons d'Optique de
1669, & 1670. L'Eloge de M. Newton
par M. de Fontenelle , a été traduit
trois fois en Anglois , 2
Un Medecin d'auprès de Londres , a
publié des Obfervations fur les proprietez
& les effets des differentes fortes de
Bieres , ou il examine en quel cas elles
font bonnes ou nuifibles.
SACRE ERUDITIONIS Cultoribus ,
& Fautoribus S. D.Joan . Jacobus Breitingerus.
Tiguri Helvetiorum, 1x . Kal . Maij.
M. DCC . XXVIII .
C'est le titre d'un Programme Latin
que nous avons receu depuis peu , & qui
contient le projet d'une nouvelle Edition
2. vol.
de
1426 MERCURE DE FRANCE.
de la Verfion des Septante , laquelle nous
avons déja annoncée dans le Mercure de
"Mai dernier , page 991 .
La reception de ce Programme nous a
rendus plus attentifs fur un fujet , d'ail-
"Feurs fi important . On ne peut que louer
l'entreprife , & lesfoins
que ſe donne M.
Breitinger pour la bien executer ; mais
l'interêt de la verité ne nous permet pas
de diffimuler que dans le Projet qu'il préfente
il y a deux ou trois erreurs de fait ,
dont nous croyons qu'il fera lui -même
bien-aife d'être détrompé . La premiere
fe trouve dans ces expreffions . His uberrimi
fupplementi loco accedent diverfæ
Scripture variorum Codd. MM. SS . qui
maximam partem cum editis hactenus collati
non funt. Nous pouvons affurer que
ces mêmes Manufcrits ont été collationnés
il y a dix ans , par M. Weltein
le jeune , Diacre de l'Eglife de S. Leonard
, à Bafle ; & qu'on s'en eſt déja fervi
dans une Edition des Septante qui für
faite en 1945. Les deux autres méprifes
doivent moins être imputées au nouvel
Editeur qu'à M. Ifelin , cité dans le Programme
, comme un bon garant des pa
roles fuivantes. Sunt autem III. Bibliotheee
Academica Bafileenfis Codd. Membranaceis
quorum unus , & c. de quibus
vir venerandus Fac. Chriftoph. Ifelius ,
2. vol.
So
JUIN. 1728. 1429
>>
S.T. D. & Prof. ita monet. » Neque eft
» fane quod exiſtimes ab ullo antehac effe
» cum editis collatos : nam quæ pauca
» Lectiones variæ à cæleb . Monfalconio
» allegantur , puto illas ego Mabillonium,
>> vel fi quis fuit alius , certis locis curfim
>> infpectis , uri ferè fit in peregrinatione
» ab hominibus eruditis , olim adnotaffe .
1° C'eft un fait également vrai & affez
fingulier , que M. Helin , en parlant ainſi
a pris bonnement pour un manufcrit de la
Bibliotheque de Bafle en Suiffe , un manufcrit
du Monaftere de S. Bafile , à Rome
, qui eft cité dans les Hexaples , donnez
par le P. de Monfaucon . 2º. Il ſe
trompe encore en fuppofant que le P.
Mabillon à tiré du prétendu Manufcrit
de Bafle , les variantes Leçons employées
dans les Hexaples. Le P. Mabillon n'a
point fait ce travail ; quoique fort fçavant
homme d'ailleurs , il fçavoit peu de
grec , & étoit incapable de s'amufer à
extraire fuperficiellement des variantes
Leçons , dont il ne pouvoit faire aucun
ufage dans la Sphere de les études.
•
*
On apprend de la Haye , qu'on a
traduit de l'Allemand , l'hiftoire de l'Ordre
Militaire de Malte , dans les grandes
Maîtrifes de la Marche de Brandebourg
, de Saxe , de Pomeranie & de Vana
volo dalie
,
1428 MERCURE DE FRANCE .
dalie , par M. Beckmans. Elle est con
fiderablement augmentée par M. Dithmar
, Profeffeur en Hiftoire , à Francfort
fur l'Oder ; & elle fervira de fuite
à celle du même Ordre , par l'Abbé de
Vertot.
Le P. Manuel de Sa , de la Compagnie
de Jefus , nommé au Patriarchat
d'Ethiopie , & Académicien
Provincial
de l'Académie de l'Hiftoire , à Lisbonne ,
y mourut au
commencement du mois
dernier ; ainfi que le P. Michel de Sainte
Marie , Religieux de l'Ordre des Hermites
de S. Auguſtin , qui étoit auffi Membre
de cette
Académie.
EXPERIENCE faite fur la Mer , dont
on demande l'explication. Extrait de
la lettre d'un Officier de Marine , du
26. Juin , 1728 .
C
Omme on doit toûjours chercher
à s'inftruire , j'ai crû que vous ne
me refuferiez pas d'inferer dans le Mercure
une Experience qui me paroît interreffante,
& fur laquelle j'ai confulté d'habiles
gens qui n'ont pu me donner làdeffus
de raifon fatisfaifante .
Au mois d'Aouft 1724. allant à l'Ifle
de Cayenne par le Dromadaire , Vaif-
2. vol.
feau
JUIN 1728. 1429
*
W
feau du Roi , commandé par M: le Comte
Defgouttes , étant par le trayers du
fameux fleuve des Amazones , & à vingtcinq
braffes d'eau , on fit l'experience qui
fuit. On prit une bouteille de verre d'An
gleterre , qu'on remplit d'eau de la Mer ,
on la boucha bien avec un bouchon de
lege couvert de cire , & on couvrit
encore le bouchon d'une toile godronnée.
On attacha la bouteille à la fonde
, & on la laiffa l'efpace d'un quart
d'heure au fond de la Mer , après quoi
on retira la bouteille en bon état. L'eau
qui étoit auparavant falée n'étoit plus
qu'un peu faumatre : J'ai voulu faire la.
même experience dans la rade de l'Ile
de Cayenne
, mais
elle
n'a pas
rette
non
plis qu'à mon retour en France à l'atte
rage . Tous les vaiffeaux qui vont à Cayenne
ont fait la même épreuve que nous ,
& elle n'a jamais manqué . Nous avions
à bord un Jéfuite nommé le P. de Noe
qui ne pur nous donner là - deffus de
raffon plaufible.
L'empreffement du Public pour les
Eftampes de l'histoire de Dom Quichotte
dont les Tableaux font peints par M.
Ch. Coypel , Ecuyer , Peintre du Roi , &
premier Peintre de Monfeigneur le Duc
d'Orleans , fait croire qu'on lui fera plai-
2. vol.
Gix
1430 MERCURE DE FRANCE.
fir de l'avertir que l'on en diftribuë deux
nouvelles Eftampes qui font les vingtdeuxième
de cette fuite. L'une eft gravee
par le fieur Tardieu , & l'autre pår le
feur L. Surugue, qui en fait la diftribution
à l'ordinaire , & chez qui feul on eft
affuré d'avoir les Originaux ; car l'impudence
de certaines gens va jufqu'à mettre
à leurs mauvaifes copies , les noms
des Graveurs & les mêmes adreffes qui
font aux Originaux pour mieux tromper
les Amateurs : c'eft dequoi on a cru devoir
avertir le public. Ledit fieur Surugue
demeure à l'entrée de la rue des Noyers
entre les deux premieres portes Cocheres ,
vis -à-vis S. Tves , au fecond Appartement.
Il vend auffi les Comedies de Molieres
gravées fur les Deffeins deM. Ch.Coypel ,
& tout ce qui a été fait fur fes Tableaux
ou fes Deffcins ; entr'autres une grande
Eftampe achevée depuis peu , reprefen
tant l'Apotheofe d'Hercule. La magnifi .
cence de la compofition & la grace de
l'execution , femblent avoir difputé laquelle
emporteroit le prix dans ce Tableau
; il eft gravé par le fieur Surugue.
Toutes les belles Eftampes gravées fur
Tes Tableaux de M. Antoine Coypel, E.
Guyer , premier Peintre du Roi , & de
2. vol.
MonJUIN.
1728. 1431
Monfeigneur le Duc d'Orleans , Regent.
Ces Estampes font en poffeffion de l'eftime
de tous les Curieux connoiffeurs qui les
ont toûjours recherchées avec avidité
& qui les regardent comme des modeles
de la plus parfaite maniere de graver
, par l'expreffion fçavante & difficile
des caracteres differens de tous les objets
qui entrent dans la compofition des Tableaux
de ce grand Peintre ; elles font
gravées par les fieurs Audran , Simonean's
Trouvain , Poilly , Duchange , Tardien ,
& tous les plus habiles du tems dont la
réputation eft affez connue.
Les Deffeins du Cabinet du Roi , de Ra
phael , des Caraches , & de tous les grands
Peintres d'Italie . Ces Eftampes imitent
parfaitement la correction , la maniere , la
facilité & la touche des Deffeins origi
naux .
L'Oeuvre de M. Girardon , fameux
Sculpteur du Roi , avec son Portrait , &
fon beau Cabinet de Sculptures antiques
& modernes. Cette Oeuvre compofe 46.
Planches de differentes grandeurs , dans
lefquelles font comprifes celles du Tombeau
du Cardinal de Richelieu.
Les Eftampes du Roman Comique de
Scaron, dont il délivre actuellement deux
Sujets qui font , la Rancune qui coupe
le Chapeau de Ragotin , & Ragotin le
7
2. vol.
pied,
1432 MERCURE DE FRANCE .
L
pied dans le pot de Chambre. On don
nera la fuite à mesure qu'elle fe fera . On :
ne doit pas confondre cet Ouvrage avec:
un autre propofé fous le même titre .
,
Le grand Escalier des Ambaffadeurs du
Château de Verfailles en 24. Eftampes
avec une Deſcription , pour lequel le Public
a foufcrit. Le fieur Surugue prie les
Soufcripteurs qui ne font point encore
remplis , de retirer ce qui leur manque
de cet Ouvrage pendant que les Planches
font encore entre les mains.
Plufieurs Piéces de M. Vleugles , Ecuyer,
Directeur de l'Académie de Peinture à
Rome, & tout l'Oeuvre .
Plufieurs Piéces nouvelles de Watteau,
& tout l'Oeuvre complet , premieres
épreuves.
Toutes les Oeuvres de M. B. Picart
enfemble ou féparement.
.. Plufieurs Eftampes de differents Maîtres
dont il a les Planches .
de
Enfin , ledit fieur Surugue eft en état
procurer aux Curieux plufieurs Eftampes
rares , tant anciennes que modernes ,
comme :
Les Oeuvres de C. Wiffer , Graveur
Flamand , Suyderoef, & autres.
Louis XV. à cheval , peint par M. Parofel.
Les Amours de Daphnis & Cloé , de
2 vol.
M²
JUIN. 1728. 1435
M Philippus Aurelienfis , & plufieurs autres
Piéces.
On donnera inceffamment un Catalogue
détaillé de toutes les Eftampes qu'il
annonce aujourd'hui
མཉམ་
Jud
-Voici encore quelques Estampes d'après
Watteau , cet élegant & gracieux Maître
que le Public recevra , fans doute
avec le même empreffèment qu'il a reçû
toutes celles que fon heureux génie a
produites. Le Paravant que nous avons
annoncé l'année derniere , gravé par le
fieur Crepy le fils , paroît depuis peu . Ce
font fix morceaux en hauteur , dans le
goût de l'Eſcarpolente , qui parut il y a
quelque tems , d'après le même Watteau ,
gravée par le même . Ce font des Sujets
champêtres , accompagnez d'ornemens
très galants , très gracieux & variez avec
un goût admirable. L'habile Graveur eft
très heureufement entré dans l'efprit de
l'Auteur , & en a conſervé toutes les
graces & la legereté. Cette Suite ſe vend
chez Gerfaint , Marchand, fur le Pont Nôtre-
Dame , & chez Surugue , ruë des
Noyers.
On trouve chez les mêmes une nouvelle
Eftampe d'après le même Maître qui reprefente
un Concert , gravée par le fieur
a vol.
J,
1434 MERCURE DE FRANCE.
J. Moyreau, d'un ton ferme & haut en cou.
leur. On lit ces Vers au bas.
Du bel âge où les jeux rempliffent vos dé
firs ,
Connoiffés tout le prix , vive & tendre jeuneffe
.
Par des fons animés , par des chants d'allegreffe
.
•
Du Printemps de vos jours célebrés les plaifirs.
Pour nous,Cenfeurs Barbons, chargés de fains
& d'âge ,
Nous crions à grand tort contre vos paffetemps
: ६
Ah ! fi nous en pouvions rappeller les momens
>
De ces momens heureux nous ferions même
ulage.
L'Abbé de Rotelin a été élu par PAcadémie
Françoile à la place vacante par
la mort de l'Abbé Fraguier. Il y alla prendre
féance le Lundy 28 de ce mois ; il
prononça un très - beau Difcours auquel
' Abbé Gedoin répondit . Dans la même
Séance M. de la Motte récita trois Pleaumes
traduits en Vers François. L'Abbé
2. vol.
do;
JUIN 1728.
1438
Oliver termina la Séance par une lecture
qu'il fit de la vie de feu Mrs Chapelain
& Conrard , anciens Académi
ciens. Pakunat 259.
M. Hardion , Académicien Affocié dans
l'Académie Royale des Belles Lettres , a
obtenu la penfion qui a vaqué dans cette
Académie par la mort de l'Abbé Fraguier.
2
On a appris de Meffine que le 11.
Avril , vers les neuf heures du matin , on
yeayoit fenti plufieurs fecouffes d'un tremblement
de terre dont on s'eft apperçu
depuis dans toute la Sicile & dans la
Calabre , & qui a caufé beaucoup d'effroi.
$
Le fieur de Bois-Mortier , Compofiteur
de Mufique , a donné le 10. de ce mois
fon 23 Oeuvre , qui confifte en Mo-
LOLS.
Le fieur l'Erable , Facteur d'Inftruments
avent depuis plus de 20. ans , a inventé
des Baffes de Flutes Traverfieres qui font
un grand effet. Il avertit le Public que
toutes les Flutes Traverfieres & à bec 1
Haut-Bois & Baffons, marquez du nom de
Nauft , font de lui. Made Nauſt , qui
2 vol.
étoit
1436 MERCURE DE FRANCE .
étoit la Belle - mere étant morte au mois de
May dernier. Tous ces Inftrumens feront
marquez à l'avenir du nom de l'Erable.
.
On trouve chez M. Gafnier , Négociant
, ruë Quincampoix , près le Bureau
des Marchands , une inftruction curieufe
en forme de Lettre , au fujet d'un Remede
, appellé Arcane de vie incorruptible
compofé par M. de Caudole , Chimiſte ,
de Marfeille . Il fait connoître dans cet
écrit que toutes les maladies viennent de
l'eftomach ; il démontre par plufieurs experiences
qu'il a faites , qu'on doit préferer
les remedes extraits des animaux &
des végétaux , à ceux qu'on tire des Métaux
& des Mineraux ; & il donne la
compofition de fon Arcane de vie , avec
fes proprietez & la maniere de s'en fervir .
Les Approbations des Medecins de la Faculté
de Paris , qui ont employé ce Remede
avec beaucoup de fuccès , les bons
effets qu'il produit tous les jours , & le
Privilege accordé à l'Auteur par le Premier
Medecin du Roy , font croire que
l'Arcane de vie fera très- fecourable &
très-utile au Public.
Il entre dans la compoſition , les Baumes
de la Mecque , de Tolu , de Judée ,
du Perou , le vrai Bijon , la Myrrhe & le
Storax en larme. L'Auteur joint à cela
3. vol.
les
JUIN. 1728 .
1437
les Aromates huileux & céphaliques , furtout
la poudre de Vipere .
)
Les vertus de ce Remede font d'augmenter
la châleur naturelle , de ranimer
toutes les parties vitales , d'entretenir la
perſonne en fanté , de conferver l'humide
radical, de faire circuler le fang , d'en abforber
les acides, & de le rendre balzamique
il donne un bon tein & beaucoup
d'apetit reftaure & répare les forces abatuës.
1
La doze pour l'ufage ordinaire eft d'en
prendre une demie cuillerée à caffé dans
une cuillerée à bouche d'excellent vin
&c. c'est un grand ftomachique ; il fait
beaucoup de bien aux femmes fujettes aux
vapeurs hyſteriques , provoque les mois
retenus , fait revenir promptement dans
les accidens d'apopléxie , ainfi que dans
l'épileptie , les fyncopes , les convulfions ,
les létargies , & c. On donne dans ces occafions
l'Arcane de vie fans véhicule , il
eft fouverain contre les coliques venteufes
, les néphretiques , & les points de
côté . C'eſt un fébrifuge que l'Auteur met
au deffus du Quinquinat , furtout pour
les fiévres intermittentes . C'eſt encore un
puiffant réfolutif ; il guérit & réfour en
très -peu de tems toutes fortes de contufions,
& diffout le fang extravafé & coagulé
, & c .
2. vol.
Les G
1438 MERCURE DE FRANCE.
Les Pilules mercuriales de M. Bellofte ,
Confeiller , Premier Chirurgien de feuë
Madame Royale de Savoye , dont il a été
fait mention dans le Mercure du mois
d'Avril dernier , fe diftribuent toujours
avec un grand fuccès . On continuë à en
faire des cures admirables pour toutes les
maladies véneriennes fans la falivation ;
les écrouelles , les rhumatifmes fciatiques
, & gourtes naiffantes ; pour les opilations
, les obftructions des glandes &
des vifceres de toutes les parties du corps ,
même fchirreufes & cancereuſes ; les
galles de differente efpece , la gravelle &
difficulté d'uriner. Elles ne caufent aucune
châleur , ni alteration. Ce remede eft auffi
commode que facile à prendre , d'autant
qu'il n'oblige pas à garder la chambre ni
le lit , ni à obferver une diette rigoureufe ."
Elles ne fe gâtent jamais pourvû qu'on les
tienne dans une boëte. On avertit que
l'âge avancé de M. Bellofte le pere , l'obligeant
à rappeller fon fils , le Public n'a
plus que deux mois de tems à profiter du
féjour à Paris de M. Bellofte le fils . Il
demeure au petit Hôtel d'Aumont , ruë
de la Mortellerie. Il fournit des boëtes de
toute grandeur avec des mémoires pour
la maniere de s'en fervir.
2. vol.
SPEC
.
JUIN. 1728. 1439
L
SPECTACLES.
E Lundy 21. de ce mois , les Comédiens
François donnerent la premiere
repréſentation de la Comédie nouvelle
du faux Sçavant , en trois Actes , en Profe
, avec un Prologue. Cette Piéce a été
jouée quatre fois : nous en pourrons parler
plus au long , & dire quelque chofe
du mérite de cet Ouvrage , & des défauts
que le Public y a remarqués.
Le 30. M. le Lieutenant General de Police
fit l'ouverture de la Foire S. Laurent
avec les cérémonies accoûtumées ;
le même jour le nouvel Opera Comique
fit l'ouverture de fon Théatre par
une Piéce nouvelle , en trois Actes , ornée
de chants & de danfes , intitulée , Achmet
& AlmanZine , qui fut reçûë très favorablement
du Public . On en parlera plus
au long dans le prochain Journal.
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Lyon
le 24. Juin 1728 , fur une nouvelle
Tragédie.
E 23. du mois de May dernier , on
au ville
une nouvelle Tragédie du R. P. Folard , 2. vol.
Gij
Je1440
MERCURE DE FRANCE.
Jefuite , intitulée THE MISTOCLE. Le
fuccès de cette Piéce fut fort au - deffus de
ce qu'on a vû jufqu'à préfent dans ce
College. Les principaux Perfonnages ne
jouerent point en Ecoliers , mais en Ac
teurs dignes du public éclairé ; une magnifique
décoration qui reprefentoit le
Palais de Xerxès , donnoit un grand éclat
au Spectacle ; on peut dire que la Piéce
meritoit tout cet appareil. Elle me parut
écrite avec beaucoup de force & d'élegance.
Les fentimens en font nobles &
extrêmement vifs , & s'il y a quelque chofe
à dire, c'eſt qu'il y en a, ce ſemble , un
peu trop. Le dénouement , qui eft tiré de
Diodore de Sicile , eft peut - être le Spectacle
le plus frappant & le plus nouveau
qu'on puiffe mettre fur la Scene. La conduite
de la Piéce forme une fufpenfion
très- intereffante , & qui va toujours en
augmentant. M rs de l'Hôtel de Ville de
Lyon ont donné après la reprefentation ,
des marques honorables & très genereufes
de leur fatisfaction à l'Auteur , & ils
l'ont prié avec M rs de l'Académie des
Sciences de cette Ville , dont il eſt un des
Membres , de faire imprimer fa Piéce .
HYPERMENESTRE , EXTRAIT .
Le 1. de ce mois l'Académie Royale de
Mufique remit au Théatre la Tragédie
2. vol.
d'HyJUIN.
1728. 1441
d'Hypermnestre. Le Poëme eft de feu
M. de la Font , Auteur de plufieurs autres
Piéces de Théatre qu'il a données tant à
P'Opera qu'à la Comédie Françoiſe , &
la Mufique eft de M. Gervais , Maître de
Mufique de la Chapelle du Roi . Cette
Piéce avoit été reprefentée pour la premiere
fois le 5. Novembre 1716. On fut
obligé de l'interrompre après la treiziéme
repréſentation , pour y faire un cinquiéme
Acte , attendu que celui qui avoit
d'abord été donné n'étoit pas goûté. Le
nouveau cinquiéme Acte fut plus heureux ;
la Piéce fut repriſe dans le mois d'Avril
de l'année fuivante , & fut jouée affez
long tems . Ce cinquiéme Acte parut raifonnable
, & tel qu'il pouvoit être , conformément
au premier plan dans lequel
l'action principale fe trouve confommée à
la fin du quatriéme Acte , comme on le
verra dans l'Extrait (uivant.
Prologue.
Il n'y a prefque point d'action dans le
Prologue. La Scene eft en Egypte ; on y
célebre l'Apotheofe d'Ifis ; on prie eette
Déeffe d'être toujours favorable aux Peuples
qu'elle protege ; le Nil promet aux
Egyptiens de rendre leurs campagnes fertiles
par le fecours de fes eaux ; Ifis vient
2. vol.
G iij
auffi
1442 MERCURE DE FRANCE .
auffi affûrer les Egyptiens de fa protection
; elle part des rivages du Nil , en
chantant ces Vers qui lient le Prologue à
la Tragédie .
Pour affûrer votre bonheur extrême ,
Hypermneftre m'engage à partir de ces lieux ;
Je veux qu'un doux Hymen l'uniffe à ce qu'elle
aime ;
Il eft ordonné par les Dieux ,
Et je vais l'achever moi- même.
Sujet hiftorique de la Pièce.
Egyptus & Danaus étoient fils de Belus ;
le premier étoit pere de cinquante fils
& l'autre comptoit autant de filles ; Egyptus
propofa à Danaus de ne faire qu'une
même famille en mariant fes cinquante
filles avec fes cinquante fils ; Danaus s'oppofa
à cet Hymen , parce qu'un Oracle
lui avoit annoncé qu'il mourroit de la main
d'un des fils de fon frere ; mais s'y trouvant
forcé par Egyptus , beaucoup plus
puiffant que lui , il ordonna à fes filles de
poignarder leurs maris la premiere nuit
de leurs nôces ; la feule Hypermnestre refufa
d'obéir à des ordres fi cruels ; elle
épargna Lyncée , lequel accomplit l'Oracle
en donnant la mort à Danaus , meurtrier
de fes freres. On ne parle point du
2. vol.
fup.
JUIN. 1728. 1443
fupplice des Danaïdes , autrement appellées
Belides ; il n'en eft point queftion dans
la Tragédie , dont voici le plan .
ACTE I.
Danaus ayant été chaffé d'Egypte par
fon frere Egyptus , vint s'emparer du
Thrône d'Argos , dont Gelanor étoit legitime
poffeffeur ; il lui ravit en même tems
& l'Empire & la vie . Les Manes de ce
Roi opprimé ne ceffant de l'effrayer dans
des fonges , il lui fit rendre des honneurs
funébres , dont Gelanor fut fi irrité , qu'il
fortit de fon Tombeau & prononça cct
Oracle :
Ne croi pas expier ta facrilege audace ,
De tes regrets forcez n'attends que le tré-
Pas:
Un des fils d'Egyptus doit regner en tø
place i 4
Tu péris , fi pour toi ton fang ne s'arme
pas.
Cet Oracle jette l'effroi dans le coeur
de Danaus ; cependant , quoiqu'il foit
très- pofitif dans les trois premiers Vers ,
il paroît conditionel dans le quatriéme ;
cette lueur d'efperance engage Danaus à
former le projet qu'il exprime dans la derniere
Scene de cet Acte.
2. vol.
Quel
G iiij
1444 MERCURE DE FRANCE.
Quel oracle fatal ! quelle horreur ! je friffone.
Un des fils d'Egyptus doit ravir ma Couronne
!
Ciel , montre moi la main qu'armera ton courroux
!
Un des fils d'Egyptus ! obſcurité fatale !
Votre vengeance eft fans égale ;
Ombre inhumaine, expliquez - vous .
Ah ! fur Lyncée & fur fes Freres ,
Du fort qui me pourfuit , faiſons tomber les
coups .
Quoi ! du crime d'un feul les punirai je tous?
Que j'éprouve à la fois de mouvements contraires
!
...a.. 00:
Ombre inhumaine , expliquez- vous ;
Quel eft le criminel ? nommez-moi ma victime
;
Vous me cachez l'Auteur du projet le plus
noir ?
Eh bien ; c'eſt à mon fang à faire fon devoir :
Grands Dieux , je vous charge du crime :
Il feroit à fouhaiter que tous les Vers
de la Piéce fuffent auffi beaux que ceux
qu'on vient de citer .
2. vol .
A.CJUIN
1728. 1445
ACTE II.
Le Vaiffeau de Lyncée ayant été écarté
par l'orage , tous fes freres font arrivez
fans lui dans le Port d'Argos; le foin que les
Dieux fembloient avoir pris de fes jours ,
en l'empêchant d'arriver dans un lieu où
la mort lui eſt deſtinée , perfuade à Danaus
que c'est lui que ces Dieux ont reſervé
à lui ravir l'Empire & la vie ; il en
témoigne fon regret à Hypermneſtre ſa
fille , qui n'attribuë fa douleur qu'à la
tendreffe qu'il a pour elle , parce qu'il
fçait qu'elle aime Lyncée , qu'elle a vû
autrefois dans fa Cour , & qu'il lui a deftiné
pour époux. Dans cette agitation il
quitte fa fille qui fe plaint aux Dieux de
la perte de fon Amant. Sa trifteffe eft
bien-tôt calmée par l'approche des Vaiffeaux
de Lyncée . Les habitans d'Argos &
une troupe de Matelots , viennent le réjouir
avec elle de l'arrivée de Lyncée ;
après la Fête , Lyncée arrive ; la Scene
qu'il a avec Hypermneftre cft tendre de
part & d'autre , mais il n'y a rien que d'ordinaire
dans les fentimens & dans les expreffions.
Ils fe retirent tous deux pour
rendre auprès du Roi.
fe
2. vol. Gy AC1446
MERCURE DE FRANCE,
ACTE III.
Tout le monde convient que c'eft ici
l'Acte le plus intereffant de la Piéce : Danaus
, Lyncée & Hypermneftre le commencent.
Le Théatre reprefente le Temple
d'Ifis , où tout eft preparé pour l'Hymen
de ces deux Amans ; leurs freres &
leurs foeurs ont déja été unis Danaus
rend raifon de cette diftinction par des
Vers qu'il adreffe à Lyncée.
91518
•
404
De vos freres déja j'ai rempli tous les voeux ;
Seul héritier de cet Empire ,.
Prince , je vous devois un Hymen plus pompeux
by two
La céremonie de ce dernier Hymen ſe
fait avec beaucoup de folemnité ; Lyncée
& Hypermneftre fe jurent une foi éternelle
fur l'Autel ; on doit fçavoir gré à
l'Auteur d'avoir introduit dans le Temple
les peuples d'Argos , & furtout des Bergers
, par ces Vers :
Aux habitans d'Argos , aux Bergers d'alen.
tour ,
Prêtres , ouvrez le Temple où régne la Déeffe ;
&
Il eft tems de répondre au zele qui le preffe ,
2. vol.
Qu'ils
JUIN. 1728. 1447
Qu'ils viennent à nos yeux célebrer ce grand
jour ;
La Fête auroit été trop grave fans ce
fecours qui l'a renduë très riante ; une
fédition excitée par les vengeurs de Gelanor
, oblige le Roi à les aller combattre
; mais Lyncée l'ayant prié de lui laiffer
l'honneur de les réduire il y confent
& refte avec la fille pour faire une Scene
des plus frappantes : nos Lecteurs ne ,fefâchez
de la trouver ici toute enront
pas
tiere :
Danaus.
Princeffe , vous voyez le noeud qui vous engage
:
Tout vous lie à l'Epoux dont pour vous j'ai
fait choix ;
Mais vainement l'Amour vous impofe des
loix :
Le fang , ma fille , exige davantage.
Hypermnestre.
Je vous dois tout , Seigneur , ma tendreffe, ma
foy ;
Danans.
Que ce refpect m'eft cher ! ma fille , écoutezmoy
.
La fu reur des Mutins n'eft pas encore éteinte ;
2 vol.
G vj Mais
1448 MERCURE DE FRANCE .
Mais c'eft peu qu'à mes loix ils ne foient pas
foûmis :
Le Ciel me porte une plus rude atteinte ,
Il arme contre moy de plus grands ennemis ;
J'ai tout à redouter d'un projet fanguinaire.
Hypermnestre.
Des Enfans d'Ægyptus l'invincible fecours
Répond , Seigneur , du falut de vos jours.
Danaus .
Non ; c'eſt à vous de fauver votre pere ;
Vous feule vous pouvez m'arracher au trépas;
Votre vertu m'eſt neceffaire
Elle doit armer votre bras.
Hypermneftre.
Mon bras ! parlez ; que dois - je faire ?
Quel ennemi faut - il vous immoler ?
Danaus.
Ma Fille , fon nom feul peut vous faire trembler.
qxH
Hypermnestrem mot
Ne me foupçonnez point d'une indigne foibleffe
;
Si l'augufte ferment que j'ai fait en ce jour
Ne peut calmer le trouble qui vous preffe,
9
2. val.
Que
JUIN. 1449
1728. T
Que cet Autel garant de ma tendreſſe
m & up u
Le foit pour vous de mon amour.
T900
Ho
Elle pofe la main fur l'Autel.
Hymen facré , c'eſt toy ſeul que j'attefte ;
A mon fidele Amant je viens d'unir ma
foy ;
Puiffes-tu dans ce jour me devenir funefte,
Si je ne venge pas & mon Pere & mon
Roy.
r9g à Danaüs.
Periffe l'ennemi qui caufe nos allarmes :
Vendons-lui cher vos terreurs & mes
larmes.
Danaus prefentant un Poignard
à Hypermnestre.
Hé bien ; de ce Poignard armez donc votre
main :
Du plus affreux péril ma tête eft menacée
;
< -3119111 20-
Hypermneftre.
Nommez , nommez l'Auteur d'un complot
inhumain.
Danaus.
Vous devez m'immoler...
2 vol.
Hyperm
1450 MERCURE DE FRANCE.
Hypermnestre.
Et qui , Seigneur ?
Danaus .
Lyncée.
។
Hypermnestre.
Lyncée ! ô Ciel ! que dites -vous ?
Les Dieux ordonneroient ce fanglant facrifice
!
A peine de vos mains je reçois un Epoux ,
Et de la mienne, hélas ! vous voulez qu'il périffe
.
Danaus ordonne à Hypermneftre d'aller
remplir le ferment qui la lie , mais com -
me il n'a pas trop lieu de compter fur
fon obéiffance , il fait connoître qu'il a
tout prévû , & qu'on doit pendant la nuit
affieger de toutes parts l'appartement de
Lyncée , & le faire périr.
ACTE I V.
Cet Acte ne plaît guere moins que le
précedent ; mais le Muficien y eft au deffus
du Poëte. Une troupe de jeunes garçons
& de jeunes filles, conduits par Arcas,
viennent chanter une Epithalame dans
les Jardins du Palais de Danaus , fous les
14
2. vol. Fenêtres
JUIN. 1728. 1451
Fenêtres de l'appartement des nouveaux
mariez ; on y danfe' une Paffacaille , qui
paffe pour un chef- d'oeuvre . Hypermneftre
ne peut foûtenir plus long temps des
Concerts fi perfides ; les Ordonnateurs de
certe trompeufe fête fe retirent avec ceux
qui l'exécutent : Hypermneftre paroît tenant
un Poignard à la main encore incertaine
de ce qu'elle doit faire. Lyncée
arrive. Ce Poignard fatal frappe les yeuxs ,
il demande à fon Epoule pour quel fujet
elle en eft armée : elle veut le plonger
dans fon fein. Lyncée retient le coup &
lui arrache le Poignard ; il continue à lui
demander d'où peut naître un defefpoir
fi funefte ; elle ne peut répondre que ces
mots :
Un Oracle... Un Poignard...
Le Tonnere gronde , les cris des mourans
annoncent la fanglante Tragedie qui
fe pafle derriere le Theatre. Hypermneftre
rompt enfin ce long filence par ce
vers :
Je fremis, fauvez -vous : on immole vos freres.
Lyncée la quitte pour aller au fecours
de les Freres.
ACTE V.
Le Lecteur juge bien par ce qui a pré-
2. vol.
cedé,
1452 MERCURE DE FRANCE .
cedé , que l'action principale eft confommée
; il ne reste à voir que la mort dele
Danaus annoncée par l'Oracle ; mais cette
Catastrophe , outre qu'elle n'a rien des
frappant , ne fournit que la matiere d'une de
Scene. Celui qui fut chargé de faire ces
Actes par le confentement du premier
Auteur , ne pouvoit donc que le rendre
raifonnable , & plus fupportable que celui
dont on avoit jugé la fuppreffion neceffaire
.
Lyncée , l'épée à la main , cherche Da
naüs pour lui donner la mort , il commen
ce par ces vers , qu'il adreffe aux Dieux.
Redoutables vengeurs des crimes de la
Terre
Du foin de les punir n'eftes - vous plus
jaloux ?
Qu'ay-je vû le cruel ! s'il échappe au
tonnere ,
Qu'il n'échappe pas à mes coups .
Hypermnestre arrive toute éplorée , &
n'oublie rien pour le détourner d'une fi
jufte vengeance : elle l'en conjure au nom
de fon amour par ces deux Vers :
Eh ! quel Dieu lui fera propice ,
Si l'Amour ne le fauve pas ?
Lyncée eft inexorable , mais voyant
qu'Hypermnestre, au defefpoir,va fe livrer
L
2. vol.
à
JUIN. 1728. 1453
à la fureur de fon Pere ; le péril inévitable
d'une époufe fi tendre & fi vertueufe
le défarme ; til lui promet de refpecter
les jours de fon Pere , pourvû qu'elle fe
détermine à le fuivre : elle y confent ;
Lyncée fort pour lui aller ouvrir les chemins
de la fuite par le fecours de fes Egyp
tiens. Danaus vient un moment après ,
il a appris que Lyncée s'eft fauvé. Il
ordonne à fes Argiens de courir après
lui ; il fait de fanglans reproches à fa fille,
il la menace de la mort ; elle a beau lui
› répondre avec autant de fermeté que de
tendreffe :
Les Dieux ont rempli mon attente ,
Seigneur , vos jours font confervez ,
Je tremblois pour vous , vous vivez :
La mort n'a rien qui m'épouvente.
Danaus lui dit , en parlant de Lyncée :
Quoy , lorfque tu trahis & ton Pere &
ton Roy ,
Tu crois qu'à fes fermens il fera plus fdele
!
Tu viens de lui laiffer , cruelle ,
Un exemple à manquer de foy .
Hypermneftre s'excufe par ces vers :
Dans l'état où j'étois , Seigneur , qu'ayje
dû faire ?
2. vol.
Quel
1454 MERCURE DE FRANCE.
Quel crime ay - je commis ? foûmiſe à
deux fermens ,
Pouvois -je de mon coeur regler les mouvemens
?
Si le devoir excitoit ma colere ,
Le devoir fufpendoit mes coups :
Pour être fidelle à mon Pere ,
Devois- je trahir mon Epoux.
L'argument eft affez concluant ; mais la
raifon ne fuffit pas , fur tout dans un Acte
précedé de deux autres où l'action eft
toute des plus vives : Un bruit de guerre
annonce à Danaus l'approche de fon ennemi
, il fort pour l'aller combattre. Lyncée
ne tarde pas à revenir victorieux. Il
ordonne en arrivant qu'on fauve Danaüs,
mais c'en eſt déja fait : l'Oracle eft rempli
, & la Piece finit par ce teftament de
mort : c'eft Danaus qui parle d'abord à
Hyperinneftre , & après à Lyncée .
Danaus.
Non n'accufe que toy de mon funefte
fort ,
J'expire par tes coups , n'en doute point,
perfide ,
Tu deviens en un jour parjure & parricide
.
2 vol.
C'eft
JUIN 1455 1728 .
C'eft toy qui me donnes la mort .
Ton Epoux moins cruel , épargnoit fa
victime ,
Mais qui peut échapper au fort qui le
pourfuit ?
Sans l'aveu de fon coeur fa main a fait le
crime ,
Elle a porté le coup & les Dieux l'ont
conduit.
Lyncée.
Dieux inhumains !
Danaus.
Eft-ce à toy de t'en plaindre
Ces Dieux , cruels pour moi , t'accablent
de faveurs ,
De mes jours malheureux le flambeau va
- s'éteindre :
L'Oracle eft accompli , tu regnes , & je
meurs.
Voilà quelle eft la Tragedie d'Hypermneftre
, telle qu'elle vient d'être remife
au Théatre , au gré du public; il ne nous
refte plus qu'à faire part à nos Lecteurs
des jugemens qu'on a portez fur cet Opera.
On l'a trouvé affez bien écrit ; mais
beaucoup plus fort d'action que d'expreffion.
M. Deftouches , nouveau Di- 2. vol.
recteur
1456 MERCURE DE FRANCE .
recteur de l'Académie Royale de Mufique
, n'a rien omis de ce qui pouvoit
contribuer à le faire réüffir : la diftribution
des Rôles a été telle qu'on la fouhaitoit
les Acteurs , tant chantans que
danfans , s'y font diftinguez : la Dlle Antier
n'y a pas fait regreter la Dlle Journer
dans le Rôle d'Hypermneftre.
:
Le Ballet qui eft de la compofition du
fieur Blondy , eft des mieux deffinez &
des mieux caracterifez . Les Diles Camargo
& Salé y brillent également , chacune
dans fon genre. Ces deux admirables
Danfeufes executent un pas de trois avec
la Dlle Perit , dans le Prologue . La Dile
Menet danſe plufieurs Entrées dans le premier
Acte . La Dile Camargo danfe dans
le fecond un air de Tambourin , qui fait
l'étonnement & l'admiration de tout le
monde. Il eft fuivi d'un pas de deux des
fieurs Laval & Maltaire:Dans le troifiéme
la Dite Sallé danfe avec le fieur Dumoulin,
ainfi que dans la Paffacaille du 4° Acte
avec autant de fineffe & de grace que de
nobleffe & de légereté.
9
La Mufique eft generalement eftimée
& paffe pour une des meilleures parmi
les modernes . L'Auteur du Poëme eft
trouvé en beaucoup d'endroits audeffus
de lui- même, fur tout dans fon troifiéme
Acte le plan de fa Piece eft auffi bien
2. vol. fuivi
JUIN.
1457
1728 .
fuivi qu'il le puiffe être dans un fujer ,
que le feul refpect qu'on a pour les anciens
peut rendre fupportable ; fes fêtes.
font parfaitement bien amenées & font
partie de l'action ; la plus belle fituation de
fa Piece n'a pas laiffé que d'être cenfurée ;
on a trouvé peu vrai- femblable que Danaus
, fçachant que fa fille aime Lyncée,
pût fe flatter qu'elle lui donneroit la
mort : on a cru que pour éviter cet inconvenient
, il auroit fallu qu'il ignorât cet
amour réciproque & que les feuls fpectateurs
en fuffent inftruits ; le double ferment
d'Hypermneftre fur le même Autel,
& coup fur coup , n'en auroit pas produit
un effet moins vif. Mais quand on
lui pafferoit, difent les Critiques , ce mande
vrai - ſemblance , il ne faudroit pas que
qu'il fit dire à Danaüs :
Mais vainement l'amour vous impoſe des loix,
Le fang , ma Fille , exige davantage.
-
Il fuffiroit , difent ils , qu'il s'expliquât
ainfi : Mais fi l'amour vous impofe
des loix , &c. Ce terme , vainement ;
doit jetter Hypermneſtre dans la défiance,
& l'empêcher de faire un ferment dont
fon Pere a befoin ; on trouve encore que
Danaüs devroit lui cacher que fes foeurs
vont lui immoler fes victimes ; l'amour
2. vol.
d'Hys
1458 MERCURE DE FRANCE .
'Hypermneftre pour Lyncée , pouvoit
bien s'étendre jufqu'aux malheureux Freres
de ce Prince ; & par là le complot
barbare du Roy auroit été révélé , & auroit
manqué ; on pourroit répondre , pour
la deffenfe de l'Auteur, que Danaüs efperoit
animer Hypermnestre par l'exemple
de fes foeurs ; mais elles ne font qu'Epou-.
fes, au lieu qu'elle eft Epoule & Amante.
Voilà les Critiques qui font venuës à notre
connoiffance ; mais ces obfervations ,
quoique tres - judicieufes , n'empêchent
pas que cette Piece ne foit remplie d'une
infinité de beautez qui demandent grace
pour le peu de deffauts qu'on y trouve.
Le 28. Juin , les Comediens Italiens
donnerent la premiere repréſentation d'une
petite Piece nouvelle d'un Acte , qui
a pour titre la Bonne Femme . C'est une
Parodie de l'Opera d'Hypermnestre . Cette
Piece qui eft de la compofition des fieurs
Dominique & Romagnefi , a été très - bien
reçûë du Public . Il y a plufieurs traits de
critique très-fenfez , répandus dans l'Ouvrage.
On en donnera l'Extrait dans le
prochain Mercure .
Les mêmes Comediens préparent une
Comedie d'un Acte , Françoife , intitulée ,
Alequin Arbitre.
L'Académie Royale de Mufique repete
2. vol.
actuel
JUIN 1728 . 1459
actuellement un nouvel Opera qui a pour
titre , la Princeffe d'Elide , Ballet Héroïque
, en trois Actes , avec un Prologue .
Il fera donné le 20. de Juillet . On en
donnera l'Extrait dans le prochain Mercure.
NOUVELLES DU TEMPS.
TURQUIE.
L s'eft tenu un Divan à Conftantinople au
Iconenteneur du anois
quel on réfolut de ne fournir aucun fecours
au Sultan Acheraf, dont le parti diminue de
jour en jour , depuis l'arrivée du Prince Thamas
fur les Frontieres de Perfe , & l'on croit
que le Grand Seigneur n'entreprendra rien
contre les Mofcovites , quoiqu'il en ait été
fortement follicité par le Corps des Janiflaires.
Dans les premiers jours du mois de May
le Brigadier General Romanshoff , Minittre
Plenipotentiaire du Czar , obtint du Grand-
Vizir , l'audience qu'il follicitoit inutilement
depuis plus de fix mois. Il pria ce premier Miniftre
de donner fes ordres par rapport au Reglement
des limites des Provinces conquifes
par le feu Czar , du côté de la Mer Cafpienne;
le Grand- Vizir l'affura que l'Aga qui devoit
partir pour ſe rendre auprès du Sultan Acheraf,
en qualité d'Envoyé Extraordinaire, feroit
chargé de l'engager à nommer des Commiffaires
de fa part pour travailler à ce Reglement
avec ceux du G. S. & de S. M. Gz.
2. vol.
La
1460 MERCURE DE FRANCE.
La maladie contagieufe fait beaucoup de
ravage à Conftantinople , & l'on croit que la
plupart des Miniftres Etrangers prendront la
réfolution de fe retirer à la Campagne pendant
quelque temps.
On apprend de Chio que cette maladie s'étoit
communiquée à toutes les Illes de l'Archipel,
qu'il y étoit mort un Patriarche des Grecs ,
un Evêque Catholique , douze, Prêtres , le
Gardien d'un Convent des Capucins & un
Agent de Commerce de la Nation Françoiſe .
Les dernieres nouvelles fur les nouveaux
troubles de Perfe , portent que le Prince Thamas
ayant voulu pénetrer dans le Royaume ,
à la tête d'un Corps de Troupes Auxiliaires ,
il avoit été furpris & arrêté par le Prince de
Candahar , fous prétexte qu'ayant été longtemps
en correfpondance avec lui , & l'ayant
même fait proclamer à la place du Roy dépoffedé
, il avoit voulu lui faire couper la
tête , pour fe rendre maître de ſa Principauté.
TRADUCTION de la Lettre de Muley
Aly , fils de Muley - Abdemelec , Roy
regnant de Maroc , écrite au R. P.
Beguin , Commandeur de l'Ordre de
la Mercy , Député General de la Rédemption
des Captifs , & aux autres
Religieux François , fes Compagnons.
ALUT. Nous vous félicitons de votre heu-
Sreuse arrivée en notre Pays ; ayant été
informez que vous êtes prefentement en notre
Ville de Salé , où vous devez refter paisiblement
en toute confiance en Dieu , juſqu'à- ce que
notre Seigneur & Pere le Roy des Maures , 2. vol.
vienne
JUIN. 1728 . 1461
vous trouvienne
ici , efperant qu'il y arrivera bien- tôt.
Alors vous pourrez vous rendre auprès de nous
pour le faluer ; vous aurez de lui une audiance
favorable , & nous vous affurons que vous obtiendrez
toutes vos demandes &que
verez auprès de ce Prince plus de faveur que
vous n'en pourriez trouver auprès de tout autre.
J'ai mandé à notre Serviteur Mehemet Belcady
, & à notre Efclava Abdela , qu'ils ayent
foin de vous , pour qu'il ne vous manque aucune
chofe , & qu'il ne vous arrive aucun mal ;
ainfi attendez en patience & ne vous inquietez
point . Je vous fouhaite la paix. Ecrite le
26. de la Lune de Chaban , l'an de l'Hegire de
notre Prophete 1140. Signé ALY , Serviteur de
Dieu , fils du Roy des Maures.
TRADUCTION de la Lettre du Chef
des Eunuques , Benmargean .
PAR LA GRACE DE DIEU. Cette
Lettre eft pour tous les Religieux François
de la Rédemption des Captifs . La benediction
de Dieu foit fur ceux qui croyent en notre
Prophete. Ce qui s'offre à vous dire , eft de
vous féliciterfur votre heureuſe arrivée en ce
Pays. Jay appris vous y
que
êtes venus pour
voir notre Maître vous acquitter de la Commiffion
dont vous êtes chargez de la part de
l'Empereur de France , votre Maître. Soyez
perfuadez que vous ferez très - bien reçûs de
notre Roy. Pour ce qui eft du sujet de votre
Voyage , croyez par avance que ce Prince ne
fera en tout que votre volonté ; demeurez cependant
tranquilles à Saléjufqu'à ce que notre
Maitre foit arrivé ici , & dès que Dieu l'aura
amené , nous vousferons part de fes ordres pour 2 vol.
H Vous
1462 MERCURE DE FRANCE.
vous rendre ici avec les prefens dont vous êtes
chargés. Vous pouvez demander tout ce que vous
fouhaiterez ; vous devez croire que vous ferez
entierement fatisfaits , que toutes vos de
mandes vous feront accordées ; je vous fuis
caution de tout ce que je vous promets : fi c'est
pour traiter du rachapt de vos freres captifs s
c'eft fur ma tête que je vous promets un bon
fuccès. Nous trouvons dans nos Traditions que
tous les Efclaves Chrétiens détenus dans ce
Pays , doivent étre mis en liberté ſous le regne
de ce Roy , parce que , graces à Dieu , c'est un
Princeé quitable, qui ne connoit que la verité,
qui n'a qu'une parole , fur laquelle la bene-.
diction de Dieu eft répandue. Ecrite à Miquenez
le 27. de la Lune de Chaban de l'année 1140 .
Nous vous envoyons le Secretaire & le fidele
Serviteur de notre Maître , nous vous le recommandons
: &n'oubliez pas de preſenter quelque
chofe au Fils du Roy.
EXTRAIT d'une Lettre du R. P.
Béguin , du 27. Avril 1728 .
N fignant cette Lettre , le fieur Pillet a
Eenvoyé chercher tous les Marchands Frangois
, pour leur remettre une Lettre que le Roy
leur écrit de Thedla, à trois journées de Mique
nez, & qu'il a envoyée par un de fes Alcaides,
accompagné de vingt hommes , pour leur dire
de venir à Miquenez avec nous , qu'il ne fera
que leur volonté & la vôtre. Il leur dit de ne
rien donner à cet Alcaïde , ayant ordonné à
Pillet de le fatisfaire avec fon monde. Les Marchands
étant enfuite venus ici , nous ont fait
voir la Lettre où eft le Sceau du Roy , enforte
qu'il paroit qu'il n'y a plus lieu de douter que 2 vol.
се
JUIN.
1728 . 1465
ée Prince n'arrive . Nous expedierons demain
matin un Courier pour Miquenez , pour fçavoir
fi ce n'eft point là une feinte , avec priere
au Pere Gardien des Récolets , de parler à l'Eunuque
Benmargean , de lui dire que nous ne
partirons point fans fon ordre, & que nous l'entendons
, furtout que Pillet qui veut venir avec
nous ne fe mêle de rien . Par le retour du Courier
, qui fera dans trois jours , nous fçaurons
fi le Roi eft à Miquenez , en attendant nous ale
lons nous tenir prêts , &c.
2
Les Lettres de Sainte -Croix en Barbarie ,
portent que Muley-Hamet s'étoit mis en campagne
pour combattre Muley- Abdemelech fon
frere , qui fut proclamé Roy à Miquenez il y
a quelques mois ; qu'il avoit écrit aux Habitans
de Maroc & de Salé , pour les engager
dans fon parti , les affurant qu'il alloit rétablir
la Paix & le Commerce , & qu'il les mettroit
en état de faire des armemens en Mer beaucoup
plus avantageux que fous le regne du Roy
fon pere.Ces Lettres ajoûtent qu'on doute que
ce Prince puiffe réüffir dans fes entrepriſes .
parce qu'il attaque un frere qui eft generalement
aimé de tous les Peuples.
On n'a pas reçû par les dernieres Lettres de
Tunis, la confirmation des premiers avis qu'on
avoit eu de la réduction des Rebelles à l'obéïffance
du Bey ; on mande au contraire que fon
Neveu s'étoit retranché fur la Montagne d'Allod
; qu'il y avoit fait venir une grande quantité
de vivres & de munitions de guerre , &
qu'il ne s'étoit encore rien paffé de confidérable
entre les deux Camps . Ce qui a donné lieu
aux faux bruits qui s'étoient répandus fi fouvent
, c'eft que les Peuples des Frontieres
d'Alger , qui s'étoient foulevez à caufe de la 2 vol.
Hij
1464 MERCURE DE FRANCE.
mauvaife adminiſtration du Bey , font rentrez
dans leur devoir , & qu'à cette occafion on a
fait revenir plufieurs Habitans de Tunis qu'on
avoit chaflez de la Ville , parce qu'ils étoient
d'intelligence avec ces derniers .
RUSSIE
E Czar eft revenu à Mofcou de fa Maifon
de Plaifance , où il avoit été paffer quelques
jours avec les Princeffes fes Soeurs &
Tante.
On travaille toûjours avec beaucoup de diligence
à l'inftruction du procès du Prince
Menzikoff Le bruit court que le Czar a ordonné
qu'on lui fit fubir la peine du Knout , *
pour lui faire avouer plufieurs malverfations
fur lefquelles on n'a pû trouver aucune preu
ve complette dans l'examen de fes papiers . La
plupart des Particuliers qu'on avoit arrêtez à
Mofcou pour avoir eu part à la Lettre écrite à
S.M Cz. en faveur de ce Miniftre , font éxilez
en Siberie. On croit que ceux qu'on retient
encore dans les prifons , font réfervez à de plus
grandes peines.
On équipoit au commmencement de ce mois
deux Frégates de 48. pieces de Canon chacune
, pour aller à Kiel prendre le Corps de la
Ducheffe d'Holftein & le porter à Petersbourg ,
avec tous les Domeftiques Mofcovites de cette
Princeffe.
La Relation que le Prince Dolhorucki , Maréchal
des armées du Czar , a envoyé de Backu ,
* La peine du Knout confifte à recevoir de
grands coups fur le dos , d'une bande de cuir ,
enmanchée à un long baton. Le Patient eft
porté nud fur le dos d'un homme. 2. vol.
fur
JUIN. 1728. 1465
5
fur le dernier combat qui s'eft donné fur les
Frontieres de Perfe,eft datée du 18. Janvier dernier
, vieux ftile . Elle porte qu'au mois de Decembre
dernier, le Sultan Acheraf, qui eft prefentement
maître d'Ifpaham & de plufieurs
Provinces , avoit envoyé le Cham Sandal ,
Commandant en Chef, accompagné de plufieurs
Sultans avec 400. Aghuanis & Guazilbars
, dans la Province de Chylan , pour y
faire une invafion ; qu'à leur arrivée le Géneral
Svachoff , qui commande les Troupes
Mofcovites dans cette Province , avoit envoyé
un Détachement d'Infanterie à leur rencontre,
fous le commandement du Major Urloff , avec
120 Dragons , so. Cofaques & 150 hommes
du Pays , tant Armeniens que Georgiens ; ce
qui faifoit en tout à 605 hommes. Ils trouverent
les Perfans le 20 Décembre entre Roudoucel
& Thémijeanes , en ordre de bataille
dans un lieu très avantageux , n'ayant laiffé
aux Mofcovites qu'un paffage fort étroit &
marécageux. Auffi-tôt que ce Détachement
commença à s'approcher des ennemis , armés
de pied en cap, il attaqua l'avant-garde Mofcovite
, le Sabre à la main , fuivant leur coûtu❤
me & avec beaucoup de violence , & il la
ferra de fi près qu'il penfa la faire plier ,
mais elle fut promtement fecourue par fon
Infanterie , qui ayant arrêté la Cavalerie Perfanne
par une décharge génerale , la mit en
fuite , la pourfuivit vivement, la bayonnette au
bout du fufil, & la déroute fut telle, qu'elle fut
obligée de tourner bride & de paffer fur le ventre
à fa propre Infanterie pour fe fauver. Dans
le moment la Cavalerie Mofcovite s'étant avancée
, chargea les ennemis fi vigoureuſement ,
qu'ils furent forcez d'abandonner le champ de
bataille . Il reſta ſur la place 600. hommes da
2. τοί. H iij côté
1466 MERCURE DE FRANCE.
côté des Perfans , fur lefquels on fit auffi
beaucoup de Prifonniers. On leur prit dix Etendarts
, 150 chevaux , 110. fufils , trois paires
de timballes , cinq trompettes , 200 tentes &
une grande quantité d'armes & de bagages.
Du côté des Mofcovites , il n'y eût de tués
qu'un Sergent , trois Fantaffins , un Dragon
un Armenien , & vingt- huit bleffés . A lanouvelle
de cette action , les habitans du Pays qui
font naturellement ennemis des Perfans , allerent
les pourfuivre dans les villages & dans
les bois , d'où ils en amenerent plufieurs au
Camp des Mofcovites , qui leur firent préfent
des armes , chevaux & bagages dont ils
les avoient dépouillés .
On a appris des Prifonniers faits dans ce
Combat , que le Kam Mehemet Gedaff avoit
été tué d'un coup de fabre fur la tête ; que le
Kam Seint y avoit reçu dans la poitrine un
coup de feu , malgré lequel il s'étoit fauvé à
cheval , & que le refte des Perfans s'étoit retiré
en confufion dans la Ville de Kasbin , ou
le Kam Sandal , leur Chef,bleffé à mort dans le
combat , avoit été tranfporté fur un brancard.
Malgré cette action , il y a toûjours une
correfpondance mutuelle entre le Lieutenant
General Levachoff , & le Gouverneur de
Kasbin , qui a déclaré depuis à ce Lieutenant
General de la part du Sultan Acheraff , que
c'étoit fans aucun ordre de fon Maître que
le Kam Sandal avoit commis cet acte d'hoftilité
contre les Mofcovites , & qu'il le prioit
de fa part de l'oublier , & de vivre dorénavant
avec lui en bonne intelligence.
Le Prince Dolhorucki , mande auffi de Backu
, par les lettres du 25. Mars qu'il a apris
de Ghilan par celles du Lieutenant Levachoff ,
que le parti d'Acheraf s'affoibliffoit tous les
jours,
JUIN. 1728. 1467
jours , & que plufieurs Troupes fe joignoient
au frere du deffunt ufurpateur Miri- Mamouth
qui s'étoit avancé jufqu'à Schiras , pour lui
difputer fes conquêtes ; que fur ces avis ,
Acheraf avoit envoyé ordre au Gouveneur
de Kasbin de le venir trouver à Ipaham avec
le Kam- Gedan ; qu'ils s'étoient mis en marche
pour s'y rendre avec 600 hommes qu'ils
avoient raffemblés ; mais qu'à peine étoient
ils arrivés à Kachines , qu'ils avoient été entierement
défaits par les Chatzalts , le Kam ,
Gedan tué & le Gouverneur de Kasbin fait
prifonnier que ce n'avoit été qu'à la follicitation
de fes amis qu'on lui avoit permis de
continuer fa route vers Ifpaham , & que prefque
tous les habitans du Pays s'étoient revoltez
contre les Aguanis.
Les mêmes lettres ajoutent que le Kam-
Houffain , fils de Tachmacip , étoit à Mechad ,
avec une partie de fes Troupes , d'où il avoit
envoyé depuis peu un Exprès au General
Levachoff, pour renouveller la bonne intelligence
avec les Mofcovites.
Le Brigadier General Romanshoff écrit de
Conftantinople , que le Grand -Vizir lui avoit
déclaré dans une Audience particuliere que le
Grand Seigneur fouhaitoit de voir rétablir
la bonne intelligence entre les Moscovites &
les Perfans que S. H. avoit confeillé au Sultan
Acherafd'abandonner fes prétentions fur
Derbent , & de ne plus infifter fur la démolition
du Fort d'Andreof ; que ne doutant pas
que ce Prince n'eût tous les égards imaginables
pour la recommandation du Grand- Seigneur
, il lui confeilloit de fe rendre inceffa mment
à Tiflis pour travailler au reglement des
limites avec les Commiffaires de S. H. & avec
ceux du Sultan Acheraf. Surquoi il a été ré-
Hiiij folu
1468 MERCURE DE FRANCE
folu d'envoyer des pleins pouvoirs au General
Romanshoff , pour traiter avec les Perfans.
On frappe dans l'Hôtel des Monnoyes pour
20000 Roubles de Médailles d'or & d'argent ,
à l'occafion du Couronnement du Czar , & on
doit les envoyer à fes Miniftres dans les Cours
Etrangeres & aux Gouverneurs de fes Places.
Les quatre Vaiffeaux de guerre de 40. pieces
de Canon qu'on a conftruits à Peterf
bourg , pour le compte du Roi d'Eſpagne
s'empreffent de mettre à la voile pour Cadiz ,
avec une grande quantité de canons de fer &
de boulets des fonderies d'Olonitz.
POLOGNE.
Es avis des Frontieres portent que la maladie
contagieufe faifoit de grands ravages
fur les limites , entre la Turquie & la
Pologne, que quelques Villages du Territoire
de la République en étoient infectés , &
que les habitans de la campagne étoient prêts
d'abandonner leurs demeures pour ſe retirer
dans les bois .
On apprend auffi des frontieres que le Kan
des Tartares ayant été joint par un corps de
Troupes du Grand Seigneur , s'étoit mis en
marche pour aller combattre le Sultan Deli ,
qui eft dans la Crimée avec une armée trèsnombreufe
, compofée de Calmuques & de
Cofaques.
On écrit de la Valachie , que le Prince Mauro
Cordato s'étoit reconcilié avec l'ancienneMaifon
deCantacuzen; que pour établir une parfaite
union entre les deux Maifons, il avoit marié
fon fils aîné avec la Princeffe , fille du frere
du Prince Etienne , Hofpodar de Walachie ,
qu'il
JUIN. 1728. 1469
qu'il avoit donné des emplois confiderables
au frere de cette Princeffe , & qu'il avoit dépeché
un Courier à Vienne pour faire part de
cette reconciliation , & de cette alliance au
Prince de Valachie , qui font fous la protection
de l'Empereur depuis la diſgrace de leur Pere.
ALLEMAGNE.
E differend de la Ville de Worms avec le
Clergé Catholique , fut jugé le 31. du mois
dernier , au Confeil Aulique. Il a été défendu
aux Magiftrats de s'oppofer aux Procef
fions du S. Sacrement.
On a fcellé depuis peu à Vienne les Lettres
Patentes de l'Empereur , qui permet aux Vaiffeaux
de Pavillon étranger , d'entrer dans les
Ports des Royaumes de Naples & de Sicile
fans payer aucuns droits.
On apprend de Vienne , que le départ de
la Cour pour Gratz eft fixé au 17. de ce mois ..
La fuite de L. M. I. fera de 980. perfonnes..
Le Duc de Meckelbourg a envoyé de Dantzic:
dans fon Duché , des Mandemens très- rigoureux
pour défendre à fes Sujets de fe foûmettre
à la nouvelle adminiftration qu'on doit y
établir , conformement au dernier Decret du
Confeil Aulique.
On apprend de Vienne , que l'Empereur a
fait dire à M. Schroder , Miniftre du Duc de
Meckelbourg , de ne plus paroître à la Cour,
& d'écrire à ce Prince qu'on ne recevroit:
plus au Confeil Aulique aucune Declaration
de fa part , à moins qu'il ne voulût y comparoître
en perfonnes.
On apprend de Berlin , que le 26. du mois
dernier , le Roi de Pologne arriva â Potsdama
vers les huit heures du matin, S. M. y fut re-
24 volo.
Hy
1470 MERCURE DE FRANCE:
çûë à la porte du Château par le Roi de Pruffe ,
qui lui préfenta les Generaux , & les autres
Officiers qu'il avoit nommés pour le fervir.
Le Prince Electoral de Saxe étant arrivé une
heure après , fut reçu par le Prince Royal de
Prufle , qui le conduifit dans l'appartement
qu'on lui avoit préparé. L. M. Polonoife &
Pruffienne dînerent avec ces deux Princes à
une table de trente couverts , magnifiquement
fervie. Ce repas dura jufqu'au foir qu'on alla
faire un tour dans les jardins.
Le 27. le Roy de Pologne fe rendit à Cheval
avec le Prince Electoral fon Fils , dans une
Plaine voifine , pour voir la revûë que le Roy
de Pruffe y fit de fon Regiment , appellé des
grands Grenadiers , & compofé de trois Bataillons.
Le Pr. Royal de Pruffe y parut à la
tête du fecond Bataillon. Ce Regiment qu'on
peut regarder comme une Troupe unique,après
avoir fait l'exercice , défila devant les deux
Rois , qui retournerent enfuite au Château
où ils dînerent dans l'appartement de S.M.Pr.
Le 28. le Roy dîna dans fon appartement.
L'après midi on fe divertit à tirer aux Beccaf
fes & de l'Arbaleftre, & le foir on foupa dans
la Salle rouge.
Le 29. les deux Rois allerent à Spandau , où
L.M. furent traitées avec leur fuite , par le
General Gerfdorf, Gouverneur de cette place.
Elles arriverent à Berlin à cinq heures du
foir , au bruit d'une triple Salve de l'Artillerie
. Elles allerent peu de temps après rendre
vifite à la Reine , qui prefenta au Roy de Pologne
toute la famille Royale, après quoi S.M.
Pol. fe retira dans fon appartement , où elle
fut agréablement furpriſe de trouver un tresmagnifique
Bureau d'Ambre , que le Roy de
Pruffe y avoit fait placer, pour en faire preſent 1. vol.
JUIN. 1728. 1471
à S. M. Pol. Če Bureau eft d'un prix d'autant
plus grand que tous les Tiroirs étoient remplis
de morceaux d'Ambre tres- rare , & qu'on
eftime plus de 15000 Rifdales . Le Roy de
Pruffe foupa ce foir là avec la Reine & les
Princeffes.
Le 30. les Miniftres & les Generaux Pruffiens
allerent le matin faire leur Cour au Roy
& au Pr. Royal de Pologne . S. M & S. A. R.
allerent enfuite joindre S. M Pr. dans les appartemens
de parade , où elles s'entretinrent
pendant quelque temps. Le Roy de Pologne
ayant donné la main à la Reine , & le Prince
fon fils à la Princeffe Royale de Pruffe ; cette
illuftre compagnie fe rendit dans la Salle des
Chevaliers , où l'on dîna à une Table de 42
couverts , fervie de mets les plus délicats &
avec une fomptuofité extraordinaire ; les principaux
Seigneurs de la fuite des deux Cours
dînerent à cette Table : à chaque fanté qu'on
but, on fit une décharge de 36 pieces de Canon.
Après le repas , le Roy de Pologne reconduifit
la Reine dans fon appartement , où il y eut
Affemblée. Les Comteffes Orzelska , Bilinska
& Pocicy furent prefentées à la Reine. Le foir
L. M. allerent voir le grand Arcenal & la Fon
derie , & fe retirerent enfuite dans leurs appartemens.
Le 31. après la grande revûë qui fe fit le
matin , 14 Regimens , dont dix d'Infanterie
de deux Bataillons chacun , & quatre de Cavalerie
, défilerent devant le Château depuis
midi jufqu'à trois heures ; la beauté & l'adreffe
de ces Troupes furent admirées de tous
les Spectateurs. Enfuite on fe mit à Table &
tous les Officiers Generaux eurent l'honneur
de dîner avec L. M.
Le 1. de ce mois , le Roy de Po'ogne & le
2. vol.
Hvj
•
Pr.
1472 MERCURE DE FRANCE :
Pr. Electoral de Saxe allerent à Berlin pour y
voir ce qu'il y a de plus remarquable ; enfuite
S. M. alla dîner avec le Roy de Pruffe , chez le
Comte de Grumkaw, Miniftre d'Etat; les deux
Princes dînerent chez M. de Creutz , autre Miniftre
, & l'après midy le Roy de Pologne alla.
voir Montbijou , Maiſon de Plaifance de la
Reine , après quoi il fit une vifite à la Margrave
, Douairiere de Brandebourg. Le Prince .
Electoral de Saxe foupa ce foir- là avec la Reine
de Pruffe.
La Revue du Regiment des Gendarmes &
de ceux du Pr . Royal , du Pr. Frederic & du
General Lotum , fe rendirent au Jardin de
Schutzenhoff , dans l'un des Fauxbourgs de
Berlin , où L. M. dînerent chez le General
Natzmar. Il y eut cinq Tables dans autant de
Salons que ce General y avoit fait conftruire
& orner magnifiquement. Le Roy de Pologne
l'ayant recommandé au Roy de Pruffe , il fut
nommé Felt- Maréchal , à la place du feu Duc
d'Holftein . M. Linger , Colonel d'Infanterie ,
fut fait en même temps Major General .
Le 3. le Roy de Pologne & le Roy de Pruffe
virent l'exercice des Canoniers & Bombardiers
, après quoi ils allerent dîner chez le
General Comte de Seckendorff. Le Pr. Elec--
toral de Saxe dîna chez M. de Katfch . Le foir
S. M. Pol. alla fouper chez la Reine à Montbijou.
Le 4. les deux Rois après avoir foupé dans
l'appartement du Roy de Pruffe , fe promenerent
dans la Ville, dont les maifons des principales
rues étoient illuminées; leurs M.étoient.
accompagnées de quantité de Seigneurs & de
Dames.
Le s.le Regiment d'Infanterie du Comte de.
Denhoff , fit les exercices & paffa en revûë
2...valo
devant
JUIN. 1728. 1473
devant les deux Rois , qui firent l'honneur à ce
Comte de dîner chez lui. Le foir , il y eut
Bal au Château ; le Pr. Royal de Pologne en
fit l'ouverture avec la Reine. On y foupa à
differentes Tables , & cette fête dura jufques
bien avant dans la nuit .
4
Le 6. les deux Rois dînerent chez M. de
Creutz , Miniftre d'Etat , & le Prince Royal de
Pologne chez le Comte de Seckendorff. L'après
midi , les Ouvriers qui travaillent aux
Mines de Sel , qu'on nomme Hallorum , &
qu'on avoit fait venir de Hall , firent leurs
exercices fur la Riviere , en prefence des deux
Rois , qui en parurent tres fatisfaits. Le Pr.
Royal alla voir les Ecuries & le Cabinet de raretez.
Le foir, S.A.R. foupa chez la Margrave,
Douairiere , où il y avoit une nombreuſe affemblée
, & le General Lotum traita les Dames
Polonoifes à fouper , où les deux Rois fe
trouverent. Il y eut Bal , & c.
Le 7 , le Roy de Pruffe , accompagné de
plufieurs Miniftres & Generaux, tant Pruffiens
que Saxons , dina chez le Lieutenant General
Keppel , Miniftre des Etats Generaux des Provinces
Unies. Le Roy de Pologne qui s'étoit
trop fatigué la veille , dina feul dans fon appartement
, & le Pr . Royal fon fils alla dîner
chez M. de Cnyphaufen . Le foir L. A. R. fouperent
dans une grande & nouvelle Salle que
le Roy de Pruffe avoit fait conftruire au Châ
où il y eut Bal , qui dura jufqu'au jour.
Le 8. les deux Rois , le Prince Royal & les
Miniftres dînerent chez le Baron d'llgen.L.M.
& S. A. R. partirent enfuite pour Charlottembourg
, où la Cour fut tres- nombreuſe. On y
danfa & on "foupa à plufieurs Tables , fervies
dans la plus grande magnificence , On tira enfuite
un tres - beau Feu d'artifice qui fit tout
reau ,
2. vol.
l'effet
1474 MERCURE DE FRANCE
l'effet qu'on en pouvoit attendre , & dont tous
les Spectateurs furent frappez d'admiration
On en fait monter la dépenfe jufqu'à 50000
écus.
Le 9 toute la Cour tira au prix dans les
Jardins de cette Maifon de Plaifance. La Comteffe
d'Orzelska s'y fignala par fon adreffe , &
le Comte Maurice de Saxe remporta le premier
prix.
Le ro. les Ouvriers des Salines repeterent
leurs exercices , qui firenr encore beaucoup
de plaifir.
Le il y eut une grande Chaffe dans les
Bois des environs , où l'on tua 400 Cerfs &
38 Sangliers . Après la Chaffe , le Baron de
Herffeld ; Grand Foreftier du Roy de Pruffe ,
eut l'honneur de traitter L.M.dans une Maiſon
qu'il avoit fait dreffer au milieu de la Forêt.
Après le repas on vit une danſe de Payfans &
de Payfanes , dont les deux Rois & route la
Cour furent tres - fatisfaits .
Le 12. le Pr.Electoral de Saxe partit de grand
matin de Berlin , au bruit d'une triple Salve
d'Artillerie , pour retourner à Drefde. Le
Roy de Pologne refta ce jour- là à Charlottembourgjufqu'à
dix heures du foir qu'il partit
pour Fravenftadt. S. M. fut faluée à fon départ
par une triple décharge de 120 piéces de
Canon.
O
ITALIE.
N mande de Naples de la fin du mois
dernier , qu'on reffentoit depuis quelques
jours de frequentes fecouffes de tremblement
de terre dans la Calabre , furtout à Nicatro ,
Bourg que les habitans ont abandonné pour
fe mettre en sûreté. On mande auffi que les
chaleurs font exceffives , & qu'il regne à la
2. vol.
campagne
JUIN. 1728 . 1475
campagne une maladie Epidemique , qui faís
mourir beaucoup de Beftiaux.
Le 26. du mois paffé , les Académiciens Por
tugais qui étoient établis à Rome , allerent
prendre congé du Card. Cienfuegos . Ils doivent
partir inceffamment pour fe rendre à Civita-
Vecchia.
Le 27. le Card. Barberin alla rendre vifite au
Card. de Polignac , chargé des affaires du Roy
T.Ch. à Rome , pour lui faire part que Dom
Jule -Cefar Colonne , qui vient d'époufer Dona
Cornelie fa niéce , & qui a pris le nom de
Pr. de Paleſtrine , devoit partir inceffamment
pour aller voyager en France ; & il le pria de
lui procurer les accueils les plus favorables
pendant fon féjour dans ce Royaume.
Le bruit couroit à Rome au commencement
de ce mois que le Roy de Portugal a fait remettre
à Gênes une fomme de 400 mille écus
pour les frais du voyage & du féjour que le
Cardinal de Mota & Sylva doit faire en Italie,
avec deffenfes cependant d'approcher de cette
Capitale.
On écrit de Rome que le R. P. Joanelli , Dominicain,
Venitien premier Bibliothequaire de
la Bibliotheque Cafenata, donnée au Convent
de la Minerve, a été fait Maître du Sacré Palais
à la place du R. P. Selleri , nommé Cardinal.
Cette Dignité eft attachée à l'Ordre de S. Dominique
depuis cinq cens ans , & prefque dès
fon inftitution .
On apprend par la voye de Venife qu'il n'y
avoit aucun veftige de contagion dans l'Ile de
Corfou , que cette maladie diminuoit confiderablement
à Zante , mais qu'elle continuoit
de faire de grands ravages dans le Levant ; que
la Natolie , la Romanie , la Turquie Meridionale,
Conftantinople , Smyrne , prefque toutes 2.vol
les
1476 MERCURE DE FRANCE.
les Ifles de l'Archipel , l'Epire , l'Achaie
la Morée , étoient infectées , ainfi que les Villes
de Thebes , de Salone & plufieurs autres
des Territoires de Livadie , de Guaftugni &
de Megare. Dans cès circonftances on ne tiendra
pas la Foire de Sinigaglia , cette année.
Le Prince Emanuel de Portugal arriva de
Marſeille à Gênes vers le 15. de ce mois,fous
le nom du Comte de Brenne. Il doit aller à Lorette
, d'où l'on croit qu'il retournera à
Vienne. น
Le 29. du mois dernier , on effuya à Florence
un orage terrible vers les deux heures après
midy. Le Tonnere tomba dans l'Appartement Q
de la Princeffe Eleonore , où il brûla une Gar- Re
derobe pleine d'habits , plufieurs tentures de bo
Tapifferies & d'autres meubles .
On mande de Bologne que la groffeffe de la Br
Princefle Clementine Sobieska , y avoit été
déclarée par le Chevalier de S. George , fonto
Epoux .
&
Le 3 de ce mois
, M. de
Campredon
, En-
Ro
voyé
du Roy
T. Ch. fit fon
Entrée
publique
à
Gênes
.
Deux Corfaires d'Alger ont pris dans l'ef-
( pace de deux mois fur les côtes d'Italie 13 .
Bâtimens Napolitains & deux Venitiens , furt
lefquels ils ont fait plus de 200. Eiclaves.
On mande de Tunis que les Rebelles man- qu
quant de vivres dans les Montagnes où ils s'étoient
retirés , s'étoient rendus à difcretion , th
& que tous les parens des mutins qu'on avoit ce
chaffé de la Ville avoient eu la permiffion d'y
rentrer.
CO
ne
2. vol .
Bor
JUIN. 1477,
1728.
PORTUGAL.
Bichi , ci- devant Nonce du Pape à
M Lifbonne ,étant tombé malade à Montemaggiore
, où il s'étoit retiré par ordre de la
Cour , le Roi eft allé le voir , & S M. ayant
trouvé qu'il n'étolt pas logé commodément ,
le fit tranfporter dans une autre Maiſon.
Le 16. du mois dernier , les Religieux de
l'Ordre de S. Paul , premier Hermite , tiarent
leur Chapitre General dans leur Convent du
Mont d'Offa , & ils élurent pour leur General
le Pere de S. Antoine , Docteur en Théologie,
Qualificateur du S. Office , & actuellement
Recteur du Convent du S. Sacrement de Lisbonne.
On apprend de Madrid que le Marquis de
Brancas , Chevalier des Ordres du Roi T. Ch.
& fon Ambaffadeur à la Cour d'Espagne , y
étoit arrivé au commencement de ce mois ,
& qu'il avoit eu Audience particuliere du
Roi , de la Reine , des Princes & Princeffes
de la Maiſon Royale.
L
GRANDE BRETAGNE.
Es Lettres de Briftol du 19. de ce mois
portent qu'il étoit arrivé dans la Riviere
quatre Vaiffeaux chargés de 99 25. boiffeaux de
bled qui viennent des Pays Etrangers , ce qui
en a fait confiderablement diminuer le prix.
Cela donnera quelque foulagement aux pauvres
ouvriers des environs qui fouffrent beaucoup
faute d'ouvrage , parce que les Marchands
ne font rien faire pour les Pays Etrangers depuis
près d'un an.
Le Lord Maire , accompagné de ſes Offi- 2. vola
ciers
1478 MERCURE DE FRANCE.
ciers , alla le 19. felon la coûtume , dans tous
les Marchés de Londres , recueillir les aumô.
nes pour les pauvres prifonniers pour dette .
MORT des Pays Etrangers.
Dona Scolaftique - Marie des Urfins de
Gravina , Soeur du Pape Benoît XIII.
mourut à Naples le 30. May dernier dans le
Monaftere de la Sapience . Elle étoit Religieufe
de l'Ordre de S. Dominique dès fa plus tendre
jeuneffe ; plus illuftre par fes vertus que par
fa naiffance ; on n'a jamais pû l'engager à fortir
de fon état de fimple Religieufe, & à accepter
la Superiorité.
FRANCE ,
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
Leu
E. 29. du mois dernier , vers les 2 .
heures après midi , le Roi fit dans
la feconde Cour du Château de Verfailles
, la revue des deux Compagnies des
Moufquetaires. S. M. paffa dans les
rangs , & les vit défiler . Ces deux Com- 2
pagnies pafferent enfuite devant la Reine,
qui étoit fur fon Balcon avec Mesdames
de France.
2. vol.
Le
JUIN. 1728. 1479
Le Marquis de Bonnivet, Premier Cornette
de la feconde Compagnie , a vendu
fa Charge 700oo . liv . au Marquis de
Canillac,avec l'agrément du Roi , qui lui a
accordé un Brevet de Mestre de Camp
de Dragons Reformés , & à Mrs de Moriac
& de Bermond , Maréchaux des Logis
de la même Compagnie , qui ſe ſont
retirez , une penfion de 1500. liv . à
chacun.
La Marquife de la Vrilliere & la Comteffe
de S. Florentin font arrivées d'Angleterre
, très-fatisfaites de leur voyage.
Le Duc de Richelieu qui a été Ambaffadeur
Extraordinaire auprès de l'Empereur,
eft arrivé à la Cour, & a eu l'hon
neur de faluer S. M.
M. de la Tour , Intendant de la Géné
ralité de Poitiers , a été nommé par le
Roi Intendant de Bretagne.
Lorfque le Roi arriva à Compiegne , le
Duc d'Humieres qui en eft Gouverneur
lui préfenta les Clefs de la Ville , qui font
d'argent. On tira le Canon & on fonna les
Cloches ; les habitans donnerent de grandes
marques de réjouiffance. S. M. va
tous les jours à la Chaffe , excepté le Dimanche
& le Jeudy . Elle foupe tous les
foirs avec les Seigneurs qu'elle nomme.
Il n'y a de Dames que Mademoiſelle de
Charolois , la Comteffe de Toulouſe &
2. vol.
les
1480 MERCURE DE FRANCE .
les Dames dont les Epoux font du Voya
ge , par les Charges qui les obligent a
fuivre le Roi .
Le s. de ce mois , le Concert continua
au Château des Tuilleries. La Dylle le Maure
chanta la Cantate des Bains de Tomery.
On y chanta auffi le Motet , Beati omnes y
qui timent , & c. de M. Defmarefts . Les
grandes chaleurs ont empêché la continuation
des Concerts qu'on redonnera
dans une faifon plus convenable.
Le 17. de ce mois , vers les deux heures
après midy , Mefdames de France , accompagnées
de la Ducheffe de Ventadour ,
Gouvernante des Enfans de France , allerent
pour leur premiere fortie du Château
de Verſailles , fe promenerent à la
Maiſon Royale de S. Cyr .
Le Roi a accordé à M. Bernard , Maître
des Requêtes , & Sur- Intendant de la
Maifon de la Reine , l'agrément de la
Charge de Grand - Croix , Prevôt & Maître
des Cérémonies de l'Ordre Royal &
Militaire de S. Louis , vacante par la
mort de M. le Blanc , Secretaire d'Etat .
1
M. Feydeau de Brou , Confeiller d'Etat
, & Intendant de Bretagne , a été nommé
par S. M. Intendant d'Alface .
Le 21. de ce mois , le Roi reçut à Compiegne
pendant la Meffe le Serment de
2.vol.
fidelité
JUIN. 1728. 11481
fidelité de l'Evêque , Comte de Beauvais
, Pair de France.
Le Roi paroît fort content du féjour
de Compiegne. S. M. y a chaffé le Cerf
& le Sanglier , & a ordonné de faire 68.
nouvelles routes dans la Forêt , ce qui
fait croire que le Roi s'y plaît , & qu'il
y fera d'autres voyages. S. M. en partira
le premier de Juillet pour retourner à
Verlailles .
To
Congrès de Soiffons.
Ous les préparatifs pour cette augufte
Affemblée ayant étéfaits , les Ambaffadeurs
Plénipotentiaires , nommez pour y
affifter , qui étoient à Paris où à la Cour ,
fe rendirent à Soiffons , où l'Ouverture
du Congrès avoit été indiquée au Lundy
14. de ce mois .
Le Cardinal de Fleury, Miniftre d'Etat,
& Premier Ambaffadeur- Plénipotentiaire
du Roy, arriva le 13. au matin à Soiffons .
Après avoir donné part de fon arrivée, S.E .
reçût les vifites de tous les Ambaffadeurs
Plénipotentiaires , qu'il alla voir le même
jour,
Le 4. vers les onze heures du matin ,
les Ambaffadeurs Plénipotentiaires au
Congrès , fe rendirent en grand cortege
au Château que le Roy avoit fait prépa-
2 , vol.
rer
1482 MERCURE DE FRANCE.
rer & meubler des Tapifferies & Meubles
de la Couronne , & ils firent l'ouverture
de leurs Conferences. Après
cette premiere Affemblée , tous les
Ambaffadeurs Plénipotentiaires revinrent
chez le Cardinal de Fleury
donna à dîner .
> qui leur
Le 15. le Comte de Sinzendorff
Chancelier de la Cour de l'Empereur ,
& fon premier Ambaffadeur Plenipotentiaire
au Congrès , donna un tres -grand
repas à tous les Ambaffadeurs , qui furent
traitez le lendemain avec la même magnificence
, chez le Duc de Bournonville,
premier Ambaffadeur Plenipotentiaire du
Roy d'Espagne.
La Ville de Soiffons , dans l'Ile de
France , quoiqu'en Picardie , eft fituée
dans une agréable Valée . La Campagne
eft abondante en grains , en vins , en gibier
, & on y trouve ailément tout ce qui
eft neceffaire à la vie . Soiffons , qui eſt à
18 lieues de Paris & à 7 de Compiègne ,
eft Capitale d'un petit Pays , qu'on appelle
Soiffonnois ; avec titre de Comté
& Evêché fuffragant de Reims. Elle eft
tres-ancienne , grande & riche. Sous la :
premiere Race de nos Rois , Soiffons a
été Capitale d'un Royaume , & a toujours
depuis porté titre de Comté. La Riviere
d'Aine la traverſe d'un côté & la rend
+
20
22. vol.
tres.
JUIN. 1728. 1483
res-marchande par la commodité des
gros Bateaux qui y abordent facilement.
ly a dans cette Ville , Préfidial , Genealité
& une Académie de beaux Efprits .
'Eglife Cathedrale , dédiée fous le titre
les SS . Martyrs Gervais & Protais , a un
Chapitre , où il y a un Prevôt , Doyen ,
Chantre , &c. Cette Ville contient plueurs
Maifons Ecclefiaftiques & Reli
ieuſes , avec les Abbayes de S. Médard ,
e S. Crefpin le Grand , de N. D. de s
ean des Vignes , de S. Leger des Vignes
z de S. Crefpin en Chaye , lez- Soiffons,
Outre ces Abbayes , il y en a 17 autres
lans le Diocèze . Le plus ancien Evêque
t S. Sixte , qui le fut enfuite de Rheims,
qui eut pour fucceffeur à Soiffons , un
. Prêtre , nommé Sinicius. L'Evêque
ft le premier fuffragant de Rheims , &
droit de facrer nos Rois en l'abſence de
on Métropolitain.
L'an 743 , ou 744 , 23. Prélats s'af
femblerent à Soiffons pour diverfes afaires
importantes. Le fecond Concile de
Soiffons fut tenu en 853. en la prefence
le Charles le Chauve , au fujet des Clercs
onfacrez par Ebben de Rheims . Hincmar
qui étoit à fa place , les fit dépofer .
Cette affaire eut des fuites fâcheufes &
fut débrouillée dans un autre Concile de
Soiffons en 866. On en tint un autre en
2. vol .
944
1484 MERCURE DE FRANCE .
941. un autre en 1078. un autre en
1092. un autre en 1120. & ( felon)
d'autres ) en 1137. Un autre en 1155.
En 1210. ou ( felon d'autres ) en 1202.
On affembla un Concile à Soiffons pour
l'affaire de Philippe Augufte , qui avoit
répudié fon époufe Ingeburge , & qu'il
alla reprendre , lorfque les Prélats étoient
fur le point de décider s'il le devoit faire .
On en tint un autre en 1456.
L'Académie de Soiffons a été établie
fous la protection de M. le Card . d'Etrées
, par Lettres Patentes du Roy ,
données au Camp devant Dole , au mois
de Juin 1674. & regiftrées au Parlement
le 27 Juin 1675.
Avant ces Lettres, & dès l'année 1650 ,
les premiers qui ont compofé cette Compagnie,
s'affembloient regulierement une
fois la femaine , conferoient de leurs études
, rapportoient leurs difficultez & corrigeoient
enſemble leurs compofitions.
L'Académie Françoiſe fait l'honneur
aux Académiciens de Soiffons de les admettre
dans fes Affemblées publiques &
particulieres , de leur donner ſceance , &
de demander leur avis fur les matieres
dont on y délibere , comme à ceux qui la
compofent.
L'Académie de Soiffons a pris de cette
liaifon avec l'Académie Françoife , le
2. vol.
Lujet
JUIN.
1485
1728 .
¿
eft un Aiglon
Mafujer
de fa Devife : le corps eft un
qui s'éleve vers le Soleil à la fuite d'un
Aigle , avec ces paroles pour ame ,
ternis auribus audax . Cette Académie fe
tient fort honorée de l'engagement où
elle eft de prendre toujours un Protecteur
du Corps de l'Académie Françoife ,
& de lui envoyer tous les ans une Piéce
de fa compofition . Elle a prefque les mêmes
Statuts & les mêmes Ufages que l'Académie
Françoife. Le nombre de fes Académiciens
eft fixé à vingt .
XXXXX:XXXX :XXXXXX
MORTS , MARIAGES , & c.
Mi
du Frêne , natif de Paris , autrefois
Lieutenant dans le Regiment
d'Orleans ,, mourut à Lyon le 30. du
mois dernier , âgé de 99. ans & 10 .
mois.
Dame Anne Minot de Merille , veuve
de Pierre le Texier de Montarfis , Ecuyer,
Confeiller- Secretaire du Roi , & Garde
des Pierreries de la Couronne , mourut à
Paris le 19. de ce mois , âgée de 65. ans .
Jofeph- François de la Croix , Marquis
de Caftries , Baron des Etats de Languedoc
, Lieutenant pour le Roi en la même
Province , Gouverneur de la Ville , Ci- 2. vol.
I
tadele
1486 MERCURE DE FRANCE.
tadelle & Diocèfe de Montpellier , & de
la Ville & Port de Cette , & Forts en dépendans
, Sénéchal de Montpellier , Chevalier
des Ordres du Roi , Maréchal des
Camps & Armées de Sa Majefté , & Che.
valier d'Honneur de S. A. R. Madame
la Ducheffe d'Orleans , mourut le 24.
de ce mois, dans la 69. année de fon âge.
M. Louis-François- Paul , Marquis de
Soudeille , Lieutenant de Roi dans la Province
de Limoufin , fils de feu Louis
Marie , Marquis de Soudeille , & de Dame
Marie Robert de Lignerac , époufa
le 24. Juin D le Jeanne -Genevieve Colte
de Champeron , fille de Jean - Charles
Cofte de Champeron , Chevalier , Seigneur
de Mefly , Marcouville , &c. Confeiller
du Roi en fes Confeils , Prefident
de la Cour des Aydes , & de Dame Mad
rie -Geneviève du Chefne.
ADDITION
.
ODE
A M. l'Evêque & Comte d'Agde ,
entrant pour la premiere fois
dans fon Diocèfe .
Loin
Qin de moi, prophane vulgaire ;
Je hay tes fentiers trop battus :
2. vol. Et
1
(
JUIN. 1728. 1487
Et toi , qu'au Parnaffe on revére ,
Vien m'animer , Divin Phebus.
Mon Prélat des Cieux eft l'ouvrage :
Je veux , aidé de ton fuffrage ,
Loüer fes Vertus dans mes Vers :
Peux-tu me refuſer ta Lyre ?
Mais non...fui . L'ardeur qui m'infpire ,、
Mieux que toi foûtiendra mes airs.
娶
C'en eft fait , le feu de mon zele
Jufqu'à lui vient de m'entraîner ;
Quelle eft cette troupe immortelle ,
Qui ſe plaît à l'environner ?
Devant lui marche la Sageffe ,
Minerve autour de lui s'empreſſe ,
Themis même lui fert d'appuy :
Que dis-je ? affable , débonnaire...
Ah ! nos voeux auroient- ils pû faire
UnP rélat fi parfait que lui ?
Qu'un autre pour chanter ta gloire ,
LA CHASTRE , exalte tes ayeux ,
Qu'il faffe revivre l'hiſtoire ,
2. vo!.
De I iij
1488 MERCURE DE FRANCE.
De leurs faits les plus merveilleux.
Pour moi que ton merite enchante ,
Dans toi , c'est toi feul que je chante ,
Sans l'appui de leurs noms fameux ,
Et c'est moins leur rang que j'admire ,
Que de voir en toi feul reluire ,
Tout ce qu'on admiroit dans eux.
f
Le fouvenir du grand FEUQUIERE✶
Sera toûjours cher à nos coeurs ;
Sa main proprice & falutaire
Verfoit fur nous mille faveurs.
Ah ! fi des deftins trop feveres ,
Nos triftes cris , nos voeux finceres ,
Avoient pû fléchir le courroux ;
Ou fi la vertu la plus rare ,
Fermoit le chemin du Tenare ,
Il feroit encor parmi nous.
諾
Les grands maux font- ils fans remede ?
Non le Ciel exauce nos cris ; :
LA CHASTRE à FEU QUIERE fuccede ,
C'eſt affés nos maux font finis.
* Feu M. d'Agde.
2. vol.
Que
JUIN
. 1728. 1489
Que fa préfence eſt agreable !
Un doux Printems eft moins aimable ,
LA CHASTRE comble tous nos voeux ;
O toi qui fous les yeux dois paître ,
Cher Troupeau , pour changer de maître ,
Tu n'en deviens pas moins heureux.
Ainfi , quand la faulx de la Parque
Nous eut ravile GRAND LOUIS ,
Sur la mort d'un fi grand Monarque ,
Tout retentiffoit de nos cris.
Mais a t'il fini fa carriere ?
Un nouveau Soleil nous éclaire ;
Quels doux momens nous font rendus !
Le Héros que la France adore ,
Ne fait pas moins revivre encore ,
Nôtre bonheur que fes Vertus !
柒
Ceffe donc tes mortelles plaintes ,
Veuve , LA CHA STRE et ton appui :
Orphelin , met fin à tes craintes ,
Tu vas revoir ton Pere en lui.
Toi qui trop fenfible à la honte ,
2. vol.
I inj Du
1490 MERCURE DE FRANCE.
Du fort malheureux qui te dompte ,
Nous en caches le trifte effet ,
Cours à lui : fa bonté t'invite ;
Rarement fa gauche eſt inſtruite ,
Des faveurs que fa droite a fait.
Pourfuis , Prélat , dont la memoire
Doit être à jamais en honneur ;
Tu ne peux affurer ta gloire ,
Qu'en affurant nôtre bonheur ,
Pourfuit... fais nous joüir fans ceffe
De cette folide allegreffe ,
Que déja fur nous tu répands ;
Et puiffent les Cieux équitables ,
A tes Vertus incomparables ,
Mefurer le cours de tes ans !
Par M. l'Abbé Portes , du Diocèſe
d'Agde , âgé d'environ vingt ans , étu
diant en Theologie , dans l'Õniverſité de
Montpellier.
A L'AUTEUR DU MERCURE.
Liq
Es nouveaux
Logogryphes
arithmétiques
, Monfieur
, méritent
tous les
applaudiffemens
que vous leur donnez
;
2. vol.
mais
JUIN. 1491
1728 .
mais ce n'est là que
le.123. de la 25...
métamorphofée en 6. par 18. Voicy une
autre forte de Logogryphes , qu'aucun de
ceux à qui je l'ai propofé n'a pu réfoudre.
Deforte que je me fuis mis dans l'efprit
qu'il n'y avoit que l'Auteur des Logogryphes
qui pût en avoir la clef. Je vous prie
donc de l'inferer le plutôt qu'il fe pourra
dans votre Journal , afin que cet Auteur
l'y voye avec le Public . Dignus vindice
nodus.
Aux Arithméticiens , adieu ,
Aux Géometres , falut.
Pour aider un peu à l'adipe , quatre
mots , & a2y2y4x4 +6 Lettres
donnent l'Hemiftiche.
Premier mot de 3. Lettres . Décrivez le lieu
géometrique de yax3 + bx2 + x1 +dxo
Enfuite parallelement au point d'inflexion
tirez aybx furmontée d'un cercle
infiniment petit. Et pour finir , décrivez
la moitié gauche de y 2xx2.
Second Problême. Nombre des Lettres c
en ftyle de 123. faites un Angle de
45. d. qui marque que le Ciel eft plus
grand que la Terre. Enfuite conftruiſez
géométrico - grammaticalement l'équation
y3x4x5 &c . à l'aide du 2. &
du 3. d.
2. vol.
Trois
1492 MERCURE DE FRANCE .
Troifiéme Problême. Vous trouverez le
nombre & la forme des Lettres en décrivant
géometrico- grammaticalement le
lieu géometrique de y2x-x2 entre
deux paralleles acoftées chacune d'une parallele
, qui fait avec elle le fyftême des
Angles alternes égaux .
Dernier Problême . Le nombre des Let .
tres eft le refté de la fouftraction compolée
des deux Racines de x2 +12x+ 20=0
faites donc l'Angle du 2. Prob . à côté
de la courbe d'Euclide & de la moitié de
a 2y 2 y 4x4 , mi- partie à plomb par
fon grand axe parallelement à fa Tangente.
Tirez aybe qui n'atteigne pas
tout- à - fait la Développée d'un cercle , le
tout terminé par le lieu géométrique de
yaxz , & c.
On n'a pas propofé ce Logogriphe , ou
plutôt ce Problême dans toute la diffi
culté, puifqu'on y a fuivi l'alphabet commun
des Grammairiens & des Géometres.
Si ceci n'arrête point , on ira plus
loin. D'abord par quelques Problêmes
on donnera un alphabet , lequel fervira
pour réfoudre d'autres Problêmes qui
tranfporteront dans un nouvel alphabet
fuivi de nouveaux Problêmes , à e
l'infini , s'il le faut ; les feuls derniers Problêmes
donnant la réfolution complette.
Telle est l'étendue de la 25 ... dégradée
2. vol.
JUIN. 1728. 1493
à 6. jufqu'ici , car 6. évidemment ne fait
pas 25. fans parler de ce qui y manque ,
& que 123. ni 18. ne peut fuppléer.
Signé, 25. &c.
On apprend par un Memoire qui nous a
été communiqué , & qui a pour principe
l'utilité publique , que le fieur de Lyvernette
, Maître Chirurgien à Paris , a encore
fait fur la fin de cè mois , une
operation des plus heureufes , en la
perfonne de M. l'Abbé de Thiange , attaqué
fubitement d'une fuppreffion totale
d'urine , caufée par la Néphrétique & par
l'embarras de plufieurs gros grains , qui
s'étoient amaffez dans le canal de l'uretere.
Mrs Chirac & Sidobe , Medecins , convinrent
qu'on mettroit le Malade entre
fes mains. 11 opera en leur prefence , &
par le moyen des bougies de fa façon , il
brifa le maffis de pierre , fit fortir en un
inftant une grande quantité d'urine &
beaucoup de gravier , ce qui dès ce moment
foulagea confiderablement le Malade
, qui eft aujourd'hui tout - à - fait guéri.
Peu de temps auparavant , le même Chirurgien
avoit travaillé auffi heureuſement
en la perfonne d'un Efpagnol de diftinction
, Secretaire du Roy d'Eſpagne .
On apprend de Londres que Mrs Senox
& Johnfon , qui ont entrepris l'Edition
2. vol.
d'un
1494 MERCURE DE FRANCE .
d'un Atlas Maritime , ou Vûë generale des
Côtes , par rapport au Commerce & à la
Navigation, en prefenterent le 23.du mois
dernier un Exemplaire aux Commiffaites
de l'Amirauté , aufquels ils l'ont dédiée .
Le General des Cordeliers , qui eſt
chargé des affaires du Roi de Portugal ,
à Rome , jufqu'à l'accommodement de fes
differends avec le S. Siege , y fait faire pour
une Confrairie de Lifbonne , un Crucifix
d'or , dont la tête des cloux fera de diamans
, & le pied d'eftal orné de Pierreries
précieuſes.
Nous apprenons que M. de Fontenelle
a communiqué au R. P. Caftel , Jefuite ,
le dénouement , à priori , de fon Paradoxe
Géométrique , inféré dans le premier volume
du Mercure de ce mois , page 1122.
Nous donnerons inceffamment la fçavante
Lettre de ce celebre Auteur . Elle eſt
datée du 11. Juillet.
akkkkkkkkk
TABLE.
Ieces Fugitives , le Conquerant , Ode , 1295
Obfervations fur le Chant Eccléfiaftique ,
1300
Epitre d'une Amante , & c. 1308
Lettre fur l'Académie de Beziers , & c. 1315
L'Exil du Chrétien , Poëme . 1330
Traduction de l'Epitaphe de Melun , & c. 1335
2. vol. Réponie
Réponse aux Vers de la Dame qui faifoit des
Recruës ,
Suite du Voyage de Normandie
Le Cidre , Ode.
>
1338
1339
1363
Lettre fur un fait fingulier de Chirurgie , 1369
Regulus , Poëme.
1375
Priere à Dieu faite à la fin d'un Sermon , & c.
و
1380
1387
Vers à M. ***
Extrait de Lettre fur une groffeffe de 15. ans ,
& c. 1389
Explication du Logogryphe de May , 1391
Nouvelle Enigme & nouveau Logogriphe >
1392
1401
Suite des Logogryphes arithmetiques , 1394
Lettre fur les Logogriphes ,
Nouvelles Litteraires , & c. Bibliotheque Angloife
, & c.
Recueil de Lettres Philofophiques , &c.
Relation , & c . des Malabares ,
1407
J408
Extrait des Mémoires Philofophiques , & c.
Nouveau Systême de Philofophie ,
Voyage de la Louifiane du P. Laval ,
Effai fur la Poëfie Grecque , & c.
1411
1414
1416
Combinaiſon Generale des Changes , &c.
Nouveau Systême du monde , & c.
1417
1419
1422
Programe pour une nouvelle Verfion des Septantes
,
Experience faite fur mer , & c.
1426
1428
1429
Nouvelles Eftampes de Dom Quichotte &
autres , & c.
Nouvelles Eftampes d'après Watteau , 1433
Arcane de vie incorruptible , excellent remede
,
Spectacles , Tragédie nouvelle de Thémistocle,
joüée à Lyon ,
1436
1439
2. vol.
ExExtrait
de l'Opera d'Hypermneſtre
Nouvelles du Temps , de Turquie ,
1440
1459
Nouvelles d'Affrique , 1460
Traduction de la Lettre du Chef des Eunuques
, 1461
Extrait d'une Lettre du P. Beguin , 1462
De Ruffie , 1464
De Pologne , 1468
D'Allemagne ,
1469
D'Italie ,
1474
Portugal , Grande Bretagne ,
1477
Mort des Pays Etrangers , 1478
France, nouvelles de la Cour, de Paris, &c.ibid.
Congrès de Soiffons , 1481
Morts , Mariages , 1485
Addition , Ode , &c. 1486
Lettre & Logogrife Steganographique , 1490
Errata du premier Volume de Juin.
Age 1101. ligne 18. l'Ifle , lifez Lifte .
P. 1164.1. 3 du bas , changeant 1. chargeant
.
P. 1230. 1. derniere , 4 , 1. 40.
P. 1253. 1. 6. S. Farou , l. S. Faron.
Ibid. 1. 15. Bataben , 1. Batabon .
Fautes à corriger dans ce Livre.
PAge 13 14. lignepremiere, me, ôtez ce mot. P. 1330. l. 17 le fecouer , L. de fecouer.
P. 1332. 1. 21 pleins , 1. plein.
P. 1333. l. 6. le doute , Mortel , l. le doute
mortel .
Ibid. l. 9. jufqu'à , l. juſques à.
La Médaille gravée doit regarder la page 1344
Qualité de la reconnaissance optique de caractères