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1728, 01-03
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Presentedby
John
Bigelow
to the
352
Century
Association
XDM
Mercurex



MERCURE
DE
FRANCE ,
DÉDIÉ AU
ROY
JANVIER. 1728 .
QUE
COLLIGIT
SPARGITS
Chez
A PARIS ,
( GUILLAUME CAVELIER , ruë
S. Jacques , au Lys d'Or.
LA VEUVE PISSOT, Quay de Conti,
a la defcente du Pont Neuf au coin
de la rue de Nevers , à la Croix d'Or .
JEAN DE NULLY , au Palais.
M. DC C. XXVIII.
Avec Approbation & Privilege du Roi.
THE NEW YORK
PUBLIC LIBRARY
ASTOR, LENOX AND
1905
TILDEN FOUNDATIONSTSTE DES LIBRAIRES
qui débitent le Mercure dans les
535163
Provinces du Royaume , & c .
A Toulouſe , chez la veuve Tene.
Bordeaux , chez Raymond Labottiere , chez
Charles Labottiere l'aîné , vis - à - vis la Bourfe
, chez Etienne Labottiere , & chez Chapui
, filš , au Palais.
Nantes , chez Julien Maillard , & chez du
Verger.
Rennes , chez Vattar.
Blois , chez Maffon.
Tours , chez Gripon.
ibid. chez Maſſon.
Rouen , chez Herault.
Idem , chez la veuve Vaultier.
Châlons-fur-Marne , chez Seneuze
Amiens , chez François , & chez Godard.
Arras , chez C. Duchamp .
Orleans , chez Rouzeaux.
Angers , chez Fourreau .
Chartres , chez Fetil , & chez J. Roux.
Dijon , chez la veuve Armil.
Lille , chez Danel .
Verfailles , chez Pigeon,
Befançon , chez Charmet.
Saint Germain , chez Doré.
Lyon , à la Pofte.
Reims , chez Godard.
A Vitry - le -François , chez Vitalis,
Prix XXX. fols.
AVERTISSEMENT.
'Inftitution de ce Livre , lequel peut
L'être
être regardé comme un ample Journal
Hiftorique de Faits & d'Ecrits mémorables
, & qui eftfufceptible d'une très - agréable
varieté , ne laiffe pas d'avoir déja qucbque
ancienneté. Il fut commencé en 1677 .
par M. Doneau , fieur de Vife , qui en a
donné
régulierement un Volume par mois
jufqu'en 1710 , fous le titre de Mercure
Galant ; fans compter les Volumes extraordinaires
qu'il donnoitfouvent. Au mois de
Janvier 1697. il en avoit déja denné z 18 .
volumes . A la mort de cet Auteur , M. Riviere
du Frefny , connu par quantité d'Ouvrages
d'un goût nouveau & fingulier , obtint
du feu Roy le Privilege du Mercure ,
& le compofa pendant quelques temps : il
le ceda enfuite à M. le Fevre , qui y travailla
pendant quelques années. C'est des
mains de ce dernier qu'il paffa à M. Bи-
chet , mort au mois de Juin 1721. Ce dernier
s'étoit donné beaucoup de foin pour
rendre ce Livre meilleur qu'il n'avoit été
depuis quelques -tems ; & c'eft depuis le
mois de Juin 1721. qu'il est tombé entre
nos mains .
Nous ferons toujours plus appliqués à
A ij
dox1
A
ner des nouvelles exactes & circonftanciées
, qu'à les donner promptement , afin de
les donner sûres , & de n'être pas fouvent
obligés à nous retracter commefont ordinairement
les Nouvellifes qui veulent primer ,
& dont les nouvelles s'accordent rarement
avec la verité des Faits . Nous demandons
cependant quelque indulgence , fi malgré
notre application , dans la multiplicité de
il s'en trouve ceux que nous rapporterons ,
quelques-uns qui meritent d'être rectifiés .
Le Mercure ne doitpas être regardé comme
un Livre qui apprend une Nouvell:
qu'on ne fçait pas , principalement de celles
qui ne font nouvelles qu'un jour. Ce Livre
doit être proprement un Recücil de toutes les
circonftances dont les Nouvelles font accompagnées
, & qui ne font pas fçues de tout
le monde , quoiqu'en general on n'ignore
pas les principaux Faits . C'est par ce détail
&
par
le tour qu'on lui donne , qu'on
eroit qu'en quelque temps que ce foit , les
Matieres qu'on traite dans ce Journal , feront
reçeues comme étant nouvelles , de- même
quejufqu'à la fin du monde , l'Histoire
fera nouvelle pour ceux qui ne l'auront pas
lue , bien que les évenemens leur en foyent
connus avant que d'avoir commencé à les
lire.
,
Des perfonnes éclairées , & qui ont goûté
le peu de Nouvelles Litteraires & des
Arts
5
Arts qu'on donne dans ce Livre , nt témoigné
que pour rendre cet article encore
plus interreffant on defireroit y trouver
quelque chofe des Journaux Etrangers , pour
faire connoire en France les bons Livres
dont on donne des Extraits dans ces Journaux
, & les Pieces curienfes qui y sont
inferées. Nous redoublerons nos foins pour
fatisfaire le Lecteur à cet égard, furtoutpour
les Journaux d'Italie & d'Allemagne , qui
font les moins connus ici.
Nous faifons de nouvelles inftances aux
Libraires qui envoyent des Livres pour les
annoncer dans le Mercure , d'en marquer
Le prix au jufte ; cela feri beaucoup dans
les Provinces aux personnes qui ſe déterminent
là-deffus à les acheter , & qui ne
font pas sûres de l'exactitude des Meffagers
des autres perfonnes qu'elles chargent
de leurs commiffions , qui fouvent les
font furpayer.
Plufieurs Piéces en Profe & en Vers envoyées
pour le Mercure , font fimal écrites ,
qu'on ne peut les déchifrer , & font pour
cela rejetées . D'autres font bonnes à quelques
égards , & défectueuses en d'autres.
Lors qu'elles peuvent en valoir la peine ,
nous les corrigeons avec foin. Mais comme
nous ne prenons ce parti qu'avec peine ,
nous prions les Auteurs de ne le pas trouver
mauvais , & de travailler leurs Ouvrages
A iij
avec
avec le plus d'attention qu'il leur fera poffible.
Si on fçavoit leur adreffe , on leur
marqueroit les corrections à faire.
Les Sçavans & les Curieux , font priez
de vouloir concourir avec nous pour rendre
le Mercure encore plus utile & plus agréable
, en nous communiquant les Mémoires
& les Piéces en Profe & en Vers qui peuvent
inftruire & amufer les honnêtes gens.
Aucun point de Litterature n'est déplacé
dans ce Recueil , où l'on tâche de mettre une
agréable varieté ; Poëfie , nouvelles Découvertes
dans les Arts & dans les Sciences
, Morale , Antiquité , Hiftoire Sacrée
& Prophane , Hiftorietes , Mythologie ,
Phyfique & Metaphyfique, Piéces de Theatre
, Jurifprudence , Anatomie & Medecines
Critique , Mathematiques , Memoires ,
Projets , Traductions , Grammaire , Piéces
amufantes recréatives , & c. Quand les
morceaux d'une certaine confideration feront
trop longs , on les placera dans un vo-
Lume extraordinaire , & on fera enforte
qu'on puiffe les en détacher facilement
pour la fatisfaction des Auteurs , & des
perfonnes qui ne veulent avoir que certaines
Piéces.
Quelques morceaux de Profe & de Vers
rejene , ontfouvent donné lieu à des plaintes
de la part des perfonnes interreffées ; mais
nous les prions de confiderer que c'est tou
jours
7
jours malgré nous que certaines Piéces font
rejettées , nous ne nous en rapportons
pas toujours à notre jugement dans le choix
que nous faifons de celles qui meritent
l'impreffion ; plufieurs perfonnes éclairées ,
d'un goût fur & d'un difcernement exquis
, veulent bien encore nous fecourir
de leurs lumieres .
Quoi qu'on ait toujours la précaution de
faire mettre un avis à la tête de chaque
Mercure , pour avertir qu'on ne recevra
point de Lettres ni Paquets par la Pofte
dont le port nefoit affranchi ; il en vient
cependant quelquefois qu'on eft obligé de
rebuter. Ceux qui n'ont pas pris cette précaution
ne doivent pas être furpris de ne
pas voir paroître les Piéces qu'ils ont envoyées
.
cure ,
Les perfonnes qui deferent avoir le Mercure
des premiers , foit dans les Provinces
on dans les Pays Etrangers , n'auront qu'à
s'adreffer à M. Moreau , Commis au Mervis-
à-vis la Comédie Françoife , à
Paris , qui le leur envoyera par la voye la
plus convenable, & avantqu'il foiten vente
ici. Les amis à qui on s'adreße pour cela
ne font pas ordinairement fort exacts . Ils
n'envoyent gueres acheter ce Livre précifément
dans le tems qu'il paroît ; ils ne manquentpas
de le lire , fouvent ils le prétent à
d'autres,& ne l'envoyent que fort tard, fons
A iiij le
8
ཏི
be prétexte fpecieux que le Mercure n'a pas
paru plutôt.
Nous renouvellons la priere que nous
avons déja faite , quand on envoye des
Piéces , foit en Vers , foit en Profe , de
Les faire tranfcrire lifiblement fur des papiers
féparez, & d'une grandeur raifonnable
, avec des marges , & que les noms propres
, fur tout , foient exactement écrits.
Des Piéces griffonées font fouvent mises au
rebut , quoique bonnes , faute de
les déchiffrer.
pour oir
Nous aurons toujours les mêmes égar is
pour les Auteurs qui ne veulent pas je faire
connoître ; mais il feroit bon qu'ils donnaffent
une adreffe , fur tout quand il s'agit
de quelque Ouvrage qui peut demander
des éclairciffemens ; car fouvent faute d'un'
tel fecours , des Piéces nous demeurent entre
les mains fans pouvoir lesfaire paroître.
Deux Auteurs que nous ne connoiffons
point , & qui veulent , fans doute , garder
Incognito , nous ont adreffé avec confiance
deux Piéces de Theatre , avec priere de
les préfenter à l'un ou à l'autre Theatre
& d'en retirer le profit fi elles font admifes.
Nous voulons bien rendre le fervice
qon demande. Par la l.cture que rous
avons faite de ces Ouvrages , nous en jugeons
le fond très - bon , & qu'il y auroit
à r.touche pour les mettre en état
d'être fort
pen
d'être donne au Public. Nous garderons
Le fecret fur ces deux Piéces , fur leurs titres
, & fur le nom de ceux qui les ont compofees
, s'ils viennent à notre connoiffance ,
tant qu'ils ne jugeront pas à propos
de fe
découvrir ; mais nous croyons devoir les
avertir que nous ferions bien- aifes qu'on
nous indiquât quelqu'un , ou qu'on nous
donnât une adreffe pour communiquer nos
obfervations , & propofer les changemens
que nous croyons convenables pour la repre-
Sentation de ces Piéses .
La parfaite neutralité dans laquelle le
Mercure doit êtrefur les Ouvrages d'efprit,
nous oblige à inferer fouvent divers morceaux
de critiques mais fi quelque Auteur
attaqué a lieu de fe plaindre , & qu'il
veuille deffendre fon Ouvrage , dont on
n'aura pas bien pris lefens , nous infererons
dans le plus prochain Mercure , avec
la même impartialité , tout ce qu'il voudra
écrire pour fa deffenfe , & fans y rien changer,
poura û qu'il lefaffe avec la moderation
convenable .
Au refte, nous nous ferons toujours une loi
très-fevere de ne rien admettre d'injurieux
dans les Critiques , nous renfermant à donner
des Extraits fideles des Poëmes & autres
Pièces & Mémoires , nous tâcherons feulement
de mettre dans tout leur jour les fentimens
du Public , & des Critiques les plus fenfes ..
A v Et
1@
Et fi , malgré notre attention à cet égard ;
il nous échapoit qu lque chofe qui ne fur
pas dans l'exacte verité , ou qu'on eut mal
pris le fins d'un Ovrage , on n'aura qu'à
nous le témoigner ; nous feront toujours
prêts à nous retracter quand on nous aura
fait connoître notre erreur , & nous ferons
amplement & publiquement toutes les réparations
qu'il conviendra. Mais auffi
qu'on ne trouve pas mauvais fi dans quelques
occafions nous ofons dire la verité bar
diment ,fansflaterie & fans baffeffe.
Pour lesfautes qui peuventfe trouverquelquefois
dans notre Journal, & qu'il eft prefque
impoffible d'éviter,quelque attention que
l'on ait , fur tour pour les noms propres &
les qualitez des gens de diftinction , nous
offrons aux personnes qui s'y trouvent intereffées
, ou qui ont été oubliées , de corriger
ce qui n'est pas exact , en nous faifant
remettre les éclairciffemens neceffaires
pour rectifier les noms propres mal écrits
Les attributs des Charges & Offices , & c.
Comme nous ne prétendons louer que ce
qui eft veritablement lowable , nous fommes
obligés d'avouer que nous avons été.
quelquefois furpris par des Mémoires qui
Contenoient des éloges , qu'on a crû finceres
, & qui n'étoient qu'une ironie. Plus
en garde fur le blâme que fur les loüanges
il est aise de donner dans le piége ; mais
nons
nous nous ferons toûjours un plaifir & un
devoir d'éclaircir & de rendre justice à
la verité , quand on voudra bien nous la
faire connoître. Au furplus le Lecteurjudicieux
fçait bien que nous ne sçaurions
être garans de tous les Memoires qu'on
nous envoye. Le temps très-limité que
nous avons chaque mois pour les examiner,
ne peut pas toûjours les rendre
exempts de fautes.
Nous prions ceux qui par le moyen de
leurs correfpondances , reçoivent des nouvelles
d'Afrique , du Levant , de Perfe ,
de Tartarie , du Japon , de la Chine , des
Indes Orientales & Occidentales , & d'autres
pays contrées éloignées , de vouloir
nous en faire part , à l'adreffe generale di
du
Mercure. Ces nouvelles peuvent roulerfur
Ves guerres prefentes des États voifins , leurs
révolutions , Traitez de Paix & de
Tréves les occupations des Souverains
la Religion des Peuples , leurs Ceremonies ,
Coûtumes & ufages ; les productions de
la Nature & de l'Art , les Phénomenes, &c.
Dans les Pieces qui contiennent la Criz
tique ou l'Apologie de quelques Ouvra
ges d'efprit , on doit confiderer que ce n'eft
prefque jamais nous qui parlons ; ce font
ordinairement des morceaux qu'on nous
communique , & que nous rapportons fan's
partialité & fans prédilections on n'ajoute
A vj
ni
12
ni on ne retranche rien , pour Laiffer en
entier au Public le droit & le plaifir de ju-
& de conclure lui- même. ger
Nous croyons devoir encore avertir que
fi on retouche à quelques morceaux , foit
de Profe , foit de Poësie , ce n'est que pour
les perfectionner; nous prenons quelquefois
cene liberté fur les endroits qui nous paroiffent
trop libres ou trop fatyriques. Nous
faifons de notre mieux en corrigeant ces
Pieces , pour conferver ce qu'elles ont d'ingenieux
de brillant.
Nous differons quelquefois à mettre dans
le mois courant les Pieces qu'on nous envoye
, mais ce n'est presque jamais qu'à
P'égard de celles qui n'ont aucun befoin
de l'ordre des temps pour être trouvées bonnes
, & qui ne perdent rien de leur prix
le mois fuivant. Tout ce qui eft bon , &
qui ne peut pas être employé dans un temps,
L'est dans un autre. Nous voyons cependant
quelquefois avec douleur des chofes
très -bien tournées & très - fpirituelles , qui
ne font pas bonnes à imprimer. C'est dans
ce cas que nous fommes fâchez de ne pas
connoître les Auteurs.
Au refte , notre reconnoiffance nous engage
à rendre de nouvelles graces au Public
, de l'acceuil favorable qu'il daigne
faire au Mercure . Nous ne doutons pas
que la meilleure part du fuccès de ceLivre
ne
13
ne foit due aux excellens morceaux que
des Sçavans du premier ordre & des gens
d'un mérite diftingué , veulent bien nous
communiquer. Nos Lecteurs paroiffent fi
contens de l'usage que nous en faifons , que
nous fommes quelquefois obligez d'avoir
recours aux Supplemens pour fatisfaire à
leur empreffement , & ne pas les priver des
évenemens & des Ouvrages qui regardent
temps prefent, & fatisfaire auffi à l'impatience
des Auteurs , qui veulent voir paroître
leurs Ouvrages . Enfin , nons pouvons
le dire , fans vanité , c'est peut- être ici
le feil Livre dont un Auteur puiffe publier
le fuccès fans paroître vain , car la
plus grande partie des louanges tombe fur
les Ouvrages d'autrui nous devons cet
aven public à leurs Auteurs.
be
Quoique ce Livre ait un débit affez rai-
Jonnable , & que le Public paroiffe n'en
être pas dégoûté , nous ne nous perfuadons
pas neanmoins & nous n'avons pas la vanité
de croire qu'il ait le bonheur de plaire
à tout le monde , & à la verité , les matieres
opposées en tout genre dont il eft rempli,
ne peuvent pas être d'un goût general , ſe
trouvant toujours des gens qui aiment paf
fionénent des chofes pour lesquelles d'antres
ont une parfaite indifference. Et comme
on ne peut point difputer des goûts , &
qu'il y en a de bizarres , on n'aura rien à
répondre
14
répondre à ceux à qui notre Journal , en
l'état qu'il eft , pourra avoir le malheur
de ne pas plaire , finon que le plus grand
nombre eft de notre côté & que le goût general
doit toûjours l'emporter.
Quelques-uns ont reproché au Mercure
de rapporter les mêmes nouvelles que les
Gazettes. Les Gazettes ont foin d'informer
le Public une ou deux fois la femaine
des chofes qui arrivent. Si nous fommes à
quelques égards , l'écho des Gazettes an
Jujet des évenemens & des actions memorables
, c'eft beaucoup moins pour appren
dre ces faits à nos contemporains , que
pour les tranfmettre à la Pofterité , avec
des circonftances qu'on trouve rarement
dans les Gazettes , à caufe de la precipitation
de la précifion avec laquelle
elles font composées enforte que nous prétendons
moins apprendre une Nouvelle
que donner un morceau d'Hiftoire.
Plufieurs perfonnes fouhaiteroient que
dans l'article de ce Livre qui regarde les
Sciences & les Beaux Arts , on y inferar
une Defcription fommaire des belles Eftampes
que les habiles Graveurs mettent en
Lumiere d'après les Tableaux des grands
Peintres , avec le nom du Graveur & du
Peintre , le prix de l'Eftampe & la de
meure de celui qui la vend. Nous invitons
donc les Marchands & les Graveurs
IS
à nous communiquer les nouvelles Eftampes
pour les annoncer d'une maniere avantageufe.
Les Estampes ne s'affichant point
comme les Livres nouveaux , restent ignorées
dans les Portefeuilles des Marchands ,
faute d'être annoncées aux Curieux qui
fe feroient un plaifir de les acheter s'ils
les connoiffoient. Si on feconde notre inten–
tion , non -feulement les grands Curieux
d'Estampes y gagneront & feront gagner
les Marchands qui les débitent , mais encore
les Peintres & leurs Eleves , Les Sculp
teurs , Graveurs , Architectes , Orfévres ,
Cifeleurs , Serruriers , Jardiniers , Menuifiers
, Brodeurs, Découpeurs , & . On fçait
de quelle utilité font les Estampes. Elles
apprennent l'Hiftoire les actions qu'elles
réprefentent parlent aux yeux dans un
inftant , nous font voir les Portraits des
Grands Hommes & en confervent la memoire.
Si les Etrangers veulent nous inf
truire des Eftampes nouvelles qui paroiffent
chez eux , nous nous ferons un plaifir de
publier leurs Ouvrages. Sur les Memoi
res ou les Estampes qu'on enverra , on
fera une Defcription détaillée des fujets
Hiftoriques , Allegoriques on Fabuleux
on marquera à quelle Profeffion les autres
pourront être utiles , & dans quelle
vûë on les a faites . Enfin nous n'oublierons
rien en procurant la fatisfaction de
16
de ceux qui aiment les Beaux Arts , pour
procurer auffi le débit des Marchands .
Nous avons donné divers Avertiffemens
qui contiennent des chofes affez effentielles
pour engager ceux qui font quelque cas
du Mercure, à les lire. Il y en a un à
La tête de notre premier Volume de Juin
1721. au mois de Novembre de la même
année , au mois de Janvier 1722. en Janvier
& Juin 1723. & aux mois de Janvier
1724. 1725. 1726.
17
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT.
JANVIER. 1728.
PIECES FUGITIVES ,
en Vers & en Profe.
H
ELEGI E.
Eureux l'homme dans qui la molle
volupté ,
N'a jamais de fon coeur foüillé la
pureté ,
Qui cherchant avec foin la folide Sageffe ,
De la haute vertu fait toute fa richeffe ,
Et qui mettant enfin en Dieu feul fon appui ,
Soumis
18 MERCURE DE FRANCE
Soumis à fes decrets , n'aime & ne craint
que lui.
Qu'eft devenu ce temps illuftré par nos peres ,
Où triomphant du vice & des erreurs vulgaires
,
Leur coeur pur & nourri dans la fimplicité .
De tout autre bonheur n'étoit point agité ?
Ou leurs moeurs , leurs difcours , leurs goûts,
leur nourriture ,
N'empruntoient rien de l'Art , mais tout de la
Nature ?
Où chacun fagement fatisfait de fon fort,
D'un oeil indifferent envifageoit la mort ?
Cet heureux temps n'eft plus , l'homme infenfé
, perfide ,.
}
Croit dans des biens trompeurs trouver le
- bien folide ;
En aveugle il s'y livre , & dans fa paffion ,
Il n'écoute , il ne fuit que fon ambition.
Elle corrompt la Loi dans fon ame fervile .
Elle lui dit que l'or eft le premier mobile ,
Qu'il faut à ce Métal facrifier fon coeur ,
Son repos , fa fanté, fon fuprême bonheur ;
Que dans tous fes projets il doit l'avoir pour
guide ,
Qu'en lui feul les plaifirs , les honneurs , tout
réfide. Qu'un
JANVIER. 1728 . 19
Qu'un mérite indigent dans le mépris languit
Que c'eft l'Idole enfin devant qui tout fléchit
Ainfi l'ambition , fource de tous les crimes ,
Enyvre les Mortels de fes fauffes maximes.
On ne voit plus regner la raiſon , le devoir ,
Le fang & l'amitié n'ont qu'un foible pouvoir.
Le fils dénaturé compte les jours du pere ;
Thémis fuit à l'afpect du Juge Mercenaire ;
Pour un vil interêt , l'ami trahit l'ami ;
L'avare chargé d'or , n'eſt riche qu'à demi :'
A l'aide d'un fourneau , nuit & jour l'Empi
rique ,
Dans un ardent creufet cherche un or chimerique.
Le Grand met à profit fon rang & fa faveur
Le timide orphelin gémit fous l'opreffeur ;
De l'alteré Traitant le peuple eft la victime s
L'hypocrite avec art s'enrichit dans le crimes
Le Sexe met à prix les Graces , la Beauté ,
La fraude au Commerçant tient lieu de probité,
Le joueur court après la fortune bizarre ;
Dans fa cupidité l'homme devient barbare.
L'avide Nautonier affronte le danger :
Le Prince , le Prélat , l'Artifan , le Berger ,
Tous
20 MERCURE DE FRANCE.
Tous enfin poffedez du démon qui les guide ,
Livrent leur lâche coeur à ce Métal perfide.
Que je plains ton yvreffe & ton aveuglement !
Mortel ambitieux , fufpends pour un moment
Tes defirs effrenez pour les biens de la terre ;
"
Une invifible main te déclare la guerre ;
De tes lâches forfaits elle arrête le cours ;
Contre elle tes tréfors font d'un foible fecours,
Telle qu'on voit aux Champs fous la faulx
tomber l'herbe ,
Elle coupe ta trame , homme riche & fuperbe,
Tes grandeurs avec toi s'éclipſent à nos yeux ,
Et tu n'es plus pour nous qu'un cadavre
odieux.
M. le Gr.
CAUSE plaidée au College de Louis
le Grand , le 27 d'Aouft 1727 .
I
Left peu d'exercices plus utiles que
celui - ci pour de jeunes gens, & plus capables
de les former à l'éloquence . En mê
me tems qu'il leur fert à s'affurer de leurs
progrez fur la fin de la carriere , & à
effaier leurs forces & leurs talens , il leur
apprend
JANVIER . 1718 . 2 [
apprend à mettre en ufage dans un difcours
entier & fuivi , ce qu'ils ont appris
en détail des regles de l'Art ; à examiner
un fujet , & à le confiderer par tous les
differens points de vûe fous lefquels il
peut être envisagé ; à fe borner enfuite à
une ou deux propofitions generales , qui
renferment le jugement que l'on en a porté
foi-même , & que l'on fe propoſe pour
but d'infinuer par fon difcours dans l'efprit
de fon Auditeur ; à ranger avec art ,
& enchaîner d'une maniere naturelle &
fuivie , les divers raifonnemens fur lefquels
on prétend s'appuier , foit pour autorifer
fon fentiment , foit pour prévenir
& détruire les objections que l'on prévoit
pouvoir naître dans l'efprit de ceux à qui
l'on doit parler à propofer fes raifons
dans le jour le plus favorable à fa cauſe ,
& le plus capable d'intereffer fon Auditeur
; & pour leur donner plus de force ,
employer à propos les figures & les tours
de la Rethorique , l'élegance du ftile , la
nobleffe & les graces de l'expreffion ; c'eſt
en quoi confifte le fecret de la veritable éloquence
, & ce que tout Maître habile
s'il ne veut faire de fes Eleves de vains
declamateurs , plutot que des gens veritablement
éloquents , doit uniquement fe
propofer de leur apprendre. Tel eft auffi
le but principal de ces efpeces de plaidoyers
22 MERCURE DE FRANCE.
doyers qui font en ufage au College de
Louis le Grand , & qui s'y font regulierement
chaque année ; le fujet fe propoſe à
tous en general , tous y travaillent également
; une main habile & experimentée
les dirige dans l'execution , & l'on en exerce
enfuite quelques-uns en particulier à les
prononcer en public devant une affemblée
nombreufe qui y vient d'ordinaire
avec empreffement. Le P. Porée qui en
étoit chargé l'année derniere, s'en acquitta
avec le fuccez qui ne manque jamais de
fuivre tout ce qu'il donne au public . Le
fujet étoit important par lui - même , & les
Acteurs parlerent de maniere à exciter l'attention,
& à meriter les applaudiffements
de leurs Auditeurs .
La caufe qui fut plaidée rouloit fur les
differents genres d'éducation que l'on peut
donner à la jeuneffe , & portoit fur ce fait
fuppofé.
Ctesiphon eut quatre enfans , deux gar
çons , & deux filles . S'étant plus appliqué
à leur amaffer des richeffes , qu'à leur cultiver
l'efprit , & leur former le coeur , il
voulut réparer en quelque forte cette negligence
en la perfonne de fes petits - fils
qui au moment de la mort fe trouvoient
au nombre de quatre , iffus de les quatre
enfans dans cette veuë , il declara par
fon teftament , qu'il laiffoit entre les mains
de
JANVIER. 1728. 23
de Dorophilaa la fomme de cent mille
écus , pour être un jour partagée à fes
quatre petits-fils , à raifon de l'éducation
plus ou moins avantageufe que leur pere
ou leur mere leur auroit procuré. Ephef.
tion fut élevé en particulier chez Melite
fa mere: Taxile fut inftruit dans des écoles
publiques , par l'ordre de fon pere Democrates
: Æglé confia Bafilide fon fils à
un ami , qui vivoit à la cour : Neophile
envoya Odophile voyager dans les pays
étrangers, fous la conduite d'un Gouverneur
le tems de l'éducation étant fini ,
les quatre petits - fils fe difputerent la meilleure
part dans la fomme laiffée par leur
grand - pere ; chacun d'eux prétendant
avoir reçû l'éducation la plus avantageufe.
M. de Novion qui faifoit l'office de
Juge ouvrit la féance, & après avoir relevé
l'importance de la caufe que l'on apportoit
à fon Tribunal , il expofa le fait en peu de
. mots , & invita les intereffez à défendre
chacun leur caufe , ou par eux-mêmes ,
ou par d'autres , comme ils le jugeroient
à propos. Chacun des Orateurs ne penſa
qu'à faire valoir la fienne , & à s'afſurer
la victoire fur les concurrents. Et le Juge
enfin après avoir pelé , comparé , balancé
les raons alleguées par les differentes parties
, détermina par fa décifion le rang
auquel chacun devoit prétendre , & la
part
24 MERCURE DE FRANCE.
part qui lui étoit dûë dans la fomme laifpar
le teftateur . fée
Premier Plaidoyer.
Mr. Pelletier de Richemont fervit d'Avocat
à Epheftion; élevé en particulier fous
lés yeux de Melite fa mere , & commençant
par l'accufer de ce qu'il empruntoit
le fecours d'une voix étrangere pour foutenir
fes droits , comme s'il n'eut été
pas
en état de le faire lui- même avec fuccez,
il rejetta la caufe fur fa modeftie qui lui
avoit fait craindre , qu'en expofant les
avantages de fon éducation , il ne parût
faire fon propre éloge, & fe couronner luimême.
Puis entrant en matiere il prétendit
prouver que l'éducation particuliere avoit
ces deux avantages fur toutes les autres
, qu'elle inftruifoit un jeune homme
, 1 °. avec plus de foin pour les études ,
2º. avec plus de fûreté pour les moeurs.
Ces deux points bien prouvez devoient
certainement lui donner gain de caufe ,
puifque le but de toute éducation bien entendue
doit être de former en même tems
l'efprit par les fciences , & le coeur par
la vertu. Comme il fentoit bien que l'éducation
publique peut , à bon droit , &
plufque toute autre , difputer à l'éducation
parJANVIER.
1728. 25
particuliere le premier de ces deux avantages
,il s'attacha uniquement dans la premiere
partie de fonPlaidoyer à détruire la prévention
qu'il craignoit , avec raiſon , de
trouver fur cet article dans l'efprit des
Auditeurs & du Juge ; & dans la feconde,
attaquant également tous fes adverfaires
, il prétendit l'emporter également fur
tous.
Premiere Partie. Toute éducation , furtout
celle où l'on forme la jeuneffe à l'Etude
des Sciences , demande des foins
affidus , des foins proportionnez , des
foins affectueux .
Un Profeffeur public employe à peine
cinq ou fix heures par jour à inftruire fes
difciples , & encore combien de jours
dans l'année où les Claffes font fans exercice
? Il est vrai que pour remplir ce
vuide , les Maîtres ont foin de donner à
leurs difciples de quoi les occuper dans
l'intervalle ; mais malgré cette précaution,
les foins d'un Profeffeur public peuventils
entrer en comparaifon avec ceux d'un
Maître particulier , qui chargé d'un feul
Eleve , & l'ayant fans ceffe fous les yeux ,
en guide fidele & affidu, dirige tous fespas
, fans le perdre un moment de vûë ,
dans l'abandonner un moment à lui -même.
L'inſtruction doit de plus être mefurée
à l'étendue & à la portée de celui qu'on
B inftruit ;
26
MERCURE
DE FRANCE
.
inftruit or dans les leçons publiques
la mefure eft égale pour tous , quoique
tous n'ayent pas une capacité égale . J'avoue
qu'au commencement de chaque
année on prend foin de les affortir , &
de les diftribuer en diverfes claffes fuivant
leurs talents & leur capacité ; mais cette
attention fuffit- elle pour remedier à un
pareil inconvenient ? & un Maître particulier
qui fçait proportionner fes foins au
génie & au caractere de fon Eleve , ne
3 le conduit- il pas , plutôt ou plus tard , à
la verité , mais du moins plus sûrement
au but qu'il fe propoſe ?
Enfin l'âge tendre d'un difciple exige
des ménagemens ; il faut qu'un Maître
tienne autant lieu de pere que de Maître
à fon Eleve. Or que pourra faire à cet
égard un Maître qui fe verra accablé d'une
foule d'Etudiants ? Jugeons - en par les
peres à qui la nature a donné un grand
nombre d'enfants ; ont - ils jamais pour
une famille nombreuſe la même tendreffe,
qu'un pere
pere fent pour un fils unique ?
Seconde Partie. Pour ce qui regarde la
conduite & les moeurs n'eft-il pas à crain
dre que les airs de fierté , les idées de
grandeur ne paffent des grands aux petits
dans les Colleges où toutes les conditions
fe trouvent raffemblées , égalées , & confonduës
? Je fçai qu'on me répondra , que
cette
JANVIER 1728. 27
Cette égalité parmi de jeunes gens de differentes
conditions fert au contraire à rabattre
la hauteur dans ceux à qui la naiffance
ou le naturel pourroit en infpirer.
Mais d'ailleurs dans un affemblage nombreux
de jeunes gens ne s'en trouve - t'il jamais
dont les moeursne foient pas irrepréhenfibles
? & , quelque foin que l'on puiffe
prendre de n'en point admettre dont la
conduite ne foit fans reproche , quelle
que puiffe être la vigilance de ceux qui
font chargez de les élever , n'eft - il pas 盞
craindre , qu'il ne leur arrive ce que nous
voyons arriver aux fruits les plus fains
qui fe gâtent fouvent l'un l'autre par
feule proximité ?
la
Si de la pouffiere des claffes nous paffons
pour un moment à la Cour des Rois,
qu'y verrons - nous ? vous le fçavez . Une
Mer orageufe & femée d'écuëils , où les
paffions frémiffent , où le calme féduit ,
où l'innocence fait encore plus fouvent
naufrage que la fortune , où l'on fe rend
également criminel par l'envie de plaire ,
& par le defir de nuire ; où les vices font
déguiſez fous le mafque des vertus , où
les vrayes vertus font traitées d'hypocrifie
& de foibleffe , où il eft auffi difficile
à un jeune homme de fe maintenir dans
la regularité, que de fe tenir ferme dans un
pas gliffant , ou de ne pas brûler au milicu
des flammes.
Bij Sui28
MERCURE DE FRANCE .
Siuvrons - nous Odophile dans les voyages ?
Ne parlons point des dangers aufquels il a
expofé fes biens , fa fanté , & peut - être
fa vie ; demandons - lui feulement , fi par
le commerce qu'il a eu avec les Nations
étrangeres , il a plutôt contracté leurs vertus
que leurs défauts ; fi en vivant parmi
des perfonnes qui n'ont point de Religion
, ou qui en fuivent de fauffes , il
ne nous a pas mis en droit de lui appliquer
ce que l'on a dit d'un Fleuve qui
arrofe tantôt des Etats Catholiques , tantôt
des Pays heretiques , & enfin des
Terres infideles ; qui femble devenir tour
à tour Romain & Luthérien , & finir fa
courfe vagabonde par n'être pas même
chrétien ?
L'Avocat d'Epheftion conclut enfin en
difant que tous ces dangers n'étoient point
pour un jeune homme élevé dans la maifon
paternelle , & finit par cette maxime ,
qu'en fait d'éducation , comme en toute
autre matiere , les foins generaux le cederont
toujours aux foins particuliers.
Second Plaidoyer.
M' . Dutillet de la Buffiere plaida en faveur
de l'éducation publique , & en expofant
, ce que l'on peut dire d'avantageux
pour fa cauſe , n'oublia pas de refuter
JANVIER. 1723 . 29
futer ce que l'Avocat d'Epheftion avoit
dit à fon défavantage. Je n'ai garde , M.
dit il d'abord , d'improuver la conduite
fage & modefte de mon Rival , qui n'a ofé
foutenir lui-même fes droits prétendus ;
je découvre la fource de fa modeftie dans
l'éducation même qu'il a reçûë. On a peine
à fupporter la lumiere , quand on a longtems
demeuré dans les tenebres . Pour
moi , accoutumé dès ma plus tendre enfance
, à parler en public , je ne crois pas
devoir rendre inutile en cette occafion un
des plus grands avantages de l'éducation ,
que des parents fages m'ont procurée.
J'entreprends donc de défendre moi - même
ma cauſe , & je prétens vous convaincre
que dans les Ecoles publiques l'inftruction
eft , 1 °. plus reguliere , 2º . plus
animée .
Premiere Partie. Pour élever des Etudiants,
comme pour former des Guerriers ,
il faut une methode fage , févere , & foutenuë
.
La plupart des Maîtres particuliers fuivent
la methode , non pas toujours la plus
fage , mais la plus conforme à leur goût .
Cherchent- ils uniquement en cela le bien
de leurs Eleves ? ou bien prétendent- ils parlà
fe donner un relief d'habilité ? s'impofer
à eux-mêmes un fardeau moins pefant
& moins ennuyeux ? fe procurer plutôt le
Biij falaire
30 MERCURE DE FRANCE.
falaire qui leur eft promis ? C'est ce que
je n'examine point ; mais je fçai du moins
qu'il eft très-aifé de fe tromper dans le
choix. Où l'on charge trop une memoire
tendre & délicate , où l'on accable un efprit
encore foible par une nourriture folide
qu'il ne peut digerer , où on Pembaraffe
par une multitude d'idées qu'il confond,
& qu'il n'eft pas en état d'arranger.
Et que deviennent alors ces foins fi exactement
proportionnez à la capacité d'un Eleve
, que l'on faifoit fonner fi haut ? L'éducation
publique ne dépend point du
caprice d'un feul homme , établie par des
decrets de plufieurs perfonnes d'une ſageffe
reconnue , le fuccez en eft certain ;
c'eft une voye que les Nations les plus polies
ont fuivie , où les Sçavants les plus.
fameux ont marché. L'autorité & la poffeffion
de plufieurs fiecles lui fervent de
caution.
La difcipline Scholaftique , à l'exemple
de la difcipline Militaire, doit encore être
exacte & févere. Où trouver cette féverité,
cette exactitude ? Sera- ce dans la maifon
paternelle , où un Maître perd fon Eleve ,
s'il l'aime avec cette tendreffe que nous a
vantée l'Avocat d'Epheftion, où il fe perd:
lui-même , s'il veut prendre & foutenir
le caractere de fermeté qui lui convient ?
Sera-ce à l'ombre de l'autoriré d'un pere ,
qui
JANVIER. 1728. 31
qui déja occupé des affaires publiques ou
des foins domeftiques , content de payer
les frais de l'éducation de fon fils , ne fe
croira pas obligé d'en partager l'ennuy, &
les chagrins ? Sera-ce fous les yeux d'une
mere ou d'une grand mere peut- être , qui
fans ceffe allarmée fur la fanté d'un enfant
cheri , rendra les livres refponfables de
la plus légere incommodité dont elle le
verra attaqué ? Comment un Maître pourra
- t'il donc entreprendre de cultiver l'efprit
de fon difciple par des foins affidus :
& ce qui eft encore beaucoup plus important
, comment pourra t'il réüffir à
dompter l'humeur de fon Eleve , à mettre
un frein aux paffions dont cet âge n'eft que
trop fufceptible ? Car enfin fans penetrer
dans l'interieur des familles , on peut
dire en general , tous les peres ne craignent
pas de communiquer leurs défauts
à leurs enfans ; toutes les meres n'appréhendent
pas de les voir trop inftruits ; tous
les domeftiques ne refpectent pas l'innocence
de ceux dont ils redouteront un
jour la puiffance. Toutes les maifons parriculieres
ne font pas fermées aux flatteurs ;
toutes les tables n'y font pas fi aufteres ;
toutes les converſations , & toutes les maximes
qui s'y debitent ne font pas fi faines
; tous les divertiffemens n'y font pas
modeftes , qu'ils n'infpirent jamais le
le
B iiij.
goût
32 MERCURE DE FRANCE .
goût de la licence à un jeune coeur avide
de tout ce qui porte avec foi le caractere
du plaifir.
Il n'en eft pas ainfi des Ecoles publiques.
Outre que la jeuneffe y eft à couvert
de la plupart de ces dangers , on y
fçait mettre à profit les difpofitions qu'elle
apporte , foit pour la vertu , foit pour les
fciences. On corrige , ou du moins l'on
fait tout ce qu'il faut pour en corriger les
défauts , & la feule crainte du châtiment
fuffit fouvent pour empêcher qu'on ne le
merite. Il n'y a plus de mere qui puiffe
fouftraire fon cher fils à une peine falutaire
; point de parens , point d'étrangers ,
qui fe déclarent les Avocats d'une mau
vaife caufe , & qui flattent quand il fau
droit punir.
Enfin , il faut une méthode foûtenue .
On objecte à l'éducation publique que
dans les Colleges l'éxercice des Claffes
eft fouvent interrompu . Mais dans les
Maifons particulieres , l'indifpofition du
Maitre , le caprice de l'Eleve , la vifite
d'un parent , une fête domeftique , une
partie de campagne , font-ce des occafions
fi peu fréquentes d'interrompre le
travail ? & ne s'en trouve - t- il pas mille
autres dont un enfant eft toujours prêt &
habile à profiter ?
Seconde Partie. L'éducation publique
eſt
JANVIER. 1728. 33
eft plus animée. Quand on parle d'une
éducation particuliere , quelle autre idée
peut-on s'en former que d'un exercice obfcur
fans vie & fans ame , où le Maître &
le Difciple , toujours réduits à eux feuls ,
fouvent ennuyés l'un de l'autre , fe dégoûtent
mutuellement , l'un d'apprendre ,
F'autre d'enſeigner ? Au contraire , l'éducation
publique ne préfente - t'elle pas tout
ce qu'on peut imaginer de plus vif , de
plus animé, de plus capable d'exciter même
les plus lâches , je veux dire , des rivaux
, des combats , des victoires & des
triomphes ?
Ce n'eft point l'égalité , ni de fortune , ni
de naiffance , qui dans les Académies Litteraires
affortit les rivaux , c'eft la capaci
té feule qui décide fur ce point. Pour ceux
dont la capacité dans qui elle eft jugée à
peu près égale , fe trouvent tous indifferemment
réunis en même Claffe , & courent
la même carriere ; aucun d'eux ne
peut efperer de fe diftinguer que par fon
efprit , fon étude & fon application .
Les combats font toujours vifs & animés
, tous font obligés de prendre les armes
, tous à l'envi fe difputent l'honneur
de la victoire , tous y peuvent également
prétendre , & le merite feul
peut l'ob.
tenir.
Les Vainqueurs font sûrs d'être cou-
By ronnez
34 MERCURE DE FRANCE .
>
ronnez après le combat , & les Lauriers
fe diftribuent fouvent au bruit des acclamations
& des applaudiffemens d'une Affemblée
nombreuſe.
Eft-il rien de plus puiffant que ces efpeces .
de combats & de triomphes, pour exciter
dans de jeunes coeurs l'ardeur & l'émulation
? Rien de plus capable de leur infpirer
ces fentimens nobles qui dans un âge .
plus avancé , produifent les grands Homines
& les Heros en tout genre ; leur âge
quoi qu'encore tendre , en eft également
fufceptible. L'objet eft different , à la ve
rité , mais les fentimens font les mêmes .
Ce font d'heureufes femences , qui dans
la fuite de la vie fe développent plus fenfiblement
, & produifent les plus heureux
effets . Auffi , dit l'Orateur en concluant
, a t-on toujours vû , & nous le
voyons encore tous les jours , que des
perfonnes auffi diftinguées par leur efprit
& leur capacité , que par leur rang & leurs
emplois , fe déterminent fans peine à fe
priver pour un tems de ce qu'ils ont de
plus cher , dans la penfée qu'un dépôt fil
précieux croîtra avec ufure dans des mains
étrangeres , & ne reviendra dans les leurs ,.
que comme les Vaiffeaux , qui après un
voyage de long cours , reviennent chargés
de richeffes immenſes.
Ce Plaidoyer finit par un complimen
201
JANVIER. 1728 1728.. 35
au Juge fur fa famille , & fes qualitez perfonnelles
, dont la verité fe fit fentir & applaudir
de toute l'Affemblée .
Comme la matiere de ces deux premiers
Plaidoyers demandoit un peu plus de difcuffion
que les autres , il a fallu neceffairement
les étendre un peu davantage ,
afin que les raiſons alleguées de part. &
d'autre paruffent dans toute leur force &
dans tout leurjour . Nous infifterons moins
fur les deux fuivans , fans rien omettre cependant
de ce qui paroîtra plus effentie !
ou plus intereffant.
Troifiéme Plaidoyer..
M. Savalete deffendit la Caufe de Bafi
lide , qu'Eglé fa mere avoit fait élever à
la Cour. Il prétendit qu'un Courtifan
fans rechercher le titre de Sçavant , fans.
même s'informer du nom des Sciences ,
trouvoit à la Cour l'inftruction la plus
fçavante , quoi qu'en même tems par la
voye la plus fimple. Il fera aifé au Lecteur
d'apprécier les raifons qu'il apporta
pour prouver ce qu'il avançoit , & de conclure
à quel point la Cour eft avantageufe
pour former les moeurs & l'efprit d'un
jeune homme.
Premiere Partie. Un jeune homme peut
apprendre à la Courplus sûrement qu'ail-
Bow leurss
3.6 MERCURE DE FRANCE.
leurs ce qu'il y a de plus caché dans la
nature , de plus délicat dans la Morale
de plus fin dans l'Eloquence .
>
Le Philofophe, Scrutateur de la nature ,
fans ceffe occupé à contempler le monde
vifible , ou fabrique un Systême , ou adopte
pour l'ordinaire celui qui met le Soleil au
centre du monde , & fait tourner autour
de lui la Terre comme les autres Planettes
, qui font entraînées par le tourbillon
de cet Aftre principal , & reçoivent de lui
le mouvement & la lumiere. Que fait le
Courtifan ? il fe forme un Syltême de
Cour , ou plutôt il en trouve un tout formé
, fuivant lequel , le Prince comme un
autre Soleil , eft au centre de la Cour , &
voit toutner inceffamment autour de lui
les Seigneurs & les Grands du Royaume ,
comme autant de Planettes ; il tâche d'entrer
avec eux dans le tourbillon , & de s'ex- -
pofer à l'afpect de cet Aftre bien faifant ,
dont les rayons peuvent répandre fur lui
une partie de fa lumiere. ...
Le Courtifan ne s'arrête pas à demander
comme on fait fur les bancs de l'école ,
s'il y a des Altes indifferents , c'est - à - dire ,
des actions qui ne foient ni bonnes ni
mauvaiſes . Il fait qu'à la Cour rien n'eſt
indifferent , que tout y eft pris en bonne
ou en mauvaiſe part , & que la moindre
action , qu'un rien y décide fouvent de
votre
JANVIER. 1728 . 37
1ez
pour
votre merite , & de . votre fortune... Il
fe met peu en peine de définir les vertus
par leur genre & leur difference ; c'eft allui
de les connoître par les vices
qui font oppofés , comme on connoît la
lumiere par les ténebres ; ainfi connoît- il
la modeftie par l'ambition , la douceur
par la fierté , la droiture par l'artifice , la
fimplicité par l'intrigue... les qualitez qui
font l'honnête homme , par les mauvaifes
qui compofent l'homme jaloux , l'homme
intereffé , l'homme vain ou perfide.
Enfin le Courtifan , ou par bienséance ,
ou par neceffité , s'éxercé dans tous les
genres d'Eloquence : s'agit il de louer ,
il n'employera pas les tours ufez du Panc
gyrique , mais il affaifonnera une louange
fine d'un air de réſerve qui donne à entendre
qu'il ne dit pas tout ce qu'il pour
roit dire , & qu'il menage la modeftie de
celui dont il flatte la vanité... S'agit- il
de blâmer ? Il ne fe répandra pas en invectives
atroces , ni en termes injurieux ;
mais il lancera un trait vif & picquant qui
portera coup qui fera rougir le vice , *&
fe fera d'autant mieux fentir, qu'il felaiffera
moins appercevoir. S'agit- il de perfuader
? il ne fera pas un dénombrement
exact , ni un étalage pompeux des motifs
qu'il veut apporter , mais il s'infinuera
adroitement dans l'efprit & dans le coeur
&
38 MERCURE DE FRANCE.
& fera gouter les raifons par l'appas de
l'interêt.
La feconde partie de ce Plaidoyer fut
traitée en peu de mots.
Le nombre des Maîtres aufquels il faut
fe livrer, la multitude des volumes qu'il
faut devorer , des préceptes qu'il faut développer
& comprendre , rebutent la plupart
des jeunes gens que l'on inftruit dans
les études publiques ou particulieres . Que
faut-il pour s'inftruire à la Cour ? de l'attention
, & de la réflexion . C'eft affez .
Sans Maîtres , fans Livres , fans Préceptes
, il fuffit d'avoir les yeux ouverts , de
prêter l'oreille , de voir ce qui fe fait , d'écourer
ce qui fe dit , de refléchir fur ce
qui fe paffe: avec cela on devient habile ,
fans le vouloir , fans même y penfer.
Quatrième Plaidoyer..
M. Gaudiou de la Grange , qui fous le
nom d'Odophile parla en faveur des
Voyages , prétendit que l'inftruction qu'ils
procurent eft 19. plus variée & plus agréable.
2 °. plus pratique & plus utile.
Premiere Partie. La varieté eft neceffaire
jufques dans les chofes qui d'elles - mêmes
font agréables , combien l'eft - elle davantage
dans celles qui de leur nature font:
ameres & rebutantes ? Soit dans un College
*
JANVIER 1728. 39
lege , foit dans la maiſon paternelle , un
jeune homme fe trouve renfermé comme
dans une espece de prifon perpetuelle ;
toujours même compagnie , même école ,
même Maître , n'en peut- on pas dire autant
dela Cour des Rois ? C'est une prifon
plus brillante & plus fpacieufe , à la
verité ; mais où le Prince lui- même fe
trouve fouvent à l'étroit ; dans les voyages
au contraire , tous les pays que vous
parcourez , tous les lieux où vous féjournez
font pour vous autant d'écoles differentes
qui vous offrent une infinité de ma--
tieres differentes pour vous inftruire , &
les peuples chez qui vous vous tranfportés
fe changent pour vous en autant de
Maîtres qui vous inftruifent dans la connoiffance
des loix , des moeurs & des coûtumes
de toutes les Nations . Mais que disje?
à peine rencontrez -vous perfonne dont
vous ne puiffiez recevoir quelque inftruction
utile . Le Nautonier vous apprend à
connoître les mers , leur côtes , leurs
écüeils , leurs ports , les vents qui y régnent
, les faifons propres à y naviger...
Le Marchand vous expofe les divers gen--
res de richeffes , qui nées ou fabriquées
chez les peuples particuliers , fe répandent
par le commerce & deviennent
communes à toutes les Nations .
>
>
Seconde Partie. Les voyages procurent
une
40 MERCURE DE FRANCE.
3
une inftruction plus pratique , & par conféquent
plus utile .
Outre qu'un voyageur , fans s'amuſer ,
comme l'on fait dans les écoles à étudier
des Langues mortes , qui femblables à
de vieilles Efpeces , n'ont plus de cours
parmi nous , donne toute fon application
à l'étude des Langues vivantes , qui le
rendent , pour ainfi dire , compatriote de
tous les peuples , & citoyen de toutes les
Villes. Il tire encore de ces voyages des
inſtructions morales & pratiques ; il apprend
principalement , à ne méprifer perfonne
, à ne rien admirer , à imiter les
vertus dont il a vû des modeles .
Quand on n'eft jamais forti de fon pays ,
il eft ordinaire de regarder la Nation comme
un peuple privilegié , qui a feule toutes
les perfections de l'humanité en partage
. Un voyageur apprend par
fa propre
experience qu'il eft par tout de grands
hommes en tout genre ,
& que les Nations
Etrangeres ne font pas fi méprifables
que l'imaginent quelquefois des perfonnes
que l'affection naturelle pour fes
compatriores féduit & aveugle. L'Orateur
prit ici occafion de tracer en peu
de mots le caractere de la plupart des peuples
de l'Europe , à laquelle ont coûtume de
borner leurs courfes ceux qui ne prétendent
que s'inftruire & fe former par les
voyages
JANVIER. 1728 . 41
voyages. Le prétexte des Hollandois que
nous allons citer , pourra faire juger de la
maniere dont les autres étoient touchés .
Vous voyez une République dont les
citoyens font placez comme entre deux
élemens , entre la mer & la terre , où la
multitude des canaux entretient la communication
entre les Villes , ainfi que les
veines fervent à diftribuer le fang &-la
force dans tous les membres du corps , où
l'induſtrie fupplée à la fertilité , où l'épargne
produit l'abondance , où le commerce
tient le premier rang , où l'union forme
la haute puiffance.
On reproche encore un autre deffaut
aux habitans , qui n'ont jamais vû que
leur Ville , fuft- ce la plus belle Ville du
monde : Ils admirent tout ce qui vient
d'un peu loin , tout ce qui a l'air étranger
les frappe & les furprend. Cette furpriſe
ne fe trouve pas dans un homme qui a
voyagé ; il eft à l'épreuve de tout ce qui
peut exciter l'admiration . Il eft un objet
d'admiration lui -même , on le recherche ,
on l'interroge , on l'écoute , on lui porte
envie.
Enfin comme tout pays ne produit pas
des Plantes de toute efpece , tout peuple
auffi ne connoît pas , ou du moins ne cultive
pas tout genre de vertu. Il en eft certaines
qui diftinguent & caracteriſent chaque
42 MERCURE DE FRANCE.
que Nation , & c'eft de ces vertus dont
un voyageur rapporte une vive idée qu'il
réduit en pratique.
L'Orateur conclut fon Plaidoyer en répondant
à une Objection que lui avoit
faite le deffenfeur de l'éducation particu
liere fur le rifque que peut courir la Religion
d'un voyageur , & il affura que la
vûë de tant de Religions , fi differentes
de la vraie , fi peu d'accord avec ellesmêmes
, & qui portent fi vifiblement le
caractere de la nouveauté , de la révolte ,
& du menfonge , n'avoit fervi qu'à l'affermir
dans la fienne , & à la lui rendre
plus chere & plus précieuſe.
Examen & Jugement de la Caufe.
F
Rien ne contribuë peut - être davantage
à rendre cet exercice intereffant , que la
fufpenfion où se trouve l'efprit de l'Auditeur
jufqu'à l'entiere décifion de la Cauſe.
Comme chacun de ceux que l'on vient
d'entendre s'eft efforcé de faire pancher
la balance de fon côté , foit que l'on foir
demeuréjufques là dans l'incertitude , l'in
determination , foit que l'on ait déja prévenu
la décifion du juge , en accordant
interieurement fon fuffrage à quelqu'une
des parties , il eft naturel que l'on foit curieux
de voir en faveur de qui il fe déclarera
JANVIER. 1728. 43
clarera , & quelles raifons détermineront
fon Jugement. Auffi ne prononce - t- il qu'après
avoir pefé exactement, & évalué ce que
chacun des intereffés a avancé pour la défenfe
de fes droits , afin de juftifier par
cette difcuffion le Jugement qui la fuit
immédiatement.
Il réfulte , dit le Juge , des difcours
que nous venons d'entendre , qu'il y a
divers avantages , & divers inconveniens.
dans les differentes éducations dont on
vient de nous faire l'éloge . Mais où les
avantages font- ils plus grands ? Où les inconveniens
le font- ils moins ? c'eft ce qu'il
faut examiner.
Si l'on en croit l'Avocat de Bafilide ,
un jeune homme apprend à la Cour à connoître
les replis les plus fecrets du coeur
humain ; mais y apprend- il à régler les
mouvemens de fon propre coeur ? Il y apprend
l'art de bien parler , & de perfuader
; n'est-ce point l'art de cacher le poifon
de la flatterie fous les fleurs du langage
,
de perfuader qu'il veut fervir lorfqu'il
fonge à fupplanter ?
L'éducation que procurent les voyages
eft plus agréable ; on en convient mais
eft- elle également utile ? Toutes les connoiffances
qu'Odophile a achetées par
fix ans de voyages , ne peut - on pas les.
acquerir en beaucoup moins de tems
fans

44 MERCURE DE FRANCE.
fans fortir de chez foi ? On prend , dit- on ,
dans les voyages l'idée.& le goût de certaines
vertus qui nous font moins connuës
. Mais ces vertus font- elles effentielles
, & couviennent-elles au caractere de
notre Nation ? Ne peut- on pas trouver
parmi nous de bons modeles de toutes les
veritables vertus ?
On vante avec quelque fondement les
foins de l'éducation particuliere ; cependant
ces foins font- ils toujours fi reglés ,
qu'ils ne demandent point trop ou trop
peu d'un enfant qu'on veut pouffer , ou
menager. L'éducation domestique éloigne
un enfant du grand air ; mais ne le rendelle
point fombre & timide ? Et l'air domeſtique
, cet air renfermé , fi l'on peut
parler de la forte , eft - il toujours auffi pur
qu'on fe l'imagine ?
L'éducation publique peut fe vanter d'avoir
d'illuftres protecteurs , & un grand
nombre d'Eleves , même du plus haut
rang. C'eft un préjugé qui eft à fon avantage
, mais qui ne doit pas déterminer notre
décifion . Il eft certain d'ailleurs qu'elle
a de puiffins moyens pour piquer d'é
mulation de jeunes Etudians ; mais fi la
jeuneffe s'excite mutuellement à l'étude ,
n'eft-il point à craindre qu'elle ne s'invite
réciproquement à la diffipation , au fafte
à l'orgueil , à la licence ?
Ceci
. JANVIER. 1728. 45
Ceci fuppofé , dit le Juge , comme l'education
publique nous paroît réunir les
avantages les plus confiderables de l'éducation
particuliere , que , pour remedier
aux inconveniens qu'elle peut partager
avec celle - ci , elle employe plus de leçons ,
de vertu , plus d'exercices de picté , plus
de précautions , plus de réprimandes ,
qu'elle a d'ailleurs , & qu'elle a feule des
moyens efficaces pour exciter l'émulation
dans le coeur de la jeuneffe ; nous lui
adjugeons la première pofition du legs de
Crefiphon.
L'éducation domestique a formé & peut
former encore de grands Hommes , en
qui l'inftinct pour les Sciences tient quelquefois
lieu d'émulation ; mais ces exemples
, qui font audeffus de la regle , ne
nous déterminent qu'à lui accorder le fecond
rang , & nous le lui décernons.
La Caufe de Bafilide a été deffendue avec
efprit , mais il auroit pû recevoir une
éducation beaucoup plus fructueuſe ; ainſi
nous lui préferons Odophile , inftruit par
les voyages. Cette efpeçe d'éducation peut
avoir fon utilité ; mais nous croyons que
pour en tirer du fruit , il faut avoir paffé
par une éducation Litteraire , & que l'une
ne doit être que la fuite de l'autre.
Ce Jugement termina la Séance , &
le Juge , en le prononçant , l'accompagna
d'un
46 MERCURE DE FRANCE.
d'un compliment gracieux pour chacun de
ceux qui avoient plaidé devant lui ; il en
reçut lui- même & les autres Acteurs ,
après l'action , fur la maniere dont ils
s'étoient acquittez de leurs Rôles , & la
bonne grace avec laquelle ils avoient
parlé.
XX:XXXXXXXXXXX :X *
N Ous avons reçû de Conftantinople
l'Epitre qui fuit . Elle eft de M. des
Roches , cy - devant Secretaire de M. le
Vicomte d'Andrezel , Ambaffadeur de
France à la Porte. Il y prend la qualité.
d'Hermite de Salonique , à caufe d'un
long séjour qu'il a fait dans cette Capitale
de la Macedoine , où fon Excellence
l'avoit envoyé pour regler quelques
affaires avec le Conful de la Nation , & c.
EPITRE de l'Hermite de Salonique
M. Thibault , Avocat en Parlement.
O Mon ancien Ami Thibault ,
Devenu pour moi feul plus dur que le Por¬
phire ,
Si c'eſt le froid , fi c'eft le chaud ,
Qui l'Hyver & l'Eté t'empêchent de m'écrire
,
L'Au
JANVIER. 1728 . 47.
L'Automne & le Printemps , par quelqu'autre
deffaut ,
S'oppofent- ils de même au plaifir où j'afpire?
En regardant en bas, quelque horrible crapaut
T'a- t- il dardé dans l'oeil fon venin & fon ire
Ou bien quelque Hirondelle , en regardant en
haut ,
T'auroit- elle aveuglé comme ce bon vieux
Sire ,
Qui fût mort à tâtons fans un divin Collyre >
Ou fi , quoiqu'innocent , puni comme un ri
baud ,
De la goute en courroux , tu fouffres le mar
tyre ?
Enfin, voyons : qu'as-tu pour excufe à me dire?
Car bonne ou mauvaiſe, il m'en faut ;
La raillerie à part, je ne prends point pour rire,
Dans l'efpece d'exil où je vis en reclus ,
Que ta négligence obſtinée ,
De ton cher fouvenir femble m'avoir exclus.
Quoi ! donc, pendant toute l'année,
Tu ne fçaurois trouver une feule journée ?
Que dis- je une journée ! une heure tout au
plus ,
Pour de ta belle main blanchâtre,
* Tobie.
Ne
48 MERCURE DE FRANCE.
Me grifonner en bref quelqu'Epitre folâtre ,
Où perille à mes yeux , ce feu plein de ferveur
Dont ton ame autrefois brûloit en ma faveur ,
Et par là me fournir un lenitif emplâtre ,
A la fourde & fombre douleur ,
Qui loin de ton minois rougeâtre ,
Fais changer le mien de couleur ?
Hélas ! depuis dix ans que j'erre à mon malheur
,
Tant par Vauts & par Monts que fur la Mer
bluâtre ,
Ainfi qu'un vieux Guerrier , hâlé , brulé , noirâtre
,
Mon teint du moins encor , m'auroit pû faire
honneur ,
Si depuis peu l'ennui , funeſte Enlumineur ,
Ne me l'eût barboüillé d'une bile verdâtre ,
Qui publie au dehors ma fecrette langeur ;
Et de fait , quelquefois j'ay fi peu de vigueur
Que j'en paroîs plus froid que l'atre
D'un Peintre fubalterne , ou d'un mauvais Ri
meur
Je ne connois plus mon humeur :
Elle eft bouruë , elle eſt grisâtre ,
Comme celle d'un Gentillâtre ,
Qui
JANVIER 1728. 49
Qui revient de la Chaffe à jeun, tout en fueur .
Sans en rien rapporter que la faim du Chaffeur:
Et d'où vient tout cela , dis- le moi , gros dormeur
?
Plus lent , plus pareffeux que ce Peuple * olivâtre
,
Qui tient fa pareffe à grandeur :
D'où vient , encore un coup , mon air morne
& grondeur ?
Sinon de l'injufte froideur ,
₹ Et du filence opiniâtre
Dont tu ne rougis point de payer mon ardeur:
La fortune , il eft vrai , pire qu'une marâtre.
Me traite avec trop de rigueur ;
Mais la cruelle a beau redoubler fon aigreur ,
Ce n'eft pas elle ici qui caufe ma maigreur ,
Ni qui me rend l'oeil fi jaunâtre ;
De fes,fragiles dons je connois trop l'erreur ,
Pour en être à jamais l'efclave ou l'idolâtre ,
Et fans monter ma voix au ton déclamateur ,
J'ofe les comparer à des Vafes d'Albâtre,
Dont l'éclat ébloüit l'idiot Spectateur :
Mais que d'un fouffle deftructeur ,
Dieu broye en moins de rien auffi fin que le
Plâtre.
J
* Les Espagnols.
C D'ailleurs
so MERCURE DE FRANCE.
D'ailleurs , mon cher Thibault, ce Monde tentateur
,
N'eft,à lebien prifer, qu'un vain jeu de Theatre,
Où chaque homme paroît grand ou petit Acteur
,
Mais enfin de quel rang que foit le Bateleur ,
Scene , Loges , Parterre , Orcheftre , Amphitheatre
,
Tout paffe , ou paffera , comme la moindre
fleur :
Mais quoi qu'au fond les biens terreftres
Soient indignes en tout de notre attachement ,
Et qu'à parler moralement ,
Nous n'en foyons que les fequeftres ,
Pour en compter féverement.
Il ne faut pourtant pas outrer cette maxime ,
Jufqu'à fe priver follement ,
D'un neceffaire légitime ,
Sous ombre de renoncement.
Difons plus, cher Thibault, l'homme toûjours
fragile ,
Ne fournit pas fuffisamment
Aux plus preffans befoins de fon être debile,
S'il ne prend quelquefois du divertiffement.
Ce n'eft pas affez de l'utile ,
Quand l'utile eft fans agrément ;
2
Du
JANVIER. 1728 .
ΣΕ
Du refte il a beau faire , être fage , être habile ,
Trancher du Philofophe , ou vivre faintement,
Tant que fon ame aura la chair pour domicile ,
Il lui faudra toûjours un peu d'amufement..
D'établir au furplus , à quoi , quand & comment
,
Chacun doit s'amufer, ce point n'eſt pas facile ;
Car c'eſt un point de fentiment ,
Et chacun fent differemment ,
D'une maniere fi fubtile ,
Qu'on ne peut la foumettre au joug d'un Argument
;
Mais venant à moi feul , j'avoue ingenument ,
Qu'en l'état où je fuis d'Hermite à Salonique.
Mon plus flateur délaffement ,
Eft de moralifer , mais avec enjoûment .
I
Sans fuivre à pas comptez un ordre didactique
,
Et d'écrire amicalement ,
D'un ton badin & veridique ,
A qui m'aime fincerement ,
Pourvû, bien entendu , qu'on me fafle réponſe.
Alors oubliant mes revers ,
Ma retraite forcée & mes chagrins divers ,
Cij Mon
3.2 MERCURE DE FRANCE .
Mon oeil devient riant , mon fourcil fe défronce
:
Un certain feu folet dégourdiffant mes nerfs
Je fais des entrechats fi vifs & fi legers ,
Qu'on diroit que mon corps ne peſe pas une
once ,
Ou du moins qu'il eft fait d'une pierre de
Ponce ,
Qu'anime la vapeur d'où fortent les éclairs .
Mon gofier fe déroüille & je remplis les Airs ,
De Chants harmonieux dont la Mufique an
nonce ,
Qu'il fe donne en mon coeur , Feftins , Bals &
Concerts ;
Oui, je puis dire alors qu'il n'eft dans l'Univers
,
De Mortel plus content , & que fur mon Eftrade
,
Lifant de mes amis ou la Profe ou les Yers ,
Je mange des Perdrix avec la Bigarade.
Aufi dès que dans notre Rade ,
Un Bâtiment François prend Port
Tandis que le Marchand d'abord ,
Uniquement fenfible au lucre ,
Court s'informer avec tranſport
S'il apporte des Draps , de l'Indigo , du sucre
Da
JANVIER $3

1728 .
Du Poivre , du Papier & des Piaftres fur tout ,
Je vole demander par tout s
Ses nouvelles font- elles fraîches ?
Apporte- t -il bien des dépêches ?
Ne s'en trouve-t-il point pour moi ?
Oui , me dit- on, par fois : mais non pour l'or
dinaire ›
Et non ,
fans ceffe non , quand il s'agit de toi.
Eh ! de grace, Thibault , explique moi pour-
- quoi ,
Tu fais durer ce non , fi cruel , fi contraire
A l'amitié tendre & fincere ,
Qui pour ton bon efprit m'a rangé fous fes
. loix .
( Sans permettre à mon coeur la moindre dif
parate )
Depuis autant de temps trois fois ,
Qu'à fon Panegirique en a mis * Ifocrate ?
Jufte Ciel ! quel retour ! jamais le moindre
mot ,
Autant me vaudroit- il aimer un * Harpocrate,
Autant me vaudroit-il être aimé d'un Marmot :
Mais pour punir ton ame ingrate ,
Si peu compatiffante à mes triftes ennuis ,
* Dix ans entiers.
* Le Dieu dufilence?
C iij je
$ 4 MERCURE DE FRANCE.
Je ne te dirai rien de la Ville où je fuis.
Cependant je pourrois t'en conter des merveilles
;
Je n'aurois pour cela qu'à boucher mes oreilles
Aux cris que contre moi , dans le fond de fon
puits ,
L'exacte Verité poufferoit en furie ,
Et mentant pour mentir , ou pour la broderie,
Dire qu'on voit ici dans l'Eglife des Grecs ,
Des Tombeaux tout de Marbre , ornez de
bas-Reliefs ,
Et des Infcriptions qu'avec effronterie ,
Je copierois ailleurs exprès :
Puis pour rendre fur tout la chofe plus touchante
,
1
Ajoûter qu'on y voit le Tombeaux d'Eutichés.
* Il n'y a pas pour une Egliſe à Salonique ,
comme femble linfinuer un Voyageur Moderne.
Ony compté 22. ou 23. tant Eglifes que Cha
pelles du Rit Grec , mais on n'y trouve ni Tombeaux
de Marbre , ni Bas. reliefs . A l'égard d'Eutichés
l'Atagoniſte de Neftorius; non -feulement
fon Tombeau n'y eft point , mais il n'y a peutêtre
pas fix perfonnes dans cette Ville qui fçachent
que cet Herefiarque ait jamais été au
monde. Quant aux deux Infcriptions qu'il dit
avoir copiées dans l'Eglife des Grecs , l'une eft
dans une maison de Derviches : & l'autre eft enchaffée
dans la Niche d'une Fontaine qui eft
adoffée à l'enceinte exterieure d'une Mofquée.
Eh !
JANVIER. 1728. S's
Eh! comment , diras- tu qu'eft- ce donc que
nous chante ,
L'Illuftre , l'Important , le Fameux ………….
Tous ces faits - là ne font - ils pas
Bien & dûment écrits dans fon fecondVoyage?
Sans doute qu'ils y font. C'eft le beau de l'Ouvrage
:
Je ne contefte point cela ;
Mais je foûtiens , & je m'engage
A prouver qu'ils ne font que là ,
Et que jamais dans Salonique ,
...... tout fameux qu'il eſt ,
N'a vû ce que fa plume oblique ,
Avance qu'on y voit , & que par politique ,
Pour aujourd'huï la mienne tait :
Car,nota , je triomphe & je mords à la grape ,
Quand je trouve matiere à démaſquer le faux :
Et ne puis fouffrir qu'on attrape
Mes chers Concitoiens , les crédules Badauts ,
Qui pour de bons Melons , prennent fouvent
des Gourdes ,
'Et pour des veritez , n'achetent que des
bourdes ,
"Dans bien des ...
veaux :
tant anciens que nou-
Mais pour punition ( je le répete encore )
C iiij
De
36 MERCURE DE FRANCE .
De ce que tu ne m'écris point ,
Tu n'en auras plus fur ce point .
Adieu , je vais revoir les rives du Bofphore ,
Qui de tous les beaux lieux que l'on vante
ici bas ,
Seroient fans contredit le plus remplis d'appas
,
Si le Ciel en eût fait par fa bonté puiſſante ,
Le féjour fixe & pur de notre fainte Foi ;
Et la demeure floriffante ,
De notre Augufte Reine & de notre Grand
Roy.
XXXX: XXX
SUITE du Voyage de Baffe Normandie
, &c.
QUATRIÈME LETTRE .
L faut , Monfieur , vous fatisfaire , &
avant que de poursuivre le récit de
notre Voyage , réparer l'omiffion que
-vous dites que j'ay faite dans ma feconde
Lettre , à l'égard du Maufolée de Nicolas
de Grimouville , Baron de l'Archant ,
& c. Vous voulez , fans doute , vous
épargner la peine d'aller voir vous - même
ce Monument & l'embarras de fare
allumer des Bougies en plein jour , contre

l'inJANVIER
. 1728. 57
l'intention des Fondateurs , pour lire l'Epitaphe
de ce Seigneur , laquelle eft d'ailleurs
d'une latinité peu ufitée .
Ce Maufolée , qui étoit autrefois au
milieu du Choeur de l'Eglife des Grands-
Auguftins de Paris , eft aujourd'hui obfcurément
placé au fond de la premiere Cha-´
pelle en entrant dans cette Eglife par la
grande Porte. Il eft de Marbre noir . Une
habile main a taillé en Marbre blanc les
deux Figures de grandeur naturelle qu'on
y voit du Seigneur dont je viens de parler,
& de fon Epoufe : Ils font à genoux ,
chacun devant un Prie- Dieu , & fur une
même ligne , habillez , le premier en habit
de Ceremonie des Chevaliers de l'Ordre
du S. Efprit , & la Dame en habit
de Cour de ce temps- là . Les Draperies
en font hardies & legeres , & le tout eft
fort bien executé. Au devant du Mauſolée,
eft gravée en Lettres d'or l'Epitaphe que
je vais rapporter , après avoir remarqué
qu'entre autres Ornemens de Sculpture ,
on voit dans deux Ecus differens , les
Armes de Nicolas de Grimouville , &
celles de Vivonne la Chataigneraye . Le
premier Ecu eft écartelé au 1. & 4. de
gueulle à 3. Etoilles d'or , au 2. & 3 .
d'Azur, au Lyon d'or , tenant en fes
pates un chicot ou tronçon d'arbre , l'Ecu
farmonté d'un Cafque de face : pour fup-
Cy ports
$8 MERCURE DE FRANCE.
ports deux Levriers , & pour cimier une
tête de Chien , ornée d'un Colier. Le
fecond Ecu eft parti des Armes de N. de
Grimouville , que je viens de dire , & de
celles de Vivonne , qui font d'Hermines
au Lambel de gueule , l'Ecu entouré feulement
d'un Cordon entrelaffé.
EPITAPHE de Nicolas de Grimouville
Baron de l'Archant , &c .
&
ASTA VIATOR , Nihil non fluxum
penfita , L'ARCHATIUS Heros Mavortis
inlafa fidei Monimentum heic_jacet.
Quoi innatum ab Avis , partum ab adulefcentia
militare decus , Herrici Tertii
Galliarum Regis Invictiſſ. Prætorianis Militibus
Præfectus : Principi opiumo dilectiffimo
, dile&tiffimus affiduus Comes , farmatica
expeditione , civilibus obfilionibus
, praliis confpicuus , inluxit : Donec
ad Rothomagum , Plotonica illa Perduellium
irruptione tot fub fe collapfis prof
tratis : Achilleo volnere , nt decuit cadens,
Pudiciffime , Amantiffima Uxori , cum
quâ conjunctiffime vixerat , eviternas Lachrumas
inuffit.
DIANA VIVONIA , CHATE NEREA ,
Conjunx Integerrima , Integerrimo amori
amoris Formiti S. D.
Il ne faut point fur cette Epitaphe .
d'autre
ANVIER. 1728. 59
d'autre Commentaire que ce que je crois
vous avoir marqué dans une de mes Lettres
; fçavoir , que le Seigneur dont il s'agit
ici , après avoir été toûjours très - attaché
au Roy Henry III . qui l'aimoit
particulierement , & qui le fit Capitaine
de fes Gardes , Chevalier de fes Ordres
, & c . fut bleffé au talon d'un coup
de feu durant le Siege de Rouen , formé
par l'armée du Roy Henry IV. l'an 1592.
en combattant vaillamment dans une
grande & vigoureufe fortie que firent les
Affiegez , bleffures dont le Seigneur de
Grimouville mourut peu de temps après.
J'ajoûterai que Diane de Vivonne , fon
Epoufe , laquelle fit élever ce Maufolée ,
étoit fille de François de Vivonne , qui
fut tué dans un combat folemnel en prefence
d'Henry II . par Guy Chabot , Com
te de Jarnac , & foeur de Charles de
Vivonne , Baron de la Chataigneraye , à
qui on prétend que la Reine Marguerite
a addreffé fes Memoires , & qu'il ne faut
confondre cette Dame avec une autre
pas
..... mourut quelques jours après ; auffibien
que N. de Grimouville l'Archant , Capitaine
des Gardes du Corps , qui eut un deftin
pareil à celui d'Achille , ayant été atteint
d'un coup de Moufquet dans le talon , comme
il chargeoit les Affiegex fur la retraité avec le
Maréchal de Biron , lequel y fut bleffé. Mezeray
, Tom. III..
Cvj Diane
60 MERCURE DE FRANCE.
Diane de Vivonne , dont la fille nommée
Catherine de Clermont , époufa Albert
de Gondi , qui fut Maréchal de Rets , & c.
Peu de jours après notre retour du
Mont S. Michel , nous partîmes du Château
du Grippon pour la Ville de Coutances
, qui en eft éloignée de fix à ſepɛ
lieuës , prefque fur la Côte Maritime de
Normandie , & à 9. ou 10. lieuës d'Avranches
. En chemin faiſant , nous vîmes
le Château de Chanteloup , qui n'a rien
de remarquable que fon air d'Antiquité.
Il appartenoit cy- devant au Comte de
Montgommeri , mort depuis peu d'années
fans laiffer de pofterité. Le Marquis de
Montgommeri , Maréchal des Camps &
Armées du Roy , fon Coufin germain , est
regardé comme le Chef de cette illuftre
Maiſon en France ; il y en a une autre
branche en Angleterre. Il eft dans un âge
fort avancé , & n'a pris aucune alliance.
La Terre de Chanteloup eft aujourd'hui
poffedée par Madame la Marquife de la
Vieuville , foeur du Comte de Montgom
meri. Cette Dame que j'eus l'honneur de
voir dans un autre Voyage , & qui me
parut fçavante, fpirituelle & bien éloignée
de changer de fentiment en fait de Religion
, a enfin fait une abjuration folemnelle
du Calvinifme entre les mains de
M. l'Evêque de Rennes , & cela par des
motifs
JANVIER 1728 :
motifs & avec des circonstances , dent
elle a
blic en voulu rendre compte au Public
dans un petit Ouvrage de fa compo .
fition . Il eft imprimé à Paris , & merite
une place dans votre Cabinet.
-
Nous allâmes coucher à Montmartin ,
dont le Seigneur , qui eft auffi Seigneur de
Hienville , & le dernier mâle de la Maifon
de Grimouville de la Branche de la
Lande Dairou eft encore jeune , & n'a
point pris d'Alliance .
En partant de Montmartin pour la
Ville de Coutances , on ne tarde gueres
de voir la Mer ; on marche prefque toûjours
par un pays fort ouvert & fort fec ;
mais les environs de cette Ville font toutà-
fait agreables.
Coutances fituée fur une Colline , environ
à deux lieuës de la Mer , fort près
de la petite Riviere de Soule , eft la Capitale
du Pays de Cotentin : c'est une affez
jolie Ville , fort peuplée , ornée d'un Préfidial
, d'un grand Bailliage & de plufieurs
autres Jurifdictions. L'Eglife Cathedrale
dédiée à la fainte Vierge , eſt une
des plus belles de la Province , & peutêtre
le plus beau morceau d'Architecture
Gothique qui foit dans le Royaume . Go
nor , Ducheffe de Normandie , en fit à ce
qu'on croit , jetter les fondemens , & on
ajoûte qu'elle ne fut achevée qu'environ
l'an
G2 MERCURE DE FRANCE.
J'an 1046. du temps de Geoffroy , Evê
que de Coutances , & Chancelier de Guillaume
le Conquerant . Une Galerie regne
tout autour du Choeur & de la Nef. Mais
ce que les Connoiffeurs admirent le plus
dans cet Edifice , c'eft le fuperbe Dôme
qui eft élevé au - deffus de la Croiſée , Ouvrage
des plus finguliers & des plus hardis
qu'on puiffe trouver en ce genre . Robert
* Cenalis Parifien , Evêque d'Avranches
, Hiftorien du XVI . ficcle , en parle
comme d'une merveille d'Architecture.
En voici une Deſcription Poëtique dont
vous connoiffez l'Auteur.
Lau labunt alii , quas Gens Eoa ftupebat ,
Pyramides : urbi quoque funt miracula noftræ.
Hic Templum non arte minus quàm ætate ve
rendum ,
Stat . Pars affiduis refonat que cantibus , illa
Contiguum tangit fublimi vertice coelum :
Quatuor ingentes fuftentant pondera Pila ,
Has fuper impofitæ fpatiis æqualibus octo ,
Habet in Templi fui meditullio mexito fufpiciendum
fpectaculum mira Architectura contextum
: è cujus abfide fi quis lapillum dejece
rit, nunquam àpuncto defignato ultra citrave
dimovebitur , inftar laterna vitrea in fublime
erectum : vitream arcem merito diceris , pus
Jane venuftum & elegans . Robert Cenalis. Lib.
1. Gall. Hiftor
Aeriam
JANVIER. 1728 . 63
Aeriam formant una compage coronam .
Hic Ars arte fuit major ; fi videris intus ,
Vitrea Turris erit , luci undique pervia, contra
Si foris es, lapides tantum, vitra nulla videbis :
Ne crede hoc hominum , crede hoc opus effe
Deorum .
Il y a encore à Coutances d'autres Eglifes
, des Colleges , des Seminaires & plufieurs
Maifons Religieufes qui méritent
l'attention des Curieux .
M. l'Evêque de Coutances eft de la
Maifon de Matignon , fils du Maréchal
de ce nom ; c'eft un Prélat encore plus
diftingué par fa pieté & par fon mérite
perfonnel que par fa naiffance . Il a fuccedé
à Charles- François de Lomenie de
Brienne , Prélat refpectable par fes grandes
qualitez & par fon érudition . La Bibliotheque
qu'il a Jaiffée en mourant , &
qui étoit la meilleure partie de celles d'Antoine
& de Louis- Augufte de Lomenie ,
fon Ayeul & fon Pere , Secretaires d'Etat
, lefquels avoient recueilli beaucoup
de Manufcrits de toute efpece , a été
vendue peu de temps après. Elle eft
paffée prefque toute en Angleterre . Je
l'avois parcourue dans mes précedens
Voyages , & je croi qu'il y a lieu d'en
regretter la perte
Nos
84 MERCURE DE FRANCE!
,
Nos Meffieurs fe firent un plaifir , une
après midy , & par un temps des plus
ferains , de monter fur la haute Tour , &
jufques fur ce qu'on appelle la Lanterne
du Dôme de la Cathedrale dont je viens
de parler , d'où l'on découvre une étenduë
de Mer & de beau Pays , qui enchante
la vûë. Je n'y montai pas avec eux
parce que j'avois déja eu ce plaifir quelques
années auparavant , dans le temps
que le Maréchal de Vauban qui vifitoit
les Côtes de Normandie , étoit à Coutances.
M. l'Evêque y monta lui- même avec
ce Maréchal , & j'eus la fatisfaction d'entendre
difcourir cet excellent Connoiffeur
des Bâtimens , du Mont S. Michel , d'où
il venoit , & de l'Eglife de Coutances ,
qui felon lui font des prodiges de l'Art.
Pour mettre le tems à profit , j'allai me
promener avec M. N. Confeiller au Préfidial
de Coutances , mon ami particulier
, aux environs de cette Ville . Il me
montra un fort bel Aqueduc , fitué au
pied de la Colline , à 2. ou 3 00. pas de
la Ville , foûtenu par 15. ou 16. Arcades
d'une hardie execution , & d'une grande
élevation. C'eſt par où les eaux d'une Mon
tagne voifine qui eft de niveau avec le Terrain
, fur lequel eft bâtie Coutances , font
portées dans cette Ville .
De retour de cette promenade , mon
ami
ANVIER . 1728 .
ami me conduifit au Convent des Jacobins
pour voir le Cabinet du Pere P....
qui paffe dans le Pays pour un grand Antiquaire
, &c. Cependant je ne trouvai
dans ce Cabinet rien de fort rare ; ce qui
me parut de plus fingulier chez ce bon
Pere , c'eft la croyance où il eft de poffeder
des tréfors d'Antiquité , & la confiance
avec laquelle il explique les Médailles
les plus fruftres & les plus indéchiffrables
, confiance qui lui met fouvent
cette formule dans la bouche : Croyezmoi
, Monfieur , c'est ainsi qu'il faut lire ,
c'est moi qui vous le dit. Vous voyez s
Monfieur , que le P. H. n'eſt pas le feul
qui ait dit d'un ton abfolu , Sic legi ju
bemus : Meo periculo fic legatur, & c.comme
on le trouve dans fes Ouvrages imprimez
fur les Médailles.
Nous ne fimes pas grand féjour dans ce
Monaftere. Je fuivis notre Magiftrat jufques
dans fa Maifon , où je paffai fort
agréablement le refte du jour . Il me montra
fon Cabinet & toutes les curiofitez qui
font en affez bon nombre & d'un meilleur
goût que celles du bon Religieux dont
je viens de parler. Je trouvai à l'ouverture
d'un Porte-feüille une copie de l'Infcription
Romaine qui fut trouvée autrefois
fur un morceau de Marbre parmi les
ruines de Vieux , auprès de Caen , ruines
66 MERCURE DE FRANCE.
nes dont je pourrai vous parler dans une
autre Lettre , qu'on prétend être celles
de l'ancienne Ville des Vidusaffiens . Le
Maréchal de Matignon fit tranfporter
ce Marbre en 1580. dans fon Château
de Thorigny , qui en eft éloigné d'environ
dix lieuës , où il est toujours resté depuis,
fans que perfonne fe foit mis en peine
d'en faire part au Public : cependant
cette Inſcription , qui ne fe trouve nulle
part dans les differens Recueils imprimez ,
merite bien de fortir de fon obſcurité.
C'eft , Monfieur , dans ce deffein que je
vous l'envoye .
Il y a quelque temps qu'il m'en vint
entre les mains une Copie , mais peu
exacte , & qui fentoit la main ignorante
qui l'avoit faite : mon ami m'affura d'avoir
fait celle- ci lui -même fur l'Origi
nal & avec toute l'attention poffible . Il
ajoûta que fuivant les dimenfions , par lui
exactement prifes , le Marbre en queftion ,
de couleur rouge , eft un quarré long de
forme irréguliere , ayant de hauteur 3 .
pieds , 9. pouces ; d'épaiffeur 2. pieds , un
pouce & demi , & de largeur un pied , 8 .
>
* Jacques Goyon , Seigneur de Matignon ,
Comte de Torigny Chevalier des Ordres du
Roy , Confeiller d'Etat , Maréchal de France ,
Gouverneur de Guyenne , mort en 1594, l'un des
plus grands Hommes de fon fiecle.
pouJANVIER.
1728. 67
pouces. Une espece de bafe éleve ce Marbre
de 8. pouces & demi , & l'élargit de
3. pouces fur chacune de fes faces .
>
C'étoit , comme on le va voir , le Piedeſtal
de la Statuë de TITUS SENNIUS
SOLENNIS
, Grand- Prêtre Gaulois
homme célebre , & des plus diftinguez
dans fa Nation. Le Confulat d'Annius
Pius , & de Pontianus , qui eft défigné
dans l'Infcription , fe trouve dans les Faf--
tes fous l'Empire de Gordien le jeune , l'an
23.8 . deJefus- Chrift , & 991. de la Fondation
de Rome ; ainfi ce Monument a
environ 1490. ans d'Antiquité , & peut
fervir d'abord à fixer les variations qui fe
trouvent dans les Compilateurs des Faftes
Confulaires , fur les noms de ces deux
Confuls ; mais on peut en tirer d'autres
lumieres. Sur la face de ce Piedestal eft
écrit ce qui fuit :
TITO SENNIO SOLENNI , Solemnini
filio , non finefolido marmore Statue bonorem
deferre cupimus : Haredibus mandamus.
Vir erat SENNIUS Mercurii , Martis
atque Diana primus Sacerdos ; cujus
memoria omne genus Spectaculorum atque
Tauricenia Diana recepta mille nummos
* On les trouve ainfi imprimez dans une Infcription
du Recüeil de Gruter ; mais ces noms
varient dans le P. Labbe , dans le Cardinal
Noris , dans M. de Tillemont , &c.
vigenti
68 MERCURE DE FRANCE..
viginti feptem ex quibus per quatriduum fr
ne intermiffione ediderunt . Etenim gravitate
fua & moribus honeftis , prudentiaque
fingulari fuit commendabilis , militia confummate
peritia , ex civitate Viducaffium
oriundus. ISTE SOLENNIS amicus bene
meritus Claudii Polini Cafaris Augufti
Prepratoris Provincia Lugdunenfis fuit.
Cui poftea Legatus Augufti , penes eum
ad Legionem fextam adfedit , cuique ob
falarium Militia in auro , aliaque munera
longe pluris miffa ; fuit eliens probatiffimus
adini Fuliani Legati Augufti ex Provincia
Lugdunenfi , qui poftea Præfectus
Pretorio ficut Epiftola que ad latus fcripta
eft declaraturs adfedit etiam in Provincia
Lugdunenfi Valerio Floro Tribuno militum
Legionis tertia Augufta judici Arca
ferrariorum. Tres Provincia Galliarum monimentum
infua civitate pofuerunt. Locum
ordo civitatis Viducaffium libenter dedit
pedes novem decim ANNIO PIO ET
PONTIANO CONSULIBUS.
Sur le côté droit on lit :1
Exemplum Epiftola ÆdiniJuliani Prafecti
Pratoris ad Badium Comnianum vices
Prafidis agentem. Edinus Julianus
Badio Comniano falutem. In Provincia
Lugdunenfi quinta fifcalis fufiones Galliarum
cum agerem plerofque bonos viras
profJANVIER.
172.S. 69.
?
profpexi , inter quos SOLENNEM iftum
oriundum ex civitate Viducaffium Sacerdotem
, quem propter fectam gravitatem &
honeftos mores amare coepi, His accedit
quod cum Claudio Polino Prædeceffori meo ,
in Concilio Galliarum , inftinctu quorumdam
qui ab eo propter merita fua ladi videbantur
, quafi ex confenfu Provincia
accufationem inftituere tentarunt. SOLENNIS
ifte meus propofito eorum reftitit , provocatione
fcilicet interjecta quod Patria
ejus cum inter cateros Legatum creaffet
nihil de accufatione mandaffet , immo contralaudaffet
, qua ratione effectum eft ut
omnes ab accufatione defifterent , quem magis
, magifque amare coepi & comprobare.
Is certus amoris mei erga fe ad videndum
me in Urbem venit , proficifcens petiit ut
eum tibi commendarem ; rectè itaque feces
ris fi defiderio illius annueris.
Et fur le côté gauche :
Exemplum Epiftola Claudii Paulini Le
gati Augufti Propratoris Provincia Britannia
ad SENNIUM SOLENNEM gra
tiam profitentis
,
Licet plura merenti tibi ex me pauca tamen
quoniam honoris caufa offeruntur , velim
accipias libenter Chlamydem Carbafinam
Dalmaticam , Laodicenam , fibulum
aureum , cum gemmis , Laternas duas ,fof-
Siam
70 MERCURE DE FRANCE .
fiam Britannicam , pellem vituli marini
femeftris. Alteram Epiftolam tibi prope
diem cum vacare coepero , mittam ; cujus
militia falarium de fexterciis viginti quinque
nummis in auro fufcipe ; Diis faveniibus
& Majeftate fancta IMPERATORIS.
Deinceps promeritis affectionis magis
digna confecuturus concordia.
Vous jugez bien , Monfieur , que nous
difcourûmes beaucoup , mon ami & moi ,
fur ce Monument , qui eft des plus cufieux
qu'on puiffe trouver en ce genre
& fufceptible de beaucoup d'obfervations.
Je vous laiffe le foin de les faire avec nos
Amis éclairés , & de publier , fi vous le
trouvez bon , ce que j'ai l'honneur de
vous envoyer fur ce fujet , afin que nous
puiffions avoir le fentiment des Connoiffeurs
, & quetout le monde Litteraire profite
de cette découverte , qui doit paffer
pour nouvelle , quoique ce précieux Marbre
foit à Thorigny depuis près de Iso .
ans.
Il me reste à vous dire en finiffant cette
Lettre , que n'ayant plus rien à voir , ni
à faire dans la Ville de Coutances , nous
en partîmes le lendemain pour retourner
au Château du Grippon , fort fatisfait de
notre petit voyage de quatre jours. Jefuis
Monfieur , &c.
TRIOLETS
1
JANVIER . 1728. 71
TRIOLETS
Servant de Réponse aux Triolets écrits de
Dreux contre la Champagne , inferez
dans le Mercure du mois de Novembre
1727.
E vous entends , Meffieurs de Dreux ,
JE
Pour le coup vous nous cherchez noiſe
Croyez-moi , le pas eft fcabreux.
Je vous entends , Meffieurs de Dreux !
Vous ofez d'un ton doucereux
Glofer fur la gent Champenoife !
Je vous entends , & c.
M
Or fus , voyons , fi n'avez pris
A gauche , à la façon Normande ,
Qu'ainfi fut , nous ferions furpris,
Or fus, voyons , fi n'avez pris
Pays fécond en bons efprits ,
Pour la Zemble ou la Groëlande.
Or fus , & c.
Quoi !
7.2 MERCURE
DE FRANCE
.

Quoi ! Quatre-vingt dix- neuf Moutons .
Et Lafontaine , font cent bêtes !
Quoi! Les Mignards , les Girardons ,
Et quatre -vingt dix -neuf Moutons ! ...
Vous , Blondels , & vous, Mabillons ,
1
Vous n'êtes que de foibles têtes !
Quoi ! Quatre- vingt , &c,
Petits hommes de Lilliput.
Sorbon , Pithou , Gerfon , Depenfe ,
D'Ablancourt , le Noble , au rebut ,
Petits hommes de Lilliput ,
Nanteuil , Coipel , tous but à but ,
N'aurez ma foi , que même chance,
Petits , & c.
De non Lettrez , mais quel effain !
Elmangis , Pufort & Joinville ,
Berger, Comeftor & Cauffin ,
De non Lettrez , mais quel effain !
Ruinart , Etienne , Aubertin ,
Der
JANVIER. 1728. 73
Dormans , d'Amboife , & d'Hauffouville !
De non Lettrez , & c .
Dans les Sciences , dans les Arts ,
Tous efprits de mince value !
Meritent- ils aucuns égards ,
Dans les Sciences , dans les Arts !
Offerts à vos doctes regards ,
Meffieurs , ils bleffent votre vuë,
Dans , & c.
Pour vous guérir de votre erreur ,
Je ne veux que cette ironie ,
Quittez donc le ftile railleur ,
Et revenez de votre erreur :
A la Champagne , de bon coeur ,
Accordez Talens & Génie.
Pour , & c.
Demi Normands , beaux efprits nez
I
Dans le Pays de Sapience ,
Tout du moins vous y confinez
D Demi
74 MERCURE DE FRANCE.
Demi Normands , beaux efprits nez.
Eh ! donc , Eh ! du moins difcernez
Le vrai d'une fauffe apparence,
Demi , &o.
Le Champenois n'a du Mouton
Que la candeur , non la bêtife.
Tel eſt le vrai ſens du diâon .
Le Champenois n'a du Mouton ,
( Dupe en cela. Qu'y feroit-on ? )
Que la bonne foi , la franchiſe.
Le Champenois , &c.
Mieux inftruits , Meffieurs , filez doux
A l'inftant je mets bas les armes.
Que Bacchus feul regne entre nous,
Mieux inftruits , Meffieurs , filez doux ,
D'un Pierry les jolis gloux gloux
Nous rendront la paix & fes charmes,
Mieux , & c.
Abeims, Ay, Côteaux précieux ,
Donnent
JANVIER . 1728. 75
Donnent l'efprit, la gentilleffe
A mille étrangers trop heureux :
Rheims, Ay , Côteaux précieux .
Et nous , habitans de ces lieux ,
N'aurions part à cette largeffe !
Reims , & c.

Non , non , de leur nectar divin ,
La Séve en nous fe communique ;
D'un Cailloutage tendre & fin ,
Sort pour nous ce Nectar divin .
En notre faveur , le deftin
Qui nous le donne , affez s'explique.
Non , non , & c.

SENECE' , Pere des beaux Vers ,
Délivre- nous d'un fol adage ,
Que maint Normand prend à l'envers.
SINECE , Pere des beaux Vers ,
Al diſpetto de nos grands Clercs ,
Vange-nous par ton badinage.
SINICE , &c.
Dij Sur
7.6 MERCURE
DE FRANCE
.
Sur un débat fi férieux ,

Répands les jeux de ta Critique.
En Triolets judicieux ,
Sur un débat fi férieux ,
Auteur fenfé , mais gracieux ,
SENECE' , verfe un fel attique,
Sur un débat , & c.
Le 18. Decembre 1727 .

LETTRE écrite d'Ay le 10. Janvier,
& Triolets.
E vois , Meffieurs , par vos derniers
Journaux qu'il s'eft élevé quelque rumeur
dans la République , à la tête de laquelle
j'ai l'honneur d'être , pour un an
feulement , à la verité ; mais telles font
les Conftitutions de notre Senat qui n'en
eft pas moins grave que celui de Venife ,
ni moins fuperbe que celui de Genes . Si
leurs Etats font un peu plus étendus
nous avons fur eux l'avantage d'exercer
une domination beaucoup plus abfoluë
fur un nombre infini de fujets , puifque
nous
JANVIER. 1728 77
nous ne connoiffons de Schifmatiques
dans tout l'Univers que les Mahometans.
J'ai délivré des commiffions à nos Athlettes
pour prendre à gauche , mais je me fuis
réfervé l'entiere conquête de M. de Senecé,
que je tâcherai de nous acquerir par toutes
fortes de voyes droites , tánt il paroît
avantageux ànotreConfeil d'avoir un hommede
fon merite qui puiffe dignement remplacer
M. de S. Evremont . Je lui envoye
à cet effet le Formulaire de la prêtation
de ferment que nous exigeons de nos vaffaux
, pour l'engager à ne pas mettre notre
vin en concurrence , & encore moins
en fecond avec pas un autre , ainfi que
nous croyons l'avoir lû dans certaine réponſe
imprimée dans votre Journal d'Oc- ,
tobre 1727. Je vous prie , Meffieurs , de
vouloir bien lui faire fçavoir par la mêine
voye , que nous tiendrons à honneur
de publier la haute eftime que nous faifons
de fa perfonne. Je fuis , & c.
Q
Signé , LE MAIRE D'AY.
A M. DE SENECE' .
U'ils font jolis vos Triolets !
J'en felicite votre mufe ,
Plus je les lis , plus je m'y plais ,
Dviij Qu'ils
78 MERCURE DE FRANCE.
1
Qu'ils font jolis, vos Triolets !
Senecé , renouvellez- les ,
Tout le beau fexe s'en amuſe :
Qu'ils font jolis vos Triolets !
J'en felicite votre Mufe.
Votre difcours eft bien fenfé ,
Fors un endroit qui le dérange :
Du refte , amufant Senecé ,
Votre difcours eft bien fenfé ;
Mais vous n'avez pas bien penfé
A l'honneur de notre vendange :
Votre difcours eſt bien fenfé
Fors un endroit qui le dérange.
Ay produit les meilleurs vins ,
J'en prends à témoin tout le monde;
Mais vous préferez ceux de Reims ,
Ay produit les meilleurs vins;
Ce font les premiers , les plus fins ,
Et faint Evremont me feconde :
Ay produit les meilleurs vins ,
J'en prens à témoin tout le monde.
V
S
J
V
P
V
Vous
JANVIER. 1728. 79
Vous en parleriez autrement
Si vous en aviez deux bouteilles ;
Je vous les offre , affûrément ,
Vous en parleriez autrement.
Pour porter votre jugement ,
Confrontez le jus des deux Treilles :
Vous en parleriez autrement
Si vous en aviez deux Bouteilles.
Charlequint s'y connoiffoit bien ,
Il en faifoit la difference ,
Et mieux que fon Maître Adrien ,
Charlequint s'y connoifloit bien ;
Pour en boire il ne tint à rien
Qu'il ne vint demeurer en France :
Charlequint s'y connoiffoit bien
Il en faifoit la difference.
Pour qu'on ne le put mêlanger ,
Pendant le Siege d'Epernay 1544. Char
les-Quint étoit campé à Avenay , son quartierétoit
audeffus d'Ay, dans une maison de vendange
qu'il s'y étoit fait bâtir , & qui porte encore
aujourd'hui le nom de Charlefontaine. Il
avoit eu pour Precepteur Adrien Florent , hommefortfobre,
puis Papefous le nom d'Adrien Vi
D iiij
Et
80 MERCURE DE FRANCE .
1
Et que fa table fut complette ,
Lui-même faifoit vendanger
Pour qu'on ne put le mêlanger:
*
Léon craignant même danger ,
D'un Preffoir d'Ay fit emplette
Pour qu'on ne put le mêlanger ,
Et que fa table fut complette.
Notre bon Roy * le grand Henry ,
* Le Pape Leon X avoit auffi fon Vondangeoir
à Ay, felon la remarque de faint Evremont
, en même tems que François I. & Henry
VIII. Roy d'Angleterre.
Le Prefident Bertin du Rocheret rapporte
dans fon Hiftoire d'Epernay,que pendant le Siege
de cette Ville en 1592. Henry IV . alloit fouvent
rendre vifite à une belle Dame qui refidoit
à Damery, dans fa maifon de Vendange ; ellefe
nommoit Anne Dudey, femme d'Oudart du Puy ,
Prefident de l'élection d'Epernay , & le Roy l'appelloit
fa belle Hoteffe . Un jour que ce Prince en
revenoit au petit galop , le vent fitfauter ſon
chapeau qui étoit orné d'un Panache blanc , ls
Maréchal de Biron le ramaſſa , & le mit en ba-.
dinantfurfa tête, mais cette gentilleſſe lui coûta
la vie , car le Canonier de la Ligue croyant par
T'apparence du Plumet blanc vifer au Roy , tua
le Maréchal d'un coup de Canon qui lui emporta
la tête le 4. Août 1592. la Ville fe rendit le 11 .
après 17. jours de Siege.
On fait encore que ce Monarque répondant
Em
1
JANVIER. 1728. 1
En regaloit fa belle hoteffe
Quand il couchoit à Damery.
Notre bon Roy le grand Henry.
C'étoit là fon vin favori ,
Et fon pain celui de Goneſſe ,
Notre bon Roy le grand Henry ,
En regaloit fa belle hoteffe.
Decem-
LETTRE de M. Pefan de la Tour
Medecin à Saumur , écrite le 5.
bra 1727. au ſujet des douleurs qu'une
perfonne reffent à quelque Membre qu'elle
n'a point.
le Mercure du mois de Sep
Dtembre 1726. on demande pourquoi
une perfonne qui a une Jambe de
bois fouffre à la partie qu'elle n'a plus.
Je répons d'abord qu'il eft affez naturel ,
& même plus ordinaire de fentir des douleurs
aux parties dont on eft privé qu'à celles
qui reftent ; Voici les raifons que j'en
aux Rodomontades & aux titres pompeux des
Espagnols ,fe contenta d'intituler une de fes Let
tres de ceux -cy : Henry par la Grace de Dieu
premier Bourgeois de Paris , Seigneur d'Ay , .
de Goneffe
apporte :: Dy
1
82 MERCURE DE FRANCE.
apporte : Confiderez d'abord que le Corps
eft un compofé de parties qui ont chacune
leurs fonctions particulieres ; les
Arteres , par exemple , portent le fang du
centre à la circonference & aux extrêmitez
; les efprits animaux font tirez du
Sang par le moyen de differens Filtres , par
lefquels ils paflenr , & le refidu du Sang
eft rapporté de la circonference au Centrepar
le moyen des Veines , en recevant une
nouvelle vivification au travers des Ce-
Lulles des Poulmons , &c . Voilà en partie:
le mouvement & la circulation du Sang,
de la continuité defquels dépend la vie .
Je ne m'étendrai pas fur la caufe premiere
de ce mouvement , cela n'eft pas de mon
fujet. La Monelle de l'épine & le Cerveau.
font des compofez de glandes , & pour
en avoir quelque idée , on doit les confiderer
comme des tamis très- fins qui féparent
du Sang une partie des efprits animaux
que les Nerfs difperfent par tout le
Corps pour les diverfes operations ; de
forte que le tout doit être confideré comme
une harmonie qui étant troublée , l'imagination
qui eft l'union de ces efprits
fubtils ne peut être frappée que de l'idée
de la partie où eft le trouble qui fait le
fentiment par le moyen de ces efprits animaux
; car la matiere d'elle - même eft
infenfible ; la douleur ne vient que du
défaut
JANVIER. 83 1728.
défaut de la fituation naturelle ou harmonie
de ces efprits ; car qu'un corps
étranger, le feu , par exemple , ou une épingle
entre dans la chair , il comprime les
efprits , il les dérange de leur fituation
naturelle ; le premier preffé , comprime le
fecond , & ainfi fucceffivement les uns les
autres , julqu'au fiege de l'imagination ;
c'eſt ainfi , Monfieur , que les differentes
impreffions fe font fentir fur les parties
qu'on a.
Il s'agit à prefent de vous faire voir
comment on fouffre de tems à autre fur
celles qu'on n'a pas ; pour cela il faut être
perfuadé d'une verité incontestable , qui
eft que de ces mêmes efprits qui fe filtrent
par ces efpeces de tamis, pour fe diftribuer
dans les differentes parties du Corps ,
quoiqu'une partie ait été accidentellement
emportée , le même accident n'a point
emporté ces glandes ou ces tamis , deftinez
à filtrer les efprits animaux , pour le
mouvement de cette partie emportée ; au
contraire ces tamis fubfiftent toujours dans
l'Epine & le Cerveau , & filtrant les efprits
pour cette partie abfente , ils font
charoyez par les Nerfs jufqu'au moignon ,
fans pouvoir paffer outre , ni retrograder
vers le Centre , à caufe des foupapes ou
valvules qui s'y oppofent de concert, pour
ainfi dire , avec une continuité de circa-
D'vj larion
84 MERCURE DE FRANCE..
lation des efprits , cela fait qu'ils font pref
fez & forcez de fe diffufer aux parties voifines
, ce qui ne peut fe faire fans un
broyement ou alteration de leur premiere
configuration , d'où naît un dérangement
dans l'ordre naturel , dont l'imagination
fouffre , & ne peut fouffrir que par l'idée
de la partie pour le mouvement de laquelle
ces efprits étoient deftinez .
On m'objectera deux chofes , 1 ° . que
les efprits qui vont aux parties entrent, in
globo, dans les Nerfs qui partent de l'Epine
& du Cerveau , fans avoir la figurede
la partie. 2 °. Que les douleurs devroient
être continuelles . Je répons d'abord
que je doute du vrai de la premiere
objection contre laquelle même je m'inf
cris en faux : Voici ma preuve , les parties
balfamiques & nourricieres , qu'on
nomme Séve, qui fortent de la terre , entrent
auffi , in globo , dans les pores de la
Racine des vegetaux ; Que ce foit , par
exemple , un pêcher , enté fur le tronc
d'un pommier , vous aurez des pêches ,
mais dont le noyau fera infécond ; la raifon
, c'eft que ces parties balfamiques &
nourricieres qui font entrées par les pores.
de la Racine du pommier , ayant trouvé à
l'ente du pécher , comme un moignon ,
c'est- à- dire , des pores differents , ces parties
ont été forcées de s'accorder à la configu
JANVIER. 1728. 8.3.
figuration de ces nouveaux pores , il y a
pour lors broyement & alteration de leur
premiere configuration , qui caufent un
dérangement dans les fibres du germe
-ce qui fait que vous n'avez point les pommes
que vous deviez avoir , fuivant le
premier arrangement de la féve : vous
avez des pêches , mais par accident , &
l'accident eft fi certain , que le noyau de
ces pêches ne peut fien produire , ainſi
que le Mulet & la Mule : par le même
accident dans les animaux où la rencontre
de deux femences differentes font
comme l'enture , il en vient un animal
incapable de produire , qui eft Mule , ou
Mulet , ce qui prouve un ordre certain
& immuable dans la nature pour la
confervation de chaque efpece ; il me
paroît en confequence qu'il y a dans ce
qui eft mû un arrangement conforme à
fa deftination .
J'ai dit que la feconde objection qu'on
pourroit me faire , eft qu'en confequences
de mon raifonnement les douleurs devroient
être continuelles ; mais je répons
que les glandes , ou tamis s'affaifent , & les
parois de ces glandes s'approchent par
fucceffion de teins les unes des autres , &
font fouvent fans action ou du moins elles.
en ont fi peu, qu'on ne s'en apperçoit pas;
mais il y a des tems où les humeurs fermen86
MERCURE DE FRANCE.
que
mentent moins , d'autres où elles fermentent
plus ; c'eft dans ces dernieres occafions
que ces glandes fe gonflent , qu'elles
reprennent leur reffort & font leurs fonctions
; c'eft auffi pour
pour lors la douleur
revient. Je conviendrai , fi l'on veut , que
les efprits qui partent de l'Epine & du
Cerveau n'ont point la figure de la partie
pour laquelle ils font deftinez ; cependant
l'imagination ne peut être avertie ou
frappée que de l'idée de la partie qui manque
, ainfi qu'il eft déja expliqué , femblable
en cela à trois onces de plomb que
l'on fondroit dans une cuillere pour jetter
dans un antonnoir qui conduiroit à trois
canaux pour faire trois balles , l'une ronde
, l'autre carrée , la troifiéme triangu
laire ; deux paffent , le canal de la troifiéme
eft bouché , le refidu qui eft dans l'antonnoir
me prouve le dérangement de
mon intention , & en même tems celui de
mon operation ; jufques - là j'ignore où eft
le défaut , j'ouvre le moule , je découvre
le défaut , & mon imagination eft frappée
de l'idée ou de la figure de la balle qui a
manqué par l'obftruction du canal ; le
plomb fondu n'en avoit point pris la figure.
JANVIER 1728. 87
A M. DE SENECE'.
EPITR E.
Toi, qui malgré le poids de ſeize Luftres ,
Sçais t'élever jufqu'aux fommets illuftres .
Du double Mont , où d'une forte voix
Tu vas chanter les attributs des Mois ,
Et le pouvoir qu'ils ont dans la Nature ,
Dont tu nous fais une vive peinture ,
Senecé , ri des fatyriques traits ,
Qu'on a lancez contre tes Triolets ;
Et fi tu veux de ce leger outrage ,
Te bien venger , acheve ton Ouvrage.
Souvent on voit une épaiffe vapeur ,
Qui du Soleil nous ôte la fplendeur
S'arrête-t- il ? non , fur fon cercle immenfe ..
D'un pas égal il marche , tourne , avance ,,
Etpar fes feux confume le rideau ,.
Qui nous cachoit cet éclatant flambeau.
Fais donc de même , & fans que rien t'altere',,
Marche toûjours , & fournis ta carriere ,
Si près du but ne va pas t'arrêter ,
Trop
88 MERCURE DE FRANCE .
Trop délicat , garde toi d'écouter ,
Tout ce que dit l'ignorance ou l'envie ,
Et menager du repos de la vie ,
Dont à ton âge on fent mieux la douceur ,
Laiffe glofer le Plaiſant , le Cenfeur.
Ne fçais- tu pas , que contre le mérite ,
La trifte envie inceffamment s'irrite ,
Et fait la guerre aux plus dignes Humains !
Vaillans Guerriers & nobles Ecrivains ,
Sont expofez à fouffrir fa morfure ;
Ainfi Corneille éprouva ſa cenſure ,
Et Dépreaux , objet de fon couroux,
Fut inondé d'un flot d'Auteurs jaloux.
Tel eft le fort du mérite ſublime ,
Et fouvien toi qu'un Héros magnanime ,
Dont la valeur fçut purger l'Univers ,
De maints Brigands & de Monftres divers ,
Connut enfin que l'envie implacable ,
Tant que l'on vit , eft un monftre indomptable
Bouchet , Chanoine de Sens.
REJANVIER
1728. 89
XXXXXXXXXXXXXXXX
Ο
REFLEXIONS.
N doit toûjours fe propofer la
perfection . Et verum fi tranfeundi
fpes non eft , tamen eft dignitas fubfequendi.
Quintil.
Quando l'obligo trapaffa le forze , ô
fi muore Sfortunato , ô fi vive iniquieto.
La tolleranza è protettione. Non fi
trovericno fcelerati , fe non fi trovaſſero
protettori de fcelerati .
Le Prime Colpe fono de chi le fa , le
feconde de chi le permette.
Malus , aut ideò vivit , ut corrigatur
aut ideò vivit , ut per illum bonus exerceatur.
S. Aug.
Credere omnibus & nulli ftultitia eft.
Les nouvelles ont toûjours plus de
force dans les Pays éloignez que dans les
fieux où elles fe font.
Il eſt également dangereux de ne rien
croire
90 MERCURE DE FRANCE.
croire , de croire trop , & de ne croire
pas affez.
Il eft plus aifé de ſupporter l'adverfité
que la profperité.
Le bonheur & la fageffe font deux parẻ
ties qui maintiennent la profperité.
La trop grande profperité éblouit les
yeux de l'efprit , comme la trop grande
fumiere éblouit les yeux du corps.
L'humana potenza è come il vento ,
ancorche propofitio à noftri viagi , quando
é troppo grando ci fommerge.
Il est bien rare que la profperité corrige
la baffeffe des fentimens qu'inſpire
une baffe naiffance.
Une longue profperité traîne ordinairement
après foi de triftes revers .
La conftance dans les malheurs eft
moins rare que la moderation dans les
profperitez.
La peine du peché eft adhérante aut
peché même. Per que quis peccat , per
hac punitur.
On
JANVIER. 1728 . **
On eft prefque toûjours châtié des inftrumens
de fon peché.
Il
y a peu de gens qui ne croyent pecher
impunément , quand ils peuvent rejetter
fur un autre le reproche de leurs
fautes.
Le peché a toujours un caractere vifible
qui fe lit fur le front de ceux qui
vivent mal ; le remords & le mépris de
la vertu ne manquent pas d'exciter en
eux un foulevement de paffions qui ne fe
peut cacher.
Il y a une certaine pieté outrée , qui
offenfe plus le Ciel , que le libertinage
ne l'offenſe.
ETRENNE S.
TRIOLETS
POUR LE MOIS DE JANVIER 1728 .
A MADAME LA BARONNE D'IGE".
Pardonnez Ardonnez , ma charmante Niece ,
Si je paye un peu tard les Vers que je vous dois :
C'eft
92 MERCURE DE FRANCE .
C'eft comme qui diroit l'Etrenne après les
Rois.
Et par une méchante Piece ,
J'ai pris , graces au mal qui me tient au colet,
Hippocrate pour Hippocrene :
Ah ! que clifterifer , purger , ouvrir la veine
Eft un important Triolet !
C'eſt pourtant celui d'Avicenne.
TRIOLETS.
Mufc folâtre qui chantez
Auprés de la Samaritaine ,
Faites vos liberalitez ;
Mufe folâtre qui chantez ,
Venez donner à nos Beautez,
Quelque gentillefſe d'Etrenne ›
Mufe folâtre , qui chantez
Auprès de la Samaritaine.
Pour Bijoux , pour Colifichets ,
Elles ne s'y doivent attendre ;
Gens comme nous ne font pas faits
2
* Medecin Arabe , & Patriarche de tous ces
méchans Cuifiniers , que nous appellons Apotiquaires.
Pour
JANVIER 1728. 93
Pour Bijoux , pour Colifichets :
Mais pour des avis , des fouhaits ,
J'en ai pleine Barque à revendre :
Pour Bijoux , pour Colifichets ,
Elles ne s'y doivent attendre.
Aux Belles.
Doux charme du coeur & des yeux ,
Pour vaincre , il ne faut que paroître .
Tout grimacer eft odieux ,
Doux charme du coeur & des yeux.
Une Beauté plaît d'autant mieux ,
Qu'elle fe picque moins de l'être :
Doux charme du coeur & des yeux .
Pour plaire il ne faut que paroître.
Aux Laides.
Vous que le monde a renoncé ,
Et ne renoncez pas au monde ;
Vous dont le regard eſt bleſſé ,
Vous que le monde a renoncé ;
Que le Ciel vous mette in pace ,
Qu tout au moins qu'il vous refonde :
Vous que le monde a renoncé , '
Et ne renoncez point au monde.
Aus
94 MERCURE DE FRANCE.
Aux Brunes.
Brune au regard picquant & fin ,
Et dont l'air n'a rien qui ne plaiſe ,
Vivant Portrait d'un Seraphin ,
Brune au regard picquant & fin ;
L'Amour vous prépare la fin ,
Que fit la Matrone d'Ephéſe :
Brune au regard picquant & fin ,
Et dont l'air n'a rien qui ne plaife.
Aux Blondes.
Voulez-vous tirer vos appas
D'une langueur qui les dégrade ?
Blondes Beautez , d'un mauvais pas,
Voulez- vous tirer vos appas :
Aimez , aimez ; c'eſt là le cas ,
Et vous n'aurez plus rien de fade :
Voulez- vous tirer vos appas ,
D'une langueur qui les dégrade.
Aux Grandes.
Paris , ce beau Juge botté ,
Si l'on croit les vieilles Legendes ,
Donna le prix de la Beauté.
Paris , ce beauJuge botté ,
A
JANVIER. 1728 95
A la plus belle Nudité ,
Au préjudice des plus grandes :
På ris ce beau Juge borté ,
Bi l'on croit les vieilles Legendes.
Aux Petites.
Qui l'auroit crû , jolis Bijoux ,
Petites tailles de Bamboche ,
Que pour ruer fes plus grands coups ;
Qui l'auroit crû , jolis Bijoux .
L'Amour fe fût fervi de vous ,
Comme de Piftolets de poche ?
Qui l'auroit crû , jolis Bijoux ,
Petites tailles de Bamboche.
Aux Graffes.
Cheres Dondons , de vos appas ,
Qui ne reſpecteroit le faſte ,
J'ai toujours fait beaucoup de cas ,
Cheres Dondons , de vos appas ;
Vous pouvez difputer le pas
Avec le Panier le plus vaſte :
Cheres Dondons , de vos appas ,
Qui ne refpecteroit le faſte ..
Anx
MERCURE DE FRANCE .
Aux Maigres.
Par un malheureux accident ,
Quand on maigrit , quand l'oeil s'enfonce ,
D'un coeur navré , figne évident ;
Par un malheureux accident ,
Il faut danfer en attendant ,
Le corps ne pefe pas une once ;
Par un malheureux accident ,
Quand on maigrit , quand l'oeil s'enfonce.
Aux Pâles.
Vous qui pechez par la couleur ,
Où le Lis efface la Rofe ;
Je prens part à votre douleur ,
Vous qui pechez par la couleur ;
L'amour vous caufe ce malheur ,
Fâcheux effet d'aimable caufe ;
Vous qui pechez par la couleur ,
Où le Lis efface la Rofe.
Aux Rouges.
Un vieux Medecin de la Cour ,
Difoit à Dame Cramoifie ,
Lui tâtant le poulx l'autre jour ,
Un vieux Medecin de la Cour,
Recip
JANVIER. 1728 . 97
Recipé deux Dragmes d'amour ,
Avec trois grains de jalouſie :
Un vieux Medecin de la Cour ,
Difoit à Dame Cramoifie.
Au Timides.
Vous ne tenez le droit chemin ,
Jeunes tendrons , ne vous déplaiſe ,
Pour goûter du fruit mafculin
Vous ne tenez le droit chemin ;
Lifez l'Agnès de Poquelin , *
C'eſt un exemple qui déniaife ;
Yous ne tenez le droit chemin ,
Jeunes tendrons , ne vous déplaife.
Aux Hardies.
O le grand train que vous irez ,
Pour peu qu'on vous lâche la bride :
Quels fauts ! quels pas démefurez !
O le grand train que vous irez !
que de chemin vous ferez "
Peu fcrupuleuse , & moins timide.
O le grand train que vous irez
Pour peu qu'on vous lâche la bride !
* C'eſt le nom propre de Moliere.
E Le
98 MERCURE DE FRANCE .
Excufez , Belles , que j'oublie ,
Le fâcheux état où je fuis :
Si j'échappe à ma maladie ,
Je vous contenterai toutes , fi je le puis.
Déja ma Gouvernante , au gîte comme un
Lievre ,
Me remet fur le traverfin ,
Et j'apperçois mon Medecin ,
Qui me vient annoncer la fievre ,
En bon Grec & meilleur Latin.
DE SENECE'.
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Nor
mandie le 2. Novembre 1727. au sujet
d'un Mémoire fur les Eaux Minerales
de S. Sauveur-le- Vicomte , imprimé
dans le Mercure du mois d'Août der
nier.
L'
' Auteur du Mémoire qui vous a été
adreffé fur les Eaux Minerales de
S. Sauveur - le -Vicomte , dit qu'on en découvrit
la Source , il y a environ 25. ans,
il y en a déja plus de cinquante. Il ajoûte
que cette Source fut bouchée autrefois ,
parce que des perfonnes mal intentionnées
y venoient de nuit apporter des immondices,
JANVIER . 1718. 99
mondices ; ce qui fit , dit - il , décrier ces
Eaux cela est vrai ; mais l'Auteur du
Mémoire pouvoit fort bien fe difpenfer
de parler des Srs Des- Maires Dauvert ,
& Poirier de Taillepied , comme Promoteurs
de cette action ; c'est vouloir
ternir leur memoire , & remuer mal - àpropos
leurs cendres. Au refte , fans trop
penetrer dans le deffein de celui des deux
Seigneurs qui fit boucher cette Fontaine ,
on do préfumer qu'il ne le fit que parce
que, felon les apparences , les Eaux devinrent
abandonnées, defertes & odieuſes , à
caufe de tout ce qu'on y faifoit autrefois ,
comme encore aujourd'hui. Cela n'empêche
cependant point qu'on n'y vienne de
toutes parts , & elles font en fi grande réputation
, qu'on y vient même d'Angleterre.
C'est encore contre la verité qu'elle
ne fut débouchée qu'après le décès de ces
Mellieurs , car elle l'avoit été dés leur
vivant , & même plufieurs années avant
leur mort, & ce fut même , dit- on, M. de
Launey Jourdan , Seigneur du lieu , qui
la fit déboucher de fon propre mouvement
, & qui fit conftruire cette Fontaine
que nous avons aujourd'hui : car auparavant
ce n'étoit qu'un creux, d'où fe formoit
un fort petit ruiffeau . On a encore
découvert à foixante pas ou environ de
la Fontaine dont on vient de parler , un
Eij
creux
38510
100 MERCURE DE FRANCE .
creux d'où fort avec un peu de rapidité une
autre nouvelle Source d'Eau Minerale ,
qu'on prétend être encore plus peſante
& par confequent beaucoup meilleure
que la précedente. On fait efperer que les
perfonnes de diftinction du Pays y- feront
conftruire une Fontaine , & qu'on pourra
y travailler au Printemps.
L'Auteur du Mémoire s'eft encore trompé
, en fituant S. Sauveur- le - Vicomte fur
la Riviere d'Oife ; s'il y eût fait attention
, il eût trouvé que c'eft la Riviere
Douve , qui paffe devant ce Bourg , ce
qui lui donne de l'agrément ; l'air qu'on
y refpire eft très - fain . C'eft un des plus
anciens Bourgs de la Province , mais tour
ruiné par les anciennes guerres. Il y a
à l'entrée de ce Bourg une Abbaye de
Benedictins non- Réformez , qui eft fort
recommandable par fon antiquité , quoique
d'une structure très -fimple. Néel- le-
Vicomte en eft le Fondateur , c'étoit un
des plus puiffans Seigneurs du Païs , qui
vivoit du temps de Guillaume le Conquerant
, Duc de Normandie , en 1040 .
Il y a dans ce Bourg une large ruë fous
terre qui conduit du Château à l'Abbaye,
& une autre plus petite qui paffe fous
la Riviere Douve , & qui conduit au
Château de Nehou . C'eft dans cette
Paroifle de S. Sauveur - le- Vicomte qu'eft
encore
JANVIER. 1728. ΤΟΙ
encore le Haras , autrefois fi fameux , &
tant vanté pour les beaux Chevaux qu'on
en tiroit. On le place communément dans
le Canton appellé vulgairement Orville,
écarté du Bourg environ d'un quart de
lieuë.
Explication de la premiere Enigme du
Mercure de Decembre, premier volume.
Pouvez-vo
Ouvez-vous ignorer le fujet de ma peine !
Helas ! je vous aime , Climene .
Mes yeux, mes langueurs, mes foupirs ,
Mes tourmens & mes déplaiſirs ,
Devroient vous rendre plús humaine ,
Et vous ne m'en traitez qu'avec plus de couroux
;
Les Antres & les Bois font moins cruels que
yous :
Quand je dis aux Forêts ma paffion extréme ,
Quand je dis , en fongeant à vos attraits fi
doux ,
Je vous aime, l'Echo me répond , je vous aime.
Par M. l'Affichard C. A. D. L. O. S.
On a dû expliquer les deux au-
E iij
tres
102 MERCURE DE FRANCE .
Enigmes du même Volume , par le
Papier & la Table , & les deux du
fecond , par le Fourreau d'Epée & la Tabatiere.
Voici douze nouvelles Enigmes d'une
très-bonne main , que nous donnons pour
regaler ceux qui fe font un amuſement
de ces petits Poëmes , lefquels nous ont
parû très- ingenieufement tournez On en
donnera l'explication dans le Mercure de
Février , ainfi que du Logogryphe , inferé
à la page 2988. du fecond volume de
Décembre.
JE
PREMIERE ENIGME.
E fuis grand ou petit , & ma taille varie ,
Et je n'ai cependant ni plus ni moins qu'un
pied.
Qui m'a , ne fait pas grande envie ,
Qui ne m'a pas fait grand pitié.
Deuxième Enigme.
Quoique foeurs ,nous marchons en des
De fept freres amis nous fommes la figure :
Interpretes de la Nature ,
Nous
JANVIER. 1728. 103
Nous fçayons exprimer & les biens & les
maux :
Le Signal qui d'abord nous ouvre la barriere ,
Sert à nous impoſer les loix
Prefcrites à notre carriere :
Letems regle le Sceptre en la main de nos
Rois.
Troifiéme Enigme.
'Ai vû , j'en fuis témoin croïable ,
Unjeune enfant armé d'un fer vainqueur ,
Le bandeau fur les yeux , tenter l'affaut d'un
coeur ,
Auffi peu fenfible qu'aimable.
Bientôt après , le front élevé dans les airs ,
L'Enfant tout fier de fa victoire ,
D'une voix triomphante en celebroit la gloire,
Et fembloit pour témoin vouloir tout l'Univers
,
Quel eft donc cet enfant dont j'admirai l'audace
?
Ce n'étoit pas l'Amour. Cela vous embarraffe.
Quatriéme Enigme,
Nous fommes un peuple de freres ¿
Sans mere la plûpart , & nez de divers peres;
Chargez d'un different emploi ,
E iiij
Nous
104 MERCURE DE FRANCE.
Nous parlons different langage :
L'un fe plaint , l'autre rit , l'un eft fou , l'autre
fage ,
L'un fuperftitieux , l'autre fans foi ni loi .
Nous devenons par divers ſtratagêmes
Nains ou géans , en demeurant les mêmes,
Nous fommes nos propres ayeux ,
Renaiffans de nous même encor plus glorieux
.
Nous querellons les Rois fans craindre leur
puiffance ,
Nous les flattons fans efperance ,
Et fans lumiere , vrais Docteurs ,
Vertueux fans vertu , fans malice , impoſteurs :
Nous fommes à la fois bonne & mauvaiſe engeance
.
Jouets des aveugles Mortels ,
En opprobre , en honneur , au gré de leur caprice.
Tel de nous a reçû l'encens & des Autels ,
Qui perit du dernier fupplice.
Cinquième Enigme.

E garde un grand tréfor. Pour qui je n'en
fçai rien ;
Mais enfin , qui que ce puiffe être ,
Je
JANVIER. 1728 .
105
R
Je ne joüirai de mon bien ,
Que lorsqu'un autre en fera maître ,
Sixième Enigme.
Ecelant dans non fein une ardente mag
tiere ,
Je parcours un Pays à Morphée engagé ;
Et qui me fuit m'eſt obligé ,
De l'avoir bien voulu parcourir la premiere.
Septiéme Enigme.
E tiens table ouverte , où j'invite
Le gourmant & le délicat ;
Je rends le monde parafice;
Et le galant homme & le fat ,
Sans diftinction de mérite ,
Mettent chez moi la main au plat.
Huitième Enigme.
Uelque fecours de moi que vous deviez
-Craignez les qui pro quo que quelquefois ' je
fais ,
Comptant comme Titus mes jours par mes
bienfaits ,
Je coûte à l'Univers plus de fang qu'Alexan
dre.
Ev Neu
106 MERCURE DE FRANCE.
Neuvième Enigme.
DEs Plantes ou des Animaux ,
Je prends ma premiere origine ,
Je recueille un des fruits des chagrins & des
maux .
On me confie encor d'autres dépôts ,
Dont je cache aux regards la garde clandeſtine ,
Ma Conquête eft fouvent un des premiers exploits
,
D'un genre de vaillants que l'on n'eftime
guere ;
Et dans certaine Cour le monde revere , que
Je nomme les Meres des Rois.
Dixiéme Enigme.
Nous fommes deux bonnes Servantes
,
Sans humeur & fans volonté ;
Très-reffemblantes d'un côté ,
Mais par l'autre très - differentes.
Au premier tour de main nous vous obéïlfons
,
Fonnes pour le befoin , bonnes pour le dé-
Ice ,
Nous ne rendons chacune qu'un fervice;
Mais
JANVIER. 1728. 107
Mais cent fois en un jour nous le recommençons.
Onziéme Enigme.
Voilàquel je fuis à peu près ;
De bout fur mille pieds , je porte cinq cens
têtes.
Que de gens me donnent des fêtes a
Pour me mettre en leurs interêts.
De leur fortune alors je gouverne la roüe ;
Je mets la honte ou l'honneur fur leur
front.
Qu'on me refpecte , & qu'on me loüe ,
Puifque j'ai dans mes mains & la gloire & l'af
front.
J2
Douzième Enigme.
E fuis l'enfant & le Roi de la Terre
Autrefois j'ai fervi le Maître du Tonnere ;
Mais de mille attributs que j'ai ,
Celui -ci peut fuffire à me faire connoître
Tant que chez mon Patron je demeure en
gagé ,
Je lui fuis inutile & dangereux peut- être s
Je ne rends fervice à mon Maître ,
Que quand j'en reçois mon congé.
2
E vj NOU108
MERCURE DE FRANCE.
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ART.S , & c .
IBLIOTEQUE GERMANIQUE , OU
B Hiftoire Litteraire de l'Allemagne &
des Païs du Nord , in 1 2. de Cicero , de
264. pages , Juillet , Aouft , Septembre
1720. Tome premier. A Amſterdam, chez
Pierre Humbert , 1720.
Une affez courte Préface , mife à la
tê e du premier Volume , nous apprend
que cette Bibliotéque Germanique eft
l'ouvrage de l'émulation : Que l'applaudiffement
que le Public a donné à la Bibliotéque
Angloife , a fait naître l'envie à
quelques perfonnes de Lettres de Berlin ,
& d'autres endroits des Etats du Roy de
Pruffe , de rendre compte en François
d'un grand nombre de Pieces importantes
& curieules , qui s'impriment journellement
en Allemagne , & qui ne paffent
prefque point dans les Païs Etrangers ;
parce qu'on n'en rend compte qu'en Latin
, ou en Allemand ; & que quelquefois
même il n'en eft fait mention en aucune
Langue.Ceux qui ont formé ce deſfein
, continue l'Auteur , peuvent d'autant
mieux
JANVIER. 1728. 10g
1
mieux l'executer , que non- feulement ils
poffedent les trois Langues dans lefquelles
font écrites la plupart des Pieces qui
entreront dans ce Journal ; mais qu'ils
ont encore l'avantage de travailler fous la
direction de M. Lenfant , qui étant le
premier Auteur de ce projet , veut bien
revoir les Extraits , & communiquer luimême
les Pieces de fa façon.
Toutes les perfonnes équitables conviendront
de ce que l'Auteur de la Préface
ajoûte Que l'Allemagne e audi
féconde , qu'aucun Païs de l'Europe , en
bons efprits & en fçavans , qui cultivent
avec beaucoup de foin toutes les Sciences
, les Langues ; & furtout les Langues
Orientales , la Philofophie & les Mathématiques
; les Humanitez , & en general
les belles Lettres .
L'Auteur fait en racourci le Plan de fon
Journal , qui paroît tous les trois mois , &
qu'on continue de goûter, par lesPieces &
les recherches curieufes & fçavantes qu'on
y trouve. Il marque qu'on s'attachera particulierement
aux Traitez Académiques les
plus curieux : que l'on y inferera quelquefois
des Differtations manufcrites ou
Anecdotes , & que celles qui ne feront
pas Françoiles , feront traduites en cette
Langue , ou que du moins on en donnera
une idée claire. Il a foin , fur tout , d'avertir,
110 MERCURE DE FRANCE .
"
vertir , qu'il ne recevra , ni les Satyres
perfonnelles , ni les invectives ni les
Ecrits aigres & propres à mettre la défunion
dans la République des Lettres : les
Controverfes de Religion n'y auront ,
dit-il , que fort peu de part. Ce ne fera
pas un petit mérite à l'Auteur , s'il tient
exactement la parole fur cet article.
TOME I. Ce premier Volume , qui
comprend les mois de Juillet , Aouft , &
Septembre 1720. prefente dans le troifiéme
Article plufieurs Differtations de M.
Jean Fabrice , fous le titre de Amanitates
Theologica , & c. imprimées à Helmftadt
en 1699. Volume in 4 ° . pages 82. L'une
de ces Differtations qui nous a paru plus
curieufe que les autres , traite des Erreurs
des Peintres fur l'Hiftoire Sacrée.
Nous remarquerons deux ou trois de
ces Erreurs relevées par M. Fabrice , en
commençant par celle qui regarde la fuite
d'Agar avec Ilmaël fon Fils.
" &
On le reprefente ordinairement
bien des gens font dans cette prévention ,
comme un Enfant de quelques mois , ou
de quelques années au plus ; il avoit
néanmoins dix-huit , ou , pour le moins ,
feize ans dans le tems de fa fuite ; comme
le remarque S. Auguftin , quæft. 53 .
fur la Genefe. Il faut, dit M. Fabrice , accommoder
à cet âge les expreffions de
'Auteur facré. De
JANVIER. 1728.
De cette erreur paffons à celle où tom.
bent la plupart des Peintres , en voulant
réprefenter les Anciens épris d'amour
pour Suzanne. On les dépeint communément
avec des cheveux blancs , des lunettes
, tous tremblans de vieilleffe , &
plus femblables à des Squeletes qu'à des
hommes. Ils ont été trompez par le titre
d'Anciens , qui leur eft donné , faute d'avoir
fçû , que le nom d'Ancien , dans le
ftile de l'Ecriture Sainte , & dans les Au
teurs profanes , eft un nom de dignité
auffi bien que d'âge. C'est ce qui paroît
par ce qui eft dit dans le Verfet 5. qu'ils
furent créez Juges l'année que cet avanture
leur arriva : d'ailleurs la bienséance
eft fort choquée de voir repréfenter comme
des Vieillards dans la décrépitude , des
gens qui couroient après Suzanne avec
tant d'agilité.
Nous finirons ce que nous avons à dire
fur cette Differtation , en expofant aux
yeux des Lecteurs les fautes de ceux qui
en peignant le Baptême de J.C. réprefentent
Jean- Baptifte verfant de l'eau fur la
tête du Sauveur. Le mot même de Baptême
, marque qu'il fe faifoit par immerfion.
Et à l'égard de Jean-Baptifte en parriculier
, il paroît clairement qu'il baptifoit
de la forte ; puifqu'il cherchoit les
lieux où il y avoit beaucoup d'eau .
Nous
112 MERGURE DE FRANCE .
Nous terminerons par-là cet Article , afin
de pouvoir dire quelque choſe des autres .
Mais auparavant nous croyons être obligez
d'obferver , que l'Auteur auroit bien fait
de ne point adopter , comme il fait , certains
traits fatyriques , uniquement fondez
fur la haine & fur la médifance , &
qui fentent extrêmement l'efprit de parti
en fait de Religion : tel eft , par exemple ,
le conte qu'on trouve page 187. dans
l'Extrait qu'il fait du Livre d'Hildebrand
fur les Mariages des Anciens Chrétiens ,
& c.
Lettre de l'Electeur du Poggiana à M.
de la Motte , pour fervir de Suplément à
cette Piece .
Differtation Inaugurale & Juridique
touchant le Concubinage , foutenu avec
le confentement de la Faculté de Droit
fous M. Thomafius , par Erhard Jules
Kiechel.
Traité fur le Mariage des Anciens brétiens
par Joachim Hildebrand , D'Eteur
& Profeffeur en Théologie.
Lettre de M. Lenfant à M. Des Vignoles,
pour prouver contre M. Bayle , que les
Payens croyoient , qu'il falloit demander
la fageffe auxDieux.
Differtation de M. Pfaff, Profeffeur en
Théologie , fur les points fondamentaux.
de la Foi Chrétienne .
Mémoire
JANVIER. 1728 . 113
Mémoire abregé fur la Vie & les Ou
vrages de feu M. de Larrey.
Lettre de l'Auteur du Poggiana à M. de
Croſe.
Nouvelles Litteraires , & c .
On mande de Gottingen , que M. Chriftophe
Augufte -Heumann , venoit de publier
une nouvelle Edition du Dialogue
de Quintilien fur les caufes de la corruption
de l'Eloquence. Il a choifi & mis audeffous
du texte les meilleures Remarques
des Sçavans , aufquels il a ajoûté environ
80. corrections de fa façon : l'Ouvrage
eft un petit 8 ° . d'environ 230. pages , y
compris les Préfaces , & quelques Lettres,
dont une , entr'autres , mérite d'être lûë.
Il y traite la queftion , s'il eft permis d'augmenter
la Langue latine de nouveaux mots ,
& il la décide affirmativement dans ces
deux cas. 1 ° . Lorſqu'il s'agit d'invention
nouvelle Par exemple , d'armes à feu
&c. 2 °. Lorſqu'on veut traitter de quelque
fcience inconnue , ou peu connuë aux
Anciens . Cela doit , furtout , avoir lieu
dáns la Théologie , &c . M. Heumann
blame après plufieurs Sçavans la délicateffe
affectée de Sannazar , de Longolius ,
de Bembe , de Chaſtillon , & de plufieurs
autres qui ont mieux aimé exprimer nos
Mysteres en des termes payens, & prefque
inintelligibles, que d'en employer d'inconnus
>
114 MERCURE DE FRANCE:
nus à la belle latinité. Par exemple , Divina
mentis auram fuppliciter pracari
pour dire, invoquer le S. Elprit. Santificum
cruftulum , pour dire le Pain de
l'Euchariftie.
On apprend de Lipfic , que les Allemands
curieux d'écrire fur les matieres
nouvelles n'ont pas plutôt entendu parler
des habits de papier , dont la mode
avoit paru depuis peu en France , que
M. Sig. André Flachs a publié une Differtation
fur cette matiere . Il y dit que
cette mode a duré à peine plus d'un demi
jour. Il prétend que cette invention n'eft
pas nouvelle , & qu'elle a été connue des
Anciens.Ce qu'on pourroit répondre , c'eſt
que le Papier d'Egypte , dont l'Antiquité
s'eft fervie , étoit d'une autre nature , que
celui dont il s'agit ici , puifqu'on en faifoit
des voiles , des cordages , & c .
Les Nouvelles de Berlin portent , que
l'on a communiqué aux Auteurs du Journal
, dont nous parlons , un Manuſcrit ,
qu'ils croyent devoir faire connoître au
Public , beaucoup moins pour faire plaifir
à ceux à qui il appartient , qu'on ne connoît
que de nom , que parce qu'il le mé→
rite par lui -même . C'eft une Hiftoire des
Regnes de Charles V. de Charles VI . &
de Charles VII. Rois de France . L'Auteur
est un Gentilhomme Picard , nommé
M.
JANVIER. 1728. IIS
M. de Travefy : il n'avoit travaillé que
pour fon plaifir , comme il le déclare dans
La Préface ; cependant l'ouvrage eft achevé
& mis au net. L'Auteur du Journal
ajoûte qu'il ne doute pas qu'il ne fe trouvat
des Imprimeurs à choifir , fi ce Manufcrit
étoit connu dans le monde . Il a
averti , que fi quelque Libraire de France
ou de Hollande avoit deffein de l'entreprendre
, & fouhaitoit d'en avoir communication
, il pourroit s'adreffer aux Auteurs
de cette Bibliotéque. L'Impreffion
pourroit , dit- on , aller à trois ou quatre
Volumes in 12. de moyen caractere.
BIBLIOTEQUE GERMANIQUE , & C.
Tome II. Octobre , Novembre & Decembre
7120 .
Differtation touchant le jour de Noël ,
& c. par M. Des Vignoles .
Dißertation fur le Concubinage,&c . par
M. Thomafius , &c: Il commence par protefter
, qu'il n'a pas deffein d'autorifer le
Concubinage , ni d'impugner les Loix qui
le défendent , &c .
Dißertation de M. Lenfant fur cette
Queſtion : Si PITHAGORE PLATON ,
ont eu connoiffance des Livres de MOISE ,
de ceux des Prophetes . Cette Differtation
est fort longue ; & l'Auteur s'y déclare
enfin pour la négative.
MOEURS ET USAGES des Oftiackes,
avec
116 MERCURE DE FRANCE.
avec quelques Remarquescurieufes fur la
Siberie, & fur le Détroit de Weygatz, par
Jean Bernard - Muller, Capitaine de Dragons,
au Service de Suéde. A Berlin, cheż
Nicolai 1720. in 8°. de 75. pages , en
Allemand .
L'Auteur après avoir rendu quelque
compte du pays des Oftiackes , dont les
habitans, à l'exception de quelques Ruffiens
, ne fçavent ni lire , ni écrire , &
après quelques Remarques generales paffe
à la Defcription de leurs moeurs.
Quand il naît un enfant à un Oftiacke ,
ou il va demander un nom à quelque Ruffien
, ou il lui donne celui du premier animal
qu'il rencontre. ( Delà vient , qu'il y
en a tant , qui s'appellent Sabats Ki
Chiens , ) ou bien ils le nomment , premier
, fecond , troifiéme , &c. felon le
rang de fa naiffance . On diftingue auffi
les enfans par leurs qualitez corporelles
les plus remarquables : tête blanche , boireux
, boffu , &c.
Le fang eft leur breuvage le plus délicieux
, car pour l'ordinaire ils ne boivent
que de l'eau ; à moins que quelquefois
ils ne fe régalent d'un peu d'huile de
Baleine.
Leur plus grand divertiffement eft de
fumer du Tabac . Ils en avalent la fumée ,
& de peur qu'il ne s'en perde , ils ont
foin
JANVIER. 1728. 117-
foin de mettre de l'eau dans la bouche
qu'ils avalent avec cette fumée. Cela leur
caufe des vomiffemens dont ils ont grand
befoin , pour le dégager des vifcofités
dont ils fe nouriffent fans ceffe , & qui.
leur attirent de fréquentes maladies fcorbutiques
, contre lefquelles ils ne fçavent
point de remedes.
Les Oftiackes n'ont point d'autres fuperieurs
que le Vaivode de Siberie , qui
les gouverne au nom du Czar . Voici la
maniere dont ils prêtent ferment de fidelité
on leur préfente une peau d'Ours ,
une hache , & un couteau fur lequel eft
un morceau de pain qu'ils mangent ; après
quoi ils prononcent ces paroles : En cas
que je ne demeure pas toute ma vie fidele à
mon Souverain , & que je me révolte contre
lui , puiffe cet Ours me déchirer au milieu
des bois : lepain que je viens de manger
, demeurer dans mon gofier , ce conteau
me donnerla mort , & cette hache m'abattre
la tête. Le ferment est très refpectable
chez ces peuples ; & c'eft une preuve affez
confiderable de l'Empire de la conſcience
chez les Nations les moins policées.
Chaque Oftiacke a pour l'ordinaire deux
femmes , l'une âgée , qui a foin du ménage
, & l'autre jeune , qui eft fa compagne
de lit... On marie affez fouvent les
filles
418 MERCURE DE FRANCE .
filles à fept ou huit ans , afin qu'elles puiffent
mieux s'accoutumer à l'humeur de
leurs maris. Le divorce eft permis chez
eux , mais il n'y eft pas fréquent.
Les femmes Oftiackes paroiffent accou
cher fans douleur , & on ne peut y faire
moins de façons. En hyver, dans une marche
, elles fe débaraffent de leur fardeau
fur la nege , y roulent leur enfant , pour
l'endurcir de bonne heure au froid ; elles
le mettent enfuite dans leur fein , puis
continuent leur route.
Voici une plaifante fuperftition des Oftiackes
quand ils ont tué un Ours , ils
l'écorchent , & mettent fa peau fur un
arbre auprès d'une Idole ; après quoi ils
lui rendent leurs refpects , lui font de
très -humbles excufes de lui avoir donné
la mort , lui repréfentant , que dans le
fond , ce n'eft pas eux qui ont fait le coup ,
puifqu'ils n'avoient pas forgé le fer qui l'a
percé , & que la plume qui a hâté la courfe
de la fléche , étoit d'un oyfeau étranger.
Il eft tems de dire quelque chofe des
nouvelles Litteraires.
On écrit de Stokholm , que les Scien
ces ne font pas en Suede en auffi mauvais
état qu'on pourroit le croire . Cette Ville
poffede des Saphos , comme la France a
les fiennes fçavoir , Mlle Brenner , dont
on a imprimé les Poëmes Suedois , Fran-
:
çois ,
JANVIER. 1728. 119
çois , Allemands , Italiens & Latins : &
Mlle de Morian qui a donné, il y a déja
plufieurs années , des preuves publiques
de fon éloquence , dans un Panegyrique
qu'elle prononça à l'honneur du feu Roy.
Les Lettres de Breflau portent , que
M. Sommer , qui s'eft fait connoître depuis
peu par des Poëfies Latines , publiera
bientôt un Ouvrage qui aura pour ti
tre : Dacia Antiqua ex nummis , lapidibus,
aliifque monumentis reftituta .
On mande de Berlin , que l'on a vû depuis
peu dans cette Ville , deux choſes
fort extraordinaires , un * Chien qui parloit
, & un Poëte devenu tel par une maladie
, & faifant des Vers Impromptu fur
foutes fortes de fujets .
Le Chien n'a rien d'extraordinaire , ni
de beau ; il eft des plus communs ; il a
feulement cette qualité , qu'il gronde dès
qu'on le touche , & continue de gronder
jufqu'à ce qu'on le laiffe. C'eft fur cette
habitude de gronder , qu'eſt fondé tout
* On peut voir une Lettre de M. de Leibnitz
à M. l'Abbé de S. Pierre , où il lui rend compte
d'un Chien qu'il a vû parler à Zeitz. Il pronon
çoit une trentaine de mots , qu'on lui avoit appris
en plufieurs années ; il les prononçoit en
écho après fon Maître. La Lettre de M. Leibnitz
eft dans les nouvelles Litteraires d'Hanover du
Journal de Trévoux , Mai 1715 .
Par
120 MERCURE DE FRANCE.
l'artifice voici ce que c'eft .
Le Maître s'affied à terre , & prend fon
Chien entre les jambes , où il lui tient
tout le corps en fujetion. D'une main ,
il lui tient la mâchoire d'en haut , & de
l'autre celle d'en bas ; & pendant que l'animal
gronde , felon fa coutume , il lui
preffe de differentes manieres , tantôt l'une
, tantôt l'autre mâchoire , & fouvent
toutes les deux ; ce qui fait faire diverfes
contorfions à la gueule du Chien , & en
même tems lui fait prononcer des paroles .
On en a oui plus de foixante , les unes.
plus , les autres moins diftinctes , felon
que le Maître preffoit les mâchoires avec
plus ou moins de jufteffe , mais jamais il
ne prononçoit plus de quatre fyllabes de
fuite. Elifabeth étoit de tous les mots celui
qu'il prononçoit le mieux , Laquais ,
Salade , Thé , Caffé , Chocolat , étoient
auffi fort diftincts. Le Maître de cet animal
étoit un Soldat Pruffien qui a déferté
.
A l'égard du Poëte nommé M. de Schonemann
, âgé d'environ trente ans , l'habitude
de faire des Vers in -promptu ne lui
eft venue , comme on l'a déja remarqué ,
qu'enfuite d'une maladie. Il faifoit fa Réthorique
fous un Maître qui exerçoit fes
Difciples à faire des Vers Allemands . Ce
jeune homme n'avoit aucun talent pour
cette
"
JANVIER. 1718. 121
cette forte de Poëfie ; ce qui lui attiroit
les railleries de fes camarades & les reproches
de fon Maître , qui le picquerent tellement
, qu'ayant été attaqué d'une fiévre
chaude , accompagnée de fréquens tranfports
au cerveau , il n'avoit d'autre délire
que de faire , fans ceffe , des Vers Allemands
fur tous les fujets qui fe préſentoient
à fon imagination. Il fut enfin
guéri ; mais l'habitude de prononcer fur
le champ des Vers fur les fujets qu'on lui
donne , lui eft reftée . Il les répete avec
beaucoup de rapidité ; & pendant qu'il
parle , fon vilage fe gonfle , il marque la
cadence du pied , & a d'ordinaire la vuë
fixée quelque part . On affûre qu'il ne fait
jamais mieux , que lorsqu'il eft placé dans
un lieu vafte & fpacieux , & que la liber .
té de la veine Poetique dépend en quelque
forte de celle qu'on donne à ſa vuë .
Il a verfifié jufqu'à quinze ou vingt fujets
de fuite , à la fatisfaction de ceux qui
l'ont entendu . Ses Vers font beaux , harmonieux
, & il les tourne prefque toujours
du côté de la Morale & de la Religion.
A cela il faut ajoûter , que M. Schonemann
, après avoir recité ſes Vers avec la
rapidité qu'on vient de dire , ne peut plus
s'en fouvenir ; il faut , fi on veut les conferver
, que d'autres les écrivent à meſure
qu'il parle ; d'ailleurs lorfqu'il veut com-
F poler
1
122 MERCURE DE FRANCE.
pofer & écrire des Vers comme les autres
Poëtes , il y employe beaucoup de
tems , & y trouve beaucoup de difficulté ,
L'hiftoire furprenante de ce Poëte confirme
ce que nous en avons rapporté en
peu de mots dans le Mercure du mois de
Novembre 1723. OOnn peut voir les réflexions
qui accompagnent ce Phénomene ,
dans notre Livre , page 869. elles meritent
d'être luës , & ne fe trouvent pas dans
la Bibliotheque Germanique , dont on
donnera la fuite , &c .
HISTOIRE DE LA MEDECINE , des
puis Galien jufqu'au commencement du
troifiéme fiécle , écrite en forme de Difcours
, adreffé au Docteur Mead , Par J.
Freind , Docteur en Medecine , traduite
de l'Anglois par Etienne Coulet . A Leide,
chez Jean Arn. Langerak , 1727. in 4.
de près de 400. pages , fans compter la
Préface , les Tables , & la vie du Medecin
Gabriel , fils de Bachtifua , traduite en
Latin de l'Arabe , Par Salomon Negri,
ABREGE DE MEDECINE ET CHI
RURGIE PRATIQUE , nouvellement tirées
des principes de la nature , avec un
petit Traité de la pefte & autres accidens
fâcheux , Ouvrage très- important au Public
& à tous Medecins & Chirurgiens.
Par
JANVIER. 1728. 123
Par Michel Rennart , Docteur en Medecine
de l'Univerfité de Padouë. A Nancy,
chez Jean de la Riviere , Imprimeur- Libraire
, 172.6 . in 16. de 220. pages.
REFUTATION du Livre des Régles
pour l'intelligence des faintes Ecritures ;
où l'on montre la fauffeté des principes &
des régles de l'Auteur ; où l'on défend le
fens litteral des Hiftoires & des Propheties
de l'Ancien Teftament , contre les atteintes
perpetuelles qu'il y donne ; & où
on établit des principes fixes contre l'abus
& les excès des Allégories. A Paris ,
de l'Imprimerie de Jacques Vincent , THC
vis-à-vis S. Severin , in 12. pages
490. fans la Préface qui en a 15.
L'ESPRIT de S. François de Sales ;
Evêque & Prince de Genéve , recueilli de
divers Ecrits de M. Jean Pierre Camus
Evêque de Bellay. Ouvrage qui contient
les plus beaux endroits de ces Ecrits , &
qui renferme des inftructions propres à
toutes fortes de perfonnes : Par M ... Docteur
de Sorbonne. A Paris , chez Jacques
Etienne , rue S. Jacques , 1727. un
volume in 8. de 618. pages , fans la Préface
qui en contient 74.
NOUVELLES
DECOUVERTES , CONcon-
Fij cernant
1
124 MERCURE DE FRANCE.
.
cernant la fanté & les maladies les plus
fréquentes , leurs cauſes , leurs remedes ,
&c. Par M. de Saulx , Docteur en Medecine
, &c. A Paris , chez la veuve
Delaulne , &c. 1727. in 12. de 128.
pages.
HISTOIRE des Guerres & des Négaciations
qui précederent le Traité de Weltphalie
fous le Regne de Louis XIII . &
le Miniftere du Cardinal de Richelieu &
du Cardinal Mazarin , compofée fur les
Mémoires du Comte d'Avaux , Ambaffadeur
du Roy T. Ch. dans les Cours du
Nord , en Allemagne , & en Hollande
& Plenipotentiaire au Traité de Munſter.
Par le P. Bougeant , de la Compagnie de
Jelus. A Paris , chez Jean Mariette , ruë
S. Jaaques , 1727. vol. in 4. de 581. pages
, y compris la Table. Idem , deux vol.
in 12 .
INSTRUCTION PASTORALE de S. E.
Monfeigneur le Cardinal de Noailles
Archevêque de Paris , fur deux Ouvrages
, dont le premier a pour titre , Dif
fertationfur la validité des Ordinations des
Anglois , imprimé à Bruxelles en 1722.
& le fecond , Deffenfe de la Differtation
fur la validité des Ordinations des Anglois
,, imprimé à Bruxelles en 17 26. Brochure
JANVIER. 1728. 125
1
chure in 4. de 116. pages. A Paris , chez
J. Bapt. Delefpine , à l'Image S. Paul
1727 .
LE BREVIAIRE , nouvelle édition en
deux vol. in 12. 1727. chez Joffe , ruë
S. Jacques.
AMOSIS , Prince Egyptien , Hiftoire
merveilleufe . Rue S. Jacques , chez Joffe
fils , 1728. in 12. de 129. pages .
L'Auteur de ce petit Ouvrage n'employe
les fictions les plus merveilleufes , que
pour avoir occafion de placer d'une maniere
plus fine , des traits de morale , capables
d'inftruire & d'amufer : tout l'Ouvrage
eft écrit avec grand foin & avec chaleur.
AVIS D'UNE MERE à fon fils & à fa
fille , rue S. Jacques , chez Etienne Ganeau
, 1728. vol. in 12.
LES AMANTS RE'UNIS , Comédie en
trois Actes , reprefentée par les Comédiens
Italiens ordinaires du Roy , le Mercredy
26. Novembre 1727. ruë S. Jasques
, chez Gr . Dupuis 1728. in 12. de
115. pages , fans l'Epître en Vers .
L'Extrait que nous avons donné de
cette Piéce , nous difpenfe d'entrer dans
Fiij aucun
126 MERCURE DE FRANCE:
aucun détail. On ajoûtera ſeulement qu'el
le ne dément point à la lecture le plaifir
qu'elle a fait dans les nombreufes repréfentations
qu'on en a données.
AGENDA & Calendrier pour l'année
Biffextile 1728. avec les Tarifs des Monnoyes
courantes , préfenté aux gens d'Affaires
& aux Négocians , imprimé à Paris
, in 18.
Il paroît chez Chaubert , Libraire, Quay
des Auguftins , une premiere feuille de
22. pages in 12. fous le titre du Spectatour
Litteraire , qu'on promet de donner
tous les Lundis. Le prix eft de 6. fols.
On imprime actuellement à l'Imprime
rie Royale , un Traité de la Coupe des
-Pierres , où par une méthode facile &
abregée on peut aifément fe perfectionner
en cette fcience . Par B. de la Rue , Architecte.
Ouvrage très- neceffaire aux Architectes
, aux Ingénieurs , aux Entrepreneurs
, Appareilleurs , & à tous ceux qui
font profeffion de l'Architecture Civile &
Militaire. Examiné & approuvé , par
l'Académie Royale d'Architecture.
Cet Ouvrage a fur tous ceux qui ont
? paru dans le même genre', un avantage
conJANVIER.
1728. 717
confiderable ; premierement , les anciens
traits qu'on y propofe font purgez des erreurs
dont la plus grande partie étoit ſufceptible.
2 °. On y a fait plufieurs aug
mentations effentielles . 3 ° . Non feulement
on a diftingué exactement les Plans dans
toutes les Epures , & donné les élevations
d'une grande partie desPiéces de trait .
On a de plus reprefenté en plufieurs endroits
les Pierres tracées , dans des degrez
differens , pour donner plus d'intelligence
; & comme la compofition des traite
eft fondée fur les Sections , & fur les développemens
des corps folides , on a ju
gé à propos de donner à la fin du Livre
un petit Traité de Stereotomie , appliqué
à l'ufage de la Coupe des Pierres , par le
fecours duquel il fera facile d'aller beaucoup
plus loin dans cette ſcience.
Il eft bon d'avertir qu'on n'a rien épargné
pour la perfection de l'Ouvrage . I
eft enrichi de près de cent Planches gravées
par les meilleurs Graveurs. Le papier
qu'on employe, tant pour les Planches
que pour l'impreffion , eft du grand raffin
fin , double.
M. l'Abbé le Pelletier , Prêtre Chanoine
de l'Eglife de Reims , déja connu par
d'autres Ouvrages , vient de donner au
Public un Livre qui a pour titre , Traité
Fiiij Dog128
MERCURE DE FRANCE :
Dogmatique & Moral de la Penitence
dans lequel on expoſe par la pure parole
de Dieu , tout ce que le pecheur doit faire
pour obtenir le pardon de fes pechez ,
& pour recevoir avec fruit les Sacremens
de Penitence & d'Euchariftie , dédié à la
Reine. A Paris , chez Etienne Ganeau ,
ruë S. Jacques , aux Armes de Dombes ,
1728. C'est un vol . in 12. de 494. pages.
Il eft des plus intereffans , tout compofé
des paroles de l'Ecriture . Il eſt trèsutile
aux Confeffeurs , aux Curez , aux
Prédicateurs , à ceux qui font des Conferences
, ou des Retraites , & à tous lesFideles
qui veulent affûrer leur falut.
THEAGENES ET CHARICLE'E , Hiftoire
Ethiopique , traduite du Grec d'Heliodore.
A Amsterdam , chez Hermand
Wytvverf , & fe vend à Paris chez Briaf
fon , rue S. Jacques . 1727. 2. vol. in 12.
de plus de 600. pages .
SELECTA à Profanis Hiftoriæ , c'est- àdire
, Hiftoires Choifies , tirées des Auteurs
Profanes , aufquelles on a mêlé diverſes
Maximes de morale, tirées des mêmes
Auteurs : Ouvrage divifé en deux
parties , qui compofent un petit in 12 .
La premiere partie contient 264. pages ,
la feconde 231. fans la Préface qui en
renJANVIER.
1728. 129
renferme 24. A Paris , chez Jacques
Etienne , rue S. Jacques 1727 .
OEUVRES DE, M. DU PLESSIS , ancien
Avocat au Parlement , contenant fes
Traitez furla Coûtume de Paris ; un Traité
des Matieres Criminelles avec des Notes
; plufieurs Traitez fur la Coûtume du
Maine ; un grand nombre de Confulta-
-tions de l'Auteur & d'autres célebres Avocats
du Parlement : avec un Traité du Domaine
de la Couronne , des Fiefs Liges ,
des Appanages , &c, Par feu M. Huffon ,
au Palais , chez Gaffelin , 1718. deux vol
in fol. Le fecond vol. fe vend féparément.
REFLEXIONS NOUVELLES fur les
Femmes. Par une Dame de la Cour. A Paris
, Quai de Conti , chez Fr. le Breton ,
1727. Brochure in 12. de 74. pages . Prix
15. fels , avec Approbation & Privilege .
L'Auteur de ces Réflexions , comme on
le voit dans fon avis au Lecteur , ayant
examiné fi on ne pouvoit pas tirer un meil
leur parti des femmes , il a trouvé des Aureurs
refpectables qui ont crû qu'elles
avoient en elles des qualitez qui les pouvoient
conduire à degrande s chofes; comme
l'imagination , la fenfibilité , le goût
préfens qu'elles ont reçû de la nature . J'ai
fait F V
130 MERCURE DE FRANCE.
fait , dit- il , des Réflexions fur chacune de
ces qualitez. Comme la fenfibilité les domine
, & qu'elle les porte naturellement
à l'amour , j'ai cherché fi on ne pouvoit
pas les fauver des inconveniens de cette
paffion , en féparant le plaifir de ce qu'on
appelle vice.
Donnons une idée de ce petit Ouvrage
par l'Ouvrage même.
Les hommes , par la force plutôt que
par le droit naturel , ont ufurpé l'autorité
fur les femmes ; elles ne rentrent dans leur
domination que par la beauté & par la
vertu. Si elles peuvent joindre les deux
leur empire fera plus abfolu ; mais le 1e
gne de la beauté feule eft peu durable.
Quand une fois la pudeur eft immolée ,
elle ne revient pas plus que les belles années
: c'eft elle qui fert leur veritable interêt
; elle augmente leur beauté ; elle en
eft la fleur ; elle fert d'excufe à la laideur ;
'elle eft le charme des yeux , l'attrait des
coeurs , la caution des vertus , l'union &
la paix des familles .
Mais fi elle eft une fureté pour les
moeurs , elle eft auffi l'aiguillon des défirs.
Sans elle l'amour feroit fans gloire
& fans goût ; c'eft fur elle que fe prennent
les plus flateules conquêtes ; elle
met le prix aux faveurs. La pudeur enfin
eft fi neceffaire aux plaifirs , qu'il la faut
cons
JANVIER. 1728. 131
conferver, dans les temps mêmes deftinez
à la perdre. Elle eft auffi une coquette
rie raffinée , une espece d'enchere que les
belles perfonnes mettent à leurs appas ,
& une maniere délicate d'augmenter leurs
charmes en les cachant. Ce qu'elles dérobent
aux yeux , leur eft rendu par la liberalité
de l'imagination. Plutarque dit qu'il
y avoit un Temple dédié à Venus la Voilée
: On ne sçauroit , dit il , entourer cette
Déeffe de trop d'ombres , d'obscuritez & de
mifteres. Mais à préfent l'indécence eft au
point de ne vouloir plus de voile à fes
foibleffes.
C'eſt dans la folitude que la verité donne
fes leçons , & où nous apprenons à
rabbattre du prix des chofes que notre
imagination fçait nous furfaire. Quand
nous fçavons nous occuper par de bonnes
lectures , il fe fait en nous infenfiblement
une nourriture folide qui coule dans
les moeurs.
Les qualitez exterieures ne peuvent
être aimables par elles mêmes , elles net
le font que par les difpofitions qu'elles
trouvent en nous . L'amour ne fe merite
point , il échappe aux plus grandes quafitez.
Seroit- il donc poffible que le coeur
ne put dépendre des loix de la Juftice , &
qu'il ne fut foumis qu'à celles du plaifir ?
Quand les hommes voudront , ils réuni-
E vj. LONE
122 MERCURE DE FRANCE.
ront toutes ces qualitez , & ils trouve
ront des femmes aufli aimables que ref
pectables. Ils prennent fur leur bonheur
& fur leur plaifir quand ils les dégradent .
Mais de la maniere dont elles fe conduifent
, les moeurs y ont infiniment perdu ,
& les plaifirs n'y ont pas gagné.
Tout le monde convient , qu'il eft neceffaire
que les femmes fe faffent eftimer;
mais n'avons -nous befoin que d'eftime ,
& ne nous manque - t-il plus rien ? Notre
raifon nous dira que cela doit fuffire ; mais
nous abandonnons aifément les droits de
la raifon pour ceux du coeur .
C'eft des defirs & des deffeins des hommes
, de la pudeur & de la retenuë des
femmes , que fe forme le commerce délicat
qui polit l'efprit , & qui épure le
coeur car l'amour perfectionne les ames.
bien nées. Il faut convenir qu'il n'y a que
la Nation Françoiſe qui fe foit fait un art
délicat de l'amour.
Les Espagnoles font vives & empor
tées ; elles font à l'ufage des fens , &
ne font point à celui du coeur. C'eſt
dans la réfiſtance que les fentimens fe
fortifient & acquiérent de nouveaux.
dégrez de délicateffe. La paffion s'éteint
dès qu'elle eft fatisfaite , & l'amour
fans crainte & fans defirs , eft fans
ame.
M.
}
JANVIER. 1728. 133
M. Grancolas , Docteur en Theologie
de la Faculté de Paris , a fait imprimer
depuis peu un Commentaire hiftorique fur
le Breviaire Romain , avec les usages des
autres Eglifes particulieres , & principalement
de l'Eglife de Paris . 2. Volumes
in -1 2. chez Lottin , près S. Yves. Cet ouvrage
eft rempli de Recherches curieufes ,
tirées de l'antiquité la plus reculée , & on
ne doute pas qu'il ne foit utile au Public .
On nous écrit de Rome , que M. Majella
, l'un des Secretaires des Brefs , &
le P. Benedetti , Jefuite & Maronite du
Mont Liban , ont travaillé de concert à
une Traduction Latine des Pieces fuivanres
, tirées d'un ancien Manufcrit Syriaque
, Traduction à laquelle ils ont ajouté
de fçavantes Differtations pour une plus
parfaite intelligence de ces Pieces , qui
font :
1 °. L'HISTOIRE de la perfecution des
Chrétiens , par Sapores , Roy de Perfe
& par fes Succeffeurs , où fe trouvent les
Actes de plufieurs Martyrs.
2. D'autres Actes de Martyrs qui n'ont
point encore été publiez .
3 °. Des Actes de S. SIMEON , l'ancien
Stilite,très éter dus , écrits parun Auteur
contemporain , & qui n'avoient ja
mais été publiez. Ces differens Ouvrages ,
traduits
134 MERCURE DE FRANCE .
traduits & commentez , comme nous
l'avons dit,feront un jufte volume in folio.
Voici un Projet qui nous paroît digne
de la curiofité du Public . L'Auteur , qui
a déja amaffé quantité de Materiaux pour
ce grand Ouvrage , demande des fecours
aux Sçavans fur ces matieres , & prie
qu'on lui envoye des Memoires à l'adreffe
du Mercure , dont nous ferons part à nos
Lecteurs , pour ne point faire languir leur
impatience , quand ils nous paroîtront
affez curieux & point trop longs . Voici
le Titre & le Plan de tout l'Ouvrage.
HISTOIRE GENERALE DES ANCIENS
SPECTACLES , diviſez en Jeux
qui fe donnoient dans le Cirque , l'Amphithéatre
& les Naumachies , & en
Jeux Sceniques , qui fe reprefentoient fur
le Théatre : Ouvrage qui fera enrichi de
Planches , de Figures en Taille-douce ,
de Remarques & de Recherches curieufes.
Premiere Partie.
De la Gymnastique & de fes differentes
efpeces , chez les Grecs & chez les Romains
, où l'on traitera de l'origine de
ces Jeux & de leurs progrès , de leur dignité
, de leur appareil , de leurs ceremonies
, des differens exercices & combats
d'hom
}
JANVIER 1728. 135
'hommes & d'animaux qui y étoient em
ployez , de leur folemnité par rapport aux
Acteurs , aux Spectateurs & aux Juges
du Plan de l'élevation , de la difpofition
& de l'ufage des differentes parties du
lieu où ces Jeux fe donnoient ; des Prix
dont on récompenfoit les vainqueurs , &c .
2. Des Jeux Olympiques , Ifthmiques ,
Néméens , Pythiens & autres Jeux du
Cirque de l'ancienne Grece.
>'
3. Des Jeux Sacrez , Jeux votifs , Jeux
funebres , Jeux d'éxercice & de plaifir &
autres Fêtes & Solemnitez publiques chez
les Romains.
Deuxième Partie.
Des Théatres d'Athénes & de Rome
dans leur origine, leurs progrès , leur état
de perfection , leur décadence & leur
chute , avec un abregé de la vie & du
caractere des plus fameux Acteurs & Auteurs
Dramatiques.
Le Théatre Grec fera divifé en fix Livres
, en cette maniere.
Des quatre differens genres de Jeux
Sceniques ; fçavoir , Tragiques , Comiques,
Satyriques & Orcheftriques.
Du Poëme Dramatique, de fa diviſion
de les differentes parties , &c.
Des Acteurs , de leurs Habillemens ,
Chauffure
736 MERCURE DE FRANCE.
Chauffure , Coëffure ; des differentes ef
peces de Mafques , &c.
Des lieux où le donnoient les Jeux Sceniques
à Athénes ; des Theatres , de leur
forme , de leurs differentes grandeurs , de
la fituation & de l'ufage de toutes leurs
parties ; des décorations , changemens de
Theatre , Machines , &c .
De la premiere origine des Jeux Sceniques
& de leurs progrès jufqu'à leur -
état de perfection .
Du Théatre d'Athénes depuis fon plus
grand luftre jufqu'à l'entier établiffement
de l'Empire Romain dans toute la Grece.
Troifiéme Partie.
Du Théatre Romain & des differens
genres de Jeux Sceniques à Rome.
Des Acteurs , de leurs habillemens ,
Malques , & c.
Des Théatres , de leurs dimenfions , & c .
De l'origine des Jeux du Théatre chez
les Romains , & de leurs progrès juſqu'à
leur état de perfection .
De l'état du Théatre à Rome , depuis
fon plus grand luftre juſqu'à fa décadence
& fa chute.
Quatrième Partis.
Des Mimes & Pantomimes , de leur
origine
JANVIER. 1728. 137
origine , de leurs differentes efpeces , de
leur concurrence entre eux , de leurs caracteres
, des pieces qu'ils reprefentoient ,
& de quelle maniere ils les reprefentoient .
De la Danfe ou Saltation & Geftes des
Pantomimes ; de la Mufique & des inftrumens
qui leur étoient propres .
Des Habits des Pantomimes , du Málque
, de la Scene où ils reprefentoient,&c,
Cinquième Partie .
Des Funambules ou Danfeurs de Corde.
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Marfeille
le 12. Janvier 1727.
L gran-
E 7. de ce mois, notre Académie tint
une Affemblée publique dans la
de Salle de l'Evêché ; elle fut précedée
par une Meffe du S. Efprit , que M. l'Evêque
célebra à la Cathedrale , enfuite de
laquelle ce Prélat donna un magnifique dêner
aux Académiciens .
M. l'Abbé de Croze , Directeur ' , ouvrit
la Séance par un beau Difcours fur
l'émulation. M. de Førefta ancien Evêque
d'Apt , reçu à la place de M. Rigord
, remercia la Compagnie par un Difcours
fort poli , auquel le Directeur répondit
.
M.
138 MERCURE DE FRANCE.
·
M.de Robineau fit enfuite la lecture du
Difcours qui a remporté le Prix , dont le
Sujet eft que le fecret eft une des vertus les
plus neceffaires à un Roy . Ce Prix eſt une
Médaille d'or de cent écus ; l'Auteur du
Difcours eft M. l'Abbé Moutte , de la
Ville de Pertuis en Provence.
M. de la Vifclede prononça l'éloge de
M. Rigord , & M. Olivier lût des Vers
Marotiques fut la Pareffe , ce qui fut fuivi
d'une Differtation de M. le Chevalier
de Romieu , fur le Je ne fçai quoi : auquel
il ajoûta une Ode Intitulée le Plan de
Marfeille. M. Carri ferma la Séance par
des Recherches curieufes fur les Bracelets,
les Colliers , & les autres ornemens de
cette efpece.
On apprend de Cortone , Ville Epifco
pale de Tofcane , que plufieurs Sçavans
avoient formé le deffein d'y établir une Societé
fous le nom d'Académie Etrurienne
dont les occupations feront de ramaſſer
& expliquer les Antiquitez de la Toscane ,
tant Grecques que Romaines. L'Abbé
Baldelli a déja fait préſent de fa Bibliotheque
aux nouveaux Académiciens , afin de
leur faciliter l'execution de leurs projets ,
qu'ils doivent communiquer au Grand
Duc , en le priant d'affigner quelque revenu
pour les frais extraordinaires qu'ils
feront
JANVIER. 1728. 139
féront obligez de faire , à l'occafion des
recherches qu'ils fe propofent.
M. de Montefquieu , Prefident à Mortier
du Parlement de Bordeaux , fut propolé
dans une Affemblée de l'Académie
Françoife , pour remplir la place de feu
M. de Saci , Avocat au Confeil ; il fut
élu dans l'Affemblée du 3. de ce mois
pour remplir cette place , & il y prit féance
le Samedi 24. Il prononça un trèsbeau
Difcours , auquel M. Mallet , Directeur
de l'Académie , répondit.
On apprend de Londres , qu'on y vend
chez le feur Regnier , Marchand d'Eftampes
dans Newport Street , une Vuë en
Perfpective d'une Machine pour élever l'eau
par le moyen du feu , deffinée d'après un
modele , conftruit chez le Docteur Defaguliers
. Il y a une explication en François
& en Anglois au bas de cette Eftampe ,
qui eft gravée fort corre &ement .
Le Chevalier Jean Sloane , Medecin
du Roy,, fut élu le 11. de ce mois , Prefi
dent de la Societé Royale de Londres , &
le Docteur Rutti , Secretaire de cette So
cieté, à la place du Docteur Jurin .
Il doit paroître à Genève à chaque tris
meftre ,
140 MERCURE DE FRANCE .
meftre , un nouveau Journal Litteraire
fous le titre de Bibliotheque Italique.
SUITE DES MEDAILLES DU ROY.
Cette nouvelle Médaille a été frappée
au fujet du rétabliffement des quatre Compagnies
de Cadets. Le Buſte du Roy avec
la Legende ordinaire : LUDOVICUS XV .
REX CHRISTIANISS . Revers . Pallas
de bout tenant fa Pique d'une main , &
montrant de l'autre de jeunes gens qui
tracent des Plans de Fortifications. On en
voit un en fentinelle près d'un Etendart ;
& dans le Lointin un bout de Baſtion avec
une Guérite. Pour Legende : NOBILIUM
EPHEBORUM INSTITUTIO MILITARIS
RENOVATA . L'apprentissage de la
Guerre rétabli en faveur de la jeune
Nobleffe. Dans l'Exergue . M. D C S.
>
XXVII.
La face droite de cette Médaille eft
de M. du Vivier. & le revers eft de
M. Rog.
Il vient de paroître deux Portraits du
Roi & de la Reine fort reffemblans , en
Bufte , grandeur in 4. gravez par le fieur
Louis Crepi le fils , d'après les Originaux
de M. Venlo . On les trouve chez ce Graveur
, ruë S. Jacques,
Le
REX
АХ
CHRISTIANISS
RENOVAVATA

JANVIER. 1728 . 141
Le s. de ce mois , le Concert recommença
au Château des Thuilleries ; la
Dlle le Maure y chanta pour la premiere
fois quelques morceaux de la Grotte de
Versailles ; Divertiffement mis en Mufique
par M. de Lully. Le Concert fut terminé
par un Moter de feu M. de la Lande
, Cantate Domino.
Le 10. on repeta le même Divertiffement
; la Dle Delba chanta une Cantate
de M. Batiftin , & le Concert finit
par
un très-beau Motet avec Timballes &
Trompettes, mis en Mufique par M. Cour
bois , Omnes gentes plaudite &c.
Le 12. les Dales Antier & le Maure ,
chanterent quelques Airs du Divertiffement
de M. Blamont , dont on a déja parlé
; la premiere chanta enfuite la Cantate
de la Paix , mile en Mufique par M, du
Tartre , qui fut fort goûtée.
Le 17. & le 19. la Dile le Maure chanta:
la Cantate d'Orphée de M. Clerambaut ;
elle l'avoit chantée à Marly le 14. devant
la Reine . La Dlle Delba chanta enfuite
une Ariette Italienne de M. Batiſtin ,
qui fut executée avec beaucoup de précifion
, & M. Campra fit chanter pour la
premiere fois un de fes Motets, Deus nofter
refugium , qui fit un plaifir infini .
Le 24. & le 26. M. Campra fit chanter
un Divertiffement de fa compofition ,
intitulé ,
142 MERCURE DE FRANCE .

intitulé , Les Mufes raffemblées par l'Amour
, dans lequel la Dile le Maure chanta
quelques morceaux qui firent beaucoup
de plaifir , de même que dans le Motet
du même Auteur , Deus , in nomine tuo
falvum , &c. qui fut chanté à la fin du
Concert .
Le 31. on chanta plufieurs morceaux
François & Italiens de differens Maîtres.
La De le Maure chanta avec beaucoup
d'aplaudiffement la Cantate qui a pour
titre : La Toilete de Venus , mife en Mufique
par M. de Blamont . M. Campra fit
chanter enfuite un de fes Motets qui ter
mina le Concert.
Germain Brice , Parifien , Maître des
Langues , mourut à Paris le 18. Novembre
i 7.27 . âgé d'environ 7 5. ans . H étoit
fort connu dans le monde Litteraire , par
fa Defcription de la Ville de Paris , &
de tout ce qu'elle contient de plus remarqua- ·
ble , ornée de Plans, de Figures , &c. Ouvrage
également utile & agréable aux
François & aux Etrangers qui veulent
connoître à fond toutes les curiofitez de
cette grande Ville. M. Brice étoit trèscapable
de bien executer cette entrepriſe,
par les connoiffances qu'il s'étoit acquifes
dans l'Architecture , la Peinture , les Antiquitez
, &c . connoiffances qu'il avoit
augmenJANVIER.
1728 . 143
sugmentées par un voyage d'Italie & par
le commerce qu'il entretenoit avec les
Sçavans & les curieux de toute l'Europe.
On peut dire enfin , que jamais Auteur
n'a mieux fait les honneurs de fa Patrie
que celui dont nous parlons . On imprime
actuellement la ge. Edition de fa Defcription
de Paris , commencée commencée peu de
temps avant fa mort .
A
SPECTACLES.
U commencement de ce mois , les
Comediens François remirent au
Théatre , la fameufe Tragedie d'Heraclius
de P. Corneille , qui eft excellemment
repreſentée par les S Baron , Quinault
& du Frefne , qui y jouent les rôles de
Phocas , de Marfian & de Leonce , &
par les Des Duclos , Labat & Balicour ,
qui rempliffent les rôles de Pulcherie
d'Eudoxe & de Leontine.
Ils ont auffi remis la Tragedie d'An
dromaque , dont le principal rôle eft joué
par la Dlle du Frefne , celui d'Hermione,
par la De Balicour , & ceux de Pyrrhus
& d'Orefte , par les Srs Baron & du
Frefne .
Le 24. de ce mois , les mêmes Comediens
1442
MERCURE DE FRANCE :
diens repréfenterent la nouvelle Tragedie
de Don Ramire & Zaide , qui n'a eu
que cette feule repréfentation. M. de
Boiffy , à qui on a fauffement attribué
cette Tragedie , nous prie d'affurer qu'ello
eft de M. de la Chazette , lequel s'en eſt
déclaré l'Auteur par deux Lettres qu'il a
écrites aux Comédiens , trois ſemaines
avant la repréſentation de cette Piece.
Le Pere Porée , celebre Profeffeur de
Rhetorique du College de Louis le
Grand , a traité le même fujet de Don
Ramire , dans une belle Tragedie Latine
, qu'il fit repréfenter il y a quel
ques années par les Rhétoriciens du College
, & qui eut un très grand fuccès ,
Nous venons d'apprendre que ce Pere
doit encore la faire repréfenter dans peu,
avec un Prologue & des Choeurs qu'il y
a ajouté.
Les mêmes Comédiens répetent actuellement
une Piece nouvelle en trois Actes,
fous le titre des Amans déguifez , qui fera
donnée au commencement du mois prochain
.
L'Académie Royale de Mufique , repete
la Tragedie nouvelle d'Orion , qui
fuccedera à Roland.
La Comédie Françoife a fait une perte
confideJANVIER
1728. 145
confiderable en la perfonne du fieur Legrand
, le pere , qui eft mort extrémement
regretté , & avec beaucoup de réfignation
, le . de ce mois , dans la 56. année
de fon âge , après avoir reçu tous les
Sacremens de l'Eglife , adminiftrez par
M. le Curé de S. Sulpice qui l'a exhorté
pendant fa maladie avec le zele d'un veritable
Paſteur. Il étoit fils d'un Maître
Chirurgien de Paris , & Comédien du
Roy depuis le mois d'Octobre 1702. Dans
le ferieux , il jouoit les Rois , & dans le
Comique , les Payfans, & quelques rôles à
manteau. Il étoit très - utile , & le public
le voyoit avec plaifir. Au refte , il étoit
homme d'efprit , plaifant , & entendoit
fort bien leThéatre, furtout pour les fujets
qui n'étoient pas trop élevez. Voici le Catalogue
des Pieces dont il étoit Auteur.
Pieces pour le Théatre François.
La Femme , Fille & Veuve. Un Alte.
1707.
L'Amour Diable , idem . 1709 .
La Foire S. Laurent, idem. idem .
La Famille extravagante , idem .
La Metamorphofe amoureufe . idem. 1712
L'Ufurier Gentilhomme , idem. 1713 .
L'Aveugle clairvoyant , idem. 17 16 .
Le Roi de Cocagne , en 3. A&es , & un
Prologue , 1718 .
Plutus , en 3. Actes . 1720 .
G Le
146 MERCURE DE FRANCE.
Cartouche , idem . 1721 .
Le Galand Coureur , 1. Acte. 1722 .
Le Ballet des 24 heures , idem.
L'Ami de tout le monde , 1. Acte , 1724.
Le Triomphe du Temps, 3. Actes, & un
Prologue . 1725 .
La Chaffe du Cerf , 3. Actes , & un Prologue
1726 .
La Nouveauté , 1. Acte , 1727 .
Les Amazones modernes , 3. Actes . idem,
Pieces pour le Théatre Italien.
Belphegor , 3. Actes , 1721 .
Le Fleuve d'Oubli , idem.
Les Amours aquatiques , idem.
Le mauvais Menage , Parodie , un Аce .
1725 .
Le Chevalier Errant , Parodie , un Acte .
1726 .
Autres Pieces faites en focieté pour le mêmẻ
Théatre , avec le fieur Dominique .
Agnès de Chaillot , Parodie en un Acte
1723.
Le Départ des Comediens Italiens , idem.
Le Cahos. 4. Actes & un Prologue, 17 2 5 .
Autres du même Auteur , représentées
fur divers Théatres , à Paris ,
en Province.
Les Animaux raifonnables , avec M. F.
un Acte . 1718.
Le Caffetier , Comédie faite & reprefentée
à Lyon.
Polipheme
JANVIER. 1728. 147
Polipheme , ens . Actes.
L'Epreuve reciproque , un Acte , avec le
fieur Alain .
La Rue Merciere , Comédie repréſentée
à Lyon .
La chute de l'Opera de Phaëton . idem.
La Fille Précepteur , Comédie.
Les Comédiens de Campagne , idem.
Le Carnaval de Lyon , idem.
Le S. Euftache François Guerin Detriché
, que le Public avoit vû très - longtems
, & avec un extrême plaifir , Comédien
du Roy au Théatre François , mourut
à Paris , le 28. de ce mois , dont il
étoit natif, dans la 92 me.année de fon âge,
après avoir reçû tous fes Sacremens , dans
les fentimens d'un veritable Chrétien . Il
étoit tombé en apoplexie , au mois de
Juillet 1717. prêt à entrer fur le Théatre
, au Palais Royal , pour jouer le Rôle
d'Exupere , dans la Tragédie d'Heraclius ;
& il étoit refté depuis paralitique de la
moitié du corps , mais avec l'efprit trèsfain
& la memoire admirable. Il avoit
époufé la veuve de Moliere , dont il ne
laiffe point d'enfans.
Il n'y avoit que peu de mois qu'il étoit
dans la Troupe des Comédiens du Marais ,
quand il en fut tiré pour entrer dans celle
de la rue Mazarine , lors de fon établiffe-
Gij ment ,
148 MERCURE DE FRANCE .
ment , après la mort de Moliere en 1673 .
C'étoit un excellent Comédien , & il
joignoit à cette qualité celle d'homme
d'honneur & d'homme de bien . Les applaudiffemens
du Public dont il étoit flaté,
& la crainte de s'ennuyer dans la vie privée
, l'avoient retenu long-tems fur la
Scene .
Il joüoit avec un art & un naturel admirable
tous les Rôles à manteau , comme
l'Avare , le Grondeur , M. Guilleaume
, Grifalde dans les Femmes Sçavantes
, & c. & les Grands Confidens Tragiques
comme Teramene dans Phedre ,
Arbatre dans Mithridate , Narciffe dans
Britannicus, Rutile dans Manlius , qu'il
joua d'original , & c. Il ne commença cependant
à être goûté qu'après la mort du
jeune Raifin.
LETTRE de Londres, fur un Poëte
Anglois.
E vous tiens parole , Monfieur , au fujet
des deux Poëmes de Shakeſpear ,
dont il me reste à vous parler. Dans fa
Tragédie d'Hamlet, Prince de Danemarck,
l'Auteur agit à fa maniere ordinaire ; c'eftà-
dire , fans regle , fans conduite & fans
vrai-femblance.
La Maîtreffe d'Hamlet eft morte , & il
fent déja la douleur la plus fenfible pour
la
JANVIER . 1728. 149

la mort de fon Pere , empoisonné par fon
Oncle , pour fucceder au Thrône & au lit
de ce Roy infortuné ; on s'attend à l'accablement
où le doit jetter la mort de la Maî
treffe , le dernier eft le plus terrible coup
de la fortune ; on fe met à la place du malheureux
Hamlet , & on fe prépare à pouf
fer des foupirs & à verfer des larmes avec
lui ; mais on fe trompe : l'Auteur choiſit
cette fituation pour faire rire ceux qui
font affez fots pour fe divertir à de fades
plaifanteries.
Deux Foffoyeurs viennent fur le Théatre
pour y creufer le Tombeau de l'Amante
du jeune Prince , après s'être engagé
l'un & l'autre dans un Combat de quolibets
; un de ces vils perfonnages commence
fon travail en chantant une chanfon des
plus bouffonnes , & même des plus diffolues.
Le Prince furvient avec un de fes
Amis , & il fait aux Foffoyeurs beaucoup
de queltions affez inutiles , qui attirent
des réponſes impertinentes , farcies d'équivoques
plattes & de pointes triviales .
Its font interrompus par la Pompe funebre
accompagnée de toute la Cour , &
c'eft alors feulement que Hamlet apprend
la cruelle perte qu'il a faite . Il exprime fa
douleur d'abord par quelques termes cmpoulez
, & qui ne font nullement d'une
forte paffion ; j'aimois , dit- il , Ophelia
Giij d'une
150 MERCURE DE FRANCE .
d'une telle force , que mille freres avec
toute la quantité de leur tendreffe, ne pourroient
pas faire la fomme de mon amour ;
mais il faut excufer le pauvre Prince de
ne pas exprimer fa trifteffe d'une maniere
plus noble & plus naturelle ; le Plan de
l'Auteur veut qu'il faffe femblant d'être
fou , pour mieux cacher la vengeance
qu'il machine contre les meurtriers de
l'Auteur de fa vie . Son extravagance affectée
, jointe à la veritable folie de fa Maîtreffe
, rempliffent cet ouvrage de tant de
fottifes neceffaires au projet , que les larmes
font plus rares parmi les Spectateurs
que les éclats de rire. Ce qui produit
un effet d'autant plus bizarre , que jamais
Spectacle ne fut plus terrible que celuilà
, puifque tous les Perfonnages y pétiffent
prefque aux yeux de tout le monde,
par le fer & par le poifon.
Ce qui plaît le plus au Parterre Anglois
, c'est l'ombre du vicux Hamlet ,
qui armé de toutes piéces , vient annoncer
à fon Fils le crime du Roy & de la
Reine , & l'exciter à venger fa mort. Soit
que Shakespear fut fuperftitieux , ou qu'il
dût le paroître pour plaire au Peuple de
fon tems , imbu apparemment de ces fottes
fantaisies , plufieurs de ces Piéces font
remplies de pareilles puerilitez , qu'on admire
encore par tradition . Il eſt vrai que
les
JANVIER. 1728. 151
les beaux efprits trouvent qu'il a extrêmément
réuſſi à faire parler les êtres imaginaires
, & l'on doit convenir que le difcours
qu'on entend faire ici à l'ombre de
Hamlet eft extrêmement fort & énergique
, auffi bien que les réponfes de fon
Fils . Ce jeune Prince , ignorant encore
la deftinée de fon Pere , décrit auffi avec
beaucoup de force la légereté de fa Mere ,
qui , fi peu de tems après la mort d'un
époux d'un rare mérite , avoit pû fe réfou
dre à un fecond Hymenée ; mais, comme
il paroît , le fort de ce Poëte eft de ne
jamais rien dire de beau , fans y mêler
des traits rampans qui l'aviliffent. Il
étoit remariée avant d'avoir prefque ufé
les fouliers avec lefquels elle avoit fuivi
le cadavre de fon époux . Enfin ce qu'il y
a de bon , & même d'excellent dans cet
ouvrage , eft noyé dans un nombre infini
de fadaifes , & le tout paroît plutôt la
production d'un cerveau déreglé que d'un
génie du premier ordre.
Othello , ou le Maure de Veniſe , paffſe
pour la plus fameufe Tragédie de ce grand
Poëte.
Le Maure Othello , General des Forces
de la Republique de Venife , ayant
charmé la fille d'un Senateur , l'enleve ,
& dans un Playdoyé devant le Senat &
G iiij
le
152 MERCURE DE FRANCE .
que
le Doge , il eft abſous , à cauſe la
belle confeffe qu'elle y avoit porté fon
Amant elle-même. Les époux s'en vont
enfemble en Chypre , où la jalousie du
Maure eft excitée par la trahifon d'un
Officier nommé Iago , qui croyoit mériter
un Employ que le General avoit donné
à un autre. Il donne d'abord de legers
foupçons à Othello , contre fa femme &
contre Caffio , l'Officier qu'on lui avoit
préferé ; il porte ce dernier à une débauche
, qui fe fait fur , le Théatre même .
Iago y chante quelques fades Chanſons
à boire , & Caffio y paroît d'une yvreffe
qui eft tout-à - fait divertiffant. Dalfsenie
fituation , Iago paroît allarmé ; & pour
donner un tour criminel à l'affaire , il;
fait fonner les Cloches. Le General arrive
au bruit du tumulte , & irrité contre
Caffio , il lui ôte fon Employ . Ce
malheur le fait revenir tout d'un coup
de fon yvreffe ; il eft inconfolable
de fa
faute , & le traître fe fert de cette occafion
pour lui infinuer de tâcher d'obtenir
fon pardon par l'interceffion de la femme
du Maure.
Cette femme , que l'Auteur nomme
Desdemona , eft portée par fon penchant
naturel à fervir Caffio avec chaleur , ce
que lago a encore l'art d'empoifonner.
Le
JANVIER. 1728 .
153
Le Maure crédule fe refroidit pour fon
époufe , & il allegue un grand mal de tête
pour prétexte de fa froideur : là - deſſus
elle tire de fa poche un mouchoir pour
lui en bander la tête ; il le jette avec indignation
, & ce mouchoir , qui étoit le
premier gage d'amour qu'il avoit donné
à fon époufe , refte fur le Théatre . Il eſt
trouvé par la femme de Iago , Dame
d'honneur de l'Heroine de la Piece ; elle
le donne innocemment à fon mari , qui
le lui demande , & qui prêt à le jetter
dans l'appartement de Caffio , confirme
la jaloufie du General , en l'affurant
que Defdemona avoit donné ce mouchoir
à fon Amant prétendu , qui cependant
le trouve & s'en met en poffeffion. Le
Maure s'étant éclairci de la verité du fait,
ordonne à Iago de tuer Caffio , & il fe
réfoud lui-même à ôter la vie à fa femme
, ce qu'il fait en l'étouffant dans fon
lit. Dans le même temps , Iago pouffe ce
mari barbare , qu'il avoit déja mis aux
mains avec Caffio , lequel étoit amoureux
de Desdemona , à attaquer fon rival dans
l'obfcurité . Il le fait . Caffio fe défend &
le bleffe mortellement . Dans le temps.
qu'ileft bleffé lui -même , Iago , qui avoit
été préfent au combat , fait femblant d'accourir
aux cris des bleffez , & il acheve
de tuer l'affaffin pour cacher plus fùre-
Gv ment
154 MERCURE DE FRANCE.
ment la part qu'il avoit au crime Cependant
on emporte les bleffez , & la
femme de lago entrant dans la chambre
où Othello venoit d'étouffer fa femme
le furprend & l'afflige beaucoup , en lui
apprenant que Caffio n'étoit pas mort.
Elle voit fa Maîtreffe expirante , & inftruite
par le Maure de la caufe de fa
cruauté ; elle débrouille tout le mystere
de la trahifon de fon époux. Il entre
elle s'emporte contre lui , & excite le traître
à lui paffer fon épée au travers du
corps. On le prend , & l'on fe faifit d'Othello
qui fe donne la mort à lui - même ,
& le Gouvernement de l'Ile de Chypre
cft donné à Caffio .
Le plan de cette Piece eft trop groffierement
défectueux pour en faire la critique.
On peut dire feulement que les Acteurs
font obligez de retrancher 3 ou 4.
Scenes des plus impertinentes , & qu'on
ne comprend pas commeut la femme d'Othello
, toute étouffée qu'elle eft , peut
encore parler fi long -temps à fa Damed'honneur
; fi elle alloit expirer par l'effet
de l'épée ou du poifon , la chofe feroit
probable , mis une perfonne étouffée
doit être privée de tout fentiment , ou fi
elle trouve la force de parler , elle peut
bien en revenir tout à fait. Je fuis , &c.
NOU
JANVIER. 1728. ISS
XXXXX:XX XXXXXXXX
NOUVELLES DU TEMPS.
Ο
TURQUIE .
Na eu avis de Salé , que les habitans
de la Ville de Fez s'étoient
foulevez , que Muley- Hamet Debi , Roi
de Miquenez fe préparoit à aller les bombarder
; que la maifon du Gouverneur
de Tetouan avoit été pillée & brulée par
lesHabitans , qu'il s'étoit retiré àTanger,où
il avoit raffemblé quelques Troupes avec
lefquelles il tenoit la Campagne ; & qu'on
n'avoit eû depuis deux mois aucunes nouvelles
de Muley Abdemelec , frere du
Roi de Miquenez .
' Suivant les Lettres de la Frontiere de
Pologne , le foulevement des Tartares de
Crimée , de Beffarabie & de Caſan , qui
fe font unis au Sultan Dely , donnoient
de grandes inquiétudes au Grand- Vizir :
leur armée , qui eft de plus de 150000.
hommes , s'approche de la Valachie &
de la Moldavie , dont ils demandent qu'on
leur remette les Hofpodars , entre les
mains , pour le vanger des perres qu'ils
leur ont caufées pendant les deux dernieres
années.
D'autres Lettres de l'Ukraine ajoûtent
G. vj que
156 MERCURE DE FRANCE:
que les Hofpodars de ces deux Provinces
avoient joint fept Pachas que le Grand-
Seigneur a envoyez vers la Frontiere , à
la tête d'un Corps de Troupes confiderable
, pour couvrir le Pays avec celles
que le Pacha de Choczin a ordre d'y
conduire auffi , que l'alarme étoit fi grande
dans tous les lieux circonvoifins , que
la plupart des Habitans avoient pris la
fuite avec leurs meilleurs effets , que le
Sultan Dely avoit refufé d'écouter les
propofitions d'accommodement qui lui
avoient été faites de la part de S. H. &
qu'on craignoit fort à la Porte les fuites
de cette Rebellion , qu'on ne peut faire
ceffer que par une bataille qui pourroit
être defavantageule à cet Empire.
On a appris de Conftantinople , que
le Grand -Vizir avoit donné part à tous
les Miniftres Etrangers , à la réſerve de
ceux du Czar & de la République de
Venife , du dernier Traité de Paix conclu
entre le Grand - Seigneur & le Sultan
Acheraf ; qu'il avoit dépêché des Courriers
à ce fujet aux Gouverneurs des Places
Maritimes , afin que le Commerce
interrompu depuis long - temps , pût s'y
tétablir après la publication de cette nouvelle
, & que le bruit couroit qu'il avoit
été réfolu dans le dernier Divan de rappeller
les Commiffaires de fa Hauteffe ,
envoyez
JANVIER. 1728. 197
envoyez il y a environ un an du côté de
Terki pour regler avec ceux de S. M.
Czarienne , les limites des conquêtes que
les Mofcovites ont faites de ce côté -là .
RUSSIE.
Na reçu avis par un Courier ar
rivé de Derbent , qu'un Corps de
Troupes Perfanes , qu'on dit être de
50000. hommes , s'étoit pofté fur les
Côtes dela Mer Cafpienne ; que le Sultan
Acheraf avoit commencé à faire fortifier
la Ville de Schirvan ; qu'il y faifoit
conſtruire des Bâtimens plats pour aller
reconnoître les Villes de la Côte conquife
par le feu Czar ; qu'il avoit attiré
par fes promeffes une grande partie des
Matelots qui fervoient fur les Bâtimens
des Mofcovites ; qu'il faifoit venir plufieurs
trains d'Artillerie , beaucoup de
munitions de guerre & des Ouvriers pour
conftruire des Vaiffeaux : que d'un autre
côté la plus grande partie des Troupes
du G. S. défiloit du côté de la Geor◄
gie, & qu'on ne doutoit plus que les
deux Puiffances n'euffent pris la réfolu
tion d'agir de concert pour forcer le
Czar à abandonner les Conquêtes du
Czar fon Ayeul.
On atenu à Petersbourg , à l'occafion
de
158 MERCURE DE FRANCE.
de ces nouvelles , divers Confeils de Guerre
dans lefquels on a pris de nouvelles précautions
pour la sûreté de ces Provinces ,
& l'on va y envoyer encore des Troupes ,
& 3. ou 400. Matelots pour remplacer
ceux qui font morts , ou qui ont deferté .
On mande de Tobolskoy , Capitale de
la Siberie , que le Prince Menzikoff qui
eft prifonnier dans le Château de Tanzirk,
à20. milles de cette Ville , y eft tombé
dangereufement malade ; & que malgré
l'état fâcheux où il fe trouvoit , on né
lui laiffoit voir d'autres perfonnes que
les deux domestiques qu'il avoit avec lui
pour le fervir .
Lzar a ordonné de prier Dieu dans
toutes les Eglifes pour fa grand- mere
veuve & premiere époufe du feu Czar
& enfuite pour la Grande Ducheffe fa
fæeur , le Duc d'Holftein , la Ducheffe fon
époule & la Princeffe Elizabeth , étant
compris dans l'expofition du refte de la
Famille Royale .
On affure que S. M. Cz . a déclaré qu'après
la Cérémonie de fon Couronnement ,
elle fe rendra de Mofcou à Riga pour
aller voyager enfuite dans diverfes Cours ,
à l'exemple du feu Czar , fon Ayeul .
En confequence des dernieres réfolutions
du Confeil de Guerre , on augmen
te les Troupes du Czar de 54000 hommes
JANVIER. 1728. 159
mes , fans compter les Cofaques & les
Tartares qui fe font mis fous la protection
de S. M. Cz. & qui peuvent faire
encore un Corps de Troupes de 20 à
25000. hommes,
On a reçû avis de Gluckow en Ukraine
, qu'on y avoit fait depuis peu l'Election
d'un General de la petite Ruffie , ૐ
la place de M. Jean Elievier Scoropadaski
, qui n'étant plus en état d'exercer
cette Charge dès 1722. engagea le feu
Czar à établir un Confeil qui a gouverné
cette Province jufqu'au premier Octobre
dernier. Suivant ces Lettres , la Garni--
fon de Gluckow s'étant renduë ce jour
fur la Place qui eft devant l'Eglife de
cette Ville , elle y forma un cercle autour
d'une Eftrade qu'on y avoit élevée , & qui
étoit couverte deDrap cramoifi . Le SecretairedeM.
Theodore Naumow , Confeiller
au Confeil d'Etat du Czar , y arriva , tenant
en main les Ordonnances de S. M.
Cz. pour l'Election d'un nouveau General..
Le Bâton de Commandement étoit porté
par un Officier , fur un Carreau de velours
cramoifi , ainfi que l'Etendart , la
Queue de cheval & le grand Sceau . M.
Naumow & M. d'Apoftol premier Colonel
de l'Ukraine , s'y rendirent une heure
après dans un Caroffe à fix chevaux , accompagnez
d'un nombreux Cortege . On
L.
fig
160 MERCURE DE FRANCE.
fit la levée du Decret du Czar , après quoi
toute l'Affemblée nomma pour General
M. Daniel d'Apoftol , Colonel de Mirogrod
, qui voulut refufer le Commande.
ment à caufe de fon grand âge ; mais l'Affembléel'ayant
prié avec inftance d'accepter
le Bâton de General , il y confentit.
Alors les Colonels s'approcherent de lui ,
& le porterent fur leurs épaules jufqu'à
l'Eftrade pour le faire voir au Peuple qui
témoigna fon approbation & fa joye par
des acclamations réiterées . M. Naumow,
Confeiller d'Etat , lui remit le Bâton &
les autres marques de fa nouvelleDignité ;
enfuite il le conduifit à l'Eglife , où l'Archevêque
de Kiovil , affifté des Evêques
de Ckernihovil & de Serejaflao , entonna
le Te Deum , qui fut chanté au bruit d'une
triple falve d'Artillerie . Le nouveau General
y prêta Serment de fidelité à S.
M. Cz. entre les mains de l'Archevêque.
Après la Liturgie , il fe rendit au Palais
où il fut complimenté par la Nobleffe &
le Clergé qui le regala magnifiquement.
POLOGNE .
E 21. du mois dernier, le Maréchal &
les autresMembres du Tribunal de Lubin,
prêterent Serment à Varfovie , fuivant
qu'il eft ordonné par un nouveau Reglement
JANVIER . 1728 .
161
ment , qui leur en joint dorénavant laJuftice
avec plus d'équité , & qui leur défend de
recevoir aucun prefent des Parties . Enfuite
ce Tribunal fut prorogé , & l'on chanta
le Te Deum dans l'Eglife des Jefuites . Toutes
les Séances de ce Tribunal ne fe font
pas tenues avec autant de tranquillité
qu'on l'efperoit. Plufieurs Gentilshommes
y ont pris querelle , & l'un d'eux a eu la
tête emportée d'un coup de fabre .
Le Duc Ferdinand de Curlande a envoyé
un Agent à Mittau , pour y prendre
foin de fes Affaires pendant fon féjour à
Dantzic. Le bruit court que ce Prince a
deffein de nommer le Prince de Heffe-
Hombourg pour fon fucceffeur , & de folliciter
auprès du Roy & de la Republique
de Pologne pour faire approuver cette
difpofition qu'il prétend être en droit de
faire en vertu des premieres Lettres d'Inveftiture
du Duché , par lefquelles le Roy
Sigifmond. Augufte accorda au dernier
Duc de la Maifon de Kezeller , la permiffion
de nommer un Prince Allemand pour
fon Succeffeur.
Les Lettres de Kaminietz du 22. Decembre
, portent que le Sultan Deli étoit
arrivé près des Frontieres de la Walachie ,
à la tête de près de 150. mille hommes,
tant Tartares que Cofaques ; que l'Hofpodar
de cette Province s'étoit fauvé de
Gacy
162 MERCURE DE FRANCE.
+
Gacy à Choczin , & que plufieurs Pachas
Turcs y avoient raffemblé un corps de
Troupes très confiderable pour couvrir
le Pays, & empêcher ces Rebelles de faire
des courfes fur les Terres du G. S. mais
on efpere que le Sultan Deli fe retirera dès
qu'il aura reçu la nouvelle de l'Amniſtie
que S. H. lui a accordée par le Trairé
qu'il a conclu avec le Sultan Acheraf.
On a reçu avis des Frontieres , que la
maladie contagieufe faifoit de grands ravages
à Sieza & à Beckoy , petite Ville
où réfide ordinairement le Kan des Tartares
, qui a été obligé de fe retirer à 15 .
lieues de- là.
O
DANNE MA
Nmande de Copenhague , que le
Baron de Bothmat ayant reçû de
Londres la ratification de l'Acte de Garantie
conclu entre le feu Roy d'Angleterre
& S. M. Danoife , pour les Etats
qu'ils poffedent en Allemagne , il le remit
le 6. de ce mois entre les mains du Roy.
Le Comte de Schulembourg , qui commande
dans le Holftein , a été averti de
fe tenir prêt à marcher au premier ordre
pour s'oppofer au paffage des Troupes du
Duc d'Holftein du côté d'Emborn .
ALJANVIER.
163 1728 .
.
LE
ALLEMAGNE .
Es Magiftrats de Kiel ont fait faire
un Berceau d'argent de 160. marcs,
pour le Prince ou pour la Princeffe dont
la Ducheffe d'Holftein , époufe de leur
Souverain , doit accoucher dans le courant
de ce mois.
Le Roy de Pruffe arriva à Drefde le
14. de ce mois , accompagné du Comte
de Lottum , Baron de Grumkau , de M.
Ditzchau , Confeiller Privé , de M. de
Gorn & de Mrs de Montellian & Ferrand
, Chambellans. S. M. Pr. ayant déclaré
qu'elle vouloit garder l'incognito ,
alla defcendre à l'Arcenal chez le Comte
de Wackerbaert , où le Roy de Pologne fe
rendit d'abord pour lui faire vifite. Le
Roi de Pruffe prit enfuite un habit de
Mafque , & il alla chez le Feldt- Maréchal
, Comte de Flemming , où il fut
reçû par le Prince Electoral & par l'Archiducheffe
fon époufe , au bruit d'une
triple falve d'artillerie . On y fervit un repas
magnifique , dont tous les conviez
étoient en habits de bal uniformes , de taf
fetas rouge : le repas fut fuivi d'un bal
dont le Roy de Pruffe fit l'ouverture avec
la Princeffe de Radzivil , époufe du Comte
de Flemming.
Le
164 MERCURE DE FRANCE.
Le 15. au matin , le Roy de Pologne,
le Prince Electoral fon fils , & les Principaux
Seigneurs de cette Cour , allerent
rendre vifite au Roy de Pruffe , & les
deux Rois dinerent enfemble au Palais ,
où il y eût l'après -midy Comedie & jeu .
Le 16. au foir , le Prince Royal de
Pruffe arriva à Drefde , incognito , & il fut
reçu chez le Comte de Flemming , par le
Prince Electoral de Saxe .
W
Le 17. il y eut une magnifique courſe
de Traineaux , divifée en quatre quadrilles
, qui fut fuivie de plufieurs Joutes , où
les Dames & les Cavaliers coururent pour
les Prix . Cette Fête fut terminée par un
grand feftin & par un bal qui dura jufqu'à
trois heures après minuit. Une heure
après , on fut obligé de donner l'allarme
à toute la Ville , à caufe du feu qui venoit
de prendre à la maiſon du Comte
de Wackerbaert . Le principal foin de ce
Seigneur , fut de pourvoir à la fureté du
Roy de Pruffe qui étoit logé chez lui , &
d'empêcher que le feu ne fe communiquât
à l'Arcenal . Sa maifon fut confumée
en très peu de temps , avec ce qu'il
y avoit de plus précieux , & on ne put
rien fauver de fa Bibliotheque , dans laquelle
il y avoit un magnifique Recueil de
Manufcrits & de Deffeins , qu'il raffembloit
depuis 40. ans avec beaucoup de
déJANVIER.
1728. 16S
dépenſe. Le Roy de Pruffe alla paffer le
refte de cette nuit chez le Comte de
Flemming.
Le 18. le Comte de Wackerbaert ayant
demandé au Roy de Pologne , une autre
maiſon voiſine de l'Arcenal , pour y loger
jufqu'à ce que la fienne fut rebâtie
S. M. qui vouloit le dédommager plus dignement
, lui fit don d'une autre maiſon
beaucoup plus belle , dans laquelle on
avoit danfé la veille , & de tous les meubles
dont on l'avoit ornée pour recevoir
le Roy de Pruffe.
On apprend de Vienne , qu'on a envoyé
ordre à M. Dierling , Refident de
l'Empereur à Conftantinople, de déclarer
au Grand Vizir , que S. M. I. ayant figné
un Traité d'alliance avec le Czar , elle fera
obligée de lui fournir des fecours , au cas
que le Gr. S. lui déclare la guerre ; mais
que pour éviter toute rupture entre les
Mofcovites & les Turcs , l'Empereur vouloit
bien être Médiateur de leurs diffe .
rends .
I été
ESPAGNE.
La été réfolu dans le Confeil de Marine
, d'établir à Cadiz une nouvelle
Compagnie de Gardes de Marine qui feront
unis au Corps de l'Académie de
Madrid , d'où l'on tirera des Officiers
pour
166 MERCURE DE FRANCE.
pour les Vaiffeaux du Roy , dont le nonbre
eft confiderablement augmenté.
Le 30. du mois dernier , il arriva à
Cadiz un Courier avec les ordres de la
Cour , pour faire diftribuer les Effets provenans
du retour de la Flotille , aux Négocians
qui y font intereffez , en retenant
23.4. pour cent fur l'argent , 12- fur l'or
& 8. fur les Marchandifes . On ajoute que
cette augmentation des droits du Roy , qui
eft très - conſiderable , principalement fur
l'argent , avoit donné lieu à plufieurs affemblées
, tant de la Chambre de commerce
que des principaux Commerçans , &
qu'ils ont dépêché deux Députez en Cour
pour demander quelque diminution.
Les troupes Eſpagnoles du Camp devant
Gibraltar , qui avoient eu ordre d'en
partir pour le rendre dans les quartiers
qu'on leur avoit marquez , s'étant mifes
en route , ont reçu à quelques lieuës du
Camp , de nouveaux ordres d'y retourner.
Lin
ITALIE.
E 22. du mois dernier , le Pape tint
un Confiftoire fecret , dans lequel le
Cardinal Ottoboni , Protecteur des Affaires
de France , propofa l'Archevêché
de Toulouze pour l'Evêque de S. Pons .
Il préconifa enfuite l'Abbé Guenet pour
PEJANVIER
. 1728. 167
fEvêché de S. Pons , & l'Abbé de Montclus
pour l'Evêché de S. Brieu .
On mande de Venife , que le 24. du
mois dernier , le Primicier de l'Eglife
Ducale de S. Marc , qui a le droit d'y
faire toutes les fonctions Epifcopales ,
fans dépendre du Patriarche
y celebra
pontificalement la Meffe à fix heures du
foir , fuivant l'ancien ufage.

Le 26. au foir , les Théatres furent ou
verts & les Mafcarades commencerent .
Le 4. de ce mois , on publia un Ordonnance
du Confeil des Dix , qui a été
lûë dans toutes les Eglifes , par laquelle
il eft deffendu pendant le Carnaval d'aller
en Mafque les jours de Fête de commandement,
finon le foir ; non plus que
la veille & le jour de la Purification de
la Vierge , durant lefquels les Théatres
d'Opera & de Comédies feront fermez ,
de même que toute forte d'Affemblées
de Jeux & d'autres Divertiffemens du
Carnaval .
On mande de Naples , qu'on y avoit
reçû avis que la Galere Patronne de ce
Royaume , avoit fait naufrage fur les
Côtes de Tropea , & qu'il ne s'étoit
fauvé aucun homme des 282. qui en
compofoient l'Equipage & la Chiourme.
Le Capitaine de la Galere , la Sainte Eli.
fabeth , à laquelle la Patronne fervoit de
conferve
168 MERCURE DE FRANCE.
conſerve , ayant eu la dureté de ne pas
permettre que cette Galere mit fon monde
à terre , a été arrêté par ordre du Cardinal
Vice-Roi , qui a nommé des Commiffaires
pour lui faire fon Procès.
Le Mont Vefuve continuë de jetter des
flammes par diverfes embouchures & l'on
a reffenti encore quelques fecouffes de
Tremblement de Terre.
On écrit de Rome que le s . de ce mois,
M. Cibo , Majordome du Palais Apoftolique
, envoya de la part du Pape à l'Electeur
de Cologne , un préfent de 30,
Baffins remplis de Gibier & de Confitures
.
Le 13. Fête de fainte Luce , le Cardinal
de Polignac , chargé des Affaires du Roy
T. Ch. fe rendit en grand cortege à l'Eglife
Patriarchale de S. Jean de Latran ,
où la Meffe celebrée par l'Evêque d'Eleutheropolis,
fut chantée à plufieurs Choeurs
de Mufique , en action de graces à Dieu
de la converfion du Roy Henry le Grand
à la Foi Catholique. Les Cardinaux Ottoboni
& Belluga y affifterent , ainfi qu'un
grand nombre de Prélats , & l'Electeur
de Cologne s'y trouva incognito avec
plufieurs perfonnes de fa fuite. Après la
Meffe , le Cardinal de Polignac donna
un repas magnifique .
On a eu avis de Meffine qu'on y avoit
reçû
JANVIER . 1728 . 169
reçû des Lettres Patentes de l'Empereur ,
pour l'établiffement d'un Port franc dans
cette Ville.
On mande de Turin , que le Roi de
Sardaigne a donné de nouveaux ordres
pour continuer les levées de Soldats qu'il
avoit ordonnées dès l'année derniere .
On apprend de Rome que le Pape avoit
fait prefent à la grande Princeffe de Florence
, d'un très - beau Crucifix d'argent
doré , dans lequel on a enchaffé un morceau
de la vraye Croix . S. S. y a joint
un Bref qui permet à cette Princeffe de
faire expofer cette Relique à la veneration
des Peuples , les jours de l'Invention
& de l'Exaltation de fainte Croix.
On apprend auffi qu'un homme vêtu
en Payfan , fe prefenta à l'Audiance du
Rape , & fe jetta à fes pieds , lui découvrant
, les larmes aux yeux , qu'il étoit
Prêtre & Capucin . S. S. l'embraffa avec
tendreffe , l'appella fon frere , & ordonna
à un Ecclefiaftique du Palais , de le conduire
au General de l'Ordre , de le recommander
de le traiter avec douceur ,
& de lui pardonner fon évaſion .
On croyoit à Naples recevoir les Lettres
Patentes de l'Empereur pour l'établiffement
d'un Port franc à Meffine , mais
on a fçû que l'expedition en avoit été
retardée par l'oppofition de la Républi
H que
170 MERCURE DE FRANCE .
de Veniſe , qui a engagé dans fes interêts
plufieurs Puiffances d'Italie, au commerce
defquelles ce nouvel établiffement pourroit
porter un grand préjudice.
Le débordement du Pó a caufé auffi
de grands dommages dans le Duché de
Ferrare , dont plufieurs maiſons ont été
entraînées , & la plupart des terres couvertes
de fable.
Les Lettres de Rome portent encore
que dans le dernier examen des Evêques ,
M. Rambert de Chambery , Evêque
d'Aofte , dans les Etats du Roy de Sardaigne,
s'étoit diftingué d'une maniere extraordinaire
, & que depuis long temps il
n'avoit paru perfonne dont le Confiftoire
eût été fi fatisfait , & qu'il avoit mérité ´un
compliment particulier du S. Pere & des
Cardinaux .
Ces Lettres ajoûtent qu'il y fait des
pluyes continuelles qui inondent toutes
les campagnes , & qu'on a ordonné
des Prieres publiques pour demander du
beau temps . A Venife on a expofé le
S.Sacrement dans toutes les Eglifes , & on
a fait des Prieres publiques pendant trois
jours pour obtenir du Ciel un temps ferein.
A Naples & aux environs , il a fait
des pluyes continuelles pendant douze
jours & douze nuits , qui ont caufé de
très-grands dommages. Toutes les Rivieres
JANVIER 1728. 171
res font forties de leurs lits , & la Ville de
Reggio a beaucoup fouffert par les torrens.
Les Seigneuriesde Triolo , de Bocalino
& quelques autres, ont été fubmergées,
ainfi que la plupart des Villages qui font
dans les bas quartiers de la Marine.

On publia à Rome au commencement
de ce mois une Bulle de Jubilé qui doit
durer pendant 15. jours , tant dans cette
Ville que dans toute l'Italie ; & l'on a indiqué
des Prieres pour demander à Dieu
qu'il daigne préſerver ce Pays des fléaux
dont il femble être menacé par les fréquens
tremblemens de terre qu'on reffent ,
& par les tempêtes prefque continuelles
qu'on a effuyées depuis environ deux mois .
Les Opera , les Comédies & les autres
divertiffemens ordinaires du Carnaval
font deffendus pendant ce tems de dévotion.
Dans ce même tems , le Pape fe rendit
dans l'Eglife de S. Michel des Servites
; & après avoir confacré le nouvel Autel
qu'on y a érigé , fous l'invocation de
S. Pelegrino Laziofi , S. S. fit une Exhortation
très-édifiante fur les difpofitions
dans lesquelles on doit être pour meriter
les graces & les Indulgences du Jubilé.
Elle choisit S. Pelegrino pour Protecteur
du peuple dans les calamitez préfentes ,
& elle prononça une nouvelle Formule
de Priere avec tant de zele , que tour
Hij
l'Au172
MERCURE
DE FRANCE.
l'Auditoire
en fut attendri.
Le 18. Janvier , l'Electeur de Cologne
fe rendit vers les quatre heures après midi
au Palais du Vatican , où il prit congé
du Pape . Ce Prince alla enfuite avec la
Grande Princeffe Douairiere de Florence ,
fa Tante , voir l'Opera au Théatre Alberti
, où le Cardinal Sienfuegos leur
fit fervir une magnifique Collation . Le
30. au matin , S. A. Elec . partit de Rome
pour Naples.
Le bruit court que le P. Gotti , Dominiquain
de Bologne , ayant fçû qu'il étoit
un des fix Cardinaux réſervez in petto , de
Ja promotion du mois de Decembre 17 26 .
a écrit au Pape pour le remercier du Chadont
il vouloit l'honorer , s'excufant
peau
fur fon grand âge & fur fes infirmitez qui
ne lui permettent pas de vaquer aux fonction
de cette Dignité . On affure que Sellery
, Religieux du même Ordre , fera
nommé à fa place .
LE
GRANDE BRETAGNI,
E Vaiffeau de Guerre , l'heureux Spova,
commandé par le Capitaine Foulks , eft
arrivé de la Jamaïque à Plimouth , ayant
à bord le corps du feu Vice - Amiral d'Hofier
, qui fera inhumé dans l'Eglife de
Abbaye Royale de Weftmiafter.
Le
JANVIER. 1728 .
173
Le jour de Noël , fuivant l'ancien ftile,
le Roy revêtu du Collier de l'Ordre de
la Jarretiere , fe rendit en grand cortege
à la Chapelle de S. James , où S. M. la
Reine & la Princeffe Royale communierent
par les mains de l'Evêque de Londres.
Le Vaiffeau le Lys , commandé par le
Capitaine Dunlop , qui revenoit de la
Jamaïque en Ecoffe , a été pris par un
Armateur Espagnol qui a mis l'Equipage
à terre dans l'Ile de S. Domingue.
Les Lettres de la Jamaïque du 13. Oc
tobre dernier , portent que les Facteurs
de la Compagnie de la Mer du Sud y
étoient revenus de Porto Bello & de Cartagene
, & qu'ils avoient rapporté que
tous les Effets de la Compagnie y avoient
été faifis .
On mande de divers endroits des Provinces
de ce Royaume , que les pluyes exceffives
ont tellement fait déborder les
rivieres , que les chemins ont été inondés
& rendas prefque impratiquables.
On parle du Projet qu'a fait un Ingénieur
, pour faire couper la langue de terre
qui joint Gibraltar au continent , fans
qu'il en coûte beaucoup à la Nation .
On apprend de Londres que le nommé
Barret avoit été mis en prifon pour avoir
battu fon propre fils avec tant de violence
qu'il en mourut fur la place.
Hij
Le
174 MERCURE DE FRANCE .
Le 17 de ce mois , Fête de l'Epiphanie ,
fuivant l'ancien ftile , les Chevaliers de
l'Ordre de la Jarretiere , du Chardon &
du Bain , s'étant rendus au Palais de S. James,
en habits de cérémonie , le Roy alla
en grand Cortege à la Chapelle Royale
de ce Palais , où S. M. fit , faivant la coutume
, une Offrande d'or , de myrrhe &
d'encens.
Le 8. on fit partir de Londres un Vaiffeau
, ayant à bord 43. Bombardiers ou
Canoniers qu'on envoye à Gibraltar . On
a fretté unautre Vaiffeau pour y tranfporter
16. Piéces de Canons de bronze , & des
Recrues pour les Régimens qui font en
Garnifon dans l'Ifle de Minorque.
HOLLANDE , PAYS - BAS.
O
N mande de Bruxelles que les Entrepreneurs
de la Baleine ne font
point rebutez par la perte de 80000. florins
qu'ils ont faite l'année derniere , & qu'ils
ont réfolu d'envoyer encore quatre Bâti
mens à cette pêche .
RANCE
JANVIER. 1728. 175
XXXXXXXXXXXXXXX
FRANCE ,
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c .
Laien in vola
A nuit du 21. au 22. du mois dernier
, on vola dans l'Eglife de l'Hôtel
Royale des Invalides une Croix d'argent de
40. marcs qui étoit fur le Grand Autel .
Le premier de ce mois , les Princes &
Princeffes du Sang , & les Seigneurs &
Dames de la Cour eurent l'honneur de
complimenter le Roy & la Reine , fur la
nouvelle année .
Le même jour , les Chevaliers , Commandeurs
& Officiers de l'Ordre du faint
Efprit , s'étant rendus dans le Cabinet du
Roi pour l'accompagner à la Meffe , S. M.
tint Chapitre , & propofa pour être Chevaliers
Commandeurs de l'Ordre du faint
Efprit , le Prince de Dombes , le Comte
D'Eu , le Duc de Richelieu , Ambaffadeur
Extraordinaire du Roi auprès de
l'Empereur , le Duc de S. Simon , le
Duc de Giovenazzo , Grand Ecuyer de
la Reine d'Espagne , le Maréchal Duc de
Roquelaure , le Maréchal d'Alegre & le
Comte de Gramont . Lorfque le Roy en
cut figné le Rolle , il le remit au Marquis
Hiiij de
176 MERCURE DE FRANCE .
·
de Breteuil , Commandeur , Prévôt &
Maitre des Ceremonies , qui fortit du
Cabinet pour le faire proclamer par le
Herault. S. M. fe rendit enfuite à la Chapelle
du Château , étant précedée du Duc
d'Orleans , du Duc de Bourbon , du Comte
de Charolois , du Comte de Clermont,
du Duc du Maine , du Comte de Toulouze
& des Chevaliers , Commandeurs
& Officiers des Ordres . Le Roy , devant
lequel les deux Huiffiers de la Chambre
portoient leurs Maffes , étoit en Manteau,
le Collier par- deffus , ainfi que les Chevaliers.
S. M. après avoir affifté à la grande
Meffe qui fut celebrée pat l'Abbé Tefnieres
, Chapelain ordinaire de la Chapelle
de Mufique , fut reconduite à fon appartement
dans le même ordre qui avoit
été obfervé en allant à la Chapelle. La
Reine accompagnée des Dames de fa
Cour, étoit dans la Tribune , où S. M. entendit
la grande Meffe.
Le 2. le Roy & la Reine partirent de
Verfailles pour aller à Marly , où L. M. demeureront
quelque temps .
Le 15. le Duc de Luxembourg prêta
ferment , & pris féance au Parlement en
qualité de Pair de France , avec les Ceremonies
accoutumées.
Au commencement de ce mois , on
a fcellé au coin de chaque rue dans tout
Paris
JANVIER 1728. 177
Paris , environ à dix pieds d'élevation ,
par ordre du Lieutenant General de Police
, des Plaques de fer- blanc , où l'on
lit en gros caracteres noirs , le nom de
chaque ruë.
Le Roy , qui a paffé tout ce mois à
Marly , a fouvent pris le divertiffement
de la Chaffe du Cerf , du Sanglier , du
Dain & du Chevreuil dans la Forêt de
S. Germain. S. M. a été plufieurs fois
rirer des Faifams , & Elle a fait dans le
Parc de Marly , diverfes batues de Lapins.
Dans la derniere qui fut faite , on
en tua 198 .
Pendant le féjour de la Cour à Marly,
Leurs Majeftez ont foupé à une table de
18. couverts , avec les Princes , Princeffes
, Seigneurs & Dames , nommez pour
Marly. Le matin , le Roy & la Reine
mangent à leur petit couvert. Le Lundy &
Le Mercredy , il y a Concert chez la Reine .
La veille de la Fête de l'Epiphanie , on
tira un Gareau des Rois , & la Maréchale
de Bouflers fut Reine . On tira un autre
Gateau le jour des Rois , & la Reine eut
la féve.
Le 19. de ce mois , pendant la Meffe
du Roy, l'Archevêque de Toulouze , prê
ta ferment de fidelité entre les mains de
Sa Majefté.
Le 25. la Cour quitta le deuil qu'on
Hv avoit
178 MERCURE DE FRANCE.
$
avoit pris pour la Princeffe , mere du Roy
Stan:flas .
On écrit de Picardie , qu'il y a au Bourg
de Pont , la fille d'un Bourrelier , âgée de
I 2. ans , dont la taille gigantefque a déja
plus de 5 pieds & demi de hauteur ; bien
des gens vont la voir par curiofité-
BENEFICES DONNE Z.
'Evêché de Vence , vacant par la démiffion
de l'Abbé de Bourchenu , a
été donné au Pere Surian de l'Oratoire .
L'Abbaye de Rigny , Ordre de Citeaux ,
Diocèle d'Auxerre , vacante par le décès
de M. de Druy , en faveur de M. Flodoart
Morel de Bourchenu , cy - devant
Evêque de Vence.
L'Abbaye de Beaulien , au Diocèle de
Verdun , vacante par le déceds de M.
de Romecourt , en faveur de l'Abbé de
Livry , Ambaffadeur de Sa Majefté en Pologne.
L'Abbaye de Nôtre- Dame de Simorre ,
au Diocèle d'Auch , Ordre de S. Benoît ,
vacante par la démiffion de M. de Puget ,
Evêque de igne , en faveur de M. François
de Puget , Prêtre , Docteur en Théologie.
Evêque
JANVIER. 1728. 179
MODE S.
Ce n'eft pas tout- à - fait la faute du Mercure
, fi cet article paroît fi peu fouvent :
depuis le dernier que nous avons donné
fur cette matiere , la Mode n'a preſque
rien produit de remarquables.
,
Les Jufte- au- corps n'ont point changé
fi ce n'eft qu'on voit beaucoup plus
de manches en pagodes ou fermées
qu'ouvertes. Elles font longues & étroites
, & bien des gens qui trouvent avec
raifon qu'elles n'ont point de graces , s'en
tiennent aux manches ouvertes . Les
habits férieux & enrichis de broderies ,
point d'Eſpagne , de Cartifanes ou d'étoffes
d'or & d'argent ne fe font point
autrement .
Les Dames n'ont pas changé grand chofe
à leur coëffure. On a ajoûté aux Garnitures
de Gaze & de Marly , une frange
de foye feftonnée avec du Cordonnet qui
en fait le contour . Il y en a de Marly , travaillé
en Mofaïque & en Quadrille ou
Moulinet. Mais depuis peu on met un
Tréfle à la place du Quadrille , c'eſt la
grande mode. On porte auffi des Garnitules
de Blondes de foye , façon d'Angleterre
& d'Alençon , fans aunage.
H vj La
180 MERCURE DE FRANCE.
La Marmotte , qu'on appelle auffi Sa
voyarde , eft une efpece de Dormeufe , où
il y a une barbe coupée en dedans & une
à l'ordinaire qui fe remonte avec un petit
ruban pour nouer fous le menton , comme
les anciennes coëffures qu'on appelloit
autrefois Maintenon , & qui n'étoient
en ufage que chez les perfonnes d'un certain
âge.
La Dormeufe qu'on a déja décrite , fe
porte avec un Défefpoir. Il y en a à réveil ,
c'eft-à dire , que le ruban qui formoit un
Quadrille au bas , on le paffe entre les
deux pièces , & au lieu de Quadrille on y
fait deux ou trois anneaux un peu longs.
On y a ajoûté une troifiéme dentelle &
même une quatriéme , tenant enfemble.
On monte ces coëffures fans défefpoir &
fans Réveil . On y met toujours un ruban
qui fait deux cornes fur le devant de la
tête, & une Savoyarde derriere , ou ruban
à deux cornes , dont les deux bouts pen
dent fur le chignon .
On porte des bonnets picquez en arrie
re-point , & des Cabochons doublez de
papier fans fil d'arechal . Pour la nuit on
porte des bonnets matelaffez , & pour le
jour demi matelaffez . Mais la coëffure
qui revient le plus à la mode , c'eft celle
qu'on appelle la Chartreufe . C'est proprement
JANVIER. 1728. ra
ment une espece de Dormenfe fans paffes.
On porte beaucoup de pendans d'oreil
le de Perles en Girandole , & des Coliers
de Blondes de foye qu'on monte fur um
ruban de tafetas avec un noeud ou touffe
de ruban de foye de toutes couleurs , devant
& derriere. On nomme ces Coliers
des Eſpagnolettes . Les Dames du bel air
placent au milieu du noeud de devant un
diamant brillant ou une autre pierre de
couleur, du bas de laquelle fort une pende
loque d'une ou de trois piéces , qui fait la
Girandole.
F On porte auffi des Colliers à la Reine
les plus ordinaires font de Perles fauffes ,
ovales , plates d'un côté , & enfilées de
maniere qu'elles fe touchent par les bouts :
des deux côtez regne une bordure de petites
Perles. Un demi ceintre de même
matiere eft attaché au fil qui ferme le
Collier ; deux pendeloques de Perles en
poire , l'une au bas du ceintre , & l'autre
audeffus , en marquent le milieu.
On voit des Palatines de plume & de
laine de toutes couleurs , d'autres de Cartifanes
avec de la Chenille & des Pompons.
On porte des Manchons de même ,
affortis à la Palatine . En dernier lieu on
a vû paroître des Palatines de Blonde
avec des rubans & des lacs d'amour , d'autres
de Marly , brodé en or & en argent ,
avee
182 MERCURE DE FRANCE.
avec de la dentelle d'or & d'argent autour.
Les Dames fe parent de gros bouquets
de fleurs artificielles qui font d'une grande
beauté. Elles en mettent auffi dans les
ornemens de tête qu'elles employent.
Quelques Dames ont commencé à porter
leurs Robes ouvertes par devant , mais
juſqu'à préſent leur exemple n'a pas déterminé
le grand nombre. Ces Robes font
de velours cizelé , gaufré en plein de
Damas à Cartouche , à Fleurons , & à
grands ramages de Florentine , qui eft une
étoffe qui imite le Damas des Indes , &
de Satin uni ou brodé de Chenille . Les
Dames qui portent les Robes ouvertes ,
ont des corps ou des corcets , avec des
échelles de rubans , ou des Crevées de
treffes d'or , d'argent , de foye ou de pierreries
.
Les fouliers qu'on appelle de la Chine ,
de peau peinte & chamarée font toujours
à la mode. On ne porte plus guere la piéce
renverfée fur la boucle . Plufieurs perfonnes
font couvrir le talon du foulier de la
même étoffe ; on en porte auffi de brodé
ou chamarré de paille , ouvrage qu'on fait
dans les Couvens.
A la fin du deuil que la Cour a quitté
le 25. de cemeis , prefque toutes les Da
mes ont paru en Robbes de Satin ou de
Damas
JANVIER. 1728 . 183
Damas blanc , brodées de Chenilles noires.
Après le deuil on vit paroître les
Robbes deDamas nuancées dans les fonds,
accompagnez de feuillages, avec une grande
fleur dans le milieu du lé , & quelque
Mofaïque autour.
La Venitienne eft une nouvelle étoffe
qui imite beaucoup le Damas à Partere .
Les Satins de toutes couleurs brodez en
plein font fort à la mode.
On porte depuis peu de nouvelles Palatines
de rubans fatinés , mêlez avec de la
Chenille , & d'autres de Chenille faite
au métier , parfemée de foucis d'Anneton
.
Les Dames ont toujours de très - amples
paniers ; il y en a qui font à reffort .
Quelques Dames du bel air portent dans
leurs coëffures des rofettes de ruban , au
lieu de Fiche & de Quadrille.
Les rubans fe portent un peu plus large ,
& la mode eft pour les gaufrez & moirez .
La De Peromel , Coeffeufe habile
, qui demeuroit rue de la Harpe , continue
avec fuccès à faire des Tours , des
Chignons & des Tempes , pour les Dames
, qui imitent parfaitement le naturel ..
Elle demeure à préfent dans l'Abbaye de
S. Germain des Prez , rue & cour Cardinale.
Le Roy a accordé le´21 . Octobre , à la
venve
84 MERCURE DE FRANCE.
veuve Garrus , le Brevet exclusif pour
fon Elixir , & fait deffenfes à tous Medeeins
, Chirurgiens , Apotiquaires , Droguiftes
, tant à Paris qu'e autres Villes du
Royaume quifont de l'Elixir , de le vendre
fous le nom de Garrus , à peine de 3000 .
livres d'amende contre chacun des contrevenans.
Son Elixirfait des effets fi admirables
, qu'on vient de toutes parts lui en demander
: il fortifie la nature , purifie le
fang , fait faire la digeftion , détruit la
chaleur contre nature , qui eft fa principale
operation , lui donne la force d'évacuer
fans violence. On s'en fert avec fuccès
dans les maladies contagieufes , fièvres malignes
, petite verole , rougeole , boutons
peftilentiels , coliques & maux d'eftomac ,
appaife les vomiffemens , la lethargie .
apoplexie , paralifie , & conferve la fané.
Cet Elixir eft exemt de corruption , & ne
perdpoint fa qualité , en quelque lieu qu'on
le porte. Le Roy , en confideration des .
effets merveilleux qu'il produit , lui a accordé
2000. livres de penfion . Madame
Garrus demeure toûjours ruë Dauphine ,
chez M. Dulion , Notaire. Elle avertit le
Public que fes bouteilles font cachetées , &
que le prix de la bouteille de demi feptier
eft de 12. livres , & la demie à propor--
tion . On denne avec la maniere de s'en
Servir.
ن م
MORTS
JANVIER. 1728. 187
MORTS ›
NAISSANCES
Mariages.
R Nicolas - Chriftophe le Chaffier
M Chevalier Seigneur de Maricourt
Confeiller à la Cour des Aydes , mourut
à la Terre de Maricourt , le 4. Octobre
dernier , âgé d'environ 59. ans.
Le 23. du mois dernier , M. Poignant ,
Prêtre , Docteur en Théologie de la Maifon
de Navarre , & Sous - Doyen des Docteurs
, mourut à Paris , rue du Bac , âgé
de 91 .
Le 25. Dame Marie-Marguerite Bofc
épouse de M. Euftache - François le Couturier
, Confeiller au Grand- Confeil ,
Tréforier general des Troupes de la Maifon
du Roy , mourut âgée de 39. ans.
Dame Marie- Louife Gon de Bergonne ,
époufe de M. Chrétien de Lamoignon ,
Commandeur des Ordres du Roy , Préfident
à Mortier du Parlement , mourut
à Paris le 3. de ce mois dans la 36. année
de fon âge .
و
Le 4. Janvier , Jean -Philippe de Saint
Simon de Courtomer , Lieutenant au Régiment
des Gardes Françoifes du Roy ,
fils de M. Claude Antoine de S. Simon ,
Che
186 MERCURE DE FRANCE.
Chevalier , Marquis de Courtomer , & de
Dame Jeanne de Caumont de la Force ,
mourut à Paris âgé d'environ 30. ans .
Jean -Baptiste de Joannes de la Carre.
de Saumery , Prêtre , Docteur de Sorbonne
, Confeiller , Aumônier du Roy ,
Abbé Commandataire de l'Abbaye de la
Magdeleine de Châteaudun , mourut à
Paris âgé d'environ 35. ans , le 8. de ce
mois.
M. Julien Neveu , Prêtre , Chanoine
de l'Eglife de Rheims , Confeiller en la
Chambre Souveraine Ecclefiaftique , Prieur
du Rocher-Mortaing , en baffe Normandie
, & Prieur de S. Remy en Champagne
, près Sainte Menou , mourut le 13 .
de ce mois , âgé d'environ 55. ans .
Le même jour , Dame Anne de Barentin
, veuve de Jacques Tardieu , Marquis
de Maleyffye , Seigneur de Rivecourt ,
Capitaine au Regiment des Gardes Françoifes
, Lieutenant pour le Roy des Ville
& Château de Compiegne , mourut le
13. de ce mois , âgée de 70. ans , 7.
mois.
Le 15. M. Charles de la Grange- Trianon
, Pricur de Vefli , mourut âgé de
73. ans.
Jean-Baptifte -Paulin Dagueffeau , frere
du Chancelier de France , Prêtre , Docreur
en Droit de la Faculté de Paris , y
mourut
2
JANVIER. 1728. 187
mourut le 20. de ce mois , âgé de 57 .
ans .
M. Millain , chargé de la Feuille des
Benefices , mourut à Verfailles le 23. âgé
de 61. an .
Le 28. François -Marc- Antoine d'Orleans
, Comte de Rothelin , mourut en
fon Château de Neaufle , dans la 58 .
année de fon âge.
Le 30. Dame le Clerc de Leffeville , époufe
de M. Claude François Bidal , Marquis
d'Asfeld , Chevalier de la Toiſon d'Or ,
Commandeur de l'Ordre de S. Louis ,
Lieutenant General des Armées du Roy,
Directeur General des Fortifications de
France,& Gouverneur du Château Trompette
, mourut à Paris , âgée d'environ
30. ans.
Dame Marie- Renée de Gontaut de Biron
, époufe de Charles Leonor Colbert ,
Comte de Seignelay, accoucha le dixiéme
Janvier d'un Fils, qui fut tenu fur les Fonts,
& nommé Charles Armand - Jean- Baptifte
,, par M. Charles Armand de Gontaut
, Duc de Biron , Pair de France ,
Lieutenant General des Armées du Roy ,
Gouverneur des Ville & Château de Landau
, & par Dame Anne- Marie - Thereſe
de Spinola , époufe de M. Paul Edouard
Colbert , Comte de Crully , Brigadier des
Armées du Roy , & Colonel des Dragons
du Regiment du Roy.
Dame
188 MERCURE DE FRANCE.
Dame Anne le Brert , époufe de M.
François Dupuy , Chevalier , Marquis de
Montbrun , Gentilhomme de la Chambre
de Monfeigneur le Duc d'Orleans , accoucha
le 11. Janvier d'une Fille , qui fut
tenuë fur les Fonts , & nommée Anne-
Marie Melanie , par M. Hector , Marquis
de la Chaux- Montauban , Chevalier,
Maréchal des Camps & Armées du Roy ,
Chevalier , de l'Ordre Militaire de Saint
Louis , Gentilhomme de la Chambre de
M. le Duc d'Orleans , & par Dame Marie
Nicole Tardif , veuve de M. Barthelemy
le Brert , Ecuyer , Confeiller du
Roy , Treforier General des Fortifications
de France .
Dame Eleonore Eugene de Bethily ,
époufe de Charles de Rohan , Prince de
Montauban , Gouverneur des Villes &
Citadelles de Nimes , d'Alais & de Saint
Hypolite , Mestre de Camp du Regiment
de Picardie , accoucha le 15. Janvier d'une
Fille qui fut tenuë fur les Fonts , & nommée
Eleonore Loüife - Charlotte , par Louis
Conftantin de Rohan , Capitaine des Vaiffeaux
du Roy , & Chevalier de Malthe ,"
&
par Dame Eleonore - Ogreftorpe , Marquife
de Mezieres , veuve de M. Eugene
Marie de Bethify , Marquis de Mezieres ,
Gouverneur des Villes & Citadelles d'Amiens
& de Corbie , Lieutenant General
des Armées du Roy Le
JANVIER 1718 .
189
Le 26. de ce mois la Princeffe Sobieska,
époufe du Prince de Bouillon , accoucha
à Paris d'un Fils.
M. Georges Jacques de Clermont,
Chevalier , Marquis de Saint Agnan , Infpecteur
General de l'Infanterie , & Meſtre
de Camp du Regiment d'Auvergne , fils
de feu Georges - Henry de Clermont
Maréchal des Camps & Armées du Roy ,
& de Dame Marie- Magdeleine Bitaut de
Chize , époufa le 14. de ce mois Demoifelle
Loüife Diane - Françoife de Clermont
, fille de M. Pierre Gafpard de Clermont
, Chevalier , Marquis de Galerande,
Brigadier des Armées du Roy , Chevalier
de les Ordres , Premier Ecuyer de S. A,
S. Monfeigneur le Duc d'Orleans , &
Mestre de Camp de fon Regiment de Dragons
, & de Dame Gabriele Françoife Do ,
Dame d'atour de S. A. R. Madame la
Ducheffe d'Orleans .
M. Jean Charles-Jofeph le Noir , Confeiller
du Roy en tous fes Confeils , Licutenant
particulier au Châtelet de Paris ,
fils de feu Jean Charles le Noir , Secre
taire du Roy , & de feu Dame Jeanne
Therefe Danfe , époufa le 20. de ce mois
Demoiſelle Marie- Anne le Noir , fille de
Guillaume le Noir de Cindre , Ecuyer ,
Confeiller- Secretaire du Roy , Maiſon
Couronne de France & de fes Finances ,
Receveur
190 MERCURE DE FRANCE .
Receveur Ceneral d'Alençon , & l'un des
Fermiers Generaux de Sa Majefté , & de
feuë Dame Anne Baugy.
L
SUPPLEMENT.
E 28. de ce mois , le P. de la Sante ;
Jefuite , l'un des Profeffeurs de Rhétorique
du College de Louis le Grand,
prononça dans ce College un Difcours
Latin , fort éloquent , pour examiner : Si
le génie des François pour les Belles- Lettres
, l'emporte fur celui des autres Peuples
de l'Europe ? L'Affemblée étoit compofée
d'un grand nombre de Prélats & d'autres
perfonnes de diftinction . Nous tâcherons
de donner un Extrait de cette
belle Piece d'Eloquence .
ETRENNES.
LOGISTILE A M✩✩✩
En lui envoyant fa Baguette Magique.
JE
I vous foumets mon pouvoir enchanteur ;
Que votre Art eſt charmant , que le mien
eft terrible !
Je ne puis affermir la raiſon dans un coeur ,
Qu'en le forçant d'être infenfible :
Par
JANVIER . 1728. 191
Par vous , mille dons répandus ,
Viennent orner une ame à qui vous êtes cheres
Nous voyons chaque jour du defir de vous
plaire,
S'accroître les talens , éclore les vertus.
N'écoutez plus une fauffe fageffe ,
Mortels, à qui l'amour ſemble un fatal poiſon ,
Venez , vous apprendrez auprès de ma Princeffe
,
Qu'une veritable tendreffe ,
Ne fait qu'embellir la raiſon.
T. S. V. S.
BONS - MOTS ,
LETTRE DE MONSIEUR ***
A MADEMOISELLE C de *****
I Left- très -vrai , comme vous le dites ,
Mademoiſelle , que les louanges d'un
fils dans la bouche de fon pere , & d'un
Eleve dans celle de fon Maître , doivent
paroître fufpectes ; mais on ne me fera
jamais de reproche fur celle que je vous
donne , & quiconque vous connoîtra ,
conviendra qu'elles vous font dûës , &
qu'on ne fait en cela que vous rendre
juftice,
J'ai
132
92 MERCURE DE FRANCE:

J'ai fort goûté l'explication que vous
donnez à cette propofition : Difeurs de
Bons -Mots , mauvais caracteres . Et tous
ceux à qui j'ai communiqué ici ce que
vous m'en écrivez , ont penſé comme vous
fur ce fujet , & foufcrivent entierement à
Votre décifion.
>
Jufques-là , Mademoiſelle , j'ai lû votre
Lettre ( a ) avec plaifir ; mais je vous
avouë que j'ai reçû un coup prefque mor-,
tel dans le reproche que vous me faites
d'avoir peu ménagé les perfonnes de votre
fexe dans les Bons - Mots que je vous
ai envoyé ; bien loin d'avoir changé à
leur égard , comme vous m'en accufez
mon eftime augmente tous les jours pour
elles , parce que je remarque de plus en
plus les avantages que vous avez au - deffus
de nous , & les grandes chofes dont
vous êtes capables . Il n'y a prefque que·
les Dames qui brillent dans les converfations
dont il s'agit entre nous depuis
quelque temps , & fi j'ai eu le malheur
par inadvertance de vous déplaire fur ce
fujet , je fuis prêt de vous faire voir que
j'ai des preuves pardevers moi que les
Dames fe diftingent autant par leurs réparties
vives , que par leurs beaux fentimens.
(a) Elle eft imprimée dans le fecond vo
lume de Juin 1727. page x380.
Une
JANVIER. 1728. 193
Une Dame vertueufe fut priée par une
autre Dame , de lui apprendre quels fecrets
elle avoit pour conferver les bonnes
graces de fon mari : C'eſt, lui dit-elle,
en faisant tout ce qui lui plaît , & en
fouffrant patiemment de fa part tout ce qui
ne me plaît pas.
La mere d'Alexandre le Grand , railla
finement fon fils , lorfqu'ayant appris qu'il
fe faifoit adorer comme un Dieu , & qu'il
fe difoit fils de Jupiter : Je vous conjure ,
lui dit- elle , de ne me point brouiller ave
Junon.
Un Préfident , grand joueur & fort avare,
dit un jour , après avoir fait une grande
perte : Du moins j'ai perdu fans dire un
feul mot : c'eft , Monfieur , lui répondit
une Dame, que les grandes douleurs fons
muettes.
Autrefois en Espagne , qu'on gagnât
ou qu'on perdît des batailles , on y
faifoit prefque toûjours des feux de joye
pour amufer le Peuple. Une Dame Françoife
le reprochoit un jour à la Baronne
de .... Laiffez- les fe contenter , répondit
elle , vos feux font de veritables feux de
joye , & les nôtres font des feux d'artifice.
A M. l'Abbé *** demeurant à S. Nicolas
des Champs. C'eft la fufcription
d'une Lettre écrite à M. l'Abbé ***
après qu'il eut demeuré tout court au mi-
I lieu
194 MERCURE DE FRANCE.
lieu d'un Sermon qu'il prêchoit dans
cette Eglife. Ah ! qu'il reffemble bien ,
difoit une Dame en voyant fon Portrait,
on diroit qu'il prêche.
On m'a affuré que c'étoit une Dame
auffi fpirituelle que maligne , qui avoit
effacé la premiere& lad erniere lettre de ces
deux mots latins , Refpice finem ; Infcription
que le fils d'un Epicier, devenu grand
Seigneur , avoit fait mettre au- deffus de
fon Coffre fort.
Voilà , Mademoiſelle , de quoi juftifier
un peu la mauvaiſe intention que vous
m'accufez d'avoir euë contre les Dames ;
fi je vous rapportois tout le bien que
j'en connois , & que je pourrois en dire,
je ne finirois point ; les bornes d'une
Lettre font trop étroites pour l'entreprendre
; mais je vous promets de leur rendre
juftice publiquement dans une autre occafion.
(a ) Si donc votre reffentiment
n'etoit pas entierement éteint , j'efpere
obtenir ma grace , & une réconciliation
parfaite par les difpofitions où je fuis à
leur égard. Voici encore de nouveaux témoignages
de l'efprit des Dames.
(a) L'Auteur de cette Lettre eft prêt de
donner au Public un Recueil fous ce titre :
Memoires pour fervir à l'Hiftoire des Femmes
Spavantes.
LE
JANVIER. 1728 . 195
LE MEDISANT PUNI.
Dans une Compagnie avec empreffement ,
Albin ſe déchaînoit contre le Mariage ;
Il foutenoit impudemment ,
Que l'Hymen & le cocuage ,
N'alloient plus l'un fans l'autre , & que tout
homme fage ,
Du beau Sexe devoit toûjours fe défier.
Laiffez-le contre nous crier ,
Dit l'aimable Dorine. Il eft comme fon peres
Qui s'étant entêté de la même chimere ,
N'ofa jamais fe marier.
conte
Ceci , Mademoiſelle , fent un peu le
mais felon moi , les bons contes ,
& les bons mots ont tant de rapport , &
d'affinité enſemble , qu'il eft bien difficile
qu'ils ne fe fentent pas les uns des
autres ; ce qui me fait efperer , que vous
ne le recevrez pas d'un mauvais oeil , & que
vous ne m'accuferez pas d'être forti de
mon fujet.
Je ne fçaurois finir avec vous ; il faut
que je vous envoye encore une repartie
vive d'une Dame , quoiqu'elle ne foit pas
à notre avantage ; elle vous fera connoître
mon impartialité .
Lij Un
96 MERCURE DE FRANCE.
Un Cavalier qui n'étoit brave que dans
fes difcours , vint un jour dans une Compagnie
où étoit une Dame & plufieurs
Demoifelles. Ne pouvant s'empêcher de
parler mal-à - propos , il dit fottement qu'il
donneroit volontiers une piftole pour
chaque pucelle qu'on pourroit lui montrer
dans cette fale. La Dame lui répondit
, qu'elle pouvoit au moins lui en mon.
trer une ; il demanda laquelle c'étoit ,
C'est votre épée , répondit la Dame.
A mesure que j'avance en liſant votre
Lettre , j'y trouve de nouveaux reproches
que vous me faites. A vous dire le
vrai , je ne fçaurois bien vous donner la
raiſon , qui m'a empêché de vous envoyer
mes Quatrains énigmatiques , mais
vous les recevrez inceffamment : au refte
vous n'y avez rien perdu ; mon Recueil
eft augmenté de plus de moitié. J'ai reçû
avec tout le plaifir poffible l'explication
que vous m'avez envoyée de l'Enigme før
la Clef. Cleobuline n'a jamais mieux rencontré.
(a) Vous en remercierez , s'il vous
(4) Nom emprunté de Cléobuline , fille de
Cléobule , un des fept Sages de la Grece. Elle
faifoit fort bien des Vers, & avoit une vivacité
d'efprit admirable pour compofer des Enigmes,
& pour expliquer celles qu'on lui propofoit.
Elle en fit de très- ingenieufes qu'on porta.
en Egypte , où elles furent très- eftimées . Avec
plaît ,
JANVIER 1728. 197
plaît , pour moi, Madame L. M. D. Je ne
fçai pas fi j'aurai rencontré jufte dans
l'explication que je vous envoye des deux
qui font contenues dans votre Lettré, car
Mecommander de mettre en rime ,
Le mot de l'une & l'autre Enigme ,
C'eft pour moi , charmante Nanon ,
Choſe bien difficile à faire :
Cependant , Belle , pour vous plaire ,
Il faut que j'en trouve le nom ,
Deût- il m'en couter quelque veille ,
Je veux enfin vous faire voir ,
Que jamais l'efprit ne fommeille ,
Quandun coeur bien foumis veut remplir for
devoir .
Cette délicateffe d'efprit , elle avoit un courage
héroïque , un jugement folide, & une douceur
charmante. Eufebe parle d'elle fous la LXXXII.
Olimpiade. Abdémon , plus de huit cens ans
auparavant avoit eu le même talent ; & Dion
rapporte que Hiram , Roi des Tyriens , n'ayant
pû expliquer les Enigmes qui lui avoient été
propofées par Salomon , lui paya une fomme
très confiderable , mais que depuis , il envoya
à Salomon un Tyrien nommé Abdémon , qui
lui expliqua toutes fes Enigmes , & lui en propofa
d'autres qu'il ne put expliquer.
I iij J'en
198 MERCURE DE FRANCE.
J'entens l'Eclair par la premiere ,
Et la Bourfe par la derniere.
Je fuis , Mademoiselle , &c.
Il me refte , pour fatisfaire ma reconnoiffance
, à vous donner quelque choſe ,
en revanche de ce que vous m'avez envoyé
.
Quelqu'un demandant au Doge de Gennes
, lorfqu'on lui faifoit voir les magnificences
& les raretez de Verfailles ,
ce qu'il trouvoit de plus furprenant &
de plus extraordinaire à la Cour de France
: c'eft de m'y voir , répondit- il.
Agefilaus , Roy de Lacedémone , levant
des Troupes , quatre hommes balafrez
ſe preſenterent à lui , montrant leurs
cicatrices , & faiſant parade de ces marques
de valeur. Je vous crois de trèsbons
foldats , & je vous reçois à mon
fervice , leur dit le Roy , mais je vous préfererois
encore ceux qui vous ont bleſſez.
Un Seigneur Italien , qui fe plaifoit à
la Peinture , & qui y réüffiffoit très- bien ,
montrant un Tableau de fa main au Pouffin
, pour fçavoir fon fentiment fur le talent
qu'il pouvoit avoir ; cet habile Peintre
lui dit , Signore , non vi manea altro
ch'un реса di neceffita.
Que
JANVIER. 1728 199
Que chacun faffe fon métier. Henry IV.
étonné de voir fon Tailleur lui prefenter
un Memoire qu'il avoit compofé fur l'Etat
& le Gouvernement , dit , qu'on me
faffe venir mon Chancelier pour me faire
un habit.
Quand on vouloit faire entendre à Dio.
gene qu'il étoit vieux , & qu'il devoit ceffet
de travailler : Quoi ! répondit- il ; fi je
courrois dans une carriere , faudroit - il
m'arrêter quand je me verrois proche du
but ? La condition de l'Homme eft telle ,
que fi le travail ne l'exerce , le repos le
tuë.
>
Un bas Officier arrêta un Valet à vingt
écus de gages , & lui demanda un répondant.
Je vous en donnerai un , lui dit le
Domestique , mais il faudra auffi que vous
ayez la bonté de m'en donner un pour la
sûreté de mes gages.
Quand le Pere Bourdalouë eut prêché
devant le Roy d'Angleterre à S. Germain ,
on difoit à la Cour qu'il étoit le Prédicateur
des Rois , & le Roy des Prédicateurs.
Un Avocat borgne , plaidant avec les
Lunettes : je ne ferai pas long, dit- il , & je
n'employerai que les Pieces qui me feront
abfolument neceffaires . Retranchez
donc un des verres de vos Lunettes , repartit
fur le champ l'Avocat de fa Partie.
Philippes , Roy de Macedoine , fe plai-
I iiij . gnoit
200 MERCURE DE FRANCE.
gnoit d'une bleffure qui le faifoit boiter :
mon Pere , lui dit Alexandre , vous ne devez
pas être fâché d'un accident qui vous
rappelle votre gloire à chaque pas que
vous faites.
Jefuis toujours , Mademoiselle , &c
܀܀܀܀
**************
CHANSON.
Importune raiſon , je ne veux plus te croire :
Toujours contraire à mes defirs ,
Que je fois près d'Iris , ou que je fois à boire
Tu viens troubler tous mes plaifirs.
Par les plaifirs que je vais prendre ,
Je veux te troubler à mon tour ,
Et m'enyvrer fi bien & de vin & d'amour ,
Que je ne puiffe plus t'entendre.
fffff offefeof off off of
ARRESTS,
DECLARATIONS ;
SENTENCES DE POLICE , &c
Sure,
ENTENCE DE POLICE du 19. Decem
Obre , qui condamne le nommé Reté , Boulanger
, en cinquante livres d'amende , pour
' avoir pas fait fon Pain de poids.
AUTRE
Courbois .
THE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND TILDEN
FOUNDATIONS
.
des & Gabelles , loit lur s
revenus de l'Etat , lefdites Rentes, tant perpetuelles
THE
CW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONS
.
JANVIER. 1728. 201
AUTRE du même jour , qui deffend à tous
Maiftres à danfer de tenir Salles de Danfes les
jours de Dimanches & de Feftes , & de recevoir
chez eux en aucun temps , des Soldats ,
Gens fans aveu , ny aucunes Filles ou Femmes ,
fous peine de cinq cens livres d'amende ; &
qui condamne les nommez Brion , Catelin ,
Marguillier , Blondeau & Monceau en cinquante
livres d'amende , pour avoir contreve
nu à la Sentence du 11. Mars dernier.
DECLARATION DU ROY , pour éviter
les furprifes dans la perception des arrérages
de Rentes Viageres . Donnée à Verſailles le 27.
Decembre 1727. par laquelle S. M. ordonne ce
qui fuit.
RTICLE PREMIER .
Tous ceux , qui fur de fauffes quittances &
certifications , ou autrement , auront reçû des
arrérages de Rentes Viageres éteintes à notre
profit ; enſemble leurs complices & adhérans
feront punis comme voleurs & fauffaires , fuivant
toute la rigueur de nos Ordonnances , &
leur procez fera inftruit , fait & parfait , & jugé
en premiere inftance par les Prevôt des
Marchands & Echevins de notre bonne Ville
de Paris , en appellant le nombre de Graduez
requis , & par appel en notre Cour de Parlement.
II. Si les particuliers contre lefquels il fera
prononcé condamnation , fe trouvent proprietaires
d'autres Rentes Viageres fous leurs
noms ou fous celui d'autres perfonnes , & même
de Rentes perpetuelles , foit fur les Aydes
& Gabelles , foit fur les Tailles & autres
revenus de l'Etat , lefdites Rentes, tant perpetuelles
202 MERCURE DE FRANCE .
tuelles que viageres , feront & demeureront
éteintes & amorties , à commencer du premier
jour des fix mois courans au tems où le
jugement aura été rendu .
III. Il fera pris par preference fur tous les
biens de chaque particulier qui fera condamné,
la fomme de fix mille livres au profit du dénonciateur
: Accordons en outre aux dénonciateurs
tout ce qui aura été reçû induëment
d'arrérages defdites Rentes viageres par les
perfonnes qu'ils dénonceront , defquels arrérages
nous leur faifons à cet effet don par ces
Prefentes.
IV. Entendons que ceux qui pourroient fe
trouver actuellement dans le cas de la contravention
, & qui rapporteront à leurs Payeurs
avant le premier Avril de l'année prochaine
1728. les Extraits mortuaires des Rentiers decedez
, & leur reftituëront les fommes qu'ils
auront induëment reçûës , ne puiffent être recherchez
à l'effet de quoi nous leur accordons
par ces Prefentes toute amniſtie & pardon
neceffaires , impofant fur cefilence à nos
Procureurs Generaux & autres .
V. Voulons qu'à l'avenir , & à commencer
pour les fix derniers mois de la prefente année
1727. dont le payement s'ouvrira au premier
Janvier prochain , il foit fait mention dans les
quittances , certificats de vie & procurations
qui feront fournies pour toucher les arrérages
defdites Rentes viageres , du domicile & de la
qualité du proprietaire de la Rente , & de celui
fur la tête duquel elle aura été conftituée , fous
peine de radiation dans les comptes des Payeurs
des parties qu'ils auront autrement payées.
VI. Les particuliers domiciliez à Paris qui
font Proprietaires de Rentes viageres conftituées
en leurs noms , dont les qualitez & domiciles
JANVIER. 1728. 203
:
miciles ont été établis par les Contrats , & qui
les ayant accepté & figné lorsqu'ils ont été paffez
, peuvent être facilement reconnus par les
Notaires dépofitaires des minutes , continueront
de fournir leurs quittances , fuivant les
formalitez prefcrites par les Edits de création
defdites Rentes , de la verité defquelles quittances
lefdits Notaires demeureront civilement
refponfables à l'égard de ceux qui n'ont point
accepté & figné les Contrats paffez en leurs
noms , ou qui ayant acquis defdites Rentes
viageres fur la tête & vie d'autres perfonnes ,
ne les leur ont point fait accepter & figner ,
comme il n'eft pas poffible que lefdits Notaires
les connoiffent affez pour certifier leur exiften
ce; Voulons que pour y fuppléer , lefdits Rentiers
faffent intervenir dans lefdites quittances
deux perfonnes domiciliées à Paris , qui attefte
ront conjointement avec lefdits Rentiers , fous
les peines portées par ces Prefentes , l'exiftence
de la perfonne für la tête de laquelle la Rente
aura été conftituée .
1
VII. Enjoignons aufdits Notaires d'avoir
toujours dans leurs Etudes , en lieu apparent ,
une copie imprimée des Prefentes , dont ils feront
prendre lecture à tous ceux qui demanderont
l'expedition defdites quittances avant de
les figner.
2
VIII. Les Rentiers qui demeureront hors
de notre bonne Ville de Paris , foit dans les
Provinces de notre Royaume , foit dans les
Pays Etrangers , feront tenus , lorſque les perfonnes
fur la tête defquelles les Rentes auront
été conftituées , changeront de domicile , de
rapporter un Acte de notorieté fait en préſence
defdites perfonnes , devant le Juge du lieu
de leur dernier domicile , par lequel leur
exiftence fera atteftée jufqu'au tems où elles
204 MERCURE DE FRANCE.
les auront quitté ledit lieu , ' , & fera ledig
acte déposé pour minutes ès mains des Notaires
à Paris , & certifié par deux perfonnes
domiciliées en ladite Ville , & d'icelui fourni
une copie aux Payeurs pour la premiere
fois.
IX. Enjoignons à nos Ambaffadeurs , Envoyez
, Réfidens ou Confuls de la Nation
Françoiſe dans les Cours , Etats & Villes
Etrangeres où il y aura des Rentiers viagers ,
comme auffi aux Juges ordinaires des Villes &
autres lieux de notre Royaume , où il 'réſidera
quelques - uns defdits Rentiers viagers , de
prendre avant de figner les Certificats de vie
qui leur feront demandez , tous les éclairciffemens
que le devoir de leur état les oblige de
prendre pour la confervation de nos inte
rêts , & c.
DECLARATION DU ROY , portant réta
bliffement de plufieurs parties de Rentes Viageres
, donnée à Marly le 27. Janvier 1718. regiftré
en Parlement le 30. par laquelle il eft dis
ce qui fuit.
ARTICLB PREMIE R.
Que toutes les parties de Rentes Viageres
Contenues en l'état arrêté en notre Confeil ,
qui fera déposé au Greffe de l'Hôtel de notre
bonne Ville de Paris ,foient & demeurent réta
blies & fixées , comme nous les rétabliffons &
fixons par ces Prefentes , pour les quotitez &
fommes portées en marge de chacun Article
dudit Etats au moyen de quoi lefdites Parties
de Rentes Viageres demeureront à l'avenir fixées
, & auront cours à compter dupremier
Juillet dernier , conformément audit Etat , à
l'effet
JANVIER . 1728. 205
lefet de quoi il fera fait mention du rétabli
fement defdites parties , tant fur les Groffes
que fur les Minutes defdits Contrats , par les
Notaires dépofitaires defdites Minutes , qui en
délivreront leurs Certificats fans frais , aufquels
nous nous réfervons de pourvoir dans
fa fuite. Voulons qu'en rapportant par les Proprietaires
defdites Rentes Viageres lefdits Certificats
de fixations & rétabliſſemens , avec
leurs quittances , le payement des arrérages
leur en foit fait à la maniere accoutumée , fur
le pied defdits rétabliffemens & fixations , à
compter dudit jour premier Juillet dernier , &
que la dépenfe defdits arrérages foit paffée &
allouée , fans difficulté dans les comptes des
Payeurs qui en auront fait les payemens , en
reprefentant lefdits Certificats & Quittances
feulement.
II.
Et comme notre intention eft que les Rentes
Viageres créées & affignées fur les deniers de
nos Tailles par nos Edits des mois de Juilles
1723. & Janvier 1724. foient diftribuées dans
les cinquante parties de Rentes perpetuelles
établies fur l'Hôtel de notre bonne Ville de
Paris , pour le payement & le contrôle defdites
Rentes Viageres, être faits à commencer du
premier Juillet 1726. par les Payeurs & Contrôleurs
defdites parties , en la même forme &
maniere qu'ils font le payement & le contrôle
des Rentes Viageres affignées fur nos Fermes
des Aydes & Gabelles , nous avons de la même
autorité que deffus , pour faciliter & affûrer
le payement exact defdites Rentes Viage
res at gnées fur les Tailles , ordonné & ordo
nens , voulons & nous plaît , que les fonds
rec ar pour le payement defdites Rentes.
Viageres
206 MERCURE DE FRANCE .
Viageres créées par lefdits Edits de Juillet
1723. & Janvier 1724. qui étoit affigné fur les
deniers de nos Tailles , foit & demeure affigné,
à compter du premier Juillet 1726. fur les deniers
provenans tant de nos Fermes des Aydes
& Gabelles , que de nos autres revenus , que
nous avons declaré & declarons par ces Prefentes
fpecialement , & par privilege , affectez
& hypotequez au payement defdites Rentes , à
l'effet de quoi le fonds en fera par nous fait
dans les états de nofdites Fermes , ainfi qu'il
en eft ufé pour les autres Rentes de l'Hôtel de
notre bonne Ville de Paris , & rejetté , à compter
dudit jour premier Juillet 1726. des états
des Recettes generales de nos Finances.
III. Voulons aufurplus que les réductions ordonnées
par notre Edit du mois de Novembre
1726 , foient executées felon leur forme & teneur
pour les parties de Rentes non compriſes
dans ledit état des rétabliffemens arrêté ce
jourd'hui en notre Confeil , & c.
TABLE.
Vertiffement ,
Pieces Fugitives , Elegie ,
Caufe plaidée aux Jefuites ,
Epitre en vers de l'Hermite ***.
Voyage de Baffe Normandie ,
Triolets ,
Lettre & Triolets ,
****
pag. r
7
19
46
$6
71
76
Lettre fur les douleurs que l'on fent à un
membre qu'on n'a point,
Epitre à M. de Senecé ,
Reflexions ,
Etrennes , & c.
81
87
89
91
LetJANVIER.
1728 .
207
Lettre fur les Eaux Minerales de S. Sauveur , 98
Enigmes , Explications , &c.
Douze Enigmes nouvelles ,
ICI
102
Nouvelles Litteraires , &c. Bibliotheque Ger
manique ,
Moeurs & ufages des Oftiakes , &c.
Amofis , Prince Egyptien , & c.
Traité de la coupe des pierres , & c.
Traité Dogmatique & moral , & c,
108
115
125
126
127
Reflexions nouvelles fur les femmes , &c. 129
Hiſtoire Generale des anciens Spectacles , & c.
134
Lettre fur l'Académie de Marfeille , &c. 137
Medaille du Roi en taille- Douce.
Concert public au Château des Thuilleries
Mort de Germain Brice , Auteur de la Defcription
de Paris.
Spectacles.
140
142
143
D. Ramire & Zaide , Tragedie nouvelle , 144
Mort du fieur le Grand , Comédien, & le Catalogue
de fes Pieces , 145
Mort du fieur Guerin , ancien Comédien , 147
Lettre fur un Poëte Dramatique Anglois , 148
Nouvelles du tems , de Turquie & Ruffie , Iss
De Pologne , Dannemarc , Allemagne & Eſpagne
,
D'Italie , Angleterre & Pays - Bas ,
France , Nouvelles , & c.
Benefices donnez ,
Modes ,
Morts , Naiffances & Mariages ,
Suplement , Logiſtile , &c.
Bons -Mots ,
Chanfon notée ,
Arrêts , Edits , & c.
160
166
175
178
179
187
190
191
200
201
Er1
Errata dufecond volume de Decembre 17274
PAge
Age 1921. lig. 14. Cerceus lifez Cereus
P. 1921. 1. 24. reçoit , lifez revoit
P. 2799. 1. 15. jufqu'à , lifez jufques à.
P. 2845. l. 10. dans , ôtez ce met.
P. 2925. 1. 18. Cocoliers , lifez cocotiers.
Ibid. 1. 28. Zoophifte , lifez Zoophite.
P. 2941. 1. 8. fe , life le.
P. 2945. 1. 21. comme , lifez comment.
P. 2949. 1. 4. barbare , lifez ingrate.
P. 2962. 1. 15. Lubin , lifez Hortenfius.
P. 2973. 1. 15. Ervain , lifez Erivan.
Ibid. 1. 25. Banora , lifez Baffora .
Ibid. 1. 4 du bas , de Tunis , lifez des Turcs.
P 2976. 1. 25. le , ajoutez , 30. Decembre.
P. 2980. l. 14, faire à lifex faire part à .
Fautes à corriger dans ce Livre.
Age 62. à la fin de la Note , diceris , lifez
dixeris.
P. 72. lig. 2. Lafontaine , lifez la Fontaine.
Ibid. 1. 16. Elmangis , lifez Clemangis..
P. 112. l. 14. l'Electeur , lifez l'Editeur.
P. 160. l. 1. levée , lifez lecture..
P. 161. l . 1. dorénavant , ajoutez de rendre
P. 163. 1. 12. Lottum , ajoutez du Baron.
P. 172. 1. 20. que , ajoutez le pere.
La Medaille gravée doit regarder la page 140.
La Chanfon notée page 200
MERCURE
DE
FRANCE ,
DÉDIÉ AU
ROT.
FEVRIER . 1728 .
QUÆ
COLL
COLLIGIT
STARGIT
Chez
A PARIS ,
( GUILLAUME CAVELIER , ruë
S. Jacques , au Lys d'Or.
LA VEUVE PISSÓT, Quay de Conti,
à la defcente du Pont- Neuf, au coin
de la rue de Nevers , à la Croix d'Or.
JEAN DE NULLY , au Palais ,
à l'Ecu de France & à la Palme .
M. D C C. XXVIII.
Avec Approbation & Privilege du Roig
L
A VI S.,
ADRESSE generale pour toutes
chofes eft à M. MOREAU ,
Commis au Mercure¸vis - à- vis la Comedie
Françoife , à Paris . Ceux qui pour leur
commodité voudront remettre leurs Paquets
cachetez aux Libraires qui vendent le
Mercure à Paris , peuvent fe fervir de
cette voye pour les faire tenir.
>
On prie très - inftamment , quand on
adreffe des Lettres ou Paquets par la Pofte,
d'avoir foin d'en affranchir le Port ,
comme cela s'eft toûjours pratiqué , afin
d'épargner à nous le déplaifir de les
rebuter , & à ceux qui les envoyent ,
celui , non - feulement de ne pas voir
paroître leurs Ouvrages , mais même de
les perdre , s'ils n'en ont pas gardé de
copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de
la premiere main , & plus promptement ,
n'auront qu'à donner leurs adreffes à M.
Moreau , qui aura foin de faire leurs paquets
fans perte de temps , & de les faire
porterfur l'heure à la Pofte , ou aux Mef
fageries qu'on lui indiquera.
PRIX XXX . SOLS .
MERCURE
DE FRANCE ,
DEDIE AU ROT
FEVRIER . 1728 .
PIECES FUGITIVES ,
en Vers & en Profe.
A SON EMINENCE
MONSEIGNEUR
LE CARDINAL DE FLEURY.
M
EPITR E.
Iniftre , que l'Hiftoire offrira pour
modele ,
Toi , qui fuis vers la gloire une
route nouvelle ,
Et de qui la fageffe au- deffus des grandeurs ,
A ij Fuyant
212 MERCURE DE FRANCE.
Fuyant les titres vains , cherche les vrais honneurs
,
Ecoute- moi , FLEURY : le zele qui m'anime ,
Vient rendre à tes Vertus un tribut legitime..
La Paix , en écartant le démon des combats,
Sembloit avoir fixé les droits des Potentats ,
La difcorde bientôt rompt leur intelligence ,
Et Thémis allarmée offre en vain fa balance ;
Je les vois fe ranger fous les drapeaux de
Mars ,
Et prêts à fe livrer à de nouveaux hazards,
Quel vafte embrafement va défoler la Terre,
Si LOUIS plus prudent ne fufpend fon Tonnerre
!
Oui , Minerve elle- même attachée à ſes pas ,
Par la voix de FLEURY vient d'arrêter fon bras.
FLEURY , Guide éclairé , vertueux & fincere ,
4
Que fon Maître cherit , que l'Etranger révere,
Il parle , il perfuade , & les Peuples charmez
Sur la foi de fes foins font bien- tôt défarmez ,
Ils fçavent qu'en fon coeur la Juftice préfide ,
Et tous feront contens, fi c'eſt lui qui décide.
Trop fouvent des confeils complaifans ou
fougueux ,
Ont irrité l'ardeur des Princes belliqueux .
T
FEVRIER. 1728. 213
Tu fçais , FL BURY , tu fçais , combien une gran
de ame ,
Pour d'éclatans exploits facilement s'enflâme .
Que le jeune LOUIS , fils de tant de Heros ,
Eft ennemi, comme eux, d'un indigne repos :
Mais un Prince vraiment & magnanime & ſage,
Plus grand que fon pouvoir , plus fort que fon
courage ,
Ne fe hâte jamais de répandre du fang ,
Et peut , Roi pacifique , atteindre au plus haut
rang.
Deux chemins oppofez font ouverts à la
Gloire ,
Et conduifent les Rois au Temple de Memoire.
L'un , qu'avec tant de bruit fuivent les conquerans
,
N'eft rempli que d'horreurs , de morts & de
mourans ;
Là du vainqueur fouvent l'Ambition s'empare,
Et la foudre à la main l'éblouit & l'égare.
Infatiable alors dans fes vaſtes projets ,
Par quels maux , à quel prix fe fait- il des Su
jets !
Son droit eft dans fa force , aucun frein ne l'arrête
,
Et tout lui femble jufte à titre de conquété ;
A iij
Les
214 MERCURE DE FRANCE.
Les Peuples menacez du plus funefte fort ,
Et réduits à choifir ou les fers ou la mort ,
Défertent leurs foyers , quittent leurs champs
fertiles ,
Contens de vivre en paix en des climats ſtériles
; •
Le defordre par tout confondant les efprits ,
Avec la liberté tous les Arts font profcrits ;
Monumens précieux qu'on admiroit encore ,
Le tems vous refpecta , la flâme vous devore ,
Pour comble à tant de maux , on y voit à la fois
L'oubli des Immortels & le mépris des Loix ;
Du foldat effrené la brutale inſolence ,
Infulte à la pudeur , & pourſuit l'innocence ;
Tel eft enfin , tel eft ce chemin fi vanté.
L'autre , plus für garant de l'immortalité ,
N'offre de tous côtez qu'un falutaire azile ,
C'est là que la Déeffe au front noble & tranquile
,
La Paix , la douce Paix déployant fes tréfors ,
Seconde des Mortels les utiles efforts ,
+
Rend les Côteaux féconds , les Campagnes
rianres ,
Affûre au Laboureur fes moiffons abordantes;
Par fon puiffant fecours on voit de toutes parts,
Dignes
FEVRIER. 1728. 215
Dignes préfens des Dieux, triompher les beaux
Arts';
Conftante en fes faveurs , libre dans fes largeffes
,
Elle donne avec choix les honneurs , les richeffes
,
De l'augufte Thémis foutient les droits facrez,
Veut fur tout que les Dieux foient craints &
réverez ;
Le Commerce s'étend , & l'active induftrie,
Pour enrichir le Prince , enrichit la Patrie ,
Ajoûte à fes tréfors les tréfors étrangers .
Repos voilà tes biens , quels feroient tes
dangers ?
En vain pour te troubler l'Ennemi prend les
armes ,
Je connois ton pouvoir, & je fuis fans allarmess
Non , d'un calme profond les conftantes douceurs
Des Peuples fortunez n'abattent point les
coeurs ,
Dès qu'en leur Souverain ils deffendent un
pere ,
Ainfi que leur bonheur, fa gloire leur eſt chere,
La valeur & l'amour marchent devant leurs
pas ,
Heureux Sujets , ils font intrepides Soldats :
A iij
Un
216 MERCURE DE FRANCE:
Un Miniftre de paix enfante ces miracles.
O toi ! dont le Génie eſt vainqueur des obftacles
,
Qu'un zele infatigable anime pour ton Roy ,
Qui de notre bonheur fais ton plus cher emploi
,
De qui l'ambition eft de calmer la Terre,
Et qui viens d'enchaîner la difcorde & la
guerre ,
Songe que tes travaux font autant de bienfaits,
Et puifque tu deviens l'arbitre de la Paix ,
Acheve heureufement ce glorieux ouvrage.
Ta gloire à nos neveux paffera d'âge en âge ,
Appellé , diront- ils , par le plus grand des Rois,
FLEURY , dans tous les temps juftifia ce choix ,
Dans le coeur de LOUIS grava d'un trait fidele
De ce Heros mourant la leçon immortelle ,
Mon Fils , la feule Paix rend les Peuples heureux
,
Et leur felicité doit faire tout vos VoeUK.
JOLLY.
Cette Epitre fut preſentée par l'Auteur
le 29. du mois dernier à S. E. qui la reçut
trés-favorablement.
LETTRE
FEVRIER. 1728 . 217
XXXX*X:XXXX :XXXXXXLETTRE
fur le Systême de Chant inventé
depuis peu par un Prêtre de S.
Sulpice , & fur la coûtume d'employer les
Sept Lettres de l'Alphabeth pour déſigner
les fons .
1
E fouhaiterois , Monfieur , avoir pû
Jrépondre plutôt à l'empreffement que
vous marquez pour que je vous diſe mon
fentiment touchant le nouveau Systême
de Monfieur D.M. fur le Chant , auſſibien
que fur certains Ecrits anonymes qui ont
rapport à la même matiere , parce que ,
dites - vous , ces derniers Ecrits qui vous
ont été adreffez de Province , ne font
pas de votre competence , & que je pourrois
mieux connoître qu'un autre , fi les
Auteurs raiſonnent jufte & difent la verité.
J'ai lû la Critique qu'on a voulu
faire du Systême de M. D. M. en deux
petites pages , & la Réponſe qu'il y a faite.
Il femble que l'Auteur qui écrit autant
pour la Province , que pour Paris , auroit
pû y envoyer dès lors une Piece de
chant notée , felon ce nouveau fyftême à
fa Réponſe. Je ne fçai pourquoi il ne
la pas jugé à propos , puifque cela auroit
facilité l'intelligence de la réfutation qu'il
Αν
218 MERCURE DE FRANCE :
a faite de cette Critique fuperficielle . Ne
comprenant alors bien clairement fon ſyſtême
; je me contentai de vous marquer
en general , qu'il ne faut pas d'abord trop
fe recrier contre un fyftême , préciſement
parce qu'il eft nouveau : que celui de Gui
Aretin étoit certainement nouveau , au
commencement duXI.fiecle ; qu'il eut les
adverfaires, & que cependant il a prévalu
, & qu'il a cours depuis fept fiecles ;
je vous faifois reffouvenir de ce que la
jaloufie & l'envie des autres Moines procurerent
à ce fyftême , ainfi que les Mercures
en font mention . ( a ) Que fçavons
- nous , ( ajoutois - je ) fi celui - ci
n'aura pas le même fort ? Ceux qui y perdroient
le plus , ce feroient les Papetiers
& les Parcheminiers , puifque l'Auteur
donne le fecret de renfermer dans un trèspetit
Volume , tout ce qui peut à peine
être contenu dans plufieurs in Folio . Les
perfonnes qui font accoutumées dès la
jeuneffe à la methode de l'échelle d'Aretin
, pourroient auffi fe plaindre avec juf
tice , fi on vouloit les obliger de retourner
à l' cole , con me dit Monfieur Lalouette
, & nos ergo , diroient - ils , ' man m
fern'a fubduximus . J'ai donc fuppofé &
je fuppofe encore qu'on n'inquiétera per-
( a ) Mercure d'Août 1726. page 1754.
& 1755.
fonne
FEVRIER. 1728 . 219
fonne fur cela ; qu'il y aura pleine liberté,
& que tout au plus ce ne fera qu'à ceux
qui n'ont jamais folfié dans leur jeuneffe
qu'on pourra mettre entre mains le
chant d'Eglife noté felon le nouveau
fyftême , & à ceux qui naiffent aujourd'hui,
ou qui naîtront par la fuite.
Avant que d'avoir vu le Breviaire noté,
j'ai avoué que l'Auteur meritoit qu'on
loüât fa nouvelle invention , fi cependant
elle eft abfolument nouvelle , & fi elle
ne rentre pas dans celle des anciens , où
pour reprefenter des fignes qui marquaffent
les fept fons naturels jufqu'au huitiéme
où le premier fe reproduit , on fe
fervoit des fept premieres Lettres de l'Alphabeth,
a , b , c , d , e , f, g, fans cordes ni
clefs , en accompagnant ces Lettres de
quelques marques diftinctives , lorfqu'elles
indiquoient le fon d'une octave fupérieure
ou inférieure. On peut en voir un
modele dans une des Planches que Dom
Jacques le Clerc ou le P.Jumilhac , Benedictin
, & peut être tous les deux enfemble
, ont fait graver , après les avoir fidélement
tirées des Manufcrits . Ces exemples
qui font dans les pages 319. & 320.
de leur excellent Traité fur la Science
& la Pratique du Plein - Chant , peuvent
faire imaginer plufieurs autres fignes arbitraires
, aufquels on attachera , fi l'on
A vi veut,
220 MERCURE DE FRANCE :
Восся он
pas aux
vcut , la fignification des fons. Il paroît
auffi que par tout on ne fe fixoit
ощ, ди
tems'de fept premieres Lettres , mais qu'on plaçoit
quelquefois fur le texte des h, des i,
des anciens des K, & des 1 , & cela étoit plus com-
Latins;jufmode pour éviter la repetition des mêou
S.Gregoiremes fignes qu'on auroit été obligé de di-
Les reforma verfifier , lorfque les mêmes fons revequ'au
tem
noient dans l'octave baffe ou aiguë.Ce que
je vous faifois encore obferver , eſt que
de nos jours on a vû plufieurs perfonnes
s'accoûtumer à noter le Chant Eccle .
fiaftique par les fept premiers chiffres
Arabes 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. felon la même
methode que par les fept Lettres fans
clefs ni cordes , en penchant , ou barrant
feulement ces chiffres pour déligner le
changement d'octave , comme on fait dans
les opérations de l'Arithmetique : & ces
perſonnes chantoient auffi facilement dans
leur fyftême , que d'autres font avec tout
l'attirail des cordes , clefs , bemols & bequarres.
La difference qu'il y a d'avec le
nouveau ſyſtême , eft qu'ils mettoient ces
chiffres fur le Texte , & qu'ils ne les entrelaçoient
pas dans les mots : Mais depuis
que j'ai vû de quelle maniere la note eft
arrangée dans le Breviaire imprimé nouvellement
chez Quillau , je croi qu'on
pourroit abfolument mêler ces chiffres
avec les fyllabes , pour faire davantage
FEVRIER. 1728. 221
tage
reffembler ces deux nouvelles Methodes
. Et ce qu'il y a d'avantageux dans
celle des chiffres , eft que 1. 2. 3. 4. 5. 6.
7. fignifiant la même chofe qu'ut, re , mi ,
fa, fol, la , fi , il eft facile, fans un fecond
retour d'imagination , de voir , par exemple
, que de 2 à 4 , c'eft une tierce , de
4 à 6 , encore une tierce , que de 1 à 5 ,
c'eft une quinte , de 6 à 2 , eft une quinte
en retrogradant ; c'eft - à - dire , en defcendant
de 3 à 6 , une quarte , & ainfi du
refte , ce qui ne fe trouve pas dans le fyftême
des notes rondes , quarrées , ou lozanges .
Comme je n'ai rien vû du Systême de
M. Sauveur , je ne puis vous en rien dire .
Je fçai feulement que s'il ne s'agiffoit que
de fe paffer de ce qu'on appelle la Clef
dans le Plein- Chant . il n'y auroit qu'à
rapprocher davantage les deux barres qui
doivent foutenir les Notes des tierces mineures
ut,la , & fa , re , & éloigner un peu
plus les deux lignes qui doivent foutenir
les notes des tierces majeures , comme la,
fa . Mais ce feroit peut -être embrouiller
les chofes pour un très leger objet. L'avantage
de la briéveré qui fe trouve dans
les deux ou trois autres Méthodes dont
je viens de parler , eft à préferer à tout
cela , lorfqu'il eft fimplement queftion de
rendre le Chant portatif. Pour ce qui eft
de garantir que dans la fuite on l'apprendra
222 MERCURE DE FRANCE.
auffi aifément dans le Systême de M... que
fi l'on chantoit dans des Livres où pour
une même Piece de Chant , il n'y auroit
qu'une feule & même clef placée toujours
au même endroit ; c'est ce que je n'oſerois
affurer , vû l'experience que j'ai faite
depuis long- temps , combien une échelle
uniforme de notes foulage l'imagination.
Si avec la fimplicité de fa Méthode , il
né faut pas plus de contention d'eſprit
pour s'imaginer une quinte d'élevation ,
ou une quarte d'abaiffement , en voyant
deux figures difparades fe toucher , qu'en
voyant une diſtance quafi perpendiculaire
de cinq dégrez entre deux notes femblables
je dirai à ce fujet , ce qu'a dit faint
Jerôme , en parlant de ceux qui de fon
temps écrivoient la Bible en groffes lettres
, & avec des caracteres d'or & d'argent
, fur du velin empourpré : Habeant
qui volunt veteres libros , vel in membranis
purpureis auro argentoque defcriptos ,
vel uncialibus litteris , onera magis exara
ta quàm codices. ( a ) Un perit livre portatif
, exempt de fautes , eft plus eftimable
dans l'ufage des particuliers , que ces
grands volumes pleins de mignatures ,
dont on eft fi idolâtre , que quelque faute
qu'ait fait le Scribe , on aime mieux la
laiffer refpectueufement que de la corri-
( a ) Hieron. Prafat , in Job.
ger,
FEVRIER. 1728. 22.2
ger , de crainte , dit - on , de gâter le livre
. J'avouerai que l'Auteur d'un fecret fi
commode & fi utile pour le tranfport du
Chant, eft digne du même éloge que ceux
qui ont inventé des chiffres , pour écrire
aufli vite qu'on parle. Il a fait pour le
Chant , ce que les anciens Romains ont
fait autrefois pour la diction ; ( 4 ) vous
pouvez voir à la fin du Recueil des Infcriptions
de Gruter , les fignes ou les notes
que cet Antiquaire appelle Notas Tironis
, & que d'autres appellent les notes
de Seneque. Il n'y a que le caractere rorrd
de M..... dont je n'aurois jamais compris
l'ufage par la feule lecture de fa réponfe
, fi je n'avois remarqué dans l'Approbation
de Meffieurs de l'Académie ,
qu'on y dit que ces caracteres ont des
queues . Sans cela on ne peut concevoir
en quel fens une figure ronde peut être
panchée. L'Auteur auroit dû parler plus
clairement dans un Ouvrage qui paroiffoit
avant fon Livre , & ne nous pas laiffer
incertains , jufqu'à ce que fon Breviaire
noté fut venu en Province .
Il y a dans la page dix - huitiéme de ce
petit Ouvrage , une chofe qui n'eft pas
fi merveilleufe qu'il femble vouloir l'infinuer
. Que mes Critiques , dit il , m'amenent
( a ) Seneca Epift . 90. Prudent . in Peffione
3. Caffiani. Sidon . Apollin. lif. 9. Epift. 9.
deux
224 MERCURE DE FRANCE.
deux perfonnes , dont l'une fçaura le chann
l'autre ne sçaura pas même lire , s'ils
veulent. Je promets que dans une derni beure
le premier chantera & folfiera plusfacilement
dans mon nouveau Livre , que non
pas dans les anciens ; & l'autre folfiera la
plus difficile piece de la Mufique qu'on
fouhaitera , toutefois fans chanter , n'ayant
pas la voix formée . Dès là que M. D. M.
fuppofe une perfonne qui fçait le chant ,
il eft impoffible qu'elle ne folfie mieux &
plus vite felon le Syftême des anciens
Livres, que dans le fien . Car fi elle ne folfie
pas plus vite dans les anciens Livres ,
on doit connoître parlà qu'elle ne fçait
pas le chant . Je fçai le temps qu'il m'á
fallu pour remettre dans le Systême d'Aretin
, l'Office de fainte Elifabeth de Portugal
, que j'ai trouvé dans ce nouveau
Breviaire , & duquel j'ai voulu examiner
la compofition , quant au chant . Pour ce
qui eft de l'ignare & non lettré qui dans
une demie heure , pourra être en état de
nommer chaque ligne par fon nom , cela
n'eft fort merveilleux. On peut apprendre
en moins de temps à un homme
qui ne fçait pas lire & qui n'a jamais vu
de chiffres , à connoître les chiffres Arabes
jufqu'au nombre de 20. Mais ce qui
peut donner du cours à un Systême de
chant quant à l'execution actuelle , c'eft
pas
qu'il
FEVRIER. 1728. 225
qu'il conduife à foulager l'imagination ,
puifque c'eft elle qui fait prefque tout pour
la certitude . L'échelle d'Aretin a cela d'excellent
fur toutes les Méthodes qui ont
précedé , que les degrez d'intervalles y
font vifibles d'eux mêmes , fans qu'il foit
befoin d'une réflexion de feconde intention
; au lieu que dans le nouveau Syftême
il faut que celui qui chante , fonge
(s'il veut être sûr ) à la fituation relative
des fons , felon cette échelle d'Aretin , &
par confequent il faut qu'il l'ait déja étudiée
, & qu'il y foit rompu . M..... en
convient affez , lorfqu'à la page 34. de
fon Breviaire , il dit qu'il faut tâcher d'avoir
toujours dans l'efprit le ton de la note
avant que de la chanter. Pour avoir ce ton
dans l'efprit , il faut ſonger à ſon éloignement
d'avec le ton précedent : c'eft ce qui
fait la certitude. Or cet éloignement n'eft
préfent à l'efprit de ceux qui confiderent
les nouvelles figures indépendantes ) &
que je puis appeller entia perfe ) qu'autant
qu'ils fongent que telle figure fignifie ce
qu'ils voyent de leurs yeux dans l'ancien
Systême être ou point immédiatement ou
fimplement éloigné d'une tierce en montant
, d'une tierce en deſcendant , & ainfi
du refte , laquelle tierce peut encore être
ou majeure , c'eft - à - dire , fans femi ton ,
ou mineure & avec femi- ton, felon la pla-
CB
226 MERCURE DE FRANCE.
ce de la clef d'ut ou de fa. Tous ceux.
qui chantent fans une certaine attention
à ces intervalles , chantent par routine &
non par regle ; ils font femblables à ce
Roffignol dont parle S. Auguftin , ( a ')
qui ne fçauroit rendre raifon des intervalles
de ce qu'il chante ; enforte que s'ils
ditent bien , ils en font redevables à leur
memoire & au hazard , plus qu'à leur -
fcience. C'est pour cela que dès la premiere
fois que j'ai entendu parler de ce
Systême , j'ai crû qu'il ne devoit être regardé
que comme un memorial du Chant,
ou comme difent Meffieurs de l'Académie
Royale des Sciences , une nouvelle maniere
d'écrire le Plein - Chant , & qu'il en
étoit des differentes figures de M. D M.
comme de certains caracteres qu'on fe
contente de marquer fur des Tablettes
pour faire reffouvenir de ce qui devroit
être plus développé & rendu plus intelligible.
Après cela , fi on vouloit fe contenter
de pofer fur un Lutrin un Livre
noté felon le nouveau Systême , ou d'en
mettre un de cette efpece , en petit volume
, dans les mains de chacun des Muficiens
qu'on formera déformais au contrepoint
appellé ailleurs Chant fur-le Livre,
quelle augmentation de peine ne fera -ce
pas foit pour les Maîtres , foit pour les
(a ) De Mufica. Lib . 1. c. 4.
Difci
FEVRIER. 1728. 227
Difciples ? Cette maniere de moduler
dont le Plein - Chant eft le fondement , ne
deviendra - t- elle pas impratiquable , dès
qu'il leur faudra avoir fous les yeux des
figures qui fignifient d'elles- mêmes & en
raccourci , tant de chofes differentes , &
qui par une fuite neceffaire exigent tant
de reflexions & de retours d'imagination ?
Sera - t- il fort facile de prévoir trois ou
quatre mots du Texte pour bien accompa
gner le Plein - Chant avec les accords convenables
, lorfqu'il faudra démêler les fyllabes,
l'une après l'autre, à travers un embarras
de tant de figures différentes entrelacées
? Cela ne réduiroit - il pas cette fcience
, qui eft aujourd'hui fi perfectionnée , à
rentrer dans fon premier berceau , c'eſtà-
dire , à rendre comme dans fon origine
fimplement note pour note ?
Autre chofe eft donc , felon moi , de
trouver une maniere abregée de renfermer
le chant dans un petit volume ; autre choſe
d'inventer une Méthode qui fourniffe les
moyens d'apprendre plus facilement â
chanter. Dans la premiere on imite les
Scribes , qui par des abbreviations & des
fignes dont ils conviennent , renferment
en une page ce qui devroit naturellement
en occuper cinq ou fix ; mais quelque
grande que foit cette commodité , je
ne crois pas que jamais la mode vienne
d'im228
MERCURE DE FRANCE !
d'imprimer des Ouvrages comme ils les
écrivent chiffres &
par
par abbreviations.
Les vingt - quatre lettre de l'Alphabet auront
toujours le deffus , & feront toujours
placées l'une après l'autre pour former les
mots. Dans la feconde hypothefe , il faut
quelque chofe qui figure micux fur le papier
des fons montans & des fons defcendans
, que ne fait la pofition d'un quarré
ou d'un point , fur les differens degrez
d'une échelle . On n'a jamais pû fe faire entendre
par écrit chez les anciens Grecs &
Latins fur l'article des fons , que par ces
mots Ožus , Bapus , acutus , gravis, & jamais
on ne pourra mieux le faire entendre
en François , que par ces deux termes
haut & bas. Toutes ces expreffions étoient
en ufage, avant Aretin . Les lettres alphabetiques
n'étoient que pour faire reffouvenir
des cordes des inftrumens qui donnoient
les fons qu'on vouloit fignifier ;
ou bien les differens degrez du monocorde
aufquels ces fons fe rapportoient. Par
l'invention de Mr. D. M. qui enveloppe
chaque fon dans une fimple figure indépendinte
d'aucune échelle , on retombe
dans le même embarras où l'on étoit avant
Gui Aretin , parce qu'on fe prive de l'avantage
d'avoir fous les yeux une reprefentation
des differens degrez du monocorde
, laquelle feule a fuffi pour rendre
le
FEVRIER . 1728. 229
le Chant aifé & facile, comme l'experience
l'a fait voir. Ainfi je crois que fi aucun.
Systême d'abbreviation a merité l'application
de cette parole fi fenſée d'Horace.
Brevis effe laboro , obfcurus fio , c'eſt celui
de M. D. M.
Quant à la difficulté du changement
de clef dans une même Piece de Chant ,
& quelquefois dans une même ligne ;
c'eſt un mal , à la verité , mais un mal
que M..... femble exagerer hors de propos
, puifqu'il n'y a que les gens qui font
affez opiniâtres pour vouloir conferver indifferemment
tout ce qu'ils trouvent en
ufage , qui perfiftent dans cette mauvaiſe
pratique. Ce qu'on appelle aujourd'hui
une clef, & que les Copiftes ou Fondeurs
figurent comme une clef de ferrure , n'eſt
dans le fond qu'une clef priſe dans le fens
métaphorique. La clef d'ut n'étoit qu'un
fimple C qu'on a ceffé d'arrondir , & la
clef de fa une fimple F , ainfi qu'il paroît
par les Livres du XI . & XII. ficcles . Qui
empêcheroit que pour faire ceffer les plaintes
de M. D. M. fi bien marquées dans
les pages 10. 11. & 20. de fa Réponſe,
on ne fit par tout comme dans les Livres
de l'ufage de Paris ; que la clef d'ut fur
toujours fur la ligne la plus haute des quatre
dans les Pieces de Chant du premier
troifiéme , quatriéme ordinaire , fixieme
?
ordi230
MERCURE DE FRANCE.
ordinaire & huitiéme mode , fur la feconde
en defcendant , au fecond mode en
A mi-la , au quatriéme mode finiffant
aufli en A-mi-la & au feptiéme ; fur la
troifiéme au premier mode en A - mi - la
& au fixiéme en C -fol- ut ? Et que la clef
de fa fût uniquement refervée pour les
Piéces du fecond mode ordinaire , & toujours
placée fur la feconde ligne ? Et fi
pour l'expreffion de la Lettre le Chant s'éleve
d'un ton ou d'un femi-ton plus qu'à
l'ordinaire , quoi de plus facile que de
mettre en ce cas comme à Paris un bout
de ligne ? C'est ce qui fait appercevoir
tout d'un coup fi la Piéce a de l'élevation ,
& combien elle en a , & par conféquent
cela fert à mieux donner le ton convenable
en commençant le chant . Pour ce qui
eft d'être obligé de mettre jufqu'à une fixiéme
ligne dans le Plein- Chant , comme
le befoin ne peut arriver qu'une fois ou
deux en tout un Livre , cela ne vaut pas
la peine de s'en effrayer , ni de tirer de là
un grand avantage pour le nouveau Syftême.
Un fimple coup d'oeil fur cette allonge
fait qu'on eft exact à la commencer
d'un ton beaucoup plus bas ; & il eſt
beaucoup plus aifé d'appercevoir cette
allonge , que de démêler dans quantité
de fyllabes & de figures s'il y a une de ces
figures qui foit lozange , & qui foit tournée
FEVRIER . 1728 . 231
née de telle ou telle maniere . L'avantage
d'avoir mis una & un e pour fignifier le
bémol & le béquarre , n'eft pas non plus
fi grand , puifque ces deux lettres occupent
autant de place que la feconde lettre
de l'Alphabet , telle qu'elle foit .
Voilà , Monfieur , tout ce que je puis
dire pour le préfent du nouveau Systême :
j'ai voulu l'effayer fur des jeunes gens qui
ne fçavent ni celui -là , ni l'ancien : mais ils
n'y veulent point mordre. Par cette raifon
, je ne puis juger de fon progrès , encore
moins de l'idée qui fe forme des intervalles
dans l'efprit de ceux qui s'y accoûtument
fans avoir jamais fçû l'ancien.
Je fouhaitte que les effets en foient tels
que l'Auteur fe les promet ; il n'y a que
l'évenement qui en décidera. J'étois furpris
qu'il eût fait cet effai fur le Breviaire
Romain au milieu de la Ville de Paris où
il y a un Chant propre , & où même peu
de Communautez chantent un Romain
uniforme , & noté de même : mais je vois
par ce qu'il dit vers la fin de fa Préface ,
qu'il a plutôt travaillé pour les pays éloignez
& étrangers , que pour la Capitale
du Royaume . J'y ai apperçu avec plaifir
dans le nouvel Office de Sainte Elifabeth
la belle terminaifon de Pfalmodie , ufitée
à Paris, ici & ailleurs, pour certaines Antiennes
du cinquiéme mode. Il auroit pû
auffi
232 MERCURE DE FRANCE.
auffi y mettre la belle terminaifon du 3 .
en E. & du 7. en G. en y conformant
quelques Antiennes , fuivant la maxime ,
Bonum eft fui diffufivum. Je les qualifie
de belles terminaifons , parce que les terminaiſons
complettes , & qui finiffent par
la même Note que l'Antienne , font ordinairement
les plus belles , de même
qu'elles font les plus régulieres. Je n'en
dis pas de même des Kyrie fons , cuncti
potens genitor , & certains autres Chants
qu'il y a fait entrer. Les raifons qu'il y a
de ne pas répandre ces Piéces -là plus
qu'elles ne l'étoient , feroient trop longues
à rapporter. D'autres que moi pourront
examiner ou connoître par l'experience ,
files fept figures peuvent être fuffifamment
diverfifiées pour fignifier tous les
differens mouvemens & agrémens de la
Mufique . Je vois bien qu'on dira que les
queues étant trouvées , il ne s'agit plus
que de leur donner des crochets pour fignifier
les croches : mais en ce cas que
deviendra le fa , qui eft tout ifolé , felon le
plan du Systême ? Il auroit fallu pour le
Plein- Chant inventer un caractere propre
à marquer les bréves ; parce que tout le
'monde n'eft pas d'humeur d'y chanter
tout à notes quarrées , comme il fe pratique
dans le contre-point, & cela n'eſt point
non plus fi fort de l'effence du Plein - Chant
que
FEVRIER. 1718. 233
que quelques- uns le croyent. L'Auteur
paroît en convenir dans la page 27.de fon
Breviaire ; mais il fuppofe trop charitablement
que tous ceux qui chantent le
Plein Chant connoîtront quelles font les
fyllabes breves. J'écris Plain- Chant ; je
vous prie de le remarquer attentivement,
& je dis en Latin Planus - Cantus , après
les plus habiles qui en ont traité , depuis
quatre cens ans que ce mot eft en
vogue. ( a ) C'est pourquoi ceux qui pourront
tranfcrire ma Lettre , auront la bonté
de ne me pas faire écrire Plein Chant
Plenus cantus , comme on l'a fait en d'autres
Lettres précedentes. ( b ) Les Copiltes
ou Imprimeurs nous font quelquefois
dire ce que nous ne voulons pas , comme,
par exemple , dans la Réponſe de M....
page 33. on lui fait dire que S. Bafile vivoit
au milieu du troifiéme fiecle ; & plus
bas il femble lui - même vouloir infinuer
qu'on voyoit des Orgues à Paris fous le
Pontificat de S. Germain : cependant le
terme employé par le Poëte S. Fortunat
n'est point limité à défigner un jeu d'Or-
( a ) Jean des Murs , Glarean , Franchin ,
Angelus Pirigizonenfis, Alftede , Kircher , le
Card. Bona. Eveillon , les Peres Jumilhac &
le Clerc , M. l'Abbé,Chaftelain , & c.
C
(b) Mercures de Juin 1726. p. 1173. & ſuiv .
Août 1726. P. 1758 .
B gues
234 MERCURE DE FRANCE.
gues tel qu'on l'entend aujourd'hui , &
fur tout dans l'endroit où S. Fortunat s'en
fert . Si l'on pouvoit juger des fiecles paffez
, par ce qui fe voit aujourd'hui , on
pourroit dire auffi que du tems de S. Germain
on jouoit du Serpent dans l'Eglife
de Notre -Dame ; Inde fenex largam ructat
ab ore tubam . Y a- t- il inftrument de
chant d'Eglife qui merite mieux le nom
de Larga tuba qu'un Serpent? Neanmoins
on ne peut pas traduire ainfi la penſée de
S. Fortunat , parce qu'il eft certain qu'il
n'y a gueres que fix vingt ans que cet Inf
trument a été inventé en France , ainfi
qu'il eft déja marqué dans un des Mercures.
( a )
Je vois bien que m'étant trop étendu
il faut que je remette à une autre fois ce
que j'avois à vous dire pour vous prouver
que je n'ai point perdu le fouvenir de la
priere réïterée que vous m'avez faite d'examiner
une Critique de Chant qui vous
a été adreffée par des anonymes. Cependant
la liaiſon & le rapport de ce que j'ai
déja dit fur l'ancien ufage des Lettres de
l'Alphabet , avec le nouvel ufage qu'on
en fait dans les Eglifes qui prennent de
nouveaux Breviaires m'engage à ne
point féparer le peu qui me refte à dire
fur ce fujer.
>
( * ) Mercure de Juillet 1725. P. 1602 .
Ce
FEVRIER. 1728. 235
Ce que peu de perfonnes fçavent ou
veulent fçavoir , eft que les fept premieres
lettres de l'Alphabet latin ont paru à
ceux qui nous ont précedé jufqu'ici tellement
fuffifantes dans la matiere du Chant
Ecclefiaftique , que dans les endroits où
l'on aime à fe rendre clair & concis en
fuivant la fignification primordiale des
chofes , on retient toujours exactement
ces fept lettres pour marquer la modulation
de pfalmodie , & par conféquent les
modulations d'Antienne . Vous voyez (fur
tout , dans quelques Provinces ) des perfonnes
qui fe mêlent de chanter depuis
long- tems , & qui ne fçavent pas encore
qu'une fimple lettre fuffit pour tenir lieu
d'un Antiphonier à un habile Chantre.
Oui , une fimple lettre , jointe à l'un des
huit premiers chiffres, fuffit pour indiquer
qu'une modulation terminative de Pfalmodie
eft telle . La terminaifon étant connue
, le commencement de l'Antienne
c'eft -à- dire , les deux ou trois premiers
mots ne peuvent refter inconnus à quiconque
fçait la liaiſon qu'on eft convenu d'ordinaire
de mettre entre l'un & l'autre : le
commencement de l'Antienne étant connu
& fixé , conduit naturellement & par
la fuite des fons , des cadences , & des
diftinctions de fens , ou par la force de
l'expreffion à telle ou telle modulation juf-
Bij qu'au
236 MERCURE DE FRANCE.
qu'au milieu du texte & au de- là , & le
chiffre indiquant de fon côté quelle fera
la corde finale , il s'enfuit qu'avec un chiffre
& une lettre un habile homme dans le
chant peut le paffer d'Antiphonier . C'eſt
ce que prévirent fur la fin de l'avant- dernier
fiecle les Editeurs du Breviaire de
Nevers , où la pauvreté du Diocèſe a obligé
de fe paffer de bien des choſes . Mais ce
que ne fçavent pas ceux qui ne font verfez
que fuperficiellement dans la fcience du
Tonal Ecclefiaftique , ou qui croyent que
tout y eft ad libitum , eft que l'on n'arrête
jamais un chiffre & une lettre dans un
Breviare en qualité de caracteres diftinctifs
de la Pfalmodie , que le chant de
l'Antienne ne foit fait auparavant , parce
que c'eft l'Antienne qui regit la Pfalmodie
, comme dans la Grammaire ce font
les verbes qui régiffent les cas des noms.
D'où il s'enfuit que chaque modulation
d'Antiente ayant fa Pfalmodie particuliere
, il n'eft plus permis de demander qu'on
chante la Pfalmodie , qu'en fuppofant que
le chant de l'Antienne étoit mal fait , &
que pour cette raifon on le changera auffi
& on le boulverfera . Mais laiffant , comme
l'on doit, des Antiennes dans leurs modu
lations diverfifiées pour régir des Pfalmodies
également diverfifiées , il eft de l'ordre
naturel que l'effet fuive la caufe , &
>
que
FEVRIER. 1728. 237
que ce qui eft établi pour défigner l'effet ,
refte tel qu'il eft , n'ayant pas été mis au
hazard , mais felon les veritables & anciennes
régles qu'on commençoit à méconnoître
dans le dernier fiecle. Autrement
l'on ne pourroit plus fe fervir utilement
de ces nouveaux Breviaires dès
que ces fignes feroient devenus arbitraires
, & qu'ils n'auroient plus la deftination
dont on eft convenu par tout : ils
ferviroient au contraire à tromper tous
ceux qui auroient des yeux & du jugement.
Vous n'ignorez pas , Monfieur
l'ufage que faifoit l'Empereur Augufte des
vingt- trois lettres de l'Alphabet, lorsqu'il
vouloit n'être pas découvert dans les Mémoires
ou billets qu'il écrivoit . Suetone
rapporte qu'au lieu d'un a , il mettoit un
b ; au lieu d'un b , il marquoit un c , &
ainfi de fuite , & que pour la lettre z , il
mettoit double a a . C'étoit un miftere dont
lui feul & fes amis avoient la clef. Confentir
en fait de chant qu'un a fignifiera
déformais une autre corde que la corde la ,
&, que les Muficiens appellent par periphrafe
la corde A-mi- la , c'eſt introduire
la confufion & le défordre , & vouloir
qu'on ne s'entende plus les uns les autres.
C'est comme fi je contribuois à établir
dans le Public que 8 fignifiera 3 , ou que
le chiffre 1. voudra dire 6. Où en feroient
B iij
les
238 MERCURE DE FRANCE .
les Arithméticiens , fi cela , étoit ? Et ne
riroit- on pas avec raifon d'un homme qui
voudroit établir cela en régle par un avertiffement
à la fin ou au commencement
d'un Livre ? L'ufage donc reçû depuis mille
ans au moins ou environ , ainfi que le
dit le Sçavant Kircher , Jefuite , ( a ) eſt
que les Lettres a , b , c , d , e , f, g , remettent
à l'efprit les fept degrez du monocorde
qu'on appelle aujourd'hui la , fi , ut,
re , mi , fa , fol: & où l'on continue à employer
les lettres dans cette fignification
primitive , il ne peut pas fe faire que l'une
fignifie l'autre à caufe de la diverfité des
octaves , & ce ne feroit pas agir avec maturité
que de vouloir changer les caracteres
tels qu'ils font , fans s'affurer auparavant
, fi en le faifant , on ne s'éloigne pas
évidemment des régles enfeignées & obfervées
par les plus célebres Maîtres de
l'Antiquité. Je fuis , & c.
Ce 30. Novembre 1727 .
(a) Tome I. Muf. Univ. Lib. 5. cap. z
1
VOYAGE
FEVRIER. 1728. 239
VOYAGE
DE BLOIS A NANTES.
A
Ffaire utile & non galante ,
M'appellant aux portes de Nante
De Blois me fallut l'autre jour ,
Quitter l'agréable féjour ;
Ce fut au Port de la Galere
Qu'un beau Lundi je m'embarquai
De-là fi bel & bien voguai ,
Sur une Cabanne legere;
Où me reçut un faint Abbé ,
En Dieu jour & nuit abforbé ,
Qu'à Tours mon ancienne demeure ,
Je me rendis de fort bonne heure.
Le vent pourtant fouffloit d'en bas ;
Mais d'eau point n'étoit indigence ;
D'ailleurs pour plus de diligence ,
A Chouzy prîmes Barrabas ,
Homme auffi connu fur la Loire ,
Par fon babil , fon fçavoir boire ,
Biiij Que
240 MERCURE DE FRANCE .
Que par la force de fon bras.
Ciel ! comme il s'aidoit de fa Rame,
Comme à tout paffant chantoit game !
Des Bateliers c'eft - là le fort.
Arrivez que fûmes au Port,
Fallut penfer tout de plus belle ,
A chercher une autre Nacelle",
L'homme de Dieu n'alloit plus loin.
Ainfi nouveau jour, nouveau foin.
Je paffe à mon Hôtellerie ;
Puis droit au Port de l'Ecoirie ,
Où quelqu'un avoit remarqué
Berline ou Caroffe embarqué ,
Je cours , c'eſt affez mon ufage :
Je fuis connu fur ce pied - là ,
Et mon nom répond à cela .
Ah ! je fuis plus heureux que fage ',
M'écriai-je, quand au rivage ,
J'apperçus Cabanne & Chalan ,
Pleins de bahus & de bagage ,
Je le connois , c'eft l'équipage ,
De ce Monfieur de B ...
Qui remene dans fa famille
Ou pour mieux dire en fon Manoir ,
Femme
FEVRIER . 1728 . 241
Femme auffi belle , auffi gentille ,
Qu'en Bretagne il s'en puiffe voir
Et même dans toute la France :
Qui doute de ce que j'avance ,
Peut s'en informer à la Cour ,
Où la Belle a fait du féjour.
Pour faire entiere connoiffance ,
Avec ce couple merveilleux ,
Faut que je leur demande place ,
Pour baiffer à Nante avec eux :
Ils font trop polis tous les deux ,
Pour me refufer cette grace
Auffi -tôt dit , auffi - tôt fait ,
Ils me reçûrent à fouhait ;
La place me fut accordée ,
Tout auffi -tôt que demandée :
Mais il avint qu'un pur hazard ,
A mon bonheur mit du retard ::
En route ils avoient fait trouvaille ,
D'un vieux Courtifan de Verfaille ,
Homme bien fait & bien nourri ,
Avec qui jadis foeur- Ecoute ..
N'eut refufé de faire route :"
1
.B v Ce
241 MERCURE DE FRANCE.
Ce fut au grand Cerf à Touri ,
Qu'il fit connoiffance nouvelle
Avec la femme & le mari ;
N'eut pas long-tems vû notre belle ,
Qu'il fe prit d'amitié pour elle.
Les voyant partir d'Orleans ,
Dans une affez grande Nacelle ,
Pour mieux jouer de la prunelle ,
L'homme de Cour fe mit dedans ,
Mais un vent bas foufflant à l'aife ,
En tête il leur mit tout d'abord ,
De fe faire remettre à bord.
La Belle monta dans fa Chaife ;
Le Comte & lui fur des Chevaux ,
Qui le fuivoient fort à propos.
De Tours à la Chapelle blanche
J'allai feul , que faire à cela ?
Le lendemain j'eus ma revanche ,
La Cavalcade finit- là ;
Le Courtifan reprit fa Chaiſe ;
Voulut pourtant , j'en fus témoin ,
Les mener encore plus loin .
Mais tinrent bon , j'en fus bien aife.
N'eut pas plutôt contentement ,
Que
FEVRIER. 1728. 243
Que je craignis nouvel orage ;
Je vis l'heure que le courage
M'alloit manquer , voici comment :
Le Comte las du vent contraire ,
Crut n'avoir rien de mieux à faire ,
Que de retenir fes Chevaux ,
Pour les remettre à fa Berline ;
Mieux aimoit effuyer cahots ,
Que le bruit importun des flots ,
Et les hazards de la Marine.
Dieu fçait qui fit lors griſe mine 1
Mais le vent eut pitié de moi ,
Il fe calma, moyennant quoi ,
Nous nous remîmes , après boire ,
Sur le fein doüillet de la Loire.
Là d'admirer j'eus tout letems ,
Les traits de la belle Comteffe ,
Son bel efprit , fa gentilleffe ,
Et fa raifon , & fon bon fens ,
Son joli caquet , fa fageffe
Qui pafle en elle avec raifon ,
Pour exemte de tout foupçon .
Sans être farouche , ou tigreffe ,
B vj
La
244 MERCURE DE FRANCE.
La Belle que je prône ici ,
Peut fort bien faire en ce tems - ci ,
Le fecond tome de Lucrece ;
On ne lui connoît point de fi,
Dame nature l'a lotie ,
Du rare don de modeftie :
Qu'en fa préfence par hazard ,
On lâche mot un peu gaillard .
Le rouge lui monte au vifage ',
Ce qui n'eft plus guere d'ufage',
Parmi les Belles d'aujourd'hui ,
Qui ne marquent que trop d'ennui ,
Avec quiconque ne fçait dire ,
Ce qu'on nomme le mot pour rire.
Jamais ne fut- là ſon peché :
Quoiqu'elle n'ait point affiché ,
Maintien de prude ou de dévote ,
A tout homme mal embouché
La Belle fait changer de note :
Ne l'entend qu'avec déplaifir .
Vous la voyez rire , enjoüée ,
Prendre à fes heures de loifir ,
Tout comme un autre fon plaifir ;
Mais jamais n'en fut engoüée ,
Et
FEVRIER. 1728. 245
Et point n'en fait fon capital.
A fon feul devoir attentive ,
N'a pas befoin qu'on lui prefcrive ,
De faire le bien, fuïr le mal ,
Au fond de l'ame elle détefte
Les manieres , le jeu , le geſte .
D'une Coquette. Heureux l'époux
Qui trouve femme auffi parfaite ,
Auffi jolie , auffi bienfaite ,
D'efprit fi cultivé , fi doux..
Le fien favoure en paix profonde ,
Tout le bonheur de fon Hymen ,
Choſe trop rare en ce bas monde.
Mais finiffons cet examen ;
Il nous faudroit plus d'une année ,
Pour le pouffer juſques au bout ,
Encor ne dirions - nous pas tout 3
Continuons notre journée ,
Que ce qu'avons à raconter
Se faffe fans nous arrêter.
Ce jour- là plus qu'à l'ordinaire ,
Le vent fit le petit Corfaire.
Voyant la Belle grelotter ,
L'affyblai de ma Redingote ;
Pour
246 MERCURE DE FRANCE
Pour moi qui du vent me fagote ,
Et qui n'aime à m'enmaillotter ,
Je mejettai dans fa Berline ,
J'y lûs , j'y dis quelque oremus ,
Dont le Diable fut bien camus ;
Puis regardant mon Heroine ,
Je lui criai , Belle , j'opine ,
Que mieux vaudroit monter céans
Que refter à claquer des dens
Sur un maudit fagot de paille .
Laiffez-là votre valetaille ,
Et venez vous camper ici.
En baiffant , ou hauffant la glace ,
Il fait le tems qu'on veut qu'il faffe :
Voulez-vous du chaud ? En voici.
Voulez-vous du frais ? Tout de même
Jamais on n'y tombe en l'extrême.
Fallut voir la Belle accourir ,
Et s'y nicker par la portiere ,
Que brancards empêchoient d'ouvrir ?
C'eſt ainfi qu'on monte en Litiere :
Rien n'en fouffrit que le Panier.
Tous les matins , dit la Comteffe ,
D'y monter vous fais la promeffe ,
Pourvû
FEVRIER . 1728. 247,
Pourvû qu'y montiez le premier.
Je vous entens , lui répondis- je ,
Tant de précaution m'afflige :
Me croyez donc bien curieux ?
Vous vous trompez ; les belles chofes ,
Pour moi fouvent font lettres clofes
J'ai fait un pacte avec mes yeux ,
Pour jamais n'en faire d'ufage ,
Que pour voir la Terre ou les Cieux ,
Où tout au plus un beau viſage ,
Car tout bon Serviteur de Dieu ,
Ne doit jamais en plus bas lieu
Les promener...Le bon Apôtre !
Me dit la Belle en foûriant ;
Je vous crois bien meilleur qu'un autre
Eftes peut-être plus friand ,
Des chofes mêmes deffenduës ,
Qu'un Avocat n'eft d'un écu .
Allez , jamais n'en ferez crû
Ce font donc paroles perduës.
Croyez , Belle , ou ne croyez pas ,
La chofe n'en eft pas moins telle ;
Vous avouerai pourtant tout bas ,
Qu'à la longue avec une Belle
Comme
148 MERCURE DE FRANCE:
Comme vous, pas ne feroit fûr ,
De demeurer long- temps fidele
A mon ferment. Gagnons Saumur ,
Avant qu'il faffe plus obfcur.
Nous y voilà , dans Notre-Dame ,
Après courte priere à Dieu ,
Nous allons épancher notre ame ,
Devant la Patrone du lieu
Puis achetâmes Patenotres :
Car faut faire comme les autres :
Un Chapelet , fans contredit .
Eft plutôt acheté que dit.
La plus fameufe des Auberges ,
Nous gagnámes de notre pié :
Je fus fur tout édifié ,
D'y trouver grand nombre de Vierges ;
Car , je le crois en bon Chrétien ,
Toute fille l'eft bel & bien ;
Quoiqu'aux lieux où fe donne à boire ,
Soit chofe difficile à croire.
Ne faut ici me demander ,
Si nous paffâmes par l'étrille
Qui doute que dévote fille ,
Ne foit habile à fucceder ?
Sortis
FEVRIER . 1728 . 249
Sortis que fumes de leurs pattes ,'
Defcendîmes au Pont de Cé ;
Si-tôt qu'il fut outrepaffé
Tombâmes chez d'autres Pirates:
Gens d'affez mauvaiſe façon ,
Vinrent en même lieu defcendre ;
A leur figure eûmes foupçon ,
Que jadis ils avoient pû prendre ,
De Cartouche quelque leçon :
Nous nous tinmes donc fur nos gardes ,
Tant pour éviter les nazardes ,
Que par le tendre attachement ,
Que confervons très - prudemment ,
Pour notre bourfe & pour nos hardes.
Nous n'eûmes rien de plus preffé ,
Que de partir du Pont de Cé,
De grand matin ; mais la Riviere
S'agita de telle maniere ,
Le vent enfin fouffla fi fort ,
Que malgré maint & maint effort ,
Nous remontions , loin de defcend e.
A la Pointe fallut nous rendre .
La dans le meilleur Cabaret ,
Plus
250 MERCURE DE FRANCE .
Plus de quatre heures nous reftames :
Y bûmes tant de vin clairet ,
Qu'à la fin le tems nous hauffames.
Eole dedans fon manoir ,
S'étant retiré fur le foir ,
Nous débarquâmes dans Ingrande
Ville où l'on foüille bel & bien :
Heureuſement nous n'avions rien ,
Qu'on pût taxer de contrebande.
Quand aurions eû , fous le Panier'
D'une Dame , aucuns Doüanier
N'a droit de faire la recherche.
Or ce Receleur plein d'appas ,
Où se trouve tout ce qu'on cherche ,
Souvent ce qu'on ne cherche pas
Donnant le bon tour à la hanche ,
Tire fans craindre qu'on le branche ,
Nombre de gens d'un mauvais pas
Et mainte Belle d'embarras :
Partant , n'allez pas vous attendre
Que la mode en change jamais
Telle qui fe fent le coeur tendre ,
Le quitter ne peut deformais.

FEVRIER . 1928. 251
Là prîmes gîte au grand Monarque ,
Où mieux étions qu'en notre Barque.
Déjeûnâmes le lendemain ,
De beurre frais fur pain de feigle ;
Car de déjeûner c'eft la regle ,
Sans quoi fur l'eau l'on meurt de faim
Prenez part à notre infortune ,
Au Gué de Mauve , fur la brune
Le Samedi nous arrivons :
Là précisément ne trouvons ,
Qu'une miférable Gargote ,
Où tout homme qui fe dorlote
En lit de plume fort mauvais ,
Se trouve pris comme un niais .
Sans peine donc Dame Pareffe
Nous permit d'entendre la Mefle ,
Au petit jour ; mais le Curé ,
Nous en donna bon gré malgré ,
Comme on dit , tout le long de l'aulne ,
En nous régalant d'un long Prône.
Sur les neuf heures du matin ,
Reprîmes la route de Nantes
Cité de Mauve , peu diftante :
Mais
252 MERCURE DE FRANCE.
Mais le vent devint fi mutin ,
Si capricieux , fi fauvage ,
Qu'il ne fut en notre pouvoir ,
De terminer ce court Voyage,
Que fur les cinq heures du foir.
N'eft perfonne qui ne me croye
Préfentement comblé de joye ,
D'être à mon terme parvenu :
Qui compliment viendra m'en faire .
Verra que c'est tout le contraire ,
Tant y fera le mal venu.
Je n'ai pas l'efprit affez ferme ,
Sur ce point pour me contenir :
C'est là préciſement le terme ,
Où tout mon bonheur va finir .
Le vent contraire eft favorable ,
Bien loin de le deſobliger ,
A qui fur l'eau peut voyager ,
Avec une perfonne aimable :
Voudroit fon chemin rebrouffer ,
Sur tout quand il vient à penfer ,
Que le moment qu'il touche barre ,
Eft le moment qui l'en ſépare ,
Non pour un temps , mais fans eſpoir
De
6
FEVRIER. 1728. 253
De ne plus jamais la revoir.
C'eft juftement ce qui m'arrive :
Jugez fi ma douleur eſt vive.
Je vous y prens , dira quelqu'un ,
Vous l'aimez donc ? Oui , je l'avouë ;
La voir & l'aimer ce n'eft qu'un ;
La preuve en eft que je ne loüe
Jamais perfonne fans l'aimer :
Point n'en fais la petite bouche,
Si cet aveu vous effarouche ,
Ce qui fuit pourra vous calmer.
Quand je fais tant que d'aimer Belle ,
C'eft Sageffe que j'aime en elle ;
Quelque efprit & quelque beauté ,
Que puiffe avoir une Coquette ,
Du fac fur la feule étiquete ,
Je la fuis comme air empeſté ;
Mon mépris pour elle eft extrême :
Plus femme eft fage & plus je l'aime ,
Tout honnête homme penſe ainfi.
Or celle que je chante ici ,
De fageffe eft un vrai modele .
La voici , prenons congé d'elle.
Adieu
254 MERCURE DE FRANCE .
Adieu, charmante B ....
Plus ne voguerons en Cabane ,
Ni nous verrons , car pour moi Vanne
Eft le détroit de Magellan.
Quoi ! pour toûjours ? Ah ! quand j'y penſe,
J'en feche fur pied par avance.
Ma peau s'en cole fur mes os ;
Bien mieux vaudroit pour mon repos ,
Vous effacer de ma mémoire ,
Mais ce feroit la Mer à boire ,
De le tenter feroit abus ;
Quand l'inimitable Virgile ,
S'écria jadis , hoc opus ,
C'étoit fur chofe plus facile.
F. A. D. C.
OVFEVRIER.
1728. 255
OUVERTURE & Defcription du
Tombeau de FRANÇOIS II . DUC DE
BRETAGNE , dans l'Eglife des PP.
Carmes de Nantes , faite en vertu des
Ordres du Roy , par M. Mellier , Maire
, Subdelegué à cet effet , par M. l'Intendant
de Bretagne ; le tout fuivant le
Procez verbal des 16. & 17. Octobre
1727. A Nantes , chez Nicolas Verger
, Imprimeur du Roy , de M. l'Evêque
, de la Ville , & Libraire Juré de
l'Univerfité.
CE
E petit imprimé qui n'eft qu'une
brochure in 12. de 19. pages , contient
le Procez verbal dreffé à l'ouverture
du Tombeau de François II . Duc de Bre-
Lagne , faite par Ordre du Roy , avec les
Cérémonies ufitées dans ces occafions .
Ce Tombeau eft au milieu du Choeur
de l'Eglife des Carmes de Nantes . Il eft
tout de Marbre de differente efpece , de
cinq pieds de hauteur , neuf pieds quatre
pouces de longueur , & d'autant de largeur
, environné d'un degré de Marbre
blanc. Le haut ou couronnement du Maufolée
eft de Marbre noir , de dix pieds de
longueur. Il y a fur ce couronnement deux
Statuës
256 MERCURE DE FRANCE.
ayant
>
Statues de marbre blanc de grandeur naturelle
, couchées fur le dos , dont l'une à
droite repréfente le Duc François II . &
l'autre Marguerite de Foix fon Epoufe ,
chacune une couronne & un manteau
de Duc ; chaque tête eft poféc fur
un oreiller du même marbre , lequel eft
comme un peu foulevé par trois Anges
à genoux , de marbre blanc. On voit aux
pieds de la figure du Duc , un Lion couché
fur le ventre , tenant dans fes pattes
de devant l'Ecu des Armes de Bretagne .
Aux pieds de la figure de la Ducheffe , il
y a celle d'un Lévrier couché de même
tenant dans les pattes les Armes , partie de
Bretagne & de Foix , entourées d'un cordon
. Il y a fur les quatre angles , quatre
figures de femmes en pied , auffi de marbre
blanc , de grandeur naturelle , fymboles
des quatre Vertus cardinales avec leurs
attributs. Sur les côtez de ce Tombeau ,
on voit douze petites figures de marbre
blanc , de la hauteur de 22. pouces , reprefentant
les douze Apôtres , fix à gauche
, & fix à droite , chacune dans une
niche de marbre rouge , dont les Impoftes
font de marbre blanc , & entre chaque
niche un pilastre de pareil marbre , d'ordre
compofite .
La face de ce Tombeau qui regarde le
grand Autel porte fur la même ligne des
douze
FEVRIER. 1728. 257
douze Apôtres , les Figures de S. François
d'Affife au - deffous de la Fignre du
Duc , & celle de Sainte Marguerite audeffous
de celle de la Ducheffe , de Marbre
blanc.
Le côté qui regarde la grande porte
du Choeur , porte auffi deux Figures , de
pareille hauteur , & de même matiere.
Elles reprefentent l'Empereur Charlemagne
, & le Roy Saint Louis . Sur la baſe du
Maufolée font feize Figures de femmes
affligées , les unes à genoux , les autres
affifes , pofées dans des niches rondes
leurs vifages , leurs mains font de Mar- >
bre blanc , & les corps de Marbre noir.
Aux quatre coins de cette baſe , font
huit Ecuffons des Armoiries de Bretagne,
en plein , furmontez d'une Couronne Ducale.
Tout le Maufolée eft enfermé dans .
une Balustrade de fer , que la Ville de
Nantes fit faire en 1661. ornée de Fleurs
de lys , d'Hermine , &c . On lit l'Infcription
fuivante fur un Vélin enchaffé dans
une bordure d'Ebene .
Les Corps du Duc François II. & des
deux Ducheffes , Marguerite de Bretagne,
Marguerite de Foix, fes Epoufes , avec
Le Coeur d'Anne , Heritiere Ducheffe de
Bretagne , Fille de ce Duc , & de Marguerite
de Foix , & deux fois Reine de
France , gifent fous ce royal & magnifique
C Tom-
1
8 MERCURE DE FRANCE.
Tombeau , que cette Reine fit conftruire à
la memoire de très - baut , & très - magnanime
Prince & Duc de Bretagne, François
II. fon Pere , par l'art & l'industrie de M,
Michel Colomb , premier Sculpteur de fon
fiecle , originaire de l'Evêché de Leon,
n
Après qu'on eut levé la principale Pierre
, on trouva un Caveau de trois pieds
feulement de profondeur , fur trois pieds
de longueur. Ce Caveau renferme trois
grands Cercueils de plomb , pofez fur
trois barres de fer. Le Cercueil du milieu
eft parfemé d'Hermines en relief : au
côté droit , vers la tête, l'Infcription fuivante,
eft gravée en caracteres gothiques
fur une plaque de plomb.
Cy-dedans gift le Corps du Duc François
Second de ce nom , lequel regna trente ans
Duc de Bretagne , puis trépaffa à Coëron ,
le neuf Septembre , l'an mil quatre cens
quatre- vingt buit, &fut ceans en Sepulture.
Au bout de ceCercueil , à la tête , eſt un
Ecu des Armes de Bretagne en relief, fur
une Table de plomb, avec une Couronne
Ducale au-deffus.
Le Cercueil à droite eft auffi femé d'Hernines
, en relief, & à fon côté gauche ,
vers la tête , eft une Infcription femblable
à la premiere pour la difpofition , laquelle
marque ce qui fuit :
CyFEVRIER.
1728. 259
Cy-dedans gift le Corps de Marguerite
de Bretagne , Fille eilne du Duc Français
premier de ce nom , & d'Isabeau , Fille
eilnée du Roy d'Ecoffe , & premiere femme
de ce Duc François Second , laquelle tref
paffa l'an M. IV. LXIX. le vingt - cinq
de Septembre , & fut ceans en fepulture.
Au bout de ce Cercueil , à la tête, eft
auffi un Ecu des Armes de Bretagne , en
relief, fur une plaque de plomb, avec une
Couronne Ducale.
Le Cercueil à gauche porte l'Infcription
fuivante , femblable aux deux autres pour
la difpofition.
Pan M. IV C. LXXXVII . le
5
Cy-dedans gift le Corps de Marguerite
de Foix , Ducheffe , & feconde femme de
ce Duc François Second, laquelle trefpaffa
15. de May,
de laquelle cedit Duc eut deux Filles
dont Anne la Fille eilnée fut Roine de
France deux fois , & filt apporter ce Corps
defaint Pierrede Nantes , qui premier avoit
été ceans enfevely , & le filt mettre- cy ,
pofer en fepulture l'an M. D. & Vii. le
25. de May.
&
Il y a à la tête de ce Cercueil un Ecu
gravé en plomb , partie de Bretagne & de
Foix , avec une Couronne Ducale auffi
gravée .
Outre ces Cercueils on trouva encore
un Coffre placé du côté de l'Evangile ' ,
Cij entre
260
MERCURE DE FRANCE .
entre deux Cercueils , fur des grilles de
fer. Ce Coffre eft de figure quarrée- longue
, de onze pouces de longueur , &
de fix pouces trois quarts de largeur ,
huit pouces & demi de hauteur quarrée
un couronnement en , figure de Cercueil ,
de deux pouces & demi de hauteur , chargé
de huit Hermines , en relief . Ce Coffre
en renferme un autre de fer , en forme
de bahu , avec une poignée ou ance
de fer au - deffus. Il eft long de dix pouces
trois quarts , & large de fix pouces.
Il a cinq pouces de hauteur quar rée , &
deux pouces & demi d'élevation en bahu
par le milieu. Il paroît aux deux bouts
quelques ouvrages en relief , que le tems
a fort maltraité. Ce fecond Coffre renferme
une boëte de plomb de cinq pouces
& demi de hauteur, fix pouces & demi
de longueur , & trois pouces & demi
de largeur . On en tira une boëte d'Or de
forme ovale , tirant fur celle d'un coeur ,
de fix pouces de longueur , & quatre pou
ces dix lignes de largeur , couronnée d'une
Couronne d'or fleur - délifée , de feize lignes
de hauteur , jufqu'à la pointe des
Heurs de lys , entouré d'une cordeliere
auffi d'or , qui y étoit adhérante , avec
un Scapulaire d'étoffe tout gâté de pour
riture. La boëte & la couronne ayant été
pelées,
FEVRIER. 1728. 261
pelées , le tout s'eft trouvé avoir le poids
de deux Marcs une once & demie & deux
gros. Sur le cercle de la Couronne eſt
écrit en Letres capitales , de relief , &
émaillées de rouge , ce qui fuit :
CUEUR DE : VERTUS : ORNE :
Et fur l'autre côté étoit auffi écrit .
DIGNEMENT : COURONNE :
L'Infcription fuivante eft fur un côté
de la Boëte , en lettres Capitales , en partie
émaillées de verd.
EN : CE PETIT : VAISSEAU :
DE : FIN : OR : PUR : ET : MUNDE :
REPOSE : UNG : PLUS : GRAND : CUEUR :
QUE: ONCQUE : DAME : EUT : AU MUNDE:
ANNE : FUT : Le : Nom : d'elle :
EN : FRANCE : DEUX FOIS : ROINE :
DUCHESSE : DES : BRETONS :
ROYALE ET : SOVVERAINE :
C
M. V XIII .
L'Infcription fuivante eft de l'autre côté
de la Boëte , & de pareille forme que la
premiere.
CE : CUEUR : FUT : SI : TRES : HAULT :
QUE : DE ; LA TERRE : AUX : CIEULX :
C iij
SA
262 MERCURE DE FRANCE.
SA VERTU LIBERALLE :
ACCROISSOIT : MIEULX : ET : MIEULX :
MAIS : DIEU : EN : A : REPRINS :
SA : PORTION : MEILLEURE :
ET : CESTE PART : TERRESTRE :
EN : GRAND : DUEIL : NOUS : DEMEURE :
E
IX. Janvier.
Et au- deffus dans le milieu de la Couronne,
eft une M, partie émaillée en verd ,
adhérante par fon milieu à la Cordeliere ;
elle eft de huit lignes de hauteur & de
fix lignes & demie de largeur.
Tout ce que l'on vient de rapporter , fe
paffa le 16. Octobre . Le lendemain 17 .
toutes les perfonnes prépofées à l'ouverture
de ce Tombeau , fe rendirent à l'Eglife
des PP. Carmes , & remirent le tout
en l'état où on l'avoit trouvé , &c.
********* :**
TRIOLET
Sur le premier jour de l'An.
Maint Janus paroît en ce jour ,
Qui fait courir & fous & fages :
Par un affez étrange tour
Maint Janus paroît en ce jour :
Tel
FEVRIER. 1728. 263
Tel, qui vient vous faire la cour ,
Comme Janus a deux viſages ;
Maint Janus paroît en ce jour ,
Qui fait courir & fous & fages.
Sur le même fujet.
RONDE A U.
Ans ce jour- cy qu'on a de ferviteurs !
Qu'on a d'amis ! qu'on a d'adorateurs !
Avec tranfport , & d'un air de tendreffe , *
On vous accole , & l'on vous fait careffe ,,
Et les plus froids deviennent Orateurs.
Beaux complimens , éloges enchanteurs ;
Belle Miffive , & voeux les plus flatteurs ,
Sont mis en oeuvre avec grande foupleffe
Dans ce jour- cy,`
Mais que penfer de ces complimenteurs >
De leurs difcours , leurs coeurs font- ils Auteurs
?
Y trouve - t-on candeur , amours , fimpleffe
Non , c'eft qu'on fait affaut de politeffe ,
C iiij
Et
264 MERCURE DE FRANCE.
Et l'on ne voit que d'honnêtes menteurs
Dans ce jour- cy.
Bouchet , Chanoine de Sens.
******************
EXPLICATION d'une ancienne Ephitaphe
découverte en Provence.
Par M. de Mautour.
UN
N
Particulier de la Ville
d'Orange,
envoyé à M. de Mautour une Inf
cription
fepulchrale pour avoir là - deffus
fon fentiment. Cette
Infcription
trouvée
depuis peu , eft courte & fimple ; elle eſt
ainfi conçûë :
M
COL. IVL . MEM.
HEREDES EX
TESTAMENTO .
Néanmoins elle
renferme une
fingularité.
Il s'agit de fçavoir quel a été le lieu de la
Colonie , défigné par ces lettres MEM.
On en trouve la décifion dans Ptolemée,
livre fecond de fa
Géographie , où dans
le voisinage
d'Orange ; il fait
mention
d'un peuple
appellé
MEMINOI. Pline
en
fait auffi
mention
dans fon
Hiftoire
naturelle , liv. 3. chap. 4. où en décrivant
la
Province
Narbonnoife
entre les
Villes,
FEVRIER. 1728. 265
>
Villes , il cite Carpentoracle Meminorum ,
par où il paroît attribuer la Capitale des
Peuples Memini , à la Ville de Carpentras .
Dalechamps , dans fes notes fur Pline
croit plutôt que c'eft la Ville de Mornas
fcituée auprès du Rhône. Cellarius dans
fa Géographie antique , liv. 2. chap . 2 .
fait un ample mention de ces Peuples .
appellez Memini ; ainfi on doit expliquer
cette Infcription fepulchrale de la maniere
fuivante.
MILITI
COLONIAE IVLIAE MEMINORUM
HEREDES EX TESTAMENTO .
On fous-entend le mot Pofuerunt.
Ce font donc des heritiers teftamentaires
qui ont dreffé cette Epitaphe , à la
memoire d'un Soldat de la Colonie , que
Jules- Cefar , après la conquête des Gaules
, avoit établie dans le voifinage d'Orange
, chez les Peuples appellez Memini.
Pour juftifier l'explication de la lettre M.
par Militi , Urfatus dans fes notes , explique
ainfi celle qu'il cite de Scaliger,
M. COH. par miles Cobortis.
C'est ainsi que rien n'eft indifferent
dans l'étude de l'Antiquité , où les moindres
découvertes donnent toujours ocea
fion à de nouveaux éclairciffemens .
Cv COU
266 MERCURE DE FRANCE.
COUPLETS de l'Hermite de Salonique
, fur l'air : Reveillez - vous ,
belle endormie .
Atisfait dans mon Hermitage ,
Satisfait
Malgré fon ennuyeux féjour ,
Je m'exerce à devenir fage ,
Loin de Bacchus & de l'Amour.
Plus j'examine à fond leurs charmes ,
Plus j'en connois la vanité
Et plus je me forge des armes
Pour combattre leur volupté.
Je fuis , il eft vrai , fi fragile ,
Que j'eftime comme un bonheur ,
D'être venu dans cet azile ,
Pour mettre en retraite mon coeur.
Des ondes qui troublent Cythere ,
Je ne fens ni flus , ni reflus ;
PerfonFEVRIER
1728. 267
Perfonne ici ne penſe à plaire ,
Et je n'y pense pas non plus .
On n'y prend du jus délectable
Qu'autant que la foif le permet ,
Et l'on fort auffi frais de table ,
Qu'on eft grave quand on s'y met.
Bien loin d'être affez fou pour croire
Qu'on chaffe en buvant le fouci ,
Si l'on pouvoit vivre fans boire ,
On ne boiroit jamais ici.
M
Rien donc n'y picquant ma tendreffe
Rien n'y réveillant mes defirs ,
Je n'y crains rien de ma foibleſſe
Ni des fuites de mes plaifirs.
1
Les Mufes
par
leur doux commerce ,
Y charment fouvent mon eſprit ;
Et quand j'en fuis las , je converfe
Avec mes amis par écrit.
Cvj J'ule
268 MERCURE DE FRANCE.
J'ufe fi bien de ce remede ,
Pour vaincre l'ennui le plus noir
Qu'un jour à l'autre fe fuccede ,
Sans prefque m'en appercevoir.

Je ne ris , ne chante , ni danſe :
Je parle peu , fors encor moins ;
Je lis beaucoup en récompenfe
Et me divertis fans témoins.
M
Je fçai qu'ailleurs je pourrois vivre
Tout auffi -bien , méme encor mieux
Mais je fçai auffi qu'il faut fuivre ,
Les tems , les perfonnes , les Cieux.
Quand j'aurai quitté cette Ville ,
Alors comm'alors je verrai
En attendant , je vis tranquille ,
Altri timpi , altri cure.
LETFEVRIER.
1728. 269
*kak kakakakakakakakakak
LETTRE fur les Lunaifons , fçavoir , ſi
elles doivent porter le nom des mois :
avec des corrections du Gloffaire de
M. du Cange , & des remarques fur
quelques Auteurs Ecclefiaftiques.
LE
Ecrit que vous m'avez communiqué,
Monfieur , comme étant d'une pesfonne
du Diocèfe de Sens , touchant le
nom qu'il convient de donner aux Lunaifons
de l'année , m'a engagé à remuer
quelques Manufcrits que je laiffois fort
en repos . Il s'agit d'expliquer , ou plutôt
de juftifier un Vers qui fe trouve dans
plufieurs Livres du Compôt Ecclefiaftique
, entre autres dans les anciens Miffels.
In quo completur , menfi Lunatio detur.
Je dis juftifier , parce que plufieurs per
fonnes prétendent qu'on ne doit jamais
fe fervir de ce langage : la Lune de Mars,
la Lune d'Avril , & c .
On voit d'abord que le vers cy - deffus
rapporté, ne veut dire autre chofe , finon
que pour diftinguer les , differentes Lunaifons
qui fe fuccedent les unes aux autres
, & le rendre intelligible lorfqu'on
parle
270 MERCURE DE FRANCE.
parle de ces matieres , il faut donner à
chaque Lunaifon le nom du mois dans lequel
elle finit , & qu'ainfi une Lunaifon
qui finira , par exemple , dans le mois de
Janvier , doit être appellée la Lune de
Janvier. Il n'y a qui que ce foit de ceux
qui ont fait leur cours de Philofophie ,
qui n'y ait appris que les mois de la Lune
font plus courts que ceux du Soleil , c'eſtà-
dire , que la Lune n'eft pas trente ni
trente & un jours à paffer par toutes fes
phafes , mais qu'on en compte feulement
29. avec quelques heures , qui font que
pour compenfation de l'un fur l'autre ,
on donne alternativement, de mois à autre
, aux uns trente jours , aux autres
vingt-neuf. On enfeigne par tout que les
douze révolutions des phafes de la Lune
fe faifant fentir chacune en 29. ou 30.
jours , il s'enfuit de là que l'année Lunaire
finit onze jours avant l'année Solaire,
& que la Lune eft déja dans fon douziéme
jour , lorfque le Soleil recommence
une feconde année ; que l'année d'après
, la Lune eft déja au vingt - deuxième
jour de fa Lunaifon , lorfqu'une troifiéme
année Solaire recommence , & par confequent
au bout d'une troifiéme année
Solaire , il y a déja un mois de difference
entre le cours des deux Aftres , c'eſt -àdire
, que lorfqu'on compte que le Soleil
FEVRIER. 1728. 271
a paru fur l'horifon durant un efpace de
temps qui forme trente fix -mois , il faut
compter que la Lune a déja eu trente fept
Lunaifons entieres . C'eft un treiziéme mois
Lunaire qu'il faut compter en certaines
années . Comme ce mois eft de furcroit ,
les années où il fe trouve s'appellent
années embolifmiques , c'est -à- dire , années
du furcroit. Le mois Lunaire embolifmique
, en quelque faifon qu'il fe trouve
, n'a point d'autre nom que celui d'embolifmique
; mais les autres confervent
& portent toujours le nom du mois dans
lequel la Lune finit fon dernier quartier.
Ainfi le vers en queftion a toujours fon
application dans les années communes
& il ne fouffre exception que dans les
années embolifmiques & dans le feul mois
emboliſmique de ces mêmes années . On
pourroit faire quelques objections fpecieufes
touchant le commencement du '
mois Lunaire qui regle la Fête de Pâques.
Il pourroit aufli paroître étrange à quelques
perfonnes , d'entendre dire que Pâques
a été celebré telle ou telle année dans
la Lune de Mai. Ce langage renverfe les
idées communes , fur tout celles des gensde
la campagne qui font accoutumez à
voir finir dans le mois de Mai la Lune
d'Avril , qu'ils appellent la Lune rouſſe.
Je pourrai vous parler fur la fin de ma
Lettre
272 MERCURE DE FRANCE .
Lettre des précautions dont l'Eglife a tou
jours ufé , afin d'empêcher qu'on ne ſe
trompât dans le calcul pour la fête de Pâques
, & faire que tous les differens calculs
ou manieres de s'exprimer , fe réuniſfent
au même point : il est toujours vrai
de dire que quelque nom qu'on donne à
la Lunaifon de Pâques , cela ne touche
point à la décifion du Concile de Nicée ,
qui a feulement reglé que la Lunaifon dont
le quatorze ferviroit à fixer Pâques au Dimanche
fuivant , feroit celle dont ce même
quatorze arriveroit après le 21. jour
de Mars .
J'aurois fouhaitté, pour la fatisfaction de
ceux qui font la feconde objection , que
l'Auteur du petit écrit ne fe fut pas borné
à un feul Vers de l'ancien Calendrier
dont il l'a tiré , mais qu'il en eut rapporté
d'autres fur le même fujet , avec la glofe
qui fe trouve dans les anciens Livres d'Eglife.
Il eft certain que ces Vers ne font
pas de l'invention de ceux qui drefferent
ce Calendrier , qui n'eft tout au plus que
de l'avant dernier fiecle. Il faut ,fans doute,
remonter plus haut , & au moins jufqu'au
12. ou 13. ficcle , où l'on étoit fort accoûtumé
à border de ces fortes de Vers
les marges des Calendriers , & à inferer
dans le corps de l'Ouvrage ces deux fameux
mots Ogdoas & Endecas , qui partagent
FEVRIER. 1728. 273

tagent le Cycle Lunaire de dix - neuf ans ,
fçavoir , celui d'Ogdoas pour fignifier l'efpace
des huit premieres années , & celui
d'Endecas pour fignifier l'efpace des onze
dernieres. Pour vous , Monfieur , fi vous
êtes tenté de lire l'Extrait d'un Manuf
crit fort obfcur fur cette matiere , vous
pouvez vous fatisfaire dans le Gloffaire de
M. Ducange , au mot Embolismus . Vous
n'y trouverez point le nom de l'Auteur de
ce Manufcrit, qui eft confervé à S. Victor
de Paris ; mais vous fçavez que les Ouvrages
des Calculateurs Ecclefiaftiques
n'étoient pas rares dans certains fiecles
avant l'origine de l'Impreffion . La neceffité
faifoit faire une étude expreffe de cette
partie des Mathématiques. Je ne fçai par
quel hazard j'en ai trouvé dans ces pays ci
un qui avoit été apporté chez les Céleftins
de Metz par un nommé Dominique
Warinet , Profès de cette Maiſon , l'an
1447. J'en connois un autre plus ancien ,
& qui paroît venir d'une main de Maître ,
puifque le Compilateur fe vante d'y fuivre
les écrits de Denys le Petit , de marcher
fur les traces du venerable Bede , &
qu'il fait profeffion d'employer les propres
termes du Moine Helperic , qu'il appelle
un prudent Calculateur . Permettez que
je m'étende un peu fur ce Manufcrit pour
rentrer dans le fujet dont je m'éloignois
in274
MERCURE DE FRANCE:
infenfiblement. L'Auteur ne manque ja
mais dans chaque Chapitre de fon Livre
'de rapporter des Vers où font renfermez
en peu de mots les axiomes des Calculateurs.
Celui , à l'occaſion duquel j'ai mis
la main à la plume , y eft en ces termes :
Illius eft menfis cui dat Lunatio finem.
Mais auffi - tôt l'Auteur ajoûte d'autres
Vers qui exceptent de cette regle les mois
d'Avril , de Mai & Juin de la huitiéme
année du Cycle , les Lunaifons de Février
& de Mars de la onzième année du
même Cycle , & celles d'Avril & de May
de la dix- neuviéme , par où il paroît que
ce n'est que dans les années Embolifmiques
ou de treize Lunes, qu'il y a du changement
pour la fuite du langage : mais
c'étoit toujours l'ufage conftant dans les
années communes de donner aux Lunaifons
le nom du mois où elles finiffoient
le Manufcrit ajoûte enfuite cet autre
Vers :
Embolifmalis nullius dicitur effe.
C'eft-à - dire , que la Lunaifon Embolifmique
ou intercalée ne porte le nom
d'aucun mois . C'eft ce qui fert de Réponſe
à une Objection qu'on auroit pû
former contre le langage dont je fais l'Apologie
; & plus bas , pour fignifier que
la
FEVRIER. 1728. 27
la même Lunaifon furnumeraire eft toujours
de trente phaſes , on lit :
Embolifmalis Lunatio femper erit par.
Tous les Vers de ce Manufcrit ne font
de la même pas clarté que ceux que je
viens de vous rapporter . Il y en a qui
font du pur ftyle de Barbara celarent. Tel
eft celui-ci entr'autres : à Mobilis ibo cifos
ace liber habeto coevos . Mais le Commentaire
qui y eft joint développe parfaitement
ce qui eft caché fous ces fept mois
myfterieux. Dans Mobilis , par exemple ,
la premiere lettre étant la douziéme de
l'Alphabet , fignifie que c'eft dans le
mois de Decembre , douzième de l'année ,
( a ) que doit être inferée la premiere Lunaifon
Embolifmaque du Cycle de dixneuf
ans , c'eft à - dire , la Lunaifon Embolifmique
de la troifiéme année de ce
Cycle. La premiere lettre de la feconde
fyllabe étant un b qui eft la feconde de
l'Alphabet , cela dénote que le premier
jour de cette Lunaifon Embolifmique, placée
dans le mois de Decembre , eft le fecond
de ce même mois , & ainfi des fix
( a ) Remarquez que le Manufcrit dit expreflément
que Decembre eft le douzième mois
de l'année. Cela prouve qu'il y avoit alors ,
comme à préfent, une efpece de calcul qui faifoit
commencer l'année au 1. Janvier.
autres
276 MERCURE DE FRANCE .
autres mots qui fe rapportent aux fix autres
années Embolifmiques du Cycle qui
font la fixiéme année , la huitiéme , la
onzième , la quatorziéme , la dix - feptiéme,
& la dix- neuviéme . Durand , Evêque de
Mende , qui vivoit en même-temps que
l'Auteur dont je vous parle , a fait dans
le huitiéme Livre de fon Rational , un Chapitre
exprès fur l'Embolisme , où il ne paroît
pas s'accorder avec lui fur les mois
des années embolifmiques , fuppofé que
les Imprimez de fa Somme foient conformes
à ce qu'il a véritablement écrit : car
voici le Vers qu'on y lit : Mobilis &
Chriftum modo Liber habeto coevum. ( a )
Mais j'efpere vous rapporter plus bas des
preuves,comme notre nouvel Auteur étoit
plus intelligent que Durand dans ces fortes
de matieres. L'Ecrivain de ce Traité fur le
Compôt Ecclefiaftique , s'appelloit Pierre
de Mura . Il étoit Dominiquaindu Convent
de Lyon. Il dit au commencement de
( a ) Je lis ainfi ce Vers dans une édition du
XVI. fiecle. Une des premieres éditions qui
fut faite à Paris en 1475. par Martin Ulric , &
Michel, reprefente ce Vers un peu autrement &
en fix mots ſeulement , contre l'intention de
P'Auteur qui en comptoit fept. Mobilis cibum
modo Liber habeto cxvum . On entrevoit facilement
que ce qui a embaraffé les Editeurs
étoit qu'ils ne trouvoient aucun fens dans ce
Vers .
fon
FEVRIER. 1728. 277
fon Ouvrage, qu'il écrit peu de tems après
la mort de S. Pierre le Martyr , lequel
mourut en 1252. ( a ) Son Traité m'a
paru fort méthodique & fort clair. Il eft
fi rempli de Textes d'Helperic , qu'il femble
le plus fouvent n'en être que le Copifte.
Cet Helperic eft celui - là même que
le Pere Mabillon a fait connoître en publiant
la Préface de fon Ouvrage dans le
premier Tome de fes Analectes. A ne confulter
que le Manufcrit de l'Abbaye de
S. Germain des Prez , on l'eut pris pour
notre célebre Moine Heric , Maître des .
Ecoles d'Auxerre au IX. fiécle . D'un autre
côté , l'Abbé Tritheme & Conrad Gelner
, en ont fait un Moine de S. Gal ; mais
la découverte qu'a faite Dom Jean Mabillon
d'un Manufcrit plus ample dans
l'Abbaye de Vicogne , proche Valenciennes
, nous a appris à le diftinguer du Moine
Heric ( quoique notre Ville ne lui ait
pas été inconnue , ni l'Abbaye de S. Germain
non plus ) & à le reconnoître pour
un veritable Religieux de Grandval , proche
Bâle. Il avoit été long temps occupé
à enfeigner le calcul Ecclefiaftique , & probablement
auffi le chant ( b ) à la jeuneffe
(a ) Je marque toutes ces circonstances, parce
que cet Auteur a été inconnu au Pere
Echard. On ne le trouve pas dans fon Ouvrage
immenfe fur les Ecrivains Dominiquains.
(b) Voyez Tritheme.
de
278 MERCURE DE FRANCE.
de fon Monaftere. Quelques affaires l'engagerent
à venir demeurer à Auxerre , où
il fut reçû avec toutes fortes d'amitiez par
le Doyen ou Abbé Regulier de S. Germain
qui fe nommoit Afper ; & ce fut
après fon retour qu'il lui envoya fon Traité
du Compôt , où l'on voit qu'il avoit
écrit cet Exemplaire en l'an 989 .
Gefner nous a fait connoître un Aureur
affez rare , lequel merite d'être auffi
confulté fur ces matieres. Il fe nomme
Jean de Sacrobufto ou de Sacrobofco , &
fon Ouvrage fut imprimé dès le XVI . fiécle.
Comme je l'ai auffi recouvré en Manufcrit
d'un caractere d'environ l'an 1290 .
ou 1 3oo. j'y ai trouvé le Vers tel qu'on
vous l'avoit envoyé, avec une Paraphrafe
qui dit la même chofe . Ainfi il y a du
temps que ce Vers paffe pour une décifion
des Computiftes , s'il eft permis d'ufer
de ce terme : & fi j'avois le Traité
entier de Bede , de Ratione temporum, peutêtre
l'y aurois -je trouvé. Gefner nous apprend
que Lelandus fait vivre ce Jean de
Sacrobofco en 1240. Le Manufcrit que
j'ai vû de fon Traité de Computo , finit
par une époque ainfi exprimée , & qui revient
à 1256. felon que l'a marquéM . Ducange.
Mille ducenteno quarto deno quater anno
D.
FEVRIER. 1728 . 279
De Sacrobofco difcrevit tempora & annos ,
Gratia cui nomen dederat...•Johannes.
Un Ecrivain bien moins connu que cer
Anglois , cft un nommé Gerland où Gelland
, que des Manufcrits du XIII . fiécle
femblent infinuer être le même que Denys
furnommé le Petit , qui étoit Abbé
à Rome au VI . fiécle . Rota Gellandi ( a )
quel qu'en foit l'Auteur , me paroît un
Ouvrage d'une grande imagination ; c'eft
une combinaiſon des plus ingenieufes des
lettres de l'Alphabet , où toute la fcience
du Compôt eft renfermée. Je me plais
au refte , à faire connoître ces Ecrivains.
du calcul Ecclefiaftique , parce que cette
ſcience a non feulement été recommandée
par les Capitulaires de nos Rois , mais
encore par ceux des Evêques . Il en eft
fait mention comme d'une chofe neceffaire
à un Ecclefiaftique dans les Ordonnances
de deux de nos Prélats du IX. fiécle
fçavoir , dans celles de Vautier , Evêque
d'Orleans , & dans celles de Villebert
( a ) Ce nom n'étoit pas fort commun autrefois
mais comme une Chronique de l'Abbaye.
d'Orillac , imprimée au 2.Tome des Analectes
dit du PapeSylveftre II.qu'il s'appelloit Gerlent
dans fa jeuneffe , ce pourroit être une production
de fon efprit lorfqu'il demeuroit dans
cette Abbaye,
Evêque
280 MERCURE DE FRANCE.
Evêque de Chaalons für Marne.
Mais puifque je fuis en train de vous
parler de Lunaifons , je ne finirai point
fans vous propofer ce que j'ai lû dans un
Calendrier écrit au X. fiécle ou environ,
C'étoit aux marges ou à la tête des Calendriers
que les Sçavans de ces temps- là
faifoient fouvent mettre leurs obfervations.
Voici donc celle qui fut miſe alors à
un fort beau Manufcrit que j'ai vû à Paris
, ( a ) par le moyen de laquelle je fuis
en droit de remonter encore plus haut que
je n'efperois pour l'ufage de donner aux
Lunes les noms de mois.
Luna Januarii media nocte accenditur.
Luna Febr. inter mediam noctem & Gallicantus
accenditur.
Luna Martii media nocte accenditur.
Luna Aprilis hora Gallicantus accenditur.
Luna Maii mane accenditur.
Luna Julii horâ iij accenditur,
Luna Julii meridie accenditur.
Luna Augufti inter mediam , ( il faut
meridiem , c'est une faute du Scribe ) &
horam nonam accenditur.
Luna Septembris circa horam IX. accenditur
(a ) A Saint Germain des Prez.
Luna
FEVRIER 1728. 281
Luna Octobris inter Nonam & Vefperam accenditur
Luna Novembris in Vefperum accenditur.
Luna Decembris in Vefp . mediam noctem
accenditur.
Vous me demanderez , fans doute , ce
que veut dire là le verbe accenditur. Tout
ce que je fçai , eft que dans le langage des
anciens Calculateurs Ecclefiaftiques, il fignifie
la même chofe qu'Illuminatur ; &
ainfi par ce mot il faut entendre là la premiere
phafe de la Lune , ou plutôt le commencement
de la nouvelle Lune. Le mot
Incenfio eft dans M. du Cange : mais Accenfio
n'y eft pas. Honorius d'Autun a
dit dans un fens qui en approche , que la
Lune eft rallumée par le Soleil . C'eſt une
expreffion dont fe fert auffi Pierre de Mura
dans fon chapitre de Saltu Luna. M. du
Cange auroit pû dire que le mot Incenfio
eft dans prefque tous les Calendriers manufcrits
au 8. Mars de cette forte : Prima
Incenfio Luna Pafchalis , ce que nous appellons
maintenant Primum Novilunium
Pafchale , & au 5. Avril Ultima Incenfio ,
ce qui s'appelle aujourd'ui Ultimum Novilunium.
Au refte , le paffage qu'il cite
* d'Honorius , fuffit pour expliquer l'Ac-.
cenditur du Calendrier du X. fiécle . A
Lib. 2. de Imag. mundi c . 85.
D l'é :
282 MERCURE DE FRANCE.
1
l'égard des momens de la premiere illu
mination de la Lune , ils ne paroiffent
pas fixez fort regulierement par les inter
valles marquez dans ce Calendriers & je
les foumets volontiers à la cenfure des
Mathématiciens.
Une autre obfervation que j'ai à vous
faire fur le Gloffaire de M. du Cange , eft
que ce fçavant Antiquaire explique le
mot Embolifmus , comme Durand de Men
de , par une choſe toute differente , qui
eft Saltus Luna. Cette interprétation n'eft
point dans le Livre des Etymologies de
S. Ifidore de Seville , qui fe contente de
dire que c'eft Superaugmentum. Et puifque
M. du Cange ajoûte que c'eſt l'extention
de l'année Solaire au de- là de l'année
Lunaire , Seu fuper excrefcentia anni
Solaris fupra Lunarem , il femble qu'il
eut été plus naturel de dire, que c'eſt Saltus
Solis ; cette faute ne peut lui être imputée
qu'en ce qu'il a fuivi les expreffions
de Durand , fans les examiner fuffifamment.
En effet , l'Evêque de Mende donne
un peu plus bas la veritable connoiffance
de ce qu'on appelle le Sault de la
Lune , qui eft le furcroît d'un jour qu'on
lui ôte à la fin de chaque Cycle de 19 .
ans , de crainte qu'au bout de 14. ans
l'on ne comptât nouvelle Lune où il y auroit
pleine- Lune. Le célebre jour auquel
la
FEVRIER. 1728 . 283
la Lune fait ce Sault , eft le 31. Juillet
felon ce Vers rapporté par Durand .
Luna facitfaltum Quintilis luce fupremâ.
à
Non pas , ( dit-il agréablement ) que la
Lune faute mieux ce jour - là qu'un autre
jour , non quod Luna magis faltat illâ die
quàm alia : mais c'est parce que le mois
de Juillet eft le dernier des mois qui ayent
30. jours de Lune dans l'année Epactale :
pardonnez - moi ce terme qui eft neceffaire
pour fe faire entendre. Et comme le nombre
des minutes qu'on accorde pour faciliter
la fupputation dans l'efpace de 19.
ans , forme peu peu l'efpace de 24 .
heures ou environ ; c'eſt au bout de ce
temps-là un jour d'excédent qu'il lui faut
ôter. C'eft- là le veritable Sault qu'on fait
faire à la Lune , que de ne lui donner à
chaque dix -neuvième année du nombre
d'or pour fa Lunaifon de Juillet que
vingt- neufjours , au lieu de trente qu'elle
y a communément : & par- là la Lunaifon
d'Août commence un jour plutôt qu'on ne
l'auroit efperé. Telle eft l'explication que
Durand donne du Sault de la Lune. Je ne
m'étends là- deffus que pour vous porter à
faire retrancher dans la nouvelle édition du
Gloffaire ces deux mots- ci : Saltus Lana ,
qui y font après le mot Embolifirus , comme
fi l'un étoit l'autre , & de laiffer Du-
Dij rand
284 MERCURE DE FRANCE .
rand fe contredire lui- même . Pierre de
Mura , fon contemporain , s'eft bien donné
de garde de s'y méprendre. Il met une
fi grande difference entre Emboliſmus &
Saltus Lune , qu'il fait de ce dernier un
chapitre tout different & très -étendu , où
il regarde Helperic comme fon principal
guide. Il dit d'après lui , que le Sault de
la Lune n'eft pas une chûte précipitée de
la Lune du haut en bas , comme on pourroit
puerilement fe l'imaginer : cette
chûte porteroit préjudice à plus d'une perfonne
) mais que c'eft le retranchement
d'un jour , ainfi que je l'ai dit : Saltus
Luna , inquit Helpericus , non eft utique
præceps cafus , vel ruinofa Lane de loco
ad locum precipitatio five raptus repenti
nus , ut pueriliter eftimari poffet ; fed eft
defectus five fubtractio unius diei à Lunatione
Julii in XIX. anno Cycli Decemnovennalis
. Et plus bas , après avoir calculé
à peu près comme Durand , & s'être fervi
comme lui des termes de moments
d'onces & d'atômes , il développe ce que
j'ai déja dit , mais dans des termes nouveaux
& dignes du Gloffaire , cujus diei
defectus , dit- il , cogit aliquam Lunationem
primari citiùs , fivè anticipari primi-
Lunium per unum diem ; que anticipatio
appellatur Saltus Lune . Il cite même pour
fon opinion l'Auteur du Livre de l'Image
>
du
4
1
FEVRIER . 1728.
285
du monde : & vers la fin du Chapitre ,
réfumant méthodiquement tout ce qu'il
a avancé Et hoc , dit- il , vocatur faltus
Luna eò quòd femel in XIX. annis accidit
præter communem omnium aliarum
Lunationum .... & præter naturalem primationem
, quod Luna ibi dicatur prima ,
ubi deberet dici trigefima. Et fic debet
Luna tranfilire , non fecundùm veritatem
curfus in Coelo , fed fecundùm fignificationem
primationis in libro .... Et fic metaphora
eft Saltus Luna. Voilà ce qui peut
s'appeller une étymologie bien raifonnée .
dans
Il y a quantité de gens qui croyent
que c'eft la Lune qui fait le beau ou le
mauvais temps. Mais après tout ce qui
vient d'être dit de la révolution des mêmes
Lunaifons de 19. ans en 19. ans , ils
devroient bien revenir de leurs préjugez :
la fimple infpection des Tables qui fe
voyent à la tête des Calendriers doit les
détromper. Il fuffiroit qu'ils vouluffent
prendre la peine de remarquer , que
la prefente année 1727. nous n'avons pas
la même difpofition de temps que nous
eûmes en 1708. & il n'y a perſonne qui
compte qu'en 1728. on doive s'attendre
à un hyver auffi rude que celui de
l'an 1709. Il eft vrai qu'il faut attribuer
quelque chofe aux differentes Lunaifons
; mais il faut auffi diminuer beau-
Diij coup
286 MERCURE DE FRANCE .
coup de ce qu'on leur attribuoit autrefois .
Le nouvel écrit du fçavant Benedictin
d'Orleans , fur la caufe du flux & reflux
de la Mer ( a ) en eft une preuve convainquante.
On eft accoûtumé de longue
main à mettre trop fouvent la Lune en
jeu , & jufques dans les chofes de pure
fortune cafuelle . C'étoit même dès le
temps de S. Auguftin une chofe affez commune
parmi les Riches du fiecle , d'introduire
la Lune fur la fcene du difcours ,
en parlant des commoditez de ce monde.
Ce faint Docteur repréfente dans fon Sermon
, De Difciplina Chriftiana ( b ) un
Avare qui parle ainfi à ceux de ſa famille .
"
Tout l'avantage qu'il y a dans cette vie ,
» eft d'y avoir notre fatisfaction , & d'y bien
> conduire nos affaires . Vous n'êtes eftimez
» qu'autant que vous êtes riches. Frange
» Lunam & fac fortunam . Je vous laiffe ,
M.à faire la traduction de ce Proverbe dans
la place où il fe trouve : & je reviens à ce
que je vous ai promis touchant l'attention
où l'Eglife a toûjours été que la Fête de Pâques
fût celebrée dans une Lunaifon qui
pût être appellée la même dans le fens
qu'elle l'entend .
Pour entretenir cette uniformité dans
la celebration de la Pâque , on fut exact
(a) Le P. Alex andre.
(6) Tom. 6. Edit. Benedict. pag . 586.
dès
FEVRIER. 1728. 287
dès les premiers temps à dreffer des Cycles
à peu près comme on fait depuis
l'impreffion dans les Tables qu'on met
à la tête des Livres d'Eglife ; & afin que
la connoiffance du contenu de ces Cycles
fût plutôt répandue , on ufa d'une précaution
qui fut d'annoncer en public dès le
jour de l'Epiphanie , que la Fête de Pâque
arriveroit tel ou tel jour. L'Eglife
de Paris , & beaucoup d'autres , ont confervé
précieufement cet ufage. Nous ve→
nons de le faire revivre , auffi bien que
notre Métropole , conformément aux veftiges
qui en font dans le fecond Canon
du Concile tenu à Auxerre vers l'an 580 .
Et l'on trouve qu'il n'eft pas ridicule ,
comme l'a avancé une perfonne très - mal
inftruite ; mais au contraire , qu'il eſt trèsà
propos d'avoir chaque année cette
occafion pour difpofer les Fideles dès ce
temps - là aux approches du Carême. En
effet il fe peut faire que ce qu'on appelle
la Septuagefime dans le langage Ecclefiaftique
, commence au bout de fept ou
huit jours ; c'est-à - dire , qu'il peut arriver
que la feptiéme dixaine de jours qui précede
celui de Pâque , commence dès le
12. Janvier : c'est ce qui le trouve toutes
les fois que le Dimanche , renfermé dans
cette feptiéme dixaine , tombe le 18. ou
19.de Janvier . On s'eſt accoûtumé dans le
D iiij der88
MERCURE DE FRANCE .
dernier fiecle à donner à ce Dimanche le
nom de Dimanche de la Septuagefime ;
mais lorsqu'on veut prendre la peine de
confulter tous les Livres des ficcles précedens
, on peut voir que la regle étoit
de l'appeller le Dimanche dans la Septuagefime
, & les autres qui fuivent portoient
le nom de Dimanche dans la Sexagefime ,
Dimanche dans la Quinquagefime ; comme
de fait , le premier eft toûjours dans
la feptiéme dixaine de jours avant Pâque ,
le fecond dans la fixiéme dixaine , le troifiéme
dans la cinquiéme dixaine . C'eſt ,
flon moi , tout le myftere de ces anciensmots
, dont il eft inutile de chercher ailleurs
l'origine . Si les anciens Romains
comptoient les jours par ceux qui précedoient
les Calendes , les Ides , & c . en
rétrogradant , l'Eglife a auffi pû compter
en rétrogradant avant la Fête de Pâque ,
également comme elle fait en termes
formels avant celle de Noël , avant laquelle
nous comptons encore ici cinq
Dimanches préparatoires , de-même que
l'Eglife de Lyon .
Pour ce qui eft de l'ufage de dreffer des
Cycles à longues années , aufquels on pû
avoir recours dans le befoin , il eft encore
plus ancien. On gravoit ces Cycles
fur la pierre ou fur l'airain , pour plus
grande durée , & à mesure que les années
notifioit
FEVRIER. 1728. 289
s'écouloient on en faifoit un extrait qu'on
notifioit de côté & d'autre. De là eft venu
apparemment l'ufage d'écrire des efpeces
de Tables de Fêtes Mobiles fur une peau
qu'on attachoit au Cierge Pafchal , diftingué
, avec raifon , en plufieurs endroits.
de celui qu'on appelle le Cierge Beni , )
& depuis fur du papier , ainfi que cela
s'obfervoit ici dans l'avant - dernier fiecle .
& que cela fe pratique encore en bien
des endroits. (a) On en rédigeoit quelquefois
par écrit la minute pour un fiecle
ou deux , & on tiroit chaque année copie
de cet original , qu'on envoyoit dans
les Diocèfes , à peu près comme on fait
les Brefs . Il y a dans la Bibliotheque de
M. le Comte de Seignelai , un Manufcrit
de notre Eglife , à la fin duquel font de
ces fortes de Tables qui commencent à
l'an 1007. Il y eft marqué au commencement
de chaque année , fi elle eft commune
ou embolifmique . On y voit quel
jour de la Semaine & de la Lune devoit
rum >
(a) Bede , dans fon Livre de Ratione tempo-
C. 45. marque qu'en l'an 701. des Anglois
qui étoient à Rome dans le temps de Noël , y
virent fur les Cierges de fainte Marie Majeure,
A Paffione D. N. J. C. anni funt D. C. LXVIII.
C'étoit ainfi que chaque année on renouvelloit
l'idée des 33.années de difference entre ceux qui
comptoient depuis la Naiffance de N. S d'avec
ceux qui comptoient feulement depuis fa Paffion
Dy être
290 MERCURE DE FRANCE .
être Noël , le nombre de l'Epacte & celui
de l'Indiction , quel jour du mois &
de la Lune devoit être le Dimanche dans
la Septuagefime & le premier Dimanche
de Carême , qui n'y est point appellé autrement
qu'Initium Quadragefima ; quel
jour du mois étoit le terme de Pâque ,
c'eft -à - dire , le quatorze de la Lune , enfuite
le jour du mois & de la Lune auquel
devoit arriver Pâque & les Røgations.
Il peut fe faire que le commencement
de ces Tables ait été rédigé par le
Moine Helperic , lorfqu'il vint ici : car
quoiqu'on fçache l'année de la compofition
de fon Livre , on ne fçait pas pour
cela celle de fon Voyage ; & quoiqu'il
ait pû dreffer ces Tables avant l'an 1007 ,
il peur fe faire qu'on n'a commencé à
les rédiger en cayers que quelques années
après leur compofition ; enforte qu'abſolument
parlant on peut concilier l'époque
de 100s . que Sigebert donne à ce Livre
, avec ce que l'Auteur marque dans
l'Exemplaire qu'avoit le Pere Mabillon ,
étánt fort ordinaire qu'un Auteur écrive
un Livre dans un temps, & le perfectionne
dans un autre. Il me femble done
qu'on peut dire que la copie dont Sigebert
s'eft fervi lorfqu'il a écrit fa Chronique
, étoit de l'an 1005. fans conclure
que Hilperic fût mort alors. Il n'eft pas
certain
FEVRIER. 1728. 291
certain non plus, que Sigebert fe foit trompé
dans le nom de cet Auteur , & que
ce foit par erreur qu'il l'air nommé Chilperic.
Quoique dans le langage Teuto
nique cela revienne au même , l'Edition
que j'ai de fa Chronique faite en 1511.
ne l'appelle point autrement que Hilpericus.
Mais comme dans ces fortes d'anciennes
Editions , les Imprimeurs étoient
accoûtumez à placer à la tête de chaque
article , mis à la ligne , un ornement d'Imprimerie
fait comme un C.il eft à craindre
qu'on ne s'y foit mépris , de même qu'il
feroit aifé de le faire dans l'Edition de
1511.fices ornemens initiaux n'y étoient
en rouge.
Dans le moment que je finis cette Lettre
, je reçois le Journal où vous avez
inferé le Projet d'un nouveau Calendrier ,
page 901. Je vois par la lecture que j'en
ai faite , qu'il eft plus facile d'imaginer le
remede aux variations , que de le faire
mettre en pratique . Lorfqu'il s'agit de
concilier dans un même point tant de Nations
, qui fe peuvent croire auffi fécondes
en expediens que nous autres François
, ce n'eft pas une petite affaire . Il
eft vrai que la fixation épargneroit bien
des peines , mais ce font des peines qu'on
ne regrette gueres , & aufquelles on s'eft
accoûtumé en vivant avec ceux qui nous
D vj
ont
292 MERCURE DE FRANCE:
ont élevé. Des Connoiffeurs même les
regardent comme un amufement , parce
'qu'ils fçavent que ces varietez font limitées
,& n'ont qu'un certain temps : enforte
que fi l'on vivoit comme avant le Déluge,
on auroit le plaifir de voir qu'au bout
d'un certain nombre d'années les mêmes
fupputations reviennent , lorfque les differentes
combinaifons & révolutions font
à leur bout.
pas
La matiere que vous m'avez engagé de
traitter , m'a obligé de faire diverfes excurfions
Litteraires qui pourroient paroître
étrangeres à tout autre qui ne feroit
familiarifé comme vous l'êtes à non
ftyle. J'étois tenté de faifir cette occafion
pour vous réjouir par l'expofé de certains-
Vers Latins , que les Anciens plaçoient
fans façon dans leurs Livres Liturgiques,
non-feulement au Calendrier , mais même
au milieu de l'Ouvrage , tant fur les
propriétez des Saifons de l'année & fur
les influences de la Lune , que fur les qualités
des temperamens de l'homme. Il y
auroit eu de quoi rédiger des Bucoliques
affez agréables. Mais il y a du temps que
l'on eft revenu de toutes ces fimplicitez.
On s'accoûtume à prefent à remplir le
papier de chofes plus convenables auxfaints
Myfteres que ne le font des queftions
de Phyfique & de Medecine , des
axiomes
FEVRIER. 1728. 293
axiomes de l'Ecole d'Hippocrate ou de
Salerne . Le rétabliffement des Rits &
Ceremonies dans leur premiere pureté ,
trouve maintenant fa vraye place dans
ces fortes de Livres . On y met dès le
commencement ce qui étoit inconnu aux
Anciens , je veux dire , ces belles Letres
Paftorales qui font voir le zele des Prélats
pour le rétabliffement des Rits & Céremonies
qui étoient ou tombées par négligence
, ou corrompuës par un effet de
l'ignorance. Celles qui font à la tête des
Miffels de Paris , d'Orleans , de Meaux
& de Sens font foi de ce que j'avance .
On profite par tout , à l'envi l'un de l'autre
, des Remarques Liturgiques des Cardinaux
Bona & Thomafi , de celle des
Peres Ménard , Mabillon , Martene , te
Brun , & c. & on fouffriroit avec peine
l'indifference de ceux qui connoîtroient
ces fçavans Ouvrages fans en rien tirer
pour la pratique , fur tout dans un fiecle
auffi éclairé que l'eft le nôtre . Enfin on
examîne à prefent les Ufages , on les dif
cute , on en fait une fevere révision fur
le Plan de l'Antiquité alliée avec la raifon
, & c'eſt ce qui fait l'honneur de ces
Livres Liturgiques en place de ces fatras
gothiques qui ne trouvent plus d'admirateurs.
Je fuis , & c.
Ce 20. Juin 1727 .
PANE
294 MERCURE DE FRANCE.
}
PANEGYRIQUE
DU MOIS DE FEVRIER.
Que
TRIOLET S.
Ue ne venois - tu plus matin ,
Février à la face gaye?
Je fuis au bout de mon Latin ,
Qu ne venois- tu plus matin ,
Place toi fur l'eftrapontin ;
Encr faut- il que je te paye.
Que ne venois- tu plus matin ,
Février à laface gaye ?
Venu quelques momens plutôt ,
Tu ferois au fond d'un Caroffe ,
Honoré , fervi comme il faut ,
Venu quelques momens plutôt ;
Mais je fuis pis qu'un Oftrogot ,
L'efprit pefant & la voix fauffe :
Venu quelques momens plutôt ,
Tu ferois au fond d'un Caroffe .
Les
FEVRIER.
298 1728.
Les plaifirs les plus raffinez ,
Laiffent un fouvenir bien tendre :
Je ne dois point à tes aînez
Les plaifirs les plus raffinez ;
Ah ! tous ceux que tu m'as donnez !
Que ne puis- je encor te les rendre !
Les plaifirs les plus raffinez ,
Laiffent un fouvenir bien tendre.
Que le Soleil fi glorieux ,
Ne nous vante plus fa lumiere ;
O ! que tu me fervois bien mieux
Que le Soleil fi glorieux !
Cent fois tu m'as fermé les
yeux ,
Quand il commençoit fa carriere ;
Que le Soleil fi glorieux ,
Ne nous vante plus fa lumiere.
Pour être le plus court des mois ,
Tu n'en as pas moins de mérite;
Moins n'en vaus d'un denier Tournois ,
Pour être le plus court des mois.
Des courts plaifirs tu fuis les loix ,
Le plus vif paffe le plus vîte :
Pour
296 MERCURE DE FRANCE .
Pour être le plus court des mois ,
Tu n'en as pas moins de mérite.
Tu ramenes le Carnaval ,
Avec fon enjoüé génie ;
Monté fur fon Char triomphal ,
Tu ramenes le Carnaval;
Le Jeu , les Maſques & le Bal ,
i
En ouvrent la ceremonie ;
Tu ramenes le Carnaval ,
Avec fon enjoüé génie.
L'Amour , qui met tout à profit ,
Tire parti du badinage ,
Il y brille , il s'y reverdit ,
L'Amour qui met tout à profit ;
Sous le Mafque un figne fuffit
Pour enharrer un cocuage :
L'Amour qui met tout à profit ,
Tire parti du badinage..
Que vous êtes de francs Badauds ,
Italiens , ne vous déplaiſe ;
Votre prudence porte à faux
Que
FEVRIER. 4728. 297.
Que vous êtes de francs Badauds !
Tout un an votre honneur eft clos ,
Un Carnaval vous le déniaiſe ;
Que vous êtes de francs Badauds ,
Italiens , ne vous déplaife !

Que dirons - nous de tes repas ,
Où rit , où regne la licence ,
Où l'on eft entre deux & as !
Que dirons- nous de tes repas ?
Souvent on n'y démêle pas
La propreté de l'abondance ;
Que dirons - nous de tes repas ,
Où rit , où regne la licence.
Pour fuivre les aimables loix
De ta bruyante Bacchanale ,
Avec nous j'ai vû mille fois ,
Pour fuivre les aimables loix ,
La jeune Aurore au coin d'un bois ,
Pour reverdir, quitter Céphale ,
Pour fuivre les aimables loix ,
De ta bruyante Bacchanale.
Bacchus
298 MERCURE DE FRANCE.
Bacchus dès fa nativité ,
Si furieux , fi redoutable ,
Fier , impratiquable , emporté ,
Bacchus dès fa nativité ,
Dépoüille fa férocité ,
Pour venir fervir à ta table , (a)
Bacchus , dès fa nativité ,
Si furieux , fi redoutable.
Mois , qui de peu faites grand bruit,
Vantez-nous vos bonnes fortunes ;
Faites grands plaids d'un peu de fruit ,
Mois , qui de peu faites grand bruit :
Aimer le jour , boire la nuit ,
Appellez-vous cela des prunes ,
Mois , qui de peu faites grand bruit ,
Vantez -nous vos bonnes fortunes.
Que Juin exerce les Guerriers ,
Juillet , la Troupe bazannée , ( 6)
Août, les Marchands Avanturiers ,
Que Juin exerce les Guerriers ,
(a) Les Vins nouveaux en Février ne font plus
fi furieux .
(b) Les Moiffonneurs.
E
FEVRIER. 1728.
299
Et que , pour moi , des Févriers
Soient les douze mois de l'année ;
Que Juin exerce les Guerriers ,
Juillet , la Troupe bazannée .
A MADAME LA BARONNE D'IGE
JE
MADRIGAL.
E n'en ai pas le démenti ;
Enfin , charmante Igé , je me tire d'affaire ,
Tant bien que mal , je fuis forti
De ces jeux innocens entrepris pour vous.
plaire :
Les uns les ont frondez, les autres au contraire
Ont pris hautement leur parti ;
C'eft ainfi que chacun ſuit ſon goût qui le
guide :
Mais fivous en daignez chanter quelques couplets
,
Avec la belle voix qui fur les coeurs préfide ,
J'oferois preferer mes douze Triolets ,
Aux douze Chants de l'Eneïde.
LETTRE
¿
300 MERCURE DE FRANCE.
LETTRE écrite an Reverend Pere
Tournemine , par M. de L. R. fur
quelques Monumens d'Antiquité.
MONON REVEREND PERE ,
Si les Antiquaires , après les Malades
& les Phyficiens , doivent fçavoir bon
gré à M. Gautier , homme , comme vous
l'avez remarqué , qui a plus d'un efprit ,
d'avoir décrit dans fa Differtation fur les
Eaux Minerales de Bourbonne , les reftes
d'Antiquité qui fe trouvent auprès de cette
Fontaine ; les Antiquaires , dis -je , vous
font encore plus obligez d'avoir bien
voulu leur expliquer la plus curieufe des
deux Infcriptions qui font à Bourbonne ,
& de l'avoir fait d'une maniere qui ne
laiffe aucun lieu de douter que vous n'ayez
découvert fon veritable fens ; il est vrai
que pour y réüffir , il falloit non -feulement
être rompu dans le ftyle des Infcriptions
, mais avoir encore la connoiffance
particuliere d'une Langue qui ſe
trouve ici mêlée avec celle des Romains ,
pour former un myftere d'Antiquité Gauloife
, jufqu'à prefent impénetrable à tous
les Curieux qui ont été à Bourbonne.
Voilà ,
FEVRIER. 1728. 301
Voilà , mon R. Pere , de quoi augmenter
le Recueil que j'ai commencé , d'Infcriptions
Romaines , trouvées en France
dans des lieux où il y a des Eaux Minerales.
Je faifis avec plaifir cette occafion
pour vous envoyer les trois premieres
Infcriptions de mon Recueil ; je les ai
copiées fur les lieux avec exactitude.
La premiere & la feconde de ces Infcriptions
fe trouvent à Bagneres , petite
ville du Pays de Bigorre , au pied des Pirenées
, celebre par l'abondance & l'excellente
qualité de fes Eaux . L'une eſt
gravée fur une grande pierre quarrée , qui
eft au- deffus de l'une des principales Fontaines
de la Ville , & on y lit ces mots en
très-beaux Caracteres Romains .
NVMINI AUGUSTI
SACRUM
SECVNDVS SEMBEDO
NIS FIL NOMINE
VICANORVM AQVEN
SIVM ET SVO POSVIT
L'autre eft dans une Muraille près la
Porte de Saliez , & contient ces mots ;
NYMPHIS
PRO SALV
TE SVA SE
VER.
302 MERCURE DE FRANCE .
VER . SERA
N VS. V. S. L. M.
J'ay trouvé la troifiéme Infcription
dans le Perche , à une Fontaine qui eft
dans le milieu de la Forêt de Belême
Fontaine d'où l'Eau Minerale eft en réputation
en ce Pays -là pour la guériſon
de plufieurs infirmitez . On lit d'abord
fur une pierre ce feul mot :
APHRODISIVM
Et fur une autre pierre les mots fuivans,
DIIS INFERIS
VENERI
MARTI ET
MERCVRIO
SACRV M
Ces deux Pierres forment un des Angles
d'un petit Baffin quarré , qui reçoit l'eau
de cette Fontaine , nommée la Fontaine
de la Herfe , & qui n'a point d'autre ornement
.
J'aurois pû ajoûter , M. R. P. à ces Infcriptions
le deffein du vafe de cuivre antique
, affez fingulier par fa figure ,
par fes ornemens , dont j'ai eu l'honneur
de vous parler en fon tems , & qui merite
affurément l'attention des curieux,
MonFEVRIER.
1728. 303
Monfieur Bon Premier Préfident de la
Cour des Aides de Montpellier , qui a ce
vafe dans fon Cabinet , & qui eft un parfaitement
bon Antiquaire , croit la figure,
& tous les ornemens du vaſe , fimboliques
, & il eft perfuadé que c'eft un Préfericule
dédié à Bacchus , & qui a ſervi
dans le culte de cette Divinité. Monfieur
Rigord au contraire , autre bon connoiffeur,
eftime que cette Antique, qui eft de
la même grandeur du deffein , dont je vais
parler , n'eft autre chofe qu'une Lampe :
On fçait que les Anciens avoient des
Lampes de plufieurs figures , dont quelques
-unes étoient affez bizarres. De plus
M. Rigord prétend que les Ouvriers , en
fait d'ornemens , fuivoient fouvent leur
caprice , & en s'égayant ainfi , ils préparoient
, dit - il , des tortures aux futurs
Antiquaires. Quoiqu'il en foit , le deffein
de ce Vale a paffé depuis de mes mains
en celles du R. P. de Montfaucon , qui
Pa fait graver dans fon Recueil ,Tom . III.
page 142. parmi les grands Vaſes à tenir
du vin , ou d'autres liqueurs , fans faire
mention du cabinet où l'original eſt con-
- fervé , & fans aucune explication .
Et à propos de Préfericule , vous fçavez
, M. R. P. qu'on a donné ce nom à
cet autre vafe de bronze , à figures fimboliques
, que je poffede , dont la defcription
304 MERCURE DE FRANCE.
cription & le deffein gravé ſe trouvent
dans les Memoires de Trévoux du mois
de Septembre 17 13. & dont il eft encore
parlé dans le Mercure du mois de
Juin 1727. vol . 2. page 1362. Je fuis
turpris que M. Rigord , en parlant de ce
vafe dans fa Lettre à M. le Préſident Bon ,
inferée dans les Memoires de Juillet 1715.
marque qu'il n'a point vû le deflein en
queftion , puifque ce deffein fe trouve ,
comme je le viens de dire , parfaitement
bien gravé dans le Journal de Trevoux , de
Septembre 1713.page 1535.C'est une perte
pour moi , qui aurois fans doute profité de
Les lumieres . Cette omiffion eft cependant
tournée à mon profit ; M. Rigord ayant
cru que l'Enfant aîlé , réprefenté fur un
vafe , tenant d'une main une bourſe , &
de l'autre un oifeau , eft une figure panthée
, ſemblable à celle qui eft dans fon
Cabinet , il a pris la peine d'expliquer
cette derniere Figure , & enfuite de m'en
envoyer le Deffein. J'eus l'honneur , Mon
R. Pere , de vous le communiquer , &
vous en fites part au Public dans le Journal
du mois d'Août 1715. en le faifant
graver. Je me reconnois de plus trèsobligé
à M. Rigord de toutes les honnêtetez
que je trouve fur mon compte
dans cette même Lettre à M. le Prefident
Bon , au ſujet de mon explication de
InfcripFEVRIER
1728. 305
PInfcription Grecque de Marſeille , quoique
là - deffus il ne foit pas tout - à - fait de
mon fentiment : cette politeffe ne regne
pas toûjours dans les conteftations Litteraires.
Je ſuis toûjours , mon Reverend Pere , &c.
శ్రీ శ్రీ శ్రీ
A L'AUTEUR DU VOYAGE
A PAPHOS.
CharmantAuteur , qui que tu fois ;
Ma main d'encens toûjours avare ,
Jufqu'à ce jour ne l'a rendu fi rare ,
Que pour t'en réserver autant que je t'en dois.
Non , ce n'eft point Phoebus , c'eſt l'Amour
qui t'infpire.
Le Pinde peut voir naître un fantafque délire ,
Un galant badinage , un jeu ;
Mais dans les fentimens que tu viens de dé
crire ,
Du flambeau de Cithere on reconnoît le feu.
**
Que j'aime tes récits ! quelle vive peinture !
E Albane
306 MERCURE DE FRANCE :
Albane dans tes mains a remis ce Pinceau ,
Qui , prêtant même à la Nature ,
En fçut embellir le Tableau,
Je vois déjà Zelide
Parmi les Vers qu'à Paphos on cherit ,
Placer ta Profe aupres d'Ovide ,
Et l'Amour y foufcrit.
MMMMMMMMMMMMMY
L
REFLEXIONS.
E grand objet de la Tragedie eft de
rendre les hommes meilleurs qu'ils ne
font , & celui de la Comedie , de les rendre
moins ridicules .
La difference qu'il y a entre les Regles
de Morale & les Regles de Théatre ,
c'eft que les premieres apprennent au Peuple
fon devoir , aux autres c'eft le Peuple
qui apprend le devoir aux Regles.
Plus on fe défie de fa mémoire , plus
elle fe trouble ; il faut la folliciter nonchalament
; car fi on la preffe , elle s'étonne
, dès qu'elle commence à chanceceler
FEVRIER. 1728. 307
lers plus on la fonde , plus elle s'embarraffe
. Elle nous ferr à fon heure & non
pas à la nôtre .
On fe fouvient plutôt d'un plaifir que
d'un fervice.
C'eſt une grande adreffe en fait de récompenfe
, de ne la donner jamais toute
entiere ; on s'épargne ainfi à foi - même le
chagrin qu'il y a de n'avoir plus rien à
donner,& aux autres celui de n'avoir plus
rien à eſperer.
-On doit être plus prompt à récompenfer
qu'à punir.
Sit piger ad poenas Princeps , ad præmia velox
Quique dolet , quoties cogitur effe ferox ,
Qui vincit femper, victis ut parcere poffit.
2
Il y a de plus d'une efpece de menteries ;
on en fait d'actions auffi - bien que de paroles
des regards menteurs , des fignes
trompeurs , des foûris diffimulez , des civilitez
& de bons offices menfongers ,
un filence impofteur.
Les fauffetez ne fe peuvent gueres foutenir
que par des fauffetez.
E ij 11
308 MERCURE DE FRANCE .
Il est bien étrange que la chofe la plus
importante de la vie , étant le choix d'une
Profeffion , ce foit prefque toûjours le
hazard qui en décide .
Qu'on choififfe telle condition qu'on
voudra , & qu'on y affemble tous les biens
& toutes les fatisfactions qui femblent pou
voir contenter un homme ; fi celui qu'on
aura mis en cet étar eft fans occupations
& fans defirs , cette felicité languiffante
ne fe foutiendra pas. Il tombera par néceffité
dans des vûës affligeantes de l'ave
nir qui le rendront malheureux.
La poffeffion donne un certain dégoût
qui empêche de connoitre le mérite de
ce que nous poffedons . L'abfence feule
fait connoître le prix des chofes que nous
perdons. Les deffauts de ceux qui font
prefens bleffent plus que leurs perfections
ne touchent , mais quand on les a perdus,
on fait bien une autre attention fur leur
mérite. La comparaifon de ce qu'on a
eû avec ce qu'on n'a plus , fait encore
connoître le prix des choſes.
Vix bona noftra aliter quàm perdendo
cognofcimus.
EX
FEVRIER. 1728. 309
EXPLICATION des deux Enigmes &
du Logogryphe proposez dans le 2. volume
du Mercure de Decembre.
SurUr vos deux Enigmes , Mercure ,
Je me laffois d'une vaine torture ,
Et j'étois prêt à tout moment
De renguaîner mon compliment ,
Lorfque tirant ma Tabatierre ,
Et prenant de cette pouffierre
Qui fert de baume à mon Cerveau ;
Mon efprit fut frappé d'une vive lumiere ,
Et fortit à l'inſtant comme de fon fourreau ,
J'allois du Logogryphe , en oedippe nouveau,
Démafquer à coup, feur le centuple vifage ;
Mais on vint m'avertir qu'on fervoit le Potage.
Z. S. V. P.
EXPLICATION
Litteralle du
A
Logogryphe.
Po-
U premier vers on trouve le P ,
Fleuve d'Italie & le Tage , Fleuve
d'Espagne. Au 2. juſqu'au 4. coupez
tage par la moitié , vous trouverez Pot &
E iij Age
310 MERCURE DE FRANCE .
Age. Au 5. & 6. prenez à rebours les
deux dernieres fyllabes de potage , c'eſtà-
dire , faites de la derniere
la premiere,
& vous trouverez Geta , Empereur Romain
, fils de l'Empereur
Severe , qui
fut tué par fon frere Caracalla entre les
bras de fa mere. Au 7. faites l'Anagramme
de potage , & vous trouverez fans rien
changer , Goa , Ville des Indes Orientales
& Pet. Au 8. jufqu'au 10. ôtez de
potage le P , il reftera Otage. Au 11. &
12. c'est le Potage , nommé vulgairement
fouppe , Au 13. & jufqu'à la fin , dans le
mot de Potage , il y a d'abord Potage ,
de potage ôtez le P , il reftera , comme
on l'a dit , Otage , d'otage ôtez l'O , it
reftera Tage. Enfin de Tage ôtez le T,
il reftera Age.
Le Logogryphe & fon Explication ,
fontdu Marquis de la Guefnerie d'Anjou.
AUTRE EXPLICATION
L
du
Logogryphe.
E Pô , fuivant fon cours , traverſe l'Italie ,
' Le Tage de l'Efpagne arrofe une partie
Un Pot d'Excellent vin , fait couler les momens
;
L'âge divife & mefure les temps .
De Geta pourroit- on oublier la memoire ?
II
FEVRIER . 1728. 311
Il eft par fes malheurs renommé dans l'Hif
toire.
Un Pet fait à Goa , ne pouroit toutefois
De fi loin nous rompre la tête.
L'ôtage ne craint point quand on garde la foi;
Lorsqu'on la rompt, à la mort il s'apprête.
Sans un POTAGE exquis , tous les plus grands
repas-
Souvent ne plairoient pas.
Enfin on trouveroit auffi rare qu'étrange ,
Après un fi frequent échange ,
Si je n'étois que Fleuve ou Ville feulement ,
Je ferai fucceffivement ,
Me montrant fous diverfe face ,
Tantôt mets , tantôt homme , & quelquefois
eſpace.
Explication des Enigmes de Janvier.
1. Le Soulier.
2. Les Notes de Mufique .
3. Le Ramoneur.
4. Les Livres .
5. La Pucelle .
6. La Baffinoire.
7. La Tabatiere.
8. La Lançette .
E iiij
9.
312 MERCURE DE FRANCE .
9. Le Mouchoir.
Io . La Cuillier & la Fourchette.
11. Le Parterre d'un Spectacle .
12. L'Or.
XXXXXXXX :XXXX :XXX
PREMIERE ENIGME.
ENcor que de la fermeté
Notre figure foit le fymbole ordinaire ,
Par notre uſage on connoît qu'au contraire
Chacun de nous n'eft fait que pour être
agité.
Il arrive fouvent , lorfqu'à nous on s'applique
,
Que nous chagrinons bien des gens ,
Surtout ceux qui des yeux fuivant nos mouvemens
,
Ne trouvent pas leur compte à notre arithmé
tique.
Pour nous mieux tourmenter , les barbares
humains ,
Non contens d'employer les efforts de leuts
mains >
Nous jettent dans le fond d'une priſon obf
cure ,
Ou , quand ils nous ont bien bernez ,
Ils
FEVRIER. 1728. 33
Ils nous en font fortir , & pour comble d'injure
,
Viennent effrontément nous regarder au nez,
DEUXIE ME
I
ENIGM E.
Nconnu dans le fiecle d'or ,
Et même dans l'ancienne Rome ,
Je fors du même endroit que l'homme ,
Où fans lui je ferois encor :
Tant- pis pour lui , ma découverte
Eft fouvent cauſe de ſa perte ,
Et de celle des animaux,
4
J'aurois peine à dire les maux
Que je caufe dans ce bas monde ,
Tant fur la terre que fur l'Onde ,
Mon Auteur m'a donné le nom
De maintes chofes de renom ,
Soit parmi le Jurifconfulte ,
Soit chez celui qui rend le culte
Dû fans réserve à l'Homme -Dieu.
Je connois encor mainte chofe
Qui porte mon nom ; mais je n'ofe
Vous en dire plus long , Adieu.
T. A. B. C. ,
Ev NOU314
MERCURE DE FRANCE
NOUVELLES LITTERAIRES
H
DES BEAUX ARTS , &c .
ISTOIRE DE LA PROVINCE
D'ALSACE , depuis Jules - Cefar jufqu'au
Mariage de Louis XV. Roy de
France & de Navarre ; avec des Figures
en Taille - douce , des Plans , des Cartes
Géographiques , & un Recueil. de Precés
qui peuvent fervir de preuves aux faits
importans : dédiée au Roy , Par le R. P.
Louis de la Guille , de la Compagnie de
Jefus. A Strasbourg, chez J. R. Doulßecker
1727. in folio , 1 & 2 Partie , faifant
enfemble 734. pages fans les preuves.
re
HISTOIRE DU CONCILE DE CONSTANCE
, Par Jacques Lenfant ; nouvelle
Edition enrichie de Portraits , révûë , corrigée
& augmentée par l'Auteur. A Amfterdam
, chez P. Humbert 1727. 2. Vol.
in quarto.
BIBLIOTHEQUE GERMANIQUE , OU
Hiftoire Litteraire de l'Allemagne , de la
Suiffe, & des Païs du Nord , année 1721 .
Tom . III . in 12. 1722. A Amsterdam ,
chez Pierre Humbert.
DISFEVRIER.
1728.
315
DISSERTATION , fur le Droit Monetaire
, tel qu'il eft établi en Allemagne :
Par M. de Bunau , in 4° . de 110. pages,
Latin.
Cette Differtation roule fur un fujer
auffi important , que curieux . L'Auteur ne
décide point fur l'Etymologie du mot de
Monnoye. Il fe contente de rapporter làdeffus
les fentimens des Sçavans . Le plus
general eft que ce mot vient de Monition,
ou avertiffement , que Junon donna aux
Romains , lorfqu'étant en Guerre contre
Pyrrhus , & n'ayant plus d'argent pour
la foutenir , ils s'adrefferent à elle pour en
avoir. La Déeffe leur répondit , que s'ils
faifoient bien la Guerre , l'argent ne leur
manqueroit point. Ayant remporté la victoire
ils fervirent Junon fous le nom
de Juno Moneta , à caufe de l'avis qu'elle
leur avoit donné , & ordonnerent que ce
feroit dans fon Temple qu'on frapperoit
la Monnoye.
,
L'Auteur diftingue , 1 ° entre le Droit
de veiller à ce que la Monnoye conferve
fa valeur intrinfeque , telle qu'elle eft reglée
par les Loix : c'eft ce qu'il appelle Jus
moneta. 2°. Le Droit d'accorder le Privilege
de battre Monnoye , & 3 °. le Droit
de la frapper foi-même. On voit dans
Ja Differtation quel eft l'ufage de cette
diftinction.
Evj Regu
316 MERCURE DEI FRANCE.
Regulierement le Droit de battre Monnoye
eft attaché aux Souverains d'une
maniere incommunicable, parce qu'il eft
de l'interêt du Public que la Monnoye
foit d'une valeur uniforme , ce qui pour
roit ne pas arriver fi les Particuliers
avoient le Droit d'en battre. Cependang
les Rois de France ont fouffert pendant
long- tems que de grands Seigneurs , qui
étoient leurs Vaffaux,battiffent Monnoyes ,
mais ils donnoient de bons ordres pour.
empêcher la fraude dans l'alliage. Enfin ,
les Grands , las des querelles que la Monnoye
excitoit entr'eux , cederent volon
tairement aux Rois les prérogatives qu'ils
avoient à cet égard .
LETTRE de M. de Beaufobre fur la Bigamie
en general & en particulier fur celle
des Prêtres .
On a diftingué , dit - il , trois efpeces
de Bigamies ; la premiere fucceffive , la.
feconde fimultanée ; & la troifiéme qu'on
peut appeller fucceffive & fimultanée tout
enfemble.
PLAN de la Chronologie , de M. de
Vignoles.
ELOGE de Madame de Kirch , à l'occafion
de laquelle on parle de quelques
autres
(
FEVRIER. 1728. 317
autres Femmes , & d'un Paylan Aftronome
. i
Ce n'eft pas une chofe rare que des
voir des Femmes qui entendent le Latin ,
& qui fe diftinguent par leur fçavoir ,
non- feulement ad- deffus des autres perfonnes
de leur fexe " mais même au - delfus
de plaficuts hommes qui fe font particulierementappliqué
aux belles Lettres ,
ou aux Sciences . Parmi ceux qui en ont
donné des liftes plus ou moins amples ,
·
dh en
tres
de foo . dans le Cabinet
des Felnines fçavantes , compofé en
Allemand par Jean Gafpar Eberti . Le dernier
fiecle en a produit un bon nombre
en divers endroits de l'Europe : & la
France a perdu depuis peu de tems ,
Sçavante Mad . Dacier , qui s'eft renduë
fi célébre dans la Republique des Lettres ,
par le grand nombre d'Ouvrages qu'elle a
donné au Public .
la
Hypatie fleuriffoit au commencement
du cinquiéme fiecle . M. Ménage en
parle dans fon Hiftoire des Femmes Philofophes
.Elle étoit Fille de Théon , célébre
Aftronome d'Alexandrie , & fut mariée à
Ifidore , Philofophe Platonicien . Outre la.
Philofophie de Platon & d'Ariftote , qu'elle
fir profeffion d'enfeigner , elle cultiva auffi
diverfes Parties des Mathématiques , l'Arithmetique,
laGéometrie & l'Aftronomie.
Elle
218 MERCURE DE FRANCE
Elle compofa un Commentaire fur Dio.
phante , un Canon Aftronomique , & un
autre Commentaire fur les Coniques d'Apollonius.
Le premier d'Arithmetique &
d'Algébre , le fecond d'Aftronomie , &
le dernier de Géometrie , & c.
Marie Cunitz , fille aînée d'Henry Cunitz
, Docteur en Medecine de Shweinitz
en Silefie , fleuriffoit au commencement
du dernier fiecle . Elle eut de fi heureufes
difpofitions , & fut élevée avec tant de
foin , qu'elle entendoit l'Allemand , le Polonois
, le François , l'Italien , le Latin ,
le Grec & l'Hebreu. A mefure qu'elle
étudia ces Langues , elle apprit l'Hiftoire,
la Medecine , les Mathématiques. Elle
cultiva auffi les Arts qui conviennent aux
perfonnes de fon fexe , comme la Peinture
, la Poëfie , la Mufique ; joüoit de
quelques Inftrumens ,& faifoit de laTapilferie
; mais elle fit fa principale occupation
de l'Aftronomie ; s'exerçant aufli à
dreffer des Thêmes de Nativité , c'est - àdire
, des Horofcopes , fuivant les regles
communes de l'Aftrologie, &c . Elle mou-
Fut à Piftchen le 22. Août 1664. étant
veuve depuis plus de trois ans.
MORALITE' férieufe & badine fur la
Particule ou l'Adverbe Mais.
LETTRE
FEVRFER. 1728. 319
LETTRE de M. Chauvin , Profeffeur
de Philofophie , à M. Lenfant , fur l'Eloge
Funebre de M. David Guiraud , prononcé
par M. Guib , Profeffeur d'Eloquence ,
dans le petit Temple de Nîmes.
INTRODUCTION aux Livres Poëtiques
du vieux Teftament , contenant les
Obfervations Critiques &. Hiftoriques fur
ces livres , & la défenfe de leur Canonicité.
Par M. Carpzovins , Profeffeur en Théologie
& en Hebreu , à Leipfig. Latin.
INTRODUCTION aux Livres Prophetiques
du vieux Teftament , &c. 1721
Latin.
LES VIES de Conrad IV . & de Guillaume
, Empereurs , le premier de la
Maifon de Suabe , l'autre de celle des
Comtes de Hollande . Par M. Jaq . Paul
Gundling. A Berlin 1719. 8 ° . 60. pages
, fans la Préface. Allemand.
LA VIE ET LES ACTIONS de l'Empereur
Richard d'Angleterre , ou comme
on l'appelle communément , Hiftoire de
l'Interregne , par le même , in 8 °. 224 .
pages 1719. A Berlin. Allemand.
ACTES LITTERAIRES DE SUEDE
publiez
320 MERCURE DE FRANCE .
publiez à Upfal & réimprimez à Leipfig
1720. Premier Trimestre in 4° . 26. pages.
Les Monumens du Païs d'Ulleraker ,
avec la Defcription d'Uplal, in folio 1719.
en Suedois . On remarquera dans la Defcription
d'Upfal , que le Dôme , ou l'Edifice
de la Cathédrale , eft bâti fur le
Modele de l'Eglife de N. D. de Paris.
Vers la fin du 13me. fiecle. On fit venir
de Paris un fameux Architecte , nommé
Etienne Bonnrreil , avec dix Maîtres &
dix Compagnons Tailleurs de Pierre . Ces
gens - là bâtirent la Cathédrale d'Upfal ,
dont les premiers Fondemens avoient été
jettez environ cent ans auparavant .
Le Journaliſte parle de quelques Thefes
foutenues à Upfal , fur la nature des
Fourmis , fur une maladie dans laquelle
un des pieds du Malade fécha & s'endurcit
tout d'un coup , de l'utilité , du
hreuvage de l'eau chaude , des maladies
héreditaires des Bains , & c .
On trouve dans les Nouvelles Litteraires
, article de Pruffe , que le premier
Juillet 1720. une Payfanne de Tornin ,
village de l'Evêché de Warmie , âgée
d'environ 47. ans , fe trouvant incommodée
de l'eftomach , s'avifa d'effayer à
exciter le vomiffement , par le moyen
d'un manche de coûteau qu'elle fe mit
dans
FEVRIER. 1728. 321
dans la
gorge . Par malheur , elle le pouffa
trop avant , la lame lui échapa , le couteau
defcendit dans l'eftomach , & les
efforts que cette femme fit pour l'en retirer
, ne contribuerent qu'à augmenter le
mal . Trois jours fe pafferent fans qu'elle
fouffrit de douleur ; mais le quatriéme elle
commença à en avoir vers le nombril , &
bientôt après elle fentic la pointe du
couteau au côté gauche. Le mal empirant
de jour en jour , le mari de la patiente
la mena le 1 o . de Juillet à Raftenbourg
, où elle fut mife entre les mains
d'un habile Chirurgien , & de M. Hubner
, Medecin , auquel cette Cure a fait
beaucoup d'honneur .
Dès que la Malade fut arrivée , ces M
trouverent que la pointe du couteau paroiffoit
fenfiblement à gauche du nombril,
quatre doigts de diftance , & environ
deux doigts plus haut. Je dis , fenfiblement
, parce qu'en effet la pointe du couteau
caufoit une petite tumeur rouge . On
commença par appliquer fur cet endroitlà
un Cataplafme d'herbes émollientes ,
qu'on eut foin de renouveller jufqu'au
lendemain .
Ce jour - là , on remarqua qu'il s'étoit
amaffé du pus
fous la tumeur , & on réfolut
de faire , fans délai , une incifion
à laquelle on prépara la patiente par quelques
$ 22 MERCURE DE FRANCE .
ques confortatifs qu'on lui fit prendre , &
par l'application d'un emplâtre compofé
de Diachyle & d'aiman pilé. Mais
M. Hubner , qui n'a pas grande opinion
de l'emplâtre magnetique , fe fervit de la
pierre d'aiman même , qu'il approcha de
la tumeur. Auffi- tôt , tous les Affiftans
remarquerent diftinctement que la peau
fe tendit , la pointe du couteau faifant effort
pour approcher de l'aiman , ce qui
augmenta la douleur de la malade. Enfin,
après l'avoir attachée debout à une planche
, on proceda à l'incifion, que M. Hubner
entreprit lui - même . Il fit d'abord une
petite ouverture à la peau & aux muſcles.
Enfuite , appercevant la pointe du couteau
plus diftinctement qu'il n'avoit encore
fait , il aggrandit l'ouverture , & en
fit une au peritoine. Il en fortit environ
une cueillerée de pus , mêlé avec du fangs
& en même temps parut le fer du cou .
teau , qu'on tira doucement avec des pincettes.
L'operation , depuis l'incifion du
peritoine , dura le temps d'un Pater. La
malade fe trouva mal , mais non pas juf
qu'à tomber en foibleffe ; fa maigreur ne
contribua pas peu à faciliter & à abreger
P'operation . Elle ne fut pas plutôt terminée
, qu'on recoufit l'incifion , & qu'on y
mit l'appareil , qu'on eut grand foin de
renouveller. A l'égard de l'eftomach que
le
FEVRIER. 1728. 323
le couteau avoit percé pour fe faire un
paffage , on n'y fit autre chofe que de
prefcrire à la malade un régime très - exact,
qui confifta , le premier jour en une décoction
d'herbes vulneraires & deux pincées
de fucre balfamique ; le fecond , la
même choſe , avec un peu de gruau clair
& bien paffé ; le lendemain & les jours
fuivans on y ajouta un jaune d'oeuf , &
quelques cordiaux pour remedier à la foibleffe
& à un tremblement qui lui prit.
On lui fit prendre du bouillon avec des
herbes aftringentes , & c . La playe commença
à fe refermer le sme, jour , & le 24 .
Juillet la malade s'en retourna à fon Village,
fi bien guerie , que M. Hubner l'allant
voir le 2. Août , la trouva portant
deux feaux d'eau.
Le couteau avalé avoit fept pouces de
long ; le féjour qu'il avoit fait dans l'eſtomach
de cette femme , n'en avoit point
alteré la lame ; elle étoit feulement deve-
'nuë noire . Pour le manche , il étoit endommagé
. Auffi la malade en eut - elle , avant
l'operation , de fréquents rapports , qui
avoient le goût de la corne de cerf , qui
étoit la matiere de ce manche.
On a appris de Nuremberg la mort de
Mile Anne- Barbe Murrer , âgée d'environ
33. ans . Elle étoit fille d'un très - habile
Peintre , & elle -même excelloit dans l'arr
de
324 MERCURE DE FRANCE:
de la Peinture. Elle furpaffoit la fameufe
Madame Merian , d'autant qu'elle ne s'étoit
pas bornée , comme celle - ci , aux fleurs
& aux infectes. Elle s'étoit beaucoup attachée
à la mignature.
D'Helmftadt. M. Bruckmann a donné
depuis peu une Hiftoire naturelle des
Ovaires petrifiez , tant des poiffons que
des coquillages. Il fe trouve en divers
endroits , un nombre infini de ces
oeufs petrifiez. L'Auteur croit que c'est
une fuite & un effet du Déluge . D'ordinaire
on diftingue le jaune du blanc dans
ces oeufs , en les caffant. Les plus durs
font à Hamerflaben , dans la Principauté
de Halberstadt.
De Genêve : on trouve dans cet Article
l'éloge du R. P. François Pagi , Auteur
de l'Hiftoire des Papes , &c . On rend à
fon merite toute la juftice qui lui eſt dûë;
mais, c'eft fans doute, fur de mauvais memoires
, que l'Auteur de l'Eloge le fait
mourir à Genêve. Toute la Provence fçait
que ce fçavant Religieux eft mort à Orange,
dans un Monaftere de fon Ordre. Cette
faute a déja été relevée par une Lettre
écrite du même Pays , dont l'Extrait eft
dans notre Journal du mois de Septembre
dernier. Il eft dit dans cette Lettre ,
que nous avons donné l'Eloge du même
Religieux dans un de nos Journaux. Cet
Eloge
FEVRIER. 1728. 325
Eloge inferé dans le 2. Volume du Mercure
de Decembre 1723. ne le regarde
point ; c'eft celui du fameux P. Antoine
Pagi , fon oncle , Religieux du même
Ordre , & Auteur de la Critique des Annales
de Baronius , mort en l'année 1699.
Le P. Pagi , dont il eft ici queftion , mort
en 1721. a auffi laiffé un neveu dans le
même Ordre , nommé le P. Antoine Pagi
, comme fon grand oncle , lequel fe
diftingue par fon fçavoir & par fa pieté.
C'eft ainfi que dans certaines familles l'érudition
& la vertu font comme hereditakes.
Il ne faut pas que nous omettions ici,
puifque l'occafion s'en préfente , que le
P. François Pagi , mort, comme nous l'avons
dit, en 17 21. travaillant à l'Hiftoire
des Papes , a fait une Differtation ſur ſaint
Denis , inferée dans le volume de cette
Hiftoire , dont il ' eft parlé dans notre
Journal du mois de Septembre dernier .
L'Auteur y deffend le fentiment de fon
oncle , marqué dans le III . Tome de fa
Critique des Annales de Baronius . Ce
fçavant homme a pris un tiers Parti dans
cette fameufe conteftation . Il prétend que
S. Denis , Evêque de Paris , a été envoyé
dans les Gaules par le Pape S. Clement
au I. fiecle , contre le fentiment de Gregoire
de Tours , qui place fa Miffion fous
l'Er
1
326 MERCURE DE FRANCE.
l'Empire de Dece , & au milieu du III.
fiecle. Il foutient cependant que cet Evêque
de Paris eft different de Denis l'Aréopagite
, Evêque d'Athénes , contre
l'opinion commune qui trouve de grandes
difficultez auprès des habiles Critiques.
Au refte , cette opinion particuliere
du P. Pagi eft déduite avec beaucoup
d'ordre , de clarté & de précision , & appuyée
fur des preuves qui paroiffent folides
.
De Francfort fur le Moein. M. Jean-
Frideric Ochs , Medecin , a fait des Additions
très - confiderables au Commentaire
de FRANÇOIS MEZZABARBA fur
les Medailles Imperiales d'OccON . Il a
eu foin de diftinguer les Medailles rares
& d'en marquer le prix ; en quoi il a fuivi
deux Manufcrits , l'un de M. Vaillant ,
l'autre de François de Ficoronis , Antiquaire
Romain. M. Ochs a deffein de
pu
blier fon Ouvrage qui ne contiendra pas
moins de 3000. Deffeins , & il demande
aux Curieux la connoiffance des Medailles
rares qu'ils poffedent .
On voit ici la I. Partie d'un Journal ,
intitulé : Theodori Alethini Parrhafiana
vol. 8. ce font des Penfées libres & féparées
fur des Livres & des matieres ,
foit de Theologie , foit d'Hiftoire Ecclefiaftique.
N'y a -t-il point lieu de craindre
que
FEVRIER 1728. 327
que ces Penfées libres ne le foient quelquefois
un peu trop ?
BIBLIOTHEQUE ANGLOISE , OU
Hiftoire Litteraire de la Grande- Bretagne.
Par M. de la Roche , Tome I. premiere
Partie. A Amsterdam , chez la
venue de Paul Marret. 1727. in- 12. de
542. pages , fans la Table & l'Avertiffement
, dans laquelle on apprend que ce
Journal a commencé au mois de Mars
1710. diſcontinué au mois de Septembre
1714. & repris enfuite.
Le deffein de l'Auteur de ce Journal ,
eft de rendre compte au Public , non- feulement
des Livres nouveaux qui s'impriment
en Angleterre , à mesure qu'ils paroiffent
, mais auffi de quelques - uns de
vieille date , & fort curieux , dont les autres
Journaliſtes n'ont rien dit. Il
promet
de donner douze feuilles de trois mois en
trois mois , ce qui produira 2. Tomes
raifonnables toutes les années. Il promet
de plus , d'obferver une exacte neutralité
à l'égard de tous les partis.
ESSAIS SUR DIVERS SUJETS : par
M. le Chevalier Blackmore , Docteur en
Medecine , Aggregé au College des Medecins
de Londres. A Londres , 1716,
in- 8 ° . de 448. pages , fans la Préface
qui
328 MERCURE DE FRANCE . '
qui en contient 57. en Anglois.
Ce Volume contient fix Effais , où l'Auteur
traite du Poëme Epique , de l'Eſprit,
des fauffes Vertus , de l'immortalité de
l'ame , des Loix de la Nature & de l'origine
du Pouvoir Civil.
On trouve à la tête de l'Effai fur le
Poëme Epique , une courte Préface , où
le Chevalier Blackmore loue les François
de ce qu'ils ont porté la connoiffance de
cette forte de Poëfie beaucoup plus loin
que les Italiens . Il dit que le Pere le Boffu,
Jefuite , a furpaffé tous ceux qui ont traité
ce fujet avant lui . Il remarque enfuite,
que ce n'eft que depuis environ 40. ans
que les Anglois connoiffent la nature du
Poëme Epique. Ils avoient le Paradis
perdu de Milton , qui paffe parmi eux
pour un excellent Ouvrage en ce genre;
mais le merite de ce Poëme leur fut entierement
inconnu pendant plufieurs années.
Enfin quelques perfonnes le découvrirent
, & cette découverte , accompagnée
de la lecture du Traité du P. le Boffu ,
engagea les Anglois à étudier les regles
de la Poëfie Epique. Depuis ce temps- là,
on a vû en Angleterre diverfes perfonnes
qui ont travaillé fur cette matière .
Selon notre Auteur , la veritable - définition
du Poëme Epique , c'est une Hiftoire
feinte , probable & merveilleuse ,
d'une
FEVRIER . 1728. 329
d'une entreprise importante , ou des grands
malheurs de quelques perfonnes illuftres
compofee en vers , d'un ftile fublime , pour
donner du plaifir & pour inftruire.
DISCOURS, où l'on tâche de découvrir
la nature de l'Enfer , & le lieu où il eſt.
A Londres , 1714. in- 8 ° . de 292. pag.
en Anglois,
BIBLIOTHEQUE ANGLOISE , &c .
2. Partie du premier Tome.
LES SENTENCES D'ALI , Gendre de
Mahomet , & fon 4° . Succeffeur Traduites
d'un Manufcrit Arabe de la Bibliotheque
Bodleienne , à Oxford , par Simon
Ockley , Bachelier en Theologie , Profeffeur
en Langue Arabe dans l'Univerfité
de Cambridge , & Chapelain du Comte.
d'Oxford . A Londres , 1717. Brochure
in- 8 ° .de 34. pag. en Anglois.
Il eft certain , dit M. Ockley , que
nous fommes redevables aux Orientaux
de toutes nos connoiffances , qui font
d'ailleurs extrêmement bornées . Ils communiquerent
d'abord leurs lumieres aux
Grecs , Nation vaine , entêtée de fon mérite
, & qui n'a jamais approfondi la fageffe
de l'Orient . Les Romains ne firent
qu'imiter les Grecs. Enfin , la barbaric
s'étant F
330 MERCURE DE FRANCE.
s'étant répandue dans tout l'Occident , les
Arabes rétablirent les fciences en Europe.
Il faut être extravagant , dit - il , pour
s'imaginer que nous avons plus de genie,
& que nous fommes capables d'une plus
grande application que les Orientaux.
M. Ockley , non content de ces éloges
, ajoute qu'il y a plus de folidité dans
un feul Aphorifme Oriental , que dans
certains Systêmes compofez par des Eu
ropéens.
On dira peut - être , continue l'Auteur,
que la Polygamie eft en ufage parmi les
Orientaux. Il répond qu'on doit le fouvenir
qu'ils ne font pas Chrétiens , & que
c'eft pour cela qu'ils continuent de vivre
à la maniere des anciens Patriarches , &c.
Ils riroient de bon coeur , ajoute - t-il
s'ils voyoient un mari & une femme fe
chamailler pendant 30. ou 40. ans , pour
fçavoir lequel des deux aura toute l'autorité
dans la famille.
9
Après ces obfervations , l'Auteur dit
que les Arabes furpaffent toutes les autres
Nations par leurs Sentences & leurs Proverbes
: c'est ce qui l'a obligé d'en faire
imprimer un petit Recueil , en voici quel
ques-unes ;
Les hommesfontpartagez en deux claffes.
Les uns cherchent & ne trouvent point.
Les autres trouvent & ne font pas contens .
La
FEVRIER . 1723. 331
La fcience eft l'ornement des riches &
la richeffe des pauvres.
Un homme a une belle ame , lorsqu'il
évite tout ce qui n'eft point permis , &
qu'il s'éloigne de tout ce qui eft criminel.
ESSAIS fur divers fujets , par le Chevalier
Blackmore , &c . 2 °. vol . A Londres
, 1717. in- 8 ° . de 446. pages , fans
La Préface qui en contient 61 .
Ce 2. vol . contient cinq Differtations ,
qui roulent fur l'Athéïfme , le mal de rate,
la compofition des Ouvrages Polemiques
& des Ouvrages d'efprit , la felicité des
Juftes après cette vie , & l'amour de
Dieu.
Il donne ainfi la définition d'un Athée.
Par un Athée , dit- il , j'entends un homme
qui déclare ouvertement qu'il ne croit pas
Pexistence de Dieu , ou qui , en admettant
fon existence , attribue à d'autres cauſes
la formation & la confervation de l'Vnivers.
Il divife fa troifiéme Differtation , en
cinq parties , qui traitent , 1º . de l'utilité
des bons Livres , 20. des Ouvrages Polemiques.
3. des Ouvrages d'efprit , 4 ° . du
but que l'on doit se propofer en écrivant ,
5°. de l'âge que l'on doit avoir pour
écrire.
Un excellent Auteur , dit- il , eft utile
Fij à
332 MERCURE DE FRANCE .
à fes compatriotes , & même aux habitans
des Pays étrangers. Il parle après fa
mort ; & pendant qu'il eft dans le tombeau
, il continue d'inftruire les hommes,
comme s'il étoit en vie. Outre qu'il faut
qu'un ouvrage foit bien écrit pour être
eftimé de la pofterité , il doit intereffer
les Lecteurs de tous les fiecles ..... Un
Auteur doit avoir en vûë d'inftruire fes
Lecteurs , Pour cet effet , il doit remplir
leur efprit de grandes & de belles idées ,
exciter en eux des paffions nobles , combatre
le vice & le déreglement des moeurs ,
& ne rien oublier pour engager les hom
mes à la pratique de la vertu .
Dans fon premier Volume , M. Blackmore
, donne en ces termes la définition
de l'efprit C'eft , dit-il , une qualité de l'ame
, qui éleve anime des fentimens communs
, & des expreffions fimples , en leur
donnant un tour élegant qui caufe de la furprife.
L'efprit confifte,felon cet Auteur , à animer
nos pensées & nos paroles par des
tours vifs , nouveaux & agréables . C'eft
l'effet d'une imagination brillante , fertile.
& enrichie d'une grande varieté d'idées.
On peut comparer , dit M. Blackmore
un homme d'efprit à un Cuifinier , qui
donne un goût exquis aux mets les plus
fimples , & à un Ouvrier qui embellit
d'une
FEVRIER . 1728.
333
d'une riche broderie les étoffes les plus
communes.
LETTRES écrites par quelques Sçavans
de Malabar , aux Miffionnaires Danois
, établis dans ce pays -là , traduites
de l'Allemand en Anglois , & publiées par
M. Philips , contenant une Relation de
la Religion , des moeurs , & du fçavoir
des habitans de Malabar : avec une Carte
du Pays. A Londres , 1717. in 12. de
180. pages , fans la Préface.
Les habitans de Malabar ont de l'horreur
pour les Chrétiens , parce qu'ils
tuent & mangent les Vaches , qu'ils mé
prifent les purifications , qu'ils s'enyvrent .
qu'ils ne font point d'aumônes , & qu'ils
ne jeûnent point lorfque leurs amis meurent.
Les Brachmanes étudient la Religion &
s'attachent à la pratique de toutes fortes
de vertus. Ils tranfportent les pechez du
peuple fur des Vaches que l'on mene enfuite
dans un certain lieu ; le peuple efpere
d'obtenir la rémiffion de fes pechez
en faifant beaucoup de bien aux Brachmanes
.
Les Malabars font fort charitables ; ils ne
tuent aucun animal , parce qu'ils croyent
que les ames paffent dans les corps des
bêtes. Parmi les Sectes du Malabar , il y
F iij en
334 MERCURE DE FRANCE.
en a une qui rejette toutes les céremonies
du Pagod , & qui n'admettent qu'un feul
Dieu. Ceux de cette Secte demeurent
dans des cavernes ; ils ne poffedent rien
en propre , & ils évitent la converfation
des femmes . Ces habitans difent que la
Vertu & le Vice , le Ciel & l'Enfer , le
monde & tout ce qui s'y paffe , font quelques-
unes des 64. Comédies , qui réjouiffent
la Divinité . Ils avoüent que la
loy des Chrétiens eft très bonne & trèsjufte
, mais ils ajoûtent que leurs moeurs
font fort corrompuës , & que par conféquent
on ne devroit avoir aucun commer
ce avec eux .
ས ས མ
7
SECONDE RELATION de la Miffion
Danoife à Tranquebar , fur la côte de
Coromandel , où l'on rend compte du progrès
qu'elle a fait dans la converfion des
Malabars , des moyens qu'elle a employez
pour l'execution d'un fi beau deffein , des
obftacles qu'elle y a rencontré , & des fecours
qu'elle demande . Avec des obfervations
fur la Philofophie ', & la Theologie
des Malabars , & fur les Brachmanes
, les Pantars , & les Poëtes du Malabar.
Le tout a été tiré des Lettres des Milfionnaires
, & traduit en Anglois , pour
être examiné par la Societé établie pour
la propagation de l'Evangile dans les Pays
EtranFEVRIER.
1728 335
Etrangers. A Londres , 1710. Brochure
in 8. de 36. pages fans la Préface .
La Langue de Malabar eft fort reguliere.
Les Malabars font un Cours de Philofophie
, & étudient cette fcience d'une
maniere auffi méthodique que les Européens.
Ils ont une loy écrite , d'où ils tirent
tous leurs Dogmes Théologiques :
ils comptent trois millions 300. mille
Dieux , qui dépendent du Dieu Souverain
, & 4800o. Prophetes. La Génealogie
de ces Dieux eft fort remarquable.
Ils font fujets à divers changemens , autfibien
que les hommes ; chacun d'eux ne
peut vivre qu'un certain nombre de fiecles
. Après que tous ces temps feront expirés
, tout ce qui exiſte rentrera dans l'Etre
des Etres , & alors il y aura une nouvelle
création . Les Malabars affûrent que
leurs Dieux ont fouvent paru fur la terre ,
& ils en font plufieurs contes ridicules .
Is prétendent qu'il y a 14. Mondes féparés
par des vaftes mers. Ils ont differens
fentimens fur les ames , & croyent en general
qu'elles paffent d'un corps dans un
autre , jufqu'à ce qu'elles foyent entierement
purifiées .
L'Auteur de cette premiere Lettre , obferve
qu'il n'a vu aucun Athée parmi les
Malabars. Ils font prefque tous pieux &
charitables.
F iiij Mi336
MERCURE DE FRANCE .
MEMOIRES PHILOSOPHIQUES de
la Societé Royale.
Juillet , Acût & Septembre 1716. Art. 7 .
L'Art de vivre dans l'eau , ou Diſcours,
dans lequel on traite de la maniere de
faire entrer l'air jufqu'au fond de la mer ,
à une moyenne profondeur. Par M. Halley
, Secretaire de la Societé Royale .
L'invention de M. Halley , pour introduire
l'air dans la mer , a paru fort ingénieufe
. Il en a fait l'experience avec fuccès
, & il a été lui- même au fond de la
mer plus d'une heure & demie à la profondeur
de 9. ou 10. braffes , fans aucun
inconvenient. Il étoit affis dans une Cloche
, où il n'entroit point d'eau , & il
avoit fes habits ordinaires . Il recevoit
tout autant d'air frais qu'il lui en falloit ,
& il faifoit fortir celui qu'il avoit refpiré.
Cet air fortoit avec tant de violence par
une petite ouverture , qu'il faifoit boüillir
la furface de la mer & la couvroit d'une
écume blanche , nonobftant le poids
de l'eau qui étoit audeffus . M. Halley recevoit
dans la Cloche l'air dont il avoit
befoin , par le moyen de deux Barriques
que l'on faiſoit defcendre dans la mer &
remonter alternativement. Il y avoit au
haut de la Cloche une vitre fort claire >
qui fervoit de fenêtre pour faire entrer la
lumiere. OctaFEVRIER.
1728. 337
Octobre , Novembre & Decembre. Art. 2 .
Deſcription de la langue & des autres
parties du Pivert. Par feu M. Waller
Secretaire de la Societé Royale.
Cette Deſcription du Pivert eft fort circonftanciée
. On fçait que cet Oyſeau fait
des trous avec la langue dans les arbres
les plus durs , & qu'après les avoir élargis
il y fait fon nid . Il fe nourrit d'inſectes
qui rampent fur la furface des arbres ,
& de ceux qui font fous l'écorce ou dans
le bois pourri . Comme le Méchaniſme
de la langue de cet Oyfeau eft fort remarquable
, M. Waller a crû qu'il devoit l'expliquer.
La langue du Pivert , dit - il , eft
longue , menuë & ronde : il la tire de la
longueur de trois ou quatre pouces & la
retire promptement , après l'avoir enfoncée
dans le corps d'un Infecte .
Art. 3. Hiftoire naturelle & Defcription
du Phoenicopterus , avec cinq figures
qui reprefentent la tête & la langue de ce
bel Oyfeau. Par M. Douglafs , Docteur
en Medecine , & Membre de la Societé
Royale.
On lit dans l'hiftoire de l'Académie
Royale des Sciences , page 213. que l'Oyfeau
qui fait le fujet de cet article , eft
communément appellé Beeharu en France.
Ariſtophane eft le premier qui en aic
FV
parlé
338 MERCURE DE FRANCE .
parlé fous le nom de dowóτepos. Phi
loftrate le nomme ὄεις Φοινίκεος . Pline
Suetone , Juvenal & d'autres Auteurs Latins
ont retenu le mot Grec , & ils l'appellent
Phoenicopterus . Cet Oyfeau a été
ainfi nommé de fon plumage rouge , felon
Martial Dat mihi penna rubens
nomen .
"
Tous les Naturaliftes conviennent que
le Becharu eft un Oyfeau aquatique . On
le trouve en Afrique , en Amerique & en
Europe . C'eft un Oyfeau de paffage . Dampierre
en parle affez amplement dans fon
Voyage autour du monde , & il nous apprend
de quelle maniere les Becharus font
leurs nids . Ces Oyfeaux , dit du Tertre
dans fon Hiftoire des Ifles , & c . ont le ton
de la voix fi fort , qu'il n'y a perfonne en
les entendant , qui ne crut que ce font des
Trompettes qui fonnent. Ils font toujours en
bandes ; & pendant qu'ils ont la tête cachée
, barbotant dans l'eau , comme les Cygnes
, pour trouver leur mangeaille , il y
en a toujours un en ſentinelle , tout de bout ,
le col étendu , l'oeil circonfpect , & la tête
inquiéte. Sitôt qu'il apperçoit quelqu'un
il fonne de la trompette , donne l'allarme
au quartier, prend le vol tout le premier
& tous les autres le fuivent. Ils volent en
ordre comme les Grues que fi on les peut
furprendre , ils font fi faciles à tuer , que
les
FEVRIER. 1728. 339
les moindres bleffures les font demeurerfur
la place. Ils font rares , ne fe voyent jamais
, finon dans les falines les plus éloignées
du peuple.
» Rochefort dit dans fon Hiftoire des
» Antilles , qu'ils ont l'oüie fi fine & l'o-
>> dorat fi fubtil , qu'ils éventent de loin
les Chaffeurs & les armes à feu. Pour
» éviter auffi routes furprifes, ils fe pofent
>> volontiers en des lieux découverts & au-
>> milieu des marécages , d'où ils peuvent
» appercevoir de loin leurs ennemis ; &
» il y en a toujours un de la bande qui
» fait le guet . Ils font gras & ont la chair
>> affez délicate.
Le Becharu étoit fort eftimé des Romains
, & ils s'en fervoient dans leurs facrifices
& dans leurs feftins.
La langue de cet Oyfeau paffoit pour
un mets délicieux , felon Martial.
Dat mihi penna rubens nomen , fed lingua gislofis
,
Noftra fapit...
HISTOIRE D'AMENOPHIS , Prince
de Lybie . A Paris , ruë Galande , chez
Quillan ,fils , 1728. in 12. de 160. pages
Cet Ouvrage doit faire plaifir par la
maniere dont il est écrit , & par l'interêt
que l'Auteur a fçû y mettre. Mais ne pou
F vj vant
340 MERCURE DE FRANCE.
vant faire fentir cet interêt fans
trop allonger
cet Extrait , nous nous bornerons
à rapporter le Portrait de l'Heroïne dé ce
Roman .
Cleorife parut appuyée fur une jeune
Efclave. Elle étoit dans un deshabillé
magnifique , jaune & argent , qui en marquant
la taille , en laiffoit voir toute la
beauté , aufli -bien que celle de fa gorge
& de fes bras. Ses cheveux du plus beau
noir du monde , étoient relevez négligemment
, & attachez fur le haut de la tête
par un tiffu jaune & argent ; la perfection
de fes traits étoit accompagnée de toutes
les graces de l'enfance & des charmes de
la plus brillante jeuneffe .
REFLEXIONS SUR L'AMITIE"
'dédiées au Roy. Par M. Dupuy , cy- devant
Secretaire au Traité de la Paix de
Ryfwick. A Paris , chez Etienne , rue
S. Jacques , 1728. in 12. de 306 .
M. Dupuy , déja connu dans la République
des Lettres , par l'Inftruction d'un
pere à fa fille , & par les Dialogues fur les
plaifirs , vient de donner les Réflexions
fur l'Amitié. L'Auteur foûtient toujours
fon caractere , & on peut dire que. dans
ce dernier Ouvrage , les fentimens n'y dơminent
moins que dans les deux premiers,
& que l'efprit n'y penfe jamais inpas

FEVRIER. 172 347
dépendamment du coeur . Jufqu'au ftile
tout y refpire un air de douceur qui convient
au fujet qu'il traite. Son Epitre au
Roy eft écrite noblement ; & en louant
même ce grand Prince , elle ne le flatte
pas .
» Les grandes ames , dit- il , ne fe bor-
» nent pas au feul privilege de comman-
» der , elles afpirent à la gloire de rendre
» l'obéiffance douce & facile ... Et plus
» bas , Votre Majefté n'ignore pas que ce
» font les traits qui caracterifent les Sou-
» verains dignes de l'être , elle en connoît
les plus parfaits modeles , elle les
>> a continuellement fous fes yeux ; elle
» en compte un grand nombre parmi fes
» Ancêtres ; elle fe propoſe de marcher
» fur leurs traces , &c.
Comme nous craindrions d'ôter par un
trop long Extrait , aux Lecteurs le plaifir
qu'ils trouveront à lire ces Réflexions
dans l'ordre naturel où l'Auteur les a mifes
, nous nous contenterons de faire appercevoir
ici comme dans. un point de
veue tout le deffein de l'Ouvrage . On
examine d'abord quelles font les veritables
fources de l'amitié : on paffe enfuite
aux qualitez neceffaires pour former ou
pour conferver l'amitié , & on finit par
Tes devoirs attachez à la vraie amitié . Ce
fujet , tout ancien qu'il eft , devient nouveau
342 MERCURE DE FRANCE.
"
veau entre les mains de l'Auteur. Ciceron
n'avoit pas ,fans doute, ofé indiquer le vrai
principe de l'amitié dans le Traité qu'il en
a donné. M. de Sacy paroît ne l'avoir pas
bien connu , & en general tous ceux qui
ont parlé de l'amitié , n'avoient fait , pour
ainfi dire , que tâtonner. M. Dupuy paroît
être le premier qui ait pû ou qui ait
voulu nous en montrer le principe . Il fait
confifter l'amitié dans le plaifir . Il en donne
des preuves auxquelles il eft difficile
de ne pas fe rendre . La Philofophie , la
Morale & l'Hiftoire s'accordent à confirmer
fon fentiment. Entre plufieurs traits
qui meriteroient d'être cités , nous ne
pouvons nous empêcher de rapporter la
raifon qui lui fait dire qu'il ne peut gueres
y avoir d'amitié entre les femmes galantes
, quoiqu'il puiffe y en avoir entre les
fcelerats.
» Deux voleurs , dit-il , peuvent avoir
» de l'amitié l'un pour l'autre : non-feule-
» ment leur profeffion n'eft
pas un obfta-
>> cle , mais elle y contribue même , s'ils
agiffent conféquemment à leurs conven-
>> tions . Ils font d'ordinaire d'accord fur
» le partage du butin qu'ils font ils ex-
» pofent également leur vie pour ce bu-
» tin , & aucun d'eux ne compte de le re-
» tenir tout pour lui .
Les femmes galantes ne forment point
» de
FEVRIER 1728. 343
» de focieté pour aller à la conquête des
» coeurs. Chacune y travaille pour fon
>> compte particulier , & veut tout retenir
» pour elle . Il n'y en a point qui ne penſe
» de même ; & cette conformité de fenti-
» mens fait qu'il eft difficile que l'amitié
»le trouve entr'elles .
Les Réflexions fur les duels , qui font à
la fuite de celles qui regardent l'amitié
combattent avec autant de circonfpection .
que de folidité les dangereux préjugez fur
le point d'honneur ; & l'on ne craint
point de dire que fi la maniere dont l'Auteur
établit fon opinion , ne détruit pas entierement
les préventions de la Nobleffe à
cet égard , il én réfultera au moins que
les Gentilshommes en feront plus attentifs
à fe refpecter les uns les autres , & à
écarter tout ce qui peut faire naître des
differens entr'eux .
INSTRUCTIONS COURTES ET FAMILIERES
fur le Symbole , pour fervir
de fuite aux Inftructions courtes & familieres
de feu M. Jofeph Lambert , Docteur
en Theologie de la Maifon & Societé
de Sorbonne . A Paris , ruë S. Jacques
, chez Ph . Nic. Lottin , 1728 2 .
vol. in 12 .
ESSAY PHILOSOPHIQUE fur la Providence.
$44 MERCURE DE FRANCE :
vidence . Rue S. Jacques , chez Greg. Du
puis , 1728. in 12.
chez.
HISTOIRE DU PEUPLE DE DIEU,
depuis fon Origine jufqu'à la Naiffance
du Meffie , tiré des feuls Livres Saints ,
en 8. Volumes in 4° . A Paris ,
Knapen , pere & Fils , rue de la Huchette,
Caillean , Sangrain , la veuve Piffot &
Compagnie.
"
C'eft le titre d'un Ouvrage que l'on
promet au Public pour le mois de Fevrier
1728. Le Plan imprimé marque qu'il eft
prefenté aux Fidéles fous un titre affez
ancien , mais fur un Deffein tout nouveau
, & qu'il n'eft ni une Traduction
Litterale , ni un Extrait , ou un Abregé
ni même de la maniere dont on l'entend
communément , une Concordance , une
Paraphrafe , ou un Commentaire fuivi
des Divines Ecritures . Ce n'eft point auffi
un fimple Recueil de Réflexions fpirituelles
, ou un choix de Regles de Morale
, tirées de la parole de Dieu , & formées
fur les grandes actions des Heros
du Peuple Saint . Nous avons effayé , continue
l'Auteur de raffembler les avanta
ges de ces differens deffeins , d'éviter les
rifques de quelques- uns , & de fuppléer ,
s'il eft poflible , à l'infuffifance de tous ,
confiderez féparément les uns des autres.
Ce
FEVRIER. 1728.
345
Ce font donc les divins Monumen's
eux-mêmes , réunis avec foin , rapprochez
avec methode , rangez dans leur ordre ,
expliquez dans une jufte étendue , accompagnez
des éclairciffemens qu'ils exigent ,
des liaifons qu'ils fuppofent , & des réflexions
qu'ils fourniffent , dont nous for
mons , dit -il , un corps d'Hiftoire complet
& fuivi.
L'Auteur divife en plufieurs Ages l'Hiftoire
du Peuple de Dieu. Le premier Age
s'étend depuis fon origine & fes premiers
accroiffemens fous les Patriarches les Fondateurs
, jufqu'à fon union en corps de
Nation fous la conduite de Moyfe . Cette
partie de l'Hiftoire , quoique fertile en
évenemens fublimes , & magnifiques par
eux-mêmes , ne fera peut - être pas , diton
dans le Profpectus , du goût de quelques
hommes délicats , qu'un merveilleux
trop connu ne touche pas , & la narration
dégarnie de faits particuliers , leur paroîtra
moins intereffante ; mais ceux , continue-
t- on , qui chercheront à s'édifier ,
& à s'inftruire , y trouveront de quoi leur
faire adorer, craindre , & aimer le Seigneur
Dieu.
Le fecond Age comprend l'Alliance du
Peuple Saint avec Dieu , la promulgation
des faintes Loix , fes voyages dans les déferts
, jufqu'au terme deftiné à être fa demeure
བྱ་
346 MERCURE DE FRANCÉ.
meure. Ici l'Hiftoire fe reffent du long'
féjour des Ifraëlites en Egypte & dans les
déferts de l'Arabie. Mais au défaut des
faits qui puiffent faire connoître plus en
détail les Mours des Ifraelites pendant
leur féjour dans le défert , le Lecteur aura
lieu d'admirer la Majefté fainte du Dieu
d'Ifrael, qui jamais ne parut plus grand ,
& ne fe montra plus fenfiblement par
les prodiges de fa droite. L'Auteur n'o-"
met aucun des Miracles que l'Ecriture
rapporte , parce que tout eft grand , tout
doit être recueilli avec foin .
Le troifiéme Age préfente les Conquêtes
des Ifraelites fous Jofué , & fes differentes
Revolutions fous le Gouvernement
de fes Juges.
Le quatriéme renferme le tems de la
Monarchie , & la Puiffance du Peuple de
Dieu fous les premiers Rois.
Le cinquiéme contient la divifion du
Peuple d'Ifrael en deux Royaumes , & les
premiers éclats de la colere de Dieu fur
la portion la plus infectée.
Le fixiéme offre les playes mortelles
dont il fut frappé en punition de fes revoltes
, durant les douloureuſes années
d'une longue & dure captivité.
Le feptiéme Age enfin nous le reprefente
comme renaiffant de fon Tombeau ,
foible d'abord , & timide , mais reprenant
FEVRIER. 1728. 347
nant bientôt , fous les braves Machabécs,
une nouvelle vigueur contre lès ennemis
de fa Religion , & fe- remettant fous le
Gouvernement de fes Pontifes , en poffeffion
de fa liberté , juſques vers le tems
de la Naiffance du Meffie.
RECUEIL des Titres & Pieces touchant
l'Annexe , qui prouvent l'ancienneté
de ce Droit , dont on a toujours ufé en
Provence , foit avant , ou après l'Inftitution
du Parlement , in-4°. pages 74. A
Aix , chez Jofeph Senez 1727.
Cet Ouvrage , fruit de l'application &
des recherches de M. de Moiffac , Confeiller
au Parlement de Provence , & l'un
de fes plus dignes Magiftrats , eft également
curieux & utile . L'Annexe eft un
droit fingulier qui eft peu connu , & qui
avoit befoin d'être éclairci & juſtifié . On
peut dire que M. de Moiffac y a parfaitement
réuffi.
Le Recueil en queftion eft divifé en
deux Parties . La premiere contient l'Hiftoire
du droit de l'Annexe , & la feconde
, les Titres & les Pieces fur lefquelles
l'illuftre Auteur a fondé cette Hiftoire .
L'Annexe , dit- il , eft un droit particulier
du Parlement de Provence , en vertu
duquel toutes les Bulles , Brefs , Refcrits
& Mandats Apoftoliques , tant pour les
Difpenfes
348 MERCURE DE FRANCE .
Difpenfes des voeux , des mariages , on
d'âge , que pour la collation des Benefiees
, les Jubilez & les Indulgences ; enfin
generalement toutes les Expeditions de la
Cour de Rome & de la Légation d'Avignon
, ne peuvent être executées dans l'é
tendue de fon reffort , fans fa permiffion,
pareatis , enterinement ou Annexe , ainſi
que le démontre l'Etimologie de ce nom
qui dérive d'annectere ou annexare , ce
qui fignifie joindre ou lier enſemble ; ou
bien , i l'on veut , qui vient d'annuère
accorder , ce qui fe rapporte au pareatis ,
ou permiffion d'executer.
Les Pieces juftificatives de cette Annexe
, font divifées en trois temps . On
trouve dans le premier ce qui a été fait
fous les Comtes de Provence . Le fecond,
qui eft fort court, ne comprend que ce qui
s'eft paffé fous le Confeil éminent depuis
la réunion de la Provence à la Couronne
, jufqu'en 1501. Dans le dernier enfin ,
on voit tout ce qui eft arrivé depuis l'inf
titution du Parlement , jufqu'à prefent .
Nous fuivrons cet ordre dans ce que nous
allons rapporter pour exemples .
SOUS LES COMTES DE PROVENCE .
LETTRE DU ROY RENE' : A nos trèschers
& Feaux les Senechal & autres
Gens de notre Confeil , étant en Prevence
.
DE
FEVRIER. 1728.
349
DE PAR LE ROY DE SICILE .
>> TRES chers & feaux , vous fçavez
» comment par plufieurs fois nous avons
» écrit & avilé , que fi on apportoit en
»> notre Pays de Provence , aucunes Bul-
» les Apoftoliques , pour quelconque Be-
» nefice que ce fut , & nommément tou-
» chant le fait de Fréjus , yous le fafficz
» mettre en notre main , & ne fouffriez
» les mettre à execution , que premiere-
» ment nous en euffiez avifé , & fommes
» bien contens des fervices que vous y
» avez tenus jufques ici . Toutefois parce
que ne fçavons ce qu'on voudroit faire
» du temps de notre S. Pere le Pape qui
eft à préfent , encore nous en avons nous
» bien voulu avifer . Si voulons & vous
» mandons que toujours vous en preniez
» bien garde , & ne fouffriez pour rien fi
» on apporte Bulles que foient , qu'elles
» foient mifes à execution , mais les faites
» mettre en notre main , & puis nous en
>> aviſez pour y pourvoir au furplus , ainfi
qu'il appartiendra , & quoique ce foit fi
» on vouloit aucune chofe innover au fait
dudit Fréjus , avifez nous en incontinent
, & y ayez toujours bien l'oeil . Car
» nous vous avifons que nous l'avons auff
à coeur, & plus que nous l'eumes jamais ,
te chofe qu'il en doive adve-
>>
nix ,
350 MERCURE DE FRANCE .
» nir , nous ne fouffrirons point que au-
» tre en eut la poffeffion que l'Abbé de
» S. Flourent, pour lequel avons toujours
>> tenu la main , comme vous fçavez . Trèschers
& feaux , notre Seigneur foit
» garde de vous . Ecrit en notre Manoir
» de Bauçay - lez - Saumur , le 14. jour de
" May. RENE'. Tourneville.
SOUS LES ROIS DE FRANCE ET LE
CONSEIL EMINENT .
LETTRE DU ROY LOUIS XII. A nos
Chiers bien amez les Gens de notre
Confeil , à Aix en Provence.
DE PAR LE ROY.
>> CHIERS & bien amez , nous vous
avons plufieurs fois écrit en faveur de
» Me Pierre de la Baume , prochain pa-
>> rent de notre amé & féal le Marquis
» de Rothelin , à ce que lui euffiez ap-
» porter & favoriſer touchant l'Archidia-
» coné d'Aix , lequel Archidiaconé plu-
>> fieurs prétendent avoir , comme avons
» été avertis. A cette caufe , vous prions
» très- affectueufement fur tant que défi-
» rez nous obéir , & complaire , que ne
» ANNEXIEZ aucunes Bulles ou impetra-
>> tions obtenues pour autre que par ledit
» de la Baume , ains en tout & par tout
» le veuilliez favorifer , & avoir ſpecia-
» lement
FEVRIER. 1728. 351
·
>>>> lement
recommandé , en façon qu'il
» demeure paifible ; & en ce faiſant , vous
» nous ferez fervice très agréable , que
reconnoîtrons envers vous quand le
» temps & befoin fera. Donné à Blois le
7. jour de May 1499. Signé , Louis .
De Sauffay.
>>
DEPUIS L'INSTITUTION
DU PARLEMENT .
LETTRE DU ROY LOUIS XII . A nos
amez & feaux Confeillers , les Gouver
neur , Grand Senechal de Provence ou
fon Lieutenant & Gens de notre Cour de
Parlement à Aix.
DE
PAR LE ROY , COMTE
DE PROVENCE
.
» Nos amez & féaux , vous fçavez
que autrefois vous avons écrit en faveur
de notre amé & féal Confeiller ,
» l'Archevêque d'Arles , pour le fait de
» la Prépofiture de fon Eglife , à ce que
» n'euffiez à ANNEXER Ou recevoir au-
» cunes Lettres pour empêcher & inquié-
>> ter notredit Confeiller en ladite Prépo-
» fiture , & pour ce qu'il a été averti que
» encore on s'efforce le molefter ; à cette
» caufe & que l'avons en finguliere recom-
>> mandation , & que défirons en ce & au-
» tres affaires le porter & favorifer : Nous
# you352
MERCURE DE FRANCE.
» voulons & vous mandons derechef &
» très - expreffément , que n'ayez à rece-
» voir , admettre & ANNEX ER aucunes
>> Lettres telles que foient , qui pourroient
cy-après venir pour travailler , & in-
» quiéter notredit Conſeiller en ladite Prépofiture
, & gardez qu'il n'y ait point
» de faute . Donné à Chavane , le 13. Sep-
» tembre. Signé , Louis. Robertet.
On vend chez le fieur Dumefnil , Imprimeur-
Libraire , rue Ste. Croix , en la
Cité & au Palais , au Pilier des Confultations
, une Differtation fur les Mandemens
ou Procurations , où l'on traite des
qualitez de l'Avocat , &c .
"
Pierre Gandouin , Libraire à Paris, Quai
des Auguftins , à la Belle Image , & la
veuve d'Antoine- Urbain Coutelier , vont
imprimer par Soufcription la ME'THODE
POUR E'TUDIER L'HISTOIRE ,
de M. l'Abbé Lenglet Du Frefnoy , en trois
Volumes in- 4 °. qui feront tous en grand
papier . Comme cette Edition qui n'eſt
que pour les Curieux , ſe fait avec beaucoup
de foins & de dépenfe , ceux qui
voudront en affurer des Exemplaires , pourront
jufques au dernier jour d'Avril prochain
, s'adreffer à ces deux Libraires , ou
aux Libraires des Provinces & des Pays
étranFEVRIER.
1728. 353
étrangers , avec lefquels ils font en relation.
Le prix de la Soufcription eft de
30. liv. en blanc pour chaque Exemplaire,
fçavoir , 15. l. en prenant la Soufcription
, & 15. liv. qui feront payées , lorfqu'on
délivrera l'Ouvrage au mois de Novembre
prochain , fans aucun délai . Ceux
qui n'auront pas foufcrit le payeront 45 .
liv. en blanc , fuppofé même qu'il en refte
pour eux , car on n'en tirera que très-peu
d'Exemplaires au delà des Soufcriptions.
On apportera tant d'exactitude à tenir
toutes les conditions , qu'on rétablira
peut- être par- là le crédit des Soufcriptions
, lorfqu'elles feront propofées par
des Libraires aifez & par des Auteurs d'une
probité connuë : car on fçait que l'on a
quelquefois fi mal ufé des Soufcriptions
que les Magiftrats Superieurs ont jugé à
propos de ne les permettre pas indifferemment.
Les Libraires Etrangers pourront s'addreffer
aux mêmes Libraires , jufques au
dernier jour de Mai prochain.
On finit l'impreffion des Traitez Philofophiques
& Pratiques d'Eloquence &
de Poëfie , par le Pere Buffier , D. L. C. de
Jefus , en deux Volumes in- 12 . chez le
Clerc , rue de la vieille Bouclerie , & chez
Mufier , Quai des Auguftins. La Table
G &
354 MERCURE DE FRANCE.
& les premieres pages qui font déja imprimées
, font préfumer qu'il doit être
utile pour la pratique ; parce qu'on y
donne des exemples de chaque forte de
Pieces d'Eloquence & de Poëfie . Par rapport
à l'Eloquence , exemples de Playdoyers
, de Sermons de Morale , de Panegyriques
, d'Oraifons funebres , de Complimens,
fuivis chacun de Reflexions critiques
, où l'on infinue ce qui y paroît de plus
ou de moins parfait ; comment les regles
ordinaires y font obfervées ou négligées ,
ou comment on peut les garder ou les
omettre felon les occafions . Par rapport
à la Poëfie , on donne pour exemple de
Tragedie , celle de Sylla , qu'on a imprimée
ici toute entiere , dont il a couru diverfes
Copies manufcrites , & qui a été
fi admirée , quoiqu'il ait fallu y faire plu
fieurs arrangemens : on en rend compte
dans un article particulier , des Reflexions
critiques , où l'on expoſe , à l'occafion
de cette Piece , toutes les regles de la
Tragedie. On met auffi un exemple de
petite Piece Comique ; enfuite un exemple
de l'Ode , avec des Obfervations fur
l'Entoufiafme ; grand fujet de differtation
parmi nos Poëtes. Viennent enfuite les
exemples de l'Eglogue , de l'Elegie , de
l'Epigramme , du Madrigal , du Sonnet.
de la Satire , des Epitres en Vers , des Fables
FEVRIER . 1728. 355
bles , ou enfin pour exemple , des Poëmes
Epiques , on donne un abrégé de l'Enéïde,
toujours avec des Obfervations critiques,
fur le caractere & la pratique de chacun
de ces fortes de Poëmes ou de Poëfies.
Nous ne difons rien encore du fond du
Livre , dont nous ne pourrions parler que
fur des préjugez favorables à l'Auteur..
G. Martin , F. Montalant , J. B. Coignard
, fils , & H. L. Guerin , Libraires à
Paris , impriment actuellement une Traduction
Françoiſe de la Chronologie du
Chevalier Nevvton , qu'ils donneront à
Pâques.
Les mêmes Libraires réimpriment l'Ouvrage
du P. Deschamps , de la Compagnie
de Jefus , qui a pour titre : De Harefi
Janfeniana. Le R. P. Souciet qui prend
foin de cette Edition , y a joint les corrections
& les Additions de l'Auteur.
On vient de publier un petit Livre
in- 12. qui a pour titre : Méthode pour regler
les Montres & les Pendules ; par
M. Sully , avec figures , de 76. pages,
fans l'Epitre , la Préface , la Table des
Matieres & le Privilege . Il fe vend chez
Gregoire Dupuis , rue S. Jacques , à la
Couronne d'Or , 20. fols broché. La Ta-
Gij ble
358 MERCURE DE FRANCE :
tans , comme eft celui d'une Méthode
pour connoître plus exactement les Lon
gitudes fur Mer.
En effet , il femble qu'on ait fujet enfin
de beaucoup efperer de cette importante
découverte : l'Académie Royale des Scienées
en a auguré avantageufement dès l'année
1724. comme il paroît par fes Memoires
imprimez . Celle de Bordeaux a
donné un témoignage très- avantageux de
la réüffite des experiences faites de la Pendule
à Levier fur la Garonne ; & plufieurs
Officiers de la Marine de France des plus
diftinguez par leurs rangs & par leurs lu
mieres , ont depuis figné des Certificats
à l'Auteur, qui portent que s'étant inftruits
des proprietez de ces nouvelles Horloges
& des experiences que les Académies Roya
les des Sciences de Paris & de Bordeaux
én ont faites , ils font pleinement perfuadez
de l'importance de cette invention , & qu'el·
le peut être d'une grande utilité à la Navigation
, en donnant le moyen de connoître
les Longitudes fur Mer avec plus de
jufteffe que par toute autre Méthode juf
qu'ici connue on pratiquée. Nous en pour
rons répondre au Public , ayant nous-mê
me vû lesdits Certificats fignez .
COETLOGON , Vice- Amiral de France .
Le Chevalier de LUINES , Chef d'Efcadre.
Le Chevalier de BETHUNE Capit. des Vaiffeaux
du Roy
De BENNEVIILE ,
On
-
THE NEW YORK
PUBLIC LIBRARY.
ABTOR, LENOX AND
TILDEN FOUNDATIONS
ASTOR
, LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONS
.
728
ORE
BEAT
FEVRIER. 1728. 359
On apprend de Florence que le P. Defideri
, Jefuite Miffionnaire , qui a demeuré
environ 16. ans au Tibet , dans l'Empire
du Mogol & dans d'autres Royaumes
, peu frequentez , des Indes Orientales
, le prépare à donner une Relation
de fes Ouvrages & une Defcription de
quelques Pays où aucun Miffionnaire n'avoit
penetré avant lui.
EXPLICATION des Types & Legendes
des Jettens frappez pour le premier
Janvier 1728.
I. TRE'SOR ROYAL .
Vulcain qui après avoir forgé la Foudre
& l'Egide , que l'on voit à fes pieds
tient un Caducée fur l'Enclume . Legende.
Bello Pacique laborat. Il travaille pour
la Guerre & pour la Paix.
II. PARTIES CASUELLES.
Un If que l'on taille dans une forme
agréable. Legende. Damnum penfatur honore.
L'ornement dédommage de la perte.
III. CHAMBRE AUX DENIERS.
Le Fleuve du Nil défigné par le Sphinx
& la Corne d'abondance. Legende. Innumeri
quos rore beat. Il rend heureux
par fa rofée des Peuples innombrables.
IV. EXTRAORDINAIRE DES
GUERRES.
Hercules tenant d'une main fa maffuë ,
G iiij
2.
&
360 MERCURE DE FRANCE .
& de l'autre une branche de Laurier. Legende.
Orbem pacare triumphus . Son
Triomphe eft de mettre en paix l'Univers .
V. ORDINAIRE DES GUERRES.
Un Effain d'Abeilles qui accompagnent
leur Roy. Legende . Nota Domi belloque
fides. Leur fidelité eft connue en paix &.
en guerre.
VI . MARINE .
Le Vaiffeau des Argonaules . Legende:
Priſci non oblita decoris . Sans dégenerer
de fon ancienne gloire.
VII . GALERES .
Des Neréïdes en pleine Mer à la vûë
des écueils de Scylla & de Caribde . Legende.
Quas non audent ire vias ? Où n'o̟-
fent- elles pas aller?
VIII ARTILLERIE.
Des Canons , Mortiers & Affuts démontez.
Legende. Ad nutum exurgent .
Au premier fignal ils fe drefferont.
IX. BASTIMENS
Une efpece de Trophée formé d'un
amas d'Inftrumens qu'employent l'Architecture
, la Peinture & la Sculpture. Le
gende. Non defunt dona Minervæ. Tous
les beaux Arts font en état de produire des
Ouvrages.
X MAISON DE LA REINE.
Deux branches d'Olivier. Legende . In
foedera natæ . Elles font nées pour les Alliances.
On
-FEVRIER . 1728. 361
On vend chez François Chereau , Graveur
du Roy , rue S. Jacques , aux deux
Piliers d'or , le fecond & dernier volume
des Etudes d'après nature , par Antoine
Watteau , Peintre du Roy en fon Académie
Royale de Peintute & de Sculpture
gravée par les plus habiles de l'Art, grand
infolio , 120. feuilles , Planches , 218.
, prix , 48. liv .
On vend auffi , chez ledit Chereau
plufieurs Estampes féparées , nouvellement
gravées d'après les Tableaux de ce
gracieux Peintre , dont la diverfité des objets
, & la parfaite exécution merite l'attention
des meilleurs Connoiffeurs.
Voici ce que dit M. Dábois de S. Gelais
, dans fa Deſcription des Tableaux
du Palais Royal , en parlant de ce Peintre
; » Watteau s'eft fait un nom par fa gra-
» cieufe & exacte imitation du naturel
» dans les fujets galants & agréables . Il a
» parfaitement bien repréſenté les Con-
» certs , les Danfes & les autres amufe-
» mens de la vie civile , mettant la Scene
» dans des Jardins , dans des Bois , &
» dans d'autres lieux chainpêtres dont le
» Païfage eft peint avec beaucoup d'art ;
» fon deffein eft correct , fon coloris eft
» tendre , fes expreffions font picquantes ,
ſes airs de têtes ont une grace' merveil
>> leufe fes figures danfantes font admi-
Gv » rables
20
3
362 MERCURE DE FRANCE.
rables pour la legereté , pour la jufteffe
» des mouvemens , pour la beauté des
» attitudes ; il s'eft attaché aux: habillemens
vrais ; enforte que fes Tableaux
» peuvent être regardez comme l'histoire :
» des Modes de fon tems . Da queline !
M. Maréchal , Premier Chirurgien du
Roy , a fait depuis peu une opération fort
finguliere à une femme qui ne pouvoit
s'affeoir fans de grandes douleurs , batiſées
par une pierre groffe comme un uf; qui -
s'étoit formée dans l'interieur de l'Anus;
cette femme a été guérie en 15. jous .
L'Abbé de Canaye , frete du Maître des
Requêtes , fut élu au commencement de
ce mois à l'Académie Royale des Infcriptions
& Belles Lettres , à la place de
M. Pouilly qui s'eft retiré.
24
-
" Nous fommes priez d'avertir le Public
que le Cabinet de Médailles, du feu fieur
Reboul , Maréchal de la Ville d'Aix , dont
il eft parlé dans le nouveau Dictionnaire
de la France à l'article de cette Ville , eſt
à vendre. Il eft compofé de Médailles
antiques en toutes fortes de métaux. La
furte d'argent eft la plus nombreafe, furtout
pour les Médailles Confulaires . Il y
a encore une fufte de Médailles des Papes
FEVRIER. 1728. 363
pes , un ramas confiderable de Monnoyes
anciennes , & quelques Livres qui traitent
des Médailles . Il eft affez étonnant de
trouver un Antiquaire dans la perfonne
d'un Maréchal , qui ordinairement n'eſt
occupé que de fa Forge.
Le Docteur Mekani prononça fur la fin
du mois de Janvier à Veniſe dans la Salle
de la Societé Albrifienne , qui étoit tenduë
de deuil , l'Eloge Funebre du feu Pere
Orlandi , mort depuis peu à Bologne ,
& qui étoit President de cette Societé de
Sçavans . ,
Le Roi a accordé le 21. Octobre à la veuve
Garrus, le Brevet exclufif pour fon Elixire, &
fait deffenfes à tous Medecins , Chirurgins ,
Apotiquaires , Droguiftes , tant à Paris qu'en
autres Villes du Royaume qui font de l'Elixir ,
de le vendre fous le nom de Garrus , à peine
de 3000 livres d'amende contre chacun des
contrevenans. Son Elixir fait des effets fi admirables
, qu'on vient de toutes parts lui en demander
: il fortifie la nature , purifie le fang
fait faire la digeftion , détruit la chaleur contrenature
, qui eft fa principale opération
lui donne la force d'évacuer fans violence.
On s'en fert avec fuccès dans les maladies
contagieufes , fiévres malignes , petite verole ,
rougeole , boutons peftilentiels , coliques &
maux d'eftomac , appaife les vomiffemens , lat
léthargie , apoplexie , paralifie , & conferve la
fanté. Cet Elixir eft exempt de corruption , &
Gvj ne
364 MERCURE DE FRANCE :
!
ne perd point fa qualité , en quelque lieu qu'on
le porte. Le Roi en confideration des effets
merveilleux qu'il produit , lui a accordé 2000.
livres de penfion. Made Garrus demeure coujours
rue Dauphine , chez M. Dulion , Notaire
. Elle avertit le Public que fes bouteilles font
cachetées , & que le prix de la bouteille de
demi feptier eft de 12. livres , & la demie à
proportion:on donne la maniere de s'en fervir.
EXTRAIT d'un: Lettre écrite de Dijon
le 6. Janvier 1728. au fujet de l'Académie
de Mufique de cette Ville.
N
pe
Otre Societé , toute composée de
perſonnes de merite & de diftinction
, vous prie d'apprendre aux perfonnes
qui cultivent la Mufique , & qui peuvent
nous rendre fervice , qu'on a beſoin
pour nos Concerts d'une belle voix de
Baffe taille , d'un deffus de Violon habile
, & d'une Chanteuſe , qui puiffe meriter
l'approbation des perfonnes de bon
goût . On n'épargnera rien pour donner
aux fujets qui fe préfenteront des appointemens
convenables , & dont ils ayent
lieu d'être contens ; nous en avons déja
plufieurs dont on connoît les talens , &
dont les noms font en réputation parmi
les habiles gens de leur profeffion , entr'autres
les Diles Catalde , & Andriot ,
& les Sr Rameau le cadet , & Calon qui
fe font diftinguez dans plufieurs Villes du
Royaume, Les perfonnes qui voudront
rs

bien
W YORK
ULIC
LIBRARY
ASTOR, LENOX AND
TILDEN
FOUNDATIONS
.
2002 !
PER 501 •
W
YORK
HOLLIC
LIBRAR
3 METUR
, LENOX
AND
TIDEN
FOUNDATIONS
FEVRIER . 1728. 365
en répondre à nos intentions , s'adre
ront , s'il leur plaît , à M. de Chanpred
, cy- devant Maître d'Hôtel de Maie
la Ducheffe de Bourgogne , Direcde
la Salle du Concert de l'Acanie
de Mufique , rue Saint Fiacre à
on.
******** X* XX :XXX
CHANSON.
A Bergere que j'aime , eft fenfible à mes
feux.
Pour tout ce que l'Amour m'infpire ,
Son coeur également foupire ,
e vole fans ceffe au devant de mes voeux.
ais eût- elle pour moi l'ame la plus cruelle ,
J'aimerois jufqu'à mon tourment.
Je ferois malheureux Amant ,
Sans ceffer d'être Amant fidele.
SPECTACLES.
E 4. de ce mois , les Comédiens Italiens
donnerent la premiere repréfentation
d'une Comédie intitulée l'Amant
Prom
366 MERCURE DE FRANCE .
Prothée. Cette Piéce eft ornée de Mufique
& de danfes. Elle n'a pas été heureufe.
Ce n'eft pas à nous à examiner fi elle a
merité fon fort , nous , refpectons trop le
Public pour appeller de fes décifions : en
voici un petit Extrait...
'ACTE I...
Arlequin & Spinette ouvrent la Scene.
Le Caractere balourd d'Arlequin , donne
lieu à l'Auteur de faire l'expofition du fujet.
Comme Spinette craint que l'étourderie
d'Arlequin ne lui faffe faire quelque
quiproquo , elle lui répete les leçons qu'elle
lui a déja faites , & par cette récapitulation
les Spectateurs apprennent 1 °. Que
Barroquin a une fille qui s'appelle label-,
le , dont Lélio eft amoureux . 2 °. Que ce
Lélio eft fils d'un ennemi mortel de Barroquin
, & que pour cette raiſon , le pere
d'Ifabelle ne veut point d'un Gendre qui
doit lui être odieux . 3 °. Que Barroquin
ne veut point marier fa fille qu'il n'ait
trouvé dans fon jardin une fource d'eau
qui doit ayoir, la vertu de la Fontaine de
Jouvence , ce qui contribuera à mieux éta-
Blir Ifabelle, 4°. Que ce même Barroquin
eft extrêmement entêté des réveries des
Cabaliftes , & que pour le prendre par
fon foible on lui a fait açcroire qu'il y a
dans
FEVRIER 1728. 367
dans fon jardin une fource miraculeufe
qui va Pénrichir à jamais j ° . Qu'Arlequin
doit fe tráveftir en Philofophe Cabalifte.
Cette expofition étant faite , Arlequin
fufflammene inftruit va fe déguifer
pour jouer le perfonnage dont Lélio
& Spinette l'ont chargé , non fans craindre
qu'il ne gâte tout par la balourdiſe.
Barroquin vient , Spinette lui annonce
fon prochain bonheur , par la découverte
d'une fource rajeuniffante . Il donne facilement
dans un piége dont ſon entêtement
pour les Sciences fecretes , joint à
fon avarice Pempêche de fe défier. Arlequit
revient travefti en Philoſophe de
la Cabale s'il lui apprend que les Gnomes
avec qui il entretient commerce , lui ont
promis de lui faire trouver la fource dont
Spinette lui parlé , mais qu'ils ne rempliront
leur promeffe qu'après qu'il aura
marié fa fille. Cela détermine Barroquin
à choffit pour Gendre le premier qui fe
préfentera à l'exclufion de' Lélio , fils de
fon ennemi . Entre plufieurs prétendans ,
il nohime un certain Crifpin , grand Rodomont
, un Muficien Maître d'Opera
qui s'appelle M. des Sonates , un Docreur
, & un riche Venitien . Le premier de
ces prétendus afpirans , Lelio même
déguisé en Crifpin . Ifabelle qui le reconnoît
,' ne balance pas à obéir à fon
2
pere &
368 MERCURE DE FRANCE.
pere ; Barroquin les laiſſe enſemble ; mais
par fimple efprit de curiofité , il le cache
pour entendre comment les Guerriers
comptent des fleurettes . A peine s'eſt - il
écarté , qu'Ifabelle qui croit fon pere bien
loin , prononce le nom de Lélio en parlant
au faux Crifpin ; à ce nom Barroquin'
vient à eux & oblige Lélio à ſe retirer,
en peftant contre le hazard qui l'a
fait découvrir ; il faut fuppofer dans
toute la Piéce que Barroquin n'a jamais
vũ Lélio , & même qu'il ne l'enviſage
point dans les divers traveftiffemens fous /
lefquels il fe préfente à fes yeux . Cette
premiere fourberie rend Barroquin plus
défiant . Il femble même douter de la
fcience du Philofophe qui lui promet la
fource de Jouvence ; Arlequin pour l'en
convaincre , fe fert d'un ftratagême qu'il
a déja préparé . On entend une fymphonie
bruyante , après laquelle arrivent des
Sylphes, des Salamandres , des Ondaíns ,
des Nymphes & des Gnomes . La Mufique
de cette Fête & de deux autres , eft
de M. Mouret ; elle a été fort applaudie.
On donnera quelques couplets de chaque
Entrée , à la fin de cet Extrait .
ACTE I I.
Barroquin & Spinette commencent cet
Acte .
FEVRIER 1728. 369
Acte. Barroquin ne doute plus de la fcience
du Philofophe , en ayant été convaincu
par fes propres yeux . Lélio vient travefti
en Docteur . Il demande Ifabelle à
fon pere ; Barroquin eft d'autant plus
charmé de l'accepter pour Gendre , qu'il
lui fait accroire qu'il eft très -verfé dans
les fciencesi fecrettes , fe donnant pour
fils d'un Salamandre & d'une Sylphide..
Arlequin qui furvient , & qui n'a pas été
prévenu fur ce nouveau traxeftiffement
penſe tout gâter. Mais Lélio lui parle.
tout bas & le fait connoître à lui . Tout
va le mieux du monde jufques - là ; mais
par malheur , un Parafite appellé Croquanville
, attiré chez Barroquin , par un
bruit de noces qui eft venu jufqu'à lui ,
reconnoît Lélio , qui eft de fes amis , &
le nomme ; ce qui oblige Barroquin à le
chaffer pour la feconde fois ; il faut toujours
fuppofer qu'il ne le regarde pas en
face , car s'il étoit mafqué , comment
Croquanville le reconnoîtroit- il : l'Au-
-teur pourroit répondre qu'il le reconnoît
au ton de la voix ; cela n'eft pas impoffible.
Croquanville fe repent d'avoir nui à
fon ami , quoi qu'innocent. Il promet à
Spinette qu'il réparera fa faute , ce qui
·lui fera d'autant plus facile que Barroquin
lui a promis toute fa confiance , après
le
370 MERCURE DE FRANCE .
ce
le fervice qu'il vient de lui rendre à for
grand regret . Un troifiéme Gendre vient
s'offrir à Barroquin . C'eſt Pantalon ,
riche Venitien dont on a parlé dans le
premier Ate. Ce nouvel afpirant eft ac →
cepté , mais Spinette fort pour lui joüer
d'un tour. Elle fait apporter à Barroquin
un Billet conçû en ces termes : Monfieur ,
je vous donne avis que le fieur Lélio eft actuellement
déguifé en Pantalon , pour vous
jouer quelque mauvais tour. Il n'en faut
pas davantage pour faire chaffer le riche
Venitien ; Arlequin le fait retirer à grands
coups de late . Ce fecond Acte finit par
une Fête que fait donner M. des Sonates
qui paroîtra dans l'Acte fuivant.
ACTE III.
La premiere Scene de ce dernier Acte
eft entre Croquanville & Spinette . Elle
lui apprend que la Fête que M. des Sonates
vient de donner à M. Barroquin , l'a fi
fort prévenu en fa faveur, qu'il eft tout-àfait
déterminé à lui donner fa fille. Croquanville
qui veut réparer la faute qu'il a
faite tantôt en découvrant ſon ami Lélio ,
dit à Spinetre de porter Ifabelle à accepter
ce Muficien pour époux , & lui promet
de lui jouer d'un tour auquel il ne
s'attend pas . Spinette à beaucoup de pei-
пе
FEVRIER. 1728. 371
ne à réfoudre fa Maîtreffe à feindre d'accepter
M. de's Sonates pour mari ; mais
Spinette la raffûre fi bien , qu'elle confent
à tout. Barroquin vient avec le nouveau
prétendant qu'il préfente à fa fille , &
qu'il lui commande de regarder comme
un époux qu'il luia deftiné. Ifabelle obéït
à fon pere ; elle craint cependant que
Croquanville ne l'ait flattée d'une vaine
efperance. Le Parafite vient remplir fa
promeffe. Il embraffe des Sonates en l'appellant
fon cher Lélio , & en le felicitant
d'avoir fait fa paix avec fon futur Beaupere.
Barroquin , à ce nom de Lélio , fait
venir des Archers qui étoient déja mandez
pour emprifonner Lélio comme un
fuborneur ; des Sonates eft conduit en
prifon , quoiqu'il protefte de fon innocence.
Par cet emprifonnement Barroquin
ne craint plus de furpriſe de la part de
Lélio , ce qui applanit toutes les difficultez
que cet Amant , tant de fois inutilement
traveſti , pourroit trouver ; un dernier
traveftiffement affûre fon bonheur.
Il ne tarde pas à venir s'offrir pour Gendre
, fous la forme d'un vieillard de quatre
- vingt - dix - neuf ans . Ifabelle , quoi
qu'inftruite , le refufe d'abord , à caufe de
fa caducité. Barroquin la raffûre en lui
dilant qu'il va rajeunir par la vertu de la
Fontaine que les Gnomes lui ont promi-

Le
372 MERCURE DE FRANCE .
t
fe en faveur de ce mariage ; mais , lui
dit - il , quand Monfieur vous resteroit tel
qu'il eft , feriez- vous tant à plaindre de
vous voir Madame la Baronne de la Goutiniere.
Vous aimeriezmieux vous appeller
Madame Lélio; n'est - ce pas ? Qu'à cela ne
tienne,répond le faux Vieillard , Je changerai
de nom , s'il le faut, en rajeuniſſant ; je
prendrai même celui de Lélio , s'il vous fait
tant de plaifir. Barroquin eft très-furpris
de la propofition du faux Biron de la
Goutiniere ; il augure de- là qu'il fera un
mari très- commode , & d'ailleurs le feul
nom de Lélio lui fait trop d'horreur pour
confentir que fon Gendre le porte. Croquanville
le détermine par ces mots : Ah !
Sandis ! Ce fera pour vous une espece de
vengeance , & un déplaifir mortel pour
Lélio de voir que Monfieur ne fe contente
pas de lui enleverfa Maîtreffe , & qu'il lui
dérobe encore fon nom . Barroquin eft ravi
de donner ce nouveau chagrin au fils de
fon ennemi mortel . M. Bridon , Notaire ,
déja mandé pour faire le Contrat , entre
M. des Sonates & Ifabelle , eft préfent
; mais Barroquin ne veut rien figner
qu'il n'ait vû des effets de ce que les
Gnomes lui ont promis : Arlequin est
tout prêt à le guérir de la défiance ; quelques
mots baragouinésqu'il prononce , font
changer le Théatre ; on voit paroître la
nouFEVRIER.
1728. 373
nouvelle Fontaine de Jouvence ; ce qui
fait le troifiéme Intermede de la Piéce.A ce
nouveau prodige, Barroquin figne le Contrat
par lequel il donne fa fille au Baron
de la Goutiniere fous le nom de Lélio.
Cependant comme aucun vieillard ne rajeunit
, il commence à fe douter qu'on
l'a trompé; on lui avoie la fourberie ;
mais par malheur pour lui , il n'eft plus
temps d'y remedie . Voici quelques Couplets
de la Piéce,
Un Salamandre.
Trahi par un fexe volage ,
Daphnis pour le fuïr déformais ,
Dans le fond d'un deſert ſauvage
S'étoit renfermé pour jamais.
Le hazard y mene une Belle ;
Il la voit , il vole autour d'elle ;
Il en fait tant , & tant , tant , tant ,
Qu'il le brûle à la chandelle :
Ilrentre dans fon élement.
Un pere rempli de caprice ,
De fa fille profcrit l'Amant
Pour la Bergere quel fupplice !
Et pour le Berger quel tourment !
Il fait tout pour s'approcher d'elles
Sans
1
374 MERCURE DE FRANCE,
Sans ceffe il prend forme nouvelle.
Il en fait tant , & tant , tant , tant
Qu'il époufe enfin la Belle :
Le voilà dans fon élement.
Vaudeville du deuxième Divertiffement.
Avec l'Hymen pour peu que l'Amour chante,
C'est une Mufique touchante :
Ho ,ho , ho , le charmant Duo.
Mais pour en troubler l'harmonie .
S'il vient quelque Godelureau ,
Qui veüille y chanter fa Partie ,
Ho , ho , ho , le mauvais Duo .
M
Quand un Galant , fans que rien lui réfifte ,
Pourfuit une Agnès à la piſte ;
Ho , ho , ho , le charmant Duo.
Mais lorsqu'une Maman fevere ,
Vient dérouter le Jouvenceau
De peur

d'être trop tôt Grand- Mere ,
Ho , ho , ho , le fâcheux Trio.
Arlequin au Parterre.
Quand un Auteur chante avec harmonic ,

Le
FEVRIER .
375 1728.
Le Parterr y joint fa Partie .
Ho , ho , ho , le charmant Duo ,
Mais quand le Critique Bizarre ,
En y mêlant fon Chalumeau ,
Prend an Bémol pour un Becarre ,
Ho , ho, ho , le mauvais Trio .
LES AMANS DEGUISEZ ,
Comedie nouvelle , reprefentée fur le
Théatre François , le Samedi 7. de ce
mois & fort applaudie. Une perfonne
qui doit être bien informée , nous a
affuré que c'étoit l'Ouvrage d'une Dame.
ACTEURS .
Comteffe.
Geronte , riche Négociant , oncle de la
Le fieur Du Chemin ,
La Comteffe, crue Finette. La De Le Couvreur.
Finette , crue la Comteffe. La D" Quinault.
Le Marquis , crû Valentin . Le fieur Dufrefne.
Valentin , crû le Marquis. Le fieur de la
Torilliere.
Le Chevalier , voifin de la Comteffe. Le
fieur Quinault.
La Scene eft dans un Château près
de Paris.
ACTE
376 MERCURE DE FRANCE.
La
AUG . THE
A Comteffe , crue Finette , & Finette ,
crue la Comteffe , commencent la Piece.
La fauffe Comteffe demande à la fauffe
Finette fi ce traveftiffementdoit durer encore
long temps; fa Maîtreffe lui répond que
le fujet de cette petite fupercherie qu'elle
fait à fon oncle Geronte , n'a d'abord été
qu'un jeu , & qu'elle vouloit feulement
voir s'il la reconnoîtroit , ne l'ayant vue
que dans fa plus tendre enfance ; mais
que ce jeu eft devenu pour elle une affaire
très -férieufe , depuis que fon oncle lui
a fait entendre qu'il veut la marier à un
Marquis , dont il n'a d'autre connoiffance
que le portrait avantageux qu'un de fes
amis lui en fait portrait qui doit lui être
fufpect. Elle a déja éprouvé , combien
il eft dangereux d'époufer fur la foi d'autrui
; elle veut mettre à profit la liberté du
veuvage & fuppofé que ce Marquis que
fon oncle lui deftine pour époux ne lui
convienne pas , elle eft toute réfoluë de le
refufer, dût elle perdre tous les biens qu'elle
attend pour prix de fon obéiffance :
yoilà le motif du traveftiffement : les faillies
extravagantes de fa Suivante , prétendue
Comteffe , lui répondent du fuccès
de fon artifice , n'étant pas vrai-femblable
que ce Marquis , quel qu'il foit ,
veüille
FEVRIER. 1723. 377
veüille époufer une folle. La fauffe Com
teffe lui promet d'être plus folle que jamais.
En effet , elle parle à fon oncle
prétendu , qui vient un moment après ,
d'une maniere à l'étonner. Géronte lui
apprend que le Marquis doit arriver inceffamment
, & lui donne à lire une Lettre
qu'il vient de recevoir d'un riche Négociant
qui traite ce Mariage. Après la
lecture de la Lettre , Géronte dit à la
fauffe Comteffe , que le Chevalier les doit
venir prendre pour aller dîner chez une
Dame de leurs voifines , & lui demande
Si elle est prête. Comment prête , répondelle
, quand je la ferois , je prétends bien
me faire attendre. Eft- ce qu'une femme ne
doit pas faire impatienter tout le monde?
Il faut faire un peu jurer après foi , fe
faire defirer , & puis on arrive avec je
ne fçai combien de petites excufes , qu'on
commence centfois ,& qu'on n'acheve point.
On dit à l'un , en faisant la mignonne : En
verité , Chevalier , je vous ai plaint ; à
l'autre ah! Madame , je fuis honteuse
de vous avoir .... Mes Femmes m'ont
cent fois impatientée : je fuis morte d'ennui
à ma Toilette : vite un Fauteuil , je n'en
puis plus.
On peut juger par cette premiere tirade
, du caractere de la fauffe Comteffe.
Elle fort pour aller achever de fe parer.
H Gé
$78 MERCURE DE FRANCE.
J
Géronte auffi charmé de la fauffe Finette ,
qu'il eft mécontent de fa prétenduë niece ;
lui fait une déclaration d'amour . La fauffe
Finette n'a garde de répondre à la
tendreffe de fon oncle , fur tout à la propofition
qu'il lui fait de l'époufer. Elle
s'en deffend avec beaucoup d'art , & lui
dit en termes équivoques : qu'il y a des
obftacles infurmontables. Ces paroles ,
dont elle feule entend le vrai fens , ne
rebutent point l'amoureux Géronte. Le
Chevalier arrive ; il eft tout au moins auffi
extravagant dans fon efpece que la fauffe
Comteffe dans le rôle qu'elle joue. Il en
compte à la fauffe Finette , quoiqu'il fe
dit fort amoureux de la Comteffe . Il parle
tout bas à Géronte , & le charge d'aſſurer
fa niéce de fon amour. Géronte le quitte
en lui difant : Je reviens avec ma niece
vous pourriez vous -même lui faire vo
tre compliment.
Le Chevalier refte avec la fauffe Comteffe
, il étale toute la fatuité à fes yeux ;
elle la lui reproche finement : Géronte
revient avec la niece prétendue . Nouvelle
extravagance de fa part & de celle
du Chevalier. On va monter en Caroffe
pour aller dîner chez la Dame voifine ;
la fauffe Finette n'eft pas de la partië ,
L'Auteur a befoin qu'elle refte , la prefence
eft tout -à - fait neceffaire pour finir
çet
FEVRIER 1728 .
379
cet Acte. Le Marquis , annoncé dans le
commencement, arrive ; il eft déguilé fous
le nom de Valentin , fon Valet , & Valentin
paffe pour le Marquis. Le faux
Marquis parle à la fauffe Finette d'une
maniere à lui faire dire , à part , en s'en
allant : Quel homme ! 6 Ciel ! je l'avois bien
prévu. Le faux Marquis & le faux Valentin
finiffent ce premier Ace. Le motif
de leur
traveftiffement n'eft point encore
expliqué ; le vrai Maître dit feulement
à fon Valet : Soutien bien ton caractere
, Mon cher Valentin , tu fçais de
quoi nous sommes convenus. Il fait connoître
que la Suivante lui a paru trèsaimable.
ACTE II.
Le faux V aler & le faux Maître com
mencent ce fecond Acte : Valentin blâine
le Marquis de fon amour naiffant pour
une fimple Soubrette ; il le fait d'une ma
niere affez fine : Tenez, Monfieur , lui
dit- il , permettez-moi de vous parler un
moment :fouffrez que je me mette à votre
place, & que je vous mette à la mienne :
imaginez- vous que je fuis un Marquis
dans toutes les formes ; mais un Marquis
dont les affaires font en defordre , dont toutes
les Terres font en decrets en un mot ,
Hij un
380 MERCURE DE FRANCE .
205
un
Marquis
ruines
ma tête fe
ruiné
Juride
à Paris
avec
toutes
les belles
idées done ma têtefe
remplit
aux approches
, d'une fowane
brilin
Lante
qui s'offre
a moi ,
En arrivant
chez la
Comtelle , que je
vue & même (ans l'avoir, vnd 78 me livre
tout entier au minois affecté d'une Sous
brette , à une petite creature,
301
Quoique ce trait de Valentin foit trèsjoli
, on auroit voulu quelque chofelde
plus : le motif du traveftiffeffient n'eft
pas expofé s on fuppofe bien que c'eſt
Vich
le même que celui de la Comteffe's mais
cette fuppofition produit trop d'uniformité
dans l'une & l'autre entreprife ; nous
ne parlons que d'après le Public , & nous
nous contentons d'expofer ce qu'on a
fenti , fans penetrer plus avant . trup
Y
JOYINGHISNA.
Les remontrances du Valet ne produifent
rien fur le coeur d'un Maître auffi
amoureux qu'on puiffe l'être. La fauffe
Finette revient le faux Marquis fe retire.
La Scene entre ces deux perlonges eriveftis
eft finement traitée la fun®Nnetce
ne peut pas dire tour ce qu'elle Nem ;
fon fexe lui preſcrit des bienfance dont
le faux Valentin eft difpentes enlar
→Surprise de la délicarette d'un prevaler,
&quivoyant que fon Maître le fete fon
Japproche, tâche de l'excufer par ces 3 :
sill craint, fans doute ; beleid.
maid 2319
a
s'expofer
3.81
s'exposer, awas appas ; to s'il veut fe cone
SHINY Yu Comteffe
", Madame la
25Yls
a
¿ mėfaikpoingmal d'eviter vos yeux ?
Raurraient bienfui derober à Conquête.
fulie 12 Paule" Finette
Gette galanterie, oblige la
dui dépondre . Il me Leroul didé de vous
randrete spans
tonic dis Si le Marquis
210minus , il
Rival auffisbien
faitque vous ,
pourroit
dit in
childe you merite.
bban HiMerathgu 3 SET 30
abane
blafayle Fineste dit au
Valentin
badayi
e
2010
Use
no :
inutile qu'ify a des
sobstacles infurmontables
qui doivent Pen
zépponto
de furtout le Maliage du
Mararis
of Sinbola
de la Comteffe , Atun ' des
plus deffepetapes
pour "fuis de le prie
defffeetasse
der Hy- adens rish oublier pour rompre der Hymeniple
faux Valentin le lat Bromet , & la
quitte pantys
savanna
fer
aller travaillerino
-wbo fayle Finette fait connoître ce qui
ipale,dans on coeur par un court Monologus
: le voici ; Quel aveugle caprice
da da Nature & de la Fortune ! quel in-
-inite partage de leurs faveurs entrén -inte pariosforire
-Kala pn Matire ! ce n'est pas vous &
The be plains, malheureux Valentin , dest
26e Marquis,Ne lui enviez point fa matffange
vous en eles bien dédommagé par
des fentimens fi purs & raisonnables.
fi
o Daus la fuite de cet.Acte , Finette découvre
les fentimens que la Comteffe a
pour le Marquis , crû Valentin , elle veur


9
Hij
la H iij
382 MERCURE DE FRANCE .
la fervir en rompant un mariage qu'elle
n'envifage plus qu'en frémiffant . Pour en
venir à bout , elle fe prévaut de la recherche
du Chevalier ; elle l'engage à fe
battre avec fon Rival , ou plutôt à lui
faire peur , ne doutant point qu'il ne ſoit
affez lâche pour refufer le défi . Le Chevalier
, qui n'eft pas le plus brave homme
du monde , apprenant que fon adverfaire
eft lâche , s'engage à fervir la
fauffe Comteffe ; il fait un défi au faux
Marquis. Cela fervira au dénouement ,
comme nous l'allons faire voir en peu de
mots dans le dernier Acte.
ACTE III.
Après quelques Scenes où l'Auteur a
mis beaucoup d'efprit , de fentimens &
de jeu de Théatre , que nous paffons à regret
de d'être peur trop longs , le Chevalier
vient au rendez - vous qu'il a donné
au faux Marquis ; ce dernier ne croit pas
y être venu pour fe battre ; auffi refufet
-il le combat , tout prêt à ceder la Comteffe
dont il n'a que faire mais voyant
paroître fon Maître , ibomer d'épéegà da
main. Le faux Valentin témoigne fufarprife
fur un combat qu'aaboiojamais
pû imaginer , entren Gentilhomine &
un Valet ; mais voyant que le Chevalier
FEVRIER . 1728. 383
;
lier fe vante d'un prétendu avantage , qui
pourroit le deshonorer , & que d'ailleurs
tout eft perdu pour lui du côté de la Fortune
, il ne balance plus à fe faire connoître
pour le vrai Marquis ; le Chevalier
, quoique poltron , ne laiffe pas de fe
battre heureuſement pour lui , Geronte
vient ; il eft furpris à fon tour d'un combat
entre deux hommes d'un état fi different
; mais il est bien- tôt tiré d'erreur.
Le Chevalier lui apprend que le prétendu
Valentin eft le vrai Marquis. Après quelques
excufes que le Marquis fait à Geronte
, la veritable Comteffe vient ; &
voyant que l'objet de fon amour eft digne
de fes voeux fecrets , elle avouë à ſon oncle
la fupercherie qu'elle lui a faite . Geronte
, après un peu de colere , confent
au bonheur de ces Amans déguifez . L'amour
qu'il avoit pour la fauffe Finette , fe
change en tendre complaifance pour fa
niéce. Pour le Chevalier , il fe croit trop
heureux d'en avoir été quitte pour la peur.
L'Auteur. de cette Comédie n'a pas encofe
voulus fe nommer , quoique le Public
aite fain un très bon accueil à fon Ousvrage.
La Piece ; eft parfaitement bien
-jouéd sola Dil: Quinault/continue à ſe difaitinguer
dans chs fortes de rôles , où elle
va déja brillé plufieurs fois,
3
vad sloup- inayoy anim
Hiiij Le
384 MERCURE DE FRANCE.
de 3. Le Mardy 17 :19556 mois i l'Aqagemie
Royale de Mulique donna da derniere
Keprefentation de Roland , que le Public
a gouté jufqu'à la fin. Aux dernieres
Reprefentations le heur, Chaffé a joué
polo
Te principal role à la place du feur Thevenard
; les Diles Hermang & Pelliſſien opt
joue celui d'Angelique à la place de la
Dile Antier , & la De Camargo à danfé
¿les Fourées de la Preve
2:101
200190000
Onadonna laprehiene ÷Ropić-
Isntacion de Operadñozitoarqnels
parleronsoplus cataplerhonode, mois pit
chaint de nous rapporterons desgebifer-
Vations du Public , fur les critiquebles
applaudiffemens de cet Ouvrage.
sing, sl og is I
Mancine synderasit Maitre de
ditore du Roys quis pendanɑn
très-long - temps la direction generde-de
l'Académie Royale de Mufique , ayant
demandé à fe retirer , le Roy Ibis atdor-
4donespenfiom confiderable fur liQpevis ,
Balldonné la plice MuDefouches ,
Inspecteur generabdedame Académie,
& Sur- Intendant de la Musique deu Sa
Majefter Toutle monde compte ilustq-
Jensupar les Ouvrages de Mufique qual
donnez en différens remps au Publicst
nibusla s 91
21., de ce mois ,les
Iss Gamédiens Fra
çois remitent au Theatre, la tragedie
d'Ines
FEVRIERDAY VRIER
. 1728. 385
(
"
Inès de Caftro de M: de la Motte , qui a
autant de fuccès,& que le Public voit avec
autant de plaifir , que dans la nouveauté.
Les nrêmes Comédiens donnerent, le
25. une petite Comedie nouvelle , faus unebe
le titre du Procureur arbitre qui fut gene-
* ralement applaudie . Nous en donnerons
l'analyfe.
=
CHILD &
Le 19. du mois dernier , on donna à
Venife uide Théatre de Sr Chryfoftome,
ela premiere Représentation de l'Opera
-diinging , poundequel on avoit fait une
-très grande dépenfe , & qui fut fort apaplaudia
Le 29. on repréfenta pour la premiere
fois fur le Théatre de S. Caffano , l'Opera
de Grifelda ; avec un très grand concours
de Spectateurs.
Le 2. de ce mois , Fête de la Purification
, il y eut Concert fpirituel au Châ
Beats des Thuileries. Les Srs Senaillier &
Maurier A excellens hjoueurs de Violon ,
sjouerent, das Sondres quis furent très - ap-
-plaudies parda sombreale Affembléesqui
Is'y trouvau M.Campra fiochanterjun de
fes Morts meant baDs de Ma
rey chanta avec applaudiffement, an
qu'au ſecond Motèr de feu M. de la Lande
& Asi quia Dominus. andb
30591
H.V Le
386 MERCURE DE FRANCE:
Le 7.00 chanta an Divertiſſement féi
rieux & comique , de la compofition dé
M. Renier on joua enfuite le Concerto
des quatre faifons de M Vivaldip, ¿pavèſt
une excellente Piece de Simphoniel La
Dlle le Maute chanta la Carate doophiz
& M. Miphy, neveu de fea M. de Bans
de , fit chanter un Moter de la scompof
tion , Magnus Dominneill A nu
Le on repeta le même Divendiffeb
ment de M. Renier & ad Mbale
chanta la Cantate de la Tritele do Venus}
dont on a déja parlé. .sibuslqgs - 2519
Le 14. & le 16. on chanta l'Idille de
Sceaux , Divertiſſement mis en Malle de
par M. de Lully , qui a été auffi applaudi
à préfent qu'il a été dans fa BouvOE€¢
lorfqu'il fut chanté à Sceaux en prefence
du feu Roy. La D Duclos , qui a la voix
parfaitement belle , chanta pour la premiere
fois la Cantate de la prifede Deada
de la compofition de M. Battiftin .
chanta à la fin de chaque Concert , un'
Motet de M. de la Lander l'aiug
3 a
Le 29. on repeta illa de Stedus
On joua enfuite un Concerto de Chala
meau , avec les accompagnemens de la
Simphonie ' qui forment les Cheurs . Ceb
Inftrument qui eft fort en ufage en Allemagne
, imite le Haut Bois & la Phile
Bec: Le tout enfemble parue affez fingu
lier
B 8. 387
Tièr, & fimplaifira La Dif Antier chanta
Ja Gantate de Zephire & Flore , miſe en
Muſique pas la fieur Bourgeois , avant le
Moter qui terminale Concert. nr . )
£ I Le 23d file 28. on chanta un Divertillement
nouveau ! qui a pour titre; l'Amour
Øəla, Falge, mis en Mufique par le
feur dela Croix , la Di Delbare , chanta
un Ariete Italienne de la compofition
din bout Courboisa ! qui fit beaucoup de
plaiſm. La Cantate, de Zephire & Flore ,
fur oncote chantée par la De Antier, &
très-applaudie. Straq sith wao n.9 )
ab allibl'i s70sdɔ no liela
di
****************
NOUVELLES DU TEMPS.
Sansar - Rub
xiov Lleimp , TURQUIE ,
slied co
na
Na reçu avis de Tunis , que le Confuhide
France , en étoit parţi´avec
tous les Négocians François , & que depuis
leur retraite , on étoit dans la erainte
d'un foulevement general contre le
Dey que la Peuple veut forcer de faire
au Roy de France la fatisfaction qu'on lui
doir , & qu'on lui avoit promife.t
Quelques avis de Conſtantinople du
zo.Decembre dernier , font mention d'un
évenement aufli fingulier que funefte. Il
Hvj
s'y
388 MERGURE DEя FRANCE .
1
Syétoitusélavéideg veiklą , dit.bnijonë
odeu fulphureufe d'une telle infektioniz
queɔ Rastperdoniesien étoient níðries
en uneheDredetemps .V sob els³iqsƆ
'b 210 29 og 19 1st 291 ob
RUSSIE.
-707 el abasbasamoƆ us
.90869
GeneralJagodinskoquin Alto fut fort
Ladépartpour adbon apVibimo tem suralivé
dismaffadeus Exerbraindicat chase
gé d'engagend'Empeout àutipesupinse
avec le G. S. en cas que les Turcs fe joignent
aux Perlans , oquioćtbient à la fin
du mois dernier dans les environs de Derbentia
abmårdıde Goddag hóáines
& qui menacent d'attaqueratge place
auth -tôt quepeluquéclauberegles
forts quedo Racha de Babibomoa promis
deildup enthyem 2 ab iules ob 38 ɔbasi
-be Gendral Weiflichoquàmmabdeià
prefent lesgrburpesidu Grandans l'Ukrais
ne , a reçu ordre dei faire achevér oplud
Bôle de nouveau Boît! qui été cohanficé
Banco derniere funda Rivière de Pruthup
entriPuitofàb & Bandex , afinbdenoncé
mis dos ¿Gaifa quès des scirono damp lovir
dekorovst 19 , siu) el ansb etist sionuoq
& l Ladiruitout à Petersbourg , Iquales
Duc de abirian Ambaffadeur Exfaddd14
nairesthe Roy's d'Efpaigne paz filide fluis!
quelques jous l'une des Commiffions dan
il
JOMEN RILĒMUD 38£
ahétoit chargé , par rapport àBaugatenraa
tioni fdella Fibre de S. MO & que Sa
MaGa. lata permis de chorfir dans cette
Capitale douze Vande Guerrey 30
de les faire partir pour les Ports d'Efpagne.
1 2 2 vя
On a écrit au Commandant de la FornereffieldAnidire
offd3faite confiden
mocanFoordequades Baftiphs qǝ & de
medtrefoluitheSPerd en að decórb
seniqune plus forta garibagab
1 2 2 2 2.5 ɔev
na el é meidbipo, emira¶ xus eng
-19 abanoivaɔ 2ǝl 2пb 19179b ziom ub
bd publicà Varfurie de nouveau
Roglewmentpfair là Nonta parple
Commiffures desla Republique partaps
paroaq Gourodidsthebt duɔDhohéide Our
lande & de celui de Semigalle qubleb
kichdroar fouis Bobéiffande & Juridiction
de lanClousonelde Pologne perg
la mort du Duc Ferdinandb10 u
с 90
Tonales Artes idep Edactionévenohelde
quinavbid énéifàide dmfa verib Comed
Mauoicebdan Saxohnföntsdéclaréz Inuis ;
ainſi que toutes les antesflectionsql'on
pourroit faire dans la ſuite , en faveurdeb
altraspPrerandanstal cé Duchéidbotl la
Nobbaffexalobtestua donationale tond
lesuPrivilegesqubhgisqhĩ été acãordezəpian
le Boifigifmond , scos deux Duphay
Li Leron
390 MERCURE DE FRANGE .
ferontincorporez à la Couronne de Pologne
, en confervant, leurs loix , leurs ufages
& leurs libertez, Les contestacions des
Curlandais , feronjugées par le Tribunal
du Roi, & ilone fera permis d'enndér
pouilles aucun de fes biens pour crime
de rebellion ou autrement, qu'après avoir
fait des procedures regulieres ob noù
En cas que la Republique de Polor
gne foit obligée d'entrer en guerre,I le
Duché fournira, la premiera année, UBS
contribution de B999 qus , qui fera
réduite à 2000o, des années ſuivantes,
Ce Duché jouira toujours des divers
droits de Souveraineté dont le Duc jouit
à préfent, & particulierement de celui de
battre Monnoye : la Nobleffe conſervera
fes droits de Peage ,) dája śrablis , laps
qu'il foit permis d'en établir de nouveaux
ni d'augmenter les anciens b
2
Les deux Duchez ne feront jamais.féparez
de la Couronne de Pologne ni du
Grand Duché de Lithuanie , ni cedez , à
aucune Puiffance étrangere pour quelque
caufe que ce puiffe être , & il ne fera ja
mais permis de tien changer à ce nouveau
Reglement, fans le confentement des
Magiftrats & des Gentilshommes .
On mande en dernier lieu de Dantzick ,
que le Prince de Heffe - Hombourg , neveu
du Duc Ferdinand de Curlande , en
étoit
SPEARERUP 391
étoit parti pour retourner à Petersbourg ;
que ce jeune Priče étoit deftmé par fon
oncle a lui facceder à ee Duché malgré
les conclufions prifes à Mitthu par les Commilaires
de la Republique de Pologne , &
quefpergic d'obtenir du Czar une puif-
Tante protection pour le mettre en polletfion
de la Curlande après la moft du Dué
Ferdinand Pupildogs sup -
Les dernictes Lettres des Erontières poricht,
quele RandesTartares de Crimée s'éfört
retiré & Beirder, quede Sultan qui com
mande latice des Rebelles , avoit fait
offrir la Paix GPS aux conditions fui-
Vantes , avontoque S. FI. reconnoîtra
pour Kan , le Kaplan Gerejai que le Hofpour
de walldile feta rétablir des Hed
pens toutes les Nailons des Bourg's & Vill
Pages quHaruinées les années préceden
tes , qu'il dédommagera les habitans des
pertes qu'ils ont fouffertes , & que tothes
les terres d'où l'on a chaffé les Tártāvės
Feur feront reftituées . Ces lettres ajoutent,
que repoufe au Hofpodar , qui s'étoit res
titée a Choczins, avoit fait préfent de
568 Bourfes de soo . écus chacune , au
Pacha Commandant de cette Place pour
le déterminer lui accorder la protectioff.
is ab weil eineb me shtim nỘ
-su , gruodioHe ob son 1 dl opp
29. sbnship ob becaitus awɑ ub me
ALLEDICH
392 MERCURE DE FRANCE.
ALLEMAGNE• 20 .
Na appris de Dreſde , que le Roi
de Pruffe & le Prince Royal en
étoient partis le 27. du mois dernier pour
retourner à Berlin , très-fatisfaits des plaifirs
que le Roy de Pologne leur a procurez
pendant leur féjour à fa Couran
On a appris en même temps , que les
differends particuliers de ces deux Rek
avoient été terminez dans leur entrevûë,
& que S. M. Polonoiſe avoit promis
S. M. Pruffienne d'aller la voir avant que
de partir pour Varfovie. 1
Au Divertiffement de la courfe de Ba
gue que le Roi donna à S. M. Pr . le 15.
du mois dernier , il y eut quatre quadrilles
, compofées chacune d'un Chef & de
douze Avanturiers ; celle du Roi , toute
compofée de Polonois , étoit en habits
galonnez d'or , avec des bouquets de plumes
blanches & bleuës fur leurs chapeaux.
Elle étoit montée fut des chevaus blancs
ſuperbement harnae herb, ſervio parilu
gens de livrée du Roy. Celle danse
Royal de Pologne en¹hidbits grabgalenñez
aprjaveč dès pllaneed rouges zöl
fer vie pur Lesgens du védësÅ‚æ
le du Prince de Weiffenfels , en habisen
fé , galonnez d'or , avec des plumets rouges
JOPASTY HI RUDEM sef
et
ges. Celle du Prince de Holftein , en habits
jaunes.agalonnás d'argent , avec des
plumets blancs . Le Roy de Pruffe & tous
Le fil Sqic Shape und der Queste key lafler etadmi
or Il'podre sailal magnificence de eu
bulanta Esteiom ubel in
-ilas Baionaidonnay Roy de Prufe de
-plaiby adiunk shadde Sanglier à Saut
Garten out demos liese de Preldes
Anypruge plusi denga . de ces quinox
svet læılaneoɔ les Javdlots & destisuhib
SûDamasundestrepaso que le Roy de ¡Bos
loginsoaqdo à Soddir . 48 Prinss
Royals foni fils del Royɔda Rologne fi
prefent à ce dernier Brince d'upeépée cas
richiede diamad qu'on Aftine Spoko.
c.19.M.2
s snob iof up sug
-lilla Roy de Pruffe ayant fouhaité Bay is
fontfervice le Comte Rurawski & 2
Roy deBolognslyayant confenti, S.M
Paulienne Parfaite Gendra Majesbenlui
donnant fon Regiment des Gardes dy
Gorpqad Chood & SM8 Polenside, buk
Beddlerná en mêmerapps de Compta
niederfest Gardes , dont il étoit GomA
mandanth all you vil ob nog
-Ongdoig publierà Vienne une Ordoni
nawce a par laquelle ash ne fera permuÆ
qu'auk Ale&ifillestaînées des Juifs de fa
marioded 19 , altasis W 5b 5579 ub l
- mul ob vs , ob solag , t
C

POR-
"
28
394 MERCURE DE FRANCE.
PORTUGAL.
E 6. du mois dernier , le Marquis de
Los Balbafez , Ambaffadeur Extraor
dinaire , & Plenipotentiaire du Roy d'Efpagne
, fit fon Entrée publique à Liſbone ,
étant accompagné & conduit par Dom
Jean d'Almeyda , Comte d'Affumar, Confeiller
d'Etat , & cy - devant Ambaſſadeur
Plenipotentiaire du Roy à la Cour de
l'Empereur, lequel alla le prendre dans les
Caroffes de S. M. Portugaife .
Les Caroffes des principaux Seigneurs
de la Cour commencerent la marche . Ils
furent fuivis de ceux des Miniftres , dans
lefquels étoient les Gentilshommes , du
Marquis de Los Balbafez magnifiquement
habillez. Les Caroffes du Roy & de l'Infante
Dona- Marie venoient enfuite ; &
après ces Caroffes , deux Suiffes de l'Ambaffadeur
, 4. Coureurs & 34. Domeſtiques
de livrée , ayant des Jufte- au - corps
de velours vert galonnez d'or , & des
veftes de velours rouge , auffi galonnées
d'or. L'Ambaffadeus , accompagné da
Comte d'Affumar , étoit dans le grand
•Carole du Koy qui étoit précédé de fon
Ecuyer & de celui de ce Comter, & en -
touré de leurs Pages , ce Capelle étoit
fuivi de deux Litieres du Marquis de Los
Bal.
2
FEVRIER. 1728. 395
Balbafez , de fix Caroffes magnifiques &
de fix Chevaux de main , richement capa
raçonnés , après lefquels marchoient les
équipages du Comte d'Affumar , fes Gentilshommes
& fa livrée.
L'Ambaffadeur qui avoit un habit à
boutons & boutonnieres de diamans , fut
conduit avec les cerémonies accoûtumées
à l'Audience du Roy , de la Reine , du
Prince de Brefil , des Infans & des Infantes
; après quoi il fut reconduit à fon Hôtel
avec les mêmes cerémonies , & le même
Cortege qui l'avoit accompagné en allant
à l'Audience du Roy.
Le 1 o . de Janvier , après midy , on
figna en préfence du Roy & de la Reine
les articles du mariage du Prince des Afturies
avec l'Infante Dona Marie- Barbe
de Portugal ; ils furent lûs par Dom Diego
de Mendoça - Corte - Real , Secretaire
d'Etat. Les premiers Chefs des Maiſons
Royales affifterent à cette cerémonie ,
comme témoins de la part du Roy. Les
témoins pour le Roy d'Eſpagne furent les
Ambaffadeurs de S. M. Catholique & les
Marquis de Nifa , d'Angeja , de Cafcaes ,
de Valenza & d'Alegrette Dom Maanuel
Tellés de Sylva & Dom Pierre de
-Vafconcellos? o ob iples eb 28
3.0Les deux Aasbaffadeuts du Roy d'Eſpagne
s'étoient rendus au Palais dans de
Jed ma396
MERCURE DE FRANCË .
magnifiques équipages les Domeftiquer"
du Marquis de Los Balbatez avoient tee
jour à une livrée neove auffi riche &
aufli magnifique que celle du jour de ſon
Entrée. Les Cardinaux d'Adhaha.& de
Motta de Sylva , furent auffi préſens à la
fignature des articles , ainfi que les Grands
du Royaume & la plupart des Seigneurs
de la Courela 291 8 2919gman 23
Le fait, omtirasun zrèsrbaufendan
tifice dans la Place du Palaisp&A ybận
de même que les deuxmuiqs fuivantes
des feux destilling & d'autres
marques de réjouiſſanoo ) dans toutes les
rues de Lisbonnes ainf'quefuri Por,
dont tous les, Vaiffeaux firent des déchar
ges de toute leur Attilienie ,auquelles les
Châteaux & les Fortareffes répondirent .
Le 11. L. M. Port accompagnées du
Prince du Brefil , des Infans , des Infadtes
& des Ambaffadeurs du Roy d'Efpa
gne , le rendirent en Córtege à Bɓglìfé
Patriarchale qui eft auprès du Palais ;v &d
le Patriarche à la tête de fon Chapitre
donna la Benediction Nuptiale Après la
cerémonie , il y eut un magnifique Con
cert de voix & d'inftrumens dans Rap
partement de la Reinem rosa y'a
Le 12. le Cardinal d'Acunha , les Ambaffadeurs
& les Miniftres Etrangers , les
Confeils , les Tribunaux , les . Prélats &
la
FEVR FERAU728114 397
la principale Nobleffe fe rendirent fuc
cellivement au Palais pour complimenter
le Roy, ila Reine & l'Infante , " Princeffe
des Alturies , fur la conclufion du mariage
de cette Princeffer!
t
aff anal in ius out
L
1 TO 121 E.
1
裴AL
Es tempêtes & les pluyes ont caufé
dese donmages très-confiderables à
Naples & aux environs . Les torrens ont
détaché une partie d'une Montagne voi
fine qui a tombé dans le Fauxbourg de
Capa de Monte , fur cinq maiſons de pauvres
habitans qu'on n'a pu fecourir affez
à tems. On n'en a retiré qu'une femme
âgée de 90. ans qui a été fauvée par quelque
poutre affez forte pour foutenir la
pefanteur des décombres.
Le 7. du mois dernier l'Electeur de Co.
logne arriva de Rome à Venife , & alla
defcendre chez.l'Electrice Douairiere de
Bavieres fa mere. Il en partit le pour
MunichƆ noì sb û el é divi¶ el
Uneq Rarquei qui vonóft de Pidrabarb
quio defcendogsde Poy pérli veisda fa>
dugafloe dernier avdo iglo.perfonnes quiɔ
s'y étoient embarquées pour Vene
-Adlęvadieuze 5. Gebrgə atriva d'Aeignon
Bodognefici dell'autre holed
dedema ikaldivec dal Princefl
Cle398
MERCURE DE FRANCE .
Clementine Sobieska fon époufe & fes
deux fils adorer le S. Sacrement qui
étoit exposé pour les prieres de 40. heures
dans l'Eglife des Religieufes des Anges.
On a appris qu'il avoit été complimenté
fur fon retour en Italie par le Gonfalonier
& les Magiftrats en Corps , &
que deux jours après , la Nobleffe de cette
Ville lui avoit donné & à fes deux fils un
Bal magnifique.
Le S. Sacrement a été expolé pendant
trois jours dans l'Eglife Metropolitaine à
Florence , & l'on a fait des Prieres publiques
dans toute la Tofcane pour demander
à Dieu la ceffation de la pluye .
Les differends entre le Grand Duc &
La République de Luque , qui duroient
depuis près de 200. ans , au fujet de la
Riviere de Cerchio , ont été terminés à la
fatisfaction des deux partis , par une Sentence
arbitrale rendue par M. Colona
celebre Avocat de Bologne.
Le 11. du mois dernier , plufieurs femmes
fe jetterent aux pieds du Pape pour
lui demander la liberté de leurs parens ,
arrêtez pour s'être intereffés à la Loterie 1.
de Genes contre les deffenfes ; mais S. S.
fut infléxible. Ces malheureux ont été
condamnés depuis , fçavoir , ceux qui ont
diftribué les Billets , à dix ans de Galere ,
ou à une amende de mille éçus d'or , &
2
11
ceux
FEVRIER . 1728. 399
ceux qui y ont mis , à cinq années de Galere
ou à cent écus d'or.
GRANDE BRETAGNE .
E 26. du mois dernier , il y eut grand
LApordemoisdernier, ily cut
Bal. Le Roy ne joüa point à la Chance
Angloife felon l'étiquette ordinaire , mais
à l'Ombre : le profit que fait S. M. eft
pour le premier Huiffier de la Chambre ,
ou 500.liv. fterling à fon choix. Le Roy
& la Reine perdirent environ 500. Guinées
, le Comte de Sunderland en perdit
1100. le General Wade 800. & le Lord
Finch 400. Le Comte de Cheſterfield
en gagua 550. la Ducheffe de Dorfer
200. & le Lord Manners 1200 .
Le 3. de ce mois , vers les deux heures
après midy , le Roy fe rendit à la Chambre
des Pairs avec les cerémonies accoûtumées
pour faire l'ouverture du nouveau
Parlement. S. M. y retourna le 7. & le
Chancelier parlant au nom du Roy , fit
la Harangue fuivante.
MILORDS ILORDS ET MESSIEURS ,
C'est une grande fatisfaction pour moi
qu'à l'Affemblée du premier Parlement convoqué
400 MERCURE DE FRANCE .
voqué depuis que je fuis furle Trône , je
fois en état de vous donner des efperances
de voir la paix & la tranquillité publique
bien- tôt rétablies ; je souhaiterois fort que
Le premier inftant de mon Regne eu pût être
marqué par la pacification entiere des trou
bies de l'Europe , par la réduction d'une
partie de mes forces , par une diminution
des taxes & par toutes les heureufes fuites
d'une paix honorable & folide . J'y ai em
ployé tous mes foins , autant qu'il convenois
au maintien des Poffeffions , Droits & Pri
vileges de mon Royaume , & j'efpere que
ce n'a pas été fans une grande probabilité
d'y réuffer. Je fuis fortfenfible à la fituation
défagréable & facheufe où nos affaires ont
été pendant quelque temps , & j'ai cu une
extrême déplaifir de voir les inconveniens
d'une Guerre qui nous eft furvenue , fans
avoir donné aucune occafion de refentirles
torts que nous fouffrions , ou fans gagner
aucun des avantages que la pourfuite vigoureufe
d'une auffi jufte caufe , & lefuc
cés de nos armes pouvoient probablement
nous affurer. Mais vous fçavez que les ar
ticles préliminaires d'une Pacification ger
nerale ont été fignez il y a quelque temps
& acceptez par les Parties contractantes
des deux côtez , & quoique les ratifications
en euffent été échangées par moi & par
mes Alliés avec S. M. Imp. les bons effets
qu'on
A
FEVRIER. 1728. 401
qu'on en attendoit , ont été retardés par un
refus de la part de la Cour d'Espagne , d'executer
quelques uns des points les plus imporians
, & par le changement , ou l'interpretation
de quelques articles d'une maniere
qui attaquoit
immédiatement les Poffef
Fons & lesjuftes Droits de mon Royaume :
C'est pourquoi, conjointement avec mes Allies
, j'ai refufe d'echanger la Ratification
des
Préliminaires avec la Cour d'Espagne
ai rejeté de telles propofitions qui
étoient
préjudiciables & injurieuses à mon
bonneur & à l'interêt de mon Peuple. Par
ces raifons , les negociations ont été inévi
tablement trainees enune longueur ennuyeufece
que j'aifupporté avec une trés-grande
patience , dans le defir fincere de procurer
à mes fujets une paix sûre & honorable
, & de voir la tranquillité de l'Enrope
confervee & établiefur un fondement
folide & durable. Pendant le tems de ces
negociations j'ai reçû de la part du Roy
T. Ch. & des Etats Generaux les plus
grandes épreuves de leur fincerité , & un
renouvellement de leur ferme difpofition à
remplir leurs engagemens pour le maintien
de la Caufe commune & de nos interêts
mutuels ; & je puis dire que nos communs
efforts ont en un fi bon effet , que fuivant les
derniers avis , j'ai lieu d'efperer que
difficultez qui ont retardé jusqu'ici l'execu
I tion
les
402 MERCURE DE FRANCE
tion des Préliminaires & l'ouverture du
Congrès , feront bientôt levées. Quoiqu'il
en foit , il fera cependant abfolument neceffaire
de continuer , comme nos Alliez
ont déja réfolu de faire , les préparatifs de
guerre qui ont été notre fureté jusqu'à prefent
, & qui ont prévenu une rupture ou
verte en Europe , afin que nous ne perdions
pas tout d'un coup les avantages fi prochains
que nos précedentes dépenses &
notre vigueur nous ont procurés, en ne nous
tenant pas en état de vanger notre honneur
defoutenir nos droits , fi nous nous trouvions
inopinément dans la neceffité de le
faire. Vous devez compter que mon premier
foin fera de réduire de temps en temps les
dépenfes publiques , auffi fouvent & auſſi
tôt que l'interei & la fureté de mon Penple
le permettront. Les Articles Préliminaires
& les autres Traitez & conventions qui
n'ont pas encore été communiquez au Par
lement, & qui nepeuvent, fans un préjudice
manifefte , être exposés aux yeux du Pu
blic , vous feront inceffamment remis.
Le Chancelier portant enfuite la pas
role aux Communes , leur dit , » Que
S. M. leur feroit remettre dans peu
»l'Etat des dépenses neceffaires pour l'an-
" née courante , les affurant que les fub
» fides qu'on leur demanderoit , feroient
» feule-
-
FEVRIER. 1728. 403
»feulement employez à prendre les pré-
» cautions neceffaires pour la fûreté de
la Nation. Il les exhorta enfuite à cher
» cher les moyens d'encourager les Mate-
» lots , afin d'en augmenter le nombre
» de pourvoir à l'entretien de l'Hôpital
» de Greenwich & de faire enforte d'en
» augmenter les revenus .
MORTS DES PAYS
Etrangers.
E Cardinal Pierre Priuli , Evêque de
Bergarden, Pierre
LB
22 .
du mois dernier dans la 59 année de
fon âge , étant né à Venife le 14. Mars
1669. Le Pape Clement XI . l'avoit fait
Cardinal dans le Confiftoire du 17. May
1706. Il étoit d'abord de l'Ordre des
Cardinaux Diacres , mais en Avril 1720.
il paffa dans l'Ordre des Prêtres , & il
prit le Titre de S. Marc , que prend ordinairement
le plus ancien des Cardinaux
Venitiens. Au mois de Juin 1721. il fut
nommé Grand Penitencier de l'Etat de
Venife , en reconnoiffance de ce que la
République venoit de donner la Nobleffe
à perpetuité aux Parens d'Innocent XIII .
de la Maifon de Conti .
Iij La
404 MERCURE DE FRANCE.
La Princeffe Sophie - Augufte de Neubourg
, époule de Jofeph- Charles - Emanuel
, Prince Hereditaire de Sultzbach ,
mourut en couches à Manheim le 30. dy
mois dernier , dans la 35. année de fon
âge , étant née le 17. Mars 1693. Elle
étoit fille de Charles - Philippe , Electeur
Palatin , & de Loüife -Charlotte de Radzivils
, fa premiere femme.
** kkikkkkkkikikikik
FRANCE ,
Nouvelles de la Cour , de Paris , & c.
L
E premier de ce mois , le Roi revint
à Verfailles du Château de Marly,
Le lendemain , jour de la Fête de la Purification
de la Vierge , les Chevaliers
Commandeurs & Officiers des Ordres du
Roy s'étant rendus vers les dix heures &
demies dans le Cabinet de S. M. le Roy
tint un Chapitre , dans lequel le Prince de
Dombes , le Comte d'Eu , le Duc de S.Si.
mon , le Maréchal Duc de Roquelaure ,
le Maréchal d'Alegre & le Comte de
Gramont , qui avoient été nommez Cheyaliers
le premier jour du mois dernier
furent admis , après que l'Abbé de Pompone
, Chancelier des Ordres du Roy ,
cut
FEVRIER. 1728. 40 %
eut rapporté qu'ils avoient fatisfait à ce
qui eft prefcrit par les Statuts. Le Roy
propofa enfuite pour être reçus Cheva
liers , le Prince de Lixin , le Duc de
Gramont , Colonel du Regiment des Gar
des Françoiſes , le Duc de Gêvres , Pres
mier Gentilhomme de la Chambre , le
Duc de la Rocheguyon , Grand-Maître de
la Garderobe , le Duc de Bethune , Capitaine
des Gardes du Corps , le Comte
de Teffé , Grand d'Efpagne , Premier
Ecuyer de la Reine , & le Marquis de
Nangis , Chevalier d'honneur de la Reine.
Lorfque le Roy eut figné le Rôle ,
S. M. le remit au Marquis de Breteuil ,
Prévôt-Maître desCéremonies desOrdres
du Roy, qui fortit dú Cabinet , pour les
faire proclamer par le Herault de l'Or
dre en la maniere ordinaire. Après la
Proclamation , le Prince de Dombes , le
Comte d'Eu , le Duc de S. Simon , let
Maréchal Duc de Roquelaure , le Maréchal
d'Alegre & le Comte de Gramont ,
qui s'étoient rendus dans l'Appartement
du Roy , en habits de Novice , furent
introduits dans le Cabinet , où S. M. les
fit Chevaliers de l'Ordre de S. Michel.
Le Roy fortit enfuite de fon Appartement
pour aller à la Chapelle ; S. M. étoit précedée
du Duc d'Orleans , du Duc de
Bourbon , du Comte de Charolois , du
I iij
Comte
406 MERCURE DE FRANCE.
Comte de Clermont , du Duc du Maine,
du Comte de Toulouſe & des Chevaliers
Commandeurs & Officiers de l'Ordre.
Les Novices marchoient entre les Chevaliers
& les Officiers. Le Prince de
Dombes marchoit feul , ainfi que le Comte
d'Eu : le Duc de S. Simon , avec le Maréchal
Duc de Roquelaure ; & le Maréchal
d'Alegre, avec le Comte de Gramont.
Le Roy , devant lequel les deux Huiffiers
de la Chambre portoient leurs Maffes ,
étoit en Manteau , le Collier de l'Ordre
par- deffus , ainfi que les Chevaliers . Le
Cardinal de Rohan , Grand- Aumônier
de France , & le Cardinal de Biffy , Prélats
Commandeurs de l'Ordre du S. Efprit
, marchoient derriere S. M. Le Roy
affifta à la Benediction des Cierges , à la
Proceffion & à la grande Meffe , qui fut
celebrée par l'Abbé Tefnieres , Chapelain
Ordinaire de la Chapelle de Muſique.
Lorfque la Meffe fut finie , le Roy quitta
fon Prie-Dieu & monta à fon Trône auprès
de l'Autel , où S. M. reçût les nouveaux
Chevaliers deux -à - deux , avec les
Céremonies ordinaires. Le Duc d'Orleans
& le Duc de Bourbon furent Parains
du Prince de Dombes & du Comte
d'Eu : le Duc d'Antin & le Duc de Chaulnes
, du Duc de S. Simon & du Maréchal
Duc de Roquelaure : le Marquis de
Goëbriant
FEVRIER. 1728. 407
Goëbriant & le Marquis de Brancas , du
Maréchal d'Alegre & du Comte de Gramont.
Les Chevaliers qui venoient d'être
reçûs , ayant pris leurs places , fuivant
leurs rangs , le Roy fortit de la Chapelle
& fut reconduit dans fon Appartement.
L'après midi le Roy entendit dans la
Chapelle du Château , la Prédication de
l'Abbé Couturier , Chanoine de l'Eglife
de S. Germain l'Auxerrois , & enfuite les
Vêpres chantées par la Mufique : le foir
le Roy retourna à Marly.
Le même jour , veille de la Purification
de la Vierge , la Maréchale de Boufflers ,
Premiere Dame d'Honneur de la Reine,
prefenta à S. M. les Adminiftrateurs de
la Confrairie Royale de Notre - Dame des
Victoires , établie dans l'Eglife Paroiffiale
des SS. Innocens , qui les reçût très favorablement
, & eut la bonté de figner
fur leur Registre. L'Abbé de Maziere ,
Docteur de la Faculté de Paris , Chevalier
Ecclefiaftique de l'Ordre de S. Lazare
, & Aumônier de cette Confrairie ,
complimenta la Reine , & lui prefenta un
Cierge au nom de la Confrairie.
Le 18. le Roy & la Reine entendirent
la Meffe de Requiem , pendant laquelle
le De profundis fut chanté par la Mufique
, pour l'anniverfaire de Monſeigneur
le Dauphin , Pere du Roy.
I iiij Le
408 MERCURE DE FRANCE.
Le premier de ce mois , le P. Vicaire
General des Religieux de la Mercy , accompagné
de trois Religieux du Convent
du Marais , eut l'honneur de prefenter un
Cierge à la Reine , pour fatisfaire à une
des conditions de l'établiffement de ces
Religieux , fait à Paris en 1615. par lequel
la Reine Marie de Medicis , qui
fonda leur Maiſon , voulut que ces Religieux
la reconnuffent , & toutes les Reines
de France , pour leurs . Fondatrices ,
& les chargea de leur prefenter un Cierge
tous les ans , en figne d'hommage à la
Fête de la Purification .
Le 5. M. le Blanc , Miniftre d'Etat de
la Guerre , reçut à l'Hôtel Royal des Invalides
, plufieurs Soldats , dans le nom
bre defquels il s'en trouva un qui en étoit
forti de fon bon gré il y a quelque temps
pour époufer une fille qui avoit porté le
moufquet pendant 19. ans dans les Trou
pes du Roy. Il fut reçû en confideration
de fa femme , dont il fit voir des Certificats
de fageffe pendant tout le temps
qu'elle a fervi : on a accordé à ce Soldar
une double portion de vin .
Le 14. de ce mois , le Roi & la Reine
revinrent à Verfailles du Château de
Marly.
Le 15. premier Dimanche de Carême ,
Leurs Majeftez entendirent dans la Chapelle
FEVRIER. 1728. 409
pelle du Château , la Meffe chantée par
la Mufique , & l'après midi la Prédication
de l'Abbé Couturier.
Le 31. Janvier , M. Viel , Recteur de
l'Univerfité , accompagné des Doyens des
Facultez & des Procureurs des Nations',
alla à Marly , où il eut l'honneur de prefenter
un Cierge au Roy & à la Reine ,
felon l'ancien ufage.
Le Roy a donné le Gouvernement de
Bourbon l'Archambault , fur la prefentation
de M. le Comte de Charolois , com
me Duc de Bourbonnois , au Marquis
de la Palun , Capitaine des Gardes de co
Prince.
Le Roy a accordé le Gouvernement de
Charlemont , au Marquis de Cilly , Lieutenant
General des Armées de S. M.Grand
Croix de l'Ordre Royal & Militaire de
S. Louis , cydevant ,Gouverneur de Fontarabie.
Le Gouvernement de l'Hôtel Royal des
Invalides , vacant par la mort de M. de
Boyveau , a été donné à M. de Beaujeu ,
Maréchal de Camp, Commandeur de l'Ordre
de S.Louis, qui en étoit Lieutenant de
Roy, & qui en avoit la furvivance. La
Lieutenance de Roy du même Hôtel, a été
donnée au Chevalier de Ganges.
M. Anfoffy , Premier Secretaire du
I v Car-
ださい
410 MERCURE DE FRANCE.

Cardinal de Fleury , eft à prefent chargé
de la Feuille des Benefices , qu'avoit
M. Millain. La place que ce dernier avoir
de Secretaire des Etats de Bourgogne, a été
donnée , par le Duc de Bourbon , à
M. Girard , Secretaire des Commandemens
de ce Prince.
M. Herault , Lieutenant General de
Police , a engagé volontairement plufieurs
Communautez Religieufes de Paris
, à avoir toûjours dorénavant chez
elles une provifion de bled pour deux
ou trois années. Il eft a fouhaiter que
ce fage Reglement puiffe s'établir par
tout le Royaume , pour prévenir la cherté
des bleds.
Le Baron de Penteriender , Confeiller
du Confeil d'Etat de l'Empereur , & troifiéme
Miniftre Plenipotentiare de S. M. I.
au futur Congrès de Cambray , qui étoit
parti de Vienne le 7. Janvier , arriva à
Paris le 30.
On mande de Saumur, qu'entre la Chapelle
Blanche & Bourgueil en Anjou , il
y a un Loup qui fait de grands ravages ,
& qu'il a devoré en dernier lieu une
jeune femme enceinte.
On mande du 15. Decembre dernier >
de la Martinique , que les frequens tremblemens
de terre y avoient renversé prefque
tous les Edifices bâtis en pierre , foit
habiFEVRIER.
1728. 4TT
habitations de particuliers ou Maifons Religieufes.
Le 19. Fevrier , M. l'Abbé de Pontchartrain
foutint en Sorbonne avec beau
coup de fuccès , une Thefe de Tentative ,
à laquelle préfida M. Nicolas de Saulx de
Tavannes , Evêque & Comte de Châlons ,
Pair de France , Premier Aumônier de la
Reine , Docteur en Théologie de la Faculté
de Paris. L'Affemblée fut des plusnombreuſes
, & compofée de quantité de
perfonnes de diftinction de la Cour & de
la Ville . M. le Cardinal de Noailles , qui
devoit s'y trouver , n'y affifta pas à cauſe
d'une indifpofition ; les Cardinaux de
Rohan & de Biffy , & les Archevêques de
Sens , de Vienne , de Rouen , de Tours ,
de Cambrai & de Touloufe s'y trouverent
, ainfi que prefque tous les Evêques
qui font actuellement à Paris avec les Generaux
de la Congrégation de S. Maur ,
' de Prémontré , de Ste . Genevieve , des
Mathurins & de l'Oratoire . La Thefe étoit
gravée dans une très grande feuille , ornée
d'une magnifique Eftampe reprefentant le
Roi S. Louis mourant & donnant les derniers
confeils au Prince fon fils aîné , d'après
un beau Tableau de M. Coypel , &
gravée par le fieur Poilly. La dédicace
étoit en ces termes : REGI , PATRI ,
HEROI CRISTIANISSIMO . La queſtion
I vj Théolo
412 MERCURE DE FRANCE.
Théologique fur laquelle on difputa , étoit
telle : Per quid Reges regnant & legum
Conditores jufta decernunt , tirée du Livre
des Proverbes , Chap. 8. v . 15.
BENEFICES DONNEZ.
>
E.Roy a donné l'Abbaye de la Magdelaine
de Châteaudun , Ordre de
S. Auguftin , Diocèſe de Chartres , à l'Ab
bé d'Hericourt.
L'Abbaye Reguliere d'Auchy , Ordre
de S. Benoît , Diocèle de Boulogne , à
Dom Mariffal..
L'Abbaye d'Andecy , même Ordre ,
Diocèle de Châlons fur Marne , à la Da
me de Boufflers Remiencourt .
L'Abbaye de N. D. des Anges de Cou
tances , à la Dame de S. Germain de Gonfreville
.
Le Prieuré de S. Mars , Diocèfe de Lu
à l'Abbé Perrin .
çon ,
Le Prieuré de Léroux , même Diocè
fe , à l'Abbé Pleaux.
L'Evêché de Beauvais , vacant par la
'démiſſion de M. de S. Aignan , à l'Abbé
de Gefvres , frere du Gouverneur de
Paris .
L'Evêché de Digne , à l'Abbé d'Yfe de
Saleon .
L'Abbaye de S. Victor de Marſeille ,
à l'ancien Evêque de Beauvais.
MORTS,
FEVRIER 1728 413
MORTS , NAISSANCES ;
& Mariages.
H & Abbé de Simorre , Ordre de faint
Enry de Puget , Evêque de Digne ,
>
Benoît , Diocèfe d'Auch , mourut dans
fon Diocèfe , fur la fin du mois dernier.
Marie- Philippe- Henriette Martel de
Cleret , époufe d'Alexandre d'Orléans
Marquis de Rothelin , Comte & Seigneur
des deux Mouffi Vicomte de
Lavedan , Marquis de Benac , Brigadier
des Armées du Roy , mourut le 3 .
mois en fon Château de Mouffi - le - Vieux,
dans la 33. année de fon âge.
de ce
Le Marquis de Janfon , Maréchal des
Camps & Armées du Roy , ci - devant
Sous - Lieutenant de la premiere Compagnie
des Moufquetaires , & Gouverneur
des Ville & Citadelle d'Antibe , eft mort
depuis peu à Aix , en Provence.
Le 3. Dame Claire- Guillemette de Barcôs
, époufe de Hubert - Gabriël Arnoul,
Ecuyer , Confeiller Secretaire du Roy ,
mourut à Paris , âgée de 45. ans.
Le 4. Dame Catherine- Antoinette Herinx
, veuve de M. Alexandre Mandat ,
Maître des Comptes , mourut âgée de 7 8 .
ans.
Dame
414 MERCURE DE FRANCE :
Dame Marie- MagdelaineTulde de Courdin
de Villiers , époule de M. Henry Boucher
Dorfay , Brigadier des Armées du
Roy, premier Capitaine des Grenadiers du
Regiment des Gardes Françoifes , mourut
le 6. Fevrier , âgée de 45. ans.
M. Rodot , ci - devant Intendant en Canada
, qui s'étoit retiré à la Maifon des
Peres de S. Lazare du Faubourg S. Laurent
, y mourut fubitement le 1o . de ce
mois , âgé de 90. ans .
Le même jour , Dame Elifabeth Mailly
Dubreuil , Epoufe de Charles- Henry Gafpard
de Saulx , Vicomte de Tavanes ,
Chevalier des Ordres du Roy , Lieutenant
General de Bourgogne & Brigadier
des Armées de S. M. mourut à Paris dans
la 26. année de fon âge.
M. Alexandre de Boyveau , Grand-
Croix de l'Ordre de S. Louis , Gouverneur
de l'Hôtel Royal des Invalides , y
mourut le 11. âge de 82. ans , ou environ.
Dame Marie Françoife Rouillé , veuve
de M. Charles -Michel Bouvard de Fourqueux
, Procureur General en la Chambre
des Comptes , mourut le 11. Fevrier ,
âgée d'environ 62. ans .
Le 13. Guillaume Alexandre , Marquisde
Vieux- Pont , Lieutenant General des
Armées du Roi , Gouverneur des Villes
de Charlemont & Givay , Marquis de Seneçay
FEVRIER. 1728 . 415
neçay , de S. Vaubourd , Seigneur de
Stynne , &c. mourut à Paris , âgé d'envi
ron 75. ans.
Louis de Bethune , Chevalier , Marquis
de Chabris , & c. ci - devant Gouverneur
d'Ardres & de la Comté de Guifnes,
mourut à Paris le 28. Fevrier , âgé d'environ
80. ans , laiffant de fon mariageavec
Dame Elizabeth du Grippon , un
fils unique , Hippolite , Marquis de Bethune
, Meftre de Camp de Cavaleric . Il
étoit fils d'Hippolite de Bethune , Comtet
de Selles , & c . Chevalier des Ordres du
Roy , & d'honneur de la Reine Marie-
Therefe d'Autriche , & de Dame Anne-
Marie de Beauvilliers S. Aignan .
"' Dame Emilie de la Rochefoucault
époufe de Charles - Emanuel, Duc de Cruffol
, Pair de France, & c . accoucha le 1.Janvier
d'un fils, qui fut ondoyé par neceffité,
& auquel les Ceremonies du Baptême furent
fuppléées le 26. Il fut nommé François
Emanuel , par François , Duc de la
Rochefoucault , Pair de France , Prince
de, Marfillac , &c. Chevalier des Ordres:
du Roy & Grand- Maître de la Garde-
Robe de S. M. & par Dame Anne- Marie
Marguerite de Bullion , Ducheffe
d'Uzez .
·
Le 11. Janvier dernier , Dame Anne le
Breft , époule de François Dupuy , Cheva-
Liec
416 MERCURE DE FRANCE:
valier , Marquis du Montbrun , Gentil
homme de la Chambre de M. le Duc
d'Orleans , accoucha d'ane fille , qui fat
renuë fur les Fonts , & nommée Anne-
Marie par M. Hector , Marquis de la
Chaux - Montauban , Chevalier , Maréchal
des Camps & Armées du Roy , Chevalier
de l'Ordre de S. Louis , auffi Gen.
tilhomme de la Chambre de M. le Duc
d'Orleans ; & par Dame Marie- Nicole
Tardif , veuve de Barthelemy le Breft ,
Ecuyer , Tréforier General des Fortifications
de France .
Le 29. du-même mois , les Ceremonies
du Baptême furent fuppléées à la Princeſſe
Louife Magdelaine , fille de M. le Duc
d'Orleans & de Marie - Jeanne- Augufte ,
Princeffe de Bade Baden , née le 5 , Août
1726. Cette Princeffe fut nommée par
M. Charles Martel , Guidon de la Gendarmerie
, Meftre de Camp de Cavalerie ,
& par Dame Magdelaine de Jauche Bouto
de Chamilly , Comteffe de Clere ,
veuve de François Martel , Comte de Clére
, Guidon de la Gendarmerie , & c .
Dame Catherine - Scholaftique Bazin de
Bezons , époufe de N. Hubert , Viomte
d'AubuffonComte de la Feuillade , Seigneur
du Duché deRoanez , &c.Mefire de Camp
duRegiment Royal de Piémont , Cavalerie,
accoucha le 30. Janvier , d'un fils qui fut
nomFEVRIER.
1728. 417
nommé Jean- François- Marie, par Jacques
Bazin de Bezons , Maréchal de France , Chevalier
des Ordres du Roy , Gouverneur
de Cambray ; & par Dame Marie Lucrece
de S. Chamand , pour & au nom de
Dame Françoiſe de Rattignac , Marquife
d'Aubuffon .
Jean -Baptifte Budes , Comte de Guebriant
, Capitaine au Regiment du Roy
Infanterie , époufa le 1. de ce mois ,
dans la Chapelle Royale de Verfailles ,
Françoife-Armande Acton de Marlay.
Il eft l'aîné & le chef de l'ancienne &
'illuftre Maifon de Budes en Bretagne , qui
a produit plufieurs Heros à la France ,
dont nous avons vû fortir dans ce dernier
fiecle le Maréchal de Guebriant , tué
devant Rothwieil en 1673. Cette Maifon
joint à l'ancienneté & à l'illuſtration ,
les alliances des illuftres Maiſons du Guefclin
, Gonion , Maletroit , Coetquen
Rohan , Couvrau , Montmorenci , Sevigné
, Beauveau , Guemadeue , Romillé
, Queroufy , &c. il ne reste plus de
cette famille, que le Comte de Guebriant
dont il eft ici queftion , trois freres & une
foeur , dont Jofeph - Marie , Comte de Budes
, marié en 1726. à Marie- Angelique
de Varenne , riche veuve du feu Comte
de Langie.
Le 9. de ce mois , le Marquis du Guefclin
,
418 MERCURE DE FRANCE.
elin , Mestre de Camp d'Infanterie ,
Chambellan du Duc d'Orleans , époufa
Mlle Bofc , fille de M. Bofc , Chancelier
de l'Ordre de S. Lazare.
M. Sonning , Receveur General des
Finances de Paris , a époulé Mile des Alleurs
, fille du Marquis des Alleurs , ci- devant
Ambaffadeur à Conftantinople .
AU MERCURE DE FRANCE.
Envoy fur fon Logogryphe du mois
de Decembre 17.27.
UN Por rempli de vinfait plaifir à tout Age
Difoit un jour Geta , bûvant avec fon Page ;
Quand je bois , je fuis tout , Roi du Pô , Rož
du
Lors un Pet à Goa l'envoya pour
Il crût en revenir à la fin de fa
Tages
Otage &
Page,
Mais un foupir d'amour en fit un Jean- Potage
Par Florimons de Saint Amour.
AUTRE EXPLICATION
du Logogryphs.
S Ans tant Ans tant tourner autour du pot ,
paffer à rever le plus beau de mon âge ,
Du
FEVRIER. 1728. 419
Du premier coup j'ai rencontré le mot ,
Le Logogryphe eft un Potage.
Les preuves les voici : fuivez -moi , s'il vous
plaît ;
L'Italie a le Pô , le Tage eft en Eſpagne ;
Le Pot pour un bûveur eft un puiffant attrait ;
Le temps eft partagé par l'Age . Sa compagne...
Mais quoi ! quelle barriere arrête mon efprit?
Où trouver dans l'histoire , & même dans la
fable ,
Ce Prince fi fameux par fon fort déplorable ,
Dont le nom à rebours et dans le mot écrit ?
Je t'invoque , Mercure en ce befoin extrê
me
Ah je le tiens ce nom , & fans tant de détours
,
C'eft Geta , qui l'eût dit ? Oui , c'eſt Getà luimême
,
Dont un frere cruel trancha les triftes jours.
Poursuivons l'analyfe , & reprenons haleine .
La Ville de Goa fe prefente à mes yeux ;
Pour le vent , c'eft un Per ; ce couple curieux
Se trouve dans le mot qui fait couler ma veine .
En lui coupant la tête , il change de maintien,
Et par une métamorphofe
Dont
410 MERCURE DE FRANCE.
Dont une feule lettre eft caufe ,
Il devient un ôtage , invincible lien ,
D'une foy qu'il engage au péril de fa vie. "
La foupe d'un repas ne peut être bannie ,
Sans un potage , il ne vaut rien.
Enfin c'eft un Protée , & telle eft fa ftruc
ture ,
Qu'en le divifant par lambeaux ,
Il eſt mets , homme , fleuve , efpace , & fa
nature
Eft d'être fur la terre , en l'air , & dans les
eaux.
O l'admirable tripotage
Renfermé dans le mot POTAGE !
L'OEdipe Provençal.
A Aix , le 9. Fevrier 17 28 .
akakakakakakakakakakakakakak
EDIT ET ARREST.
DIT DU ROY , portant rétabliffement ,
celleries près les Cours, de la Nobleffe au
premier degré , & de l'exemption des Droits
de Lods & Ventes.
Et fuppreffion des Gardes- Scels & Secretaires
FEVRIER . 1728. 421
taires du Roy des Chancelleries Préfidiales .
Donné à Verfailles au mois de Décembre 1727.
Regiftré en Parlement le 30. Janvier fuivant.
ARREST du 13. Janvier , qui proroge
pendant l'année 1728. le délai porté par celui
du 7. Janvier 1727. qui modere à moitié les
Droits de Marc d'or , Sceau , Enregistrement
chez les Gardes des Rôles , frais de Reception
& Inſtallation des Offices qui feront levez vacans
aux Revenus Cafuels de Sa Majesté pendant
le courant de la prefente année 1728. &
qui les difpenfe du payement du Droit de
Confirmation,
APPROBATIO N..
le Garde des Sceaux lé Mercure de France du mois
de Février , & j'ay crû qu'on pouvoit en permettre
l'impreffion. A Paris , le premier Mars
1728.
HARDION.
******************
Pieces
TABLE.
211
feces Fugitives , Epitre au Cardinal de
Fleury ,
Lettre fur le nouveau Systême de Chant , 217
Voyage de Blois à Nantes , en Vers , 230
Ouverture & Defcription du Tombeau de
François II. Duc de Bretagne , 255
Triolets
422
Triolets ,
Rondeau ,
Explication d'une ancienne Epitaphe ,
Couplets de l'Hermite de Salonique ,
Lettre fur les Lunaifons , & c.
260
261
262
264
267
Panegyrique du mois de Février , Triolet , 294
Madrigal,
299
Lettre fur quelques Monumens d'Antiquité ,
300
A l'Auteur du Voyage de Paphos , Vers , 305
Reflexions , 306
307
Explication des Enigmes & du Logogryphe
du fecond volume de Decembre ,
Explication des 12. Enigmes de Janvier , 311
Nouvelles Enigmes ,
312
Nouvelles Litteraires , &c. Bibliotheque Germanique
,
Differtation fur le droit de battreMonnoye, 315
Eloge de quelques Femmes fçavantes ,
Actes Litteraires de Suede ,
314
316
Couteau avalé par une femme ,
319
Bibliotheque Angloife , & c .
Erreur fur la mort du Pere Pagi ,
320
324
Les Sentences d'Ali , & c.
Effais , &c. fur le Poëme Epique , & c,
327
328
Effais fur divers ſujets ,
329
Lettres écrites de Malabar ,
331
Relation de la Miffion à Tranguebar ,
333
Mémoires Philofophiques de la Societé Royale,
334
Hiftoire d'Amenophis , & c.
336
Reflexions fur l'amitié ,
339
Hiftoire du Peuple de Dieu ,
340
344
Recueil des Titres & Pieces fur l'Annexe , & c.
Méthode pour étudier l'Hiftoire , & c..
Traitez Philofophiques & Pratiques
quence & de Poefie, du P. Buffier .
347
352
d'Elo-
353
Μέσ
423
Methode pour regler les Montres & Pendules,
355
Nouveaux Jettons gravez en Taille- douce, 359
Nouvelles Eftampes de Watteau , grayées, 361
- Chanfon notée , 365
Spectacles , l'Amant Prothée , Extrait , ibid.
Les Amans Déguiſez , Extrait >
Concert aux Thuilleries ,
375
385
Nouvelles du tems , 387
Morts des Pays Etrangers , 403
France , Nouvelles , & c. 404
Promotion & reception de Condons Bleu, 405
Benefices donnez ,
412
Morts , Naiffances & Mariages , 413
Envoi fur le Logogryphe , 418
Autre Explication du Logogryphe , 419
Edit & Arrêt ,
420
Fautes à corriger dans ce Livre.
Page, he comprenant pas alors.
Age 218. ligne 2. ne comprenant alors ,
P.219 . 1. 4. entre mains , 1. entre les mains,
P. 236. 13. eft , l . c'eft.
P. 271. 1. 9. du furcroît , 1. de furcroît.
La Planche des Jettons doit regarder la page 359
La Chanfon notée doit regarder la page
365
424
LISTE DES LIBRAIRES
qui débitent le Mercure dans les
Provinces du Royaume , &c.
A Touloufe , chez la veuve Tene,
Bordeaux , chez Raymond Labottiere , chez
Charles Labottiere l'aîné , vis - à - vis la Bourfe
, chez Etienne Labottiere , & chez Cha
pui , fils , au Palais.
Nantes , chez Julien Maillard , & chez du
Verger.
Rennes , chez Vattar.
Blois , chez Maffon .
Tours , chez Gripon.
ibid. chez Maffon,
Rouen , chez Herault.
Idem , chez la veuve Vaultier.
Châlons - fur - Marne , chez Seneuze
Amiens , chez François , & chez Godard,
Arras , chez C. Duchamp .
Orleans , chez Rouzeaux.
Angers , chez Fourreau .
Chartres , chez Fetil , & chez J. Roux.
Dijon , chez la veuve Armil.
Lille , chez Danel.
Verfailles , chez Pigeon.
Befançon , chez Charmet.
Saint Germain , chez Doré.
Lyon , à la Polte.
Reims , chez Godard .
A Vitry -le -François , chez Vitalis,
Beauvais , chez De Saint.
MERCURE
DE
FRANCE ,
DÉDIÉ
AU
ROT
MARS.
1728 .
QUE
COLLIGIT
SPARGIT
Chez
A
PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER , re
S. Jacques , au Lys d'Or.
LA VEUVE PISSOT, Quayde Conti,
à la defcente du Pont Neuf , au coin
de la rue de Nevers , à la Croix d'Or.
JEAN DE NULLY , au Palais,
à l'Ecu de France & à la Palme .
M. DC C. XXVIII.
Avec Approbation & Privilege du Roi,
L'AD
A VIS.
ADRESSE generale pour toutes
chofes eft à M. MOREAU ,
Commis au Mercure , vis - à- vis la Comedie
Françoife , à Paris . Ceux qui pour leur
commodité voudront remettre leurs Paquets
cachetez aux Libraires qui vendent le
Mercure à Paris , puvent fe fervir de
sette voye pour les faire tenir.
On prie très - inftamment , quand on
adreffe des Leures ou Paquets par la Pofte,
d'avoir foin d'en affranchir le Port ,
Comme cela s'eft toûjours pratiqué , afin
d'épargner , à nous le déplaifir de les
rebuter , & à ceux qui les envoyent ,
celui , non - feulement de ne pas voir
paroître leurs Ouvrages , mais même de
les perdre , s'ils n'en ont pas gardé de
copie.
Les Libraires des Provinces& des Pays
Etrangers , ou les particuliers qui fonbaiteront
avoir le Mercure de France de
la premiere main , & plus promptement
n'auront qu'à donner leurs adreffes à M.
Moreau , qui aura foin de faire leurs paquets
fans perte de temps , & de les faire
porter fur l'heure à la Pofte , ou aux Mef-
Jageries qu'on lui indiquera.
PRIX XXX. SOLS.
MERCURE
DE
FRANCE ,
DÉDIÉ AU
Ror.
MARS . 1728 .
PIECES
FUGITIVES ,
en Vers & en Profe.
O D E.
SUR LA FUREUR DU JEU.
P
Alle fils d'un defir avide .
Et d'une lâche oifiveté,
Vil Efclave du fort perfide ,
Nourricier de la Pauvreté
Démon qui foufles dans les ames ,
Transports fougueux , indignes trames ,
A ij Mauvaile
428 MERCURE DE FRANCE.
Mauvaiſe humeur , mauvaife foi ,
Laille refpirer tes Victimes ,
Et vien apprendre dans mes Rimes ,
L'horreur que j'eus toûjours pour toi.

Jeu monftrueux , je te déteke ,
A l'égal du plus grand des maux :
La guerre , la faim & la pefte ,
Me femblent de moindres fléaux.
Contre ta fureur indomptable ,
Un courroux , non moins intraitable
S'eft emparé de tous mes fens ;
Oui , les haines les plus outrées ,
Des Thyeftes & des Atrées ,
Sont ce que pour toi je reffens .
Homme , qui confumes fans honte,
A ce paffe-temps odieux ,
Tant de momens dont tu dois compte
Au Public , à toi-même , aux Dieux ;
Qui, dans une feule journée ,
Bien fouvent de plus d'une année ,
&çais engloutir le revenu ,
Comme
MAR S. 1728. 439
Comme je m'aveugle peut- être ,
Parle , & da moins fais- moi connoître ,
Un plaifir qui m'eft inconnu.

Sans ces agreables Parties ,
Helas ! comment paffer les jours ?
Que d'ennuyeufes réparties !
Que d'importuns & froids difcours !
On fuë , on baaille , tout nous choque's
Par une langueur réciproque ,
L'un à l'autre on fe fait pitié :
Au lieu qu'un femblable commerce ,
Nous intereffe , & nous exerce ,
Et réveille enfin l'amitié.
Je t'entens ; tu n'as rien à faire :
Tu prens la confolation
De ceux que le Ciel en colere ,
A privez d'occupation ,
Qui , fans ce Jeu qui les enyvre ,
Auroient du peu qu'ils ont à vivre ,
Un dégoût prefque illimité ,
Et qui de la plus longue courſe ,
A iij
Avec
430 MERCURE DE FRANCE .
Sans ce Jeu fatal à leur bourſe ,
Verroient trop tôt l'extrémité.
M
Puifque tout te femble infipide ,
Hors ce cher objet de tes voeux ,
Va , fui le penchant qui te guide ;
Qu'il foit tranfmis à tes neveux.
Amis , dont j'admire le nombre ,
Dans un Quadrille , dans un Ombre ,
Allez diffiper votre ennui ;
Allez , que rien ne vous arrête
Que votre Dieu voye à fa Fête ,
Des Miniftres dignes de lui.
Suivons , les portes font ouvertes ,
A tous les curieux Mortels .
Six tables de cartes couvertes ,
Du Temple affreux font les Autels.
Grands Dieux ! qu'entens-je dans ces Sales >
Les Goths , les Scythes , les Vandales ,
Sont-ils au milieu d'un feftin ?
Ce Sanctuaire qu'on honore ,
D'an
MARS. 1728. 431
D'un Efcadron Arabe ou More ,
Eft il devenu lebutin ?
M
Ainfi , Diſcorde , ton épée
Épargne le fang étranger ›
Tandis qu'au dedans occupée ,
Elle fçait s'en dédommager.
C'eſt peu qu'à ta voix meurtriere
Le frere armé contre le frere ,
Conçoive les plus noirs defirs ;
Chofe étrange ! l'amitié méme .
Réverant ton pouvoir fuprême ,
Cherche , trouve en toi des plaifirs
Faute d'un travail plus utile ,
Sur un As , Damis eft cloüé ;
Son eſprit ſtupide , infertile ,
En fera il plus enjoüé ?
Pour être témoins de fa joye ,
Attendons qu'une vile proye
Ranime fes yeux prefque morts ;
Fuyons , fi dans un coup funefte ,
A iiij
Mé432
MERCURE DE FRANCE .
Megere de l'impie Oreſte ,
Renouvelle en lui les tranfports.
Oui ,
Difons-le , puifqu'il le faut dire ,
de ces lieux empoiſonnez ,
Il fort peu de gens prêts'à rire ,
Bien moins d'amis paffionnez .
Vaincu , dont la langue féconde , ·
A tout ce qui refpire au monde ,
Du fort contes la trahifon ,
Refpecte le vainqueur plein de gloire ;
Il s'applaudit d'une victoire ,
Qui te fait perdre la raiſon.
Tailleurs , qui dans le revers même,
Confervez un coeur tout Romain ,
Pontes , doüez d'un flegme extrême ,
Soit pour la perte , ou pour le gain.
De Porus ou bien d'Alexandre
Ma Lire vous fera defcendre ,
Si vous le jugez à propos :
On doit élever jufqu'aux Aftres ,
Les
MARS. 1728. 433
Les conquêtes & les defaftres ,
De qui fait la guerre en Héros .

Pour vous qui fans beaucoup d'attache ,
D'un fobre jeu fçavez uſer ,
Qui l'employez comme un relâche ,
Qu'aucun ne doit fe refufer
Contre vous , prudente Uranis ,
Ma Mufe aujourd'hui rembrunic ,
Ne va point à de tels excès ,
Mais au nom des Dieux prenez garde
Qu'un jour cette Muſe hagarde ,
Ne vous faffe votre procès.
Elle craint qu'un tel exercice ,
Sous le beau nom d'amufement ,
N'ouvre enfin quelque précipice
A votre heureux temperament.
On ne veut s'égayer qu'une heure ;
Une autre fuccede , on demeure ,
Le coifon s'empare du coeur :
Le jour s'enfuit , la nuit fe paffe ,
Av L'
434 MERCURE DE FRANCE:
L'oeil s'affoupit , le teint s'efface ,
Le corps perd toute fa vigueur.
F... de Rofeval.
XXXXXXXXXXXXXXXX
LA TRAHISON PUNIE ;
Hiftoire Espagnole.
DES
E toutes les offenfes qui nous armen's
les uns contre les autres , il n'y en
a point de plus difficiles à pardonner que
la trahifon,fur-tout quand elle part d'une
perfonne en qui nous avons mis toute
notre confiance , & fur qui nous avons
répandu nos bienfaits ; il faut être audeffus
de l'homme pour ſe refufer à la
vengeance , quand on y eft excité par un
motif fi preffant ; & le Ciel qui nous demande
le facrifice d'un reffentiment qui
paroît fi jufte , ſe réſerve la punition de
pareils Monftres . On le verra dans l'Hif
toire fuivante.
Dans la Ville de Cadix , fi celebre par
les richeffes de fon commerce , étoit un
jeune Cavalier , d'une illuftre naiffance ,
& dont la vertu répondoit à la nobleffe
du Sang dont il étoit forti. Mille bon-.
nes qualitez jointes à tout ce qui peut
rendre
MAR S. 1728. 435
rendre un homme aimable aux yeux d'une
Belle , lui acquirent bien- tôt les bonnes
graces de toutes les Dames ; elles fe difputoient
, à l'envi , la conquête d'un coeur
jufqu'alors impénetrable aux Traits de
l'Amour. Mais fon heure fatale ne tarda
pas à venir . Des yeux qui ne le cherchoient
pas , triompherent de fa liberté.
Cette victoire étoit réfervée à l'ainable
Laure. A peine avoit- elle atteint l'âge
de treize ans , quand elle fe montra pour
la premiere fois à l'infenfible Octave, c'est
le nom du Cavalier dont je viens de parler.
Je ne m'arrêterai point fur la naiffance
& les progrès d'une paffion qui leur coûta
fi cher. Octave & Laure s'aimerent tendrement
prefqu'auffi- tôt qu'il fe connurent
; le Ciel qui les avoit fait l'un pour
l'autre , avoit mis dans leurs coeurs cette
invincible fympathie qui force la raifon à
fe taire dès qu'elle entreprend de s'y oppofer.
Comme ils étoient tous deux d'une
naiffance à peu près égale , & qu'ils
avoient d'ailleurs affez de biens pour pouvoir
faire une alliance qui pût les rendre
auffi heureux du côté de la fortune , qu'ils
croyoient l'être déja du côté de l'amour.
Octave n'eut pas beaucoup de peine à
faire confentir Dom Alonfe , pere de fon
Amante , à les unir d'un noeud indiffoluble.
Tout étoit prêt pour cette grande
A vj cere436
MERCURE DE FRANCE.
ceremonie quidevoit les mettre auc omblede
leurs voeux , quand un Orage imprévû
vint troubler le calme profond dont ils
avoient joui jufqu'à ce moment. Valere ,
intime ami d'Octave , avoit infulté le fils
d'un des principaux Habitans de Cadix ,
qui s'appelloit Horace. Il n'eft pas neceffaire
d'expofer ici le genre d'infulte ,
il falloit que l'outrage fût des plus fanglans
, puifqu'il obligea l'offenfé à en tirer
raifon par un affaffinat contre toutes
les loix de l'honneur. Dans une nuit affez
obfcure , pour empêcher de diftinguer les
objets , Octave accourut à un bruit d'épées
& à une voix qu'il reconnut pour
être de fon ami Valere ; il le trouva environné
de quatre affaffins qui l'avoient
déja réduit aux dernieres extrémitez. L'inégalité
de la partie ne le laiffa pas balancer
un moment à faire ce que l'honneur &
l'amitié exigeoient de luis des quatre Affaffins
, trois prirent la fuite , & le quatriéme
percé d'un coup mortel , de la main
d'Octave , fe fit connoître pour Horáce ,
proche parent du Gouverneur de Cadix.II
n'en fallut pas davantage pour obliger
Octave & Valere à fe fauver ; & quoique
l'affaffinat femblât les mettre à l'abri de la
rigueur des loix , ils n'auroient pas été
long temps en feureté de leurs vics, s'ils
avoient fait un plus long féjour à Cadix ;
un
MARS. 1728.
437
n Vaiffeau prêt à partir pour les Indes ,
favorifa leur évafion , non fans un mortel
regret de la part de l'amoureux Octave
, qui par ce coup fatal du fort , fe
voyoit arraché à fa chere Laure.
Que devint cette tendre Amante quand
elle apprit cette funefte nouvelle ? Le péril
qui menaçoit les jours de fon futur
Epoux , lui avoit d'abord fait fouhaiter.
fon abfence , mais fon départ la plongea
dans une trifteffe que rien n'étoit capable
de foulager. Elle en reçut pourtant
quelque legere confolation par une Lettre
qu'on remit entre fes mains , & dont.
Octave avoit chargé un de fes amis avant
que de s'embarquer pour les Indes.
Quel démon conjuré contre tout le bonbeur
de ma vie m'arrache à vous , ma
chere Laure , au moment que nous allions
être unis pour jamais . Je pars pour les
Indes , mais je n'aurois point quitté Cadix,
fans les frayeurs dont on m'a appris que
vous étiez agitée. Je dois prendre foin
d'une vie à laquelle vous daignez prendre
un interêt fi tendre : helas ! s'il arrivoitjamais
quelque changement dans votre coeur,
vous ne devez pas douter que je ne vinſſe
me livrer entre les mains de ceux qui font
affez injustes pour vouloir me punir d'une
action de generofité. Sans moi , mon ami
alloit perdre la vie par un indigne affaffinati
438 MERCURE DE FRANCE.
finati pouvois-je ne le pas fecourir fans
me perdre d'honneur ? Fe fuis perfuadé ,
genereufe Laure , que le crime dont on m'assufe
va me rendre plus cher à votre coeur :
je ne laiffe pas cependant de me voir condamné
à quelque chofe de plus affreux que
la mort dont j'étois ménacé , puiſqu'on m'a
réduit à une abfence qui me prive du plus
grand plaifir qu'un Mortel puiffe éprouver.
Acette cruelle abfence fejoint la crainte
mortelle de vous perdre pour toûjours .
Le Gouverneur de Gadix n'eft que trop
redoutable ; je tremble que l'Auteur de vos
jours , intimidé par mes ennemis , ne change
de fentiment à mon égard , & qu'il ne
vous ordonne de ne plus penser à notre
hymen & de m'oublier. Le pourrez- vous
équitable Laure? c'eſt à vous de me raſſurer,
je crains que votre devoir ne foit plus fort
que votre amour, & que vous ne me facrifiez
à l'interêt d'un perc ; j'attens votre
réponſe pour me déterminer à vivre on à
mourir. Une Frégatelegere que nous avons
laiffée à Cadix doit nous rejoindre au premier
ventfavorable; qu'elle ne parte point,
je vous en conjure , fans être chargée de
mon arrêt ; je le fubirai , quel qu'il foit ;
s'il me condamne à vous perdre , j'en mourrai
, fans doute ; mais quand je pourrois
y furvivre', je fens bien que je n'aurois
ja mais la force de vous imiter , & j'atteſte
le
MAR S. 1728. 439
le Ciel , que quoiqu'il arrive , je ferai toû
jours votre fidele .
Octave.
La trifte Laure ne put lire cette Lettre
fans reffentir tour- à- tour divers mouvemens
qui fe fuccedoient rapidement les
uns aux autres. A peine la douleur s'étoit
emparée de fon ame , que la joye
cherchoit à s'y introduire ; la crainte fuivoit
de près ces deux fentimens oppofez.
Elle dépendoit d'un pere ; elle appréhendoit
avec quelque apparence de raifon, que
la frayeur de fon Amant ne fut trop bien
fondée.Si elle n'eût confulté que fon coeur,
elle n'auroit pas tardé un feul moment à
le raffurer du côté de fa fidelité ; mais
fcrupuleuſement attachée à fon devoir ,
en fille bien née , elle crut ne devoir rien
promettre fans l'aveu de Dom Alonfe .
Elle lui montra la Lettre d'Octave , & obtint
de lui la permiffion de lui répondre
auffi favorablement qu'elle le devoit à un
homme qui lui étoit deftiné pour époux.
Voici en quels termes elle s'exprima dans
la Lettre qu'elle devoit lui envoyer par
la Frégate prête à partir.
La fortune qui nous frappe d'un même
coup , mon- cher Octave , nous doit rendre
notre douleur plus legere à fupporter , puif-
P'amour nous la fait partager. Que
cet amour nous uniffe à jamais malgré l'ef
que
pace
440 MERCURE DE FRANCE .
n'a
pace immenfe qui va nous feparer. Mor
pere confent que je vous aime toûjours ; il
fait plus , il me le commande. Jugez fo
j'aurai befoin de me faire un grand effort
pour obéir à une fi douce loi Sa generofité
pas démenti mon attente ; malgré votre
infortune , vous lui êtes auffi cher que fi
vous étiez déja mon époux.Calmez donc une
frayeur qui lui a para injurieufe , & s'il
vous reste encore quelque défiance fur l'avenir,
recevez le ferment que je vous fais
de n'êtrejamais qu'à vous , quelque changement
qui puiffe arriver dans le coeur de
celui qui m'a donné la vie. On peut bien
m'arracher. ce que j'aime , mais rien no
pourra jamais m'attacher à quelqu'autre.´
objet. Soyez-moi feulement fidele , c'eſt la
feule restriction que je metsiàimoa ferment.s
Je me flatte que vous n'aurez pas beaucoup
de peine à obferver la condition que vous
impofe la plus tendre & la plus malheureufe
Amante qui fût jamais.
Octave reçût cette confolante Lettre
trois jours après fon départ . Il crut emporter
avec lui le coeur de fon Amante ,
ou plutôt fon Amante elle- même avec
ce précieux témoignage de fa tendreffe ,
& ce cher garant de la fidelité. Le vent
qui le conduifit aux Indes fut affez favorable
, fi l'on peut appeller de ce nom
cc qui nous éloigne de l'objet de nos
voeux .
MARS . 1728. 441
voeux. Il ne fut pas plutôt arrivé à la
nouvelle Efpagne , qu'à la faveur de quelques
Lettres de crédit , dont il s'étoit muni
, il fe trouva en état de fe dédommager
des pertes qu'il pourroit faire à Cadix.
En effet fon abfence laiffant un champ
libre à fes ennemis , non - feulement ils le
firent condamner à perdre la tête fur un
échaffaut , mais ils firent encore confifquer
tous fes biens. Quelle douleur pour Laure
de voir fon Amant fi injuftement opprimé.
Ce n'étoit pourtant là que la moindre
partie des maux qu'elle avoit à fouffrir
; la fortune lui en réfervoit de plus
cruels , & d'autant plus fenfibles , qu'elle
devoit la frapper du côté de fon amour .
Son Pere l'aimoit tendrement , mais
cette même tendreffe le rendit , finon
cruel , du moins fevere à fon égard. Octave
dépouillé de tous fes biens , ne lui
- parut plus un parti fortable pour une fille
qui lui étoit chere. C'étoit l'expofer à devenir
malheureuſe , que de lier fon fort à
celui d'un profcrit , & manquer toutes
les occafions d'un établiſſement avantageux
, que de fe picquer de conftance
pour un abfent , qui peut - être ne reverroit
jamais fa Patrie . I tâchoit d'infinuer
adroitement à la trifte Laure ces
fentimens de pere , qui fe prefentoient dans
un point de vûë bien different aux yeux
d'une
442 MERCURE DE FRANCÉ .
d'une fille , prévenuë qu'on ne peut jamais
manquer de rien avec ce qu'on aime . En
vain Laure lui faifoit entendre par les
Lettres qu'Octave lui écrivoit que fa fortune
devenoit tous les jours plus brillante
dans les Indes ; il n'en étoit pas plus perfuadé
, & ne ceffoit point de la preffer de
fe deffaire d'un amour qui feroit fuivi
d'un long repentir.
Pour furcroît de malheur , le frere de
celui qu'Octave avoit tué , devint éperdument
amoureux de la malheureuſe Lau
re. Non- feulement il avoit fuccedé aux
grands biens de fon frere , il s'étoit eneore
enrichi de ceux de fon-Meurtrier qui
avoient été confifquez à fon profit. Il la
fit demander à fon pere par le Gouverneur
de Cadix , à qui il appartenoit de
bien près , comme nous l'avons déja dit .
Ce Rival , ou plutôt cet irréconciliable
ennemi d'Octave s'appelloit Dom Pedro,
digne heritier d'un frere qui avoit péri
dans un projet d'affaffinat , que le Ciel
vengeur avoit fait retomber fur lui ; il
commença par tirannifer un coeur qu'il ne
croyoit pas pouvoir gagner en l'attaquant
dans les formes . Le pere de Laure eur
la foibleffe d'ouvrir les yeux à une fuperficie
éblouiffante de fortune qui fembloit
venir au - devant de fa fille ; il lui en
parla çomme d'un avantage qu'elle ne
devoit
MARS. 1728. 443
devoit pas négliger. Quoi ? imon pere ,
lui répondit - elle avec une furpriſe qui
marquoit l'indignation qu'une pareille
propofition lui caufoit : le lâche , le
>> cruel Dom Pedro aura groffi fes biens
» d'une injufte ufurpation ! il fe fera enrichi
des debris du nauffrage de celui
>> que vous m'aviez destiné pour époux
» & je pourrois accepter fa main ? Ah I
» qu'il jouiffe à fon gré , puifque telle eft
» la corruption du fiecle , qu'il jouiffe im-
>> punément du prix d'un fang juſtement
» répandu , mais qu'il ne me rende pas
complice de cette indignité. D'ailleurs
» quand on n'auroit pas à lui faire un
reproche auffi honteux , & qu'il me fau-
» droit partager avec lui , ignorez- vous
>> mille autres vices qui le deshonorent ?
Et pourriez -vous confentir qu'un Monf-
»tre détefté de tout le monde entrât dans
»votre famille ? Enfin , oubliez - vous que
>> c'eſt par votre aveu que j'ai promis au
»malheureux Octave de lui garder ma
»foi ? Ah ! faut- il , pourfuivit elle , que
>>tout fe déclare contre la vertu , dès qu'el-
>>le ceffe d'être favorifée de la fortune ?
Le-pere de Laure ne put réfifter à des
fentimens qui partoient d'une ame veritablement
noble ; il lui promit de ne la
plus preffer fur un hymen pour lequel il
lui voyoit tant de répugnance , & fit entendre
444 MERCURE DE FRANCE.
tendre à Dom Pedro que fa fille lui étoit
trop chere pour la vouloir contraindre å
prendre aucun engagement. Ce refus rendit
Dom Pedro furieux ; il fentit que c'étoit
Octave qui regnoit abfolument dans
fon coeur. Un Amant plus vertueux auroit
refpecté une fidelité à l'épreuve de
la mauvaife fortune & de l'abfence ;
mais des fentimens fi beaux lui étoient
tout- à- fait inconnus ; plus on defefperoit
fon amour , plus il s'obtina à une pourfuite
qui alla jufqu'à la perfecation . Le
Gouverneur de Cadix s'intereffa hautement
pour lui , & en vint juſqu'à mena
cer le pere de Laure de le perdre , s'il ne
réparoit la honte du refus que fon parent
venoit d'effuyer ; mais tout ce grand éclat
fut inutile , & Laure déterminée à entrer
dans un Convent plutôt que d'époufer
un auffi méchant homine que Dom
Pedro , obligea l'Auteur de les jours , qui
avoit pour elle des entrailles de pere, à relâcher
à fon égard de l'autorité que le Ciel
lui avoit donnée fur fon deftin.
Dom Pedro ne pouvant réüfir la
par
force , eut recours à l'artifice . Il fuborna
un homme qui ne faifoit que d'arriver des
Indes ; cette ame venale publia dans Cadix
, qu'Octave devoit époufer une veu
ve qui lui apportoit en dot des richeffes
immenfes. La fourberie fut fi bien appuyée
MAR S. 1728. 445
puyée,que le bruit en vint jufqu'aux oreilles
de Laure;elle rendit d'abord affez de juftice
à fon Amant pour le crore innocent,
elle imputa la calomnie à Dom Pedros
mais ce qui arriva quelque temps après
ne lui laiffa aucun doute fur fon malheur.
Octave avoit été inftruit des propofitions
d'hymen que Dom Fedro avoit faites
au pere de Laure ; ces propofitions foutenues
de l'autorité du Gouverneur de
Cadix , l'allarmerent vivement. Il craignit
que Laure qu'il avoit toujours vuë
foumife aux loix de fon devoir , ne facrifiât
fon amour à l'obéiffance qu'elle
devoit à des ordres qui lui étoient factez .
Il ouvrit fon coeur à fon ami Valere , qui
ne l'avoit point abandonné depuis le jour
qu'ils étoient partis enfemble de Cadix ,
quoiqu'il eût la liberté d'y revenir ; en
effet , les informations furent faites de
maniere à le difculper & à faire tout retomber
fur Octaves on fupprima tout ce
qui pouvoit donner le moindre indice
d'affaffinat , de peur que cela ne fût à la
décharge d'Octave , & fur la dépofition
de quelques témoins que l'avarice avoit
féduits , Octave paffa pour Affaffin , aulieu
qu'il n'avoit fait qu'une action d'honnête
homme en deffendant fon ami contre
le plus noir de tous les attentats .
La liberté que Valere avoit de revoir
"
La
446 MERCURE DE FRANCE :
Patrie , n'ayant pû l'arracher à fon genereux
deffenfeur , il ceda à ce penchant naturel
, dès qu'Octave lui eut fait connoî
tre que fon retour à Cadix lui étoit néceffaire
; Octave étoit alors dans une for
tune brillante , on amaſſe bien -tôt des richeffes
dans un pays qui en eft la fources
retournez , dit- il à Valere , retournez à
Cadix , fi j'ai eu le bonheur d'y deffendre
vos jours contre de lâches affaffins , vous
pouvez m'y conferver quelque chofe de
plus cher que ma vie . Tout eft perdu pour
moi , fi je perds l'aimable Laure . Votre
prefence pourra diffiper l'orage qui vient
de s'élever contre mon amour . Faites
briller aux yeux du pere tout l'éclat de ma
nouvelle fortune , mais ne parlez à la fille
de la conftance de mon amour. que
Valere , qu'une veritable amitié uniffoit
à Octave , fe deffendit quelque temps de
la propofition qu'il lui faifoit ; mais enfin
l'interêt de fon ami l'emporta' , il confen
tit à l'abandonner pour parer le
tal qui le menaçoit.
coup
fa-
La Flotille prête à partir , favorifa le
deffein d'Octave. Pour ne rien oublier de
ce qui pouvoit contribuer à lui conferver
le coeur de Laure , il remit entre les mains
de Valere la Lettre qu'elle lui avoit écrite ,
& dans laquelle il avoit reçû les affurances
d'une fidelité éternelle ; ces deux tendres
amis
MAR S. 1728. 447
amis s'embrafferent cent fois au moment
de leur féparation : qui eût dit à Octave
que cet ami fi fidele ne deviendroit qu'un
perfide ? Mais que peut l'amitié contre
l'amour ?
La fuite dans le prochain Mercure.
A M ***
En lui envoyant la Fable des Amours
de Tython & de l'Aurore .
Es Amours de l'Aurore , acceptez le porz
DES
trait ,

Eh comment pourriez-vous en refufer l'homamage
;
Des graces qu'Apollon répand dans un Ouvrage
,
N'êtes-vous pas toujours le modele ou l'objet ?
On ne plaît point fans vous , ce n'eft que fur
vos traces
Que cheri des neuf Soeurs on habite leur
Cour ,
Heureux , cent fois heureux qui vous devroit
les graces
Qu'il auroit à rendre à l'Amour !
RE448
MERCURE DE FRANCE.
XX:XXXXXXXXXXX :XX
REMARQUES
SUR LES GEAN S , &c.
Pendant
que
que tout ce qu'il y a de Mathématiciens
en France s'appliquent
à trouver du faux dans les preuves de
M.Mathulon ;je n'ai envifagé fon défi qu'avec
les mêmes yeux qu'autoit fait Maître
Etienne Pafquier , s'il étoit encore au
monde. Qu'on dife tant qu'on voudra
que mille écus fons bons à gagner ; je les
abandonne à ceux qui en ont plus envie
que moi. Ce que j'en ai lû dans votre
Journal , n'a pas tant excité mon attention
que certains autres articles de matiere
moins abſtraite & moins voifine de
l'Algebre. Pafquier trouva plaifamment
la Quadrature du Cercle dans une chofe
qui eft fort commune , furtout parmi
les gens d'Eglife & du Barreau : C'eft en
parlant de l'origine des Bonnets , lib. 4 .
c. 15. qu'il égaye ainfi fon fujet. Après
avoir avancé que c'est une coûtume trèsinepte
que nous repariens nos têtes rondes
avec des Bonnets quarrez , il ajoûte en
badinant , ce qui fuit : En quoi , dit-il ,
l'onpeutdire que par unegrande bigearrerie,
nous avons par hazard trouvé la Quadrature
MARS. 1728. 449
turedu Cercle , amufoir ancien des Mathematiciens,
où ils ne purent jamais donner atteinte.
Cette décision d'un celebre Jurifconfulte
, ne fera pas , je m'affure , du goût
de nos Mathématiciens ; ils pafferont, ou
effayeront de paffer outre. Ils font trop
perfuadez qu'on peut ajoûter bien des
perfections aux recherches des Anciens ,
& que l'on découvrira toûjours de temps
en temps de quoi les redreffer . Je fuis
affez de cet avis jufqu'à un certain point,
& je vous l'avois déja fait connoître. En
voici une preuve toute récente. Comme
l'on n'eft pas obligé de déferer aveuglement
à tout ce que les anciens Auteurs
marquent dans leurs écrits touchant les
effers de la Nature , & que perfonne ,
par exemple , ne s'avile de dire aujour
d'hui avec quelques - uns d'entre eux ,
que la Terre eft quarrée ou toute platte ;
j'avois crû pouvoir ne pas ajoûter foi à
ce que S. Auguftin marque dans fon quin .
ziéme Livre de la Cité de Dieu , Chapitre
9. touchant la dent molaire d'un homme
, qui fut trouvée de fon temps fur le
rivage de la Mer , proche la Ville d'Utique
, & qu'il affure avoir vûë lui - même.
Al témoigne qu'elle étoit d'une groffeur
fi énorme , que fi on l'eût voulu tailler
en morceaux , on eût pû faire de cette
Leule dent une centaine des nôtres . Vidi
B ipfe
450 MERCURE DE FRANCE .
ipfe, non folus, fed aliquot mecum in Vicen
fi littore molarem hominis dentem tam in
gentem , ut fi in noftrorum dentium modu-
Los minutatim confideretur , centum nobis
videreturfacere potuiffe . Quoique ce faint
Docteur ajoûte que cette dent lui paroiffoit
provenir de quelque Géant extraordinaire
, j'avois erû , fans perdre le .ref
pect qui lui eft dû , qu'il auroit pû fe
faire auffi que cette dent fût venuë d'un
Monftre Marin. Mais la découverte du
Squelette d'un Géant , marquée dans le
Mercure du mois dernier , me fait changer
de fentiment. Si cette découverte eft
bien veritable , elle laiffe à penfer qu'il
y avoit à peu près la même proportion
de corps dans le Géant d'Afrique que
dans celui de Macédoine , puifque fi une
dent de celui-cy pefoit dix-huit livres
de France , il eſt conſtant qu'il y avoit dequoi
faire plus de cent de nos dents communes.
Ainfi S. Auguftin paroît n'avoir pas
exageré la chofe, ni avoir été trop crédule.
Ce S.Pere ajoûte qu'on trouvoit encore de
tems- en-tems des Offemens qui prouvent
que la taille commune des anciens avoit
été bien plus grande qu'on ne la voit au
jourd'hui parmi les hommes : &comme les
Géants devoient encore furpaffer les autres,
il en infere que la dent qu'il vit, venoit
d'un des Géants de ces premiers temps.Sed
illum
MARS. 1728. 45.
illum Gigantis alicujus fuiffe crediderim .
Nam præter quod erant omnium multò
majora quàm noftra tunc corpora , Gigantes
longè cæteris anteibant....Verùm ut dixi
antiquorum magnitudines corporum inventa
plerumque offa , quoniam diuturna
funt , etiam multò pofterioribus feculis produnt.
Qu'on ceffe donc de vanter la prodigieufe
grandeur de ce Géant dont on
dit que Jean I. Duc de Berry , vit en
1456. les Offemens proche Valence en
Dauphiné , dans la Baronie de Cruffol , &
dont il fit apporter une partie à Bourges
Chaumeau , qui n'eft point accoûtumé
à diminuer le mérite des Raretez de
la Ville de Bourges , & qui en vit des reftes
à la Sainte- Chapelle , dit qu'il n'avoit
que quinze coudées de hauteur. (a)
Etoit- ce-là un fujet qui méritât d'être relevé
par les pompeux Vers qu'il rapporte
Durant le cours de ce Prince notable ,
Fut mis à mort d'une maffe maffive ,
Un grand Géant de grandeur exceffive,
Qui furmontoit en hauteur juftement ,
De douze pieds ceux qui font maintenant,
Le Duc voyant l'horrible Créature ,
(a) Jean Chaumeau , Hiftoire de Berry 1566.
pages 239, 231.
Bij
Tant
452 MERCURE DE FRANCE,
Tant exceder les Metes de Nature ,
Fit colliger par defir curieux ,
Des Offemens du Monftre furieux ;
Et pour montrer tant merveilleux fpecta cle ,
Les enchaîna fous ce grand habitacle.
i
Je ne fçai fi Gulliver a cru forger une
idée de hauteur dans les hommes qui n'eût
jamais exifté, lorſqu'il a décrit fon Royau
me imaginaire , quoiqu'il en foit , les
Geans de Macedoine & d'Afrique fe trouvent
comparables à ceux de ce Royaume,
C'est ce qui doit mettre à l'abri de la critique
les Sculpteurs ou plutôt les Architectes
qui ont donné aux Statuës de
S. Chriftophe une taille de trente , quarante
, cinquante pieds , & même davantage
, telles qu'on les voit à Paris , à
Auxerre & à Rome ; & fi l'on n'avoit
pas d'autre argument contre la Legende
de ce Saint , que l'énormité de fa ftature ,
je vous déclare franchement que je ne
crois pas qu'on fût bien fondé à la combattre.
Vous voyez , M. qu'il n'eft pas toûjours
inutile de mettre à part certains traits
hiftoriques & finguliers qu'on rencontre
ep lifant les Ouvrages des Saints Peres
ou des Hiftoriens , foit Ecclefiaftiques ,
foit
MARS. 1728. 453
foit profanes . L'Extrait que plufieurs
Journaux ont donné du Livre intitulé ,
les Chats , m'a auffi rappellé une particularité
qui pourroit trouver place dans ce
Livre, & qui ne convient gueres ailleurs .
C'eſt Jean , Diacre de Rome , qui nous
fait remarquer dans la vie qu'il a écrite
de S. Grégoire Pape I. du nom , qu'il y
eut un Solitaire de fi grande vertu du
temps de ce S. Pontife , que Dieu lui révela
qu'il joüiroit du même degré de Beatitude
que ce S. Pape. Or ce Solitaire ne
poffedoit rien au monde qu'une Chatte .
Virmagna virtutis qui nihil in mundopoffidebat
prater unam Cattam quam blanditiis
crebrò quafi cohabitatricem in fuis gremiis
refovebat. (a) La grande pauvreté de cet
Hermite l'empêchoit de comprendre comment
il pourroit n'être récompenfé qu'à
l'égal de S. Grégoire qui poffedoit des biens
immenfes. Une feconde révelation lui
apprit qu'il n'étoit pas fi pauvre ni fi détaché
qu'il le penfoit , puifqu'il avoit pour
fa Chatte plus d'attachement que S. Gré.
goire n'en avoit à tous les grands biens
dont il joüiffoit. Cur audes paupertatem
tuam Gregorii divitiis comparare , qui magis
illam Cattam quam habes , quotidie
(a) Joan. Diac. Rom. lib. 2. Cap. 60. l'Edition
des Benedictins met Gattam. M. du Cange
a mis dans fon Gloffaire , Cattam .
B iij pal454
MERCURE DE FRANCÉ.
palpando , nullique conferendo diligere
comprobas quàm ille qui tantas divitias
non amando fed contemnendo cunctisque
liberaliter largiendo difpergit? Ce trait hiftorique
peut fervir en même temps d'apologie
& de leçon à ceux & celles qui
aiment les Chats. J'aurois voulu que
M. de Montcrif ne l'eût pas oublié.
Ce 15. Septembre 1727 .
EPITHA LAME ·
Sur le Mariage de M. Sonning , Receveur
General des Finances de Paris ,
avec M Des Alleurs.
U bord d'une Fontaine où naiffent mille
fleurs ,
Qui lui rendent l'éclat que leur prête fon
Onde ,
Amour , las de bleffer des coeurs
Joüiffoit du repos qu'il ôte à tout le monde.
Des Alleurs apperçoit ce fuperbe ennemi :
Examinons , dit- elle , il a le fommeil tendre ,
Il ne dort fouvent qu'à demi ,
Et le traître pour mieux furprendre ,
Feint
MARS. 1728 .
455
Feint quelquefois d'être endormi :
Mais , non , plus je le vois , plus ma joye eft
extrême ;
Le paifible fommeil enchaîne tous fes fens ,
Et je puis fans crainte moi- même ,
Enchaîner aujourd'hui le plus fier des Tirans.
Des cordes de fon Arc lions fes mains cruelles ,
Que ma ceinture & mes rubans ,
Attachent les perfides aîles ,
Qu'il prete aux volages Amans.
L'Amour s'éveille avec furpriſe ,
Veut rompre fes liens , menace , fond en pleurs .
Inexorable Des Alleurs ,
Tu ris de fa vaine entrepriſe ,
De fes cris & de fes furcurs.
Chargé de ces nouvelles chaînes ,
Il fuit tes traces en tous lieux ;
Un feul de tes regards adouciroit fes peines ,
Mais tu ne daignes pas fur lui tourner les
yeux.
Un jour l'Hymen fur fon paffage ,
Rencontra ce trifte Captif,
Et de fon cruel efclavage ,
Fut , malgré leurs débats , penetré juſqu'au vif.
B iiij
Mon
456 MERCURE DE FRANCE.
Mon frere , lui dit- il , je vole à ta deffenſe ;
Je vais brifer ta chaîne & venger tes mak
heurs ,
Doane-moi par reconnoiffance ,
Quelque Trait pour bleffer Sonning & Des
Alleurs.
Il faut leur faire violence ,
En uniffant contre eux nos Traits & nos Douceurs
;
Votre bonté pour moi , dit l'Amour , eft extrême
,
Mon frere & vous devez compter fur mon
retour ,
Mais qui peut mieux que l'Amour même
Lancer les Fleches de l'Amour ?
Débarraffez mes mains de ces chaînes cruelles,
Et vous verrez für eux tomber mes premiers
coups.
Je confens d'oublier nos fameufes querelles ,
Et ne demande point l'ufage de mes aîles ;.
Je veux bien me fixer auprès d'eux & de vous.
L'Hymen figne un Traité fi doux,
Auffi- tôt l'Amour libre avec l'Arc de fon frere,
Frappe de mille Traits Sonning & Des Alleurs.
Arrête , dit l'Hymen , defarme ta colere ;
C'eſt trop bleffer deux jeunes coeurs.
Non 2
MARS.
1728. 457
Non , non , reprit l'Amour , par ces atteintes
fûres ,
Mes Traits ne vengent point ce qu'on m'a fait
fouffrir ,
Je prens pour leur bonheur les plus juſtes me
fures ;
Quand pour remplir leurs voeux vous venez
vous offrir ,
Pourrois-je trop les attendrir ?
Je leur veux chaque jour faire tant de blef
fures ,
Que vous ne les puiffiez guérir.
Des Sandrais .
LETTRE fur la joye & la trifteffe ,
Le rire & le pleurer, &c.

Ous embraffez beaucoup de chofes,
Monfieur, dans l'Ouvrage dont vous
m'avez envoyé le projet . Vous l'intitulez
Differtation , mais il y a de quoi en faire
cinq ou fix fort étendues ; car vous y
faites entrer ce qui regarde le babil ,
joye & la tristeße , le rire & le pleurer ,
qui font autant de Chapitres à traiter, ou,
fi vous voulez , de fujets de Differtations
la
By qu'on
458 MERCURE DE FRANCE :
qu'on peut orner de Recherches curieufes
& agreables à lire.
Vous avez trop bonne opinion de mes
lumieres & de ma capacité. Je ne puis
vous donner là- deffus que de foibles fecours.
Mais comme je fuis toûjours foumis
à vos ordres , je vais jetter fur le papier
indiftinctement ce que je croirai pouvoir
vous être de quelque ufage . Vous
rectifierez & amplifierez tant qu'il vous
plaira.
Je ne fuis pas de votre avis au fujet
des larmes. Je pense que même les plus
ameres ont une forte de volupté . Cela ne
feroit pas fi difficile à prouver que vous
pourriez le croire. Quelques Medecins
croyent qu'elles font fouvent utiles à la
fanté , & que rien ne fert davantage à
purger le cerveau , furtout dans le bas âge.
J'ai lû quelque part que les Indiens ufent
d'une efpece d'ortie , avec laquelle ils
frappent les petits enfans pour les faire
pleurer , ce qu'on croit leur procurer la
fanté , en déchargeant la tête des humeurs
qui s'y amaffent.
On lit que le fameux Peintre Zeuxis ,
qui fçut fi bien tromper les Oifeaux par
des Raifins fortis de fon Pinceau , après
avoir peint une vieille femme d'une maniere
grotefque & finguliere , il trouva
cette Figure fi naïve & fi plaifante qu'il
fe
MARS. 1728. 459
fe prit à rire avec tant de violence & fi
long- temps , qu'il en mourut.
On prétend auffi que le Peintre Verrius
mourut à force de rire.
Julie mourut de joye en embraſſant ſon
fils qu'elle croyoit avoir été tué à la Bataille
de Trafimene .
Cryfipe mourut auffi à force de tire ,
voyant un âne manger des Figues.
Diagoras, Rhodien , voyant fes trois fils
victorieux en un feul jour aux Jeux Olim.
piques , en mourut de joye .
Sinan , Pacha , General des Galeres de
Soliman II. expira en voyant fon fils unique
qu'il croyoit perdu .
Le fameux Poëte Sophocle , pour avoir
remporté le Prix de la Tragedie à l'âge
de 72. ans .
Le Poëte Philippe , pour avoir remporté
le Prix de la Comedie.
M. Boneti , dans fon Recueil latin des
Obfervations faites dans le Nord , fur la
Medecine , imprimé à Genéve , in folio
en 1686. remarque qu'il y avoit de fon
temps un Curé dans la Silefie , qui ne
pouvoit voir certains gateaux très - communs
en ce Pays- là , fans s'éclater de rire
d'une telle force , qu'il auroit étouffé fi
on n'avoit eu la prudence de lui ôter cet
objet de devant les yeux. Louis Vivez ,
nous apprend au Livre 3. de l'Ame , que
B vj les
460 MERCURE DE FRANCE:
les premiers morceaux qu'il mangeoit
après un long jeûne , le faifoient rire
malgré qu'il en eût.
Ceux qui étoient deſcendus dans l'Antre
de Trophonius , ne rioient plus le
refte de leur vie . l'Antiquité prétend que
Parmenifque en fit l'épreuve ; qu'il fut
toûjours depuis extrémement férieux , &
que rien n'étoit plus capable de le divertir
, ni de l'exciter à la joye .
Tout unPeuple étoit fi difpofé à la joye &
à la gayeté , qu'il n'étoit plus capable de
rien, c'étoient les Tirinthiens : comme ils ne
pouvoient plus reprendre leur férieux fur
quoi que ce foit , tout étoit en defordre
parmi eux. S'ils s'affembloient , tous leurs
entretiens rouloient fur des folies , au lieu
de rouler fur les affaires publiques : s'ils
recevoient des Ambaffadeurs , ils les tournoient
en ridicule . S'ils tenoient le Confeil
de Ville , les avis des plus graves Sénateurs
n'étoient que des bouffonneries ,
& en toutes fortes d'occafions , une parole
ou une action raifonnable , eût été .
un prodige chez cette Nation. Ils fe fentirent
enfin fort incommodez de cet efprit
de plaifanterie ; ils allerent confulter
Î'Oracle de Delphes , pour lui demander
les moyens de recouvrer un peu de ferieux .
L'Oracle répondit , que s'ils pouvoient
facrifier un Taureau à Neptune fans rire ,
il
MARS. 1728. 461
pour
il feroit deformais en leur pouvoir d'être
plus fages. Un Sacrifice n'eft pas une action
fi plaifante d'elle-même ; cependant
le faire férieufement ils y apporterent
bien des précautions . Ils réfolurent de
n'y point recevoir de jeunes gens , mais
feulement des vieillards , & non pas encore
toute forte de vieillards , mais feulement
ceux qui avoient ou des infirmi
tez , ou beaucoup de dertes , ou des femmes
fâcheufes & incommodes . Quand
toutes ces perfonnes choifies furent fur
le bord de la Mer , pour immoler la Victime
, il fallut encore , malgré les femmes
diableffes , les dettes , les maladies & l'âge ,
qu'ils compofaffent leur air, baiffaffent les
yeux, & fe mordiffent les levres ; mais
par malheur il fe trouva là un enfant
qui s'y étoit gliffé. On voulut le chaffer ,
& il cria : Quoi ! avez- vous pour que je
n'avale votreŤaureau.Cette fottife déconcerta
toutes ces gravitez contrefaites ; on
éclata de rire , le Sacrifice fut troublé &
a raifon ne vint point aux Tirinthiens .
Les Medecins ont auffi obfervé que le
grand babil n'eft pas contraire à la ſanté
ils croyent au contraire qu'il y contribuë
beaucoup, & qu'il tient lieu d'un exercice
violent. Les perfonnes qui parlent beaucoup
, comme il arrive fouvent aux femmes,
ont moins beſoin de faire de l'exer--
cice:
462 MERCURE DE FRANCE .
cice
pour fe bien porter
, que
les hom
mes , en qui la Nature
paroît
admirable
.
Les
Prédicateurs
& les Avocats
, les Comediens
même
, qui
parlent
haut
&
fouvent
d'une
maniere
violente
, joüiffent
ordinairement
d'une
très-bonne
fanté
, & fe font
une bonne
conftitution
; ils
fe déchargent
, en parlant
, d'une
infinité
d'humeurs
qui pourroient
cauſer
diverſes
maladies
.
A MADE LA MARQUISE DU ROURE ,
Sur ce qu'étant groffe de fix mois ,
elle s'eft bleffée.
Ous vous êtes bleffée ; ah ! j'en fçais la
raiſon ,
Illuftre & charmante Artenice ;
L'affreufe jaloufie a verlé fon poifon ,
Dans un coeur qui jamais ne vous fera propice
Qui yous haït tout de bon ,
Et qui pis eft avec juſtice.
C'eſt celui de Venus , elle étoit avant vous
La Reine des coeurs par fes charmes ,
Maintenant tout vous rend les armes ,
On
MAR S. 1728. 463⋅
On la réduit à fon craffeux époux .
Et vous ne voulez pas que fon coeur foit jaloux
?
Elle a contre vos traits , qui caufent fes allarmes
,
Armé la maladie & toutes fes fureurs ;
Vos Traits en ont été vainqueurs ,
Venus vous voit toûjours plus belle ;
Elle eft femme ; jugez quel fupplice pour elle a
Ce n'étoit pas affez ; deux Aftres radieux ,
Sortis de votre fein , embelliffent la Terre.
Et d'un nouvel éclat embelliront les Cieux ;
Que de motifs pour vous faire la guerre !
Tous les dons que fur vous prodiguerent les
Dieux
Sageffe, efprit , douceur , vertu conſtante ,
Ce font des forfaits à fes yeux .
Avec tant de mérite on n'eft pas innocente
Et fur tel cas le fexe eft furieux .
Mais ce qui plus la defefpere ,
Vous allez nous donner un fils ;
Ce fils aura la grace de la mere ;
Et L'air noble & le coeur du pere ;
Nouveau fujet de rage pour Cypris.
La
464 MERCURE DE FRANCE .
La cruelle vouloit empêcher fa naiffance :
Ne craignez rien ; ce fera vainement ,
Et le grand Jupiter m'en a fait le ferment
Ce fils naîtra , que Venus s'en offenſe ,
Ce n'eft de quoi le foucie autrement
Du Roy des Dieux la fuprême puiffance ;
Et malgré les foins de Venus ,
Pour affurer fa jalouſe vengeance ,
Cene fera pour vous qu'un triomphe de plus.
J. B. P.
A Aix le 14. Février 1728.
ᎣᎣ aaa ᎣᎣᎣᎣ ᎣᎣ
LETTRE écrite le 3. Janvier 1728. au
fujet d'un Livre intitulé : Suite des
Maladies Chroniques , & c. par P. V.
Dubois , & c.
LELivre ,Monfieur , dont j'ai à vous
entretenir aujourd'hui , eft intitulé ,
Suite des Maladies Chroniques , aiguës ,
où l'on traite de la Goute , du Rhuma
tifme rebel , de la Paralifie , & par oceafion
de l'Apoplexie , des Vapeurs &
de l'Epilepfie , de l'Afthme , de la Pulmonie
& de la Pleurefie , & des Remedes
convenables
MARS. 1728. 465
Convenables pour guerir toutes ces Maladies.
Par P.V.D. ancien Prevôt & Garde
des Maîtres Chirurgiens de Paris . Tome
II. A Paris , au Palais , chez Paulus-
Dumefnil , Imprimeur - Libraire , Grande
Salle , au Pilier des Confultations , au
Lion d'or , 1727. in 12. de 465. pages
'fans la Préface .
P. V. Dubois vous eft déja connu par
plus d'un Ouvrage qu'il a fait imprimer ,
ainfi la nature des maladies dont il traite
dans ce dernier , leur pronoftic & la méthode
de les guérir , y étant expliquez ,
comme dit l'Aprobateur , à fa maniere
ordinaire , il ne vous fera pas difficile de
juger du ftile dont il eft écrit , & quelle
utilité le Public en retirera.
La Préface fait voir quel eft le deffein
de notre Chirurgien . Il y fait connoître
les raifons qui l'ont engagé à donner ce
nouveau volume , & la principale eft
qu'il l'avoit annoncé & promis dans
fon précedent. Il nous y avertit auffi qu'il
le finit par une Differtation fur la Pleurefie
, afin , dit- il , qu'il ne paroiffe pas
que j'aye paffé une maladie fi fréquente
fans en dire mon fentiment.
Son deffein étoit après avoir fini ce
volume des Maladies Chroniques , d'en
interrompre le cours , afin de mettre au
jour fon Hiftoire naturelle de l'homme ;
maís
466 MERCURE DE FRANCE .
mais je fuis, dit - il , fi inftamment follicité
de la faire préceder par un Traité des
Maladies de la peau , que je me fuis déterminé
à donner encore cet Ouvrage ..
où je tâcherai de ne laiffer rien à defirer
furtout pour la cure des Pâles - couleurs ,
des Dartres vives , de la Lepre & de l'Elephantie
. Enfuite de quoi , continue- t'il ,
je donnerai l'Ouvrage annoncé , qui eſt
un Cours entier d'Anatomie , different
de tous ceux qui ont été publiez juſqu'à
preſent . Vous voyez , Monfieur , l'obligation
que l'on doit avoir à notreChirurgien
de l'exactitude qu'il a de s'acquitter des
engagemens qu'il prend avec le Public.
Il entre en matiere par traiter de la
Goute , & il fait voir que quoiqu'elle foit
une très- fâcheufe maladie , tant à cauſe
des violentes douleurs dont elle travaille
ceux qui en font attaquez , que par la
difficulté de la Cure ; elle eft pourtant en
un fens plus fupportable que beaucoup
d'autres maux. 1. dit - il , Elle n'interreffe
ordinairement que des perfonnes aifées .
2. Les accès de la Goute étant d'abord
affez éloignez les uns des autres
, elle eft moins dangereufe que les
maladies qui ne donnent aucun relâche.
3. Ceux qui font attaquez de ce mal , ne
laiffent pas de remplir à peu près leur
carriere.
Ов
MARS. 1728 . 467
On voit enfuite ce que les Anciens ont
penfé de la Goute ; & M. D. fans s'embarraffer
de la Chronologie , expofe le
fentiment des Auteurs Grecs , Latins ,
François , Arabes , & c . c'est-à -dire , Hippocrate
, le Long , Medecin à Provins ,
fon Commentateur , Galien , Paracelle ,
Ettmuler , Tachenius , Gui de Choliac ,
Pigray , Rafis , Avicenne , & c .
Après le fentiment de tous ces Auteurs ,
Monfieur , que j'ai nommez ici fuivant
l'ordre que leur donne notre Auteur , on
voit la définition qu'il fait lui - même de
la Goute. » La Goute , dit - il , eft une
>>> tumeur contre Nature , caufée par la
>> congeſtion d'une lymphe Saline , plus
» ou moins âcre , qui attaque pour l'or-
» dinaire les jointures , accompagnée de
douleur , de tention , & fouvent d'in-
» flammation , dont la douleur eft plus
» ou moins vive à proportion de la qua-
» lité & de la quantité de l'humeur qui
» la produit.
M. Dubois , après quelques Auteurs ,
reconnoît quatre efpeces de Goutes qu'il
tire d'abord des parties où elles arrivent ,
de l'humeur qui les produit , de l'intemperie
qui les accompagne , & des accidens
qui en font la fuite ; & en conféquence
des parties qui en font attaquées , il leur
donne les dénominations qui conviennent
,
468 MERCURE DE FRANCE.
nent , comme celles de Podagre , Chira
gre , Gonagre , &c .
Les caufes de la Goute , fuivant notre
Auteur , font prochaines ou éloignées ,
c'est-à- dire , qu'elles font hereditaires ou
acquifes ; l'on entend , continue-t- il , par
les caufes hereditaires de la Goute , celles
qui viennent de la premiere conformation
, qui coulent de fource , & qui paf
fent du pere dans l'enfant , &c.
Les caufes acquifes des Goutes fent
primitives , antecedentes ou conjointes.
Les caufes primitives les plus generales ,
font la bonne chere , la vie oifive , &
P'ufage immoderé de l'Amour. La bonne
chere , dit - il , eft une fource de Goute ,
en ce qu'elle devient la caufe occafion
nelle des paffions , & furtout de celle
de l'amour. C'eft pour cela que notre
Chirurgien reconnoît deux puiffantes caufes
de la Goute ; Bacchus , comme fon
pere , dautant que le vin pris par excès
fournit dans les fluides un acide picquant,
& un tartre agaçant , qui ne peuvent être
furmontez par le ferment de l'eftomac ,
qui en eft lui-même troublé & perverti.
Nous regardons , dit- il , Venus comme
fa mere , parce que c'eft dans les plaifirs
immoderez de l'amour , que les fubftances
les plus douces , les plus balfamiques,
& les plus fpiritueufes font diffipées , &
tous
MARS. 1728. 469
·
tous les fluides appauvris. Enfin la colere
eft , dit-il , un troifiéme Agent danscette
maladie, propre à en accelerer les accès.
Cette paffion furieufe, foüette le fang
& les efprits , les éxalte & les diffipe.
M. D. remarque que c'eft particulierement
depuis l'âge de 25. ans juſqu'à 40 .
C'eft pendant ces temps - là, continuë- t- il ,
que s'établiffent le fond de la Goute , &c .
De ces deux grandes fources , il naît
encore une autre cauſe ſecrete & équivo .
que de la Goute .... Nous entendons
dit- il , par cette caufe fecrete de la Goute
les fruits d'un amour impur , les galan
teries cuifantes mal gueries dans leur
tems , dont nous pourrions fournir plufieurs
exemples , mais nous nous bornons,
continue- t- il , à un évenement tout récent.

Après une digreffion faite fur cet évenement
, notre Chirurgien revient à fon
fujet , il croit qu'on peut encore ajoûter
à toutes les caufes de la Goute dont il
a parlé d'abord , les vapeurs des fouffres
groffiers qui s'éxhalent desMineraux en les
travaillant , c'eſt à quoi les Ouvriers qui
font occupez aux Mines , aux préparations
du Mercure , aux Fontes de plomb,
& c. font affez fujets .
Les Pronostics de la Goute , felon lui ,
dépendent du temps qu'il y a que le malade
470 MERCURE DE FRANCE
lade a commencé d'en être attaqué , de
la durée de ſes accès , de leur violence , du
genre de vie qu'ont mené les malades ,
&c. La cure de la Goute a deux temps
& deux vûës pour principal objet , fçavoir
, celui du paroxifme , & de palliation
, & celui de l'abfence ou de la fin
du paroxiſme de préſervation ou de cure
radicale.
A l'égard du paroxifime , comme il est
excité par un effort de la Nature qui pouffe
au-dehors les humeurs viciées & picquantes
, il faut feconder fes mouvemens,
& lui aider en flatant d'abord l'humeur
effarouchée , & dans une espece d'orgaſme,
& fuivre éxactement les quatre tems
de l'accès , en adminiſtrant en chacun de
ces temps les fecours neceffaires fuivant la
nature des fymptômes ; car , dit- il , quand
la nature eft foible, & que le paroxisme ne
remplit pas bien tous ces temps , qu'il
refte dans la maffe des fluides une partie
de l'humeur qui auroit dû produire
la crife parfaite , cette humeur , fi elle
n'eft rappellée à fa deftination , peut être
portée fur d'autres parties & devenir funeſte
.
>
Pour éviter cet inconvenient , on ordonne
un régime convenable comme
font quelques potions diaphoretiques ;
Les Narcotiques doivent auffi être pru
demment
MARS 1728. 471
demment employez ; il faut même , dit- il,
mettre en uſage jufqu'à la faignée , car
c'eſt une erreur , dit notre Chirurgien
de penfer que la faignée y foit nuifible ...
Les lavemens anodins dans le temps
même du commencement de l'accès , auffi
bien que les purgations minoratives , font
d'un grand fecours. Les vomitifs peuvent
avoir lieu dans la fuite de l'accès ,
pour peu qu'ils foient indiquez par la
difpofition du malade ; mais entre tous les
Emetiques le Kermés mineral , quoique
moins fûr dans fes effets que tous les au
tres Emetiques , doit neanmoins leur être
préferé , parce qu'entre autres qualitez ,
étant diaphorétique, il pouffe par la tranfpiration
..
Dans le déclin de l'accès , les boiffons
vulneraires , & c. legerement fudorifiques
font fort convenables , telles que font
l'uſage du Thé leger , les Ptifannes de
Squine , de Salfepareille pour la cure de
ce mal , tant pour adoucir les aigres du
fang , que pour procurer la tranfpiration
, fuivant les fages confeils d'un
habile Medecin : enfin , M. Dubois propofe
encore plufieurs remedes pour la
guérifon de la Goute ; il expofe le fenti
ment d'Ettemuler ; mais quoiqu'à fon jugement
, ce foit un Auteur refpectable ,
il donne la préference à ceux , dit-il , de
David
472 MERCURE DE FRANCE:
David Planis-Camp , fon Auteur favori
en fait de remedes.
Voilà , Monfieur, une idée de ce qui eft
contenu dans ce volume , à l'égard de la
Goute ; les autres maladies énoncées dans
le titre , y ſont traitées à leur rang & de
la même maniere. Je ſuis , &c.
REFLEXIONS.
L y a lieu de s'étonner que l'Aftrologie
judiciaire & les fauffes Prophéties
ayent confervé quelque crédit dans un
fiecle auffi éclairé que le nôtre , mais la
paffion de connoître l'avenir , plus forte
que les plus fages réflexions , maintiendra
toujours ce goût déraiſonnable , tandis
que l'avidité de connoître fa deftinée
& l'avidité de gagner en feignant de l'ap:
prendre, fubfifteront .
Nous ne fommes jamais chez nous ,
nous fommes toûjours au- delà de nous.
La crainte , le defir , l'efperance , nous
élancent vers l'avenir , & nous dérobent
le fentiment de ce qui eft , pour nous
amufer à ce qui fera , même quand nous
ne ferons plus.
MARS. 1728 .. 473
Il n'y a que l'experience qui puiffe apprendre
aux hommes à ne pas préferer
ce qui les picque dans le prefent , à ce
qui les doit toucher bien plus effentiellement
dans l'avenir .
On connoît toûjours mieux les autres
qu'on ne fe connoît foi-même : les défauts
d'autrui nous bleffent bien plus que les
nôtres : le commerce que nous avons avec
nos propres inclinations nous les déguiſe ;
il fe fait , pour ainfi - dire , une espece d'habitude
entre notre raiſon & nos deffauts,
qui les fait fubfifter enſemble fans le faire
la guerre.!
Tous les hommes font perfuadez de la
neceflité qu'il y a de fe connoître ; cependant
rien ne leur paroît fi infuportable
que cette connoiffance , parce qu'elle
leur découvre leur mifere interieure
dont ils ne peuvent fupporter la vûë . De
là vient cet amour pour les occupations
diffipantes , qui ne font en effet que
fecret de fe dérober à foi- meme.
le
La connoiffance de foi-même est le
fondement de toutes les vertus & de toutes
les perfections : comme l'ignorance
de foi-même eft la fource de tous les
vices & de tous les deffauts .
C Une
474 MERCURE DE FRANCE .
Une grande beauté dans une femme
fe convertit en laideur , & un homme
avec beaucoup d'efprit eft ridicule par
feule force de l'affectation .
la
N'avoir rien de rude & rien d'affecté ,
c'est être poli ; car la rufticité naît de
la rudeffe , & le précieux de l'affectation .
Le feul but de la politeffe eft de fe rendre
agréable à tous par des manieres
attrayantes.
L'affectation n'est jamais exempte d'or
gueil , ni de tout ſoupçon de vanité.
Toute affectation eft vicieufe , furtout
dans le ftile . Des termes recherchez , deş
tours étudiez, trop de penfées jettées dans
la narration , fardent un Ouvrage, & lui
ôtent plus de beauté qu'ils ne lui en donnent.
C'eft un faux gout , dont bien des
gens font infectez.
La vraye conftance eft comme une enclume
, qui s'endurcit plus elle eft battuë,
La conftance des Sages n'eft que l'art
de renfermer leur agitation dans leur
coeur.
On ne refifte pas long -temps à la crain-
[C
M A'R S.
1728. 475
te de la perfecution , & à l'efperance de
la faveur.
Pour être heureux & tranquille dans
la retraite , il faut y être conduit par
d'autres motifs que ceux de la colere ,
du dépit, & du chagrin ; car dès qu'ils font
paffez , on regrette le monde , on s'ennuye ,
on fe dégoute, & fouvent on fe defefpere.
C. Sulpitius Galba , faiſant ſemblant
de dormir , pendant que Mecenas parloit
d'amour à fa femme , & voyant en même-
tems un de ſes valers qui déroboit du
vin au buffet , pendant qu'il dormoit de
cette maniere Puer, non omnibus dormio.
Mon Garçon , lui dit -il , je ne dors
pas pour tout le monde.
C'eſt un plus grand fecret qu'on ne
penfe, que de fçavoir fouffrir ce qu'on ne
peut empêcher.
Nous croyons toûjours qu'on devine
nos fentimens fecrets ; mais nous ne
craignons point qu'on nous foupçonne
de ceux que nous n'avons pas.
Il faut bien de l'art à feindre de la
déference pour les fentimens d'autrui ,
& à ne cacher le fien que pour porter
tout le monde à le fuivre.
Cij On
47.6 MERCURE DE FRANCE.
On juftifie fouvent par fa conduite ce
qu'on blâme par fon raiſonnement.
Le fuccès autorifé fouvent une conduite
imprudente & même folle. Ce qui
prouveroit que la plupart des chofes du
monde fe font d'elles- mêmes .
Dans la conduite des affaires , il faut
efperer en Dieu , comme s'il n'y avoit
point de moyens humains , & fe fervir
des moyens humains , comme s'il n'y
voit pas lieu d'efperer en Dieu.
Une armée de Cerfs , conduite par
un Lion , eft plus à craindre qu'une armée
de Lions conduite par un Cerf.
Chabrias , Capitaine Athénien.
Quelque facile que foit une chofe , elle
devient difficile & odieufe , quand on
la fait malgré foi.
Nulla eft tam facilis res , quin difficilis
fiet , quam invitus facias.Terence.
L'homme le porte d'ordinaire au contraire
de ce qu'on exige de lui , il aime
toûjours mieux fuivre que de fouffrix
qu'on le mene. Seneq.
Nous voulons toûjours faire ce qui .
nous
MARS . 1728. 477
nous eft deffendu , & avoir ce qu'on nous
refuſe.
Nitimur in vetitum femper , cupimusque
negatum .
Rien n'eft fi fatigant qu'un homme qui
croit ne fatiguer jamais ; fi ce n'eft celui
qui croit de fatiguer toûjours .
XXXXXX:XXXX :XXXXX
LETTRE d'une Dame à fon Amie ,
fur les Etats de Languedoc , tenus
Vo
à Nifmes.
Ous me faites , ma Chere , une fi
jolie Deſcription de nos Etats de
Nifmes , qu'il me femble que tous les
plaifirs s'y font raffemblez ; effectivement
il en refte fort peu ailleurs. Je m'ima→
gine que la Cour de Paphos eft déferte ,
que tout eft parti pour le Languedoc &
Les jeux , les plaifirs , les graces ,
Ont abandonné Paphos ;
Les amours fuivent leurs traces ,
Les voilà deffus les flots;
Cette Troupe vagabonde ,
Sans crainte , traverſe l'Onde ,
Sur les Carquois de l'Amour ,
C iij
Sans
478 MERCURE DE FRANCE.
Sans fefixer de fejour.
Ils arrivent en Provence ;
La vivacité , la danſe ,
1
Ni les fortunez climats ,
Ne les arrêterent pas.
Ils traverferent le Rhône ,
Le Pont du Gar les étonne
Trois ou quatre Cupidons ,
Volent le long du Gardons.
Ils rencontrent là des filles ,
Si charmantes , fi gentilles ,
Qu'ils en furent enchantez ,
Et l'un d'eux , dit : Arrêtez ,
Amathonte , ni Cythere ,
2.
N'ont rien qui puiffe me plaire ,
Plus que tout ce que je vois ;
Venus eft ici , je crois.
Pourfuivons notre voyage ,
Dit un jeu des plus badins ,
Pour moi je veux rendre hommage ,
A Comus , Dieu des Feftins.
Je fçais qu'en cette Contrée ,
La Fare tient les Etats ,
La Champagne tranſportée ,
Fournit
MARS. 479 1728.
Fournit à tous les repas ,
Il eft digne fils d'un pere ,
Qui jufques à fà mort conferva l'art de plaire,
Favori des neuf Soeurs , de Mars & d'Apollon,
Et le feul heritier du Luth d'Anacreon.
Cette Troupe fi charmante ,
S'avance , court , vole & chante
La Fare tient les Etats ,
Hé pourquoi n'y ferions- nous pas .
LETTRE écrite d'Auxonne le S.
Décembre 1727. à M. Tercier , par
M.Berbis de Mailly , fur le Clou que les
Payens attachoient folemnellement dans
leurs Temples.
MONSI ONSIEUR ,
Pour entrer en matiere fur l'explica
tion du Clou dont parle Tite- Live , lib.
5. je vous dirai d'abord que je me fers
de l'Edition de Velſtein de 1715. in 8.
faite à Amfterdam , par les foins de
M. le Clerc .
La ceremonie du Clou avoit à Rome
un jour fixe , qui étoit le 13. Septembre
C iiij
&
480 MERCURE DE FRANCE .
& comme apparemment la cerémonie ſe
faifoit le matin , il eft marqué dans fe
Calendrier N. P. ce qui fignifie que la
premiere partie du jour étoit interdite aux
actions judiciaires , ce qu'on appelle parmi
nous Férie au Palais .
Les Volfiniens , Peuples d'Etrurie ,
avoient un Temple ancien & fameux de
la Déeffe Nortia . Cincius , Auteur cité par
Tite- Live , dit que : In eo clavos indices
numeri annorum fixos comparere affirma ' .
Pompeius Feftus , en parlant du Clou en
queſtion , dit , Clavus annalis appellabatur
qui figebatur in parietibus facrarum
Ædiumper annos fingulos ut per cos colligeretur
numerus annorum; c'eſt- à - dire , de la
fondation du Temple . Tite- Live, dans l'endroit
cy deffus , en rend raifon ; c'eft que
du temps de la fondation du Temple de
la Déeffe Nortia , rara erant Littera , en
Italie s'entend , où elles ne furent apportées
par Evander , qu'environ l'an du
Monde 2700.qui répond à la Judicature
de Gédeon. Ainfi ce Temple de Nortia ,
fi ancien , précède au plus de peu d'années
celui de Salomon. Dès le temps de
Gédeon les Lettres étoient communes chez
les Hébreux & dans l'Orient , ainfi on
n'avoit pas befoin de Clou pour conferver
la memoire des Epoques fimeuſes .
Voilà l'origine & le deffein de ce Clou
chez
MARS. 1728. 481
chez les Peuples plus anciens que Rome.
Cette Ville prit les fuperftitions des Peuples
qu'elle avoit vaincus. Pour cela , dip
Tite-Live , lex vetufta prifcis Litteris ,
verbifque fcripta , utque Prætor Maximus
fit Idibus Septembris Clavum pangat.
Cette Loi, malgré le mot antique , pangere
Clavum , feroit peu ancienne fi on
prenoit le mot Prator en la fignification
qu'il avoit l'an 391. temps auquel en
parle cet Auteur , & qui vit le fils du
grand Camille exercer le premier la Prêture
, créée peu de mois auparavant →
mais le mot Maximus me fait juger que.
les termes de la Loi font pris de celle
des Volfiniens . Ces Peuples avoient des
Magiftrats , Albe avoit des Dictateurs
avant Rome , qui dans la fuite donna à ſes
Magiftrats les noms de ceux des Peuples
vaincus. Je conjecture que Prator Maximus
étoit le premier Magiftrat chez les
Volfiniens ; fi Tite- Live avoit parlé d'une
Loi faite à Rome , il n'auroit pas dit Lex
vetufta , on ne commença à l'établir qu'après
l'expulfion des Rois , & en 391. à
Rome c'étoit mêmes Lettres & même
Langue qu'alors.
M. Horatius , ex Lege Templum Jovis
O. M. dedicavit anno poft Reges exacto.
Glareau ,furTite- Live , croit ces mots tranf
pofez -là d'un autre endroit , & les traite
Cy d'in482
MERCURE DE FRANCE:
utiles. Sigonius les foutient du Texte ,
il auroit dû ajoûter , pour le prouver , que
l'Hiſtorien a raiſon de parler de ce Tem
ple , parce que c'eft à l'occafion de la
fondation de cet Edifice facré , le přemier
bâti par le Peuple libre ; que quoique
la rareté des Lettres ne fubfiftât plus , on
inftitua , à l'imitation des Volfiniens , la
céremonie du Clou , annal pour compter
les années de la fondation de ce Temple
dédié au premier des Dieux. En effet ,
Fixusfuit à latere dextro adis Jovis O.M.
ex ea parte quâ Minerva Templum eft ,
soque Minerva Templo dicatam Legem ,
quia numerus Minerva inventum fit.
Ce dernier Texte me fait conjecturer
que la même année qu'Horatius dédia
le Temple de Jupiter , pour perpetuer
la
memoire de ce Fait , il fit faire la Loi qui
ordonnoit la Fête de la Dédicace de ce
Temple chaque année , qu'il la fit placer
dans le Temple de Minerve cette année
245. & que les termes de la Loi nouvelle
furent copiez fur celle des Volfiniens
. Sans cette conjecture il eft difficile
d'expliquer comment cette Loy ancienne
, écrite en caracteres & mots antiques
, contenant les mots Prætor Maximus
, Magiftrat , non alors créé, auroit
été dédiée dans le Temple de Minerve ,
proche celui de Jupiter au Capitole.
Ce
MARS. 1728. 483
,
Ce qui fortifie ma conjecture , eft que
cette Loi ne dit pas que le Conful fût
obligé de faire la cerémonie du Clou, mais
elle défigne le premier Magiftrat par ces
mots , PratorMaximus , & cependant en
vertu de cette Loi , les Confuls en firent
la cerémonie ; mais les befoins de la République
ayant obligé de créer des Dictateurs
, le Confulat ne fut plus regardé
comme la premiere Magiftrature ; c'eft
pourquoi à Confulibus ad Dictatores
( lorfqu'il y en avoit ) folemne Clavi figendi
tranfmiffum eft . Mais enfuite , intermiffo
more , c'eſt -à-dire , n'y ayant pas
eu des Dictateurs tous les ans , les Confuls
firent la cerémonie ; ce qui parut une
innovation contre l'ufage de la faire faire
par un Dictateur , qu'on crût punie par
des fleaux de pefte & de fédition , pour
réparation de quoi , afpernantibus Diis
placamina ira ... digna per fe vifa res eft
propter quam Dictator crearetur ; les Dieux
Romains vouloient un Dictateur fait exprès
pour cette cerémonie , & un vrai Dictateur
avec fon Magifter Equitum , fans
quoi il auroit paru de contrebande .
Voilà , Monfieur , l'établiffement de
cette cerémonie chez les Romains & fes
divers progrès ; ce n'étoit pas chez eux
feuls qu'on celebroit par des Fêtes l'anniverfaire
de la Dédicace du principal
Cvj Tera484
MERCURE DE FRANCE.
Temple . A Ephefe , on celebroit la Fête
de la Dédicace du Temple de Diane , à
Delphes , de celui d'Apollon Pythien, & c.
mais le caractere des Romains dans leurs
Fêtes , étoit de faire de grandes Proceffions
, les Triomphes , les Ovations , les
Sacrifices publics étoient des Proceffions ,
le Senat , les Chevaliers , tous les Corps
y affiftoient , le terme en étoit au Capito
le où le faifoient les grands facrifices. Ils
appelloient Piacula, placamina , ceux qui
étoient faits pour expier quelques fautes
, &c.
Tite-Live dit auffi T. Genucio , L.
Emilio Mamerco , Coff. ( 391. ) cum
piaculorum magis conquifitio animos quàm.
corpora morbi afficerent , alors on rappella.
les vieilles dévotions . J'ai cherché dans
Tite- Live & dans Denis d'Halicarnaffe ,
mais je ne trouve point d'années précedentes
, où il y ait eû la pefte & en même
temps un Dictateur , fi ce n'eſt en 3.20 .
Il étoit facile de trouver des hommes qui
ſe ſouvinfent de 70. années , mais le
Dictateur fut créé en 320. pour la Guerre
de Fidenes ; & s'il planta le Clou , ce
fut par occafion , ou bien Tite- Live n'en
a pas fait mention en fon lieu .
Il en eft de même de ce que cet Auteur
dit fur la fin de l'année 422. Mmoria
ex annalibus repetita in feceffionibus
MARS. 1728. 489
nibus plebis Clavum à Dictatore fixum
alienatafque difcordia mentes eo piaculo
compotes fui feciffe.
Je trouve des Séditions en 360. &
377. mais il n'y a point de Dictateur
j'en trouve en 260.370 . 413. il y eur
un Dictateur , mais il fut créé pour d'au
tres caufes que pour planter le Clou ; &
s'il le planta , l'Hiftorien n'en fait pareille
ment point mention.
Au reste, que la pefte ait ceffé à Rome,
que les coeurs du Sénat & du Peuple fo
foient réiinis après qu'on avoit planté le
Clou , en étoit- ce une fuite neceffaire ?
non. La maladie étoit peut- être à fon
dernier période , les deux Ordres de la
République commençoient à fe relâcher
de leurs prétentions , les Préliminaires de
Paix étoient fignez , &c.
M. Morifot de Dijon , qui , à l'imitation
d'Ovide , a fait les Faftes des
Romains des fix derniers mois qu'Ovide
n'avoit pas faits , dit fur le 13. Septembre
, en parlant de la cerémonie du Clou .
Idius hoc faciat , non illo tempore factum ,
Iratos nobis fenfimus eſſe Deos..
Je ne fçai où il a trouvé qu'on ait fait
cette cerémonie dans un autre temps ,
Tite-Live ,. ni aucun aurre Hiftorien n'en
a parlé.
Tou
486 MERCURE DE FRANCE.
Tout ce que je vous dis de Clavo
panendo
, n'eft que le fruit de la lecture feule de
Tite-Live . Aucun de plus de vingt Com .
mentateurs ne m'a donné là -deffus la
moindre ouverture . Rofin m'a feulement
enfeigné l'endroit de Pompeius - Feftus .
Je fuis , Monfieur, &c .
XXXXXXXX : XXXX : XXX
EPITRE EN TRIOLETS ,
Envoyée à Vannes , le Mardy gras der
nier , à Madame la Comteße de Men **
Par M. Desforges - Maillard.
Certes , mieux vaut tard que jamais ,
Vous fouhaiter la bonne année ,
C'eft un peu tard que je le fais.
Certes , mieux vaut tard que jamais ;
Puiffiez -vous , felon vos fouhaits ,
Vivre contente & fortunée !
Certes , mieux vaut tard que jamais ,
Vous fouhaiter la bonne année.
Croyez- moi , gardez votre coeur ,
De peine & de mélancolie ;
De
MARS. 1728 .
487
De ce poifon qui me fait peur ,
Croyez- moi , gardez votre coeur.
Recevez d'une égale humeur ,
Le beau temps , la grêle & la pluye
Croyez- moi , gardez votre coeur .
De peine & de mélancolie .
Bon jour, bon an , cher Mardi gras ,
Tu tardois long-temps à paroître ,
Pere des excellens repas ,
Bonjour , bon an , cher Mardi gras
Quoi ! mon gros ami , tu t'en vas ,
Lorfque tu ne fais que de naître !
Bon jour , bon an , cher Mardi gras ,
Tu tardois long-temps à paroître.
Le Carême te fuit de près ,
Le dos tout chargé de Moruë ,
Criant aux bons Harangs forers ,
Le Carême te fuit de près.
Puifqu'il n'a que ces triftes mets ,
Laiffons-le coucher dans la ruë.
Le
488 MERCURE DE FRANCE
Le Carême te fuit de près ,
Le dos tout chargé de Moruë
Les Grecs difoient le verre en main,
Profitons de ce jour qui paffe ;
Peut-être mourrons - nous demain ,
Difoient les Grecs le verre en main;
Heureux qui vivant fans chagrin ,
De l'avenir ne s'embarraffe ,
Les Grecs difoient le verre en main ,
Profitons de ce jour qui paſſe.

Sapho , du bon Pays Breton ,
Vous n'en voulez qu'à l'Hipocrêne.
Voilà votre peché mignon ,,
Sapho , du bon Pays Breton.
Pour vous le fçavant Apollon ,
Lâche les torrens de fa veine.
Sapho du bon Pays Breton ,
Vous n'en voulez qu'à l'Hipocrêne.
Qu'il fait beau vous voir fous les yeux ,
Ciceron , Virgile ou Terence ;
Les
MARS.
1728. 489
Les Auteurs les plus curieux ,
Qu'il fait beau vous voir fous les yeux !
Vous quittez volontiers pour eux ,
Le Jeu , les Feftins & la Danfe.
Qu'il fait beau vous voir fous les yeux ,
Ciceron , Virgile ou Terence !
Quels font les plaifirs d'ici bas
Jamais la fource n'en eft pure :
Tout n'eft que tumulte & fracas ,
Quels font les plaifirs d'ici - bas ?
S'il eft de folides appas ,
Ils ne font que dans la lecture .
Quels font les plaiſirs d'ici bas ?
Jamais la fource n'en eft pure.
Si je fuis pourvu d'un Emploi ,
L'embarras m'affiege fans ceffe.
Je ne fuis prefque plus à moi ,
Si je fuis pourvû d'un Emploi
Par fois je m'échappe & je bois ,
Une goute d'eau du Permeffe.
Si je fuis pourvû d'un Emploi ,
L'embarras m'affiege fans ceffe.
Vous
490 MERCURE DE FRANCÉ.
Vous brillez feuls dans l'Univers ;
Mortels que la faveur feconde ;
Riches à l'efprit de travers ,
Vous brillez feuls dans l'Univers.
Sans faim ni foif, faiſeurs de Vers ,
Devroient , corbleu , venir au monde.
Vous brillez feuls dans l'Univers ,
Mortels , que la faveur feconde..
Adieu Sapho , c'en eft affez;
Je vous dérobe à quelque Ouvrage.
Mufe des Triolets , ceffez ;
Adieu Sapho , c'en eft affez.
Que des Villiers , des Senecé , *
Le Ciel vous laiffe atteindre l'âge !
Adieu Sapho , c'en eſt aſſez ,
Je vous dérobe à quelque Ouvrage.
L'an mille føpt cens vingt & huit ,
De Février le jour dixiéme ;
Ceci le matin fut écrit ,
* Deux Auteurs dont il est fait mention dans
les Mercures de France , qui paffent l'un Ó
l'autre quatre- vingt ans.
L'an
MARS. 1728 .
451
L'an mille fept cens vingt & huit.
D'un coeur penitent & contrit ,
Attendant demain le Carême .
L'an mille fept cens vingt & huit ,
De Février le jour dixième.
ののの
EXPLICATION de l'Epitaphe qui fe
lit dans l'Eglife de S. Afpais de Melun
, imprimée dans le Mercure du mois
d'Août 1727. pag. 1852. Par Dom
Antoine Prevot , Benedictin de faint
Germain des Prez.
I'
L eft clair que cette Epitaphe eſt un
badinage de quelque Sçavant du dixfeptiéme
fiecle , qui a voulu préparer des
tortures aux futurs Saumaifes. Peut - être
s'eft-il flatté que fon Ouvrage pafferoit
quelque jour en proverbe , & que pour
fignifier une chofe inintelligible , on diroit
elle eft obfcure comme l'Epitaphe de
Melun. Si c'étoit - là ſon eſperance , il a
eû raiſon de croire que ceux qui viendroient
après lui trouveroient la Piece
obfcure & très difficile à expliquer ; mais
il s'eft trompé affurément , s'il a crû que
cette obfcurité paroîtroit admirable , &
qu'elle lui donneroit quelque droit à notre
492 MERCURE DE FRANCE .
tre eftime. Il devoit mieux connoître le
goût de notre Nation . Nous ne reffemblons
pas aux Elpagnols , qui eſtiment
leur Gracien , précisément à cauſe qu'ils
ne l'entendent prefque point , & qui ont
donné le nom de Maravillofo à Luis de
Gongoras , parce qu'il eft impoffible de
comprendre quelque chofe aux deux Poëmes
qu'il a compofez fur la Solitude .
Maynard auroit dit à l'Auteur de l'Epipitaphe
de Melun.
Mon ami , chaffe bien loin
Cette noire Rhétorique ;
Tes Ouvrages ont befoin
D'un Devin qui les explique.
Si ton efprit veut cacher
Les belles chofes qu'il penfe ,
Dis-moi , qui peut t'empêcher
De te fervir du filence ?
Quoiqu'il en foit , l'Epitaphe eft pro
pofée au Public , & une perfonne que je
confidere m'en a demandé l'explication ,
cela me fuffit .
J'ai trouvé dans les anciens Grammai-
Tiens Latins & dans les Ouvrages de quel
ques Jurifconfultes , l'interprétation de
tous les termes qui la compofent. Je leur
ai
MARS. 1728. 493
ai confervé le même ordre qu'ils ont dans
l'Epitaphe , afin qu'on puiffe découvrir
fans peine à quoi ils fe rapportent. Je
n'ai rien donné aux conjectures ; tout eft
fondé en autorité , excepté le mot , Binira
, dont je n'ai trouvé nulle trace dans
les Anciens. J'ai crû pouvoir le regarder
comme le nom de l'Epoufe même qu'on
fait parler dans l'Epitaphe : cela s'accorde
fi bien avec les Lettres initiales de l'Infcription
, que je ne doute prefque point
que ma conjecture ne fait jufte. il eft
inutile d'ajouter que le fens que je donne
aux douze Lettres initiales , eſt tout- àfait
dans le goût de l'Antiquité , & que
rien n'eft plus ordinaire que de voir fur
les Pierres Sépulchrales des Anciens ;
Patri Bene Merenti , Filius Pofuit.
EPITAPHE DE MELUN,
Texte D. O. M. S.
Verfion. Deo optimo , Maximo , Sacrum .
T. P. P. B. M. B.
V. Petro Patri , Binire Matri , Bene
T.
V.
M. F. P.
Merentibus , filius Pofuit.
T. Ob te facro hemo rufpare &
V. Obfecro te, Homo, inquire diligenter &
res
494 MERCURE DE FRANCE:
T.
Exillat
T. agroram præbiæ comperce dejugato
V. agritudinem remedio compefce vidua
T. querquera cojus cor luxum lapit
V. trementis , cujus cor commotum dolore
que P. Reginaldi mora-
V. languet. qua Petri Reginaldi : cenforis
T. toris egregis & difcufforis deltici
V. morum egregii , & judicis eruditiſſimi
T. unicuba , emem topper extran-
V. unica uxor , eumdem prematurè erep-
T. tem vagitatur antigerio.
V. tum luget vehementer. Difjungitur ab
T. in ante diem Id . Maefi , cro..ш ** v.
V. illa ipfo die Idib . Maii , 1585 .
T. Inibi ftammionum recidua Proca-
V. Itaque è partu multiplici nata Pra-
T. pis diffarreationem fupparat.
V. genies Patris Jacturam fupplet. Mi-
T. Inori duo Poft alterum
V. nores filii duo . Post natu minimum ,
T. Puera minerrima curuftus memut
V. Puella minor. Major natu Jam
T. Parectatus & gallulans , uls
V. pubescens & firma voce , nec non
T. gafiandus cubio . Citimi fubube-
V. Heres mafculus . Extremi adhuc fub
T. res , nedum in Luftrico.
ve-
V. ubere , nec dùm nomen eis impofitum.
T. e queis quando
V. e quibus alierum , quia corpore male
grandes
MARS. 1728 .
495
artium
T. grandes pedepreffim favilubrium
V. fanus , agre
T. gnaritas induftriat, coluftram ruma
V. cultura fuftentat. lac ( eis ) e mamma
T. purimè tetini. Hec mi ob
V. puriffimè dedi . Hoc mihi contrà
T. oloes fuppedium. Hac nis fperes
V. dolorem fubfidium. Hac nobis Spes
T. dique ruis redubiæ at
V. denique poft ruinam reliqua . verùm
T. ex quo Lubinæ
*
Orifpicis
V. ex quo mortiferi Horarum infpectoris
T. lax laciens convotos oximè per-
V. fraus alleetans fponfos citiffime di-
T. cartapfit , tum dividos frea
V. vifit , ex eo divifos vis quadam
T. falcitans taxim lumbarat , opido deſ-
V. rodens fenfim deftruit , oppido con-
T. tricat , numero collutulat , conna de-
V. fumit, multum dedecorat , occultè de-
T. *
panatur. ennam Biniram creduas ?
V. pafcit. Etiam- ne Biniram credas ?
T. nenu dicaffis. Ilicet
V. nequaquam dixeris. Sine dubio
T.
virops
* quæ vi-
V. opus habeo viro ,' ( jungi ) que viro
C'est le temps qui s'appelle Oriſpex ,
l'inspecteur des heures.
* Me prendroit- on encore pour Binira ?
Il faut que je me rejoigne à mon Epoux,
Fuifque mon âge & ma foibleffe m'ont rendue
mûre & propre à lui être réünie par la mort.
ripas.
496 MERCURE DE FRANCE.
T.
*
ripos. In letalem
metatore difreapse
V. maturafum. Illi qui lethum datreipfa
T. redhoftians vidubium capfi ..
V. gratias agens viduitatis curfum peregi..
T. atat corgo dividuæ duali , tam
V. Atat profectò feparatio fponfa tam
T. defiduo a
V. lento a præparatore manfionum cef
T. fialefcere. Hippacans diffitifco Æqui-
V. fare incipit. Sufpirans morior. Æqui.
T. diali Mamertis crɔ . ɔ. c. н. Corpora
V. diali Martii 1602. Corpora
T. dejugum unoſe
V. fponforum morte disjunctorum , fimul
T. confædufta , proneprope raricantia ,
V. conjunéta , proximè putrefcentia ,
T. fugrundario fraccefcunt.
V. fepulchro in corruptionem abeunt.
Veni, abii,vos qui veniftis, abibitis omnes.
C'est-à-dire , Praparator manſionum mo➤
ras rumpit qua Sponfam diftinebant .
T
FABLES
MAR S. 1728. 497
X :XXXXXXXXXX
FABLES ,
Pour fervir d'Infcriptions aux Loges
de la Ménagerie de Chantilly.
Pour la Loge du Lyon.
LE Roi des Animaux , un jour ,
D'un feul rugiffement mit en fuite fa Cour e
Trifte effet du pouvoir fuprême !
1
Il ne put raffurer , par fon repentir même.
Des coeurs par la crainte glacez .
O Rois , faites que l'on vous aime,
On vous craindra toûjours affez.
LE P. BRUMOY , Jel.
Pour la Loge des Taureaux fauvages.
Aux Pays des
Taureaux fſauvages ,
Ux
Dans un des plus gras pâturages ,
Sans noife & bons amis , on voyoit maint
Taureaux ,
Une Geniffe vient , & les voilà rivaux,
D Grand
498 MERCURE DE FRANCE .
Grand combat , grand carnage: en étoit- ce
la peine ?
La fource des debats eft toûjours quelque
Helene.
LE P. BRUMOY , Jef.
Pour la Loge de la Pintade , ou Poule
peinte.
E Cygne à la Pintade , un jour difoit : la

Belle,
Votre teint fent un peu la peinture & le fard.
Vous le nierez en vain ; votre nom le décelle.
Ma beauté , répond l'autre , eft toute naturelle;
Il est vrai qu'elle femble être un effet de l'Art ;
Mais jamais fard ne défigure ,
Quand il eft mis par la Nature.
LE P. BRUMOY , Jef.
Pour la Loge du Loup Cervier. -
IN Loup Cervier , mangeur de chair hu
UN
maine ,
Vivoit en vrai brigand ; il en porta la peine.
Tandis qu'on l'affommoit ; quel crime ai- je
commis ,
Dit ile je ne vois pas de quoi ces gens fe vangent.
J'ai crû l'homme un gibier permis.
Ai-je
MARS. 1728 .
499
Ai- je eu tort ? Peuples , Rois , Epoux , parens,
Amis ,
Tous les hommes enfin , eux- mêmes s'entremangent.
LE P. BRUMOY , Jef.
Pour la Loge de la Cigogne.
A Cigogne veilloit & gardoit nuit & jour
LA
Son Epoux allité . Tant de veilles cruelles ,
Vous rendront, lui dit - il , malade à votre tour .
Non , dit l'autre , & dans mon amour ,
Je trouve des forces nouvelles ,
Je n'appréhende que pour vous.
Humains , vous dédaignez dé fi parfaits modelles
Il n'eft donc plus d'heureux époux.
LE P. BRUMOY.
Pour la Loge des Demoiselles de Numidic.
UNe
Ne troupe d'Oiseaux , qu'on nomme Demoifelles
.
S'en alloit au combat d'un air lefte & propret,
Pour vuider certaines querelles .
Un Vautour vient; adieu le Troupeau dameret.
Damoifeaux , c'eſt votre portrait .
LE P. ROUILLE ' , Jef.
Dij
Pour
500 MERCURE DE FRANCE.
Pour la Loge de la Souris des Indes .
Ne Souris du Gange , en Dame délicate ,
Jamais ne mangeoit rien , qu'avec fa blan
che patte ,
Elle n'eût lavé tous fes mets.
Un maître Chat , qui vit ce badinage ,
La guette à la Fontaine & la croque au paf-
Lage :
Ma Commere , dit- il , je dîne à moins de frais .
Dans la propreté même il faut fuir tout excès.
LE P. ROUILLE', J.
Pour la Loge du Bouquetin.
N vain , un Bouquetin , par une prompte
EN
fuite,
Prétendoit d'un Chaffeur éluder la pour
fuite ;
Il fut atteint d'un trait fatal.
Le Chaffeur eut fon tour : la froide pleurefie
Le glaça tout à coup : c'étoit fait de fa vie.
Il eut recours au fang du chetif animal,
Le remede eft fouvent dans la caufe du mal.
LE P. ROUILLE',
Pour
MAR S. 1728. SOE
Pour la Loge du Cerf de Siam .
DES
Es Indes jufqu'ici la traite eſt aſſez forte :
Peu de Voyageurs de ma forte ;
Ont changé plus ſouvent de gîte & d'horiſon ,
Dit le Cerf de Siam , captif dans fa Cloifon .
Falloit-il tant courir pour trouver l'eſclavage ?
L'on va , l'on vient , l'on voit bien du Pais ,
Etre auffi mal qu'on étoit , même pis ;
C'est pour plufieurs tout le fruit d'un voyage.
LE P. DE FONTENAY . Jef.
Pour la Loge du Mouton de Barbarie.
CEffez d'appeller Barbarie ,
L'heureux climât où je reçus la vie ,
( Au Mouton de Berri , dit un de ces Moutons,
Récemment apporté des Africains rivages , )
Je viens regner juſqu'en vos pâturages.
Le premier rang m'eft dû. Comparons nos
Toifons :
La vôtre eft plus commune , & la mienne plus
rare :
Tout Etranger n'eft pas Barbare.
LE P. DE FONTENAY .
D iij
Pour
J02 MERCURE
DE FRANCE.
Pour la Loge du Perroquet Harrac.
Du Perroquet Harrac admirez le plumage ;
U
C'eſt un affortiment des plus belles couleurs ,
Mais n'écoutez pas fon langage,
C'eft le moins fenfé des Parleurs.
Gens du bel air voilà votre figure.
Dans votre état j'en conte une moitié ,
Dont on admire la parure ,
Et dont le difcours fait pitié.
LE P. DE LA SANTE , Jef.
Pour la Loge du Choucas , qui ne fe prend
qu'au Miroir.
Epris de fa beauté,
Le Choucas certain jour admiroit fon
image :
Il court après l'objet dont il eft enchanté ..
Un miroir le féduit , il perd fa liberté.
L'amour propre eſt notre apanage ,
Mais après l'avoir écouté ,
Le repentir eft le partage
De nôtre fotte vanité.
LE P. MASQUERIER , Jef.
Pour
MARS.
503
1728.
Pour la Loge de l'Oiseau Royal.
L'oifeau Royal fe trouvant dans les rets ,
D'un Oifeleur ; le prie en fa maniere ,
De le fauver de la voliere ;
Se vante de fon nom , & contre fes filets ,
Protefte hautement. Oifeau de haut parage ,
Répartit l'Oifeleur , vous portez un beau noma
J'en fuis ravi , paſſez en cage ,
Et recevez cette leçon :
Un grand nom n'eft fouvent qu'un brillant ef
clavage.
LE P. MASIRIER . Jef.
Pour la Loge des Poules Sultanes.
A Sultane d'un Coq , mari tendre & jaloux
,
Porta fes feux ailleurs pour punir l'Infidelles
Jupiter , dit le Coq , faites qu'aux yeux de
tous ,
Son inconftance criminelle ,
Soit peinte en fon plumage & vange fon
époux .
Le Ciel exauça fa priere ,
En ajoûtant ces menaces , dit- on :
D iiij
Pour
504 MERCURE DE FRANCE.
Poulettes qui ferez de même caractere
Craignez-en la punition .
LE P. NIC. PETIT. Jef.
Pour la Loge du Corbeau blanc..
PATAr un fingulier avantage ,
Un Corbeau naquit blanc. Bientôt , ſuivant
l'ufage ,
Par fes freres jaloux , perfecuté , battu ,
Ilfut contraint de fuir en cet heureux azile,
Ainfi le vice à la Cour , à la Ville ,
Ne peut fouffrir l'éclat de la vertu.
LE P. NIC. PETIT.
Pour la Loge du Porc - Epic.
Pourquoi me méprifer diſoit à l'homme un
Le Porc- Epic heriffé de colere.
Je rampe & vous rampez , lâches , à votre
tour ;
Sur le reftant vous ne l'emportezguere.
Contre mes ennemis je lance mille traits ;
Mais vous , contre un Rival , un bienfaicteur ,
un frere ,
En
MARS. 1728 . 505
Engeance fans pitié , n'en lancez - vous
jamais ?
LE P. NIC. PETIT , J.
Pour la Loge du Chameau .
UN Cheval, un Chameau furchargez débagage
,
S'avançoient vers la Mecque . Au milieu du
voyage ,
Le Cheval n'en peut plus : Compere, en verité,
J'admire ta vigueur , dit- il au Dromadaire ;
Mais où la prens- tu donc, faifant fi maigre chere?
Je la trouve , dit l'autre , en ma fobrieté.
LE P. NIC . PETIT .
Pour la Loge du Mouflon ou Belier
d'Afrique.
Isfu du Chien qui brille aux Cieux ,
Tayau
prônoitpar tout l'éclat
de ſa naiſſance
.
Le Mouflon
fatigué d'une telle
arrogance
,
Lui dit ainfi que toi j'ai d'illuftres
ayeux ;
Je ne les vante
point , mais fur moi je raffemble
,
Du Celefte Belier tous les traits radieux .
On n'eft fils d'un Heros , qu'autant qu'on lui
reffemble.
LE P. BREBANT , J.
Dy Pour
506 MERCURE DE FRANCE .
Pour la Loge du Sagoin.
'Hermine à Dom Sagoin reprochoit , ce
L
dit-on ,
Son poil mauffade & conforme à fon nom.
Pauvre animal , dit le Renard fauvage .
Que te fert cet éclat dont tu fais étalage ,
Tu ne brilles que par l'habit ,
Le mien n'eft pas d'une étoffe fi fine ;
Qu'importe fi j'ai de l'eſprit ?
Efprit vaut mieux que peau d'Hermine.
LE P. BREBANT , J.
Pour la Loge de la Civette.
L'Animal qui répand le parfum le plus doux ,
S'applaudiffoit de ce rare avantage.
Mais guidé par l'odeur , un Chaffeur fous fes
coups ,
Fit expirer la Civette peu fage.
Dieux ! dit-elle en mourant , vos préfens les
plus beaux ,
Ne font que trop fouvent la fource de nos
maux.
LE P. DE DESSUSLE PONT , J.
Pour
MARS.
507 1728.
Pour la Loge du Caftor.
UN Caftor eut à peine élevé fa maiſon ,
Qu'il vit par un affreux orage ,
En un moment détruire fon
ouvrage.
L'inftinct en ce revers fit plus que la raiſon.
Sans perdre coeur , le Caftor recommence.
Tout bon fuccès dépend de la conftance.
LE P. DE
DESSUSLEPONT .
Pour la Loge de l'Aigle.
Andis qu'effrayez du Tonnerre ,
Tandi
Mille Oifeaux fuyoient vers la Terre ,
L'Aigle bravant l'orage & les éclairs ,
S'élançoit au plus haut des airs .
Les timides Oifeaux furent réduits en poudre
L'Aigle à peine entendit de loin gronder la
foudre.
Un Héros eft toûjours au- deffus des revers.
LE P. DE
DESSUSLEPONT , J.
Pour la Loge de la Gruë.
UNe
Ne Gruë à long col , prétendoit l'em
porter
Sur la Cigogne fa rivale ;
Celle- cy répliquoit , je puis le difputer ;
D vj De
508 MERCURE DE FRANCE .
De votre col , du mien , la longueur eſt égale.
Thémis en jugera ; Thémis dit : vils Oiseaux ,
Vantez-moi vos vertus & non pas vos défauts.
LE P. DE DESSUSLE PONT .
Pour la Loge des Goilans .
D'Un plomb fatal un Goilan fut bleſſé ,
Lorfqu'aux Nochers , fatiguez d'un voyage ,
Il venoit par fes cris annoncer le rivage.
Son zele , dit quelqu'un , eft mal récompenfé.
Bon ! reprit l'Affaffin , cet Oifeau , l'an paffé,
Nous a prédit une horrible tempête.
Toujours l'ingrat a ſon excuſe prête.
LE P. DE DESSUSLEPONT .
Pour la Voliere.
DES Oifeaux féparez de toute compagnie ,
Es
Dépériffoient en cage, & ne fredonnoient plus,
Un Prince en ce fejour raffemblant ces reclus,
Leur rendit auffi - tôt leurs chanfons & la vie.
Depuis ce temps , Chantres rivaux ,
Ils forment à l'envi , les Concerts les plus
beaux.
Sans émulation , à quoi fert le génie.
LE P. DE DESSUSLE PONT.
Pow
MARS. 1728: 309
Pour la Loge de l'Outarde.
L'Aigle fendoit les airs ; quelle témerité ,
Lui dit l'Outarde , Oifeau qui vole terre à
terre !
Prenant l'effor trop haut , redoutez le Tonnerre
.
Cache du moins ta lâcheté ,
Lui répondit l'Aigle en colere .
Le brave aux yeux d'un lâche eft toûjours témeraire.
· LE P. FLEURIAU , J.
Pour la Loge du Capriol & de fa Femelles
L
E Capriol , un jour difoit à fa Femelle ,
Nous courons , nous volons ainfi que l'Hirondelle
;
Mille arpens à paffer ne nous femblent qu'un
jeu.
Qui pourroit nous atteindre ? il eft aifé , ditelle
,
Nous faifons trop de tours , nous avons trop
de feu ;
Qui fait trop de chemin , fouvent en fait trop
peu .
LE P. FLORIAU.
Pour
fro MERCURE DE FRANCE .
Pour la Loge du Tigre.
Implacable ennemi de l'humaine nature ,
Un Tigre à belle peau , de trompeufe figure ,
Dans l'attelier d'un Phydias ,
Voit un bufte , l'infulte , & le met en éclats ,
Souvent la plus riche parure ,
Cache les plus grands fcelerats.
Nous ajoûterons à ces Fables , l'excellente
Epigramme Latine , qui fut faite
prefque en même temps fur une Fontaine
d'Eau Médicinale , trouvée près de Chantilly
.
IN FONTEM falutiferum in agro Cantiliaco,
nuper exortum & Sereniffimi Principis
juffu exornatum .
Ferrugineo que margine , Nympha , falubrem
Claudis aquam, Domino , Nympha , futura falus !
Si, per te , renum & ftomachi fedabitur aftus ,
Et curfu fanguis liberiore fluet ,
Quamvis orta recens. Sis & poftrema fororum;
Prima tamen patrii gloria ruris eris.
MARS. 1728. 511
Siksiksikak: િ
BOUTS - RIMEZ
à remplir.
Tout-Puiffant ,
Victorieux a
Affreux ,
Conftant.
Soupirant,
Genereux ,
Douloureux ,
Mal-faifant.
Recours
Secours ,
Charnelle.
Détour ,
Retour
Rappelle:
PRE
STL MERCURE DE FRANCE
PREMIERE ENIGME.
N me voit mal attiffée ,
ON
Et groffierement coiffée ;
C'eft-là tou tmon vêtement.
Et puis , tant que le jour dure ,
On arrache ma coiffure.
Un très petit inftrument ,
Autour de moi tournant inceffamment ,
Groffit de mon débris qui change de figure ,
Deux doigts font tout ce changement.
DEUXIE ME
On
ENIGM E.
Mon pere eft petit , je fuis grand :
Il ne me produit qu'en mourant .
On me garde avec foin lorfque je prens naiffance
,
On me voit profiter avec indifference ,
Et je n'ai pas plutôt atteint un âge mûr ,
Que j'éprouve cent fois des deftins le plus dur :
Mais c'eft toûjours au fort de la torture ,
Que je change de nom , de fexe & de figure.
Mais , comme fait tout bon Chrétien ,
A
MARS. < ' ; 1728.
A qui me fait du mal, je rends toûjours le bien
Sous des noms differens , fous diverſe figure ,
Je cours les Mers , fur terre on me voiture.
Je fuis preſent au bien , je fuis prefent au mal,
Et l'un ou l'autre m'eft égal .
Je fuis le pauvre & je me niche ,
Bien moins chez lui que chez le riche.
Je fers l'homme dès le berceau ,
Et je le fuis jufqu'au tombeau ;
Mais quand je n'en peux plus , après de longs
fervices ,
On m'abandonne, hélas !parmi les immondices,
Alors je me fens obligé ,
A celui qui m'a négligé ;
C'eft par lui que j'acquiers une vie immor
telle ,
Puifqu'enfin je renais d'une efpece nouvelle.
T. A. B. C.
On a dû expliquer les deux Enigmes
du mois dernier par les Dez à jouer,
& le Canon.
Voici une Enigme d'une espece particuliere
, qu'on nous prie de propoſer
dans notre Livre.
Sum
$ 14 MERCURE DE FRANCE.
Summum crede nefas animam proferre pudori ,
Et propter vitám vivendi perdere caufas.
Ces deux Vers dont on demande le
veritable fens , font gravez fur un Marbre
noir , placé au - deffus d'une grande
Porte de Maifon , ornée d'Architecture
& de Sculpture , qui eft dans la ruë faint
Martin , vis - à - vis S. Julien des Mé
neftriers .
La perfonne qui demande cette Explication
, trouvera bon que nous ajoûtions
que les deux Vers en queftion font tirez
de Juvenal , lib. 3. Sat. 8. & que
les
Scholiaftes & les Commentateurs de ce
Poëte en donnent l'interprétation . L'Enigme
, fi c'en eft une , ne peut donc
confifter que dans le rapport qu'il y a ou
qu'il y avoit autrefois entre la vieille Maifon,
au Frontifpice de laquelle font gravez
ces Vers , & le fens qu'ils renferment.
Les Figures en bas Relief, dont on diť
que la Porte eft ornée , ferviront peut - être
à cet éclairciffement . Nous nous en rap
portons aux Curieux .
EX .
MARS. 1728. SIS
EXPLICATION du Logogryphe,
inferé dans le fecond volume du mois
de Decembre dernier.
Sans
Ans être un Oedipe , je gage ,
Que du Logogryphe , le mot ,
N'eft autre que le mot Potage ;
Et pour ne pas paſſer pour fot ,
De ce mot faifons l'Analife .
D'abord , ami , je le divife
En trois fyllabes fimplement
De ces trois libéralement ,
Je donne les deux tiers au Tage ,
Et l'autre au Pô , pour tout partage;
Enfuite , en deux mettant ce mot »
La moitié , c'eſt à- dire , Pot ,
Tout plein aux buveurs fçaura plaire .
L'Age , comme à ſon ordinaire ,
Sera la meſure des temps ;
Mais je ferois des plus contens ,
Sije pouvois dans ma mémoire ,
Trouver quel Prince , & quelle Hiſtoire
Nous rappelle Tage à rebours ;
J'y
516 MERCURE DE FRANCE.
J'y fuis , c'eft Géta , dont les jours
Furent abrégez par fon frere
Pour fuivre d'ordre cette affaire ,
1
Et Ville & vent trouver ,
Dans ce mot fans rien innover ,
Il faut tranfpofer chaque lettre ,
Et de telle façon les mettre ,
Qu'une moitié faffe Goa ,
Dans l'autre un Pet te reftera ;
Si ce vent par trop t'embaraffe,
Remets chaque lettre en fa place ,
Et puis après avoir coupé
La tête , c'est- à- dire , P.
Tu fçauras bien - tôt que pour gage
De ta foi fe donne l'Otage ,
Pour fa nature , & les repas ,
Qui fans ce mot ne plairoient pas ,
Tout cela , fans que je l'explique ,
S'entend de fon être phyſique.
Refte à faire voir maintenant ,
Qu'en ôtant fucceffivement ,
Trois lettres de ce mot , Potage
On trouve , Otage , Tage & Age ,
Qui
MARS.
517: 1728.
Qui font ainfi féparément ,
Fleuve , Homme , Efpace juftement.
Par M. D. P. F.
QUESTION proposée par M....
La
Equel des deux donne davantage ?
du Fils qui fauve la vie à fon Pere ,
ou du Pere qui la donne à fon Fils ?
akakakakakakakakakakakak
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS , & c .
A SCIENCE DES SCIENCES , où
LAl'on apprendra le moyen de bien
connoître Dieu & foi- même , fa foi , &
les devoirs de fa Religion , qui eſt l'elfentiel
en cette vie , préferable à toute
autre Science . Divifée en 4. Parties. A
Paris , rue des Amandiers , chez L. Sevestre.
LES REGLES de la prononciation de
la Langue Françoiſe , par M. B **, Chez
le même Libraire.
SELECT A CARMINA , Orationefque
clariffimorum quorumdam in Univerfitate
518 MERCURE DE FRANCE .
verfitate Parifienfi Profefforum. Ou Re
cueil de Difcours publics , prononcez par
plufieurs Profeffeurs très celebres de l'Univerfité
de Paris . Chez Quillau , fils ,
ruë Galande , 1728 .
ORAISONS de Démofthene & de Ciceron
, traduites par M. l'Abbé d'Olivet ,
de l'Académie Françoife , avec des Notes
de M. le Préfident Bouhier , de la même
Académie. Chez le même Libraire, 1727 .
METHODE de Plein - Chant , felon un
nouveau Systême très - court , très-facile
& très-fûr. Approuvé par Mrs de l'Académie
Royale des Sciences & par les
plus habiles Muficiens de Paris . Par M***
Prêtre. Brochure in 12. de 38. pages
fans l'Epitre Dédicatoire à M. le Curé de
S. Sulpice & la Préface. A Paris , chez
G. F. Quillan , fils , Imprimeur Juré de
l'Univerfité , rue Galande , près la Place
Maubert , 1728.
Un Auteur eft toûjours loüable quand
il travaille à la perfection des Arts , fur
tout quand il s'efforce d'en rendre la pratique
également courte , facile & affurée,
Un petit Mémoire qui nous a été envoyé
avec cette Brochure , nous apprend
que le S Lorrain , demeurant à Paris ,
prés la Porte S. Michel , au Roi François ,
enfeigne
MARS. 1728. S9
enfeigne publiquement , même aux petits
enfans , depuis huit heures du matin
jufqu'à dix , la pratique de ce nouveau
Systême de Chant , & que fur la
fin il répond aux difficultez qu'on lui
propofe. L'après - midy , il va donnér en
ville des leçons fur le même ſujet.
TRAITE' des petits Tourbillons de la
Matiere fubtile , où l'on fait voir par les
feuls effets du choc , que l'Univers eſt
rempli d'une Matiere très - fluide , trèsagitée
,& compofée d'une infinité de Tourbillons
, de figures fpheriques , qui produifent
tous les refforts de la Nature, pour
fervir d'introduction à une nouvelle Phyfique
, & d'éclairciffement à la Picce qui
a remporté le Prix de l'Académie Royale
des Sciences en 1726. Par un Prêtre de
l'Oratoire. A Paris , rue S. Jacques
chez Jombert , chez la veuve Piffot , Quay
de Conty , 1727. in 4. de 56. pages.
CANTATES FRANÇOISES , avec &
fans Symphonie , par M. Campra , Maître
de Mufique de la Chapelle du Roi .
Livre troifiéme , in folio , gravé. Prix
10. livres . Se vend à Paris , chez l'Auteur
, rue Bertin- Poiré , & chez Boivin ,
à la Regle d'or , rue S. Honoré , 1728 .
Les Paroles de ces Cantates font de
Mrs
520 MERCURE DE FRANCE .
Mrs Danchet , le Roy & la Vifclede,
DE LA MANIERE D'ENSEIGNER &
d'étudier les Belles - Lettres , par rapport
à l'efprit & au coeur . Par M. Rollin ,
ancien Recteur de l'Univerfité , Profeffeur
d'Eloquence au College Royal , & Affocié
à l'Académie Royale des Infcriptions
& Belles - Lettres . Tom. 3. de l'Hiftoire.
Rue S. Jacques , chez Etienne , 1728 .
On trouve chez le même Libraire la
feconde Edition corrigée des deux premiers
volumes.
RELATION de ce qui s'eft paffé dans
le Concile Provincial d'Embrun , au ſujet
de la condamnation des Ecrits de
M. l'Evêque de Senez , & du Jugement
prononcé contre la perfonne de ce Prélat.
Par M. l'Abbé de Michel , Chanoine
d'Embrun, & Abbé Commandataire de
S. Marcel , Secretaire du Concile . Ruë
S. Jacques , chez la Veuve Mazieres ,
J. B. Garnier , 1728.
EXPLICATION du Myftere de la
Paffion de N. S. J. C. fuivant la Concorde.
Rue S. Jacques , chez J. Etienne
& F. Babuti , 1728. 2. vol . in 12 .
INSTRUCTIONS CHRETIENNES fur
MARS. 1728. 521
la Priere , où l'on prouve par l'Ecriture
Sainte & par la Tradition , fa neceffité ,
fes differentes efpeces , fes effets , les difpofitions
dans lesquelles il faut la faire ,
les conditions dont elle doit être accompagnée,
& géneralement tout ce qui y
a rapport , tirées du Catéchifme de Montpellier.
On y a rapporté au long les
Paffages de l'Ecriture Sainte , des Conciles
& des Peres de l'Eglife , traduits en
François. A Paris , rue S. Jacques , chez
Simart , 1728. 2. vol . in 12. 3. liv
10. fols.
LA RELIGION CHRETIENNE ,
prouvée par l'accompliffement des Propheties
de l'ancien & du nouveau Teſtament.
Par le R. P. Baltus , de la Compagne
de Jefus . A Paris , ruë de la .
Harpe & rue Galande , chez Billot &
Quillan , fils , 1728. vol . in 4. 4. liv.
LETTRES EDIFIANTES ET
CURIEUSES , écrites des Miffions Etrangeres
, par quelques Miffionnaires de la
Compagnie de Jefus. 18 Recueil , où
il eft parlé :
Du caractere du nouvel Empereur de
la Chine , de fon application au Gouvernement
de l'Empire , & de plufieurs
Ordonnances & Reglemens qu'il a faits
E pour
$ 22 MERCURE DE FRANCE .
pour procurer le bonheur de fes Peuples.
De l'état prefent de la Religion dans
cet Empire.
De plufieurs particularitez & de quelques
découvertes faites dans un voyage
de France aux Indes.
De la cruelle perfecution fufcitée aux
Princes du Sang Imperial , de leur dégradation
, & des autres mauvais traitemens
qu'on leur a faits , & de leur fermeté
à tout facrifier & à tout fouffrir
pour fe maintenir dans la Foi.
D'une nouvelle découverte de plufieurs
Ifles inconnues jufqu'ici , & habitées par
un grand Peuple : des ufages de ces Infulaires
, de leurs Loix , du Syftême de leur
Religion , de leurs occupations , de leurs
divertiffemens , &c . avec une Carte Géographique
de ces Ínes .
De la perfecution excitée dans le Tonkin
, avec le détail de tout ce qui s'y eft
paffé, & les circonitances de la mort foufferte
en haine de la Foi , par deux Miſfionnaires
& neuf Chrétiens Tonkinois.
D'une nouvelle Miffion établie dans la
Guyane , & du fuccès qu'on en doit attendre
.
Du Voyage de l'Evêque de S. Thomé,
depuis le Cap de Comorin , jufqu'aux
confins de la Chine , avec diverfes particularitez
de ce Voyage , & la Defcription
MARS. 1728 .
523
tion de tous les endroits par où ce Prélat
a paffé. A Paris , chez le Clerc & le
Mercier , fils , rue de la Bouclerie , &
près la Fontaine S. Severin , 1728. in 12 .
35. fols en blanc.
On trouve chez les mêmes Libraires
les 18. Recueils , dont le prix eft de 28 .
livres en blanc ; c'eft - à - dire , les dix derniers
en blanc , 19. liv . 10. fols , & les
8. premiers en blanc , qui fe relient en
fix volumes , 8. liv . 10. fols.
METHODE POUR ETUDIER L'HISTOIRE
, avec un Catalogue des principaux
Hiftoriens , & des Remarques Critiques
fur la bonté de leurs Ouvrages
& fur le choix des meilleures Editions .
Par M. l'Abbé Langlet du Frefnoy. Nouvelle
Edition , propofée par Soufcription,
avec des Cartes Geographiques & Chronologiques.
3. vol . in 4. grand papier.
AParis , Quay des Auguftins , chez Gandoin
la veuve Coutelier , 1728 .
La premiere Edition de cette Méthode
parut en 1713. en 2. vol . in 12. Elle
fut reçûe avec applaudiffement , & comme
un de ces Ouvrages utiles que l'interêt
des ſciences demandoit que l'on portât
au plus haut point de perfection qu'l
feroit poffible. C'est ce qui a engagé divers
Sçavans étrangers à le faire traduire
E ij en
524 MERCURE DE FRANCE .
en leurs Langues & à le faire réimprimer
avec leurs Remarques , & ce qui détermine
aujourd'hui l'Auteur à en donner
une nouvelle Edition confiderablement
augmentée.
M. l'Abbé Langlet ne fe borne pas
comme dans la premiere Edition , à des
Reflexions fuccinctes fur la Méthode d'étudier
l'Hiftoire , il y joint l'Hiſtoire
même des Nations anciennes & modernes.
Il s'attache principalement à celles des
Peuples fur lefquels nous n'avons rien
encore de fuivi , & il a foin de faire obferver
les difficultez principales qui fe
rencontrent dans cette étude , d'en donner
le denouement , ou de renvoyer aux
fources où l'on peut le trouver.
On n'a pû donner moins de trois volumes
in 4. d'étendue à cet Ouvrage .
Le premier qui contiendra plus de 600.
pages , renfermera l'Hiſtoire ancienne avec
des Canons Chronologiques ; l'Hiſtoire
des Monarchies modernes fera le fujet du
fecond volume , à quoi l'on joindra les
inftructions neceffaires pour marcher à
pas fûrs dans l'étude qu'on en doit faire,
Ces deux volumes feront ornez
Cartes Géographiques : elles font indifpenfables
pour connoître les relations
que les Peuples ont eûës enfemble ; c'eſt
la clef de leurs divers interêts , de leurs
differens démêlez . Le
de
MARS. 1728.
125
Le troifiéme volume eſt deſtiné au Catalogue
des principaux Hiftoriens de tous
les temps & de tous les Pays. On fçait
combien ces fortes de Catalogues font
utiles , & combien ils abregent de temps.
M. l'Abbé Langlet a profité , non - feulement
des Remarques & des Additions
que des Sçavans étrangers avoient faites
fur cette partie de fon Ouvrage , mais
encore de les propres Réflexions. Il ne fe
contente pas de tranfcrire les titres des
Livres , il parle de chacun en particulier ,
mais en peu de mots . On avoit crû que
l'on pourroit encore donner une Edition
in 12. de cet Ouvrage , mais cela n'eft
point pratiquable à caufe des Canons
Chronologiques qui ne peuvent pas fe
renfermer dans l'étendue d'un petit volume
; ainfi on eft obligé de fe borner à
Pinquarto.
Le prix de la Soufcription eft de 30.
livres , dont partie à prefent & le refte
en retirant l'Ouvrage au mois de Novembre
prochain . Ceux qui n'auront
pas foufcript le payeront 45. livres.
M. l'Abbé Langlet propoſe en même
temps une autre Soufcription pour un
Ouvrage relatif à fa Méthode. Ce font
quatre Tables Chronologiques , elles font
de 6. livres , 3. liv. à prefent & 3. en
retirant les Tables . Elles coûteront 12 .
E iij livres
526 MERCURE DE FRANCE:
livres à ceux qui n'auront pas ſouſcript.
On ne fera admis aux Soufcriptions que
jufqu'à la fin d'Avril .
TRAITE DU JAUGEAGE , ou le
Jaugeage réduit à des principes géneraux
& Géométriques , & à une pratique courte
& facile. A Paris , chez Claude Jombert ,
ruë S. Jacques , au coin de la rue des Mathurins
, à l'image Notre - Dame , 1728 .
in 16. de 52. pages , fans le Tarifpour le
Jaugeage en 8o . Tables.
Le titre de ce Livre promet de la facilité
& de la brieveté cette promeffe
eft exactement remplie. La connoiffance
parfaite du Jaugeage eft fi neceffaire au
Commerce , que le Public ne fçauroit trop
applaudir aux foins qu'on a pris de lui
procurer cet avantage . Le nouveau Traité
du Jaugeage a obtenu les fuffrages éclairez
de l'Académie Royale des Sciences , fur le
rapport de M's de Lagny & Nicole. La
Compagnie, dit l'Extrait de ces Regiftres ,
a jugé que dans cette Méthode tout étoit
très - bien démontré, & que la pratique en
devoit être très-facile.
L'Approbation de M. Saurin , Cenfeur
Royal , tient un langage uniforme . On
trouvera , dit -il , dans ce petit Ouvrage
beaucoup de clarté & de précision ; l'inf
trument que l'Auteur a conftruit fur les Regles
MARS. 1728. 527
gles de fa Théorie , m'a paru joindre à
une grande facilité dans l'ufage , toute
l'exactitude qu'on peut defirer. Les noms
des Approbateurs que l'on vient de citer
renferment le Panegyrique le plus flatteur
, & cependant le moins fufpect de
P'Ouvrage que nous annonçons ici .
JUSTIFICATION DE L'EGLISE ROMAINE
fur la Réordination des Anglois
Epifcopaux , on Réponse à la Differtation
& à la Deffenfe de la Differtation
fur la validité des Ordinations Angloifes.
Par le R. P. Théodoric de S. René , Carme
des Billettes , ancien Profeffeur en Théologie
, & ancien Commiffaire General de
fon Ordre en Angleterre & en France.
AParis , au Palais , chez Paulus Dumefnil
, 1728. 2. vol . in 12 .
On vend chez Michel Brunet , Salle
du Palais , au Mercure Galant , chez
Etienne Ganneau aux Armes de Dombes
, & chez Claude Robuſtel , à l'image
S. Jean , rue S. Jacques , la cinquiéme
Edition , grand in 8. du Livre de l'ufage
des Globes & des Spheres , fuivant les
differens Systêmes du Monde , precedé
d'un Traité de Cofmographie , où eft expliqué
avec ordre tout ce qu'il y a de plus
curieux dans la Deſcription de l'Univers,
E iij fuivant
528 MERCURE DE FRANCE .
1
fuivant les Memoires & Obfervations
des plus habiles Aftronomes & Géographes
, accompagné des Figures néceffaires
pour l'intelligence de ce Traité. Il eft dédié
au Roy.
L'Auteur a revû , corrigé & augmenté
fon Ouvrage , c'eft M. Bion , Ingénieur
du Roi pour les Inftrumens de Mathémathique
; on trouvera chez lui ces Inftrumens
dans leur perfection ; il demeure
fur le Quay de l'Horloge du Palais . II
donne à l'entrée de fon Livre les définitions
qu'il eft néceffaire qu'on fçache
afin de parvenir à l'intelligence du refte ;
Il partage enfuite fon Ouvrage en trois
Livres. Il expofe dans le premier Livre
tout ce qui appartient aux Corps Celefres
; fçavoir , leurs nombres , leurs groffeurs
, leurs difpofitions , leurs mouvemens
, leurs diftances de la terre , & generalement
toutes leurs proprietez , fuivant
les differens Systêmes . Il s'eft un
peu étendu fur celui de Copernic , comme
étant le plus propre pour expliquer facilement
toutes les apparences des mouvemens
céleftes . Ce premier Livre eft
terminé par l'explication des Phénomenes
de la Nature , qui ont rapport à ce
Traité ; & entre autres du Aux & reflux
de la Mer , des Metéores & autres chofes
curieuſes .
Le
MARS. 1728. 529
Le fecond Livre contient tout ce qui
peut appartenir à la Defcription de la
Terre & de l'Eau , par rapport à la Géographie
, & les principaux termes de cette
fcience y font expliquez d'une maniere
fi intelligible , qu'on ne peut manquer de
les comprendre ; de plus , on y trouve
plufieurs Méthodes curieufes pour parvenir
à la connoiffance des Longitudes des
Villes ; comme auffi la maniere de mefurer
la circonference de la Terre . Enfin
on donne une Deſcription Hiftorique des
principaux Païs qui couvrent la furface
du Globe Terreftre ; & cet article , quoiqu'abregé
, ne laiffe pas de donner une
idée affez jufte des Etats qui compolent.
les quatre Parties du Monde .
Dans le 3e & dernier Livre, on trouvera
d'abord la maniere de tracer les Fuſeaux
pour la conftruction des Globes Celeſte &
Terreftre & les Cartes de Géographie , tant
univerfelles que particulieres. Enfuite on y
rapporte plus de cent ufages differens , les
plus beaux & les plus utiles qui puiffent
s'appliquer aux Spheres & aux Globes ,
tant Celeftes que Terreftres , comme auffi
les ufages de la Sphere & du Globe monté
fuivant Copernic ; enfin ce troifiéme Livre
eft terminé par un Chapitre fur la
diftribution du Temps & du Calendrier ,
& par plufieurs Tables curieufes . De forte
Ev que
530 MERCURE DE FRANCE.
3
que ce Traité peut fervir d'introduction
à l'Atronomie & à la Géographie.
On doit fçavoir bon gré à M. Bion ,
de fon application & de fon exactitude ;
il n'a rien épargné pour rendre cette Edition
parfaite. Un Livre qui malgré la varieté
& la difficulté des matieres , eft fi
méthodique & à la portée de tout le monde,
ne peut que plaire infiniment au Public.
ESSAI de Physique , ou Conjectures
fondées fur quelques Obfervations qui
peuvent conduite à la connoiffance & à
l'explication des Courans de la Mer Méditerranée.
Par le S ' Peyffonnel , Docteur
en Medecine , & Correſpondant des Académies
Royales des Sciences de Paris &
de Montpellier. Imprimées par ordre de
Ms les Echevins & Députez de la Chambre
de Commerce de la Ville de Marſeille .
Brochure in 12. de 27. pages. A Marfeille
, chez I. Antoine Mallard.
Nous n'avons rien à dire de ce petit
Ouvrage , pour en laiffer le jugement entier
aux Marins . Il eft adreffé aux Echevins
& Députez du Commerce de Marfeille
, par une courte Epitre , datée de
la même ville le 21. Septembre 1726 .
Cette date nous raffure & nous tire de
l'inquiétude où nous avons été fur la perfonne
de l'Auteur . C'eft le même M. Peyf
fonnel ,
MAR S. 1728. 531
fonnel , dont nous avons parlé d'une maniere
avantageufe dans notre Journal du
mois de May 172 4. page 258. à l'occafion
de fon Voyage de Barbarie , pour lequel
il partit de Marseille le 19. Fevrier
de la même année , chargé des Mémoires
& des inftructions de l'Académie
Royale des Sciences , aufquelles nous
avions pris la liberté d'ajoûter quelques
Obfervations particulieres à faire dans le
même Païs , dont quelques - unes font im
primeés dans le même Journal. Notre
Voyageur devoit , entre autres courfes ,
aller voir dans le Royaume de Barca , le
fameux Pays pétrifié , Pays où toute la
Nature , jufqu'aux Animaux mêmes , eft
changée en pierre , brulé d'ailleurs par les
plus ardentes & prefque continuelles chaleurs
du Soleil . Ce qui , joint au filence
conftant de M. Peyffonnel , à notre égard ,
nous faifoit craindre avec raifon qu'il ne
lui fut arrivé quelque fâcheufe avanture .
Voilà donc fon retour bien affuré par
l'Ouvrage que nous annonçons : quand
il lui plaira il fatisfera à fes promeffes ,
en faiſant réponſe à plufieurs de nos Lettres
, &c.
RECUEIL de plufieurs Plans des Ports
& Rades de la Mer Méditerranée. Dédié
à M. le Grand- Prieur de France , Gene-
E vj rat
532 MERCURE DE FRANCE .
ral des Galeres ; levez & deffinez fur les
lieux par les Sr Michelot , Hydrographe
& Pilote Real des Galeres du Roy , &
Bremond , Hydrographe du Roy & de la
Ville. Gravé par P. Starck- Man . A Marfeille
, chez Bremond, fur le Port , au coin
de Reboul , in 4. oblong , 1727.
Nous apprenons de Touloufe que la
veuve de Tenne , vient de réimprimer un
Livre fort utile , rangé dans un nouvel
ordre , avec des augmentations très - confiderables
que l'Auteur y a faites . En voici
le titre. BERENGARII FERMANDI
J. V. Doctoris , & in Academia Tolo-
Zana Antecefforis celeberrimi , univerfa
Opera , non folum ea quæ huc ufque evulgata
fuêre ; fed & alia quam plurima in
lucem nunquam
edita. Accefferunt enim
huic poftreme Editioni octodecim tractatus
copiofiffimi & perutiles , penitus ignoti,
& qui maximo Jurifprudentia difpendio ,
fepulti jacebant. 1. vol. in fol. Toloza ,
apud Viduam Arnaldi Tenne , Bibliopola
in via Porta Arietis , fub figno Corona
aurea , cum Privilegio Regis.
DESCRIPTION de la Mécanique de
l'oeil , par Jean Taylor , Chirurgien de
Norwich. A Londres , 1727. brochure
in 8. en Anglois.
DICMAR
S. 1728. 533
DICTIONNAIREdes Arts & des Sciences.
Par M. Chambers. Idem. Deux gros
volumes in folio , 1728 .
Pierre Vande - Capelle & André Wydts,
Libraires à Bruges , propofent par Soufcription
: Defcription Hiftorique de Dunquerque
, fon origine & fon progrès , la
Converfion de fes Habitans au Chriftianifme
, les Grands Hommes qu'elle a produits
, leurs mérites & la fortune à laquelle
ils fe font élevez. Par Pierre Faulconier
2. vol. in folio.
BIBLIOTHEQUE GERMANIQUE
&c. Tome IV. Année 1722 .
LA VIE de Fréderic Premier , Margrave
de Brandebourg Archi - Chambel-
Ian & Electeur de l'Empire , Burgrave
de Nuremberg , &c. Par M. Gundling ,
& c. A Halle , in 8. de 5.52 . pages. Allemand.
DISSERTATION de M. de Beaufobre,.
fur les Adamites de Bohéme.
ABREGE DE L'HISTOIRE CIVILE ,
par M. Krantz . A Brflau , chez J. Bleffing
, 1721. in 8. de 528. pages. Latin .
L'Auteur appelle cet ouvrage Hiftoire
Civile
$34 MERCURE DE FRANCE.
Civile , c'est- à -dire , Hiftoire des Empi
res & des Etats du Monde , pour la diftinguer
de l'Hiftoire Ecclefiaftique , qui
roule fur l'état de l'Eglife , dans les divers
Siecles . Il partage fon Hiftoire en
Millenaires ou Périodes de mille ans chacune
, le Millenaire en Siecles , & chaque
fiecle en Sections , felon l'abondance
ou la fterilité des matieres , & c.
On apprend de Zurick en Suiffe , qu'il
paroît toutes les Semaines une Brochure
de demi feuille , intitulée : Difcours
des Peintres. Ce font des Reflexions fur
les principaux caracteres des hommes
que les Auteurs font faire aux plus fameux
Peintres , Raphael , M. Ange , &c .
On a dédié le premier Tome au Sp Etateur
, qu'on s'eft proposé pour modele.
Il paroît à Wittemberg un petit Ouvrage
de 14. feuilles d'impreffion en Allemand
, fur les erreurs des Peintres par
rapport à l'Hiftoire Sacrée. C'eft une fimple
traduction des Obfervations de M M.
Fabrici , Kohr , Licbatantz , Hilfcher ,
Thomas Brown , & c .
M. Jean George Pfeiffer de Brunfwick,
travaille depuis quelque temps à un Quvrage
, où il traitera des Sorciers , des
Apparitions ,
MAR S. 1728 $ 35
Apparitions d'Efprits , & c . On dit qu'il
veut l'intituler : Hiftoire des Diables , ou
Bibliotheque Diabolique . Il eft aufli occupé
à un Traité des Amulettes & des
Monnoyes Talifmaniques. On verra bientôt
fes Obfervations fur les Injures Hébreües
, Grecques , Latines & Allemandes.
M. Jean Rodolphe Marei fait imprimer
à Wolfembutel un Ouvrage , dont
le but eft de montrer qu'une bonne partie
des Jeux d'Enfant qui font en ufage
aujourd'hui , étoient connus des Anciens ,
Grecs & Romains.
TOME CINQUIE'ME , 1723 .
EXAMEN de l'Eclipfe qu'on croit avoir
été vûë à la Chine , quand J. C. fut crucifié.
Avec quelques Preceptes rouchant
la Langue Chinoife. Par Theophin Sigfroy
Bayer. A Konigfberg en Prufe ,
1718. in 4. de 60. pages , petit caractere.
Latin.
COURTE DISSERTATION fur la même
Echple , par M. Kirch. Traduction li
bre. Latin.
HARANGUE fur la fimplicité du Dif-
Cours en tout genre d'études , mais prin
cipalement lorfqu'on traite de la keligion,
$36 MERCURE DE FRANCE .
gion . Par Antoine Rodolphe Fabrice de
Helmſtadt . Latin.
LA POMERANIE ancienne & moder
ne , ou Recueil de diverfes Pieces qui
peuvent fervir à l'Hiftoire de Pomeranie.
Par M. Chr. Schoettgen. A Stutgardt ,
1722. 4. Parties . Allemand.
DISSERTATION PHILOSOPHIQUE
fur les Natures Plaſtiques . Par M. Zimmermam.
Latin.
LETTRE de M. Breynius , Docteur en
Medecine à Dantzig , &c . fur les Melons
pétrifiez , qu'on appelle autrement Melons
du Mont Carmel , adreffé à M. Anderfon.
On y joint deux Lettres écrites
à l'Auteur , l'une fur les Eaux Minerales
d'Olonitz ; l'autre fur un faux Ambre
qu'on apporte depuis quelques années
d'Afrique en Hollande. A Leipzig , chez
E. Titius, 172 2. in 4. de 48. pages. Latin.
La premiere partie de cette Lettre ,
qu'on peut appeller Hiftorique , roule fur
le lieu où ces Melons fe trouvent , & fur
l'origine fabuleuse de leur pétrification .
La feconde, qui eft proprement Phifiologique
, expofe ce que l'Auteur penfe.
fur leur fujet.
Ces Melons font des pierres , dont la
figure n'eft pas conftamment la même-
Elle
MARS. 1728. 537
Elle eft tantôt Sphérique , tantôt Elliptique.
Leur groffeur varie depuis celle
d'un oeufde poule , jufqu'à celle d'un Me
lon médiocre : quelquefois elle égale celle
des plus gros . Ces Pierres font renfermées
dans une espece de croute ou d'envelope,
qui femble s'être formée de gravier . Quand
on les a dégagez de cette croute , qui eft
de couleur de cendre foncée , elles ont
une furface affez unie , quoiqu'un peu raboteule
; & leur couleur approche du gris
de fer. Loríqu'on les caffe , on trouve
dans le milieu une cavité d'une figure
irreguliere , pour l'ordinaire , tantôt plus
grande , tantôt plus petite , à raifon de
la groffeur ou du volume de la Pierre.
Cette cavité eft revêtue , pour ainfi dire ,
de petits Criftaux qui ont de l'éclat & de
la tranfparence , & dont les pointes hexagones
ont leur direction vers le centre
de cette concavité . Ou , pour mieux dire
encore , ces Pierres font d'une fubftance
de Marbre , & peuvent être polies . Leur
couleur tire fur le jaune , à peu près comme
le Marbre de Florence. Leur épaiffeur
n'eft pas par tout la même . Elle eſt d'un
pouce dans quelques endroits , d'un demi
pouce dans d'autres . Le dedans eft
tout parfemé de petits Criftaux ; & ces
Pierres dans une largeur de quelques lignes
, font d'une couleur plus foncée que
le
538 MERCURE DE FRANCE.
le refte , & imitent affez bien la veritable
écorce .
Après certe defcription , l'Auteur expofe
les raifons qui détruiſent , felon lui ,
le fentiment qu'il combat .
1º. Si l'on compare exactement , dit- il,
ces Pierres à de veritables Melons , ont
trouvera , 1. que leur furface eſt unie
& non fillonnée , comme font pour l'ordinaire
celles des Melons & des Citrouilles
. 2. On n'y découvre aucune
trace de pedicule ; ce qui affurément ne
feroit pas fi elles avoient jamais été des
Melons vegetaux . 3. On n'apperçoit point
dans leurs cavitez , ces divifions régulieres
, ou cellules , qui fe prefentent dans
les Citrouilles ou Melons d'eau , Citrulli
& dans les Melons ; beaucoup moins y
remarque - t- on des grains de Semence ;
car pour les grains qu'on fait paffer pour
de la Semence , notre Auteur prétend que
ce font de pures cryftallifations , & il en
prend les yeux à témoin .
On voit dans la Boheme, continue l'Au
teur , un endroit donr la terre doit avoir
une grande difpofition à fe pétrifier , car
tout s'y change en pierre. Les Coquillages
, les Limaçons , les Serpens s'y pétrifient
, & ces derniers confervent fi bien
leur premiere figure , que leur rencontre
effraye fouvent les Voyageurs . M. Lucas
rapporte
MARS. 1728 . 539
rapporte » qu'à trois journées d'Ougella ,
» à l'Oueft , & à 8. journées de Bingazi ,
y a un pays qu'on nomme Raffini , ce
» qui ſignifie en Arabe , tête de poiſon , ou
» Pays empoisonné : que ce Pays eft pétri-
» fié , qu'il étoit autrefois habité comme
» Ougella; qu'il y avoit des Forêts de Pal- ´
miers & d'Oliviers , qui font préfente-
» ment réduits en pierre à fufil , fans avoir
changé de figure ; qu'il y en a même
>> encore plufieurs fur pied , & tous gene-
»ralement pétrifiez .
>>
Tous les Arabes que j'ai vu dans ce
Pays- là , & des Efclaves Chrétiens qui y
ont paßé , ajoûte le même M. Lucas , m'ont
affuré avoir vu des corps d'hommes & de
femmes pétrifiez , des beftiaux de même
& un cheval fur fes quatre pieds , qui
paroiffoit en vie.
3
Pour revenir aux Melons pétrifiez , il
ne faut pas diffimuler , dit notre Auteur
qu'il eft difficile de comprendre que ces
Melons fe foient pétrifiez , fan's conferver
aucune trace de leur pédicule. Car
s'il y a dans ce fruit une partie qui foit
difpofée à la pétrification , c'eft affurémont
celle - là . Cependant il n'eft peut - être
pas impoffible de fatisfaire à cette difficulté
, nous en laiffons le foin aux Natu
raliſtes de profeffion .
BI
$ 40 MERCURE DE FRANCE .
BIBLIOTHEQUE GRECQUE de
M. Fabricius . Tome neuviéme . A Ham
bourg, chez Felginer , 1722. in 4. de
808. pages.
REMARQUE s fur un Mémoire de
M. l'Abbé Renaudot , de l'Origine de la
Sphere , communiquées à la Societé des
Anonimes au mois de Fevrier 1719.
On écrit de Berne , que M. Lauffer ,
Profeffeur d'Eloquence & d'Hiftoire , à
fait imprimer une Differtation contre le
trop grand nombre de Livres & d'Au
teurs.
M. George Altmann , qui s'eſt déja fait
connoître par fa Differtation fur la Langue
Opique , (a ) en va publier une autre
fur le Chant du Cocq , ( b) dont il eft parlé
dans l'Hiftoire de la Chute de S. Pierre .
A'λénTop fignifie , felon M. Altmann , un
Crieur de nuit , qui en annonçoit les veilles
au fon de la Trompette , &c. Cette
opinion bien prouvée , leveroit diverſes
difficultez. Tout le monde ne fera pas de
(a) Les Opiques , c'étoit un ancien Peuple
d'Italie , que Saturne y amena , dit-on , avec
lui.
(6) On a fur ce fujet une Harangue de l'il ·
lultre M. Reland
ce
1
MAR S. 1728. 54.1
ce fentiment , & il y a lieu de croire que
la fingularité de cette opinion n'aura gue,
res de partifans.
M. Jean-Jacques Ulrich publia à Zurich
un Ouvrage périodique , in 8. dont
il paroît 4. feuilles tous les mois ; on
y trouve divers articles curieux . On a
commencé au même endroit dès le mois
de Février 1722. les Nouvelles Litte
raires de Suiffe.
On vend à Ulm une Inftruction exacte
pour prolonger & conferver fa vie & ſa
fanté , par des Regles tirées de l'Ecriture
Sainte, & par l'usage modéré de quelques
Remedes choifis , en évitant les Medecins
imprudens , & l'abus des meilleurs. Par
M. Frederic Hoffmann , en Allemand ; on
y a joint d'autres inftructions fur le Vin
de Hongrie , l'utilité des Bains , & l'uſa ,
ge du Tabac.
On voit à Tubingue un nouveau Journal
Allemand , intitulé , Hiftoire de laLit
terature Théologique.
On a imprimé à Nuremberg une Differtation
fur les Os Gigantefques , qui ont
été trouvez en Stirie.
On
542 MERCURE DE FRANCE .
On écrit d'Hannover , qu'une femme
rendit par les urines , en 1722. un ver
long de 17. pouces , dont le dos eſt brun
& le ventre d'un jaune foncé. On a apperçu
avec le Microſcope une affez grande
ouverture à la tête de cet Infecte.
L'Art de parler , du Pere Lami , a été
imprimé à Jene , traduit en Allemand .
M. Thummig a donné à Halle la
feconde Partie de fes Eclairciffemens ſur
quelques Phénomenes de la Nature , en
Allemand . Elle contient des Obfervations
fur les Thermometres , fur les Générations
des Araignées, fur un Aveugle qui voyoit
par le nez , fur un Aveugle- né , Profeffeur
de Mathématique à Cambridge , fur les
Arbres qui viennent de feuilles , fur la
difference des goutes de pluye.
M. Bruckmann , Medecin de Brunswich,
a écrit en Latin & traduit enfuite en Allemand
, un Traité de la fameufe Biere
de Duktein , qui fe braffe à Brunfwick.
Il lui attribue divers effets falutaires .
M. Guillaume Ulric Waldfchmidt , Profeffeur
en Medecine , a publié à Kiel
une Differtation fur ceux qui vivent pendant
long-temps fans nourriture ; elle
doit
MARS. 1728. 543
doit être fuivie d'une feconde fur le même
fujet. Voyez les Memoires Philofophiques
de la Societé Royale d'Angleterre.
Tome XI . p. 35.
BIBLIOTHEQUE GERMANIQUE ,
Tome 6. 1723.
JUGEMENS IMPARTIAUX fur des -
Livres de Droit & d'Hiftoire. A Francfort
& à Leipzig , 1722. chaque partic
d'environ cent pages.
M. Ch. N. Lange , Senateur à Lucerne
, Membre de l'Académie Imperiale ,
& de la Societé Royale de Pruffe , a
publié , en Latin , une Méthode nouvelle
aifée de ranger les Coquillages fous
leurs claßes.
*
On apprend de Mofcou , que M. Gota
tlob Schober , Medecin , a fait depuis
peu , par ordre de la Cour , un voyage
à Cafan , Aftracan , &c . & jufqu'à la
Mer Cafpienne , pour y obferver princi
palement les curiofitez de la Nature. Il a
mis en ordre fes Obfervations ; elles doi
vent être publiées inceffamment ,
On voit paroître tous les mois à Konigfberg
, des Remarques choifies de
M. Lilienthal fur l'Hiftoire de Pruffe.
Monu
1
544 MERCURE DE FRANCE
2
Monumenta Pruffica : c'eft un Recueil
de M. Bayer , pour fervir à l'Hiftoire
de fon Pays , dont la premiere Partie
paroît à Leipzig. L'Ouvrage du même
Auteur fur les Médailles Romaines trouvées
dans la Pruffe , vient d'être ims
primé.
On écrit de Vienne , que le Pere Antoine
Francus , Jefuite , vient de publier
un Recueil des Religieux de la Compagnie
qui fe font rendus recommandables
par leurs vertus , ou par leur martyre ,
tant en Portugal , que dans les dépendances
de cette Couronne , en Afie , en
Affrique & en Amerique.
D'Ulm , que Bartholomei , Libraire de
cette Ville , imprime actuellement un
Eßai fur l'Hiftoire des Cartes de Géographie
, en Allemand . M. Hauber , Regent
à Tubingue , eft l'Auteur de cet Effai.
Ha recueilli fur ce fujet quantité de
materiaux qui pourront un jour former
un Ouvrage confiderable.
Les Lettres de Francfort fur le Mein,
portent que M. George Chrétien de Jean
Joannis ) , continue à enrichir le public
de nouvelles Editions de plufieurs Ouvrages
confiderables qui étoient devenus
rares
MARS. 1728 .
545
rares , & même de plufieurs qui n'avoient
point encore paru . On lui eft redevable
d'une nouvelle Edition de l'Hiftoire de
Mayence , que le fçavant Jefuite Nicolas
Serarius donna au Public en 1504. L'Ouvrage
de cet habile Editeur , confifte en
deux gros Volumes in - folio , dont le
premier contient l'Hiftoire même de Serarius
, accompagnée partout de Notes
très -amples & très- inftructives , & qui
peuvent être regardées comme un Suplément
à l'Ouvrage de Serarius. L'autre
contient plufieurs Pieces concernant la
même Hiftoire. Le même Sçavant prépare
au Public une nouvelle Edition des
Ecrivains de l'Hiftoire des Empereurs
autrefois ramaffez par Reuber , Confeiller
du Palatinat.
THEOLOGIE PHYSIQUE , ou Démonftration
de l'exiftence & des attributs
de Dieu , tirée des oeuvres de la création ,
accompagnée d'un grand nombre de Remarques
& d'Obfervations curieufes . Par
Guillaume Derham , Recteur d'Upminfter
, & Membre de la Societé Royale .
Traduite de l'Anglois . A Roterdam , chez
J. D. Breman . in - 8 ° . de 226. pages ,
fans compter les Préfaces , les Planches ,
& une Analife da Livre .
Le fçavant Auteur de cet excellent
F Ouvrag
$46 MERCURE DE FRANCE.
Ouvrage , prouve l'exiſtence & les attributs
de Dieu , par tout ce qu'il y a de
plus merveilleux dans la nature , & de
plus curieux dans la Phyfique. L'Athmoſphere
eft un grand fujet d'admiration
pour l'Auteur & pour tous ceux qui
réflechiffent attentivement fur fes ufages
fans nombre , dont le principal & celui
auquel il nous eft le moins permis d'être
infenfibles , eft la refpiration & la vie
dont nous jouiffons avec tous les animaux.
Les vents, les nuages & les pluyes,
font évidemment dans les mains de l'Etre
fuprême qui les gouverne , quelquefois
un fujet de terreur pour l'homme rebelle
, le plus fouvent une reffource pour
l'homme foible & indigent , & toujours
une preuve fans replique de l'existence
& de la fuperiorité abfoluë de cet Etre
Tout- puiffant,
La rapidité de la lumiere qui en tranfmet
en peu de minutes l'impreffion depuis
le Soleil jufqu'à notre oeil , paffe
celle de tous les mouvemens les plus vifs
qui nous environnent . Le fon eft bien
rapide , & un vent qui en auroit la cele
rité , renverferoit non feulement les Villes
& les Forêts , mais les Rochers & les
Montagnes ; & cependant une lumiere
qui n'auroit que la viteffe du fon , feroit
17. ans, & demi à parvenir depuis le Soleil
MARS. 1728. 547
feil jufqu'à nous . Avons nous de mouvement
fenfible plus rapide que celui
d'un boulet de Canon ? Si la lumiere ne
l'étoit pas davantage , il nous faudroit 3 2 .
ans & demi pour voir le Soleil après
qu'il s'eft élevé fur l'horifon. Comment
donc l'oeil dont la fubſtance eft fi fragile,
dont le fentiment eft fi délicat , foutientil
fans peine , fans effort & avec plaifir,
une impreffion fi vive & fi brufque ?
Dans le 4. Livre , l'Auteur parcoure
les cinq fens des animaux. Sur l'oeil , il
confirme que les taupes en ont , que le
Cameleon tourne fes yeux en même temps
vers divers endroits oppofez ; que les
chats voyent pendant la nuit ; que les
hommes mêmes , après avoir bû , ou
dans les accès de la fievre ou de la colere
, lifent dans les tenebres. Il ne doute
pas lui-même que la taupe ne voye fous
terre ; & il conjecture qu'elle n'a les yeux
fi petits , qu'afin qu'étant plus globuleux,
ils ramaffent mieux le peu de lumiere qui
regne dans les endroits les plus fombres .
Au fujet de l'ouye , il eft fait mention
de gens fourds qui entendent par les
yeux en voyant le mouvement des levres
de ceux qui leur parlent. Le plus furprenant
, eft le récit d'une fille fourde qui
entendoit fa foeur en lui mettant la main
fur la bouche , après l'avoir interrogée à
La maniere.
Fij L'Equi548
MERCURE DE FRANCE.
L'Equilibre confervé dans le nombre
des animaux ; afin que l'un ne prévale
point l'autre , & que la terre en ait à peu
près en tout temps tout ce qu'elle en peut
entretenir , eft un endroit admirablement
traité. Pour cet effet , dit l'Auteur , le
Créateur a affigné à la vie de chaque
créature une durée convenable ; il a fixé
la multiplication de chaque efpece à un
certain nombre plus ou moins grand ,
felon l'utilité qu'elle apporte au monde ,
La vie de quelques animaux eft très longue
; mais ils fe multiplient très-lentement
par exemple , le Candore , qui
eft un oifeau prodigieux en force & en
voracité , jufqu'à attaquer les boeufs &
enlever les homines , eft affez rare , même
au Perou & au Chily où on le trouve .
Selon les obfervations & les fupputations
faites en Angleterre & ailleurs ,
chaque mariage produit régulierement
quatre enfans , deux mâles & deux femelles
; mais le nombre des mâles paffe
communément un peu celui des femelles.
Ceux qui trouvent l'homme bien malheureux
d'être né nud , fans vêtemens ,
fans armes , fans défenfe , ne prennent
pas garde que de tous les animaux il eſt
le mieux partagé .... à lui feul eft réfervé
d'amollir & de plier le fer même
pour les ufages . Celui qui pour fe mocquer
MARS. 1728. $49
quer des François , peignit toutes les Nations
avec leurs habits ordinaires , & le
François feul tout nud , avec de l'étoffe
devant lui & des cifeaux à la main , à fait
une cruelle injure à tous les autres , lorfqu'il
n'a peint que le François en homme.
M. Derham , loin de traiter de fable
la proprieté qu'a le Cameleon de prendre
la couleur des chofes qui l'environnent
, cite d'autres animaux qui ont la
même vertu. Il remarque même , que la
plupart des infectes , furtout des chenil
les , prennent la couleur des lieux qu'ils
habitent.
On remarque qu'il eft au pouvoir des
poules de pondre plus ou moins d'oeufs ;
qu'elles en pondent en effet davantage ,
lorfqu'on a foin de les feur ôter , que
fi
on les laiffoit .... Le Docteur Lifter
a vû pondre 19. oeufs à une hirondelle
, à qui il avoit foin de les enlever
à mesure.
L'Auteur trouvé que c'eft , & il y a effectivement
un grand avantage pour la fo
cieté, que chacun puiffe être reconnu à fon
vifage , à fon ton de voix , & jufqu'aux
traits de fon écriture . Quelle foule d'inconveniens
, fi tout cela fe reffembloit !
Le 9. Livre eft fur les Reptiles & les
animaux aquatiques. Un trait merveil
leux , rapporté par Kirker & adopté par
Fij M.
150 MERCURE DE FRANCE.
M. Derham , d'après Olaus Vormius
eft la grotte aux ferpens de Bracciano.
Selon ces Auteurs , on met les malades
dans cette grotte : les vapeurs dont elle
eft remplie , les font fuer , les épuiſent
& les endorment . Pendant ce temps- là ,
il fort de quelque trou voifin , des ferpens
qui viennent lecher la fueur des
malades & achever leur guérifon .
On apprend de Londres , que M. Dur
ham donne l'Hiftoire naturelle de l'Or
& de l'Argent , par maniere de Traduction
du Livre XXXIII. de Pline , avec
des Notes. In-folio , chez Coderc.
Idem. Recherche critique & philofophique
des cauſes pour lesquelles on rapporte
dans l'Hiftoire tant de Prodiges &
de Miracles. In - 8 ° . en Anglois.
Idem. M. Turner , Curé de S. Pierre
à Colcheſter , dans un in- 8 ° . de 228 .
pages , recherche les caufes des calomnies
répandues par les Payens contre la Primitive
Eglife. En Anglois .
On mande de Pontarlier , Ville de
Franche-Comté , à 5. lieuës de Bezançon,
du 17. du mois dernier , que le fieur ....
âgé d'environ 34. ans , étant tombé en
démence il y a près de cinq ans , fes parens
n'ont rien oublié pour le faire guetir
, & par l'avis des Medecins , les faignées
MARS. 1728. 351
gnées n'ont pas été épargnées . A la derniere
faignée du bras qu'on lui fit ces
jours paffez , au premier coup de lancetre
il ne fortit rien ; le Chirurgien apperçut
dans la playe , quelque chofe qui
en bouchoit l'ouverture. Il piqua plus
haut , faifant une plus large ouverture ,
& il fe préfenta la tête d'un animal en
vie qu'il tira hors de la veine par une
efpece de barbe . C'étoit un ver fort velu ,
ayant environ 3. lignes de diametre &
un peu plus de 2. pouces de longueur , la
queue le terminant en pointe .Le ver mourut
peu de temps après . Le Chirurgien
tira auffi le ver qui avoit paru à la premiere
piqueure. Nous attendons des nou .
velles des fuites de cette maladie , &
quelque Differtation fur ce Phénomene ,
pour en faire part au Public.
On vend à Paris , chez François Chereau
, Graveur du Roy , rue S. Jacques,
aux deux Pilliers d'or , l'Hiftoire de Samfon
, en 40. Planches , gravées par les
plus excellens Maîtres du temps , commc
, les feurs Benoift Audran Jean
Audran & Simonneau , l'aîné . Le prix
eft de 10. livres .
و
On trouve chez le même , l'Hiftoire
de Jephté , en trois Planches , gravée
par le fieur Jean Audran , & l'Hiftoire
Fiiij
de
552 MERCURE DE FRANCE.
de Jacob , auffi en trois Planches , gravées
par Benoit Audran.
Plus , un Livre à definer , en 18. Planches
, d'après M. le Brun , gravé par le
fieur Simonneau. Il reprefente des Phifionomies
& expreffions très - utiles aux
Peintres , & quelques morceaux gravez
d'après le fieur Lancret , très gracieux
Peintre , dans le goût de Wattau.
Les Prêtres de l'Oratoire ont fait les
premiers mois de cette année , deux pertes
confiderables , l'une du Pere Jean - Jofeph
Maure , connu par fes grands talens
pour la Chaire. L'autre du Pere
´Charles Reyneau , de l'Académie Royale
des Sciences , celebre par fes - excellens
Ouvrages de Mathématiques . Ils
font morts tous les deux à Paris dans la
Maifon de S. Honoré , le premier le 27 .
de Janvier , âgé de 64. ans , & le fecond
le 24. de Fevrier , âgé de 72 .
Le P.Maure , natif d'Arles , entra dans
l'Oratoire à Aix l'an 1680. âgé de 17 .
ans. Il enfeigna les Humanitez & la Rhetorique
avec diftinction . Il prêcha enfuite
avec applaudiffement à Caen & à Rouën.
Appellé à Paris , il fût encore plus gouté
pendant fa Dominicale , qu'il ne l'avoit
été dans la Province . Il fe fit une fi grande
réputation , qu'on defira de l'entendre
,
MARS 1728. 553
dre à la Cour , où il prêcha l'Avent de
l'an 1700. avec tant de fuccès , que
Louis le Grand lui dit le dernier Dimanche
: Nous attendions beaucoup de vous ,
Monfieur , mais vous avez été au- deffus
de nos efperances ; on ne peut être plus content
que je le fuis , & que toute la Cour le
paroît : ce n'eft pas peu dire à votre glɔire.
S. M. lui demanda enfuite quel âge
il avoit , trente cinq ans , Sire , réponditil
; à quoi le Roy repliqua : Vous avez
bien employé votre temps . A la délicateffe
de fes Sermons , il joignoit tous les agrémens
de la déclamation & tous les talens
qui font le parfait Orateur. Le compliment
qu'il fit au Roi le jour de Noël , fut
eftimé un chef- d'oeuvre ; on le lui demanda
avec empreffement pour le faire
imprimer ; mais il s'obftina à le refuſer.
Quoique M.le Duc du Maine lui promit
de ne le faire voir qu'à Madame la Ducheffe
du Maine qui ne l'avoit pas entendu ;
il ne put fe réfoudre à le lui donner par
écrit , mais il alla le réciter à cette Princeffe.
Le P. Maffillon , à préfent Evêque
de Clermont , prêcha dans ce temps--1là
fon premier Carême à la Cour avec un
égal fuccès . Comme ces deux grands
Orateurs étoient de la même Province,
de la même Congregation , qu'ils avoient
Le même âge & qu'ils commençoient à
Le
Fy
$ 54 MERCURE DE FRANCE .
fe faire connoître à la Cour , on fit imprimer
un parallele en leur honneur
dans lequel on peut voir en quoi ils excelloient
particulierement . Quelque grandes
que foient les louanges qu'on leur
donne , le Public eft convenu qu'ils les
méritoient. Le P. Maure prêcha encore
devant le Roy l'Avent de l'an 1704. il
fut écouté avec autant de plaifir que la
premiere fois ; il a prêché auffi le Carême
à N. Dame & dans les principales
Eglifes de Paris avec un concours extraordinaire
, jufques à ce que la foibleſſe
de fa poitrine & fes infirmitez continuelles
l'ayent mis hors d'état de monter en
Chaire. Dans cette trifte fituation qui
a duré prefque les quinze dernieres années
de la vie , il a fairun facrifice au Seigneur
de tous les talens avec une parfaite
réfignation.
Le P. Reyneau naquit à Briffac , Diocèfe
d'Angers , l'an 1656. il étoit âgé
de 20. ans lorfqu'il entra dans l'Oratoire
à Paris. Delà il alla enfeigner deux cours
de Philofophie à Toulon , & un à Pezenas
, d'où il fe rendit à Angers pour y
Profeffer les Mathématiques ; ce qu'il fit
pendant 22. ans avec une très - granderéputation.
Il vint demeurer à Paris en
1705. dans la Maifon de la rue S. Honoré
; il fit paroître l'an 1708. fon Ana-
Life
MARS. 1728. 355
lyfe Démontrée , en 2. vol . in 4. qu'il
dédia à M. le Duc de Bourgogne. En
1714. il mit encore au jour fa Science
du Calcul in -4 ° . il n'en donna que les
deux premiers Livres , la fuite paroîtra
dans peu. Ses Ouvrages ont été reçus des
Mathématiciens avec de grands éloges .
Il avoit l'efprit clair , méthodique penetrant
, & le diftinguoit autant par fa
folide pieté , que par fon profond fçavoir.
En 1716. il fut reçu à l'Académie
Royale des Sciences de Paris. Le Pere
Mallebranche , avec qui il étoit très étroitement
uni , a fait l'éloge de fes Ouvrages
dans la derniere Edition de fa Recherche
de la Verité,' Ch . 5. 6. de fa Méthode.
L'amitié qu'il avoit pour lui , ne doit pas
rendre fon témoignage fufpect ; il n'a parlé
que comme parlent tous les connoiffeurs.
Ses autres amis étoient le Marquis
de l'Hôpital , le Maréchal & l'Abbé
d'Eftrades , le Duc & la Ducheffe
de Briffac ; il avoit appris les Mathématiques
à celle - ci , auffi - bien qu'au
Duc de Bellegarde . Enfin il a été particulierement
lié jufques à fa mort avec
M. d'Argouges , Lieutenant Civil de
Paris , M. de Verthamont , premier Préfident
du Grand Conſeil , & furtout M. le
Chancelier qui l'honoroit d'une eftime
particuliere. Le Pere Reyneau étoit de
F vj PAca
556 MERCURE DE FRANCE :
I Académie d'Angers , & de celle de Bourdeaux
. M" de l'Académie Royale des
Sciences de Paris , qui connoiffoient tout
le merite de leur confrere , l'ont extrêmement
regretté ; on s'attend que M. de
Fontenelle nous donnera dans fon éloge
un détail plus circonstancié.
Le III . Vol . de la nouvelle Edition de
Polybe , traduit du Grec , par le R. Pere
Dom Vincent Thuillier , Sous - Prieur de
l'Abbaye S. Germain , avec des Notes
Critiques & Hiftoriques , & c . par M. de
Follard , Chevalier de S. Louis , Meftre
de Camp d'Infanterie , paroît depuis le
commencement de cette année . Ceux qui
pourroient n'être pas encore inftruits far
cette Edition , pourront lire ce que nous
en avons dit affez au long dans le I. vol.
du Mercure de Juin 1727. p . 1149 .
de
Dans l'Affemblée de l'Académie Roya
le des Belles Lettres du Vendredy 19 .
ce mois , le Marquis de Vaubonais , Premier
Préſident de la Chambre des Comptes
de Grenoble , fut propofé pour être
reçû en qualité d'Académicien honoraire.
Cet illuftre Magiftrat eft extrêmement
âgé & aveugle depuis quelques années.
Outre plufieurs écrits particuliers pleins
d'efprit & d'érudition il eft Auteur
de
THE NEW YORK
PUBLIC LIBRARY.
ASTOR, LENOK - ANDTILDEN
FOUNDATIONS.
Nous fçavons nous faire aimer.
Aux
THE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND
.
TILDEN
FOUNDATIONS
.
MARS. 1728. 357
de l'Hiftoite de Dauphiné , imprimée à
Genêve en 1722. en 2. vol . in-fol.
EXTRAIT d'une Lettre de Chambery.
I
L court ici une maladie affez extraordinaire
, & à laquelle jufqu'à préfent nos
Medecins n'ont pû trouver de remede .
Ceux qui en font atteints , reffentent d'abord
un violent mal de tête & un point;
ils font attaquez d'une fievre qui finit
avec la vie au bout de quatre ou cinq
jours. On a ouvert plufieurs de ceux qui
font morts de cette maladie ; on leur a
trouvé le poumon cangrené , & une petite
veffie enflammée au coeur ; & c'eſt à
l'endroit de cette veffie qu'ils reffentoiert
le point. Comme vous êtes en lieu où les
Medecins ont de la réputation , je vous
prie de fçavoir ce qu'ils penferont là def
fus & de m'en donner avis.
MMMMMMMMMM MM¥¥¥¥¥¥
MUSETTE.
Dans nos paifibles retraites ,
Occupez du foin de charmer ,
Nous goûtons des douceurs parfaites 3
Nous fçavons nous faire aimer.
Aus
$58 MERCURE DE FRANCE.
Aux doux fons de nos Mufettes ,
Tous les coeurs font attendris ;
Et nos vives Chanfonnettes ,
De nos defirs nous obtiennent le prix.
Sans foupirer & fans nous plaindre ,
Sans avoir de jaloux à craindre
Nous profitons des beaux jours.

La tendreffe eft pour la jeuneffe ;
Livrons -nous fans ceffe aux ris , aux amours
La tendreffe eft pour la jeuneffe ;
Livrons -nous fans ceffe aux ris , aux amours.
SPECTACLES.
E 17. Fevrier , les Comédiens Fran
Loisreprefenterent à la Cour , les
Amans Déguifez , Piece nouvelle en trois
Actes , en profe , & l'Ecole des Maris
Comédie de Moliere .
Le 19. Heraclius & les Precieuſes Ridicules.
Le 24. les Bourgeoifes de Qualité ou
la Fête de Village & la furprise de l'Amour.
Le
MARS. 1728. 559
Le 26. le Cid & la Serenade.
Le 2. Mars , le Malade Imaginaire &
l'Epreuve réciproque.
Le 4. Bajazet & le Procureur Arbitre ,
Piece nouvelle du fieur Poiffon , qui fit
autant de plaifir à la Cour , qu'elle en
avoit fait à la Ville .
Le 8. le Dépit amoureux & CrifpinRival .
Le 10. Pourceaugnac avec tous fes agré
mens .
Cette Piece fut parfaitement bien repre
fentée , & les Intermedes excellemment
executez . On n'en fera pas furpris en apprenant
le nom des perfonnes qui y ont
chanté & danſé.
Les Srs Mantienne & Dangerville y
remplirent les Rôles des deux Muficiens ,
Bondi , &c. & des deux Avocats .
Les Diles Antier , Hermance , & Peliffier
, chanterent divers morceaux détachez
& choifis .
La Dlle Prévost & les Des Camargo .
Sallé & du Rocher , danférent pluficurs
Entrées enfemble & féparément .
Les Danfeurs étoient le St Blondi &
les Srs du Moulin , Laval , Maltaire .
Lès trois freres du Moulin , les deux .
Maltaires & Laval , danferent l'Entrée
des fix Mataffins.
Le dernier Divertiffement finit par les
Caracteres de la Danfe , que la De Camargo
$60 MERCURE DE FRANCE:
margo danfa avec applaudiffement.
Le Ballet avoit été compofé par le fieur
Balon , Maître des Balets du Roy.
Le 9. de ce mois , on remit au Théatre
François la Tragédie d'Oedipe , de
M. Voltairé , que le Public revit avec un
grand plaifir. La Dilele Couvreur & le
fieur du Frefne y jouent les deux principaux
Rôles dans la plus grande perfection.
Le fieur le Grand , qui remplace feu
fon pere dans le Rôle du Grand - Prêtre ,
y eft fort applaudi .
Le Samedi 13. on repréfenta , felon
la coûtume , la Tragédie de Polyeucte ,
pour la clôture du Théatre , jufqu'après
la Quinzaine de Pâques.Le fieur du Breüil
fit un Compliment qui fut fort bien reçu .
Le 12. l'Académie Royale de Mulique
donna la quatorziéme & derniere repréfentation
de l'Opera d'Orion , avant la
clôture du Théatre . Elle donna auffi le
8. & le 13. deux repréfentations de Roland,
pour la Capitation des Acteurs ,
comme cela fe pratique toutes les années .
Le concours fut prodigieux. Le fieur Thévenard
& la De Antier , jouerent les Rôles
de Roland & d'Angelique ,& la Dle Camargo
, danfa les caracteres de la Danfe
avec applaudiffement.
On
MAR S. 1728 .
On prépare l'Opera de Bellerophon ,
pour être donné après Pâques .
Le 19. Février , l'Académie Royale de
Mufique donna la premiere repréfentation
de la Tragédie d'Orion ; l'Affemblée
fut très- nombreufe & affez tumultueufe ,
ce qui empêcha de pouvoir porter un
jugement équitable fur cet Opera , tant
par rapport à la Mufique , que par rapport
au Poëme ; il y eut cependant des
morceaux qui fe firent fentir, & qui furent
applaudis . Les repréfentations fuivantes
ne furent gueres moins nombreuſes , mais
beaucoup plus tranquilles .
La Mufique eft de M. de la Cofte ,
Maître de Chant de la même Académie ,
Auteur des Tragedies de Philomele & de
Telegone. Le Poëme eft de M. *** Il a
mis à la tête de fon Opera un court
Avertiffement , par lequel il fait voir que
quelque droit qu'il eût d'inventer fa Fable
, il ne s'en eft pas prévalu ; il cite
les Auteurs fur lefquels elle eft fondée ,
& déclare que Pallante eft le feul perfonnage
de fa façon.
PROLOGUE.
Le Théatre repréſente l'Ifle de Cythere.
Venus excite les Arts & lesJeux à achever
d'élever un Trône pour l'Amour , à qui
tous
$ 62 MERCURE DE FRANCE.
tous les Dieux doivent venir rendre hom
mage Jupiter montre l'exemple ; il dépofe
fon Tonnerre aux pieds de l'Amour ;
Minerve même , à la tête de ſes Guerriers ,
vient affifter à fon Triomphe , & confeffe
hautement que tous fes Héros font
fes Sujets. La feule Diane s'en diſpenſe ;
fes Nymphes fe font entendre derriere
le Théatre ; elles chantent ces Vers :
Déclarons à l'Amour une guerre éternelle
Qu'il foit banni de nos Forêts :
}
O Diane , aimable Immortelle ,
Nous ne vous quitterons jamais.
L'amour irrité de cette infulte , deſcend
de fon Trône & exprime fon reffentiment
par ces paroles :
Quels odieux Concerts ! Dieux , témoins de
Toffenfe ,
Vous le ferez de la vengeance.
Tous les Dieux fe joignent à lui &
approuvent fa vengeance par ce Choeur.
L'Amour eft outragé :
Qu'il foit vengé.
Ce confentement unanime de tous les
Dieux , qu'on peut appeller un Arrêt du
deftin ,
1
MARS. 1728. 563
L
deftin , autorise l'Amour à fe venger de
Diane , & la vengeance fonde le fujet de
la Tragedie : voici comment.ce Dieu ou
tragé s'exprime en parlant de Diane .
Malgré fon injufte rigueur ,
Le
trop tendre Orion ,, pour elle brule encore.
A la faveur d'un fonge , éteignons dans fon
coeur ,
Le feu fatal qui le devore :
Que Diane l'aime à son tour;
Que l'ingrate éprouve en ce jour ,
Combien d'aimer en vain , l'horreur eft fans
égale ;
Mais ce n'eft pas affez , qu'elle aime fans
efpoir ,
Pour mieux frapper fon coeur , il faut lui faire
voir
Le Triomphe d'une Rivale.
TRAGEDIE.
Аств І.
Le Théatre reprefente une Campagne
riante auprès de la Ville de Thebes en
Egypte. On voit la Statuë de Memnon ,
tournée du côté de l'Orient , pour rece-
> voir les premiers regards de fa Mere l'Aurore
, dont la vûë le ranime & lui fait
pro$
64 MERCURE DE FRANCË .
prononcer des oracles . Orion eft couché
fur un lit de verdure ; Palemon , fon Confident
, le reconnoît à la faveur du
Crepufcule . Orion s'éveille en furfaut ,
& récite à Palemon le fonge effrayant
qu'il vient de faire : Le voici :
Je goûtois le repos fous cet épais feüillage,
Quand j'ai vû fortir d'un nuage ,
Le plus charmant de tous les Dieux :
Il offre une Nymphe à mes yeux ,
Qu'il me deſtine pour partage.
Que d'attraits à fes pieds j'allois porter
Thommage ,
Et de mon coeur & de ma foi :
Je vois Diane : arrête , me dit- elle ,
Un coeur qui foupira pour moi ,
Eft-il fait pour une Mortelle ?
A ces mots je vois la cruelle ,
Armer fa main d'un Trait vengeur ;
Je tremble pour l'objet que j'aime ;
Pour lui fauver le jour , prêt à périr moimême
,
Je vole ; au coup mortel je prefente mon coeur.
Mon réveil à mes yeux a dérobé le refte ;
Mais une image fi funefte ,
M'a laiſſé toute ma frayeur.
Après
MARS. 1728.
565
Après le récit du fonge , le jour com
mençant à paroître , Orion eft fort furpris
de voir arriver en ces lieux Pallante ,
Roi des Scythes. Ce Prince genereux
lui avoit autrefois prêté un azile dans
fa Cour , lorfque Diane le punit par l'exil
, de la témerité de fon amour . Pallante
lui apprend qu'il aime une Nymphe
de Diane & qu'il vient l'attendre
en ces lieux , où la Déeffe doit arriver
inceffamment , pour obéir à un Arrêt du
Deftin , qui lui ordonne dans un jour de
l'année , de laiffer fes Nymphes en liberté
de choisir un époux ; ce qui eft fondé fur
une autorité , que l'Auteur anonyme de
ce Poëme a citée dans l'Avertiffement .
La conformité de leur fort & leur ancienne
amitié , font réfoudre Pallante &
Orion à confulter l'Oracle de Memnon .
Voici ce qu'il leur répond après la Fête
qui a paru fort brillante :
Le Deſtin , dont je fuis l'interprete fidelle ,
Daigne m'apprendre votre fort ;
L'un de vous doit joüir d'une gloire immor
telle ;
L'autre ici doit trouver la mort.
Le fonge terrible qu'Orion a fait , lui
perfuade que c'eft à lui que la mort eft
deftinée, au lieu que Pallante fe flate d'être
heureux
566 MERCURE DE FRANCE.
heureux. Ils fe trompent tous deux , comme
on le verra dans la fuite .
ACTE II.
Orion ayant appris de Pallante que
Diane doit arriver inceffamment àThebes,
veut éviter fa prefence qu'elle lui a interdite
pour jamais ; ce qui le détermine
encore plus à la fuite , c'eft le fonge terrible
qu'il a fait. Il y réflechit encore ,
lorfqu'il entend un bruit de Cors & voit
une Nymphe qui prefente à fes yeux les
Traits de celle qu'il avûë en fonge . Cette
Nymphe s'appelle Alphife , elle eft fille
de Borée . La frayeur que lui a cauſée un
Monftre affreux que Diane pourfuit , ou
plutôt la legereté de la courfe de Diane ,
T'a féparée de cette Déeffe , qu'elle veut
aller rejoindre , malgré les tendres difcours
d'Orion , qui veut la fuivre pour
partager du moins le péril auquel elfe va
s'expofer. Le Monftre bleffé mortellement
par Diane , paroît vouloir fe jetter fur
Alphife ; Orion combat le Monftre &
acheve de le tuer ; Alphiſe lui dit :
Puiffent les Immortels m'acquitter envers vous,
Orion lui répond tendrement :
Pourquoi remettre aux Dieux votre recon
noiffances
C
Yous
MARS. 1728.
567
Vous avez en votre puiffance ,
Le feul prix qui flatte mon coeur :
L'Amour feul m'a rendu vainqueur ;
Que l'Amour foit ma récompenſe.
Alphife s'effarouchant au feul nom
d'Amour , Orion lui répond :
Si j'en crois votre bouche , au plus puiffant
des Dieux ,
Je dois refuſer mon hommage ;
Si je confulte vos beaux yeux ,
Ils parlent tout autre langage.
Alphife lui proteftant qu'elle n'aimera
jamais ; Orion , fondé fur le fonge dont
il eft parlé dans le premier Acte , lui dit ;
C'eft à l'Amour d'achever fon ouvrage.
Vous deviendrez fenfible à ma fidelle ardeur;
L'Amour , le tendre Amour , contre vous me
raffure :
L'Auteur du tourment que j'endure ,
Eft le garant de mon bonheur.
Diane arrive avec toutes fes Nymphes.
Elle apprend le péril que fa chere Alphife
vient de courir , elle lui permet de ſe retirer
pour achever de fe remettre de fa
frayeur ,
568 MERCURE DE FRANCE.
frayeur ; elle veut témoigner fa reconnoiffance
au genereux Inconnu qui vient de
lui fauver la vie ; elle reconnoît Orion ,
& lui pardonne fon crime paffé, en faveur
d'Alphife. Ses Nymphes celebrent la victoire
qu'elle a remportée fur le Monftre ,
en partageant la gloire entre elle & Orion .
A la fin de la Fête , Pallante vient fe prefenter
devant Diane ; cette fevere Déeffe
veut le punir de la témérité ; Orion de
mande grace pour lui & la prie de favorifer
fon amour ; il ne fonge pas que c'eſt
pour fon Rival qu'il implore Diane ; il
l'apprend avec un mortel regret , au nom
d'Alphife que Pallante prononce , & ce
qui acheve de l'accabler , c'eft que Diane
répond à Pallante :
Diane eft propice à vos voeux's
La faveur d'Orion , elle approuve vos feux.
ACTE III.
Le Théatre reprefente une des Embouchures
du Nil , environnée de Rochers ,
parmi lesquels on a placé de grandes Piramides
& autres Morceaux d'Architecture ,
qu'on fuppofe avoir été détruits par le Nil,
qui forment divers Groupes,& produifent
ces grands effets que le Théatre demande.
Ces Rochers , éclairez par le Soleil , font
comMARS.
1728. 569
compofez & peints d'un gout bizarre &
pittorefque , imitant cependant fibien la
nature , qu'ils femblent vrais ; & par le
moyen de la Perfpective , l'entente des
lumieres & le bon gout des couleurs , ils
paroiffent ne faire qu'un corps , fi bien
qu'on ne s'apperçoit pas des Couliffes.
Čes Rochers font fi bien oppofez par la
grandeur des uns & la petiteffe des autres,
& fi bien peints , qu'ils laiffent voir un
lointain furprenant au - delà de la chute du
Nil , laquelle forme une Caſcade très - naturelle
de 10. pieds de haut, fur 16. de large.
Elle est très-ingénieufement inventée,
fur tout , vû les inconveniens qui le trou
vent fur le Théatre de l'Opera . On y voit
un Ciel vague , qui s'accorde fort bien
avec toute la Décoration , dont le point
de vûë eft de côté. Le fieur Servandoni
eft l'Auteur de ce beau Morceau qui a
reçû de grands applaudiffemens . Il eſt
tout peint de fa main.
Alphife fait connoître qu'elle aime
Orion , par ce Monologue en Rondeau.
Ah ! ne m'as- tu fauvé la vie ,
Qu'aux dépens de ma liberté
Faudra- t-il qu'à jamais elle me foit ravie ?
Que devient ma raifon ? Que devient ma
fierté ?
G Ah !
$ 70 MERCURE DE FRANCE .
Ah ! ne m'as-tu fauvé la vie ,
" Qu'aux dépens de ma liberté?
Elle veut fe retirer , voyant approcher
Orion ; il l'arrête & lui reproche la préference
qu'elle donne à un Rival couronné
, il ne nomme point Pallante , dont la
Nymphe ignore l'arrivée ; Alphife lui répond
fur le même ton :
Mais d'un defir ambitieux 20
Lorfque vous foupçonnez mmoonname ,
Après votre premiere flamme ,
Pouvez vous pour Alphife avoir encor des
yèux ? (
Des feux qu'allume une Immortelle ,
Doivent être immortels comme elle,
Ce petit mouvement de jaloufe prépa
re l'aveu qu'elle lui fait dans la fuite de
fuif
cette Scene ; l'Amour s'eft gliffé dans fon
coeur à la faveur de la reconnoiffance.
Orion la prie de lui permettre de la demander
à Diane ; elle y confent , mais elle
lui dit de ne point faire connoître à cette
févere Déeffe que l'Amour regne dans
fon coeur . Elle fe retire. Orion fe reproche
la trahifon qu'il fait à Pallante , mais ce
fcrupule ne le retient point ; il ne peut
confentir à facrifier l'Amour à l'amitié.
MARS. 1728 .
571
Il voit venir . Diane , il ne lui parle pas
encore de fon amour pour Alphife , il
veut auparavant mériter fes bontez par
fon zele. Il va donner tous les foins aux
apprêts d'une Fete , dont cette Déeffe l'a
chargé
1J6
Diane fait connoitte fes fentimens fecrets
par ce Monologue.
01 :
Vas-tu m'abandonner , repos fi plein de charmes
Dont je fuis l'aimable loy ?
Et toi , fource de tant d'allarmes ,
Amour , cruel Amour , viens-tu regner fur
moi ?
J'ai fui , j'ai condamné , j'ai déteſté ta flamme;
Faut- il que malgré moi j'y trouve des attraits ?
Je fens dans le fond de mon ame
Ce que je ne ſentis jámaís.
Vas-tu m'abandonner , &c.
Alphife vient interrompre la tendre rêverie
de Diane. Cette Scene a paru une
des mieux écrites de la Piece. En voici
quelques Vers pour en donner une legere
idée.
Helas !
Diane.
Gij Alphife
572 MERCURE DE FRANCE.
Alphife.
Sisu OMA
Vous foupirez , m'eft, il permis de arpire us
would ug besnem noid its
Ahl garde-tor de m'arracher
Aun aveu qui bleffe ma gloire.
phife.
Si j'ofois vous defobeïr
A l'ardeur de mon Zetel en¹ félféz võùs un
crime ? Cab 4¶ söqaz 9Í 19wÌA
Ce foupir vient de vous trahir
C'eft ainfi quel'amour s'exprime.
11 Diane cimen
WD Manufinodzio zeza a´la
L'Amour!
Alphife .
Pardonnez mon erreur.
Diane.
Ton erreur , chere Alphife , il n'eft plus temps
de feindre :
Tu ne t'abufes point ; mon trouble , ma langueur
,
Mes foupirs échappez , helas ! tout me fais
craindre
Que l'Amour ne foit mon vainqueur.
Alphife lui répond d'une maniere à lui
faire
MARS. 1723. 573
faire connoître par le foin qu'elle prend
d'excufer l'Amour , qu'elle n'eft pas infenfible
: Diano croit qu'elle aime Pallante
, pour qui Orion s'intereffe ; l'équivoque
eft bien ménagée par l'Auteur. Alphile
accepte époux que la Déeffe lui
offre , parce qu'elle fe figures que+( c'eſt
Orion . Elle en eft détrompée à la fin de
la Scene par ces Vers.
. dulub zpov zi010 ; 18
Je vais de fap prochain bonheur,
Affurer le tendre Pallante.
Diane s'étant retirée , Alphife refléchit
fur l'arrivée de Pallante , qu'elle ignoroit ,
fur la promeffe qu'elle a faite de l'époufer
& fur d'autres circonstances qui ne
lui font que trop entendre que Diane eft
fa Rivale . Voici comme elle s'exprime :
Objet de tous mes voeux ,^
121131un autre auroit
ma foi !
Pardonne mon erreur à ma tendreffe extrême.
Le coeur trop plein de ce que j'aime ,
J'ai cru qu'on ne pouvoit mê parler que de tois
Le coeur trop plein de ce que j'aime ,
Tout étoit Orion pour moi.
Pallante vient témoigner à Alphiſe la
joye qu'il reffent de fon bonheur pro-
Giij chain
574 MERCURE DE FRANCE .
chain , dont Diane vient de l'affurer . Al
phife lui répond d'une maniere à lui faire
prendre le change , quoiqu'elle n'y contribue
pas . Les Sujets de Pallante celebrent
la Fête de ce troifiéme Acte en
l'honneur de celle qui eft défignée pour
leur Reine .
ACTE IV.
Le Théatre réprefente le Temple de
Diane. C'eſt la belle Décoration du Palais
de Ninus , qui a fervi dans l'Opera
de Pirame & Thifbé , dont nous avons
donné dans le temps une ample deſcription
. Elle eft aufli du fieur Servandoni ,
& paroît aujourd'hui plus belle que jamais
. On a placé dans le fond le Trône
de Diane avec tous les attributs de cette
Déeffe.
Orion fe plaint d'avoir préparé cette
Fête pour l'Hymen de fon Rival . Alphife
vient. Elle lui annonce que Diane
Î'aime , & le prie de répondre à l'amour
de cette Déeffe ; cette Scene eft très- intereffante
& finit par un Duo generalement
applaudi. En voici les paroles :
3
Vole , Amour , vien nous fecourir ;
D'un injufte pouvoir nous fommes les victimes
;
Mais
MAR S. 1728. 575
Mais c'eft toi qui fais feul nos crimes ,
Voudrois- tu nous laiffer périr ?
L'approche de Diane oblige Alphife à fe
retirer ; la Décffe qui fe croit toujours aimée
d'Orion , lui parle d'une maniere à lui
rendre l'esperance ; mais la froideur avec
laquelle il lui répond , l'empêche d'en
dire davantage ; elle lui ordonne d'aller
donner ordre que la Fête commence , &
témoigne ce qui fe paffe dans fon ame
par ce Monologue :
Fatal Auteur de mes allarmes,
Triomphe , Dieu cruel , tu vois couler mes
larmes.
Quelle étoit mon erreur ! ah ! je ne croyois pas
Que l'Amour eût des maux plus grands que
l'Amour mênie :
J'ignorois le fupplice extrême ,
De foupirer pour des ingrats .
Fatal Auteur , & c.
Les Nymphes viennent celebrer la Fête
fondamentale de la Tragedie ; elles font
fuivies de Bergers qui viennent les demander
en mariage . Cette Fête eft fondée
fur un Arrêt du Deftin qui ordonne
qu'à un certain jour de l'année , Diane
Giiij per$
76 MERCURE DE FRANCE .
permette à fes Nymphes de renoncer au
celibat. Elle leur donne une Guirlande
qu'elles vont prefenter à celui qu'elles
choififfent pour époux. C'eft par là que
Diane reconnoît Alphife pour la Rivale ;
elle refufe la Guirlande qu'on veut qu'el
le prefente à Pallante. Diane fait fortir
tout le monde , hors Alphife ; & l'ayant
convaincue de fa trahifon , elle lui dit
qu'elle lui laiffe le choix de la main de
Pallante ou du couteau mortel.
ACTE V.
Le Théâtre repréſente un Bois , où l'on
á dreffé un Autel , fur lequel on voit d'un
côté le Flambeau de l'Hymen , & de l'autre
un couteau mortel.
Diane fe plaint de ce que l'Amour fait
éclater fa vengeance contre elle dans
un temps où elle fe foumet pour la premiere
fois à fa puiffance . Orion paroît
faifi d'horreur à l'afpect funefte de
l'Autel ; mais que devient- il quand il apprend
de la bouche de Diane , que ce couteau
mortel qu'il voit, eft deftiné à percer
le coeur de fon Amante , fi elle refuſe la
main de Pallante ? Cette Scene a paru
très-vive : ce qui en fait la plus grande
beauté , c'eft un Duo de fureur , dont voi- *
ci les paroles :
Tran
MARS. 1728. 377
Tranſports de haine & de rage ,
Emparez- vous de mon coeur.
Amour, c'eft toi qu'on outrage ;
Vole en ces lieux , Dieu vengeur :
Vien , répans fur ce Rivage ,
L'effroi , la mort & l'horreur .
Tranſports de haine & de rage ,
Emparez-vous de mon coeur.
Alphife vient , conduite à l'Autel pat
Pallante. Diane lui propofe le choix du
Flambeau d'Hymen ou du couteau mortel
; elle choifit le dernier : Pallante le lui
arrache , & aime mieux fe donner la mort
que de contraindre Alphife à l'époufer.
Son exemple attendrit Diane . Voici par
où elle finit la Tragedie:
Quoi ! je ne voi couler que du fang & des
larmes !
Se peut-il que pour moi ce ſpectacle ait des
charmes ?
A quoi m'as- tu portée , implacable courroux?
Eft- ce à moi de ceder au feu qui me devore ?
Suis je Diane ? ô ciel ! à mes tranſports jaloux,
Puis-je me reconnoître encore ?
Tout ce que je vois en ces lieux ,
Gy
Reproche
ƒ78 MERCURE DE FRANCE:
1
Reproche à mon amour ſon injuſtice extrême :
Pallante expirant à mes yeux ,
Aime mieux s'immoler lui -même ,
Que de contraindre ce qu'il aime ;
Faut-il que les Mortels montrent l'exemple
aux Dieux ?
Après avoir chanté ces Vers , elle pardonne
à Orion & Alphife , & confent
qu'ils foient unis . Les Peuples chantent
fa nouvelle victoire.
Cette Piece a trouvé des Cenfeurs & des
Apologiftes , nous avons recueilli ce qui
s'eft dit de part & d'autre , pour en faire
part aux Lecteurs à qui nous laiffons la
liberté de décider .
On a critiqué le caractere de Diane ,
qui devient une Médée à la fin du quatriéme
Acte.
On a répondu que l'Amour outragé
change les caracteres ; que Cybele , quoiqu'on
lui donne le nom de bonne Déeffe,
eft bien plus barbare dans Athis , que
Diane dans Orion . Que c'eft ici une vengeance
de l'Amour qui veut faire fentir
à fa mortelle ennemie , toutes les fureurs
qu'il peut infpirer .
Le caractere de Pallante a été trouvé
trip tendre pour un Scythe . On a répondu
que l'Amour adoucit les moeurs les
plus
MARS. 1728. 579
plus fauvages. Pallante à paru trop crédule
aux Critiques . Quoi ! ont - ils dit , fur
un fimple helas : il fe croit aimé!
Les Apologiftes ajoûtent quelque chofe
de plus à cer hélas ! ils remontent plus
haut : Fallante , difent - ils , vient d'être
affuré par le témoignage de Diane qu'Alphife
confent à fon Hymen ; la Déeffe
peut encore lui avoir dit que la Nymphe
le fouhaite en faut- il davantage pour
lui perfuader qu'il eft aimé.
Voilà à peu près ce qui eft venu jufqu'à
nous . Au reste tout le monde convient
que cet Opera eft parfaitement bien executé
& que le Balet & les Décorations
font un grand effet qui ne doit pas peu
contribuer au fuccès .
Les Rôles d'Orion & de Pallante , de
Diane , & d'Alphife , font remplis par les
Srs Tribou & Chaffé , & par les Diles Antier
& Feliffier .
Les Diles Menés & de l'Ifle , danfent au
Prologue & au premier Acte ; la Dlle Prévoft
danfe dans le fecond plufieurs Entrées
. La D¹le Camargo danfe au troifiéme
Acte un pas de trois avec les Srs Blondi
& Laval , qui a fait un extrême plaifir ,
&c. Tous ces Divertiffemens font extré
mement variez & fort agréables . C'eſt toujours
le S'Pécourt qui compofe les Balets.
G vj LE
580 MERCURE DE FRANCE :
LE PROCUREUR ARBITRE , petite
Comedie nouvelle , en Vers , reprefentée
fur le Théatre François le 25. dn
mois dernier.
ACTEURS .
Le fieur Quinault.
La De Jouvenot.
Dile
La De Quinault.
Arifte.
La Veuve.
Lifette , Suivante .
Pyrante. Le fieur de Fontenay.
Efquivas , Galcon. Le fieur du Frefne.
Verdac , autre Gafçon , Le fieur Armand.
Lifidor.
Geronte.
La Baronne .
Le fieur Dangeville.
Le fieur du Chemin.
La De la Motte.
#
lle
Ifabelle, fille de Lifidor . La D du Frefne.
Agenor , fils de Geronte. Le S'le Grand.
La Scene eft chez Arifte .
Ette Piece , dont M. Poiffon l'aîné
eft l'Auteur , a été generalement &
parfaitement bien reçûë du Public ; la verfification
en eft aifée & naturelle ; le fond
de la Comédie eft tout des plus fimples :
le voici en peu de mots :
Un Procureur eft amoureux de la Veuve
de celui dont il a acheté l'Office ; cette
Veuve a fi mauvaife opinion des Procureurs
, que ce feul nom s'oppofe au penchant
fecret qu'elle a pour Arifte , c'eft
le
MARS. 1728. 581
le nom du Procureur qui la recherche en
mariage. Lifette , Confidente de la Veuve
, s'intereffant pour Arifte , qu'elle croit
honnête homme , lui en parle d'une maniere
à lui faire entendre qu'il n'a de
Procureur que l'habit . La Veuve a de la
peine à le croire . Lifette , pour la convaincre
de la probité d'Arifte , l'invite à
fe cacher de maniere qu'elle puiffe entendre
les fages décifions d'Arifte , qui
agiffant plus en Arbitre qu'en Procureur,
doit être confulté par plufieurs perfonnes.
La Veuve accepte le parti , & ayant reconnu
par elle même qu'Arifte eft un parfait
honnête homme , elle ne balance point à
le rendre heureux par un Hymen que
la feule prévention où elle étoit contre
tous les Procureurs , lui faifoit rejetter.
Voilà précisément l'action principale à
laquelle toutes les autres devroient abou
tir dans le genre de Comedie le plus reçû
au Théatre François . On y en a pourtant
vû dans ce fecond gente qui ont beaucoup
de fuccès ; fçavoir Efope à la Ville , Efope
à la Cour & le Mercure Galant , ou la
Comedie fans titre ; peu d'autres ont réüſſi
fur le même Théatre ; mais il n'en a pas
été de même au Théatre Italien , où l'on
peut dire que ces fortes de Pieces ont fait
fortune, quoiqu'elles ne foient pas les plus
eftimées des Connoiffeurs. On en pourroit
582 MERCURE DE FRANCE.
roit cependant tirer un avantage qui con
filteroit en la pluralité des caracteres qu'on
y traiteroit la correction des moeurs qui
doit être le principal but de la Comedie,
tomberoit fur plus de gens , & par là le
fruit qu'on peut rapporter du Théatre feroit
plus grand. Il feroit pourtant a fouhaiter
que toutes les Scenes détachées
euffent du moins quelque efpece de liaifon
avec l'action principale ; l'Auteur du
Procureur Arbitre à tâché , autant qu'il
l'a pû , de mettre cette regle en pratique,
& il y a réüffi en quelque maniere , puifque
les differentes Scenes de la Piece contribuent
à faire connoître la probité d'Arifte,
& à difpofer la Veuve qui a tout enreħdu
, au mariage , par où la Comedie
finit.
La Scene des deux Vieillards tient de
plus près à l'action principale , en ce que
non feulement elle fert à rendre heureux
deux jeunes Amans pour lefquels les Spectateurs
s'intereffent ; mais qu'elle invite
la Veuve à faire un double mariage , pour
récompenfer Arifte d'avoir porté les deux
peres à confentir à l'Hymen de leurs
enfans , & à leur donner le tréfor qui eft
en arbitrage. Nous avons crû qu'on nous
fçauroit bon gré d'ajoûter ici quelques
fragmens de Scenes , qui puiffent faire
juger de la bonté de la Fieçe entiere.
Lifette
MARS. 1728.
583
Lifette parlant à Arifte de la Robe
dont il eft revêtu, s'exprime en ces termes :
Elle vient de l'Ayeul du pere du deffunt ,
Infigne grapignon , ou fripon , c'eft tout un .
Enfuite elle paffa , la chofe eft bien fincere ,
A fon fils , qui devint plus fripon que fon
pere ;
Et le dernier enfin , qui s'en vit poffeffeur ,
Fut encor plus fripon que fon prédeceffeur .
Que vous allez par elle acquerir de fcience !
Depuis que vous l'avez ; dites en confcience ,
Ne vous a- t- elle pas déja bien infpiré ?
Arifte répond:
D'abord elle a voulu me tourner à fon gré ;
Et dans mes bras Lifette , à peine je l'eûs mifer
Que de l'ardeur du gain mon ame fut épriſe.
La chicane m'offrit tous fes détours affreux ;
Je me fentis atteint de defirs ruineux ;
Mais ma vertu , pour lors , en moi fit un prodige
.
Vous en aurez menti , maudite Robe , dis- je ;
Vous ne pourrez jamais me porter dans le
coeur ,
Rien de votre poifon ni de votre noirçeur
Pour
384 MERCURE DE FRANCE.
Pour Soleil d'équité , je veux qu'on me re
nomme ,
Et qu'on voye une fois, fous vous, un honnête
homme.
Arifte , faifant un détail des differentes
raifons qui engagent les Plaideurs , ou
autres gens à venir le confulter , dit à
Lifette :
Ah ! je t'en conterois pendant un jour entier
Des plus folles : tantôt c'eſt un coheritier
Qui demande , pour être unique legataire ,
Quelle fauffe manoeuvre alors il pourrait
faire.
L'un vient fecretement implorer mes avis ,
Sur les fonds d'une Caiffe un peu trop dfvertis
:
Un autre me demande , attendu qu'on le
blâme ,
Des confeils fur les faits & geftes de fa femme
:
D'un brevet de calotte , un autre s'offenfant ,
Veut intenter Procès à tout le Regiment , & c.
Dans le cours de la Piece , un Gaſcon
vient fçavoir d'Arifte , à quel fujet il lui
a écrit de venir chez lui ; le Procureur
Arbitre lui témoigne fa furpriſe , & lui
die
MARS. 1728. 585
dit qu'il ne doit pas ignorer le fait dont
il s'agit , c'est- à - dire , les mille francs
qu'il doit à M. de Verdac , autre Galcon ;
le premier qui s'appelle M. d'Efquivas ,
dit à Arifte , qu'il ne fe fouvient pas d'a
voir jamais emprunté cette fomme , &
pour appuyer fon manque de memoire ,
deffaut qui lui eft ordinaire , il cite trois
traits , qui pourroient , avec diftinction
trouver place dans les Vafconiana. Les
voicy :
Et pour vous le prouver , écoutez je vous
prie ,
Un trait bien fingulier . Un jour je me marie;
C'étoit dans mon pays , je m'en fouviens fort
bien ;
Après tout le détail du conjugal lien ,
Ayant eu bonne dot , & voulant de Toulouſe
Emmener à Paris fur le champ mon épouſe ;
Apparemm troublé de la poffeffion
D'un objet qui faiſoit toute ma paſſion ;
Je pris fans y penfer la pofte , fur mon ame ,
Bref , j'emportai la dot , & j'oubliai ma femme.
Voicy le fecond trait.
Dernierement encor , chez un gros Joual-
,
lier ,
Achet$
86 MERCURE DE FRANCE .
Achetant promptement pour quelques Demoifelles
,
Girandoles , Brillants & d'autres bagatelles ,
Je fortois fans payer , comptant peu revenir ,
Sans le Marchand , Monfieur , qui m'en fit
fouvenir :
"
Ce manque de memoire eft fort défagréable.
Troifiéme trait.
Voicy ce qui m'arrive encor : écoutez moy.
Avec un homme un jour , je pris une querelles
Ce fut pour une Dame aimable , riche &
belle :
L'endroit où nous étions , ne nous permettoit
pas
De finir fur le champ par le fer nos débats ;
C'étoit au Bal ; & là , fi l'on eur vû nos armes
.
Nous aurions effrayé plus de foixante Dames :
Il me dit à l'oreille ; à tel endroit demain :
Topé , lui répondis - je , en lui ferrant la main;
? Eh bien le lendemain , quel bonheur pour
fa vie !
C'eft la premiere chofe , en un mot , que j'ou
blie.
Le Gafcon à qui les milles francs font
dûs , vient plaider contradictoirement.
Le
MARS. 1728 .
587
Le débiteur convient de la dette , mais
il en remet le payement après une prétenduë
vente de bois qu'il va faire couper
dans la terre d'Efquivas ; le créancier
veut être fatisfait fur le champ , & affure
que d'Efquivas a gagné le jour d'auparavant
plus de deux cent Louis au jeu ;
& fur le refus que le débiteur fait de
payer , attendu , dit - il , que ces deux
cent Louis lui font abfolument neceffaires
pour jouer , le Procureur Arbitre prononce
ainfi :
La compenfation ici doit être faite :
C'eft fur l'argent du jeu qu'il faut payer la
dette
Que vous avez promis d'acquitter tant de
fois ,
Et garder pour le jeu la vente de vos bois.
Nous groffirions trop cet Extrait , fi
nous voulions yinferer tous les morceaux
de détail qui ont frappé ; nous finirons
par celui- cy. C'eft un jeune Garçon de
dix - fept ans qui parle ; fon pere ne veut
pas le marier , parce qu'il ne le croit pas
d'âge competant.
Sans l'avoir pratiqué , du monde j'ai l'ufage
;
Et je fens que chez moi tout à devancé l'âge.
J'ignore
$ 88 MERCURE DE FRANCE :
J'ignore à quoi l'on doit m'employer quelque
jour ,
L
Si je ferai de Guerre , ou de Robe , ou de
Cour ;
1 ) ટર્કા,
Mais , fi je dois remplir quelque poſte honorable
,
Je m'en fens , croyez- moy , dès aujourd'hui
capable .
S'il faut être de guerre, eh hquoi ne fçaisje
pas
€ WHO . 1013
Le renom qu'on acquiert au milieu des combats
? E ODKA
Qu'on y doit de fon fang , foutenit la nobleffe
?
17wud 01793 256 , euri
Que l'honneur s'y, ternit par la moindre foibleffe
?
Et que dans ce métier , foutenu du bonheur ,
On s'avance bien-tôt avec de la valeur.
เ 14.
Si pour la Robe on veut que je me détermine
,
Je fçais que l'on doit être , au moins , je l'i
magine ,
Ŝage , judicieux , rempli d'integrité ,
Et fans ceffe n'avoir pour but que l'équité.
S'il faut être à la Cour , fans beaucoup de
méthode ,
Je ſuivrai comme un autre & l'ufage & la
mode ;
Peu
MARS. 1728. 589
Peu de fincerité , beaucoup d'airs empreffez;
Rire toujours de rien , flatter les moins
fenfez sher
Sur le mafque des Grands compoſer ſon vifageing
suelos Homes #
Voilà , je croi , la Cour ; en faut- il davan
tage ?
La jeune Amante ne parle pas avec
moins de raifon ; leurs peres font en dif
pute fur un tréfor trouvé , aucun d'eux
ne prétend qu'il lui appartienne. Le Procureur
Arbitre , termine ce genereux débat
par cette décifion.
Que , dès cette journée ,
Soit fans aucun appel , jointe par l'Hymenée
,
La fille de Geronte , au fils de Lifidor ,
Et qu'aux jeunes époux foit donné le tréfor.
Un jugement fi fage ne plaît pas moins
à la veuve , qu'aux Spectateurs ; elle confent
à époufer Arifte , ce qui finit la Piece
d'une maniere également fatisfaifante
pour tout le monde.
Au reste cette Piece a été fort fuivie ,
& elle a été très-bien reprefentée . La
Dile la Motte y a été fort applaudie dans
le Rôle d'une Femme altiere & emportée
, qu'elle a trés - bien joué.
Le
$ 90 MERCURE DE FRANCE .
Le 1. de ce mois , les Comédiens Ita
liens donnerent la premiere Repréſenta
tion de trois petites Pieces nouvelles
d'un Acte chacune , intitulées : l'Amant
à la mode, Arlequin Hulla , & la Revûë
des Theatres. La premiere de ces Pieces
n'a été jouée qu'une fois ; le Public ne
l'ayant pas goûtée. Les deux autres qui
font ornées de chants & de danfes , ont
été très - bien reçûës & jouées jufques à
la cloture du Théatre, Les Srs Dominique
& Romagneli en font les Auteurs .
Ĉes trois Pieces furent précedées d'un
Prologue , intitulé : la fuite des Comédiens
Efclaves , Piece jouée à l'Hôtel de Bourgogne
, le 1o. Août 1726 , ,Pour l'intelligence
de ce dernier Prologue , il faut
fuppofer que dans le premier , la Troupe
des Comediens Italiens , ayant été poulfée
par un orage fur les côtes du Royaume
de Maroc , ils ont eu le malheur de
tomber dans l'esclavage ; le Roy de Ma-
Loc les retient dans la Cour pour leur
faire jouer la Comedie , & c. Voicy un
petit Extrait du nouveau Prologue.
Ali , Officier du Sultan , vient dire au
Docteur , à Pantalon & à Arlequin , de
fe préparer à donner au Grand Seigneur
un Divertiffement complet & nouveau.
Cet ordre embarraffe fort les Comédiens ;
ils répondent que depuis qu'ils font dans
le
MARS. 1728. 591
le Serrail , ils ont reprefenté toutes les
Pieces qu'ils fçavoient , & qu'ils n'en
ont plus de nouvelles. Pantalon propoſe
d'en donner une Italienne avec fes camarades.
Ali répond que cela ne convient
pas , parce que fon Maître eft fort amoureux
d'une jeune Françoife qui n'entend
point l'Italien , & qu'il faut abfolument
du François . Le Sultan arrive enfin avec
fa Maîtreffe pour faire jouer la Comedie,
& menace les Comédiens , s'ils ne font
pas ce qu'il a ordonné. Un Turc arrive,
fur ces entrefaites ,' qui donne avis au
Sultan , qu'un Armateur vient de faire
une prife confiderable , & que parmi le
butin qu'il a fait , il y a un captif qui
ne veut point abandonner une caffete qui
renferme , dit- il , un tréfor précieux . Ôn
fait venir ce captif , c'eft un Poëte &
qui paroît dans la derniere défolation de
Le voir obligé d'abandonnet fon cher tré
for. Le Sultan fait ouvrir la caffere , où
l'on trouve le Manufcrit des Pieces dont
on vient de parler. Il demande au Poëte
ce qu'il vouloit faire de ces Ouvrages ,
pour enrichir les Coméliens , répond - il .
Le Sultan lui dit qu'il a des Comédiens
dans fa Cour capables de bien jouer fes
Pieces , & que , pour peu qu'elles le divertiffent
, il lui rendra la liberté .Les Comediens
& le Poëte rentrent pour ſe préparer
"
192 MERCURE DE FRANCE .
parer à la repreſentation de ces Pieces .
nouvelles.
EXTRAIT d'Arlequin Hulla.
ACTEURS.
Achmet , Pacha , le fieur Romagnefi
Zaïde , Efclave d'Achmet , la De Thor
maffin.
Fatime , amie de Zaïde , la De la Lande.
Un Iman ,
Le Mufti ,
le fieur Dominique.
le Chanteur,
Le Cadi , pere de Zaïde , le fieur Mario.
Arlequin.
La Scene eft dans une Ifle du Royaume
de Maroc.
Plufieurs Turcs & Sultanes , danfant
Z
chantant.
Aide & Fatime ouvrent la Scene .
La premiere raconte à fon amie
comme elle fut enlevée avec fa mere par
des Corfaires ; qu'elle étoit fi jeune quand
fa mere mourut , qu'à peine fe fouvientelle
qu'elle lui mit au bras un bracelet
qu'elle a toujours porté ; qu'elle fut d'abord
conduite à Maroc , & deſtinée à être
Sultane favorite du Pacha qui la reçut
dans fon Serrail avec tout l'éclat que cette
dignité exige qu'on la fit paffer enfuite
4
dans
MARS.. 1728. 593
dans l'Appartement magnifique qu'on
lui avoit préparé ; & qu'un jour en attendant
l'arrivée du Pacha , elle fe mit à
une des fenêtres de fon Appartement , d'où
elle apperçut un jeune homme qui l'examinoit
avec une attention qui lui devint
fufpecte ; qu'elle lui fit figne de fe retirer
par la crainte du peril où il s'expofoit ;
mais cet homme n'entendit pas , ou feignit
de ne pas entendre ce figne , qu'il
s'approcha encore davantage de l'endroit
où étoit Zaïde , & que malgré les inftances
qu'elle fit pour l'en empêcher , il
trouva le moyen d'entrer dans fon Appartement
par cette fenêtre ; qu'auffi - tôt
il fe jetta à fes genoux , en l'affurant que
depuis plus d'un an il avoit cherché l'occafion
de lui donner des preuves de fa
tendreffe . Ils fe jurerent deflors une fidelité
éternelle. Ils projettoient enfin de s'é
vader enfemble , quand le Pacha arriva ,
lequel ayant apperçu un étranger dans
l'Appartement de fa Maîtreffe , l'avoit
fait jetter par une fenêtre qui donnoit
fur la mer. Zaïde fut renvoyée fur le
champ , avec ordre de la vendre au premier
Marchand qu'on trouveroit ; &
qu'enfin étant arrivée dans une Ifle dont
Achmet étoit Pacha , elle lui fut vendue;
mais comme elle ne l'aimoit point , &
qu'elle n'étoit occupée que de fon cher
H Etran$
94 MERCURE DE FRANCE.
Etranger de Maroc , Achmet la répudía
fans l'avoir même époufée. Il ne fut pas
long- temps à s'en repentir , & devint
dans la fuite fi amoureux de Zaïde , qu'il
lui propofa de prendre un Hulla * . Zaïde
y confent , pourvû qu'il la quitte d'abord
après la ceremonie. Achmet croit
que Zaide ne confent de prendre un
Halla que pour avoir le plaifir de retourner
avec lui , en quoi il fe trompe trèsfort.
Zaïde rentre avec Fatime , en difant
qu'elle va fonger à fon évafion , & à retrouver
, fi elle peut , fon premier Amant,
Achmet ordonne à l'Iman de lui trouver
un Hulla pour époufer Zaide ; l'Iman
lui répond qu'il y a un Etranger qui
lui a demandé azile dans fa Moſquée ,
& qui fera tout ce qu'on voudra pour de
de l
Pargent. L'Iman propofe l'affaire à Arlequin
, qui eft cet Etranger ; il confent à
tout ce qu'on veut pour 200. ſequins ,
quoi qu'il dife à l'Iman qu'il a déja promis
la foi de mariage à une jeune perfonne
qu'il a connue à Maroc ; à quoi l'Iman
répond , que cette ceremonie n'empêchera
pas qu'il ne tienne fa parole ,
Lorfqu'un Mahometan a répudié fa femme
, il ne peut la reprendre qu'un autre homme
ne l'ait époufée , & répudiée auparavant ,
& ce fecond mari s'appelle Hulla.
puifqu'il
MARS. 1728.
595
puifqu'il ne va époufer Zaide que pour
la répu lier le lendemain . Achmet impatient
de fçavoir fi l'Iman a trouvé un
Halla , vient s'en informer , & trouve
justement Arlequin avec l'Iman qui viennent
de convenir de tout. Achmet eft
charmé de la figure extraordinaire d'Arlequin
, & dit à l'Iman qu'il ne pouvoit
trouver un homme plus propre pour la
ceremonie d'épouler , & de répudier en
même temps Zaïde.
Le Divertiffement commence ici par
plufieurs Sultanes , qui au fon des Inftrumens
, conduifent en ceremonie Zaïde
voilée Achmet & l'Iman , précedez de
plufieurs Turcs , conduifent de même Arlequin
voilé . Le Mufti chante les paro
les fuivantes :
Par le Turban , & par l'Aigrete
De Mahomet notre Prophete ,
Hulla , promettez & jurez
Que dès demain vous la repudierez .
Le Choeur chante qu'Arlequin confent
de repudier Zaïde , & c .
Après la ceremonie , Arlequin veut
fuivre Zaïde , mais on lui refufe la porte
de fon Appartement ; il s'en plaint à l'Iman
qui lui dit de ne pas s'impatienter ,
Hij qu'on
596 MERCURE DE FRANCE .
qu'on va lui amener fa femme ; mais
qu'auparavant il faut qu'il foit inftruit
de quelle maniere il doit en agir avec
elle , & lui dit que la loi ordonne au
Hulla de paffer la nuit avec fa femme
fans lui adreffer feulement la parole , fans
lumiere , & für un fiege éloigné du fien .
L'Iman lui recommande très-fort de fonger
ferieufement à ce qu'il vient de lui
dire pour ne point enfraindre les loix.
Arlequin croit de bonne foi tout ce qu'on
vient de lui prefcrire , & fe met fur un
fauteuil au bout du Théatre , dans le deffein
de dormir .
R
a
Fatime conduit Zaïde dans l'endroit
où eft Arlequin , & à l'autre bout du
Théatre , fur un autre fauteuil , ' en lui difant
de ne rien eraindre parce qu'elle
va reſter dans une chambre voifine , &
fe retire Zaïde croyant que le Hulla
s'approche d'elle, s'en éloigne encore davantage
, & Arlequin en fait de même
de fon côté. Après plufieurs jeux de Théatre
, très-plaifans de la part d'Arlequin ,
Zaïde voyant que le Hulla n'eft pas fort
à craindre , entre en converfation avec
lui , & lui demande s'il n'a rien à lui
dire : Non , répond Arlequin , je fçais
feulement que vous êtes jolie , & c'est pour
cela que je vous crains : ce n'eft pas d'anjourd'hui
que je paffe par les avantieres
amou-
1
MARS. 1728. 597
amoureufes la fin m'en est toujours funefte.
Vous avez donc été amoureux , répond
Zaïde. Arlequin lui dit qu'il a perdu
une Maîtreffe qu'il aimoit tendrement.
Zaïde lui répond qu'elle eft dans le même
cas , & qu'elle n'a jamais resté plus
d'un quart d'heure avec fon Amant . Cette
circonftance oblige Arlequin de s'approcher
de Zaïde , à laquelle il raconte fon
avanture de Maroc , & le faut qu'il a fait
par la fenêtre ; Zaïde , qui lui parle auffi
de cette avanture , ne doute plus qu'elle
ne foit avec fon cher Arlequin . La lumiere
qu'on apporte acheve de l'en convaincre.
Achmet arrive , & veut donner
une bourfe de 200. fequins qu'il a promis
à Arlequin. Il la refufe , difant qu'il
ne les a pas gagnez , puifqu'il veut garder
fa chere Zaïde. Le Cadi furvient pour
être témoin de la répudiation , & mcnace
Arlequin de la baftonade , s'il ne veut
pas la faire. Zaïde veut faire prefent de
fon bracelet au Cadi , pour obtenir la
grace d'Arlequins mais à peine le Cadi
a - t-il jetté les yeux fur ce bijou , qu'il lui
demande de qui elle le tient : Il étoit à
ma mere , répond Zaïde ; elle me l'attacha
au bras quelques jours avant fa mort.
Le Cadi l'embraffe , & la reconnoît pour
cette chere fille qui lui fut enlevée fi
jeune , avec fa mere, par des Corfaires , &
Hiij con598
MERCURE DE FRANCE .
confent enfin qu'elle garde fon cher Arlequin
pour époux . Ce mariage eft celebré
par des danfes & par un Vaudeville
qui termine la Piece .
VAUDEVILLE.
On en trouvera l'air noté page $ 57 .
SI VOU I vous voulez voir des Epoux
Fâcheux , jaloux ,
Venez chez nous ,
Vous en verrez en abondance ;
Mais fi vous cherchez des Maris ,
Qui foient commodes & polis ,
Ailez en France .
Ici , l'on termine un Procès
Avec fuccès ,
A peu de frais ,
Et dès la premiere audiance ;
Mais fivous voulez chicaner ,
Bien attendre & vous ruiner ,
Plaidez en France.

Lorfque l'on nous grille chez nous ,
C'eft aux verroux ,
Que
MA P. S.
1728. 599
Que nos Epoux ,
Doivent toute notre conftance ;
Mais lorfque par un heureux fort ,
Nous prenons une fois l'effor ,
C'eſt comme en France .
Y
Quand des Hullas dans ce Païs
Sont établis ,
C'eſt aux maris
Qu'ils doivent cette préference :
Ailleurs on ne fuit point ces loix ;
C'est par les femmes que le choix.
S'en fait en France
Les Peuples des autres Climats ,
Moins délicats ,
Ne fçavent pas
Décider avec connoiffance.
Où peut- on trouver des efprits ,
Qui du bon connoiffent le prix ?
Ce n'eft qu'en France.
Hiiij
La
600 MERCURE DE FRANCE.
Momus,
La Revue des Theatres.
ACTEUR S.
Le fieur Dominique.
La Surpriſe de l'Amour des Italiens . La
De la Lande.
La Surpriſe de l'Amour des François. La
Dile Lelio.
Hortenfius , Bibliothèquaire. Le S' Ambroife.
L'Amant Protée en Crifpin . Le fieur Romagnefy
.
L'Amant déguifé en Valet. Le S' Mario .
L'Opera perſonifié .
La Foire en femme..
L'Ile de la Folie .
Arlequin Roland.
Le Chanteur.
Le S' Paquety.
La D Thomaffin.
Le fieur Thomaffin.
La Scene eft à Montmartre.
Momus
Omus ouvre la Scene , & paroît
n'être pas trop content de l'Emploi
qu'Apollon lui a donné de faire un éxamen
general des Pieces qui ont été réprefentées
pendant le cours de l'année . Il
dit que pour épargner aux Auteurs les
frais du voyage , il a convoqué cette Affemblée
à Montmartre plutôt qu'au Parnaffe.
Deux femmes fe prefentent à Momus
pour avoir audiance . La premiere
eft la Surprise de l'Amour des Italiens , &
la
M AR S. 1728. 601
l'autre , la Surprise de l'Amour des François
, elles fe querellent devant Momus
fur ce que l'aînée foutient qu'elle vaut
mieux que la cadette , qui prétend être
plus aimable. Après une difpute de part
& d'autre , Momus , qui fait le Portrait
des deux foeurs , conclud qu'il y a entre
elles un grand air de famille , mais que
cependant il va décider en faveur de la
cadette. Hortenfius arrive dans ce moment
, & s'étonne que cette cadette veüille
entrer dans une concurrence onereuse à
fon individu. Momus furpris de ce langage
, demande à la cadeite qui eft cer
homme ; elle répond que c'eft Hortenfius
fon Bibliothequaire , un fameux Philofophe
, quoiqu'un peu pédant. Momus dit
qu'il l'auroit pris plutôt pour un Huiffier
que pour un i hilofophe , & qu'il eft venu
bien à propos pour tout gâter . Ainfi l'aînée
eft charmée du triomphe qu'elle remporte
fur fa foeur , & fe retire.
On vient annoncer l'Amant Protée &
les Amans déguifez , qui entrent fur le
Théatre en difputant. L'Amant Protée
veut avoir le pas fur l'Amant déguifé ,
difant qu'on lui a fait les mêmes honneurs
qu'à Dom Ramire . Momus demande quel
eft ce Dom Ramire dont il n'a point encore
entendu parler : Je le crois bien , répond
l'Amant Protée , il a paffé comme
un éclair.
Hv
Après
602 MERCURE DE FRANCE .

+
Après quelques traits de Critique que
Momus lâche contre la Tragedie d'Alcefte
& l'Opera d'Orion , & le Pas de Trois
danfé à l'embouchure du Nil , il condamne
l'Amant Protée & l'Amant Déguisé à
fe faire imprimer à leurs depens . On - annonce
enfuite les Amans Réunis , à quoi
Momus répond : N'est -ce pas cette Piece
qui a ruffi fur le Théatre Italien , & qui
eft imprimée ? Eh bien ! je la lirai au premier
jour ; j'ordonne , en attendant un plus
ample informé.
L'Opera Perſonifié arrive ; Momus furpris
, qu'il foit entré fans fe faire annoncer
, lui demande ce qu'il veut , & fon
nom ; l'Opera chante :
Par mes accords doux & touchans ,
J'infpire la tendreffe ;
Tous mes pas font des fentimens ,
De mes chants la délicateffe ;
Mes fonsharmonieux , mes Spectacles brillans,
Offrent des plaifirs innocens ,
Et banniffent la trifteffe .
Je fçais des Mortels & des Dieux ,
Tracer une image fidele ;
Tantôt je vole jufqu'a x Cieux ,
Et tantôt je defcends dans la nuit éternelle .
MAR S. 603 1728.
Du celebre Lully j'ay confacré le nom ,
Au fameux Temple de Mémoire.
C'eft à moi feul qu'il doit toute fa gloire ,
Enfin , je ſuis Atys , Roland , Bellerophon ,
Pirithous , Renaud , Jaſon ,
Tancrede , Thefée , Orion ,
Er, le Protecteur de la Foire.
Voilà bien du verbiage , répond Momus
, pour me faire entendre que vous êtes
Opera ; mais je ne vous ai point mandė :
que fouhaitez - vous ? La Foire arrive en
même temps , & fe jette aux pieds de Momus
, pour lui demander juftice contre l'Opera
, avec lequel elle a paffé un Bail fans
pouvoir jouir de fon Privilege ; elle chante
fur l'air des Rats:

La Foire.
J'ai payé d'avance ,
Monfieur l'Opera ;
Il a ma finance.
L'Opera.
Et la gardera.
Notre Bail eft en bonne forme ,
5
Pardevant Notaire paffé.
H vj
LB
604 MERCURE DE FRANCE :
LaFo ire.
Il fera caffé..
L'Opera.
La Belle , attendez -moi fous l'orme.
De l'argent touché ,
Fait toûjours tenir le marché.
Momus reproche à l'Opera de s'être
faufilé avec la Foire : votre gloire , dit- il,
en est obscurcie.
L'Opera lui répond fur un air d'Atys :
Aimons un bien plus durable.
La gloire la plus durable ,
N'a qu'un éclat inconftant
Rien n'eft plus aimable ,
Que l'argent comptant.
La Foire propofe à l'Opera de lui ceder
fon Theatre , puifqu'elle n'en a pû
avoir à la derniere Foire. Momus répond
fur l'air : Je ne fuis né ni Roi ni Prince.
Momus:
Sur fon Théatre quel ſcandale !
La Foire.
Je prétends être fon égale ;
N'y déroger non plus que lui.
Tour
MARS. 1728.
605
Tout eft commun dans nos Couliffes ,
Et fon privilege aujourd'hui ,
S'étend jufques fur mes Actrices.
La Foire propofe à l'Opera de lui rendre
du moins l'argent qu'elle lui a donné
d'avance. L'Opera répond fur l'air : Pour
toucher fon Ifabelle.
Avez vous dû vous attendre ,
Que l'argent que j'ay fçû prendre ,
De ma Caiffe fortira , a , a , a , a ,
Ah ! vraiement je fuis bien tendre ,
Quand il s'agit de cela , a , a , a , a', ^
Recevoir tout , fans rien rendre ,
C'eſt le ton de l'Opera' , a , a , a , a ,
Enfin la Foire fort fort mécontente de
l'Opera , après avoir bien déclamé contre
lui ; & pour derviere imprécation , elle
fouhaite que les Auteurs de la Foire puiffent
devenir un jour ceux de l'Opera
Celui - ci ne s'embarraffe pas beaucoup de
toutes ces menaces , & répond en chantant
La feule Mufique ,
Dans les Opera,
Nous flate & nous picque ;.
Que les Vers foient plats ;
N'y a pas de mal à çà . bis ,
L'Ha
606 ME RCURE DE FRANCE.
L'Habitante de l'Ile de la Folie , vient
fe prefenter à Momus , pour lui dire que
fes Auteurs l'ont envoyée à Montmartre
pour le faire juger en dernier reffort ; à
quoi Momus répond qu'ils n'étoient pas
trop bons eux-mêmes pour y venir en
perfonne. Mais , continue- t- il : n'est - ce
pas vous qui vous mariez tous les jours ,
& penfez- vous bien qu'il y a un fond de
coquetterie qui regne dans toute cette Scene .
Qioi ! Seigneur Momus , répond l'Habitante
, mes Auteurs pourroient-ils mieux
caracterifer life de la Folie , qu'en faifant
marier tous les jours fes Habitans ?
Roland , monté fur un âne , eft le dernier
qui fe prefente à Momus ; il a d'abord
quelque difpute avec l'Habitante , qui
foutient qu'elle vaut mieux que lui , &
qu'il n'y a eu que le tapage qu'il a fait ,
qui a fait réuffir la Fiece.
L'Habitante chante.
Monfieur Roland en bonne foi ,
Peut il fe comparer à moi ?
A ·lequin.
Mais voyez quelle fuffifance ,
L'Hbitante.
Avance , avance , avance ,
Avec tes cruches de fayance.
Roland
MARS. 1728. 607
Roland preffe enfin Momus de décider
fur le fort de ces deux Pieces . Celui - cy
pour les contentér tous deux , dit : Eb
bien ! par respect pour le Public qui s'y est
diveri , je vous appointe ; c'est la plus
grande grace qu'on puiffe faire à une mauvaife
caufe point d'appel fur tout , car
l'audiance eft finie, Non pas pour moi ,
répond l'Habitante , je veux foutenir jufqu'à
la fin mon caractere de folle & donner
le Bal à Montmartre.
Des Danfeurs & des Danfeu fes entrent
au fon de la fimphonie , & forment le divertiffement
qui finit par un Vaudeville.
La Mufique des Divertiffemens de ces
deux Pieces , qui eft de M. Mouret , cftદ
parfaitement bien caracterifée aux fujets ,
& les deux Vaudevilles ont été trouvez
très jolis .
D
VAUDEVILLE.
'Une differente manie ,
Chacun fait fon bien fouverain ,
L'un jouit d'un heureux deftin ,
Au fein de la Philoſophie ;
L'autre fe plonge dans le vin ;
Celui cy n'aime que Silvie :
Chacun a fa folie.
D'ene
608 MERCURE DE FRANCE .
D'une foule d'Amans fuivie ,
Iris , les trompe tour à tour ;
En public le feul mot d'amour ,
Offenſe la prude Uranie.
Qu'on lui faffe en fecret la cour,
La bonne Dame en eft ravie.
Chacun a fa folie.
Arlequin au Parterre.
Dans tous les états de la vie ,
On cherche à bannir le chagrins.
Je n'aime le jeu ni le vin ;
Ce qui rend mon ame ravie ,,
C'eft de voir le Parterre plein .
Applaudir une Comédie.
Pour moi c'eft ma folie.
NOUVELLES DU TEMPS.
TURQUIE.
Na fait à Conftantinople pendant trois
jours , des réjouiffances publiques , à l'occafion
du Traité de Paix conclu avec les Perfans
; l'échange des ratifications s'eft faite avec
beaucoup de folemnité, & l'on attendoit à la
fin
MARS. 1728. 609
fr du mois dernier dans cette Capitale une
Ambaffade folemnelle de la part du Sultan
Acheraf. Ces Lettres ajoûtent que la dernie
re guerre avoit coûté la vie à plus
de 450c00.
Turcs, que le Gr.S.y avoit dépensé plus de 40.
millions de Sultanins d'or , dont les Juifs & les
Grecs avoient avancé la plus grande partie , &
qu'il y avoit eu du côté des Perfans plus de soo
mille perfonnes maflacrées , tant dans les Ba
tailles que dans les prifes des Villes où les
Turcs n'avoient fait quartier à qui que ce ſoit.
ON
RUSSIE.
N efpere que le Czar aura au Printemps
prochain du côté de la Mer Cafpienne, une
Armée de 150. mille hommes , en comptant
les Cofaques & les Tartares qui fe font mis
fous fa protection . -
Le General Wiefbach eft allé par ordre de
la Cour , brûler les Campagnes des environs
de Bender , jufqu'à 18. lieues de cette Place ,
afin que les Turcs n'y puiffent trouver de fubfiftance,
en cas qu'ils ayent deflein d'y former
· un Camp.
Par le nouveau Tarif, publié depuis peu à
Petersbourg, l'entrée des eaux de vie de France
, continue d'être permife , en payant deux
Talers pour l'Ancrage ; les droits d'entrée de
plufieurs efpeces de Bijoux & de Quincaillerie
, ont été reduits de dix à cinq pour cent
mais on levera toujours le même droit fur les
couverts de table , comme cueilleres , fourchettes
& couteaux , fur les gardes d'épées
d'or & d'argent , & fur les inftrumens de
Mathematiques & de Chirurgie , de quelque
métal qu'ils foient.
Ceux qui découvriront en Siberie , au de- là
de
610 MERCURE DE FRANCE .
de Tobolskoy , des mines d'or , d'argent , ou
d'autres métaux , pourront , fans autre permillion
, les mettre en valeur , en payant feulement
l'ancien droit : les mines leur appartiendront
en proprieté , & ils feront exemts
pendant dix ans des dix pour cent qu'on levoit
cy- devant fur le prod it des mines. Il eft
permis auli à ceux qui trouveront des mines
de pierres précieufes , de les vendre fans payer
aucun droit
Le Czar partit de Petersbourg le 21 Janvier
pour le rendre à Moicou . Il arriva le 27. à
Olonitz , où S. M. Cz. s'arrêta pendant deux
jours pour voir les Fonduries. Elle fejourna
auffi deux jours à Novogrod pour faire tes
dévotions & pour vifiter es Reliques des
Saints &z les Tombeaux de fes Ancétres . Cette
Ville , autrefois la réfidence des Grands Ducs
de Mofcovie , a fait des dépenfes extraordinaires
pour la reception du Czar qui lui a accordé
la confirmation de fes Privileges . S M. Cz.
trouva fur le chemin par où efle pafla , jufqu'à
Are de triomphe qu'on avoit élevé hors de
-la Ville , une Compagnie de 400. jeunes garçons
, habillés de blanc , avec des écharpes
rouges. Ils avoient à leur tete trois Drapeaux
, l'un defquels étoit fait fur le modele
de celui dont l'Empereur Conftantin fe fervoit
à la Guerre , avec le nom de Chrift en
chiffre ; dans les deux autres étoit le nom du
Czar fous une Couronne Imperiale. Deux de
ces jeunes garçons haranguerent S. M. Cz. en
Langue Latine & Ruffienne.
La marche continua jufqu'au Faubourg où
on avoit élevé un autre Arc de triomphe. Là
l'Archevêque de Novogrod , à la tête du Clergé
& en habits Pontificaux , portant la Croix ,
complimenta le Czar , qui baifa la Croix &
enMAR
S. 1728 . 611
enfuite la main de ce Prélat . Après cette ceremonie
, S. M. Cz . fe rendit à pied , précedée
par le Clergé qui chantoit des Cantiques , à
l'Eglife Metropolitaine , au bruit continuel du
Canon & au lon des Fanfares , la Garnison
éant rangée en double haye dans les ruës ,
Tambour battant & Enfeignes deployées .
Le Czar entendit debout , de même que les
Princeffes Nathalie & Elifabeth , la Liturgie
chantée en Mufique. S. M Cz. vifita enfuite
les Reliques des SS & les Tombeaux de ies
Ancêtres , après quoi elle le rendit au Palais
Archiepifcopal , où l'on avoit preparé fix tabes
qui furent fervies avec autant d'abondance
que de délicatefle . Le Czar dina avec fa
Famille , dans la grande Salle magnifiquement
orée. Il y eut un beau Concert , & on fit
des falves réiterces de l'Artillerie & de la
Moufqueterie , pendant que les Mufciens de
la Chapelle chantoient des Pleaumes & des
Hymnes à l'honneur de ce Prince , qui après
le repas , alla faire fes dévotions au Monaftere
de S. Antoine.
Le 25. le Czar partit de Novogrod & arriva
le 29. avec les Princeffes fes foeur & Tante
au village de Wfefuiarzxo , à deux lieues de
Mofcou , où S M.fit fon entrée folemnelle le
14 Fevrier , & alla defcendre au Château de
Kremel , réfidence ordinaire des Czars les Prédeceffeurs
.
POLOGNE .
Na appris par les Lettres des Frontieres.
qu'un détachement de Troupes Mofcovites
avoit forcé le pofte de Horihocz , & qu'il
s'y étoit logé après avoir chaffé la Garnison
que le General du Grand- Duché de Lithuanie
y
612 MERCURE DE FRANCE.
y avoit mife. On a depêché un Courier
Drefde , pour donner avis au Roy de Pologne
de cet Acte d'hoftilité.
SÚE DE.
E Roy qui alla le mois dernier à Suder-
Telli avec plufieurs Seigneurs de fa Cour ,
pour y chaffer l'Ours , alla enfuite chaffer
I'Elan dans les environs d'Upfal. L'Aga Turc
y accompagna S. M.
Au commencement du mois dernier , l'Aga
Turc donna une fort belle Fête à l'occafion
de la paix conclue entre la Porte Ottomane
& le Sultan Acheraf. Tous les Miniftres Etrangers
& plufieurs autres perfonnes de dictinc-.
tion y furent invités . On donna du Café &
du Sorbec à la maniere des Orientaux , & on
fervit toutes fortes de rafraîchiffemens & du
vin en abondance .
On a publié à Stockolm une Ordonnance
du Roy par laquelle il eft deffendu fous de rigoureufes
peines , d'enrôler qui que ce foit
par force , & d'engager de jeunes gens au
deffous de 18. ans. Il eft même ordonné aux
Officiers de conduire leurs Recruës devant les
Magiftrats des Villes , afin que les nouveaux
Soldats y foient interrogez fur leur âge, & ſur
la maniere dont ils auront été engagez.
L
DANNEMARC .
A Flote que le Roi fait armer dans fes
Ports , pour la mettre en mer au mois
de May , fi la conjoncture des affaires le demande
, fera compofée de 18. Vaiffeaux de ligne
, de cinq Frégates & de deux Galiotes à
bombes.
1
MARS. 1728 613
Il fe forme à Altena , fous la protection de
S. M. Dan. une Compagnie de Commerce
qui prétend être en état d'envoyer tous les
ans trois ou quatre Vaiffeaux aux İndes Orientales
& à la Chine. Les Marchandifes qui proviendront
des retours , feront de chargées &
vendues dans la même Ville où l'on doit établir
un Comptoir qui fera tenu par trois ou
quatre Directeurs.
Les Actions de cette nouvelle Compagnie
feront , les unes de sol & les autres de
mille Rifchdales , dont on ne payera d'abord
que le cinquième.
Le Roy de Dannemarc à declaré formellement
, que jamais il ne touchera aux deniers
de cette Compagnie pour quelque caufe que
ce puiffe être , meme en temps de Guerre , &
qu'au contraire 9. M. s'engage à la foûtenir
de toutfon pouvoir , & à ne la charger jamais
d'aucun impôt extraordinaire .
Que les deniers deftinez à l'établiffement de
cette Compagnie ,feront inferits dans la Banque
publique Hambourg qui en donnera des
Recepiffes convenables ,lefquets ne pourront
jamais étre fujets à aucune impofition. Qu'il
fera permis à chaque Porteur de ces Recepiffés
de les vendre ou ceder par tranſport ,
à condition de payer par chaque tranfport
deux Rifchdales & demie , dont les quatre
cinquiémes appartiendront à la Compagnie &
l'autre cinquiéme fera diftribué aux pauvres,
Cette perte , à chaque mutation , fera repartie
moitié fur le vendeur & fur l'acheteur . par
Il fera permis à toutes perfonnes de s'intereffer
dans cette Compagnie , jufqu'à ce que
le principal des Actions foit entierement
rempli.
L'argent monnoyé & les marchandifes que
La
614 MERCURE DE FRANCE.
la Compagnie envoyera à la Chine , ne payeront
aucun impôt pour la fortie des Etats de
Dannemarc.
Le Roy a encore accordé d'autres avantages
& Privileges à cette Compagnie , mais on n'en
donne connoiffance qu'à ceux qui ſouſcrivent
pour mille Rifchdales . On dit qu'on a déja
levé de ces foufcriptions pour près de cinq
millions .
Le bruit court depuis peu que S. M. Danoiſe
a changé de réfolution par rapport à cette
nouvelle Compagnie , & qu'elle a pris le parti
d'abandonner ce projet , parce qu'on lui a fait
connoître qu'il étoit d'une trop difficile execution.
Le fieur de Montaigu a obtenu du Roy une
penfion de 1500. Rifdales par an , pour l'aider
à établir à Copenhague une Comédie en
Langue Danoife.
ALLEMAGNE .
N a appris de Rome que l'Electeur de
Cologne avoit obtenu du Pape deux
Brefs d'Eligibilité pour l'Evêché de Liege &
pour celui d'Ofnabruck , à condition cependant
que fi dans la fuite il venoit à les poffeder
tous deux , il feroit obligé de fe démettre
de celui de Paderborne.
Le Roy de Prufle & le Prince Royal , fon
fils , arriverent le 12. du mois dernier à Poftdam
, très - fatisfaits des differentes Fêtes que
le Roy de Pologne leur a données pendant
leur féjour à Dreide.
Les mouvemens des Troupes Ottomanes du
côté d'Azof, font croire qu'ils ont deffein de
déclarer la Guerre au Czar ; & comme l'Empereur
s'eft engagé à lui donner des fecours
il
MARS. 1728. 615
il a été réfolu dans le dernier Confeil de Guerre
de faire défiler des Troupes du coté de la
Tranfilvanie , d'achever au phi tôt les nouvelles
fortifications de Belgrade , & de raflembler
de ce côté là un Corps de Troupes confiderable
pour faire diverfion .
La fête que l'Electeur de Bavière donna
à Munich le mardy 10. Fevrier pour la clôture
du Carnaval étoit une des plus belles qui
fe foit jamais vûë. Elle reprefentoit une noce
de village. A cinq heures du foir ; les Seigneurs
& Dames invités & habillés en Payfans
& Payiannes , fe rendirent au Château ,
où étoit le rendez-vous general - pour une
courfe de Traineaux , qui commença par un
grand Chariot , en maniere de Jardin , tiré
par fix Chevaux , avec un grand nombre de
Muficiens. Vingt Cavaliers habillés en ayfans ,
de differentes manieres , fuivoient & précedoient
le Traineau où étoient l'Electeur &
P'Electrice de Baviere , reprefentant l'Hôte &
l'Hôteffe qui donnoient le Feltin. Sur le devant
du Traineau on avoit dreflé une table
remplie de volaille , de gibier , & c. dont quelques
perches & branchages pofés fur les
bords du Traineau , étoient pareillement garnis.
L. Alt. Elect . étoient fuivies de 58. autres
Traineaux , divités à certaines diſtances par
fept Chariots remplis de Muficiens , pareils au
premier. Chaque Traineau étoit accompagné
de quatre Domestiques à cheval , habillés en
Payfans , portant chacun un flambeau.
Toutes les maifons des principales rues par
où la courfe paffa , étoient illuminées. Après
qu'on eut fait quelques tours , on donna au
pillage , le gibier , la volaille , les pâtez , & c.
dont les Traineaux étoient garnis ce qui donna
616 MERCURE DE FRANCE.¹
na un fpectacle des plus divertiffans . Toute la
Compagnie fe rendit enfuite par le grand ef
calier aux appartemens du Château , où on
s'amufa à danfer & à jouer jufqu'à neuf heures
du foir , qu'on vint avertir que tout étoit
prêt pour la ceremonie du mariage qui ſe fit
dans une grande falle par un Difcours ou Harangue
en Vers Burlefques & propres au
Sujet.
Après cette céremonie , on fe rendit dans
une autre grande falle du Palais , éclairée par
42. Luftres , où l'on avoit dreffé une table de
140. couverts , fervie des mets les plus rares
& les plus exquis , où fe placerent avec IElecteur
& l'Electrice , l'Electeur de Cologne
& le Prince Theodore : ces deux derniers
Princes n'étoient pas deguifés.
Les Cavaliers & les Dames qui avoient été
de la Courſe en Traineaux , étoient habillés
en Payfans & Payfannes François , Italiens ,
Allemands , Espagnols , Hollandois , Anglois ,
Frifons , & c. On avoit dreffé dans les Chambres
voifines plufieurs autres Tables de 20 à
30. Couverts pour le refte de la Compagnie
qui n'étoit pas mafqué. On fortit de table à
minuit , & toute la Mafcarade fe rendit à la
Redoute , où il y eut Bal jufqu'à fix heures du
matin que tout le monde fe retira , très - content
d'un divertiffement où l'ordre , la magnificence
, le bon goût , la richeffe des Traineaux
avoit furpris & fatisfait tout le
monde.
,
On écrit de Vienne que le Pacha Turc qui
étoit à Trieſte , en eft parti , & le bruit court
qu'il s'eft rendu en Suiffe , où il fe croit plus
en fûreté.
IT AC
MARS. 1728 . 617
LE
ITALIE .
25. Janvier , la Princeffe Doüairiere de
Tofcane , partit de Rome en chaife , étant
accompagnée du Prince de Saxe & de plufieurs
Gentilshommes Allemands , à cheval.
Le même jour , le Pape tint un Confiftoire
fecret , dans lequel le Cardinal Ottoboni , Protecteur
des Affaires de France , propofa l'Evêché
de S. Pons pour l'Abbé Guenet , Grand-
Vicaire de l'Evêché de Chartres.
Dans le même Confiftoire , le Pape accorda
le Pallium pour les Archevêques de Saltzbourg
, de Toulouse & de Ragufe , & déclara
que M. Finy , fon Maître de Chambre , étoit
l'un des Cardinaux qu'il avoit refervés in petto
dans le Confiftoire du 9. Decembre 1726.
On mande de Naples , que le 24. de Janvier , '
on y avoit fait une Proceffion generale du
Clergé Seculier & Regulier , & qu'on avoit
découvert dans l'Eglife des Carmes le Crucifix
miraculeux qui eft en fi grande veneration
dans cette Ville , pour obtenir du Ciel la ceffation
de la pluye.
On apprend de Genes , que le Dimanche 18.-
Janvier , M. Jerôme Venerofo , ayant achevé
fes deux années, en qualité de Doge , quitta le
Palais Ducal, & fe retira chez lui avec les céremonies
accoûtumées. Le Jeudy d'après , le
Grand- Confeil éleva à cette Dignité M.Lucas
Grimaldo.
Toutes les terres enfemencées des environs
de Naples , font couvertes d'eau ; les chemins
font devenus impraticables , & les gens de la
campagne ne peuvent apporter leurs denrées
qu'avec beaucoup de rifque ; de forte qu'on
eft dans la crainte d'une difette prochaine , fi
I la
618 MERCURE DE FRANCE
la Mer continue d'être orageufe
Le Cardinal d'Altan a reçu de Vienne un
ares
Decret de l'Empereur , qui le continue pour
trois ans dans la Vice Royauté du Royaume
de Naples
Le 2. du mois dernier , le Sacre College alla
complimenter le Pape qui entroit ce jour- là
dans la 80. année de fon age.
up
On apprend de Bologne que le Comte M'alvezzi
avoit donné le 2. Feyrier un Bal magni.
fique dans fon Palais , que le fils aine du Chevalier
de S. George en avoir fait l'ouverture .
avec la fille du Sénateur Bargellini » mais
que le Chevalier de S. George , ni la Princeffe
Sobieska , fon époufe , n'y avoient point
paru.
Il y a eu pendant le Carnaval dernier à Rome
, fept courfes de Barbes. Les Chevaux du
Connétable Colonne , ont gagné les fix . premiers
prix , & un cheval du Marquis Gabrieli
a eu le feptiéme.
་ ད
Plufieurs perfonnes qui avoient été arrêtées
pour s'être intereffées dans les Jeux ou Loterie
de Genes , furent abfoutes le 11. du mois
dernier de l'excommunication qu'elles avoient
encoutuës , par M. Becari , Evêque de Bojano
, & Vicegerent ; & après l'abfolution , elles
furent reconduites,dans les prifons. Le 16.
du même mois , on fit partit de Rome pour
Civita-Vecchia , une chaîne de 4 Forçats
dont trois ont été condamnés pour avoir diftribué
des billets de la Loterie dont on vient
de parler...n
Le Prince de Montemileto , & le Duc de
Sicignano , Neveu du Pape , ont été infcrits
depuis peu dans le Livre d'or de la premiere
Nobleffé de Venife , & la République leur a
accordé ces honneur , tant pour eux que pour
leurs
7
MARS.
1728. 6 ་ ན
leurs defcendans , en reconnoiffance du Chapeau
que S. S. a donné au Cardinal Fini , Ves
nitien.
On a appris de Lugano , dans le Milanois ,
que le Courier de Lindau avoit été enseveli
fous les neges , en traverfant une montagne ,
& que le même jour deux Capucins , trois
Marchands, une femme & deux valets , avoient
peri de la
One
maniere
."
On écrit de Turin , que le Roi de Sardaigne
a rendu depuis peu une Ordonnance , par
laquelle tous les biens que le Clergé & la
Nobleffe poffedent depuis un certain tems font
affujettis au payement de la Taille , comme
ceux des autres Particuliers.
ESPAGNE.
Na reçu avis de Cadiz que les Trous
pes Efpagnoles du Camp de S. Roch ,
s'étoient retirées dans leurs anciens quartiers ,
avec toute l'Artillerie qui a fervi au Siege de
Gibraltar qu'on avoit relevé le cordon ou
ligne qui étoit avant le Siege entre cette Place
& les terres , pour empêcher la contrebande
des Marchandifes dans l'interieur du Royaume
; que tout l'argent du retour de la Flotille
avoit été diftribué aux Intereflés ; qu'on avoit
commencé à leur remettre les Marchandifes ;
que l'or & l'argent qui reviennent au Roi
d'Efpagne pour fon droit d'Indult , avoient été
envoyés à Seville , pour y être monnoyés
conformement aux dernieres Ordonnances
& qu'il y avoit deux Vaiffeaux d'avis dans la
Baye de Cadiz , prêts à partir pour les Indes ,
où l'on croyoit qu'ils alloientporter les ordres
neceffaires pour le retour des Gallions.
>
Le Commerce de Gibraltar avec l'interieur
I ij
du
620 MERCURE DE FRANCE .
D
du Royaume eft rétabli , & tous les Marchands
Efpagnols qui étoient fortis de cette
Ville pendant le Siege , y font retournes.
FIRST ZA NOG ITH ANG
PORTUGALground in
3300 281911
LIK
E 17 & le 18 Janvier , le Marquis de
LLos Balbazés . Ambaffadeur, Extraordi
naire du Roi d'Efpagne à Lisbons , fit reprefenter
dans fon Palais une Comedie Italienne ,
intitulée Les Amazones d'Espagne & une
Paftorale Efpagnole en Mufique , avec des
Intermedes.
GRANDE BRETAGNÈ .
E 9. du mois dernier la Chambre des
Pairs alla au Palais de S. James , préfenter
au Roi l'Adreſſe ſuivante.
3 .
NOUS , les très humbles & fideles fujets
de Votre Majefté , les Seigneurs Spirituels &
Temporels affemblés en Parlement , demandons
è V. M. lapermiffion de lui rendre les très-humbles
remerciemens de cette Chambre pour fa
arès -grafieufe Harangue prononcée du Trône ;
de feliciter V. M. des grandes efperances
qu'il lui a plu de nous communiquer de voir la
paix & la tranquillité publique bien - tôt retablie.
Nous devons très - humblement reconnoître
que ce font les heureufes fuites de cette vigueur

de cette résolution avec lesquelles V. M. a
foutenu fes droits comme Souveraine de ce
Royaume, en renonçant à toute la gloire qui
auroit pu accompagner le succès de fes armes
dans la pourfuite d'uneguerre jufte & neceffaire
, & de ce que V. M. a bien voulu préferer à
fes interêts , le repos & la profperité de fes fujets,
M -ARS. 1728. 62 F
tod
noiſſantes aun
4
,
jois . C'est une difpofition d'efprit veritablement
grande dans un Prince inftruit de fi bonne
heure dans l'art de la Guerre , é formé par
la nature pour les grands Exploits , de choisir
plutôt les moyens de procurer la paix à fes fules
occasions favorables de les mener
anushuclamations
finceres & recondimer
mieux orner son
Regne par des acch
dun Peuple heureux , que par la
fplendeur des Triomphes. Ce font ces foins tendnes
& doux de V. M, pour le bien de ce Royaume
, qui vous ont porté à témoigner un reffentiment
fi obligeant & fi affectionné de la derniere
fituation désagréable des affaires , quoiqu'occafionnée
par une néceffité que la prudence bus
maine nepouvoit prévenir. Mais quelques inconveniens
qui enfoient arrivés , ils nous font
legers , quand nous obfervons que V. M. comme
un veritable père de la Patrie , fent chaque
incommodité que ſes ſujets fouffrent ; & comme
V. M. a justement rejetté toutes les propofitions
qui étoient préjudiciables & injurienfes
afon honneur & à l'interêt de fon peuple , nous
ne pouvons douter que les efforts de V. M. &
ceux defes Alliés ne terminent bien-tôt par
un succes favorable , les troubles & les défordres
de l'Europe. Ces négociations font de telle
nature , qu'il étoit impoffible d'éviter cette
longueur qu'il plaît à V. M, de regretter ,
la patience qu'elle a eue , n'ayant pour objet
qu'aan defir fincere de procurer une paix fûre
honorable à fes fujets , doit exciter toute
la Nation par des raisons de devoir & de reconnoissance
, a faire des efforts pour foutenir
l'honneur de V. M. & défendre les droits de vo
tre Couronne. Si contre toute attente , la fûreté
de votre peuple demandoit des remedes
plus puiffans que celui des Négociations ,
ي ف
ANGAMING T
3
I iij
nous
622 MERCURE DE FRANCE .
nous nous en rapporterons dans ce cas- là trèsa
volontiers à la valeur &à la prudence deV . M.
à laquelle nous ne doutons pas que Dieu ne
veuille accorder fa benediction c'est pourquoi
concourant humblement de ſentimens aves
V. M. nous fommes convaincus qu'il eft `d'une
neceffité abfolue d'agir comme vos Alliés , &
de rendre efficace cette fidelité mutuelle que
nous obfervons entre eux vous 3 en continuant
les préparatifs de Guerre qui , nous ont
mené à une apparenco de paix fiprochaine ,
afin que V. M. ne fe trouve pas hors d'état de
défendre fes droits par la forces quelque repugnance
qu'elle ait pour ces moyens violens , ¿
que nous fommes perfuadés cependant qu'il ne
Jera pas neceffaire d'employer. Les gracieuſes
efperances que V. M. nous donne du defor
qu'elle a de réduire les dépènfes pabliques
quer
3
la conviction dans laquelle nous fomnes ,
que tout fera menagé avec le plusgrandfoin ,.
nous mettent dans l'obligation de faire ce qui
eft en notre pouvoir pour la réuſſite dès meſures
prudentes & neceffaires que v. M. continue de
prendre , afin d'établir une paix ſolide &durable.
La condefcendance dev Mia communià
votre Parlement les articles préliminais
res de la Pacification generale les autres
Traités conventions qui peuveme¬tire expo
fés à la veuse du Fublic fans un préjudice manifefte
, va aude-là de tout ce que nous` pouvions
raisonnablement demander dans la conjonilure
pr fente des affaires. Nous avons`encore
une nouvelle preuve de l'application continuelle
de V. M à l'intérêt réél de re ^Royzume
en ce qu'il lui a plû de nous recommander
de prendre des mesures pour augmenter le
nombre des Matelots , & les encourager à ferwir
fans contrainte. Nous avons fenti trop
MARS. 1728 . 623
>
vivement de quelle utilité ont été les forces
Navales de la Grande- Bretagne pour l'honneur
de la Courenne & les droits & poffeffions
de notre Patrie pour n'être pas portez à
-prendre ces mesures fi utiles & fi neceffaires
afin que les Matelots puiffent être invités au
fervice pandes moyens plus conformes à l'humanité
, à la tendreffe reconnue du Prince
qu'ils doivent fervir , & aux libertés dont ils
doivent jouir. Nous ne fçaurions donner à
V. M. de meilleures preuves de notre devoir&
·
, que
de notre amour envers notre Patrie
par notre,unanimités notre zele & notre
prompte expedition des affaires publiques ;
nous efperons que ce Parlement convaincra le
monde qu'il n'y aaucun de vos fujets affez las
de fon propre bonheur , pour fouhaiter par envie
, ou par malice , une oppreſſion publique ,
on pourfomenter des difficultés dans la veue
d'éloigner nos efperances préfentes qui nous
promettent un bonheur fi fiable. Nous regarderions
de tels » Incendiaires comme indignes
du nom d'Anglois ; ils feroient détefés chez
nous meprifée au dehors; même par ceux dont
ils voudroient fervir la Caufe . La jufte indignation
`qu'un esprit fi dénaturé feroit naître
dans les cours de tous vos fideles fujets ,
les exciteroit neceſſairement à prendre encore
avec plus de zele la défense de 7. M. & de
fon Gouvernement , de laquelles dependent
notre profperité é la paix que nous efperons ;
& comme nous sommes fort fenfible au bonheur
dont nous jouiſſons fous, un Gouvernement fi
fage , adminiftré par le meilleur des Rois
nous ferons voir que nous ſaavons meitre prix
à ces benedictions , en n'admettant d'autres
contentions entre nous , que celles qui rendent
àconferver& à augmenter la fidelité publique ,
1
O
I iiij
624 MERCURE DE FRANCE .
& à rendre le Regne de V. M. auſſi agréablé
auffi glorieux pour elle qu'il est heureux &
avantageux pour fon peuple, sumei
Le Roy ayant répondu très gracieufendent
à cette Adfeffe ; les Paifs retournerenedans
leur Chambre , cu'ils s'ajournerent äú zi .
Janvier ( vieux ftyle) parce que le 3 on celebra
, fuivant la coutume , l'Anniverfamé du
Martyre de Charles 1.2 cb ag , 29143 14
13. Fevrier nouveau ftyle) , les Communes
allerent en corps prefenter leur Adreſſe
au Roy , & elles le remercierent comme avoit
fait la Chambre des Pairs, des foins que S. M.
s'eft donné pour procurer une paix sûre & hơnorable
à fes peuples ; elles déclarérent enſuite
qu'elles accorderoient avec une très - grande
joye & avec unanimité, tous les Subfides dont
le Roy auroit befoin pour le fervice de l'année
courante, étant perfuadés que S. M. ne demanderoit
jamais que ceux qu'elle jugeroit abſd-
Jument neceffaires pour l'interêt & la sûreté
de la Nation , & qu'elle ne les employeroit
que de la maniere qui fera la plus avantageufe
, & c.
3.21
Le Roy a nommé M. Etienne Pointz , pour
un de fes Ambaffadeurs Plenipotentiaires au
futur Congrés de Cambray , & M, Thomas
Pelham pour Secretaire d'Ambaffade.
M. Jofeph Gage , frere du Vicomte Gage ,
du Royaume d'Irlande , ayant obtenu de SM.
Cat. des Lettres Patentes pour travailler à l'extraction
de l'or des mines de diverfes Provinces
d'Efpagne , & pour repêcher les valeaux
qui font naufrage fur la côte de ce Royaume
& fur les cotes Efpagnoles des Indes Occidentales
, a engagé à Londres , avec la permiffion
du Roy , plufieurs Ingenieurs, Mineurs & Ouvriers
qui doivent paffer inceffamment en Efpagne
MARS. 1728. 625
pagne pour l'aider dans cette entrepriſe.
On mande de Briſtol , qu'un homme dont
la femme mourut en couche le 29. Janvier ,
fe pendit de défefpoir , après avoir coupé la
gorge à fa propre fille , agée d'environ 4 ans,
& que fon corps avoit été enterré fur le bord
du grand chemin , avec un pieux au travers ,
fuivant la loy.
M. Eyles , fils du Chevalier Jean Eyles de
Londres , fut arrêté la nuit du 19. au 20. du
mois dernier , par des Meffagers d'Etat , dans
le tems qu'il fe préparoit à aller au bal ; un de
fes domeftiques , Allemand de nation , avoit
déclaré l'après midi que fon Maître devoit la
nuit fuivante tuer le Roy d'un coup de piftolet
, chargé d'une prétendue poudre blanche.
On fe faifit de fes coffres , de fes papiers & de
trois paires de piftolets qu'on trouva dans fon
appartement ; on le conduifit chez le Vicomte
Townfend, Secretaire d'Etat , qui l'interrogea ,
ainfi que fon dénonciateur & fes autres domeſtiques
juſqu'à 4. heures du matin . Ils furent
remis à la Garde d'un Meffager d'Etat ,
mais le 21. après midi , ils furent mis en liberté
en donnant caution de fe reprefenter . On
affure que fon valet n'avoit fait cette fauffe
dénonciation contre fon Maître que pour fe
venger de quelque mauvais traitemens : on a
appris depuis que ce valet avoit pris la fuite
Le14.du mois dernier l'Orateur desCommunes
communiqua à la Chambre , la Réponfer
fuivante du Roy à leur Adreffe.
MESSIEURS
Je vous remercie de cette Adreffe fi pleine
de marques de fidelité d'affection . Des démonftrations
pareilles de refpect & de recon-
IV
noiffance
,
626 MERCURE DE FRANCE:
noiffance , augmenteroient , fi quelque chofe
en étoit capable , les réfolutions que j'ai prifes
d'avancer & de procuror en toute gecafion le
bien & la profperité de mon peuple. L'entiere
confance que vous mettez en moi » 'm'engagera
plus fortement à me fervit du pouvanÚ de
l'autorité que vous me confie , pour votre interêt
& votre fatisfaction . Vous me trouverez
toujours difpofé à diminuer & à réduire les dépenfes
publiques felon votre attente.
"
Le nommé Barret dont on a parlé, accufé &
convaincu d'avoir tué fon propre fils , âgé
d'onze ans , a été condamné à mort & executé.
Le 23. du mois dernier , il fut réfolu dans la
Chambre des Communes d'accorder au Roy
158900. liv. fterlin , pour l'entretien & la paye
des garnifons des Places de l'Amerique , de
Gibraltar & de l'Ile de Minorque : 10897.
liv fterlin pour les Penfionnaires qui font hors
de l'Hôpital de Chelfea : 50428 liv. fterlin
pour les dépenfes extraordinaires aufquelles le
Parlement n'a pas pourvû l'année derniere ;
58000. liv . fterlin pour les Officiers à la demie
paye , tant de terre que de mer : 230928. liv..
flerlin pour le payement des troupes du Landgrave
de Heffe- Caffel , qui font à la folde du
Roy d'Angleterre : la même Chambre à auffi
accordé soooo . liv. fterlin pour la premiere année
du fubfide que S. M. s'eft engagé de payer
au Roy de Suede , par le Traité du mois de
Mars de l'année derniere ; 25000. liv. fterlin
pour la premiere année du fubfide promis au
Duc de Brunfwick Wolfembuttel 117442 .
liv . fterlin pour l'année du fervice de terre de
la préfente année : 8026 1. liv. fterlin pour les
dépentes extraordinaires de Munitions & Artillerie
, envoyées l'année derniere à Gibraltar
&
MAR S. 1728. 627
& dans l'Ile de Minorque , & 279360. liv.
fterlin pour remplacer ce qui a manqué aux
fommes accordées pour le fervice de la même
année. 1st wóm sh · rinqueda
Le24 du mois dernier Archevêque de
Cantorberys à la tête du Clergés préfenta une
Adreffe au Roy qui fela Réponse fuivante .
Ce temo gnage publie de votre fidelité de
votre affection & le xele que vous exprimez.
pour le soutien l'honneur de mon gouverne
ment me fort fort agréables. Vous pouvez
compter que fe maintiendrai toujours la Conftiturion
de Egliſenglicane , telle qu'elle eft
établie par la loy , & que de ma part je ferai
prêt à faire executer avec vigueur les loix contre
le blafpheme , l'irréligion & la licence.
Le 27. du même mois , le Roy & la Reine
accompagnez du Duc de Cumberland , de la
Princefle Royale , & des Princefles Amelie &
Caroline , allerent au Theatre françois du
marché au foin voir la Tragedie de Jules Cé
far , qui fut reprefentée par de jeunes Gentilshommes
de l'Ecole Royale de Weftminster. Le
lendemain LM. allerent voir l'Opera de
Siroë,
Il s'eftformé depuis peu de tems à Londres,
une troupe de 30 à 40. voleurs , armez de poignards
& de piftolets , qui volent impuné
ment toutes les nuits , même dans les lieux
les mieux gardés : Quelque recherche qu'on
ait pu faire jufqu'à prefent , on n'a pû les dé
couvrir.
Le Capitaine du Vaiffeau la Marie & Jeanne
, arrivé depuis peu de la Jamaïque , à rapporté
que le Vaiffeau de guerre le Diamant
y avoit amené un Vaiffeau de guerre Eſpagnol
de so. à 60. pieces de canon , qu'il avoit pris
dans la Baye de Honduras.
I vj
Hot
628 MERCURE DE FRANCE .
O
HOLLANDE , PAYS - BAS.
"
N celebrale 19. du mois dernier à Utrecht
& dans toutes les autres Villes d'Hollande,
le jour de jeûne , de prieres & d'actions de
graces , qui avoit été ordonné par les Etats
Generaux.,
M. de Mendoça Cortereal , Envoyé Extraordinaire
de Portugal auprès des Etats Generaux,
aufquels il a notifié , de la part du Roy fon
Maître , la conclufion du double mariage, &c,
a fait , à cette occafion , chanter le Te Deum
dans fa Chapelle, auquel affifterent le Comte de
l'Empereur , &le voyé Extraordinaire
de
autres Miniftres
Après le Te Deum , l'Envoyé de Portugal
donna un magnifique repas à tous les Miniftres
Etrangers , & aux Seigneurs de la Regence
; la table étoit de 30. couverts , & fut
fervie de tout ce qui fe trouve de plus exquis
les fantés furent bues au fon des Timbales
, des Trompettes & de la Mufique . Ce
feftin dura jufqu'à la nuit que toute la façade
de l'Hôtel fe trouva en un moment illuminée.
On voyoit au milieu un grand Tableau
tranfparent , furmonté d'un Cintre , reprefentant
les Armes de Portugal & d'Espagne ,
& l'on y voyoit des coeurs couronnez , unis ,
& environnez de Palmes & de Lauriers.
Dans le Cintre étoient les deux Chronogra
mes fuivans.
3
RegaLes Inter Infantes ConnVBIVM DVPLEX
.
LVsItaniæ & hifpaniæ hIMenæis Dato
pLaVsVs CIVes..
Aux deux côtez de ce Tableau étoient deux
Pira
MARS . 1728.
629
Piramides en Mofaique verte & blanche , qui
font les couleurs de Portugal ; les Frontonsau
deffus des fenêtres étoient peints de même
avec les chiffres des Princes & Princefles.
Le tout faifoit une très belle illumination.
·
Le 24 Fevrier , ce Minittre donna une nouvelle
fete , ou les Dames furent invitées &
où le peuple eut part : il avoit fait diftribuer
des billets à 400. perfonnes , qui fe rendirent
au Theatre de la Comédie , où l'on reprefenta
Democrite Amoureux & les Folies Amoureufes
L'Orchestre étoit rempli de l'élite des Muficiens.
Dans les Entre Actes & entre les
deux Pieces , on fervit avec profufion toutes
fortes de confitures & de liqueurs froides &
chaudes. La petite Piece fut terminée par ane
Chaconne de caractere , qui fit l'ouverture
d'un Bal ; & fut en même tems le fignal pour
fervir à l'Affemblée toutes fortes de mets
froids & des vins exquis . Le dehors de l'Hôtel
des Comédiens étoit illuminé en flambeaux .
de ciré blanche ; & c. & orné d'une verdure
qui regnoit fur toute la face de l'Hôtel , du
milieu duquel on fit couler pour le peuple
deux fontaines de vin. Cette fte , qui a été
trouvée d'un très - bon goût , fe termina à la
fatisfaction de tout le monde.
XXXXXX) XXX : XXX
MORTS, NAISSANCES ,
&. Mariages des Pays Etrangers.
E Cardinal Nicolas Carraccioli , Arche-
Lvêque de Capoue y mourut le 7. du
mois dernier , dans la 70 année de fon âge ,
étant né le 8, Novembre 1658. Clement XI. le
6 .
630 MERCURE DE FRANCE
fit Cardinal le 16. de Decembre 1715. & il fui
donna le Titre de S. Martin du Mont. Il étoit
Neveu du Cardinal Del- Giudice , & Frere cadet
du Prince Ferdinand de Villa - Safita , Duc
de Geffi. Il vaque par la mort un 2 : 1ieu dans
le Sacré College & des places dans les Congrégations
des Evêques Reguliers , des Tits , des
Immunitez Ecclefiaftiqués , de Examen des
Evêques & des vifites Apoftoliques . Le Pape
nomina le 12.àl'Archevêché de Capbuë , ľ Abbé
Orfini fon, Neveu ..
Le Major Robert Broudnax , mourut fur la
fin du mois dernier à Londres dans la 109." année
de fon âge, ayant confervejufqu'à la mort
fa mémoire & fon bon fens. Il avoit été fait
Lieutenant d'Infanterie fous le Regne du Roy
Charles I. Colonel de Cavalerie du tems de
Cromwell , & Lieutenant Colonel avec Commiffion
de Major , fousle Roy Guillaume .
Le 11. Fevrier au foir , la Princeffe de Wirtemberg
, fille du Prince de la Tour- Taffis ,
accoucha à Bruxelles d'un fils .
Le 16 vers les 8. heures du matin , la Reine
de Dannemarc accoucha à Copenhague , d'un
Prince qui fut baptifé le même jour , & nommé
Charles , en prefence du Clergé , du Magiftrat
& des principaux Seigneurs de la Cour,
Le Confeffeur du Roy fi les fonctions de cette
Ceremonie, & la Princeffe Charlote affiftée du
Prince Royal , au nom du Prince Charles ,
Frere du Roy , tint le jeune Prince fur les
Fonts
La Princeffe de Ligne , née Princeffe de Salin
, y accoucha le 17. d'une fille , qui eft le
premier enfant qu'elle ait eu depuis plufieurs
années de mariage.
Le Prince nouveau né dont la Duceffe dè
Holstein-Gottorp eft accouchées fut babtifé à
Kiel
MARS 1728. 638
Kiel le 29. du mois dernier , & nommé Char
les Pierre Ulric, ayant eu pour Parrains , l'Empereur
& le Czar , reprefentez par l'Evêque de
Lubec , & par le Prince Frederic Auguite, &
la Reine de Suede & la pour Maraines
Princeffe Elifabeth de Ruffie , Soeur de la
Ducheffe d'Hofftein, reprefentées par la Comteffe
de Ballowits & par la Comteffe de
Bond .

3 .
Le Fevrier , la Ceremonie du mariage
du Duc de Parme , avec la Princeffe Henriette
de Modene , fe fit à Modenes le Prince hereditaire
, Frere de cette Princefle , avoit eu
les Pléins pouvoirs du Duc de Parme , pour
l'époufer en fon nom od cot
JS LLL
FRANCE,:
T Mot M. 19
Nouvelles de la Cour de Paris , &c .
2 1
Napprend par les Lettres de M. Perier ,
Gouverneur de la Loufiane , qu'il y a
grande apparence d'augmen er certe Colonie ,
par la quantité de plantations d'indigo & de
tabac qu'on y fait. La Compagnie des Indes
a accordé 18 Negres d'augmentation , fur
la reprefentation de ce Goliverneur. Son application
à menager & contenir les Sauvages
qui font en grand nombre , fait efperer qu'il
réuffira dans l'établiffement de toutes les Conceffions
. On apprend auffi par ces Lettres
qu'un Sauvage ayant aflaffiné un François
dans la rouvelle Orleans , le Gouverneur obligea
les Sauvages de lui remettre l'affaffin
qu'il fit rompre vif en leur prefence.
On
632 MERCURE DE FRANCE .
On affure que tous les Militiens doivent
s'affembler au 1. May prochain , aux lieux
deftinez pour former leurs Bataillons , où ils
feront l'exercice pendant environ trois mois ,
les jours de Dimanches & de Fêtes , & qu'enfuite
ils retourneront chez eux . On croit
qu'on leur fera faire la même choſe tous les
ans , pour les inftruire & les accoutumer au
Service Militaire.
Le 15. du mois dernier les Princes , Princeffes,
Seigneurs & Dames de la Cour , complimenterent
le Roy à l'occafion de l'anniverfaire
de fa naiffance , S. M. étant entrée ce
jour - là dans la dix- neuviéme année de fon
âge .
Après les Exercices de pieté & les Confeils ,
le Roy à fouvent pris le divertiffement de la
chafle pendant ce mois . S. M. a chaffé le Dain
& le Loup , dans la Forêt de S. Germain en
Laye , le Cerf dans la Forêt de Marly , & dans
les Bois de Fofferepofe , près Verfailles.
CEREMONIE de la Benediction de la groffe
Cloche , de l'Eglife de la Charité de Paris.
S
On-A. R. Mad. la Ducheffe d'Orleans & M.
le
corder aux Religieux de la Charité de Paris ,
de nommer leur groffe Cloche , envoyerent
pour reprefenter leurs Alteffes Royales , Madame
la Marquife de Clermont & M. le Marquis
de Clermont , premier Ecuyer de M. le
Duc d'Orleans , qui fe rendirent Jeu di 26. Fevrier
dern. à 4 heures après midi à l'Eglife de
la Charité. Ils furent reçûs à la porte de l'Eglife
avec la Croix & P'Eau benite par le P.
Provincial , accompagné du P. Prieur & de
fes Religieux. Le P. Provincial leur fit un perit
difcours
4
MARS. 1728. 633-
difcours pour marquer combien lui & tout
fon Ordre étoient fenfibles à l'honneur que
leur fangient fon Alteffe Royale, & M. le Duc
d'Orleans., Mad, la Marquife & M. le Marquis
de Clermont répondirent avec beaucoup de
politefle & de bonté. Ils furent enfuite conduits
au fon des Cloches , au bruit des Tambours
& au fon des Orgues & de la Symphonie
par le même P, Provincial & par fa Communauté
fur une magnifique Eftrade, où étoient
deux Prie Dieu & deux Fauteuils . L'Eglife ,
tendue de riches Tapifleries & éclairée d'un
grand nombre de Luftres , étoit remplie d'une
quantité prodigieufe de Spectateurs , parmi
lefquels il y avoit des perfonnes de la premiere
diftinction . La Cloche étoit fufpendue fous un
Das, & couverte de riches étoffes d'or. Après
les Ceremonies ordinaires , elle fut nommé
MARIE - LOUISE - FRANÇOISE.
Les Religieux de la Charité ont tâché de
ne rien obmettre pour rendre cette Ceremonie
folemnelle , & pour répondre à l'honneur qu'ils
ont reçû en cette occafion. Leurs Alteffes
Royales, de leur part , toujours attentives aux
befoins des pauvres malades ,,que ces Reli
gieux ,felon leur Inftitur, font obligez de foulager
, leur ont donné des marques de cette attention
par des liberalitez confiderables.
M. Boudin , premier Medecin de la Reine ,
ayant demandé la permiffion de fe retirer , le
Roy a nommé pour le remplacer , M. Helvetius
, qui étoit déja Medecin ordinaire du Roi.
Il prêta ferment de fidelité pour cette Charge
, entre les mains de la Reine , le 28. du
mois dernier.
Le Duc de Grammont , Colonel des Gardes
Françoifes , a obtenu du Roi la création.
d'une place de Gentilhomme à Drapeau , dans
cha634
MERCURE DE FRANCE .
&
chacune des 33. Compagnies de ce Regiment.
Ils doivent faire preuve de Nobleffes ,
avoir environ 1500. liv . de revenu . Ils feront
preferés pour remplir les places d'Officiers
qui viendront à vaquer. Ils auront rang après
les Eafeignes qui quittent le Drapeau &
prennent le Sponton.
Le 29 Fevrier , les Deputez des Etats d'Artois
eurent audience "du Roi , étant prefentez
par le Prince d'Ifenghien , Lieutenant General
de la Province , & par M. le Blanc ,
Secretaire d'Etat. ' Ils furent conduits par le
Marquis de Dreux , grand-Maître des Ceremonies
, & par M. Defgrange , Maître des
Ceremonies La Deputation étoit compofée de
l'Evêque d'Arras , pour le Clergé , qui porta
la parole du Marquis de Lillers , pour la
Nobleffe ; & de M. Macau , Confeiller Penfionnaire,
de la Ville de S. Omer , pour le
tiers- Etat.
Le s. de ce mois , la Reine entendit la
Meffe dans la Chapelle du Château de Verfailles
, & S. M. communia par les mains
de l'Evêque , Comte de Châlons , fon premier
Aumonier .
Le 7. quatriéme Dimanche de Carême , L.
M. entendirent dans la même Chapelle , la
Meffe chantée par la Mufique , & l'après midi
la Prédication de l'Abbé Couturier.
Le Marquis de la Luzerne , Lieutenant Général
des Armées Navales de S. M. & M. Duguay
- Trouin , Chef d'Efcadre , ont été nommés
Commandeurs de l'Ordre Royal & Militaire
de S. Louis .
Le 14. Dimanche de la Paffion , le Roi entendit
dans la Chapelle du Château de Verfailles
, la Meffe chantée par la Mufique , pendant
laquelle l'Evêque de S. Pons prêta ferment
MARS. 1728 .
645
ment de fidelité entre les mains de S. M. L'après
midi , le Roi affifta à la Prédication de
l'Abbé Couturier.
Le Samedy , veille du Dimanche des Rameaux
, fuivant un ufage qui fe pratique tous
les ans , Meffieurs de la Chambre des Comptes,
après leur fcéance , ont affifté en Robes ordinaires
à une Meffe folemnelle qui a été célebrée
dans l'Eglife de la Sainte Chapelle avec
une excellente Mufique à grand Choeur , de
la compofition du fieur de la Croix ; & après
le Service ils ont été adorer la vraye Croix ,
dont un grand morceau eft confervé dans un
précieux Reliquaire en forme de Crucifix , que
M. le Tréforier a préfenté à baifer à chaque
Officier. Il eft.à remarquer que la Chambre
des Comptes eft ordonatrice des dépenfes
particulieres qui concernent la Sainte- Chapelle
, laquelle en rend compte à la Chambre
par un Chefcier , fur les Mandemens de ladite
Chambre.
.
Le 25. jour du Jeudy Saint , le Roy entendit
le Sermon de la Cêne , de l'Abbé Burgevin
, Tréforier de l'Eglife de S. Jacques de
l'Hôpital , & Aumônier de l'Ordre Royal &
Militaire de S. Louis , après quoi l'Evêque de
Sarepte , Coadjuteur de l'Evêque de Limoges
fit l'Abfoute. Enfuite le Roi fava les pieds à
douze Pauvres , & S. M. les fervit à table. Le
Duc de Bourbon , Grand-Maître de la Maifon
du Roy , à la tête des Maîtres d'Hôtel , piécedoit
le fervice , dont les plats étoient portez
par le Duc d'Orleans , le Comte de Clermont,
fe Prince de Dombes, le Comte d'Eu , le Comte
de Toulouſe , & par les principaux Officiers
de S. M. Après cette ceremonie , le Roy fe rendit
à la Chapelle du Château de Verſailles , ou
So

636 MERCURE DE FRANCE .
S M. entendit la grande Meffe , & affifta à la
Proceffion.
L'après midi , la Reine entendit le Sermon
de la Cène de l'Abbé de Ciceri , Prédicateur
ordinaire de S. M. après quoi le Cardinal de
Fleury, Grand - Aumônier de la Reine , fit l'Abfoute.
Enfuite S.M. lava les pieds à douze pauvres
filles & les fervit à table. Le Marquis de
Villacerf.Premier Maître- d'Hôtel de la Reine ,
précedoit le fervice , dont les plats étoient portez
par Mademoiſelle de Clermont , Mademoifelle
de la Roche- fur- Yon , & par les Dames
du Palais de S. M.
Le Duc d'Harcourt , Capitaine des Gardes
du Corps du Roy , a été nommé Chevalier des
Ordres de S. M. dans la derniere Promotion
que le Roi a faite à Verfailles , & le nom de
ce Seigneur a été omis par inadvertance , dans
l'article du mois dernier où nous avons parlé
de cette Promotion .
On fait aujourd'hui un grand ufage du Sirop
de Capilaire , & comme il eft rare d'en trouver
de bon , on croit faire plaifir au Public de donner
l'adreffe de la perfonne qui y réüffit le
mieux. C'eft M. le Capitaine Ferret , qui demeure
à la Rochelle , quartier S. Nicolas. II
vend fon Sirop 3. livres la pinte , & fait les
frais du baril. Ceux qui en voudront , fe donneront
la peine de lui écrire , & auront ſom
de lui remettre l'argent qu'ils voudront employer.
M. Affilly, Banquier à Paris , rue Beaubour
, voudra bien fournir des Lettres de change
fur la Rochelle , à ceux qui lui en demanderont.
Le Capitaine Ferret prie ceux qui s'adrefferont
à lui , d'écrire leurs noms & adreffes lifiblement.
La
MARS. 1728 . 627
La Dile Lamotte , Me Perruquiere à Paris ,
rue S. Nicaife , donne avis qu'elle a depuis
peu inventé une nouvelle façon de Coëffure en
cheveux, qui imite parfaitement le naturel. Elle
en fait pour tous les âges & pour les Dames
de Province, en envoyant un échantillon de la
Couleur qui convient & la meſure de la tête.
********************
܀܀܀܀
MORTS ,
Le
NAISSANCES
&
Mariages.
E 22. Février , Nicolas Beaulieu , Menuifier
de cette Ville , demeurant aux Petits - Carreaux
, mourut dans fa maiſon, âgé de 102 ans.
Le 23. du même mois , M. Pierre Gruyn de
Villegrand , Confeiller du Roy & Doyen de
Mrs du Grand- Confeil , mourut à Paris , âgé
de 89. ans.
LETTRE écrite de Joinville ce 16. Mars 1728 .
par M. de V. Avocat.
Oici , Monfieur , un grand âge bien averé
d'une fille que j'ai vue , à qui j'ai parlé ,
& chez qui j'ai mangé plufieurs fois . Elle avoit
connu Voiture dans le temps qu'il brilloit à la
Cour , & en fçavoit des particularitez qui ne
font pas venues à la connoiffance du Piblic.
Ce qu'il y a de plus furprenant , c'eft qu'elle
fe nourriffoit d'ordinaire de légumes & de laitages
, préferables , felon elle , à la viande , &
qu'elle ne buvoit point de vin.
On a trouvé parmi les papiers de cette Demoifelle
un Mémoire très-éxact , écrit fans rature
& figné de la main de Pierre le Bas fon
pere , Receveur de la Principauté de Joinville,
fur
638 MERCURE DE FRANCE .
fur lequel il avoit marqué de fuite la naiflance
de tous les enfans , en commençant par Pierre
le Bas l'aîné , qui eft mort il y a long- temps ,
Procureur en la Cour à Paris , & qui étoit auffi
né à Joinville l'an 1603. ainfi que le porte ce
Memoire qui m'a été communiqué, & dont j'ai
extrait ce qui fuit. Après l'avoir verifié fur les
Regiftres de notre Paroiffe , qui font en bon
ordre depuis le commencement du dernier fiecle
. Catherine le Bas , fille de Pierre le Bas &
de Louife Petit Jean , eft née à Joinville , le
Vendredi 25. Novembre 1605. & à été bap
tifée le 27. Son Parain , Maître Jean Fiffeux ,
Lieutenant au Bailliage de Joinville. Ses Marainnés
, Demoiſelle Gabrielle de la Haye ,
femme de M. Thomaffin , Seigneur de Dongeux
, & Dame Catherine Petit- Jean , femme
de Maître René le Seurre , Gruyer dudit
Joinville. Elle fut nommé Catherine , tant
pour le nom de fa feconde Maraine qu'à
caufe qu'elle nâquit ledit jour de fainte Catherine.
Elle eft morte en la Paroiffe de Fronville
, à une lieuë de Joinville , le vingtcinquiéme
Février 1728. âgée de 122. ans &
trois mois .
C'étoit un fort bon efprit , qui s'eft confervé
dans toute la vigueur jufqu'aux derniers momens
de fa vie. Je vous en parle comme témoin
oculaire, digne de foi , & grand amateur
de la verité. Vous pouvez donc en toute afſurance
me croire fur tous les faits que je rapporte
& fur la fincerité avec laquelle je vous
protefte que je fuis , & c.
Nous avons appris qu'il refte encore une
fille de cette famille , âgée de 98. ans.
Dame Catherine le Pileur , veuve de M.Charles
Pavyot , Chevalier , Confeiller du Roi en
fes Confeils & fon Procureur General en la
Les
MARS. 1728. 639
Cour des Comptes , Aydes & Finances de
Normandie, Seigneur & Patron de Muflegros,
Bezu-la-Forêt, le Mefnil fous Verqueville, &c.
decedée le premier Mars 1728. âgée d'environ
77. ans .
LETTRE écrite de Marseille le 3. Mars 1728,
fur la Mort de M. le Marquis de la Salle ,
EN
Nfin , Meffieurs , le Marquis de la Salle ,
Jean- Baptifte de Villages , mourut hier matin
dans fon Château de la Salle , près de cette
Ville , â l'âge de cent ans prefque accomplis ,
étant né au mois d'Avril de l'année 1628. Son
corps a été tranfporté le même jour & déposé
dans la Chapelle de l'Eglife des Grands Auguftins
de Marſeille , où eft la fépulture de fa
Maiſon , en attendant fes Obfeques , & c. Ce
Seigneur a joui toute fa vie d'une fanté parfaite
, & la vieilleffe a été exempte des infirmi
tez qui font infeparables d'une fi longue carriere;
enforte qu'en changeant un feul terme,
on a pû dire de lui pendant long- temps ce
que Virgile a dit d'une Divinité fubalterne.
Jamfeniorfed cruda Deo viridifque Senectus .
Vous avez parlé de la vieilleffe floriffante de
M. de la Salle, dans le Mercure du mois de May
1727 à l'occafion de la Fête qu'il préparoit alors
pour celebrer avec fa nombreufe Pofterité, fes
principaux parens & l'élite de la Nobleffe , le
commencement de fa centiéme année . Ce refpectableVieillard
étoit moins confideré de toute
la Province par fon âge & par fa naiffance ,
que par les rares qualitez de fon coeur & de
fon efprit , & fur tout par une probité à toute
épreuve. Il fut nommé premier Conful de Marfeille
dans le Confeil de l'Election du 28.Octobre
640 MERCURE DE FRANCE .
bre 1657. comme un fujet propre , quoiqu'en
core jeune , pour rendre la paix à fa Patrie ,
alors agitée par de fatales divifions . Les Regifres
publics nous apprennent là deflus une chofe
marquable , fçavoir , que Gafpard de Villages,
fon pere , qui avoit d'abord cru qu'on le nommoit
lui- même Conful , s'oppofa fortement
à cette nomination, & foutint que fon fils n'avoit
pas l'âge requis par les Reglemens , c'eftà
- dire 30. ans accomplis , étant né , dit il ,
le 6. Avril 1628. ce qui n'empêcha pas que fon
nom ne fût mis dans la Boëte dorée avec celui
des trois autres Gentils - hommes , nommez
pour le premier Confulat ; mais le fort feul
maître de l'Election , en décida autrement. Le
jeune Marquis de la Salle n'en marqua pas
moins de zele pour le fervice du Roy & pour
le bien public , en travaillant de toutes fes
forces à la réunion des efprits & à la pacification
des troubles de Marfeille .
Sur quoi, s'il eft permis de le dire en paffant,
on ne fçauroit trop fe recrier contre quelques
Ecrivains , mal inftruits ou mal intentionnez ,
qui en fe copiant les uns les autres , n'ont rendu
juftice à perfonne fur le fujet de ces troubles,
& n'ont imprimé que des faufſetez . Parmi
les Auteurs de ce caractere je me contenterai
de citer ici les deux plus récens ,
fçavoir , le St de Larrey , dans fon Hiftoire de
France fous le Regne de Louis XIV. publiée
en 1721 T. III. page 181. & le Compilateur
des Mémoires du Marquis de Montglat , imprimez
en 1727. T. IV. p. 235. J'ai en main de
quoi démontrer un jour leurs égaremens.
La Maifon de Villages eft une des plus con
fiderables de Provence , & alliée avec les meilleures
Maifons de cette Province. Elle tire fon
origine de la Ville de Bourges , Capitale du
Berry
M.AR S. 1728. 641
Berry, d'où Jean de Villages vint s'établir à
Marfeille ,fous le Regne de René d'Anjou , Roi
de Sicile , Comte de Provence. Il fut Confeiller
& Maître d'Hôtel de ce Prince, puis Chambellan
du Duc de Calabre fon fils. Le Roi
René le fit enfin fon Amiral ou fon Capitaine
General de la Mer , comme portent les Lettres
ou le Brevet de cette Charge , daté du 8. Janvier
1453. C'eft en cette qualité que Mauvo ,
Doge de Venife , lui écrivit le 19 Mars 1463 .
une Lettre , pour le prier de donner un faufconduit
aux Galeres & aux Vaiffeaux de la République
qui devoient venir charger des Marchandiles
à Aigues- Mortes .
Jean de Villages vivoit encore après l'union
de la Provence à la Couronne de France,
ce qui arriva en 1481. par le Teftament
de Charles du Maine , dernier Comte de Provence
, de la feconde Branche de la Maiſon
d'Anjou. Louis XI. Roi de France , devenu
Comte de Provence , employa ce Seigneur en
de grandes & importantes affaires , dont il s'acquitta
avectoute la fageffe & le fuccès poffible .
Cette Maifon a donné de grands fujets à
l'Ordre des Chevaliers de S. Jean de Jerufalem.
La Religion & la Ville de Marſeille ,
n'oublieront jamais la memoire des Commandeurs
Thomas & Nicolas de Villages , freress
le premier mort Grand- Croix de fon Ordre
& Baillif de Manofque , & le fecond Com
mandeur de Comps , oncles paternels du Marquis
de la Salle qui vient de mourir. Ils fe
trouverent tous deux au fameux combat
donné le premier jour de Septembre 1638.
devant le Port de Genes , entre quinze Ga-
' leres de France , & un pareil nombre de
celles d'Eſpagne. Nos deux Chevaliers commandant
chacun une Galere du Roi , s'y dif
·K tingue42
MERCURE DE FRANCE.
tinguerent extrémement par leur valeur &
par leur conduite ; enforte qu'ils eurent beaucoup
de part au fuccès de cette memorable.
journée, dans laquelle tout l'avantage & toute
la gloire demeurerent au Pavillon François.
Il me refte à vous dire que le Marquis de
la Salle , fils de Gafpar de Villages , comme
on l'a déja marqué , & de Leonor de Villeneuve
, laiffe de fon mariage avec Dame
Aiman de Valbelle , de la branche de Valbelle
Montfuron , celebré le 10. Octobre 1647.
quatre fils , fçavoir N. de Villages , Marquis
de la Salle & de Villevieille ; Leon de Villages
, Abbé de la Salle ; deux Chevaliers de
Malte , dont l'un eft Capitaine de Galere , &
l'autre Lieutenant de Vaiffeaux du Roi , &
deux filles , dont l'aînée eſt Abbeffe du Mont
de Sion de Marfeille , Ordre de Citeaux , &
la cadete Abbeffe de fainte Catherine , Diocèle
d'Apt , Ordre de S. Benoift .
Madame de Venel , fous - Gouvernante des
enfans de France , dont toute la Cour du feu
Roi a connu le merite & la folide vertu ,, ' étoit
fille de la Marquife de Villages , & de Pierre
de Gaillard , Tréforier des Etats de Provence,
& petite- fille de Cefar de Villages , & de Magdelaine
de Cauyet. Elle avoit épousé Gafpar
de Venel , Confeiller au Parlement , dont elle
n'a pas eu d'enfans .
La Maifon de Villages porte pour Armes ,
d'Argent à un double Delta , ou deux Triangles
entrelaffez l'un dans l'autre , de sable ,
enfermant un Coeur de Gueulles . Pour Supports
Cimier des Lions d'or ; celui du Cimier foutient
un Coeur de Gueulles.
M. l'Abbé Guillaume Mengui , Confeiller de
la Grand-Chambre , & Chanoine de Notre
Dame
MARS. 1728. 643
Dame , mourut à Paris le 6. de ce mois , âgé
de 70. ans , generalement regretté à caufe de
fes profondes lumieres & de fon integrité. Le
Chapitre de l'Eglife Metropolitaine alla le lendemain
en grand Convoi prendre fon corps
dans la maifon où il eft décedé , ruë d'Enfer,
& le conduifit à l'Eglife de Paris , où il fut
inhumé Le Chapitre avoit indiqué un Servi-
'ce folemnel au Mercredi 1o. du même mois;
mais le Parlement ayant déliberé d'y affifter
Mrs de N. D. le remirent au Samedi fuivant
13. Le Service fut celebré ce jour là , auquel,
outre le Parlement , plufieurs autres perfonnes
de Robbe & de diftinction affifterent. Pendant
les derniers jours de fa maladie , le Doyen
du Chapitre , accompagné de plufieurs Chanoines
, lai adminiftra les Sacremens : il alla
pour ce fujet prendre en ceremonie le faint.
Viatique dans l'Eglife des PP. Feuillans de la
ruë d'Enfer qui fe trouva la plus proche de
la Maifon de l'Abbé Mengui . M. l'Abbé de
Gouffer a été pourvû de fon Canonicat &
M. de Tourmont , Doyen de la troifiéme
Chambre des Enquêtes , eft monté en fa place
à la Grand Chambre.
François- Germain le Camus , Marquis de
Bligny , Maréchal des Camps & Armées du
Roi , mourut à Paris le 9. de ce mois , âgé de
71. ans.
Dame Catherine Voifin , veuve de Nicolas
de Bauquemarre , Préfident aux Requêtes du
Palais , mourut à Paris le 10. Mars , dans la
96. année de fon âge . Elle s'appelloit Dozambray
, du nom de fon premier mari.
Le 12. Pierre-Antoine de Caftagnere , Marquis
de Châteauneuf , Confeiller d'Etat , Ancien
Prévôt des Marchands , & ci- devant Ambaffadeur
du Roià la Porte, en Portugal & en
Kij Hol
644 MERCURE DE FRANCE.
Hollande, mourut dans la 84 année de fon âge
Le 13. M. Pierre Viel , Recteur de l'Univerfité
de Paris , mourut au College du Plef
fis- Sorbonne , âgé de 63. ans .
Le 14. de ce mois , Jean- Baptifte , Marquis
de Clermont-Tonnerre , ci-devant Meftre de
Camp d'Infanterie , mourut à Paris , âgé d'environ
70. ans.
Le 16. Dame Anne Françoife Dubois de
Guedreville, époufe de Jacques Guynet , Confeiller
d'Etat , mourut âgée d'environ 58. ans.
Le 17. Gabriel - Claude d'O , Marquis de
Franconville, Bazemont , Herbeville, & c. Lieutenant
General des armées Navales , & Grand
Croix de l'Ordre Royal & Militaire de faint
Louis , mourut dans la 74. année de fon âge.
Le 20.François de Vienne, Comte de Vienne,
Chevalier , Seigneur de Fontenay , Brigadier
des Armées du Roy , Chevalier Penfionnaire
de l'Ordre de S. Louis , mourut âgé de 78. ans,
Le Baron de Breteuil , & de Preuilly , ci-devant
Introducteur des Ambaffadeurs , mourut
en cette Ville le 24. de ce mois , âgé de 84.
ans , laiffant de fon mariage avec Dame Gabrielle
de Froullay , fille du Comte de Froullay,
Chevalier des Ordres du Roi , & grand Maréchal
des Logis de fa Maifon , un fils Capitaine
de Cavalerie , un dans l'état Ecclefiaftique , &
une fille mariée au Marquis du Châtellet- l'Aumont
, Gouverneur de Semur , & Meftre de
Camp d'Infanterie. Il étoit fils de M. de Breteuil
, Controlleur General des Finances &
Confeiller d'Etat ordinaire , & oncle du Marquis
de Breteuil , Commandeur des Ordres
du Roi , Chancelier de la Reine , ci- devant
Secretaire d'Etat , de M. l'Evêque de Rennes ,
Grand - Maître de la Chapelle- Mufique du
Roi , & du Comte de Breteuil , Capitaine-
Licu
MARS. 1728. 645
Lieutenant de la Compagnie des Chevaux- Legers
de Bretagne.
Le même jour , Charles , Comte de la Mothe-
Houdancourt , Grand d'Espagne , Lieute
nant General des Armées du Roi , & Gouverneur
de Bergues , mourut âgé de 85. ans.
Dame Marie Marguerite du Rey , épouſe de
M. René Herault , Chevalier , Seigneur de
Fontaine l'Abbé , Confeiller du Roi en tous
fes Confeils d'Etat & Privé , Confeiller d'honneur
en fon Grand- Confeil , Maître des Requêtes
ordinaire de fon Hôtel , Lieutenant
General de Police de la Ville , Prevôté & Vicomté
de Paris , accoucha le 25. de Fevrier ,
d'une fille qui fut tenue fur les fonts , & nonmée
Marie- Adelaïde par M. Pierre-Charles
Herault , Prêtre , Docteur de Sorbonne , Abbé
Commandataire de Landais , Diocèle de
Bourges , & par Dame Marie-Louife Adelaide
du Rey , époufe de M. Etienne- Claude
d'Aligre , Préfident au Parlement.
9
Charles - Marie , Marquis de Choifeul-Beaupré
, Baron d'Is , & de Meuvi , Seigneur de
Daillecourt , & c. Lieutenant General au Gouvernement
de la Province de Champagne ,
Meftre de Camp de Cavalerie & Guidon de
Gendarmerie , fils d'Antoine Cleriadus , Comte
de Choiseul , Lieutenant General des Armées
du Roi & fon Lieutenant General en
Champagne , & de Dame Anne- Françoife de
Barillon , petite- fille du Chancelier Boucherat
, époufa le vingt - cinq Fevrier dernier ,
dans la Chapelle du Château de Sauvigny en
Lorraine , Anne- Marie de Baffompierre , fille
unique & heritiere du Marquis de Baffompierre
, Brigadier des Armées du Roi , & de
Dame Anne- Eleonor d'Hamal , d'une des plus
grandes Maifons de Flandres.
Les
646 MERCURE DE FRANCE .
Les Maifons de Choifeul & de Baffompierre
font trop connues pour entrer ici dans
un long détail à l'occafion de ce mariage ;
celle de Choifeul eft des plus illuftres du
Royaume , tant par fon ancienneté , & par les
Dignitez de Ducs & Pairs , Maréchaux de
France , Generaux d'Armées , Gouverneurs de
Province & Chevalier des Ordres du Roi ,
que par fes grandes alliances avec plufieurs
Maifons Souveraines , & c. Sa principale illuf
tration vient du mariage de Renaud Siro de
Choifeul , avec Alix de France , petite- fille du
Roi Louis le Gros . Plufieurs Abbayes confiderables
reconnoiffent les Seigneurs de Choifeul
pour leurs Fondateurs , entr'autres l'Abbaye de
Morimon , quatriéme fille de Citeaux dans le
Diocèfe de Langres , fondée en l'année 1115.
La Maifon de Baffompierre , qui tire fon
origine des Ducs de Cleves , eft une des plus
anciennes & des plus illuftrées ; elle a donné à '
l'Allemagne plufieurs Grands Generaux , & à
la France le Maréchal de Baflompierre, Chevalier
des ordres du Roi & Colonel General des
Suiffes.Cette Maifon eft alliée à plufieurs grandes
Maifons de France , de Lorraine & d'Alle
magne. Les Seigneurs de Baffompierre prennent
la qualité de Princes de l'Empire par conceffion
des Empereurs & des Electeurs .
TABLE.
Pleces Fugitives , Ode fur le Jeu , 427
La trahifon punie , Hiftoriette , 434
Vers à M. *** , fur les Amours de Tython ,
! &c.
Remarques fur les Géans
Epithalame ,
2
447
448
454
Lettre
647
ettre fur la Joye & la Trifteffe , &c.
ers à la Marquife du Roure ,
457
462
464
471
Lettre fur le Livre des maladies Chroniques ,
Reflexions ,
Lettre en Vers, fur les Etats de Languedoc, 477
Lettre fur le Clou que lés Anciens attachoient
dans leurs Temples ,
Epitre en Triolet ,
Explication de l'Epitaphe de Melun
479
1 486
> 49 I
Fables pour la Ménagerie de Chantilly , 497
Bouts- Rimez à remplir , SII
Enigmes à expliquer , S12
Autre Enigme , & c. 514
Explication de Logogriphe , SIS
Queſtion.
517
Nouvelles Litteraires des beaux Arts , & c.ibid .
Méthode de Plein Chant,
518 Lettres édifiantes & curieufes, & c.
521
Methode pour étudier l'Hiftoire , & c. 523
Traité du Jaugage , & c. 526
Ufage des Globes de M. Bion, 527
Effai de Phifique , & c. für les courans de la
Mer , & c.
Bibliotheque Germanique , & c..
Lettre fur les Melons petrifiez , & c
Theologie Phifique , & c.
530
533
536
545
Animal forti par l'ouverture d'une faignée ,
550
Mort du P. Maure & du P. Reyneau , Prêtres
de l'Oratoire. 552
Chanfon notée , Mufette & Vaudeville , 557
Spectacles ,
Extrait de l'Opera d'Orion , & Decorations,
& C.
Le Procureur Arbitre , Extrait ,
L'Amant à la mode , Arlequin Hulla
Extrait ,
Revue des Theatres ,
558
561
580
> &
590
600
648
۴
Nouvelles du tems, de Turquie, & Ruffie ,Po
logne , Suede , Danemarc , & Allemagne
D'Italie , d'Espagne , de Portugal ,
61
61)
Grande Bretagne, Adreffe au Roi de la Cham
bre des Pairs , 620
Réponse du Roi à la Chambre dès Communes ,
& c. 625
628
Hollande & Pays - Bas ; Rejoüiffance fur le
double Mariage , & c.
Morts , Naillances & Mariages des Pays
Etrangers ,
629
France , Nouvelles de la Cour de Paris ,& c.631
Benediction d'une Cloche ,
632
Morts, Naiflances & Mariages , perfonnes extraordinairement
âgées , & c.
637
Lettre fur la mort du Marquis de la Salle , 639
Errata de Février
Age 224. lig 24. ligne , life figne .
PRP. 258, 1. 6. un Caveau de 3. pieds de profondeur
, fur 3. pieds de largeur , & c. lifez un
Caveau voûté , de fix pieds , 9. pouces de largeur
, de 9. pieds . 9. pouces de longueur , &
de fix pieds de profondeur.
P. 268 derniers Vers , timpi , lifez tempi.
P.275. 1. 11. mois lifez mots. Ibid. l. 17.Embo.
lifmaque , Embolifmique. P.276. l. 15. coe.
vum . 7. coevum . P. 283. I. 6. Saltat , 1. Saliat
LI
Fantes à corriger dans ce Livre.
Pequ4 , 1. en quoi . P. 516. l. 17. mot , l.
Page
Age 432. ligne 12. le lifez un. P. 462. 1. 2.
en
mets. P. 20. l. 1. le Roi , l. Roi . P 541. 1. 4. publia
, I. publie P. 572. l. 5. à un aveu, l.`un ayeu.
P 583.1 4. Grapignon , 1. Grapignian.
La Chanfon notée page 557
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le