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1724, 01
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Zugub
BIBLIOTHÈQUA
60
Les Fontaines "
SJ
CHANTILLY
ALOYS
DON S.AL
+
JERS
ENS

MERCURE
DE
FRANCE ,
DÉDIE AU ROY.
AV
JANVIER 1724 .
QUA COLLIGIT SPARGIT.
A PARIS ,
( GUILLAUME CAVELIER , au Palaisa
GUILLAUME CAVFLIER , fils , ruë
Chez S. Jacques , au Lys d'Or.
NOEL PISSOT, Quay desAuguftins, à la
defcente du Pont- neuf, à la Croix d'Or.
M DC C. XXIV .
Avec Approbation & Privilege du Roi.

HURICORDA
AU ROY,
S IRE.
INTE
GENEL
BDO
Le Mercure de France , qui contient
'Hiftoire journaliere de la Nation , ne
peut paroître plus heureuſement
public , & pour les Auteurs , que
A ij
pour
le
fous
&
les glorieux aufpices de VOTRE MAJESTE'
la bonté que vous avez , SIRE,
de nous le permettre , & d'agréer que
nous venions tous les mois vous offrir ,
comme un juſte tribut , le fruit de nôtre
travail , nous animera de plus en plus ,
& nous engagera particulièrement à ne
rien prefenter à VOTRE MAJESTE'
qui ne puiffe lui plaire , ou l'amufer
agréablement. C'eft , SIRE , par ces difpofitions
que nous nous flatons de pouvoir
meriter la grace de vôtre Royale
Protection , & que nous ofons nous dire
avec le plus profond refpect ,
SIRE ,
DE VOTRE MAJESTE' ;
Les plus humbles , les plus
obéiffans , & les plus fideles
ferviteurs & fujets ,
Les Auteurs du Mercure.
A Paris , le premier
Janvier 1724.
AVERTISSEMENT.
L
E Titre de Mercure de France que
nous donnons aujourd'hui à notre
Journal , au lieu de celui qu'il avoit
porté depuis fon inftitution , ne doit pas
faire craindre que nous voulions en retrancher
ces matieres agréables qui font
tant de plaifir au monde galant & poli.
Ce n'est point la nôtre deffein ; nous cherchons
à ajouter des beautez à nôtre ouvrage
, plutôt que d'en retrancher ; mais
pour mettre notre Mercure à la portée de
toutes fortes de perfonnes , nous renonçons
à un titre qui fembloit le confacrer aux
jeunes gens , & aux Dames exclufivement
à tous autres Lecteurs. Les plus ferieux
, & les plus enjouez y trouveront
également de quoi s'occuper , & de quoi
s'amufer. Rien de trop libre n'entrera dans
nôtre ouvrage , mais nous n'en exclurons
rien de ce qui nous paroîtra fin & délicat
; nous y infererons même un nouvel
article de bons mots , dont nous allons
donner un effai pour Etrennes dans ce
commencement d'année. Nous prions tous
ceux qui prendront quelque intereft au
Mercure , de vouloir bien nous faire part
des chofes qui viendront à leur connoif
fance fur ces matieres : bons mots , repar
A iij
ties
AVERTISSEMENT.
ties vives & piquantes , contes facetieux,
naïvetez plaifantes , Pafquinades ingenienfes
, fans aucune maligne application
penfees choifies , questions curieufes , traits
d'histoire intereffans & de morale inftructives
jeux de mots , Griphes , Logogriphes
, & c. Ce nouvel article ne fera peut
être pas le moins lû de notre Journal ; tous
les hommes de quelque condition , & de
quelque âge qu'ils foient , fe portent naturellement
à ce qui les réjouit ; Erafme
aimoit fi fort les bons mots & les bons
contes , qu'il rioit de ceux mêmes qu'on
faifoit, & qu'on difoit de lui. Tantain
vim , difoit-il , habet lepos & jucunditas
fermonis , ut etiam in nos aptè tortis dic
teriis delectemur. Toujours bien entendu
que nous n'employerons rien de licentieux,
& qui puifle bleffer les moeurs.
que
Le
Au refte , comme les fentimens , & les
inclinations du Roy font au deffus de fon
age , & qu'il n'y a point de mois
Mercure nepuiße rapporter quelque action,
on quelque difcours remarquables de Sa
Majefté , nous redoublerons nos foins pour
ne rien oublier qui puff: fervir un jour
à l'hiftoire de ce jeune Monarque . La
pofterité nous fçaura gré de lui avoir tranf
mis jufqu'aux moindres paricularitez
d'une vie que chaque jour diftingue par,
quelque trait de vertu. Quelle gloire pour
Le
AVERTISSEMENT .
,
le Mercure d'en être le premier Heraut.
Obligez d'écrire rapidement , & fur la
foi de Memoires fouvent peu corrects
nous fommes , de tous les Auteurs , les plus
expofez à n'être pas auffi exacts que nous
Le fouhaiterions ; c'est pourquoi nous declarons
ici que nous recevrons toûjours
avec beaucoup de docilité les obfervations
critiques qu'on fera fur nôtre ouvrage ;
nous ferons plus , nous les mettrons à profit
dès qu'elles nous paroîtrons raisonnables
; & nous n'épargnerons pas même
les retractations & les reparations convenables.
Le public y gagnera , & nous n'y
perdrons rien.
-
Nous finiffons cet avertiſſement par une
nouvelle proteftation de nous éloigner tonjours
également de la fatyre , & de la fla
terie au fujet des personnes , & des ouvrages
dont nous aurons à parler ; nous efperons
pourtant qu'on voudra bien nous permettre
un peu de critique . Quand elle eft
jufte & menagée , loin de faire du tort
elle inftruit même ceux fur qui elle porte ,
& ne leur fait fentir quelques défauts que
pour rendre leurs ouvrages plus parfaits.
Il y a un genre de louanges qui produit
un effet tout contraire ; l'experience nous
l'apprend tous les jours . Nous tâcherons
de tenir un jufte milieu entre ces deux
extrêmitez , mais s'il faut pancher de quel-
A iíij que
AVERTISSEMENT .
que

que côté , nous nous proposons d'être plus
retenus fur les Eloges que fur la Critique.
La fade adulation eft un défaut contre lequel
tout Auteur d'un ouvrage tel
nôtre, ne fçauroit être affez en garde.
L'adreffe generale pour toutes chofes eft à
M. Moreau , Commis au Mercure , chez
M. le Commiffaire le Comte , vis - à- vis la
Comedie Françoife, à Paris . Ceux qui pour
leur commodité voudront remettre leurs
Paquets cachetez aux Libraires qui vendent
le Mercure , à Paris , peuvent fe
fervir de cette voye pour les faire tenir.
On prie très inftamment , quand on
adreffe des Lettres ou Paquets par la Pof
te , d'avoir foin d'en affranchir le port ,
comme cela s'eft toûjours pratiquée , afin
d'épargner, à nous le déplaifir de les rebuter
, & à ceux qui les envoyent , celui,
non-feulement de ne pas voir paroître leurs
ouvrages , mais même de les perdre , s'ils
n'en ont pas gardé de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les particuliers qui ſouhaiteront
avoir le Mercure de France de
la premiere main , & plus promptement ,
n'auront qu'à donner leurs adreffes à M.
Moreau , qui aura foin de faire leurs paquets
fans perte de temps , & de les faire
porter fur l'heure à la Pofte , ou aux Meffageries
qu'on lui indiquera.
MERMERCURE
DE FRANCE ,
DEDIE AU ROY..
JANVIER 1724.
XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
PIECES FUGITIVES ,
en Profe & en Vers .
REMARQUES fur la Réponse qui a
paru dans le Mercure du mois de No
vembre dernier à la queftion : Si les
Chartes qui ne font point datées , mais
munies de Sceaux de perfonnes illuftres,
dont le temps n'est pas douteux , peuvent
pafferpour certaines & autentiques.
REPONSE.
l'on y doit
ajoûter foy , & qu'elles peuvent
' On est d'avis
・que
L
Cox
faire preuve qu'une chofe eft ancienne.
A v
Cet
2 MERCURE DE FRANCE.
Cet avis , quoique bon en lui-même ,
eft cependant trop vague , & trop general
, les raifons fur lefquelles il eft fondé
fuppofent le faux , & l'on ne croit pas
qu'elles foient jamais admifes par ceux
qui font un peu
verfez dans la connoiffance
des Chartes.
S
Il y a un certain milieu à garder en tou--
tes choſes. C'eſt un excès caufé par l'ignorance
de l'Hiftoire Diplomatique , & des
coutumes des fiecles paffez , de rejetter
abfolument toutes les Chartes qui manqent
de dattes , de fignatures , ou de
fceaux ; & c'en eſt un autre de les adinet--
tre trop facilement. L'Auteur de la Réponfe
, eft tombé dans celui - ci , qui eſt
bien le moindre ; & Mas de la Juſtice :
tombent tous les jours dans l'autre , &
en même temps condamnent de faux des
pieces , lefquelles avec les conditionsqu'ils
exigent feroient entierement fauffes
aux yeux des connoiffeurs . Cette
erreur vient de ce qu'ils croyent que les
anciennes Chartes ne peuvent être bonnes
fans les formalitez des Actes d'aufourd'hui
, & qu'elles devoient être dreffées
dans les fiecles paſſez comme elles
le font depuis un certain temps .
Il falloit donc diftinguer les lieux , les
temps , & les perfonnes ; car fuivant ces
trois differents rapports il y a des Chartes
JANVIER 1724. 3
tes fans datte , aufquelles on peut , &
on doit ajoûter foy , & d'autres qui n'en
meritent aucune . Or l'on peut connoître
à peu près le temps d'une Charte
fans datte , par l'écriture , & par les perfonnès
qui y font nommées. Pour les
lieux ils y font prefque toûjours marquez.
Chez les Romains tout Acte étoit nul
lorfqu'il n'étoit point datté du jour &
du Confulat , abfque die & Confule , &
par les Loix des Allemans , ( a ) il étoit
défendu d'avoir égard à aucune Charte
qui n'étoit pas dattée du jour & de l'an.
C'eft ce qui fait qu'on ne trouve qu'une
feule de leurs Chartes qui n'ait point de
datte c'eft la 53 dans Goldaft. Ainfi
les Chartes faites dans les lieux où les
Loix Romaines , & celles des Allemans.
étoient obfervées doivent être dattées
autrement il y a grande apparence qu'elles
font fauffes .
Il n'en eft pas de même de celles des
François & des Germains , on en trouve
beaucoup fans aucune datte. ( b) Pe-·
rard en a raporté un grand nombre dest
Ducs de Bourgogne , & même de quelques
Evêques , & l'on en , voit beaucoup
(a) Leges Alamann. cap. 42..
6) Perard , pag. 198. 221. 222. 224. &
A vj de
vantes .
4 MERCURE DE FRANCE.
de pareilles dans les traditions de l'Ab
baye de Fulde.
Mais il faut faire attention que cet
ufage ne s'eft introduit que vers le 10
fiecle , & qu'il a fini dans le 13e & cela
principalement dans les Chartes des
Seigneurs & des autres particuliers ; car
pour celles des Rois il eft très - rare (a )
d'en trouver fans datte , au moins dans
les fiecles dont nous venons de parler ,
excepté celles qui étoient de peu de confequence
, & qui devoient être executées
fur le champ . Encore y marquoit- on
le plus fouvent le mois , & même le
jour du mois. Il eft vrai que les Chartes
des Rois de la premiere race n'ont
quelquefois pour toute datte que leur
nom , où les années de leur Regne. Il y
en a deux de cette premiere forte dans le
fupplement de la Diplom. p . 92. L'une
eft de Clothaire II . & l'autre de Dagobert
I. & deux autres dans la nouvelle
Hiftoire de l'Abbaye de S. Germain ; (b)
fçavoir le Teftament de Dagobert qui
n'a ni datte , ni fignature , & une Charte
de Thierry II.
Au refte , il eft aifé de diftinguer les
Chartes des Rois Merovingiens de celles
(a) Mabillon.. Diplom. p . 212 .
(6) Hiftoire de l'Abbaye de S. Germain ,
pieces jurit. p. 4. & fuivantes.
des
JANVIER 1724. T
des autres qui les ont fuivis , & même
celles des particuliers de leur temps , de
celles des temps pofterieurs ; car on obferva
prefque toûjours de leur temps
cette formule , datum quod fecit menfis
N. dies N. anno N. Regis noftri , compendio
in dei nomine feliciter. Ou bien
datum fub die v. Kal. &c. ou enfin facta
ceffio fub die &c. Mais la premiere formule
étoit plus commune aux Rois , &
la derniere aux particuliers. Cette formule
varia dès les commencemens de la
deuxième race ,, & du Regne même de
Pepin . Au lieu de regni noftri , on mit
regni Domini , & c . à la troifiéme perfonne
, & au datum ou data , &c. On ajoûta
actum , &c. Il y eut enfuite bien d'autres
changemens jufqu'à Charles le Gros qui
y ajoûta l'année de l'Incarnation . On
verroit peut-être ici avec plaifir toutes
les differentes formules des dattes & des
conclufions des Chartes des Rois , & des
particuliers juſqu'à nos jours ; mais ce
feroit trop s'écarter, & ce peut être le
fujet d'une Differtation particuliere , en
attendant on renvoye à la Diplomatique
, où l'on trouvera fuffifamment de
quoi fe fatisfaire..
Il n'y a donc prefque eu que les particuliers
, quelques Comtes , Ducs , &
Evêques qui ayent manqué de mettre
une
ธ MERCURE DE FRANCE.
une datte à leurs Chartes . Il s'en voit
un grand nombre dans le Tréfor des
Anecd. dans la nouvelle édition des Diplomes
d'Aub . le Mire , & en particulier
parmi les pieces juftificatives de
l'Hiftoire de l'Abbaye de S. Germain ,
entre autres une de la Comteffe Eve fans
datte , ni fignature , laquelle a été donnée
vers l'an 849. Cependant ce non
ufage n'étoit pas abfoluinent univerfel ,
même dans l'onziéme & douzième fiecle,
puifque l'on en voit plufieurs avec le
mois & le regne du Roy , d'autres avec
l'année du regne fans mois ni jour , &
d'autres enfin avec , regnante Domino N.
pontificante N. Comite N. fans en marquer
les années.
,
Il y a une chofe qui peut fervir à
donner quelque ordre à cette diverſité fi
confufe. C'eft qu'il ne paroît dans ces
deux fiecles prefqu'aucun Acte fans datte
que ceux que l'on appelle notices , &
qui commencent par ces mots noti
tia , notum fit noveritis notifico , &
les Statuts & decrets des Abbez , des
Evêques , ou de leurs Chapitres . On en
trouve beaucoup dans l'Hiftoire de Saint-
Germain , & pas une n'eft dattée avant
l'an 1191. peut - être que ceci n'étoit
particulier qu'à la France , puifque pareils
Actes faits dans la Belgique font
prefque
1
JANVIER 1724. 7
prefque tous dattez , au moins ceux qui
font raportez dans la nouvelle édition "
d'Aubert le Mire.
1
Quant aux Diplomes de nos Rois il
y en a plufieurs , principalement depuis
le commencement de l'x 1. fiecle jufqu'à
la fin du 13 qui font dattez de l'année
de l'Incarnation , fans mois , ni jour ; &
d'autres avec le mois fans le jour. Tels
font entre autres deux de Philippe Augufte
, raportez dans Perard , page 340 .
mais l'on n'en trouve aucun fans quelque
marque chronologique .
Devant le regne de Charles le Gros
les Chartes des particuliers fe dattoient en
Italie du regne de l'Empereur , du Roy,
du Comte , & en même temps de l'indiction
. Sous fon regne on commença à y
ajoûter l'année de l'Incarnation , principalement
en Allemagne ; ( a) ainfi qu'il
paroît dans les Trad. de Fulde , page 509 .
où il y a une Charte dattée de l'an
783. & deux autres de 800. & 802.1
Mais ce ne font pas encore les premieresque
l'on ait dattées de l'an de l'Incarnation
, puifque le continuateur du Recueil
des Diplomes d'Aubert le Mire raporte ,
page 1126. deux Chartes de Pepin le
Gros dit d'Heriftel , dattées de l'an 687.
(a) Mabil. Diplom . p.-
&
7
g MERCURE DE FRANCE .
& 69 1. de l'Incarnation indict. 4º Le s.
de fa Principauté , &c.
Il y a cependant beaucoup lieu de ne
fe pas trop fier à ces deux Chartes pour
plufieurs raifons qui ne font
pas de nôtre
fujet , du moins pour les dattes qui pourroient
y avoir été ajoutées après coup.
4
En voilà affez pour donner une idée
des Chartes dattées , & non dattées , &
de celles qui ne le font , pour ainfi dire,
qu'à demi. On voit par là quand elles
peuvent faire foy , étant fans datte , &
qui étoient les perſonnes qui negligeoient
de les marquer. Examinons à prefent les
raifons fur lefquelles l'Auteur de la Ré--
ponſe fonde fa décifion
Suite de la Réponſe.
lá! Car la Charte , quoique faite pour
même fin , n'approchoit cependant pas de
ce que nous nommons aujourd'hui un Acte,.
on ne s'en eft fervi que tant qu'il n'y
avoit point , ou très -peu de Notaires , &c. -
Premierement tout ceci ne dit rien , &
ne regarde pas la queftion propofée , il
s'agit des Chartes non dattées , & non
pas de celles qui n'avoient point de fignature.
Secondement , on ne voit pas pour
quelle raifon l'Auteur de la Réponse
met
JANVIER 1724.
met la Charte tout au- deffous de l'Acte.
de Notaire. I eft vrai qu'on n'y obfervoit
pas les formalitez d'aujourd'hui ;
mais celles dont on fe fervoit ne la
rendoient pas moins , pour ne pas dire
plus authentique que les Actes de Notaires.
S'il s'agit des Chartes de nós Rois,
c'étoient leurs Referendaires ou Chanceliers
qui en étoient les Notaires ; fous
la premiere race les Princes les fignoient
prefque toûjours , & on y appofoit le
cachet de leurs anneaux , & enfuite leurs
fceaux ; fous ceux de la deuxième. Le
Prince les fignoit de fon Monogramme ,
& en general on peut dire qu'ils n'accordoient
, & ne faifoient prefque point expedier
des privileges que forfqu'ils
tenoient leurs cours plenieres , ou en
prefence des Grands Officiers de la Couronne
, lefquels font toûjours nommez ,
& fignent dans les Chartes des Rois de
la troifiéme race , depuis Louis le Gros.
(a) D'où vient cette formule obfervée
dans la fuite , Actum Parifiis , &c. aftantibus
in Palatio noftro quorum nomina
fubtitulata funt & figna. Signum N. Dapiferi
S. N. Conftabularii Baficulario
nullo S. N. Camerarii data per manum
N. Cancellarii , ou vacante cancellaria.
S'il s'agit des Chartes des particuliers ,
(a ) Mabil. Diplom..p. 204.
outre
16
MERCURE
DE FRANCE
.
1
outre qu'elles étoient prefque toûjours
écrites par des Notaires , lefquels quoi
que fans privilege exclufif étoient veriblement
, & par leur profeffion hommes
publics elles étoient ordinairement données
, relûes & fignées dans des affemblées
publiques , In mallo publico . In generali
placito. In conventu Nobilium, &c.
(a ) Le Seigneur les faifoit publier devant
fes pairs , & devant fes Vaffaux qui
étoient obligez d'être ſa caution , il étoit
recciiproquement la leur ; mais d'une autre
maniere , ne s'engageant feulement
qu'à les contraindre d'executer leurs
conventions , & les autres , obligeans
pour leur Seigneur , & leurs corps &
leurs biens. C'eft- là cette fervitude dont
il eft parlé dans les Chartes . (b)
Troifiémeinent , les Notaires publics
étoient bien plus anciens , & bien plus
communs que l'Auteur ne l'a crû ; car
outre qu'il en eft parlé dans les Loix des
Ripuaires fous le nom de Chanceliers ,
dans les Chartes de Childebert , & de
S. Germain , Evêque de Paris ( c ) pour
l'Abbaye de fon nom ; Charlemagne dans
le 3. Capitulaire de l'an 803. ordonne ,
(a) Bouillard , Hiftoire de l'Abbaye de Saint
Germain, pieces juftificatives , page 7.
(b) Ad fidejuffores tollendos.
c) Hiftoire de S. Germain , pages i. & 2.
ut
4
JANVIER 1724. 11
ut miffi noftri fcabinios Advocatos , Notarios
perfingula loca eligant , &c. Depuis
ce temps il y en a toûjours eu , & en
affez grand nombre ; les Evêques , les
Abbez & les Seigneurs avoient ordinairement
leurs Notaires , ou Chanceliers ,
qui fervoient pour tous leurs Vaffaux
car il ne leur étoit pas permis de faire
des Chartes , c'eft ce qui fait que celles
aufquelles ils font interellez foit pour
vente ou donation aux Eglifes , font toû
jours au nom du Seigneur , qui donne ,
ou qui vend comme proprietaire , après
avoir marqué qu'un tel fon Vaffal , ref
gnavit in manus fuas , & c. ·
Ainfi les Chartes ne fe faifoient point
par le premier venu , comme l'Auteur
l'infinue , mais par des Chanceliers ou
Notaires qui étoient publics . Et ces Offices
étoient exercez communément par
des Clercs , ou des Moines qui étoient
les moins ignorans de ces temps - là , &
qui fervoient en même temps de Chapelains
à ces Seigneurs .
Il étoit fi neceffaire pour la validité
des Chartes qu'elles fullent écrites par
des perfonnes , dont le nom & l'écri
ture fuffent fi connues , qu'elles fuffent
cenfées perfonnes publiques que le Pape
Innocent III. (a) regarde comme nul
(a) Innoc. III. liv. 1. Epiſt. 35
un
12 MERCURE DE FRANCE .
to
an privilege de l'Empereur Henry , quia
nec erat publica manu confectum , nee'
figillum habebat authenticum.
Suite de la Réponſe.
La negligence avoit tellement pris le
deffus , que les perfonnes de la premiere
diftinction ne sçavoient pas affez bien
écrire pour figner leur nom , ce qui a don
né lieu aux fceaux , &c.
Ce n'eft point à l'ignorance d'écrire
ou de figner que l'on doit l'ufage d'appofer
des fceaux , & des cachets fur les
titres. Cet ufage eft de l'antiquité la plus
reculée. Lorfque Pharaon donna à Jofeph
le Gouvernement de l'Egypte , (a)
tulit annulum de manu fua & dedit eum
in manu ejus. Les Lettres d'Affuerus ,:
Roy des Perfes & des Medes ,
accordées
à Efther en faveur des Juifs , (b) annulo
ipfius obfignata funt & miffe per"
veredarios , &c. Les Romains s'en fervoient
auffi , ainfi que les Hiftoriens , &
les cabinets des curieux qui en font remplis
en font foy. Et nos premiers Rois ',
dont il s'agit ici plus particulierement
ont eu des cachets , aufquels les fceaux
ont fuccedé. On garde encore dans le
(a) Genef. 41 .
(b) Efther. c. 8,
1
cabinet
JANVIER 1724. 13
cabinet du Roy l'Aneau de Childeric ,
pere du grand Clovis. Mais ce qui fait
voir que ce n'eft point pour fuppléer à
la fignature (a ) qu'on s'eft mis à fceler
les titres ; c'eft que les Chartes fous la
premiere race de nos Rois , font prefque
toutes fignées & fcelées . Et non - feulement
celles de nos Rois , mais encore
celles des Evêques & des Seigneurs par
ticuliers.
Il est vrai qu'il y a un temps & des
lieux où les fceaux fuppleoient aux fignatures
; mais l'ufage de figner & de
fceller en même temps étoit bien plus
ancien. C'eft ce qui paroît certain par le
témoignage de Gregoire de Tours qui
dit ( b) que Mummole envoyé par le
Roy Theodebert vers l'Empereur Juftinien
, étant à l'extrémité fit faire fon
(a) L'on peut ajoûter que les fceaux fuppleoient
encore moins aux dattes , & que.
l'Auteur de la Lettre écrite d'Evreux dans le
Mercure d'Octobre 1723. quoique bien mieux
au fait des Chartes que celui- ci , n'y a pas fait
affez d'attention , lorfqu'il a avancé que dans
l'onziéme & douziéme fiecles , il n'y avoit pas
une Charte qui n'eut fon Sceau , & c. il en
pourra voir un grand nombre fans dattes &
fans fceau dans les Recueils des Chartes ; &
en particulier dans les pieces juftificatives de
la nouvelle Hiftoire de l'Abbaye de Saint
Germain .
(b) Greg. Turon . de Glor. Mart. lib. 1. c. 31 .
tefta
14 MERCURE DE FRANCE.
teftament , & le fit munir de fignatures
& de fceaux. Fecit teftamentum fuum fcribi
, munitum fubfcriptionibus ac figillis
&c. Dans le fiecle fuivant Berthramn ,
Evêque du Mans fit mettre fur fon teſtament
les fignatures , & les fceaux de ſept
perfonnes illuftres . Septem virorum honeftorum
fubfcriptionibus & figillis.
Charlemagne figne & fcelle la Charte
(a) pour l'Abbaye de S. Germain , manu
noftræ fubfcriptionis fubter decrevimus roborare
, & de annulo noftro fubter figillare,
Chez les Anglois même les fceaux , quoique
communs à tout le monde , au moins
depuis Guillaume le Conquerant , ne tenoient
pas lieu de ſignatures , mais bien
de Tabellions qui n'y étoient pas en ufage
lorfque ce Prince conquit l'Angleterre
; quoniam Tabellionum ufus ( dit
(b) Matthieu Paris ) in eo regno non habebatur.
Cependant il faut convenir que
depuis Gregoire de Tours jufqu'à l'onziéme
fiecle , il fe trouve bien des Chartes
des Rois , d'Evêques & de Seigneurs
qui n'ont aucunes marques de cachets ,
ni de fceaux. Or la veritable marque
qu'une Charte ait été fcellée , n'eft pas
qu'il y ait des trous , par lefquels les
(a ) Bouillard. Hift . de l'Abbaye de S. Germain
,› P. II,
(b) Math. Parif. ad an. 1237.
laca
}
JANVIER 1724. IS
lacs ou cordons du fceau auroient été
paflez , ou quelques reftes de cire appliquée
deffus ; mais c'eſt lorſqu'il eſt énoncé
dans l'Acte qu'elle a été fcellée. Car
fans cela les fceaux feroient une preuve
de fauffeté.
Suite de la Réponſe.

L'on fe fervoit dans le même temps des
Chartes parties ou coupées c'est- à-dire
qu'après avoir fait une Charte , on la
coupoit en pieces , dont chaque contractant
en prenoit une pour la reprefenter lors
de l'exécution des conventions , &c.
Ceci eft dit d'une maniere fi décifive ,
qu'on croiroit que tout cela eft vrai , &
que l'Auteur a vû de ces Chartes parties ;
mais il permettra que l'on affure qu'il
n'en connoît que le nom , & qu'on n'a
jamais coupé en pieces les Chartes comme
il s'imagine.
Les Chartes parties ou coupées tirent
leur origine des Chartes appellées dans
les formules (a) de Marculfe Charta paricla
& paricule , parce que c'étoient des
doubles copies d'un même acte fait entre
deux parties égales inter pares , ou plutot
parce qu'elles étoient de pareille forme
, grandeur & écriture . A ces Char-
(a) Marculfi formula , lib. 2,
tes
IG MERCURE DE FRANCE.
с
tes fuccederent les Chartes parties ou
coupées , autrement Chartes endentées ,
Charta indentata , ou identata , que l'on
appella dans les 11. 12. & 13 fiecles
Chirographes ou Cirographes. C'étoient
auffi deux copies d'un même acte écrites
fur une même peau , & de même maniere
, entre lefquels on écrivoit en
grands caracteres une ligne , qui ne contenoit
fouvent qu'une partie des Lettres
de l'Alphabet , quelquefois une Sentence
, & quelquefois le nom du principal
des contractans , & l'on feparoit ces deux
copies , en coupant la peau par le milieu
& le long de ces caracteres . A peu
près de la même maniere que l'on faifoit
les premiers billets de banque , au̟-
tour defquels on voyoit une partie de
plufieurs traits entrelacez .
>
Ces fortes de Chartes n'etoient gueres
en ufage que pour les échanges , tranfactions
& accords entre deux ou plufieurs
parties & l'on y marquoit la datte de
la maniere qu'on avoit coutume de la
marquer dans le temps , & les lieux où
elles étoient dreffées. Lorſqu'il y avoit
plus que deux parties intereffées au même
Acte , & que l'on étoit obligé d'en
faire trois ou quatre copies , on les écrivoit
en même temps fur la même peau ,
& l'on écrivoit l'endenture fur les lignes,
par
2011
des jugemens , des tranfaction
B
n
n
C
C
f
g
t
d
с
d
C
1
t
F
t
ت ي م ل ا Sombyfidelib:Zay
defimys
Sic Sic autem
dom.
unedin ,
&Geroldy
1
1
ה ו ו ח מ ת ה
,
fivoit rendenture iur les lignes,
par
JANVIER 1724. 17
}
par lesquelles on les devoit feparer .
L'Auteur de la Réponſe , qui fans
doute n'en a jamais vû ſera bien aiſe d'en
voir ici une , & il y a lieu d'efperer
qu'elle fera plaifir au public , parce qu'el
les font affez rares ; on l'a réduite de
grande en petite , & l'on n'en a fait copier
que le commencement & la fin , ce
qui fuffira pour en donner une idée , &
pour faire voir à l'Auteur que l'on dattoit
ces Chartes , & que chaque partic
étoit une copie entiere du même Acte.
Cette piece dont l'original eft dans les
Archives de l'Abbaye de Saint Bertin , a
pour endenture , ces mots DROGO
TARWANENSIS EPS . & c'eſt un
accord fait entre cet Evêque & l'Abbé
de S. Bertin en l'année 1040 .
Suite de la Réponſe.
D'ailleurs le fujet dont on compofoit la
Charte ne rouloit pour l'ordinaire que fur
des conventions, qui n'avoient pas befõin
d'un temps fixé , &c.
On fçait quels font les fujets des
Chartes , c'étoient des privileges accordez
aux Villes , aux Eglifes , & aux particuliers
par les Souverains , des donations
faites par eux , ou par les Seigneurs,
des jugemens , des tranfactions des
B baux
18 MERCURE DE FRANCE .
1

baux à ferme , & c. Voilà le fujet dont on
compofoit les Chartes . Or je dema : de
s'il ne rouloit que fur des conventions qui
n'avoient pas besoin d'un temps fixe ? La
chofe eft fi claire qu'il fuffit d'y faire
faire attention . Nous en avons dit affez
pour faire voir que l'on ne doit pas
ajoûter foy indifferemment aux Chartes
non dattées , pour marquer en quel
temps , & quels lieux on les dattoit
& on ne les dattoit pas pour mon
trer l'antiquité des fignatures , des fceaux
& des Notaires , & pour expliquer ce
c'étoit que
les Chartes parties. Nous
efperons que l'Auteur ne trouvera pas
mauvais que l'on aît un peu éclairci cette
matiere , & que l'on ne fe foit
contré de fon fentiment.
que
pas ren-
Nous croyons que le public éclairé penfera
comme nous fur le merite de cette pie
ce , il feroit à fouhaiter qu'on nous en
envoyât fouvent de femblables : la Republique
des Lettres , & nôtre Journal en
particulier y gagneroient infiniment.
P7
L'IMJANVIER
1724. 19
FFFFFFFFFFFFFFFXXXXX
L'IMMORTALITE
PAR LES MUSES.
O D E.
DEfcendez de la double cime ,
Chaftes foeurs : venez m'infpirer .
Je cede à l'ardeur qui m'anime :
C'est vous que je veux celebrer.
Si vous approuvez mon audace ,
Tels que ceux d'Homere & d'Horace ,
Mes vers vont charmer nos neveux,
C'eft vôtre gloir que je chante ;
Accourez donc , Troupe fçavante ,
Venez & rempliffez mes voeux.
Les plus grands Heros de la terre ,
Toûjours avec avidité ,
Et dans la paix , & dans la guerre ,v
Ont cherché PImmortalité:
Mille Monarques , dont l'Hiftoire
N'a pas celebré la memoire ,
Ont laiffé de beaux
monumens
Ils ont crû que ces Edifices ,
13
21 >
Bij
Euro 26
A
20 MERCURE DE FRANCE.
A leur ambition propices ,
Les feroient triompher du temps.
Vain propos ! frivole eſperance !
Le temps de tout victorieux ,
Bien- tôt , malgré leur réfi ftance ,
Les a dérobez à nos yeux.
Les ans aux plus grands noms funeftes
Nous ont enlevé ces beaux reftes ;
Nous les cherchons : foins fuperflus !
Mais leur marbre fut-il durable ,
C'eft un monument déplorable :
܂
Il nous apprend qu'ils ne font plus.
Jaloux d'obtenir la victoire ,
Dans les champs du terrible Mars
D'autres ont mis toute leur gloire
A yoler dans tous les hazards.
Audace vaine avec leur vie ,
Leur gloire s'est évanoüie ;
On ne fçait rien de ces combats
D
Où remplis d'une ardeur guerriere ,
Couverts de fang & de pouffiere ,
Ils ont affronté le trépas.
Si
JANVIER 1714
21
Si de vous , Mufes, avouée ,
D'un Poëte la docte voix ,
A les celebrer dévoüée ,
Avoit chanté leurs beaux exploits ;
Vantez du couchant à l'Aurore ,
Parmi nous ils vivroient encore ,
Sans craindre l'injure des ans ,
Les faits qu'enfanta leur courage ,'
Vainqueurs pafferoient d'âge en âge
Jufqu'à leurs derniers defcendans.
Seriez-vous connus fans les Mufes
Vaillans défenfeurs d'Ilion ,i
Et vous dont les fatales rufes
Cauferent fa deftruction' ; "
Heros dont Theris fut la mère ,
Que ferois- tu fans un Homere ?
Tes exploits feroient dans l'oubli ;
Envain tu fus infatigable : :
Sans les vers ton nom peu durable ,
Seroit fous Troye enfeveli.
C'eſt envain , ô Soeurs im mortelles ,
3
* Achille.
B iij
Qu'un
22 MERCURE DE FRANCE.
Qu'un Heros par tout redouté ,
Prétend fans l'appui de vos aîles
Paffer à la pofterité..
Fut- il mille fois plus grand homme ,
Que ceux de la Grece & de Rome ,
Qu'un Hector, qu'un Agamennon ,
Sous fa puiffance par la guerre ,
Eut-il rangé toute la terre ,
Le temps abolira fon nom.
Cette Déeffe aveugle & trifte',
Qui détruit tout dans l'univers ,
La mort à qui rien ne réfifte ,
Ne peut attenter fur vos vers.
Par vous bravent la main des Parques ,
Les plus fiers , les plus doux Monarques',
Vous les dérobez à leurs coups;
Ces noires filles des lieux fombres ,
Des lieux habitez par les ombres ,
N'ont aucun empire fur vous.
Les Heros & les Heroines ,
Qui vous ont fçû favorifer ,
Ont trouvé des bouches divines ,
Prêtes
JANVIER 1724. 23
Prêtes à les éternifer."
Tu leur fus toûjours favorable ,
Grand Roy , * dont le bras redoutable ,
Fit par tout triompher les lys ;
}
Du temps peux- tu craindre l'outrage ?
Reçois un immortel hommage ,
Les Mufes te doivent ce prix.
Roy , qu'on voit courir fur les traces >
Des Achilles & des Cefars ,
Comblez les Mufes de vos graces ,
Fixez fur elles vos regards.
Juftes arbitres de fa gloire ,'
Seules au Temple de memoire
Elles font vivre les grands coeurs ;
Sans elles , têtes couronnées ,
Ne croyez pas que des années ,
Vos noms puiffent être vainqueurs.
* Louis XIV.
P. L. S. J.
B iiij LET
24 MERCURE DE FRANCE .
LETTRE écrite aux Auteurs du Mercure
pour fervir de réponse aux Remarques
fur les figures du Portail de l'Eglife
de l'Abbaye S. Germain .
Vvoure Journal du mois de May de
Ous avez inferé, Meffieurs , dans
vôtre
>
l'année derniere les Remarques
d'un
Auteur Anonyme , fur les figures du
grand Portail de l'Eglife Saint Germain
des Prez, par lesquelles il prétend détruire
le fentiment du R. P. Dom Jean
Mabillon , qui dit dans fes Annales ( a):
que l'Eglife de S. Germain a été bâtie ,
& fondée par Childebert I. & que les
figures qui font au Portail de la même
Eglife du côté gauche en entrant , font
S. Germain , Clovis , Sainte Clotilde &
Clodomir , & au côté oppofé , Chilperic,
Childebert
, Ultrogothe
, fa femme, &
Clotaire I.
L'Auteur des Remarques refute auffi
Dom Thierry Ruinard , qui prétend à
la fin de fon Edition de S. Gregoire (b)
de Tours , que les figures qui font à
gauche en entrant reprefentent Saint
(a) Annal. Ben. tom . 1. pag. 169 .
(6 ) Greg. Turon.
Remy
JANVIER 1724. 25
Remy , Clovis , Sainte Clotilde & Clodomir
, & que celles qui font à droite ,
font Thierry , Childebert , Ultrogothe
& Clotaire.
10
Ces deux fentimens ne font

pas du
goût de l'Auteur , parce qu'il prétend
que c'eft Clotaire , & non pas Childebert
, qui a achevé de bâtir l'Eglife ,
& il cite pour fes garants l'Auteur de
la vie de S. Droctovée , (a) & l'Hiftoire
interpolée d'Aimoin , 1. 2. c ., 29. &· 36 ..
& l. 3. c. 32.
2º Il ajoûte que ce Portail étant bien .
pofterieur à la conftruction de l'Eglife ,
les figures qui y font reprefentées ne
font point celles que Dom Mabillon &
Dom Ruinard ont prétendu ; mais celles
de S. Germain , de Pepin , de Ber--
trade , fa femme , de Charlemagne &
Carloman leurs fils , de Childebert , &
d'Ultrogothe , fa femme , & de Clotaire.
"
Voici les raifons qui confirment l'Au--
teur dans cette idée. 1 La donation du
Domaine de Palaiſeau , & de fes dépen- :
dances faites à l'Eglife de l'Abbaye par
Pepin , le jour de la Tranflation de Saint
Germain , & confirmée par Charlema--
gne en 779. Cette Eglife , felon lui ,
eut un nouveau Patron en même temps
que la France eut des Rois d'une nou-
(a) S$ . Ord. S. Bened. tom. I.
By velle
26 MERCURE DE FRANCE.
velle race , & les Moines de l'Abbaye
pour éternifer la memoire d'un fi grand
changement , firent conftruire un Portail
, où ils placerent les figures de ces
Princes , en confervant toûjours la memoire
de leurs premiers Fondateurs. 2 °
Le peu de vrai - femblance que l'on ait
mis à la porte d'une Eglife les Statuës du
pere , de la mere & des frères du Fondateur.
Et à quelle porte d'Eglife , dit- il
a-t'on reprefenté ainfi des genealogies ?
3º Les Couronnes de gloire qui font
derriere la tête des fept figures , ne fe
mettoient qu'à ceux qui étoient décedez ,
& que l'on croyoit dans la beatitude ;
par confequent celui qui n'en a point ne
peut être que Charlemagne qui vivoit
alors . 4° La difficulté de trouver des
Couronnes du fixiéme fiecle femblables :
à celles que portent les figures du Portail
de Saint Germain . Enfin le peu de
certitude que le tombeau de Fredegonde ,
qui a une femblable Couronne , foit veritablement
d'elle.-
Ce font là , Meffieurs , les principaux
argumens que l'Auteur des Remarques
propofe dans vôtre Journal contre les
fentimens de Dom Mabillon , & de Dom
Ruinart au fujet de ces figures. Il feroit?
à fouhaiter qu'il eut apporté des autoritez
tirées de bons Auteurs , au lieu de
fes
.
"
JANVIER 1724. 27
fes fimples conjectures qui ne peuvent
fervir de preuves dans les difficultez
dont il eft ici queftion.
,
Dom Jacques Bouillart , qui vient de
mettre au jour l'Histoire de l'Abbaye de
Saint Germain des Prez a répondu dans
fon ouvrage aux objections que l'on
vient de raporter. Il prouve d'abord que
l'Auteur des Remarques s'eft trompé
confiderablement en citant la vie de
Saint Droctovée , & l'Hiftoire interpolée
d'Aimoin , & qu'il n'y a pas un feul
mot dans les endroits par lui citez où il
foit marqué que l'Eglife fut achevée par
Clotaire . Dom Bouillart prouve au contraire
par les mêmes Auteurs , que Childebert
acheva cet Edifice avant la mort ,
& que Saint Germain la dédia , à la fol--
licitation de Clotaire , le jour même des
funerailles de Childebert.
2
Pour ce qui eft du Portail , le même
Auteur foutient qu'il eft auffi ancien que
l'Eglife : fa fituation fous la groffe tour ,
faifant corps avec elle , le goût du temps ,,
le jugement qu'en ont porté jufqu'à
prefent les perfonnes fçavantes dans la
connoiffance des anciens monumens , font
des autoritez plus que fuffifantes pour
prouver ce qu'il avance .
L'Hiftorien de Saint Germain répond
aauuffffii à l'Auteur des Remarques , fur ce
B vj qu'il
28 MERCURE DE FRANCE .
qu'il avance que l'Eglife de l'Abbaye
eut un nouveau Patron , après la Tranflation
de Saint Germain. Il avoue que
Pepin donna alors le Domaine de Palaifeau
, & fes dépendances avec une entiere
franchiſe de tous peages , & que
cette donation fut confirmée par Charlemagne
en 779. mais il nie que l'Eglife
ait eu dans cette occafion un nouveau
Patron, & que les Moines de S. Germain
ayent fait conftruire un Portail pour
y placer les Statues de S. Germain , de
Pepin , de Bertrade , &c. pour éterniſer
la memoire du grand changement arrivé
en France. Il prouve d'une maniere folide
& convaincante que l'Eglife , quoidédiée
en l'honneur de Sainte Croix ,
& de Saint Vincent , a eu auffi le nom
de Saint Germain dès la mort du même
Saint , à caufe des frequens miracles que
Dieu operoit à fon tombeau , nom qui lui
eft refté dans les fiecles fuivans . Il cite
pour ce fujet le teftament de Bertrant ,
ou Bertieram Evêque du Mans , S. Gre
goire de Tours , Saint Ouen , Archevêque
de Rouen qui a écrit la vie de Saint
Eloy , l'Auteur de la vie de Sainte Batilde
, & plufieurs Chartes très- anciennes
, qu'il a mifes parmi les preuves à
la fin de fon Hiftoire. Il foutient de plus
que l'Eglife de S. Germain n'a eu que
que
7
deux
JANVIER 1723. 29
.
deux dédicaces , la premiere faite par
Saint Germain , & la feconde par le
Pape Alexandre III. en 1163 , & que
dans ces deux dédicaces il n'eft fait mention
que de Sainte Croix & de Saint Vincent
. Or comme l'on ne donne un Fatron
aux Eglifes que dans cette ceremonie ,
Dom Bouillart demande à l'Auteur des
Remarques qu'il lui faffe voir une autre
dédicace faite en 754. ou environ ,
dans laquelle l'on ait changé le nom de
Saint Vincent , ou ajoûté celui de Saint-
Germain..
Quant à la feconde objection , qu'il
n'eft pas vrai-femblable que l'on ait placé
à la porte d'une Eglife les Statues du
pere , de la mere & des freres du Fondateur
, Dom Bouillart répond que ce
n'eft pas une chofe inufitée , puifque l'on
en voit dé femblables au Portail de Nôtre-
Dame la Répofte, dont l'Auteur même
des Remarques fait mention , & dont
il paroît reconnoître l'antiquité.
Enfin l'Auteur de l'Hiftoire de Saint !
Germain dit que l'Auteur des Remar
ques fait une queſtion inutile , lorfqu'il
demande à quelle porte d'Eglife a- t'on
reprefenté ainfi des genealogies ? puifqu'il
les admet lui -même dans le Portail
de S. Germain , en difant qu'il s'ima“
gine y voirPepin , Bertrade , fa femme
Chare
30 MERCURE DE FRANCE.
Charlemagne & Carloman fes fils. N'eftce
pas là en effet une genealogie à fa
maniere , & fuivant ces & fuivant ces propres idées.
+
`
Un des principaux argumens de l'Auteur
des Remarques eft , comme on
l'a déja dit , que ces Statues du Por->
tail de Saint Germain ont des Couronnes
de gloire , qui ne fe mettoient
qu'aux perfonnes décedées , que l'on
croyoit dans la beatitude , d'où il conclut
que la huitième Statue , qui n'en a point,
reprefente Charlemagne qui vivoit encore
alors , & par confequent que le Portail
de Saint Germain n'a été conftruit
que de fon temps .
Dom Bouillart lui répond que les
Couronnes de gloire fe mettoient aux vivans
auffi bien qu'aux morts , d'où il
conclut que ceux qui font reprefentez
au Portail de Saint Germain , pouvoient
être vivans dans le temps de fa conftruc
tion. Il donne plufieurs exemples de cet
ufage. (a ) L'Empereur Trajan eft reprefenté
deux fois dans l'Arc de Conftantin ,
qui eft à Rome , comme vivant avec une
Couronne de gloire derriere fa tête.
(b) Dans les fiecles fuivans l'Empereur
(a ) V. l'Antiquité expliquée , &c. tom. z
9. & tom . 3. pagg. 325. 330. & tom. 4
p. 167.
P
(6) Ibid. Supplement.
Valen
JANVIER 1724 31
Valentinien II . paroît avec une Couronne
de gloire faifant des largeffes au peu
ple. On voit auffi des Medailles (a ) frapées
du vivant des Empereurs Juſtin
Juftin le jeune , Maurice , Phocas , & de
quelques Imperatrices , où ils font reprefentez
de même. Il ajoûte après M. le
Blanc dans fon Traité des Monnoyes ,
que les Gaulois ayant été fubjuguez par
les premiers Rois de la Monarchie Françoife
, ont gardé pendant quelque temps
les ufages des Romains leurs derniers
maîtres. Les Rois même de la premiere
race les ont auffi confervez , principalement
dans leurs Monnoyes. Ainfi il ne
faut pas s'étonner fi dans les temps de la
premiere race l'on mettoit des Couronnes
de gloire derriere la tête des Rois ,
& même des Evêques qui étoient encore
en vie . L'on en trouve une preuve dans
le premier tome dés Annales de Dom
Mabillon , ( b) où il eft fait mention de
S. Armand , Evêque de Maſtric , lequel
fit fon teftament en prefence de Rieul ,
Archevêque de Rheims , de Mommolen ,
Evêque de Noyon , de Vendicien de Cambray
, de Bertin , Abbé de Sithiu , & des
Prêtres Jean & Baudemond. Ils ont tous
des Couronnes de Gloire derriere leurs
Numifm . Imp. Rom . Anfelm. Banduri 26
(b) Pagg 28. & 529. têtes ,
2 MERCURE DE FRANCE .
-
têtes , comme on le peut voir dans la
planche que Dom Mabillon a fait gra
ver , laquelle a été tirée des anciens monumens
de l'Abbaye de S. Amand. Ce
fçavant homme fait là deffus la même
obfervation que l'Auteur des Remarques
, & il s'étonne que ces figures
portent des couronnes de gloire , quoique
ceux qu'elles reprefentent fuffent encore
vivans. L'on doit donc conclure neceffairement
de ces exemples , que l'on
mettoit fouvent des couronnes de gloire
aux perfonnes vivantes , & que ce n'eſt
pas une preuve que ceux qui font reprefentez
au Portail de S. Germain , fuffent
decedez.
Dom Bouillart ajoûte : ( a ) l'Auteur.
des Remarques admet , fans y penſer , la
même chofe ; car en mettant la conftruction
du portail dans le huitiéme fiecle ,
il dit que les Religieux de S. Germain le
firent faire pour eternifer la mémoire du
grand changement arrivé en France , en
754. lorfque le corps de S. Germain fut
transferé , que l'Eglife eut un nouveau
Patron , & que Pepin la combla de biens..
Or s'il eft vrai que les figures du Portail
reprefentent Pepin , fa femme & fes
Enfans , l'Auteur des Reinarques doit
convenir que l'on donnoit des couronnes
( « ) Hiſt. de S. Germ. pag. 306.-
J
JANVIER 17247 3-31
de gloire aux Rois & aux perfonnes illus
tres , lorfqu'elles vivoient ; puifque Pe
pin & les Princes qu'il foûtient être reprefentez
par ces figures , vivoient en
754. & que cependant ils ont des couronnes
de gloire , ou des nimbes derriere
leurs têtes. Il eft inutile de dire que Charlemagne
n'en a point , parce qu'il étoit
encore vivant , & que les autres étoient
morts. Il en avoit auffi ; mais celui qu'il
avoit est tombé dans la fuite , ou pour
n'avoir pas bien été attaché , ou pour
avoir été rompu ; en effet on voit encore
derriere la tête un crampon de fer qui le
retenoit , & il eftcouché horisontalement
contre la muraille.
Il ne s'agit plus que de la difficulté que
forme l'Auteur des Remarques , qui eft
de faire voir des couronnes du fixiéme
fiecle ſemblables à celles que portent les
figures du Portail de S. Germain , & que
le tombeau de Fredegonde qui a une
femblable couronne , foit veritablement
d'elle. C'eft ce que Dom Bouillart déve-
Lope avec folidité , en diſant d'abord que
les anciens Hiftoriens ont fait mention de
la fepulture de Fredegonde dans l'Eglife
de S. Vincent , maintenant de S. Germain
des Prez . Il le prouve enfuite par la fituation
& la diftinction des tombeaux des
Rois & des Reines de la premiere race ,
34 MERCURE DE FRANCE.
inhumez dans la même Eglife , dont les
infcriptions , quoique mons anciennes ,
font restées jufqu'en 1656. par la tradition
des Religieux de l'Abbayè , & par
le jugement des perfonnes les plus éclar
rées dans l'Antiquité , qui ont regardé
le tombeau de Fredegonde , comme un
monument auffi ancien qu'elle. H répond
enfin aux objections que l'on pourroit fai
re au fujet des Fleurs - de- lys qui font à la
couronne & au fceptre de cette Reine ,
& rapporte quelques exemples qui font
voir que les fleurs de lys étoient en uſage.
fous les Rois de la premiere race ; d'où il
conclut que le tombeau & la couronne de
Frédegonde étant auffi ancien qu'elle , les
couronnes des ftatues du Portail de S. Germain
font auffi anciennes que fa conftruc
tion & du fixiéme fiecle.
Je fuis , Meffieurs , &c.
A Paris le 13. Janvier 1724.
ARIANE
JANVIER 1724.
XXXXXXXXXXXXXXX
ARIANE , ET BACCHUS
A
CANTATE.
Riane adoroit le volage Thefée ;
Il répondit long - temps à fes foins af
fidus:
Mais d'un amour fi doux , fà conftance eft laffée,
Il l'abandonne feule en des lieux inconnus ;
Dans fon cruel dépit , cette amante abuſée ,
Exprime par ces mots fes regrets fuperflus ,
Implorant , mais en vain , la tendreffe paffée
D'un amant qui la füit , & ne l'écoute plus.
Plus cruel que le Minotaure ,
Tu ris , ingrat , de mes douleurs ,
Tu me trahis , & je t'adore ,
Tu m'abandonnes , & je meurs.
M
4
Je n'éxige plus que tu m'aimes ,
La haine eft trop forte en ton coeur :
Ah ! pour prix de mes feux extrêmes ,
Viens , prends pitié de mon malheur.
Pluss
$8 MERCURE DE FRANCE
Plus cruel , & c.
Düi , dans mon deſeſpoir , le feul bien qui me
refte ,'
C'estvous , ô mort , je vole au - devant de vos
coups ;
Venez mé délivrer du jour que je detefte ',
Les malheureux humains né redoutent que
vous ';*
Mais l'amour a'rendu mon deftin fifunefte ,
Que le plus grand des maux me fembiera trop
doux.
Mais quel Dieu fait fremir les ondes ?
1
Quel éclat embellit les mers ?
Jufques dans leurs grottes profondes
Les Tritons font charmés par les plus doux
concerts,
Sur ces bords écartés Bacchus defcend luimême
Les ris & les amours volent devant fes pas ,
Ariane , quel eft votre bonheur extrême !
Pour vous feule les Dieux vifitent ces climats,
Regnez , adorable mortelle ,
Vous
JANVIER 1723 . 347
Vous triomphez du plus charmant des Dieux
Rendez graces à l'infidelle
Qui yous affure un fort fi glorieux.
Lorfqu'un mortel vous abandonne ,
Vous enchaînez le coeur des immortels
Si vous perdez une couronne
Tout l'univers vous dreffe des autels.
Regnez , & c.

L'amour de la plus douce chaine ,
Unit çes illuftres amans;
Bacchus changea la plus affreuſe peine
2
En des plaifirs durables & charmans.
Ariane jouit d'une gloire immortelle,
Sa couronne à l'inftant s'éleve jufqu'aux cieux;
Elle y brille à jamais d'une clarté nouvelle ,
i
Monument éternel d'un fort fi glorieux.
Si vos amans brifent leurs chaînes,
Beautez , n'implorez que Bacchus ;
Courez , courez , noyez vos peines ,
Dans les flots charmans de fon jus.
L'a38
MERCURE
DE
FRANCE
.
L'amour toûjours rempli d'allarmes ,
Tourmente les plus tendres coeurs ,
Bacchus lui prête mille charmes ,
Ou confole de fes rigueurs.
M
Si vos amans , & c.
Par M. P ...
*******************
EXTRAITd'un Difcours Latin prononcé
au College de Louis le Grand , fur la
longue durée de la paix dont jouit la
France , fous le Regne de Louis XV.
1
E 1. Decembre , le Pere de la
Sante , Jefuite , l'un des Profeffeurs
de Rethorique , au College de Louis le
Grand , fit l'éloge de la Paix , dont jouit
la France depuis plufieurs années , fous le
regne de Louis XV. La falle où ſe paſla
cette action , étoit magnifiquement parée.
Ce difcours fut prononcé en prefence de
M. le Cardinal de Billy , de quantité de
Prélats , & de perfonnes de diftinction ,
& il répond parfaitement à la reputation
que s'eft acquife l'Auteur par d'autres
JANVIER 1724. 39
tres femblables Pieces d'Eloquence , dont
nous avons donné l'Extrait les années
precedentes.
L'Orateur commence par infinuer
que comme chaque Roi de l'augufte
Maifon de Bourbon , a merité un nom
diftinctif , qui caracterife les principaux
évenemensde fa vie , chaque Regne devroit
auffi avoir un nom particulier qui
le diftinguât des autres . Sur ce principe
il voudroit qu'on appellât le regne de
Henry IV. le regne de la clemence
celui de Louis XIII . le regne de la juftice
celui de Louis XIV. le regne
de la victoire enfin celui de Louis
X V. le regne de la paix , puifqu'elle
eft née , puifqu'elle a crû avec ce Monarque
, & que vrai- femblablement elle du
rera autant , ou plus que fon regne.
,
>
-
Ce début conduit naturellement le Pa
negyrifte à la divifion de fon difcours
où il prétend faire voir la naiffance , le
progrès , & la durée de la derniere paix
dont il mefure en quelque forte les differens
âges , fur ceux même du Roi. Il
montre qu'elle a commencée fous d'heu
reux aufpices , qu'elle s'eft avancée par
de fages confeils , qu'elle eft fondée fur
des conditions propres à la perpetuer.
Ces trois propofitions partagent l'éloge
de la paix.
L.
4
MERCURE DE FRANCE.
Ι .
Les commencemens de cette paix fem
blent d'autant plus heureux à l'Orateur ,
qu'on entra en négociation dans un tems
où la paix étoit plus inefperée , & où elle
pouvoit être plus glorieufe & plus avantageufe
à la France.
Paix inefperée , vu la difference de
caractere & d'interêt des nations qui
étoient alors en guerre , & que l'Orateur
concilie toutes , en les faifant fe regarder.
chacune par l'endroit le plus capable de
réunir tant de genies oppofés , & en
leur faifant trouver un interêt commun
dans cette réunion. Cet endroit a été pour
l'habile Orateur , un de ces morceaux que
l'éloquence embellit de tout ce qu'elle
peut emprunter de la beauté du ſtyle , de
la délicateffe des penſées , de la folidité
des reflexions & de la vivacité de l'ac
tion .
Paix glorieufe , parce que ce n'eſt
qu'après nous être glorieufement relevez
de nos pertes par la victoire de Denain ,
par le recouvrement de la plupart de
nos places de Flandre , par la prise de
quelques-unes des plus fortes Villes de
PAllemagne , qquu''oonn a procedé tout de
bon à la paix generale. Ceci donne lieu à
un magnifique éloge du Maréchal de Villars
,
JANVIER 1774. 41
lars , & à une élegante defcription de la
conference qu'il eut à Raftad avec le
Prince Eugene , dont le caractere eft
heureuſement pris . L'Orateur fait un
gracieux paralelle de ces deux grands
Generaux avec Scipion & Annibal réunis
pour traiter de la paix ; mais il fait voir
l'avantage qu'ont les deux Heros modernes
fur les deux anciens . Ce trait eſt
nouveau .
Enfin , paix avantageufe , vû le befoin
qu'en avoient les nations d'Europe , qui
toutes y ont trouvé leur compte , comme
Orateur le prouve , & vû les conjonctures
où elle a été negociée , c'eſt - à - dire ,
quand la France étoit fur le point
de
perdre
un grand Roi & à la veille d'une
minorité , fource feconde de troubles
fur tout quand le Royaume n'eft pas en
paix au dehors.

Rien de plus intereſſant pour le Roi ,
la conclufion de cette premiere parque
tie. L'Orateur felicite ce Prince d'avoir
goûté les prémices de la paix avec celles
du Trône ; en cela plus heureux qu'Augufte
, qui ne pût jouir des douceurs de
la paix que fur la fin de fon Empire , encore
fut-ce une paix achetée au prix de
bien des cruautez , au lieu que celle ci
n'a point coûté de fang au Roi , qui l'a
vûe naître avec lui , & a eu le bonheur
C d'2
4.2 MERCURE DE FRANCE.
d'avoir ce trait de reffemblance avec le
Roi des Rois , dont il eft la vive image
fur la terre .
Ce premier point ne rapprochant que
des objets pour la plupart éloignés , avoit
befoin de toute l'adreffe & de toute l'éloquence
de l'Orateur , pour être reçû
auffi favorablement qu'il l'a été.
I I.'
Le fecond est beaucoup plus piquant , il
a les graces de la nouveauté par la proxi
mité des chofes qu'on y traite. L'Orateur
y peint les progrès merveilleux que fit
la paix , par les foins du feu Duc d'Orleans.
Il reprefente ce Prince comme un
habile & grand politique , qui fait fervir
à la paix un rare genie foûtenu d'une
admirable fermeté d'ame ; genie qu'il em
ploye à prefenter fans celle de nouvelles
amorces de paix ; fermeté dont il uſe
pour en écarter les obftacles .
Le premier article eft un portrait naturel
de cet heureux genie occupé à examiner
& à connoître à fond les divers interêts
des Puiffances étrangeres , à penetrer
leurs vûës , à difcerner le fort & le
foible de chaque nation , à les amener
toutes par differentes voyes à fon but ,
à fe rendre lui -même impenetrable aux
efprits les plus clair - voyans , à déguifer
les
JANVIER 1724, 43.
les plus importans projets fous un air
aifé , ouvert & ingenu ; à couvrir fes
deffeins d'un efpece de jeu ; à faire du
fecret l'ame de fes entrepriſes , & à in-
Spirer la même dexterité, la même fageffe,
& la même aifance à tous ceux qui le
fervoient dans les négociations de paix.
Le fecond article eft une peinture allegorique,
mais des plus brillantes de la manoeuvre
que fit cet habile Pilote qui tint
toûjours ferme le gouvernail , qui fembla
s'être rendu maître des vents , qui fçut le
grand art de prévenir ou d'écarter les tempêtes
, d'éviter ou de braver les écueils ,
d'entretenir le calme & de conduire fon
vaifleau à bon
port.
La mort de ce grand Prince , les larmes
de la pieuſe Princelle , fon épouſe ,
les regrets d'un augufte fils , fi digne de
fa tendreffe , & fi cher à toute la France,
terminent ces deux articles qui furent
maniés par le Panegyrifte avec une fineffe
d'expreffions , & un goût de penfées
, dont l'Affemblée fit l'éloge par fes
applaudiffemens . I retombe enfuite fur
l'heureux choix qu'a fait le Roi de
Monfieur le Duc , pour remplacer le Prince
, que la France vient de perdre. Le caractere
de cet augufte Miniſtre n'eſt des
plus brillans que parce qu'il eft vrai . Ou
tre plufieurs grandes qualitez dont l'ex-
Cij
trait
44 MERCURE DE FRANCE .
trait feroit trop long , il prouve fa bonté
pour le peuple par le premier ufage qu'il
a fait de fa nouvelle autorité, pour le foulager
,fon difcernement pour le vrai merite
, & fon amour pour la juftice , par le
foin qu'il a eu de prefenter au Roi un digne
fujet pour mettre à la tête du premier
Parlement du Royaume. Tout le
monde a reconnu avec d'autant plus de
plaifir cet illuftre Magiftrat au portrait
tracé par l'Orateur , qu'il l'avoit orné de
fes veritables couleurs , & qu'il l'avoit
placé dans le jour , où M. de Novion
bien qu'ennemi de la loüange , aimeroit
lui-même à fe reconnoître . Il finit ce fecond
point par la douce efperance dont
il flatte fes Auditeurs , que Monfieur le
Duc mettra la derniere main au grand
ouvrage ddee llaa ppaaiixx ,, fi fort avancé par le
genie & la fermeté de fon Predeceffeur
de glorieuſe mémoire.
II I.
La troifiéme partie ne cede en rien à
la feconde , quoi qu'elle femble beaucoup
moins fournir à l'éloquence de
l'Orateur. Il y parle des fondemens fur
lefquels eft appuyée la paix , & qui la
doivent rendre durable ; il les reduit à
trois principaux : 1 ° . à l'exacte fidelité
avec laquelle les Puiffances intereffées
obJANVIER
1724.
43
obfervent les conventions & les traitez
reglez entr'elles . 2 ° . Aux Alliances contractées
entre les Maifons des Souverains
& des Princes. 3 ° . Aux congrès pacifi
ques établis pour donner à la paix la derniere
perfection , & en prévenir la rupture.
Comme nous apprenons que le dif
cours de l'Auteur eft fous la preffe , &
va bien-tôt paroître , nous n'entrerons
point dans les preuves de ces trois articles.
Qu'il nous foit feulement permis
d'ajoûter un mot fur la conclufion de toute
la Piece. C'eſt une idée des plus ingenieuſement
imaginées & des plus noblement
remplies. L'on y reprefente les
Plenipotentiaires des Couronnes , envoyés
à Cambray , comme d'éxcellens Ouvriers
qui travaillent à la ftructure du Temple
de la Paix , our chacun d'eux pofe fa pierre,
jufqu'à ce que ce grand ouvrage projetté
par un fecond David , foit confommé
par le pacifique Salomon , c'est- à - dire ,
par le Roi , que l'Auteur invite à confacrer
ce monument au Dieu de la paix
& d'y réunir par les liens faerez de la
même Religion tous les François
tous les autres Peuples , en forte qu'il
n'y ait plus qu'une feule bergerie & un
feul Pafteur. Il lui fait enviſager cette
double paix de l'Eglife & de l'Europe
>
&
com46
MERCURE DE FRANCE .
comme un oeuvre digne de fa pieté , de
fa prudence , de fa qualité de Roi très-
Chrétien, & de Fils aîné de l'Eglife . Enfin
il propofe le deffein d'une Infcription
que l'on pourra graver fur le frontifpice
de cet augufte édifice à la gloire du Monarque
.
Ce feroit défigurer cette infcription
que de vouloir la mettre ici , après l'avoir
fimplement entendue reciter . Un
mot ou tranfpofé , ou traduit peu correctement
, lui feroit perdre fon prix . Nous
renvoyons les Lecteurs à l'imprimé des
Difcours , auffi-bien que pour les autres
endroits que nous n'avons ofé toucher.
Il est vrai que le papier n'aura pas tout
l'agrément de l'action vive & animée ;
mais en recompenfe il donnera le temps
de goûter à loifir ce que le feu de l'Orateur
dérobe quelquefois à l'attention de
l'auditeur ; d'ailleurs ce n'eft que dans
une lecture qu'on admire , comme il faut,
ces traits que le Pere de la Sante a fçû
rendre inimitables ; j'entends les caracteres.
Un caractere achevé dans l'éloquence
, & un portrait fini dans la peinture ,
ex itent le même fentiment, je veux dire,
ce cri d'applaudiffement univerfel caufé
par l'agréable furpriſe de voir la copie
heureufement femblable en tout à l'original.
Telles étoient les acclamations
qu'on
JANVIER 1924.
47
qu'on donnoit à tous ceux qu'a touché
l'Orateur dans le Difcours Latin , dont il
feroit difficile de rendre la majefté & la
pureté de ſtile en François .
TRADUCTION de la quatrième
Ode du 1. Livre d'Horace.
E Printemps commence d'éclorre ,
L'Hiver fuit , & l'Amant de Flore
Ramene en ces lieux les beaux jours
Trop long-temps oififs fur l'arene ,
Déja fur la liquide plaine ,
Nos vaiffeaux reprennent leurs cours.
Après un hyver redoutable ,
Les troupeaux vont quitter l'étable ,
Et le Laboureur fes tifons ;
La terre s'ouvre , & les prairies
Ceffent enfin d'être flétries
Par les frimats & les glaçons .
Vénus au mileu des campagnes ,
Danfe avec ſes cheres compagnes ;
Diane ſe prête à leurs jeux ;
C iiij
Tan4.8
MERCURE
DE FRANCE
.
Tandis qu'en des antres terribles ,
Avec fes Cyclopes horribles ,
Vulcain excite mille feux.
Celebrons de riantes fêtes ,
De mille fleurs ornons nos têtes 9
Cueillons les myrthes les plus beaux ,
Rendons Faune à nos voeux propice ,
Dans nos bois , par le facrifice ,
Ou des Brebis ou des chevreaux.
Sexte , en vain , la fortune amie ,
Vous accorde une heureuſe vie:
Il faut fubir de triftes loix ,
Grands & petits , la mort fatale ,
Moiffonne d'une faux égale ,
Les jours des pauvres & des Rois.
Illuftre ami , les deſtinées ,
Nous accordent trop peu d'années
Pour former de vaſtes projets ;
La Parque de nos jours avate ,
Peut être déja ſe prépare
A fermer nos yeux pour jamais.
Et
JANVIER 1724. 49
Et quand victime de la Parque ,
Caron vous aura dans fa barque ,
Fait paffer fur les fombres bords ,
Vous n'y trouverez point de treille ,
Bacchus & fa liqueur vermeille ,
Ne font point connus chez les morts.
Ce fils autour de qui s'empreffe
Toute votre aimable jeuneffe ,
Licidas tendre & gracieux >
Dont toutes nos jeunes Romaines ,
Vont bien- tôt recevoir les chaînes ,
N'ira point là charmer vos yeux.
wwwU

EX+
50 MERCURE DE FRANCE.
,
en
EXTRAIT d'une Lettre de l'Auteur du
voyage de Syrie & du Mont- Liban ,
imprimé à Paris chez Cailleau
l'année 1722. pour fervir de réponse à
l'Ecrit qui a paru dans le Mercure du
mois de Novembre dernier, fous le nom
du fieur Paul Lucas..
' Ecrit dont vous me parlez , Mon-
Lfieur , ne demande pas une grande
attention ; on ne peut le regarder que
comme un fruit de la prévention & de
l'amour propre , mais il fuffit mais il fuffit que vousdaigniez
vous y intereffer , en faveur de
la verité , pour m'engager à rompre le
filence que j'avois réfolu de garder. J'ai
donné dans le Mercure du mois de Septembre
dernier une Differtation fur une
Medaille de la Ville d'Apamée , dans laquelle
il eft beaucoup parlé du Fleuve
Oronte , lequel , comme je le prouve , a
été un fujet d'erreur à quelques Auteurs
diftinguez dans la Republique des
Lettres , à commencer par Pline qui a
erré dès fa fource . J'ai de plus fait connoître
en paffant une erreur des Editeurs.
- du Dictionnaire Hiftorique dans la po--
fition d'Apamée , & en finiffant j'ai pris
la
JANVIER 1724. 51
la liberté de parler auffi d'une méprife
de M. Paul Lucas , au fujet du même
Fleuve , méprife deux fois repetée dans
fa Relation , & qu'on s'efforce neanmoins
de défendre , & de foutenir dans l'Ecrit
inferé dans le Mercure.
Ce voyageur en décrivant les ruines.
de Laodicée , aujourd'hui nommée Lataquie
& fon territoire , prétend qu'il y
paffe un bras de l'Oronte , qui arrofe ,
dit-il , en ferpentant une bonne partie
de tout ce pays , & en allant par terre
de Lataquie à Tripoli , c'eft-à- dire , en
s'éloignant toûjours davantage de l'Oronte
, il le retrouve encore fur fa route.
Quand nous eûmes marché envirom
une heure , dit l'Auteur , nous paffâmes
P'Oronte fur un très- beau pont. Voilà ,
dis - je , ce qu'il prétend , & je prétends
précifément tout le contraire ; car je
foutiens que ce Fleuve ne fe divife point,
qu'il ne forme aucun bras , & qu'il paffe
au moins à quinze lieuës loin de la Ville,
& des campagnes que M. Lucas lui fait
arrofer. Je prétends auffi que pour fçavoir
qui de lui ou de moi fe trompe , il
n'eft pas neceffaire de faire le voyage de
Syrie , & je vous prens , Monfieur , pour
juge de la conteftation , & avec vous toutes
les perfonnes d'un certain efprit qui
iront ma lettre.
C vj Voici
52 MERCURE DE FRANCE .
Voici d'abord à quoi ſe réduifent les
preuves de nôtre Voyageur. J'ay appris ,
dit- il , des habitans de Laodicée , que la
riviere en queftion étoit un bras de l'O--
ronte , & plus bas dans le même écrit . J'ai
traversé plufieurs fois cette partie de la
Syrie , j'ai été à l'embouchure de cette riviere
par mer en venant de Tourtouſe , je
Pai paßée fur un beau pont en allant par
terre à Tripoli. Je m'abftiens ici de réflexions
fur la qualité de ces preuves , afin
d'abreger , & pour laifler aux vôtres.
une plus grande liberté .
་་
Mes preuves feront un peu plus étendues
, quoique réduites à d'étroites bornes
; mais je me flatte que vous les trouverez
d'une autre efpece . Je n'aſſure
rien fur des oni- dire , & fi je me donne
moi -même pour témoin de ce que j'avance
, mon témoignage fera fi folidement
appuyé , que je crois que l'ignorance
feule , & l'entêtement , feront en
droit de ne pas s'y rendre.
Vous fçavez , Monfieur , mieux que
perfonne ce qui me donna lieu de parcourir
l'Oronte depuis fa fource jufqu'à
la mer. J'en ai inftruit le public dans
deux differens ouvrages , vous fçavez
de plus que j'ai fait cette courſe , & dreflé
la Carte en queſtion avec l'un des plus
habiles hommes du pays , & des plus
doctes
JANVIER 1724. 53
doctes parmi les Maronites , que le Pa
triarche Etienne , dont il étoit Secretaire,
m'avoit bien voulu donner , pour m'ac
compagner par tout où j'aurois des éclair
eiffemens à prendre , & des memoires à
verifier fur le Liban , & fur la Syrie
Maritime. C'eft le même que vous avez
vû à Paris en l'année 1701. envoyé à la
Cour par le Patriarche pour des affaires
importantes de fa nation , le même enfin
dont il eft parlé fur la fin du fecond vo→
lume de mon voyage. J'ofe vous affurer
que rien ne nous eft échapé fur le
fait dont il s'agit ici , & que nous n'avons
point vû que l'Oronte fe divife dans aucun
endroit de fon cours.-
Et comment l'aurions- nous vû , Monfieur
, puifque de tous les Auteurs que
j'ai lûs , Hiftoriens , Geographes , Voya
geurs , & c. anciens & modernes , qui
ont parlé de ce Fleuve , & de la Ville de
Laodicée , aucun n'a obfervé la divifion
foutenue par M. Lucas , & le paffage
prétendu d'un de fes bras par les lieux
marquez dans fa Relation. Ils s'accordent
au contraire . tous à conduire l'O
ronte fans divifion , & à le faire tomber
enfin dans la Mer prefque en droite li
gne au deffous d'Antioche.
Il feroit auffi ennuyeux qu'indifcret
de vous faire de longues citations de ces
Ан-
54 MERCURE DE FRANCE .
Auteurs , une feûle autorité nous ſuffira,
mais elle eft ici d'un merite particulier ;
e'eft celle d'Abulfeda , Prince ou Sultan
de Hamah en Syrie , Hiftorien & Geographe
Arabe fort eftimé. Il y a dans la
Bibliotheque du Roy un beau manuſcrit
de fa Geographie , & j'ai quelque obligation
à M. Lucas de m'avoir engagé par
fa conteftation , à confulter cet Auteur
fur le cours de l'Oronte , & fur la Syrie
Maritime , qu'il devoit connoître mieuxqu'un
autre , la Syrie , où il a regné
comme je viens de le dire , étant fon
propre pays. Auffi entre- t'il là - deffus
dans un grand détail , mais il ne dit
nulle part que l'Oronte à qui il donne
trois differens noms , fe divife & forme
quelque bras de riviere. I le fuit avec
exactitude depuis fon origine jufqu'à la
Mer , nommant tous les lieux qu'il arrofe
, décrivant tous fes contours , & fixant
enfin fon embouchure au même lieu où
tous les Auteurs , qui en ont parlé avant
& après lui , l'ont reconnue , c'eft- à- dire,
à Seleucie , dont il nous donne auffi la
pofition Aftronomique.
Le même Auteur parle auffi de Laodi
cée , ou Lataquie , & de fes environs , en
parcourant la côte de la Mer de Syrie,
C'étoit , Monfieur , le lieu de reconnoî
tre & de nommer ce bras de l'Oronte
و
qui ,
JANVIER 1724. 55
qui , felon M. Lucas , arrofe tout ce
pays. Cependant il n'en dit rien , il ne
dit pas même pofitivement qu'il y ait
une riviere près de Laodicée , fe contentant
de remarquer qu'il y a des eaux aux
environs , qui rendent le pays humide &
fertile , & certainement Abulfeda a raifon
; car qu'eft- ce en effet que la rivie
re , méprisée & omife par plufieurs Geographes
, qui paffe aux environs de cette
Ville ? fi ce n'eft une efpece de Torrent ,
qui fans avoir rien de commun avec l'Oronte
, prend fon origine dans cette partie
de montagnes , marquée dans nôtre
Carte , & qui par l'abondance des pluyes,
la fonte des neiges , & la jonction de
quelques ruiffeaux , s'enfle , groffit & fe
décharge enfin dans la Mer de Syrie ,
comme toutes les rivieres , & les autres
torrens , qu'on trouve fur cette côte .
Ainfi , Monfieur , fi dans nôtre Carte
nous nous fommes contentez de marquer,
auprès de Laodicée , une riviere de cette
qualité , fans lui donner de nom , il ne
s'enfuit pas , comme le veut M. Lucas ,
que ce foit un bras de l'Oronte , qui nous
a été inconnu , &c. Il y a fur toute cette
côte une grande quantité de ces prétendues
rivieres , qui n'ont aucun nom , &
comme parle un Voyageur moderne des
* Henry Maundrell , Voyageur Anglois
en 1696.
plus
56 MERCURE DE FRANCE.
plus éclairez , qui les a toutes remarquées
avec foin. Ces rivieres des montagnes font
d'ordinaire très-peu confiderables , mais
les groffes pluyes les enflent tellement , &c.
Enfin ce que dit M. Lucas de la riviere
d'Arquis , qui lui eft inconnue , de la
tranfpofition prétendue de trois autres
rivieres dans nôtre deſcription , & le reſte
de fa critique tout cela , dis-je , n'est
pas mieux fondé que ce qu'il a prétend
fur l'Oronte , & vous en conviendrez ,
Monfieur , quand vous aurez lû ce que
je vous prepare là- deffus , & qui entrera
naturellement dans la réponſe que je
vous dois , fur le Fleuve Sabbathique des
Juifs , qui vient auffi du Liban , & fur le
monument érigé par un Roy de Syrie ,
fur les bords du Fleuve Lycus. Cette Lettre
n'eſt déja que trop longue ; je ren- .
voye tout ce qui me refteroit à dire fur
cette matiere au troifiéme volume de
mon voyage de Syrie & du Mont- Liban ,
qui eft déja bien avancé , & à la Carte
generale du même pays , qui fera à la
tête de ce volume.
.
Je fuis , Monfieur , &c.
A Paris , ce 15. Decembre 1723 .
EPI
JANVIER 1724.
A
ÉPITRE A M
Pollon , ce Dieu que je fers ,
Et qui dans de doctes concerts >
Quelquefois accorda ma Lyre ,
Me refuſe aujourd'hui des airs ,
Dont le chant puiffe vous féduire ;
Un Dieu qui regit l'Univers ,
Dont pourtant j'ignorois l'empire ,"
A fon tour me force à vous dire ,
Qu'en vain je demande des vers ,
Si pour vous il ne les infpire.
Ecoutez pourtant le recit ,
De ce que chez nous il fe fit ,
Quand quittant vôtre compagnie ,
Vous dreffiez vos pas vers la Brie ,
Pour arriver fur le minuit ,
Malgré le Tonnerre & la Pluye.
L'Hôte & l'Hôteffe de ces lieux ,
Ne crurent point expliquer mieux ,
Les
58 MERCURE DE FRANCE.
Les regrets que devoit leur caufer vôtre ab
fence ,
Que par un affez long filence ,
Et le chagrin peint dans leurs yeux.
L ..... étoit inconfolable ,
Et nous dit le rette du jour ,
Qu'il brûleroit pour vous d'amour ,
Si d'amour pour lui feul il vous fentoit ca
pable.
Cependant M. . . . fans ceffe commençoit
Quelque gentille ritournelle ,
Que jamais il ne finiffoit ;
Soudain avec le même zele ,
Les tranſports , les épanchemens ,
Qui fecondoient tous les fermens,
Qu'il vous faifoit d'être fidele ;
Le départ , dit-il , de la belle ,
Me détache enfin de fon char
Mon amour s'eft enfui comme elle ,
Et je la quitte à jamais , car
Elle me tournoit la cervelle .
A l'égard du garçon dont la naïveté ›
Par
JANVIER 1724. 56
Par fois vous apprêtoit à rire ,
En Berger dont le coeur foupire ,
Il s'eft parmi nous comporté.
A nos Dames enfin , contre fon ordinaire ,
N'ayant plus aucun foin de plaire ,
Il prit un mouchoir d'une main ,
De l'autre une livre de pain ;
Et confervant toûjours fon même caractere ,
Il foulageoit fon coeur & contentoit ſa faim-
Adieu , cruelle , dont l'abfence ,
Eteint le brillant de ces feux ,
Qu'en mon ame allumoient vos yeux ,
Parmi la joye & Pabondance.
Vous avez emmené les plaifirs & les jeux ;
Helas ! pour effuyer mes larmes ,
L'amour feul m'eft refté fans eux ,
Ce Dieu m'entretient de vos charmes
Mon fort en eft- il plus heureux ?
LET
30 MERCURE DE FRANCE.
LETTRE d'un Gentilhomme de Bourgogne
écrite à M. Moreau
de Mautour.
J
E vous ai caché jufques à prefent ,
Monfieur , le deffein que j'avois de
rechercher des Memoires , tant fur l'origine
de la Fête des Foux , que fur celle
de l'Inftitution de la Compagnie de la
Mere Folle de Dijon , dont vous avez
düi parler fouvent. Je ne me flattois pas
malgré mes recherches de trouver fur
cette matiere les éclairciffemens que j'ai
découvert ; c'eft ce qui m'engage aujourd'hui
à rompre le filence fur cet article.
Je formai le deffein de cette recherche,
par rapport à la découverte que je fis
d'une reprefentation d'un Char parfaitement
bien figuré, ayant pour tête le Chariot
de la Mere-Folle de Dijon , lequel
eft le dernier qui parut en cette Ville
l'an 1610. & duquel il eft fait mention
dans une Relation imprimée à Dijon en
1638. par Paillot , ayant pour titre : Recit
de ce qui s'eft paffe à Dijon pour
l'heureufe naiffance de Monfeigneur le
Dauphin , depuis Louis XIV .
Je m'affermis d'autant plus volontiers
dans
JANVIER 1724.
61
dans ce deffein que dès 1695. j'avois vậ
1'Etendart original , dont cette Compagnie
de la Mere - Folle de Dijon fe fervoit
lorfqu'elle marchoit par la Ville les
jours de réjouiffances.
Il y a lieu même de conclure qu'il fe
portoit à des Proceffions que cette Compagnie
avoit coutume de faire , & cela par
raport à un Bâton qui fe portoit pareillement
à ces Affemblées , duquel ain
que du Chariot , & de l'Etendart , j'ai
donné des reprefentations au naturel
dans mes Memoires.
Ces preuves réelles fe foutiennent par
deux écrits authentiques ; fçavoir, la confirmation
accordée à celui qui étoit Bâtonnier
de cette Societé , par le Duc de
-Bourgogne Philippe le Bon en 1454. &
une accordée en 1482. par Jean d'Amboife
, Evêque de Langres , alors Lieutenant
pour le Roy en Bourgogne, conjointement
avec Jean de Baudricourt , Gouverneur
de la Province , à la requête du Protonotaire
des Foux . Les Lettres du Duc
fcellées de fon fceau en cire verte , & les
autres fignées de l'Evêque & du Gouverneur
, & fcellées du fceau de leurs
armes en cire rouge , fe confervent en original
dans le Tréfor de la Sainte Chapelle
de Dijon .
De ces deux titres qui ne laiffent plus
de
162 MERCURE
DE FRANCE
.
doute fur cette Inftitution , il refulte
qu'on en doit chercher la fource dans un
temps plus reculé.
L'Inftitution de la Compagnie de la
Mere-Folle de Dijon peut s'attribuer l'an
13 81. auquel un certain Adolphe , Comte
de Cléves , établit dans fes Etats une
Societé qu'il nomma la Societé des Fous ,
laquelle étoit compofée de 36. Gentilhommes
; la traduction de la Patente inf
titutive de cette Societé fe trouve dans
'Hiftoire des Ordres Religieux , compofée
par le Pere Helpot du Tiers - Ordre
de S. François , dit Picpus , mort à
Paris en 1716 .
Comme il fe trouve tant de rapport
entre les Regles & les Statuts de cette
Societé de Cleves , & celles qui s'obſervoient
par la Societé de Dijon , j'ai crû
pouvoir dire avec affez de probabilité
que celle-ci avoit pû prendre naiffance
de l'autre , & cela fondé fur ce que les
Princes de la Maifon de Cleves ont contracté
de grandes alliances avec celles
des Ducs de Bourgogne , dans la Cour
defquels ils étoient le plus fouvent , &
que d'ailleurs un nommé Engilbert
étant pour lors Gouverneur de Bourgogne
, qui pourroit bien étant du . temps
de Cleves , avoir introduit à Dijon cette
même Societé qui étoit dans fon pays.

L'on
JANVIER 1724. 63
L'on peut encore tirer la fource de cet
établiffement fur ce qui fe pratiquoit à
Autun , comme le raporte le Secretaire
Rhotarius dans fon Regiftre , qui commence
en 1411. & finit en 1416: où il
eft parlé de la Fête des Foux . Il le dit
fol. 1 qu'à la Fête dite Follorum , on
conduifoit un âne , & que l'on chantoit
hé , tire âne , hé , hé , &c. que plufieurs
alloient à l'Eglife déguiſez , & avec des
habits grotefques , ce qui fut défendu
depuis & abrogé.
Au furplus l'exiftence de cette Com
pagnie de Sainteté folle , qui étoit compofée
en partie d'Infanterie , & en partie
de Cavalerie , le confirme par l'original
du Guidon qui fe portoit lorfqu'elle
étoit en marche. Duquel j'ai fait
joindre la reprefentation à mes memoires.
J'y ai fait joindre de plus le Bonnet
des trois couleurs, jaune , rouge & vert ,
que portoient les Affociez en ladite Compagnie
, dont les habillemens devoient
être de même , mais dont les Officiers fe
diftinguoient par la forme de l'habit , &
la qualité des étoffes , les galons , & l'arrangement
des grelots & des fonnettes,
Toutes ces curiofitez fe font trouvées
chez plufieurs particuliers de la Ville de
Dijon .
Le Chef de cette Compagnie qui s'ap
pelloit
64 MERCURE DE FRANCE .
pelloit Mere- Folle , avoit fa Cour compofée
d'Officiers de même que les Princes
& les Souverains ont la leur , & on
ne pouvoit pas faire aucune Montrée ,
( c'eft ainfi que le nommoit les Merches
de cette Compagnie , ) ni le ſervice_des
habits des trois couleurs , fans la permiffion
de ce Chef : ce qui refulte d'une
Lettre écrite à ce sujet en 1617. au ſieur
des Champs , pour lors Mere - Folle , de
laquelle Lettre enfemble de celle des
invitations qui ſe faifoient, foit en general,
foit en particulier , la teneur eft inferée
dans les Memoires.
Les jugemens qui ſe -rendoient par le
Chef étoient Souverains , & executez
nonobftant l'appel , & le Parlement les a
tous confirmez , lorfque les appels y ont
été portez ; ce qui fe trouve verifiez par
un Arreft du 6. Fevrier 1579. par les
conclufions que prit le Fifcal vert , c'étoit
le Procureur Fifcal de cette Compagnie
.
Au furplus les Convocations , les Receptions
, les Jugemens , & autres Actes,
de même que les entretiens pendant que
duroient les Affemblées devoient fe faire
en vers burlefques ou comiques , en la
maniere & en la forme que je les ai décrites
dans mes Memoires , même jufqu'aux
Lettres qu'on s'écrivoit l'un à
l'autre ,
JANVIER 1724. 65

l'autre , comme celles écrites au fieur
des Champs en 1617. & 1627 .
Enfin pour ne rien omettre de tous les
éclairciffèmens qui me font venus fur
l'existence de cette Compagnie , j'ai inferé
tout au long dans le petit ouvrage
les Lettres de reception de feu Jean de
Vandeneffe du mois de Mars 1604. qui
étoit gendre dudit fieur des Champs , &
ayeul du fieur Gafpard de Vandeneffe ,
qui m'a communiqué des Memoires trèscurieux
fur cet article.
Au refte , on ne recevoit en cette Compagnie
, quoique compofée de plus de
500. hommes , que des notables , tant des
Cours Superieures , que de la Bourgeoifie
de la Ville , & des environs des perfonnes
de la plus haute confideration , y
reçûrent en 1626. le Bonnet , & la Marolle
par les mains du fieur des Champs,
Mere-Folle.
Leurs Lettres Patentes font inferées
dans mes Memoires avec les deffeins figurez
des Sceaux ; & pour achever tout
ce que j'ai allegué au fujet de cette Societé
de la Mere- Folle à Dijon , j'ai rapporté
ce qu'en a écrit le P. Meneftrier ,
Jefuite dans fon Livre des Reprefentations
en Mufique , ancienne & moderne.
Si cette Compagnie a eu des agrémens
dans fon origine , on peut dire qu'elle
D a
66 MERCURE DE FRANCE.
a eu fes chagrins dans la fuite , je rap
porte à ce fujet les Arrefts de la Cour ,
rendus le 18. Janvier 1552. le 16. Juin
1578. 16. Avril 1616. 31. Janvier 1626.
Ils m'ont été communiquez par plufieurs
perfonnes de confideration de la Ville de
Dijon.
Enfin , par un Arreft rendu le 21 .
Juillet 1630. en la Ville de Lion , &
homologué au Parlement de Dijon le 25.
du même mois , cette Compagnie fut entierement
abolie fous de groffes peines .
Voilà , Monfieur , tous les eclairciffemens
que j'ai découverts fur les deux
Societez , & le produit des foins qu'il a
fallu prendre pour raffembler des preuves
auffi folides qu'elles le font dans l'ouvrage
même , je fouhaite que cela
puiffe vous amufer un moment , & vous
prouver de plus en plus les fentimens
d'eftime avec lefquels j'ai l'honneur d'etre
, &c. Monfieur , vôtre très-humble,
& très-obéiffant ferviteur.
LE
JANVIER 1724. 67
*******************
LE SONG E.
ÇANTATE à voix feule , mise en
Mufique par le fieur Bordier.
E goûtois du fommeil les attraits gracieux.
Ses tranquilles pavots fufpendoient mes
allarmes ,
Lorfqu'un Songe en chanteur vint offrir à
mes yeux ,
Iris , l'aimable Iris , dont j'adore les charmes.
Etoit-il fous le Ciel un mortel plus heureux !
Je lui parlois d'amour , elle daignoit m'en
tendre ,
A mes empreffemens elle fembloit fe rendre' ,
Et par ces mots flateurs , elle approuvoir
mes feux.
Tircis, je cede à ta conftance,
Tu triomphes de ma fierté ;
11 eft temps que je récompenſe
Tes foins , & ta fidelité.
C'eft affez éprouver ta flamme ,
Je connois ta fincere ardeur ;
Dij
L'a68
MERCURE DE FRANCE.
L'amour qui regne fur ton ame ,
S'eft rendu maître de mon coeur.
A cet aveu fi doux de la jeune Bergere
Que je m'applaudiffois ! que je fus enchanté!
Non , non , le fort du Dieu qui lance lo
Tonnerre ,
N'étoit pas comparable à ma felicité !
Illufion douce & trompeufe ,
Pourquoi flattes -tu mes defirs ?
Helas ! à mon ame amoureufe ,
Que tu vas couter de foupirs !
Pour ce délicieux menfonge ,
Sommeil , tes momens font trop courts,
Je ne puis voir Iris qu'en fonge ,
Ah ! laiffe- moi réver toûjours ,
Mais déja c'en eft fait , Morphée inexorable ,
Va bien-tôt diffiper les douceurs que je fens ;
Il dérobe à mes yeux de Fantôme adorable
De l'objet qui charme mes fens.
Un fonge qu'amour fait paroître
Peut
JANVIER 1924. 69
Peut offrir un plaifir charmant ;
Mais n'être heureux qu'un moment pour
Il vaudroit mieux ne le pas être.
Lorfqu'on croit voir une inhumaine
Répondre à notre vive ardeur ,
L'inftant qui chaffe notre erreur ,'
Sert à redoubler notre peine.
Le Maire.
EXTRAIT d'une Lettre écrite par
M. Jean Frederic Guib , Docteur es
Droits , à M. le Marquis de ... fur
l'origine & les Antiquitez de la Ville
d'Orange.
C
'Eft une tradition dans ce Pays qu'Orange
a été fondée en même temps
qu'Avignon , & que ces deux Villes doivent
leur origine aux Phocéens ou Grecs
Aliatiques ; mais c'eft une choſe bien difficile
, pour ne pas dire impoffible , que
de vouloir aujourd'hui marquer préciſément
letemps auquel elles ont été fondées
. Pline le Naturaliſte , livre 3. chap .
5. en parlant des Villes de l'Italie qui lui
D iij de70
MERCURE DE FRANCE.
devoit être un païs très-connu , puiſque
c'étoit la partie du monde la plus polie &
la plus éclairée , & danslaquelle même il
étoit né , avoue néanmoins qu'il lui fera
très- difficile de fixer la fituation des Villes
d'Italie , & de marquer leur origine ,
Nec fitus originefque perfequi facile eft .
Si un Ecrivain de cette importance con--
felle une telle chofe à l'égard des Villes
de l'Italie , comment fera-t-il poffible aujourd'hui
qu'il s'eft écoulé un fi grand
nombre de fiecles, de pouvoir défigner le
tems de la fondation de la plupart des anciennes
Villes de ces Provinces habitées
par des Peuples qui n'avoient aucun foin
d'écrire les évenemens dignes d'être tranf
mis à la pofterité.
"
Tout ce donc qu'on peut dire , eft qu'en
l'année ( a ) fix cens avant la naiſſance
de notre Seigneur Jefus - Chrift , des Habitans
de Phocée , ville de l'lonie dans l'Afie
Mineure , étant fortis de leur Patrie,
vinrent fonder la ville de Marfeille , &
que
dans la fuite d'autres Phocéens étant
également venus à Marseille , ils fortirent
de cette Ville , qui étoit déja extrê
mement peuplée & fonderent les Villes
de Nice , d'Antibes , d'Agde , & peutêtre
même la Ville d'Orange , & c. Mais
(a) Cette année concourt avec la premiere
année de la 45. Olimpiade.
foit
JANVIER 1724. 71
foit que ces Phocéens en ayent été les
fondateurs ou qu'ils y ayent feulement envoyé
une Colonie , on peut
affurer qu'Orange
n'a commencée d'être opulente &
renommée que depuis qu'elle fut affujettie
à la domination Romaine ; car environ
216. ans avant l'Ere vulgaire , cette
Ville n'étoit encore qu'un Bourg. Je
me fonde fur ce que Tite - Live parlant du
païs que nous habitons a écrit dans le Livre
21. chap . 28. que dans ce tems - là les
Gaulois de la Rive gauche du Rhône
habitoient dans les Bourgs, La Ville d'Orange
qui par fa fituation ne fe trouve
éloignée du Rhône que d'une lieuë , ne
pouvoit pas être , fuivant les apparences ,
ni plus puiffante , ni d'une plus vafte
étendue que les habitations des peuples'
du voisinage.
Environ cent vingt-quatre ans avant la
naiffance de notre Sauveur , les Romains
étant follicitez par les Marſeillois de leur
envoyer des Troupes pour les fecourir ,
ils profiterent habilement de cette occafion
, & ayant eu le bonheur de battre les
ennemis dans deux grandes & celebres
batailles , la conquête de la Provence , du
Languedoc , de la Savoye & du Dauphiné,
fût à peu près le fruit de leurs victoires.
Le Territoire de cette Ville ayant
été le Théatre fur lequel ces mémorables
·
D iiij
&
72 MERCURE DE FRANCE.
& glorieuſes actions s'étoient paffées , les
Romains pour éternifer des faits fi confiderables
, firent conftruire notre Arc de
Triomphe , comme je l'ai prouvé dans la
Diflertation qui a été inferée dans le Mercure
de Paris du mois de Decembre 172 1.
page 13. & fuiv. Voilà l'origine de cette
particuliere prédilection & de ce tendrè
attachement que ces fuperbes Vainqueurs
ont toûjours depuis ce tems -là cherement
confervé pour cette Ville.
Elle eft devenue Colonie Romaine en
viron 45. ans avant la naiffance de Jefus
Chrift par le miniftere de Tibere Neron
Pere de l'Empereur Tibere ; car ce fut
fous les aufpices de ce grand Homme
que des foldats de la feconde legion
vinrent dans cette Ville , & lui procure
rent par- là le nom d'Araufio Secundanorum
.
L'an 64.ou environ de l'Ere vulgaire
les Romains auroient envoyé une feconde
Colonie dans cette Ville , fi ce que Goltzius
a écrit étoit 'veritable . Cet antiquaire
affure dans fon Tréfor des Medailles qu'il
y a une Medaille de l'Empereur Neron'
fur laquelle on lit ces paroles fuivantes :
Colonia Araufio Secundanorum cobortis
33. voluntariorum.. Ce qui fignifieroit .
que fous le regne de cet Empereur on
envoya dans cette Ville une Colonie priJANVIER
1724. 73
fe des foldats de la cohorte 33. de la ( a )
feconde legion. Mais comme l'illuftre
M. de Peireſc n'a jamais pû deterrer une
femblable Medaille , quelques recherches
qu'il ait faites , au rapport de Gaffendi in
vita Peireskii , pag. 45. il y a lieu de
foupçonner que Goltzius ne s'eft pas exprimé
avec l'exactitude convenable. Cependant
je ne voudrois pas affurer que
cette Medaille n'ait jamais exifté , il peut
bien être que M. de Peireſc avec toutes
fes recherches , n'aura pas trouvé ce qu'un
heureux hazard pourroit procurer à un
Curieux de Medailles . Ceux qui ont cette
paffion doivent s'enflammer d'une nouvelle
ardeur pour tâcher de découvrir
une piece d'une fi grande rareté , & ils
feroient bien payez de leurs peines & de
leurs foins par le plaifir de poffeder une
Medaille qui auroit été inconnuë à une
perfonne d'un merite auffi diftingué que
M. de Peirefc ..
Quoiqu'il en foit les Romains ayant honoré
cette Ville d'une Colonie Militaire,
ils lui accorderent les privileges & les
prérogatives qui y étoient attachez . Aulu-
gelle , au livre 16. chap. 13. de fes
Nuits Attiques , a judicieufement remarqué
que les Colonies étoient en petit une
(a ) La Legion n'étoit ordinairement divifée
qu'en dix cohortes.
D v image
74
MERCURE DE FRANCE.
0
>
image & une reprefentation de la ma
jefté & de l'opulence de la ville de Rome
Amplitudinem, Majeftatemque Populi Romani
. Colonia quafi effigies parua
fimulacraque effe quedam videntur. Par
confequent Orange avoit des Pontifes
ponr regler toutes les affaires concernant
la Religion ,, des Augures qui ob--
fervoient le tems favorable pour commencer
quelque affaire , foit par le vol ,
chant , ou le manger des oifeaux des
Arufpices pour predire l'avenir en regardant
les entrailles des Victimes , des
Cenfeurs , pour regler les moeurs , retrancher
les abus , faire le dénombrement
des Citoyens & leur affigner un
rang à proportion de leur revenu ; des
Quêteurs ou Tréforiers pour exiger &
avoir foin des deniers publics ; des Ediles
veiller à la confervation des Edifices
publics tant Saints que Profanes , pour
avoir l'oeil à l'entretien des grands chemins
, des Ponts , des Bains publics , des
Aqueducs , & c. pour taxer les Denrées
qui fe vendoient dans les places publiques
, pour punir ceux qui ufoient de
& c. faux poids & de fauffes meſures ,
Les Romains en relevant de cette maniere
la gloire de cette Ville par la créa
tion de fes dignitez , n'oublierent pas auffi
de l'embellir par un grand nombre de
pour
fomJANVIER
1724. 75
fomptueux Bâtimens , des Temples dédiez
à Mars (a ) , Diane , Hercule , & c.
furent des preuves de leur zele pour le
culte de ces fauffes Divinitez ; des bains
publics & particuliers , des pavez à la
Mofaïque ,des Arenes , un Capitole , un
Champ de Mars , un Théatre & des
Aqueducs , furent des marques de leur
luxe ou de leur magnificence. Ce qui
nous reſte aujourd'hui de ces ouvrages ,
ne nous fait pas moins admirer la fomptuofité
du Bâtiment que l'excellent genie
de ceux qui précedoient à la conftruction
de ces travaux fi utiles & fi neceffaires
aux peuples qui étoient fournis à leur
domination .
Je pafferois de beaucoup les bornes
que je me fuis preſcrites dans cet abregé,
fi je parlois avec l'étendue neceffaire de
tous ces divers Edifices ; cependant je net
fçaurois m'empêcher d'en dire quelque
chofe , quand ce ne feroit que pour indiquer
l'état dans lequel on les voit préfentement
.
Les Temples de Mars , de Diane &
d'Hercule font à prefent entierement détruits.
Les uns affurent que le Temple
de Diane étoit fitué à l'endroit où eft au-
(a) Il y a des gens qui croyent que les Temples
de Mars , & d'Hercule furent bâtis avant
qu'Orange devint Colonie Romaine.
D vj jour.
76 MERCURE DE FRANCE.
jourd'hui l'Eglife Cathedrale ; les autres
difent qu'il étoit fur le derriere du logis
des trois Oranges ; mais d'autres prétendent
qu'en ce dernier endroit l'on voyoit
les Temples de Mars , & d'Hercule , &
dehors la Ville , à la plaine appellée
que
Martignan , il y avoit un autre Temple
confacré au Dieu Mars.
Les Bains publics fe trouvent maintenant
éloignez d'environ 250. pas de la
Porte de Tourre. Ce n'eft prefque plus
des mazures nommées vulgairement la
Tour-Ronde.
و
Les Arenes font entierement détruites;
elles étoient placées dans une Terre à en
viron 460. pas de la Porte de Saint Martin.
C'étoit là que les Gladiateurs fe battoient
avant la conftruction de notre
Theatre.
Le Capitole , qui étoit ainfi appellé ,
parce qu'il étoit fitué dans un lieu le
plus élevé de la Ville , étoit placé fur
notre Montagne car Orange étoit pour
lors fituée partie fur la Montagne & partie
dans la plaine. C'eft dans cet endroit
que deux Magiftrats appellez Duumvirs
rendoient la Juftice ; on les élifoit du
corps des Decurions qui étoient à peu
près ce que font à prefent nos Confeillers
politiques. Is qui non fit Decurio ,
Duumvirato , vel" aliis honoribus fungi
non
JANVIER 1724 77
non poteft. liv. 7. §. 2. ff. de Decurion. &
filiis eorum. Decuriones , dit le Jurifconfulte
Pomponius au § . 5. de la loi 239 .
du Titre du Digefte de verbor. fignif.
Quidam dictos aiunt ex eo , quod initio ,
cum colonia deduceretur décima pars
corum , qui ducerentur confilii publici gra
tiâ , confcribi folita fit.
و
Le Champ de Mars étoit fitué dans l'endroit
où eft aujourd'hui le Couvent des
Religieux Capucins , qui étoit autrefois !
le Fauxbourg Saint Florent , & aupara
vant le Bourg de la Claſtre. C'étoit dans
ce champ qu'on s'exerçoit à la courſe , à
la lutte , à tirer de l'arc , & c. qu'on bruloit
les corps , &a .
Notre Théatre appellé communément
le Cirque fervoit pour les courfes des >
chariots , les combats des Gladiateurs &
des bêtes feroces , & pour donner les
naumachies par le le moyen de l'eau que:
l'on y faifoit venir en abondance , toutes '
les fois qu'on le fouhaittoit , en ouvrant
des conduits deftinez à cet ufage. Ila 108.
pieds de hauteur & 124. de largeur . Je
dirai ailleurs qu'il a été bâti fous le regne
de l'Empereur Adrien , environ 121 .
ans après la naiffance de notre divin
Sauveur.
L'Aqueduc avoit fon origine à quel→
ques lieuës de cette Ville dans le Terroir
f
78 MERCURE
DE FRANCE
.
roir de Malauflenne , petite Ville du
Comtat. Il fervoit à conduire l'eau qui
étoit neceffaire pour les bains & pour les
naumachies , & c. On en voit encore des
débris affez confiderables.
Si à tous ces precieux reftes ont joint
les bas- reliefs , les pavez à la Mofaïque ,
&c. qui fe voïent chez divers particuliers
, on conviendra facilement qu'Orange
devoit être une Ville bien magnis
fique & bien opulente. Quelle perte
n'eft-ce pas pour la Republique des Lettres
, fi quelque Auteur ancien avoit
entrepris une Defcription exacte & fidele
de cette Ville dans le tems qu'elle
étoit dans fa fplendeur , qu'un tel Ou-.
vrage ne foit pas parvenu jufqu'à nous ?
Combien de Coûtumes & de ceremonies,
tant facrées que prophanes , qui étoient
ufitées parmi les Romains , & qui nous
font à prefent inconnues , n'apprendrionsnous
pas par la lecture d'un femblable
Ouvrage ? Plus l'Auteur auroit été judicieux
, & plus nous y découvririons des
Faits curieux & intereffans. La perle de
Cleopatre qui fut mife aux oreilles de
la Statuë de la Déeffe Venus , ou la caffette
ornée de pierreries dans laquelle Alexandre
le Grand mettoit les Ouvrages d'Homere
, ne feroient pas capable de payer
un tel Livre. Si on étoit affez heureux
pour
JANVIER 1724. 70
IN
poffeder une femblable production , on
auroit le plaifir de voir d'une maniere
elaire & convaincante que les Scaligers ,
les Saumaiffes , les Menage , les Spon
les Voffius , les Spanheim , les Dacier ,
& en un mot , que la plupart de ceux
qui fe font attachez à expliquer les Antiquitez
Romaines , ont heureufement rencontré
la verité , & nous ne ferions plus
dans l'incertitude s'ils fe font quelque
fois trompez dans leurs raifonnemens ,
ou dans leurs conjectures.
Les autres Anciens qui ont parlé d'Orange
l'ont fait d'une maniere fi fuccinte,
que cela ne donne pas de grands éclairciffemens
à ceux qui font une étude particulieré
de l'Hiftoire ancienne de cette
Ville. On en pourra juger , fi on lit ce
que les Auteurs fuivans en ont dit .
Strabon , celebre Geographe , qui vi
voit fous les regnes des Empereurs Augufte
& Tibere , eft le plus ancien Auteur
qui ait fait mention d'Orange.
Pomponius Mela qui vivoit fous le
regne de l'empereur Claude a auffi par
lé de cette Ville.
Pline le Naturalifte en a également
parlé . Il vivoit fous le regne de l'Empereur
Vefpafien.
Ptolemée , le Prince des Aftronomes
qui fleuriffoit fous le regne de l'Empereur
fo MERCURE DE FRANCE .
reur Adrien a pareillement fait mention
de cette Ville , de même que l'Itineraire
que l'on attribue à l'Empereur Antonin
, &c.
Peut- être ne feroit- il pas inutile avant
que de finir de donner l'étimologie du
nom d'Orange. Je le ferois avec plaifir ,
fi je ne croyois qu'il y a trop d'incertitude
dans cette ſcience , pour pouvoir s'y
arrêter avec quelque fondement . Une
rencontre , un rien font quelquefois les
motifs du nom que l'on donne à une
Ville ; qu'on aille après cela donner une
raifon de ce qui eft un pur effet du ha
zard . Ainfi Monfieur , j'aime mieux
employer le peu d'efpace qui me reſte à
vous fupplier très - humblement de me
pardonner la liberté que j'ai prife de
mettre vôtre illuftre nom à la tête de
cet Ecrit , & c.
>.
A Orange , ce 1. Septembre 17232
L'Epigramme fuivante a été faite en
T'honneur du Roy & de l'Infante.
Heroum , Lodeix , & tu Victoria proles ,
Vivite , quos patrius conſociavit amor §
Borbonidum proles ambo , facrifque jugandi
Finclis : Borbonio dignus uterque toro.
EX
ANVIER 1724.
aaaaaaaaaaaaaaa
EXTRAIT d'une Lettre écrite aux
Auteurs du Mercure , par M. l'Abbé
de Vienne , Chanoine de la Cathedrale
de Châlons en Champagne , le 22.
Decembre 1723.
'Ay l'honneur de vous informer
Meffieurs , d'un évenement qui a eu
pour témoins tous les habitans de cette
Ville , & que j'ai vû moi - même dans
toutes les circonftances que je vais vous
détailler.
On trouva le 14 du prefent mois de
Decembre 1723. en l'Eglife Paroiffiale
de S. Alpin , un corps fain & entier
après vingt- trois ans , & quelque mois
de fepulture ; les yeux & lévres qui font
les parties les plus délicates , & par confequent
les plus fujettes à corruption ,
n'avoient aucune apparence de pourririture
, le vifage étoit fi peu changé
que l'on reconnut fans peine les traits de
M. Braux du Locton , vivant Ecuyer ,
Prefident du Bureau des Tréforiers de
France en Champagne . On raifonna differemment
fur un fait auffi fingulier .
les uns le regardent comme la récompenfe
du merite & de la vertu du défunt
#2 MERCURE DE FRANCE.
funt , qui en effet a vêcu en bon Chrétien
, & en honnête homme , d'autres
l'attribuent à une veine de terre ; mais
ce dernier fentiment me paroît peu plaufible
, attendu que le terrain de cette
Eglife eft très -humide , & que d'ailleurs
l'on n'a jamais trouvé fous la tombe de
la Famille des Braux de corps fain dans
aucune de fes parties , peut de temps
me après avoir été inhumé. Au refte ,
Meffieurs , quelque caufe que puiffe avoir
un effet auffi extraordinaire , je l'ai crû
digne de l'attention des curieux . Je fuis,
& c.
mê-
XX:XXXXXXXXXXXX :X
EXPLICATION des Enigmes du
Mercure de Novembre 1723.
TU naîtras comme tu voudras ,
Mâle , femelle , blanche , ou grife ,
Tu n'auras qu'un corps & deux brás ,
Couvriras peau blanche ou peau bife ,
Rois , gens , ou d'Epée ou d'Eglife
Ce n'eft pas-là mon embarras.
Que cent fois mieux on te déguiſe ,
Je te nommerai fans méprife ,
Et
JANVIER. 1724.
83
Et mieux que ne feroit Circé ;-
Mais j'y ferois embarraffé ,
Si Capucin portoit chemiſe.
A ne te voir que le mufeau ,
D'un faux devot aurois la mine ;
Mais puifque c'eſt à la fourdine ,
Qu'on te fabrique bien & beau ,
Faut qu'autre choſe j'imagine.
Ton pere affez fouvent chemine ,
Vers l'autre monde en tombereau ,'
Celui qui fon métier exerce ,
Meurt rarement la plume au cul ,
Me condamne à la fiévre tierce ,
Si tu n'es pas un faux écur
Vous qui paffez par un temps nebuleux ,
Devant la porte d'un College ,
Serez bien fins , ou bienheureux ,
Si pouvez éviter les pelotes de neige.
EPL
14 MERCURE DE FRANCE.
EPIGRAMME fervant, d'explication
à la feconde Enigme du 1. volume
du Mercure de Decembre.
Ertain Bourgeois un foir ridant le front,
Au coin du feu fe donnoit la torture ,
Pour déchiffrer l'Enigme du Mercure :
Quel eft ce corps que l'on nous dépeintrond
Fait en un jour , & d'immenfe ftructure ?
Mais le bon homme étoit bien loin du but
Or il advint que fa femme mourut , "
Le lendemain la voilà dans la bierre:
Et quand tout fut bien fcellé ; bien cloué ,
Ah! je la tiens enfin , Dieu foit loué ,"
Dit-il , voyant qu'on l'alloit mettre en terre.
*******************
EXPLICATION des trois Enigmes
du Mercure de Decembre 1723.
Sur l'Air de Joconde.
Ris , dont mon coeur fuit les loix ,
Veut qu'aujourd'hui j'explique ,
Les
JANVIER
1724 65
Les Enigmes du dernier mois
En langage Lyrique.
Tous mes foins doivent afpirer ,
Au bonheur de lui plaire ,
Tâchons donc de les penetrer,
Et de la fatisfaire.
Je vais en définir le Plan ,
Sur le ton de Joconde ,
La premiere, eft le jour de l'an's
La terre eft la feconde ;
On doit par la Chaiſe à Porteurs
Expliquer la troifiéme ,
Tous Oedipes Speculateurs ,
Devineront de même,
Le Maire.
AUTRE explication de la premiere
Enigme. Par un Gaſcon.
LE premier jour de l'An , eſt l'aîné de ſes
freres ,
Il eft plus defiré des enfans. que des peres .
Et l'avare le hait avec jufte raiſon ,
Pour lui , le mot d'étrenne eft un fâcheux
langage ,
Aing
86 MERCURE DE FRANCE .
Ainfi mon oncle riche , avare & vieux garçon,
Quand je vais en ce jour le voir felon l'ufage,
Me dit pour m'étrenner mon neveu foyez
Lage :
Cadedis , eft- ce là contenter un Gafcon
綠綠
Par M. A. ***
********
PREMIERE ENIGME.
J'
E fers & la nuit , & le jour ,
A chacun je fais mes largeffes
Et fans confiderer pauvreté ni richeſſes ,
Je prodigue à tous tour à tour.
De moi l'on ne peut fe paffer ,
Et quoique le bien que je donne ,
Soit utile à toute perfonne ,
Peu de gens le viennent chercher.
Je ceffe quelquefois de ne plus rien donner
Voulez-vous en fçavoir la caufe
Je ne puis vous dire autre chofe ,
Sinon qu'il faut loin de moi la trouver.
SEJANVIER
1724. 87
SECONDE ENIGME .
Ans un double & fombre parterre ,
Dans
Eclairé de rayons divers ,
J'allume une foudaine guerre ;
Entre deux amis que je fers.
J'intereffe dans leurs querelles
Un grand nombre de Demoifelles
Qui font mille cris éclatans.
Cependant toute la difpute
Finit entre les combattans ,
Par la bizarre culebutte ,
Des reftes d'un fquelette affreux ,
Brufquement fortis de leurs creux.
TROISIEME ENIGME.
Irée du fein de ma mere
,
Je dois ce que je fuis aux enfans de Vulcain
,
Mille coups redoublez d'une groffiere main ,
Me font fouvent plus grande que mon pere ,
Peu précieuſe , aujourd hui neceffaire ,
Quoiqu'inutile au premier des humains ,
Je cheris tant la bonne chere ,
Que je fers à tous les feftins ,
A
88 MERCURE DE FRANCE .
A tous Efcamoteurs , à tous maîtres -Gonins .
Je donne le défi des tours qu'on me voit faire,
Il eſt vrai qu'un Agent me prête ſes efforts,
Et je fuis , qui pourra penetrer ce miſtere ?
Inutile aux vivans fans le fecours des morts.
On doit expliquer les cinq Enigmes
des deux volumes du mois dernier , par
le premier jour de l'An , la Terre la
Chaife à Porteurs , la Bierre , & le Panier
des Dames.
XXXXX
و
XXXX
LETTRE écrite aux Auteurs du
Mercure.
Eus le plaifir il y a quelques jours
Meffieurs , de fouper avec des perfonnes
d'efprit & de merite , qui s'entretinrent
long-temps fur le Mercure .
On en dit du bien & du mal , comme
vous fçavez que l'on en dit des meilleurs
ouvrages quand on en parle en pleine
liberté.
L'un des convives dit qu'il manquoit
un article effentiel au Mercure , c'eft
l'Article des bons mots . Nôtre nation ,
dit-il , eft naturellement vive , & feconde
en reparties plaifantes , & fenfées,
qui
JANVIER 1724.
89
qui meriteroient d'être exactement recueillies.
Mais par malheur ce font des
fleurs qui meurent d'abord qu'elles font
éclofes. Le Mercure devroit les faire vivre
éternellement. Il arriveroit même ,
continua - t'il , que s'il y avoit tous les
mois un Recueil judicieux de cinq ou
fix bons mots , on pourroit au bout de
quelques années extraire des Mercures
un juſte volume , qui en ce genre auroit
fon prix.
हूँ Cet avis fut generalement applaudi ,
& je fus chargé , Meffieurs , de vous le
communiquer , & de vous prier d'inviter
le Public , & fur tout les habitans des
pays qui font au- delà de la Loire de vous
envoyer les bons mots qui échapent en
tout genre dans les converfations , dans
les plaidoyers , dans les lettres , & c .
Je vais , Meffieurs , en attendant vous
en communiquer quelques-uns qui ne
font pas dans les Recueils publiez .
Un Seigneur d'Angleterre haï d'un
Miniftre , fut injuſtement accufé d'avoir
trempé dans une confpiration contre le
Roy. En confequence de cette accufation
il fut injuſtement puni de mort. Pendant
le procès fa femme ne fit aucune démarche
pour travailler à fa juftification .
Quelque temps après les enfans tramerent
une veritable confpiration contre le
E Mi90
MERCURE DE FRANCE.
Miniftre , & réfolurent de l'allaffiner .
Ils furent découverts , & pendant qu'on
leur faifoit leur procès la mere ſollicitoit
vivement pour eux. Le Miniftre
lui dit un jour : D'où vient , Madame,
que vous follicitez fi vivement pour
vos enfans , & qu'on ne vous a point
vue ici pendant l'affaire de votre mari.
C'est que mon mari n'étoit point coupable ,
répondit elle.
?
Une Dame de Provence difoit qu'elle
n'aimoit pas les hommes de belle taille
qu'elle auroit plus de goût pour un homme
d'une taille un peu au-deffous de la
mediocre. Un homme fort grand qui étoit
prefent à ce Difcours en fut piqué , &
s'en vengea en rendant des foins à cette
Dame. Les mêmes Difcours continuerent
long- temps de la part de la Dame
& les foins furent redoublez de la part
du Cavalier. Un jour qu'il la trouva feule
, après quelques difcours generaux , la
converfation tomba , & la Dame parut
réveufe , le Cavalier lui demanda poliment
à quoi elle révoit , fongi , lui ditelle
en Provençal , que vous fé tous.
les jours plus pichon ; c'eſt- à- dire , je
fonge que vous devenez tous les jours plus
petit.
Un Bourgeois de Paris voyoit rire un
Savetier qui demeuroit auprès de chez
lui
JANVIER 1724 . 91
lui prefque toutes les fois qu'il pafloit.
Un jour que cela l'impatienta plus qu'à
l'ordinaire d'où vient , lui dit-il , que
tu ris toutes les fois que je palle ? &
d'où vient , lui répondit brufquement le
Savetier , que vous paffez toutes les fois
que je ris .
Un Prédicateur qui prêchoit avec
beaucoup de feu , faifoit des grimaces à
Les Auditeurs. Ce défaut lui fut reproché
confidemment par un autre Prédicateur
concurrent. Le premier lui repartit d'un
ton doux : Mon pere , vous voyez les
grimaces que je fais à mes Auditeurs ,
mais vous ne voyez pas celles que vos
Auditeurs vous font .
un
Un Gentilhomme de Caen avoit un
procès confiderable au Parlement. Son
Rapporteur aimoit paffionnément la Mufique.
Il avoit beau le folliciter , il le
trouvoit toûjours à fon Clavecin ,
livre de Mufique devant lui , & fon procès
ne fe raportoit point . Enfin las de
folliciter , & las des promeffes fans effet
du Rapporteur , il le pria de lui rendre
fon fac, fous quelque prétexte ; le Rapporteur
n'en voulut rien faire , & promit
de nouveau de raporter l'affaire . Le
client revient à la charge , & trouvant
encore M. le Confeiller avec un livre
de Mufique , le preffa plus vivement de
E ij lui
92 MERCURE DE FRANCE.
lui remettre le fac du procès ; mais qu'en
voulez -vous faire , dit le Rapporteur ?
je veux le faire noter , repartit le Normand
, & le faire mettre en partition par
un habile Muficien que je connois.
M. de S. H. Capitaine de Galere perdit
cent Louis à Genes contre un Italien
avec qui il avoit joué au Trente & Quarante.
Un de fes amis l'avertit qu'il avoit
été friponné , & que fon joueur ne manquoit
pas d'arranger quatre Cartes qui
faifoient juftement quarante , & quand il
donnoit à couper , il mettoit fort habile
ment la coupe deffus . M. de S. H. bien
inftruit, fe munit d'une quantité d'as dans
une de fes poches , & va demander fa
revanche à fon fripon , qui croyant avoir
trouvé fa dupe ne fe fait pas prier . On
joue , l'Italien fait fa manoeuvre , & nồ-
tre Marin fait la fienne , qui étoit en
coupant de gliffer finement un as audeffus
des Cartes. Il regagna ces cent
Louis , plus de cent piftolles au-delà , &
quitta. L'Italien outré de colere & de
dépit , en voulut fçavoir la raiſon , c'eſt
que je n'ai plus d'as , lui répondit froidement
M. de S. H.
CHAN
□ 11) ,
Janvier
1724.
Air a 5 .
Boires
93
niit esthe
Grego
i be
Gay
yeux,
Sa
rt des
Mamer
Sur Sa
X
EXOD
en....com
CHAN
JANVIER 1724.
93
CHANSON.
Regoire eft yvre , amis , celebrons fes
Gregoire
louanges
,
Ah ! qu'il eft heureux !
Le Dieu des Vandanges
A comblé fes voeux.
Quoiqu'il bégaye , & qu'il chancelle
Quoique le vin lui forte par les yeux.
Sa gloire n'en eft pas moins belle ,
Tel fut fouvent le fort des Dieux
11 fe couche , il s'endort ; & fon ame ravie,
Va jouir d'un parfait bonheur.
Bacchus qui veille fur fa vie ,
Nous rendra dès demain cet infigne buveur.
Nous le verrons encor plein d'une ardeur
nouvelle ,
Se couvrir en buvant d'une gloire immortelle.
E iij
NOU
24 MERCURE DE FRANCE.
NOUVELLES LITTERAIRES .
DES BEAUX ARTS , & c.

Lille, de la maniere dont on les
ES JEUX de Quadrille & de Quin-

joue prefentement ,, avec les regles établies
par l'ufage , & un Recueil de décifions
nouvelles fur les difficultez , &
incidens qui peuvent furvenir. Au Pa
lais , chez le Gras 1724. brochure in 12 .
pag. 103.
C'eft ici une fuite des Jeux Hiftori
riques & Académiques. Les hommes ne
fçauroient être defoeuvrez . Le fang qui
circule toûjours dans nos veines portet
les efprits animaux dans les mufcles qui
fervent à divers mouvemens ; & lorfque
ces efprits ne font point déterminez par
des occupations utiles ou indifferentes ; -
il eft dangereux qu'ils n'excitent des
mouvemens nuifibles.
Les Jeux ont donc leur utilité , parces
qu'ils occupent , pourvû qu'ils n'occupent
point trop . Mad Deshoulieres , a
dit qu'il faut feulement que le jeu nous
aufe. Les jeux fans regles , font une
fource de difpute , chacun croit & veut
avoir
JANVIER 1724. 95
ayoir raifon , c'eft pour prévenir cet inconvenient
qu'on nous donne ici les regles
du Quadrille , & du Quintille , qui
depuis quelques années font devenus à
la mode en ce pays-ci . Il y a à la fin un
petit Recueil de décifions fur les cas difficiles
, & un petit Dictionnaire des termes
du Jeu de Quadrille . On peut dire
des Jeux comme des alimens : Omnia bona
bonis, omnia mala malis .
ECOLE DE MARS , ou Memoires inftructifs
fur toutes les parties qui compofent
le Corps Militaire en France , avec
leur origine , & les differentes manoeuvres
aufquelles elles font employées. Par M.
Guignard , Chevalier de S. Louis , Lieutenant
Colonel du Regiment d'Infanterie
de Thil. z. vol . in 4. enrichis d'un
grand nombre de figures . A Paris , chez
Simart , rue S. Jacques 1723 .
L'HISTOIRE Ecclefiaftique & Civile
de la Ville & du Comté d'Evreux Par ...
M. le Braffeur, Aumônier du Confeil ,
& Bibliothecaire de M. le Chancelier
Dagueffean. A Paris , chez Barrois , vol.
in 4 ° .
HISTOIRE GENERALE DE LA DANSE
facrée & profane , & c. avec un fupple-
E iiij.
ment
96 MERCURE DE FRANCE.
ment de l'Hiftoire de la Mufique , & le
paralelle de la Peinture & de la Poefie .
Par M. Bonnet , ancien Payeur des Ga
ges du Parlement. A Paris , chez d'Houri ,
ruë de la Harpe , in 12. de 269. pages.
BIBLIOTHECA SACRA , &c. Bibliothe
que Sacrée , divifée en deux parties . Par
te Pere le Long , Prêtre de l'Oratoire . A
Paris , chez F. Montalant , Quay des
Auguſtins 1723. 2. vol. in fol.
SUITE DE PIECES de Deffus & de
Pardeffus de Viole , & trois Sonates ,
avec les Baffes- continues qui fe peuvent
* jouer fur la Viole , la Flute Traverſiere ,
& autres Inftrumens . Par M. Marc.
Livre 1. dédié à S. A. S. Mademoiſelle
de la Roche-fur -Yon. A Paris , chez
Auteur, rue du Haut-Moulin , derriere
S. Denis de la Chartre , à la Croix d'Or,
chez M. Barré , Orfévre , & chez le
fieur Boivin , ruë S. Honoré , à la Regle
d'Or 1724. in fol . de 41. pages . Le prix
eft de 6. liv .
LIVRE de Pieces de Clavecin , contenant
plufieurs Divertiſſemens , dont les
principaux font , les caracteres de la
Guerre , ceux de la Chaffe , & la Fête
de Village . Dédié au Roy. Par François
Dan
JANVIER 1724. 97
Dandrieu , Organiste de la Chapelle de
S. M. & de la Paroiffe S. Merry 1724.
A Paris , chez l'Auteur , rue Sainte Anne ,
près le Palais , & à la Regle d'Or , ruë
S. Honoré , chez Boivin , in fol . de 65 .
pages , fans l'Epître , la Preface & la
Table. Le prix eft de 15. liv . en blanc .
Ce livre eft orné d'un très -beau frontifpice
, gravé par C. Simonneaù , où la
Guerre , la Chaffe , & la Fête Champêtre
font très -bien caracteriſées . Cet ornement
, la propreté dont tout l'ouvrage
eft gravé , & plus que tout , le merite &
la réputation de l'Auteur , doivent faire
rechercher ces Pieces avec empreffement,
par les Muficiens , & par les amateurs
de Mufique , qui font aujourd'hui en fí
grand nombre.
"''
TRAITE' PHILOSOPHIQUE de la foibleffe
de l'efprit humain . Par M Huet , ancien:
Evêque d'Avranches . A Amfterdam
chez H. du Sauzet 1723. in 8º de 2.96 ..
pages , fans l'averiiffement , l'éloge de M.
Huet , & la Table des Chapitres , qui
contiennent 40. pages.
3
LE GAGE TOUCHE ' , Hiftoire Galante,
chez le même Libraire , 2. vol . in 12 .
avec figures.
Ev
HIS
98 MERCURE DE FRANCE .
HISTOIRE DU CONCILE DE TRENTE
& des chofes qui fe font paffées en Europe
touchant la Religion , depuis la
convocation de ce Concile jufqu'à la fin .
Par feu M. Louis Elies du Pin , Docteur
en Theologie de la Faculté de Paris , &
Profeffeur Royal en Philofophie . A Bruxelles
, chez S. Tferftevens 1721 .
ENTRETIENS DES OMBRES aux Champs
Elifées , fur divers fujets d'Hiftoire , de
Folitique, & de Morale : Ouvrage traduit
de l'Allemand , par M. Valentin Jungerman
. A Amfterdam , chez Herman Vytwerf.
Les fix premiers mois qui font le
premier volume contiennent 624. pages.
On attribue cet ouvrage à diverfes
perfonnes : les uns croyent qu'ils font de
P'Auteur qui eft nommé dans le titre
d'autres l'attribuent à une Damoiselle de
beaucoup d'efprit qui s'eft cachée fous ce
nom , & d'autres enfin croyent y reconnoître
un homme de Lettres qui fait fon
féjour en Hollande. Quoiqu'il en foit de
l'Auteur de ces Entretiens , qui paroif
fent tous les mois , on peut juger par fon
ftile qu'il a beaucoup de feu & d'agré
ment , & qu'il merite affez le nom qu'il
s'eft donné , fuppofé que ce ne foit
le fien.
pas
Ce Traducteur nous apprend dans le
preJANVIER
1724. 99
mier avertiffement , que depuis qu'il eft
naturalifé en France , il doit regarder
ce Royaume comme fa Patrie , & en
procurer la gloire par tous les moyens
honnêtes qui font en fon pouvoir.Ce n'est
pas d'aujourd'hui , dit - il , que j'ai remarqué
que Meffieurs les Allemands fe
font enrichis aux dépens de la Litterature
Françoife. Il ne paroît pas un bon livre
qu'ils ne traduifent prefque auffi- tôt. Il eſt
temps d'ufer de reprefailles à notre tour
& lorfque nous les trouverons pillables
il ne faut pas fe faire un fcrupule de profiter
des ouvrages qu'ils publient en leur
langue. Il declare enfuite que fon deffein
n'eft pas de traduire en Notaire , & de
mot à mot. Il tient parole , & fon ouvrage
n'eft rien moins qu'une traduct on,
car il n'a tout au plus pris de fon origique
les noms des interlocuteurs .
nal
,
OEUVRES de M. l'Abbé de S. Real ,
nouvelle édition. A la . Haye , chez les
freres Vaillant , & N. Prevoft 1722 .
5. vol. in 12 .
DE LA PLURALITE' DES MONDES . Par
Chrétien Huyghens. A la Haye , che
J. Neaulme , vol . in 12. Le même Libraire
imprime in 12. la vie de M. Bayle ,
avec des remarques curieuſes .
E vj LUCA
100 MERCURE DE FRANCE.
LUCA Tozzi , Opera Medica omnia,
&c. Traitez de Medecine , de M. Tozzi,
Medecin Napolitain , divifex en cinq volumes
in 4°. A Venife , chez Nicolas
Pezzana 1721 .
On trouve dans ce livre une infinité
de remedes pour toutes fortes de maladies.
On a eu foin de faire remarquer
ceux qui font les plus efficaces , & les
plus éprouvez.
GATINETTO ARMONICO pieno d'inf
tromenti fonori , indicati , fpiegati , e di
nuovo corretti ed accrefciuti dal Padre
Philippo Bonanni della Compagnia di
Giefu , offerti al S. Rè David. In Roma;
nella Stamperia di Giorgio Plack 1723 .
Ce curieux ouvrage eft accompagné de
quantité de figures..
On a imprimé à Verone chez Jacques
Vallarfi un Teatro Italiano . C'eſt un choix
des plus excellentes Tragedies Italiennes
pour l'ufage de la ſcene . Le premier
tome qu'il donne au public contient la
Sophonisbe du Triffin , l'Orefte du Rucel-
Jai , qui a été reprefentée , & qui a été
fort applaudie , mais qui n'a jamais été
imprimée ; l'Edipe de Sophocle , traduite
par le Juftinien , & la Merope du
Torelli.
On
JANVIER 1724. ΤΟΥ
On donne avis au public qu'il va paroître
une nouvelle édition de l'Hiftoire
de la Bible , volume in-folio avec 267 .
planches par foufcription en faveur des
pauvres , le prix fera de 4. liv . 10. fols
pour ceux qui auront foufcrit ; & 6. liv.
pour ceux qui n'auront pas foufcrit ; elles
feront ouvertes depuis le premier Fevrier
jufqu'à la fin du mois de Mars .
On délivrera les exemplaires au mois
de May prochain , chez Alexis de la
Roche , Quay des Auguftins , proche la
rue Gille-coeur , à l'Efperance , & chez
Delclapart, du côté du Pont S. Michel , à
l'Efperance couronnée .
Le nouveau Coutumier general , pour
lequel on a foufcrit eft en vente , & l'on
délivrera les exemplaires aux Soufcripteurs
, le 15. Fevrier à Paris , chez les
fieurs Brunet & le Gras , Libraires au
Palais , & Cl . Robuſtel , Libraire , ruë
S. Jacques.
Voici le Titre du Livre.
NOUVEAU COUTUMIER GENERAL , OU
corps de toutes les Coutumes Generales
& particulieres de France , & des Provinces
connues fous le nom de Gaules ,
avec des Notes de Meffieurs Touflaint
Chauvelin , Julien Brodeau , & Jean-
Marie Ricard , Avocats au Parlement ,
jointes
TO MERCURE DE FRANCE.
jointes aux annotations de MM . Charles
Dumolin , François Ragueau , & Gabriel
Michel de la Roche -Maillet , mis en
ordre , & accompagné de fommaires en
marge des articles , d'interpretations des
Dictions obfcures employées dans les
textes de Liftes Alphabetiques des lieux
regis par chaque Coutume , & enrichi
de nouvelles Notes , tirées des principales
obfervations des Commentateurs , &
des jugemens qui ont éclairci , interpreté
ou corrigé quelques points & articles des
Coutumes . Par M. Charles Antoine Bourdot
de Richebourg , Avocat au Parlement
, 4. vol. in-folio.
On imprime actuellement chez Cailfeau
, Place de Sorbonne , des Meditations
Chrétiennes pour chaque jour de
l'année en deux tomes in - douze ; ce Livre
eft dédié à Madame la Ducheffe de
Vantadour. Le Pere Chappuis , Jefuite
de la Province de Lyon , qui eft l'Auteur
de ce Livre , eft deja connu par d'autres
ouvrages , & par fes fuccès dans la Prédication
..
Le nouveau Journal des Sçavans que
nous avons annoncé , a paru au commencement
de l'année , après une interruption
de fept mois , fous la forme in 12 .
&
JANVIER 1724. тоз
& in 4° l'un & l'autre en caracteres de
Cicero. L'in- quarto eft à deux colonnes ,
& contient 65. pages fans l'avertiffement
, & la Table. Cet ouvrage qui doit
paroître regulierement tous les mois fous
cette double forme , fe vend 30. fols ,
chez N. Piffot , Libraire , Quay des Auguftins
, lequel n'a rien épargné pour la
beauté du papier & des caracteres . L'empreffement
avec lequel le Fublic commence
à rechercher cet ouvrage periodique
, fait affez fentir que la beauté de
l'impreffion n'en eft pas le feul merite ,
fon fuccès eft dû en effet à un autre changement
, que celui de la forme exterieure.
On apprend dans l'avertiffement que
les Journaliſtes renoncent déformais aux
vacances , & qu'on donnera toûjours fans
interruption 12. Journaux par an.
Nous nous éloignerons également ,
& de la baffe flaterie , & de la cenfure «
amere ( nous dit- on dans cet avertiffe- «<
ment ) nous voudrions pouvoir toûjours «
louer , mais l'équité s'y oppofe . Le bon <<
goût & le progrès des fciences font in- «
tereffez au difcernement des ouvrages. «<
Ainfi nous louerons , & nous cenfure- «
rons auffi quelquefois ; mais quand nous &
ne pourrons donner des éloges , on s'ap. «<
percevra du moins que nous ne préten- «
dons
104 MERCURE DE FRANCE.
>> dons rendre des Arreſts . A propre pas
» ment parler nous ne jugerons point ;
>> nous ne voulons être que les échos des
fçavans , & dreffer tout au plus le difpofitif
des jugemens qu'ils auront ren-
» dus avant nous , & c.
>>
>> Nous dirons à la loüange des Jour-
>> naux Litteraires en general , que tous
» les Païs où les Lettres fleuriffent , pro-
» duifent aujourd'hui de ces ouvrages.
» Comme leur nature eft de ne pouvoir
>> naître que parmi les nations fçavantes ,
>> ils intereffent en quelque forte la ré-
>> putation des Etats & la gloire du Prin-
» ce. On peut dire même que tous les
Journaux , de quelque pays qu'ils nous
» viennent , font un honneur particulier
» à nôtre nation , parce qu'ils font tous
» en quelque façon originaires de Fran-
» ce. C'eft à Paris que le premier Jour-
» nal eft né , & ce premier Journal a
» dans la fuite fervi , de modele à tous
>> les autres , auffi bien qu'à tous les Me-
» moires des Académies de l'Europe . Le
» nôtre eft donc comme le pere de tous
» les Journaux . On ne fçauroit au moins
» lui contefter le droit d'aîneffe . Puiffe-
» t'il avoir encore la préeminence du
merite , qui n'eft cependant pas toû
» jours le partage des aînez.
La
JANVIER 1724. 105
Le Jeudi 30. Decembre dernier M.
1'Abbé Alary , prit féance à l'Académie
Françoiſe qui l'avoit élû pour remplir la
place de feu M. de Melmes , Premier
Prefident du Parlement de Paris. M..
l'Abbé Alary a eu l'honneur d'être un
des Inftituteurs choifis pour les études
du Roy , & on peut avancer hardiment
qu'il eft plus glorieux pour lui de s'être
prefenté avec ce titre qu'avec des ouvrages
même applaudis. Quoique fa mo
deftie femble feule lui avoir dicté fa harangue
; on fent pourtant bien que fon
efprit s'en eft mêlé , & que fes foins . ont
parfaitement réüffi . Ce diſcours finement
& délicatement écrit , met le public en
droit de faire de juftes reproches à celui qui
l'a compofé ; ne doit- on pas tenir compte
de fes talens à ce public qui les perfectionne
? L'Exorde de M. l'Abbé Alary ,
fait autant honneur à fon coeur qu'à ſon
efprit. C'eſt un monument de fa reconnoiffance
pour M. le Marquis , & M.
l'Abbé de Dangeau , & l'aveu genereux
qu'il fait des bienfaits qu'il en a reçûs
n'eft pas moins une louange pour lui,
que pour ces deux illuftres freres .
Les Portraits du Cardinal de Richefieu
& de Louis le Grand , quoique traitez
déja par mille pinceaux paroiffent
enfuite avec des couleurs nouvelles , &
cepen106
MERCURE DE FRANCE .
cependant juftes. Toute l'Europe attenti
ve à fes deßeins , dit-il , en parlant du
Cardinal de Richelieu , & executant fes
ordres dans le temps même qu'elle croyoit
le plus y résister , auroit fuffi à l'ambition
du politique le plus conformé , mais les
aftes projets d'Armand alloient encore
plus loin , toujours plein des fiecles futurs
quand le fien fembloit épuifer tous fes foins,
& l'occuper tout entier , il comptoit que.....
la gloire de la Nation feroit enfevelie , fi
la langue qui la devoit immortalifer n'étoit
portée à fa plus haute perfection . Voici
un trait qui feul caracterife Louis XIV.
il respectoit fa place , il la faifoit respecter
aux autres ; il étoit homme pour les
malheureux , il étoit Roy quand il falloit
reprimer l'injustice , & vanger l'inno
dence. On ne peut peindre les vertus de
ce grand Roy, fans penfer à celles de
fon arriere - petit - fils. A peine forti de
L'enfance , il marche déja fur les traces de
fon prédeceffeurs l'amour de l'ordre , la
bienfeance qui regle fes difcours & Ses
actions , cette difcretion fi neceffaire pour le
gouvernement , cette douceur , ces graces
majestueuses , tout nous rappelle fon augufte
Bifayeul.
M. l'Ancien' Evêque de Fréjus ne
fçauroit être oublié quand on parle d'un
Prince aimable , précieux dépoft confié à
Les
JANVIER 1723. 107
fes foins. Ce Prelat qui dans le fein de la
Cour a fait éclater un defintereffement dis
gne des premiers fiecles de l'Eglife ne fonge
qu'à donner un pere à la Patrie.
Après ces éloges fuit celui de M. le
Premier Prefident de Mefmes , qui eft
manié avec un art infini ; celui de Mon- '
fieur le Duc d'Orleans défunt n'a pas
moins de force & de fineffe. Quelle forte
de connoiffance avoit échapée àfa penetration
? chaque art lui avoit découvert fes
délicateffes , & l'accueil le plus affable ,
la fimplicité la plus modefte , rehauffoient
encore le prix de fes plus rares qualitez
Quelle fuperiorité ne falloit-il pas pour
s'attirer le refpect fans l'appareil de la
grandeur ? l'hommage forcé que les places
exigent approche-til de celui qui ne fo
rend qu'à la perfonne ? Vous n'en connois
Sex point d'autre , ajoûte- t'il en s'ad
dreflant à fes nouveaux Confreres
و
>
نم
eft l'unique qu'il vous convient de recevoir
& de rendre. Le merite feul a des
droits fur vous ; il doit justifier les faveurs
de la fortune , ou accompagner l'éclat
dela naiẞance ; vous voulez toûjours
que les dignite foient la preuve des ta-
Tens ou la récompenfe de la vertu.
- Cet Extrait de la Harangue de M.
L'Abbé Alary , & le peu d'ufage qu'il a
fait jufqu'à prefent pour le public d'une
élo-
E
108 MERCURE DE FRANCE.
éloquence fi brillante & fi neuve , démontrent
clairement que ce ne font pas
toûjours les meilleures plumes qui écri
vent davantage. La réponfe de M. l'Abbé
Dubos , Secretaire perpetuel de l'AcadémieFrançoife
foutient cette propofition en
faveur de M. l'Abbé Alary. Il est vrai ,
lui dit- il , Monfieur , que vous n'apportez
pas ici les titres qui déterminent ordinairement
l'Académie dans les élections.
Vos ouvrages n'ont paru encore qu'aux
yeux de vos amis , mais vous nous appor
tez des talens qui juftifient bien nôtre
choix une érudition capable de faire
bonneur à des fçavans qui auroient vêcu
deux fois l'âge où vous êtes un jugement
auffi folide que fi vous aviez employé
tour votre temps à l'étude des feiences
, dont le principal merite eft de nous
accoûtumer à raisonner avec juft ffe , &c.

La préciſion ne nous permet pas de
donner un abregé plus étendu de la reponfe
de M. l'Abbé Dubos qui raffemble bien
des traits dignes d'être citez.
Nous ne rappellerons que celui- ci au
fajet de M. le Duc , chargé par le Roy
des fonctions de Principal Miniftre. C'est
un Prince , dit M. l'Abbé Dubos , trop'
jufte pour prendre des réfotutions qui ne
foient pas équitables , & trop ferme pour
varier dans celles qu'il aura prifes.
SUJET
JANVIER 1724. 109
·
鮮茶
SUJET que propofe l'Academie des
Belles Lettres , Sciences & Arts , établie
à Pau pour l'Ouvrage qui doit rempor
ter le Prix de l' Année 1724.
Es Etats Generaux de Bearn , toû
jours attentifs à tout ce qui peut procurer
quelque utilité à la Province , ont
bien voulu accorder aux Meffieurs de
l'Académie , établie à Pau , une fomme
annuelle pour fon établiffement , augmentation
, & pour la rendre plus ftable.
Cette liberalité a engagé les Meffieurs
qui compofent cette Compagnie, à adjuger
pour prix , chaque année , une Medaille
d'Or , où feront gravées d'un côté les Armes
de la Province , avec ces mots ( Ex
liberalitate Provincia ) & de l'autre , la
Devife de l'Academie.
Elle avertit le Public qu'elle le deſtine
à une piece d'Eloquence d'une demi - heure
de lecture , tout au plus , fur ,
LE BONHEUR DE L'HOMME NE CONSISTE
PAS A ESTRE SANS PASSIONS , MAIS A
S'EN RENDRE LE MAÎTRE
Toutes les Perfonnes du Royaume pourront
remporter le Prix ; l'Académie ayant
en vue de faire naître par là plus d'émulation
110 MERCURE DE FRANCE,
t
lation parmi fes Habitans. On le diftribuera
le 24. Août 1724. à l'Auteur
de la Piece qui fera trouvée la plus
digne.
Ceux qui voudront travailler doivent
envoyer leurs Ouvrages avant le premier
de Juin prochain ; s'ils arrivent plus tard,
ils n'entreront point en concours . Il y aura
au bas de chacun une Sentence , & l'Auteur
, dont l'Academie veut ignorer le
nom jufqu'à ce qu'elle ait donné fon jugement
, mettra dans un Billet feparé &
cacheté , la même Sentence , avec fon
Nom & fon adreſſe.
Les Ouvrages que l'on envoyera de la
maniere cy - deffus expliquée , feront
adreffez aux Meffieurs de l'Academie à
Pau. On aura foin de faire affranchir le
port de ceux qu'on mettra à la Pofte , fans
quoi ils ne feroient pas retirez.
,
Le fieur Martin , Libraire , imprime le
Catalogue des Livres de feu M. Feffart
celebre Avocat , dont la Bibliotheque eſt
principalement recommandable par
les
Livres de Jurifprudence , qui font en
grand nombre , & par les collections &
les études du défunt , fi eftimé du Public ,
Far fa droiture & fa grande capacité.
On a foutenu depuis peu dans les
Ecoles
JANVIER 1724. III
Ecoles de Medecine , à Paris , une grande
Thefe , contre la pratique de l'inocu .
lation de la petite verole.
Nous apprenons de Berlin que le nouveau
College de Medecine s'affembla
pour la premiere fois le 29. du mois paffé,
Tous les Membres y furent introduits par
M. de Printzen , Curateur de toutes les
Academies Royales . Les Leçons s'y feront
en Langue Allemande.
On apprend de Madrid , que le Roi
d'Efpagne , confiderant l'utilité & la gloi
re de la Nation , a accordé à l'Academie
Royale Eſpagnolle qu'elle a fondée depuis
fon avenement à la Couronne , une rente
annuelle de 60000. réales , pour les frais
de l'impreffion de fon nouveau Dictionnaire
, & lorfque l'édition en fera achevée
, les arrerages de cette rente feront
employées à fournir aux frais de fes correfpondances.
On mande de Rome qu'on y a inhumé
depuis peu dans l'Eglife de Jefus , le
corps de Ferdinand Padrone , fameux Architecte
, qui fous le Pontificat d'Innocent
XII. trouva le moyen de faire conduire
les eaux d'une fource de la montagne de
Tolfa , dans la Ville de Civita - Vecchia.
Le
.
112 MERCURE DE FRANCE.
Le Tréforier de la Chambre Apoftokique
a fait porter dans une des Salles du
Palais Pontifical , une ftatuë de marbre
blanc de Jules - Cefar qui a été trouvée
dans les fondemens qu'on a creufez depuis
peu pour conftruire les fortifications
du Port de Sainte Felicite.
Le Prince Borgheſe a fait prefent au
Pape d'un Crucifix d'or , du poids de
douze marcs.
On apprend de Lisbonne que les conferences
de Medecine qui avoient été interrompues
pendant quelque tems , furent
recommencées le 12. de l'autre mois,
dans la maifon de Jofeph Gomez , Profeffeur
en Chymie & en Pharmacie. On
y
lut une Differtation fur les fractures
des os , & fur les meilleurs moyens qui
en procurent la réunion . La Séance finit
par la lecture de quelques pieces de Poëfie
, à la louange de l'Anatomie.
On a expofé à Venife dans une des
Cours du nouveau Palais des Procurateurs
de S. Marc , un groupe de marbre
blanc , reprefentant le tems qui découvre
la verité. Ces deux figures font l'ouvrage
d'Antoine Corradini fameux Sculpteur
Venitien . Ce beau morceau eft deftiné
pour le Palais du Roi de Pologne ,
à Drefde, LET-

JANVIER 1724. 173
EXTRAIT de diverfes Lettres.
DEpuis
1720. il s'eft trouvé ici
(Ganderheim ) dans quelques oeufs
de poule , que des femmes étrangeres &
inconnues ont vendu , quatre , cinq &
fix lentilles ou pois entre le blanc & le
jaune , qui ayant été femez , ont pour la
plûpart levé & produit à l'ordinaire. Nos
Sçavans ont beaucoup travaillé par l'ordre
de S. A. S. Mad l'Abbeflè Elifabeth
Erneffe , pour expliquer comment ces
grains ont pu pafler dans ces oeufs , &
n'ont rien dit qui fatisfaffe l'efprit . Pour
les autres ils n'y ont pas tant cherché de
fineſſe ; ils attribuent le tout à la forcellerie.
Nous rapporterons à ce fujet ce qui
arriva il ya quinze ans à la femme d'un
Marchand de Venife. Elle étoit tourmentée
d'une tumeur en forme d'oeuf de pigeon
, fitué en un endroit que la pudeur
empêche de nommer. Après qu'on y eut
appliqué quelque tems un emplâtre ,
on fut furpris d'en voir fortir une petite
branche de romarin , dont les feuilles
étoient auffi vertes que fi elle venoit d'être
coupée fur la plante. On communile
fait à M's qua Senachi , Hartman , Pafol,
& Matthini ; mais , à mon avis, ils ne
xéuffirent pas mieux que nos Sçavans .
Notre Recteur M. J. Criftophe Ha-
Fremberg
S
114
MERCURE
DE FRANCE
.
remberg a fait imprimer une Differtation
fur un Paflage d'Amos , chap. 5. v. 25.
26. 27. & fur celui des Actes des Apôtres
, chap . 7. v . 42. & 48. fous ce titre:
Difquifio conjecturalis propemtica de
Idolo Chiun & Rephan. L'Auteur prétend
prouver par quelques Antiquitez
Egiptiennes , qu'on ne doit entendre par
ces mots autre chofe que le Fleuve dụ
Nil , que les Egyptiens défignoient par
Saturne dans le Ciel. Il fait voir de plus
la conformité des noms en plufieurs Langues
Orientales. Il fortifie fon opinion
d'autoritez aufquelles il joint de frequentes
reflexions. Si fon Ouvrage eft bien
reçu du Public , il fait efperer de donner.
des éclairciffemens fur plufieurs Idoles
inconnues jufqu'à prefent ; & de fait ,
promet dans l'Epître dédicatoire une
Differtation particuliere de Jove Cafio
qui a été adoré à Seleucie de Sirie , fous
la forme d'un écueil.
il
Enfin il a paru ici, ( Milan ) à la grande
fatisfaction du Public" , deux Tomes ,
Rerum Italicarum du fçavant Ludovico
Antonio Muratore , Bibliothecaire de fon
A. S. le Duc de Modene , & l'on attend
avec impatience les autres qui font fous
La preffe.
Almoro Albrizzi vient de nous donner
(Fenife ) le premier Tome des Extraits .
des
JANVIER 1724. 115
des Principaux Journaux des Sçavans de
1'Europe ; il est tiré de la Bibliotheque
ancienne & moderne, Amſterdam . 1. part.
tom . xix. & des Actes des Sçavans de
Lipfic. part. LXXXVI . Le fecond , qui eft
tout prêt , eft extrait des Journaux des
Sçavans.
M. Berger , Confeiller du Duc de
Wirtemberg , fait imprimer ici , ( Vvirtemberg
June Differtation Critique , Hif
torique , Morale & Juridique fur les Maf
ques , accompagnée de 180. figures en
taille- douce ,gravées par Wolffgang , celebre
Graveur à Berlin . Elle paroîtra fous ce
titre : Commentatio de Perfonis, feu Larvis ,
Critica, Hiftorica , Moralis ac Juridica,
On nous écrit de la Haye que M. de la
Grange, Poëte François, y a publié un Recueil
de fes Oeuvres mêlées , dont nous
pourrons donner un Extrait le mois prochain.
L'Eglife & la Republique des Lettres
ont perdu le 11. de ce mois M. Jacques
de Poiffon , feul Chevalier Noble &
Commandeur Ecclefiaftique des Ordres
Royaux de S. Lazare , & de Notre-Dame
de Mont- Carmel . Le feu Roi l'avoit honoré
des principales Charges de fa Chapelle
pendant plus de trente ans , & l'avoit
enfuite donné à Madame la Dauphi-
Fij
ne ,
116 MERCURE DE FRANCE .
ne, Adelaïde de Savoye . Pendant ce temslà
il fut pourvû des Abbayes de Bournet
& de Beuil. Il joignoit à une naiffance illuftre
un goût & une délicateffe pour les
fciences qui l'avoient fait fouhaitter dans
toutes les Academies d'Italie & de preſque
toute l'Europe , & il ne s'étoit excufé
d'y entrer que par le travail immenfe
qu'il avoit entrepris ; fçavoir , de donner
une Traduction fidelle des Conciles compilez
en 1696. par Bini. Cet Ouvrage
qu'il difpofoit pour la preffe avec un
Suplement eut été d'un grand fecours aux
gens de lettres pour difcerner dans les
Actes des Conciles ce que l'ignorance des
fiecles groffiers , ou la malice des heretiques
ont pû introduire d'apocriphe ou de
fuppofé. Il avoit encore entrepris de traduire
en Latin la grande hiftoire de France
par Mezeray qu'il vouloit auffi traduire
en Grec , en faveur des Orientaux . Ce
Sçavant joignoit à fon érudition une po
liteffe & une generofité qui rendoient fa
maifon & la Bibliotheque ouvertes à tous
ceux qui en avoient befoin. On affure
qu'il a refufé plufieurs Evêchez dans les
tems où fes Sermons l'ont fait defirer des
plus grands Diocèfes , content de donner
fon tems à la priere , à l'étude , & à
éclairer ceux qui venoient le confulter.
Il est mort à l'âge de So. ans . regretté
:
des
JANVIER 1724. 117
eten des gens de la plus finguliere diftinction ,
B & on a crû qu'un homme de ce carac-
Intere meritoit d'être inhumé , comme il
O l'a été dans l'Eglife Metropolitaine de
er Paris . On attend avec impatience que
fes heritiers donnent au public les fruits
ex de plus de foixante ans , d'un travail
affidu , utile à l'Eglife & honorable à nôtre
nation .
Michel Boyer , Peintre ordinaire du
T Roy , pour l'Architecture & la Perfpective
, penfionnaire de Sa Majefté , demeurant
aux Galleries du Louvre , Confeiller
de l'Académie Royale de Peinture &
Sculpture , mourut à Paris le 15. de ce
mois , âgé de 56 ans , dans de grands
fentimens de Pieté & de Religion ; outre
fon rare talent , il étoit très - bon & fidele
ami , ce qui le faifoit eftimer det
tous ceux qui le connoifloient.
La penfion de 600. liv. qu'avoit M.
Boyer , a été donnée à M. de Chavanes ,
fils d'un Netaire de Paris , Peintre du
Roy, excellent Païfagifte aux Gobelins.
L'Abbé Molaire , nouveau Profeffeur
du College Royal , fit le 20. de ce mois,
l'ouverture d'un cours de Phifique , par
un Difcours préliminaire qui fut fort
applaudi.
F iij
EX118
MERCURE DE FRANCE.
TTA
EXPLICATION des Types &
Legendes des Jettons frappez pour le
premier Janvier 1724. dont la planche
eft ci à côté.
L
TRE'S OR ROYAL.
A figure d'un Fleuve , qui avec for
Urne répand des eaux dans un grand
Ballin , Legende. Recipitque refertque
Il rend ce qu'il reçoit.
PARTIES CASUELLES.
:
Un grand Chefne qui laiffe tomber
quantité de glands , Legende : Sic manet
immortale genus. C'est ainsi que fa race
s'immortalife.
CHAMBRE AUX DENIERS .
Un Arrofoir répandu fur de jeunes.
Lauriers , Legende Certior imbre. Cette
pluye affure leur vie.
BASTIMENS DU ROY.
J
Apollon bâtiffant les murailles de Thebes
, en jouant de la Lyre , Legende : Saxa
aurita moventur. Les Pierres entendent ,
& ſe meuvent d'elles - mêmes.
ORDFJET
TONS DE LA
1.
II.
TMM
RECIPITQUE
REFERTO
SIC MANET
IV.
LES CASUELLES .
1724.
AURITA
1727
BOURBON
AMICO
TRESOR ROYAL .
1724
REX
MOVENTUR
ETIAMQUE
TOULOUZE
ADMIRAL
DE
SIDERE
MARINE
TUTA
PER
CHRI
OTIA
EXTRAORDINAIR
DES GUERRES .
1724.
VI.
[

}
119
JANVIER
1724-
ORDINAIRE DES GUERRES.
La tête de Medufe reprefentée fur un
Bouclier , Legende : Contra quid poffent
ruentes ! Que pourroient contre elles les
efforts ennemis !
EXTRAORDINAIRE DES GUERRES .
La Maffuë d'Hercule. Legende : Etiam
que per otia terret. Elle infpire la crainte
, même dans fon repos .
MARIN E.
Un Vaiffeau en plaine Mer conduit
par les étoiles de Caftor & Pollux . Legende
: Sub amico fidere tuta. Je vogue en
furetefous cet aftre protecteur:
GALERES.
Des Oifeaux de Proye qui femblent
s'égayer en volant fur une mer calme.
Legende : Difcuntque per otia bellum.
Ils apprennent la guerre dans le calme
même.
F iiij. SPEC
120 MERCURE DE FRANCE
L
SPECTACLES.
E 7. de ce mois les Comediens
François ont remis au Theatre la
Tragedie de Nithetis de M. Danchet , de
l'Académie Françoiſe , dont nous donnâmes
un Extrait , lorfqu'elle parut l'année
paffée. L'Auteur y a fait quelqués
changemens qui ont contribué à la faire
encore plus goûter du Public. La diftribution
des rôles a été la même, à la réferve
de celui de Nithetis , que la Dille Lecouvreur
n'a pas été en état de jouer d'abord,.
& que la Dile Labat a rempli au gré des
Spectateurs. Cette jeune perfonne promet
beaucoup , l'intelligence , les graces ,
la Nobleffe , & beaucoup de décence entrent
également dans fon jeu. Le Public
l'a encouragée par fes applaudiffemens.
Le 8 , la De la Chaife , qui avoit déja
été de la Troupe des Comediens François
, reparut comme poftulante , & joüa
les rôles de Suivante dans Democrite , &
dans les Folies amoureufes , ainfi que
dans Tartuffe , & la Serenade .
Le 19. de ce mois les Comediens Italiens
donneront une Piece nouvelle d'un´`
Acte en profe , avec des Vaudevilles &
des
JANVIER 1724 . I2I
des Chants , intitulée : Le mariage d'Arlequin
avec Silvia , ou Thetis & Pelée
déguife.
Cette piece ne fut point goûtée du
Public , qui trouva cependant à ſe dèdommager
à la Double Inconftance qu'on
reprefenta d'abord ; c'eft une des meilleures
Comedies de M. de Marivaux .
Le 22. il parut un autre Actrice au
Theatre François , dans le rôle de la
fuivante des Folies amoureufes de feu M.
Renard. La Dile Nefmond qui donne lieu
à cet article , eft une jeune perfonne qui
n'a jamais joué la Comedie."
Le 26. on donna fur le même Theatre
la premiere repreſentation de l'Impatient,
Comedie en cinq Actes , & en vers avec
un Prologue , par M. de Boiffi , Auteur
de la Rivale d'elle -même , qui fut jouée
avec fuccès il y a trois ans. La premiere
repreſentation de cette Piece a été fort
applaudie. Nous en parlerons plus au
long , & nous en donnerons un Extrait,
On apprend de Venife que le 26. de
Pautre mois tous les Theatres furent
r'ouverts , & l'on reprefenta fur celui
de S. Chrifoftome , un Opera nouveau
intitulé le plus fidele des Amis.
Le 5. de ce mois on repreſent a fur
FY celui
122 MERCURE DE FRANCE:
celui de S. Moyfe , un nouvel Opera
qui a pour titre : les Effets de l'Amour &
de l'Aubiton.
NOUVELLES ETRANGERES.
Turquie.
L'Envoyé du Roy de Perfe à Conftantinople
, eut audience du Grand
Vifir au commencement de l'autre mois.
11 fe plaignit de l'entrée des Troupes du
G. S. dans la Georgie , & dans d'autres
Provinces de la Perfe. Ce Premier Miniftre
lui répondit que S. H. s'étoit crûë
obligée de s'affurer de ces Provinces pour
arrêter le progrès des Troupes du Czar,
dont la grande puiffance caufoit de l'ombrage
à la Porte . Le G. V. a affuré cet
Envoyé que S. H. ne feroit retirer les
troupes , que lorfque le Roy de Perfe fe
feroit mis à fa difcretion , & qu'il n'auroit
plus de liaiſon particuliere avec Sa
Majefté Czarienne .
On affure que l'armée Othomane , qui
eft commandée par Haffan , Eacha de
Bagdat , s'eft emparée de Schirmanshach
& de Hamedan , Villes confiderables fur
la route d'Ispahan que l'autre armée du
Grand
JANVIER 1724,
123

Grand Seigneur , de 40000 hommes ,
commandée par le Bacha de Baffora
fils du Bacha Haflan , eft entrée dans la
Province de Schiwan , & qu'elle fe difpofe
à faire le frege d'Erivan , après s'être
emparée de la Ville de Gangia .
La troifiéme armée du G. S. commandée
par Achmet , Bacha , eft en Georgie
où elle a fait de très- grands progrès , &
on croit qu'elle va marcher vers la Capitale
de la Perfe. L'armée de l'Ufurpateur
Miry-Mamouth , n'eft, dit- on , compofée
que de 30000. hommes .
Quelques lettres portent qu'une partie
des troupes du Grand Seigneur qui avoient
penetré dans la Georgie , avoient été attaquées
par celles du Roy de Perfe ; que
ces dernieres avoient eu l'avantage , &
que les Turcs avoient été contraints de
fe retirer du côté de Tiflis.
On mande de Conftantinople que fi
le Divan prend la réſolution de declarer
la guerre à la Ruffie,on arborera la gran--
de queue de cheval dès que le Grand Vifir
fera prêt à partir pour aller fe mettre
à la tête de l'arinée qui fera , dit -on , compofée
de 120000. hommes , outre 45000.-
Tartares.
On ajoûte que Gianum Coggia , eft
en grande faveur à la Porte , qu'il a la
direction des affaires de la Marine , &
qu'il eft admis au Divan . F vj Nous
124 MERCURE DE FRANCE:
Nouvelles de Conftantinople du mois
dOctobre 1723 .
St
Ur la fin du mois paffé une des Sultanes
a mis au monde une Princeffe,
dont la naiffance a été celebrée à l'ordinaire
par le bruit du canon du Serrail
de l'Arcenal , des Vaiffeaux , & des Galleres
qui font dans ce Port.

M. Gritti , nouveau Bayle , ou Ambaffadeur
de Venife qui vient relever M.
Emo eft arrivé le 7. de ce mois en ce
Port fur deux Galeres que fa Hauteſſe
avoit envoyées au Tenedore , fuivant le
ceremonial ordinaire pour recevoir ce
Miniftre , & le tranfporter en cette Ville;
les deux Vaiffeaux de la République, fur
lefquels ce Miniftre étoit parti de Venife
iront hiverner à Corfou , en attendant le
départ de M. Emo. M. Gritti fera inceffamment
fon entrée publique en cette
Ville , il aura enfuite fon audience du
Grand Vifir , & . du Grand Seigneur. M.
Emo , ancien Bayle , a étéfuivant l'ufage
recevoir & complimenter fon fucceffeur
fur les Galeres du Grand Seigneur , l'a
conduit au * Baylage de Venife , à Pera,
où il l'a regalé pendant trois jours , &
s'eft retiré enfuite dans une maison par
C'eft le Palais de ces Miniftres.
ticu
JANVIER 17240 127
ticuliere qu'il s'étoit fait preparer avant
P'arrivée de ce nouveau Miniftre , danslaquelle
il restera jufques à fon départ
pour Venife.
Il n'y a eu aucune nouvelle conference
entre les Miniftres de la Porte , & le
Réfident de Mofcovie au fujet des affaires
de Perfe , depuis celle qui avoit été
tenuë le 19. Aouft : on peut juger delà
que ces conferences auront été fufpendues
jufqu'à ce que M. Nepluyeff , Réfident
de Mofcovie , ait reçû la réponſe aux Lettres
que portoit le Courier qu'il avoit
dépêché en Mofcovie après cette conference..
Le 17. de ce mois il eft arrivé en cette
Cour un Ambaffadeur de la part de Tamas
Chah , fils du Sophi qui eft toûjours
à Tauris avec un corps de troupes confiderable
qu'il a ramaffe . Ce Miniftre qui
avoit été retardé près de fix mois fur les
frontieres pendant que l'on déliberoit à
la Porte fi on devoit le recevoir a
vaincu cette premiere difficulté , par le
moyen des repreſentations du Pacha de
Van. Il eft venu en pofte accompagné
de huit ou dix perfonnes , & a eu fon
audience du Grand Vifir peu de jours
après fon arrivée . On écrit qu'il eft déja
entré en conference avec les Miniftres
de cette Cour , & que le fujet de fon
Amballa
126 MERCURE DE FRANCE.
Ambaffade eft pour demander du fecours
à la Porte contre Miri- Mamouth.
1
Les Turcs n'ont encore agi que foiblement
fur les frontieres , on en attribue
la caufe aux divifions qu'il y a eu
entre les Commandans . Ibrahim Pacha
qui étoit Seraskier , a été dépofé à cette
occafion , & cette Charge donnée à Arefi-
Mehemet Pacha qui commande en même
temps dans toute la Georgie.
Il eft venu depuis peu de jours quelques
Seigneurs ou principaux des peuples
appellez Abaffa pour le mettre fous
la protection de la Forte , & fervir en
même temps d'otage de la fidelité de leurs-
Chefs .
Les pluyes frequentes qu'il fait en ce
pays dans cette faifon ont fait revenir à.
Pera tous les Miniftres des Puiflances-
Etrangeres qui étoient difperfez dans
des maifons de plaifance aux environs de
cette Ville , pour laiffer paffer le temps
de la contagion , quoiqu'elle ne foit pas .
totalement finie.
Ruffie.
E Grand Chancelier a fait dire aux
Miniftres Etrangers , que le Czar
ayant deffein de fe faire couronner inceſ
famment à Mofcou , il croyoit qu'aucun
d'eux ne refuferoit de fe trouver à cette
ceremonie. On
JANVIER 1724. 127
On a envoyé à Revel des ordres du
College de l'Amirauté pour faire équi
per les trois Vaiffeaux de Guerre , & les
quatre Fregates qui avoient été deſtinées
pour l'Ocean , & qu'on avoit fait defarmer
depuis environ deux mois .
Les Metropolitains du pays fe font
rendus à Mofcou pour fe trouver à la
ceremonie du Couronnement de leurs
Majeſtez Czariennes ; les principaux Generaux
des Cofaques s'y font auffi rendus
pour recevoir les ordres du Czar à
fon arrivée & delà rejoindre leurs
troupes qui font campées du côté de
Pultova où les Tartares font venus
camper à fix lieuës , au nombre de vingt
mille hommes. Oh a pofté un corps
de dix mille Cofaques , & de quatre
mille Mofcovites dans les environs de
cette Fortereffe pour obferver la contenance
& les démarches de ces Tartares .
Les douze Regimens qui devoient paffer
en revue à Mofcou , ont reçû de nouveaux
ordres de fe mettre en marche ;
neuf de ces Regimens ont pris la route
de Pultova , & trois , celle d'Aftracan .
On apprend de Turquie que le Grand
Vifir avoit fait affurer M. Dierling , Réfident
de l'Empereur à Conftantinople ,
que fa Hautelle ne feroit rien contre les
Traitez conclus avec Sa Majefté Imperiale
,
128 MERCURE DE FRANCE.
riale , qu'avec le Roy & la République
de Pologne , & qu'il n'avoit raffemblé
fes troupes que pour s'oppofer aux entrepriſes
du Czar fur la Perfe.
Suede.
ON écrit de Dantzich que M. Erdeman
, Commiffaire
du Czar, avoit
fait partir pour Petersbourg une trèsgrande
quantité de bled , & qu'il avoit
reçû ordre depuis quelques jours d'en
acheter encore mille Larts , & de les
faire partir auffi-tôt que la faifon le permettra..
Les Lettres de Curlande & de Livonie
portent que les Bailliages de ces
Provinces devoient fournir à leurs frais
à Sa Majefté Czarienne un nombre confiderable
de jeunes gens ; mais que cette
levée fe faifoit très- difficilement , & que
la jeuneffe abandonnoit les Villages , &
fe fauvoit vers les frontieres ..
Le Comte de Tarlo ayant obtenu de
la derniere Affemblée des Etats du Royaume
les fubfides qu'il follicitoit pour le
Roy Stanislas , eft parti le premier Decembre
pour l'aller rejoindre dans le
lieu de fa Réfidence.
On apprend encore de Coppenhague
qu'on y imprimoit actuellement le nouveau
Reglement pour les Peages du paffage
JANVIER 1774 120
ge du Sund , auquel on travailloit depuis
très-long-temps . Le bruit court qu'il eft
avantageux aux négocians étrangers .
On a arrêté pour dettes à Berlin le
Miniftre de Suede à la Cour de Pruffe ,
& le Senat s'eft affemblé extraordinairement
le 20. Decembre après - midy , afin
de prendre les mefures neceffaires pour
lui procurer la liberté .
Pologne.
Lde temps après l'arrivée du Roy ;
A Diette generale s'affemblera peu
qu'on attend inceffamment à Varfovie .
On compte que les Proteftans du Royaume
y prefenteront le Memoire qu'ils ont
dreffé contre les Catholiques , pour demander
la reftitution des biens fonds ,
& des revenus dont ils prétendent que
le Clergé s'eft emparé. Les Evêques , &
les Ecclefiaftiques du fecond Ordre fe
difpofent à leur répondre , & à détruire
leurs prétentions. On croit que cette
affaire fera la principale occupation de la
Diette:
Le parti attaché au Roy fait des perquifitions
pour découvrir les Nobles qui
époufent encore les interefts du Roy Staniflas
; cela fait conjecturer qu'on prendra
des mesures dans la Diette prochaine contre
les deffeins qu'ils pourroient former
en fa faveur.
Le
130 MERCURE DE FRANCE.
Le Roi de Pologne partit de Dreſde
pour Warfovie le io. de ce mois . Quelques
jours auparavant fa Majefté donna
FOrdre de l'Aigle- Blanc au Prince de
Neuftadt. C'est le premier Seigneur Ecclefiaftique
auquel elle ait accordé cette
faveur .
S. M. P. a nominé le Baron Wederkorp,
P'un de fes Chambellans , pour fon Envoyć
extraordinaire à la Cour de France .
Allemagnes
Le fix de Decembre on afficha à Vien
ne deux Ordonnances contre les Mandians
& autres gens fans aveu , par lefquelles
les perfonnes charitables font invitées
à porter leurs aumônes dans le
tronc public des Eglifes , afin que la diftribution
s'en falle avec connoillance par
le Comte de Khevenhuller , Lieutenant
de cette Ville .
Oh mande de Hambourg que le Capitaine
Pretorius ,, foupçonné d'être le
principal Auteur de l'affaffinat du feu
Comte de Rantzau , avoit été arrêté à
Croffen en Silefie , & de - là conduit dans
les prifons de Rendefbourg.
Le Comte Merfch, Plenipotentiaire de
P'Empereur dans le Cercle de la Baffe Saxe,
a été choifi par S.M.I. pour affifter en qualité
de fon Commiffaire àl'élection de l'Evêque
I


JANVIER 1724. F31
vêque de Hildeim . On ne doute pas que
le Prince Theodore de Biviere , Evêque
de Ratisbonne , & Coadjuteur de Freyfingen
, ne foit élu. Le Comte de Curteni
a été revêtu du même caractere ,
de la part de l'Empereur , à l'élection de
Evêque de Liege .
Hollande , & Pays - bas.
-Leurs Hautes Puiffances qui avoient
chargé leur Miniftre à Liſbone de traverfer
la négociation du Traité de commerce
propofé par l'Empereur pour l'avantage
de la Compagnie Orientale de Triefte ,
n'ont pu réuffir. Le Roi de Portugal leur
a fait répondre par le Comte de Taronca,
fon Ambaffadeur , qu'il n'avoit aucun engagement
avec la Republique de Hollan
de qui pût l'empêcher d'ufer de fon droit
de Souveraineté par rapport aux Indes
Orientales qu'il pouvoit auffi difpofer
du commerce de fes Etats , felon fon bon
plaifir que les fortugais ne fourniffoient
point de vaiffeaux à la Compagnie de
Triefte , mais qu'ils les lui rendoient
ainfi qu'ils pouvoient juger par le Pavil
lon Imperial qu'on mettoit aux Bâtimens
auffi -tôt que la vente en étoit faite ; &
qu'enfin le dernier Traité de commerce
conclu avec l'Empereur , ne contenoit
rien qui pût préjudicier aux droits de la
Re132
MERCURE DE FRANCE.
Republique , tant aux Indes Orientales
qu'ailleurs.
Tous les Commandans des Places poffedées
par l'Empereur dans les Païs - Bas ,
ont reçu ordre de renforcer les gardes ,
de faire faire des patrouilles hors de leurs
Villes , avant que d'en ouvrir ou d'en
fermer les portes , de n'y laiffer entrer
qu'un certain nombre de perfonnes à la
fois , d'arrêter toutes celles qui leur paroîtront
fufpectes , & de faire éxactement
vifiter tous les chariots chargez de
paille ou de foin qui fe prefenteront pour
entrer.
On apprend de Liege que l'Electeur de
Cologne y étoit arrivé le 31. Decembre
vers les quatre heures après - midi , accompagné
du Baron de Plettembourg , fon
premier Miniftre , & que le Cardinal de
Saxe- zeits s'étoit déclaré fon competiteur
pour cet Evêché, vacant par le miniſtere
du Baron de Fiow , Commandeur de l'Ordre
de Malthe qui eft arrivé à Liege, chargé
des Lettres de créance de ce Cardinal .
Le 19. de ce mois on publia à la Haye
une nouvelle Ordonnance des Etats Generaux
concernant les naufrages , & portant
peine de mort contre tous ceux , qui Lous
pretexte de donner du fecours à un vaiffeau
en danger , fe rendront à bord de ce
Bâtiment , fans avoir été appellés par le
Capi
JANVIER 1724. 133
Capitaine , le Pilote , ou par l'equipage
leur abfence . en
Grande-Bretagne.
La tempête du 20. Septembre dernier
qui a été mentionnée dans tous les Journaux
, a fait perir plus de trente vaiffeaux
Marchands aux environs de l'Ile d'Antigoa.
Le 17. Décembre les Lords Regens firent
publier une Proclamation pour proroger
l'Affemblée du Parlement jufqu'au
20. Janvier fuivant , auquel jour tous
les Membres des deux Chambres font
fommés de fe trouver à Weſtminſter, pour
déliberer fur des affaires très - importantes.
Le 24. Decembre les Directeurs de la
Compagnie de la Mer du Sud firent afficher
que le Livre de tranfport des Actions
de cette Compagnie feroit fermé
jufqu'au 21. Février prochain pour leur
donner le temps de faire la balance des
profits & des pertes de la Compagnie ,
afin d'annoncer enfuite le dividend dû aux
Actionnaires pour la demi- année échûë
au terme de Noël ; ils firent publier en
même temps qu'ils payeroient inceffamment
leurs obligations dattées du 26. Decembre
1715 , 1717. 1718. & 1719 , qui
font échûës.
Le 8. de ce mois le Roi d'Angleterre
arriva heureufement à Margare à fix heures

134 MERCURE DE FRANCE .
res du foir. Cette agréable nouvelle fut
annoncée à Londres le 9. à dix heures du
matin par une décharge generale du canon
du Parc de S. James , & de la Tour.
Le 9. fa Majefté coucha à Chatham ; elle
y fit le 10. au matin la vifite de fes
vaiffeaux de guerre & des magazins de la
Marine , & elle arriva vers les 7. heures
du foir à Londres avec les Seigneurs de
fa Cour , & plufieurs Miniftres Etrangers
. y eut le foir dans toutes les ruës
des feux & des illuminations .
11
On affure que les Communes du Par
lement d'Irlande ont paffe un Bill trèsrigoureux
contre les Catholiques de ce
Royaume. Par le premier article de cet
Acte , il eft ordonné que tous les Archevêques
, Evêques , Vicaires Generaux ,
Doyens , Jefuites , Moines , Religieux
ou autres Ecclefiaftiques Reguliers Catholiques
, exerçant Jurifdiction Ecclefiaftique
, ou qui depuis le premier jour
de May 1698. ont exercé Jurifdiction
Ecclefiaftique dans ce Royaume , feront
obligez d'en fortir avant le 25. Mars
1724. & que toutes les perfonnes cydeffus
defignées , qui après ce terme indiqué
, feront trouvées dans le Royaume
, feront jugées coupables de haute
trahifon que tout particulier qui recevra
, foulagera , entretiendra , ou donnera
:
auJANVIER
1724. 135
aucune retraite , azile ou fecours à aucun
de ces Ecclefiaftiques profcrits , à l'exception
de ceux qui ont prêté les fermens
d'abjuration , fera puni de mort , fans
efpérance de grace , & que tout dénonciateur
qui donnera avis du lieu où ils fe
tiendront cachez , & des particuliers qui
leur donneront retraite , fera récompenſé
auffi - tot que fon avis aura été trouvé
certain. Par le fecond article , il eſt défendu
à tout particulier Catholique de
recevoir en penfion aucune femme ni
fille , à peine de 3000. livres d'amende
pour chaque contravention . Par le troifiéme
, tout Maître d'Ecole Catholique ,
ou Précepteur de cette Communion , même
dans une famille particuliere , qui
fera découvert dans le Royaume après le
terme indiqué , fera puni de mort , ainfi
que le particulier qui le garderoit dans
fa maifon malgré la défenfe . Le quatriéme
ordonne que tout enfant Catholique
né hors du Royaume d'un pere Catholique
qui aura pris les armes contre le
feu Roy Guillaume , & la Reine Marie ,
& qui fe fera enfuite retiré dans les
Etats de quelque Puiffance Catholique ,
ne pourra en revenant dans ce Pays , être
reputé veritable fujet de ce Royaume ,
ni jouir des Privileges accordez par les
Actes Parlementaires en faveur des enfans
36 MERCURE DE FRANCE.
fans Proteftans nez hors du Royaume.
Comme toute perfonne parvenue à l'â
ge de 16. ans , eft obligée fous peine de
prifon perpetuelle , & de confifcation de
fes biens , de prêter le ferment d'abjuration
en vertu d'un Acte du Parlement de
la troifiéme. année du Regne de la Reine
Anne , & que cependant on a remarqué
que cette obligation étoit fouvent éludée
par plufieurs particuliers qui fe cachoient
pour n'être point citez par les
Juges de paix , il eft ordonné par le cinquiéme
article qu'il fuffira d'afficher la
citation de ces Juges à la porte des Catholiques
citez , & que fi dans le terme
preferit ils ne fe prefentent pas pour
faire le ferment , ils feront punis conformément
à l'Acte dont on vient de
parler. Enfin par le fixième , il eft dit
que tout Proteftant qui prêtera fon nom
à un Catholique pour l'acquifition de
quelque terre , fera condamné à une
amende de 3000. liv . à la confiſcation des
terres acquifes fous confidence , & à perdre
la jouiffance des Privileges accordez
aux Proteftans.
ON
Efpagne & Portugal .
N a défendu dans ce Royaume
l'ufage des dorures , tant fur les
habits qu'aux caroffes , & autres équipages
JANVIER 1724 137
1
pages ; on n'a excepté que les ornemens
des Eglifes.
On mande de Malaga que plufieurs
bâtimens en étoient partis fous l'efcorte
de deux Galeres , pour tranſporter fur les
côtes d'Afrique les troupes deftinées à
relever la Garnifon de Mellille.
La Cour doit prendre pour trois mois
le deuil , à l'occafion de la mort de Monfieur
le Duc d'Orleans.
Le Roy a donné la Charge de Juge-
Confervateur des Boucheries au Marquis
d'Aranda , Membre du Confeil d'Etat
, & de celui de la Chambre : celle de
Directeur des Hôpitaux & des Comedies
à Don Paſcal de Villa- Campa , Confeiller
aux mêmes Confeils , & celle d'Infpecteur
des Fontaines publiques à Don
Jofeph de Caftro.
Le Roy d'Efpagne que Sa Majefté Portugaiſe
a prié d'être le Parain du dernier
Infant , dont la Reine eft accouchée , a
nommé le Prince du Brefil pour le tenir
en fon nom fur les Fonts de Baptême.
Le Czar a nommé deux Officiers Generaux
de fes troupes pour fes Envoyez
extraordinaires en Espagne , & en Portugal
.
Le 5. Decembre le Marquis de Capichelatro
, Ambaffadeur du Roy d'Efpagne
à la Cour de Lifbone , eut la premiere
G
138 MERCURE DE FRANCE .
miere audience publique du Roy , étant
conduit par M. le Marquis de Angeja ,
Confeiller d'Etat , & Vifiteur des Finances
. Son cortege étoit magnifique & nombreux
, & on admira la richeffe & la
beauté de les équipages .
Italie.
E 20. du mois paffé le Pape tint un
LConfiftoire , dans lequel S. S.
propofa
l'Archevêché de Cambray pour PEvêque
de Laon ; le Cardinal Ottoboni ,
Protecteur des affaires de France , propofa
l'Evêché d'Autun , pour l'Abbé de
Bliterfvich de Moncley , Grand Vicaire
de Befançon. Il préconifa enfuite l'Evêque
de Nantes , Premier Aumônier de
feu Monfieur le Duc d'Orleans , pour
l'Archevêché de Rouen ; l'Evêque de
S. Papoul , pour l'Evêché de Mende ;
l'Abbé de Froulay , Comte de Lion , &
Aumônier du Roy , pour l'Evêché du
Mans l'Abbé Boucaud , pour l'Evêché
d'Alet ; l'Abbé de Buffi -Rabutin , pour
celui de Luçon ; l'Evêque d'Alais , pour
l'Abbaye de Montebourg ; l'Abbé d'Harcourt
Beuvron , pour celle de Signi , &
l'Abbé d'Alegre , pour celle de Bourgueil.
A la fin du Confiftoire , le Pape declara
au Sacré College , qu'ayant fait
examiJANVIER
1724. 139
1
examiner l'affaire du Cardinal Alberoni,
elle avoit donné un Bref pour fa décharge
.
Le Cardinal Olivieri fit la lecture de
ce Bref, qui fut generalement approuvé.
Le 16. de l'autre mois le feu prit à
Milan , au Bureau de la Secretairerie de
la Guerre , lequel fut entierement confumé
, ainfi que la falle d'audience des
Miniftres Etrangers , & quelques autres
appartemens du Palais Ducal . Trois
hommes ont peri dans cet incendie , &
plufieurs autres perfonnes ont été bleffées.
La Comteffe de Colloredo fut contrainte
'de fe fauver chez la Princeffe Trivulce,
avec les pierreries , & tout ce qu'elle
avoit de plus précieux .
L'Ambaffadeur de Venife , M. Pierre
Capello fit fon entrée publique à Rome
le 28. du mois paffé , accompagné de plus
de cent caroffes. Le Cardinal Ottoboni
le conduifit à l'audience du Pape avec
les ceremonies accoutumées.
Le jour de Noël le Pape fit la ceremonie
ordinaire de benir l'Eftoc & l'Epée
que les Pontifes ont coûtume d'envoyer
aux Princes qui font la guerre contre les
Infideles.
Cij MORTS,
140 MERCURE DE FRANCE.
MORTS , BAPTES MES
& Mariages des Pays Etrangers.
Mbourg Mad: la Comteffe Gol-
R. Jagozinski a épousé à Peterf-
>
lofskin , fille du Grand Chancelier de
Ruffie. Ces nôces ont été celebrées avec
beaucoup de magnificence , en prefence
du Czar, reprefentant avec le Duc d'Holftein
, les pères des deux nouveaux époux,
de la Czarine , accompagnée de la Princeffe
Menzikoff, reprefentant les meres
M. Tolstoy , Confeiller d'Etat , & M.
le General Butterling reprefentoient les
freres , Made la Comteffe de Mattueof
& Made époufe du Vice-
Amiral Sinets reprefentoient les foeurs.
Made Albertine , Michelle , Comtefle
d'Althan , eft morte à Vienne le 24.
Novembre , âgée de 17. ans.

Le R. Pere Frederic Confbrug , Jefuite
, Confeffeur de l'Imperatrice , eft
mort à Vienne le 29. Novembre.
Mad de Geminghen , Gouvernante
du jeune Prince Guillaume - Auguſ
te , & de la jeune Princeffe , & Damed'Honneur
de la Princeffe de Galles , eft
morte à Londres le premier Decembre.
La
JANVIER 1724. 141
La Comteffe de Marlborough , époufe
de M. le Comte de Godolphin , eft accouchée
d'une fille à Londres le 4. Decembre.
On mande de Londres que le Roy
d'Angleterre doit declarer la conclufion
du mariage du Prince Frederic , fon petit-
fils , avec la Princeffe , fille aînée du
Roy de Pruffe , que S. M. a arrêté
dant fon féjour en Allemagne.
pen-
Le R. Pere Jofeph Diafde Moura
Beneficier dans l'Eglife Paroiffiale de
S, Barthelemy , à Liſbone , y eft mort le
6. Novembre , âgé de cent douze ans .
Dom Jofeph Hogan , Irlandois , Chevalier
de l'Ordre de Chrift , & Sergent
Major de bataille dans les armées du Roy
de Portugal , eft mort à Lifbone le 30.
Octobre.
Dom Jerôme de Camera , quatrième
fils du feu Comte de Ribeira- Grande
Ambaffadeur à la Cour de France , eſt
mort à Lisbone & c'est le quatrième
heritier mâle que cette Maifon a perdu
dans le courant de cette année .
و
Le 6. Decembre le Patriarche de Lif
bone baptifa le quatriéme Infant dans
l'Eglife Patriarchale. Ce Prince fut
porté
par Don Cafton Jofeph de Camera
Coutinho , Contrôleur de la Maiſon de
la Reine , & il fut tenu fur les Fonts par
Giij le
142 MERCURE DE FRANCE .
le Marquis de Capichelatro , au nom du
Roy d'Efpagne , & pour la Reine Douairiere
d'Efpagne par Don Numa Alvares
Pereira , Duc de Cadanel , Confeiller
d'Etat , Majordome - Major de la Reine
Prefident du Defembargo du Palais , &
Meftre de Camp General de la Cour &
de la Province d'Eftremadoure . Il fut
nommé François -Jofeph - Antoine- Nicolas.
Après la ceremonie le Patriarche entonna
le Te Deum , qui fut chanté par la
Mufique , enfuite ce Prélat donna la be
nediction au peuple . La nuit fuivante il
y eut des illuminations , & autres marques
d'une fête publique dans les deux
Villes. L'Ambaffadeur d'Efpagne pour y
'contribuer donna un concert d'inftru-
'mens , avec des rafraîchiffemens à tous
ceux qui le reconduifirent à fon Hôtel .
Le Comte François Malacerta eft mort
à Florence fans enfans : Il ne refte plus
de cette ancienne famille que le Marquis
Malaterra , qui eft actuellement
Gouverneur de Volterra.
La Princeffe Chriftine - Amelie , dont
la Reine de Dannemark accoucha il y a
deux mois , eft morte le 8. de ce mois à
Coppenhague.
Le 5. de ce mois le corps du feu
Electeur de Cologne y fut porté de Born
dans un Caroffe à 8. chevaux caparaçonnez
1
JANVIER 1724. ·14-3
nez de deuil Le Clergé Seculier & Regulier
de Cologne , alla le recevoir hors
de la Porte de S. Severin , & le conduifit
à l'Eglife Metropolitaine , où il fut mis
fous un Dais magnifique. Le 4. le Nonce
du Pape accompagné des Prélats Mitrez
de Krechfteden , de Steinfeld , d'Altemberg
, de Gladbach ; de Deutz , de
Brauveiller , de S. Martin & de S. Pantaleon
, des Miniftres Etrangers qui font
à Cologne , de la principale Noblelle
de cet Electorat , & des Magiftrats de
cette Ville , fe rendit à l'Eglife Metropolitaine
, où il celebra pontificalement
la Meffe , qui fut fuivie de deux Oraifons
funebres , l'une prononcée en Alle
mand par le P. Averhaufen , Jeſuite , &
Pautre en Latin , par le Curé de Saint
Albin , après quoi le corps de l'Electeur
dé Cologne fut inhumé au bruit d'une triple
falve de l'artillerie des remparts.
G iiij JOUR144
MERCURE DE FRANCE.
*******************
JOURNAL DE VERSAILLES
& de Paris.
Lleans alla voir Madame la Ducheffe
E 5. Janvier Monfieur le Duc d'Or
d'Orleans , fa mere , à la Magdelaine
de Trenel. Cette Princeffe y reftera juf
qu'au lendemain de la ceremonie qui fe
fera à S. Denis pour les obfeques de feu
S. A. R.
M. Charron , Gentilhomme ordinaire
a fait prefent à S. M. de pluſieurs Arcs ,
Fléches & Carquois , venus de Turquie
, avec lefquels le Roy s'exerce fouvent
avec les Princes & Seigneurs de fa
Cour , à tirer au blanc dans la grande
Gallerie du Château de Verſailles , Sa
Majefté récompenfe de quelque bijoux
ceux qui mettent le plus près du noir.
La Cour a quitté le deuil depuis le 20 .
de ce mois.
Le 26. le Maréchal de Teffé partit de
Paris pour fe rendre à la Cour d'Efpagne.
Le 27. M. Talon fat reçû Avocat
General du Parlement , par le Prefident
d'Aligre , en l'abſence du Premier Prefident
Le
JANVIER
1724. 145
Le 12. de ce mois l'Abbé Baufe , Chanoine
d'Evreux , prit poffeffion du Frieuré
de S. Martin des Champs , au nom du
Prince Frederic de Bouillon.
On dit qu'on a arrêté près de Nanci ,
en Lorraine , les voleurs qui affaffinerent
au mois de Septembre dernier , près de
Calais , les quatre Gentilhommes Anglois
, dont nous avons parlé dans ce
temps- là. On ajoûte que leur Chef étoit
un Receveur de quelques droits dans la
Lorraine , & que l'un des Officiers de
Juftice qui étoient entrez dans le Château
où il s'étoit retiré , avoit été tué
d'un coup de fufil par la fille de ce fcelerat
, dont les complices s'étoient défendus
avec beaucoup d'opiniâtreté.
On a arrêté au Fort- l'Evêque environ
vingt joueurs qui s'y étoient affemblez
pour jouer au Pharaon , dans la Chambre
de quelques prifonniers arrêtez pour
jeu.
le
L'Abbaye Royale des Dames Religieufes
de Poiffy , de l'Ordre de S. Dominique
, eft un des plus beaux monumens
de la pieté de nos Rois ; Philippe le
Bel la fonda en 1304. & la dotta fix
pour
vingt filles Nobles , & fes fucceffeurs
l'ont comblée de biens & de privileges ; .
l'Eglife en eft des plus belles & des plus .
magnifiques , le tonnerre l'avoit prefque
GY détrui146
MERCURE DE FRANCE.
détruite il y quelques années. Il en a
couté quatre cent mille livres au Roy
pour la rétablir parfaitement ; il n'y
manquoit plus que les Cloches , la benediction
s'en fit avec beaucoup de dignité
le 23. du mois paffé ; S. M. à bien voulu
donner fon nom à la premiere , avec
l'Infante-Reine ; M. le Duc de Gefvres
& Made la Princeffe de Soubife y furent
envoyez à leur place. M. le Comte
de Clermont , Prince du Sang y tint la
feconde le même jour , avec Made la
Marquife de la Vrilliere , & la troifié--
me y fut tenue par M. le Duc d'Antin ,
& par Mad la Marquife de Nefle , nié
ce de Mad de Mailly , four du feu
Cardinal de ce nom qui en eft la digne
Abbeffe , & fous le gouvernement de laquelle
on voit refleurir le bon ordre &
la paix dans ce fameux Monaftere ; beaucoup
de Princeffes du Sang y ont pris
autrefois le voile ; & il y a encore à prefent
nombre de Demoifelles , qui s'y diftinguent
par leur vertu , & par l'amour
de leur Etat. Mad 1'Abbeffe qui ne manque
à rien , fit fervir un grand repas , & ¨
fit entrer dans fon Couvent tous ceux
qui affifterent à cette ceremonie , quoique
la Cloîture foit fi étroitement gardée
dans cette maifon , qu'elle n'y donne pas
même l'entrée à ce qui lui eft le plus
proche
و
JANVIER 1724.
147
1
proche , montrant en cela ,, &
par fa vie
reguliere , l'exemple d'un grand mépris ,
& d'un parfait détachement du monde.
Le Roy a fait depuis peu une nouvelle
diftribution des appartemens du Châteaude
Verſailles fçavoir , celui de Monfieur
le Duc d'Orleans a été donné à
M. le Duc de Bourbon , qui n'a point
pris la Surintendance , comme le bruit
en avoit couru . Celui de M. de Clermont
, Capitaine des Suiffes de S. A. R.
au Comte de Buffy. Celui du Marquis
de la Farre , au Maréchal Duxelles . Ce
lui du Marquis de Simiane , au Duc de
Sully. Celui de M. Coche à M. Chirac,
Premier Medecin de Monfieur le Duc
d'Orleans. Celui du Comte de Nocé au
Marquis de Nangis. Celui du Marquis
d'Etampes au Chevalier de Beringhen
Premier Ecuyer. Celui de M. & de
Made de Segur au Marquis de Nefles .
Celui de M. des Effars au Duc Dau
mont. Celui de M. de Cours au Duc de
la Feüillade. Celui de Mad¹le de Ville
franche au Marquis de Beauveau. Celui
du Comte de Bellifle au Duc de la Val
liere. Celui de M. le Duc au Prince de
Dombes & au Comte d'Eu. Celui du
Comte de Sabran au Marquis d'Alegre.
Celui de M. Chirac au Vicomte de Tavannes.
Celui de M. Bontemps à M.
>
G vj Defava148
MERCURE DE FRANCE.
Defavaret. Celui de M. des Marets à
M. Bontemps ,. & celui du Duc de Tref
mes au Duc de la Roche- Guyon .
*******************
ETAT de la Maifon de Monfieur le Duc
d'Orleans , premier Prince du Sang ,
reglé par la Declaration du Roy , en
datte du 6. Janvier 1724.
L
Ouis , & c. à tous ceux , & c. l'affec
.
tion finguliere que nous avons pour
nôtre très- cher , & très- amé Oncle ,
Louis d'Orleans , Duc d'Orleans , nous
avoit fait defirer de pouvoir lui continuer
la même Maifon qu'avoit feu nêtre
très-cher & très-amé Oncle le Duc
d'Orleans , fon pere ; mais l'ordre de
tout temps établi pour le premier Prince
de nôtre Sang , nous obligeant de fui
vre les Etats de ceux qui ont précedemment
tenu ce haut rang , en fixant fa
Maifon au même nombre d'Officiers ;
Nous y avons feulement ajoûté quelques
titres que nous avons jugé plus convenables
, & voulant qu'ils jouiffent des
Privileges de nos Officiers commenſaux :
à ces cauſes , & c. & de nôtre grace fpeciale
, pleine puiffance , & autorité Roya-
Je, Nous avons dit & declaré , & par.ces
PreJANVIER
1724. 149 .
Prefentes fignées de nôtre main , difons ,
declarons , voulons , nous plaît , que les
Officiers dont fera compofée la Maifon
de nôtredit Oncle le Duc d'Orleans
compriſe dans l'Etat cy- attaché fous le
contre-fcel de nôtre Chancellerie, joüiffent
dorénavant de tous tels & femblables
Privileges dent nos Officiers Domeſtiques
& Commenfaux ont droit de joüir
fuivant nos Edits , Declarations , Ordonnances
& Reglemens faits fur ce fujet.-
Voulons qu'à cet effet l'état qui fera arrê
té par nôtredit Oncle des Officiers qui
compoferont à l'avenir fa Maiſon , foit
mis au Greffe de nôtre Cour des Aydes,
pourvû qu'il foit conforme à celui attaché
à ces Prefentes. Si donnons , & c.
Etat du nombre des Officiers , Gentilhom--
mes , Gens du Confeil , Domestiques
& Commenfaux , dont le Roy veut que
la Maifon de Monfieur Louis d'orleans
, Duc d'Orleans , de Valois , de
Chartres , de Nemours , & Montpenfier
, fon Oncle , foit composée en l'année
1724% pour jouir des Privilèges
des Commenfaux
.
Un Premier Gentilhomme de la
Chambre .
8. Gentilhommes de la Chambre.
12. Gentilhommes ordinaires.
150 MERCURE DE FRANCE.
2. Confeffeur & Predicateur .
4. Aumôniers .
2. Secretaires des Commandemens .
3. Secretaires , & Intendans des Fi-
Mances.
8. Gens du Confeil.
8. Secretaires ordinaires.
1. Secretaire des Langues.
2. Secretaires du Confeil.
1. Agent d'affaires.
1. Garde Archives.
1. Premier Maître - d'Hôtel
6. Maîtres-d'Hôtel .
1. Treforier General. I.
12. Gentilhommes fervans..
8. Contrôleurs .
4. Medecins.
4. Chirurgiens.
4. Apoticaires.
1. Chirurgien Operateur.
4. Barbiers.
r. Premier Valet de Chambre
12. Valets de Chambre.
4. Valets de Garderobe .
4. Garçons de Garderobe.-
4. Porte- Manteaux .
i. Tailleur.
4. Huiffiers de la Chambre.
4. Huiffiers du Cabinet.
4. Huiffiers de l'Antichambre .
1. Trompette.
JANVIER 1924. -
F5T
f. Brodeur.
1. Gantier Parfumeur
2. Tapiffiers.
r. Horlogeur.
2. Orfévres.
r. Peintre .
2. Merciers .
1. Marchand Linger
1. Lavandier.
4. Chefs de Panneterie.
2. Aydes de Panneterie.
2. Sommiers de Panneterie.
4. Chefs d'Echanfonnerie.
2. Aydes d'Echanſonnerie .
2. Sommiers d'Echanfonnerie.-
Chefs de Fruiterie.
2. Aydes de Fruiterie.
2. Sommiers de Fruiterie
4. Ecuyers de Cuifine.
4. Aydes de Cuifine.
4:
4.
Enfans de Cuiſine.
4. Porteurs en Cuifines.
1. Patiffier.
L. Boulanger.
2. Pourvoyeur.
1. Garde Vaiflelle.
1. Sommier de Vaiffelle..
1. Premier Ecuyer .
6. Ecuyers.
4. Maréchaux des Logis.
4. Fouriers des Logis...
MERCURE DE FRANCE .
2. Fouriers de l'Ecurie.
1. Argentier de l'Ecurie.
1. Tailleur de l'Ecurie.
1. Armurier.
2. Maréchaux des Forges.
1. Sellier Caroffier.
1. Bourlier.
1. Ceinturier
1. Fourbiffeur.
1. Eperonniers.
4. Maîtres Palefreniers.
2. Cochers.
2. Poftillons .
1. Concierge Garde Meubles de l'Ecurie.^
1. Gouverneur des Pages.
1. Chapelain des Pages & de l'Ecurie,
1. Maître de Mathematiques. -
1. Maître d'Armés .
1. Maître d'Exercices.-
2. Maître Valets des Pages .
1. Libraire-Imprimeur.
3.
Gentilhommes de la Venerie..
6. Veneurs.
3. Gentilhommes de la Fauconnerie.
2. Fauconniers.
1 Cordonnier.
I. Architecte ..
1. Maître Maçon.
11 Menuifier.
1. Vitrier.
JANVIER 1724 153
1. Serrurier.
4. Suiffes.
Total 266. Officiers:
Augmentation pour la Maifon de Mada
me la Ducheffe d'Orleans , par Declaration
du Roy du 25. Decembre 1723-
Gens du Confeil.
2. Confeillers.
1. Secretaire ordinaire.
2. Agens d'Affaires .
1. Treforier General , M. Nicolas
Grandjean.
Gardes Françoises.
1. Exempt, Commandant auffi les Gar
des Suiffes .
r. Maréchal des Logis .
1. Brigadier.
12. Gardes Françoiſes .
1. Clerc du Guet.
Gardes Suiffes.
6. Gardes Suiffes .
1. Clerc du Guet.
Nous avons été mal informez , quand
nous
154 MERCURE DE FRANCE.
}
nous avons dit , dans le fecond volume'
du mois dernier , que lors du tranfport
du coeur de Monfieur le Duc d'Orleans,
M. l'Archevêque de Rouen , Premier
Aumônier de S. A. R. étoit dans un Carofle
different de celui dans lequel étoit
le Prince du Sang , chargé par le Roy de
cette ceremonie. Dans le Carole du
Corps de Monfieur le Duc d'Orleans ,
étoient S. A. S. M. le Comte de Clermont
, & M. l'Archevêque de Rouen
dans le fond , ce dernier ayant la droite ,
& portant le coeur fur un Carreau de Velours
noir. Le Duc de Montmorency , le
Marquis de Simiane , Premier Gentilhomme
de la Chambre , & le Duc de
Biron , Premier Ecuyer étoient fur le devant.
Au tranfport du corps , le Premier
Aumônier , le Maitre de la Chapelle , le
Confefleur & le Curé de Saint Cloud
étoient dans le Carroffe du corps , qui
marchoit immediatement après le Chariot.
Dans la ceremonie du coeur , le Car
roffe du Premier Aumônier fuivoit immediatement
celui du Duc de Montmo
renci.
MORTS;
JANVIER 1724. 155
*******************
MORTS & MARIAG ES.
P
Rocope-Hyacinte de Ligne , Prince
de l'Empire , Marquis de Moy ,
Brigadier des Armées du Roi depuis le
10. Mars 1690. cy - devant Capitaine-
Lieutenant des Gendarmes Ecoffois , ayant
commandé toute la Gendarmerie tant
qu'il a été à la tête de cette Compagnie ,
mourut en cette Ville le 31. du mois
paffé , âgé de 64. ans.
Il étoit fecond fils de Claude Lamoral
de Ligne , Prince de l'Empire , & d'Amblife
, Marquis de Roubaix , &c. Grand
d'Espagne , Chevalier de la Toifon- d'Or ,:
Vice- Roi de Sicile , Couverneur du Milanés
, Confeiller d'Etat de S. M. Co
mort à Madrid le 22, Decembre 1679%
& de Marie Claire , Princeffe de Naffau,
Dillembourg. Claude Lamoral étoit né de
Florent de Ligne , Prince de l'Empire ,
Comte de Fauquembergue , Marquis de
Roubaix , Baron d'Antoing , & de Louife
de Lorraine , fille d'Henry de Lorraine
Comte de Chaligny , & de Claude , Marquife
de Moy. Ce Prince de Lorraine étoit
illu de Nicolas de Lorraine , Comte de
Vaudemont ; Duc de Mercoeur , & de fa
troi156
MERCURE DE FRANCE.
troifiéme femme Catherine de Lorraine
Aumale ; & ce Comte de Vaudemont étoit
fecond fils d'Antoine Duc de Lorraine.
Le Comte de Chaligni , outre fa fille
Louife , laiffa Henry de Lorraine 11. du
nom , Comte de ' Chaligny , Marquis de
Moy , qui ayant vêcu dans le Célibat
avoit pour héritier préfomptif Claude
Lamoral , Prince de Ligne , fils de fa
foeur ; auffi lui affura- t-il fa fucceffion
mais ce Prince y renonça par acte du 21 .
Mars 1670. & fupplia fon oncle d'en'
vouloir favorifer le fecond de fes fils . Le
Comte de Chaligny ayant égard à cette
priere , fit par acte paffé à Nancy le 31 .
Août 1670. une donation entre- vifs & irrévocable
de tous fes biens à fon petit
neveu , Procope - Hyacinte , Prince de Ligne
, fes hoirs , heritiers & aïans cauſe,
ne s'en refervant que la jouiffance & l'u
fufruit durant la vie . Cette donation fu
acceptée par Procureur au nom du jeune
Prince donataire , procedant fous l'autorité
de M d'Ormeffon , Confeiller d'Etat
, que le Roi Louis XIV. lui avoit donné
pour tuteur honoraire durant fa minorité
parLettres Patentes du mois d'Avril 1670.
regiftrées au Parlement le 23. May fuivant.
C'eft en confequence de cette Donation
, & pour
fatisfaire au Contrat de ma
riage
JANVIER 1724.
157
riage de Claude de Moy qui obligeoit fon
heritier à fe nommer le Marquis de Moy;
que celui dont nous parlons a toûjours
porté ce titre , avec la livrée des Princes
de Lorraine , & qu'il écarteloit l'Ecuffon
de fes armes au 1. & 4. de Lorraine , au 2.
& 3. de Moy, &fur la tour de Ligne qui eft
d'or à une bande de gueules . Il avoit épousé
le 8. Mars 1682. Anne - Catherine de Bro
glio , fille unique du Comte Charles de
Broglio , Marquis de Dormans , Lieute
nant General des Armées du Roi , Gouverneur
d'Avênes , Grand Bailly de Haynaut
, & d'Anne Elifabeth d'Aumont ,
fille d'Antoine Duc d'Aumont , Pair &
Maréchal de France. Elle mourut le 4.
Decembre 1701, laiffant Claude Lamoral
Hyacinte de Ligne , Prince de l'Empire
, Marquis de Dormans , qui n'eſt
pas encore marié , & qui fuccede au titre
de Marquis de Moy ; Catherine -Hyacinte
Religieufe aux Filles de Sainte- Marie ,
à S. Denis , où elle a fait profeſſion le
28. Septembre 1706. Marie-Hyacinte ,
morte le 30. Septembre 1711. âgée de 17.
ans , & Claire Marie mariée le 22 .
Mars 1722. à Louis Scipion -Jofeph de la
Garde , Marquis de Chambonas , Baron
des Etats de Languedoc ; fur quoi il ne fera
pas mal- à - propos de remarquer que dès le
6. Février 1239. Ioles & Jourdan de la
,
Gar#
58 MERCURE DE FRANCE.
Garde , Chevaliers , freres , firent hommage
de la Terre & Seigneurie de Chambonas
au Roi S. Louis . Le feu Roia érigé
cette Terre en Marquifat , par Lettres du
mois d'Avril 1683. On conferve un acte
du 20. Février 1396. par lequel Jaucelin
de la Garde , Seigneur de Chambo
nas , fut déchargé , attendu fon ancienne
nobleffe , d'une taxe impofée par le Roi
Charles V I. pour le mariage de fa fille
Ifabelle , fur ceux qui n'étoient pas nobles
d'ancienneté. Henry - Jofeph de la
Garde , Marquis de Chambonas , né de
Charlotte de la Baume- Suze , après avoir
fervi long-temps dans le Regiment des
Cuiraffiers du Roi , & avoir été fait Chevalier
de S. Louis à la feconde promotion
de cet Ordre , fut mis par le feu Roi auprès
de M. le Duc du Maine , en qualité
de premier Gentilhomme de fa Chambre.
Il eft auffi l'un des Lieutenans de Roi
de la Province de Languedoc . De fou
époufe Marie Charlotte de Fontange , Dame
d'Aubroque , Dame d'honneur de
Madame la Ducheffe du Maine , il ne
lui refte que le gendre du feu Marquis
de Moy.
Lamoral , Comte de Ligne de Fauquembergue
& de Mechin , Prince d'Efpinoy
par fa femme Anne- Marie de Melun ,
Marquis de Roubaix , Senechal de Hainaut
JANVIER 1724.
159
naut , Vicomte de Gand & de Leyden ,
Baron de Belocil - de - Ville , Souverain de
Faigneulles & de Vaffenaër , Chevalier
de la Toifon d'Or , Bifayeul du feu Marquis
de Moy , fut fait . Frince de l'Empire
par l'Empereur Rodolphe II. La Bulle dattée
de Prague le 29. Mars 1601.eft des
plus honorables pour la Maifon de Ligne.
L'Empereur y dit qu'il éleve Lamoral ,
Prince d'Efpinoy , Comte de Ligne , à la
dignité de Prince de l'Empire , en confi
derationde fon ancienne Nobleffe, & de ce
que depuis 12o . ans fes Ancêtres ont été
de pere en fils , fans interruption , décorez
du collier de la Toifon d'Or , comme
par droit hereditaire ; qu'ils ont le titre
de Comtes depuis plus de cent ans , ( ſur
quoi il eft bon d'obferver que nul ne peut
être fait Frince de l'Empire , s'il n'en eſt
déja Comte , ) & que depuis l'an 1481.
les Empereurs , les Rois & les Princes
Souverains ont honoré ceux de la Maiſon
de Ligne du titre de leurs Coufins enfin
1'Empereur Rodolphe declare qu'il accorde
à Lamoral de Ligne le titre de Prince
de l'Empire,non feulement pour lui , mais
encore pour toute fa pofterité de l'un &
de l'autre fexe .
:
Le Marquis de Moy qui a donné lieu à
cet article , avoit deux freres . L'aîné étoit
Henry- Louis Erneft de Ligne , Prince
d'Am160
MERCURE DE FRANCE.
blife & de l'Empire , Marquis de Rou
baix , Comte de Fauquembergue , & c.
Grand d'Efpagne , Premier Pair de Flandres
, Chevalier de la Toifon d'Or , Gouverneur
de la Province de Limbourg ,
mort le 8. Février 1702. laiffant plufieurs
enfans. Le puifné des freres du Marquis
de Moy, étoit Charles-Jofeph Procope
de Ligne , Prince de l'Empire , Marquis
d'Aronchès , Grand de Portugal , Chevalier
de l'Ordre de Chrift , Senechalde
Haynaut , nommé communément le Prince
Senechal , mort au commencement de
l'année 1713. laiffant de Mariane de
Soufa , Marquife d'Aronchès , une fille
unique , Louife- Antoinette Cafimire de
Lorraine , ( ainfi nommée en mémoire de
fa byfayeule Louiſe de Lorraine , Ducheffe
de la Fuen , mariée à Dom Michel de
Portugal , fils naturel du Roi Pierre II.
du nom .
Il y a une branche puiſnée de la Maiſon
de Ligne , c'eſt celle des Princes d'Aremberg
, Ducs d'Arfcot , Princes de l'Empire
depuis l'an 1556. d'où font fortis
deux rameaux. Le premier eft celui des
Princes de Chimay , Ducs de Croy , fini
par une heritiere entrée dans la Maifon
d'Hennin, Comtes de Boffu. Ils font Princes
de l'Empire , & ont pris le furnom d'Alface.
Le ſecond de ces rameaux eft celui des
PrinJANVIER
1724. 161
"
Princes de Barbançon , auffi Princes de
l'Empire depuis l'an 1568. Il n'en refte
plus qu'une Princeffe qui s'étant remaiée
len troifiémes nôces l'an 1714. à
N.... de Wignacourt , Comte de la Roche
& de Lanoy , lui a fait prendre fon nom
& les armes. On le nomme donc Prince
de Barbançon , & il jouit des honneurs
attachez à ce titre ; mais fans être Prince
de l'Empire . Cette Princeffe n'a point eu
d'enfans de ces trois mariages.
L'on compte dans toutes les branches de
la Maifon de Ligne jufqu'à dix -fept Chevaliers
de la Toifon d'Or.
Le 1. de ce mois mourut à Paris Mc Euf
tache le Clerc de Leffeville , Confeiller
du Roi , Maître ordinaire en fa Chambre
des Comptes , âgé de 64. ans .
Le 2. M. Jean- Baptifte le Tourneur ,
Ecuyer , Confeiller , Secretaire du Roi ,
âgé de 81. ans.
Le 8. M. René- François de Legal ,
Lieutenant General des Armées du Roi ,
Gouverneur de la Ville d'Agde & du
Château de Brefcou , âgé de 72. ans.
Le même jour M. Pierre-Jean Cheré ,
Maître des Comptes , âgé de 8o . ans.
Paul Petreul , Notaire de la Palice en
Bourbonnois , y mourut le 10. de ce mois .
âgé de 107. ans,
H Le
1
1
162 MERCURE DE FRANCE.
*
Le même jour M. Antoine Monet de
la Salle , Doyen des Maîtres des Requê
tes , & en cette qualité Confeiller d'Etat
ordinaire , mourut à la Salle , près
Boulogne fur Mer , âgé de 81. ans .
Le 15. Dame Marie Charlotte Glucq ,
époufe de M. Jacques de Chabanes , Marquis
de Curton , Brigadier des Armées
du Roy , âgée de 46. ans.
Le 8. de ce mois le Duc de Montmo→
renci , fils aîné du Duc de Luxembourg ,
époufa Mlle de Seignelay , âgée de douze
ans , qui a près de cinquante mille écus
de rente en fonds de terre .
Le 20. la Marquife de Segur accoucha
de deux Jumeaux , garçon & fille.
BENEFICES DONNEZ.
L'Abbaye de Nôtre Dame de Pornid
Ordre de S. Auguftin , Diocéfe de
Nantes , vacante par la démiffion du fieur
Jean-Baptifte Monnier , a été donnée au
fieur Jean-Baptifte de Lanux , Docteur
de Sorbonne , Prédicateur du Roy , &
Chanoine Theologal de l'Eglife Cathedrale
de Toul .
Le Prieuré des Filles- Dieu , Ordre de
S. Auguftin dans la Ville du Mans , vacant
JANVIER 1724. 183
cant par la démiffion de Soeur Marie de
Braule , en faveur de Soeur Cecile de
Courtavelle , Religieufe du même Or
dre.
L'Abbaye du Parc aux Dames , en Va
lois , Ordre de S. Bernard , Diocéfe de
Senlis , vacante par le decès de Dame
en faveur de la Dame
le Pelletier , Religieufe à Hautes - Brie
res.
Le Prieuré de S. Etienne d'Arques ;
au Diocéle de Rouen , vacant par le decès
du fieur le Tellier , en faveur du
fieur Jacques le Cordier.
XX: XXXXX XXXXX :XX
DIGNITEZ , CHARGES ,
& Emplois.
E Roy a donné au Marquis de Chey-
Lladet ,Lieutenant General de les
Armées , & Lieutenant de la premiere
Compagnie des Gardes du Corps , le
Gouvernement des Fort & Port de Bref
cou , près la Ville d'Agde , vacant par la
mort du Marquis de Legal , Lieutenant
General.
Le Roy a nommé Confeillers d'Etat
M de la Briffe , Intendant de Bourgo-
& d'Argenfon , Chancelier , Gard:
Hij
gne ,
des
164 MERCURE DE FRANCE.
des Sceaux de l'Ordre Royal & Mili
taire de S. Louis , la Charge de Lieutenant
General de Police , qu'avoit ce dernier
a été accordée par S. M. à M. Ravot
d'Oinbreval , Maître des Requêtes ,
cy-devant Avocat General de la Cour
des Aydes.
M. Pajot de Nozand , Maître des Requêtes
a été nommé à l'Intendance de
Limoges , M. de Vatan , en faveur de
qui cette nomination avoit été faite , paſſe
à celle de Maubeuge .
M. Meliand , Confeiller d'Etat eft
rappellé de l'Intendance de Flandres pour
venir prendre féance au Confeil. Il eſt
remplacé par M. le Prefident de Berthelot
qui a acheté la Charge de Maître des
Requêtes de M. Talhouet .
Le Roy a nommé le Comte de Buhi ,
Lieutenant General , fils du Comte de
Broglio , qui vient d'être fait Maréchal
de France , Ambaffadeur à la Cour d'Angleterre
.
L'Abbé de Livri , Ambaſſadeur en Portugal
, & M. Dandrefel , cy - devant Secretaire
de la Chambre & du Cabinet du
Roy , Ambaffadeur à la Porte.
Sa Majefté a accordé au Commandeur
de Beringhen , la Charge de Premier
Ecuyer , vacante par la mort du Marquis
de Beringhen , fon frere aîné.
Le
JANVIER 1724. 165
Le Marquis de Nangis a été nommé
pour remplir la Charge de Chevalier
d'Honneur de la Reine.
Le 31. de ce mois M. d'Argenfon
Chancelier Garde des Sceaux de l'Ordre
Royal & Militaire de S. Louis , prêta
ferment & prit féance au Confeil en
qualité de Conſeiller d'Etat . "
,
jkjkjkjkjkak akakakakakakak
PROMOTION de Chevalier des Ördres
du Roy.
Latinvees V:24. Fête la Pliers
E 2. Fevrier 1724. Fête de la Puri-
& Commandeurs de l'Ordre du S. Efprit
, s'étant rendus dans le Cabinet du
Roy , à Versailles , pour l'accompagner
à la Meffe , S. M. leur declara qu'elle
avoit refolu de tenir Chapitre , & de
nommer des Chevaliers & Commandeurs
de l'Ordre du S. Efprit . Le Roy
fit lire le rôle des perfonnes qu'il vouloit
honorer de cet Ordre , le figna & le
remit au Marquis de Breteuil , Commandeur
, Prevoft & Maître des Ceremonies
de l'Ordre , qui fortit du Cabinet pour
faire proclamer par le Herault de l'Ordre
, avec les ceremonies accoutumées ,
le Rôle que S. M. venoit de figner
Hiij con166
MERCURE DE FRANCE.
contenant 57. Chevaliers ou Commandeurs
; fçavoir ,
Le Comte de Clermont , Prince du
Sang. Louis de Bourbon Condé.
Le Cardinal Gualterio.
Le Cardinal de BBiiſlſlyy , Henri Pons de
Thiard , Evêque de Meaux , & c.
Le Cardinal de Gefvres , Leon Potier
Archevêque de Bourges .
L'Archevêque d'Aix , Charles- Gafpard-
Guillaume de Vintimille du Luc.
L'Archevêque de Narbonne , René-
François de Beauveau du Rivau.
L'Archevêque de Lyon , François-
Paul de Neuville Villeroi
Le Prince Charles de Lorraine , Comte
d'Armagnac , Grand Ecuyer de
France
Le Prince de Pons , N. de Lorraine ,
Comte de Marfan.
Le Duc d'Uzès , Jean- Charles de Cruf
fole, Pair de France , Gouverneur de Saintonge
& Angoumois .
Le Duc de Sully , Maximilien- Henri
de Bethune , Pair de France .
Le Duc de Villars , Louis- Antoine de
Brancas , Fair de Fran e.
Le Duc de la Rochefoucault , François
, Pair de France , Grand- Maître de
la Garderobe du Roy.
Le Prince de Monaco , Jacques- Frangois
JANVIER 1724. 167
sois- Leonor Grimaldi , Duc de Valentinois
, Pair de France .
Le Duc de Luxembourg , Charles
François - Frederic de Montmorenci , Pair
de France , Gouverneur de Normandie.
Le Duc de Villeroi , Nicolas de Neuville
, Pair de France , Capitaine des
Gardes du Corps du Roi.
Le Duc de Mortemar , Louis de Rochechouart
, Pair de France , Premier
Gentilhomme de la Chambre.
Le Duc de S. Aignan , Paul- Hyppolite
de Beauvilliers , Pair de France ,
Gouverneur du Havre de Grace.
Le Duc de Trefmes , François - Bernard
Potier , Pair de France , Premier
Gentilhomme de la Chambre du Roy
Gouverneur de Paris.
Le Duc de Noailles , Adrien- Maurice,
Pair de France , Capitaine de la premiere
Compagnie des Gardes du Corps , Gouverneur
de Rouffillon.
Le Duc de Charoft , Armand de Bethune
, Pair de France , Capitaine des Gardes
du Corps .
Le Maréchal , Duc de Berwick , Henri
Fitz-James , Pair de France , Gouverneur
de Limoufin .
Le Duc d'Antin , Louis- Antoine de
Pardaillan de Gondrin , Pair de France
Gouverneur d'Orleanois , Surintendant
des Bâtimens.
Hiiij Le
768 MERCURE DE FRANCE.
Le Duc de Chaulnes , Louis - Augufte--
Albert d'Ailli , Pair de France , Capitaine-
Lieutenant des Chevaux- Legers de
la Garde.
Le Duc d'Hoftun- Tallard , Marie-
Jofeph , Pair de France .
Le Maréchal de Matignon , Charles-
Augufte Goyon , Gouverneur du Pays
d'Aunis , de la Rochelle , & c.
Le Maréchal de Bezons , Jacques Bay
fin , Gouverneur de Cambrai , & du
Cambrefis.
Le Maréchal de Montefquiou d'Artagnan
, Pierre , Gouverneur des Villes &
Citadelle d'Arras.
Le Marquis de Souvre , Louis- Nicolas
le Tellier , Maître de la Garderobe du
Roy.
Le Marquis de Livry , Louis Sanguin,
Premier Maître-d'Hôtel de S. M.
Le Comte de Gaffé , Gouverneur du
Pays d'Aunis , fils du Maréchal de Matignon
.
Le Marquis de Fervaques
Anne-
Claude de Bullion , Gouverneur du Pays.
du Maine , Perche , & c.
Le Comte du Luc , François Charles
des Comtes de Vintimille , & de Marfeille,
Confeiller d'Etat d'Epée , cy-devant
Ambaffadeur à Vienne.
Le Marquis de Frié , cy-devant Ambaffadeur
à Turin. Le
JANVIER 1724 169
Le Marquis de Nefle , Louis de
Mailli.
Le Comte d'Hautefort , Lieutenant
General .
Le Comte d'Artagnan , Jofeph de
Montefquiou , Lieutenant General , &
Capitaine Lieutenant de la premiere
Compagnie des Moufquetaires .
·
Le Comte d'Estaing , Lieutenant General.
Le Marquis de Laffay , N. de Madaillan
de Lefparre , Lieutenant General
de la Province de Bourgogne.
Le Comte d'Aubeterrè , Bouchardd'Efparvez
de Luffan , Lieutenant General.
Le Vicomte de Beaune , N. de Montaigu
, Marquis de Bouzoles , Lieutenant
General des Armées du Roy , & de la'
Province d'Auvergne.
Le Marquis de Coigny , Lieutenant
General , & Colonel General des Dragons.
Le Comte de Canillac , Jean de Montboiffier
, Lieutenant General , & Capitaine
Lieutenant de la feconde Compagnie
des Moufquetaires.
Le Marquis de Brancas , Louis , Confeiller
d'Etat d'Epée , Lieutenant General
des Armées du Roy, & de la Pro-
Hv Le
vence.
170 MERCURE DE FRANCE .
Le Marquis de Silly , N. Vipart ,
Confeiller d'Etat d'Epée , & Lieutenant
General.
Le Marquis de Fimarcon , N. de Caf
Sagnette- Narbonne - Lamagne - Tillader
Lieutenant General des Armées du Roy,
& du Rouffillon.
Le Marquis de Senneterre , Lieutenant
General , & cy- devant Ambaffadeur en
Angleterre .
Le Comte de Beauveau de Rivau, Lieutenant
General.
Le Prince d'Izenghien , Louis de
Gand Merod- Montmorency , Lieutenant
General .
Le Comte de la Marck , Lieutenant
General.
Le Marquis de Verac , N. de Saint
George , Lieutenant General des Armées
du Roy, & de la Province de Poitou.
Le Marquis de Coetlogon , Vice- Amiral
de France..
Le Marquis de Maillebois , Jean - Baptifte
Franç is des Marets , Maitre de la-
Garderobe du Roy , & Lieutenant General
de Languedoc.
Le Vicomte de Tavannes , N. de
Saulx , Lieutenant General de la Pro--
vince de Bourgogne.
Le Marquis de Clermont , Commiffaire
General de la Cavalerie.
7.6 Le
JANVIER 1724 .
171
Le Marquis de Simiane , François - Antoine
, Premier Gentilhomme de la Chambre
de feu Monfieur le Duc d'Orleans .
Le Marquis de Caftries , N. de la
Croix , Chevalier d'Honneur de Madame
la Ducheffe d'Orleans .
Le Marquis de Clermont , Premier
Ecuyer du Duc d'Orleans.
Promotion de fept Maréchaux de France ,
du même jour 2. Fevrier , qui font.
Le Comte de Broglio , Gouverneur
d'Avefnes .
Le Duc de Roquelaure , Antoine Gaf
ton Jean- Baptifte.
Le Comte de Medavi & de Grancey
Jacques-Leonor Rouxel , Gouverneur de
Sedan.
A
Le Comte du Bourg , Eleonor-Marie
du Maine , Gouverneur de Betfort .
Le Marquis d'Alegre , Gouverneur de
S. Omer.
Le Duc de la Feuillade , Louis , Vicomte
d'Aubuffon , Duc de Rouannois
Pair de France .
و
Le Duc de Grammont , Antoine , Pair
de France , Colonel du Regiment des
Gardes Françoifes , Gouverneur & Lieutenant
General pour S. M. en Navarre
ARRESTS.
& Bearn.
H vj
172 MERCURE DE FRANCE .
ARRESTS.
RREST du 4. Janvier 1724.
A qui permet à tous . Cabaretiers de
vendre vin à toutes heures , excepté pen
dant le Service Divin , & qui leur fait
deffenfes de donner à boire & à manger ,
après huit heures du foir en hyver , &
après dix heures du foir en efté.
ARREST du même jour qui ordon
ne que tous Adjudicataires de Marchandifes
prohibées , provenant des ventes de
la Compagnie des Indes , feront tenus
de faire vifer par l'Infpecteur des Manufactures
étrangeres établi à Nantes , les
Acquits à caution qui leur auront été
expediez aux Bureaux des Fermes pour
la fortie defdites Marchandiſes hors du
Royaume , avant qu'elles puiffent eftre
embarquées , & les certificats de décharge
dans les Pays Etrangers .
77
SUPJANVIER
1723. 172
SUPLEMENTI
EXPLICATION de la troisième
Enigme du 1. Volume du Mercure ":
du mois de Décembre 1723 .
Cette machine utile dans les Villes ,
A qui veut s'en fervir , qui doit avoir fix pieds,
Dont on en voit quatre d'agiles ,
Où les Grands en entrant font tous humiliez
A
Quoi qu'en marchant , jamais elle ne touche
terre ,
Auroit par fois befoin de décroteurs
A fes trois lunettes de verre
2
On connoît la chaiſe à porteurs .
La Peraudiere
XX:XXXXXXXXXXXXX
ETRENNES à Madame la Mar
quife de Joyeuse , au premier jour
de l'An.
L
'An qui commence finira ;
Il ne finira que trop vîte ,
Tel le commence qui fera
Avant
74 MERCURE DE FRANCE .
Avant la fin au dernier giſte ,
Hideufe mort le furprendra.
Heureux font ceux , dit- on , dont les longues
années ,
Semblent ne devoir pas finir ,
Et dont les belles deſtinées
Promirent un long avenir.
Pourvûë d'un efprit fain , penetrant , fans
manie ,
D'un coeur droit & conftant , rempli de probité
,
D'un grand nom , de grands biens , d'une bonne
fanté ,
Et des graces de la beauté
Dans tous les âges de la vie.
Avec de fi beaux dons , ne vous y trompez pas
Sage Marquife de Joyeuſe ,
Vivre long -temps toujours heureuſe ,
Ne vous affranchit pas de la loi du trépas. ·
Ne vous répaiffez pas comme une ame commune
,
D'une
JANVIER 1724.
178
D'une fauffe felicité ,
Qui n'a rien de réel qu'ufte erreur importune:
Courez à l'immortalité.
Du feul fouverain bien avide ,
Si la vertu vous fert de guide ,
Vous arriverez à bon port.
Toûjours joyeuſe , toûjours belle ,
Vous vivrez fans vieillir les ans du vieuxNeftor '
Ce font les droits qu'une immortelle
Exige même de la mort.
AUX AUTEURS du Mercurefur
Les premiers Bouts -rimez qu'ils ont don
nez au Public fous le nom d'Argafile.
SONNET
Par une jeune Demoiſelle de Provence ,
fort jolie & fort fpirituelle , qui n'a
jamais fait de Vers.
Ous allez voir bien-tôt votre Mercure à cu
Ce Livre qui chez vous fait bouillir la
marmite ;
Des
17% MERCURE DE FRANCE .
Des Bouts rimez , grands Dieux ! tout le
monde s'irrite
Et fe plaint qu'à Buchet vous ayez furvêcu.
Sarrafin eft défait , Ergafile
vaincu ,
A remplir Bouts rimez tout pedant il invite ;
Chez le Commis Moreau les Sonnets courent
Et pour les inferer , on lui donne un
Ergafile charmé vous careffe , vous
vite
есн
baife ,
Et de fe voir moulé ce bouffon ravi d'aife ,
Promet en Bouts rimez de faire une chanfen
Qu'avec plaifir par vous elle fera
chantée ;
Car dans votre Mercure , eeuvre fi fort vanté;
Vous aimez à mêler la farine & le
Loni
DECRET
JANVIER 1724 177
DECRET
Du Roy d'Espagne , Philippe V. du nom
contenant la refolution que S. M. a prife
d'abandonner le Gouvernement de fes'
Etats , & de le remettre au Prince des
Afturies , fon Fils aîné.
A
Yant , depuis quatre ans , fait de ſes
rieufes & mûres reflexions fur les
miferes de cette vie , en me rapellant les
infirmités , les guerres & les troubles qu'il
a plù à Dieu de me faire éprouver dans
les vingt-trois années de mon Regne; confiderant
auffi , que mon Fils aîné , Prince
juré d'Espagne , fe trouve dans un âge
fuffifant , déja marié ; & avec la capacité,
Le jugement , & les qualités propres pour
regir & gouverner avec fuccès & juftice
cette Monarchie , j'ai refolu d'en abandonner
abſolument la jouillance & la condui
te , y renonçant , & à tous les Etats ,
Royaumes , & Seigneuries qui la compofent
, en faveur dudit Prince Dom Louis ,
mon Fils aîné , & de me retirer avec la
Reine , en qui j'ai trouvé une prompte
difpofition & volonté à m'accompagner
, avec plaifir , dans ce Palais & lieu
de
18 MERCURE DE FRANCE.
de St. Ildephone , pour fervir Dieu ; &
débaraffé d'autres foins , penfer à la mort,
& travailler à mon falut. J'en fais part
au Confeil , afin qu'il s'en tienne pour inftruit
, qu'il en donne avis aux perfonnes
qu'il conviendra , & que cette refolution
parvienne à la connoiffance de tous . Au
Palais de Saint Ildefonfe , le 15. Janvier
1724. Signé , moi LE ROY.
Cette Lettre fut adrefsée au Marquis de
Miraval , Gouverneur du Confeil , & lûe
dans ledit Confeil le 16. dudit mois , en
prefence du Prince des Afturies , & de
Tous les Grands , qui y furent mandés.
Enfuite on fit la lecture des dernieres
volontez du Roi en forme de Lettre
adreffée à fon Fils , par laquelle il l'exhorte
à bien gouverner , & lui recommande
les Princes fes freres , la Reine
fon époufe , la Reine Douairiere , qui eft
à Bayonne , & plufieurs Seigneurs. Pendant
laquelle lecture le Prince des Afturies
fondant en larmes donna toutes
les marques de fenfibilité qu'un bon fils
peut donner en pareille occafion.
Auffi - tôt que le Roi d'Efpagne eût figné
le Decret que l'on vient de raporter .
S. M. chargea le Marquis de Grimaldo
d'aller à l'Eſcurial faire part de fa refolution
au Prince des Afturies , lequel fit
apeller
JANVIER 1724. 179
apeller les Infants , & les Grands du
Royaume qui fe trouvoient à la Cour ,
pour figner , en leur prefence , l'Acte d'acceptation
de la Couronne , & du Gouver
nement.
XXXXXXXXXXXXXX
LISTE
Des perfonnes nommées pour le Gouvernement
de l'Etat , par le Roi Catholique
avant fon abdication , & de celles que
Sa Majefté a honorées de l'Ordre de la
Toifon
L
Cabinet.
' Archevêque de Tolede.
Le Grand Inquifiteur.
Le Prefident de Caftille.
Le M is de Valero .
Le Mis de Lede. }
Grands d'Eſpagne.
Le Comte de Sant- IRevan , Plenipotentiaire
à Cambray.
Don Miguel Francifco Guerra .
Prefident du Confeil des Ordres.
Le Comte de Sant- Iftevan , Plenipoten
tiaire à Cambray.
Pre
180 MERCURE DE FRANCE.
?
Prefident du Confeil des Indes.
Le Marquis de Valero .
Prefident du Confeil de la Guerre.
Le Marquis d'Aitona ', Grand d'Eſpagne
Secretairies d'Etat.
Celle dite del Despacho de Eftade , dư
Marquis de Grimaldo , à Don Juan.
Celle d'Eftat de Mr. le Marquis de Gri
maldo , à Don Juan Bautiſta Orendain
fon Commis.
Celle des Indes & de la Marine , à Don
Antonio Sopéna , Commis dud . Minif
tre.
La Compagnie des Hallebardiers.
Au Prince Mafferan , Grand d'Espagne,
Chevaliers de la Toiſon.
LeDucPriego deMedina-Ċeli . ?
Le Duc del Arco.
Le Marquis de Santa Cruz .
Le Comte de Sant- Ifte van de
Gormas.
Le Marquis de Grimaldo:
Le Marquis de Valouze.
Le Duc de la Mirandole:
Grands
'd'Espagn't
Grands
Le Duc de Medina Sidonia . S d'Espagne.
Le Marquis Scotti.
Don
JANVIER 1724. 180.
Don Antonio Arduino , Sicilien.
M. l'Abbé de Grimaldo , Grand Chancelier
de l'Ordre, exerçant pour fon Neveu.
Gouverneur de l'Infant Don Philippe.
Le Marquis del Surco.
Sous- Gouverneur de l'Infant Don Philippe.
M. de Conok , Exempt des Gardes.
Le Roy Philippe reste au Palais de St.
Ildephonfe , avec la Reine. Sa Majesté
s'eft refervé cent mille piftoles de penfion
, à prendre fur les revenus de la Ferme
du Tabac, & un million de piaftres ,
pour achever ce qui refte d'ouvrages à
faire à St. Ildefonfe . Elle a auffi affigné à
chacun des Infants & Infante , vingt- cinq
mille piſtoles de penfion. Leurs Majeftez
Catholiques ne gardent pour leur fervice
qu'environ foixante perfonnes des deux
fexes , dont les principales font :
Le Marquis de Grimaldo , comme Sur-
Intendant .
Le Marquis de Valouſe , comme Chef
des Ecuries.
Le Reverend Pere Bermudez , Confeffeur
du Roy .
Don Domingo Guerra , Confeffeur de
la Reine. Le
2 MERCURE DE FRANCE.
Le Docteur Servi , qui étoit Premier
Medecin de la Reine.
M. le Gendre , Premier Chirurgien.
M. Ricoeur , Premier Apoticaire.
M. Lacombe , Valet de Chambre.
M. Valois , Idem.
M. Vauvel , Tapiffier.
M. Benoît , Chef de la Bouche.
Dames.
Madame la Princeffe de Robecq , &
Madame la Comteffe de Solre , pourfaire
compagnie à la Reine.
Madame la Marquiſe de Las Nieves.
La Nourrice de la Reine.
Quatre Femmes de Chambre.
Le Roi d'Eſpagne a paru fort fenfible à
l'empreffement avec lequel les Grands
Officiers , & plufieurs Seigneurs lui
avoient demande la grace de refter auprès
de lui ; mais , malgré leurs inftances , Sa
Majefté n'a retenu auprès de fa perfonne
que ceux dont on vient de lire la lifte.
Le Roi a voulu en même temps procurer
quelque foulagement à fes Feuples , en
ordonnant la diminution de quelquesunes
des impofitions qu'on levoit fur eux,
Le
JANVIER 1724. 183
L
E 13. de ce mois , les Officiers des
Eaux & Forêts de Montargis , firent
celebrer un Service Solemnel dans l'Eglife
des Reverends Peres Recolets de la même
Ville , pour feu Monfieur le Duc
d'Orleans. Toutes les Compagnies y furent
invitées , & le Reverend Pere Eloy
Huet , Recolet , âgé d'environ quatrevingt
ans , prononça l'Oraifon Funebre
de ce Prince , avec applaudiffement .
On aprend de Venife , qu'on y publia
au commencement de ce mois une Ordonnance
du Confeil des Dix , par laquelle
il est défendu durant le Carnaval , d'aller
en Mafque les jours de Fêtes de Commandement
, finon le foir ; non plus que la
veille & le jour de la Fête de la Purification
de la Vierge durant lequel les
Théatres d'Opera & de Comedies feront
fermés , ainfi que toutes fortes d'Affemblées
de Jeu , & d'autres divertiffemens .
>
Mr. le Duc d'Orleans a donné à Mr.
d'Argenfon , l'Apartement que le feu
Cardinal Dubois occupoit au Palais Royal.
Le
* A MERCURE DE FRANCE.
Le Roy a accordé aux Theatins une
fomme de 30000. liv. pour achever leur
Eglife.
J
APPROBATION.
'Ay la par ordre de Monfeigneur le Garde
des Sceaux le Mercure de France du mois
de Janvier, & j'ay crû qu'on pouvoit en
permettre l'impreffion. A Paris , le 10. de
Fevrier 1724.
HARDION.
TABLE
E
TABLE
Des Principales Matieres.
PITRE au Roy.
Avertiffement.
Pieces Fugitives , &c.
Remarques fur
les Chartes qui ne font point dattées ,
&c.
page
L'Immortalité , Ode.
I
9
Lettre , réponſe aux
remarques fur les
figures du Portail de l'Eglife de l'Abbaye
S. Germain .
Ariane & Bacchus , Cantate .
24
35
Extrait du difcours du P. de la Santé fur
la durée de la Paix.
Traduction de la
quatrieme Ode du
mier Livre d'Horace .
38
pre-
47
Extrait d'une Lettre de
l'Auteur du
Voyage de Syrie , & du Mont- Liban
qui fert de réponſe au fieur Paul Lucas
.
Epître en Vers.
50
57
Lettre écrite de
Bourgogne à Mr M. de
Mautour.
Le Songe , Cantate .
60
67
Extrait d'une Lettre fur l'origine , & les
I
80
antiquitez de la Ville d'Orange. 69
Epigramme.
Lettre écrite de Châlons fur un corps
mort trouvé entier après 23. ans de
Explication des Enigmes..
fepulture.
Nouvelles Enigmes.
8 I
82.
86
8:8
93
Bons mots , Lettre écrite aux Auteurs
du Mercure.
Chanfon notée.
NOUVELLES LITTERAIRES , &c.
Jeux de Quadrille , & c.
Entretiens des ombres,, &c.
Journal des Sçavans.
94
98
102
Reception de l'Abbé Alaric à l'Académie
Françoife. 105
Prix propofé par l'Académie de Pau . 109
Extraits de diverfes Lettres , & c. 113-
Jettons gravez de la prefente année. 118
Spectacles,
Nouvelles Etrangeres de Conftantinople,
& c .
Morts , Baptêmes & Mariages ,
Journal de Verfailles & de Paris.
I 20
12:3
140
144.
Nouvelles diftributions d'appartemens
donnez par le Roy au Château de
Verſailles,
147
Etat de la Maiſon de M. le Duc d'Orleans.
Morts & Mariages.
148
155
Benefices donnez . 162
Dignitez , Charges & Emplois.
Promotion de cordons bleus.
163
165
Promotion de fept Maréchaux de France.
Arrefts.
17 !
172
Supplement , explication de la troifiéme
Enigme du 1. volume du Mercure de
Decembre. 173
Etrennes à la Marquife de Joyeufe. Ibid.
175 Sonnet en bouts- rimez .
Abdication du Roy Philippe V. à la
Couronne d'Espagne , Decret , &c.
Lifte des Officiers nommez par
d'Espagne.
177
le
Roy
179
Errata du premier volume de Decembre.
P. Age 1195 , ligne 4. du bas , Mo- naco , lifez Munich.
Errata du fecond volume de Decembre.
P. Age 1425. ligne 7. diverſes , lifez
Avis pour placer les figures.
Les caracteres de la Charte , page
L'air hoté.
Les jettons.
17
93
118
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le