→ Vous voyez ici les données brutes du contenu. Basculez vers l'affichage optimisé.
Fichier
Nom du fichier
1710, 01
Taille
11.80 Mo
Format
Nombre de pages
407
Source
Année de téléchargement
Texte
807156
MERCURE
TOTHEUDE
GALANT
LYON
- DE DIE' A MONSEIGNEUR/ S
LE DAUPHIN
JANVIER 1719
DE
A PARIS ,
Chez MICHEL BRUNET , grande Salle du
Palais , au Mercure Galant.
Com
Omme il eft impoffible dans la conjoncture
prefente de ne pas groffir
le Mercure, ce qui en augmente confiderablement
les frais , on ne peut fe difpenfer
d'en augmenter auffi le prix , Ainfi les
volumes qui feront reliez en veau fe vendront
dorefnavant 18. fols. Quant
aux volumes qui feront reliez en parche
min , on n'en payera que trente-cinq .
Les Relations fe vendront autant que
Ies Mercures.

Chez MICHEL BRUNET , grande
Salle du Palais , au Mercure
Galant .
M. DCCX.
Avec Privilege du Roy.
AULECTEUR .
ILya lieu de croire qu'on
ne lit plus l'Avis qui a
efté mis depuis tantd'années.
au commencement de chaque
Volume du Mercure , puifque
malgréles prieres réiterées
qu'on afaites d'écrire en
caracteres lifibles les Noms
propres quife trouvent dans
les Memoires qu'on envoye
pour eftre employez , on níglige
de le faire , ce qui eft
caufe qu'il y en a quantité
A ij
AU LECTEUR
de défigurez , etant impoffible
de devinerle nom d'une Terre
, ou d'une Famille , s'il
n'eft bien écrit. On prie de
nouveau ceux qui en envoyent
d'y prendre garde ,
s'ils veulent que les noms
propres
foient corrects
. On
avertit encore qu'on neprend
aucun argent pour ces Memoires,
& que l'on employera
tous lesbons Ouvrages à leur
tour , pourvu qu'ils ne defobligent
perfonne , & que
ceux qui les envoyeront en
affranchiffent le port.
DELA
VILLE
MERCVRE
GALANT
JANVIER 1710
S
LYON
I vous avez eſté contente
des Ouvrages compofez à
la gloire du Roy, & des Eloges
de Sa Majesté prononcez en
divers lieux & en diverfes occafions
que je vous envoyay
A iij
6 MERCURE
le mois dernier , vous ne devez
pas prendre moins de plaiſir à
Îire l'Article qui fuit , où vous
trouverez un Abregé de tout
ce que ce Monarque a fait de
grand pendant la vie , & particulierement
pour le bien de
Les Sujets .
Le Pere Cottin , Profeſſeur
d'Eloquence dans le petit College
de la Ville de Lyon , prononça
le jour de Saint André
un Eloge du Roy , en preſence
de M' le Prevoft des Marchands
& de tout le Confulat ;
l'amour paternel de ce Prince
pour les Sujets , & ce que cet
GALANT 7
amour luy a fait faire firent la
divifion de ce Difcours , qui
reçus de grands applaudiffemens.
Avant que d'entrer dans
la premiere partie , il fit un
Compliment à Mrs du Confulat
fur le zele avec lequel ils
rempliffent les bonnes intentions
du Roy pour fon peuple ,
en faifant voir que quelques
bonnes que fuffent ces intentions
& quelque affection que
le Souverain
cut pour fon
peuple , il luy feroit preſque
impoffible de les executer ; &
d'en faire gouter les fruits à
fes Sujets , fi fes Miniftres &
1
A iiij
8 MERCURE
ceux qui font chargez de
l'execution de fes ordres dans
les Provinces , n'entroiene fur
cela dans fes veües , & n'étoient
animez du même efprit . Cette
penfée fut délicatement maniée
; & elle luy fournit un
champ fecond d'Eloges pour
Mr Ravat Prevoft des Marchands
, & pour les Echevins
dont l'Adminiſtration a efté
d'autant plus difficile que la
faifon a elté des plus fterile &
des plus rigoureufe. Avant de
prouver lamour paternel de
Sa Majefté pour fes Sujets &
de mettre dans une pleine

GALANT 9
évidence cette qualité fi glorieuſe
à un Souverain , & que
les Rois doivent plus eftimer
que tous les lauriers dont ils
peuvent couronner leur tête ,
il fit de ce Monarque , un
portrait auffi beau que naturel;
il le fit voir par tous les endroits
qui découvrent en luy
Heroilme , & qui dans le
Paganifme ou dans la folle
Antiquité luy auroit fait meriter
à plus jufte titre qu'à plufieurs
Empereurs , les honneurs
de l'Apotheofe. Il parla
des glorieufes campagnes qu'il
a faites en Perfonne & fur
10 •
MERCURE
ce Printout
de celle de 1672. dont
il fut l'ame & le mobile par fa
prudence , fon activité & la
fageffe de fes ordres. Il parla
enfuite de l'amour que ce
ce a toûjours eu pour la juftice,
l'exactitude avec laquelle il
l'a toujours fait rendre &
même contre fes interefts ; fa
prudence dans les Confeils où
il a toujours prefidé en perfonne
; fa penetration , & fa
fagacité qui ont brillé d'une
maniere fi extraordinaire dans
les conjonctures les plus difficiles
, & dans les affaires les
plus délicates ; enfin fa modé
GALANT II
la
ration dans les profperitez les
plus rapides , & la fermeté
dans les revers les moins meritez
& les plus accablans pour
un Prince toujours accoûtumé
à vaincre, fournirent au jeune ,
mais éloquent Orateur.
matiere d'un Eloge également
folide & délicat . Il dit enfuite
que toutes ces vertus , & toutes
ces qualitezquelques éclatantes
qu'elles fuffent , auroient esté
ternies , ou du moins qu'il leur
auroit manqué quelque chofe , fi
elles n'avoient efté relevées par
l'amour vrayment paternel de ce
Prince pour fes Sujets ; amour
12 MERCURE
auffi effectifque veritable & auffi
veritable qu'il a efté foutenu par
mille traits qui l'ont découvert
durant tout le cours d'un regne
que la Providence
n'a permis qui
fut fi long que pour en faire le
modele d'un bon & jufte regne
pour montrer à la pofterité en la
perfonne de Louis le Grand
l'image du meilleur Prince qui
fut jamais ; mais d'autant plus
digne des louanges de ceux qui
viendront aprés nous
que Sa
bonté a esté naturelle & acqufe.
Louis le Grand a esté bon par
nature ; il n'a fait que fuivre
fon penchant la pensée de fon.
,
2
GALANT 13
coeur quand il a aimé fon Peuple ;
mais il s'eft auffi fait une étude
particuliere de cet amour ; il l'a
regardé comme le devoir le plus
indifpenfable de fa condition fuprême
, & il s'eft dit tous les
jours de fa vie , que regner fans.
amour c'eftoit expofer la Royauté
à degenerer en tirannie ; que
rien ne re
reffembloit mieux à l'oppreffion
que le pouvoir arbitraire
l'amour ne tempere point ;
que l'amour paternel du Roy
parut dés les premieres années de
fon regne ; & que
les premieres
que
étincelles defa raifon furent , pour
ainfi dire , les premieres fignes de
14 MERCURE
l'amour qu'il avoit pour le Peuple
dont la nature l'avoit fait
naître le maître ; que cet amour
l'avoit rendu dans tous les temps
de fa vic , & prefque dans toutes
les heures de la journée , accefible à
fes Sujets également prêt à
écouter leurs plaintes & à leur
rendre juftices que le moment où
on l'a veu preferer à un devoir
fi effentiel , maisfifouvent négli
ge , les foins de fa gloire où des
paffions attachées à l'humanité.
eft encore à naître ; mais qu'infenfiblement
il anticipoit fur la
deuxième partie. Il la commença
en faiſant voir les marGALANT
15
ques de cet amour paternel
que le Roy donna dés qu'il
gouverna par luy- même auffitôt
que le Cardinal Mazarin
cur les yeux fermez. Il ajoûta
qu'alors tout futfurfon compte ;
& que comme on n'auroit pas mis
fur le compte du Miniftre qui ne
voyoit pas ce qu'il y auroit pú
avoir de plus réprehenfible dans
le Gouvernement fi on y eut remarqué
quelque chofe de pareil ,
qu'auffi ne devoit on mettre que
fur lefeul compte de ce Monarque
les traits de bonté qui échapoient
en foule defon coeur dés ce tempslà
; il continua ainfi ; ces fages
16 MERCURE
le
judicieufes Ordonnances ont
fait revivrela majefté des Loix ;
ont donné uneforme ſtable &
conftante à laJurifprudence
Francoife
,qui varioitfelon la difference
des Tribunaux , & ont affuré
repos des familles . Loix dont
lafageſſe met leur Auteur au deffus
de Licurgue , tant chanté des
Lacedemoniens
, des Acheniens
, dont l'utilité , & les
avantages élevent Louis le Grand,
non-feulement au - deffus de ces
Legiflateurs Romains ; mais auffi
au deffus du celebre Roy des
عون
Atheniens Codrus , de bonne
d'éternelle memoire , qui pour
GALAN 17
remplir l'Oracle fatal fe dévoüa
pour le falut de fa Patrie ; &
qui ayant efté le dix -feptiéme Roy
de ce Peuple en fut auffi le dernier.
Les Atheniens pour honorer Ja
memoire pour reconnoître autant
qu'il eftoit en eux le facrifice
de ce genereux Roy abolirent
la Royauté , defefperant d'avoir
un auffi bon Prince pour Souverain.
De là le Gouvernement des
Archontes , dont le fils du bon
Codrusfut le premier. AMANTI
NIL DIFFICILE a dit
; un Ancien auffi Louis le
Grand , n'a rien trouvé de difficile
quand il a fallu fatisfaire
Janvier 1710.
B
18 MERCURE
l'inclination qu'il a pourfon Peuple
; de cette tendreffe , de cette
"bontépaternelle font nez tant d'Edits
pour affurer le repos de fes
Sujets , pour éteindre parmi cette
generofité cruelle & feroce qui
détruifoit la Nobleffe du Royaume
; je parle de l'Edit des Duels ;
Edit qui foûtenu par la feverité
de la Loy aenfin détruit cettepefte
publique ; de cette bonté paternelle
font forties tant de fages Ordonnances
pour la Police exterieure
du Royaume , pour le Reglement
des conditions , &pour donner des
bornes au luxe exceffif auquel fe
livroit infenfiblement la Nation :
GALANT 19
qu'on n on ne nous vanteplus , s'écria
l'Orateur , le zele de l'Orateur
Romain ; l'amour de la Patrie qui
animoit Ciceron & qui luy fit
découvrir l'horrible conjuration de
Catilina ; la tendreffe que Jules
Cefar conferva pour fes Compa
triotes dans les terreurs de laguer
re qui déchiroit fa malheureuſe
Patrie ; tendreffe qui luy fit recommander
à la Bataille de Pharfale
qu'on épargnât les Citoyens
Romains ; ne voulant pas qu'unfi
noblefang coulât àfesyeux qui lui
fit envier la mortdu fageCaton &
qui luy fit répandre des larmes à la
vue de la tefte fanglante de Pom-
Bij
20 MERCURE
pée; qu'on ne vante plus fur cette
mort la bonté de celui ci qui deffendit
fi long- temps la liberté de
Rome & qui la vit finir avec fa
vie dans cette journée memorable
qui decida du fort de l'Univers ;
que les Panegyriftes de Tite & de
Trajan fe taifent , puifque de l'aveu
même du premier ily a eu une
journée inutile qui luyfit regretter
de n'avoir rien fait pour fes
Sujets , en difant à quelques -uns
de fes Courtifans ; Mes Amis ,
nous avons perdu ce jour ; &
que lefecond contre ce qu'il avoit
écrit au Senat à son élevation à
l'Empire , que jamais par fes
GALANT 21
ordres un homme de bien ne
feroit condamné à la mort , ne
$
donna que
trop de preuves
de la
haine
qu'il
portoit
aux
Chreftiens
,
quoy
qu'il
aff. ctât de ne point
publier
d'Edit
contr'eux
: Louis
Le Grand
a furpaffé
tous
ces
modeles
de bonté
. L'Orateur
fit
alors
un détail
fuivi
& foûtenu
par
le feu de fon
imagination
& par
toutes
les
fineffes
de
l'Art
, de toutes
les
marques
de bonté
que
ce Prince
a don
nées
à fon
peuple
. L'Europe
fi
fouvent
pacifiée
dans
les temps
où le torrent
de fes profperitez
luy pouvoit
faire
tout
ef
22 MERCURE
perer de la continuation d'une
guerre jufte. Sa prévoyance
comme un autre Jofeph , à faire
remplir les greniers publics
dans les temps de fterilité ,
& à envoyer chercher du
Grain dans un autre Hemifphere,
dans des terres éloignées
& que nous ne connoiffons
que fur la foy des Relations ;
& fon aplication à rendre par
une heureufe induftrie à fon
Peuple ce que la terre fterile &
infidelle luy refufe , furent des
morceaux habilement maniez .
Il rapella en cet endroit les
horreurs de l'année de calamiGALANT
23
té qui fit éprouver tant de
rigeurs fur la fin du dernier .
ficcle ; & dont on fe fouviendroit
encore avec une espece
de frayeur , fi une calamité &
plus preffante & auffi plus prefente
n'en étoufoit le fouvenir.
Ce fut en cet endroit que
de Pere Cottin fe furpaffa &
que piqué d'une noble émulation
contre luy- même , il
tâcha autant de s'élever aúdeffus
de luy- même qu'il s'étoit
élevé au commencement
de fon Difcours audeffus des
Orateurs ordinaires ; mais le
chef- d'oeuvre de l'Art & où
24 MERCURE
il fit de plus grands efforts pour
s'élever & pour loüer plus
magnifiquement fon Heros
c'eft dans le chef d'oeuvre de
fa vic , c'eft à dire , dans l'extinction
de l'Herefie : il loüa
& avec juftice ce Monarque
d'avoir purgé fes Etats d'un
Monftre qui a efté plufieurs
fois preft à les bouleverfer. Ce
qu'il dit à ce fujet des troubles
que les nouveautez Calviniennes
exciterent en France ; &
les defordres aufquelles elles
donnerent licu fur la fin du
16 fiecle , fut curieux & recherché.
La fermeté de ce
Prince
GALANT 25
Prince à refufer les offres les
plus éblouiffantes & les plus
capables de tenter une ame
moins grande que la fienne
au prix même de fon repos ;
en quelque maniere de fa
pre gloire , fut mife dans le
plus beau jour qu'elle pouvoit
&
prorecevoir.
La France armée
pour la défenſe de la Religion
contre des Princes qui ont
toûjours fait une oftentation
orgüeilleuse de Catholicité &
qui la veulent oprimer en établiffant
le culte d'une fauffe
Religion & de toutes les fectes
impies que l'enfer a vomis dans
Fanvier 1710.
C
26 MERCURE
l'Angleterre ; & qui la veulent
oprimer dans le Royaume le
plus Catholique qui ait jamais
efté , donna une belle matiere
& ouvrit un beau champ à
l'Orateur. On connut bien
qu'il parloit de l'Espagne des
fecours & de la protection
donnez au Roy Catholique
& à celuy d'Angleterre , & ces
endroits furent délicatement
touchez . Ce morceau refervé
pour la fin & pour donner
un nouveau relief à toutes les
vertus & à l'amour paternel
de Louis le Grand , eftoit
un effet fufceptible de toutes
GALANT 27
les beautez de
l'éloquence
& plus l'Orateur fe trouva en
cet endroit comme en beaucoup
d'autres endroits de fon
Difcours , au deffous du fujer
qu'il traitoit , plus on le trouva
digne de le traiter ; & il éprouva
en cette occafion que ceux
qui ont le plus d'efprit font
ordinairement
ceux qui font
toujours moins fatisfaits d'euxmêmes
; & cependant il a dû
l'eftre des grands applaudiffemens
qu'il a reçus .
1
Quoyqu'il s'agiffe d'une Oraifon
funebre dans l'article
Cij
28 MERCURE
qui fuit, vous le trouverez bien
different de ce qui regarde ordinairement
ces fortes d'ouvrages
qui contiennent plus de
traits d'éloquence & de loüanges
que de faits , ceux qui s'y
trouvent n'y étant prefque toujours
rapportez que pour donner
lieu de briller à l'éloquence
de l'Orateur ; mais ce que vous
allez lire doit être regardé
comme l'Hiftoire entiere d'une
vie remplie d'incidens merveilleux
& de l'hiftoire d'une
converfion encore plus mer
veilleufe , & dont la lecture
ne doit pas moins attacher
GALANT 29
& faire de plaifir , que feroit
celle de l'hiftoire la plus curieufe
.
On a fait un Service magnifique
dans l'Eglife de l'Abbaye
de Maubuiffon , pour la
Princeffe Loüife Hollandine ,
Palatine , dernière Abbeffe de
cette Abbaye. Mr l'Evêque de
Beziers officia ; & Mr l'Abbé
'Maboul , Grand Vicaire de
Poitiers , & nommé à l'Evêché
d'Alet , prononça l'Oraiſon funebre
en prefence de Madame
la Princeffe. Mr l'Evêque d'Alet
prit pour texte ces paroles
du 44. Pfeaume : OMNIS GLOC
iij
30 MERCURE
1
les
RIA EJUS FILIE REGIS AB
INTUS . Toute la gloire de la
Fille du Roy vient de fon
coeur. Le faint Efprit , dit- il ,
dans fon Exorde , parlant dans
l'Ecriture de la Fille du Roy , ne
fait entendre dans fon éloge , ni
les avantages de la naiſſance , ni
preeminences du rang: il ne la
louë ni par la majefté de fes traits ,
ni par la dignité defa perfonne ; il
ne luy fait un merite ni de l'éclat
de fes richeffes , ni de la magnifi
cence defa Cour: il ne la chèrche,
il ne la regarde qu'en elle- même ,
il met toute fa gloire dans fon
coeur. Chargé du glorieux , mais
GALANT
31
difficile Miniftere de rendre à la
Fille d'un Roy un jufte tribut de
louange , me fera- t - il permis de
chercher hors d'elle- même les titres
de fa gloire ? Vous parleray je de
la nobleffe de ce Sang illuſtre, qui
de Heros en Heros a coulé tout pur
dans fes veines ? Affembleray
- je
fur fon tombeau les lauriers que
fes Anceftres ont ceüillis en tant
d'occafions ? Vous reprefenteray -je
la hauteur de tant de Trônes , au
milieu defquels elle est née ? Feray-
je le dénombrement det Empereurs
, des Rois , des Electeurs
que fa Maiſon a donnez à l'Europe
& qui ont rempli le monde
C iiij
32 MERCURE
entier du bruit de leur nom? Elle-
même m'en défavoüeroit , &
elle me défend
défend encore aprés fa
mort de la revêtir de ces grandeurs
hereditaires , & dont elle
s'eft pendant fa vie fi genereusement
dépouillée ? Cette Princeffe
étoit feconde fille de Frederic V.
dit le Contant , Electeur Palatin
, & élú Roy de Boheme ,
d'Elizabeth Stuart , fille de Facques
1. Roy d'Angleterre. L'Ŏrateur
tira le partage de fon Difcours
de l'Hiftoire de la Converfion
de cette Princeffe . Egalement
fuperieure , dit- il , e
aux obftacles & aux devoirs ,
CALANT 33
elle furmonte ces obftacles par la
grandeur de fafoy ; elle remplit
& furpaffe même fes devoirs ,
par l'étendue de fa charité. L'herefte
continua - t- il au commencement
de la premiere partie
, qui comme un torrent impetueux
, innonda dans le penultiémefiecle
toute l'Allemagne &
qui foûtenu par les interrefts d'u
ne politique mondaine , entraîna
prefque malgré eux , tous les plus
puiffans Princes de l'Empire , s'étoit
fait du Chef de la Marfon
Palatine un de fes plus grands
Protecteurs. ( C'étoit l'Ayeul de
Madame l'Abbeffe de Maubuif34
MERCURE
fon ) devenue comme hereditaire
dans cette augufte Maifon , elle
paffa aux Princes fes defcendans ,
elle fe vantoit d'avoir en eux
fes plus fermes appuis , & de
trouver dans leur haute valeur ,
dans leur faux zele
autant
que
des armes pour pouffer plus loin
fes conqueftes. Vous le permites.
ainfi, o mon Dieu , pourſuivit
Mr d'Alet , non pour détruire,
maispour purifier votre Eglife :
Vous fiftes de ces Princes , les nobles
inftrumens de vôtre Justice :
Vous empruntates leurs bras pour
châtier Ifrael, y établirpar ces
falutaires effets de vôtre colere paGALANT
35
ternelle, la pureté de vôtre culte...
Le Duc de Brunſwick & la Republique
d'Hollande prefenterent
au Baptême le Princeffe Loüife ,
ces Princes , continua- t- il ,
qui fuivant lafage Inftitution de
cette ancienne ceremonie auroient
dú répondre à l'Eglife de l'integrité
de fa foy , fervirent de caution
& d'interpreftes de fon dévouement
au Calvinisme. Il parla
enfuite de l'éducation que
lui donna Sybille de Keller de
la Maifon des Ducs de Curlande,
qui avoit auffi eu ſoin de
celle du Roy de Boheme fon
pere. Faifant de la droiture du
36 MERCURE
coeur , dit- il , en parlant de cette
Dame & de la pureté des
moeurs , du mépris de la vanité
de l'horreur du menfonge ; de
la compaffion pour les pauvres ,
de la tendreffe pour les malheu
reux ; de la crainte de Dieu & de
fon amour , fes plus familieres
inftructions , elle verfoit dans cette
amo tendre le poifon de l'erreur
avec d'autant plus de facilité ,
qu'à lafaveur de ces grandes vertus
, ils y trouvoient plus d'accés
& qu'ils fe prefentoient à elle
fous les noms empruntez de verité
& de Religion.... Les préjugez
de la Princeffe, continua t - il,
GALANT
37
pour
groffiffoient encore par la politique
des Miniftres attentifs à les cultiver
: découvrant de jour en jour
en elle de nouvelles vertus qui
meuriffoient avec l'âge , comprenant
tout ce qu'ils devoient en attendre
l'honneur de la fecte
pour leurpropre reputation , ils
s'accrediterent de plus en plus auprés
d'elle fous la qualité uſurpée
d'Envoyez du Seigneur , &
couvrant leur fauffe doctrine de
la parole de Dieu , pour elle toujours
reſpectable , ils n'oublioient
rien pour luy en faire une religieufe
habitude , toujours plusforte
plus infurmontable que la
38 MERCURE
.
nature même. Il dit enfuite , que
la lecture affiduè de l'Ecriturefainte
commença à diffiper fes tenebres
, & il oppofa l'utilité de
cette lecture au danger inévitable
de celle des Romans , &
autres Livres profanes . Cet endroit
fut délicatement touché
, & aprés quelques foli- ·
des réflexions fur la témerité
des Proteftans , qui prétendent
être feuls les Juges & les Interpretes
de l'Ecriture. Il fit voir
le premier moyen dont la Providence
fe feroit pourtoucher
le coeur de la Princeffe , la conference
qu'un Medecin CathoGALANT
39
lique de la Reine de Boheme
eut en preſence de ces deux
Princeffes fur le Baptême des
enfans , & il dit : Que le Mini
tre étant demeuré fans replique ,
demanda huit jours pour y répondre
, qu'à la fin de ce terme
ayant manqué au rendez- vous
s'excufant fur des affaires ; enfin
preffé par la Reine , il luy avoia
qu'aprés une longue attention &
un penible travail , il n'avoit
rien trouvé dans la Bible de
quoy
répondre aux objections du Medecin
; que la Princeffe alors âgée de
huit ans s'en fouvint toûjours depuis
que la grace luy en fit
1
40 MERCUKE
tirer dans un age plus avancé des
motifs de converfion . La mauvai
fe foy d'un Miniftre , ajoûta ce
Prélat , dont dans un âge tendre ,
elle avoit esté un témoin nonfufpect
, vint fortifier fes doutes....
Cesfalutaires doutes , ces heureufes
inquiétudes croiffoient encore
lorfque lifant dans l'Ecriture les
terribles vengeances que Dieu jaloux
de l'honneur de fon Culte,
exerce contre les Rois qui l'ont abandonné
, elle en faifoit une trifte
mais juſte application aux difgraces
du Roy fon pere. L'Orateur
fit en cet endroit un détail des
mécontentemens des Etats de
GALANT 41
Boheme , qui appellerent à leur
fecours l'Electeur Palatin , &
le firent leur Roy ; & dit que
l'on trouvoit l'éloge de ce
' Prince terminé par cette pen-
Léc. Quel Prince plus digne du
trône fi l'herefie ne luy avoit fervi
de premier degré pour y monter.
Il fit enfuite un détail de
la bataille de Prague ( en 1620)
que Maximilien , Duc de Baviere
, ayeul de l'Electeur de ce
nom , gagna fur le Roy de
Boheme : Bataille , continuat
-il,dont les fuites furentfifuneftes
pour ce dernier & fi avantageufes
pour lepremier , puifque la
Janvier 1710.
D
42 MERCURE
dignité Electorale fut transportée
de la branche aînée dans la branche
cadete de la Maiſon Palatine
de Baviere ; pendant que les
Courtisans , continua le Prélat,
regardoient ces évenemens comme
d'injuftes caprices d'une aveugle
fortune, la Princeffe y adoroit
les Jugemens profonds d'unefecrette
providence , la grace fe me
lant à fes réflexions , luy faifoit
appercevoir dans ces malheurs domeftiques
, les malheurs inévita
bles que doivent craindre toft ou
tard les protecteurs de l'Herefie.
Il parla enfuite des Révolutions
d'Angleterre , qui furent
GALANT 43
pour la Princeffe un champ fecond
de falutaires reflexions :
>>
Ce Schifme fameux ', dit - il ,
d'un Roy , qui comme un autre
Salomon abandonna la Sageffe
pourfacrifieraux Idoles d'une bon
teufe volupté ( il parloit d'Henry
VIII.) & qui pour ferrer de
plus prés les liens fcandaleux qu'-
une aveugle paffion avoitformez,
rompit les noeuds facrez qui l'attachoient
à l'Eglife. Ce Schifme
qui par une malheureufe fecondi.
té produifit dans un Royaume autrefois
fi fidelle ces monstrueuses
Sectes , qui divifées entre ellesmêmes
, ont donné prefque de nos
Dij
44 MERCURE
Į
jours le plus horrible fpectacle ( il
parloit de la mort tragique du Roy
Charles I. oncle maternel de cette
Abbeffe ) que tous les crimes enfemble
puiffent donner à l'Univers
: ce Schifme lafunefte origine
des malheurs d'une Royale
Maifon dont les plus heroïques
vertus unies aux droits du fang
n'ont pú la garentir. Cette Princeffe
inftruite par des pieces - authentiques,
& d'autant moinsfufpectes
, parce qu'elle les tenoit des
mains même les plus intereffées à
les cacher , ne pût voir fans horreur
les
que noms fpecieux de pureté
de reforme , qui l'avoient
&
GALANT
45
n
abufée , n'avoient efté que le maf
que de l'ambition & de l'intereft ;
le zele qu'une aveugle fureur ;
la feparation de l'Eglife , qu'une
revolte declarée contre les Puiffances
legitimes , E... Aidée ,
dans lafituation où ces reflexions
la mettoient , des confeils de la
Princeffe d'Oxeldre , fon illuftre
Amie , que fon merite plus quefa
naiffance luy avoit justement acquife
; éclairée de Miniftresfideles
( des Preftres Ecoffois ) enfin
pleinement convaincuëpar la lecture
d'un livre où l'herefie forcée
dans fes derniers retranchemens ,
fe trouve accablée fous le poids
46 MERCURE
immenfe de l'éternelle verité ( c'eft
un Traité écrit en Langue Flamande
contre les Miniftres de Bof-
Leduc ) elle fe declara àfes Confi
Catholique dans le coeur , dens :
il ne manquoit àfa parfaite converfion
qu'une profeffion publique.
Réjouiffez - vous , s'écria le Prelat
en cet endroit , Anges du
Ciel , la Brebis égarée eft fur les
épaules du Pafteur ; la dragme
perduë eſt retrouvée ; l'enfantprodigue
va revenir dans la maiſon
paternelle. Il fit enfuite un éloquent
détail des combats intela
Princeffe eut à
rieurs
que
foûtenir
pour
manifeſter
ſa
GALANT 47
1
que
creance. La tendreffe paternelle ,
les préjugez , & les liens l'éducation
luy avoit formez dans
La familles les hommages les deferences
refpectueufes qu'une puif-
Sante Republique luy rendoient ;
la note d'ingratitude qu'elle alloit
encourir ; le regret de l'avoir efti
mée prendre la place de l'eftime
qu'on a eu pour elle ; foûtenirfeu ·
le contre tous une Religion profcrite
décriée, fefaire de tous ceux
qu'elle connoiffoit& qu'elle aimoit
fes plus implacables ennemis.
Quelle tentation ! quelle épreuve !
fondez vous icy , Grands dumonde
, s'écria l'éloquent Prelat ,
48 MERCURE
nous di- interrogez vos coeurs
tes quels efforts il en coûteroit à
voftre Foy , fi au préjudice des
plus forts des plus anciens
engagemens ;ft au préjudice des
liaifons les plus tendres ; jîau préjudice
de vôtrefortune & de vôtre
gloire ; fi au préjudice des plus
flatteufes efperances elle avoit à
fe declarer.... Une tentation encore
plus forte s'éleva , la crainte
de déplaire à une Mere Angufte
qu'elle aimoit uniquement & dont
elle eftoit tendrement aimée , qui
faifoitfeule toutefa joye , & dont
elle eftoit reciproquement
la plus
douce confolation ; cette crainte
formée
GALANT
49
formée par les plus nobles & les
plus religieuxfentimens luy deffendoit
de fe découvrir : elle fe
défia d'elle - même ; elle apprehendoit
deftre trahie par fa propre
tendreffe ; elle redoutoit des larmes
puiffantes ; elle craignoit une douleur
refpectable & n'ofant s'expofer
à un combat trop inégal , elle
ferma pour lapremiere fois de fa
vie à la Reinefa mere le fanctuaire
de fon coeur.... Mais une voix
evangelique luy criafans ceffe que
quiconque ne haïfſoit pas fon
pere & fa mere ne pouvoit
eftre Difciple de Jefus Chrift.
La Princeffe fe réveilla à cette
Janvier 1710.
E
So MERCURE
voix , penetrée de cette importante
maxime , fit taire la nature
pour n'entendre que la Grace &
quoy qu'il en puft coûter à fon
coeur , elle s'arracha par une fuite
genereufe du fein de la Reine pour
Je réunir à l'Eglife. Ce Prelat fit
enfuite le détail de la fuite de
cette Princeffe , qui déguiféc
traverfa toutes les rues de la
Haye , & fans aucun fecours
ny aucune des précautions que
la prudence peut fuggerer en
pareille occafion , arriva à Anvers
où elle fe jetta dans les
Carmelites Angloifes . Le détail
de cette fuite fut fuivi de
GALANT 51
1
celuy de la defolation où fe
trouva la Cour de Boheme ,
touchant l'éclypfe de la Princeffe
, & fur tout aprés qu'on
en cut reconnu le motif par
un billet trouvé fur la toilette ,
& où eftoient écrits ces mots :
Je paffe en France pour me faire
Catholique me rendre Religieufe
( paroles courtes , s'écria
Mrd Alet ) mais admirables , dignes
d'eftre tranfmifes à la pofteri
té dans les Annales de l'Eglife ,
paroles marquées dufceau de l'Ef
prit de Dieu qui les a dictées
qui refpirant cette noble fimplicité
de l'Evangile qui ne connoift ny
E ij
52 MERCURE
de
déguisement , ny artifice , font un
miroirfidelle de la candeur
lapureté du coeur de la Princeffe
qui les a écrites..... Aprés s'eftre
affermie , ajoûta - t - il , de plus
enplus fous la conduite d'un Miniftre
habile & fidelle ( un Pere
Jefuite ) qui comme un autre Ananie
, luy ouvrit de plus en plus les
yeuxfur la verité de nos Myfteres
, elle renonça publiquement à
l'Herefie , qu'elle avoit depuis
long-temps abjurée dans fon coeur.
Il parla enfuite de fon exactitude
fur les moindres pratiques
de la Religion Catholique.
Point de doutes inquiets ,
GALANT
53
dit -il , point de curiofité indifcrette
, point d'orgueilleufe fingularité
; respectant jufques dans les
moindres Ceremonies l'autorité de
l'Eglife , tout luy en paroift grand ,
tout luy en paroift auguste.
Parlant elle cut duite
du
defir qu
fe confacrer à Dieu
dans la Religion , il rapporta
ſon voyage en France , & dit
qu'elle fut reçue à Rouen par
Edouard Prince Palatin fon frere.
Vous diray-je , s'écria-t - il , quels
furent les tranfports de leur mutuelle
amitié , qui formée par les
plus purs fentimens de la nature
empruntoit de nouvelles forces de
E ij
54 MERCURE
la conformité de Religion ? ( ce
Prince ayant abjuré la Religion
Proteftante) vous reprefenteray je
les tendres mouvemens de fon
coeur , lorfque paffant par la Royale
Abbaye de Maubuiffon , elle
embraffa les trois Princeffes fes
nieces , Marie- Loüife Princeffe
de Salms , Anne Princeffe de Condé
, devant qui Mr d'Alet pare
loit , Benedicte de Brunswick ,
mere de l'Imperatrice & de la
Ducheſſe de Modene ; &que dans
leurs vertus naiffantes elle appergutpar
un heureuxpreffentiment ,
tout ce que l'Europe en devoit attendre
, non -feulement pour le bonGALANT
55
heur des Etats où la Providence
les deftinoit mais plus encore pour
la gloire & l'édification de l'Eglife.
gue
Il fit enfuite un éloge court,
mais vif , d'Anne de Gonzaleur
mere , & belle-four
de Me de Maubuiffon . Enfin
dit - il , la Princeffe arrivée à la
Cour fut prefentée au Roy par
Henriette-Marie de France , Reine
d'Angleterre , Princeffe plus
celebre par la grandeur defon courage
que par la fingularité de fes
malheurs . Ce Prince , en parlant
du Roy , joignant aux bien-faits
l'accueil le plus gratieux , fit con-
E iiij
56 MERCURE
noiftre par ce noble effai defa bonde
fa liberalité Royale qu'il

feroit deformais le Protecteur, &
lazile des Princes perfecutez
pour la Justice, & que malgré la
dureté des temps les plus difficiles
il leur fourniroit du fonds de fes
propres befoins dequoy foutenir
avec éclar la majesté des Rois &
l'honneur de la Religion . La Prin
ceffe fe retira enfuite à la Vifitation
de Chaillot auprés de la Reine
d'Angleterre fa tante , &
aprés y avoir affermifa vocation
pendant une année , elle alla fe renfermer
àMaubuiffon.
Mr d'Alet commença faſeGALANT
57
conde Partie par une peinture
de l'état Monaftique, qui fut vi
ve & touchante & qu'il finis
par ces paroles : quel prodige de
voir une Princeffe de 36. ans qui
joignoit à la noble fierté qu'elle
avoit puifée dans fon fang, un
efprit folide & élevé ; & qui
accoûtumée aux douceurs d'une
Cour flatenfe voyoit l'obeiffance
courir au-devant d'elle de la
voir , dis-je , fe plier tout d'un
coup à des obfervancesfi penibles ;
courir à fon tour au devant de
L'obeïſſance , & oublier ce qu'elle
eftoit néepour defcendre à ce qu'il
ya de plus bas er de plus humi-
1
58 MERCURE
Veut
liant dans la Religion ; en vain
une Sage Abbeſſe ( Catherine
Angelique d'Orleans )
ménager une foy naiffante &
épargner à un temperament délicar
ce que la Religion à de trop
auftere ; la Princeffe n'y peut
confentir leur charité en cela
peu d'accord fe manifefte également
dans la Superieure par la
prudence & dans la Novice par
la ferveur. Il prit à témoin
de fa ferveur & de fon exactitude
de fon humilité ; & de
fes autres vertus Religieufes
les Vierges fes compagnes qui
luy ont furvécu.
рец
GALANT
59
Me de Maubuiffon , dit -il ,
attaquée d'une maladie mortelle
& dépofitaire des voeux unanimes
de fa Communauté dont tous
les regards eftoient fixez fur la
Princeffe , écrivit au Roj pour
luy reprefenter des voeux fi juftes.
Ce Prince , ajoûta- t il , qui
dans le choix des Miniftres de
l'Eglife a plus d'égard à la grandeur
de la vertu qu'à éclat de la
naiffance , les trouvant réünis au
plus haut degré dans la perfonne
de la Princeffe , la nomma à cette
a
Abbaye
choix le bonheur de ce Monaftere
ilpropofa à tous ceuxdu Royaume
affurant par ce noble
60 MERCURL
ن م
un modele du plus fage du plus
heureux Gouvernement. L'Orateur
, fit enfuite un portrait
de la nouvelle Abbeffe dont
il oppofa la conduite à celle
de quelques autres Abbelfes
dont la dignité ne fait qu'amollir
la vertu ; & aptés les avoir
peintes d'aprés le naturel , il
s'écria, plut au Cielque ce nefût
icy qu'un portrait defantaifie qui
ne trouvat point de reffemblance ;
& ayant encore chargé celuy
de la nouvelle Abbeffe de
Maubuiffon de nouveaux
traits,il le finit ainfi : contente de
porter la Croix de Jefus - Chrift,
GALANT 61
dans le coeur , elle ne porta jamais
celle qui eftant dans l'inftitution
un fymbole de penitence , eft devenue
dans l'opinion des hommes
un ornement de dignité : confentant
à peine d'eftre la premiere
dans le Choeur , elle defcendit de
Chaire qui l'élevoit au -deffus
des autres pour y placer l'Image
de la Sainte Vierge , ofter par
cette fage conduite à celles qui
viendront aprés elle jusqu'à la
tentation d'y remonter ; elle effaça
elle-mêmefes Armes qu'on avoit
peintes à coté d'un Autel , per-
Jonne n'ofant toucher à un monumentfirefpectable
; ce qui don .
62 MERCURE
na occafion à l'Orateur de
dire , qu'elle fçavoit peindre ; &
que dans fes heures de loifir , elle
avoit fait un grand nombre de
Tableaux dont l'Eglife &
fa Maifon font remplies , &
qu'elle en avoit donné pluſieurs
aux Paroiffes , & Communautez
voifines. En parlant de fon
humilité , il raporta une délicate
conceffion qu'elle fit à
une autre Abbeſſe , ſur la
fimplicité d'une naïve réponfe.
Cette Abbeffe voulant
venir à Maubuiffon , fit demander
à la Princeffe fi elle luy
donneroit la droite , Me de
GALANT 63
Maubuiffon répondit : depuis
que je fuis Religieufe je ne connois
ni la droite ni la gauche que
pourfaire lefigne de la Croix. Un
Orateur continua t'il la
montrant elle-même dans un portrait
fidelle fidelle , tout le monde s'y
reconnoift , elle feule ne s'y trou
ve pas , elle regarde un éloge
délicat & détourné comme un
innocent moyen pratiqué avec
Art pour l'inftruire plus poliment
de fes devoirs.
Mr d'Alet s'étendit fur les
fruits & l'utilité du bon exemple
: les hommes , dit il , naturellement
portez à l'imitation ne s'ac64
MERCURE
!
coutument qu'à ce qu'il voyent ,
&l'obéiffance aux loix penibles
rigoureufes par elles - mêmes ne
leur devient fuportable & facile
qu'autant qu'elles font gardées
par ceux mêmes qui les ontfaites.
Cela fut precedé d'un détail
circonftancié de l'exactitude
& de la pureté des moeurs de
Me de Maubuiffon ; ce qu'il
dit de fa douceur eftoit peint
d'aprés le naturel , & il finit cet
endroit par ces paroles : cette
fage Abbeffe naturellement incapable
des foupçons inquiets &
des injurieufes défiances qui font
plus d'Hypocrites que de Saints
GALANT 65
Reg
Jaiffoit à fes filles une liberté
honnefte qui loin de dégenerer en
abus ne fervoit qu'à donner de
l'éclat plus de merite à la
ferveur. La familiarité avec
laquelle elle vivoit avec fes
+
Religieufes & l'accés qu'elle
leur donnoit en tout temps
auprés d'elle , fournirent de
beaux traits à l'Orateur , mais
par quel fecret pensez - vous
ajouta t il , qu'elle ait entretenu
dans cette fainte Maiſon ( Maubuiſſon
) cette auftere regularité
qui depuis tant d'années ne s'eft
jamais démentie & qui fervant
d'exemple à toutes les Commu- a
Janvier 1710 ,
F
66 MERCURE
nautez de fon Ordre , en eft en
même temps l'admiration ; ce fut
par un rare & prudent defintereffe
ment une attention particuliere
à n'y admettre que des filles
d'une vocation éprouvée. Il s'éleva
alors contre les maximes
de quelques Superieures qui
fous le nom tant vanté du
bien du Monaftere cachant
fouvent une infatiable avarice
qui met à prix l'entrée du
Sanctuaire , & font un indigne
trafic du voeu de pauvreté , &
qui jaloufes de fignaler leur
Gouvernement
par de fuperbes
édifices , le font peu de
GALANT
67
former des temples vivans au
Saint Elprit. 8
Le refte fut également fort
& foutenu & ce fut un des plus
beaux endroits du Difcours .
Jamais Traité jamais Convention
, ajoutatil , en parlant
de Me de Maubuiffon , dans
la reception desfujets , elle laiffoit
à la difcretion des parens ce que
leur tendreffe ou leur charité leur
infpiroit & les recevant comme
une aumofne elle ne l'exigea jamais
comme une dette. Ce qu'elle
faifoit pour examiner la vocation
des filles fut extraordinaire
& éloquemment traité
Fij
68 MERCURE
& en parlant de fon amour
pour les Pauvres , il poursuivic
de la forte : dans une année de
calamité dont le trifte fouvenir
dureroit encore , s'il n'eftoit étouf
fé fous lepoids d'une calamitéprefente
, plus longue & plus rigoureufe,
M de Maubuiffon fe trou
va affiegée par une infinité de malheureux
que lafaim , lanudité, les
maladies , plus encore la répu
tation de ce charitable Monafterey
attiroient de toutes parts ; lesfonds
prefque épuifez , &fa Communauté
prête à tomber dans l'indigence
qu'elle avoit voulu faire
éviter aux autres , elle voit croîGALANT
69
tre tout d'un coup les reffources &
cette providence aux promeffes de
qui elle avoit efté fidelle foutenir
fa Communauté allarméefans que
les paurores ceffaffent d'eftre fecourus
, ce qui donna lieu à M
d'Alet de s'élever avec force
contre les riches avares qui fe
refuſent aux befoins connus

d'une mifere prefente pour
prévenir les befoins incertains
d'une mifere à venir. Cet endroit
fur fort applaudi , & à
l'occafion des voeux que M
de Maubuiffon
faifoit con.
tinuellement
pour l'extirpation
de l'Herefie , & la part
70 MERCURE
qu'elle prenoit aux malheurs
de ceux qui errent dans la foy,
l'Orateur dit qu'elle redoubloit
chaque jour fes prieres & fes
voeux pour la Perfonne Sacrée
du Roy. L'Herefie vaincuë par
fes bontez & profcrite parfa puiffance
, les Nouveautez confonduës
; la Verité protegée , la Pieté
en honneur ; la Religion affife
avec luy fur le Trône ; ces merveilles
toujours prefentes à ſon efprit
, luy faifoient compter les
triomphes de la Foy par les jours
de Louis le Grand , e fa charité
en cela d'accord avec fa reconnoif
fance , luyfaifoit un devoirparGALANT
71
ticulier & perfonnel d'implorer
fans ceffe de nouvelles Benedictions
fur fon regne & de demander
à Dieu la confervation d'un
Prince fi cher à fes fujets , &
fi neceffaire à l'Eglife. A des
voeux fi legitimes & fi faints ,
continua l'eloquent Prelat , fe
joignoit un zele ardent pour les
Princes de l'Augufte Maifon Pa
latine . Zele qui formé par la tendreffe
& la charité unies enfemble
, avoit moins pour objet leurs
profperitez temporelles , que leur
fanctification. Zele glorieufement
récompenfe par la converfion d'une
grande Princeffe ( Mr l'Evê
72 MERCURE
que d'Alet parloit en cet endroit
de S. A. R. Madame ) qui
dans la place la plus proche du
premier Trône du monde , ne s'y
fait pas moins aimer par fes rares
bontez , qu'elle y eft admirée par
le brillant éclat de fes heroiques
vertus. Cet endroit fut extrê
mement applaudi , & il convenoit
d'autant plus de louer ces
deux Princeffes , que Madame
& M la Princeffe qui eftoir
prefente à la Ceremonie
, font
toutes deux niéces de feuë M
de Maubuiffon
, & filles de fes
deux freres , feu M ' l'Electeur
Palatin & le feu Prince Edouard.
GALANT 73
douard. Ce Prelat finit par un
Compliment
qu'il fit à M˚ la
Princeffe ; par des éloges de la
Maifon de Condé , & par un
détail de la mort de cette illuftre
Abbeffe à laquelleelle s'étoit
preparée pendant une maladie
de fept ans.
>
L'Article qui fuit doit vous
paroiftre curieux , le 20. Novembre
1709. M Dom Joſeph
Antonio de Amezaga , natif
de la Ville de Bilbao , dans la
Seigneurie de Bifcaye , fe trouvant
en France , & ne pouvant
aller en Espagne , fut fait par
difpenfe Chevalier de l'Ordre
Fanvier 1710 .
G
74 MERCURE
d'Alcantara en vertu de deux
Patentes du Roy Catholique
Philippe V. comme Adminiftrateur
perpetuel Apoftolique
des trois Ordres Militaires,
Saint Jacques , Calatrava , &
Alcantara , par lefquelles Sa
Majefté Catholique donne
plein pouvoir & permiffion à
tous Commandeurs où Chevaliers
Profés d'Alcantara ou
de Saint Jacques , s'il s'en trouve
à Paris ou ailleurs , de le faire
& armer en fon nom & par
fon autorité Chevalier de l'Ordre
d'Alcantara ; pareille permiffion
& pouvoir cftant acGALANT
75
cordé au Prieur des grands Auguſtins
de luy en donner l'Habit
& la Marque auffi en fon
nom , & par fon authorité ,
avec toutes les folemnirez accoûtumées
, la Ceremonie fut
faite dans l'Eglife des grands
Auguftins , où Mr Dom Jofeph
Franciſco de Cañas , Chevalier
Profés de l'Ordre de S.
Jacques , accompagné
du R.
P. Raft , Docteur de Sorbonne
, & Prieur deſdits Religieux ,
de Mrs Dom Juan de Goyneche
, & Dom Piedro de Zuniga
,
Chevaliers de S. Jacques ;
de Dom Jofeph de
Amezaga
G ij
76 MERCURE
& de Mr le Maequis de Saint
André , Chevaliers de Calatrava
, & de Mr le Comte de Caf
telblanco , Chevalier d'Alcantara
, revêtus de leurs grands
Manteaux blancs de l'Ordre ,
fit & arma Chevalier d'Alcantara
ledit Afpirant Dom Jofeph
Antonio de Amezaga ,
fuivant les Statuts & Regle
mens de l'Ordre , aprés qu'il
eut fait tous les fermens qui fe
pratiquent en pareille occafion
; le tout en prefence de
tous les Religieux affemblez
dans leur Eglife à cet effet.
Aprés cette Ceremonie Mrs
*
GALANT 77
*
,
&
DomJofeph de Amezaga , Dom
Juan de Goyneche & le Comte
de Caftelblanco attacherent
les Eperons à l'Afpirant , &
Mr Dom Joſeph Franciſco de
Cañas luy mit l'Epée au cofté ,
enfuite de quoy le P. Raft
Docteur de Sorbonne
Prieur des grands Auguftins ,
luy donna l'Habit & la Marque
de l'Ordre , en faifant les
Benedictions & les Oraifons
accoûtumées , & ainfi Mr Dona
Jofeph Antoine de Amezaga
fut fait & armé Chevalier
d'Alcantara .
Je vous envoye le Portrait
Giij
78 MERCURE
d'un parfaitement honneftehomme
; & quoy qu'il puiffe
eſtre appliqué à beaucoup de
perfonnes , on prétend néanmoins
qu'il a efté fait d'aprés
nature. Je ne vous en nomme
point l'Original , & vous l'envoye
feulement comme une
Enigme à deviner pour avoir
le plaifir de voir fi dans les
noms que l'on m'enverra ,
l'Original fe trouvera . Ce fera
faire honneur à ceux que l'on
nommera , & quand ce portrait
n'auroit pas efté fait d'aprés
eux , ce fera une marque
qu'ils luy reffembleront beaucoup
.
1
GALANT 79
toutes les digni
Préferer fon falut à toutes les
Couronnes &
tez du monde ; aimer la verité es
dérefter tout ce qui aproche de l'erreur
; fe déclarer ennemy de l'impieté
de l'hypocrifie
& du
menfonge ; avoirpour guide dans
fes actions , la Foy, l'Esperance
,
la Charité ; adorer avec humilité
les oeuvres de Dieu que
l'efprit humain ne peut comprendre
; porter à l'Agneau fans tache
immolé fur l'Autel des voeux
finceres , des penfees pures &
des affections Spirituelles ; renoncer
à fes defirs , & à fes inclinations
; trouver dans laparfaite
a
G iiij
80 MERCURE
es
foumiffion aux ordres de Dieu ,
une paix veritable
une
folide confolation ; méprifer les
faux plaifirs du fiecle & goûter
par avance les douceurs dufouverain
bien avant que d'en avoir
la poffeffion ; mettre fes délices
dans la priere , dans le recüeillement
dans la retraite ; rendre
fa vie conforme à fa créance ;
fuir la moindre aparence du mal
purifier fes fautes par une
fevere penitence ; eftre humble
fans baffeffe fimplefans fuperfti
tion , exact fans fcrupule & fublime
fans prefomption ; conduire
fa langue avec prudence ; obferver
GALANT 8r
la Loy du Seigneur dans toute
fan étendue ; fe retrancher de fon
• neceffaire pour fecourir les Pauvres
dans leurs preffans befoins ;
pardonnerà fes ennemis rendre
le bien pour le mal; fe nourrir du
pain des Anges pour fe fortifier
fe difpofer au voyage de l'éternité;
attendre avec vigilance
avec joye la diffolution de fon
corps pourfe réunir à Dieu ; gémir
comme étranger fur la terre' ;
foupirer aprés le celefte patrie ; &
acquerirpar des vertus Heroïques
les récompenfes éternelles. C'eft
remplir les devoirs de l'honnefte
homme , & du veritable Cheftien.
82 MERCURE
Voicyun autre Portrait fait
par Mr le Chevalier de Verdont
on pourra auſſi tron ,
envoyer les noms de ceux que
l'on croira reffembler à ce portrait.
Heureux, qui n'apoint de defirs !
Heureux , quife fait violence !
Quife prive de fes plaifirs ,
Etfe plaift dans la dépendance !
Heureux l'homme de bonnefoy ,
Simple , fage , plein d'innocence
,
Qui toûjours fevere pourfoy ,
Pourfon prochain eft rempli de clemence
!
GALANT 83
Heureux , qui cherit lefilence ,
Qui ne parle qu'utilement ,
Et fe repofe uniquement
Sur la divine Providence
Heureux , qui connoiffant fon extrême
indigence ,
L'expofe au Ciel inceffamment ;
Et qui defon Dieu feulement
Attend toute fon affiftance !
Heureux , qui n'a rien d'affecté
!
Heureux l'homme fans olonté;
Et qui tout vuide de luy - même ,
84 MERCURE
Eft tout plein du
qu'il aime !
vray Dien
Heureux qui penetré des befoins
du Prochain ,
Lui partagefon coeur , fon efprit ,
&fon pain!
Heureux celuy qui l'édifie !
Heureux celuy qu'on humilie ,
Et qui fçait profiter de fes abaiffemens
!
52
Heureux , qui n'ajamais de vertus
chimeriques ;
Et qui cherit fes domestiques ,
Comme s'ils eftoient fes enfans !
ALANT
: 85
Heureux , qui ne va point par des
routes obliques !
Heureux , plus heureux qu'on
ne croit ,
Qui marche conftamment dans le
chemin étroit !
Heureux quiparfesfoins ,parfon
oeconomie
Scait amafferpour l'autre vie ;
Et ménager fi bien fes precieux
momens
Qu'il n'en perd pas un feul en
vains amuſemens !
Heureux , qui fe voitfans attache
i
86 MERCURE
Quife fait petit , qui fe cache ;
Et qui ne fuit jamais fes propres
mouvemens
!
Heureux qui fur la Grace uniquement
e fonde;
Qui fçait , & ne croit rien fçavoir
;
Qui peut , & qui n'a du pouvoir
,
Que pour obliger tout le monde.
Heureux celuy qui du Sauveur
S'efforce d'eftre la copie !
Heureux celuy de qui le coeur.
Goûte la parole de vie !
GALANT 87
Heureux qui fçait aimer , craindre
, croire , efperer
Comme le doit un vray Fidelle !
Heureux qui fçait perfeverer ,
Et foumettre à l'efprit une chair
firebelle !
Heureux l'homme nouveau , qui
fouvent dans fon coeur
Trouve une utile , douce &fainte
folitude :
Et qui fait toute fon étude
De la Croix de fon Redempteur!
Heureux le Grand fans tyrannie
!
88 MERCURE
Heureux le Petitfans euvie !
Heureux l'Homme toujours égal',
Qui ne penfe d'autruy , ny ne dit
aucun mal!

Heureux qui gemit& quiprie
Pour le prochain comme pour
Joy ;
Et qui fent pour le vice une horreur
infinie !
Heureux qui fe fait une loy
Defon devoir , qu'il aime & qu'il
veut toûjours fuivre !
Heureux quifouffre tout , & në
faitrienfouffrir!
ITALANT 8)
Heureux , celuy qui fait bien
vivre !
C'est le moyen de bien mourir !
Je paffe aux Articles de Marine
, que d'autres vous ont déja
appris ; mais avec moins de
détail que ce que vous allez
lire.
Le Vaiffeau le Saint Louis
appartenant à Mrs de la Compagnie
Royale des Indes
Orientalles , eft arrivé au Port
Louis venant de Pondichery
d'où il eftoit party le
Fevrier 1768. commandé par
Mr de Boiffieux , Lieutenant
17.
Fanvier 1710.
+ H
90 MERCURE
& d'autres
de Vaiffeau de Roy. Il a aporté
plus de 5oo. ballots de poivre,
dindigo , de cannes , de benjouin
, de muc
marchandiſes precieuſes qu'il
avoit chargées à Pondichery ,
à Bengale , & à la Côte de
Coromandel. Il a paffé aux
Indes par le Cap de Horne
c'eſt une Navigation qui n'avoit
point encore eſté entrepriſe
.
La Fregate la Rufée commandée
par M ' Simon Taillefier
, & la Trompeuſe par M
Jean Bachelier , de quatre
canons chacune , font rentrées
GALANT 91
·
3
à Calais avec plufieurs ballots
de Pelleteries , & de cuir de
Rouffi , pris fur une Flufte
Hollandoife de soo. tonneaux
nommée le Corbeau de
Roterdam , qu'ils avoient enlevée
venant de Mofcovie
quoyque fon équipage fut
fortifié de trente foldats qui y
avoient efté mis par le Gouverneur
d'Yarmouth avec un
Officier pour la conduire
Londres. Ces deux Corfaires
en amenant cette prife ont
cû le malheur de rencontrer
à la veüe de Calais deux Vaiffeaux
de Guerre Anglois de
Hij
92 MERCURE
60. & de 26. canons qui les
ont obligez de l'abandonner :
elle eftoit chargée de 300 .
tonneaux de bled , de Pelleteries
, de chanvres , & de cuir
de Rouffi.
Le Capitaine Jean l'Eguillon
, commandant la Barque
longue la Prompte a amené à
Calais deux rançons l'une de
4000. livres en argent , & une
45. livres fterlin en billets.
Le Vaiffeau du Roy le Sor
lingue , armé en courſe a amené
à Saint Malo le Vaiffeau
la Marie de Londres , de 200 .
tonneaux chargé de 300 .
SCALANT 93
boucauts de fucre , vingt - fix
barils d'Indigo , & de douze
de tefte de clouds de geroffle ,
venant de Montfarra , eftimé
foixante mille livres . La Couronne
, autre Corfaire a amené
auffià Saint Malo deux prifes ,
l'unc nommée le Richard Henry
de Plimouth , venant de la
Virginie chargée de 350 .
boucauts de tabac , l'autre
nommée la Prudence , venant
de la Caroline chargée de
bray de ris & de goudron.
Le Vaiffeau du Roy le Tigre,
arrivé en courfe s'eft battu
contre un Corfaire de Fleffin94
MERCURE
gue , de 32. pieces de canon .
Ce Vaiffeau eftoit en compagnie
de deux autres qui forcerent
de Voille pour avoir part
à l'action mais ce premierCorfaire
eftoit déja fi incommodé
qu'il fut obligé de mettre à
la bande & de tirer plufieurs
coups de canon d'affiſtance
;
enforte que fes camarades
arriverent
fur luy pour le fecourir
; mais inutilement
puifqu'on
a appris qu'il a coulé
bas. Les Corfaires Fleffingois
ont efté malheureux
pendant
le cours de l'année derniere
M' Saus , commandant
les
GALANT
95
Vaiffeaux du Roy
l'Augufte ,
& le
Blakwal , en ayant pris
encore
nouvellement
, deux
l'un nommé la Dianne , de
36. canons , tout neuf tresbeau
& d'un pont avec deux
gaillards . Il avoit 300. hommes
d'équipage
& il avoit
mieux aimé
s'échouer
fur la
cofte de
Nieuport que de fe

l'autre eſt laiffer prendre
le Faucon , de 28. canons &
de 200. hommes d'équipage ;
le premier a efté relevé de la
colte ; & ces deux Vaiffeaux
ont eſté amenez à Dunkerque.
M'
Vandebruce comman
96 MERCURE
une
dant un petit Corſaire de Calais
de fix canons , a pris u
Flutte Hollandoife , chargée
de mats ; & de graine de lin
venant de Riga eftimée 70000.
livres.
Un autre Corfaire a amené
à Dunkerque , une prife venant
de Lille de Fayal , chargée
de 300. caiffes de fucre , chaque
caiffe pefant douze mille
livres eftimée cent mille francs.
La Fregatte la Victoire ,
conduit au Havre , une prife
ftimée cent mille livres ; elle
eft chargée d'eftain , de cacao ,
de draps , de harangs , &
a
d'autres
GALANT 97
d'autres
Marchandiſes .
M Blanque commandant
la Fregatte du Roy le Zephire,
prit le trois Decembre entre
Qüellant &
Sorlingue un Brigantin
de 40. tonneaux venant
de Bafton , chargé de molüe
verte & feche , d'huille de
baleine , & de Pelleteries.
Le 22. du même mois eftant
fur le Cap Lezard il prit auffi
un Navire Anglois de 250.
tonneaux venant de la Virginie
chargé de 532. boucauts
de tabac cftimé 85. mille
livres.
Vous
trouverez
beaucoup
Fanvier 1709 .
I
98 MERCURE
de faits curieux dans l'Article
que vous allez lire. Vi
Maître Nicolas Lair , un
des premiers Suppôts de l Univerfité
de Paris , eft mort âgé
fans s'eftre jade
85. ans ,
mais fervi de Lunettes
. Il eftoit
Doyen de la Nation
de Normandie
, & le plus ancien des
Doyens
du Corps de l'Univerfité.
Il y avoit efté aggregé en
1650. & s'y eftoit acquis par
fon travail une
reputation
d'homme
confommé
dans les
belles Lettres , &
principalement
dans l'éloquence
qu'il
avoit profeffée
jufqu'à
1682 .
THEQUE
O
LYON
DELTELA VILLE
THEQUEQUE
DELE
TON GALANT
au College d'Harcourt
on
il avoit efté l'éleve fous le ce
lebre M Pierre Padet , & ou
il avoit plufieurs fois exercé
pendant la Regence , la Charge
de Prieur des deux Maiſons
de Theologie & des Arts . Il a
poffedé les premieres dignitez
de fa Nation, fçavoir celles de
Procureur & de Cenfeur , & il
a cu la gloire de fe voir élevé
pendant deux années à la
premiere
place de l'Univerfité. En
1669. il cût l'avantage, eftant
Recteur, d'haranguer à la tefte
de cet illuftre Corps , le Roy
dans le Palais du Louvre , la
I ij
100 MERCURE
Reine , la Reine d'Angleterre,
Monfeigneur le Dauphin,
Monfeigneur le Duc d'Anjou,
en preſentant à leurs Majeſtez,
& aux Princes du Sang , des
Cierges le jour de la Chandeleur.
Il harangua à l'Hoſtel de
Condé , feue S. A. S. Monfieur
le Prince Le Recteur harangue
toujours en François
le Roy & les Princes , & ils
répondent ordinairement en
la mefme Langue. Monfieur
le Prince luy répondit en Grec ;
mais toute la Cour ne fut pas
moins furprife que ce Prince,
d'entendre fur le champ le
GALANT 1of
Recteur faire fon Eloge , en
luy repliquant auffi en Grec,
que la France eftoit glorieufe de
renfermer dans fon fein un Heros
qui faifoit revivre l'ancienne
Grece , à quoy il ajouta beaucoup
de chofes qui rendoient
ce Prince l'admiration de fon
fiecle. Mr le Prince jugeant
par là du grand merite & du
grand fçavoir de Maître Nicolas
Lair , oublia fon rang,
& en traverfant fon appartement
, il le conduifit jufqu'à .
l'efcalier , en luy donnant des
marques de fa bien veillance ,
accompagnées de beaucoup de
I iij
102 MERCURE
loüanges . Tous ceux qui ſe³
trouverent prefens furent d'autant
plus furpris de ce qui fe
paffa en cette occafion , que
peu de gens parlent en Grec
fur le champ fur toutes fortes
de fujets , & que ce que l'on
appelle fçavoir le Grec , n'eft
que le fçavoir expliquer , ou
dire des chofes que l'on a travaillées
avec application , &
non répondre avec la mefme
facilité l'on feroit en d'auque
tres Langues fur toutes fortes
de matieres .
En 1679. le 20 Juin , il·
cut encore l'honneur de porGALANT
103.
"
ter la parole au nom de l'Univerfité
, & d'haranguer le Roy
à faint Germain en Laye fur
la Paix que Sa Majesté venoit
d'accorder à toute l'Europe : Ec
le 7. Septembre fuivant , il
complimenta au Palais Royal,
en cette mefme qualité de Recteur
, Mademoifelle , fille de
Monfieur Frere unique du
Roy , fur fon mariage avec le
Roy d'Espagne ; & dans la
melme année , le College des
Jacobins de la rue S. Jacques
luy dédia par un de fes Etudians
une Theſe , comme au
Chef de la premiere Univerſité
du monde .
I iiij
104 MERCURE
Aprés la mort de Me Cefar
Egaffe du Boulay , Greffier &
Hiftoriographe de l'Univerfr
té, la Faculté des Arts luy don
na la Charge de Greffier qu'il
a exercée pendant 28. ans avec
toute l'application qu'on avoit
attendue de luy. Il s'en démit
volontairement
en 1706. en
faveur de Me Pierre Viel alors
Recteur , & qui eftoit de la
mefme Nation de Normandie,
afin de finir fes jours avec plus
de tranquilité. Feu Mr Col
bert avoit autrefois jetté les
yeux fur luy , pour le placer
auprés de Mrs fes enfans ; mais
GALANT 105
preferant l'étude de fon Cabinet
à un employ où il falloit
partager fon tems , il le remercia
du grand avantage qu'il
vouloit bien luy offrir . Un fi
grand merite , & toutes les
Charges qu'il a dignement
remplies , luy ont fait donner
des marques de diftinction , &
mefme aprés la mort.
Deux jours aprés , la Faculté
des Arts fe rendit au College
d'Harcourt pour honorer les
funerailles avec toute la pompe
dont elle eft reveftue. Les
deux Bedeaux de la Nation de
Normandie , portant
leurs
106 MERCURE
Maffes couvertes de crêpe ,
marchoient devant le Corps.
Quatre anciens Recteurs avec
le Chapperon violet doublé
d'hermine , tenoient les quatre
coints du Poil , fur lequel
on voyoit les Ecuffons de la
Nation de Normandie , qui
font de Geules à deux Leopards
l'un fur l'autre lampaffez
d'azur. Le Recteur reveftu
du Manteau violet , de fa Chappe
d'hermine , & de la Bourfe
Rectorale, marchoit aprés, precedez
de fix Maffiers . Les quatre
Procureurs des quatre Naen
robbes
tions ,
rouges douGALANT
107
blées d'hermine l'accompagnoient
. On y voyoit enfuite
les Profeffeurs du College
d'Harcourt en robbe avec le
Chapperon & le Bonnet quarré
, fuivis d'un grand nombre
de perfonnes de l'Univerfité &
de la Ville . Quelques jours
aprés la Nation de Normandie
luy fit un Service dans la Chapelle
du College d'Harcourt
où elle s'affemble ordinairement
, avec toute la folemnité
qu'elle a coûtume d'obſerver
à la mort de fon Doyen , où
Me François Guenon , Licencié
en Theologie , Profeffeur
108
MERCORE
Philofophie , & maintenant
Doyen de la Nation
tion
officia avec
les
ceremonies
ordinaires.
On he peut affez regretter
le Pere Bernardin de Piquigny ,
Capucin du Convent du Marais
; c'étoit un Religieux d'un
vray merite , qu'une pieté rare,
& one vertu folide , foûtenuë
d'un air toûjours modefte &
majestueux rendoient également
aimable & refpectable ;
& on peut dire que fon Ordre
a perdu en fa perfonne un de
fes meilleurs fujets , l'Eglife un
excellent Theologien
, & la
GALANT
109
ans
Republique des Lettres une de
fes meilleurs plumes. De 76 .
dont il étoit âgé , il en a
paffé prés de 60. en fon Ordre,
tant dans les emplois de Profeffeur
& de Superieur , dont
il s'eft toûjours acquité avec
beaucoup de fageffe & de capacité
, que dans la conduite des
confciences , & dans la compofition
de plufieur's beaux Ouvrages
qu'il a donné au Public.
Il s'eft fur tout diftingué par fa
triple expofition latine des Epiftres
de faint Paul , Ouvrage
generalement eftimé , non feulement
des Prélats & des Theo110
MERCURE
logiens de France , mais auffi
de toute l'Eglife , & du Pape
même, quia dir plufieurs fois à
la louange de cet Auteur : Que
peu de perfonnes avoient pris auffibien
que luy l'efprit defaint Paul.
Il ne vouloit pas en reſter à ce
feul chef d'oeuvre, & il eft mort,
pour ainfi dire , la plume à la
main en achevant
de compofer
par ordre de fa Sainteté un
Commentaire
fur les quatre
Evangeliftes , qui ne diminuera
rien de cette haute réputation
que le premier luy a acquife.
MN...Gomer de LufanIGALANT
cys , Preftre Docteur de la
Maifon & Societé de Sorbonne
Abbé de Nôtre - Dame de
Vertus , ancien Chanoine &
Archidiacre de Meaux , eft
auffi decedé. Cet Abbé étoit
d'une naiffance diftinguée ; il
étoit proche parent de Monfieur
le Cardinal de Noailles ,
& il étoit petit Neveu des
Grands Maîtres de Malte de
Vignacour , & il dedia même
au dernier mort feulement
depuis quelques années , une de
fes Thefes de Sorbonne. La
Maiſon de Gomer Lufancy
eft de Picardie , elle eft alliée à
,
112 MARCURE
de
celle de Mailly , de Bouflers ,
d'Ailly , d'Auxi , & autres do
cette qualité de la même Province.
Le frère de cet Abbé,
qui étoit Capitaine aux Gatdes
, fut tué à la journée de Seneff
. Il laiffa deux fils âgez de
quatre à cinq ans , dont feu Mr
le Duc de Gefvres qui eftoit
auffi allié à cette Maifon , prit
foin ; il les fit élever Pages de
la Chambre ; ils entrerent enfuite
dans le Regiment des
Gardes , & l'aîné fut tué dans
cours de la derniere guerre ; &
le cadet eût le même fort à la
bataille de Ramillies . Il étoit
GALANT 13
Ayde- Major du Regiment des
Gardes , & le Roy l'avoit envoyé
en Eſpagne pour dreffer
le Regiment des Gardes de Sa
Majefté Catholique
M. luy donna
pour
,
& S.
en partant ,
l'encourager , un Brevet
de Colonel , la Croix de faint
Louis , & une penfion . S'il cuft
échapé à la journée de Ramillies
ilauroit eu uneCompagnie,
& le Roy avoit dit de luy ,
que c'étoit un fujer propre à
être un jour un bon Major.
La Mere de ces deux Meffieurs
fe fit Carmelite à la rue Chapon
, il y a environ fix ans

Fanvier $ 710.
K
114 MERCURE
Evêque de
& feu Monfieur
caux
prêcha à fa prife d'Ha
bit; elle a efté enfuite tranferée
au Convent de la rue faint
Jacques. Meffieurs de Goumer
de Lufancy , defcendent du
Chancelier Henry de Matle ,
en 1413. & qui avoit eſté pendant
neuf ans premier Prefident
au Parlement de Paris .
Ce Magiftrat perit en 1418
par la violence & la faction des
Ducs de Bourgogne . Mr l'Abé
de Lufancy étoit fort eftimé
en Sorbonne , par fa vertu
&
par
fon merite.
Mre Charles de Raouffet
" GADANY 15
Chevalier de l'Ordre de Saint
Louis , & Lieutenant de Roy
du vieux Brifac a fubi le
mêre fort. Il avoit longtemps
fervi dans l'Infanterie
& il y a eu peu d'occafions
dans le cours de la derniere
Guerre où il ne fe foit trouvé,
& où il n'ait donné des preuves
de fa valeur. Il avoit longtemps
fervi avec Mr le Comte
de Reignac Brigadier , Commandeur
de l'Ordre de Saint
Louis , & aujourd'huy Commandant
dans la même place
dont Mr de Raouffer , eftoit
Lieutenant de Roy; la fortune
Kij
116 MERCURE
s'eftant plû a réunir dans un
même lieu deux Officiers de
diftinction qui avoient fervi
une partie de leur vie enfemble
& qui eftoient liez depuis
leur premiere jeuneffe par une
tendre & fincere affection . Mr
de Raouffet dont je vous
aprens la mort eftoit affez
proche parent de Mr Raouffer
Chevalier de l'Ordre de Saint
Michel & attaché depuis
long temps à Mr le Cardinal
deBouillon , & ils eftoient d'une
ancienne famille originaire de
Champagne ; & connue dans
le Royaume depuis le regne
GALANT 17
de Philippes de Valois. Elle a
produit de celebres perfonnages
dans l'Eglife , & dans la profeffion
Militaire. Sous le regne
d'Henry III . un celebre Predicateur
de ce nom & qui
eftoit de l'Ordre de Saint Benoift
, fe diftingua à la Cour
par fon zele contre ceux qui
favorifoient fecretement les
nouvelles opinions ; & il arrêta
parefa fermeté Apoftolique
plufieurs perfonnes qui commençoient
à fe déclarer & à
foutenir les nouveaux Heretiques.
Mre N...de Thelis - Valor1,8
MERCURE
ges, Religieux
& Hoſtellier
de
l'Abbaye
de Savigny , où il
n'entre que des perfonnes
d'une
naiffance
diftinguée
, y eft
mort à la fleur de fon âge. Il
eftoit frere de Mr.l'Abbé de
Valorges
, Abbé del If barbe
une des plus belles Abbayes
de
Royaume
,& proche parent du
feu Pere de la Chaife ; fon metite
& fes talens le rendoient
encore plus confiderable parmi
fes Confreres , & tous ceux
qui le connoiffoient . Il entendoit
parfaitement les affaires
Ecclefiaftiques , & il feroit dif
ficile de trouver quelqu'un qui
GALANT 19
fut plus verfé que luy dans la
Jurifprudence Canonique :
+
- La Maifon de Thelis eft
originaire d'Angleterre , & elle
eft établie en France dés le
temps de Saint Louis ; Hugues
de Thelis dont tous ceux qui
portent aujourd'huy ce nom ,
defcendent , vivoit en 1260.
Guillaume de Thelis fon arriere-
petit fils , fut Chanoine &
Comte de Lyon ; & Guichard
de Thelis petit neveu de ce
Comte,époula Jeanne de Fouldras
Courcenay , d'une illuftre
famille , dont il y a encore aujourd'huy
deux Comtes dans
120 MERCURE
+
l'Eglife de Lyon . Jean de Thelis
Seigneur de Farges & de
Cornillon , qui époufa Marie
de Puttcy , foeur de Jeanne de
Puttey époufe de Guillaume
de Vitry , d'une des plus grandes
Maifons de Savoye , fortit
de ce mariage , & fut grand',
pere d'Antoine de Thelis , Ecuyer
du Duc de Bourbon , à
quiil rendit de grands & fignalez
fervices ; cet Antoine , un
des plus grands guerriers de
fon temps , époufa Huguette
de Saint Romain , fille de haut
& puiffant Seigneur Pierre de
Saint Romain , Chevalier Seigneur
GALANT · 121
gneur de Larcy , & de Claude
de Thalaru , niece des deux
Cardinaux
de Talaru , Archevêques
de Lyon . Une fille unique
fortie de ce mariage époufa
Louis d'Angerolles
, Seigneur
de Commiers en Forez .
Guillaume de Thelis fon frere
& Chevalier de l'Ordre de S.
Jean de Jerufalem , quitta la
Croix & époufa Françoife
de
Rougemont , d'une illuftre famille
qui eft éteinte à prefent
& qui a donné plufieurs Comtes
à l'Eglife de Lyon. Les
defcendans de Guillaume
eftant entrez dans la Robbe
Fanvier 1710.
L
122 MERCURE
en eurent les premieres Charges
dans les Parlemens de Paris
& de Touloufe. Guichard de
Thelis d'une branche de l'E
pinaffe , avoit époufé dés le
13 ° fiecle Catherine de Talaru
, grande tante des Cardinaux
dont je viens de parler .
Geoffroy & Eftienne de Thelis
fes petits fils furent Chanoines
& Comtes de Lyon .
Jean de Thelis leur neveu époufa
Catherine de Sainte-
Colombe , d'une famille qui a
donné auffi des Comtes à l'Eglife
de Lyon , & Antoine leur
petit - neveu eft allié auffi à
GALANT 123
la Maifon de Saint Romain.
Gilbert de Thelis un des plus
grands hommes de
C
guerre
du
16 fiecle
, leur petit
- neveu
,
époufa
Antoinette
de Damas
,
& par là la Maifon
de Thelis
eft alliée
à celle
de Thianges
.
C'eftoit
ce Gilbert
de Thelis
qui eftoit
Seigneur
de Valorges
& qui n'ayant
point
d'enfans
donna
cette
Terre
à Jean
de Thelis
fon neveu
, qui s'étoit
fignalé
au ſervice
d'Henry
IV. fur la fin du 16° fiecle
.
Jean
épouſa
Henriette
de Sar-
Fon , d'une
illuftre
Maiſon
,
dont
il y a aujourd'huy
deux
Lij
124 MERCURE
Comtes dans l'Eglife de Lyon.
George de Thelis fon petitfils
époufa Catherine de Malivert
d'une Maifon de Breffe.
Antoine fils cadet de Jean dont
je viens de parler , fit la branche
de Valorges au commencement
du dernier fiecle. Il fut
ayeul de Mr le Comte de Valorges
d'aujourd'huy , & du
Chevalier de Thelis qui fut tué
d'un
coup
de canon en
1674 .
devant
le Fort
de Sainte
Anne
en Comté
. Il y a encore
de cette
illuftre
Maifon
les branches
de Charnay
, de Peiffelay
& des
Forges
. Milon
de Thelis
CheGALANT
125
valier forma celle de Charnay
au commencement du dernier
fiecle. Il eftoit fecond fils de
Jean de Thelis & d'Arthaude
de Charnay d'une ancienne famille
de Franche - Comté. Ils
s'allierent auffi aux Maifons de
Varennes, de Talaru , de Chiel-
Gigny : ce Milon fut Colonel
dans les Troupes Françoiſes ,
& fe diftingua dans toutes les
occafions de fon temps. Pierre
de Thelis forma la branche de
Peiffelay en Beaujollois ; il êpoufa
Clemence de la Olpilliere.
Guillaume de Thelis ,
Chevalier Seigneur des Forges,
Liij
126 MERGURE
forma la branche de ce nom
en 1534.Cette Terre paffaenfuite
dans la Maifon de Sarron ,
où elle eſt à preſent , & dont
un Comte de S. Jean porte le
nom . Cette beanche s'établit
enfuite dans le Nivernois , où
Marguerite de Thelis avoit
époufé Guillaume d'Orgeres.
Philibert Confeigneur des Forges
fe diftingua à la teſte d'une
Compagnie de Lances à la Bataille
de Coutras , & le Duc
d'Anjou depuis Roy de France,
fous le nom d'Henry III . luy
donna une gratification confiderable
. L'Abbé de Valorges
GALANT 127
qui vient de moutir , n'eft pas
Je feul de fa Maifon qui ait efté
Religieux de Savigny. Hugonin
de Thelis l'eftoit auffi dans
le quatorziéme ficcle .
Le Pere Violet de la Compagnie
de Jefus , eft mort
dans le Grand College des
Jefuites de la Ville de Lyon.
Il eftoit un des plus grands
Theologiens de faCompagnie;
Il avoit enfeigné la Theologie
Scholaftique ou Pofitive durant
20. ans entiers & avec
une grande reputation. Il avoit
efté auffi Profeffeur en langue
Hebraïque pendant quelques
Liiij
128 MERCURE
années avec beaucoup de fuccés.
Ce Pere eftoit auffi
grand Cafuifte. On le confultoit
de toutes parts , & fes
décifions eftoient toujours
foutenues par celles des plus
Theologiens grands du
Royaume. Nous avons quan
tité de fes Poëfies Latines . Ily
en à quelques unes adreffées à
Mr le Prefident Dugas , à qui
il avoit donné les Principes de
la langue Hebraïque dans
laquelle ce Magiftrat a fait
de grands progrés . Il avoit
fait aufli quelques Differtations
fur la Baguette dans le
a
GALANT 139
.
temps que l'homme qui la
faifoit tourner comme il vouloit
parut en France , & ces
Differtations furent tres - eltimées.
Ce Pere avoit reſolu de
donner un Traité De triplici
anima , c'est- à- dire , fur les
trois fortes d'Ames , la Vegetante
, la Senfitive ; & la Raifonnable
; mais fon grand
âge ; & fes infirmitez l'empecherent
d'executer ce deffein.
Il eftoit de Seyffel , petite Ville
de Bugey , dont il avoit entrepris
de donner l'Hiftoire au
Public , ce qu'il n'a pu executer
à caufe de diverfes occupa-
+
130 MERCURE
tions dont fes Superieurs l'ont
chargé en divers temps. Il
faifoit voir dans cet Ouvrage
que C. Sextius Gouverneur du
Pays des Allobroges pour les
Romains fit baftir Seyffel qu'il
fit appeller Sextellum de fon
nom & que par abus au lieu de
Sextel on a dit Seyffel. Amé
IV. du nom Comte de Savoye,
accorda , felon cet Auteur , de
grands Privileges à cette Ville .
On efpere que ceux qui auront
foin des Papiers de ce fçavant
homme donneront cette Hiftoire
au Public qui fera d'autant
plus curieufe que Seyffel ,
GALANT 131
a efté le Theatre de la Guerre
de Savoye. Le Pere Violet eft
mort âgées de 84. ans.
Mr le Marquis de Barbefie-
Chevalier de l'Ordre de res
faint Louis , Gouverneur de
faint Quentin , Lieutenant General
des Armées du Roy , eft
mort dans un âge fort avancé ,
regretté de tous ceux qui le
connoiffoient ; il joignoit à de
longs & anciens fervices rendus
au Roy & à l'Etat , un genie capable
des plus grandes affaires .
Il avoit fervi toute fa vie dans
la Cavalerie & à la tête du Regiment
qui a long- temps por132
MERCURE
té fon nom . Il donna dans le
cours de la derniere guerre, de
frequentes preuves de fon courage
& de fon experience dans
la Diſcipline militaire . Il a vêcu
pendant les dernieres années de
fa vie dans la pratiqne des vertus
Chrêtiennes & en cela il a
fçû allier ceux de fa Profeffion
avec ceux d'un état qui luy paroift
quelquefois affez oppofé.
Ce Marquis étoit d'une
ancienne Maifon originaire de
Lorraine , où elle étoit connuë
dés le temps du Duc René II .
dont la vie fut remplie de fi
beaux & de fi grands éveneGALANT
133
mens.Mrs deBarbefieres poffedoient
dans cette Cour les premieres
dignitez. Ils pafferent
enfuite en France , lorfque les
Princes cadets de cette Maifon
y vinrent & y formerent la
Branche de Guife , dont toutes
les autres font forties . Depuis
ce temps - là ceux de cette Maifon
fe font toûjours diftinguez
dans la profeffion des armes.
Dame N... de la Chaife ,
plufieurs fois Superieure de la
troifiéme Maiſon des Filles de
Sainte Elifabeth , de l'Ordre
de faint François , de la Ville
de Lyon , qu'on nomme vul134
MERCURE
gairement
Colinettes , à caufe
du bien que feus Mr & Me dé
Coligni ont fait à cette Maifon
, y eft morte d'apoplexie
,
agée de
77. ans. C'étoit la feule
qui reftoit des freres & des
foeurs du Pere de la Chaiſe . On
a remarqué que ce Pere mourut
au commencement de l'année
derniere , & que Madame
de la Chaiſe eft morte à la fin ;
c'eſt à dire , dans les derniers
jours de Decembre. La memoire
de Madame de la Chaife
fera long temps en benediction
dans cette Maiſon , à caufe
des bons exemples qu'elle y
GALANT 135
a donnez durant une vie affez
longue , & par le bien qu'elles
luy a procuré , ayant fait
unir , il n'y a pas encore longtemps
, un Prieuré à ce Monaftere
Elle étoit fille de feu
Mre Gorge d'Aix , Seigneur de
la Chaife , & de Dame Renée
de Rochefort , & petite fille
Mre N.. de la Chaife , & de N...
de Cotton , foeur du Pere Cotton
, Confeffeur d'Henry IV.
Elle étoit auffi foeur de Mr le
Marquis d'Aix , pere de Mr de
Souternon , de Mr le Comte
de la Chaife , pere du Marquis
de ce nom , Capitaine des Gar136
MERCURE
2
des de la Porte ; de feu Mr
d'Aix , Abbé d'Ambronay ;
de Mr l'Abbé du But , Abbé
& Prieur de Savigny ; de Mr
l'Abbé de la Chaiſe , nommé
Coadjuteur de Clermont , mais
qui mourut avant d'avoir fes
Bulles, & de feue Madame l'Abeffe
de Marcilly. La Maiſon
de la Chaife eft de Forcz.
Mre N... Canau , Docteur
en Theologie de la Faculté de
Paris , & cy- devant Vicaire de
la Paroiffe de S. Euftache , eft
mort aprés 11. mois de maladie
, dans le cours de laquelle
il a donné de frequentes mar-
I
GALANT 137
par
ques de fa patience & de fa
foûmiffion aux ordres de la
Providence
. Il eftoit connu par
rapport au talent qu'il avoit
pour la conduite des ames . Il
dirigeoit plufieurs perfonnes
de qualité , mefme quelques
Princeffes , & il a procuré de
grands biens le zele qu'il
infpircit à ceux dont il gouvernoit
les confciences pour
le foulagement des Pauvres . Il
eftoit un des plus habiles Docteurs
de la Faculté . Il y a brillé
dans plufieurs ocafions d'éclat .
Mr le Cardinal de Noailles
l'honoroit d'une eftime parti-
Fanvier 1710.
M
138 MERCURE
culiere , & rien ne fait plus
d'honneur à la memoire de ce
Docteur que les regrets de toute
la Paroiffe de S. Euftache,
lors qu'il en quitta la conduite
; & ces regrets ont redoublé
lors qu'on a appris fa mort.
Mre Elie Camus de Pontcarré,
Chevalier non Profés de
l'Ordre de S. Jean de Jerufalem
, eft mort dans un âge fort
avancé , aprés avoir mené une
vie qui a efté l'édification &
l'exemple de tous ceux qui le
connoiffoient . Il eftoit frere
de feu Mr Camus de Pontcarré,
Confeiller d'honneur au
GALANT 139
Parlement , & pere de Mr de
Pontcarré , premier Prefident
du Parlement de Rouen . Mes
de Pontcarré , defcendent de
Mfe N... Camus Gentilhomme
Lionnois , & leur quatriéme
ayeul, qui ayant beaucoup
d'enfans , laiffa aux aînéz les
terres de Fougerolles , de Bagnols
& d'Arginis : & c'eft
d'eux que font forties les Bran
ches d'Yvours , d'Aubourg,
Pufignan , Camus Chavanieu,
& Camus de Coindrieu , &
dont le Chef a épousé une
coufine germaine de Mr le
Maréchal de Villars . Mr Ca-
Mij
140 MERCURE
mus dont je viens de parler , en
établit les Cadets dans le Parlement
de Paris , & il acheta à
l'aîné de ces deux cadets une
Charge de Confeiller au Parlement,
qui ne luy coûta alors
que dix mille francs ; c'eftoit
vers le commencement du feiziéme
fiecle. C'eft de ce Confeiller
que defcendent Mrs de
Pontcarré. Il acheta à l'autre
une Chargé de Maistre des Requeftes
, & Mr Camus Evêque
de Bellay , dont il a cſté tant
parlé dans le dernier fiecle , en
defcendoit , & cette branche
finit en ce Prelat . Mr de PontGALANT
135
carré Confeiller d'honneur au
Parlement , laiffa plufieurs enfans
, dont deux de fes filles
épouferent des Magiftrats de
tres anciennes Maifons de la
Robbe , & dont il y en a un
qui a efté Intendant . Mr le
premier Prefident de Rouen ,
qui eftoit l'aîné , ' a cu deux
femmes , la premiere , fille de
Mr le Prefident Boulanger ;
& la feconde , fille de Mr de
Bragelogne Maistre des R : -
queftes.
Mre N...... Deshayettes ,
Confeiller en la Cour des Aides
, eft mort fort regretté
142 MERCURE
dans fa Compagnie , où fon
merite & fa probité lui avoient
acquis beaucoup de réputa
tion . Il eftoit d'une ancienne
famille originaire de Normandie
, & qui a donné beaucoup
de Magiſtrats au Parlement de
Rouen. Il avoit de grandes al
liances dans la Cour des Aides' ,
tant de fon costé que du cofté
de fa femme , du nombre defquelles
font M' Petit de Ville-
neuve , Prefident du même
Corps & Mr Belayer , qui en
eft Avocat General . Toutes ces
alliances, l'avoient attiré dans
cette Compagnie . Il avoie

GALANT · 143
beaucoup de talens naturels ;
il eftoit éloquent , & avant
d'eftre en Charge il avoit
plaidé pour s'exercer , plufieurs
Caufes d'appareil au Parlement
avec beaucoup de fuccés.
Il fçavoit fort bien les Langues
étrangeres ; il s'y eftoit
attaché depuis fa plus grande
jeuneffe , & il y auroit parfaitement
réüffi , & fur tout à l'égard
de la Langue Italienne.
dont il fçavoir toutes les fineffes.
Il eftoit fort lié avec Mr le
Cardinal Gualterio , ci - devant
Nonce en France ; ce Prelat
qui a acquis avec juſtice la ré144
MERCURE
putation d'un des plus habiles
Prelats de l'Europe , fe plaifoit
fort avec Mr Deshayettes
!
& ils rappelloient quand ils
eftoient enſemble tous les plus
beaux endroits des Auteurs
Italiens tels que font le Taffe ,
le Guarino , Bocace , Bonarel
li , & c .
Meffire Gilles Brunet , Con
feiller - Clerc de la Grand'
Chambre , eft mort dans un
âge affez avancé. Il étoit d'une
Famille de Bourgogne , originaire
de Beaune , & qui a
donné plufieurs Officiers au
Parlement de Paris. Mr de
Chailly ,
GALANT 145
Chailly , Prefident de la Chambre
des Comptes eft neveu de
l'Abbé dont je vous apprens
la mort . Cet Abbé étoit fort
eftimé dans le Parlement , & il
y avoit acquis la réputation
d'un Juge fort integre & fort
éclairé. Il étoit Abbé de Villeloin
, Ordre de faint Benoist &
Dioceſe de Tours , & il avoit
fait de grands biens à fon Abbaye
, par le foin qu'il avoit
pris dans les premieres années
qu'il en fût pourvû , d'y faire
venir plufieurs fonds alienez . Il
y a auffi fait faire quantité de
reparations qui ont entiere-
N
"Janvier 1710.
146 MERCURE
1
4
ment fait changer de face d
cette Abbaye. Il étoit Docteur
en Theologie , & il avoit fait
fon Cours & fes Licences avec
beaucoup de fuccés. Il s'appli
qua enfuite à l'étude de la Jurif
prudence , dans le deffein d'entror
dans la Robe ; & on con
vint alors qu'il y avoit peu de
perfonnes qui le furpaffaffent
dans la connoiffance du Droit,
& fur tout du Canonique
, au
quel il s'étoit particulierement
attaché . Il avoit auffi fait une
longue étude des Libertez de
l'Eglife Gallicane , & il feroit
à fouhaiter que quelque ha
CALANT 147
bille main mit en ordre les
6
affem- Memoires qu'il avoit
blez fur cette importante matiere
pour les donner auPublic.
Mr l'Abbé Joifel , par la mort
de Mr Bruner , eft monté à la
Grand Chambre , & eft neveu,
à la mode de Bretagne, du
celebre Mr Joifel , Doyen de la
Faculté de Theologic de Paris.
Mr N... du Peray , Brigadier
des Armées du Roy, & cydevant
Lieutenant - Colonel du
Regiment Lyonnois , cft mort
dans un âge fort avancé , aprés
avoir donné pendant un
grand nombre d'années qu'il a
Nij
748 MERCURE
non as
porté les armes , de frequentes
preuves de fon courage &
de fon experience dans la Difcipline
militaire. Il étoit de
Corbeil prés Paris , & d'une
famille qui avoit toûjours cfté
fort attachée à la Maifon de
Villeroy . Feue Madame la Ma
réchale de Villeroy , mere du
Maréchal de ce nom , luy fit
avoir une Compagnie dans le
Regiment Lyonnois qu'on leva
il y a plus de so . ans . Il vinc
par fon rang , & encore plus
par fon merite , au pofte de
Lieutenant- Colonel , & en cette
qualité , comme en celle de
EGALANT 149
f
Capitaine , il s'étoit trouvé dans
toutes les occafions où le Regiment
Lyonnois s'eft diſtingué
, fur tout dans les guerres
de Franche - Comté, où cet Of
ficier s'attira des louanges de la
bouche même de Sa Majesté .
Il avoit quitté le fervice depuis
quelques années à caufe
de fon grand âge & de fes
incommoditez
, & le Roy luy
donna une groffe penfion lors .
qu'il quitta . Mr de Tricaud ,
aujourd'huy Brigadier , & alors
Major du Regiment Lyonnois,
eut la Lieutenance Colonelle
aprés luy . Le défunt avoit paf-
N iij
150 MERCURE
4
fé fa vie dans le celibat , & il a
laiffe fes biens qui font fort
confiderables à Mr Renaud ,
fon petit neveu , & fils d'un
Confeiller au Parlement de Paris
.Il a paffé les dernieres années
de fa vie dans une pratique
Credes devoirs de fa Religion.
Ila fait en mourant de
grandes aumônes aux pauvres.
Mre Pierre Eon de la Baronie,
Chevalier , Comte Marquis
de Cely, Seigneur de Soyfy
, Baron de faint Germain , &
Prefident en la Chambre des
Comptes , eft mort âgé de
quarante- huit ans. Il laiffe des

GALANT ast
enfans de Dame N..Dargou
ges de Rannes , fille de Mr
Dargouges de Rannes , & de
Dame N... le Pelletier , four
de Mr le Premier Prefident , &
fille de Mr. le Pelletier , Miniftre
d'Etat. Ce Magiftrat eft de S.
Malo , & il étoit parent du feu
Pere le Gobien Jefuite , qui a
donné plufieurs Recueils de
Lettres fur les Miffions d'O.
rient , & qui étoit auffi de faint
Malo . Il a efté fort regretté à
la Chambre des Comptes , où
fon application aux devoirs de
fa Charge , & fon merite particulier
luy avoit fait beaucoup
Niiij
152 MERCURT
d'amis . Me la Prefidente fa veu
ve & à qui il a laiffé la gardenoble
de fes biens , qui font
fort confiderables, eft niéce de
Mr le Marquis de Rannes , Colonel
de Dragons , & Officier
General. C'eſt un des Officiers
qui entend le mieux la Cavalerie.
Le Magiftrat dont je vous
apprens la mort , étoit allié du
côté maternel à la Maifon de
Coëtlogon, une desplus anciennes
Maiſons & des plus qualifiées
de Bretagne. Il étoit auffi
du même côté à celle de
Guebriant , qui a produit dans
les derniers fiecles un Maréchal
GALANT 153
de France.Les
pauvres
sont
beaucoup perdu à la mort , &
fa
il leur donnoit toutes les femaines
de groffes fonimes.
Les hommes font attaquez
de tant de differentes maladies
qui leur font quitter ce monde
avant que d'atteindre à l'âge
où ils pourroient parvenir fans
leurs infirmitez , il ne faut. pas
s'eftonner s'il fe trouve tant
de perfonnes qui travaillent à
chercher des remedes pour la
guerifon des differentes maladies
dont les hommes font attaquez.
L'Auteur de la Piece
que vous allez lire eft de ce
nombre.
15 4 MERCURE
DISSERTATION SUR
la Goutte & le Rhumatiſme,
faite par Mr Dumont, Chi
rurgien Juré d'Auch.
>
*
Il y a des Auteurs fameux,
qui pretendent que la pituite e
les ferofitez acres , qui fe feparent
des humeurs par le tiffu des
parties membraneufes & glandu
leufes , font la caufe de la Gouite
& du Rhumatifme , lesquelles
s'épanchant fur l'habitude di
corps , deviennent la fource feconde
des douleurs arthritiques &
rhumatiques , procedant du vice
CALANT 155
ordinairement des filtrations ,
de celles qui fe font dans la tefte,
appellée pour ce fujet , la ſource
des maladies .
Cependant le fentiment le plus
fuivi eft , que le fang chargédes
fels acides , & des fels acres , épanchez
hors des routes de la circulation
, par les extrémitez , ou
par les pores de plus petites arteres
dans les jointures ; auquel lieu,
ils ne peuventplus eftre repris par
les veines, ou diffipez , il forme
la matiere de la goutre par le dérangement
es le mélange difproportionné
de fes principes , & par
te relâchement des parties. C'eft
156 MERCURE
donc uniquement
dans le vice, &
dans la conftitution
dépravée du
fang, qu'ilfaut chercher la fource
le levain de la goutte &
du rhumatisme
de forte qu'on
n'en peut attendre la guerifon
`vant qu'on n'ait reftably ſa tiffure
, & redonné de l'élasticité aux
parties , en renouvellant
tout le
fiftême du fang, & en le faiſant
changer de nature.
*
a-
Sur ce principe , il eft aifé de
s'imaginer que ces fels acides
acres , extravafez par voye d'épanchement
, fe gliffent entre les
membranes , qui enveloppent les
mufcles , jufques à ce qu'ilsfoient
GALANT 157
onduits
par la circulation
dans
les parties
membraneufes
, vers
les tendons
ligamens
des jointures
, où ils trouvent
des cavitez
qui les arreftent
, dont il refte
tres-fouvent
au fonds
une espece
de marc ou de vafe , en forme de
plâtre , ou de fel , qui forme
des
concretions
des noeuds
prefque
indiffolubles
, par la coagulation
de leur fynovie
, jusques
à y con- tracter
avec
le temps
la fermeté
de la pierre ; c'eſt- là le levain
qui occafionne
la rechûte
& le
retour
periodique
de la goutte
nouée
, dans le temps
que ces fels.
viennent
à fe fermenter
.
158 MERCURE
estes
Il eft vray de dire , que
fels acides & acres s'arreſtent fuivant
leur determination dans les
jointures , & dans les parties qui
les touchent , & qu'ils y caufent
des irritations des divulfions
douloureufes ; ils piquent &
ébranlent les filers membraneux
nerveux qui en derivent ; ils
compriment & preffent les tendons
, les ligamens , les aiffeaux
fanguins , les vaiffeaux lympha
tiques , & les tuyaux excreteurs ;
par ce moyen troublent & empêchent
la circulation du fang, &
confequemment le cours des efprits
animaux ; &par là ils entretien
GALANT 159
de
ment une fenfation douloureuse
pendant tout le cours de la maladienab
sonnets
Le rhumatiſme eſt une espece
goutte vague , par diftinction
de la goutte fixe , qui a fon fiege
precifement dans les jointures &
articulations des parties , au lieu
que la vague afflige tout le corps ;
c'est à-dire les espaces entre les articles
, les mufcles , leurs membranes
, toute l'habitude , avec
une douleur cruelle , faifant fentir
des élancemens indifferemment
le long des parties , tantoft dans
l'un des bras , tantoft dans l'autre,
comme fi ces douleurs eftoienc er
160 MERCURE
rantes , la caufe de cette goutte
vague eftant une ferofité empreinte
d'un nître fulfureux , qui abonde
dans la maffe du fang , qui eft
d'une grande acrimonie , fouvent
accompagnée de vents ; il faut que
cette ferofité foit telle , puiſqu'elle
fe fait fentir par des chaleurs
par des piqueures douloureufes
"dans les parties , les chaleurs venant
du fouffre , & les piqueures
procedant du fel.
la
Le rhumatifme nediffere d'avec
goutte que par fon eſtenduë ;
car la goutte s'infinue dans les
parties des articles , où les os emboitez
laiffent quelque eſpace vuiGALANT
161
de , au lieu que le
rhumatisme eft
comme un débordement qui fe répandfur
toute l'habitude du corps,
ou fur quelque partie en particulier
; de maniere
que cette ferofité
demeure quelquefois engagée entre
lesparties membranenfes & mufculeufes
, vers le milieu des membres
; mais lorsqu'elle coule le long
des tendons des ligamens , elle
fe jette dans les jointures , & par
fon explosion caufe , ou le rhumatifme
qui fe termine fouvent
par la goutte , ou la goutte qui fe
change fouvent en rhumatifme..
Il n'y a point de doute que
l'acide ne foit l'ennemy juré du
Janvier 1710.
162 MERCURE
de toutes les
genre nerveux , &
parties du corps , excepté l'eſtomac,
felon Vanhelmont, en digriffant
trop la male du fang , & luy
donnant trop de confiftance & de
groffiereté ; de forte que la circulation
devenant plus difficile &
plus lente , le fang imprime aux
parties folides un caractere qui
affoiblit toutes leurs actions ; de
maniere
que les efprits animaux
ทุก ขอ
font comme engourdis noyez
dans les humeurs , dont les couloirs
font farcis ; de forte que les
recremens du fang nagent & cir
culent avec luy dans les parties,
& deviennent les femences feconGALANT
153
des de la goutte & du rhumatifme,
par la feparation des parties
fereufes du fang, d'avec les fibrenfes
& par la vapidité er
appan vriffement des liqueurs , e
des parties balfamiques &Spiri
tueuses du fang
Cela eftant fuppose & fondé,
je fuisfür des experiences conftantesaverées
; &jofe dire, que
le plus für moyende combattre la
matiere de la goutte , eſt la voye
des urines de la tranfpiration,
procurée par l'Or Diaphoretique
horizontal ( que j'ay composé:)
car enfin , fi dans la tranſpiration
naturelle , les épanchemens des
&
Ŏ ij
164 MERCUDE
eſt
il
fels acides & acres dans les jointures,
fe confument d'eux memes
par leur ardeur propre , & par le
nouveau degré de chaleur qu'ils
reçoivent de l'obſtruction , en s'évaporant
à travers les pores ,
eft à prefumer raifonnablement,
que la tranfpiration artificielle fera
d'un tres-puiffant fecours ; &
comme la chaleur naturelle de ceux
qui font avancez en âge, qui va
toûjours en s'affaibliſſant, ne peut
pas faire entierement tranfpirer
la matiere qui s'amaffe dans les
jointures , les nerfs , les tendons
les ligamens continuellement
imbiber fe relâchent , & conGALANT
165
tractant une foibleffe qui augmen
res
fure
que la
douleur
diminues
Enfin , lorsque les atteinres
de la gouttefefont multipliées,
les vaiffeaux tant de fois décolez
, obeiffent à la moindre effufion
; de forte que ces ferofitezfe
forment un paffage libre, jufques
aux articles , qui s'élargit toûjours
, nefe bouchejamais ; ce
qui fait que la goutte devient plus
cruelle , à mesure qu'elle vieillit,
prend toutefa force de la va
l'appauvriffement du
میرم
pidité de
fang, & de la foibleffe des levains
digeftifs, & du relâchement
des parties fibreufes ; ce qui donne
166 MERCURE
occasion à une espece de crudité
dans les humeurs. Les perfonnes
neanmoins avancées en age , ne
doivent pas defefperer de voir fou
vent foulager , quelquefois
guerir à fonds lears maux, comme
je l'ay experimenté fur un
homme feptuagenaire , travaillé
de la goutte, & fur plufieurs autres
de tous ages , dont les uns
eftoient attaquez de lagoutte , &
les autres d'un rhumatisme chronique
e inveteré.
L'experience en effet , prouve
sous les jours , qu'il eft des perfonnes
fexagenaires, qui ont leurs
fermens vigoureux , le tonus des
GALANT 167
parties ferme la riffure du
9.
fang robufte. Cependantj'avouë,
que la goutte nouée ne cedera pas
toujours à ce remede , mais elle
deviendra moins frequente
moins cruelle c'est toujours un
grand bien d'eftre foulagé d'un
mal , dont on ne peut entierement
guerir , qu'en tacbant de corriger
de rectifier la crudité outrée
des humeurs, & deprimer l'exal
tation de l'acide , de la lymphe, du
fuc pancreatique & de la bile,
qui prend toute fa force de l'aigre
avec lequel elle fermente ; car
l'exaltation de ces liqueurs ne
vient que par un trop long fe168
MERCURE
jour qu'elles ont fait dans les filtres
, fou par le relâchement des
fibres deſtinées à en faire l'expreffion
, foit enfin par le vice des
fermens qui fixent le fang ; c'eft
de cette crudité que naiffent dans
les premieres voyes , & dans le
fang mefme , tous les fels étrangers
, qui occafionnent des attaques
fi frequentes de la goutte &
du rhumatisme
.
Nous voyons au contraire, que
les jeunes gens , & fur tout les
enfans , trouvent une heureuſe
exemption dans lajufteffe de leur
temperament , qui n'a fouffert encore
aucune attaque , parce que
leurs
GALANT 169
leurs vaiffeaux toujours également
remplis , eftant étroitement
inferez les uns dans les autres , la
ferofité ne trouve aucune iffuë.
pour s'extravafer, ou s'il s'en
échape quelques gouttes , les muf
cles joints & ferrez entr'eux
leur refuſent le paſſage ; ellesfont
plutoft diffipées par la tranſpiration
, qu'elles ne font arrivées aux
jointures ; car dans le bel âge , le
fang eft riche en efprits , les fermens
font vigoureux , & dans
lequel les Parties ont tout leur
tonus ; enfin s'il arrive alors quelque
defordre dans le Systême du
Jang, & qu'il faffe quelque im
Janvier 1710.
P
170 MERCURE
la
preffion mauvaife fur les Parties,
la nature fe fert heureufement de
fes efprits qui rayonnent dans les
liqueurs , pour en chaffer ce qu'il
y a de fucs falins étrangers dans
la maffe , qui en troublent l'aco
nomie , déconcertent pour ainfi
&
dire la machine
; c'est pourquoy
fuppreffion de l'infenfible tranfpiration
, produit une infinité de maladies
, tant aigues tant aigues que chroniques
; car ce quife diffipe ordinairement
de nos corps , foit par le
paffage de la matiere fubtile , qui
en détache continuellement
quelques
parties , ou par les filtrations
des glandes cutanées , & tuyaux
GALANT 171
excreteurs , eft bien fenfible , puifque
Sanctorius prétend qu'ilfurpaffe
quinze fois le volume des
autres excretions .
Il faut donc fuivant mon ſyſftême
de pratique , pour guerir la
goutte & le rhumatisme , fe fervir
de la voye d'attenuer les humeurs
afin qu'en leur donnant
plus defluidité, elles puiffent ai
fementfe débaraffer, ou pour entrer
dans la maffe dufang& fuivrefon
cours ; ou enfin pour fe
perdre par l'infenfible tranfpiration
; ce qui s'obtiendra par des remedes
fondans , diuretiques , dépurans
abforbans , diaphore-
Pij
172 MERCURE
tiques , pour combattre la goutte
& lerbumatisme
; enfin l'or dia
phoretique horisontal renferme
en foy ces cinq qualitez
, & par
confequent c'est un remede fpecifi
que a ces maux.
la
On peut dont conclurrefuivant
les Anciens & les Modernes , que
a goutte vient par le vice de l'eftomac
, d'où s'enfuit une digeftion
aigrie & alterée , le chile devient
groffier , & acide en forte que
d'un chile aigri , il ne peut eftre
produit qu'un fang empreint de
particules acides , lesquelles eftant
portées aux articles , & ne pou
vant eftre digerées & évacuées
ر
GALANT 173
par les efprits fixes de ces parties ,
deviennent plus acides par le fejour
qu'elles y font , & caufent
les douleurs de la goutte : ainfi la
veritable indication , pour la guerifon
de cette maladie , eft de fortifier
l'eftomach , d'en abforber l'acide
, & diffiper l'humeur qui eft
dans la partie; l'or diaphoretique,
horifontal, corrige repare ce défaut
, ranime e rectifie leferment
digeftif de l'eftomach , affaifonne
le chile , proportionne les coctions
donne de lafluidité auxfucs , rend
·les couloirs libres , refout les craf
fes du fyftême des nerfs & des
Piij
174 MERCURE
glandes , fournit au fang des
parties huileufes , balfamiques &
Spirituenfes , afin qu'il reprenne
fa premiere pureté, & fapremiere
-force.
Il est certain que j'ay donné de
ce remede à un grand nombre de
perfonnes de tous âges dans la plus
grande rigueur de l'Hiver, &
dans la plus grande chaleur
l'Efté , fans que l'ufage de ce remede
ait caufeplus d'émotion , ny
de chaleur , quefi l'on n'avoit rien
pris. L'or diaphoretique horizontal
n'eftpas feulement un fpecifique
pour la goutte goutte , mais encore
pour les maladies chroniques
GALANT 175
rebelles , dont la miffe du fang
eft tout à fait dérangée fuivant
les experiences que j'en ay faites
tant à Paris qu'en Province.
M³ Dumont , donnera à ceux
qui l'iront voir , des preuves
convaincantes , des heureufes
experiences qu'il a faites . Je
vous ay déja envoyé plufieurs
de fes Ouvrages dont les Journaux
des Sçavans ont avantageufement
parlé. Il loge au
Grand Turc , rue de la Huchette.
Ce qui fuit eft bien digne
P iiij
176 MERCURE
de voftre curiofité , & à quel
ques mots prés , je vous
l'envoye de la maniere qu'il
eft tombé entre mes mains
ceux qui ont écrit cette Relation
à la quelle j'ay fait ferupule
de toucher , eftant mieux
inftruits que moy desc hofes
dont il s'agit .
Les Peres Jefuites , du College
de Bourges qui ont des
obligations particulieres à la
Maifon de Condé , ne ſe contenterent
pas de celebrer les
Sacrez Mifteres pour l'ame de
3
GALANT 177
S. A. S. Henry Julles de Bourbon
, fi
to
dose
appris
la mort de ce Prince ; ils .
voulurent encore donner des
marques fingulieres de leur
reconnoiffance par quelque
action publique qui fût entierement
confacrée à fa memoire
; mais comme ils vouloient
rendre la Ceremonie
celebre & que les Membres
des principaux Corps de la
Ville de Bourges
voient alors difperfez à la
campagne , ils remirent à
executer leur deffein juſqu'au
mois de Decembre dernier ,
fe trou178
MERCURE
oùtout le monde à coûtume
de fe raffembler dans la Ville ;
ce fut le 19. du même mois
qu'ils choifirent pour cerre
folemnité.
Le matin fut employé à
offrir le Saint Sacrifice fur
tous les Autels de leur Eglife ;
l'aprêdinée le Pere de Blainville
, un des Profeffeurs de l'Elo .
quence prononça en latin l'O
raifon funebre du Prince . M'
de Foullé , Intendant de Berry,
quatres Facultez de l'Univerfité
en habit de Ceremonie,
le Corps de Ville , les Magif
trats , les Superieurs d'Ordre ;
les
GALANT 179.
t
& prefque toutes les autres
perfonnes de diftinction de la
Ville formoient une Affemblée
également nombreuſe &
choifie.
Le deffein de l'Orateur fut
de reprefenter Henry Jules
de Bourbon , comme un Prince
accomply & qui poffedoit
toutes les qualitez d'un veritable
Heros. Il fit voir que
fon Heros ne cédoit à aucun
autre pour les vertus du cocur
& que prefque aucun ne l'avoit
égalé pour les qualitez de
l'efprit. Les preuves de la
premiere partie confifterent à
180 MERCURE
faire connoiftre qu'Henry Ju
les de Bourbon remplit toû
jours & en tout lieu les dep
voirs d'un Grand Prince ; c'eftà
dire , qu'il fut à la Guerre
valeureux & intrepide ; à la
Cour fage également foumis
& fidele ; à la Ville & dans fa
famille , humain , complaifant
, équitable . Ainfi les
vertus Militaires , celles qui
font propres d'un Prince à
la Cour , les civiles & les domeftiques
firent le partage de
cette partie .
L'Orateur en parlant des
vertus Militaires fit fur tout
GALANT 181
valoir le paffage du Rhin , où
le Prince ne ceffa de combatre
que lorsqu'il eut vangé par la
mort ou la prife de tous les
Ennemis , la bleffure que fon
Pere y reçeut. L'Affemblée
applaudit beaucoup à cette
endroit & ne prit pas moins
de plaifir à entendre le recit
de la Bataille de Seneff , où le
Prince quoyque bleſſé en deux
endroits , & aprés avoir perdu
fon cheval , vint au fecours
de fon Pere le fauva des
mains des Ennemis , & en le
fauvant fut caufe de la Victoire
& du falut de la France.
>
182 MERCURE
La prife de Limbourg , &
de plufieurs autres Places où
Henry Jules de Bourbon ,
fignála fa valeur , ne furent
pas oubliées.
Lorfqu'il vint aux vertus
que Monfieur le Prince avoit
pratiquées à la Cour , il loüa
fur tout fa fincerité , fa droiture
, fon attachement à tous
fes devoirs , fon affiduité auprés
du Roy , & fon attention
à fe regler en tout fur les
volontez & fur les inclinations
de Sa Majefté ; ce qui
parut plus glorieux pour le
Prince , fut la remarque qu'il
GALANT 183
fit • que toutes fes démarches
& toutes les actions n'eurent
jamais d'autre principe
que
fon zele , fon amour & fon
eftime pour Louis le Grand.
Al'égard des vertus domeftiques
& civiles , il s'étendit
particulierement
fur la reconnoiffance
& la pieté de Henry
Jules de Bourbon envers le
le grand Condé fon Pere , fur
fon foin pour l'éducation
&
l'établiffement
des Princes fes
enfans ; fur la protection
qu'il
accorda toujours conftamment
à la Province dont il
avoit le Gouvernement
; fur
184 MERCURE
a
fa bienveillance , fa charité , fa
clemence , pour tous ceux qui
curent recours ou qui curent
affaire à luy. Je ferois trop
long fi je vous raportois en
détail ce que dit l'Orateur fur
les fommes immenfes que
Henry Jules de Bourbon , fit
diftribuer aux Pauvres , aprés
la mort du Prince fon Pere ;
les Paroiffes qu'il fonda ; les
dettes qu'il acquita ; fur l'abondance
qu'il conferva dans
la Bourgogne dans un temps
de famine ; fur fa facilité à
pardonner les injures ; ſa compaffion
pour les malheureux ,
GALANY 185
quand même ils auroient efté
fes ennemis & fur la bonté de
fon coeur , qui alloit juſqu'à
luy faire répandre des larmes
au feul récit de quelque action
de pieté.
Mais l'endroit ou l'Auditeur
témoigna le plus de joye ,
fut lorfque l'Orateur , en parlant
de l'amour paternel , fit
remarquer avec verité , que le
Prince n'avoit en fait pour
fes enfans , qu'il ne leur fuc
dû ; qu'ils meritoient encore
plus que la fortune qu'il leur
avoit laiffée , & qu'à confide-
Fer leurs vertus , il fembloit
Fanvier 1710.
186 MERCURE
même n'en avoir pas affez fait
pour eux. Ce fut à cette occafion
que l'Orateur fit un caractere
auffi jufte qu'avantageux
de Son Alteffe Sereniffime
Madame la Princeffe , qui
par fes exemples encore plus
que par fes leçons , a entretenu
tant de vertus heroïques dans
fon Augufte Famille.
Dans la feconde Partie , l'Orateur
après avoir fait entendre,
qu'on n'eft point veritablement
Heros , fi on ne jointaux
vertusdu coeur, les qualitez d'un
genie éminent , diftingua trois
fortes de connoiffances qu'un
GALANT 187
Prince doit avoir pour meriter
la réputation d'un excellent
efprit ; il dit que les premieres
fervoient à deffendre & àfoutenir
un Etat ; que les fecondes
contribuoient à fan embelliffement
& ; àfa gloire que les troifiémes
font neceffairespoury conferver la
Religion dans fa fplendeur , &
qu'Henry Jules de Bourbon n'avoit
prefque point eu d'égal dans
ces trois fortes de connoiffances .
Entre les Sciences qui procurent
le bien d'un Royaume ,
comme la Militaire eft une des
principales
, l'Orateur
fans rien
repeter de ce qu'il avoit dit de
Q ij
188 MERCURE
la valeur du Prince , montra
combien il eftoit entendu dans
le mêtier de la guerre . On ne
peut expofer d'une maniere
plus variée qu'il fit , les dix
Campagnes où fon Heros s'eſt
fait remarquer par mille actions
éclatantes , dans tous les
Sieges & tous les Combats differens
dont la France fortoit
alors toûjours victorieufe.
Il ajoûta que Mr le Prince
ne fut pas moins admirable
dans les autres connoiffances ,
foit des chofes qui concernent
le dedans du Royaume
, comme
les Loix del Etat , les moeurs
ALANT 189
& les ufages des Peuples ; les
Coutumes & les Privileges des
Provinces ; foit celles qui appartiennent
aux affaires Politiques
, comme le genie & les
interefts des Nations étrangeres
, les vues & les projets des
Princes . Il s'attacha fur tout à
faire le caractere particulier du
Prince en marquant l'étenduë
de ſon eſprit également capable
des plus grandes & des plus
petites chofes. Le détail infini
où Son Alteffe entroit , foit
qu'il fallut mettre l'ordre dans
la
on
du
Roy
,
foit
qu'il
fallut regler la fienne pro190
MERCURE
pre , ou preſider aux Etats de
Bourgogne
fut un des beaux
morceaux de la Harangue. 18
Il fut aîfé de montrer combien
Henry Jules de Bourbon
excella dans la connoiffance
de
tous les Arts qui contribuënt
à l'ornement
& à la gloire d'un
Royaume. Le Portrait que
l'Orateur en fit comme d'un
Prince autant élevé par fa capacité
que par fa naiffance ,
eftoit vif & donnoit une belle
idée de la fuperiorité
de genie
que perfonne n'a jamais refufée
au Prince de Condé.
Ce fut avec la même facilité
GALANT 191
qu'il fit voir que jamais perfonne
ne connutmieux faReligion
& ne fut plus docile à la fuivre.
Aprés une espece de Recapitulation
que l'Orateur fit de
tant de rares qualitez , foit du
scoeur , foit de l'efprit , il ne
craignit pas d'avancer qu'il
eftoit en quelque maniere de
la gloire de Dieu qu'un Heros
fi accompli mourut en parfait
Chreftien il dit qu'Henry-fules
de Bourbon mourut en effet
avec une entiere connoiſſance , &
une fermeté inébranlable , muni
de tous les Sacremens de l'Eglife ,
qu'il reçut avec une pieté exem192
MERCURE
plaire , laiffant aprés ſa mort la
memoire d'un Prince encore plus
grand qu'il n'avoit paru pendant
fa vie..
Le lieu où cette Oraifon funebre
fut prononcée eftoit une
grande Salle toute tenduë de
noir depuis le haut jufqu'au
bas , avec un appareil funebre
qui répondoit parfaitement au
deffein de l'Oraifon .
Dans un des fonds de la
Salle , à la droite de l'Orateur ,
on avoit élevé , un Dais magn
fique fous lequel on avoit
placé un grand Tableau où
eftoient les armes du Prince ;
il
GALANT 193
il eftoit accompagné de chaque
côté de deux trophées , dont
l'un par divers inftrumens de
guerre , & l'autre par tous les
fymboles des Sciences , & des
Arts , marquoient que Henry-
Jules de Bourbon eftoit également
grand & dans la guerre
& dans la Paix ; au deffous on
avoit dreffé une grande table
parée d'un riche tapis : fur cette
table eftoit la Couronne à
fleurs de lis , couverte d'un crefpe
fur un carreau de velours
noir ; avec tous les ornemens
qui convenoient aux dignitez
Janvier 1710.
R
194
MERCURE
dont feu Monfieur le Prince a
efté revêtu .
Dans l'autre fond de la Salle
eftoit élevé un autre tableau
de même grandeur , qui contedoit
le chiffre du Prince , accompagné
de deux trophées
differens des deux premiers .
Au - deffus de la tefte de l'O
rateur ou avoit placé un grand
Cartouche, qui reprefentoit un
Mars & un Apollon foûtenant
les armes de la Maifon de Condé
; deux autres eftoient un peu
au - deffous ; dans l'un du cofté
où eftoit Apollon , on avoit
peint un Parnaffe , où l'on
GALANT 195
voyoit toutes les Mufes qui
prefident aux Sciences & aux
beaux Arts ; dans l'autre on
avoit peint les differens Dieux
de la Fable , qui paffent pour
prefider à l'Art Militaire &
pour eftre les Inventeurs des
Inftrumens qui fervent à la
Guerre.
A ces trois Cartoles

pondoit de l'autre coſté de la
Salle une nouvelle decoration ,
qui confiftoit en diverfes Figures
, qui repreſentoient & les
vertus du coeur & les qualitez
de l'efprit , avec cette feule
Infcription , qui renfermoit
Rij
196 MERCURE
tout le deffein de l'Oraifon
& qui fe trouvoit juſtement
au milieu de la Salle & vis - à vis
l'Orateur .
PRINCIPI PERFECTO.
Au Prince accompli,
À la droite de cette Infcription
regnoient autour de la
Salle jufqu'à la Chaire de l'Orateur
, des Infcriptions , des
Peintures & des Devifes, qui exprimoient
les vertus du coeur
qui faifoient le fujet de la premiere
partie de l'Oraiſon.
D'abord une Infcription
generale marquoit les vertus
Militaires
,
GALANT, 197
VIRTUTES BELLICA .
Au - deffous eftoient en formede
quarré trois Infcriptions
particulieres & trois Tableaux
qui fe rapportoient à l'Infcription
generale.
Premiere Infcription particuliere.
PATRIS ULTORI .
Au Vengeur de fon Pere:
Elle eftoit accompagnée
d'un grand Tableau où l'on
avoit dépeint le Paffage du
Rhin , avec ces mots : ad Rhenum
, pour marquer que Mr le
Prince n'avoit point quitté la
mêlée, que la mort où la prife
R iij
198 MERCURE
de tous les ennemis ne l'eut
fon
vengé de la bleffure que
Pere avoit requë dans le Com-
Seconde Infcriprion partibat.
culiere.
PATRIS ET GALLIE
CONSERVATOR L.
Au Confervateur de fon Pere
de la France.
Le Tableau repreſentoit la
Bataille de Seneff , avec ces.
mots : Ad Seneffum , pour marquer
qu'en fecourant fon Pere,
tombé de cheval dans un foffé ,
& en le retirant des mains de
l'Ennemi , il avoit en même
порный
THEQUE
DE
DA
GALANT
temps fauvé la France .
Troifiéme
Infcription par
ticuliere.
SUIS AUSPICIIS TRIUMPHANTI
Au Vainqueur qui ne doit qu'à
lui-même fa Victoire.
Le Tableau reprefentoit la
Villede Limbourg & plufieurs
Forts affiegez & pris par le
Prince , avec ces mots : Ad.
Limburgum , &c.
La feconde Infcription generale
marquoit les vertus que
ce Prince a pratiquées à la
Cour.
VIRTUTES AULICE..
R iiij
200 MERCURE
Au - deffous eftoient trois
autres Infcriptions particulieres
& trois Deviſes qui formoient
une figure quarrée
femblable à la premiere.
Premiere Infcription particuliere.
REGIS OBSERVANTISSIMO .
Il fut toûjous attaché & foûmis
à fon Roy.
La Devile qui exprimoit ce
zele & cet amour pour Sa Majefté
eftoit un Girafol penché
du cofté du Soleil , avec ces
mots :
HOC QUOCUNQUE SEQUOR .
Fe le fuis par tout.
GALANT 201
Seconde Infcription particu
liere .
RECTI TENACISSIMO.
Il n'eut pour regle que la droiture
& la vertu.
Devife : Une Bouffole toûjours
tournée vers le Nord ,
avec ces mots :
DUCOR AMORE POLI.
Mon inclination mè porte vers
le Pole.
Troifiéme Infcription par.
ticuliere .
SUI SEMPER SIMILLIMO.
Ilfut toûjours égal à lui- même.
Devife : Un Laurier qui conferve
en tout temps fa ver202
MERCURE
dure , avec ces mots :
NIL ESTAS ADDIT , NIL
TOLLIT HYEMS .
L'Efté ne me donne rien , l'Hyver
ne m❜ofte rien.
La troifiéme
Infcription
generale marquoit les vertus
civiles &
domeftiques ;
VIRTUTES DOMESTICE AC
CIVILES .
Premiere Infcription particuliere.
PATRIA INDOLIS EFFIGIEM
RENOVANTI .
Ilfuivit les belles inclinations
de fon Pere.
Devife: Un nouveau PhcGALANT
203
nix qu'on voit fortir des cendres
de celuy qui l'a precedé ,
avec ces mots :
ALTER AB ILLO SURGIT.
Il s'en éleve un fecond ſemblable·
au premier.
Seconde Infcription particuliere.
PARENTI PROVIDENTISSIMO.
Il remplit tous les devoirs d'un
bon Pere.
fes
en-
La Devife qui exprimoit cette
vigilance & cet amour paternel
du Prince pour
fans , eftoit un Aigle occupé
à conftruire fon aire , avec
mots :
204 MERCURE
NON MEOS SED PROLIS IN
USUS.
Ce n'eftpaspour moy maispour
les miens que je travaille .
Troifiéme Infcription particuliere.
GUBENATORUM EXEMPLO .
Il fut l'exemple le modele
des Gouverneurs.
b
Devife : Un Soleil qui par
fa chaleur benigne fait porter
des fleurs & des fruits à des arbres
qui font au- deffous de lui ,
avec ces mots :
UBI PRÆEST , PRODEST.
Où il prefide, il fait du bien.
Pour fignifier que M' le
GALANT 205
Prince a toûjours maintenu la
Bourgogne dans fes Privileges,
& qu'il y a confervé l'abondance
dans les temps les plus
fâcheux.
A la gauche de la grande Inf
cription qui renfermoit tout
le fujet de l'Oraifon exprimé
par ces mots : Principi perfecto.
On avoit diftribué de la même
maniere trois autres quarrez ,
qui aboutiffoient pareillement
à la Chaire de l'Orateur , & qui
en reprefentant par de nouvelles
Infcriptions & Devifes , les
diverfes connoiffances , qu'on
admira toujours dans le Prin206
MERCURE
ce de Condé , marquoient les
éminentes qualitez de fon efprit
;ce qui faifoit le ſujet de la
feconde Partie de l'Oraifon.
La premiere Infeription ge
nerale marquoit la connoiflance
des Arts qui fervent à la
défenſe & au foutien des Empires.
ARTES REIPUBLICE
TUTELARES .
Premiere Infcription particuliere..
BELLI SCIENTISS IMO .
Ilfut tres experimenté dans
la Guerre.
Devife : une main fur un
GALANT 207
jeu d'Echecs , avec les pieces ,
& ces mots :
MIHI PRÆLIA LUDUS .
Les Combats font un
pour moy.
Fen
Seconde Infcription particuliere.
NATIONUM CONSSILIA
PERVADENTI.
Il connut parfaitement les interefts
& les projets des differentes
Nations.
Devife : Une Fléche volante
qui perce les nuës , avec ces
mots :
LONGE VOLAT ET PENETRAT .
C'eft fon propre de voler loin
& de penetrer
.
208 MERCURE
Troifiéme Inſcription particuliere
.
UTILITATI REGIA
CONSULENTI.
Il eut toûjours en vûël'utilité
du Roy.
Deviſe : Un Cadran expoſe
au Soleil , & placé ſur le Frontifpice
d'un Palais Royal , avec
ces mots :
SOLE REGENTE , DOMUM
ORDINE .
Le Soleil eft ma regle , & je fuis
celle de toute la Maifon.
Pour faire allufion à l'ordre
admirable .que M' le Prince
avoit établi dans la Maiſon du
GALANT 2c9
Roy , dont il eftoit Grand-
Mailtre.
La feconde Infcription generale
marquoit la connoiffandes
beaux Arts , qui contribuent
à la gloire & à l'ornement
d'un Royaume :
ARTES IMPERIIS GLORIOSÆ .
Premiere Infcription particuliere.
IMA ET ALTA COMPREHENDENTI
.
Il fut également ce qu'ily a de
plus commune de plusfublime .
Devife : Un Arc - en - Ciel
qui paroift par le milieu élevé
Fanvier 1710.
S
210 MERCURE
au deffus des airs , & dont les
extremitez femblent toucher
la terre , avec ces mos :
ASTRA TENET , NEC SPERNIT
HUMUM.
Elevéjufqu'aux Cieux il ne
méprife point la Terre.
Seconde Infcription particuliere.
RERUM SINGULARUM ÆSTIMATORI
SACAGISSIMO.
Il eut un difcernement exquis pour
juger de toutes chofes.
Devife : Une Balance fuf
penduë en l'air par une main
qui la foutient
mots :
avec ces
GALANT 201
NON REI MOLES , SED
GRAVITAS MOVET .
Ce n'est point le volume mais
le poids des chofes qui me font
pencher.
Troifiéme
Infcription particuliere.
ELEGANTIARUM PATRI .
Ilfutcomme le Pere de l'Elegance
& de la Politeffe.
fa
Devife : Un Parterre couvert
de fleurs differentes , &
au deffus un Soleil , qui par
lumiere forme l'agreable varieté
de leurs couleurs ; avec
ces mots :
Sij
212 MERCURE
CUNCTA
COLORAT.
Il donne de la couleur & de l'éclat
à
tout.
La
troifiéme
Infcription generale
marquoit
la connoiffance
des
chofes qui
appartiennent
à la
Religion .
Artes Religioni
fervientes.
Premiere
Infcription particuliere.
RELIGIONIS
MYSTERIA
PERNOSCENTI.
Il approfondit les Mysteres
de la
Religion.
Devife : Un Aigle au- deſſus
des nuës , qui regarde fixement
le Ciel , avec ces mots :
GALANT 213
ALTIORA VI DET .
Ses regards percent juſqu'au plus
baut des Cieux.
Seconde Infcription particuliere.
RELIGIONIS INSTITUTA
PROFITENTI .
Il fe fir gloire en tout temps defa
Mind Religion .
Devife : Un Vaiffeau qui fuit
toûjours dans fa courfe l'Etoile
Polaire avec ces mots :
UBI FULSIT , UNAM
SEQUITUR .
Dés qu'elle paroift , il ne fuit
qu'elle.
214 MERCURE
Troifiéme
Infcription parriculiere.
RELIGIONI ULTIMA
CONSECRANTI .
Il confacra fes derniers foupirs
à la Religion.
Devife : Un Encenfoir fur
un Autel , duquel on voit for
tir la fumée de l'Encens qui fe
confume , avec ces mots :
SOLVITUR NUMINI.
Il eft confumé à l'honneur du
vray Dieu.
Autour de la Salle , regnoit
en haut une longue rangée
d'Armoiries
entre- melées de
Chiffres & au - deffous d'ef
GALANT 215
fix
pace en efpace pour remplir les
vuides qui eftoient entre les
quarrez que
formoient les
Infcriptions & les Devifes , on
avoit placé des Tableaux qui
reprefentoient
par differentes
figures , ce qu'on avoit déja
exprimé par ces mêmes Infcriptions
& Devifes .

Tout brilloit des lumieres ,
qu'on avoit diftribuées , de
maniere que chaque piece de
la décoration eftoit éclairée de
toutes parts par le moyen d'un
grand nombre deLuftresqu'onavoit
fufpendus & de Plaques
qu'on avoit appliquées fur
216 MERCURE
la Tenture ce qui donnoit un
tres grand éclat à tout l'appareil.
Rien ne devoit eftre plus
beau , & plus brillant que
cette Pompe Funebre &
l'efprit & l'invention y brilloient
tellement qu'il n'apartient
qu'aux Jefuites d'orner
avec tant d'efprit tout ce
qu'ils donnent en Spectacles .
Je vous parlay dans ma
Lettre du mois de Decembre
de la mort de M° d'Ecampes
de Vallençay , Abbeffe des
Clairets de l'Ordre de Citeaux ,
& vous rapportay beaucoup
d'endroits
CALANT 217
d'endroits de l'Oraifon funebre
, qui en a efté faite par
Mr Gontier , Docteur de Sorbonne
, Chanoine & Theologal
de l'Eglife de Chatres .
Et comme ce que je vous en
ay mandé vous a paru fi beau
que vous avez dit qu'il meritoit
d'eftre fçû de toute la
terre , j'en ay ramaffé encore
quelques morceaux que je
crois que vous trouverez d'une
grande beauté ; & particulicrement
la peinture de la vic
Religieufe qui a paffé pour
un chef- d'oeuvre. Cet Abbé
avoit pris pour Texte ces
Fanvier 1710.
T
2.8 MERCURE
*
:
eft in paroles de la Sageffe
illa fpiritus intelligentia fanctus
unicus , multiplex , c'eft- à dire,
Il y a en elle un efprit d'intelli .
gence ,faint , unique , multiplié.
Et il en tira la divifion de fon
Difcours . Ily avoit en elle , ditil
, un efprit d'intelligence ; unique
, voilà fa fimplicité : multiplié
, voilà fon étendue , faint ;
voilà fon excellence & Sa perfection
. Il commença enfuite
fon premier Point , en difant
que parle mot de fimplicité , il
faut pas fe figurer une vertu
foible , tranquile , indolente ,
incapable des grandes choſes ; &
ne
GALANT 219
que
indigne des grands hommes , ainfi
ue felon le Pape Saint Gregoire
on l'a prend ordinairement dans le
monde; & que Julien l'Apoftat ,
le reprochoit aux Chreftiens ;
mais entendre une vertu reglée
par la Foy , accompagnée de droitures
& de modeftie ; & infeparable
de la douceur & de l'humilité;
vertu oppoſée à cette efprit
de duplicité que Dieu ne regarde
qu'avec horreur dans l'Ecriture ;
àcet efprit de fuperbe qu'ily frape
par tout de fes maledictions &
defes anathemes. Ce qui donna
lieu à l'Orateur de parler de
l'origine de fon Heroine chrê-
"
Tij
220 MERCURE
36
tienne. Je remarque , dit - il ,
du cofté paternel dans la Maifon
d'Estampes , fi ancienne dans le
Royaume , les alliances les plus
honorables , les plus celebres , les
plus éminentes dignitez de l'Eglife
& de l'Etat j'apperçois
du cofté maternel dans celle de
Montmorency , déja conſiderable
en France dés les premiers fiecles
de la Monarchie , fes ancêtres
diftinguez par tous ces honneurs
qui fe diftinguent encore da
vantage dans l'Eglife par le titre
de premiers Barons Chreftiens ,
qui leur eft hereditaire ( la mere
de cette Abbeffe eftoit de la MaiGALANT
120
ce
fon de Montmorency ) j'y vois
efangqui l'anime , s'élever dans
perfonne des Princeffes ,foutenir
en tout temps la gloire de
cet Empire , dans celle des Generaux
d'Arméeprefque fans nombre
, triompher dans celle des
Conquerans , & regner dans
celle des Monarques par fes glorieufes
alliances avec toutes les
Couronnes Chreftiennes . L'Orateur
s'arrefta en cet endroit &
pourfuivit en difant ; mais
viendrois je en Partifan du
monde relever la pieté par la
Nobleffe , au lieu de relever en
Minifire du Seigneur la Nobleffe
-
Tiij
222 MERCURE
que
par la pieté , pendant que des
Payens c'est de Juvenal qu'il
parle ) déclarent la feule
l'unique Nobleffe à le bien
prendre eft la feule & unique
vertu ; à Dieu ne plaiſe ,Mi
mais comme les enfans du fiecle
n'eftiment que trop ces dangereux
avantages , je veux feulement
leur faire juger de la grandeur
de fon facrifice par la grandeur .
de fon extraction. Il jetta enfuite
encore quelques fleurs
fur le tombeau de l'ayeule maternelle
, & de la tante de cette
Abbeffe , dont la fage fimplicité,
dit-il , la pictéfolide ; & l'amour
GALANT 223
tendre pour les pauvres feront
jamais en benediction ; & depuis
fous la conduite d'une tante plus
élevée par elle-même
que parfa
naiſſance , qui avoit caché la
grandeur , d'une illuftre Ducheffe
fous le Voile d'une humble Religieufe
. Mr Gontier fit enfuite
un portrait de la vie Religieufe
qui fut délicatement touché
:formez- vous , dit - il , dans
voftre efprit l'idée de la vie Religieufe
: figurez- vous un estat où
l'on fe traite comme un genre de
perfonnes deftinées à la mort ( inft
que Tertulien le difoit des premiers
fidelles ) où l'on facrific le
Tiiij.
224 MERCURE
temps à l'Eternité ; où malgré l'amour
propre fi naturel à tous les
hommes , on renonce àfa liberté ,
pour n'agir que par la volonté
d'autruy ; & où c'est une espece
de crime de ne fe pas quitter foymême
après avoir tout quittés
dans ces afiles de la pieté Chreftienne
tous les momens font reglez
parla fageffe; toutes les actions
lesparoles font pefées au poids du
Sanctuaire ; les infidélitez les plus
legeresy paffentpour des monftres ;
les divertiffemens permis dans le
fiecle y font interdits , les confeils
y deviennent des preceptes . Là
enferveli dans les bornes eftroites
GALANT 225
d'un
, on
Monaftere comme dans un
tombeau au milieu des nourritures
fpirituelles dont on eft uniquement
occupé , on jeûne avec
courage , on gémit avec amour
non -feulement pour fes pechez ;
mais encore pour ceux des autres ;
on fouffre avec plaisir , ony meurt
à foy - même auffi - bien qu'au
monde avecjoye. Enfin onyfait
confifterfon trefor à ne rien poffeder
, fa grandeur à s'aneantir ;
fon bonheur à executer les ordres
du Ciel ; fa gloire à ſe regarder
comme un ferviteur ou une fervante
inutile aprés les avoir executez.
Reprefentez - vous main226
MERCURE
tenant tous ces devoirs de la vie
Religieufe accomplis dans la
droiture e lafimplicité du coeur
afin de plaire à Dieu feul; vous
vous reprefenterez la vie de Me
de Vallançay , car voilà le terme
unique où about foient tous fes
deffeins , c. En parlant de
fes ornemens exterieurs voicy
un trait que l'on ne doit pas
oublier : une Croffe de la matiere
la plus fimple , eftoit la marque la
plus éclatante defa dignité ; pauure
, maisprecieux prefent qu'elle
avoit receu du faint Reformateur.
de la Trappe , & qu'elle portoit
avec autant de veneration que le
GALANT 227
grand faint Antoine fe revestoit
de la Robbe du premier des
Solitaires dans les jours Solemnels.
Cet Abbé dans le détail
qu'il fit des mouvemens que
cette fainte fille fe donna pour
reformer fon Abbaye dit ce
qui fuit de feu Mr l'Abbé de
la Trappe ; mais à qui s'adreffeta
- t-elle pour réuſſie dans une "entreprife
fi délicate ; & fi difficile
au fidelle oeconome de la Maifon
du Seigneur , je veux dire , à un
homme qui ayant fait revivre
dans fa perfonne les Antoines
les Machaires , les Pachômes , les
·Benoifts , les Bernards , & les
228 MERCURE
plus fameux Anacorettes , les a
fait renaître jufques dans fes
Difciples , qui fe répandent tous
les jours avec tant d'honneur
de fuccés dans le monde
appellez depuis par le Souverain
Pontife dans la Capitale du
qui
Chriftianifme vont édifier plus
heureusement que jamais l'Eglife
par l'aufterité de leur vie ; à un
homme qui ayant rendu à l'Ordre
de Cifteaux la gloire du Liban
la beauté du Carmel & de
Saron a fait parler toute la terre
de fa merveillenfe Reforme , &
luy a fait garder le filence pourl'admirer
; a un homme qui n'eftoit
GALANT 229
defcendu de la Chaire Abbatiale
que pour cacherla propre gloire ,
comme il n'y eftoit monté que
pour travailler à celle du Seigneur,
n'a pas laiffé de voir la calomnie
fufcitée par le pere du menfonge ,
attaquer les vertus pour arrêter
lesprogrés étonnans de fon zele
& qui toutefois pour uſer de
L'éloquente expreffion de Saint
Ambroife , en a glorieusement .
triomphé par fon filence , à l'exemple
qui plus heureux que Salomon ,
Już du Sauveur ; à un homme
qui a non feulement attiré des Prelats
, des Rois des Reines (il
parle icy du Roy de la Reine
230 MERCURE
d'Angleterre tout ce que l'Eglife
le fiecle ontdeplus élevé jufques
dans fon Defert ; & les
ayant charmez par fa fageffe
leur a montré le chemin de la veritablegloire
; mais auffi des efclaves
du démon dont il a fait par fon
Zele & par ſes exemples des
Preftres , des Rois éternels
felon la parole des Saints de
l'Apocalypfe , FECISTI ÆTERNE
REGNUM ET SACERDOTES
.
Si je pouvois joindre icy le
portrait que M. l'Abbé Gontier
fit de la nouvelle Abbeffe
qui eft de la même Maiſon que
GALANT 231
le faint Abbé de la Trape , &
qui eft foeur de Mr l'Evêque de
Troyes , on y admireroit unc
éloquence également foute.
nue & une fineffe d'expreffions,
qu'on a déja remarquée dans
les morceaux que j'ay raportez
de ce Difcours ; je n'aurois pas
dû non plus oublier fi je
n'eus craint de donner trop
d'étendue à cet extrait , le détail
que cet Abbé fit d'un
prodige arrivé dans l'Abbaye
des Clairets dans un temps
de fterilité ; prodige qu'on a
toûjours attribué aux prieres
de l'Abbeſſe : & qui confiftoit
232 MERCURE
1
en ce qu'on trouva dans le
grenier des pauvres 300. minots
de bled plus qu'on y en
avoit mis , prodigè femblable
à celuy que le faint Auteur
de la vie de Sainte Macrine
raporte parmi les merveilles de
la vie de cette Sainte , & que
M' Gontier cita en parlant de
celuy qui arriva aux Clairets ,
il y a quelques temps.
Comme tous les hommes.
meurent & que la plufpart.
avant que de finir leur vie
prennent le parti du Mariage ,
fans quoy le genre humain ne
fubfifteroit pas , on ne doit pas
GALANT 233
eftre furpris fi la plupart de
mes Lettres font remplies de
Morts & de Mariages.
- Mre Louis Antoine de
Brancas , Marquis de Maubec
& de Brancas , a époufé Dlle
N... de Moras , fille de Mr de
Moras , Prefident à Mortier
au Parlement de Metz. Ce
Marquis eft fils aîné de Mre
Louis de Brancas Duc de Villars
& de Brancas , Pair de
France , Gomte de Maubec ,
Baron d'Oife , Seigneur de
Chantercier & de l'ine , & de'
Dame Marie de Brancas , Dame
d'Honneur de S. A. R. Ma-
V
Janvier 1710.
234 MERCURE
dame , & foeur de Me la Princeffed
Harcourt , & fille de feu
Mre Charles Comte de Brancas
, Chevalier d'Honneur de la
Reine Anne d'Autriche , & de
Dame Suzanne de Garnier . Mr
le Duc de Brancas eft petit fils.
du feu Duc de Villars , Georges
de Brancas Pair de France
& de Julienne Hippolite d'Eftrées
, foeur de la belle Gabrielle
, Ducheffe de Beaufort , &
fille d'Antoine d'Eftrées , Marquis
de Coeuvres , Chevalier
des Ordres du Roy , Grand-
Mailtre de l'Artillerie , & il eft
fils de feu Mre Louis de BranGALANT
235
cas Duc de Villars , Pair, de
France , Marquis de Graville
& de Grandchamp , Comte de
Maubec , & de fa feconde femme
Madelaine Girard fille de
Louis Girard , Seigneur de Villetaneufe
, Procureur General
de la Chambre des Comptes .
Mr le Duc de Villars cut auffi
de cette Dame , Louis Eftienne
Jofeph de Brancas , Bachelier
de Sorbonne , Abbé de
Noftre Dame des Alleurs en
Poitou , & Marie Madelaine
de Brancas épouse de Louis-
Gabriel Henry de Beauveau .
Feu Mr. le Duc de Villars cut
V ij
236. MERCURE
4.
de Louiſe Catherine de Faute
teau de Meinieres fa troifiéme
femme , Elifabeth- Charlotte
Candide de Brancas , mariées
avec Louis- Henry de Brancas 33
Marquis de Cerefte dans lef
Comtat Venaiffin . Mrle Marquis
de Brancas qui vient de fe
marier eft Colonel d'Infanterie
; & Me fa femme eft d'une
ancienne famille originaire de
Languedoc. Me de Moras fat
mere avoit efté fort attachée.
à feuë S. A. R. Mademoiselle .
Mr le Marquis de Pons ,
chef du nom & des Armes de
l'illuftre Maiſon de Pons oriGALANT
237
ginaire de Saintonge , a épousé
Me la Marquife de la Baume ,
belle fille de Mr le Maréchal
de Tallard , fille de Mr le Com
te de Verdun , & de Dame
N... d'Albon defcendue des
Dauphins de Viennois. Mrle
Comte de Verdun & Mr de
Tallard portent le nom d'Hof
tun ; mais Mr le Comte de
Verdun ajoûte au fien le nom
de Gadagne , par une fubftitutution.
Ils font originaires
d'une tres- noble & tres- ancienne
Maiſon du Dauphiné.
Comme tous les hommes
prenent un party dans le mon
238 MERCURE
de;& que ceux qui ne fe marient
pas embraffent le celibat
& que ces deux partis font
fuceptibles de tous les emplois
où les hommes peuvent eftre
employez , fçavoir de toutes
les dignitez du monde & de
toutes celles de l'Eglife , je viens
à la derniere Promotion des
Benefices donnez par le Roy.
Sa Majesté a donné l'Ab
baye de Touffaints d'Angers
à Mr l'Abbé de Bruffi Grand-
Vicaire d'Angers . Il a beaucoup
de fçavoir , & il a paffé
une partie de fa vie dans les
Seminaires , où il s'eft inftruit

GALANT 239
} ་
de fes devoirs . L'Abbaye
dont il vient d'eftre pourvû
a produit des Religieux d'une
grande reputarion , & fur
tout dans le 15 ° ficcle ; & dans
le temps du Concile de Conftance.
J'aurois beaucoup de
chofes à vous dire de Mr l'Abbé
de Bruffi , fi j'entrois dans
ces fortes d'Articles dans ce
qui regarde les familles de
tous ceux qui font nommez à
quelques Benefices ; mais comme
dans toutes les Promotions
que fait Sa Majefté , elle n'a
égard qu'au merite perfonnel.
de ceux qu'elle pourvoit de
240 MERCURE
quelques Benefices & aux vertus
Ecclefiaftiques , s'il m'eſt
permis de parler ainfi , & qu'elle
ne donne rien à la naiffance
& à la faveur , je pafferay fous
filence beaucoup de chofes
que je pourois dire à l'avantade
leurs Maifons.
ge
*
Sa Majesté donna dans la
même Promotion l'Abbaye
de Mureau à Mr l'Abbé de
Laigle Grand Vicaire de Toul .
Cette Abbaye eft de l'Ordre
de Premontré & dans le
Dioceſe de Toul. Mr l'Abbé
de Laigle eft Chanoine de la
Cathedrale de la même Ville ,
>
&
GALANT 241.
& il en a efté Grand Vicaire
fous trois Evêques confecutifs .
Ainfi l'on peut juger qu'il a
acquis une grande experience
dans le Gouvernement Ecclefiaftique
; il a la reputation
d'eftre un des plus habiles
hommes qu'il y ait dans l'Eglife
de France pour la Difcipline
. Il eft confulté des Provinces
les plus éloignées cù
l'on fouhaite d'avoir fouvent
de fes décifions ; elle font refpectables
, & appuyées fur les
maximes les plus juftes & les
mieux fondées du Droit Canon.
Cet Abbé eft d'une
X
Fanvier 1710.
#
242 MERCURE
.
Maifon fort ancienne & origi
naire de Lorraine où elle étoit
connue dés le 14. fiecle.
L'Abbaye de la Buffiere , fut
donnée en même temps à Mr
l'Abbé Morey , cy- devant
Chapelain de Sa Majeſté . Certe
Abbaye eft de l'Ordre de
Cifteaux , & dans le Dioceſe
d'Autun. Mr l'Abbé Morey
pendant fon féjour à la Cour
& le fervice qu'il y a rendu
dans la Chapelle de Sa Majefté ,
s'y eft fait generalement eftimer.
Ileft fort verfé dans les
antiquitez Ecclefiaftiques &
fur tout dans la partie qui
GALANT 243
>.
regarde les Ceremonies &
s'il n'eut efté prevenu par Mr
l'Abbé Archon , il auroit donné
une Hiſtoire de la Chapelle
de nos Rois.
Mr l'Abbé de Viffat la Fayette
, fur pourvû le même jour
de l'Abbaye de faint Seine .
Cette Abbaye eft dans le
Dioceſe de Langres , & de l'Ordre
de faint Benoift Mr l'Abbé
de Viffat eft Docteur - de
Sorbonne , & Comte de faint
Julien de Brioude . Je vous
diray feulement pour vous
faire connoiftre fa Maiſon
qu'il eft de celle du Maréchal
X ij
244 MERCURE
de la Fayette , qui vivoit en
1449. Mr l'Abbé Viffat , eft
fort eftimé à caufe de fa
droiture & d'une grande
bonté de coeur qui luy ont
attiré la bien-veillance & l'amitié
de toute la Nobleffe d'Auvergne
fa Patrie.
>
Mr l'Abbé de Lée , a cu
dans la même Promotion
l'Abbaye de Villeloin , qui
eft dans le Diocefe de Tours
& de l'Ordre de faint Benoift.
Le merite de cet Abbé eſt
connu , & quoyqu'il meritaſt
par luy même l'Abbaye que le
Roy vient de luy donner , je
GALANT 245
me trouve neanmoins obligé
de dire qu'il eft proche parent
de Mr de Lée , Lieutenant
General des Armées du Roy ;
qu'ils font tous deux Irlandois
& alliez àl'illuftre Maiſon
de Drummont & à celle de
Mahony , pour vous faire
connoiftre que le Roy ne
reconnoift pas moins le merite
des Etrangers que celuy de les
fujers.
Mr l'Abbé le Roy de Chauvigny
a eu auffi l'Abbaye de
Belle fontaine. Les qualitez
de fon coeur & de fon efprit
ne le rendent par moins cfti-
X
iij
246 MERCURE
mable fa conduite qui a
que
toujours paru fage à ceux qui
le connoiffent. Il a toûjours
mené une vie unie & digne
d'un Ecclefiaftique , & fa Religion
, ainfi que fa grande pieté ,
ont toûjours édifié tout le
monde. Je ne vous dis rien icy
de ſa Maiſon , dont je vous ay
amplement parlé en d'autres
occafions . L'Abbaye de Bellefontaine
, eft fous le vocable
de Noftre-Dame de l'Abfie , de
l'Ordre de Saint Benoist & du
Diocefe de la Rochelle .
Mr l'Abbé de Vifnich , grand
Vicaire d'Auxerre , a efté en
GALANT 247
mefme temps nommé à l'Abbaye
des Roches , Dioceſe
d'Auxerre
& de l'Ordre de
Cifteaux. Mr l'Evêque d'Auxerre
, qui connoift le merite
de cet Abbé , qui travaille depuis
quelques années fous fes
ordres , a demandé pour luy
cette Abbaye qu'il a obtenue
avec beaucoup d'agrément
, le
Roy fe faifant un plaifir de
recompenfer
les Ouvriers
de
l'Evangile, & de déferer en ces
occafions au témoignage des
Evêques qui peuvent mieux
connoiftre que qui que ce foit
ceux qui travaillent fous leurs
X iiij
248 MERCURE
ordres . Mr l'Abbé de Vifnich
a beaucoup de talent pour la
Predication , & il l'a exercé
avec fuccés dans les meilleures
Chaires de la Province où il
cft employé , & dans celles de
Paris . Il s'eft fort appliqué depuis
que fes études font finies,
à celles du droit Canon , & il
y a fait de grands progrés. Il
a fur tout beaucoup travaillé
fur les
matieres qui
regardent
les Libertez de l'Eglife Galli- :
cane ; & il eſt peu de perſonnes
qui
entendent mieux que luy
ce qui appartient à cette
importante matiere , & à celles
GALANT 249
de la difcipline de l'Eglife. Ce
nouvel Abbé cft parent de Mr
l'Evêque d'Auxerre , & d'une
ancienne Maiſon fortie du
Roüergue , où elle eftoit déja
connue dans le 13 ° fiecle.
Mr l'Abbé du Vignau , frere
de Mr du Vignau , Maréchal
des Logis de l'une des
Compagnies des Moufquetaires
, a eu l'Abbaye de Turpenay.
Cette Abbaye eft de l'Ordre
de S. Benoift , & du Diocefe
de Tours . Mr l'Abbé du
Vignau a beaucoup de merite ..
Il a fait de grands progrés.
250 MERCURE
dans les Sciences , & fur tout
dans l'étude de la Jurifprudence
Canonique. Mr l'Archevêque
de Tours , qui le
confidere beaucoup , l'a fouvent
employé dans fon Diocefe
pour les affaires qui regardent
la difcipline Ecclefiaftique.
La Coadjutorerie de l'Abbaye
de S. Pierre du Puy , a
efté donnée à Me de la Fare .
On doit diftinguer cette Ab.
baye d'une autre qui porte
mefme nom ; mais qui eft une
Abbaye d'hommes , & qui eft
le
7
GALANT 251
l'une des plus anciennes du
Royaume , & dont l'Abbé eft
membre du Chapitre de la
Cathedrale ; celle de S. Pierre ,
qui donne lieu à cet article,
cft auffi tres ancienne , puifqu'elle
eftoit déja celebre du
temps de Durand de S. Portien
, de Pierre d'Ailly qui fut
enfuite Cardinal & Evêque de
Cambray , & du celebre Raymond
Deagiles Chanoine du
Puy , qui a écrit une Hiftoire
de la guerre Sainte . Me de la
Fare a beaucoup de merite , &
s'eſt diſtinguée par la pratique
252 MERCURE
*
de toutes les vertus qui conviennent
à fon eftat ; & elle a
fait voir dans tous les emplois
qu'elle a exercez , une habileté
& des lumieres fur tout ce qui
regarde le gouvernement Ec
clefiaftique , qui luy ont acquis
une grande reputation . La
Maifon de la Fare a donné de
grands fujets à l'Eglife , & particulierement
dans le 15. &
dans le 16 fiecle. Elle eft fi
illuftre , qu'il n'eft pas neceffaire
que je vous en dife rien
pour vous la faire connoitre
.
GALANT 253
Comme le Roy fait tous
les jours des dons de toutes
manieres , Sa Majefté a donné
à Mr de Barillon , M° des Requeftes
, l'Intendance de la Province
de Rouffillon , & de l'Armée
que commande Mr le
Duc de Noailles . Mr d'Albaret
Piemontois , & d'une Maifon
confiderable , cy devant
mier Prefident à
voit cet employ avec la
preapremiere
Prefidence du Confeil
Souverain du Rouffillon. Mais
comme chacun de ces deux
emplois demande un homme
254 MERCURE
tout entier , S. M. a laiffé à
Mr d'Albaret la place de Pre-`
mier Preſident , & luy a donné
une penfion de 2000. écus
pour marquer la fatisfaction
qu'Elle a de fes fervices . Mr
de Barillon eft d'une des meilleures
familles de la Robe . Je
vous en ay parlé tant de fois ,
qu'il eft inutile que je repete
ce que je vous en ay dit . Il eft
fils de Mr de Barillon Confeiller
d'Eftat ordinaire, qui avoit
efté
pendant
12. ans Ambaffadeur
en Angleterre
, Plenipotentiaire
au Congrez
de Colo.
GALANT 255
gne , & fucceffivement Intendant
de Paris , de Picardie , &
des Armées du Roy , & Commiffaire
pour les limites , en
execution du Traité d'Aix- la-
Chapelle. Ce dernier eftoit fils
de Mr le Prefident Barillon,
Magiftrat d'une vertuſi diſtinguée
, que
fa memoire eft encore
honorée dans le Parlement
, & neveu de Mr de Morangis
, qui avoit cfté Directeur
des Finances , & qui eft
mort tres - ancien Confeiller
d'Eftat , avec une reputation
auffi grande dans le Confeil,
8
256 MERCURE
Mr fon frere aque
celle
que
voit dans le Parlement . Mr
de Barillon l'Ambaffadeur , avoit
épousé Marie Magdeleine
Mangot , petite fille du Garde
des Sceaux Mangot , & fille de
Mr Mangot, grand Doyen de
Mrs les Maiftres des Requeſtes,
& de Marie Phelipeaux fa femme
, foeur de Mr le Preſident
Pontchartrain , pere de Mr
le Chancelier. On ne doit pas
s'eftonner fi Mr de Barillon ,
forty de tels parens paternels
& maternels , & aprés avoir
fervy avec diftinction pendant
de
GALANT 257
huit années , en qualité de
Confeiller, tant aux Requeſtes
du Palais , qu'au Parlement , &
pendant dix autres au Confeil,
a efté choisi pour un employ
d'autant plus beau que la victoire
a toûjours paru attachéc
à cette Armée , ou plûtoſt enchaînée
par la capacité du General
auquel le Roy en confic
la conduite .
Le Roy a donné au fils de
Mr le Chevalier de Saint Olon ,
la furvivance de la Charge qu'il
poffede de Gentilhomme ordinaire
de fa Maifon . Ceux
qui font pourvûs de ces Char-
Fanvier 1710.
Y
258 MERCURE
ges doivent avoir un efprit
univerfel , beaucoup de politeffe
, fçavoir s'énoncer agreablement
, & fur tout fçavoir
le monde , fans quoy ils ne
pouroient remplir dignement
Ies Commiffions dont le Roy
les honore tous les jours . Ils
font deſtinez à une infinité de
differens emplois , & Sa Majeſté
en doit toûjours avoir quelqu'un
auprés de fa Perfonne ,
afin que felon les évenemens
qu'Elle apprend , Elle les envoye
, felon qu'Elle le juge à
propos , faire des complimens
de congratulation fur la naifGALANT
259
&
fance des Princes & autres perfonnes
d'une grande diftinction
, ainfi que fur leur mariage
, & fur quantité d'incidens
qui leur peuvent arriver ,
des complimens de condoleance
fur les morts qui arrivent
dans leurs familles . Ils vont
auffi recevoir des Princes étrangers,
qui paffent dans le Royaume
, ou qui viennent pour y
demeurer ; & quand le Roy a
connu qu'ils fe font bien acquittez
de toutes ces chofes ,
& qu'ils ont un genie élevé,
penetrant & propre aux
affaires il les employe à
Y ij
260 MERCURE
des chofes plus
importantes ;
à des negociations épineu
fes , & leur donne quelquefois
le titre d'Envoyez Extraordinaires
, & mefme d'Ambaffadeurs.
Je ne puis mieux vous faire
voir à quoy ces Meffieurs font
employez , qu'en vous faifant
un détail de la plus grande
partie des Commiffions dont
Mr. de S. Olon a etté honoré,
puifqu'il paroift conftant que
jamais Gentilhomme ordinaire
n'a eu le bonheur d'en avoir
un fi grand nombre.
Aprés avoir fait connoiſtre
GALANT 261
}
par fes premieres Commiffions
dequoy il eftoit capable , & les
fervices qu'il pouvoit rendre
au Roy & à l'Etat ; & aprés
avoir accompagné
S. M. dans
plufieurs de fes Campagnes ,
pendant lefquelles il s'acquitta
toûjours au gré de S. M. des
Commiffions
dont il fut honoré
, il eut en 1673. celle de
conduire Mr le Comte de Molina
Ambaffadeur
d'Espagne
,
jufqu'à la frontiere , & de faire
à l'Ile de la Conference l'échange
de ce Comte avec Mr
de Villars Ambaffadeur
, de
France en Espagne
.
262 MERCURE
En 1681. il fut envoyé à
Genes , & il n'en revint qu'en
1684.
En 1688. il fut mis par le
Roy auprés de Mr le Cardinal
Ranuzzi Nonce du Pape, & il
demeura neuf mois avec luy
dans S. Lazare , où il avoit jugé
à propos de ſe retirer .
Il fut chargé en 1690. de
la conduite de Mr le Marquis
de Dogliani Ambaffadeur de
Savoye jufqu'à Antibes , & de
l'échanger fur le Var avec Mr
le Comte deRebenac, Ambaffadeur
de France en Savoye.
Il fut nommé en 1692 .
GALANT 263
2
Ambaffadeur auprés du Roy
de Maroc , d'où il ne revint
qu'à la fin de 1693. & il donna
au Public à fon retour , un
Volume tres curieux , & qui
contenoit la Relation de cette
Ambaſſade .
En 1698. il fut envoyé à
Breft avec un plein pouvoir du
Roy pour y conclure un Traité
de Paix & de Commerce avec
le General Ben- Arſche
Ambaffadeur du Roy de Maroc
& conjointement avec
Mr le Comte de Chafteau Renault
, qui à eſté fait depuis
Vice-Amiral & Maréchal de
264 MERCURE
France . Mais à peine fut- il arrivé
à Breſt , qu'il y reçut l'ordre
d'amener cet Ambaffadeur
à la Cour , de l'accompagner
par tout , & de demeurer auprés
de luy jufqu'à fon retour.
Le Roy le miten 1703. auprés
de Mr le Comte de Valdftein
Ambaffadeur de l'Empereur
en Portugal , & pris fur
Mer par
le conduifit de Vincennes à
Bourges , où il demeura dix
mois avec luy , à la fin defquels
S. M. luy ayant accordé
fa liberté , Elle luy ordonna
de le mener jufqu'à Geneve.
Mr de Coëtlogon . Il
Il
GALANT 265
Il fut envoyé à Bayonne
fur la fin de 1709. pour faire
au nom du Roy le compliment
de condoleance à la Reine
Doüairiere d'Eſpagne , ſur
la mort de l'Electrice Douairiere
Palatine fa Mere .
Il a eu quantité d'autres
Commiffions auprés de rous
les Princes , Princeffes , & Seigneurs
& Dames de la Cour ;
auprés du Roy & de la Reine
d'Angleterre ; auprés de Mr
de Strafbourg ; de M° de Mekelbourg
; de Mr le Cardinal
de Coiflin , & de Mes les Princeffes
de Baden , de Carignan,
Fanvier 1710.

266 MERCURE
& de Soubize . Il reçut pour
le Roy , les dernieres paroles
du Grand Condé agonifant à
Fontainebleau
, & celles de Mr
de Montaufier à Paris .
Il alla vifieer trois fois par
ordre du Roy en 1675. &
1676. feu Mr de Longueville
à Chezal Benoift & à Bourgueil
, à l'occafion des differens
que ce Prince avoit avec
Mes de Longueville & de Nemours
.
En 1672. il fut chargé des
Ordres du Roy pour Mr le
Chevalier de Rohan , au fujet
du démêlé qu'il y eût pour
GALANT 267
lors entre luy & Mr le Chevalier
de Lorraine.
En 1664. le Roy ayant permis
à Mr le Prince d'enyoyer
Mr de S. Olon en Espagne
pour des interefts particuliers
qu'il avoit à y traiter , la Reine
le chargea à cette occafion
de faire des complimens de la
part de Monfeigneur le Dauphin
, à l'Infant d'Espagne,
qui a efté depuis Charles II .
Il fut admis à fon Audiance
avec tout le ceremonial qu'on
a coûtume d'obſerver dans ces
fortes de fonctions , & il
fe glorifier d'avoir efté le prepeut
Z ij
268 MERCURE
mier des Envoyez que Monfei
gneur le Dauphin a cus
pourra avoir. Il demeura fix
mois à la Cour d'Espagne , &
il
y
&
eut trois Audiances de
Philippes IV .
*
Je n'ay pas tout - à fait fuivy
l'ordre des temps , en vous
parlant de la plus grande partie
des Commiffions attachées
à fa Charge , dont il a efté
honoré , lors qu'il ne s'eft
point agy de negociations
dont je vous ay marqué exactement
les temps. Mr de S.
Olon fils , qui a eſté reçu en
furvivance , a fait quatre camGALANT
269
pagnes dans les Moufquetaires
, & cinq en qualité d Officier
aux Gardes. Il a efté d'abord
Enſeigne , & depuis quatre
mois , le Roy l'a fait Sous-
Lieutenant . Il a efté eftropié
de la main droite, à l'affaire de
Ramillies. Il y a lieu de croire
que le Roy luy a donné la furvivance
que S. M. luy vienr
d'accorder
› parce qu'eftant
inftruit
par l'exemple
& par
les Memoires
d'un pere qui
s'eft fi bien acquitté
de toutes
les fonctions
d'une Charge
dont l'exercice
n'eft pas facile ,
ayant les mefmes
lumieres
que
Z iij
270 MERCURE
fon pere, y fervira de mefme,
& avec autant de zele & de
fidelité , le Roy & l'Etat .

Je vous tiens parole , & je
m'acquitte de ce que je vous
ay promis en vous envoyant
l'Eloge de feu Mr de Corneille,
Ecuyer, mort à l'âge de 84.
ans. Il a porté le nom de
Jeune , dans un âge fort avancé
, à caufe qu'il avoit un frere
plus âgé que luy , connu fous
le nom du grand Corneille , &
qui s'eftoit acquis ce furnom
a jufte titre. On avoit encore
donné au cadet le furnom
d'honneste homme , à caufe de la
GALANT 271-
droiture de fon coeur generalement
connue . Il eftoit univerfellement
aimé , & il n'a
pas paru qu'il ait jamais eu
aucun ennemy ni qu'il fe foit
brouillé avec perfonne . Il étoit
obligeant , d'une humeur douce
, & fe faifoit un plaifir d'en
faire à tous ceux qui en fouhaitoient
de luy.
Comme l'efprit eftoit hereditaire
dans fa famille , il ne
faut pas s'eftonner s'il prit le
party des Lettres . Il eftoit univerfel
, & la Poëſie n'a pas fait
fon unique occupation . Il a
donné cinq gros Volumes in
Z iiij
272 MERCURE
F
Folio au Public , dont je vous
parleray dans la fuite , ainfi
que d'autres ouvrages de Profe
. Ses premiers ont efté des
preuves du talent qu'il avoit
pour la Poësie , & c'eft ordinairement
par où les jeunes
gens commencent à exercet
leur efprit . Iltraduifit les Methamorphofes
d'Ovide , & p'ufieurs
autres Ouvrages de ce
galant Auteur en Vers François
, dont on a fait un grand
nombre d'Editions . Ses Ouvrages
de Theatre ont diverty
la Cour pendant tout le temps
de la Regence , & long- temps.

GALANI 273
aptés , & parmy fes Comedies
& fes Tragedies , dont je ne
vous nommeray que quelquesunes
, puifque le Recueil de
fes Pieces eft imprimé , il y en
a eu dont les fuccés ont furpaffe
ceux des Pieces des plus
fameux Auteurs ; & entre fes
Comedies , Dom Bertrand de
Sigaralle , a cfté fi eftimé & fi
fuivy, que l'on a remarqué que
pendant un certain nombre
d'années , il a efté joué plus de
vingt fois à la Cour , fans les
reprefentations qui en ont efté
données au Public . Mr de
Corneille n'eftoit encore que
274 MERCURE
dans un âge tres-peu avancé,
lors qu'il fit jouer fur le Theatre
du Marais , le Tymocrate.
Nous n'avons point yû d'Ouvrage
de nos jours qui ait efté
reprefenté fi long- temps de
fuite , puifque les reprefentations
en furent continuées pendant
un hyver entier ; & cette
Piece fit tant de bruit , que le
Roy l'alla voir fur le Theatre
du Marais. Le fujet de cette
Piece fut fi heureux , & cette
Tragedie fut fi intereſſante,
qu'on vit paroiftre auffi toſt
plufieurs Pieces, dont les Heros
eftoient haïs fous un nom
GALANT 275
& aimez fous un autre. Comme
la Troupe des Comediens
du Marais ne paffoit pas pour
eftre la meilleure de Paris , &
que celle de l'Hoſtel de Bourgogne
la furpaffoit infiniment ,
& qu'elle avoit toutes les voix ,
cette Troupe entreprit de jouer
cette Piece , à caufe de la reputation
extraordinaire qu'el
le avoit euë ; mais comme
tout Paris la fçavoit par coeur,
cette Troupe n'eût pas tous
les applaudiffemens qu'elle at.
tendoit , & le grand nombre
de Reprefentations qu'en avoient
donné les Comediens
+
276 MERCURE
du Marais , avoient fait qu'ils
poffedoient fi bien cette Piece
, qu'il fut impoffible aux
Copies d'atteindre jufqu'à la
perfection des Originaux ; de
maniere que lors qu'il eftoit
queftion de la voir reprefenter
on preferoit les Comediens
du Marais à ceux de l'Hôtel
de Bourgogne .
Mr de Corneille fit jouer
quelque temps aprés la mort
de l'Empereur Comode fur le
mefine Theatre des Coinediens
du Marais , où le Roy
& toute la Cour , fur le bruit
qui fe répandit des grands ap
GALANT 277
plaudiffemens que cette Piece
recevoit , allerent en voir la
reprefentation & quelque
temps aprés elle fut jouée fur
le Theatre du Louvre , où l'on
en donna encore enſuite plufieurs
reprefentations.
Les Comediens de l'Hoftel
de Bourgogne , chagrins des
avantages que recevoient les
Comediens du Marais , mirent
tout en ufage pour s'acquerir
M'de Corneille , & il fe trouva
obligé de travailler pour
eux , parce qu'ils avoient fait
entrer dans leur Troupe quelques
Comediens du Marais ,
278 MERCURE
fans lefquels fes Pieces auroient
eſté mal jouées . Il fit donc reprefenter
le Stilicon fur le
Theatre de l'Hoftel de Bourgogne.
Je ne vous dis rien de
cette Piece. Perfonne n'ignore
qu'elle fut le charme de tout
Paris. M' de Corneille donna
enfuite Camma , Reine de Galatie
, & la Cour & la Ville ſc
trouverent
en fi grand nombre
aux Repreſentions
de cette
Piece , que les Comediens
ne trouvoient pas de place fur
le Theatre pour pouvoir jouer
avec tranquilité , & il arriva
une chofe en ce temps - là qui
GALANT 279
n'avoit point encore eſté faite
par aucune Troupe. Les Comediens
jufqu'à cette Piece n'avoient
joué la Comedie que
les Dimanches , les Mardis , &
les Vendredis ; mais ils commencerent
à caufe de la foule ,
à jouer les Jeudis , ce qui leur
arriva dans la fuite , lors que
les Pieces eftoient fort fuivies ,
ce qu'ils ont toûjours fait depuis
, & ce qui leur a vallu beaucoup
d'argent.
Parmi fes Tragedies on en
trouve une qui a paffé pour un
Chef -d'oeuvre. Jamais Piece.
n'a efté plus touchante & plus
-
280 MERCURE
fuivie. C'eft de l'Ariane dont
je veux parler , & ce qui doit
furprendre tout le monde , eft
que M' de Corneille eftant retiré
à la Campagne avoit fait
cette Piece en quarante jours.
Il n'avoit pas moins de facilité
à travailler à fes ouvrages de
Theatre, que de memoire pour
les retenir , & tous ceux qui
l'ont connu particulierement.
ont efté témoins que lors qu'il
eftoit prié de lire fes Pieces dans
quelques Compagnies , ce qui
cftoit autrefois fort en ufage ,
il les recitoit mieux qu'aucun
Comedien n'auroit pû faire ,
GALANT 281
fans rien lire ; il eftoit fi fûr de
fa memoire , que fouvent il ne
portoit point fes Pieces avec
luy.
Les Comediens m'ayant
preffé avec de fortes inftances ,
de mettre aprés la mort de M
Voifin tout ce qui s'eftoit paf
fé chez elle pendant fa vie à
l'occafion du mêtier dont elle
s'eitoit mêlée , je fis un grand
nombre de Scenes qui auroient
pû fournir de la matiere pour
trois ou quatre Pieces ; mais
qui ne pouvoient former un
fujet parce qu'il eftoit trop uniforme
, & qu'il ne s'agiffoit que
Fanvier 1710. A a
282 MERCURE
de gens qui alloient demander
leur bonne - avanture , & faire
des propofitions
qui la regardoient
; mais toutes ces Scenes.
ne pouvant former le neud
d'une Comedie
, parce que
toutes ces perfonnes ſe fuyant
& évitant de fe parler , il eftoit
impoffible de faire une liaifon
de Scenes , & que la Piece puſt
avoir un noeud ; je luy donnay
mes Scenes , & il en choifit un
nombre avec lefquelles il compofa
un fujet dont le noud
parut des plus agreable , & qui
a efté regardé comme un Chefd'oeuvre.
Le fuccés de cette
GALANT 283
Piece qui a efté un des plus prodigieux
du fiecle , en fait foy.
Le fuccés de la Comedie de
' Inconnu a efté auffi des plus
grands. Il y avoit des raifons
pour donner promptement
cette Piece au Public ; de maniere
que pour avancer , je fis
toute la Piece en Profe , &
pendant que je faifois la Profe
du fecond Acte , il mettoit
celle du premier Acte en Vers ;
& comme la Profe eft plus facile
que les Vers , j'eus le temps
de faire ceux des Divertiffemens
, & fur tout du Dialogue
A a ij
284 MERCURE
de l'Amour & de l'Amitié qui
n'a pas déplu au Public . Nous
avons fait encore enfemble la
fuperbe Piece de Machines de
Circé , de laquelle je n'ay fait
que les Divertiffemens. Les
Comediens avoient traité du
Theatre des Opera de feu M
le Marquis de Sourdeac ; &
comme tous les mouvemens
des Opera y eftoient reftez ,
je crus qu'en fe fervante des
mefines mouvemens qui a
voient fervi aux Machines de
ces Opera , on pourroit faire
une Piece qui feroit recitées
GALANT 285
& non chantée , & nous
cherchâmes un fujet favora
ble à mettre ces Machines
dans leur jour. De maniere
que lorsque la Piece parut elle
ne reffembloit en rien aux Opera
qui avoient eſté chantez
fur le même Theatre. Le fuccés
de cette Piece fut fi prodigieux
qu'elle fut jouée fans
interruption depuis le commencement
du Carefme jufqu'au
mois de Septembre ,
& les Reprefentations en auroient
encore duré plus longtemps
fi les intereſts d'un Par
ticulier n'en euffent point fait
286 MERCURE
retrancher les voix . Il eft à remarquer
que pendant les fix
premieres femaines , la Salle de
la Comedie fe trouva toute
remplie dés midi ; & que com
me l'on n'y pouvoit trouver
de place on donnoit un demi
Louis d'or à la porte , feulement
pour y avoir entrée , &
que l'on eftoit content quand
pour la même fomme que l'on
donnoit aux premieres Loges ,
on eftoit placé au troisième
rang. Je n'avance rien dont les
Regitres des Comediens ne
faffent foy.
Comme feu Mr de CorGALANT
287
neille , avoit le bonheur de
réüffir dans tout ce qu'il entreprenoit
& que l'Opera cût
efté étably au Palais Royal ,
il fut follicité d'y travailler ,
& il fit l'Opera de Bellerophon ,
qui fut auffi joué pendant prés
d'une année entiere . Outre
la beauté des Vers & de la
Mufique on remarqua dans
cette Piece ce qui ne s'eftoit
pas encore vu dans aucun Opera
; c'eft à - dire , un fujet auffi
plein & auffi intrigué qui fi la
Piece avoit eu quinze cens
Vers , quoyqu'à caufe de l'étenduëque
donne la Mufique,
288 MERCURE
les Opera n'en contiennent
ordinairement
que quatre 3
cinq cens . Son genie parut
encore dans l'Opera de Pfiché ;
ce fujet avoit efté mis en Comedie
pour le Roy , avec des
Intermedes fi remplis & fi
fuperbes pour tout ce qui en
regardoit les ornemens , que
la France n'a rien vû de plus
beau que ce Spectacle qui avoit
eſté donné dans la fuperbe
Salle des Machines qui fe voit
dans le Palais des Thuileries .
-
Les Comediens voulurent
donner cette Piece au Public ,
en y laiffant les Intermedes , &
fans
GALANT
289
fans que le Corps de la Piece
fuft mife en Opera ; mais la
dificulté parut grande à tous
les Auteurs , car la Piece qui
avoit cité recitée avoit autant
de Vers que les Tragedies ordinaires
, & il n'en falloit
pas
le quart pour eftre chantée ,
& que cependant tout le fujet
y entraft ; c'eft de quoy Mr de
Corneille vint à bout , & il
fçut la reduire en Opera fans
rien changer du fujer de la'
Piece ; de maniere qu'en n'employant
que quatre cens Vers ,
le Public vit les mêmes incidens
qu'il avoit trouvez dans
Fanvier 1710.
Bb
290 MERCURE
la Piece de dix huit cens , ce
qui furprit tous les Auditeurs ,
& luy attira beaucoup de
loüanges.
Je ne finirois point cet Elogefi
je voulois faire l'Hiftoire
de tous les Ouvrages de Theatre
de Mr de Corneille , &
j'aurois quelque chofe de fingulier
à vous dire fur chacune
de fes Pieces . La Poëfie cftoit
le moindre de les talens , &
on enjugera par Les Ouvrages
de Profe que je vais vous
raporter. Il fçavoit parfaitement
la Langue. Rien ne luy
eftoit caché dans les Arts , &
GALANT 291
toute la terre luy eftoit connuë.
Voicy des preuves 'parlantes
& inconteftables de ces
trois chofes.
Les remarques que cet
homme univerfel a fait fur
Vaugelas font une preuve
fans replique qu'il connoiffoit
la Langue dans toute la pureté,
&l'on peut en lifant ce Livre
s'éclaircir des doutes que l'on
peut avoir lorfque l'on veut
écrire & parler jufte. Auffi
ce Livre eft il fort recherché
& confulté de ceux qui yeulent
acquerir le nom de Puriftes,
.que feu Mr de Corneille , a
Bb ij
292 MERCURE
mieux merité que beaucoup
d'autres , & j'ay fouvent oui
dire à Mr l'Abbé de Dangcau ,
qui comme vous fçavez eft de
l'Academie Françoiſe , & qui
fe plaifoit à luy rendre juſtice ,
qu'il eftoit leur Maître.
Les deux Volumes in fulio
qu'il a donnez au Public fous .
le nom de Dictionnaire des
Arts, doivent faire connoiſtre,
fans qu'il foit befoin d'en dire
davantage, que tout ce qui les
regarde , luy eftoit parfaitement
connu . Il me faudroit faire
un Volume , fi je voulois par-,
de tout ce qu'ils contienjer
GALANT 293
nent , & de tous les Intrumens
qui regardent les Arts . J'ajouteray
feulement que
que ces deux .
Volumes ont efté trouvez fi
beaux & fi utiles , que l'impreffion
en a efté entierement
enlevée prefque dans le temps
qu'elle a paru , quoy qu'elle
fe foit vendue dans le temps
que l'Academic Françoiſe a
donné fon Dictionnaire au
Public. Il avoit beaucoup travaillé
avant la mort , pour en
donner une feconde, Edition ;
& il eftoit ſi laborieux , qu'il
travailloit en mefme temps aux
trois gros Volumes in folio
Bb jij
294 MERCURE
qu'il a donnez au Public un
peu avant fa mort , & qui font
• connoiftre qu'il eftoit univerfel,
& qu'il connoiffoit la Ter-
曹re entiere . Ces Volumes ont
pour titre , Dictionnaire univerfel
, Geographique & Hiftorique
, contenant la Defcription
des Royaumes , Empires , Eftats ,
Provinces , Pays, Contrées , Dea
ferts , Villes , Bourgs , Abbayes;
Chafteaux , Fortereffes , Mers,
Rivieres , Lacs , Bayes ; Golphes
, Détroits , Caps , Ifles,
Prefqu'Ifles , Montagnes , Vallées
; la fituation , l'étendue , les
limites , les diftances de chaque
GALANT 295
Pays ; la Religion , les Moeurs,
les Coûtumes , le Commerce , les-
Ceremonies particulieres des Peuples
, ce que l'Hiftoire fournit
de plus curieux touchant les chofes
qui s'y font passées . Le tout
recueilly des meilleures Livres de
Voyages , autres qui agent
paru jusqu'à prefent , par
Corneille de l'Academie Frangoife
, & de celle des Infcriptions
des Medailles.
ع و م
Mr
Le Public eftoit tellement
perfuadé de la bonté de fes
Ouvrages , que dés qu'il apprenoit
qu'il en avoit quelqu'un
fous la Preffe , il en retenoit &
Bb iiij
296 MERCURE
en payoit d'avance des Exemplaires
, chacun témoignant
par cet empreffement le defir
qu'il avoit d'en avoir des premicrs
; de maniere que l'Edition
de ce Dictionnaire s'eft
trouvée vendue prefque auffitoft
qu'elle a efté achevée , &
Mr de Corneille, dans le temps
qu'il eft mort , avoit déja fait
beaucoup de remarques fur
fon Ouvrage, & ramaffe beaucoup
de chofes curieuſes pour
en compoſer une feconde Edition
.
Je dois avoüer icy que je
tiens de luy tour ce que je
GALANT 297
fçay de la Langue Françoife ,
& que pendant un affez grand
nombre d'années, j'ay foûmis
mes Ouvrages à fa correction ;
ce qui a fait croire davantage,
& ce qui eftoit ceffé depuis
douze années , ce grand homme
eftant affez occupé d'ail .
leurs , & beaucoup détourné
par des incommoditez que
années & un travail immenſe
& continuel luy avoienr attirées.
ople

fes
Il avoit un grand fond de
probité , de droitute , de fageffe
, de bonté , de modeftie,
de charité , & de vertu. Enne298
MERCURE
mi de la médifance , il ne pouvoit
fouffrir les perfonnes dont
l'unique converfation
eft de
faire inventaire des actions
d'autruy. Jamais homme n'a
eu plus de Religion , & n'eft
mort avec plus de refignation
aux volontez de Dieu , & il
voyoit tous les jours approcher
la mort avec une fermeté
incroyable , fans ceffer neanmoins
fon travail qui luy cftoit
neceffaire , parce que les gens
de Lettres ne font pas ordinairement
les plus favorifez de
la fortune , & que l'Ecriture
dit , QUI LABORAT ORAT,
qui travaille prie.
THEQUE
GALANT
20
BIBLIO
ge
VILLE
Ce grand homme efton res
commandable par tant d'endroits
differens, que je ne doute
point que celuy qui aura
le bonheur de remplir la place
qu'il occupoit dans l'Academie
Françoife , ne trouve encore
de nouveaux fujets d'en
faire un bel Eloge . Perfonne
n'ignore qu'il eftoit auffi de
l'Academie Royale des Medailles
& Infcriptions
.
Je crois pouvoir placer une
Chanfon aprés l'Eloge d'un
homme qui en a fait de fi belles
; elle eft du Solitaire du
Bois du Val- Dieu..
300 MERCURE
AIR NOUVEAU.
Fiers Aquilons , quittez nos
Plaines ,
Laiffez regner un ventplus doux.
Poëtes , faites couler vos veines ;
Brouillards épais diffipez- vous.
Charmans Hoftes de ces Bocages ,
Oiseaux , reprenez vos ramages
:
Plus belle que l'Aftre du jour
Philis revient faire icy fon fejour.
Quoique l'on le foit récrié fur
le grand nombre d'années de
ΠΟΙ
31
PAN
de
VUO
ins
u'il
MALIO
THE
DE
ins
de
LYON
*
1893
inc
OL
l'en
pas
foigneulement les Regitres
des Paroiffes ; mais on a des
preuves certaines de cet âge. Il
eftoit en 1607. Aide de CuifPIAJAD
30
ge 110m llismo.ob
20 pro blaan e
ay Jup atrod an
et
Brown
flat 2
Cha
ab
pillair
Oife
ab
sidrogeni
Ste
Plus
Phil
jour.
Quoique l'on fe foit récrié fur
le grand nombre d'années de
CALANT
301
Mr de Corneille mort âgé de
84 ans, on peut dire neapmoins
qu'il eft mort jeune , puifqu'il
avoit trente cinq ans moins
qu'un homme qui vient de
mourir à Chateau - neuf , à une
lieuë de Graffe , qui avoit 1 19.
ans . Il fe nommoit François
Maille , & il eftoit né à Pontevez
, petit Village de Provence.
Ila efté impoffible de trouver
fon Baptiftaire, parce qu'en
ce temps -là on ne gardoit pas.
foigneufement , les Regiftres
des Paroiffes ; mais on a des
preuves certaines de cet âge . Il
cftoit en 1607. Aide de Cuift302
MERCURE
ne chez Mr le Duc de Lefdiguieres
, & il en eut fon Congé
en 1610. Ce Congé a efté
vû dans le Pays par un grand
nombre de perfonnes . M' le
Baron de Chasteau- neuf a trouvé
dans un Regiftre de ſa Maifon
, que fon grand- pere avoit
pris Maille pour fon Cuifinier
le 16. de Mars 16 22. Il fe maria
à Chafteau - neuf , où il a
toûjours efté au fervice du
Seigneur du même lieu . A
l'âge de cent ans il eut unegalanterie
avec une fille du même
Village , & il en eut un
enfant. A cent dix ans eftant
GALANT 303
à la chaffe il tomba d'une muraille
& fe caffa une jambe. Il
guerit , & il vécut encore neuf
années aprés cet accident ,étant
frais & vigoureux , & joüiffant
de fon bon fens & de fa memoire.
Il n'a commencé à garder
le lit qu'environ deux
moistsavant fa mort fans avoir
d'autre incommodité que fon
grand âge , mangeant bien &
buvant pour le moins un pot
de vin à chaque repas . Il n'avoit
jamais efté malade , & il
n'eft mort que parce qu'il faut
mourir .
On avoit crû jufqu'à pre304
MERCURE
fent que la diette contribuoit
beaucoup à faire vivre longtemps
, & l'on foûtenoit que
les gens de qualité accoûtumez
à manger beaucoup , &
ſur tout une grande quantité
de viandes differentes , & beaucoup
de ragoufts mouroient
beaucoup plutoft que les Payfans
ou autres gens que la neceffité
obligeoit à vivre fobrement
& à boire de même : mais
la mort de François Maille ,
qui pouvoit paffer pour le
Doyen du Genre humain prouve
bien le contraire , puifque
non -feulement il buvoit un
a
Sela
GALANT 305
pot de vin à chacun de fes repas
; mais qu'il eftoit impoffible
qu'eftant attaché à la cuifine
, l'alteration que cauſe le
feu ne l'obligeaft
pas à boire
fouvent , & à tâter aux differens
ragoufts aufquels il travailloit
, & ainfi il n'eftoit occupé
qu'à tout ce qui pouvoit
abreger fes jours , ce qui confond
les raifonnemens
des
hommes .
Tous leurs emplois font
bien differens . Les uns ne
font occupez que du travail
du corps & les autres
de celuy de l'efprit qui ne
·Janvier 1710.
Cc
306 MERCURE
Laiffe
pas d'avoir
fes
peines
d'occuper
beaucoup
,
&
de
donner
plus
de
chagrins
à
ceux
qui
en
font
profeffion
qu'à
ceux
qui
ne
font
leurs
.
Ouvrages
qu'en
chantant
&
en
fongeant
moins
à la gloire
qu'aux
moyens
d'avoir
de
quoy
vivre
. Un
Auteur
qui
eft
encore
dans
un
âge
trespeu
avancé
, vient
de
mettre
au
jour
un
petit
Livre
intitulé
Differtation
fur
les
Caracteres
de
Corneille
de
Racine
, contre
le fentiment
de
la
Bruyere
, &
quoy
que
les
Auteurs
dont
il
eft
parlé
dans
cet
Ouvrage
GALANY 307
ayent efté mis pendant qu'ils
ont vêcu au nombre des Auteurs
du premier rang , & qu'ils
foient fort loüez dans ce
Livre , je ne feny s'ils eftoient
encore vivans , s'ils n'y trouveroient
rien qui les chagrinaft.
a
Ilfe vend chez François de
Laulne , Place Sorbonne at-.
tenant le College de Cluny à
Image Saint François ; &
chez Jean Mufier , à la defcente
du Pont Neuf à l'Olivier. "
Comme la varieté des Articles
des mes Lettres doit faire
un agrément , il ne faut pas
Ccij
308 MERCURE
s'étonner fi je paffe fouvent
d'une matiere à une autre qui
ne peut avoir de liaiſon avec
la precedente , & cela donne
même lieu de fe repofer l'ef
prit en ceffant la lecture de
mes Lettres , ce que l'on a de
la peine à faire pour ne point
interompre la lecture de tout
ce qui regarde à peu prés la
même matiere , & c'est pourquoy
je fais fuivre icy un Article
bien diferent de celuy
que vous venez de lire , & quoy
qu'il s'agiffe dans cet Article
d'un Benefice donné par le
Roy , & que dans ces fortes
GALANT 309
d'Articles je parle moins de
ceux à qui Sa Majefté les donne
que de leurs vertus , & de
ce qu'ils ont fait pour le fervice
de l'Eglife en confideration
duquel le Roy donne feulement
des dignitez Ecclefiaftiques
comme cet Article regarde
une Province dont plufieurs
des familles de ceux qui
l'habitent ne font pas connues
icy , je crois vous devoir en
voyer cet Article de la maniere
que je l'ay reçu .
Le Roy a donné le Prieuré
de Vaux , Ordre du Val - des-
Choux , Dioceſe de Langres ,
310 MERCURE
à M Claude Francher de Ran ,
Docteur en Theologie , d'une
famille ancienne de Franche-
Comté , & dont le quatrième
aycul fut annobli par l'Empereur
Charlequint en 1550. Il
cft fils de Jean Claude Franchet
Seigneur de Cendrey, Confeiller
au Parlement, de la même
Province , & de Dame Anne-
Ignace de Chaillot , frere de
Charles - Ignace Elprit Franchet
de Ran , auffi Confeiller
au même Parlement , qui s'y
diftinguent par leur fçavoir ;
& neveu de Charles - François
Franchet Chanoine de la MeGALANT
311
tropolitaine de Befançon , Ar
chidiacre de Luxeul , Prieur
Commendataire de Fontaine ,.
& ci -devant Confeiller au même
Parlement. Ceux de cette
famille ont l'avantage d'eftre
reçus & Jurez dans les Corps
de Nobleffe , ainfi que dans les
Maiſons & Monafteres de l'un
& de l'autre fexe , où l'on n'eft
point admis fans preuve . Elle
a produit des fujets confidera
bles par leurs Emplois ; un
ayeul paternel de ce Prieur ,
ainfi que fon bifaycul & fon
trifayeul , ayant efté du nom .
bredes Gouverneurs de Befan312
MERCURE
çon , lorfque cette Ville eftoit
du Corps de l'Empire ; & elle
eft alliée à plufieurs
familles
principales
de la Province
; fçavoir
à celles de Petremand
, de
Chaillor
d'Athume
, d'Elpoutot
, Champd
hyver , de Pra ,
de Rincourt
, de Malpas , & à
celle de Varax en Savoye
.
Je paffe à un Article que
vous n'attendiez
pas fans doute
ce mois- cy ; mais fçachant
voftre curiofité
fur ce qui regarde
la Societé Royale des
Sciences
de Montpellier
, j'ay
fi bien pris mes mefures
que
je vous en envoye un Article
digne
GALANT
313
digne de voftre curiofité &
de celle de tout le Public. Cette
Societé a tenu fa Seance publique
pendant l'Affemblée
des Etats de Languedoc
, qui
l'ont honorée de leur prefence.
Mr de Bafville Confeiller d'Etat
& Intendant de Languedoc
y prefida comme Academicien
Honoraire ; & il en fit l'ouverture
par un Difcours qui reçûr
de grands aplaudiffemens.
Il parla des Sciences en general
& de l'utilité que les hommes
recevoient à s'y attacher ; il
s'apliqua fur tout à prouver
le bien que fit l'étude de la
Fanvier 1710.
Dd
314 MERCURE
Philofophie. Dans les premiers
fiecles du Paganifme , dit-il ,
cette étude faifoit les délices des
grands hommes de ces temps éloignez
e même dans la naiffance
du Chriftianifme l'estime fut fi
prodigieufe pour Platon qu'on
regardoit alors comme l'Oracle de
la Philofophie , qu'on le mettoit
prefque en parallele avec les Prophetes
,& qu'on pritfe:Ouvrages
pour des Commentaires de l'E
criture , puifqu'on conçut longtemps
la nature du Verbe, comme
il l'avoit conçue. Il remarqua
enfuite que rien ne pouvoit .
tant contribuer au progrés
GALANT 315
des Sciences que les Affemblées
des gens de Lettres ; il
parcourut tous les ficcles où
l'on en avoit vû ; & il dit qu'il
y avoit du temps des Empereurs
Romains diverfes Chapelles de
Minerve à Rome qui fervoient à
fortes d'Affemblées , & où
les Orateurs recitoient leurs pieces ,
& c'eſt ce que le Scholiafte d'Horace
nomme Athenæa , felon la
coûtume de fon temps , auquel ce
mot fignifioit un Auditoire .
L'Empereur Adrien dans le
deuxième fiecle fit bâtir un Auditoire
qu'on nomma auſſi. Athenæum
, & il continua d'avoir
Ddij
316 MERCURE
foin des Ecoles publiques à l'imi
·tation & Augufte le fecond des
Cefars qui avoit fait bâtir l'Ecole
d'Octavie jointe à un portique
ainsi que le R. P. Ardouin
Jefuite nous l'aprend dans fes
Stavantes notes fur Pline
avant luy le celebre GerardJean
Voffius , dans fon Lirure de l'Imitation.
En parlant enfuite des .
travaux de la Societé Royale ,
il dit qu'elle ne prononce point de
decifions , & qu'elle ne forme
point de fyfteme ; mais qu'elle
propofe des experiences & des
obfervations , laiffant aupublic le
foin de les rectifier , & la liberté
GALANT 317
de les contre-dire pour aller plus
loin dans le Pays des découvertes.
Rien en effect , ajouta- t - il n'eſt
pluspropre à contribuer au progrés
des Sciences , que des experiences
réiterées . Par là on repetées
avance par degrez ; l'on marche
à pas lents , il eft vray ; mais
auffi ils font plus furs
Mr de Bafville après avoir
fait un détail des travaux de la
Societé Royale pendant l'année
derniere , & de ceux auf
quels elle s'attacheroit dans le
cours de celle cy , finit par
l'Eloge du Roy à qui cette
Compagnie doit fon établiſſe-
Dd iij
318 MERCURE
ment & le nom qu'elle s'eft
déja faite parmi tous les Sçavans
de l'Europe . Ce Monarque
, dit-il , parmi les foins &
lesfatigues d'une guerre onereuſe
& dans laquelle la plus grande
partie de l'Europe eft conjurée contre
luy, n'a pas perdu pour cela
le defir qu'il a eu depuis les premieres
années de fon regne defaire
fleurir les Sciences dans fes États.
On a sú fe former fous ce regne
glorieux , àjamais memorable
un grand nombre d'Academies
où ſe forment tous les jours lés
jeunes nourriffons des Mules
qui s'y exercent pour immortaliGALANT
319
fer le nom François . Ce grand
Monarque ne fe contente pas ,
ajouta t - il , d'accorder des Privileges
, & des établiſſemens confiderables
aux Compagnies dont
la culture des Sciences fait tout
L'objet, il les anime encore au travail
par fes bienfaits & parſa
Royale liberalité. Le titre de Sçavant
en eft un legitime auprés de
ce grand Prince , pour avoir part
àfesgraces & àfes faveurs. On
fe contentoit dans les fiecles precedens
d'admirer ces grands genies
pour qui la nature ſembloit s'eſtre
épuisée , mais comme fi on eut
craint qu'une honnefte abondance
320 MERCURE
eut fait perdre la moitié de leur
merite , on les laiffoit dans une
honteuse indigence ; des paroles
des paroles flattenfes eftoient tout
le prix de leurs travaux ; on n'alloitpas
plus loin, on auroit crû
en leur faifant du bien les expofer
à la tentation de ne plus rien
faire de tomber dans un repos
oifife plein de molleffe . Mais
aujourd'buy graces au grand
Prince qui gouverne la France ,les
chofes font bien changées . La récompenfe
fuit toujours à prefent
le travail , elle eft accordée fi
à propos & avec tant de prudence
que bien loin de former une tenGALANT
321
tation délicate pour celuy qui l'ob
tient , elle ne luy fert que d'aiguil
lon pour avancer dans le progrés
des Sciences . Piquez d'une noble
émulation par les bienfaits du
Prince , ceux qui en font l'objet
ne s'appliquent qu'à les meriter
encore davantage.
Mr Bon le fils , premier
Prefident , en furvivance de Mr
fon pere, de la Cour des Aydes
de Montpellier , parla enfuite;
& aprés avoir loué en peu de
mots Mr de Bafville , qui venoit
de parler fi fçavamment
de l'utilité des Sciences , il entretint
l'auguſte Aſſemblée qui
322 MERCURE
l'entendoit , d'une découverte
qu'il avoit faite , & dont il
rapporta plufieurs experiences .
Ce fut fur les araignées qu'il
parla long- temps. Ces petits
animaux , dit cet habile Magiſtrat
, & ſçavant Academicien
, filent une foye qui eft propre
aux mefmes usages que celle
des vers , vulgairement appellez
vers à foye ; & il prouva fenfiblement
que la føye des araignées
eft beaucoup plus abondante
celle des vers , pufqu'outre
que ceux- cy , dit - il , ne
font que so. oeufs , qu'on appelle
vulgairement cocons , les arail
que
GALANT 323
gnées en font 400. Il est vray
qu'à l'égard des araignées , la
moitié franche de leurs oeufs fe
perd à caufe de leur petiteffe , &
qu'elles n'achevent leurfoye qu'en
2. ans ; mais enfin quand on reduiroit
, à cause de la diminution
causée par la perte ou inutilité de
ces oeufs , les
400. à la moitié,
il en refteroit toujours 200.
qu'à cause de la longueur du
temps que les araignées mettent à
filer leurføye , on reduiſe encore
ces 200. oeufs à 100. pour faire
quelque comparaison avec ceux
des vers , il fuivra toûjours toutes
chofes égaless il en conclud que
324 MERCURE
par
les versfaifant so. oeufs les araignées
100. celles - cy produisent le
double des vers. Que d'ailleurs
l'avantage que la foye des araignées
a pardeffus celle des vers ,
eft qu'elle eft plus fine ,
confequent incomparablement plus
belle. On en a filé par ordre de
Mr le Duc de Noailles pour
faire une paire de bas de foye ,
qui ont efté faits en Languedoc,
&que ce Duc aprefentez à Madame
la Ducheffe de Bourgogne.
Cette Princeffe , ainfi que toute la
Cour, les ont trouvez d'une grande
beauté & on a avoué qu'on
ne pouvoit rien ajoûter à la fr
GALANT 325
neffe de cet Ouvrage. D'ailleurs
il faut remarquer qu'il n'eft icy
queftion que des araignées des jardins
de celles qui travaillent
en pleine campagne , & les plus
groffes font les meilleures . Mais
la foye n'est pas la feule richeffe
qu'on tire de ces petits animaux,
& Mr Bon n'apas borné là fes
recherches . On a fait une Analyfe
exacte de ces petits animaux , &
on en a voulu découurir toutes les
proprietez , & ce n'a pas efté fans
une grande ſurpriſe mêlée de
beaucoup de joye qu'on a éprouvé
après une Analyfe faite avec
tous les foins imaginables qu'on

326 MERCURE
peut tirer des araignées une cau
qui a des vertus admirables , &
dont on peut faire des gouttes qui
pafferont mefme en bonté celles
d'Angleterre, qui font fi vantées,
dont on fait un fi grand nombre
d'ufages. Ce feront des
gouttes aromatiques , reprit ce
fçavant Magiftrat , qui feront
admirables pour la gravelle &
pour les retentions d'urine
faifant vuider le fable. Elles
feront auffi admirables pour fortifier
les poulmons foibles ; & ce
feront d'excellentes eaux pulmonaires
on pretend , & ce
n'eft pas fans l'avoir éprouvé,
. ,
en
GALANT 327
qu'elles feront auffi bonnes pour
tapoplexie que l'eau des Carmes
fi vantéejufqu'icy. On a décou
vert à l'égard de deux Paralytiques
& d'un Epileptique , qu'el-
Les font tres-propres à ces maladies
dangereufes , & contre lef
quelles il y a fi peu de remedes.
Tous ceux qui font fujets aux
coliques & aux maux qui les
caufent, ferontfoulagez en ufant
de ces gouttes , avec quelqué methode
un certain regime que
la Societe Royale preferira dans
une petite Differtation qu'un habile
Medecin de fon Corps fera
fur ce fujet. A l'égard des per328
MERCURE
fonnes qui jouiffent d'une fanté
parfaite , elles en peuvent auffi
ufer ; elles purifient le fang, &
Le font circuler ; elles fortifient
l'eftomach , elles facilitent la
digeftion. Ceux qui font fujets
à la migraine en peuvent user,
& ils peuvent compter d'eftre
foulagez fur le champ , en obfervant
cependant le regime qui fera
marqué dans la Differtation qui
paroiftra au premier jour. Enfin
pour marquer les effets merveilleux
de ces gouttes , il n'y a qu'à
dire qu'elles operent & avec autant
de fuccés & avec autant de
promptitude que les gouttes d'AnGALANT
329
gleterre,qu'on nomme les Gouttes
puantes , dont on ne fe fert cependant
que dans les maux defefperez.
Mr Bon a donné à ces
gouttes le nom de Gouttes de
Montpellier, & diverfes experiences
qu'on a faites de leurs
vertus & de leurs qualitez, leur
ont déja attiré ce nom . Mr
Bon finit fon Difcours en applaudiffant
tous les Academiciens
fes Confreres , d'avoir
fait une fi belle découverte
dans la naiffance de leur Societé
; & il dit qu'un fecret fifalutaire
luy faifoit bien augurer
des travaux de tant de fçavans
Janvier 1710.
E e
330 MERCURE
hommes qui compofent cette il-
Luftre Compagnie. Ce difcours
fut generalement applaudi.
Le P. Vanier Jefuite , habile
Poëte, & qui fait imprimer
à Lyon un Dictionnaire
Poëtique , a fait une Eglogue
adreffée à Mr Bon , dont je
viens de parler ; dans laquelle
il le felicite fur la belle découverte
qu'il vient de faire .
Cette Eglogue eft Latine , ce
qui m'empefche de vous l'envoyer.
Elle eft parfaitement
belle.
La declinaifon de l'Aiguille
aimantée fit la matiere d'un
GALANT 331
Difcours qui fuivit celuy de
Mr Bon; & qui fut prononcé
par Mr Clopinel. Cette Declinaiſon
eſt un Phenomene des
plus étonnans & dont la connoiffance
est en même temps
tres neceffaire pour la Navigation
, puifque fi elle varie felon
les lieux & felon les temps ,
les Pilotes peuvent fe tromper
confiderablement dans le
cours d'une Navigation &dans
la route , qu'ils font tenir aux
Vaiffeaux. On n'embraffa pas
tout-à - fait dans ce Difcours le
Systême de Mr Defcartes , qui
prétend qu'il fort des Poles de
Ecij
33²´MERCURE
la terre une matiere fubtile ime
palpable & inviſible qui circulant
autour d'elle fur le plan
des Meridiens y rentre par les
Pole oppofé à celuy d'où elle
eft fortie. La matiere canelée
trouvant dans la ficuation
des pores de l'Aiman un paf
fage pour le traverler , fait
que l'Aiman a deux Poles auffi
bien que la Terre ; ainfi
cette matiere rentrant par un
Pole attire le fer . Mais elle
peut changer fon cours felon
la difpofition des parties à travers
lefquelles elle s'ouvre un
paffage , & elle en peut eſtre
GALANI 333
détournée felon la figure & la
difpofition de l'Aiguille qui ent
eft touchée. D'ailleurs on a re
marqué que les Obfervations
qu'on peut faire de la variation
de l'Aiguille dans les Vaifſeaux
font fujettes à beaucoup
d'erreurs à cauſe du fer qui y
eft en grande quantité . Ce Dif
cours fut trouvé plein de recherches
& d'érudition .
Le Difcours fuivant & qui
termina l'Aſſemblée , regarda
les Satellites de Saturne , & fut
prononcé par Mr Aftruc . Les
Anciens , dit- il , ne comptoient
que fept Planettes dans noſtre
334 MERCURE
a
Tourbillon , & nous en avons
neuf, quatre Satellites de Fupiter
& cing de Saturne. Galileé à dé
couvert ceux deJupiter , Mr Caſ
fini quatre & Mr Huiguens at
taché au feu Roy Guillaume , un.
Ce dernier foupçonnoit qu'il y
avoit unfixiéme entre la quatriéme
e la cinquième , parce que
diftance entre ces Satellites eft trop
grande à proportion des autres.
C'est par les Satellites de Jupiter
que les Aftronomes ont eu le bonheur
de trouver les Longitudes
par leurs emerfions & leurs immerfions.
L'ufage qu'on tirera de
ceux de Saturne ne fera pas moins
la
1
GALANT
335
confiderable , parce quefi Jupiter
n'eſt pas fur l'horiſon pendant la
nuit Saturne y pourra eftre , & en
ce cas les Satellites fuperieurs feront
trouver les Longitudes , les
deux premiers eftant fi proches de
la Planette qu'ilsfont prefque im
perceptibles. D'ailleurs leurs revolutions
fontficourtes & leurs ċerclesſi
preſſez qu'à noftre égard , il
eft rare qu'ilsfortent des rayons de
Saturne étant de plus dans un éloignement
du Soleil double de ceux
de Jupiter. Ce Difcours renfermoit
plufieurs autres Remarques
d'Aftronomie qui plurent
fort à l'illuftre Affemblée . Mi
336 MERCURE
de Bafville refuma à la fin de
chaque Difcours tout ce qui
avoit eſté dit de plus curieux &
de plus intereffant , & il fit admirer
en cette occafion la netteté
de fon efprit.
Rien n'est plus important &
d'une plus grande utilité qué les
Ouvrages qui regardent les
Loix & les Coutumes , & l'on
peut affurer qu'il fe trouve
beaucoup de perfonnes aufquelles
ils font abfolument neceffaires
, & que c'eft un Trefor
pour les Provinces qu'ils regardent.
Celuy dont je vais vous
parler eft de ce nombre.
Jacques
GALANT 337
Jacques Marefchal , Imprimeur
du Roy à Nantes , a imprimé
la Coûtume de Bretagne
endeux Volumes in quarto,
avec les Commentaires & les
Obfervations pour l'intelligence
& l'ufage des Articles
obfcurs , abolis & à reformer,
fuivant les Edits , Ordonnances
& Arrefts de Reglemens
rendus depuis la derniere Re
formation de la Coûtume, par
Maître Michel Sauvageau celebre
Avocat au Parlement de
Bretagne , & Procureur du
Roy au Prefidial de Vennes ;
avec un Traité particulier des
Ff
Fanvier 1710.
338 MERCURE
Marches qui feparent des Provinces
de Bretagne , Poitou &
Anjou ; un Traité du Droit
d'Indult des Officiers du Par→
lement de Paris , & des Gra
duez , & de fa Pratique fur les
Benefices de Bretagne, avecune
recherche & fçavante difcution
des fentimens que Mr
d'Argentré a cus fur plufieurs
Articles de ladite Coûtume,
contré le fentiment de plu
fieurs Auteurs , avec une Table
Alphabetique des Matic
res tres ample & tres- exacte
Cet Ouvrage doit eftre fa
vorablement reçu du Public ,
GALANT 339
étant non feulement pour l'in
telligence des Textes obfcurs
ou diverſement pratiquez de
la Coûtume de Bretagne , mais
encores pour clés: Affaites &
Queſtions d'Uſage & de Prati →
que d'autres Provinces , l'Auteur
eftant plein d'érudition ,
& marquant avoir eu une
perience confommée au mat
niement des Affaires. Quoy
que fon deffein n'ait efté que
de compofer des Mémoires
pour parvenir àune Reforma
tion qui n'a pas encore efté
faite , il a fi profondément é
tably par raiſon juridique &
F f ij
340 MERCURE
par
autorité d'Ordonnances &
Arrefts de Reglemens , les decifions
qu'il y a rapportées,
que les avis & le témoignage
de ce fçavant homme doivent
eftre d'un grand poids quand
il s'agira de prendre party
dans les Jugemens : Et quoy
qu'ordinairement la lecture &
l'étude d'un Commentateur
d'une Coûtumé particuliere ne
foient faites
que pour l'intelligence
de ce qui concerne cette
Coûtume , il y a infiniment
à profiter de la lecture de la
Coûtume de Sauvageau , non
feulement en ce qui la touche;
GALANT 341

mais encore pour la Pratique
generale , & les Memoires pas
roiffent devoir produire tant
de fruit en répondant au deffein
pour lequel ils ont efté
compofez, qu'ils doivent donner
de l'envie & de l'émulation
à tous ceux qui aimene
les Sciences , de faire une étu
de particuliere de la Coûtume
de Bretagne. Le Rapport fommaire
qu'a fait Mr Sauvageau
des Avis finguliers de Mr d'Ar
gentré , combatus par les autres
Docteurs fur foixante
Points differens où l'Auteur a
traité des Queſtions par de fo
Ffiij .
342 MERCURE
lides raifons ; & par autorité,
eft un Ouvrage tres - utile au
Public , & qui doit eftre agreable
à tout homme qui aime
la Science , & qui eft dans le
maniement des Affaires.
Le fecondVolume contient
la plus ancienne Coûtume de
Bretagne , les Annotations de
Anonimies les anciennes Con-
Aitutions , Ordonnances , Arrefts
, Reglemens des Rois &
Ducs de Bretagne , avec la
Conference des Coûtumes &
des nouvelles Ordonnances à
la marge , par le meſme Auteur,
GALANT 343
Le prix de ces deux Volu
mes eft de quinze livres.
Je dois ajoûter à ce que vous.
venez de lire , que j'ay oüy
parler icy de ce Livre à nos
plus fameuxJurifconfultes ; &
que de la maniere dont ils en
parlent , ils le croyent audeffus
de tous les Eloges.
Je paffe à l'Article des Enigmes
qui ont fait autrefois
l'occupation des plus grands
Princes de la Grece , & dans
les Cours defquels on donnoit
des prix à ceux qui les expliquoient.
La derniere Enigme
a efté devinée par Mr Olivier,
Ff iiij .

344 MERCURE
de la Ville de Graffe voicy
l'explication qu'il en a donnée
en Vers; & il a juſtement trouvé
la raifon qui m'a obligé
de vous envoyer deux fois de
fuite des Enigmes qui ayant
le mefme mot , font neanmoins
entierement differentes ;
ce qui marque la diverfité du
genie des hommes , qui en
travaillant fur la mefme matiere
ne rencontrent en rien.
En vain vouliez - vous nous
Steroli
Surprendre
Et nous faire long- temps chercher,
GALANT 345
La Cloche ne peut fe cacher ;
Elle fonne fi haut qu'elle fe fait
entendre
Lors qu'on voudroit s'en empê
cher.
Ceux qui ont deviné le mor
font , Mrs le Chevalier de
Boiffieux , âgé de douze ans,
& qui n'en manque pas unes
le Chevalier , le Chevalier
d'Ellis, de S. Germain en Laye ;
Ridel ; des Crenaux ; Robinet;
le Petit Bruner , de la ruë S.
Honoré ; du Frefne , demeurant
chez Me la Maréchale de
la Ferté ; Roger le Blazonneur,
9
346 MERCURE
Organiſte du Roy Jacques ; le
Solitaire de la rue aux Fêves ;
de la M.... pere du Petit Jacob
, Cloiftre Noftre - Dame ;
le Solitaire des Angloux , & fon
Amy Darius ; le Berger Tircis
de la Bergere Climene ; l'Anagramatifte
; l'Amant trop cu
rieux , & le beau Nouvellifte .
Me la Marquife , & fon aimable
fille la bonne amie ; Mlles
Percheron & du Buiffon , du
Marais d'Aftruc , du Fauxbourg
S. Germain ; de la Coliniere
; de Rezé , proche les
Comediens , que l'on affure
avoir des Remedes qui gueGALANY
347
riffent tous les maux des Dents;
Marie Anne du Cloiſtre S.
Nicolas du Louvre , My Lady,
Angloife ; la Jeune Muſe renaiſſante
, G. O. la Brune &
Blanche , de la rue des Bernardins
; la Charmante Therefe
qui ne veut pas jouer à
l'hombre ; la Belle Brune, de la
rue Neuve des Petits Champs ?
l'aimable Mufe du Palais d'Orphée
, de Rouen ; & la Groffe
Gouvernante de MMrr le Prince
de Tarente , qui l'a expliquée
en Vers.
Je vous envoye une Enigme
nouvelle. Elle eft de Mr d'Aubicourt..
348 MERCURE
SONET ENIGMATIQUE .
Mon nom pris chez les Grecs fe
foutient noblement ,
Quoy que de fiecle en fiecle on me
faffe renaître;
En Franfe come ailleurs je ne conois
pourMaître
Q'un ufage établifur le raifonenement.
Si les Grands de la Cour , qui parlent
poliment,
Ecrivoient come on parle en me
faifant paraître,
Duel Mortel neferoit gloire de me
conaître ?
GALANT 349
L'on s'énonceroit mieux & plus
facilement.
Ainfi dans le Difcours on abrege
Carefme,
Tout le monde le dit , fans l'écrire
de
même ,
Les Savans peu d'acor , ainfi me
font errer:
Quand fur de tels abus on confulte
le Sage,
Il les condane tous & tolere un
ufage
Qu'aucun Franfais nepeutfuivre
fanss'égarer.
350 MERCURE
Je vous envoye une Chanfon
nouvelle ; elle eft de M
Charles.
AIR NOUVEAU.
Le Vin eft neceffaire
Quand on veut vivre en repos ,
Si le Dieu d'Amour altere
ne plaire
Bachus vient fort à propos ; ~
Tous les deux fçavent me
J'aime l'Amour & les Pots.
Je me fuis trouvé obligé de
remettre au mois prochain
Eftampe des Jettons que je
vous envoye tous les ans au
mois de Janvier.
HADLIG
THE
LYON
Supertor
nement donné ordre qu'on travaillaft
à tous fes équipages ,
1
mis
e
le
35
for
Ch
#957
Sal
Tot
Fatia
ren
FE
Vous envoye tous les ans au
mois de Janvier.
GALANT · 35€
Enfin l'on ne doit plus avoir
d'inquietude couchant la playe
de Mr le Maréchal de Villars ,
devant eſtre à prefent reputée
comme guerie, puifqu'un pois
pourroit à peine y entrer prefentement
, & qu'il pourroit fc
mettre en Campagne fi la neceffité
le demandoit ; & comme
ce Maréchal netefpire que,
la guerre & qu'il veut eftre en
cftat de bonne heure de fe
fignaler & de faire voir aux
Alliez qu'il n'apprehende pas
leurs menaces , il a tres certainement
donné ordre qu'on travaillaft
à tous les équipages
352 MERCURE
& qu'on luy fift venir quantité
de vin de Bourgogne.
Il fembloit que les Ennemis
le preparoient à faire quelques
mouvemens en Flandre , & Mr
le Maréchal de Barwick avoir
eſté nommé pour y faire une
tournée & pour les obferver ;
mais comme l'on a cfté informé
qu'ils eftoient tranquiles
& que fa prefencen y eftoit pas
neceffaire , ce Maréchal n'eft
pas parti.
Mr le Maréchal d'Harcourt
eftant retombé en paralyfie ,
Mr Fagon l'a fait faigner , &
luy a fait prendre l'Emerique ,
GALANT 353
prétendant que cette paralyfie
ne vient point du dedans , &
qu'elle n'eſt qu'exterieure , &
par confequent point dangereufe.
Ce Maréchal partit le
28. pour aller aux caux de
Bourbon & fon, deffein eft
de faire encore la Campagne
fur le Rhin ou nos Troupes
fontnombreufes , en boneftat,
& ne manquent de rien , ſuivant
que les Ennemis le publient
eux - mêmes tous les
jours , & il y a lieu de croire
qu'ils ne feront pas en eftat de
leur refifter , ny d'envoyer des
Troupes en Flandres & fur le
Fanvier 1710. Gg
354 MERCURE
Rhin , les Princes d'Allemagne
n'eftant pas payez des fubfides
que l'Angleterre & la Hollande
font convenus de leur donner
, & que ſelon toutes les apparences
, ils ne pourront leur
payer encore de long- temps ,
l'argent manquant abfolument
à ces deux Nations.
Je fçay de certitude par un
homme revenu depuis peu
d'Angleterre , qu'il a efté furpris
en y arrivant , d'y trouver
le pain plus cher qu'à Paris , &
la rareté de l'argent encore
plus grande , & l'on ne doit pas
s'en étonner , les fubfides que
GALANT 355
l'Angleterre a payez depuis le
commencement de la guerre ,
toutes les Nations quiluy donne
des Troupes ou qui font diverfion
en la faveur , l'ayant
entierement épuifée , joint que
l'argent que luy coûte fes
Troupes pendant chaque cam
pagne , eft dépenſé hors du
Royaume , & que depuis plufieurs
années l'argent en fort
fans qu'il y entre d'efpeces, tou
tes les Marchandifes que fes
Flotes luy apportent n'cftant
que pour l'ufage de fes Habitans.
A l'égard de la Holande,
Ggij
356 MERCURE
y a déja plufieurs années
que je vous ay marqué que
quelques Provinces avoient declaré
qu'elles n'eftoient pas en
eftat de fournir aux frais de la
Guerre ; ce que vient encore
de declarer la Province d'Utrecht
. Je vous ay marqué auffi
y a long- temps , que la plufpart
de ceux qui poffedoient
des Terres à la Campagne
, les
ont abandonnées , les Taxes
qu'elles payoient eftant beau
coup plus fortes que les revenus
qu'ils en tiroient ; & prefentement
encore les Etats Genetaux
viennent d'impofer
GALANT 357
quatre fois pour cette année
le deux centiéme denier fur
les Terres , les Obligations
, les
Actions des deux Compagnies
, les Rentes viageres , &
generalement fur tous les
biens qui y font fujers . Et
comme ce fond , quand mefme
il feroit entierement rem
ply , ne fuffiroit qu'à peine
pour fubvenir à la moitié des
dépenses ordinaires & extraordinaires
de la Guerre , il faudra
avoir recours à de nouveaux
emprunts ; mais le credit des
Etats ayant déja ſouffert quelques
atteintes , tant par leur
358 MERCURE
derniere Lotterie qui n'a pû
eftre remplie que par la neceflité
où ils le font trouvez
de donner leurs Obligations
en payement des avances confiderables
qui devoient eftre
remboursées en argent comptant
, il eft à prefent queſtion
de fçavoir s'ils pourront par
le moyen defdits nouveaux
emprunts qui font leur unique
reffource , fuppléer à l'autre
moitié defdites dépenfes .
Il eft à remarquer que ceux
qui ont des Obligations de
l'Etat , auront de la peine à
trouver de l'argent fur ces
GALANT 359

Obligations , & qu'ils n'en pouront
trouver qu'avec beaucoup
de perte.
D'ailleurs , vous avez déja
fçû le pitoyable cftat où fe
trouve aujourd'huy la Marine
d'Holande ; qu'il eft dû beaucoup
aux Capitaines qui ont
avancé , fuivant l'ufage du
Pays , tout ce qui a regardé
depuis long - temps l'équipement
de leurs Vaiffeaux , & qui
n'ayant plus dequoy y fournir,
demandent ce qui leur eſt dû,
& que l'on paye toutes les
fommes qui font neceffaires
pour mettre en Mer cette an
360 MERCURE
née , moyennant quoy ils s'offrent
de fervir , l'impoffibilité
eftant entiere qu'ils puiffent
fervir autrement
.
Au reste , les dernieres nouvelles
d'Amfterdam portent
que la plupart des Negocians
voyant chaque jour leur Commerce
déperir , & le rifque
qu'ils courent d'eftre entierement
ruïnez fi la Guerre continue
, n'ont plus la mefme
opiniaftreté qu'ils avoient à la
continuer.
Il eft aifé de juger par tou
tes ces chofes de l'eftat our fe
trouve la Holande , & qu'elle
ne
GALANT 361
ne peut abfolument continuer
la guerre beaucoup de temps .
Je reviens encore à l'Angleterre
, qui par les fonds accordez
par le Parlement pour
la Campagne prochaine , pretend
éblouir tout le monde ;
& en effet rien n'eft plus ébloüiffant
que les calculs de
toutes les fommes que le Parlement
accorde ; mais fans
entrer dans les détails & dans
l'impoffibilité qui fe trouve de
les lever tous , quand mefine.
l'Angleterre feroit dans l'opulence
, il eft certain que quand
tous les Anglois feroient por
Fanvier 1710. Hh
36 MERCURE
tez à fournir ces fommes , la
rareté de l'argent qui eft au
jourd'huy plus grande en Angleterre
qu'en aucun autre lieu
de l'Europa, en empefcheroit,
& que le Proverbe , qui dic,
Perfonne ne donne ce qu'il n'apas,
eft veritable. Elle doit des
fommes immenfes à Monfieur
le Duc de Savoye , qui n'eft
pas un Prince à attendre longtemps
, craignant que le boul
verfement des Affaires ne luy!
fift perdre ce qui luy ´eft dû ;!
ce qui n'embaraffe pas peu les
Anglois.
Quant à ce qui regarde la .
GALANT 363
France , elle renferme des
fommes immenfes qui font
cachéos , & l'abondance y fera
grande lors que
l'on aura
trouvé les moyens de les faire
fortir des mains de ceux qui
les gardent avec tant de foin ;
& pour n'en pas dourerazil
n'y a qu'à fe fouvenir que da
derniere reforme eftoit de fix
cens millions ; ce qui eft un
fait inconteftable , & qu'on a
reconnu lors qu'on a donné
cours à toutes les efpeces reformées
& non reformées ,
qu'il y avoit un tiers de l'argent
du Royaume qui n'avort
Hhij
364 MERCURE
point efté porté à la Monnoye
pour eftre reformé ; &
ce qui obligea de leur donner
cours , fut que l'on trouvoit
tous les jours des fommes
tres confiderables fous les
fcellez faits chez les perfon-
Ines qui mouroient , & j'en
pourrois rapporter pour plu
fieurs millions , fi je voulois
nommer ceux qui n'avoient
pas fait reformer leur argent.
Il eft auffi entré en France
plufieurs millions depuis que
Monfeigneur le Duc d'Anjou
a pris poffeffion de la Cou
ronne d'Espagne , tant parce
2
GALANT 365
qu'elle lui appartenoit , que
parce que Charles II. l'avoir
reconnu pour fon Succeffeur.
Tout cet argent n'y est pas entré
par le Commerce que les
François ont fait au Perou ;
mais par les grandes depenfes
queles Eſpagnols ont faites en
France pour foutenir la Guerre
las France leur ayant foutny
des Armes , des Draps &
quantité d'autres choſes neceffaires
à la Guerre. Nos Modes
font auffi caufe que les Efpagnols
ont acheté beaucoup
de chofes en France & plu
ficurs qui ont eu des Emplois
34
Hhij
366 MERCURE
dans le Perou , d'où ils ont
raporté de grandes fommes ,
& qui ont demeuré affez longtemps
en France , & fur tout à
Paris , y ont fait de grandes
dépenfes , enforte que lorsque
tout l'argent caché commencera
à voir le jour , on verra
plus de douze cens millions circuler
au lieu qu'il n'y a pas aujourd'huy
dans le Commerce ,
200. millions de nouvelles ef-
< peces qui font tout l'argent qui
circule dans le Royaume. 1
A l'égard des bleds , il fufit
qu'il ait commencé à entrer
dans le Royaume pour que
GALANT 367
Fabondance s'y trouve bien
toft , & pour engager les Ufuriers
à mettre en vente ceux
qu'ils tiennent cachez , & d'ailleurs
comme il paroift que la
srecolter doit cftre des plus
abondantes
, on ne manquera
bien - toft plus dans le Royaume
ni d'argent ni de bleds.
Mrs de l'Academie Françoi
fe s'eftant affemblez felon l'ufage
, quarante jours aprés la
mort de Mr.de Corneille , &
de Mr le Comte de Crecy pour
nommerceux quidoivent remplir
leurs places , ont choifi Mr
le Prefident de Melmes & Mr
368 MERCURE
l'Abbé Oudart de la Mothe ,
connu par plusieurs ouvrages
de Theatre & par le beau Ree
cueil d'Odes qu'il a donné zau
public , & qui a reçu un aps
plaudiffement general . Il a rem
porté ſept ou huit Prix de l'Academie
de Toulouſe , & deux
ou trois de l'Academie Françoife
, où ilaleu l'avantage de
parler plufieurs fois & de faire
Remerciemens à ce fçavant
des
& illuftre : Corps .
Mrle President de Melines ,
diftingué pár fon nom, par ſon
efpriitt && par fes dignitez elt
entré par detteb nomination
CALANT 369
dans un Corps ou l'on a toujours
vû des Cardinaux , des
Evêques , des Ducs & Pairs &
des Miniftres d'Etat . Ainfi l'on
peut dire qu'il n'eft pas déplacé.
Je dois ajoûter icy ce que j'ay
oublié de vous dire dans 1 E.
loge que j'ay fait de Mr de
Corneille ; fçavoir , que fon
grand travail , & fur tout le
grand nombre de Livres & de
Memoires qu'il a cfté obligé
de lire pour compofer les cinq
Volumes in folio qu'il a donnez
au Public , luy avoient fait perdre
la vûë quelques années
370 MERCURE
avant,fa mort ; que fon Eloge
aefté fait par un Aveugle, &
que fa place a efté remplie par
un autre Aveugle qui doit faire
auffi fon Eloge le jour de fa res
ception .
Avant que d'entrer dans
Article de la Marine dont
j'ay beaucoup à vous entrete
nit , je dois vous dire que ce
Corps qui a toujours fait honneur
à la France , & qui dans
les temps les plus difficiles a
toujours tenu tefte en mefme
temps aux deux Nations qui
pretendent à l'Empire de la
Mer, & qui ne font riches &
GALANT 37£
celebres que par leur Com
merce ; je dois , dis-je , vous
dire que ce Corps , qui tous
les mois fe rend fameux par
un grand nombre de Prifes,
d'actions éclatantes , & de
Vaiffeaux Ennemis pris on
coulez à fond , va malgré la
rareté d'argent qui ſe trouve
aujourd'huy prefque chez tous
les Princes de l'Europe , recevoir
une fomme confiderable,
Mr le Comte de Pontchartrain?
ayant trouvé des expediens
de luy en faire toucher fans
qu'il en coûte rien au Roy.
Je paffe à la fuite des Expe
372 MERCURE
ditions dont je vous envoye
un Journal tous les mois beaucoup
plus circonftancié que
celuy que l'on trouve dans plu .
fieurs nouvelles publiques.
De Cartagenne du Détroit
le 25. Decembre.
Mr le Chevalier de Norey,
Commandant les Vaiffeaux du
Roy le Rubis & le Trident , fic
rencontre le 19. Decembre,
eftant Nord & Sud d'Alborand
, à 5 ou 6. licues de .
la Cofte d'Espagne , de deux
Vaiffeaux de guerre Anglois ,
l'un
GALANT
373
l'un de 70. Canons , & l'autre
de cinquante - quatre fous le
vent Mr le Chevalier de
Norey , quoy qu'avec des for.
ces inégales , attaqua ces deux
Vaiffeaux à demy portée du
moufquet. Le Combat dura
depuis dix heures du matin juſqu'à
deux heures aprés midy,
•fans qu'il pût les aborder , &
il en fut feparé par les Courans
en forte qu'ils furent
obligez de faire route à Gibraltar
, n'ayant que la Mizaine
& le Petit Hunier , & la
plufpart de leurs Equipages
eftant tuez ou bleffez. Mr de
Janvier 1710.
I i
374 MERCURE
Norey n'a eu que 29. hommes
hors de combat . Mr du
Vigné , Lieutenant de Vaifſeau
, y a efté tué ,
a efté tué , ainfi que
Mr le Chevalier de Caftelanne
Enfeigne , qui fervoit fur le
Trident.
Mr Robert Leguillon , Commandant
la Barque Longue la
Revanche , armée à Calais , y
conduifit le 4. Janvier un Bâtiment
Anglois , chargé de
5oo. barils de beurre , & de
200. barils de boeuf fallé.
Le mefme Capitaine a auffi
débarqué une rançon de 100 .
livres sterlin .
GALANT · 375
Le Capitaine Louvet
qui
monte la Barque la Toifon , a
pris un Navire Anglois , chargé
de 136. Caiffes d'oranges
aigres , & de 8. Caiffes de citrons.
Le Capitaine François Polu,
Commandant la Triumphante ,
& Jacques du Pleffis qui monte
la Revanche , ont pris un
Dogre Hollandois.
Le Capitaine Marc- Tefte,
Commandant la Barque le
Comte de Brionne , a apporté
pour 2000. livres de rançons
Angloifes en efpeces.
François Bachelier , Com-
Ii ij
376 MERCURE
4
ATM
mandant le Dogre le Prompt,
a amené une rançon Hollandoife
de 1600. florins .
Vous fçavez que Mr de
Ferriol , Ambaffadeur du Roy
à Conftantinople , avoit obte
nu de fa Hauteffe de faire
charger des Bleds à Conftantinople
& dans les Echelles du
Levant. Il s'eft heureufement
acquitté de fa Commiſſion . Il
y a plufieurs Relations qui
peuvent toutes paffer pour des
Originaux , eftant écrites par
des Officiers de confideration ,
& qui font tous dans des poftès
à pouvoir fçavoir ce qu'ils.
GALANY 377
mandent , qui neanmoins ne
s'accordent pas , particulierement
à l'égard des dates ; tel
eft le fort des Relations que
´l'on reçoit des Affaires les plus
importantes. Perfonne ne le
connoift mieux que moy qui
ay toûjours ramaffé toutes celles
qui ont efté répanduës dans
le monde des actions les plus
remarquables , & j'ay trouvé
une fois une circonſtance aſſez
confiderable , toute differente
dans neuf Relations de la même
Affaire , fans qu'il m'ait
efté poffible de découvrir celle
qui parloit le plus jufte .
Li iij
378 MERCURE
ގ
%%
cm-
Ainfi en fait de nouvelles , la
premiere qu'on lit fait plaifir,
& l'on croit d'abord eftre
bien inftruit. La feconde Relation
, dans laquelle on trouve
des faits differens embaraffe un
peu ; & lors qu'on en a lû
beaucoup, on fe trouve fi
baraffé qu'on eft contraint de
parler au hazard , ou de donner
au Public les Extraits de
PArticle qui embaraffe afin de
fe difculper , & qu'il en juge
par luy- mefme . J'ay trouvé le
mefme embaras pour des da
tes , dans la Relation que vous
allez lire , qui d'ailleurs vous
GALANT 379
paroiftra tres- curieufe . Entre
fept ou huit Relations dont
j'ay formé celle que vous allez
lire
, il y en a une feule qui
-prend l'affaire de plus haut,
par laquelle je vais commencer
, & qui n'eft contredite en
rien parce qu'elle eft feule.
Mr de Feuquieres eftoit allé
àu Levant pour amener un
Convoy de bled . Tous les autres
Vaiffeaux
tant du Roy que
des Marchands qui eftoient allez
pour le mefme ſujet s'affemblerent
à Smirne fous les
ordres de Mr de Feuquieres
au
nombre de 84. Baftimens tant
380 MERCURE
Vaiffeaux , Barques , Pinques ,
ou Tartanes , parmy lefquels
cftoit compris le Temeraire , de
60. canons , monté par Mr de
Feuquieres ; le Toulouſe de même
force ; l'Etendart & le Flenron
de 50 ; l'Hirondelle & la Vef
tale de 36. tous Vaiffeaux de
Roy , & une trentaine d'autres
Vaiffeaux particuliers ; le refte
eftoit de petits Baftimens."
Ils partirent dans le mois d'Octobre
, & quoy que la faifon
fût la plus rude de toute l'année
, à caufe des divers coups
de vents qui regnent en ce
temps - là & que l'on fut obligé
GALANT 281
de paffer dans toutes les Croifieres
ordinaires nonobitant
25. ou 30. gros Vaifféaux Ennemis
qui font dans ces Mers ;
ce Convoy franchit tout fans
voir aucun Vaiffeau ennemy ,
& fans qu'il ſe foit écarté aucun
Baftiment pendant untrajet
de plus de 6oo . licuês .
Comme on avoit appris que
le Convoy eftoit parti , & que
l'on voyoit tous les jours aux
Coftes de Provence une Efcadre
ennemie de huit Vaiffeaux
qui fe relevoient les uns aprés
les autres , on eftoit à Toulon
& à Marſeille dans une grande
382 MERCURE
confternation , parce qu'on découvroit
tous les jours les Ennemis
aux avenues , & que nos
Vaiffeaux n'eftoient pas en état
de s'oppofer à cette Efcadre ,
eftant tous chargez de bled.
Mais par un effet de la Providence
, dans le temps que l'Avant-
garde de ce Convoy avoit
découvert les Illes d'Hieres defquelles
il s'approchoit , que les
Ennemis n'auroient pas manqué
d'appercevoir , & d'en
prendre finon tout , au moins
la plus grande partie , un gros
coup de vent de Nord Oüeft
s'éleva fi fort qu'il obligea les
GALANT 383
Ennemis de pouffer au large
& le Convoy d'arriver au
Gourjan.
Dans le moment que l'on
cut appris à Toulon l'arrivée de
ce Convoy au Gourjan par un
fecond effet , & tout particulier
de la même Providence,qui
l'avoit ainfi reglé, Mr Caffart ,
qui monte le Parfait de 70.
canons , fe trouva en rade avec
le Serieux , de 60. & Mr Laigle
avec le Phoenix , de 52. canons.
Il eſt à remarquer que le
Vaiffeau le Toulouze , de so.
canons monté par Mr Lam384
MERCURE
bert , & qui faifoit partie du
Convoy , s'eftant trouvé à por
tée d'entrer à Toulon le 6 informa
Mr Daligre de Saint Lié
qui y commande la Marine , de
la fituation où il avoit laiffé Mr
de Feuquieres , avec le Convoy.
On ne perdit pas un moment
pour décharger en partie
ce Vaiffeau qui eftoir char
gé de bled , afin de le foulager ,
& on augmenta confiderablement
fon équipage , afin de le
mettre en eftat de fortir & d'aller
rejoindre Mr de Feuquieresavec
les 3. autres Vaiffeaux
dont on augmenta auffi confiderablement
GALANT 385
de
fiderablement les Equipages ;
ce qui fut fait en tres - peu
temps , en forte qu'ils mirent
à la voile le 8 à 10, heures
du matin , avec un Brulot , &
un autre petit Baltiment , qui
tous enſemble avoient deux
mille hommes d'Equipage .
Quoy que je vous aye dit
dans le Prelude de cet Article,
que de plufieurs Relations j'en
formois une feule , j'en ay
trouvé deux qui regardent le
Combat qui m'ont paru dignes
de vous cftre envoyées
toutes deux.
Fanvier 1710.
К к
386 MERCURE
a
Premiere Relation du Combat.
Le 9º eftant à la vûë er de
vant le Gourjan , ils virent paroiftre
deux Vaiffeaux qui faifoient
route fur eux ; & lors
qu'ils furent à demy lieuë , le
Parfait les chaſſa à toutes voiles ,
les joignit fe mit en travers
de ces deux Vaiffeaux , & les
canonna jufqu'à ce que
rieux le Phoenix y fuffent
arrivez le premier attaqua le
Faucon Anglois de 44. Canons
qu'il démata & qu'il prit. Mr
Caffard tomba enfuite fur le
Pembrok de 70. Canons
Mr Laigle avoit déja démâté,
dont il avoit tué le Capi-
:
le Serque
GALANT 387
taine ,
plus de hommes
70.
de l'Equipage ; ce Vaiffean fe
-rendit , il a esté amené à &
Toulon avec le Faucon . Cette
action a efté tres- vive , & n'a
pas duré plus d'une heure ; ces
deux Vaiffeaux venoient de ca
renner au Port Mahon pour fortifier
l'Escadre Angloife qui croifait
depuis long-temps fur les
Coftes de Provence , en attendant
Mr de Feuquieres & fon Convoy
, dont aucun Baſtiment n'a
efté pris ny perdu depuis fon départ
de Levant.
Seconde Relation du Combat.
Le 9ºeftant prés du moüillage
KK
388 MERCURE

>
où le Toulouze , avoit déja jetté
l'Ancre , on aperçut deux Vaif
feaux qui s'aprochoient de terre.
Mr de Feuquieres fit fignal au
Parfait , au Serieux & au
Phoenix , de les aller reconnoiftre ,
ce qu'ils firent. Comme nos Vaiffeaux
fortoient defiprés de terre
ces deux Vaiffeaux Ennemis l'un
de 66.canons , & l'autre de 40 .
crurent que c'eftoient des Vaiffeaux
chargez de bleds . Ils allerent
deffus ; mais ayant reconnu
aprés la force de nos Vaiſſeaux
ils tâcherent de fe fauver ; mais
Mr Caffart avec le Parfait
donna une bordée à la flute qui
la mit hort d'état. En effet, elle
GALANT 389
acula fur le Parfait , & luy emporta
fa Gallerie , l'ayant remife
, le Serieux y alla , & la
prit. Pendant ce temps Mr de
Laigle alla au gros , & l'ayant approché
de prés il le combatit pendant
une große heure & demie
avec unfeu extraordinaire , & il
luy emportafon Maft d'Artimon.
Le Capitainey fut tué le Capitaine
en fecond voyant que
Parfait venoit à luy fe voyant
beaucoup de monde tué par le gros
feu du Canon & de la moufqueterie
de MrLaigle ,ferendit à luy
ne voulutpoint connoiftre l'Of
ficier queMrCaffart luy, envoya
le
Kij
390 MERCURE
le premier; de maniere que ces 2 •
Angloisfont àToulonprefentement
avec tout le Convoy dont chaque
Baftiment va à fa deftination.
Au refte ce Convoy eft des
plus confiderables & l'on peut
affurer qu'il vaut bien huit millions
, puifqu'il y a de compte
fait pour le Languedoc & pour
la Provence cent mille charges
de bled , la charge pefant à peu
prés 300. livres poids de Paris ;
à 36. livres ce font déja trois
millions fix cens mille livres :
il y en a du moins pour autant
en Marchandifes fines , & ce
qu'un grand nombre de particuliers
a de provifions de
GALANT 391
bled fur ces Vaiffeaux va encore
fort loin. Il faut ajoûter
à tout cela quantité de farines ,
huit mille quintaux de Legumes
, fept mille quintaux de
Ris , & beaucoup de viandes.
Les Officiers qui fe font diftinguez
dans le Combat , n'ont
pas attendu long- temps leur
recompenfe , puifqu'en même
temps que nous avons appris la
maniere dont ils fe font diftinguez
, nous avons fçu que S. M.
a nommé Mr Caffart , Capitai
ne de Fregate ; Mr des Hayes ,
Lieutenant de Vaiffeau , & Mr.
Laigle , Capitaine de Brulot .
Le Vaiffeau l'Entreprenant
392 MERCURE
1
arriva auffi de Barbarie le 12 , avec cinq
mille charges de bled .
Je vous diray peu de chofes ce moiscy
de l'Espagne. Elle fe trouve aujourd'huy
dans une fituation tres- avantageufe
par raport à celle de tous les Sou
verains de l'Europe. Elle eft tranquile
chez elle , où rien ne manque : elle tra
vaille à mettre 80. mille hommes fur
pied, avec lefquels elle ne peut faire
qu'avantageufement la paix ou la guerre
, ce qui provient de la grande union
qui fe trouve entre Sa Majefté Catholique
& tous fes Sujets . Ce Monarque
a pour eux tout l'amour qu'un Souverain
peut avoir pour fes Sujets , & depuis
qu'il eft fur le Trône , il a fait plufieurs
Campagnes , dans lefquelles il a
expofé fon fang pour leur défenfe , ce
que les Espagnols reconnoiffent par un
amour & une fidelité à l'épreuve de
toutes choſes. Aufli trouve-t -il abondamment
de l'argent & des hommes
dans tous les Etats , & c'eft dequoy fai
re de bonnes & de grandes Armées ; car
pourpeu que les Efpagnols foient inf
GALANT
393
truits du métier de la guerre , jamais on
n'a vû de Peuple plus intrepide. Il ne
fçait ce que c'eft que de fuir, & l'Hiftoire
nous fournit une infinité d'exemples
éclatans de cette intrepidité , & toute la
terre fe fouvient encore de celle du
Comte des Fontaines , dont tout le Bataillon
perit dans le mefme terrain où il
eftoit en bataille , ce Comte affis au milieu
du Bataillon animant tous fes Soldats.
#
Je devrois en finiffant vous parler de
l'heureufe face qu'il paroît que l'Europe
doit prendre dans peu ; mais ce font des
Affaires delquelles la prudence ne veut
pas que l'on parle trop , de crainte de
n'en pas parler jufte. Je fuis , Madame,
voftre , & c .
A Paris ce dernierJanvier 1710.
A VI S.
Le Mercure de Fevrier ne fe debitera
que le premier Jeudy de Carême, à cau
fe des Jours Gras & du Mercredy des
Cendres qui occupent tout le monde.
TABLE.
Prelude qui renferme un abregé
5.
de tout ce que le Roy a fait de
grand pendant fa vie.
Extrait de l'Oraifon Funebre de
Madame de Maubuiffon , non
pas de la maniere ordinaire
mais dont la lecture ne doit pas
moins attacher Faire de plai-
&
fir que feroit celle de l'Hiftoire
la plus curieufe.
29
Mr Dom Jofeph Antonio de Ame
zaga , eft fait Chevalier d'Alcantara
, dans le grand Convent
des Auguftins.
Portrait d'un honnefte homme.
homme ; mais en Vers.
73
77
82
Autre Portrait auffi d'an honnefte
Premier Article de Marine. 89
Premier Article des Morts. 97
Differtation fur la Goutte & fur le
Rhumatifme.
Eloge Funebre de feuë S. A. S.
Monfieur le Prince , prononcé à
153
TABLE.
Bourges , avec un appareil qui
fert à faire voir toutes les vertus
& toutes les grandes qualitez
de ce Prince.
175
Suite de ce qu'on a déja rapporté de
Oraifon Funebre de Me de Va-
232
lençay, Abbeffe des Clairets , 216
Mariages.
Benefices donnez par le Roy dans
la derniere Promotion. 238
Donsfaits par le Roy , tant à Mrde
Barillon qu'à Mrď Albaret, &
à Mr le Chevalier de S.Olon. 253
Eloge de feu Mr de Corneille. 270
Mort d'un homme âgé de cent dixneufans
, avec des particularitez
fingulieres.
Livre intitulé , Differtation fur
les Caracteres de Corneille
& de Racine , contre le fentiment
de la Bruyere ,
Benefice donné par le Roy.
300
305.
307
Article tres-curieux qui régarde ce
TABLE.
qui s'eft paßé à la Seance publique
de la Societe Royale de Montpellier,
qui s'eft faite pendant la
tenuë des Etats de Languedoc . 312
Coutume de Bretagne en deux Vo.
lumes in quarto , Ouvrage tresutile
& tres- curieux
Article des Enigmes,
336
343
Eftampe des Jettons de cette année,
remife au mois prochain . 350
Article qui regarde les Affaires du
temps . Cet Article a esté fait
avant que l'on fçut lafituation
des Affaires prefentes.
Article contenant un grand nombre
de Particularitez de l'arrivée en
France , du Convoy qui a ap-
351
porté des Bleds du Levant, avec
beauconp d'autres, Marchandifes.
376
Conclufion
LYOR
393
L'Air , Fiers Agatlans 300
Le Vin , &c.
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le