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1695, 11
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Eur. 511
m
1695,11
Mercure
<36624560820018
<36624560820018
Bayer. Staatsbibliothek
33
MERCURE
GALANT
DEDIE' A MONSEIGNEUR
LE DAUPHIN.
NOVEMBRE 1695.
A PARIS ,
Chez MICHEL BRUNET , Grand' Salle
du Palais , au Merc ure Galant
N donnera toûjours un Volume
nouveau du Mercure Galant le
premier jour de chaque Mois , & on le
vendra Trente fols relié en Veau &
Vingt- cinq fols en Parchemin.
A PARIS ,
Chez G. DE LUY NE , au Palais , dans
la Salle des Merciers , à la Juftice.
T. GIRARD , au Palais , dans la Grande
Salle , à l'Envie.
Et MICHEL BRUNET, Grand'Salle
du Palais , au Mercure Galant .
M. DC. XCV .
Avec Privilege du Roy,
Bayerische
Statsbibliothek
München
kck; ck: ck: ck:
Ο
AVIS.
Velquesprieres qu'on ait faites
jufqu'à prefent de bien
écrire les noms de Famille employez
dans les Memoires qu'on envoye
pour ce Mercure , on ne laiffe pas
d'y manquer toujours. Cela eft caufe
qu'ily a de temps en temps quelques
uns de ces Memoires dont on ne fe
peut fervir. On reitere la mefme
priere de bien écrire ces noms , en
fortequ'on ne s'y puiffe tromper. On
ne prend aucun argent pour les Memoires
, & l'on employera tous les
bons Ouvrages à leur tour, pourveu
qu'ils ne defobligent perfonne , &
qu'il n'y ait rien de licentieux. On
し
A ij
AVIS.
priefeulement ceux qui les envoient,
& fur tout ceux qui n'écrivent que
pourfaire employer leurs noms dans
l'article des Enigmes , d'affranchir
leurs Lettres de port , s'ils veulent
qu'on faffe ce qu'ils demandent.
Ceft fort peu de chofe pour chaque
particulier , & le tout ensemble eft
beaucoup pour un Libraire.
Le Sieur Bruner qui debite prefentement
le Mercure , a rétabli les
chofes de maniere qu'il est toujours
imprimé au commencement de cha .
que mois . Ilaverit qu'à l'égard des
Envois qui fe font à la Campagne,
ilfera partir les paquets de ceux qui
le chargerent de les envoyer avant
que l'on commence à vendre icy le
Mercure.Comme ces paquets feront
plufieurs jours en chemin , Paris ne
laiffera pas d'avoir le Mercure
:
AVIS.
long- temps avant qu'il foit arrive
dans les Villes éloignées , mais aufi
les Villes ne le recevront pas fi tard
qu'elles faifoient auparavant.Ceux
qui fe lefont envoyer par leurs Amis
fans en charger ledit Brunes , s'ex .
posent à le recevoir toujours fort
tardpar deux raifons. La premiere
parce que ces Amis n'ont pas (oin de
le venir prendrefitoft qu'il eft imprimé,
outre qu'il le fera toujours quel
ques jours avant que l'on en faffe le
debit, & l'autre , que ne l'envoyant
qu'après qu'ils l'ont lu eux quel.
ques autres à qui ils le preftent, ils
rejettent la faute du retardement
fur le Libraire , en difant que la
vente n'en a commencé que fort
avant dans le mois . On évitera ce
retardement par la voye dudit Sieur
Brunet, puis qu'il fe charge defaire
A
iij
AVIS.
lespaquets lay-mefme, & de lesfaire
porterà la Pofte ou auxMeſſagers,
fans nul intereft, tant pour les Particuliers
que pour les Libraires de
Province, qui lay auront donné leur
adreffe.Ilfera la mefme chofe generalement
de tous les Livres nouveaux
qu'on luy demandera , foit
qu'il les debite, ou qu'ils appartiennent
à d'autres Libraires , fans en
prendre pour cela davantage que le
prix fixé par les Libraires qui les
vendront. Quand il fe rencontrera
qu'on demandera ces Livres à lafin
du mois , on les joindra au Mercures
afin de n'en faire qu'un mefme paquet.
Tout cela fera executè avec
une exaltitude dont on aura lieu
defre content
7
MERCVRE
CALANT
NOVEMBRE 1695.
L
ES grandes & merveilleuses
qualitez du
Roy n'éclatent pas.
moins par le tendre amour
que fes Sujets ont pour luy,
que par le grand nombre de
Conqueftes , qui ont mis ſa
A iiij
8 MERCURE
gloire au plus haut degré où
aucun Monarque ait pû jamais
élever la fienne. Ceux
à qui l'étude des belles Lettres
a donné quelque talent
pour écrire , s'ils n'ont pas
l'avantage de le fervir de leur
bras dans fes Armées , employent
leurs Plumes à publier
ce qui fera l'admiration
des Siecles les plus éloignez
du noftre , & tous unanime.
ment forment des voeux pour
la confervation de fa Perfon.
ne facrée , qui eſt la choſe
du monde qui importe le
plus à toute la France . Je
GALANT. 9
୮
vous ay déja fait part de plufieurs
Prieres qui ont efté
faites pour obtenir la continuation
des graces du Ciel
fur ce grand Prince. En voicy
une nouvelle , par laquelle
on demande ce qui eft le
plus felon fon coeur , c'eſt à
dire , la fin d'une Guerre qui
depuis tant d'années trouble
le repos de toute l'Europe.
PRIERE A DIEU,
pour le Roy.
" Eft vous , Seigneur , c'eft
vous qui nous avez donné Co
10 MERCURE
Pour Roy le plus zelé des Mo
narques du monde
Et qui l'ayant à regner deftine,
L'avez doué du don de fageffe
profonde.
Nous
reconnoiffons que par
vous
Contre tant d'Ennemis de fon
bonheur jaloux ,
Tousfes pas ont eftéfuivis de la
Victoire.
Pour comble de faveurs , faites
qu'àfes Sujets ,
Qui par fes grands travaux ont ·
acquis tant de gloire ,
Ilfaſſe enfin goûter les douceurs
de la Paix.
T
GALANT.
Cette Priere eft de M* Lucas
, Avocat au Parlement ,
dont le zele pour le Roy , a
déja paru en d'autres Ou-
#
vrages.
Le 18. du mois paſſé , le
Pere Premon , Preftre de la
Congregation de la Doctrine
Chreftienne , & Profeffeur de
Rhetorique au College de
Lefquile à Touloufe , prononça
un Difcours Latin à l'hon .
neur de Sa Majeſté , fur le
rétabliffement de l'Academie
des Jeux Floraux , & il le
ft avec tant de grace , qu'il
receut un applaudiſſement
MERCURE
general. Il dit d'abord que
les plus grands Rois eftoient
ceux qui avoient le plus aimé
les Lettres , que le Prince que
nous fervons ayant effacé par
fes grandes actions la gloire
de tous les Prédeceffeurs , les
avoit auffi furpaffez en ma
gnificence, ou en attirant les
Sçavans dans fon Royaume ,
ou en récompenfant ceux de
fes Sujets, qui par un fçavoir
extraordinaire s'eftoient rendus
dignes de fes liberalitez.
Il fit voir enfuite les foins que.
ce grand Monarque avoip
pris pour rendre la France
GALANT.
13
recommandable par les Academies
, aprés l'avoir affermie
par la valeur & par les armes.
11 ajoûta que de toutes les
Affemblées des Sçavans , celle
qui meritoit le mieux fa
protection , eftoit celle des
Jeux Floraux. En effet , dit- il ,
une Academie qui depuis prés de
quatre cens ans aprisfa naiffance
dans cette Ville , & qui a donné
del'exercice aux plus grands Rois
des fiecles paffe , qui ont voulu
eux mefmes difputer le prix qu'-
elle diftribue tous les ans,fembloit
meriter par fa nobleffe , & par
fon antiquité , les foms du plus
14 MERCURE
grand Roy de la terre. Il y eut
dans ce Difcours beaucoup
d'érudition & d'éloquence ,
& tous ceux qui l'entendirent
en furent tres - fatisfaits . Si
j'en reçois un Memoire plus
exact , comme on me le fait
efperer , je vous en feray part
le mois prochain.
Je vous envoyay au mois de
Juillet une Lettre intitulée
Réponse à la Lettre de M¹ de la
Broffe , inferée dans le Mercure
du mois de Mars 1694. touchant
la Fiévre maligne . Ce que vous
allez lire eft une Réponse du
même M' de la Broffe à cetre
Lettre.
GALANT. is
MONSIEU
ONSIEUR,
Jaylû la Réponse que vous
m'avez faite au mois de Juillet
dernier , fur la Lettre que
j'ay écrite le mois de May
1694. fur la Fiévre maligne ;
& comme vous y trouvez des
contradictions , j'ay cru y devoirrépliquer,
tant pour vous
faire connoiftre la verité de
ce que j'ay avancé , que pour
vous porter à faire des reflexions
fur la Saignée , dont
vous dites qu'on ne fçauroit
fe paffer pour la guerifon des
16 MERCURE
Fiévres malignes ; & pour
entrer en matiere , je commence
par la premiere des
contradictions que vous alleguez
fur ce que je dis en la
page 13. que l'efprit arſenical
que j'établis pour la caufe
de ces Fiévres , eft acre &
corrofif , ce qui eft opposé ,
felon voftre jugement , à ce
que dans la page 29 je dis
que le fang eft coagulé &
épaiffi par des fels acres &
corrofifs , & vous prétendez
que les fels acres & corrofifs
donnent au contraire la fluidité
au fang , & pour le jufti
GALANT. 17.
fier , vous alleguez les fels
alkalis , qui font des corrofits
cauftiques , & qui rendent
le fang fluide, & que l'Arfenic-
& le Sublimé en font de même
& par conſequent que
l'efprit arfenical ne peut pas
caufer un épaiffiffement ou
une coagulation au fanga
>
>
Si vous aviez donné une
plus grande étendue à voſtre
penſée & parcouru les opèra.
tions Chymiques , vous au
riez trouvé que les efprits
font des effets bien contrai
res à ceux des corps , mais
comme les raiſons ne fuffi
B
C
Novemb. 1695.
18 MERCURE
fent jamais fi elles ne font ap
puyées par l'experience , vous
n'avez qu'à en venir à la preuve,
& pour cet effet tirez l'ef
prit de l'Arfenic par la retorte
y joignant un recipient bien
luté. Dés que l'operation fera
à moitié faite , attachez une
fiffelle au recipient , & mettez
un chien dans la cham .
bre. Faites paffer la fiffelle
par un trou que vous ferez à
la porte , & l'ayant fermée ,
tirez la fiffelle pour caffer le
recipient , & vous verrez que
par la malignité de la vapeur
arfenicale qui s'exhalera dans
GALANT. 19
la chambre , le chien , aprés
plufieurs accidens , crevera
& en faisant l'ouverture de
fon corps , vous trouverez
que ce que j'avance de l'ef.
prit arfenical eft veritable ;
& voila le veritable moyen
de terminer les conteftations
qui fouvent donnent lieu à
gâter du papier & à perdre du
temps fans rien decider ; outre
que fi vous vous aviez fait
reflexion fur la difference
qu'il y a entre les mineraux
& leurs efprits , vous n'en
confondriez pas l'action .
L'effet de l'antimoine en fon
Bij
20 MERCURE
eftat naturel eft bien diffe :
rent de fon efprit & de fes
fleurs ; le fel commun caufe
la foif, & fon efprit l'appaife .
Mais j'admire voftre penfée
quand vous dites à la
page 26. que l'efprit vitriolique
malin & cet efprit arfenical
& cauftique , font la
caufe des fievres malignes ;
je connois trop bien la nature
des vitriols pour comber
dans voftre fentiment.
Vous devez fçavoir qu'il n'y
a point de vitriol fans metal,
ni de metal fans partie arfenicale
, à l'exclufion peut
GALANT: 2.1
eftre de l'or , & ainſi le vitriol
ne contient en luy au
cune malignité que celle
qu'il reçoit de la partie arſenicale
du metal dont il eft
compofé outre que le fel
acide qui ronge en paffant
les veines des mines metalliques,
& qui forme le vitriol,
le fixe &ne peut eftre porté en
l'air comme l'efprit arfenical
qui eft fort volatil, à raifon de
quoy il infecte fouvent ceux
qui travaillent aux mines.
2
•
Il femble
la fuite de
par
voftre difcours que tous les
mouvemens
du corps hu
22 MERCURE
main fe doivent faire par le
moyen des acides & des al Kalis.
Cependant jefuis perfuadé
que l'action des acides & des
alkalis n'eft qu'accidentelle
& que le mouvement qui
fait la vie & toutes les actions
de la vie , partent d'un principe
naturel ; que dans tous
les eftres vivans , il y a un
feul moteur qui doit conferver
fon mouvement felon les
loix qui luy ont efté prefcri
tes par l'Auteur de la Natu
re ; que c'eft luy qui eft l'Ouvrier
de toutes les parties du
corps humain , tant folides
GALANT.
23
que fluides , contenantes que
contenuës ce qu'Hippocra
te a tres bien reconnu quand
il a diviſé le corps humain en
parties contenantes , contenuës
& impetueuſes , entendant
par les impetueufes , les
efprits , fans la connoiffance
defquels il eft impoffible det
guerir aucune maladie , que
par hazard;auffi il n'y a aucun
Medecin qui foit affuré de
guerir la moindre maladie .
En effet , fi on ne connoift
pas ce premier Moteur qui
fait la vie , comment connoiſtre
ce qui fait la maladie
24 MERCURE
& la mort ? Quand ' Dieu a
creé le Ciel & la Terre , ils
ont efté fans mouvement juf
ques à ce qu'il euft creé la
lumiere , de laquelle il s'eft
fervy pour donner le mou-t
vement , & la vie à tous les
Corps , & ainfi il n'y a ni vie,
ni mouvement que par cette
Lumiere , qui eft pleine de
vie ; car dés que cette Lumiere
vient à ceffer , les Corps
periffent. Or il eft conftant
que ce qui donne ce premier
mouvement, le doit toûjours
continuer , n'y ayant rien qui
fe meuve de foy. mefme.
Je
GALANT.
25
Je reviens à votre Lettre,
où vous dites page iz que j'ay.
avancé que tous les Vegetaux
& Animaux enſemble ne
fçauroient rendre l'Air con .
tagieux , & caufer des maladies
contagieufes , & que cependant
j'avance enfuite, que
tous les Corps font compo
fez des mefmes principes , &
par là vous concluez que de
ces principes il peut fortir des
Corps malins , qui portez au
dedans de nous par le moyen
de l'Air que nous refpirons , y
caufent felon les difpofitions
qui s'y trouvent de cruels
Novembre 1695 . C
26 MERCURE
defordres. Je n'ignore pas,
Monfieur , qu'un mauvais air
ne caufe des maladies , & j'ay
trop voyagé pour n'avoir pas
reconnu la varieté des Climats
& leurs effets , & remar,
qué que les lieux , à raiſon des
marécages où ils font fituez,
cauſent beaucoup de mala
dies ; mais ceux qui en font
atteints eftant tranſportez à
des lieux voifins ne les communiquent
pas à d'autres , ce
qui arrive pourtant à ceux
qui font atteints des maladies
contagieufes; & pour appuyer
voſtre ſentiment , vous dites
GALANT. 27
les
*
l'autre s'en
dans le page 14. On ne sçau
roit nier une mutuelle communication
de l'Air avec les Corps ,
& qu'il est bien difficile que l'un
foir infecté ,fans que
reffente , dautant que l'air reçoit
exbalaifons de tous les Corps.
Selon voſtre ſentiment ,
tous les gens d'une Ville
periroient , lors qu'une maladie
Epidimique regneroit, ce
qui eft tellement contraire à
l'experience , que cela ne
merite pas d'eftre refuté ,
l'ayant déja affez expliqué ,
& je n'aime pas à remplir
mes Lettres de chofes inutiles.
i
Cii
28 MERCURE
:
、
Je paffe à ce que vous di
tes que j'ay avancé , que dans
l'Homme mefme il le ' pro
duit des Sels qui caufent des
accidens femblables à ceux
que produifent les vapeurs
malignes de l'Arfenic , mais
qui terminent leur malignité
dans le fujet qui les produit ,
fans fe communiquer à quelqu'autre
; ce que vous trouvez
contraire à ce que je dis
page 35. & 36. que les
elprits font plutoft diffipez
en cette fiévre , & qu'ils font
tant d'effort , qu'ils fubliment
& font fortir cet eſprit maen
la
GALANT. 29
lin & fubtil par la peau avec
quelque peu de la fleur du
fang, & que la malignité net
manque pas de fortir. Avant
que je vous réponde là deflus
, il eft bon que je vous
dife que l'Imprimeur a manqué
, ayant mis , font plûtoft
diftinguez , au lieu de , plûtoft
diffipez ; & vous preten
dez que ce que j'ay dit cydeffus
, que j'avoue que ce
venin eftant pouffé vers la fu
perficie de la peau , & tranf
pirant enfuite, ne peut que
charger l'air , & de là paffer
dans les Corps de ceux qui
Ciij
30 MERCURE
approchent les malades . Ce
qui eft aifé devoir, dites - vous,
dans les groffes Familles , où
ces maladies ont toujours des
fuites .
Pour moy, je ne comprens
pas où vous trouvez de la
contradiction dans ce que
vous venez de ráporter, puifque
les fuites dont vous parlez,
font l'effet de ce mefme
Esprit arfenical , que je dis
eftre la caufe de la fiévre maligne
, ce qui n'arrive pas de
mefme à ceux qui font au.
prés des malades atteints de
fiévres continues , qu'on apGALANT.
31
pelle improprementPutrides ,
& qu'on pretend provenir
des humeurs corrompues
,
dont ils ne reçoivent aucune
contagion , ne fe commu .
niquant pas comme les fiévres
malignes caufées par
Fair infecté d'un efprit arlenical.
Voila , Monſieur , des raifons
plufque fuffifantes pour
juftifier la verité de mon Syfteme
; mais comme j'ay trou
vé quelque chofe dans vôtre
Lettre que je ne puis pas comprendre,
je vous prie de m'en
vouloir éclaircir ſur ce que
C iiij
32 MERCURE
vous dites dans la page 4. que
le fang demeure épaifli par
la perte prefque totale des
principes volatiles , n'y reſtant
pour lors que des corpufcu
les brûlez , & devenus terre .
ftres , fans liaifon & fans or
dre. Faites- moy connoistre ,je
vous prie , par quel feu ces
corpufcules font brûlez, &
davenus terreftres , puifque ce
font des effets d'une violente
calcination , qui ne ſe peut
faire dans un Corps humain
fans le détruire entierement .
Venons maintenant à ce
que vous dites, qu'on ne peut
3
GALANT.
33
pas guerir les Fiévres mali
gnes fans la Saignée ; exami -
nons un peu ce qui doit porter
les Medecins à s'en fervir.
Vous fçavez , Monfieur,
qu'un Medecin ne doit ja
mais ordonner aucun remede
fans qu'il y ait une indication
qui foit neceffaire ,
car autrement , il eft inutile,
s'il ne fait pas du mal. Or il
n'y a que
la trop grande
abondance du fang qui indique
la faignée , donc s'il n'y
a pas abondance de fang , la
faignée ne peut eftre que
préjudiciable
.
34 MERCURE
Je paffe plus avant , & dis
avec raifon que jamais un
homme ne peut avoir trop
de fang ; car la nature ne
peut jamais paffer les bornes
qui luy ont efté prescrites
fans qu'elle erre , parce que
fon Autheur luy en a determiné
une certaine quanti
té pour tenir l'homme dans
le plus baut degré de fanté.
Or dés qu'elle paffe outre,
c'eft contre nature ce qui
eft contre nature eft vitieux,
donc il n'y peut avoir que
trop de fang vitié , & non
pas trop de bon : car la naGALANT
.
35
t
ture ne peut jamais errer
d'elle mefme , puiſque fi elle
erroit d'elle mefme elle feroit
créée imparfaite , ce qui fe
roit accuſer fon Autheur
d'impuiffance. Or comme
cela ne peut eftre , il faut
demeurer d'accord que la na.
ture ne peut pas faire trop
de bon fang pour caufer
quelque maladie. Nous re .
connoiftrons cette verité , ſi
nous faifons reflexion que les
pourceaux qu'on engraiffe ne
font jamais malades par trop
d'abondance de fang , non
plus que les chapons de Bru.
36 MERCURE
ge , & ainfi l'homme ne le
peut eftre non plus , quand
même la fiévre feroit caufée
par l'abondance du fang . Il
eft certain que la diette qu'on
obferve pour l'ordinaire dés
qu'on eft malade , jointe à la
fievre , diminue de beaucoup
le fang , ce qui fe peut
remarquer en ceux qui ont
des cauteres ; car d'abord
qu'ils font atteints de quelque
fièvre , les cauteres ceffent
de fluer. D'ailleurs on
doit fuivre les mouvemens
de la nature . Or elle expulſe
la malignité par les pores ,
GALANT. 37
par confequent les remedes
qui aident cette expulfion
font indiquez , & non pas la
faignée qui détourne la na
ture de fon mouvement
, &
l'interrompt dans fon action ;
& c'est ainsi qu'Hippocrate
l'enfeigne par l'aphoriſme 21.
fect . 1. Qua ducere oportet quo
maxime natura vergit , per loca
convenientiora
eo ducere con.
venit.
Je fçay bien que la pluſpart
des Medecins veulent
que le fang foit corrompu
dans les veines , ce qui eft
une abfurdité , comme j'ay
38 MERCURE
fait voir par mes autres Lettres
; car la diverfité des couleurs
qu'on y remarque, n'eſt
qu'un pur braüllement de
fang , qu'on doit faire ceffer
en oftant la cauſe qui le
broüille , & non pas vuider
le fang broüillé , vû que par
la faignée le bon & le mauvais
fortent également , outre
que le plus fubtil & le
plus lpiritueux fort plus facilement
que le plus grof.
fier. Le vin le trouble au
temps de la fleur de la vigne ,
& fe remet fans y rien faire ,
& même les Marchands de
GALANT.
39
Vin ufent de
précipitans
pour le clarifier , & ne font
pas affez lors d'en jetter une
partie pour le purifier ; &
quand même la faignée ap
porteroit quelque foulage.
ment fur le champ, c'eft tou
jours un méchant remede ,
puis qu'il diminuë infaillible
ment les forces : & nous
voyons ordinairement que
ceux qui ont ufé de faignées
dans leurs maladies
longtemps à fe remettre , &
tombent fouvent dans des
maladieschroniques, d'où les
Medecins ne les fçauroient
font
40 MERCURE
retirer.Pourquoi ſe ſervir d'un
Lemede qui emporte avec luy
une partie de la vie , vû que
l'on peut guerir prompte
ment ,feurement & parfaite
ment les maladies , & prin .
cipalement les fiévres , fans
la faignée. Je fçay bien que
vous me direz , qu'encore
que la faignée ne feimble pas
neceffaire par fa naturelle &
propre indication , qu'en la
plethore , & qu'elle n'empor
te pas proprement les humeurs
vitiées & corrompues
,
toutefois elle décharge les
veines , récrée les forces , ofte
GALANT.
41
une partie de ce qui eft mauvais
dans le bon , qu'elle arrefte
le cours des humeurs ,
& en faifant dérivation & ré,
vulfion ailleurs, elle les attire
7
au dehors , c'eft pourquoy la
nature fe fentant foulagée ,
vient plus ailément & plus
heureufement à bout du refte.
Voilà de belles Sentences
, fi l'experience ne les dé
mentoit pas . N'est - ce pas
bien rafraîchir
à propos , que
d'éteindre la chaleur natu
relle en épuisant les efprits ,
& recréer les forces en oftant
ce qui les fait , & faire une
Nov. 1695. D
42 MERCURE
révulfion du dehors au dedans
, lors que la nature fait
tous les efforts pour pouffer
ce qui l'offenfe , du dedans
au dehors.
Il est conftant que toute
évacuation de fang qui fe
fait naturellement, foulage un
malade , mais toute évacuation
artificielle eft contre nature
, & partant nuiſible. On
n'a jamais vu que les veines
des bras & des jambes fe
foient ouvertes au coude, ni
au maleole , ni à la langue par
le feul effort de la Nature ;
mais on voit tous les jours
GALANT 4 )
1
que les Vaiffeaux de la Matrice
, des Hemorrhoides & des
Narines ,s'ouvrent à tous momens
fans effort , fans aide &
fans artifice . Or ces lieux ont
eſté deſtinez par la Providence
Divine pour le foulagement
des Humains pour évacuer
le Sang , non pas à raifon
de la furabondance , mais
bien parce qu'il peche quel
quefois dans fes qualitez .
Je fçais bien que vous me
direz que c'eft parler contre
l'experience, qui fait voir fouvent
que la faignée apporte
du foulagement. Il eſt vrai
Dij
44 MERCURE
que le malade fent quelquefois
pendant quelque mo
ment un peu de foulagement
par les raifons que j'ay déduites
dans mes autres Lettres
; mais je vous prie de remarquer
cette verité infailli,
ble , que quelque foulagement
qu'un malade trouve
dans l'ouverture de fes veines
, & dans la perte de fon
fang , il eft moindre , de plus
courte durée , & a moins d'ef.
fet , que
l'aide
que
la Nature
feule
luy
donneroit
, fi fans
luy faire
aucune
violence
on
la fecouroit
, en la fortifiant
,
GALANT. 45
& luy procurant le moyen de
vaincre & de domter l'humeur
morbifique , & non pas la détourner
de fon chemin ordinaire,
& l'interrompre de fon
entrepriſe par l'épuiſement
du Sang & des Efprits ; car
tout ce qui affoiblit la Natu
re l'empêche de vaquer à la
coction des humeurs qui l'in
commodent. Voyez ce que
Galien nous dit touchant la
faignée Lib . de Ren . affect.
dign . Una cum fanguine mul
tum è vitali fpiritu excernitur
quo excreto refrigefcit totum coropera
naturalia deterius
pus
46 MERCURE
obeuntur, eapropter naturam prius
refocillare oportet, &c. Nous ne
voyons pas dans les Ecrits
d'Hypocrate, qu'il faſſe mention
de la guériſon des maladies
par la faignée artificielle,
mais bien par la naturelle ,
comme l'on peut voir par l'A
phorifme 60. Section 4. Qui.
bus infebribusaures obfurduerunt,
fanguis ex naribus fluens aut
alvus turbatafolvit morbum. Et
par l'Aphor. 33. Sect´s . Men .
Struis deficientibus fanguis ex na
ribus fluens bonum . Et par l'Aphor.
32. Sect. 5. Mulieri fan.
guinem evomenti menftruis erum -
GALANT
47
.
pentibus folutio. Et dans le
Traité des Fiévres aiguës. Larga
de naribus eruptiones fangui.
nis liberant febri acuta. Et pour
vous faire voir qu'Hipocrate
n'ordonnoit pas facilement la
faignée , & fans beaucoup de
précaution , voyez ce qu '
B
dir
dans le même Livre. In acutis
morbis fanguinem detrahes fivehemens
morbus videatur vigearque
agrotantis atas & virium
adfit robur. Ses Difciples n'y
apportent pas toutes ces circonftances
, ils faignent pour
*
la moindre maladie ,fans avoir
aucun égard aux forces des
48 MERCURE
malades , puis qu'ils faignent
juſques au tombeau , n'exceptant
pas même les Vieillards
, ni les Enfans. Galion
toutefois dans fes Ecrits dé
fend de faigner jamais , les
Vieillards, & les Enfans. Se
cundus fanguinis ,fcopus eftfi arate
vigeat ager, neque enim puer, n
neque fenex fanguinis fuftinent
detractionem , etiamfi morbus quo
ipfi laboraverint magnus fuerit.
Gal. in Hyp. de Vict . rat. in
acut- 1
Laiffons à part toutes ces
autorirez , & avouez les cho
fes de bonne foy, Neft - il
pas
H
GALANT.
49
pas vrai que dans la forma:
tion de noftre Corps la Nature
a la vertu de labourer fi
bien le Sang , que jamais
aprés il ne fçauroit eftre meilleur
, quelque artifice dont
on fe puiffe fervir , la Nature
faifant feule toûjours les premiers
ouvrages mieux que
tous les hommes ne peuvent
faire , par leur induſtrie , &
par leur artifice . Si donc le
Sang eft dans le fuprême degré
de bonté & de pureté
dans les premieres années de
noftre vie , fi nous en oftons
du Corps , nous luy ravirons
Novembre
1695.• E
to MERCURE
une partie de ce premier fang
que la nature feule luy avoit
donné , fans eftre interrompue
par aucun mauvais regi
me de vivre , & un fang qui
fera moins bon , n'eftant pas
fi naturel & fi pur , fuccedé
ra à fa place , & ainfi plus
nous ofterons du fang par les
faignées , & moins il en refte
ra du premier & du naturel ,
& par les frequentes évacuations
dufang,nous en tirerons
tant, qu'il n'en restera preſque
plus du premier , qui feul
avoit efté fait par la nature,
dans le temps qu'elle vaquoit
GALANT.
5 ་
fans interruption à la coction
de cette precieuſe liqueur ,
dont la bonté fait le bonheur
de noftre vie ; mais dans la
fuite du temps la chaleur naturelle
venant à diminuer
( à meſure qu'on luy ravit fes
forces , qui confiftent dans
fon bon fang ) n'est plus en
eftat d'en preparer de ſi bon ,
& par confequent il eft vray
de dire que ceux qui ont perdu
ce premier fang ont moins
de forces naturelles , qui feules
confervent la vie & la
fanté , & qu'ils ne pourront
pas vivre frlong- temps , &
E ij
12 MERCURE
is
en fi bonne fanté que ceux
qui n'ont pas prodigué leur
fang. Auffi voyons nous que
ceux qui ont efté tres-peu
faignez font toûjours forts &
robuftes , au lieu que ceux
a qui on tire frequemment
du fang , ou à qui on en a
beaucoup tiré , ont fi fou .
vent befoin de la faignée à
caufe du grand nombre des
incommoditez aufquelles la
foibleffe de leur nature , caufée
par l'évacuation du fang
eft fujette , que fans elle
ils croiroient ne pouvoir
vivre , & nn peu de fouGALANT
.
53
lagement qu'ils trouvent .
pour quelques momens , les
aveugle tellement , qu'ils ne
cherchent jamais ailleurs
d'autre fecours. Funeftum
fane auxilium quod juvando nocet
,fanando enecar. Il eft conftant
que ceux qui ont accouftamé
d'eftre faignez reffentent
moins l'incommodité
de l'evacuation du ſang,
que ceux qui fe fervent rarement
de la faignée , ce qui
femble avoir quelque rapport
avec ce qu'Hipocrate
dit en l'Aphor. so . Sect. 2.
Qua longo
ةر
hore con/
funt,
E iij
54 MERCURE
etfi deteriora funt , infuetis tamen
minus molefta effe folent. Eo
comme les malades ne font
pas accouſtumez à la faignée ,
les uns comme les autres
ce qu'on devroit du moins
obferver , ) & qu'ils n'ont pas
les mefmes forces pour fou
tenir la violence de la fai.
gnée , & pour reparer l'evacuation
des efprits qui fe fait
par l'evacuation du fang ,
on ne devroit pas faigner
également tous les malades
comme l'on fait . D'ailleurs
les cauſes des maladies ne
font pas toûjours femblables
GALANT.
55
& n'ont pas également le
fiege , & leur origine dans
la maffe du lang, mais tres - rarement
, puifque l'on remar
que journellement qu'on ti ,
rera dix à douze fois du fang
à un malade , auffi beau &
auffi vermeil , que s'il n'avoit
jamais eu de fievre ny autre
maladie,fans neanmoins que
la maladie ceffe ny diminue
aucunement , allant au contraire
en augmentant à mefure
qu'on épuife le fang ,
ce qui devroit faire connoître
à ces ennemis du fang
humain le mauvais effet de
(
E iiij
56 MERCURE
2
leurs faignées , & les porter
la recherche des remedes
propres & convenables à
emporter & detruire la caufe
des maladies qui ont leur
fiege dans le mefentere , le
panereas , ou bien dans quelqu'autre
partie du ventre inferieur
, d'où fouvent elle
regorge , & fe répand par
les veines dans tous les corps ,
à mesure que l'on faigne , le
bon fortant par l'ouverture
des vaiffeaux , dans la place
duquel il s'en gliffe dans les
veines de plus mauvais ; car
il est tres- certain que le fang
GALANT.
$ 7
quile produit journellement
pendant les maladies, ne peut .
eftre que vitié , à cauſe que
dans cet eftat la nature eftant
affoiblie , ne fçauroit venir à
bout d'une parfaite coction
des humeurs, lefquelles fe diftribuant
par tout le corps
l'alterent , l'infectent , & luy
caufent la fiévre continuë, &
plufieurs autres maladies , &
fouvent la mort. Il y a des
Medecins qui font tirer jufques
à la derniere goutte de
fang, croyant qu'il eft corrompu
lors qu'il n'eft pas
d'une couleur rouge
cocom58
MERCURE
me fi l'on ne voyoit pasjour
nellement que de dix per-
•fonnes que l'on faignera , fe
portant bien , elles auront la
couleur du fang inégale ; mais
rien n'eft capable de les faire
changer de metode . Ils ne
peuvent comprendre qu'il y
ait autre chofe que la faignée
qui puiffe purifier le fang ,
quoy qu'ils voyent que la plus
parfaite guerilon eft celle qui
fe fait par une bonne crife ;
& celuy qui guerit par cette
voye n'ayant fouffert aucune
effufion de fang , elt bientoſt
remis de fa maladie , &
GALANT. 59
dans huit ou dix jours , il ne
paroift pas qu'il ait eſté malade
, tant il eft vray que le
fang eft auffi-bien l'entretien
des forces que de la vie , &
que nous ne sçaurions vivre
& eftre robuftes fans fa jufte
& deuë quantité , & les bon,
nes qualitez; & c'eſt pour cela
que l'on remarque tous les
joursque tousceux qui fe font
fouvent ouvrir la veine , par
habitude ou par précaution ,
ou qui ont perdu beaucoup
de fang dans une maladie , ne
font point du tout forts, mais
infirmes & tres- delicats ,
+
&
60 MERCURE
•
ont l'eftomach fi foible & fi
debile ; qu'ils font fujets aux
moindres incommoditez , ne
pouvant fouffrir aucune attaque
, & fuccombant à la
moindre maladie ; mais ceux
qui n'ont jamais efté faignez,
ou qui ont perdu peu de leur
fang, font robuftes , & le mo .
quent des maladies. Ils boivent
& mangent à toute heure,
en tout temps , de toutes
chofes indifferemment & fans
précaution , fans qu'ils fouffrent
aucune incommodité.
Si nous faifions reflexion
fur les moyens dont la naGALANT.
61
ture fe fert pour emporter
les fievres intermittentes
nous ne la detournerions pas
dans les fievres continues ,
lors qu'elle fe fert des mefmes
voyes pour deftruire la cauie
morbifique. Pour l'ordinaire
tous les accez de fievre fe
terminent par la fueur , laquelle
fe peut qualifier crife
imparfaite lors que la fievre
reprend fon periode , & parfaite
fi l'accez ne revient
plus . Or comme toute crife
eft un combat de la nature
avec la caufe de la maladie ,
il eft vray de dire que la na62
MERCURE
ture qui tend toûjours à fa
fin , qui eft de cuire & atte .
nuer les humeurs , & reduire
les matieres excrementeuſes
en eftat d'eftre expulfées )
trouvant de la reſiſtance &
de l'oppofition en la caufe
morbifique , il le fait pour
lors un combat qui n'eſt
qu'un effort de la nature ,
laquelle n'ayant pu vaincre
entierement , ne laiffe pas
d'évacuer par la fueur ce
dont elle eft venue à bout ,
de forte qu'aprés diverfes
repriſes elle détruit enfin la
caufe de la fievre . Pour la
A
GALANT.
63
fievre tierce, elle eft obligée
de donner quelquefois julques
à fepr combats , c'eſt à
dire qu'au feptiéme accez
elle remporté la victoire ,
d'autres fois pluſtoſt ſelon la
qualité de la matiere fur la
quelle elle agit , de forte que
la fievre continuë ne differe
l'intermittente , que du
plus au moins , la matiere
qui caufe la continuë eftant
plus tenace , plus rebelle , &
plus difficile à eftre dom
ptée , & par confequent le
combat en eft plus long , &
de
comme la nature ne le re64
MERCURE
bute jamais , elle redouble
fes efforts de temps en temps,
& c'est ce que nous appellons
exacerbations ou reprifes
, de forte que fi on n'épuifoit
pas les forces de la na
ture par les frequentes faignées
, elle viendroit à bout
de fon entrepriſe , & termineroit
les fievres continuës
comme les aurres par une
crife ; mais comme on l'affoiblit
par l'effuſion du ſang
& des efprits , on luy ofte le
moyen de livrer un rude &
vigoureux combat par lequel
elle pourroit fe delivrer cout
GALANT .
65.
à coup , au lieu qu'eftant
affoiblie par ces
évacuations
elle
fuccombe
entierement ,
fi par fa bonté, malgré la contrarieté
de la
faignée elle ne
detruit
l'humeur
morbifique
ce qui arrive
quelquefois ,
mais fi
lentement que le malade
ne
faisant que trainer ,
tombe fouvent dans des maladies
chroniques , &plus dangereules
que la
premiere.
Hipocrate qui a eſté un
grand
obfervateur fur les accidens
qui arrivent dans les
maladies , a
divinement écrit
fur les crifes .
Cépandant ceux
Nov. 1695. F
66 MERCURE
qui fe difent fes Sectateurs
ne fuivent rien moins que fes
écrits , & font de veritables
anthipocratiftes , & cela eft
fi vray que lors qu'Hypocrate
leur recommande par
l'Aphor . 20. Sect . 1. de ne
pas detourner la nature , &
de ne rien remuer dans les
jours critiques. Quæ judicantur
& judicata funt integre neque
movere neque novare ali
quid five indicamentis five aliter
irritando ; fed finere. C'eſt
pour lors qu'ils troublent &
accablent plus la nature .
Il eft conftant Monfieur
GALANT 67
que la nature a des regles ,
& des periodes qu'elle garde
dans certains jours nommez
critiques quand elle n'est
pas troublée dans fes operations
, lefquelles elle ne sçauroit
obſerver fi on l'interrompt
dans fes deffeins , & fi
on la detourne dans fon entrepriſe
? Comment veut on
qu'elle faſſe une criſe uni,
verfelle & parfaite qui mette
fin à la maladie,fi lors qu'elle
combat contre la violence du
mal, & qu'elle rapelle au cen
tre du corps fa chaleur natu
relle & toutes fes forces pour
Fij
68 MERCURE
le dompter , on les diffipe par
l'effufion du ſang; & ce qui eft
digne de compaffion , c'eft de
voir que les plus grands Do-
&teurs en faignées s'étonnent
& donnent de la frayeur aux
Parens du Malade , quand ils
le trouvent plus inquiet , &
dans une plus grande agitation
, en un jour critique que
dans les autres jours, & comwécent
àdire qu'ils fe défient
des forces du malade . Cependant
pour diffiper ces accidens
, ils ont recours à la faignée
pour diminuer les forces
dont ils fe défient , & par
GALANT 69
cette pernicieufe faignée , ils
feduifent la nature à luccomber
dans un combat dont elle
feroit fortie victorieuſe , fi
on ne luyavoit pas ofté les forces
, & fi on l'avoit laiffée agir
fans la troubler & l'accabler ,
fçachant mieux que le plus
expert Medecin ce qu'elle
doit faire pour guerir les maladies.
Je ne doute nullement ,.
Monfieur , que vous n'employicz
la faignée avec beau
coup de moderation & de
précaution, & je vous prie d'etre
perfuadé que je n'ay rien
70 MERCURE
écrit fur ce chapitre qui vous
regarde. Que fi mes fentimens
ne font pas conformes
aux voftres , cela ne diminuera
pas l'eftime que j'ay conceue
pour vous , & fuis .
Voicy un Sonnet que vous
ne
ferez pas fachée de voir.
Il a efté fait fur les derniers
Bouts rimez qui vous font 2
connus.
GALANT. je
A MONSIEUR LE DUC
DE VENDOS ME.
P
SONNET.
Rince , dont le grand coeur .
l'honneur feulpour guide ,
Tu fais voir à ton Roy preflé de
tant de
parts ,
Qu'un bras comme le tien pent
Janverfes
Et faire que pour luy la Victoire
คง
rempars,
decide .
L'Espagnol a montré par fa
fuite
rapide
•Qu'il te redoute plus qu'il ne fit
les
Cefars.
72 MERCURE
Tu (çais te foutenir dans les plus
grands
En fage General
halars,
en Soldas
intrepide
.
2คง
On peut fans craindre rien te
donner tons
Te laiffer commander fans te faire
des
emplois ,
loix ,
tempeftes ,
Dans peu tu nous mettras à couvert
des
S
Et malgré les efforts de cent ia.
loux
LOUIS toujours
divers ,
Vainqueur
conqueftes ,
Par ta tefte & ton coeur maikrigardera
fes
fant l'
Univers.
Vous
GALANT. 73.
Vous avez fceu , Madame,
que Meffire Louis - Antoine
de Noailles , Evêque & Com
te de Châlons , Pair de France
, ayanteſté nommé par le
Roy Archevêque de Paris ,
ce choix a efté fi agreable à
Sa Sainteté, qu'Elle luy a accordé
fes Bulles gratis . C'eſt
fur ce Gratis que M. l'Abbé
de Saint-Huffant a fait le Madrigal
que vous allez lire.
L
E Pape en bon Pafteur difcernant
fes Ouailles ,
plaçant avec choix fes bienfaits
differens
Nov. 1695.
>
G
74 MERCURE
Vient d'accorder gratis les Bulles
à Noailles ,
Qui conteroient , dit-on , foixante
mille francs,
Quelque Iudas dira : Ce Pape enft
pu mieux faire.
Mais non luy qui cherit les Panvres
comme un Pere,
Sçait qu'ils ne perdront rien à ce
fage Gratis,
Pour eux toujours la femme eft
également bonne.
Qu'importe que ce foit le Pape qui
la donne , D
Ou l'Archevêque de Paris ?
Ces autres Vers font de
M' de Bofquillon , l'un des
Academiciens de l'Academie
Royale de Soiffons , en faveur
de cet illuftre Prelat.
"
4
GALANT. 75
INSCRIPTION.
Pour le Portrait de Mr de
Noailles ,
Archevêque
de Paris .
A
Vec de tendres foins fauver
Les malheureux
Des traits empoisonnez de l'affreufe
indigences
Eftre l'ail de l'Aveugle , & le pied
du Boiteux ,
D'un pofte merite redouter l'éminence.
Par ces rares vertus le Prelat que
tu vois,,
Compte dans fon Troupeau le plus
Chreftien des Rois.
G - ij
76 MERCURE
Une converfation formée
fur la grande difpute des Anciens
& des Modernes qui
partage les Sçavans depuis
quelques années , a fait naitre
les Vers qui fuivent .
Mademoiſelle l'Heritier que
je vous ay mandé avoir rem
porté le prix la derniere fois
par le jugement des Lanter
niftes de Toulouſe , foutint
dans une Compagnie diſtinguée
, qu'ainsi que le Roy a
furpaffé Cezar & Alexandre ,
de mefme Corneille avoit
efté au deffus de Sophocle ,
& d'Euripide , Moliere au
GALANT. 9
deffus d'Ariftophane & de
Terence , les le Brun & les
Mignards au deffus d'Appelles
, & les Girardons & les le
Hongre au deffus de Praxitelle
& de Phidias . Cette Del
moiſelle prouva fes fentimens
par de vives raiſons ,
& en pourfuivant la converfation
elle avança que l'action
de Mademoiſelle
Charffe eft beaucoup plus
belle que celle de Clelie.
Plufieurs perfonnes de la
Compagnie ferendirent aux
raifons de Mademoiſelle
l'Heritier , & le lendemain
de la
G iij
78 MERCURE
de cette converſation , ayant
l'idée remplie de cette difpute
, elle envoya ces Vers
à Mademoiſelle d'Alerac
Soeur cadette de Mademoifelle
de la Charffe. Madame
la Marquiſe de la Charffe &
Meſdemoiſelles fes filles 3
qui font toutes trois des per.
fonnes des plus éclairées ,
applaudirent cette Piece avec
éclat , & la montrerent à une
Princeffe d'un gouft delicat,
qui l'honora d'un éloge fort
glorieux. Vous en allezjuger
par vous- meſme.
GALANT. 79
A MADEMOISELLE
A D'ALER AC .
Α
Imable d'Alerac , la docte
Antiquité Antiquité
N'a pas toujours fuivi l'exalte
verité..
Cent & cent fois Rome & la
Grece
Avecque toute leur fageffe,
Ont fait en file triomphant
D'un moucheron an Elephant.
Les noms deHeros, d' Heroines,
De Grands , de Divins , de Divines
,
·Dans ces temps reculezfe donnoient
aisément.
S'il falloit le provver par cent divers
exemples ,
GINI
80 MERCURE
I'en ferois des liftes bien am
ples,
Mais den citons qu'un feulement.
Clelie a fceu fe faire une immortelle
gloire ...
Se retirant d'un Camp qui lay fem
bloit fatal ,
Et paffant le Tibre à cheval.
Cet exploit n'eftoit point fi digne
de memoire ,
Et dans ce fiecle beureux nous
6257
voyons parmy nous
Des Heroines, dont les coups,
Avec plus de juftice orneront noftre
Hiftoire.
Une fage Amazone entreprit des
deffeins,
Qui fur le bord de la Durance,
Ayant fait eclater fon grand coeur,
fa prudence ,
GALANT. 81
Da Piemontois trop remply d'arrogance
,
Rendirent les projets inutiles &
vains.
Ces faits que l'avenir à peine poarra
croire ,
Marqueront des François les glorieux
defins .
Louis dans leur party met fi bien
la victoire ,
Que les Lauriers de Mars chargent
de belles mains .
On fait donc, n'en déplaife à l'an
tique Italie ,
Que la Charfe en nos jours a furpaffe
Clelie ,
De mefme que fon Roy , le plus
grand des Humains
Surpalleles Heros des Grecs & des
Romains.
82 MERCURE
Et vous , Mufe toute charmante,
Qui nous chantez avec tant de
douceurs ,
Lesfeux & les tendres langueurs
Du Dien dont j'ay toujours brave
la main puiffanie ,
Voyant les graces de vos Vers,
Quels noms & quels titres divers
Vous auroit pu donner la Grece?
En eft il d'affez beaux pour voftre
politeffe ?
Erinne n'a jamais pensè fi finement,
Et jamais n'a tourné fi delicatement
Ses Ecrits, dont Lesbos vanta tant
La justele.
Faifons donc redire à l'Echo
D'Alerać paffe autant
Que Scudery paffe Saphe,
Et Deshoullieres , Corinne.
inne
GALANT: 83
Ces autres Vers furent ajoûtez
impromptu par Mademoiſelle l'He
ritier , en prefence de Mademoifelle
de la Charffe.
La Charffe , d'Alerac , charmant
couple de Soeurs ,
Dont le merite & le courage.
Sont les ornemens de noftre âge,
Que mon Sexe vous doit d'honneurs
!
Vous prouvez à fon avantage
Qu'ainfi que le fçavoir, l'esprit &
la beauté
L'heroïque intrepidité
Entre fouvent dans fon partage ,
Et luy fait ane route à l'Immortalité.
ន
Je ne dis rien de voftre Mere ,
De fon efprit , de fa veriu ;
4 MERCURE
Un mérite fi pes vulgaire
N'eft pas un fajet d'impromptu.
Vous devez vous fouvenir
que dans une de mes Lettres ,
je vous ay fait le détail de
l'action heroïque de Mademoiſelle
de la Charffe , qui
dans le Dauphiné , s'oppofa
avec une intrepidité furprenante
>
au paffage d'une
Troupe de Piémontois , dont
elle renverfa les deffeins par
fon
courage
.
Voicy une réponſe aux
Vers de Mademoiſelle l'Heritier
, par Mademoiſelle d'Alerac.
GALANT.
85
A
MADEMOISELLE
L'HERITIER.
13
MADRIGAL.
heritiere des neuf Soeurs,
Igne
Tu fais valoir mon nom par
tes Vers enchanteurs.
Quand je ne te devois nulle reconnoiffance
,
Ma Mufe vouloit te chanter ,
Mais je ne trouvois rien qui puft
mé contenter ,
Et te bien exprimer tout ce que mon
coeur penſe.
Je veux finir ce timide filence ;
Car enfin , qui peut fe vanter
De dire en ta faveur tout ce que
l'on doit dire ?
86 MERCURE
Nul ne peut parler dignement
De ton efprit plein d'agrément ;
L'on te voit triompher dès qu'on se
voit écrire
Et triompher modeftement.
Je vous ay déja parlé dans
une autre lettre du merite de
Mademoiſelle l'Heritier , &
fi l'on pouvoit douter dans
voſtre Province
, de ce que
j'ay dit à fon avantage
, vous
n'auriez qu'à y faire voir le
Recueil de fes Ouvrages
qu'elle vient de donner au
Public , fous le titre de Oeuvres
meflées , pour faire connoiftre
qu'elle excelle veriGALANT.
87
tablement parmy celles de
voftre Sexe qu'un rare genie
diftingue. Ce Recueil que
debite le fieur Jean Guignard ,
Libraire au Palais , contient
diverfes Nouvelles , écrites
d'un ftile aife , & dont la lecture
eſt tres- agréable. Elles
font fuivies de plufieurs pieces
en Vers & en Profe ,
l'on trouvé à la fin le Triomphe
de Madame des Houlie-
Y a - t- il quelqu'un qui
puiffe ne prendre pas intereft
à la gloire d'une perfonne fi
illuftre , & dont le nom ne
mourra jamais ,
88 MERCURE
Le mefme Libraire debite
un autre Livre intitulé , La
connoiẞance du Monde. Il eft
d'un homme de Qualité , qui
qui ayant voyagé pendant 32 .
années , a pris foin de remar
quer les differens caracteres
desNations qu'il apratiquées.
Il ne pouvoit nous en donner
une idée plusjufte, qu'en nous
faifant part de diverſes avantures
qui le font paffées dans
les Cours où il a effé , & dont
il a eu de tres- fidelles Memoires.
C'eft dequoy fon livre
eft compofé , & ce qui le
rend fort curieux.
GALANT. 89
Je vous envoyay le mois
paffé la defcription de deux
nouvelles découvertes faites
par M'de Lucas, Confeiller au
Parlement de Toulouſe
, pour
fervir à la Navigation
. Voicy
une Addition qu'il y a faite.
pour remedier à un inconve
nient , dont on luy a fait l'objection
.
Depuis que j'ay fait imprimer
cet Ecrit à Toulouse , on m'a
mandé de Monaco qu'un Capitaine
de Vaiffeau avoit fait fur
mon Eolimetre une objection que
je mets icy, & qui me paroift
tres jufte. C'eft que mon Eolime
Novembre
1695. H
90 MERCURE
trefitué de la maniere que je l'ay
dit auparavant , ne pourroit produire
entierement l'effer qu'on en
doit attendre , à cause de l'agita.
tion du Vaiſſeau , dont l'Eolime .
tre fuivroit infailliblement les
mouvemens . Jecroy avoir remedié
à cet inconvenient , par une
machine dont on voit icy la figure
, & qui fera tenir toujours
le maft de l'Eolimetre dans fa
ligne perpendiculaire. Cette machine
defigne par la Lettre à un
pivot de bois de trois pieds de
hauteur , armé par le bas d'une
douille de fer B. refenduë en croix
cccc. avecfes vis DDDD,
..
91
N
ette
ир-
orte
sit
,
ibre
nt
ux
en
jucs
une
on
;en
.
les
,
3.G.
bas
£
.E ,
me-
N
90
tre
dit
dui
doi
tio
tre
mo
dit
Mi
gu
le
lig
ch
pi
b
C
GALANT. 91
qui ferviront pour attacher cette
machine fur la chambre de Poup .
pe,ou elle
où elle dois eftreplacée ; enforte
que le pivotfoit toujours droit ,
quoy que le couvert de la chambre
de Pouppe aille en panchant ,
commeil eft reprefenté par les deux
lignes N N N N. Ce pivot eſt en.
core armé de fer depuis м juſques
à fa pointe. Il doit porter
chapelle de Bronze ou de Letton
KH . du bord de laquelle defcen.
dront quatre lames de fer égales,
en pareille distance G GGG .
lefquellespar leurs bouts d'en bas
tiendront à un cercle de for EE,
de deux pieds & demi de diame
une
Hij
92 MERCURE
tre , avec quatre boules de fer de
mefme poids , attachées aux endroits
du cercle où les quatre lames
répondent FFFF. & fur la
chapelle, quifera affez épaiſſe &
place par deffus 1 , on foudera une
petite croix de fer , qui tiendra
par deffous , & par quatre vis ,
LLLL la Planche de l'Eolimetre
, marquée dans l'Eftampeprécedente
Y Y Y
ra, pour eftre plus commodement
appliquée fur cette croix ,
ce moyen les les
quatre
qu'on arrondipar
boules de fer
tenant le cercle dans fa fituation
orifontale , feront auffique le maft
de l'Eolimetreconfervera toujours
GALANT.
93
fa ligne perpendiculaire.
C
Je vous envoye la Réponſe
du fecond Cartefien , à la
Réplique du Peripateticien.
Vous devez vous fouvenir
de ce dernier Ouvrage que
Vous avez vû dans l'une de
mes dernieres Lettres .
MONSIEUR,
Je reconnois par voftre
derniere Lettre , inferée dans
le Mercure du mois de Juillet
dernier , l'effet qu'a fait
fur vous la maxime de Gra-
I
94 MERCURE
tian , qu'une moitié en mon.
tre & l'autre en reſerve vaut
mieux qu'un Tout declaré,
car l'Auteur de la premiere
Réponſe qui a eſté faite à
voftre objection , contre l'opinion
de M' des Cartes touchant
les fenfations , s'eftant
contenté d'y répondre en
peu de paroles , d'une maniere
vive & tres - folide ; mais
Vous ayant marqué qu'îl auroit
plufieurs belles chofes à
vous dire à l'occafion des
difficultez que vous pourriez
luy propofer , voftre curio .
fité excitée par cette cfpeGALANT.
95
rance vous a porté à le provoquer
au combat , par l'explication
de vos difficultez.
Mais pour moy , comme
je n'avois rien refervé à vous
dire , vous vous retirez honneftement
à mon égard , en
me payant d'éloges que je
voudrois meriter & choififfant
l'Ennemi qui vous paroift
le plus digne de voſtre
courage , vous avez crû que
c'eftoit affez pour me mettre
hors de combat , de le ranger
de voſtre parti , contre la
route particuliere que vous
m'acculez d'avoir fuivie , &
:
96 MERCURE
qu'ayant prefentement , au
fieu de vous , deux Ennemis
tout à la fois fur les bras ,,je
n'aurois pas la témerité de
demeurer feulemen en défenſe
.
Quelque chofe neanmoins
que vous puiffiez dire , je ne
puis regarder comme Ennemi
un fi hablle Difciple de-
Mr Descartes , noftre commun
Maiftre ; & j'ofe me
flater , qu'après avoir lû mon
Ecrit , il ne me regarde pas
comme tel, pour avoir ſeulement
douté d'une propofition
, qu'il n'avoit pas efté
neceffaire
GALANT. 97
neceffaire de combatre pour
foutenir noftre opinion commune
contre vostre objection
, qu'il a eu en vûë d'attaquer
par d'autres endroits.
Mais pour moy , Monfieur ,
ayant bien connu d'abord
l'habileté de l'Adverfaire
que j'avois en voftre perlonne
, j'ay crû ne devoir rien
negliger , & me fuis appuyé
de toutes les Propofitions qui
m'ont paru avantageufes à
ma deffenſe , leſquelles fe reduifent
à cette alternative .
Ou Jefus Chrift ne jouïf
foit pas encore actuellement
Novemb. 1695. I
→
98 MERCURE
de la Beatitude avant la mort,
fuivant qu'il paroift par fon
témoignage mefme dans les
Paffages de l'Evangile que
j'ay rapportez ou s'il en
jouilloir , ce n'eftoit pas continuellement
& fans inter-
´ruption , au moins dans le
temps de fes fouffrances' ;
auquel cas il faut qu'il y ait
eu cependant en luy une fuf
penfion de la felicité , par une
* fuite neceflaire du Decrer de
Dieu de fauver les hommes
par les fouffrances d'un homme
- Dieu .
Vous avez , Monfieur, fait
a
GALANT. 99
comme un partage de ces
deux Propofitions entre vos
deux Adverfaires ; & me
donnant la premiere à four
tenir comme eftant de mon
crû , vous avez laiffé l'au
tre à celuy qui l'a mife le premier
en lumiere , comme par
droit de prévention . J'admire
en cela voftre courage , de
nous avoir donné ce moyen
de nous fortifier davantage
contre vous , par une application
plus forte en réduifans
la matiere . Vous eftes bien
éloigné de nous dire d'un ton
timide , Neque Hercules qui-
I ij
100 MERCURE
dem contra duos; mais la Devife
& le fort du Roy vous plaiſent
davantage , Nec pluribus impar,
en quoy vous avez beaucoup
de raifon . Je vais tâcher de
rempilrmon devoir en défen
dant ma Propofition ; mais
je vous prie de ne pas trouver
mauvais que je ne vous quit
te point fans dire auffi quel
que chofe de l'autre qui fai
foit partie de ma deffenſe .
La carriere eft trop belle pour
l'abandonnerfitoft , mais ne
comptez pour
la
vraye
vraye
def.
fenfe , à cet égard , que celle
qui vous viendra de la parc
GALANT. or
de vceluy que vous en avez
chargé par voſtre choix . > l
Vous me feriez peur d'a
bordy je vous l'avoue , & à
ma Propofition , par laquelle
je vous ay dit qu'il n'eft pas
certain que Jelus - Chrift air
jouy actuellement de la Beatitude
pendant fa vie voyagere
, lors que vous me dites
qu'elle est contraire à la Tra
dition , fondée fur le fentiment
unanime des Peres
maisaje vous répons avec M
Defcartes , comme il s'en eft
expliqué fur un autre point de
Theologie , dont on vouloit
I jij
102 MERCURE
fe fervir pour combattre fes
Principes , qu'il faut faire
grande difference des Points
de Foy decidez par l'Eglife ,
de fimples opinions de Theologiens
, établies feulement
fur les fondemens d'une Phyfique
mal- affurée . Et vous
me raffurez vous mefme ,
Monſieur , par la bonne foy
que vous avez de convenir ,
qu'il n'eft pas de foy explicite , &
que tout le monde ne doit pas fçavoir
de neceffite de Salut , que
l'Ame de Fefus - Chrift ait efté
heureuſe pendant qu'il a converſé
avec les hommes...
"
·
Mais vous avez , dites - vous ,
GALANT. 103
de la peine à croire que cela
ne foir pas de foy implicite ;
cependant , pole vous dire
qu'il n'y a que ce que
Vous appellez de foy expli
cite ; c'est à dire , comme je
l'entens , les faits revelez de
Dieu dans l'Ecriture Sainte
ou ceux que l'Eglife propofe
aux Fidelles , fur le fondement
d'une Tradition conftante ,
qui meritent une defference
entiere ; car ce que vous ap
pellez foy implicite ne tegar
dant , commejelecomptens,
que des faits non revelez , on
n'en peut avoir, àparler juſte,
I iiij
104 MERCURE
que des opinions & de fim
ples conjectures , aufquelles
il n'eft pas permis de vouloir
durement affujettir les autres ,
fuivant la penfée de Saint
Auguftin , qui marquant fon
fentiment fur les endroits difficiles
de l'Ecriture Sainte , fe
loumet toujours aux lumieres
des autres ; car fi l'obſcurité
dont il a plu à Dieu d'envelopper
certains faits , peur
fervir de matiere à noftre étude
& à noftre meditation
, il
eft dangereux
& trop hardy
d'avancer fur cela les opinions
d'une maniere trop afGALANT
JOS
firmative , puifque fi l'on n'a
pas le bonheur de bien rent
contrer , l'on rifque par là de
combattre contre la verité
mefme & de faire rendre à
Betreur un honneur qui n'eft
dû qu'à elle , ainfi le doute
dans nos Propofitions fur cela
& l'aveu fincere de noftre
ignorance , me paroift le par
ty te plus feur & le plus convenable
aux bornes étroires
de l'efprit humain , & le plus
refpectueux envers Dieu .
1.
yhill eft vray , comme vous
le dites , que quand une opi
nion eft fondée fur le fenti106
MERCURE
ment unanime des Peres &
des Docteurs , un particulier
auroit mauvaife grace de l'at
taquer : mais, Monfieur, vous
n'avez cité aucun Paffage des
Peres , ny d'aucun Docteur
qui decide noftre queſtion ,
fuivant voftre penfée , car ce
direvulgaire, que Jelus- Chrift
eftoit tout enfemble , Viator:
& comprehenfor , ne détruit
point ma propofition , eftant
Viator comme Homme , &
Comprehenfor, feulement comme
Dieu , mais j'ay peine à
croire qu'il y en ait qui difent,
fuivant les termes de ma preGALANT.
107
miere Lettre , que dés le moment
de l'union hypoftatique,
duVerbe divin avec la nature,
humaine, fa Divinité ait communiqué
à ſon ame tous les
avantages de la Gloire éternelle
& de la vifion Beatifi
que dans une plenitude entiere
, continuellement
& fans
interruption , dans tous les
momens de la vie . Vous vous
eftes contenté de citer quelques
Paffages de l'Ecriture ;
mais qui n'ont rien de contraire
à ce que jay avancé.
Le premier tiré d'un Pleau .
me , Beatus quem élegisti c
108 MERCURE
affumpfifti, quand il ne s'en
tendroit pas generalement de
tous les Juftes à qui Dieu a
promis la Beatitude , & qu'il
faudroit les reftraindre à J
C. il eft clair que ce mot.
Beatus s'entend d'une beati
tude en efperance , le ftile
des Prophetes eftant de fe reprefenter
l'avenir comme prefent
, pour nous mieux marquer
la certitude & l'invariabilité
des Decrets éternels .
Mêmes , quand on voudroin
appliquer ce mot de Beatus
précisément au temps de la
vie voyagere de J.C. ce qu'on
GALANT 109
nepeut dire d'aucun homme
purement homme , fuivans
l'endroit du Poëte.
Jesp Dicique beatus
Ante obitum nemo fupremaque
1300 funera debet.
fant à cauſe du peu de valeur
que de l'inftabilité des biens
dans lesquels les hommes
font ordinairement confifter
leur bonheur , il eft certain
à l'égard de J. C. qu'eftant
venu pour racheter les hommes
de leurs pechez , il devoit
eftre impeccable , & devant
leur meriter le falur , il
devoit en eftre affuré pour
110 MERCURE
luy-même , comme j'ay déja
dit ; mais ce n'eft pas une
confequence neceffaire qu'il
en duft eftre d'abord dans
une poffeffion actuelle , plei
ne & invariable , comme il
l'a efté après la mort & le
triomphe de fa Refurrec
tion.d
Le mot de Beatus peut fort
bien convenir à ces deux
eftats , quoy que j'y mette de
la difference , car peut- on
dire que l'estat d'un homme
formé d'une maniere fi pure
& fi differente de tous les autres
, choift feul entre tous
น
GALANT. I
4
pour les delivrer de l'esclavage
du Demon par fes fouf.
frances , & pour eftre uni &
affocié à la Divinité , ne foit
pas un eftat heureux , dans le
temps même de fes fouffrances
, qui font le principe de
fon bonheur propre , & de
3 celuy de tous les autres , Bea
tus quem elegisti & affumpfifti.
Et c'est presque dans le même
fens que J. C. dit luymême
dans les Beatitudes :
Beati qui lugent , Beati qui per
fecutionem patiuntur propter juf
titiam , ipforum enim eft regnum
cælorum ; quoy que le temps
113 MERCURE
de leur bonheur ne foit pas
encore arrivé , & qu'ils ne
poffedent pas encore actuel
lement ce Royaume , ce qui
s'entend feulemedt de la fimple
promeffe & deftination
qui leur en eft faite , en ac- › en .
compliffant la condition qui
y eft attachée , dont ils n'ont
pas l'affurance comme l'avoit
Jefus. Chrift.
-
Quant au fecond Paffage
où J. C. dit de luy mefmer
Non autem vidit quifquam Patrem
, nifi is qui eft à Deo , hic
vidit Patrem ego autem novi
eum, egofcio cum . Ileft clair que
GALANT I
ce Paffage s'entend de la vûe
& de la connoiffance que J.C.
a'eue de Dieu fon Pere, com
me Dieu , & non point comme
Homme , par la raifon
bu'il en
en donne luy meſme
God en feul né de Dieu &
qu'il
engendré de luy de toute
éternité , ce qui eft renfermé
dans la force de ces mots
Qui eft à Deo ; car quoy qu'il
foit vray de dire en un autre
fens , non feulement que tout ·
homme , mais que toutes les
creatures font de Dieu , & luy
doivent l'eftre par la créa
tion , on ne peut dire veri
5
Novembre
1695. VK
و ج
14 MERCURE
tablement que de Jefus Chr.
qu'il eft né de Dieu & engen.
dré de luy , comme fon Fils ,
Filius meus , ego hodie genui te ;
puis qu'il feroit contre la raifon
& la Sageffe de J. C. de
fe diftinguer des autres hommes
, par ce qu'il a de com
mun avec eux .
C'eft eftre heureux à la
verité , de voir & connoiftre
Dieu , comme J. C. le voyoit
& le connoiffoit , Hæc eft vita
aterna ut cognofcant te ; mais
il faut diftinguer la vûë & la
connoiffance qu'il avoit de
Dieu , comme Dieu luy mef
GALANT US
me , de celle qu'il pouvoir
avoir comme homme ; &
dans celle qu'il pouvoit avoir
avant La mort , de celle qu'il
a acquife par fa mort & fa
glorification entiere & parfaite.
Perfonne ne pourra ja
mais avoir la premiere ny la
feconde ; car il n'y a qu'un
feul Dieu , & un feul Dieu.
Homme , Sauveur de tous les
hommes affuré pour luy
mefme parfon impeccabilité,
da falut qu'il eft venu meriter
aux aurres à la difference des
Saints , dont aucun n'a eu cette
afſurance & dont il eſt
Kij
116 MERCURE
d
vtay de dire en ce monde ,
cecaq
ue Saint Paul a dit de luy
mefme , que quoy que la confcience
ne leur reproche rien,
ils ne font pas encore pour
cela juftifiez , & qu'ils doi .
vent oppoſer leur falut dans
la crainte & le tremblement.
Mais ils peuvent efperer de
participer à la troifiéme , dans
la propofition qui peut convenir
à de purs hommes , par
la Grace & mifericorde de
Jefus Chrift , fource unique
de tous leurs merites , comme
leur Chef.
·
Li diſtinction que vous vou
GALANT. 117
A
lez faire entre ce divin Chef
& fes membres me paroift
fort ingenieufe , lors que
vous dites qu'il a reçû par
anticipation l'effet des merites
qu'il devoit enfuite ac
querir , & que fon Ame a efté
reveftue de la gloire , dés le
moment de fa creation , &
de fon union hypoftatique ,
fans qu'elle euft encore rien
fait pour joüir de la couron
she, quine fe donne à fes Co-
> heritiers qu'aprés le combats
mais cela mefme ne paroift
pas pouvoir compatir avecla
parole que J..CC..ddiittaaffeess deux
118 MERCURE
Difciples qui alloient en Emmaüs.
Oportet Christum pati
&ita intrare in Gloriam fuam ,
d'où il paroift clairement
qu'il a fait de la Croix & del
fes fouffrances
, la voye &
l'entrée unique de fa glorifi
cation , comme il veut qu'elle
foit celle de fes Membres &
de fes Difciples , lors qu'il dit !
que celuy qui veur l'eftre
doit porter la croix & le fui.
vre , ainfi nous ne devons
point en cela faire aucune
diftinction entre le Chef &
fes Membres , le Maiftre &
les Diſciples
.
GALANT. 19
in
Vous dites , Monfieur, que'
je fçay qu'il eft facile de répondre
à ce paffage , & vous
me faites connoistre par voftre
Lettre , que voftre penfée
eft , que ces termes ,
gloriam fuam , doivent s'entendre
de la feule glorification
du Corps de Jefus. Chr.
Je vous avoue que je m'eftois
fait d'abord cette réponſe ,
máis qu'elle ne m'avoit point :
du tout fatisfait , vous ayant
dit par avance , qu'il me paroiffoit
indigne de Jesus- Chrift , de
croire que le prix defes-tourmens
& de fa mort n'euft efte à fon
120 MERCURE
égard que la glorification de fon
Corps, comme il le feroit de croire
qu'il pourroit avoir merité la
gloirepar desfouffrances qui n'auroient
efté qu'en fon Corps
aufquellesfon Amen'auroit eu au
cune
part.
J'ay encore penfé depuis ,
qu'on pouvoir dire que ces
termes , in gloriam fuam , pouvoient
encore marquer la
glorification exterieure de
Jeſus Chriſt , c'eſt à dire la
gloire qu'il avoit acquife
par l'acompliffement de fa
principale promeffe qui
eftoit la Refurrection , d'eftre
reconnu
GALANT. 121
1
reconnu publiquement dans
le monde pour Mediateur &
Reconciliateur des hommes
avec Dieu , pour Diſtributeur
de fes Graces , & pour
le Chef de fon Eglife ; mais,
fi vous faites reflexion fur ce
mot intrare , vous trouverez
que rien n'eft plus oppofé
que l'entrée à une chofe,
& ce que vous voulez qui
n'en foit que le dernier terme
& la fimple conſommation
:car la vie de Jefus Chrift
ayant déja éclaté au dehors
par les miracles pour autorifer
fa Divinité , c'auroit efte
Nov. 1695.
-
L
122 MERCURE
là la veritable entrée & le
vray commencement de cette
gloire accidentelle , & non
fa Relurrection. On peut mês
me dire au contraire que l'i- .
gnominie de fa mort ayant
effacé toute la gloire de fes
miracles & de la vie juſque
dans l'efprit mefme de fes
Difciples, qui en avoient elté
les témoins continuels , jugeant
plus de fon eftat par
les foibleffes veritables de
fon Humanité , communes à
celles de tous les autres hom
mes , que par la multitude
des miracles qu'il avoit faits ,
GALANT 123
& par la fainreté de fa vie ,
plus merveilleufe même que
tous fes miracles : outre que
Jefus Chrift avoit affecté par
des veuës divines de s'abaiffer
encore dans le triomphe de fa
Refurrection , en ne la décou
vrant d'abord qu'à fes Difciples
, qu'il avoit deftinez pour
la manifefter dans la fuite å
tous les hommes. Enfin une
gloire purement accidentelle
ne me paroift pas encore affez
folide pour avoir eftéfeule
le prix des fouffrances de
Jefus - Chrift.
Mais il n'y a aucune ré
Lij
124 MERCURE
ponfe au Paffage que j'ay cité,
tiré de la Priere de Jefus-
Chrift , Clarifica me , Pater ,
claritate диат habui antequam
mundus fieret ; car fi fon ame
avoit jouy de la gloire dés le
moment de fon union hypoftatique
, pourquoy l'auroitil
demandée aux approches
de fa Paffion , comme le
fruit de fes fouffrances , par
rapport à fon Humanité ?
Or cette gloire qu'il avoir
euë de toute éternité , comue
Dieu , n'avoit de proportion
à fon Humanité ,
pour laquelle il la deman
GALANT. 125
doir , que par rapport à fon
ame ; car la glorification de
fon Corps qui devoit le rendre
agile, impaffible , affranchi
de toutes les neceffitez
de la vie , & hors des atteintes
de la mort , eftoit fi peu
de chofe pour Jefus Chrift ,
qu'il ne meritoit pas d'entrer
dans fes Prieres , comme celle
du pain de chaque jour, qu'il
n'a fait entrer dans la priere
commune des Chreftiens ,que
pour les empêcher de tomber
dans l'oubli de fes moin .
dres & plus communes graces
, qu'il accorde même à
126 MERCURE
ceux qu'il nomme fes enne
mis : excitant fes Difciples à
ne rechercher que les biens
du Ciel & la juſtice veritable ,
néceffaire pour les obtenir ,
leur promettant tout le refte
comme par furcroift , & blâmant
la défiance qu'on pour
roit avoir d'un Pere fi aimable
, jufqu'à le comparer aux
plus méchans hommes , qui
ne fouffrent pas que leurs
enfans manquent des chofes
neceffaires . On ne peut donc
croire queJefus Chriſt ait pû
demander autre chofe à fon
Pere par cette priere , que la
GALANT, 127
glorification
de fon Ame.
Il nous refte une derniere
raifon , pour montrer que
l'Ame de Jefus- Chrift a joüy
de la Gloire au moment de fa
creation, qui eft ce que vous
wifeft
dites , que fon Corps même
avant fa vie mortelle , a efté
quelques momens reveftu de
la gloire fur le Tabor ; mais
vous n'en ſçauriez prefque
rien induire pour fon Ame ,
puis que cette gloire de fon
Corps n'a efté que paffagere,
& un fimple établiffement
de furlon
•
la Divinité fur fon Corps.
ふ
qu'elle avoit laiffé enfuite
L iiij
128 MERCURE
auffi infirme & paffible quauparavant
ce qui a fait dire
à un Pere de l'Eglife , que
cette action eftoir moins un
miracle , qu'une cellation de
miracle , puis que l'Incarnation
du Verbe qui l'unità une
chair infirme , & par ce
moyen cache & obfcurcit fa
Divinité , eft un miracle bien
plus étonnant , que cet éclat
paffager de fa Divinité, qu'il a
voulu faire paroître à ſes trois
principaux Difciples pour fortifier
leur foy , avant qu'il fe
difpofaft à la cacher dans fa
plus grande obfcurité & dans
GALANT. 129
les tenebres les plus épaiffes
de fes ignominies , de fes fouffrances
& de fa Mort.
the
Je veux bien neanmoins
reconnoiftre encore avec
vous , que les avantages qu'a
eu l'Ame de Jefus- Chrift a
vant fa mort , par fon union
avec la Divinité , ont efté
infiniment
plus grands que
ceux de fon Corps ; que
l'ayant fait naiftre pour regler
la vie des hommes par
l'exemple de la fienne , & les
reconcilier avec Dieu , il l'a
établi dans une fageffe parfaite
& une fainteté inalte130
MERCURE
rable , qui l'affuroit de la
gloire qu'il venoit meriter
rux autres ; mais pour ce qui
eft de la gloire & vifion beatifique
, il n'eft pas à croire
que la Divinité , qui avoit
un empire abfolu fur l'Humanité
qu'elle avoit prife ,
la luy euft communiquée ,
qu'autant que cela pouvoit
compâtir avec l'eftat humble
où il eftoit neceffaire qu'elle
fuft pour accomplir le grand:
ouvrage du falut des hom.
mes ; mais de déterminer fi la
poffeffion actuelle de la gloi-
Fe eftoit incompatible avec
GALANT. 131
cet étar , & jufqu'à quel degré,
aprésbien des reflexions,
pour tácher de concilier &
d'unir nos fentimens dans'un
temperament raiſonnable
j'ay penfé que fi par Poffeffion
vous vouliez bien entendre
une poffeffion feulement de
droit , c'est à dire , un droit'
acquis à une chofe , en forte
qu'elle ne puiffe nous eftre
ôtée ni enlevée par qui que ce
foit,fondée fur une proprieté
acquife , mais affurée , avec
un plein pouvoir d'en difpofer
, nous fommes d'accord ,
&je vous paffe que J. C. dés
132 MERCURE
2
le moment de fon union hypoftatique
, a efté indubita .
blement dans cette poffeffion
, & que la gloire luy a elté
acquife en ce fens au moment
de fa creation ; mais fi par
poffeffion vous entendez une
pofleflion de fait , d'ufage &
de joüiffance , dont un proprietaire
& poffeffeur legitime
eft mailtre de fe priver
qand il luy plaiſt , il me paroift
difficile de pouvoir fou
tenir avec fens que l'Ame de
Jefus Chrift ait jouy actuelle ..
mement de la gloire avant fa
mort.
GALANT. 133
Cette diftinction de pof.
feflion & de joüiffance, fe fait
bien fentir dans un Avare ,
qui poffede un bien fans en
jouir , car voyant que par la
joüiffance même ce bien cef
feroit auffitoft d'eftre un bien
pour luy , il s'en prive pour le
conferver , & par cette privation
il fe le rend inutile.
Mais Jefus- Chriſta eu des
raifons divines & pleines de
fageffe , de priver'fon Ame de
la vifion beatifique pendant
fa vie mortelle , tirez de fa
prodigieufe charité envers les
hommes ; car quoy qu'iffu
134 MERCURE
d'illuftres Anceftres , il a vou
lu naiſtre dans un eftat pauvre
& abaiffé , dépendant &
expofé à toutes les miferes &
incommoditez de la vie , juf
qu'à n'avoir pas feulement
dequoy repofer fa teſte , &
ayant choifi la voye des humiliations
& des fouffrances
pour guerir l'orgueil de
l'homme , fource primitive
de tous les malheurs
comme le moyen le plus ef
ficace pour fatisfaire la juftice
de Dieu irrirée par cet
orgueil, il a fallu qu'il ait pris
une nature humaine , infirme
&
GALANT.
435
& paffible comme la noftre ,
pour eftre expofée aux ignominies
& aux fouffrances d'u .
ne mort cruelle & honteuse,
telle qu'elle nous paroift dans
les trois principales circon
ftances de fa Paffion , lors
qu'aprés fa flagellation il fut
prefenté aux Juifs couronné
d'épines , avec ces mots, Ecce
Homo , lors qu'il marcha de
vant eux , portant fa Croix
jufqu'au lieu de fon fupplice ,
& qu'il y fut attaché d'une
maniere fi cruelle & ignominieufe
entre des voleurs : ce
qui l'a porté à fe dire par un
136 MERCURE
Prophee , Virum dolorum , &
fcientem infirmitatem : à dire
par un autre , Attendite &
videte fi eft dolorficut dolor meus ;
& par un autre , Ego vermis
non homo , opprobrium homi
num & abjectio plebis .
ne
Si donc Saint Paul écrivant
aux Romains leur a dir , que
la reprobation des Juifs avoit
fait la richeffe des Nations ,
pouvons-nous pas dire que
noftre divin Chef, en fe privant
de la Beatitude pendant
fa vie mortelle , figurée par
l'Eclipfe du Soleil qui arriva
à fa Mort contre l'ordre dé
GALANT 137
la Nature , a anrichi par là
tout le Genre humain , & ouvert
par ce moyen aux hommes
l'entrée des Tabernacles
éternels ? ..
Je ne vois donc point ,
Monfieur , qu'on puiffe dire
affirmativement que l'Ame
de Jefus Chrift avant fa Mort ,
ait jouy effectivement de la
Beatitude , & qu'au moins
on en peut raisonnablement
douter fur le fondement des
Paffages de l'Evangile , que
j'ay citez. Je fufpens fur cela
mon jugement, & c'est toute
la
conclufion que j'en
Nov.
1695.
M
tirey
1,8 MERCURE
qui , à mon fens , vous doit
paroiftre plûtoft timide que
téméraire, puis que je l'aurois"
pû porter plus loin.
Si aprés cela vous me dial
tes qu'on ne peut point comprendre
comment l'Ame de
Jefus Chrift unie à la Divinité
, d'une maniere auffi intime
qu'elle l'eft par l'union
hypoftatique , ait pu eftre un
feul moment fans jouir de la
Gloire , puifque les Saints ne
laiffent pas d'en jouir , quoy
que leur union à Dieu foit
dans un degré fi inferieur,
je me garderay bien de m'ofGALANT.
& 139
frir à vous en rendre raifon ,
•à
reconnoiffant bien que c'eſt
un fait non revelé , dont Dieu
feul s'eft refervé la connoif.
fance , & que c'eft un abifme
impenetrable pour moy ; car
c'eft dans les loix des communications
de la nature Divine
& de la nature humaine ,
que confifte le Mystere det
l'Union hypoftatique de
ces
deux natures en Jefus Chrift ,
qui ne merite pas moins notre
admiration , que celuy
de la Predeftination des Elûs ,
furlequel l'Apoftre s'eft écrié,
O altitudo , & c . puifque celuy-
Mij
140 MERCURE
cy n'est qu'une fuite de l'au
tre ; car nous ne pouvons pas
juger des choſes melmes d'icy
bas , que par des vûës tresbornées
; encore fommesnous
ſujets tous les jours à
nous y tromper. Comment,
donc penetrer jufqu'à l'infini,
mefurer la grandeur de Dieu ,
& arriver jufqu'à connoiftre
les loix fecrettes de fon allian
ce ineffable avec noftre baffeffe
, ce qui n'eft pas moins
incomprehenfible?
Mais , Monfieurs, voftre
objection en nous portant fi
haut, nous a bien écartez del
GALANT.141
6
noftre fujet . Pour y revenir
vous dites que les Peripateticiens
mettant la fenfation
dans le corps auffi bien que;
dans l'ame , fe débaraffent
aifément de toutes ces difficultez
; mais je vous demanderois
volontiers pourquoy
les Cartefiens , qui difent la
mefme chofe , doivent y eftre
plus embaraſſez ; car ils tiennent
auffi que la ſenſation eſt ,
une action mixte , qui refulte
de l'union de l'ame avec le
corps. La difference de ces
fortes de Philofophes , confifte
en ce que les Peripate142.
MERCURE
ticiens n'ont rien de feur aveĆ
cette definition generale , expliquant
la plupart des fenfations
par des qualitez fenfibles
qu'ils mettent dans les
objets , la vifion par des ef
peces intentionelles renvoyées
par les objets vers les
yeux & attribuant à l'ame répandue
dans tous les organes
des fens , d'une maniere inintelligible
, le furplus qu'ils
ne comprennent pas ; mais
les Cartefiens expliquent
méchaniquement chaque
fenfation , cant par la ftructure
des organes qui y fervent ,
GALANT.
43
que par l'action des objets
& des corps moyens qui y
contribuent à l'occafion de
quoy l'ame reçoit differentes
émotions
, qui font proprement
ce qu'on appelle fenfa .
tion,
น
Il ne faut donc pas s'étonner
files Peripateticiens de
l'école prenant la fenfation'
d'une maniere fi confufe fans
bien diftinguer ce qui doit
eftre attribué à l'ame , de ce
qui ne convient qu'aux organes
& à leurs objets , quel-,
ques uns croyent pouvoir dire
que les organes du corps
144 MERCURE
fervant à la fenfation , la peu
vent exercer toute entiere ?
dans les rencontres où ils
jugent que l'ame n'y doie
prendre aucune part ; mais
l'ame ayant une fonction ef
fentielle dans les fenfations ;
i
fuivant les Peripateticiens
mefmes , quoy qu'ils ne l'end .
tendent pas bien , & ne le
puiffent par confequent faire
comprendre aux autres , il eft
certain que les organes feuls
ne peuvent fuppléer ce qui
doir eftre fait par elle . Ainfi
quand les Cartefiens ajoûtent
à celaka
la fonction
1
GALANT 245
de l'ame dans les fenfations
eft la principale , & que les
organes du corps , à propre
ment parler , n'en font que
les inftrumens. Il ne laiffe pas
de s'enfuivre de ces differentes
explications , que toute
fenfation fans l'ame eft abfo.
lument incomprehenfible. Il
ne faut donc point dire que
le corps inanimé n'a point
de fentiment , parce qu'en cet
eftat il luy feroit inutile ;
mais il faut dire que la réfi
dence de l'ame dans le corps
précedant tout fentiment
c'eftellequi en eft le principal
Nov. 1695.
"
N
146 MERCURE
"
fujet. Que fi l'efprit a des
operations dépendantes de
fon corps , ce ne font point
des operations par rapport à
lay ; car les fiennes propres
qui confiftent dans la pure
intellection , n'en fent point
du tout dépendantes. ~ Les
operations qui en dépendent ,
regardent les befoins de fon
corps , ou le commerce qu'il
fe trouve avoir avec d'autres
hommes , qui font corps &
efprit comme luy , & qui auroient
entre eux une communication
bien plus aïfée; fans
les embaras du corps , quet
GALANT. 147
par leur entremife , & par la
neceffité de fçavoir une infi
nité de differens langages ,
pour le pouvoir communiquer
leurs penfées . Ainſi ce
n'est qu'une dépendance de
hazard qui naiſt de l'union de
l'ame & du corps , & de tous!
les befoins du corps . Mais les
operations du corps animé
font toutes dépendantes de
l'ame , car quoy qu'il y en
ait quelques unes feulement
qui foient foumiſes à ſa volonté,
telles qu'eft la détermi
nation dn cours des efpritsi
dans le cerveau , les nerfs &
*
Nij
148 MERCURE
les muſcles , qui donnent le
mouvement à tous les mem-.
bres , les autres qui confiftent
dans la digeftion des alimens
& dans le mouvement
du.
afang par les veines , le coeur
& les arteres d'une manicrepurement
machinale
quoy qu'indépendantes
de
la direction de l'ame , ne
laiffent pas de dépendre
de fa prefence pour le faire
, & fe continuer . Il faut
donc par neceffité que les
fenfations
qui commencent
au dehors par l'impulfion des .
agens corporels à la renconGALANT.
149
tre des autres corps , ayent
l'ame pour leur principal
fujet
, car nefe failant point à
fon infceu & fans fa participation
, comme ces dernieres
dont je viens de parler , mais
ayant eſté inftituées
par l'Auteur
de la Nature, pour intereffer
l'ame à la conſervation
des fon corps , & l'engager
par une voye prompte
&
vive à pourvoir
à tous fes
befoins , il eft impoffible qu'-
elle n'y prenne la principale
part . Je crois même que le
fens commun
feul fans Philofophie
, nous perfuade
affez,
N iij
150 MERCURE
que les impulfions qui fe font
fur les organesde nôtre corps ,
quelque violentes qu'elles
foient , ne deviennent fenfibles
qu'en ce qu'elles vont
jufqu'à l'ame.
Ne m'en croyez pas fur
cela , Monfieur , fi vous
ne voulez , plus que M
Defcartes mais fuivant le
confeil de l'Auteur de la Recherche
de la Verité , confultez
feulement la Verité
interieure qui parle en nous ,
& fi l'on peut joindre à ce témoignage
, celuy d'un homme
, la grande eftime que
GALANT
**
yous me marquez avoir pour
les Peres de l'Eglife , m'oblige
de vous propofer la pensée de
celuy d'entr'eux, qui paffe
pour avoir le plus de lumiere
& d'elevation , je veux dire
S. Auguftin. Vous trouverez ,
prenant la vifion pour exemple
de toutes les fenfations ,
comme la plus noble , qu'il
en fait l'ame le fujet unique ;
car aprés avoir diftingué de
trois fortes de vifions , la cor
porelle , la fpirituelle , & l'intellectuelle
, il place celle quiil
appelle corporelle dans
l'ame mefme de l'homme ;
N iiij
152 MERCURE
car quoy que ce qui fe paffe
dans l'organe corporel de la
vûë , ne foit pas la meſme
chole que ce qui fe paffe dans
l'ame , qui eft tout fpirituel ,
cette vûe qu'il appelle fpirituelle
, a quelque chofe de
#
femblable , & fuit neceffairement
de la premiere , fans
quoy il n'y auroit rien de fenfible
; parce que ce n'eft point
le corps effectivement qui
fent , mais l'ame par le corps ,
fur le rapport duquel elle for.
-me fa perception , & voit en
elle- mefme , comme par l'entremiſe
d'un Meflager qui
GALANT. 153 jane
uit
de
ce
qui
le
pafic
jau
dehors.300 nag
am Mais il vaut mieux vous
donner le paffage en latin
dans toute fon étendue , tél
-qu'il eft ciré du chap . 14. de
la Genefe , & cité par M'des
Forges dans la Preface de fon
¿Livre de l'Ame de l'Homme ,
fur les Principes de M' Defcartes.
Quamquam itaque in eadem
anima fiant vifiones , five que
fentiunturper corpus ,ficut hoc corporeum
coelum , terra quacum.
que in eis nota effe poffunt , five
qua fpiritu videntur fimilia cor154
MERCURE
porum , five cum mente intelli
guntur , quæ nec corpora funt nec
fimilitudines
corporum
, habent
utique ordinemfuum , & eſt aliud
alio præcellentius
præftantior
enim eft vifiofpiritalis , quam corporalis
, rursùs præftantior intellectualis
quam fpiritalis ; conporalis
enim fine fpiritali eße non
poteft , quandoquidem
momento
codem quo corpus fenfu corporis
tangitur fit etiam in animo tale
aliquid, non quod boc fit, fed quod
fimile fit . Quod fi non fieret , nec
fenfus ille effet quo ea quæ extrinfecus
adjacent fentiuntur , neque
enim corpus fentit , fed anima per
GALANT. 155
corpus , quo velut nuntio utitur
adformandum infeipfa quod extrinfecus
nuntiatur. Non poteft
itaque fieri vifio corporalis nifi
fpiritalisfimulfiat ,fed non difcer
nitur , nifi cum fueritfenfus abla
tus à corpore , ut id quod per corpus
videbatur inveniatur in fpiritu.
At verofpiritalis wifio etiam
fine corporalifieri non poteft , cum
abfentium corporum fimilitudines
in fpiritu apparent & finguntur
multa pro arbitrio vel præter ar.
bitrium demonftrantur. Item ſpiritalis
vifioindiget intellectuali ut
dijudicetur ; intellectualis autem
išta ſpirituali non indiget , ac per
156 MERCURE
hoc fpiritali corporalis, intellectua
li autem utraque fubjecta eft.
Voicy encore un autre Paf
fage du mefme Pere , tiré du
14. ch. du Livre de l'Efprit &
de l'Ame , qui nous marque
Tidée qu'il avoit de fon union
avec les corps. J'elpere que
vous trouverez que les der
niers termes ne font point
étrangers à noftre Queftion.
Sunt etiam utriufque quadam
fimilia , corporis fcilicet fu
premum & fpiritus infimum , in
quibus fine naturarum confufione
perfonali tamen unione facile con .
GALANT 157
qua
Jungi poffunt , fimilia enimfimili
bus gaudent. Itaque anima
Spiritus eft, & caro que vere cor
pus eft in fuis extremitatibus facile
& convenienter uniuntur
id eft in phantaftico anima quod
corpus non eft fed fimile corpori ,
& in fenfualitate corporis que
fere fpiritus eft ; quia fine anima
effe non poteft.
Voila , Monfieur , un Cartefien
bien des fiecles avant
la naiffance de Descartes , à
qui s'il ofte quelque chofe de
l'honneur de l'invention , il
l'en recompenfe au double ,
en le relevant du blafme
158 MERCURE
de l'erreur & de la nouveauté.
Hrefte une feconde parties,
de cette Réponſe , dont je
vous feray part dans ma Let
tre de Decembre.
Ce n'eft pas feulement
dans la Ville Capitale du
Royaume , & dans celle des
chaque Province qui le compole
, qu'on érige des trophées
, & qu'on éleve des
Statues à la gloire & à l'im-t
mortalité des actions de
2
LOUIS LE GRAND .
Un Gentilhomme de BretaGALANT
९१
.
१
15g
gne a cru ne pouvoir mieux
marquer fon refpect , & le
zele ardent qu'il a pour la
gloire & le lervice de fon
Prince , qu'en faifant élever
le Buſte du Roy dans une des
plus agreables Places de la
Province , qu'il a faite dans
le centre de fon avenuë , vis
à vis la face de ſa maiſon , qui
répond à celle de fa Paroiffe.
Cette maiſon , diftante de
cinq lieues de Rennes , eft
dans l'Evêché de Saint Malo ,
s'appelle le Pleffis Boterel.
Ses Jardins , fes Statues , les
Bois , les Eaux , fon Orange .
160 MERCURE
rie , fa Baffe- cour , le dedans
& la propreté de fes meubles,
la rendent une des plus agréa
bles du Pays. Lé principal.
agrément qui s'y trouve , eft
cette grande avenuë, plantée
de Chefnes , Chatagniers &
Maronniers d'Inde , qui ré.
pond du Chafteau à fon
Bourg, & il y a une lieuë de
France. Au milieu de cette
avenue, qui eft croifée par une
autre , eft une grande Peloufe
vague dans une élevation qui
donne la vûë en même temps
du Bourg & de la Maifon .
Elle fe termine aux deux exGALANT:
Ját
frémitez par des Bois paif
lans plantez en allées, quiles
bornent à droit & à gauche.
Au milieu de cette Place , que
l'avenue fepare en deux parries
égales, il y a un rond fait à
peu prés ſur le modele de ce
lay du Cours de la Reine ,
double rang d'arbres , revêtu
au dedans de gazons , qui fer.
vent de fieges, & qui forment
une espece de berceau , où
quatre à cinq cens perfonnes
peuvent fe feoir aifément.
C'eft dans le centre de cette
elevation agreable , d'où l'on
découvre une veuë charman-
Novembre 1695.
162 MERCURE
te de tous coſtez , qu'on a
élevé le Bufte du Roy , qui
eft de bronze , proportionné
au lieu qu'il occupe , & fait
par un Eleve de M' le Brun ,
tout à fait reffemblant à Sa
Majesté. Il eft fur un Socle
de Porphire , foutenu par un
piedestal de fix pieds de haut.
On y monte par trois rangs
de marches qui font face aux
quatre coins. Dans chaque
face du Piedeftal on lit fur .
quatre grandes plaques de
Marbre noir, les Infcriptions
fuivantes en gros caracteres
d'or.
GALANT
£63
A LA POSTERITE .
La Place des Victoires , érigée à
la gloire perpetuelle du Regne.
triomphant de LOUIS LE
GRAND.
Qui a commencé de vaincre
auffi roft qu'il a commencé de re-
•·gner : qui par fa clemence a rendu
la tranquillité à la France,
par fa bonté veut donner la Paix
à l'Europe qui par fa fageffe a
rétabli l'ordre dans la Police, dans
les Finances & dans les Loix ;
que parfapieté a réüny fes Sujets
devoyez dans le fein de l'Eglife
Romaine ,Je srouwe aujourd bny
le feul Défenfeur des Autels &
S
O ij
7164 MERCURE
l'unique afile des Rois opprimez ;
qui parfa vertu & fa conduite
refifte à toutes les forces de l'Europe
, liguées injuftement contre
lug.
Que le nombre defes années
égale celuy de fes Victoires , &
que le bonheur de fon Empirefaffe
la felicité de tous les Peuples.
Cefont les voeux de fon treshumble
, tres- obeiffant & tresfidelle
ferviteur & Sujet ,
FRANÇOIS BOTerel .
De l'autre cofté , dans la
feconde plaque on lit ces
Shop Vers
.
GALANT.BA116655
Rétablir les Autels , reformer la
shan Justice ,
Mettre les Ennemis au rang de
vino fes Sujets ,
Corriger les abus , & châtier le
same vice ,
Aumilieu de la guerre entretenir
la Paix ;
"
Au bien de l'Univers , facrifier
Jesus refa gloire ,
Et faire tout trembler quand tout
eft fans repos ,
C'eft de Louis le Grand la veritable
Hiftoire
.
Peut-on en moins de traits pein-
⠀ dre un fi grand Heros ?
Dans la troifiéme Plaque
de la droite , il y a
466 MERCURE
Regi , Religionis Confervatori ,
Fuftitia defenfori..
Dans la quatrième de la
gauche ,
Regi , Regum opprefforum
Protectori , & impii foederis Auguftanenfis
, Domitori.
a
Ce Bufte eft fermé par
une Balustrade quarrée , autour
de laquelle il y a douze
Vaſes à feu qui jettent des
flammes à la gloire de Louis
le Grand. Aux quatre coins
de ce rond , on voit quatre
grandes Statues de Taille-
Bourg , travaillées dans la
derniere perfection de l'Art,
GALANT. 167
"
qui regardent le Bufte du
Roy. Elles font élevées chacune
fur un Piedeſtal , au milieu
duquel il y a quatre pla.
ques de marbre noir , oùfont
gravez dans chacune quatre
Vers latins , en Lettres d'or ,
qui marquent leur caractere.
La premiere reprefente la
Religion ; la feconde , la Juftice
; la troifiéme , la Victoi
re ; & la quatriéme , la Renommée.
C'est elle qui doit
publier par toute la terre , la
Pieté de ce Monarque
, fa
Juftice & fes Triomphes.
Voicy les Vers qui font dans
168 MERCURE
la plaque où elle parte.
Jam non fufficio , LODOIX ,
volitare per orbem
Et populis laudes enumerare
tuas .
Magna quidem de te celebro ,
majora parrafti :
Sunt mea , funt factis , dicta
minora tuis.
La Renommée ne peut plus
heureufement finir qu'en a
vouant par fa foibleffe , que
tout ce qu'elle peut dire des
actions heroïques de Louie
le Grand , eſt mille fois au
deffous des merveilles de fa
vie.
GALANT. 169
M' du Pleffix- Botherel eft
un Gentilhomme de merite
qui aime les belles Lettres.
Ila voyagé dans la plus grande
partie de l'Europe , & prefere
la vie douce & folitaire
de fon aimable campagne , à
la vie tumultueufe de la Ville.
Il n'épargne rien pour l'édu
cation de fa famille. Son aifnéqui
avoit autant de fageffe,
que d'erudition , luy a efté
enlevé par le coup le plus
cruel qui puiffe arriver dans
la vie. Son Cadet, qu'on nom.
moit auparavant , le Chevalier
du Pleffix Boterel , & qui
Novemb. 1695.
,&
P
170 MERCURE
eft prefentement le feul gar
con qui luy refte , a esté à la
Mer depuis l'âge de douze
ans , où il entra d'abord en
qualité de Garde- Marine. Il
fut fait Enfeigne de Vaiffeau
à la promotion de 1691. à l'âge
de dix fept ans ; il n'a perdu
aucune occafion depuis la
guerre , & s'est trouvé dans
tous les Combats qui fe font
donnez dans la Manche , fur
les Coftes d'Irlande , au Détroit
, & dans la Mediterranée.
Il fervoir d'Enfeigne
fous M le Marquis de Blenac
qui commandoit le VaifGALANT
171
feau nommé le Serieux au
mois d'Octobre 1692 , quand
il donna dans l'Archipel , le
Combat , vigoureux & opi,
niaftré au Vice . Amiral de
Tripoly , qui dura neuf heures
fans relâche , & où le Vice-
Amiral fut pris avec fix cens
Efclaves
, de huit cens qu'il
anavoit au commencement
du
5 Combat . Il fut conduit à
Marfeille
, avec fes prifon+
niers , & le Chevalier du Plef
& le
fix- Boterel fut bleffé dans
cette occafion .
baasd
M Boterel de la Pivelais
fon Coufina fervi Sa Ma,
Fij
172 MERCURE
jefté en Flandre , en Hollande,
à Gigeri , en Allemagne ,
fous M le Marefchal de Turenne,
dont il eftoit Aide de
Camp dans toutes les dernie
res Campagnes qu'il a faites' ,
& il s'y acquit par les fervices
, beaucoup de reputation
, avec l'eftime & la con
fiance de ce General . M Ic
Marefchal d'Eftrade parle de
Juy avantageufement
dans les
Memoires qu'il a laiffez , lors
qu'il déclare qu'eftant Ambaffadeur
pour le Roy à Lon
dres , il fut attaqué dans fon
Carroffe par le Baron de Ba
GALANT 173
deville , Ambaffadeur pour
le Roy d'Espagne , qui avoit
apofté une troupe de gens
armez , pour favorifer l'en
trepriſe temeraire qu'il avoit
formée , de prendre le pas for
luy , à main forte. M Boterel
de la Pivelais , qui eftoit dans
le Carroffe de ce Marefchal ,
y fut bleffé , & contribua dans
le defordre à luy fauver la vie.
Le Baron de Badeville en fit
une pleine fatisfaction , dont
le Public a eu connoiſſance,
La Dame Boterel de la Pivelais
eftoit Fille de Dame Jeanne
Harel , qui avoit pour fon
Piij
174 MERCURE
grand Ayeul Olivier Harel.
Celuy cy fe trouva
7
la fa .
meufe Bataille des trente
Bretons , commandez par lę
Sire de Beaumanoir , qui remporta
la victoire contre Richard
Pembroc , Chef des
trente Anglois , qu'il avoit
choifis . Il fut tué en cette
occafion , & fa Troupe taillée
en pieces . Cette Bataille
fut donnée l'an 1350. au Chefne
demy.voye , qui feparoit
en deux parties égales , Joffelin
& Ploermel , où commandoit
Pembroc , qui cftoit
dans le party de Jean de
GALANT. 175
Montfort , contre Charles de
Blois . L'Abbé Boterel , Frere
de M de la Pivelais , Aumônier
de la feue Reine . Mere ,
Bocteur de Sorbonne
, a esté
un homme rare par fon merite
, par fon fçavoir , & par
fa pieté. Il eft mort entre les
bras de M' l'Evefque d'Arras
fon Amy , au retour des vifites
de fon Dioceſe , dont il
eftoit Grand Archidiacre
.
Dame Therese Boterel , fa
Soeur , Baronne de la Vouë ,
a efté mariée en premieres
nôces , avec le Seigneur de
Launay Blot , de la Maiſon P
ی ع م ج
Piiij P.
iiij
176 MERCURE
de Chafteau- Daci , & en fecondes
noces , avec le Sei
gneur de Langan , Baron de
la Vofuë , Cadet du Marquis
du Bois février , qui époufa
en premieres noces , une Fille
de la Maifon de Vildelou de
Bienacis , dont eft iffu M' le
Marquis du Bois - Février d'aujourd'huy
, qui a efté Page du
Roy , & Officier dans le Regiment
des Dragons de Bretagne.
Son Pere époufa en
fecondes noces la Demoifelle
de Sillery , Fille du Marquis
de Sillery , & petite - Fille
du Garde des Sceaux & du
GALANT: 177
Chancelier de Sillery, M de
la Bretonniere . Boterel , de la
melme Famille , Gouverneur
pour le Roy des Ville & Cha
fteau de Dinan en Bretagne ,
qui a un Brevet de Colonel ,
eft un des meilleurs Officiers
de Cavalerie , qui foient en
France.
Il y a trois Familles de Bo
terel dans la Province de Bre
tagne. Sçavoir , les Boterel
de la Ville- Geffray , qui portent
de gueules àla Croix parée,
clenchée pommetée d'or. Les ]
Boterel d'Apigné ou de
Moulmufe , qui portent , d'a
178 MERCURE
Zur au Lion morne de finople .
Les Boterel de la Pivelais
du Pleffix , du Coudray , de
Montellon , qui eft la mefme
Famille , portent d'azur aw
chevron d'argent , accompagné
de trois Croix patées de mesme ,
deux en chef& une en pointe.
Voicy des Vers d'un Cavalier
plein de merite , qui fe
fentant un panchant tresfort
pour la Maiftreffe de
fon Amy , ſe fait violence
pour le furmonter , afin de
rendre ce qu'il croit devoir
à l'amitié.
GALANT 179
L'AMI PARFAIT.
P
Etits Oifeaux , qui dans nos
Bois
Animez par les feux d'une ardeur
mutuelle ,
Après avoir fait voftre choix,
En dounez chaque jour une preuve
nouvelle ,
Helas ! que voftre fort eft dunx ,
Et qu'il fera pnur moy toujours digne
d'envie ?
Si cent fois vous fentez en vout
Vn transport qui vous donne une
nouvelle vie , e
Rien ne peut vous contraindre à le
difsimuler
Cent fois voftrr ame en eft ravie,
Et cent fois vous pouvez parber.
180 MERCURE
Dans vos tendres amours rien ne
peut vous déplaire
Contens chacun de vostre foy,
Vous ne fouffrezpoint d'autre toy:
Autre chose à vos yeux n'est que
pure chimere.
sadal
La politique d'ici- bas ,
L'importune raifon , la fauffe com
plaifance,
D'un rival afsidu la trop grande
conftance ,
La crainte & leremords n'arreftent
point vos pas ,
Centre vous ces tirans u'ont aucune
paiffance.
Heureux de n'en reffentir pas
La trop frequente violence,
Par vos tendres chanfons vous pou
vez exprimer
Qu'au milieu de vos coeurs l'amour
a pris naiffanca,
GALANT. 181
Et qu'il vous eft permis d'aimer.
Mais fidans vos amours rien ne
peat vous contraindre,
Ab • pour moy que je fuis
plaindre ,
Et que mon fort eft malheureux !
Efclave infortuné de la parfaite
eftime
Qu'a de moy meritée un Ami gene-
Teux
Te n'ofe fans commettre un crime,
Malgré tout mon panchant , devenir
amoureux.
Ou s'il arrive enfin dans l'amou
reux Empire ,
Que mon coeur en fecret foupire,
Vne trop fevere amiité ,
Pourmoy fans aucune pitié ,
Dans ce funefte état me défend de
le dire.
182 MERCURE
Je vous envoye l'estat de
la Cargaifon des deux Vaffeaux
Anglois qui ont efté
pris par M le Marquis de
Nefmond , en revenant des
Indes. ab
LA PRINCESSE ANNE
de Dannemark , Vaiffeau de
192
la Compagnie Angloife des
Indes.
B
Alots d'étoffe de foye
& coton , rayées &
unies , parmy lefquelles il
y en a trois d'étoffe de poil
'de Chameau .
9. Balots de Soyé écruë.
GALANT 83
1. B. de Coton filé..
12. Caiffes de Taffetas de pluffieurs
fortes .
B. de Cravates.
79. B. de Mouchoirs de foye,
de coton de couleurs.
39.Caiffes deGomme à fairede
la cire d'Efpagne commune.
C. Idem à faire de la cire
tres -fine.
.022
315. B. de groffe Toille blan-
22.
che.
a
15 B. d'autre Toille blanche,
de diverfes fortes , pour
draps & chemiſes .
65. B. de groffe Toille écruë,
contenant enſemble 476.
pieces.
184 MERCURE
36. B. deToille de Voile blan
che , de 60. pieces chacun .
28. B. deToille de voile écrue;
de 40. pieces chacun.
76. B. de Toilles épaiffes &
claires , rayées de couleur.
309. B. de Mouffeline épaiffe,
unie & commune.
78. B. de Mouſſeline rayée.
66. B. de Mouffeline claire &
unie .
I. B. de Mouffeline à fleurs
de fil blanc.
2. B. de Mouffeline tres fine,
de cent pieces chacun .
3. B. de Mouffeline étroite ,
pour écharpes & Turbans.
GALANT. 185
4 B. de Turbans de Mouffeline
.
i . B. de peaux de Chagrin .
6. Caiffes de
Camboge pou
la
a teinture, contenant en
femble 1716. pieces .
212. B. & Caiffes inconnus-
1568. Balots & Caiffes en tout.
Plus 7. petits barils de Canfre.
56. Sacs de Poivre.
32. Tambours , ou
petits Boucaux. 7 Porce
Grande Caiffe. Slaine.
a
Novemb.1695 . Q
186 MERCURE
LE SETMOR
Interloppe
48. Balots ou Caiffes de Cravates
unies & brodées à
fleurs blanches & rayées ,
de plufieurs fortes.
158. B. d'étoffes de foye & coton
de plufieurs couleurs ,
unies , rayées , groffes &
fines.
8. B. d'étoffes rayées &unies ,
de plufieurs couleurs .
26. B. de Satin de couleur ,
rayée & uni.
25. B. de Taffetas , id.
89. B. de Soye écruë , blanche
GALANTM 187
& jaune , de plufieurs fortes
de qualitez.
63. B. de Mouchoirs de foye
& coton , de couleur &
blancs, fins & communs.
5. B. d'Echarpes , Ceintures
& Jaretieres de Soye de
couleurs.
2. B. de Couvertures piquées
fines .
85. B. de groffe Toille de coronà
faire paquets , chemi-
$
fes , & c .
10. B. de Toille épaiffe & Futaine
pour camifolles.
40. B. d'autres Toilles de coton
, peintes , rayées & pi-
Q ij ·
188 MERCURE
quées à fleurs de plufieurs
couleurs , claires , épaifles,
fines & communes
.
4.
B. d'autre Toille de coton
large , pour draps de lit &
rideaux de feneftres .
22. B. de Toille à chemiſes fines
& communes.
3. B. de Chemiſes
faites.
187. B. de Mouffelines
à fleurs
rayées & unies , épaifſes &
claires , fines & communes
, de toutes fortes.
2. B. de Bougies ou chandelles
de cire blanche.
3. B. de Tutie rouge , pour
peindre , & à Medecine .
GALANT. 189
AutresBalots & Caiſſes de dif
ferentes efpeces de Marchan
difes meflées enfemble
2. Caiffes de Mouffelines, cravates
, couvertures , & toi
les fines.
48
1. C. de Satin & Mouffeline.
1. C. de Mouffeline & Crava-
Bates.
J. C. de Mouffeline rayée &
mouchoirs .
bt. C defdites Toiles blanches
, unies & peintes à
Aeurs.
2. C. de Toiles pour chemi190
MERCURE
fes draps de lit , & mouchoirs.
1. C.de Toilles blanches pour
échantillons .
1. C. de plufieurs fortes de
mouchoirs, couvertures &
cravates .
1. C. de plufieurs fortes de
Marchandifes
de Soye .
1. C. de toutes fortes de pieces
de Soye pour échantillons.
1. Petite Caille de plufieurs
marchandifes de Soye.
2. C. defdites de Soye & Taf
fetas à fleurs , barres & fi
gures.
GALANT. 191
1. C. fur laquelle eft écrit ce
mot , Tapis.
-
1. C. de cent pieces de Mouf
feline rayée & blanchée.
1. Balot de plufieurs petites
étoffes de Soye à mouchoirs
, & autres.
1. Caiffe de Porcelaines.
r Caiffe de Thé.
800 .
Plus 61. Caiffes & Balots in.
connus.
Plus 7 autres petits Balots
ou Caiffes , auffi incon- Qu
nus.
Tout 868.
192 MERCURE
La Solitude a ſes charmes,
& c'eft un grand avantage
que d'y pouvoir jouir de foy-.
mefme , fans aucun des embartas
de la vie tumultueufe
que l'on mene dans les Villes .
La tranquillité que l'on y
goufte eft tres agreablement
décrite dans les Reflexions
que je vous envoye . Elles
font de M' de Fourcroy.
•
REFLEXIONS
fur la Vie Champeftre.
où ily L n'eft point de vie ,
ait plus de liberté moins
de
{
GALANT. 193
de vice , ny qui foit plus conforme
la maniere des premiers
Heros , que celle qui méprife les
Villes , & qui fe retire dans les
forefts. Un homme qui a confacré
la fleur & l'innocence defa
jeuneſſe aux fommets des montagnes
, eft au deffus des vents po
pulaires qui agitent l'ambition.
Ces feux cuifans & furieux que
l'avarice allume dans tous les
coeurs , n'échauffent pas le fien ,
l'envie, qui est un air empefté
quiinfecte tout , ne portepointfa
corruptionjufques à luy. Il n'any
complaifance pour les Grands , ny
defir de l'eftre; la faveur qui fur .
Novembre 1695.
R
194 MERCURE
prend les autres par Jon éclat ,
eft trop fragile pour le toucher,
les richeffes , qui occupent tout
le monde , paſſent trop vifte pour
I arrefter. Comme il eftfans espe
rance, il eft fans erainte ; comme
il n'envie perfonne , il n'eft point
envié; & n'ayant point de paffions,
il n'eft point fujet à celler
d'autruy. Il ne fait pas mefme
les lieux où logent les crimes , &
les Villes les plus proches , auffiles
plus reculées , font
également éloignées de fa connoif
fance. Il n'eft point de bruit qui
étonne fa confcience , il ne la tra
hit jamais par fes paroles , ja
bien
que
GALANT. 195
langue eft autant d'intelligence
avec fon coeur , que fon coeur dans
le repos dont il jouit , eft d'accord
avec luy mefme. On ne voit
chez luy ny des piliers de marbre,
ny des lambris d'or ; fa richeſſe ne
confifte pas dans un metal , ny fa
pieté dans un certain nombre de
beftes, mais à voir comme il jouit
de la campagne , on diroit qu'elle
est toute à luy , & l'air qu'ily
reſpire eſt auſſi pur que fa vie.
Tous fes artifices font pour la
Chaffe ; c'est fon divertiffement
ordinaire , quand cet exercice ,
auffi laborieux qu'il eft noble , l'a
fatigué , il fe délaffe à l'ombre
•
Rij
196 MERCURE
d'un vieux chefne , e il fedefal
tere au premier ruiffeau. Ilprend
tantost un lieu , tantost un
autre pour s'y promener. Là le
ramage des Oifeaux & le bruit
des feuilles , que le zephire agite
fans violence , charment fon
oreille d'un concert auffi agréable
qu'il eft naturel. La un lit de
gazon & de mouffe verte l'invite
de s'y repofer , & il n'y fera pas
long temps qu'il ne s'endorme au
doux murmure d'un ruiſſeau qui
gronde, cefemble , & quife plaint,
non pas tant de ce qu'il s'éloigne
de fa fource que parce qu'il eſt
contraint de quitter les belles prai·
$
GALANT.
197
ries qui l'environnent . Afon ré.
veilil s'y larve les mains,& avec
ce verre naturel , plus feur que
toutes les couppes d'or , il puife
dequoy étancher fa foif. Ilappaife
La faim avec autant defacilité,
il n'a qu'à fecouer un arbre ,
ainfifans autre miniftere que celuy
de fes mains & de fes bras ,
qui luy obeiffent quand il veut ,
il vit plus content que tous les
Ros , quifont plus embaraſſez
de leurs gens , qu'ils n'en font
feruis. Il ne cherche pas l'obscu
tité pour faire des larcins , il ne
fecache pas dans des labyrintes de
Cabinets pour y commettre des
R iij
198 MERCURE
-
adulteres , le Ciel est témoin de
toutes fesactions. Ainfi vivoient
les Heros du premier âge, & l'on
appelloit leur Siecle un Siecle d'or,
parce que ces grands Hommes
n'en avoient alors ny l'uſage , ny
le defir . On ne s'eftoit point encore
avifé defaire d'une pierre un arbitre
muet pour regler des diffeferens
nydedivifer fes champs,
de diftinguer les proprietez par
des bornes On n'avoit point encore
bafti de Vaiffeau pour troubler
la Mer , cet Element paifible
n'avoit pas encore efté obligé
de fe mutiner , pour fecoüer te
joug que l'avarice des hommes a
GALANT. 199
voulu depuis luy impofer. Cen'e
froient, ny les murailles ny les foffez,
ny
les rempars qui faifoient
lesVilles , c'eftoit feulement l'affemblée
de plufieurs Familles qui
n'avoient befoin , ny de pierres ,
ny d'Architectes pour le bastir
des maifons , mais qui estoient
la nature
contentes de celles que
elle mesme leur avoit données , en
leur donnant des grotes & des cavernes.
Ces noms triftes & få
cheux , de guerre , d'armes & de
Soldats eftoient inconnus ; il n'y
avoit qu'un mefme Peuple dans
tout le monde , tout ce peuple
vivoit dans une fi belle intelli-
R
iiij
200 MERCURE
gence , qu'il fembloit n'eftre qu'un
feul homme, La terre eftoit vierge,
neftoit pas moins feconde ;
elle produifoit fans femence, &
ce qu'elle donnoit aux hommes
eftoit un effet de fa liberalité, &
non pas unfruit de leur travail.
Mais maintenant , à voir ce qui
Se paffe parmy les hommes , certainement
la meilleure condition
eft de s'en retirer. La terrela
mer portent par tout des marques
fanglantes de leur rage , de leur
ambition de leur tyrannie. La
force eft au deffus des Loix ; les
plus vertueux gemiffent fous le
joug du plus puiffant . On voit le
GALANT . 201
Encore autrefois
crime , la guerre , & le carnage
de tous cofte
quand ils commençoleat à dégenerer
de la vertu de leurs Peres ,
c'eftoitfeulement contre ceux qui
eftoient d'un autre fang & d'un
autre pays qu'ils fe battoient,
ils n'avoient point d'autres armes
que leurs mains , des pierres
des branches d'arbre Leur colere
fans art fe faififfoit pour attaquer,
ou pour se défendre , de la premiere
chofe qu'elle rencontroit , mais
depuis ils ont trouvé avec lefer
mille moyens nouveaux de fe
nuire de s'entretuer ; ils en ont
fair plufieurs arts , & ils enfont
202 MERCURE
leur étude. Le Frere eft armé
contre fon Frere , le Fils contrefon
Pere , la Femme contrefon Ma.
ry. On voit les Meres égorger
leurs propres Enfans . Que feroit
cefi j'ajoûrois à tout cela les cri
mes ordinaires des Maraftres?
Qu'on ne reproche donc plus aux
gensde bien la vie qu'ils menent
les beftes dans les forests ,
parmy
loin du commerce des hommes
parce qu'en un mot, il femble que
les hommes & les bestes ayent
échangé leur naturel , & il n'eſt
rien aujourd'huy ny de plus inhumain
que les hommes , ny de plus
humain que les beſtes.
GALANT. 203
Durant le fejour que la
Cour a fait à Fontainebleau ,
deux intimes Amis , l'un Abbé,
& l'autre Officier dans les
Armées de Sa Majesté , firent
parti d'aller enſemble vifiter
I'Hermire de Franchard , à
une lieuë du Chafteau , le Cavalier
dans l'efprit de curiofité
, & l'Abbé pour divertir
fon Ami d'une forte paffion
qu'il avoit pour une belle
perfonne dont il avoit l'eſprit
occupé à tous momens . Ces
deux Amis partirent pour cet
effet un jour que le Roy alla
de bonne heure à la Chaffe ,
204 MERCURE
& s'entretinrent fi agréable .
ment des belles qualitez du
Prince,qu'ils arriverent infenfiblement
à la porte de l'Her
mitage,fans que l'Abbé cuft
encore penfé à reprendre fon
Amy de les amours , ny que le
Cavalier eût reflechi un moment
ſur l'objet de ſes plus
cheres pensées . Ils entrerent
ainfi dans la cellule , déja fatisfaits
de leur voyage ; mais
aprés avoir falué celuy qui
l'habitoit , homme fans Lettres
. & fans éducation , doué
d'ailleurs d'une grande pro
bité & d'une finguliere devo
GALANT. 205
tion ,ils furent ravis tous deux
de trouver avec luy un Gen.
tilhomme étranger, converti
depuis douze ans à la Foy Catholique,
qui fans affecter de
parler felon les maximes
Chrétiennes qu'il avoit veritablement
médirées , fit voir
à l'un & à l'autre pendant
plus d'une heure de conver
fation qu'ils eurent enfemble ,
les excellentes qualitez de
fon efprit , par le raiſonnement
Apoftolique dont il fe
fervit dans le difcours . J'ef
pere vous donner une idée
plus jufte de ce digne perfon .
2
206 MERCURE
nage dans la Relation que je
vous feray du Dialogue qui fe
fit ce jour là dans la cellule
touchant la veritable retraite,
Je me contenteray aujour
d'huy de vous dire que le Ca
valier parla de cette matiere
aufli pertinemment qu'on
puiffe fe l'imaginer ; ce qui
furprit fort fon Amy, qui ne
s'attendoit à rien moins qu'à
trouver en luy tant d'habile
té.
La converfation finie , les
deux Amis prirent congé de
l'Hermite & du Gentilhom .
me pour s'en retourner à la
GALANT. 207
1
Cour ; mais avant que de for
tir de ce fejour angelique ,
ils s'apperceurent de quel
ques ceracteres peints fut les
Rochers d'alentour avec des
reprefentations de noftre
derniere fin. Ils s'y arreftes
rent , & virent une infinité de
Sentences tirées des Saintes
Ecritures, que le Gentilhomme
dont je viens de vous par
ler, avoit appropriées avec eſ.
prit aux repreſentations de ce
licu. L'Abbé fe fervit de
cette heurenfe occaſion pour
parler à fon Amy coeur à
coeur, & luy faire voir la vani.
208 MERCURE
1
té de fes inclinations,& la vûë
des Rochers animez des veritez
de l'Evangile qui luy reprochoient
fa conduite. Le
Cavalier avoit déja perdu
l'enjoûment ordinaire de fes
belles manieres dans ces
lieux, lors que l'Abbé s'aper
ceut qu'il le faifoit un changement
fur fon vilage à mefure
qu'il s'arreftoit à chaque
paffage de l'Ecriture . Il l'en
avertit, mais foit que le Cayalier
fast furpris de voir que
fon Amy s'apercevoit de ce
qui fe paffoit dans fon ame , ou
qu'il vouluft bien luy en faire
GALANT. 209
1
confidence comme de toutes
fes autres affaires; Je ne fçay,
dit-il , fi c'eft la beauté de ce
Defert qui charme mon efprit
, ou fi je me fuis tantoft
épuifé fur une matiere dont
je n'avois jamais tant parlé ,
mais je me trouve dans une
efpece d'afloupiffement qui
ne m'eft pas ordinaire. Quoy
qu'il en foir , je vous diray ,
mon cher Abbé , que ces
beaux lieux, cette fainte converfation
, & ces grandes veritez
écrites de routes parts
fur. ces rochers , font une
telle impreffion fur mon
Nov. 1695. S
210 MERCURE
coeur , que je ne penfe plus
à rien moins qu'à la perfonne
à qui je me fuis fi fortement
attaché. L'Abbé qui vit bien
que fon Ami changeoit de
fentimens , & qu'il eftoit fur
le point de faire des voeux &
des proteftations de quitter
le monde , pour demeurer
toujours dans une fi belle
tetraite , tâcha de le divertir
d'une devotion qui faiſoit un
peu trop de progrés en un
feul jour. Il le mena pour ce.
la fur une hauteur dans une
maniere de Pavillon , que le
Roy fit faire il y a quelques
GALANT. 211
années
pour repaiftre
fa
Cour de la manne du defert.
On découvre de cet endroit
la plus belle plaine & le plus
beau paysage qu'on puiffe
voir au milieu des rochers &
des forefts. C'est là que l'Ab
bé voyant fon Ami qui contemploit
ces lieux avec admiration
, fit ces Vers qu'il
anima en mefme temps par
des accens de Mufique qu'il
crayonna fur la muraille du
Pavillon. Ils en chanterent
enfemble les notes , que je
vous envoye gravées-
Sij
212 MERCURE
AIR NOUVEAU,
A
Imables Bois , Rochers &
Plaine,
Vons enchantez mes fens , vous comblez
tous mes voeux.
Ves atrraits innocens font bien
moins dangereux
Que le brillant éclat de la belle
Climene.
Vous pouvez adoucir laplus cruelle
peine
D'un coeur foumis aux loix de l'empire
amoureux.
Aimables Bois
Plaine
Rochers &
Vous enchantez mes fens , vous
comblez tous mes voeux.
21 2149.12TAT.
Septembre
3991124)
page 157. Ilcontoit qu'étudiant au212
Vous
Vas
Que !
Vous
D'un
Air
Vous
GALANT. 213
On fait toujours de nouvelles
découvertes , & comme
j'ay remarqué qu'elles
font plaifir dans voftre Province
, je vous envoye la copie
d'une Lettre qui m'a efté
écrite par une perfonne qui
fe qualifie le Chevalier des
Ambars.
Derez,que je vous faffle
E grace , Monfieur , agréez
part de ce que jouis dire ces jours
paffez à M de V. Pl. au ſujet
de la Lettre inferée dans vostre
Mercure de Septembre dernier
page 157. Ilcontoit qu'étudiant au214
MERCURE
à
trefois aux Mathematiques
Toarnon , petite Ville celebre par/
Jon College ,fur le bord du Rhône
, à trois lieues de Valence
fous un Jefuite Alleman , qui
avoit efte des Difciples dufameux
Athanafe Kirker, ce bon Pere luy
dit unjour qu'il luy vouloit montrer
l'heure qu'i eftoit à l'horloge de
Valence ,fansfortir de Tournon ,
l'ayant mené dans le plus haut
étage du College , il le fit regar
der par une petite Lunette d'approche
qu'il auoit apportée defon
pays , qui eftoit pofee fur un
piedestal ; ce qui luy caufa dans .
un moment le plaifir de rencontrer
GALANT: 215
d'appercevoir diftinctement
cette horloge , fa montre , fa figure
, fes chiffres , & fen aiguille
avec l'heure qu'elle marquoit.
L'adroite fabrique & la grande
portée de cette petite Lunette luy
ayant fait donner aux Ouvriers
d'Allemagne , les louanges qu'ils
meritent à bon droit fur tous les
Ouvriers de l'Europe , il luy vint
dans l'efprit que fi au lieu de chif
fres , ily avoit des lettres fur la
montre, que cette montre tournaft
au lieu de l'aiguille , ce feroit
un moyen ingenieux & facile à
celuy qui conduifoit l'horloge
d'exprimer à fes Obfervateurs ,
216 MERCURE
tout ce qu'il leur voudroit faire
entendre , & il penja encore que
les chiffres mefmes pourroient fignifier
les lettres , fi au lieu de
douze ily en avoit vingt quarre
marquezfur la montre , avec une
nulle , pour la diftinction des mots
que formeroient les lettres ou les
chiffres Toutefois ces penfées n'al.
Lérent pas alors plus loin. Il veur
pourtant croire que la derniere fe
réveilla , quand il conçut le deffein
de l'Ecriture de la Langue
Univerfelle ; ce qui luy arriva
dans lafuite , à la lecture de la
Science Universelle de Sorel , comme
il eft rapporté dans le quator-
Ziéme
GALANT. 217
r
Ziéme Tome de vos Extraordinaires
, page 335. mais M¹ Damontons
a produit & perfectionné
l'autre idée , & Son Amy l'a
mife dans un fi beau jour , par la
Lettre qu'il en a écrite , qu'on n'y
peut rien ajoûter pour la rendre
propre à plaire , & pour en perfuader
l'utilité & l'usage ; car
enfin elle n'eft pas feulement commode
pour donner des avis , elle
l'eft encore pour en recevoir , &
l'on peut par fa pratique , s'en
communiquer reciproquement de
toutes fortes , fans jamais avoir
lieu de craindre qu'ils foient in.
terceptez en chemin , à quoyfont
Nov. 1695.
Τ
218 MERCURE
fujets ceux qui font envoyez par
toute autre voye. On dira que ces
operations fe font lentement ,fi ce
n'est que fucceffivement de lettre
en lettre ; mais on répondra qu'il
en eft de mefme de l'écriture , où
les lettres ne fe marquent que l'une
aprés l'autre , & qu'un coup d'oeil
Suffifant pour chaque lettre”, il eft
bien toft donné , & le mot ainfi
bien tost affemble & entendu.
M de V. parla enfuite d'un autre
moyen de communication qui
a quelque rapport avec celuy là ;
mais qui n'eft pas d'une d'une fi vaste
my
fidétaché de la matiere.
Ilne laiffe pas d'estre agreable,
GALANT.
219
&peut eftre utile , puiſqu'il peut
fervir au commerce de deux Amis
, dont l'un feroit prifonnier
dans une Chambre au deffus ou
au deffous de celle de l'autre ,fans'
qu'ilsfepuffent ny voir ny parler.
Il confifte en deux especes de mon
tres d'égale grandeur , faites de
quelques bouts de planche, cos
pez en rond, un peu creufez fur
leur épaiffeur , percez par le milieu
, & marquez vers leur circonference
, des lettres de l'Alpha
bet & de quelque nulle , ou bien
de chiffres pour fignifier les lettres ,
fi l'on veut affecter plus de miftere
plus de déguifement ; en deux
Tij
220 MERCURE
broches de fer plantées l'une au
deffus de l'autre , dans les murail
les des deux chambres , autour
defquelles les montres ayent le
mouvement libre ; en deux aiguil
les , ou fléches attachées à ces bro..
ches, quifoient fixes , comme elles ,
pour empefcher la chute des mon
tres , & pour en marquer les caracteres
, & en une petite corde
de boyau qui tournera prefque entierement
autour de ces montres
quife eroifera dans l'entre deux ;
qui fera clouée au deffus de l'u
ne & au deffous de l'autre , par
unpetit trou percé dans leur planou
dans leur voute ; car les
GALANT. 221
chofes eftant difpofées de la forte ,
on ne pourra remuer l'une des
montres que le mefme mouvement
ne foit imprimé à fa compagne ,
ny faire trouver un caractérefous
la pointe de l'aiguille de l'une , que
le femblable ne fe rencontre fous
la pointe de l'autre d'où il arri
vera qu'en écrivant ces caractéres
mesure qu'ils cbangeront de
place on en formera des mots , qui
eftant feparez par la nulle , com.
poferont un difcours , qui ne donnera
aucune peine a live ny à concevoir.
Mais je ne dois pas oublier
qu'il est neceffaire que les
Alphabets des deux montres foient
Tiij
222 MERCURE 1
A
rangez diverſement , enforte que
l'unfoit marqué à l'ordinaire , en tirant
de la gauche a la droite , &
l'autre en allant de la droite à la
gauche ; parce que c'eft une circonfance
effentielle , pour la rencontre
des mefmes caractéres fous les flé
ches dans les mouvemens des deux
montres. Je n'ay rien à dire de
la longueur de la corde's elle fe
doit regler par
la portée de la
main , & par celle de la vûë des
perfonnes qui veulent mettre en
pratique ce moyen de communication
. On pourroit fe fervir de
ces montres dans des lieux plus diftans
les uns des autres , par
l'en
GALANT
223
tremife des tuyaux
voir
des aque
ducs , & d'autres paffages peufufpects
; mais quelque ufage qu'on
en faffe il n'a rien d'égal à celuy
de M Damontons , puifquefans
recourir à l'affemblage des Lettres
, on peut par lefien appercediftinctement
des fyllabes.
& mefme des mots entiers , fur
tout fi onles prefente à la lunette ,
en grands & en gros caracteres
noirs , dans un fond bien blanc ; ce
qui rend encore ce moyen moins
embaraſſant plus prompt pour
venir à la connoiſſance des avis
que l'on reçoit , que celuy que je
viens de détailler. L'afſurance
T iiij
224 MERCURE
que j'ay que ce jugement ne fera
pas defaprouvé par M' de V. me
le fait porter hardiment . Il eſt
équitable , & mon Amy ; c'eft
tour dire . Je fuis , Monfieur ,
voftreires , &c.
Voicy une autre Lettre
dont la matiere eft trop curieufe
pour ne vous en pas
faire part. lle eft de M' Cipiere
, & fert de réponse à
celle que vous avez lûë touchant
les Tournois & nos
Lis , dans la mienne du mois
d'Octobre dernier.
GALANT. 225
A MONSIEUR
L'ABBE HARCOUET.
JE
E vous fuis obligé , Monfieur
, de l'honneur que
vous m'avez fait de répondre
à ma Lettre fur les Fleurs de
lis. On ne peut rien voir de
mieux imaginé que ce que
vous dites ; & ce que vous
m'écrivez m'a donné tant
d'eftime pour vous , que je
fuis fâché de ne vous connoiftre
pas , & de ne m'eſtre pas
trompé dans mon opinion ,
afin d'eftre de la voftre ; mais
226 MERCURE
par
peut- eftre que je me fuis
trompé. Je voudrois , Monfieur
, que vous me le fiffiez
voir , je me ferois un fingu
lier plaifir d'eftre éclairé
un homme de voſtre merite .
Pour cela , il faut , s'il vous
plait que vous faffiez une
analyfe de ma Lettre , en faifant
voir premierement
que
Ce que j'ay dit des Tournois
où l'on commença
à porter
des Ecus avec certaines couleurs
, & certaines figures
n'eft pas vray femblable . Secondement
, que l'inftitution
des Jeux Equeftres eft plus
GALANT. 227
ancienne en France , que
l'Epoque que j'ay marquée.
Troifiémement , que les Lis
ont paru , foit dans les Enfei
gnes , foit dans les Boucliers
de nos Princes avant Charlemagne.
Quatrièmement
que ce n'eft pas par allufion
à la Loy Salique , qu'on a pris
la figure des Lis dont il eft
parlé dans l'Evangile de S.
Mathieu . Après cela , Monfieur,
vous établirez, s'il vous
plaift , ce que vous n'avez
avancé que comme une conjecture
; car je vous avouë
que je ne puis pas croire ai228
MERCURE
fément ce que Sigebert &
Tritheme nous difent de
Francus , & ce que d'autres
difent de Francion , venu du
Siege de Troye . L'Hiftoire
de chaque Nation a fon
temps fabuleux , & fon temps
ancien & certain . Ce qui paffe
les Olympiades chez les
Grecs , & le regne de Romulus
chez les Latins , eft le
temps fabuleux . On doute
mefme fi Romulus eft né à
Rome ; & en effet , ſon nòm
eft plutoft Syrien que Latin .
Ce qu'on nous dit avant Pharamond
, ce brave Chef des
GALANT 229
Saxons , qui ne fit d'abord
que paffer le Rhin & s'établir
dans l'Auftrafie , eft confon,
du avec les obfcuritez prefque
impenetrables de l'Hiftoire
des Barbares , & nous
ferons fort feurement de le
mettre au temps fabuleux,
Je ne fçay fi ce bon Abbé
Tritheme , fçavant au refte
dans l'art de deviner les chif
fres & les hierogliphes , n'au
roit point confondu les François
, & les Gaulois . Je voudrois
bien fçavoir où il a trouvé
que Francus fuft Roy des
Gaulois. S'il s'eftoit fouvenu
230 MERCURE
des Commentaires de Ceſar ,
il auroit trouvé quels étoient
les Rois de cette ancienne &
vaillante Nation ; qui occupa
plus long- temps les armes
de Rome , que tout le refte
de ce grand Empire qu'elle
conquit. Mais laiffons là cet
Abbé, il fuffit que les François
venus de de- là le Rhin ,
n'ont fubjugué les Gaules ,
que plus de quatre cens ans
aprés l'Ere Chreftienne .
Pour ce que vous conjec .
turez , Monfieur , des Lis que
ces premiers François por
toient dans leurs Enſeignes ,
GALANT.
231
& que nos Rois ont mis dans
leurs Ecus , je vous prie de
vous fouvenir que les Enfeignes
n'ont pas efté des draps
de foye , où de laine , avec
des peintures & des broderies
, telles que font celles qui
font pendues à la Nef de Nôtre-
Dame de Paris ; ce n'a efté
chez les Romains qu'une bot
te de foin au bout d'une pique.
On l'appelloit Manipulus
, auffi bien que la Troupe
qui marchoit fous cette Enſeigne.
On a mis au bout d'u
ne autre pique , une main
étendue , & on a appellé cetre
232 MERCURE
Enſeigne du nom de Manus.
On a portéencore des Aigles
qui ont donné le nom de Ala
à la Troupe qui les fuivoit .
Enfin , les quatre lettres S.
P. Q. R. les Couronnes de
Laurier , les Portraits des Em .
pereurs , le Ki & le Ro , qui
font les deux premieres lettres
du nom de Chriftos , la
Croix , le Labarum , ont fervi
aprés cela d'Enfeignes . Les
Barbares portoient une tefte
de cheval ou la queue , comme
font encore les Turcs .
Nous ne trouvons guere la
figure de leurs Enfeignes , &
GALANT. 233
il y a apparence qu'elles étoient
auffi fimples que les
premieres des Romains. Si
les figures des anciens Dra .
peaux avoient paflé fur les
Ecus des Princes & des Cavaliers
, qui font entrez dans
les Tournois , nous trouve
rions fans doute dans les anciennes
Armoiries , la figure
des anciennes Enfeignes
comme nous la trouvons fur
les Medailles des Empereurs
Romains ; mais il y a bien
plus d'apparence que nos
Drapeaux ont fuccede aux
anciennes Enſeignes , & que
ONE
" Nov. 1695 . V
274 MERCURE
nos Ecus d'armoiries ont pris
place des Boucliers que les
Soldats portoient au combat.
Ces Boucliers ne furent d'a.
bord que des clayes d'ozier
des pieces de cuir , ou des
plaques de cuivre. Quelque
temps aprés on les orna de
diverfes figures , fuivant la
fantaisie &l'intention de ceux
qui les portoient. Je pourrois
parler icy du Bouclier magni.
fique d'Hercule que Hefiode
nous a dépeint , & de celuy
d'Achille décrit par Homere,
mais il n'eft pas queftion de
la Fable , & il eft certain que
GALANT. 235
९
ces Boucliers qui fe changeoient
quand on vouloit
n'étoient pas les Armoiries
que nous portons aujourd'huy.
I n'eft question que
des couleurs & des figures
myfterieuſes qu'on porte fur
les Ecuffons , & qu'on a re
çues des Maures & des Sarrafins
qui inonderent l'Europe
quelque temps avant Charle
magne Pay dit dans ma Lettre
de quelle maniere ces cou
leurs & ces figures fe multiplierent.
Nous en devons une
partic aux Tournois , qui ſe
font celebrez en France , &
A
Vij
236 MERCURE
l'autre partie à ceux qui fe
font faits en Allemagne . Les
oifeaux , ou les monftres ma.
ritimes , les ancres de Vaif
feaux
1 & autres chofes de
cette nature , ne font venus
qu'aprés les voyages d'outremer
; les teftes de More , marquent
les combats avec les
Sarrafins. Peu à peu les figu
res fe font augmentées , & il
n'y a point de doute que les
Ecus où il n'y a que les feules
couleurs , ou tres- peu de pieces
, ne foient ceux qu'on por .
toit dans les premiers Tournois.
J'ay mefmeune opinion
GALANT. 737
là deffus qui peut eftre plus
veritable qu'on ne penfe. Je
croy qu'il y a quantité de figures
& de pieces dans l'Ecu
des Armoiries qui n'ont eſté
prifes que parce que leur nom
faifoit allufion à celuy du Cavalier
, ou à quelqu'une de fes
belles actions , ou à fes intentions
, ou à ſa naiſſance , ou à
fon employ dans l'Armée &
dans l'Etat , ou aux fervices
de
rendus à fon Prince
forte que ces Armoiries ont
efté parlantes , comme on les
appelle. En voila affez pour
vous faire comprendre tout
238 MERCURE
ce que je veux vous dire. Je
fuis , Monfieur , voftre , & c .
A Bordeaux ce 19 %
Novembre 1695.
Monfeigneur le Dauphin
ayant échangé fà Terre de
Choifi contre celle de Meudon
, a voulu que les premieres
marques de la magnifi
cence en ce lieu , ayent efté
d'y témoigner fa pieté envers
Saint Martin , qui eft le Patron
de la Paroiffe. Ainfi le
jour de la Fefte de ce Saint ,
ayant efté choisi pour cela,
ce Prince ordonna que l'EGALANT.
239
glife , qui eft confiderablement
grande , fuft tenduë
haut & bas des Tapifferies
de la Couronne . On tendit
en haut la Tapiflerie des Actes
des Apoftres , du deffein
de Rapheël , & cette Tenture
eft eftimée l'une des plus précieuſes
& des belles . Le bas de
l'Eglife & les piliers furent
ornez d'une autre Tenture ,
du travail des Gobelins , &
du deffein du Pouffin , laquelle
contient l'Hiftoire de
Moyfe . Sur les neuf heures
du matin , jour de la Fefte ,
plufieurs des cent Suiffes du
240 MERCURE
Roy apporterent
du Château
à l'Eglife fix grands Pains benits
. Ces Suiffes avoient leurs
Toques de velours, leurs Fraifes,
& des banderolles
à la
main .Les tambours
, les trompettes
& les Hautbois
précedoient
leur marche , & M
Langlois
, Maitre d'Hoſtel
chez le Roy , avec M¹l'Abbé
Turgot de Saint - Clair , Aumônier
de quartier de Monfeigneur
,fuivis de M le Tre
forier des Offrandes
, & de
plufieurs
autres Officiers
de
Sa Majesté , marchoient
à la
teſte , & preſenterent
à l'Offerte
GALANT 240
ferte de la grand' Meffe les
fix Pains benits , tout cou
verts de Banderolles. Il y eut
une affluence extraordinaire
de monde. M'T'AbbéGallyor,
Docteur de la Maiſon & So,
cieté de Sorbonne , & Sous-
Penitencier de l'Eglife de Paris
, lequel a une maison à
Fleury , dans l'étenduë de la
Paroiffe de Meudon , y prêcha
incontinent aprés lOfferte
, quoy qu'il n'euft eflé
averty que la veille fur les
huit à neuf heures du foir
qu'on vint avertir › M. de
Rond Curé de Meudon ,
Nov. 1695.
X
243 MERCORE
que la perfonne chargée de
puis prés d'un an de faire ce
Sermon , venoit d'eſtre atta.
quée d'une fiévrettes - violente
, qui ne luy permettoit
pas
de parler en public le lende
main. M' Gallyot fappléa fur
lechamp , fans autre prépara
sion que de tres peu d'heures.
1 prit pour texte ces paroles
l'Ecclefiaftique
, chap. zs.
au fujet de Moyfe ; Dilectus
Deobominibus
, cujus memoria
in benedictione
eft , glorificavit
illum inconfpectu Regum Lune
des chofes , dit it, qui faffe un
plus veritable plaifir , eft d'estre
de
&
GALANT 24$
aimé , parce que l'amour eſtant la
principale affection du coeur , fes
plus grandes delices font comme
par ſimpathie de trouver le reciproque.
L'amour quifistsfait
remplo mieux cette attente , eff
celuy du premier Eftre , parce
qu'il nefçauroit estre qu'un amour
infinimentſage , affectif
4
plein
d'attrais ; mais ce qui refroidie
fur cela l'inclination naturelle de
la plupart des hommes , eft la
difficulté d'y pouvoir joindre l'a.
mour des hommes. Tel plaift à
Dieu , dont les hommes par leur
bizarrerie font quelquefois tres
mécontens'; & ceux quid ailleurs
X ij
244 MERCURE
paroiſſent le plus au gré des hommes
, font d'ordinaire en horreur
à Dieu. Rare eft un merite dont
Dieu & les hommes fallent également
cas . C'eft auffi ce que le
Saint Elprit nous propofe comme
Le grand fujet d'éloge de Moyfe,
Dilectus Deo & hominibus
Moyfes , cujus memoria, &c.
La Providence ayant permis que
les inimitables peintures qui repre
fentent l'histoire deMoyfe,fervent
aujourd buydans ceTemple abonorer
la Fefte de noftre Saint Patron,
il me femble que l'incomparable
Tableau que le Saint Efprit nous
atracéluy meſmedans l'Ecriture.
GALANT. 248
de ce grand Patriarche, peur auffi
entrer dans cette pompe , & nous
donner une forte idée des vertus
de Saint Martin, Dilectus Deo
& hominibus , & c. S. Mar
tin chery de Dieu . L'éloge que
Jesus Chrift fit luy mesme de fa
vertu naiffante , n'estant encore
que Cathecumene & Soldat , les
apparitions & les extafes prefque
continuelles , les rayons de gloire
les tourbillons de feu fur fa
teste , les miracles fans nombre
en font une autentique preuve
dilectus Deo. Saint Martin
cheri & eftimé des hommes . Les
peuples defou temps l'apelloiens
Xiij
246 MERCURE
communement un Saint . Les Em
perzursmême ont tenu à bonneur
de lerecevoir en leurs Palais , Dés
fon vivant les plus grands Saints
de ce Siecle , Saint Fortunar ,
Saint Paulin , Saint Somere Sulpice
, Sami Gregoire de Tours , fi
rent gloire d'écrire sa vie er de
louer fes vertus , & il n'eft pas
poffible , dit l'un d'entre eux , d'e
fire dans une veneration er une
estime plus univerfelle , plus awe.
rée er plus conftante , dilectus
hominibus . A fa mork , le Cler, 4f4
go qui y affiftaefgit compofé
Mue de
de last mine perfonnés
.
On eft venu auffi tot de rous les
2
GALANT : 247
I
endroits du monde pour honorer
fes Reliques, & reclamex ſa pratection
, mais entre tous ceux qui
3 ont montré une particuliere dewotion
l'on fait combien nos Rois,
toujours fuperieurs aux autres en
tout ce qui regarde le uray bien ,
fefont longtemps diftinguez Op
les a vis aller chaque année rendre
hommage au corps de Saint
Martin , que l'Eglife de Tours
avoit alors le bonheur de confer
ver encore. Il y a eu mesme plufieurs
ficcles depuis Clovis , qu'ils
ne vouloient point : qu'on marquaßt
les dares to le calcul de nos
années , que dujour de la mors de
X iiij
£48 MERCURE
Saint Martin, Falloit il entre
prendre quelque deffein ou
quelque guerre , ce n'eftoit
jamais fans venir auparavant
confulter eux - meſmes cette
Arche celeste , de même que
les Conducteurs du Peuple
de Dieu confultoient à toute
occafion celle d'Ifraël , fans!
invoquer avec humilité 12
protection de ce Saint
porter avec eux ſon manteau ,
comme la plus affurée défenfe
de leur Perfonne facrée ,
& de leur Royaume . En en
mor , cette devotion a telle
ment poffedéle coeur de tous
GALANT 249
nos Rois , que le grand Prince
qu'on a le bonheur d'avoir en
cette Paroiffe pour Seigneur,
digne heritier des vertus roya
les de fes Auguftes Ancestres,
autant que de leur gloire &
de leur grandeur, a voulu que
fa magnificence la plus pom
pepfe ne commençaft à écla
ter dans ce lieu , que pour y
faire revivre , par fon exem
ple , la devotion de S. Martin,
& apprendre à tout l'Uni
vers , que fi l'impieté des He
retiques a pû par un incendies
barbare enlever à la France .
le corps & les précieuses Reli
250 MERCURE
ques de ce Saint tutelaire , la
veneracion
pour la vertu , &
la confiance en fes intercel,
Lions , ne s'ofteront jamais de
la Famille & de la Cour de
nos Rois. Moyfe a t il donc
efté , ny plus en benediction
aux yeux de Dieu , cujus memo
ria in benedictione
eft , ny plus
éclatant de gloire auprés des
plus grands Monarques
, Glo.
rificavit illum in confpectu Regum
? Voila ce qui a fait le
bonheur de Saint Martin .
Autre chofe cft far fainteré,
qui en eft comme la fource ,
& qui merite auffi beaucoup
GALANT. 251
plus noftre attention . Si l'amour
fe paye & le reconnoift
par l'amour, celuy que Dieu
& tous les hommes ont fingu.
lierement marqué pour ce S.
Archevêque , eſt une preuve
que luy-même n'a eu de coeur
que pour aimer parfaitement
& Dieu , & les hommes. Jamais
en effer y eut il
eut il pour
Dieu un amour plus refpe-
Queux , plus actif , plus dominants
jamais pour les hommes
un amour plus tendre
plus
Condefcendant
, plus fe
courable? Jamais enfin a ton
mieux fceu joindre & ac254
MERCURE
corder ces deux amours ? Le
monde fe les figure incom
patibles , & trop fouvent les
relations d'amitié pour les
hommes, font oublier ce qu'4
on doit à Dieu , ou au com
traire l'attachement préten
du à Dieu & à fa confcience,
rend un efprit facheux & in
acceffible aux hommes Ceft
un merite autant éminenty
qu'il eft peu commun d'eftro
religieux à rendre en même
temps , comme l'ordonne
Jefus Chrift , à Cefar ce qui
eft à Cefar, & à Dieu ce qui
eft à Dieu. Admirez à quel
GALANT. 233
point Saint Martin l'a tou¬
jours accompli, i shobupai
mi
25 Son extraordinaire pieté
pour Dieu ne l'a point empêché
d'avoir pour les hommes
tous les égards, routes les
complailances, & tous les ac
commodemens d'une vraye
charité, & fa condefcendand
ce pour les hommes n'a fceu
jamais affoiblir ny alterer le
parfait attachement qu'il a
yait pour Dieu. Les juftes
déferences aux Grands de la
terre, la rendreffe pour les
Parens , l'application au falut
des autres , ne font guere du
}
254 MERCURE
gouft de plufieursde ceux qui
fe piquent de devotion, mais
S. Martin a envifagé toutes
ceschofes comme desdevoirs
neceffairement liezà la vraye
pieté. Quelque dangereufe
que paroiffe la profeffion des
armes , fur tour pour la pieté
encore foible d'un Catheeds
mene & d'un Soldat , tel que
fur d'abord Saint Martin , il
comprit que la loy du Prince
obligeant les Fils de Veteran ,
(fon Pere eftoit Mettre de
Camp)defervirau moins quela
que temps dans l'épée . Ilétoit
de la Religion de le foumer-
443
GALANT. 255
fre à la neceffité
commune
perfuadé qu'à quiconque agit
par l'efprit de Dieu , les plus
funeftes dangers fe
changent
en fources de benediction &
de falut. Il avoit fujet d'apr
prehender
le commerce
de
fa Famille , qui aveuglée
par Idolatrie , l'avoit tou
jours traverſé dans le deffein
qu'il avoit de fe faire Chreftien
; mais l'infpiration
divine
luy fit connoiftre , que fi
la crainte de leur feduction
l'avoit forcé de quitter leur
focieté dans le premier mo
ment d'une converfion
non
246 MERCURE
encore affermie , il n'avoit
pas dû quitter le bon coeur
pour eux. Tout plein qu'il en
eft il retourne en leur maifon,
s'y renouvelle dans les fontis
mens de refpectqd'un Fils
tres-devoüé, leur rend , come
me Marie à Elizabeth , tpus
les offices imaginables de pie
té & de foumiffion , habile
& judicieux à démêlerinà
travers les tenebres de l'infidelité
, & du Paganilme
où ils eſtoient envelopez , ces
traits toujours venerables de
Fautorité paternelle . Quoy
qu'il femblaft avoir intereſt
GALANT 257
dofe débaraffer de l'affiftance
fpirituelle des autres , il fe li
vra de bon coeur à tous les
ta .
foins de cette charité . Son
temps defervice dans l'épée
aftano expiré l'ardeur de fa
propre fantification pult vou
hsqu'il eufembraffé une vie
plus retirée & plus tranquil
hey mais l'efperance de rame.
ner fon Tribun , l'engagea à
demeurer encore deux ans
dans les armes avec luy , & à
softer ainfi à foy mefme lea
plus folides confolations
pour en procurer aux autres
Digne imitareur de Moile
Novemb
. 1695. Y
218 MERCURE
qui defcend volontiers de la
montagne , & quitte l'entretien
de Dieu , pour accou
rir aux befoins du peuple ,
dont la mifere demandoit un
prompt fecours . - Quelque
ardeur qu'il fente , comme S.
Paul ,d'aller à Jefus - Chrift par
une heureuſe mort les lar
mes de fon peuple le portent
à confentir de fufpendre pour
quelques années les chaftes
delices de la vue de Dieu ,
comme le meſme Apoftre
pour eftre plus en eftat de
loutenir & d'affermir les au
tres dans la pieté. Cecy doit
1
GALANT
259
apprendre à ceux que leur devoir
appelle ailleurs, combien
des prieres a
contretempsfont
peu agréées du Seigneur . Une
mere de famille eft des temps
infinis à l'Eglife , pendantque
l'inapplication à fon domesti
que y donne lieu à mille dereglemens.
· Penſe - t - on à rendre aus
hommes ce qu'ils peuvent
atrendre de noftre affection ,
on porteront à l'excés . Delamour
on vientjufqu'à l'efcla
vage& l'idolatrie, & au lieu de
n'ufer de tout de tout le commerce
de la vie civile & des creatu
Yij
#60 MERCURE
les , que comme de degrer
qui nous élevent & nous faffent
remonter
à Dicu , on y
aſſervit ſon coeur , on s'y dépoüille
de l'homme chte
ftien , & on y étouffe tous les
fentimens de Religion . Les
déferences aux Grands de la
terre degenerent
en puses
flatteries & en baffeffes indis
gnes , les tendreffes
pour
une famille cherie , en je ne
fçay quoy qui eft purement
charnel , l'application
au fa ,
lut des autres en diffipation ,
orgueil & trouble , mais no-
Are S. Archevefque
a fçeu
G
GALANT 261
regter ces deferences , cet
rendreffes , & cette applica
tion au bien fpirituel des an
tres. On l'a vu dans l'épée,
à la Cour des Empereurs &
dans l'Affemblée des Evef
ques , & là ménager & fanti
fier les deferences legitime
ment dues à l'autorité. Il den
voit à fes Commandans dans
l'épée , un dévouement àtou
te execution militaire , un air
martial , guerrier intimidant,
qualitez qu'il n'eſt pas
facile de concilier avec la dou
ceur , Fhumilité & la miferi
corde Chreftienne: Il les
262 MBRCURE
Concilie , menant fous l'habit
de Soldat , dit fon Hiſtorien ,
la vie d'un parfait Religieux.
Loin de piller le riche , il dif
tribue à l'indigent fon plus
neceffaire. Le manteau patragé
avec le pauvre ( action
qu'il fit dans les commencemens
mefme de fa conver
Lion ) en fera à jamais un pré
tieux monument. Il devoit à
l'Empereur , & fur tout à fa
Cour , un tres -profond ref
pect , mais refpect qui dans
mille occafions efface fouvent
celuy qu'on doit à Jefus
Chrift , & à tout ce qui eft de
GALANT 263
fa Religion. L'étoile qui mé
ne les Mages à la crêche & à
l'adoration du Sauveury dif
paroift à la Cour de Jerufalem.
S. Martin foutient la dignité
duy Sacerdoce , fans man
quer à la veneration due à
Empereur. Il honore is
miniftere de l'autorité tem
porelle de Dieu , & il fçais
conferver le rangau Minifte
re de l'autorité fpirituelle .
Cette coupe prefentée à fon
Preftre avant que de l'offrir
à l'Empereur , parle fur cela
affez . Il devoit àl' Affemblée des
Evêques une obeiſſance fincere,
264 MERCURE
il ta rend avec humilité en tout
*
ce que l'Esprit de Drew luy afil
gnifié par leurs déciſions , maista
voix de l'esprit du monde , des
qu'eux mêmes s'y laiffent aller
ne fe transfigurera jamais pour
luy en la voix de Dieu, ný FAn
ge de Satan , quelque adrois qu'il
fout àfe cacher , en Ange de lur
miere, Ces Evêques n'écoutant
que leur paffion , infpiroient à
l'Empereur le meurtré éo le fou
pour exterminer l'herefte , Sami
Martin remontre au contraire que
Fefus Chrift luy mefme remon
troit aux Enfans de Zebedee ,
que l'Esprit qui préfide àl'Eglife
3
n'est
GALANT
265
n'est rien moins quefanguinaire.
Le faſte & la mondanité poffedant
leurcoeur , ils s'écrient contre
la negligence & la pauvreté de
l'habit de noftre faint Archevêque.
Un Prelas , difent - ils , ne
peut eftre bonoré regardé avec
affer d'eftime, fi la pompe &
l'éclat de fes
ornemens ne le rendent
venerable Saint Martin
méprife de tels avis , & refour,
tour
Archeveſque qu'il eft ,
de
demeurer dans la meſme
fimplicité. Le nom & la livrée
de pauvre , dit Saint Bernard,
luy parurent ce qui devoit luy
eſtre tres - pretieux , Martinu
The
Nov. 1695 .
Ꮓ
*
266 MERCURE
bie pauper & modicus , perfuade
qu'un Eevefque ne doit elfre
pare que de que la
vercus &
pauvreté exterieure eft une
marque non équivoque d'u
he aine toute d'or. L'attache
For
ment aux parens ethale un
air contagieux , la chair & le
ſang reſpirentje në fçay quoy
d'animal & de charnel Lai
cendant mefme de l'autorité
paternelle va a captiver le
fprit , à l'aveugler , à l'enforceler
, & à le prevenir
201
prevenir
contre
les plus évidentes
veritez .
Les préjugez
de l'éducation
arrellent
, dit Saint Auguftin
,
Dand
GALANT
267
une infinité de bons efprits
Saint Martin n'en fera pas
felciné nnyyeébloui. On doit
beaucoup , il le fait aux
perfonnes de qui on tient la
vie , mais il fçait encore mieux
qu'on doittout par preference
au premier Auteur de l'Eſtre.
Il l'écoute , & malgré les prieres
& la violence de les pa
rens , il ſe fait Chrellion. Une
Foy encore dans l'enfance a
befoin d'abry & de foûtien
ilSenurcgheerocnhe ailleurs qu'en
, mais
quelques
leur maison ,
années aprés , lors que la fe
duction luy paroift moins
"Z
11
268 MERCURE
craindre , il retourne auprés
d'eux , & loin que le commerce
qu'il eur avec des Infideles
donnaft atteinte à fa foy , ja
mais il n'en montra une plus
éclairée , jufqu'à s'attirer par
la reputation extraordinaire
d'uné faine doctrine , la perfecution
des heretiques ; une
plus viue & plus agiffante ,
jufqu'à convertir la propre
Mere à la vraye Religion. Le
foin du falut des autres paroift
comme infeparable de
beaucoup de diffipation , ce
qui étouffe l'eſprit d'oraiſon ;
de je ne fçayquelle vanité par
2
GALANT, 269
le fuccez du travail , ce qui excite
àl'humilité
destentations
tres delicates , de chagrins &
de trouble, par la
groffiereté ,
le travers , l'ingratitude
des
efprits à qui on a affaire , ce
qui met en rifque la paix &
la tranquillité
cant de fois recommandée
en toute l'Eertture
. Saint Martin fceut joindre
à la vie la plus
agiffante ,
la plus remplie de benedicction
, & en mefme temps
toute
contrariée en toutes fes
entreprifes, l'efprit de prieres,
P
d'humilité & de paix . Pour
peu qu'on liſe de ſon hiſtoire
Z iij
270 MERCURE
ces trois vertus y paroiffent
dominantes l'amour de l'oraifon
, le mépris de luy- meme
, la ferenité & égalité d'a
me en tout eftat. Nunquam
in ore Martini nifi Chriftus
ore
nunquam in ejus corde , niſi pietas
pax Cespointes d'éloges
furent traitez dans leurjufte
étendue , & foutenus d'une
Morale convenable au lieu
& au fujer.
Mª Gallyot n'ofa entreprenare
de faire l'Eloge du Roy
ny de Monfeigneur le Dau .
phia , des fujets de cette con-
Tequence ne fe pouvant trai
GALANT 271
ter ga avec plus de temps
qu'il n'en avois eu à ſe prepa-
Ter. Amfi ille contenta de
finir par cette Invocation du
Saint.
» Grand& Saint Archevefque,
-vous qui avez toujours fi parfai
tement chery les interests de nostre
France, qui vous estes montre
toute occafion , l'un des Anges tu
telaires de nos Monarques , qui
dans les conjonctures les plus de
feliperées , nous avez toujoursfer
vi d'azile , y avez daigné vous
charger auprès de Dieu de nos
veux , pourrez vous oublier anjourd'huy
un Prince qui par le
Z iijj
272 MERCURE
miniftere d'un autre luy mesme
fon chore digne Fils , s'efforce
de vous donner des marques fi
éclatantes de fa Religion pour
vous. L'esprit de foy qui a conjours
regne en cette Cour vous a
fingulierement attaché à la pro.
teger de voſtre interceffion. Le
Grand Monarquefous legal nous
avons le bonheur de vivre n'a
jamais eu rien plus à coeur que de
deffendre cette Foy , que de la ren
dre pure & triomphante en tous
fes Etats , que de confacrer à fan
affermiffement fes foins ,fon autotorité
,fes armes ,fa gloire . Vous
donc , incomparable Protecteur ,
GALANT
273
vec
une nouvelle
qui depuis une infinité de fiècles
avez du haus de voſtre gloire ,
comme un autre Moyfe , du baur
de la montagne , étendu tant de
fois des mains favorables fur les
Row fes ancestres , & furles com
Batans d'Ifraël , étendez les aujourd'huy
bonté,
&une grace plus abondante fur
la Perfonne fac é de cet Invinci
ble Roy fur fon Augufte Fils ,
Princeinfiniment cher à tout l'E.
tat , mais cher doublement à tous
tant que nousfommes d'Habitans
de cette Paroiffe , fur toutefapretieufe
Famille fur fon Royaume,
furfes Armes , &furfes Sujets ,
274 MERCURE
mais étendez les pour y actirty
du Ciel tous les trefors de benedi
tion & Spirituelle temporelle,
&pour cette vie pour la fu
ture.
Le Samedy iz de ce mois,
l'ouverture du Parlement fe
fit avec les ceremonies accoutumées,
M l'Evêque de
Chartres , Prelat d'un merite
fingulier , celebra la Meffe en
habits Pontificaux , dans ta
grande Salle du Palais , & il
fur conduit enfuite à la
Grand Chambre , ou M de
Harlay , Premier Prefident
le remercia pour la CompaGALANT.
275
gnic , & fit un éloge de fa
pieté , & du bon exemple
qu'il donnoit à ceux dont
Dieu lay a remis la con .
duite. Ml'Evêque de Chartres
luy répondit d'une maniere
qui fatisfit fort tous fes
Auditeurs.
90 Le même jour on entra à
la Cour des Aides , & Mr le
Camus , qui en eft premier
Prefident , parla avec la di.
gnité d'un homme de fon
caractere , & avec l'affabilité
que tous ceux de cette Famille
ont pour partage . Son
Difcours roula fur ce qu'on
"
276 MERCURE
།
ne devoit point s'écarter de
laa Loy , & fur l'union que doivent
avoir les Magiftrats M
Deshaguais , premier Avocat
General , qui parla enfuite ,
fit voir combien la perfeve
rance dans le travail eftoit
neceſſaire , & que c'eftoit avec
beaucoup de juftice que l'on
fe plaignoit des Magiſtrats ,
qui croyant avoir aſſez d'âcquis
, s'autorifoient à fe relâ
cher . Ce Difcours fut trouvé
quent
, & l'un des plus
beaux, que M Deshaguais
ait en core prononcez. C'eſt
beaucoup dire, puis qu'il n'en
97051.
GALANT. 277
a fait aucun qui n'ait receu de
grands applaudiffemens .
乳
oderation
Le Lundy fuivant 14. dece
mois , M' d'Agueffeau , Avo
cat General , fit l'ouverture
des Audiences , & parla d'abord
fur les qualitez neceffaires
à un Avocat parfait. Il fe
reftraignit à la
qu'il devoit faire paroiftte en
toutes chofes demeurant
dans ce jufte milieu qui fait
reconnoiftre le caractere
d'honnefte homme , & cette
noble droiture , qui eft attaché
à la profeffion d'Avocar.
Il fit voir enfuite que le
278 MERCURE
Roy avoir donné des mars
ques d'une fi grande moder
ration dans toutes lesactions,
que dans les conqueftes les
plus éclatantes, il s'eftoit tou
jours trouvé égal à luy- même
, ayant confervé fans ceffe
cette conftanceheroïque qui
me l'ajamais plûtoft fait pann
cher d'un cofté que d'un aug
dans les occafions où
tre ,
adu
il voyoir jour à pouffer , s'il
cuft voolu , des deffeins que ] ;
tout autre Prince nìoins moderé
, auroit portez jufqu'où
la fortune auroit pû les faire
aller , ce qui faifoit voir
fagrandeur n'étoit pas moins
que
GALANT 279
deuch ce beau caractere de deučà
moderation , qu'à toutes les
autres vertus. M❜d'Aguefléau
S'étendit enfuite fur la perte
que la Cour avoir faite de r
rrois Avocats celebres ; de
M Billard, dont la feule al
liance marquoit affez la dif
tinction , puis qu'il ?
qu'il eftoit
Beaupere de M Bignon , Neveu
de M' de Pontchartrain .
Il n'oublia pasM Huffon dont
il parla en des termes fi avanrageux
, que l'on ne pouvoit
rien dire de plus en faveur
d'un des plus habiles Ora
teurs qu'ait jamaiseus le Barreau
. M' le Gaigneurs , S' de
280 MERCURE
Teffe cut auffi un grand
Eloge. Il fit connoiftre qu'il
avoit exercé la profeffion
d'Avocat avec probité , avec
honneur , & avec beaucoup
d'éloquence . M ' de Tefle
eftoit d'une des meilleures
Familles d'Anjou , quoy qu'il
fuft originaire de Navarre,
Ses Ayeux ont poffedé les
Charges les plus honorables
dans la Robe , fous le regne
deHenry IV.L'un d'euxeftoit
Procureur General de laReine
Jeanne , fa Mere, qui les ame
na à la fuite quand elle vint
en Anjou. M' d'Agueffeau
GALANT 281
I
ayant fini , Mile Premier Prefident
prit la parole , & fit un
Difcours dignede luy , & qui
roula auffi fur les qualitez neceffaires
à un parfait Avocat .
Il dir quelque chofe de fes
maladies , qui ne luy avoient
pas permis de s'attacher tout
entier à entendre on employ & H
entendre que tant qu'il auroit
de la fante , il n'oublieroit
rien de ce qu'il pourroit pour
le Public , & pour maintenir
la Difcipline
.
2198
Le Mecredy 16. jour de la
Mercuriale , M' de la Briffe ,
Procureur General , fic le Por-
A a
Nov.
1695.
282 MERCURE
trait interieur du vray Magif.
trat , & marqua les defauts de
ceux qui n'avoient pas foin de
s'appliquer , comme ils devoient,
aux fonctions de leurs
Charges. Ce difcours fur trou
vé tres-digne des applaudiffemens
qu'il reçût
Les Vers qui fuivent viennent
de bon licu , & vous les
lirez avec
P
avec plaifir .
glaseniam quoq sa pildus pl
berooM s
Bing 56 MelchostoM
9 : 15B , Lansas 9 : 02014
cancel
GALANT 283
EPISTRE A TIRSIS ,
eftant encore à la mailon
de campagne , aprés la
Tou flaint.
Voy , sonjours Campegnard ?
< toujours dans un Village !§
A paſlir fur un livre occupé de vos
Loix f
Poftre Nogent , Tirfis , vous plaifi
Apdone davantage vin
Que le plus beaufejour des Rois ?
Voulez-vous devenir fauvage?
Voulez vous imiter cè Conſeil d'autrefois
Vous- mefme attelez le harnois,
Et mettre comme luy la main à l'hepusis
vylinge
On n'eutendplus dans notrebois
A a ij
284 MERCURE
Des petits oifeaux le ramage,
LesBergers ne vont plus danferfur
po le rivage , an
Vous ne les trouvez plus de flates
Ardan& de hautbois un b
Alfaifonnant leur badinages & G
L'Echo qui fe plaifoit à redoubler
leur voix , wa SMACC
A prefque perdu fon langage,"
Et les arbres depuis un mois à
Et les
plus
de
fruit
& quittent
leur feuillage.
Vous n'avezplus de petits pois
Et vous n'ufez plus de laitage.
Qui peut donc retarder , Tirfis ,
voftre voyage?
Ce n'eft plus la faifon des
fears A
Learodeur agreable & leurs vives
conleurs
GALANT. 285
Ne charment plus les feas près de
wegte bevofire bermitage .
Le Soleil n'y paraift qu'au travers
• d'un nuage ,
Et pour augmenter vos douleurs
D'un brouillard fori épais vous ha-
Amez le breuvage, and a
Deja Dame Chicane & fes avantcoureurs,
Les Avocats, les Procureurs
¿ Chacunrevient de fon Bailliage,
Et fait revenir les Plaideurs.
Déja ceste vertu qui reforme les
bbmoeurse.
A qui Harlay fait rendre hom
botasno mage» esintho S
Qui deffend l'Orphelin , l'affifte , &
Le foulage,
Themis mande fes Orateurs,
Pour declamer icy contre mille voleurs
286 MERCURE
Qui font menacez de l'orage. -
Déja les Magiftrats que l'honnear
encourage,
Prefidens , Conferlers , Maifres &
Correcteurs , " "
Font revenir leur équipage.
Déja les Regens, les Docteurs,
Ont fait de leurs Placards Pordinatre
étalage. I
Pour attirer les Auditeurs,
Et le bardy Damon , fi connu des
Auteurs ,
Qui d'écrire eut toujours une immortelle
rage ,
Pouffé par le vent des flatteurs,
Vient d'enfanter un gros ouvrage
Qui n'aura gueres d'acheteurs
Car voicy comment les leclears
-En ont déja fait le partage
GALANT 287
Un some fervira d'allumette anx
Traiteurs
Où Damon va fouvent fe rougir le
DANSK vifage.
Le fecondpeut fervir d'envelope an
fromage ,
L'autre eft bon à brasserpour chaßer
wistles vapeurs ,
Da dernier devinez l'uſage. £ 25
Enfin , tous vos amis , Tirfis ,font
280 devetour
Ils font revenir leur ménage.
Ce n'est donc pointle voisinage,
Ny la faifon qui vous engage
A venir fi longtemps à Nogeni vbtre
Cour.
Qnoy !ferait- ceun dépit d'amour?
Non Tirfis , vous etes trop fage
Pour donner faulement à ces Aven
gle
le un Jouy-
Pliez donc ăn pluftofi bagage ,
288 MERCURE
Sinon , je vous feray le tour,
D'empefcher qu'on vous nomme
noftrt Echevinage.
Mr de Santeul , Chanoine
Regulier de Saint Victor , fi
connu de tout le monde par
la beauté de fes Vers latins
en a fait , qu'il intitule , Le
Tombeau de l'Illuftre M Felibien.
Voicy l'Imitation qui
en a efté faite en noftre langue.
De doctes Artifans n'ont point fait
le Tombeau
Dafameux Felibienque regretie la
France.
M
Les Arts meſmes , les Arst, d'un
chefd' anvr's fi bears
On
GALANT 289
Ontforme la noble ordonnance ,
D'un coeur reconnoiſſant , dans ce
hardy deffein ,
La Peinture empreffée autant que
redevable ,
Acheva (on Portrait d'une fçavante
main ,
Mais fur la toile periffable.
Ils'eleva contr'elle un bruit tamultueux
.
D'un mouvement jaloux la Troupe
fut troublée ,
Et d'un effort commun , les Arts
impetuenx
Travaillèrent au Mauſolèe :
Le mefme Mr de Santeul
a fait d'autres Vers pour mettre
fous le Portrait de M Fe->
libien , & ils ont encore efté
Bb
Nov. 1695.
290 MERCURE
imitez de cette forte , en noftre
langue.
ON
Person
visage
N peut connoifre à l'air de
Quel il eftoit , combien i! eftoit
grand ;
Mais fes Ecrits , par qui mieux on
L'apprend ,
Sur ce Portrait ont beaucoup d'avantage.
C'est ce Sçavant , dont les nobles
travaux
Ont de Louis éternifé la gloire ,
En confignant aux fidelles métaux
De fes hauts fait la furprename
biftoire.
Foignant les moeurs au fçavoir , Felibien
Charma la Cour , édifia la Ville,
GAL ANT. 291
Parles talens qui forment l'homme
babile ,
Par les vertus qui font l'homme
Chreftien.
fait
Je vous ay parlé de la Lotterie
de Pendules & de Mon.
tres de Mrs Baltazar Martinot
& Gribelin. Je vous ay
voir que toutes les apparences
eftoient qu'elle feroit fort
fidelle , & je vous en ay mar
qué les raifons . Elle a efté
tirée par Monfeigneur
, d'une
maniere
que vous ferez peuteftre
bien aife d'apprendre
.
Ce Prince ayant examiné l'é
tat des Lots , leur prix , & le
›
1
Bb ij
292 MERCURE
Registre , & fit mettre au ha
zard & fans ordre les Billets
numerotez , diviſez par centaines
en petits paquets , dans
une espece de lanterne à fix
pans , couchée horizontalement
, & tournant fur deux
pivots. Cette forte de machine
avoit efté imaginée par
M' l'Abbé de Hautefeuille ,
pour mieux mêler les Billets.
Monfeigneur le donna luyméme
la peine de luy faire
faire plufieurs tours • par le
moyen d'une petite manivelle
, & l'on y vir tourner ces
billets , fe confondre & fe
GALANT. 293
mefler les uns avec les autres.
Voicy les noms de ceux qui
ont eu les Lots , qui estoient
au nombre de quarante- cinq.
1. Lot, numero 2351. Mlle Langlois,
2. Lot , numero 1710. Mr Batigne.
3. Lot , numéro 1479. Miner.
4. Lot , numero 1
Lari.
11 ;
Catherine de
5. Lot , numero 1897. la Blonde de
Senlis .
6. Lór , numero 2303. Mª de l'Iflé ,
Chevalier Motoh .
Lot , numero 764. Mademoiselle
Henriette,
8. Lot , numero 3568. Il faut rifquer
pour avoit .
9. Lot , numero 3583. Jacques de
Mons.
Bb iii
294 MERCURE
10. Lot , numero 2629. Mª du Vi.
vier
1. Lot , numero 3828. Catherine le
Blanc.
12. Lot , numero 130r. Mr de Pracontal
.
13. Lot , numero 410. Le Major de
Briffac.
Lot , numero 838. Mr de Saint
· Leger.
1
16. Lot , nume.01952 . M Minet .
Lot , numero 4739. Madame la
Comteffe de Vaubecour.
17.
18. Lot , numero 3098. Monfeigneur
, je vous offre la Pendule,
acceptez-là , je vous prie.
19. Lot , numero 2648 Mademoifelle
Vivien . ཁ་ ས ༔
20. Lot , numero 1657. M. de Villequer
Olimpe.
21. Lot , numero 109. Mr Gaſchet
"
GALANT. 295
de chez Mr le Marefchal de
Duras.
22. Lot , numero 1662 Mc Com
te de Bugny.
23. Lot , numéro 16. M le Duc de
Lauzun .
24. Lot , numero 3603. Mª de Maupeou.
25. Lot , numero 2306. Marin Melchior.
26. Lot , numero 2604. Mr de Marivat
.
27. Lot , numero 3945. Mr de la
Hutte.
28. Lor, numero 4051. MaiftreJean.
29. Lot , numero 108. Mr de Lon-
Bogueville
.
30. Lot , numero 76. Mrl'Abbé de
Camp.
31. Lot , numero 2058. Mademoifel
le Agathe Loüife .
Bb iiij
296 MERCURE
32. Lot , numero 3298. Mr de Boisbrun
.
33. Lot , numero 4187. P. Vincent.
34. Lot , numero 265. Mele Maref.
chal de Bouflers.
35 Lot ,, numero 437. Madame la
Ducheffe de Chartres
36. Lot , numero 1844. Pour Au
dran .
37. Lot , numero 2656. Mademoi-
-felle Anne Gilbert.'
38. Lot , numero 3781. Mr Juilliot,
30, Lot, numero 2493. Marie Gran ·
40.
doin .
-Lot
Bouls.
numero 2542. Mr le
41 Lot, numero 3867. Mr de la Si
sb
biliere .
ཁག
42. Lot , numero 1091. Mr FyFy. 43.
Lot
, numero 2472. M le
Comte de Tavane.
inda
GALANT: 297
44. Lot, numsro 1677. Mademoi
felle Janneton.
45, Lot , numero 4532. M² Claude
François.
Le 21. de ce mois , Meffire
Louis Marie Armand de Simiane
de Gordes , Evefque
Duc de Langres , mourut icy
âgé de foixante-dix ans. Il a
voit efté premier Aumônier
de la feuë Reine , & eftoit Fre
re de M' de Gordes , mort
Chevalier d'honneur de cette
melme Princeffe . Ce Prelat
avoit grand foin que fon Dio .
cefe fuft bien reglé , & il rempliffoit
pas là la plus étroite
P
298 MERCURE
obligation de l'Epifcopat. La
Mailon de Simiane eft confi
derable & fi connuë , qu'il me
feroit inutile de vous en rien
dire .
Voicy les noms de quelques
autres perfonnes diftinguées
par leur naiffance ou par leur
fçavoir , mortes environ dans
le mefme temps
.
Maiftre Lucien Soefve
Doyen des Avocats du Parlement
de Paris. Il avoit esté
receu dans ce Corps le 13. Juillet
1636. & dés ce moment il
eut une grande affiduité à frequenter
le Barreau , dont il
GALANT. 299
donna des fruits au Public ,
par un recueil qu'il fit impri
mer en 1682. Huit cens Arreſts
compoſent les deux Tomes
de ce Recueil , & contiennent
la décifion de plufieurs queftions
notables , tant de Droit
que de Coutumes , jugées par
Arrefts d'Audiences du Parlelement
de Paris , depuis 1640.
jufqu'à la fin de 1681.L'Auteur
a efté prefent à la prononciation
de ces Arrefts , qu'il a re
cueillis , aprés avoir entendu
les Avocats des Parties dont
il rapporte le nom , le fait
dont il s'agit , & le Prononcé ,
ce qui rend fon Ouvrage d'u300
MERCURE
ne grande utilité pour tous les
Juges , Avocats , & autres perfonnes
qui s'occupent dans
les affaires .
M' de Launay , Hiftorio
graphe du Roy. Il a fait du .
rant plufieurs années des Dif
cours publics de Philofophie,
qu'il expliquoit en François ,
& dont il nous a donné quel
ques Ouvrages imprimez.
Mailtre Martin Huffon ,
ancien Baftonnier des Avocats
du Parlement. Je vous ay
déja marqué que M Daguel
feau avoit fait fon éloge le
jour de l'ouverture des Au-
5
GALANT. 301
diences. Il eftoit natif de
Montmirel , Chef du Confeil
de Madame la Ducheffe de
Nemours, & auparavant Chef
du Confeil de Madame la Du.
cheffe d'Aiguillon , défunte . Il
a fait voir une pieté exemplaire,
ne voulant jamaistravailler
les Dimanches aux affaires du
Palais , fi ce n'eftoit pour des
cauſes charitables , ou pour ce
qui ne pouvoit estre retardé.
Ha efte longtemps Conful en
Barbarie , d'où il a apporté
plufieurs livres de Langue Qrientale.
Il a compoféun Traité
latin de Advocato . imprimé
302 MERCURE
in quarto , il y a plus de vingt
ans.
Mr Petis de la Croix , Se-,
cretaire Interprete du Roy
dans les Langues Arabefque
& Turquefque , mort à foixan
te- treize ans. Il eft d'une fa.
mille originaire d'Angleterre,
& laiffe plufieurs enfans , entr'autres
François Petis de la
Croix , Interprete du Roy , de
l'Amirauté & du College.
Royal pour les Langues Orientales,
qu'il poff de en perfection
. Il connoift non feulement
les differens dialectes
des Nations de Levant , mais
GALANT
3°1
encore leurs maximes , leurs
ufages , & leurs Coutumes les
plus particulieres , ayant eflé
élevé dans le Pays , & s'eftant
appliqué à le connoiftre parfaitement
, durant plufieurs
années qu'il y a demeuré.
Marc Antoine de Genicourt
d'Autry , Comte de Rône ,
Capitaine de Dragons au Regiment
de Wartigny. Il eft
mort àvingt- quatre ans aprés.
une longue maladie , durant
laquelle il a montré une con
ftance &une refignation mer
veilleufe à la volonté de Dieu.
Il eftoit fils de Charles de
304 MERCURE
Genicourt, Comte d'Autry &
de Marie Louiſe d'Anglurre
de Savigny
.
Pierre Fremin , Seigneur de
Chafteaufort , Auditeur des
Comptes. Il est mort ſubitement
& fans alliance .
3 Meffire Pierre Nicole , Bachelier
en Theologie , l'un des
plus pieux & des plus fçavans
hommes du fiecle. Il nous a
donné un grand nombre
d'ouvrages de devotion , fçavoir
: Les Effais de Morale ,
contenus en divers Traitez ,
fur plufieurs devoirs imporrans
, divifez en quatre tomes."
›
GALANT. 305
I
Le Traité de la Priere , divifé
en fept livres , en deux volu
mesy Une continuation des .
Effais de Morale , contenant'
des Reflexions Morales fur
les Epiftres & les Evangiles de
l'année , en quatre volumes .
Les Pretendus Reformez convaincus
de Sehifme. De l'Uni
té de l'Eglife , ou Refutation
du nouveau Syfteme de M
Juricu. LeDirecteur des Anies
Chreftiennes , & la Refuta-"
tion du Quiétifme, quieft fon
dernier Ouvrage . Il acu part
ala Perpèruité de la Foy , qur
eft en trois volumes ou
Nov.
1695.
Cc
306 MERCURE
Un fi grand homme merite
un Eloge particulier . C'eft ce
qui m'oblige à vous envoyer,
celuy qu'en a fait depuis la
morc Mr l'Abbé de Fourroy.¡
La feience profonde , la
pieté folide , & la modeftic
veritablement Chreftienne
de feu M' Nicole , font connuës
de tout le monde. Ses
fçavans Ouvrages l'ont rendu
recommandable; le Publiclesa
reçus fi favorablement, qu'on
les a imprimez plufieurs
fais. Son nom ne s'effacera
jamais de lamemoire des gens
GALANT
307
des
de bien , & les Sçavans auront
toujours pour luy l'efti
me & le refpect qu'il merite..
En effet , peut on ne pas loüer
une perfonne qui au milieu
applaudiffemens & des
éloges qu'on luy tendoit avec
tant de juftice rentroid ene
fon neant pour en rendre
l'honneur à Dieu feulon luy a
ouy dire plufieurs fois à ceux :
qui vouloient luy donner des
louanges Ce n'est pas ànous à
qui appartient la gloire , mais au :
Seigneurs je ne fuis qu'un foible'n
instrument , duquel Dieu bien
voulufe fervir pour faire con
t
Ccij
30% MERCURE
noistre la Religion de Noftre Sei
gneur Jefus Christ. Ces pieux
feurimens n'eftoient pas fur
la furface de fon ame , mais
ils eftoient profondement
gravez dans fon coeur. Qu'il
eft rare de trouver dans le
Siecle où nous vivons , des
perfonnes auffi humbles , &
& en même temps auffi éclai
rées .Il n'eftoit pas du nombre
de ceux qui veulent tout fçavoir
, & qui ne pratiquent
rien. Onvoyoit dans fa conduite
ce qu'il enfeignoit dans
les Ecrits, & fon feul exterieur
eftoit une école de vertus , On
a
GALANT. 209
y remarquoit une affabilité
& une fimplicité charmante,
qui eftoit bien éloignée de
Forgueil & de Foftentation .
On ne pouvoit jetter les yeux
fur luy fans connoiftre les
obligations
d'un parfait
Chreftien . Que ne m'eſt - it
permis de rapporter icy toas
Les les vertus ? Je vous ferois
voir que la retraite , le filen.
le recueillement
, l'Orai
fon , & la lecture de l'Ecriture
Sainte & des Peres de l'E
glife , ont fait toutes fes delices
& toute fon occupation
;
qu'il a efté veritablement
ce ,
310 MERCURE
humble ; qu'il n'a jamais
eu
d'attachement que pour
Dieu ; qu'il a aimé les Pauvres
& la pauvreté ; qu'il a eu en
averfion l'orgueil & l'oftenta
tion : en un mot , qu'il a
regardé toutes les chofes de
ce monde comme une pure
vanité , eftant convaincu que
tout le devoir de l'homme ,
fon objet & fa nature , c'eft
de craindre Dieu ; mais puis
qu'il s'eft appliqué avec tant
de foin à mener une vie cachée
, admirons - le dans le
filence . La terre ne peut avoir
affez de louanges pour une
GALANT 311
vertu qui n'a voulu de recompense
que dans le Ciel .
Madame la Princeffe del
Conty accoucha heureuſe .
ment d'un fecond Prince, le
de ce mois. C'eft un Sang
illuftre dont son n'en peut
trop avoir..
7,
Madame la Ducheffe du
Maines eft auffi : accouchée
d'un fils . Le fang de Bourbon ,
& de Bourbon Condé qui
coulent dans fesveines , le rendra
un des plus grands Prin .
ces dumonde , s'il marche fur
les traces de fes Ayeux , Sa va
212 MERCURE
leur ne brillera pas moins que
l'éclat de fon Sang. On igno
roit encore que Monfieur le
Duc du Maine fon Pere , fuft
en âge de paroistre dans le
monde , qu'il s'eftoit déja di
ftingué dans les perils , & les
Prifonniers que nous filmes
à la Bataille de Fleurus , l'ayant
revû icy , dirent que pendant
le combat ils avoient ren
contré par tout des jeune
Prince.
Jamais la Faculté de Me
decine de Paris n'a efté fiflo--
riffante , & le fçavoir de ceux
qui
GALANT.
313
qui la compofent , n'a jamais
efté mieux connu , que depuis
que M' Fagon à l'honneur
d'eftre premier Medecin
du Roy. Tout eftoit en
confufion avant ce tempslà.
Le nombre des faux Medecins
excedoit celuy des ve
ritables , chacun fe difoit Medecin.
Il fuffiloit qu'un homme
cuft quelques fecrets ,
pour le croire en droit de
profeffer la Medecine. Ceux.
mefme qui feignoient d'en
avoir , ne l'exerçoient pas avec
moins d'infolence . D'autres
fe difoient d'une Faculté
- Dd
Nov.
1695.
314 MERCURE
dont ils n'eftoient point
d'autres avoient efté reçûs
par grace dans une autre ; &
d'autres par furpriſe , & par
adrefle , comme il a efté prouvé
par les écrits qui ont elté
faits fur ce fujet. Enfin , tous
enſemble , ne trouvant point
de meilleur moyen , pour le
faire valoir que de décrier la
Faculté de Paris , avoient por
té les choſes au dernier excés .
La calomnie triomphoit ,
le merite eftoit enfevely ,
les plus habiles eftoient
étouffez , & l'on peut dire
que l'impofture & l'igno.
GALANT:
315
rance unies , avoient une
Chambre à laquelle elles avoient
donné de beaux noms .
M' Fagon , jufte , ſage , &
éclairé, a cru devoir faire ceffer
tous ces abus . Il les a fait
connoiftre au Roy , & Sa Majelté
eftant entrée dans cette
affaire
pour
le bien
de fes Sujets
, en a Elle
mefme
efté
le
Juge
, aprés
l'avoir
examinée
par
fes
propres
lumieres
, &
Eles
chofes
fe font
faites
d'une
maniere
que
perfonne
n'a pû
fe plaindre
avec
juftice
. Parmy
le grand
nombre
de ceux
qui
profeffoient
la Medeci-
D d ij
316 MERCURE
ne , il y avoir des Perfonnes
d'une veritable érudition &
d'une experience confommée
, on n'a point voulu que
le Public en fuft privé. On a
ouvert le Champ de Bataille ,
où il a efté permis à chacun
d'entrer, la Faculté a tendu les
bras aux Sçavans , & a marqué
qu'elle eftoit prefte de mettre
au nombre de fes Confreres
ceux qui voudroient bien
donner des marques de leur
fcavoir en paffant par les mêmes
degrez par où ils avoient
paffé , pour faire connoiftre
avec combien de juftice ils
GALANT. 317
9
profeffent la Medecine . Ainfr
perfonne n'a dû fe plaindre ,
les veritable Sçavans fe font .
fait recevoir Docteurs , les
Charlatans n'ont olé s'expofer.
Ils fe font retirez en hur
lant , & en vomiffunt leurvenin
contre le vray merite .
Mr Fagon ayant procuré de
fi grands avantages à la Faculté
de Medecine de Paris ,
& à tout ce que cette grande
Ville renferme d'Habitans
cette Faculté a voulu luy donner
des marques de fa reconnoiffance
, & pour cet effet
elle a fait la dépense d'une
Dd iij
228 MERCURE
Thefe foutenue par M¹ Tournefort
, & dediée à M'Fagon,
au nom de tout le Corps de
Medecine. L'uſage n'eft pas
dans la Faculté de mettre des
Portraits aux Thefes, & depuis
plufieurs fiecles , à peine, en
trouve-t- on deux exemples ,
& c'estpour cela que voulant
faire plus d'honneur à M' le
premier Medecin , elle a fait
graver ce Portrait & marqué
fa gratitude par un compli
ment qui eft au - deffous , &
dans lequel toute la Faculté
parle. Cette Thefe fut foûrenuë
le 29. de ce mois , devant
1
GALANT. 219
une tres- nombreuſe Affem .
blée , dont eftoient quelques
Evelques , le Recteur de l'U
niverfité , le Doyen de la Faculté
de Sorbonne , & plufieurs
Magiftrats. Les difputes
commencerent dés huit
heures du matin , mais M ' Fagon
n'eftant party de Verfailles
qu'aprés le lever du Roy ,
n'y arriva que fur les dix heures
, avec une robe de Confeiller
d'Etat , que les premiers
Medecins ont droit de porter.
Il avoirle Bonnet de Docteur
de la niefme Faculté. Il fut
Favy d'eſtre arrivé tard , parce
Dd iiij
320 MERCURE
l'on avoit déja parlé de luy
avec éloge , & que la mode .
ftie a peine à fouffrir les loüanges
. Il fut contraint d'en
effuyer encore beaucoup , la
plufpart de ceux qui difputérent
en ayant fait de tresbeaux
éloges , & fur tout M
Puylon le jeune , dont l'eloquence
eft connuë , & qui
parle parfaitement bien la
tin. Il parla du Roy , & fit
voir que ce Monarque aprés
avoir triomphé des Heretiques
, avoit triomphé des Ennemis
de la Verité , qui font
les faux Medecins dont je
GALANT. 321
vous ay déja parlé , & dont il
fit une tres belle peinture. Il
s'étendit fur les louanges de
M'Fagon , d'une maniere quit
fit plaifir à toute l'Affemblée.
Enfin aprés cent éloges differens
de ce premier Medecin
, qui avoient tous quelque
chofe de nouveau , l'Affemblée
s'eftant levée , toute
la Faculté fe rendit au Jardin
Royal , où M' Fagon l'avoit
invitée à difner. Il y avoit dans
le premier Appartement trois
tables de vingt à vingt - cinq
couverts chacune , & dans le
ſecond , deux tables de pareil
322 MERCURE
nombre. Le Frere & les En
fans de M Fagon tenoient
ces tables , M le premier Medecin
eftant parti aprés l'Acte
finy , pour fe rendre à Verfailles
, parce qu'il ne vouloit pas
eftre longtemps éloigné de
Sa Majefté . Elles furent fervies:
à trois fervices , par les gens du
Jardin Royal , & par les domeftiques
de la Famille de M
Fagon.
Le Roy a fait Colonels
ceux qui commandoient les
Bataillons cy-deffous nommez.
Ces Regimens avoient
GALANT. 323
toujours efté en garniſon , &
doivent fervir dans la Cam
pagne prochaine .
COLONELS.
Mrs d'Helly , du Royal .
Des Rivieres , de Navarre.
S. Montant , de Champagne.
S. Montant , du Roy.
D'Agouft , de Picardie .
Bonnefond , de Champagne.
Courvalni , de Picardie.
Le Comte , d'Anjou .
La Roque , de Piedmont.
Albert , de Champagne .
Boirarque , de Picardie.
Teftu , du Dauphin.
Second , de Poitiers .
324 MERCURE
Second , de Solre .
Galice , de Piedmont.
Segnant , de Guiche .
Bailly, de la Marine .
De la Buffiere , de Piedmont.
Grofvonure , de Normandie-
Ceux qui fuivent eftoient
Capitaines au Regiment du
Roy, & ont efté nommez Colonels
, fçavoir,
Mrs de Berville .
Gournay.
Vaffenville
.
Gallarde.
Valouze.
Loumagne.
Defnonville.
GALANT. 325
Outre ces Bataillons, dont
le Roy a fait des Regimens ,
Sa Majesté en a fait de nouveaux
, dont voicy les noms
des Colonels , & ceux des
Corps dont ils font tirez .
Regimens nouveaux d'Infanterie.
Mrs du Gas Colonel de Milice.
Villefort, Major de Ste Hermine .
Du Gaft , de Maulevrier.
Marcilly , du Royal Artillerie ,
Talandre , du Roy , Dragons.
Chevalier du Pont , Capitaine dans
la Reine .
Reynel, Capitaine dansGrammont.
Baudin de Hautefort , Capitaine
dans Toulouze .
Dubié , Capitaine de Cavalerie dans
la Valiere .
326 MERCURE
Le Camus ,Capitaine dans Picardie.
D'Erouville , Capitaine dans le Regiment
Dauphin .
Dumas , Capitaine dans Grammont.
Bellifle, Capitaine du Dauphin.
Chev. de Pefeu , dans Grammont.
Monchy , Capitaine de Grenadiers
dans Solre.
Loftange , Capitaine de Grenadiers
dans Viliers .
Treffon , Cap. du Royal Artillerie.
La Motte , dans Bourbon .
Sanzé . Cap dans le Roy Dragons.
Vidame du Mans , dans le Roy .
Durechault , Capitaine de Canonniers
Regiment Royal d'Ars .
Du Beuil, Capitaine au Regiment
Royal.
Briçonner Regiment du Roy.
Il peut y avoir quelques noms oubliez
, & d'autres mal mis dans cette
GALANT.
327
lifte , mais le temps ne m'a pas permis
d'eftre plus exact .
Le mot de l'Enigme du mois palfé
, eftoit Rien , & il a efté trouvé
par Mrs Henry le Jeune , du Bureau
au papier de la Douane : de Cohon
d'Alençon : Berfand de Bordeaux :
l'Auteur du traité des couleurs de la
Ville de Chartres : l'Admirateur de
Dom Quichot de la Manche : le
Royal Boniface : le Sedentaire de
la Rochelle : Tamirifte de la rue de,
la Cerifaye : le petit Coq réveillematin
l'heureux Indifferent : le
Frere Claude de la rue de la Harpe :
le Mangeur de Sellery du Cloiftre
Saint Honoré : Petigas le jeune , 1
Merle de la rue Quinquempoix se
Poule de la rue de la Poterie : le
Triumvirat , & l'Affranchi de l'Hoftel
d'Argenfon . Vieille rue du
28 MERCURE
Temple : l'Arcange de la rue de
Grenelle Et par Mefdemoiselles
Gabrielle de l'Hoftel de la Force :
l'incomparable Lochon de la rue de
la Cerifaye : la petite Mignonne de
la rue Bourtibour : la belle Javotte
du coin de la rue de Richelieu : l'Ecoliere
du Phenix pour le Claveffin :
la Godinette de Bonneftable : la belle
Polonoife : la belle Nanon de Bourdon
, & la charmante Veuve de
Nevers.
Vos Amies prendront fans doute
plaifir à chercher le mot de l'Enigme
queje vous envoye .
ENIGM E.
Ort & vivant , mon fort en
M⁰" un point est égal,
Que de coups de baftons ,fi, vivant,
on
m'outrage
,
GALANT. 329
Fen reçois auffi mort , mais pour un
noble ufage ,
Et mefme avec éclat , &fans fouffrir
de mal.
Pourmefairefervir, vivant, on me
maltraite,
Aprés ma mort ,je commande à Ba--
guette';
Et mon moindre commandement
S'execute tres-promptement ,
Ilfaut bien que
beaucoup
d
moy l'on puiffe
Car fouvent on reproche aux gens
de trop de Foy,
( Serienfement ou pour rire )
Qu'ilsfont bien des contes de moy.
Voftre furprife , quand vous avez
fçeu qu'on avoit choisi pour le fujet
d'une Tragedie , ce que l'Ariofte nous
a rapporté de Bradamante , eſtun
-Ee
Νου .
1645 .
330 MERCURE
fentiment qui a frappé d'abord tout
le monde. On avoit peine à s'imaginer
que ce fujet , auffi extraordinaire
qu'il eft , fuft propre au Theatre.
Cependant le fuccez a fait connoiftre
qu'il n'y a point de matiere qui
ne foit fufceptible de grandes beautez
, quand on la ſçait manier avec
affez d'art , pour faire écouter avec
plaifir ce qui eft entierement éloigné
de nos manieres. Bradamante a fes
raifons pour ne vouloir fe donner
qu'à celuy qui la vaincra dans un
combat fingulier. Roger qui en eft
aimé , & qui l'aime avec la plus forte
paffion , fe trouve obligé de la
combattre fous le nom & les armes
de Leon , Prince de Grece, qui ne le
connoiffant point pour Roger , met
entre les mains l'intereft, de fon amour.
Marphife , Soeur de Roger ,
GALANT. 331
7
qui a fes vûës particulieres , fait un
défi à Leon , pour empefcher qu'il
n'époule Bradamante , qu'elle croit
luy avoir exprés cedé la victoire
& avoir rrahi Roger , pour s'affurer
d'une Couronne. Voila bien du
Merveilleux, qui auroit pû dégouter
les Auditeurs , s'il n'eftoit à bien
conduit , & misdans un fi beau jour,
que leur curiofité eft excitée depuis
le commencement jufqu'à la fin.
Tout cela prodait des incidens nou→
veaux dans chaque Acte , avec des
fituations tres agréables , qui tien
nent toujours l'efprit en fufpens ,
& ce que tout Paris a dit de la netteté
des Vers & de la jufteffe des pensées ,
ayant efté confirmé par toute la
Cour, lors que cette Piece a esté reprefentée
à Versailles , j'aurois dequoy
vo suen faire un lang article ,
Ee ij
332 MERCURE
fi la liaiſon d'amitié que j'ay avec fon
Auteur , ne m'obligeoit pas de m'en
remettre à ce que la voix publique
vous en apprendra .
•
Tout le monde a le mefme fentiment
que vous , fur le Journal de
Namur que vous me mandez avoir
lû plus d'une fois . On l'appelle la
Relation fincere , & chacun a reconnu
dans ce Livre , unlair de verité ,
& d'exactitude à dire fans déguiſement
, comment les chofes fe font
paffées , qui fait plaifir à ceux qui le
lifent, & qui ne laiffe douter d'aucun
des faits qu'on y trouve rapportez.
Je vous feray part le mois prochain ,
d'un voyage fait en Canada l'année
derniere , & vous envoyeray le
Plan d'un Fort dont les François fe
font rendus maiftres . Je fuis , Madame
, voftre tres , & c .
AParis, ce 30. Novembre 1695%
GALANT. 333
On me donne tout prefentement
les noms de quelques autres Colonels
, nommez par Sa Majesté .
Mrs de Beaurepaire , Capitaine dans
Grancey .
Tainville,Capitaine des Grenadiers
de la Chaitre .
Le Marquis de la Force , Capitaine
du Regiment de Bourgogne , Cavalerie..
Paynormand.
Sioujac .
Le Ch. de Sourches,
}
Enfeignes
aux
Gardes.
Permangle, Capitaine au Regiment
Dauphin , Infanterie ,
Cabanac , Capitaine de Carabiniers .
Serville , Capitaine au Regiment de
Dragons de Grammont,
Le Marquis de l'Aigle, Cap . au Reg.
de Cavalerie de
Mongommery.
Guifcar , Capitaine dans le Regi
ment du Roy , Infanterie.
25222255 25 ESSSSES
P
TABLE.
Relude.
Priere pour le Roy. 9
Difcours prononce fur le rétabliſſementdes
Ieux Floraux.
Lettre de M de la Broße.
Sonnet.
Madrigal.
II
14
71
73
75
Infcription.
89
Versfaits à l'occafion de la difpute
des Auciens & des Modernes . 76
Addition aux nouvelles découvertes
faites par M* Lucas.
Réponse d'un Cartefien à la replique
d'un Peripateticien.
Bufte élevé à la gloire du Roy . 158
L Amy parfait .
-93
178
TABLE .
Etat de la cargaison des deux Vaiffeaux
pris par M² le Marquis de
Nefmond .
Reflexions fur la vie champestre.
Avanture.
Nouvelle découverte.
182
191
203
213
Réponse à la Lettre touchant les
Tournois & nos Lis .
Fefte celebrée à Meudon.
224
238
Ce qui s'eft paẞé à l'ouverture du
Parlement & de la Cour des
Aides.
Epiftre en Vers.
Tombeau de Mr Felibien .
274
283
288
Noms de ceux qui ont gagné les lots
de la Lotterie des Pendules. 291
Merts,
Accouchement de
297
Madame la
Princeffe de Conty , & de Madame
la Ducheffe du Maine . 311
TABLE.
Thefe dediée à M Fagon , & fou
tenue à l'Ecole de Medecine. 312
Noms des nouveaux Colonels. 322
Articles des Enigmes .
Bradamante , Tragedie .
Fournal nouveau.
Voyage de Canada.
324
3.29*
332
332
La Figure doit regarder la page 90.
L'Air doit regarder la page 282 .
CATALOGUE DES LIVRES
nouveaux qui se vendent chez
MICHEL BRUN E T, grande Salle
du Palais , au Mercure Galant 1695.
Iftoire des Revolutions de Suede , 12 .
2. vol. Hiftoire T
Arliquiniana , ou les bons Mots , les Hiftoires
plaifantes & agreables , recueillies des
converfations d'Arlequin , 11. feconde édi
tion augmentée.
Tome 2. fous le titre de Livre fans
Nom , 12 .
Pratique curieufe , ou les Oracles des Sibylles
, pour fe divertir en compagnie , 12 .
augmentée de la Fortune des Humains . -
Les paroles remarquables , les bons mots ,
les maximes des Orientaux , 12 .
Judith Tragedie , par M. Boyer de l'Acade
mie Françoiſe.
&
La Duppe de foy- même , ou les Dames vangées
, Comedie , 12 .
Les Loix Civiles dans leur ordre naturel ,
3. vol.
Ellais de Jurifprudence , 12 .
Le Duc de Guife , furnommé le Balafré . 12 ,
Le Parfait Geographie , enrichie de figures , 12. 2 vol.
Hiftoire de Hollande , 12. 4. vol .
Parallele des Anciens & des Modernes , par
M. Perrault de l'Academie Françoife , 12,
3. vol. "
Hiftoire des Guerres Civiles de France , contenant
tout ce qui s'eft paffé de plus memorable
fous les Regnes de quatre Rois ,
François II . Charles IX. Henry III . &
Henry IV. furnommé le Grand , juſqu'à
la Paix de Vervins inclufivement , par
Davila , 12. 4. vol.
L'Art de la Poëfie , Françoife & Latine , 12
Geometrie Pratique , par M. le Clerc , remplie
de figures , 12 .
Virgile de la Traduction de Martignac , 12 .
3. vol.
Horace , du même , 12. 2. vol.
Les Satyres de Juvenal & de Perſe , du même
, 12.
La Turquie Chreftienne , fous la puiſſante
protection de Louis le Grand , 12.
L'Arithmetique en fon jour , par Capeville
, 8.
Hiftoire de Charles VI . par le Laboureur ,
fol. 2. vol . grand papier.
Entretien fur le Théâtre au fujet de Judith,
Tragedie .
Antimenagiana , cù l'on cherche ces bons.
mots , cette morale , ces penfées judicieufes
, & tout ce que l'Affiche du Menagiana
nous a promis , 12.
Hiftoire generale d'Angleterre , d'Ecoffe &
d'Irlande , 12. 4. vol .
Idem des Turcs , 12. 4. vol.
-Idem d'Efpagne , 12. 3. vol.
L'Art Heraldique contenant la maniere
d'apprendre facilement le Blafon , 12. rem.
pli de figures , nouvelle édition .
Pfeaumes nouvellement mis en Vers François
, enrichis de figures , 8. par Mademoifelle
Cheron.
Les Penfées ingenieufes des Anciens & des
Modernes , par le P. Bouhours , 12 .
La maniere de bien penfer dans les Ouvrages
d'esprit , 12. par le même.
Entretien d'Arifte & d'Eugene , 12. par le
même.
Tite- Live reduit en Maximes , 12 .
Lettres fur toutes fortes de fujets , avec des
avis fur la maniere de les écrire , par feu
M. de Vaumoriere , 12. 2. vol .
Oeuvres de François de la Mothe le Vayer ,
nouvelle édition , augmentée de plufieurs
nouveaux Traitez , 12. 15. vol .
Abregé Chronologique , ou Extrait de l'Hiftoite
de France , par Mezeray , Hiftoriographe
de France , 4. 3. vol . 1670 .
Le nouveau Etat de la France , augmenté
dans cette nouvelle Edition de tous les
Chevaliers du nouvel Ordre de S. Louis ,
12. 2. vol.
L'Etat prefent du Royaume de Perfe , 12 .
enrichi de figures .
L'Etat prefent du Royaume de Maroc , par
M. de S. Olon , Ambaffadeur à Maroc ,
12. enrichi de figures .
Hiftoire de la Medecine , 4 .
Arlequin Comedien aux Champs Elifées , 12 ..
feconde édition enrichie de figures .
Les Satyres de Perfe en Vers François , avec.
le Latin à cofté , & des Remarques , pas
M. de Silvecane , 12 .
Satyres de Juvenal , 12. 2. vol . par le même.
Scaligeriana , ou les Penfées de Scaliger , 12.
Peroniana & Thuana , ou les pensées de M.
le Cardinal du Perron & de M. de Thou ,
A ij
Harangues fur toutes fortes de fujets , aves
l'art de les compofer,par feu M. deVaumoriere
, feconde édition , augmentéé d'un
grand nombre de Preceptes & de Harangues
, dediées à M. le Chancelier , 4.
1693 .
Methode pour apprendre le Blazon , par le
P. Meneftrier , 12. rempli de figures .
Metamorphofe d'Ovide , nouvelle édition ,
enrichie de figures , 12. 3. vol .
Journal du Voyage de Siamde M. l'Abbé de
Choify , 12 .
Du Royaume de Siam , par M. de la Loubere
, 12. 2. vol.
Les Nouvelles de Miguel Cervantes , 12. 2;
vol .
La Maiſon reglée , 12.
Recherches curieufes d'antiquitez , conte
nuës en plufieurs Differtations fur les Medailles
, bas reliefs , ftatuës mofaïques , &
infcriptions antiques , enrichies d'un grand
nombre de figures , par M. Spon , 4.
La Découverte des myfteres du Palais , où il
eft traité des Parties en general , des Intendans
des grandes Mailons , des Procureurs,
Avocats , Notaires , & Huiffiers , 12 .
Lettres familieres & autres fur differentes
matieres , par le fieur Millerant ,`12 .
L'Ariófle Moderne , 12. 4. vol .
Hiftoire de la feue Reine d'Angleterre , dans
Jaquelle , outre fes actions particulieres .
de pieté , on trouve ce qui s'eft paffé de
plus remarquable pendant les Rois Charles
I. & Charles II. in 8 .
Oeuvres de Voiture , 12. 2. vol.
Theatre Philofophique , fur lequel on 1-
5
prefente par des Dialogues dans les
Champs Elifées , les Philofophes anciens
& modernes , augmenté en cette derniero
édition des femmes Philofophes , par M.
Bordelon , 12 .
Defcription de l'Aiman , qui s'eft trouvé à la
pointe du Clocher neuf de Noftre- Dame
de Chartres , par M. de Vallemont , 12.
Memoire de la Reine Marguerite , 12 .
L'Homme de Cour , 12. de M. de la Houſ
Laye .
Les Annales de Tacite avec des Reflexions
& Notes Politiques & Hiftoriques , in 4-
& in 12.
Toutes les Hiftoires de M. Maimbourg en
14. vol . 4.
Les mêmes en 26. vol . 12.
Entretiens fur les Vies & les Ouvrages des
plus excellens Peintres , Anciens & Modernes
par M. Felibien , in 4. 3. vol .
Recueil Hiftorique de la Vie & des Ouvrages
des plus celebres Architectes , par M.
Felibien des Avaux , 4.
Recueil des defcriptions de Peintures , &
d'autres Ouvrages faits pour le Roy , 12 .
La Science Heroïque du Blazon , par la Colombiere
, fol .
Ordonnance du Roy pour les Eaux & Forefts
avec les Edits , 12. 24.
Les Fables d'Elope avec les figures , 12 .
L'Hiftoire du Monde , par Chevreau
f. vol .
, 12.
Hiftoire de l'Affrique , ancienne & moderne ,
curichie de so. figures , 12. 4. vol.
Hiftoire de la Réunion de Portugal , 12. 2
vol.
A i
Hiftoire des troubles de Hongrie , 12. 6. vol.
Les Confeils de la Sageffe , ou le Recueil des
maximes de Salomon , les plus neceffaires
à l'homme , derniere édition , 12. 2 .
vol.
Ouvrages de Profe & de Poëfies des fieurs
Maucroy & la Fontaine , 12. 2. vol.
Oeuvres de M. Corneille , 12. 10. vol.,
Vie des Saints , fol . 2. vol.
•Idem , 1. vol .
-Idem , 8. 4 . vol.
La Sainte Bible , contenant le Vieil & Note
veau Teftament , 12. § . vol.
Idem , in fol.
Abregé de l'Hiftoire de France depuis Fara
mond jufqu'au Regne de Louis le Grand ,
par M. de Riencourt , 12. 7. vol. 1695.
L'Hiftoire de Louis XIII. dit le Jufte , fe
vend feparément.
L'Hiftoire de Louis XIV . 12. 3. vol.
Voyage des Ambaffadeurs de Siam en France
, remply d'une infinité de chofes curicules
, 12. 4. vol.
Hiftoire Sainte du Pere Gaultruche , 12. 44
vol .
Ducheffe d'Eftramene , 12. 2. vol .
Eleonor d'Yvrée , ou les malheurs de l'amour
, 12.
Le Napolitain , 12,
Le Mary jaloux , 12.
Le Secretaire Turc , 12 .
Le Seraskier Bacha , 12 .
Etat prefent de la Puiffance Otomane , 1ży
L'Illuftre Genoiſe , 12 .
Le Grand Vifir Cara Muftapha , 12.
Amballades de M. le Comte de Guilleragues
& de M. Girardin auprés du Grand Seigneur
, 12.
Caracteres de l'Amour , 12.
Les nouvelles Converfations de Morales , dedié
au Roy , par Mademoiſelle de Scudery
, 12. 2. vol.
Dictionnaire Royal , 4.
Bibliotheque , Choify de Colomiez , 8 .
Memoires de Sully , fol. 3. vol.
-In 12. 8. vol.
L'Hiftoire generale de France , par Dupleix ,
fol. s. vol .
-De Polybe , par Durier , 12. 3. vol.
Les differens Caracteres des Femmes du
Siecle , r2.
Réponse à la Differtation fur la Goute , 12 .
Traité des Fortifications , contenant la démonſtration
& l'examen de tout ce qui regarde
l'art de fortifier les Places , tant regulieres
qu'irregulieres , fuivant ce qui fe
pratique aujourd'huy , 12. par M. Gaul
tier , rempli de figures .
Traité de l'Artillerie , expliquant la difference
, les proportions , les portées , les
affuts , & tout ce qui concerne les Canons
dont on fe fert en France , tant fur
Terre quefur Mer , avec plufieurs Planches
, par le même .
Pratique de la Guerre , par Malthus , 8.
enrichie de figures .
Reflexions fur l'Acide & fur l'Alkali , 12 .
Difcours Satyriques & Moraux , en Vers, 12
Dialogues Satyriques & Moraux , 1-2 . 2. vol.
Epiftres en Vers de M. Sabatier , de l'Academie
Royale d'Arles , 12.
Les Oeuvres d'Horace en François , avec le
Latin à côté , 12. 2. vol.
Le Chemin Royal de la Croix , rèmply de
figures 8.
Nouvelles Reflexions , ou Sentences & Maximes
Morales & Politiques , dediées à
Madame de Maintenon , 12.
La Cour Sainte , fol . 2. vol . grand papier .
Faramond , 8. 12. vol .
Almahide , 8. 8. vol.
Aftrée de Meffire Honoré d'Urfé , 8. là
vol.
Caſſandre , 8. 8. vol .
Cyrus , 8. 10. vol.
Polexandre , 8. 5. vol.
Voyage de Chardin , 12. 2. vol. remply de
figures.
Les Oeuvres de M. Capiſtron , 12 .
-Idem , de M. Baron , 12 .
Idem , de M. Bourfault , 12.
Hiftoire d'Augufte. 12. 2. vol..
Comedies.
Le Chevalier à la mode , 12,
La Devinereffe , 12 .
Artaxerxe , Tragedie , 12 .
La defolation des Joüeufes.
La Comete.
OUVRAGES DE M. L'ABBE' GOUSSAULT
Confeiller au Parlement.
Les Confeils d'un Pere à fes Enfans , 12.
Le Portrait de l'Honnefte Homme , 12 .
Le Portrait de l'Honnefte Femme , 12 .
Reflexions fur les deffauts ordinaires des
5
hommes , & fur leurs bonnes qualitez , 12.
OEUVRES D'ETT MULLER.
Pratique generale de Medecine de tout le
corps humain , 8. 2. vol.
Pratique fpeciale du même Auteur , fur les
maladies propres des hommes , des fem
mes , & des petits 'enfans , avec des Dif
fertations du même Auteur fur l'Epilepfie ,
'Yvreffe , le mal hypocondriaque , la
douleur hypocondriaque , la corpulence ,
& la morlure de la Vipere , 8 .
La nouvelle Chirurgie Medecinale & raifonnée
de Michel Ettmuller , avec une Differtation
fur l'infufion des liqueurs dans
les Vaiſſeaux , 12 .
Nouvelle Chimie raiſonnée du même Au
teur , 12.
Les Inftituts de Medecine , 8.
OEVRES DE M. DE FONTENELL
de l'Academie Françoife.
Dialogue des Morts , 12. 2. vol.
Jugement de Pluton , 12 .
Entretiens fur la pluralité des Mondes ,
Hiftoire des Oracles , 12 .
121
Poëfies Paftorales , avec un Traité de la nature
de l'Eglogue , & une Digreffion fur
les Anciens & les Modernes , 12 .
Lettres galantes de M. le Chevalier d'Hers
12. 2. vol.
Traduction d'Ablancourt.
Commentaire de Cefar , 12 , 2. vol
Lucien , 12. 3. vol.
Tucidide , 12. 3. vol .
Tacite , 12. 3. vol .
L'Affrique de Marmol , 4. 3. vol .
La Retraite des dix mille de Xenophon , 12
Il fe trouve dans la même Boutique toutes
les nouveautez qui s'impriment à Paris , &
plufieurs bons Livres de Droit, & quantité de
Livres Italiens,
m
1695,11
Mercure
<36624560820018
<36624560820018
Bayer. Staatsbibliothek
33
MERCURE
GALANT
DEDIE' A MONSEIGNEUR
LE DAUPHIN.
NOVEMBRE 1695.
A PARIS ,
Chez MICHEL BRUNET , Grand' Salle
du Palais , au Merc ure Galant
N donnera toûjours un Volume
nouveau du Mercure Galant le
premier jour de chaque Mois , & on le
vendra Trente fols relié en Veau &
Vingt- cinq fols en Parchemin.
A PARIS ,
Chez G. DE LUY NE , au Palais , dans
la Salle des Merciers , à la Juftice.
T. GIRARD , au Palais , dans la Grande
Salle , à l'Envie.
Et MICHEL BRUNET, Grand'Salle
du Palais , au Mercure Galant .
M. DC. XCV .
Avec Privilege du Roy,
Bayerische
Statsbibliothek
München
kck; ck: ck: ck:
Ο
AVIS.
Velquesprieres qu'on ait faites
jufqu'à prefent de bien
écrire les noms de Famille employez
dans les Memoires qu'on envoye
pour ce Mercure , on ne laiffe pas
d'y manquer toujours. Cela eft caufe
qu'ily a de temps en temps quelques
uns de ces Memoires dont on ne fe
peut fervir. On reitere la mefme
priere de bien écrire ces noms , en
fortequ'on ne s'y puiffe tromper. On
ne prend aucun argent pour les Memoires
, & l'on employera tous les
bons Ouvrages à leur tour, pourveu
qu'ils ne defobligent perfonne , &
qu'il n'y ait rien de licentieux. On
し
A ij
AVIS.
priefeulement ceux qui les envoient,
& fur tout ceux qui n'écrivent que
pourfaire employer leurs noms dans
l'article des Enigmes , d'affranchir
leurs Lettres de port , s'ils veulent
qu'on faffe ce qu'ils demandent.
Ceft fort peu de chofe pour chaque
particulier , & le tout ensemble eft
beaucoup pour un Libraire.
Le Sieur Bruner qui debite prefentement
le Mercure , a rétabli les
chofes de maniere qu'il est toujours
imprimé au commencement de cha .
que mois . Ilaverit qu'à l'égard des
Envois qui fe font à la Campagne,
ilfera partir les paquets de ceux qui
le chargerent de les envoyer avant
que l'on commence à vendre icy le
Mercure.Comme ces paquets feront
plufieurs jours en chemin , Paris ne
laiffera pas d'avoir le Mercure
:
AVIS.
long- temps avant qu'il foit arrive
dans les Villes éloignées , mais aufi
les Villes ne le recevront pas fi tard
qu'elles faifoient auparavant.Ceux
qui fe lefont envoyer par leurs Amis
fans en charger ledit Brunes , s'ex .
posent à le recevoir toujours fort
tardpar deux raifons. La premiere
parce que ces Amis n'ont pas (oin de
le venir prendrefitoft qu'il eft imprimé,
outre qu'il le fera toujours quel
ques jours avant que l'on en faffe le
debit, & l'autre , que ne l'envoyant
qu'après qu'ils l'ont lu eux quel.
ques autres à qui ils le preftent, ils
rejettent la faute du retardement
fur le Libraire , en difant que la
vente n'en a commencé que fort
avant dans le mois . On évitera ce
retardement par la voye dudit Sieur
Brunet, puis qu'il fe charge defaire
A
iij
AVIS.
lespaquets lay-mefme, & de lesfaire
porterà la Pofte ou auxMeſſagers,
fans nul intereft, tant pour les Particuliers
que pour les Libraires de
Province, qui lay auront donné leur
adreffe.Ilfera la mefme chofe generalement
de tous les Livres nouveaux
qu'on luy demandera , foit
qu'il les debite, ou qu'ils appartiennent
à d'autres Libraires , fans en
prendre pour cela davantage que le
prix fixé par les Libraires qui les
vendront. Quand il fe rencontrera
qu'on demandera ces Livres à lafin
du mois , on les joindra au Mercures
afin de n'en faire qu'un mefme paquet.
Tout cela fera executè avec
une exaltitude dont on aura lieu
defre content
7
MERCVRE
CALANT
NOVEMBRE 1695.
L
ES grandes & merveilleuses
qualitez du
Roy n'éclatent pas.
moins par le tendre amour
que fes Sujets ont pour luy,
que par le grand nombre de
Conqueftes , qui ont mis ſa
A iiij
8 MERCURE
gloire au plus haut degré où
aucun Monarque ait pû jamais
élever la fienne. Ceux
à qui l'étude des belles Lettres
a donné quelque talent
pour écrire , s'ils n'ont pas
l'avantage de le fervir de leur
bras dans fes Armées , employent
leurs Plumes à publier
ce qui fera l'admiration
des Siecles les plus éloignez
du noftre , & tous unanime.
ment forment des voeux pour
la confervation de fa Perfon.
ne facrée , qui eſt la choſe
du monde qui importe le
plus à toute la France . Je
GALANT. 9
୮
vous ay déja fait part de plufieurs
Prieres qui ont efté
faites pour obtenir la continuation
des graces du Ciel
fur ce grand Prince. En voicy
une nouvelle , par laquelle
on demande ce qui eft le
plus felon fon coeur , c'eſt à
dire , la fin d'une Guerre qui
depuis tant d'années trouble
le repos de toute l'Europe.
PRIERE A DIEU,
pour le Roy.
" Eft vous , Seigneur , c'eft
vous qui nous avez donné Co
10 MERCURE
Pour Roy le plus zelé des Mo
narques du monde
Et qui l'ayant à regner deftine,
L'avez doué du don de fageffe
profonde.
Nous
reconnoiffons que par
vous
Contre tant d'Ennemis de fon
bonheur jaloux ,
Tousfes pas ont eftéfuivis de la
Victoire.
Pour comble de faveurs , faites
qu'àfes Sujets ,
Qui par fes grands travaux ont ·
acquis tant de gloire ,
Ilfaſſe enfin goûter les douceurs
de la Paix.
T
GALANT.
Cette Priere eft de M* Lucas
, Avocat au Parlement ,
dont le zele pour le Roy , a
déja paru en d'autres Ou-
#
vrages.
Le 18. du mois paſſé , le
Pere Premon , Preftre de la
Congregation de la Doctrine
Chreftienne , & Profeffeur de
Rhetorique au College de
Lefquile à Touloufe , prononça
un Difcours Latin à l'hon .
neur de Sa Majeſté , fur le
rétabliffement de l'Academie
des Jeux Floraux , & il le
ft avec tant de grace , qu'il
receut un applaudiſſement
MERCURE
general. Il dit d'abord que
les plus grands Rois eftoient
ceux qui avoient le plus aimé
les Lettres , que le Prince que
nous fervons ayant effacé par
fes grandes actions la gloire
de tous les Prédeceffeurs , les
avoit auffi furpaffez en ma
gnificence, ou en attirant les
Sçavans dans fon Royaume ,
ou en récompenfant ceux de
fes Sujets, qui par un fçavoir
extraordinaire s'eftoient rendus
dignes de fes liberalitez.
Il fit voir enfuite les foins que.
ce grand Monarque avoip
pris pour rendre la France
GALANT.
13
recommandable par les Academies
, aprés l'avoir affermie
par la valeur & par les armes.
11 ajoûta que de toutes les
Affemblées des Sçavans , celle
qui meritoit le mieux fa
protection , eftoit celle des
Jeux Floraux. En effet , dit- il ,
une Academie qui depuis prés de
quatre cens ans aprisfa naiffance
dans cette Ville , & qui a donné
del'exercice aux plus grands Rois
des fiecles paffe , qui ont voulu
eux mefmes difputer le prix qu'-
elle diftribue tous les ans,fembloit
meriter par fa nobleffe , & par
fon antiquité , les foms du plus
14 MERCURE
grand Roy de la terre. Il y eut
dans ce Difcours beaucoup
d'érudition & d'éloquence ,
& tous ceux qui l'entendirent
en furent tres - fatisfaits . Si
j'en reçois un Memoire plus
exact , comme on me le fait
efperer , je vous en feray part
le mois prochain.
Je vous envoyay au mois de
Juillet une Lettre intitulée
Réponse à la Lettre de M¹ de la
Broffe , inferée dans le Mercure
du mois de Mars 1694. touchant
la Fiévre maligne . Ce que vous
allez lire eft une Réponse du
même M' de la Broffe à cetre
Lettre.
GALANT. is
MONSIEU
ONSIEUR,
Jaylû la Réponse que vous
m'avez faite au mois de Juillet
dernier , fur la Lettre que
j'ay écrite le mois de May
1694. fur la Fiévre maligne ;
& comme vous y trouvez des
contradictions , j'ay cru y devoirrépliquer,
tant pour vous
faire connoiftre la verité de
ce que j'ay avancé , que pour
vous porter à faire des reflexions
fur la Saignée , dont
vous dites qu'on ne fçauroit
fe paffer pour la guerifon des
16 MERCURE
Fiévres malignes ; & pour
entrer en matiere , je commence
par la premiere des
contradictions que vous alleguez
fur ce que je dis en la
page 13. que l'efprit arſenical
que j'établis pour la caufe
de ces Fiévres , eft acre &
corrofif , ce qui eft opposé ,
felon voftre jugement , à ce
que dans la page 29 je dis
que le fang eft coagulé &
épaiffi par des fels acres &
corrofifs , & vous prétendez
que les fels acres & corrofifs
donnent au contraire la fluidité
au fang , & pour le jufti
GALANT. 17.
fier , vous alleguez les fels
alkalis , qui font des corrofits
cauftiques , & qui rendent
le fang fluide, & que l'Arfenic-
& le Sublimé en font de même
& par conſequent que
l'efprit arfenical ne peut pas
caufer un épaiffiffement ou
une coagulation au fanga
>
>
Si vous aviez donné une
plus grande étendue à voſtre
penſée & parcouru les opèra.
tions Chymiques , vous au
riez trouvé que les efprits
font des effets bien contrai
res à ceux des corps , mais
comme les raiſons ne fuffi
B
C
Novemb. 1695.
18 MERCURE
fent jamais fi elles ne font ap
puyées par l'experience , vous
n'avez qu'à en venir à la preuve,
& pour cet effet tirez l'ef
prit de l'Arfenic par la retorte
y joignant un recipient bien
luté. Dés que l'operation fera
à moitié faite , attachez une
fiffelle au recipient , & mettez
un chien dans la cham .
bre. Faites paffer la fiffelle
par un trou que vous ferez à
la porte , & l'ayant fermée ,
tirez la fiffelle pour caffer le
recipient , & vous verrez que
par la malignité de la vapeur
arfenicale qui s'exhalera dans
GALANT. 19
la chambre , le chien , aprés
plufieurs accidens , crevera
& en faisant l'ouverture de
fon corps , vous trouverez
que ce que j'avance de l'ef.
prit arfenical eft veritable ;
& voila le veritable moyen
de terminer les conteftations
qui fouvent donnent lieu à
gâter du papier & à perdre du
temps fans rien decider ; outre
que fi vous vous aviez fait
reflexion fur la difference
qu'il y a entre les mineraux
& leurs efprits , vous n'en
confondriez pas l'action .
L'effet de l'antimoine en fon
Bij
20 MERCURE
eftat naturel eft bien diffe :
rent de fon efprit & de fes
fleurs ; le fel commun caufe
la foif, & fon efprit l'appaife .
Mais j'admire voftre penfée
quand vous dites à la
page 26. que l'efprit vitriolique
malin & cet efprit arfenical
& cauftique , font la
caufe des fievres malignes ;
je connois trop bien la nature
des vitriols pour comber
dans voftre fentiment.
Vous devez fçavoir qu'il n'y
a point de vitriol fans metal,
ni de metal fans partie arfenicale
, à l'exclufion peut
GALANT: 2.1
eftre de l'or , & ainſi le vitriol
ne contient en luy au
cune malignité que celle
qu'il reçoit de la partie arſenicale
du metal dont il eft
compofé outre que le fel
acide qui ronge en paffant
les veines des mines metalliques,
& qui forme le vitriol,
le fixe &ne peut eftre porté en
l'air comme l'efprit arfenical
qui eft fort volatil, à raifon de
quoy il infecte fouvent ceux
qui travaillent aux mines.
2
•
Il femble
la fuite de
par
voftre difcours que tous les
mouvemens
du corps hu
22 MERCURE
main fe doivent faire par le
moyen des acides & des al Kalis.
Cependant jefuis perfuadé
que l'action des acides & des
alkalis n'eft qu'accidentelle
& que le mouvement qui
fait la vie & toutes les actions
de la vie , partent d'un principe
naturel ; que dans tous
les eftres vivans , il y a un
feul moteur qui doit conferver
fon mouvement felon les
loix qui luy ont efté prefcri
tes par l'Auteur de la Natu
re ; que c'eft luy qui eft l'Ouvrier
de toutes les parties du
corps humain , tant folides
GALANT.
23
que fluides , contenantes que
contenuës ce qu'Hippocra
te a tres bien reconnu quand
il a diviſé le corps humain en
parties contenantes , contenuës
& impetueuſes , entendant
par les impetueufes , les
efprits , fans la connoiffance
defquels il eft impoffible det
guerir aucune maladie , que
par hazard;auffi il n'y a aucun
Medecin qui foit affuré de
guerir la moindre maladie .
En effet , fi on ne connoift
pas ce premier Moteur qui
fait la vie , comment connoiſtre
ce qui fait la maladie
24 MERCURE
& la mort ? Quand ' Dieu a
creé le Ciel & la Terre , ils
ont efté fans mouvement juf
ques à ce qu'il euft creé la
lumiere , de laquelle il s'eft
fervy pour donner le mou-t
vement , & la vie à tous les
Corps , & ainfi il n'y a ni vie,
ni mouvement que par cette
Lumiere , qui eft pleine de
vie ; car dés que cette Lumiere
vient à ceffer , les Corps
periffent. Or il eft conftant
que ce qui donne ce premier
mouvement, le doit toûjours
continuer , n'y ayant rien qui
fe meuve de foy. mefme.
Je
GALANT.
25
Je reviens à votre Lettre,
où vous dites page iz que j'ay.
avancé que tous les Vegetaux
& Animaux enſemble ne
fçauroient rendre l'Air con .
tagieux , & caufer des maladies
contagieufes , & que cependant
j'avance enfuite, que
tous les Corps font compo
fez des mefmes principes , &
par là vous concluez que de
ces principes il peut fortir des
Corps malins , qui portez au
dedans de nous par le moyen
de l'Air que nous refpirons , y
caufent felon les difpofitions
qui s'y trouvent de cruels
Novembre 1695 . C
26 MERCURE
defordres. Je n'ignore pas,
Monfieur , qu'un mauvais air
ne caufe des maladies , & j'ay
trop voyagé pour n'avoir pas
reconnu la varieté des Climats
& leurs effets , & remar,
qué que les lieux , à raiſon des
marécages où ils font fituez,
cauſent beaucoup de mala
dies ; mais ceux qui en font
atteints eftant tranſportez à
des lieux voifins ne les communiquent
pas à d'autres , ce
qui arrive pourtant à ceux
qui font atteints des maladies
contagieufes; & pour appuyer
voſtre ſentiment , vous dites
GALANT. 27
les
*
l'autre s'en
dans le page 14. On ne sçau
roit nier une mutuelle communication
de l'Air avec les Corps ,
& qu'il est bien difficile que l'un
foir infecté ,fans que
reffente , dautant que l'air reçoit
exbalaifons de tous les Corps.
Selon voſtre ſentiment ,
tous les gens d'une Ville
periroient , lors qu'une maladie
Epidimique regneroit, ce
qui eft tellement contraire à
l'experience , que cela ne
merite pas d'eftre refuté ,
l'ayant déja affez expliqué ,
& je n'aime pas à remplir
mes Lettres de chofes inutiles.
i
Cii
28 MERCURE
:
、
Je paffe à ce que vous di
tes que j'ay avancé , que dans
l'Homme mefme il le ' pro
duit des Sels qui caufent des
accidens femblables à ceux
que produifent les vapeurs
malignes de l'Arfenic , mais
qui terminent leur malignité
dans le fujet qui les produit ,
fans fe communiquer à quelqu'autre
; ce que vous trouvez
contraire à ce que je dis
page 35. & 36. que les
elprits font plutoft diffipez
en cette fiévre , & qu'ils font
tant d'effort , qu'ils fubliment
& font fortir cet eſprit maen
la
GALANT. 29
lin & fubtil par la peau avec
quelque peu de la fleur du
fang, & que la malignité net
manque pas de fortir. Avant
que je vous réponde là deflus
, il eft bon que je vous
dife que l'Imprimeur a manqué
, ayant mis , font plûtoft
diftinguez , au lieu de , plûtoft
diffipez ; & vous preten
dez que ce que j'ay dit cydeffus
, que j'avoue que ce
venin eftant pouffé vers la fu
perficie de la peau , & tranf
pirant enfuite, ne peut que
charger l'air , & de là paffer
dans les Corps de ceux qui
Ciij
30 MERCURE
approchent les malades . Ce
qui eft aifé devoir, dites - vous,
dans les groffes Familles , où
ces maladies ont toujours des
fuites .
Pour moy, je ne comprens
pas où vous trouvez de la
contradiction dans ce que
vous venez de ráporter, puifque
les fuites dont vous parlez,
font l'effet de ce mefme
Esprit arfenical , que je dis
eftre la caufe de la fiévre maligne
, ce qui n'arrive pas de
mefme à ceux qui font au.
prés des malades atteints de
fiévres continues , qu'on apGALANT.
31
pelle improprementPutrides ,
& qu'on pretend provenir
des humeurs corrompues
,
dont ils ne reçoivent aucune
contagion , ne fe commu .
niquant pas comme les fiévres
malignes caufées par
Fair infecté d'un efprit arlenical.
Voila , Monſieur , des raifons
plufque fuffifantes pour
juftifier la verité de mon Syfteme
; mais comme j'ay trou
vé quelque chofe dans vôtre
Lettre que je ne puis pas comprendre,
je vous prie de m'en
vouloir éclaircir ſur ce que
C iiij
32 MERCURE
vous dites dans la page 4. que
le fang demeure épaifli par
la perte prefque totale des
principes volatiles , n'y reſtant
pour lors que des corpufcu
les brûlez , & devenus terre .
ftres , fans liaifon & fans or
dre. Faites- moy connoistre ,je
vous prie , par quel feu ces
corpufcules font brûlez, &
davenus terreftres , puifque ce
font des effets d'une violente
calcination , qui ne ſe peut
faire dans un Corps humain
fans le détruire entierement .
Venons maintenant à ce
que vous dites, qu'on ne peut
3
GALANT.
33
pas guerir les Fiévres mali
gnes fans la Saignée ; exami -
nons un peu ce qui doit porter
les Medecins à s'en fervir.
Vous fçavez , Monfieur,
qu'un Medecin ne doit ja
mais ordonner aucun remede
fans qu'il y ait une indication
qui foit neceffaire ,
car autrement , il eft inutile,
s'il ne fait pas du mal. Or il
n'y a que
la trop grande
abondance du fang qui indique
la faignée , donc s'il n'y
a pas abondance de fang , la
faignée ne peut eftre que
préjudiciable
.
34 MERCURE
Je paffe plus avant , & dis
avec raifon que jamais un
homme ne peut avoir trop
de fang ; car la nature ne
peut jamais paffer les bornes
qui luy ont efté prescrites
fans qu'elle erre , parce que
fon Autheur luy en a determiné
une certaine quanti
té pour tenir l'homme dans
le plus baut degré de fanté.
Or dés qu'elle paffe outre,
c'eft contre nature ce qui
eft contre nature eft vitieux,
donc il n'y peut avoir que
trop de fang vitié , & non
pas trop de bon : car la naGALANT
.
35
t
ture ne peut jamais errer
d'elle mefme , puiſque fi elle
erroit d'elle mefme elle feroit
créée imparfaite , ce qui fe
roit accuſer fon Autheur
d'impuiffance. Or comme
cela ne peut eftre , il faut
demeurer d'accord que la na.
ture ne peut pas faire trop
de bon fang pour caufer
quelque maladie. Nous re .
connoiftrons cette verité , ſi
nous faifons reflexion que les
pourceaux qu'on engraiffe ne
font jamais malades par trop
d'abondance de fang , non
plus que les chapons de Bru.
36 MERCURE
ge , & ainfi l'homme ne le
peut eftre non plus , quand
même la fiévre feroit caufée
par l'abondance du fang . Il
eft certain que la diette qu'on
obferve pour l'ordinaire dés
qu'on eft malade , jointe à la
fievre , diminue de beaucoup
le fang , ce qui fe peut
remarquer en ceux qui ont
des cauteres ; car d'abord
qu'ils font atteints de quelque
fièvre , les cauteres ceffent
de fluer. D'ailleurs on
doit fuivre les mouvemens
de la nature . Or elle expulſe
la malignité par les pores ,
GALANT. 37
par confequent les remedes
qui aident cette expulfion
font indiquez , & non pas la
faignée qui détourne la na
ture de fon mouvement
, &
l'interrompt dans fon action ;
& c'est ainsi qu'Hippocrate
l'enfeigne par l'aphoriſme 21.
fect . 1. Qua ducere oportet quo
maxime natura vergit , per loca
convenientiora
eo ducere con.
venit.
Je fçay bien que la pluſpart
des Medecins veulent
que le fang foit corrompu
dans les veines , ce qui eft
une abfurdité , comme j'ay
38 MERCURE
fait voir par mes autres Lettres
; car la diverfité des couleurs
qu'on y remarque, n'eſt
qu'un pur braüllement de
fang , qu'on doit faire ceffer
en oftant la cauſe qui le
broüille , & non pas vuider
le fang broüillé , vû que par
la faignée le bon & le mauvais
fortent également , outre
que le plus fubtil & le
plus lpiritueux fort plus facilement
que le plus grof.
fier. Le vin le trouble au
temps de la fleur de la vigne ,
& fe remet fans y rien faire ,
& même les Marchands de
GALANT.
39
Vin ufent de
précipitans
pour le clarifier , & ne font
pas affez lors d'en jetter une
partie pour le purifier ; &
quand même la faignée ap
porteroit quelque foulage.
ment fur le champ, c'eft tou
jours un méchant remede ,
puis qu'il diminuë infaillible
ment les forces : & nous
voyons ordinairement que
ceux qui ont ufé de faignées
dans leurs maladies
longtemps à fe remettre , &
tombent fouvent dans des
maladieschroniques, d'où les
Medecins ne les fçauroient
font
40 MERCURE
retirer.Pourquoi ſe ſervir d'un
Lemede qui emporte avec luy
une partie de la vie , vû que
l'on peut guerir prompte
ment ,feurement & parfaite
ment les maladies , & prin .
cipalement les fiévres , fans
la faignée. Je fçay bien que
vous me direz , qu'encore
que la faignée ne feimble pas
neceffaire par fa naturelle &
propre indication , qu'en la
plethore , & qu'elle n'empor
te pas proprement les humeurs
vitiées & corrompues
,
toutefois elle décharge les
veines , récrée les forces , ofte
GALANT.
41
une partie de ce qui eft mauvais
dans le bon , qu'elle arrefte
le cours des humeurs ,
& en faifant dérivation & ré,
vulfion ailleurs, elle les attire
7
au dehors , c'eft pourquoy la
nature fe fentant foulagée ,
vient plus ailément & plus
heureufement à bout du refte.
Voilà de belles Sentences
, fi l'experience ne les dé
mentoit pas . N'est - ce pas
bien rafraîchir
à propos , que
d'éteindre la chaleur natu
relle en épuisant les efprits ,
& recréer les forces en oftant
ce qui les fait , & faire une
Nov. 1695. D
42 MERCURE
révulfion du dehors au dedans
, lors que la nature fait
tous les efforts pour pouffer
ce qui l'offenfe , du dedans
au dehors.
Il est conftant que toute
évacuation de fang qui fe
fait naturellement, foulage un
malade , mais toute évacuation
artificielle eft contre nature
, & partant nuiſible. On
n'a jamais vu que les veines
des bras & des jambes fe
foient ouvertes au coude, ni
au maleole , ni à la langue par
le feul effort de la Nature ;
mais on voit tous les jours
GALANT 4 )
1
que les Vaiffeaux de la Matrice
, des Hemorrhoides & des
Narines ,s'ouvrent à tous momens
fans effort , fans aide &
fans artifice . Or ces lieux ont
eſté deſtinez par la Providence
Divine pour le foulagement
des Humains pour évacuer
le Sang , non pas à raifon
de la furabondance , mais
bien parce qu'il peche quel
quefois dans fes qualitez .
Je fçais bien que vous me
direz que c'eft parler contre
l'experience, qui fait voir fouvent
que la faignée apporte
du foulagement. Il eſt vrai
Dij
44 MERCURE
que le malade fent quelquefois
pendant quelque mo
ment un peu de foulagement
par les raifons que j'ay déduites
dans mes autres Lettres
; mais je vous prie de remarquer
cette verité infailli,
ble , que quelque foulagement
qu'un malade trouve
dans l'ouverture de fes veines
, & dans la perte de fon
fang , il eft moindre , de plus
courte durée , & a moins d'ef.
fet , que
l'aide
que
la Nature
feule
luy
donneroit
, fi fans
luy faire
aucune
violence
on
la fecouroit
, en la fortifiant
,
GALANT. 45
& luy procurant le moyen de
vaincre & de domter l'humeur
morbifique , & non pas la détourner
de fon chemin ordinaire,
& l'interrompre de fon
entrepriſe par l'épuiſement
du Sang & des Efprits ; car
tout ce qui affoiblit la Natu
re l'empêche de vaquer à la
coction des humeurs qui l'in
commodent. Voyez ce que
Galien nous dit touchant la
faignée Lib . de Ren . affect.
dign . Una cum fanguine mul
tum è vitali fpiritu excernitur
quo excreto refrigefcit totum coropera
naturalia deterius
pus
46 MERCURE
obeuntur, eapropter naturam prius
refocillare oportet, &c. Nous ne
voyons pas dans les Ecrits
d'Hypocrate, qu'il faſſe mention
de la guériſon des maladies
par la faignée artificielle,
mais bien par la naturelle ,
comme l'on peut voir par l'A
phorifme 60. Section 4. Qui.
bus infebribusaures obfurduerunt,
fanguis ex naribus fluens aut
alvus turbatafolvit morbum. Et
par l'Aphor. 33. Sect´s . Men .
Struis deficientibus fanguis ex na
ribus fluens bonum . Et par l'Aphor.
32. Sect. 5. Mulieri fan.
guinem evomenti menftruis erum -
GALANT
47
.
pentibus folutio. Et dans le
Traité des Fiévres aiguës. Larga
de naribus eruptiones fangui.
nis liberant febri acuta. Et pour
vous faire voir qu'Hipocrate
n'ordonnoit pas facilement la
faignée , & fans beaucoup de
précaution , voyez ce qu '
B
dir
dans le même Livre. In acutis
morbis fanguinem detrahes fivehemens
morbus videatur vigearque
agrotantis atas & virium
adfit robur. Ses Difciples n'y
apportent pas toutes ces circonftances
, ils faignent pour
*
la moindre maladie ,fans avoir
aucun égard aux forces des
48 MERCURE
malades , puis qu'ils faignent
juſques au tombeau , n'exceptant
pas même les Vieillards
, ni les Enfans. Galion
toutefois dans fes Ecrits dé
fend de faigner jamais , les
Vieillards, & les Enfans. Se
cundus fanguinis ,fcopus eftfi arate
vigeat ager, neque enim puer, n
neque fenex fanguinis fuftinent
detractionem , etiamfi morbus quo
ipfi laboraverint magnus fuerit.
Gal. in Hyp. de Vict . rat. in
acut- 1
Laiffons à part toutes ces
autorirez , & avouez les cho
fes de bonne foy, Neft - il
pas
H
GALANT.
49
pas vrai que dans la forma:
tion de noftre Corps la Nature
a la vertu de labourer fi
bien le Sang , que jamais
aprés il ne fçauroit eftre meilleur
, quelque artifice dont
on fe puiffe fervir , la Nature
faifant feule toûjours les premiers
ouvrages mieux que
tous les hommes ne peuvent
faire , par leur induſtrie , &
par leur artifice . Si donc le
Sang eft dans le fuprême degré
de bonté & de pureté
dans les premieres années de
noftre vie , fi nous en oftons
du Corps , nous luy ravirons
Novembre
1695.• E
to MERCURE
une partie de ce premier fang
que la nature feule luy avoit
donné , fans eftre interrompue
par aucun mauvais regi
me de vivre , & un fang qui
fera moins bon , n'eftant pas
fi naturel & fi pur , fuccedé
ra à fa place , & ainfi plus
nous ofterons du fang par les
faignées , & moins il en refte
ra du premier & du naturel ,
& par les frequentes évacuations
dufang,nous en tirerons
tant, qu'il n'en restera preſque
plus du premier , qui feul
avoit efté fait par la nature,
dans le temps qu'elle vaquoit
GALANT.
5 ་
fans interruption à la coction
de cette precieuſe liqueur ,
dont la bonté fait le bonheur
de noftre vie ; mais dans la
fuite du temps la chaleur naturelle
venant à diminuer
( à meſure qu'on luy ravit fes
forces , qui confiftent dans
fon bon fang ) n'est plus en
eftat d'en preparer de ſi bon ,
& par confequent il eft vray
de dire que ceux qui ont perdu
ce premier fang ont moins
de forces naturelles , qui feules
confervent la vie & la
fanté , & qu'ils ne pourront
pas vivre frlong- temps , &
E ij
12 MERCURE
is
en fi bonne fanté que ceux
qui n'ont pas prodigué leur
fang. Auffi voyons nous que
ceux qui ont efté tres-peu
faignez font toûjours forts &
robuftes , au lieu que ceux
a qui on tire frequemment
du fang , ou à qui on en a
beaucoup tiré , ont fi fou .
vent befoin de la faignée à
caufe du grand nombre des
incommoditez aufquelles la
foibleffe de leur nature , caufée
par l'évacuation du fang
eft fujette , que fans elle
ils croiroient ne pouvoir
vivre , & nn peu de fouGALANT
.
53
lagement qu'ils trouvent .
pour quelques momens , les
aveugle tellement , qu'ils ne
cherchent jamais ailleurs
d'autre fecours. Funeftum
fane auxilium quod juvando nocet
,fanando enecar. Il eft conftant
que ceux qui ont accouftamé
d'eftre faignez reffentent
moins l'incommodité
de l'evacuation du ſang,
que ceux qui fe fervent rarement
de la faignée , ce qui
femble avoir quelque rapport
avec ce qu'Hipocrate
dit en l'Aphor. so . Sect. 2.
Qua longo
ةر
hore con/
funt,
E iij
54 MERCURE
etfi deteriora funt , infuetis tamen
minus molefta effe folent. Eo
comme les malades ne font
pas accouſtumez à la faignée ,
les uns comme les autres
ce qu'on devroit du moins
obferver , ) & qu'ils n'ont pas
les mefmes forces pour fou
tenir la violence de la fai.
gnée , & pour reparer l'evacuation
des efprits qui fe fait
par l'evacuation du fang ,
on ne devroit pas faigner
également tous les malades
comme l'on fait . D'ailleurs
les cauſes des maladies ne
font pas toûjours femblables
GALANT.
55
& n'ont pas également le
fiege , & leur origine dans
la maffe du lang, mais tres - rarement
, puifque l'on remar
que journellement qu'on ti ,
rera dix à douze fois du fang
à un malade , auffi beau &
auffi vermeil , que s'il n'avoit
jamais eu de fievre ny autre
maladie,fans neanmoins que
la maladie ceffe ny diminue
aucunement , allant au contraire
en augmentant à mefure
qu'on épuife le fang ,
ce qui devroit faire connoître
à ces ennemis du fang
humain le mauvais effet de
(
E iiij
56 MERCURE
2
leurs faignées , & les porter
la recherche des remedes
propres & convenables à
emporter & detruire la caufe
des maladies qui ont leur
fiege dans le mefentere , le
panereas , ou bien dans quelqu'autre
partie du ventre inferieur
, d'où fouvent elle
regorge , & fe répand par
les veines dans tous les corps ,
à mesure que l'on faigne , le
bon fortant par l'ouverture
des vaiffeaux , dans la place
duquel il s'en gliffe dans les
veines de plus mauvais ; car
il est tres- certain que le fang
GALANT.
$ 7
quile produit journellement
pendant les maladies, ne peut .
eftre que vitié , à cauſe que
dans cet eftat la nature eftant
affoiblie , ne fçauroit venir à
bout d'une parfaite coction
des humeurs, lefquelles fe diftribuant
par tout le corps
l'alterent , l'infectent , & luy
caufent la fiévre continuë, &
plufieurs autres maladies , &
fouvent la mort. Il y a des
Medecins qui font tirer jufques
à la derniere goutte de
fang, croyant qu'il eft corrompu
lors qu'il n'eft pas
d'une couleur rouge
cocom58
MERCURE
me fi l'on ne voyoit pasjour
nellement que de dix per-
•fonnes que l'on faignera , fe
portant bien , elles auront la
couleur du fang inégale ; mais
rien n'eft capable de les faire
changer de metode . Ils ne
peuvent comprendre qu'il y
ait autre chofe que la faignée
qui puiffe purifier le fang ,
quoy qu'ils voyent que la plus
parfaite guerilon eft celle qui
fe fait par une bonne crife ;
& celuy qui guerit par cette
voye n'ayant fouffert aucune
effufion de fang , elt bientoſt
remis de fa maladie , &
GALANT. 59
dans huit ou dix jours , il ne
paroift pas qu'il ait eſté malade
, tant il eft vray que le
fang eft auffi-bien l'entretien
des forces que de la vie , &
que nous ne sçaurions vivre
& eftre robuftes fans fa jufte
& deuë quantité , & les bon,
nes qualitez; & c'eſt pour cela
que l'on remarque tous les
joursque tousceux qui fe font
fouvent ouvrir la veine , par
habitude ou par précaution ,
ou qui ont perdu beaucoup
de fang dans une maladie , ne
font point du tout forts, mais
infirmes & tres- delicats ,
+
&
60 MERCURE
•
ont l'eftomach fi foible & fi
debile ; qu'ils font fujets aux
moindres incommoditez , ne
pouvant fouffrir aucune attaque
, & fuccombant à la
moindre maladie ; mais ceux
qui n'ont jamais efté faignez,
ou qui ont perdu peu de leur
fang, font robuftes , & le mo .
quent des maladies. Ils boivent
& mangent à toute heure,
en tout temps , de toutes
chofes indifferemment & fans
précaution , fans qu'ils fouffrent
aucune incommodité.
Si nous faifions reflexion
fur les moyens dont la naGALANT.
61
ture fe fert pour emporter
les fievres intermittentes
nous ne la detournerions pas
dans les fievres continues ,
lors qu'elle fe fert des mefmes
voyes pour deftruire la cauie
morbifique. Pour l'ordinaire
tous les accez de fievre fe
terminent par la fueur , laquelle
fe peut qualifier crife
imparfaite lors que la fievre
reprend fon periode , & parfaite
fi l'accez ne revient
plus . Or comme toute crife
eft un combat de la nature
avec la caufe de la maladie ,
il eft vray de dire que la na62
MERCURE
ture qui tend toûjours à fa
fin , qui eft de cuire & atte .
nuer les humeurs , & reduire
les matieres excrementeuſes
en eftat d'eftre expulfées )
trouvant de la reſiſtance &
de l'oppofition en la caufe
morbifique , il le fait pour
lors un combat qui n'eſt
qu'un effort de la nature ,
laquelle n'ayant pu vaincre
entierement , ne laiffe pas
d'évacuer par la fueur ce
dont elle eft venue à bout ,
de forte qu'aprés diverfes
repriſes elle détruit enfin la
caufe de la fievre . Pour la
A
GALANT.
63
fievre tierce, elle eft obligée
de donner quelquefois julques
à fepr combats , c'eſt à
dire qu'au feptiéme accez
elle remporté la victoire ,
d'autres fois pluſtoſt ſelon la
qualité de la matiere fur la
quelle elle agit , de forte que
la fievre continuë ne differe
l'intermittente , que du
plus au moins , la matiere
qui caufe la continuë eftant
plus tenace , plus rebelle , &
plus difficile à eftre dom
ptée , & par confequent le
combat en eft plus long , &
de
comme la nature ne le re64
MERCURE
bute jamais , elle redouble
fes efforts de temps en temps,
& c'est ce que nous appellons
exacerbations ou reprifes
, de forte que fi on n'épuifoit
pas les forces de la na
ture par les frequentes faignées
, elle viendroit à bout
de fon entrepriſe , & termineroit
les fievres continuës
comme les aurres par une
crife ; mais comme on l'affoiblit
par l'effuſion du ſang
& des efprits , on luy ofte le
moyen de livrer un rude &
vigoureux combat par lequel
elle pourroit fe delivrer cout
GALANT .
65.
à coup , au lieu qu'eftant
affoiblie par ces
évacuations
elle
fuccombe
entierement ,
fi par fa bonté, malgré la contrarieté
de la
faignée elle ne
detruit
l'humeur
morbifique
ce qui arrive
quelquefois ,
mais fi
lentement que le malade
ne
faisant que trainer ,
tombe fouvent dans des maladies
chroniques , &plus dangereules
que la
premiere.
Hipocrate qui a eſté un
grand
obfervateur fur les accidens
qui arrivent dans les
maladies , a
divinement écrit
fur les crifes .
Cépandant ceux
Nov. 1695. F
66 MERCURE
qui fe difent fes Sectateurs
ne fuivent rien moins que fes
écrits , & font de veritables
anthipocratiftes , & cela eft
fi vray que lors qu'Hypocrate
leur recommande par
l'Aphor . 20. Sect . 1. de ne
pas detourner la nature , &
de ne rien remuer dans les
jours critiques. Quæ judicantur
& judicata funt integre neque
movere neque novare ali
quid five indicamentis five aliter
irritando ; fed finere. C'eſt
pour lors qu'ils troublent &
accablent plus la nature .
Il eft conftant Monfieur
GALANT 67
que la nature a des regles ,
& des periodes qu'elle garde
dans certains jours nommez
critiques quand elle n'est
pas troublée dans fes operations
, lefquelles elle ne sçauroit
obſerver fi on l'interrompt
dans fes deffeins , & fi
on la detourne dans fon entrepriſe
? Comment veut on
qu'elle faſſe une criſe uni,
verfelle & parfaite qui mette
fin à la maladie,fi lors qu'elle
combat contre la violence du
mal, & qu'elle rapelle au cen
tre du corps fa chaleur natu
relle & toutes fes forces pour
Fij
68 MERCURE
le dompter , on les diffipe par
l'effufion du ſang; & ce qui eft
digne de compaffion , c'eft de
voir que les plus grands Do-
&teurs en faignées s'étonnent
& donnent de la frayeur aux
Parens du Malade , quand ils
le trouvent plus inquiet , &
dans une plus grande agitation
, en un jour critique que
dans les autres jours, & comwécent
àdire qu'ils fe défient
des forces du malade . Cependant
pour diffiper ces accidens
, ils ont recours à la faignée
pour diminuer les forces
dont ils fe défient , & par
GALANT 69
cette pernicieufe faignée , ils
feduifent la nature à luccomber
dans un combat dont elle
feroit fortie victorieuſe , fi
on ne luyavoit pas ofté les forces
, & fi on l'avoit laiffée agir
fans la troubler & l'accabler ,
fçachant mieux que le plus
expert Medecin ce qu'elle
doit faire pour guerir les maladies.
Je ne doute nullement ,.
Monfieur , que vous n'employicz
la faignée avec beau
coup de moderation & de
précaution, & je vous prie d'etre
perfuadé que je n'ay rien
70 MERCURE
écrit fur ce chapitre qui vous
regarde. Que fi mes fentimens
ne font pas conformes
aux voftres , cela ne diminuera
pas l'eftime que j'ay conceue
pour vous , & fuis .
Voicy un Sonnet que vous
ne
ferez pas fachée de voir.
Il a efté fait fur les derniers
Bouts rimez qui vous font 2
connus.
GALANT. je
A MONSIEUR LE DUC
DE VENDOS ME.
P
SONNET.
Rince , dont le grand coeur .
l'honneur feulpour guide ,
Tu fais voir à ton Roy preflé de
tant de
parts ,
Qu'un bras comme le tien pent
Janverfes
Et faire que pour luy la Victoire
คง
rempars,
decide .
L'Espagnol a montré par fa
fuite
rapide
•Qu'il te redoute plus qu'il ne fit
les
Cefars.
72 MERCURE
Tu (çais te foutenir dans les plus
grands
En fage General
halars,
en Soldas
intrepide
.
2คง
On peut fans craindre rien te
donner tons
Te laiffer commander fans te faire
des
emplois ,
loix ,
tempeftes ,
Dans peu tu nous mettras à couvert
des
S
Et malgré les efforts de cent ia.
loux
LOUIS toujours
divers ,
Vainqueur
conqueftes ,
Par ta tefte & ton coeur maikrigardera
fes
fant l'
Univers.
Vous
GALANT. 73.
Vous avez fceu , Madame,
que Meffire Louis - Antoine
de Noailles , Evêque & Com
te de Châlons , Pair de France
, ayanteſté nommé par le
Roy Archevêque de Paris ,
ce choix a efté fi agreable à
Sa Sainteté, qu'Elle luy a accordé
fes Bulles gratis . C'eſt
fur ce Gratis que M. l'Abbé
de Saint-Huffant a fait le Madrigal
que vous allez lire.
L
E Pape en bon Pafteur difcernant
fes Ouailles ,
plaçant avec choix fes bienfaits
differens
Nov. 1695.
>
G
74 MERCURE
Vient d'accorder gratis les Bulles
à Noailles ,
Qui conteroient , dit-on , foixante
mille francs,
Quelque Iudas dira : Ce Pape enft
pu mieux faire.
Mais non luy qui cherit les Panvres
comme un Pere,
Sçait qu'ils ne perdront rien à ce
fage Gratis,
Pour eux toujours la femme eft
également bonne.
Qu'importe que ce foit le Pape qui
la donne , D
Ou l'Archevêque de Paris ?
Ces autres Vers font de
M' de Bofquillon , l'un des
Academiciens de l'Academie
Royale de Soiffons , en faveur
de cet illuftre Prelat.
"
4
GALANT. 75
INSCRIPTION.
Pour le Portrait de Mr de
Noailles ,
Archevêque
de Paris .
A
Vec de tendres foins fauver
Les malheureux
Des traits empoisonnez de l'affreufe
indigences
Eftre l'ail de l'Aveugle , & le pied
du Boiteux ,
D'un pofte merite redouter l'éminence.
Par ces rares vertus le Prelat que
tu vois,,
Compte dans fon Troupeau le plus
Chreftien des Rois.
G - ij
76 MERCURE
Une converfation formée
fur la grande difpute des Anciens
& des Modernes qui
partage les Sçavans depuis
quelques années , a fait naitre
les Vers qui fuivent .
Mademoiſelle l'Heritier que
je vous ay mandé avoir rem
porté le prix la derniere fois
par le jugement des Lanter
niftes de Toulouſe , foutint
dans une Compagnie diſtinguée
, qu'ainsi que le Roy a
furpaffé Cezar & Alexandre ,
de mefme Corneille avoit
efté au deffus de Sophocle ,
& d'Euripide , Moliere au
GALANT. 9
deffus d'Ariftophane & de
Terence , les le Brun & les
Mignards au deffus d'Appelles
, & les Girardons & les le
Hongre au deffus de Praxitelle
& de Phidias . Cette Del
moiſelle prouva fes fentimens
par de vives raiſons ,
& en pourfuivant la converfation
elle avança que l'action
de Mademoiſelle
Charffe eft beaucoup plus
belle que celle de Clelie.
Plufieurs perfonnes de la
Compagnie ferendirent aux
raifons de Mademoiſelle
l'Heritier , & le lendemain
de la
G iij
78 MERCURE
de cette converſation , ayant
l'idée remplie de cette difpute
, elle envoya ces Vers
à Mademoiſelle d'Alerac
Soeur cadette de Mademoifelle
de la Charffe. Madame
la Marquiſe de la Charffe &
Meſdemoiſelles fes filles 3
qui font toutes trois des per.
fonnes des plus éclairées ,
applaudirent cette Piece avec
éclat , & la montrerent à une
Princeffe d'un gouft delicat,
qui l'honora d'un éloge fort
glorieux. Vous en allezjuger
par vous- meſme.
GALANT. 79
A MADEMOISELLE
A D'ALER AC .
Α
Imable d'Alerac , la docte
Antiquité Antiquité
N'a pas toujours fuivi l'exalte
verité..
Cent & cent fois Rome & la
Grece
Avecque toute leur fageffe,
Ont fait en file triomphant
D'un moucheron an Elephant.
Les noms deHeros, d' Heroines,
De Grands , de Divins , de Divines
,
·Dans ces temps reculezfe donnoient
aisément.
S'il falloit le provver par cent divers
exemples ,
GINI
80 MERCURE
I'en ferois des liftes bien am
ples,
Mais den citons qu'un feulement.
Clelie a fceu fe faire une immortelle
gloire ...
Se retirant d'un Camp qui lay fem
bloit fatal ,
Et paffant le Tibre à cheval.
Cet exploit n'eftoit point fi digne
de memoire ,
Et dans ce fiecle beureux nous
6257
voyons parmy nous
Des Heroines, dont les coups,
Avec plus de juftice orneront noftre
Hiftoire.
Une fage Amazone entreprit des
deffeins,
Qui fur le bord de la Durance,
Ayant fait eclater fon grand coeur,
fa prudence ,
GALANT. 81
Da Piemontois trop remply d'arrogance
,
Rendirent les projets inutiles &
vains.
Ces faits que l'avenir à peine poarra
croire ,
Marqueront des François les glorieux
defins .
Louis dans leur party met fi bien
la victoire ,
Que les Lauriers de Mars chargent
de belles mains .
On fait donc, n'en déplaife à l'an
tique Italie ,
Que la Charfe en nos jours a furpaffe
Clelie ,
De mefme que fon Roy , le plus
grand des Humains
Surpalleles Heros des Grecs & des
Romains.
82 MERCURE
Et vous , Mufe toute charmante,
Qui nous chantez avec tant de
douceurs ,
Lesfeux & les tendres langueurs
Du Dien dont j'ay toujours brave
la main puiffanie ,
Voyant les graces de vos Vers,
Quels noms & quels titres divers
Vous auroit pu donner la Grece?
En eft il d'affez beaux pour voftre
politeffe ?
Erinne n'a jamais pensè fi finement,
Et jamais n'a tourné fi delicatement
Ses Ecrits, dont Lesbos vanta tant
La justele.
Faifons donc redire à l'Echo
D'Alerać paffe autant
Que Scudery paffe Saphe,
Et Deshoullieres , Corinne.
inne
GALANT: 83
Ces autres Vers furent ajoûtez
impromptu par Mademoiſelle l'He
ritier , en prefence de Mademoifelle
de la Charffe.
La Charffe , d'Alerac , charmant
couple de Soeurs ,
Dont le merite & le courage.
Sont les ornemens de noftre âge,
Que mon Sexe vous doit d'honneurs
!
Vous prouvez à fon avantage
Qu'ainfi que le fçavoir, l'esprit &
la beauté
L'heroïque intrepidité
Entre fouvent dans fon partage ,
Et luy fait ane route à l'Immortalité.
ន
Je ne dis rien de voftre Mere ,
De fon efprit , de fa veriu ;
4 MERCURE
Un mérite fi pes vulgaire
N'eft pas un fajet d'impromptu.
Vous devez vous fouvenir
que dans une de mes Lettres ,
je vous ay fait le détail de
l'action heroïque de Mademoiſelle
de la Charffe , qui
dans le Dauphiné , s'oppofa
avec une intrepidité furprenante
>
au paffage d'une
Troupe de Piémontois , dont
elle renverfa les deffeins par
fon
courage
.
Voicy une réponſe aux
Vers de Mademoiſelle l'Heritier
, par Mademoiſelle d'Alerac.
GALANT.
85
A
MADEMOISELLE
L'HERITIER.
13
MADRIGAL.
heritiere des neuf Soeurs,
Igne
Tu fais valoir mon nom par
tes Vers enchanteurs.
Quand je ne te devois nulle reconnoiffance
,
Ma Mufe vouloit te chanter ,
Mais je ne trouvois rien qui puft
mé contenter ,
Et te bien exprimer tout ce que mon
coeur penſe.
Je veux finir ce timide filence ;
Car enfin , qui peut fe vanter
De dire en ta faveur tout ce que
l'on doit dire ?
86 MERCURE
Nul ne peut parler dignement
De ton efprit plein d'agrément ;
L'on te voit triompher dès qu'on se
voit écrire
Et triompher modeftement.
Je vous ay déja parlé dans
une autre lettre du merite de
Mademoiſelle l'Heritier , &
fi l'on pouvoit douter dans
voſtre Province
, de ce que
j'ay dit à fon avantage
, vous
n'auriez qu'à y faire voir le
Recueil de fes Ouvrages
qu'elle vient de donner au
Public , fous le titre de Oeuvres
meflées , pour faire connoiftre
qu'elle excelle veriGALANT.
87
tablement parmy celles de
voftre Sexe qu'un rare genie
diftingue. Ce Recueil que
debite le fieur Jean Guignard ,
Libraire au Palais , contient
diverfes Nouvelles , écrites
d'un ftile aife , & dont la lecture
eſt tres- agréable. Elles
font fuivies de plufieurs pieces
en Vers & en Profe ,
l'on trouvé à la fin le Triomphe
de Madame des Houlie-
Y a - t- il quelqu'un qui
puiffe ne prendre pas intereft
à la gloire d'une perfonne fi
illuftre , & dont le nom ne
mourra jamais ,
88 MERCURE
Le mefme Libraire debite
un autre Livre intitulé , La
connoiẞance du Monde. Il eft
d'un homme de Qualité , qui
qui ayant voyagé pendant 32 .
années , a pris foin de remar
quer les differens caracteres
desNations qu'il apratiquées.
Il ne pouvoit nous en donner
une idée plusjufte, qu'en nous
faifant part de diverſes avantures
qui le font paffées dans
les Cours où il a effé , & dont
il a eu de tres- fidelles Memoires.
C'eft dequoy fon livre
eft compofé , & ce qui le
rend fort curieux.
GALANT. 89
Je vous envoyay le mois
paffé la defcription de deux
nouvelles découvertes faites
par M'de Lucas, Confeiller au
Parlement de Toulouſe
, pour
fervir à la Navigation
. Voicy
une Addition qu'il y a faite.
pour remedier à un inconve
nient , dont on luy a fait l'objection
.
Depuis que j'ay fait imprimer
cet Ecrit à Toulouse , on m'a
mandé de Monaco qu'un Capitaine
de Vaiffeau avoit fait fur
mon Eolimetre une objection que
je mets icy, & qui me paroift
tres jufte. C'eft que mon Eolime
Novembre
1695. H
90 MERCURE
trefitué de la maniere que je l'ay
dit auparavant , ne pourroit produire
entierement l'effer qu'on en
doit attendre , à cause de l'agita.
tion du Vaiſſeau , dont l'Eolime .
tre fuivroit infailliblement les
mouvemens . Jecroy avoir remedié
à cet inconvenient , par une
machine dont on voit icy la figure
, & qui fera tenir toujours
le maft de l'Eolimetre dans fa
ligne perpendiculaire. Cette machine
defigne par la Lettre à un
pivot de bois de trois pieds de
hauteur , armé par le bas d'une
douille de fer B. refenduë en croix
cccc. avecfes vis DDDD,
..
91
N
ette
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3.G.
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90
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tre
mo
dit
Mi
gu
le
lig
ch
pi
b
C
GALANT. 91
qui ferviront pour attacher cette
machine fur la chambre de Poup .
pe,ou elle
où elle dois eftreplacée ; enforte
que le pivotfoit toujours droit ,
quoy que le couvert de la chambre
de Pouppe aille en panchant ,
commeil eft reprefenté par les deux
lignes N N N N. Ce pivot eſt en.
core armé de fer depuis м juſques
à fa pointe. Il doit porter
chapelle de Bronze ou de Letton
KH . du bord de laquelle defcen.
dront quatre lames de fer égales,
en pareille distance G GGG .
lefquellespar leurs bouts d'en bas
tiendront à un cercle de for EE,
de deux pieds & demi de diame
une
Hij
92 MERCURE
tre , avec quatre boules de fer de
mefme poids , attachées aux endroits
du cercle où les quatre lames
répondent FFFF. & fur la
chapelle, quifera affez épaiſſe &
place par deffus 1 , on foudera une
petite croix de fer , qui tiendra
par deffous , & par quatre vis ,
LLLL la Planche de l'Eolimetre
, marquée dans l'Eftampeprécedente
Y Y Y
ra, pour eftre plus commodement
appliquée fur cette croix ,
ce moyen les les
quatre
qu'on arrondipar
boules de fer
tenant le cercle dans fa fituation
orifontale , feront auffique le maft
de l'Eolimetreconfervera toujours
GALANT.
93
fa ligne perpendiculaire.
C
Je vous envoye la Réponſe
du fecond Cartefien , à la
Réplique du Peripateticien.
Vous devez vous fouvenir
de ce dernier Ouvrage que
Vous avez vû dans l'une de
mes dernieres Lettres .
MONSIEUR,
Je reconnois par voftre
derniere Lettre , inferée dans
le Mercure du mois de Juillet
dernier , l'effet qu'a fait
fur vous la maxime de Gra-
I
94 MERCURE
tian , qu'une moitié en mon.
tre & l'autre en reſerve vaut
mieux qu'un Tout declaré,
car l'Auteur de la premiere
Réponſe qui a eſté faite à
voftre objection , contre l'opinion
de M' des Cartes touchant
les fenfations , s'eftant
contenté d'y répondre en
peu de paroles , d'une maniere
vive & tres - folide ; mais
Vous ayant marqué qu'îl auroit
plufieurs belles chofes à
vous dire à l'occafion des
difficultez que vous pourriez
luy propofer , voftre curio .
fité excitée par cette cfpeGALANT.
95
rance vous a porté à le provoquer
au combat , par l'explication
de vos difficultez.
Mais pour moy , comme
je n'avois rien refervé à vous
dire , vous vous retirez honneftement
à mon égard , en
me payant d'éloges que je
voudrois meriter & choififfant
l'Ennemi qui vous paroift
le plus digne de voſtre
courage , vous avez crû que
c'eftoit affez pour me mettre
hors de combat , de le ranger
de voſtre parti , contre la
route particuliere que vous
m'acculez d'avoir fuivie , &
:
96 MERCURE
qu'ayant prefentement , au
fieu de vous , deux Ennemis
tout à la fois fur les bras ,,je
n'aurois pas la témerité de
demeurer feulemen en défenſe
.
Quelque chofe neanmoins
que vous puiffiez dire , je ne
puis regarder comme Ennemi
un fi hablle Difciple de-
Mr Descartes , noftre commun
Maiftre ; & j'ofe me
flater , qu'après avoir lû mon
Ecrit , il ne me regarde pas
comme tel, pour avoir ſeulement
douté d'une propofition
, qu'il n'avoit pas efté
neceffaire
GALANT. 97
neceffaire de combatre pour
foutenir noftre opinion commune
contre vostre objection
, qu'il a eu en vûë d'attaquer
par d'autres endroits.
Mais pour moy , Monfieur ,
ayant bien connu d'abord
l'habileté de l'Adverfaire
que j'avois en voftre perlonne
, j'ay crû ne devoir rien
negliger , & me fuis appuyé
de toutes les Propofitions qui
m'ont paru avantageufes à
ma deffenſe , leſquelles fe reduifent
à cette alternative .
Ou Jefus Chrift ne jouïf
foit pas encore actuellement
Novemb. 1695. I
→
98 MERCURE
de la Beatitude avant la mort,
fuivant qu'il paroift par fon
témoignage mefme dans les
Paffages de l'Evangile que
j'ay rapportez ou s'il en
jouilloir , ce n'eftoit pas continuellement
& fans inter-
´ruption , au moins dans le
temps de fes fouffrances' ;
auquel cas il faut qu'il y ait
eu cependant en luy une fuf
penfion de la felicité , par une
* fuite neceflaire du Decrer de
Dieu de fauver les hommes
par les fouffrances d'un homme
- Dieu .
Vous avez , Monfieur, fait
a
GALANT. 99
comme un partage de ces
deux Propofitions entre vos
deux Adverfaires ; & me
donnant la premiere à four
tenir comme eftant de mon
crû , vous avez laiffé l'au
tre à celuy qui l'a mife le premier
en lumiere , comme par
droit de prévention . J'admire
en cela voftre courage , de
nous avoir donné ce moyen
de nous fortifier davantage
contre vous , par une application
plus forte en réduifans
la matiere . Vous eftes bien
éloigné de nous dire d'un ton
timide , Neque Hercules qui-
I ij
100 MERCURE
dem contra duos; mais la Devife
& le fort du Roy vous plaiſent
davantage , Nec pluribus impar,
en quoy vous avez beaucoup
de raifon . Je vais tâcher de
rempilrmon devoir en défen
dant ma Propofition ; mais
je vous prie de ne pas trouver
mauvais que je ne vous quit
te point fans dire auffi quel
que chofe de l'autre qui fai
foit partie de ma deffenſe .
La carriere eft trop belle pour
l'abandonnerfitoft , mais ne
comptez pour
la
vraye
vraye
def.
fenfe , à cet égard , que celle
qui vous viendra de la parc
GALANT. or
de vceluy que vous en avez
chargé par voſtre choix . > l
Vous me feriez peur d'a
bordy je vous l'avoue , & à
ma Propofition , par laquelle
je vous ay dit qu'il n'eft pas
certain que Jelus - Chrift air
jouy actuellement de la Beatitude
pendant fa vie voyagere
, lors que vous me dites
qu'elle est contraire à la Tra
dition , fondée fur le fentiment
unanime des Peres
maisaje vous répons avec M
Defcartes , comme il s'en eft
expliqué fur un autre point de
Theologie , dont on vouloit
I jij
102 MERCURE
fe fervir pour combattre fes
Principes , qu'il faut faire
grande difference des Points
de Foy decidez par l'Eglife ,
de fimples opinions de Theologiens
, établies feulement
fur les fondemens d'une Phyfique
mal- affurée . Et vous
me raffurez vous mefme ,
Monſieur , par la bonne foy
que vous avez de convenir ,
qu'il n'eft pas de foy explicite , &
que tout le monde ne doit pas fçavoir
de neceffite de Salut , que
l'Ame de Fefus - Chrift ait efté
heureuſe pendant qu'il a converſé
avec les hommes...
"
·
Mais vous avez , dites - vous ,
GALANT. 103
de la peine à croire que cela
ne foir pas de foy implicite ;
cependant , pole vous dire
qu'il n'y a que ce que
Vous appellez de foy expli
cite ; c'est à dire , comme je
l'entens , les faits revelez de
Dieu dans l'Ecriture Sainte
ou ceux que l'Eglife propofe
aux Fidelles , fur le fondement
d'une Tradition conftante ,
qui meritent une defference
entiere ; car ce que vous ap
pellez foy implicite ne tegar
dant , commejelecomptens,
que des faits non revelez , on
n'en peut avoir, àparler juſte,
I iiij
104 MERCURE
que des opinions & de fim
ples conjectures , aufquelles
il n'eft pas permis de vouloir
durement affujettir les autres ,
fuivant la penfée de Saint
Auguftin , qui marquant fon
fentiment fur les endroits difficiles
de l'Ecriture Sainte , fe
loumet toujours aux lumieres
des autres ; car fi l'obſcurité
dont il a plu à Dieu d'envelopper
certains faits , peur
fervir de matiere à noftre étude
& à noftre meditation
, il
eft dangereux
& trop hardy
d'avancer fur cela les opinions
d'une maniere trop afGALANT
JOS
firmative , puifque fi l'on n'a
pas le bonheur de bien rent
contrer , l'on rifque par là de
combattre contre la verité
mefme & de faire rendre à
Betreur un honneur qui n'eft
dû qu'à elle , ainfi le doute
dans nos Propofitions fur cela
& l'aveu fincere de noftre
ignorance , me paroift le par
ty te plus feur & le plus convenable
aux bornes étroires
de l'efprit humain , & le plus
refpectueux envers Dieu .
1.
yhill eft vray , comme vous
le dites , que quand une opi
nion eft fondée fur le fenti106
MERCURE
ment unanime des Peres &
des Docteurs , un particulier
auroit mauvaife grace de l'at
taquer : mais, Monfieur, vous
n'avez cité aucun Paffage des
Peres , ny d'aucun Docteur
qui decide noftre queſtion ,
fuivant voftre penfée , car ce
direvulgaire, que Jelus- Chrift
eftoit tout enfemble , Viator:
& comprehenfor , ne détruit
point ma propofition , eftant
Viator comme Homme , &
Comprehenfor, feulement comme
Dieu , mais j'ay peine à
croire qu'il y en ait qui difent,
fuivant les termes de ma preGALANT.
107
miere Lettre , que dés le moment
de l'union hypoftatique,
duVerbe divin avec la nature,
humaine, fa Divinité ait communiqué
à ſon ame tous les
avantages de la Gloire éternelle
& de la vifion Beatifi
que dans une plenitude entiere
, continuellement
& fans
interruption , dans tous les
momens de la vie . Vous vous
eftes contenté de citer quelques
Paffages de l'Ecriture ;
mais qui n'ont rien de contraire
à ce que jay avancé.
Le premier tiré d'un Pleau .
me , Beatus quem élegisti c
108 MERCURE
affumpfifti, quand il ne s'en
tendroit pas generalement de
tous les Juftes à qui Dieu a
promis la Beatitude , & qu'il
faudroit les reftraindre à J
C. il eft clair que ce mot.
Beatus s'entend d'une beati
tude en efperance , le ftile
des Prophetes eftant de fe reprefenter
l'avenir comme prefent
, pour nous mieux marquer
la certitude & l'invariabilité
des Decrets éternels .
Mêmes , quand on voudroin
appliquer ce mot de Beatus
précisément au temps de la
vie voyagere de J.C. ce qu'on
GALANT 109
nepeut dire d'aucun homme
purement homme , fuivans
l'endroit du Poëte.
Jesp Dicique beatus
Ante obitum nemo fupremaque
1300 funera debet.
fant à cauſe du peu de valeur
que de l'inftabilité des biens
dans lesquels les hommes
font ordinairement confifter
leur bonheur , il eft certain
à l'égard de J. C. qu'eftant
venu pour racheter les hommes
de leurs pechez , il devoit
eftre impeccable , & devant
leur meriter le falur , il
devoit en eftre affuré pour
110 MERCURE
luy-même , comme j'ay déja
dit ; mais ce n'eft pas une
confequence neceffaire qu'il
en duft eftre d'abord dans
une poffeffion actuelle , plei
ne & invariable , comme il
l'a efté après la mort & le
triomphe de fa Refurrec
tion.d
Le mot de Beatus peut fort
bien convenir à ces deux
eftats , quoy que j'y mette de
la difference , car peut- on
dire que l'estat d'un homme
formé d'une maniere fi pure
& fi differente de tous les autres
, choift feul entre tous
น
GALANT. I
4
pour les delivrer de l'esclavage
du Demon par fes fouf.
frances , & pour eftre uni &
affocié à la Divinité , ne foit
pas un eftat heureux , dans le
temps même de fes fouffrances
, qui font le principe de
fon bonheur propre , & de
3 celuy de tous les autres , Bea
tus quem elegisti & affumpfifti.
Et c'est presque dans le même
fens que J. C. dit luymême
dans les Beatitudes :
Beati qui lugent , Beati qui per
fecutionem patiuntur propter juf
titiam , ipforum enim eft regnum
cælorum ; quoy que le temps
113 MERCURE
de leur bonheur ne foit pas
encore arrivé , & qu'ils ne
poffedent pas encore actuel
lement ce Royaume , ce qui
s'entend feulemedt de la fimple
promeffe & deftination
qui leur en eft faite , en ac- › en .
compliffant la condition qui
y eft attachée , dont ils n'ont
pas l'affurance comme l'avoit
Jefus. Chrift.
-
Quant au fecond Paffage
où J. C. dit de luy mefmer
Non autem vidit quifquam Patrem
, nifi is qui eft à Deo , hic
vidit Patrem ego autem novi
eum, egofcio cum . Ileft clair que
GALANT I
ce Paffage s'entend de la vûe
& de la connoiffance que J.C.
a'eue de Dieu fon Pere, com
me Dieu , & non point comme
Homme , par la raifon
bu'il en
en donne luy meſme
God en feul né de Dieu &
qu'il
engendré de luy de toute
éternité , ce qui eft renfermé
dans la force de ces mots
Qui eft à Deo ; car quoy qu'il
foit vray de dire en un autre
fens , non feulement que tout ·
homme , mais que toutes les
creatures font de Dieu , & luy
doivent l'eftre par la créa
tion , on ne peut dire veri
5
Novembre
1695. VK
و ج
14 MERCURE
tablement que de Jefus Chr.
qu'il eft né de Dieu & engen.
dré de luy , comme fon Fils ,
Filius meus , ego hodie genui te ;
puis qu'il feroit contre la raifon
& la Sageffe de J. C. de
fe diftinguer des autres hommes
, par ce qu'il a de com
mun avec eux .
C'eft eftre heureux à la
verité , de voir & connoiftre
Dieu , comme J. C. le voyoit
& le connoiffoit , Hæc eft vita
aterna ut cognofcant te ; mais
il faut diftinguer la vûë & la
connoiffance qu'il avoit de
Dieu , comme Dieu luy mef
GALANT US
me , de celle qu'il pouvoir
avoir comme homme ; &
dans celle qu'il pouvoit avoir
avant La mort , de celle qu'il
a acquife par fa mort & fa
glorification entiere & parfaite.
Perfonne ne pourra ja
mais avoir la premiere ny la
feconde ; car il n'y a qu'un
feul Dieu , & un feul Dieu.
Homme , Sauveur de tous les
hommes affuré pour luy
mefme parfon impeccabilité,
da falut qu'il eft venu meriter
aux aurres à la difference des
Saints , dont aucun n'a eu cette
afſurance & dont il eſt
Kij
116 MERCURE
d
vtay de dire en ce monde ,
cecaq
ue Saint Paul a dit de luy
mefme , que quoy que la confcience
ne leur reproche rien,
ils ne font pas encore pour
cela juftifiez , & qu'ils doi .
vent oppoſer leur falut dans
la crainte & le tremblement.
Mais ils peuvent efperer de
participer à la troifiéme , dans
la propofition qui peut convenir
à de purs hommes , par
la Grace & mifericorde de
Jefus Chrift , fource unique
de tous leurs merites , comme
leur Chef.
·
Li diſtinction que vous vou
GALANT. 117
A
lez faire entre ce divin Chef
& fes membres me paroift
fort ingenieufe , lors que
vous dites qu'il a reçû par
anticipation l'effet des merites
qu'il devoit enfuite ac
querir , & que fon Ame a efté
reveftue de la gloire , dés le
moment de fa creation , &
de fon union hypoftatique ,
fans qu'elle euft encore rien
fait pour joüir de la couron
she, quine fe donne à fes Co-
> heritiers qu'aprés le combats
mais cela mefme ne paroift
pas pouvoir compatir avecla
parole que J..CC..ddiittaaffeess deux
118 MERCURE
Difciples qui alloient en Emmaüs.
Oportet Christum pati
&ita intrare in Gloriam fuam ,
d'où il paroift clairement
qu'il a fait de la Croix & del
fes fouffrances
, la voye &
l'entrée unique de fa glorifi
cation , comme il veut qu'elle
foit celle de fes Membres &
de fes Difciples , lors qu'il dit !
que celuy qui veur l'eftre
doit porter la croix & le fui.
vre , ainfi nous ne devons
point en cela faire aucune
diftinction entre le Chef &
fes Membres , le Maiftre &
les Diſciples
.
GALANT. 19
in
Vous dites , Monfieur, que'
je fçay qu'il eft facile de répondre
à ce paffage , & vous
me faites connoistre par voftre
Lettre , que voftre penfée
eft , que ces termes ,
gloriam fuam , doivent s'entendre
de la feule glorification
du Corps de Jefus. Chr.
Je vous avoue que je m'eftois
fait d'abord cette réponſe ,
máis qu'elle ne m'avoit point :
du tout fatisfait , vous ayant
dit par avance , qu'il me paroiffoit
indigne de Jesus- Chrift , de
croire que le prix defes-tourmens
& de fa mort n'euft efte à fon
120 MERCURE
égard que la glorification de fon
Corps, comme il le feroit de croire
qu'il pourroit avoir merité la
gloirepar desfouffrances qui n'auroient
efté qu'en fon Corps
aufquellesfon Amen'auroit eu au
cune
part.
J'ay encore penfé depuis ,
qu'on pouvoir dire que ces
termes , in gloriam fuam , pouvoient
encore marquer la
glorification exterieure de
Jeſus Chriſt , c'eſt à dire la
gloire qu'il avoit acquife
par l'acompliffement de fa
principale promeffe qui
eftoit la Refurrection , d'eftre
reconnu
GALANT. 121
1
reconnu publiquement dans
le monde pour Mediateur &
Reconciliateur des hommes
avec Dieu , pour Diſtributeur
de fes Graces , & pour
le Chef de fon Eglife ; mais,
fi vous faites reflexion fur ce
mot intrare , vous trouverez
que rien n'eft plus oppofé
que l'entrée à une chofe,
& ce que vous voulez qui
n'en foit que le dernier terme
& la fimple conſommation
:car la vie de Jefus Chrift
ayant déja éclaté au dehors
par les miracles pour autorifer
fa Divinité , c'auroit efte
Nov. 1695.
-
L
122 MERCURE
là la veritable entrée & le
vray commencement de cette
gloire accidentelle , & non
fa Relurrection. On peut mês
me dire au contraire que l'i- .
gnominie de fa mort ayant
effacé toute la gloire de fes
miracles & de la vie juſque
dans l'efprit mefme de fes
Difciples, qui en avoient elté
les témoins continuels , jugeant
plus de fon eftat par
les foibleffes veritables de
fon Humanité , communes à
celles de tous les autres hom
mes , que par la multitude
des miracles qu'il avoit faits ,
GALANT 123
& par la fainreté de fa vie ,
plus merveilleufe même que
tous fes miracles : outre que
Jefus Chrift avoit affecté par
des veuës divines de s'abaiffer
encore dans le triomphe de fa
Refurrection , en ne la décou
vrant d'abord qu'à fes Difciples
, qu'il avoit deftinez pour
la manifefter dans la fuite å
tous les hommes. Enfin une
gloire purement accidentelle
ne me paroift pas encore affez
folide pour avoir eftéfeule
le prix des fouffrances de
Jefus - Chrift.
Mais il n'y a aucune ré
Lij
124 MERCURE
ponfe au Paffage que j'ay cité,
tiré de la Priere de Jefus-
Chrift , Clarifica me , Pater ,
claritate диат habui antequam
mundus fieret ; car fi fon ame
avoit jouy de la gloire dés le
moment de fon union hypoftatique
, pourquoy l'auroitil
demandée aux approches
de fa Paffion , comme le
fruit de fes fouffrances , par
rapport à fon Humanité ?
Or cette gloire qu'il avoir
euë de toute éternité , comue
Dieu , n'avoit de proportion
à fon Humanité ,
pour laquelle il la deman
GALANT. 125
doir , que par rapport à fon
ame ; car la glorification de
fon Corps qui devoit le rendre
agile, impaffible , affranchi
de toutes les neceffitez
de la vie , & hors des atteintes
de la mort , eftoit fi peu
de chofe pour Jefus Chrift ,
qu'il ne meritoit pas d'entrer
dans fes Prieres , comme celle
du pain de chaque jour, qu'il
n'a fait entrer dans la priere
commune des Chreftiens ,que
pour les empêcher de tomber
dans l'oubli de fes moin .
dres & plus communes graces
, qu'il accorde même à
126 MERCURE
ceux qu'il nomme fes enne
mis : excitant fes Difciples à
ne rechercher que les biens
du Ciel & la juſtice veritable ,
néceffaire pour les obtenir ,
leur promettant tout le refte
comme par furcroift , & blâmant
la défiance qu'on pour
roit avoir d'un Pere fi aimable
, jufqu'à le comparer aux
plus méchans hommes , qui
ne fouffrent pas que leurs
enfans manquent des chofes
neceffaires . On ne peut donc
croire queJefus Chriſt ait pû
demander autre chofe à fon
Pere par cette priere , que la
GALANT, 127
glorification
de fon Ame.
Il nous refte une derniere
raifon , pour montrer que
l'Ame de Jefus- Chrift a joüy
de la Gloire au moment de fa
creation, qui eft ce que vous
wifeft
dites , que fon Corps même
avant fa vie mortelle , a efté
quelques momens reveftu de
la gloire fur le Tabor ; mais
vous n'en ſçauriez prefque
rien induire pour fon Ame ,
puis que cette gloire de fon
Corps n'a efté que paffagere,
& un fimple établiffement
de furlon
•
la Divinité fur fon Corps.
ふ
qu'elle avoit laiffé enfuite
L iiij
128 MERCURE
auffi infirme & paffible quauparavant
ce qui a fait dire
à un Pere de l'Eglife , que
cette action eftoir moins un
miracle , qu'une cellation de
miracle , puis que l'Incarnation
du Verbe qui l'unità une
chair infirme , & par ce
moyen cache & obfcurcit fa
Divinité , eft un miracle bien
plus étonnant , que cet éclat
paffager de fa Divinité, qu'il a
voulu faire paroître à ſes trois
principaux Difciples pour fortifier
leur foy , avant qu'il fe
difpofaft à la cacher dans fa
plus grande obfcurité & dans
GALANT. 129
les tenebres les plus épaiffes
de fes ignominies , de fes fouffrances
& de fa Mort.
the
Je veux bien neanmoins
reconnoiftre encore avec
vous , que les avantages qu'a
eu l'Ame de Jefus- Chrift a
vant fa mort , par fon union
avec la Divinité , ont efté
infiniment
plus grands que
ceux de fon Corps ; que
l'ayant fait naiftre pour regler
la vie des hommes par
l'exemple de la fienne , & les
reconcilier avec Dieu , il l'a
établi dans une fageffe parfaite
& une fainteté inalte130
MERCURE
rable , qui l'affuroit de la
gloire qu'il venoit meriter
rux autres ; mais pour ce qui
eft de la gloire & vifion beatifique
, il n'eft pas à croire
que la Divinité , qui avoit
un empire abfolu fur l'Humanité
qu'elle avoit prife ,
la luy euft communiquée ,
qu'autant que cela pouvoit
compâtir avec l'eftat humble
où il eftoit neceffaire qu'elle
fuft pour accomplir le grand:
ouvrage du falut des hom.
mes ; mais de déterminer fi la
poffeffion actuelle de la gloi-
Fe eftoit incompatible avec
GALANT. 131
cet étar , & jufqu'à quel degré,
aprésbien des reflexions,
pour tácher de concilier &
d'unir nos fentimens dans'un
temperament raiſonnable
j'ay penfé que fi par Poffeffion
vous vouliez bien entendre
une poffeffion feulement de
droit , c'est à dire , un droit'
acquis à une chofe , en forte
qu'elle ne puiffe nous eftre
ôtée ni enlevée par qui que ce
foit,fondée fur une proprieté
acquife , mais affurée , avec
un plein pouvoir d'en difpofer
, nous fommes d'accord ,
&je vous paffe que J. C. dés
132 MERCURE
2
le moment de fon union hypoftatique
, a efté indubita .
blement dans cette poffeffion
, & que la gloire luy a elté
acquife en ce fens au moment
de fa creation ; mais fi par
poffeffion vous entendez une
pofleflion de fait , d'ufage &
de joüiffance , dont un proprietaire
& poffeffeur legitime
eft mailtre de fe priver
qand il luy plaiſt , il me paroift
difficile de pouvoir fou
tenir avec fens que l'Ame de
Jefus Chrift ait jouy actuelle ..
mement de la gloire avant fa
mort.
GALANT. 133
Cette diftinction de pof.
feflion & de joüiffance, fe fait
bien fentir dans un Avare ,
qui poffede un bien fans en
jouir , car voyant que par la
joüiffance même ce bien cef
feroit auffitoft d'eftre un bien
pour luy , il s'en prive pour le
conferver , & par cette privation
il fe le rend inutile.
Mais Jefus- Chriſta eu des
raifons divines & pleines de
fageffe , de priver'fon Ame de
la vifion beatifique pendant
fa vie mortelle , tirez de fa
prodigieufe charité envers les
hommes ; car quoy qu'iffu
134 MERCURE
d'illuftres Anceftres , il a vou
lu naiſtre dans un eftat pauvre
& abaiffé , dépendant &
expofé à toutes les miferes &
incommoditez de la vie , juf
qu'à n'avoir pas feulement
dequoy repofer fa teſte , &
ayant choifi la voye des humiliations
& des fouffrances
pour guerir l'orgueil de
l'homme , fource primitive
de tous les malheurs
comme le moyen le plus ef
ficace pour fatisfaire la juftice
de Dieu irrirée par cet
orgueil, il a fallu qu'il ait pris
une nature humaine , infirme
&
GALANT.
435
& paffible comme la noftre ,
pour eftre expofée aux ignominies
& aux fouffrances d'u .
ne mort cruelle & honteuse,
telle qu'elle nous paroift dans
les trois principales circon
ftances de fa Paffion , lors
qu'aprés fa flagellation il fut
prefenté aux Juifs couronné
d'épines , avec ces mots, Ecce
Homo , lors qu'il marcha de
vant eux , portant fa Croix
jufqu'au lieu de fon fupplice ,
& qu'il y fut attaché d'une
maniere fi cruelle & ignominieufe
entre des voleurs : ce
qui l'a porté à fe dire par un
136 MERCURE
Prophee , Virum dolorum , &
fcientem infirmitatem : à dire
par un autre , Attendite &
videte fi eft dolorficut dolor meus ;
& par un autre , Ego vermis
non homo , opprobrium homi
num & abjectio plebis .
ne
Si donc Saint Paul écrivant
aux Romains leur a dir , que
la reprobation des Juifs avoit
fait la richeffe des Nations ,
pouvons-nous pas dire que
noftre divin Chef, en fe privant
de la Beatitude pendant
fa vie mortelle , figurée par
l'Eclipfe du Soleil qui arriva
à fa Mort contre l'ordre dé
GALANT 137
la Nature , a anrichi par là
tout le Genre humain , & ouvert
par ce moyen aux hommes
l'entrée des Tabernacles
éternels ? ..
Je ne vois donc point ,
Monfieur , qu'on puiffe dire
affirmativement que l'Ame
de Jefus Chrift avant fa Mort ,
ait jouy effectivement de la
Beatitude , & qu'au moins
on en peut raisonnablement
douter fur le fondement des
Paffages de l'Evangile , que
j'ay citez. Je fufpens fur cela
mon jugement, & c'est toute
la
conclufion que j'en
Nov.
1695.
M
tirey
1,8 MERCURE
qui , à mon fens , vous doit
paroiftre plûtoft timide que
téméraire, puis que je l'aurois"
pû porter plus loin.
Si aprés cela vous me dial
tes qu'on ne peut point comprendre
comment l'Ame de
Jefus Chrift unie à la Divinité
, d'une maniere auffi intime
qu'elle l'eft par l'union
hypoftatique , ait pu eftre un
feul moment fans jouir de la
Gloire , puifque les Saints ne
laiffent pas d'en jouir , quoy
que leur union à Dieu foit
dans un degré fi inferieur,
je me garderay bien de m'ofGALANT.
& 139
frir à vous en rendre raifon ,
•à
reconnoiffant bien que c'eſt
un fait non revelé , dont Dieu
feul s'eft refervé la connoif.
fance , & que c'eft un abifme
impenetrable pour moy ; car
c'eft dans les loix des communications
de la nature Divine
& de la nature humaine ,
que confifte le Mystere det
l'Union hypoftatique de
ces
deux natures en Jefus Chrift ,
qui ne merite pas moins notre
admiration , que celuy
de la Predeftination des Elûs ,
furlequel l'Apoftre s'eft écrié,
O altitudo , & c . puifque celuy-
Mij
140 MERCURE
cy n'est qu'une fuite de l'au
tre ; car nous ne pouvons pas
juger des choſes melmes d'icy
bas , que par des vûës tresbornées
; encore fommesnous
ſujets tous les jours à
nous y tromper. Comment,
donc penetrer jufqu'à l'infini,
mefurer la grandeur de Dieu ,
& arriver jufqu'à connoiftre
les loix fecrettes de fon allian
ce ineffable avec noftre baffeffe
, ce qui n'eft pas moins
incomprehenfible?
Mais , Monfieurs, voftre
objection en nous portant fi
haut, nous a bien écartez del
GALANT.141
6
noftre fujet . Pour y revenir
vous dites que les Peripateticiens
mettant la fenfation
dans le corps auffi bien que;
dans l'ame , fe débaraffent
aifément de toutes ces difficultez
; mais je vous demanderois
volontiers pourquoy
les Cartefiens , qui difent la
mefme chofe , doivent y eftre
plus embaraſſez ; car ils tiennent
auffi que la ſenſation eſt ,
une action mixte , qui refulte
de l'union de l'ame avec le
corps. La difference de ces
fortes de Philofophes , confifte
en ce que les Peripate142.
MERCURE
ticiens n'ont rien de feur aveĆ
cette definition generale , expliquant
la plupart des fenfations
par des qualitez fenfibles
qu'ils mettent dans les
objets , la vifion par des ef
peces intentionelles renvoyées
par les objets vers les
yeux & attribuant à l'ame répandue
dans tous les organes
des fens , d'une maniere inintelligible
, le furplus qu'ils
ne comprennent pas ; mais
les Cartefiens expliquent
méchaniquement chaque
fenfation , cant par la ftructure
des organes qui y fervent ,
GALANT.
43
que par l'action des objets
& des corps moyens qui y
contribuent à l'occafion de
quoy l'ame reçoit differentes
émotions
, qui font proprement
ce qu'on appelle fenfa .
tion,
น
Il ne faut donc pas s'étonner
files Peripateticiens de
l'école prenant la fenfation'
d'une maniere fi confufe fans
bien diftinguer ce qui doit
eftre attribué à l'ame , de ce
qui ne convient qu'aux organes
& à leurs objets , quel-,
ques uns croyent pouvoir dire
que les organes du corps
144 MERCURE
fervant à la fenfation , la peu
vent exercer toute entiere ?
dans les rencontres où ils
jugent que l'ame n'y doie
prendre aucune part ; mais
l'ame ayant une fonction ef
fentielle dans les fenfations ;
i
fuivant les Peripateticiens
mefmes , quoy qu'ils ne l'end .
tendent pas bien , & ne le
puiffent par confequent faire
comprendre aux autres , il eft
certain que les organes feuls
ne peuvent fuppléer ce qui
doir eftre fait par elle . Ainfi
quand les Cartefiens ajoûtent
à celaka
la fonction
1
GALANT 245
de l'ame dans les fenfations
eft la principale , & que les
organes du corps , à propre
ment parler , n'en font que
les inftrumens. Il ne laiffe pas
de s'enfuivre de ces differentes
explications , que toute
fenfation fans l'ame eft abfo.
lument incomprehenfible. Il
ne faut donc point dire que
le corps inanimé n'a point
de fentiment , parce qu'en cet
eftat il luy feroit inutile ;
mais il faut dire que la réfi
dence de l'ame dans le corps
précedant tout fentiment
c'eftellequi en eft le principal
Nov. 1695.
"
N
146 MERCURE
"
fujet. Que fi l'efprit a des
operations dépendantes de
fon corps , ce ne font point
des operations par rapport à
lay ; car les fiennes propres
qui confiftent dans la pure
intellection , n'en fent point
du tout dépendantes. ~ Les
operations qui en dépendent ,
regardent les befoins de fon
corps , ou le commerce qu'il
fe trouve avoir avec d'autres
hommes , qui font corps &
efprit comme luy , & qui auroient
entre eux une communication
bien plus aïfée; fans
les embaras du corps , quet
GALANT. 147
par leur entremife , & par la
neceffité de fçavoir une infi
nité de differens langages ,
pour le pouvoir communiquer
leurs penfées . Ainſi ce
n'est qu'une dépendance de
hazard qui naiſt de l'union de
l'ame & du corps , & de tous!
les befoins du corps . Mais les
operations du corps animé
font toutes dépendantes de
l'ame , car quoy qu'il y en
ait quelques unes feulement
qui foient foumiſes à ſa volonté,
telles qu'eft la détermi
nation dn cours des efpritsi
dans le cerveau , les nerfs &
*
Nij
148 MERCURE
les muſcles , qui donnent le
mouvement à tous les mem-.
bres , les autres qui confiftent
dans la digeftion des alimens
& dans le mouvement
du.
afang par les veines , le coeur
& les arteres d'une manicrepurement
machinale
quoy qu'indépendantes
de
la direction de l'ame , ne
laiffent pas de dépendre
de fa prefence pour le faire
, & fe continuer . Il faut
donc par neceffité que les
fenfations
qui commencent
au dehors par l'impulfion des .
agens corporels à la renconGALANT.
149
tre des autres corps , ayent
l'ame pour leur principal
fujet
, car nefe failant point à
fon infceu & fans fa participation
, comme ces dernieres
dont je viens de parler , mais
ayant eſté inftituées
par l'Auteur
de la Nature, pour intereffer
l'ame à la conſervation
des fon corps , & l'engager
par une voye prompte
&
vive à pourvoir
à tous fes
befoins , il eft impoffible qu'-
elle n'y prenne la principale
part . Je crois même que le
fens commun
feul fans Philofophie
, nous perfuade
affez,
N iij
150 MERCURE
que les impulfions qui fe font
fur les organesde nôtre corps ,
quelque violentes qu'elles
foient , ne deviennent fenfibles
qu'en ce qu'elles vont
jufqu'à l'ame.
Ne m'en croyez pas fur
cela , Monfieur , fi vous
ne voulez , plus que M
Defcartes mais fuivant le
confeil de l'Auteur de la Recherche
de la Verité , confultez
feulement la Verité
interieure qui parle en nous ,
& fi l'on peut joindre à ce témoignage
, celuy d'un homme
, la grande eftime que
GALANT
**
yous me marquez avoir pour
les Peres de l'Eglife , m'oblige
de vous propofer la pensée de
celuy d'entr'eux, qui paffe
pour avoir le plus de lumiere
& d'elevation , je veux dire
S. Auguftin. Vous trouverez ,
prenant la vifion pour exemple
de toutes les fenfations ,
comme la plus noble , qu'il
en fait l'ame le fujet unique ;
car aprés avoir diftingué de
trois fortes de vifions , la cor
porelle , la fpirituelle , & l'intellectuelle
, il place celle quiil
appelle corporelle dans
l'ame mefme de l'homme ;
N iiij
152 MERCURE
car quoy que ce qui fe paffe
dans l'organe corporel de la
vûë , ne foit pas la meſme
chole que ce qui fe paffe dans
l'ame , qui eft tout fpirituel ,
cette vûe qu'il appelle fpirituelle
, a quelque chofe de
#
femblable , & fuit neceffairement
de la premiere , fans
quoy il n'y auroit rien de fenfible
; parce que ce n'eft point
le corps effectivement qui
fent , mais l'ame par le corps ,
fur le rapport duquel elle for.
-me fa perception , & voit en
elle- mefme , comme par l'entremiſe
d'un Meflager qui
GALANT. 153 jane
uit
de
ce
qui
le
pafic
jau
dehors.300 nag
am Mais il vaut mieux vous
donner le paffage en latin
dans toute fon étendue , tél
-qu'il eft ciré du chap . 14. de
la Genefe , & cité par M'des
Forges dans la Preface de fon
¿Livre de l'Ame de l'Homme ,
fur les Principes de M' Defcartes.
Quamquam itaque in eadem
anima fiant vifiones , five que
fentiunturper corpus ,ficut hoc corporeum
coelum , terra quacum.
que in eis nota effe poffunt , five
qua fpiritu videntur fimilia cor154
MERCURE
porum , five cum mente intelli
guntur , quæ nec corpora funt nec
fimilitudines
corporum
, habent
utique ordinemfuum , & eſt aliud
alio præcellentius
præftantior
enim eft vifiofpiritalis , quam corporalis
, rursùs præftantior intellectualis
quam fpiritalis ; conporalis
enim fine fpiritali eße non
poteft , quandoquidem
momento
codem quo corpus fenfu corporis
tangitur fit etiam in animo tale
aliquid, non quod boc fit, fed quod
fimile fit . Quod fi non fieret , nec
fenfus ille effet quo ea quæ extrinfecus
adjacent fentiuntur , neque
enim corpus fentit , fed anima per
GALANT. 155
corpus , quo velut nuntio utitur
adformandum infeipfa quod extrinfecus
nuntiatur. Non poteft
itaque fieri vifio corporalis nifi
fpiritalisfimulfiat ,fed non difcer
nitur , nifi cum fueritfenfus abla
tus à corpore , ut id quod per corpus
videbatur inveniatur in fpiritu.
At verofpiritalis wifio etiam
fine corporalifieri non poteft , cum
abfentium corporum fimilitudines
in fpiritu apparent & finguntur
multa pro arbitrio vel præter ar.
bitrium demonftrantur. Item ſpiritalis
vifioindiget intellectuali ut
dijudicetur ; intellectualis autem
išta ſpirituali non indiget , ac per
156 MERCURE
hoc fpiritali corporalis, intellectua
li autem utraque fubjecta eft.
Voicy encore un autre Paf
fage du mefme Pere , tiré du
14. ch. du Livre de l'Efprit &
de l'Ame , qui nous marque
Tidée qu'il avoit de fon union
avec les corps. J'elpere que
vous trouverez que les der
niers termes ne font point
étrangers à noftre Queftion.
Sunt etiam utriufque quadam
fimilia , corporis fcilicet fu
premum & fpiritus infimum , in
quibus fine naturarum confufione
perfonali tamen unione facile con .
GALANT 157
qua
Jungi poffunt , fimilia enimfimili
bus gaudent. Itaque anima
Spiritus eft, & caro que vere cor
pus eft in fuis extremitatibus facile
& convenienter uniuntur
id eft in phantaftico anima quod
corpus non eft fed fimile corpori ,
& in fenfualitate corporis que
fere fpiritus eft ; quia fine anima
effe non poteft.
Voila , Monfieur , un Cartefien
bien des fiecles avant
la naiffance de Descartes , à
qui s'il ofte quelque chofe de
l'honneur de l'invention , il
l'en recompenfe au double ,
en le relevant du blafme
158 MERCURE
de l'erreur & de la nouveauté.
Hrefte une feconde parties,
de cette Réponſe , dont je
vous feray part dans ma Let
tre de Decembre.
Ce n'eft pas feulement
dans la Ville Capitale du
Royaume , & dans celle des
chaque Province qui le compole
, qu'on érige des trophées
, & qu'on éleve des
Statues à la gloire & à l'im-t
mortalité des actions de
2
LOUIS LE GRAND .
Un Gentilhomme de BretaGALANT
९१
.
१
15g
gne a cru ne pouvoir mieux
marquer fon refpect , & le
zele ardent qu'il a pour la
gloire & le lervice de fon
Prince , qu'en faifant élever
le Buſte du Roy dans une des
plus agreables Places de la
Province , qu'il a faite dans
le centre de fon avenuë , vis
à vis la face de ſa maiſon , qui
répond à celle de fa Paroiffe.
Cette maiſon , diftante de
cinq lieues de Rennes , eft
dans l'Evêché de Saint Malo ,
s'appelle le Pleffis Boterel.
Ses Jardins , fes Statues , les
Bois , les Eaux , fon Orange .
160 MERCURE
rie , fa Baffe- cour , le dedans
& la propreté de fes meubles,
la rendent une des plus agréa
bles du Pays. Lé principal.
agrément qui s'y trouve , eft
cette grande avenuë, plantée
de Chefnes , Chatagniers &
Maronniers d'Inde , qui ré.
pond du Chafteau à fon
Bourg, & il y a une lieuë de
France. Au milieu de cette
avenue, qui eft croifée par une
autre , eft une grande Peloufe
vague dans une élevation qui
donne la vûë en même temps
du Bourg & de la Maifon .
Elle fe termine aux deux exGALANT:
Ját
frémitez par des Bois paif
lans plantez en allées, quiles
bornent à droit & à gauche.
Au milieu de cette Place , que
l'avenue fepare en deux parries
égales, il y a un rond fait à
peu prés ſur le modele de ce
lay du Cours de la Reine ,
double rang d'arbres , revêtu
au dedans de gazons , qui fer.
vent de fieges, & qui forment
une espece de berceau , où
quatre à cinq cens perfonnes
peuvent fe feoir aifément.
C'eft dans le centre de cette
elevation agreable , d'où l'on
découvre une veuë charman-
Novembre 1695.
162 MERCURE
te de tous coſtez , qu'on a
élevé le Bufte du Roy , qui
eft de bronze , proportionné
au lieu qu'il occupe , & fait
par un Eleve de M' le Brun ,
tout à fait reffemblant à Sa
Majesté. Il eft fur un Socle
de Porphire , foutenu par un
piedestal de fix pieds de haut.
On y monte par trois rangs
de marches qui font face aux
quatre coins. Dans chaque
face du Piedeftal on lit fur .
quatre grandes plaques de
Marbre noir, les Infcriptions
fuivantes en gros caracteres
d'or.
GALANT
£63
A LA POSTERITE .
La Place des Victoires , érigée à
la gloire perpetuelle du Regne.
triomphant de LOUIS LE
GRAND.
Qui a commencé de vaincre
auffi roft qu'il a commencé de re-
•·gner : qui par fa clemence a rendu
la tranquillité à la France,
par fa bonté veut donner la Paix
à l'Europe qui par fa fageffe a
rétabli l'ordre dans la Police, dans
les Finances & dans les Loix ;
que parfapieté a réüny fes Sujets
devoyez dans le fein de l'Eglife
Romaine ,Je srouwe aujourd bny
le feul Défenfeur des Autels &
S
O ij
7164 MERCURE
l'unique afile des Rois opprimez ;
qui parfa vertu & fa conduite
refifte à toutes les forces de l'Europe
, liguées injuftement contre
lug.
Que le nombre defes années
égale celuy de fes Victoires , &
que le bonheur de fon Empirefaffe
la felicité de tous les Peuples.
Cefont les voeux de fon treshumble
, tres- obeiffant & tresfidelle
ferviteur & Sujet ,
FRANÇOIS BOTerel .
De l'autre cofté , dans la
feconde plaque on lit ces
Shop Vers
.
GALANT.BA116655
Rétablir les Autels , reformer la
shan Justice ,
Mettre les Ennemis au rang de
vino fes Sujets ,
Corriger les abus , & châtier le
same vice ,
Aumilieu de la guerre entretenir
la Paix ;
"
Au bien de l'Univers , facrifier
Jesus refa gloire ,
Et faire tout trembler quand tout
eft fans repos ,
C'eft de Louis le Grand la veritable
Hiftoire
.
Peut-on en moins de traits pein-
⠀ dre un fi grand Heros ?
Dans la troifiéme Plaque
de la droite , il y a
466 MERCURE
Regi , Religionis Confervatori ,
Fuftitia defenfori..
Dans la quatrième de la
gauche ,
Regi , Regum opprefforum
Protectori , & impii foederis Auguftanenfis
, Domitori.
a
Ce Bufte eft fermé par
une Balustrade quarrée , autour
de laquelle il y a douze
Vaſes à feu qui jettent des
flammes à la gloire de Louis
le Grand. Aux quatre coins
de ce rond , on voit quatre
grandes Statues de Taille-
Bourg , travaillées dans la
derniere perfection de l'Art,
GALANT. 167
"
qui regardent le Bufte du
Roy. Elles font élevées chacune
fur un Piedeſtal , au milieu
duquel il y a quatre pla.
ques de marbre noir , oùfont
gravez dans chacune quatre
Vers latins , en Lettres d'or ,
qui marquent leur caractere.
La premiere reprefente la
Religion ; la feconde , la Juftice
; la troifiéme , la Victoi
re ; & la quatriéme , la Renommée.
C'est elle qui doit
publier par toute la terre , la
Pieté de ce Monarque
, fa
Juftice & fes Triomphes.
Voicy les Vers qui font dans
168 MERCURE
la plaque où elle parte.
Jam non fufficio , LODOIX ,
volitare per orbem
Et populis laudes enumerare
tuas .
Magna quidem de te celebro ,
majora parrafti :
Sunt mea , funt factis , dicta
minora tuis.
La Renommée ne peut plus
heureufement finir qu'en a
vouant par fa foibleffe , que
tout ce qu'elle peut dire des
actions heroïques de Louie
le Grand , eſt mille fois au
deffous des merveilles de fa
vie.
GALANT. 169
M' du Pleffix- Botherel eft
un Gentilhomme de merite
qui aime les belles Lettres.
Ila voyagé dans la plus grande
partie de l'Europe , & prefere
la vie douce & folitaire
de fon aimable campagne , à
la vie tumultueufe de la Ville.
Il n'épargne rien pour l'édu
cation de fa famille. Son aifnéqui
avoit autant de fageffe,
que d'erudition , luy a efté
enlevé par le coup le plus
cruel qui puiffe arriver dans
la vie. Son Cadet, qu'on nom.
moit auparavant , le Chevalier
du Pleffix Boterel , & qui
Novemb. 1695.
,&
P
170 MERCURE
eft prefentement le feul gar
con qui luy refte , a esté à la
Mer depuis l'âge de douze
ans , où il entra d'abord en
qualité de Garde- Marine. Il
fut fait Enfeigne de Vaiffeau
à la promotion de 1691. à l'âge
de dix fept ans ; il n'a perdu
aucune occafion depuis la
guerre , & s'est trouvé dans
tous les Combats qui fe font
donnez dans la Manche , fur
les Coftes d'Irlande , au Détroit
, & dans la Mediterranée.
Il fervoir d'Enfeigne
fous M le Marquis de Blenac
qui commandoit le VaifGALANT
171
feau nommé le Serieux au
mois d'Octobre 1692 , quand
il donna dans l'Archipel , le
Combat , vigoureux & opi,
niaftré au Vice . Amiral de
Tripoly , qui dura neuf heures
fans relâche , & où le Vice-
Amiral fut pris avec fix cens
Efclaves
, de huit cens qu'il
anavoit au commencement
du
5 Combat . Il fut conduit à
Marfeille
, avec fes prifon+
niers , & le Chevalier du Plef
& le
fix- Boterel fut bleffé dans
cette occafion .
baasd
M Boterel de la Pivelais
fon Coufina fervi Sa Ma,
Fij
172 MERCURE
jefté en Flandre , en Hollande,
à Gigeri , en Allemagne ,
fous M le Marefchal de Turenne,
dont il eftoit Aide de
Camp dans toutes les dernie
res Campagnes qu'il a faites' ,
& il s'y acquit par les fervices
, beaucoup de reputation
, avec l'eftime & la con
fiance de ce General . M Ic
Marefchal d'Eftrade parle de
Juy avantageufement
dans les
Memoires qu'il a laiffez , lors
qu'il déclare qu'eftant Ambaffadeur
pour le Roy à Lon
dres , il fut attaqué dans fon
Carroffe par le Baron de Ba
GALANT 173
deville , Ambaffadeur pour
le Roy d'Espagne , qui avoit
apofté une troupe de gens
armez , pour favorifer l'en
trepriſe temeraire qu'il avoit
formée , de prendre le pas for
luy , à main forte. M Boterel
de la Pivelais , qui eftoit dans
le Carroffe de ce Marefchal ,
y fut bleffé , & contribua dans
le defordre à luy fauver la vie.
Le Baron de Badeville en fit
une pleine fatisfaction , dont
le Public a eu connoiſſance,
La Dame Boterel de la Pivelais
eftoit Fille de Dame Jeanne
Harel , qui avoit pour fon
Piij
174 MERCURE
grand Ayeul Olivier Harel.
Celuy cy fe trouva
7
la fa .
meufe Bataille des trente
Bretons , commandez par lę
Sire de Beaumanoir , qui remporta
la victoire contre Richard
Pembroc , Chef des
trente Anglois , qu'il avoit
choifis . Il fut tué en cette
occafion , & fa Troupe taillée
en pieces . Cette Bataille
fut donnée l'an 1350. au Chefne
demy.voye , qui feparoit
en deux parties égales , Joffelin
& Ploermel , où commandoit
Pembroc , qui cftoit
dans le party de Jean de
GALANT. 175
Montfort , contre Charles de
Blois . L'Abbé Boterel , Frere
de M de la Pivelais , Aumônier
de la feue Reine . Mere ,
Bocteur de Sorbonne
, a esté
un homme rare par fon merite
, par fon fçavoir , & par
fa pieté. Il eft mort entre les
bras de M' l'Evefque d'Arras
fon Amy , au retour des vifites
de fon Dioceſe , dont il
eftoit Grand Archidiacre
.
Dame Therese Boterel , fa
Soeur , Baronne de la Vouë ,
a efté mariée en premieres
nôces , avec le Seigneur de
Launay Blot , de la Maiſon P
ی ع م ج
Piiij P.
iiij
176 MERCURE
de Chafteau- Daci , & en fecondes
noces , avec le Sei
gneur de Langan , Baron de
la Vofuë , Cadet du Marquis
du Bois février , qui époufa
en premieres noces , une Fille
de la Maifon de Vildelou de
Bienacis , dont eft iffu M' le
Marquis du Bois - Février d'aujourd'huy
, qui a efté Page du
Roy , & Officier dans le Regiment
des Dragons de Bretagne.
Son Pere époufa en
fecondes noces la Demoifelle
de Sillery , Fille du Marquis
de Sillery , & petite - Fille
du Garde des Sceaux & du
GALANT: 177
Chancelier de Sillery, M de
la Bretonniere . Boterel , de la
melme Famille , Gouverneur
pour le Roy des Ville & Cha
fteau de Dinan en Bretagne ,
qui a un Brevet de Colonel ,
eft un des meilleurs Officiers
de Cavalerie , qui foient en
France.
Il y a trois Familles de Bo
terel dans la Province de Bre
tagne. Sçavoir , les Boterel
de la Ville- Geffray , qui portent
de gueules àla Croix parée,
clenchée pommetée d'or. Les ]
Boterel d'Apigné ou de
Moulmufe , qui portent , d'a
178 MERCURE
Zur au Lion morne de finople .
Les Boterel de la Pivelais
du Pleffix , du Coudray , de
Montellon , qui eft la mefme
Famille , portent d'azur aw
chevron d'argent , accompagné
de trois Croix patées de mesme ,
deux en chef& une en pointe.
Voicy des Vers d'un Cavalier
plein de merite , qui fe
fentant un panchant tresfort
pour la Maiftreffe de
fon Amy , ſe fait violence
pour le furmonter , afin de
rendre ce qu'il croit devoir
à l'amitié.
GALANT 179
L'AMI PARFAIT.
P
Etits Oifeaux , qui dans nos
Bois
Animez par les feux d'une ardeur
mutuelle ,
Après avoir fait voftre choix,
En dounez chaque jour une preuve
nouvelle ,
Helas ! que voftre fort eft dunx ,
Et qu'il fera pnur moy toujours digne
d'envie ?
Si cent fois vous fentez en vout
Vn transport qui vous donne une
nouvelle vie , e
Rien ne peut vous contraindre à le
difsimuler
Cent fois voftrr ame en eft ravie,
Et cent fois vous pouvez parber.
180 MERCURE
Dans vos tendres amours rien ne
peut vous déplaire
Contens chacun de vostre foy,
Vous ne fouffrezpoint d'autre toy:
Autre chose à vos yeux n'est que
pure chimere.
sadal
La politique d'ici- bas ,
L'importune raifon , la fauffe com
plaifance,
D'un rival afsidu la trop grande
conftance ,
La crainte & leremords n'arreftent
point vos pas ,
Centre vous ces tirans u'ont aucune
paiffance.
Heureux de n'en reffentir pas
La trop frequente violence,
Par vos tendres chanfons vous pou
vez exprimer
Qu'au milieu de vos coeurs l'amour
a pris naiffanca,
GALANT. 181
Et qu'il vous eft permis d'aimer.
Mais fidans vos amours rien ne
peat vous contraindre,
Ab • pour moy que je fuis
plaindre ,
Et que mon fort eft malheureux !
Efclave infortuné de la parfaite
eftime
Qu'a de moy meritée un Ami gene-
Teux
Te n'ofe fans commettre un crime,
Malgré tout mon panchant , devenir
amoureux.
Ou s'il arrive enfin dans l'amou
reux Empire ,
Que mon coeur en fecret foupire,
Vne trop fevere amiité ,
Pourmoy fans aucune pitié ,
Dans ce funefte état me défend de
le dire.
182 MERCURE
Je vous envoye l'estat de
la Cargaifon des deux Vaffeaux
Anglois qui ont efté
pris par M le Marquis de
Nefmond , en revenant des
Indes. ab
LA PRINCESSE ANNE
de Dannemark , Vaiffeau de
192
la Compagnie Angloife des
Indes.
B
Alots d'étoffe de foye
& coton , rayées &
unies , parmy lefquelles il
y en a trois d'étoffe de poil
'de Chameau .
9. Balots de Soyé écruë.
GALANT 83
1. B. de Coton filé..
12. Caiffes de Taffetas de pluffieurs
fortes .
B. de Cravates.
79. B. de Mouchoirs de foye,
de coton de couleurs.
39.Caiffes deGomme à fairede
la cire d'Efpagne commune.
C. Idem à faire de la cire
tres -fine.
.022
315. B. de groffe Toille blan-
22.
che.
a
15 B. d'autre Toille blanche,
de diverfes fortes , pour
draps & chemiſes .
65. B. de groffe Toille écruë,
contenant enſemble 476.
pieces.
184 MERCURE
36. B. deToille de Voile blan
che , de 60. pieces chacun .
28. B. deToille de voile écrue;
de 40. pieces chacun.
76. B. de Toilles épaiffes &
claires , rayées de couleur.
309. B. de Mouffeline épaiffe,
unie & commune.
78. B. de Mouſſeline rayée.
66. B. de Mouffeline claire &
unie .
I. B. de Mouffeline à fleurs
de fil blanc.
2. B. de Mouffeline tres fine,
de cent pieces chacun .
3. B. de Mouffeline étroite ,
pour écharpes & Turbans.
GALANT. 185
4 B. de Turbans de Mouffeline
.
i . B. de peaux de Chagrin .
6. Caiffes de
Camboge pou
la
a teinture, contenant en
femble 1716. pieces .
212. B. & Caiffes inconnus-
1568. Balots & Caiffes en tout.
Plus 7. petits barils de Canfre.
56. Sacs de Poivre.
32. Tambours , ou
petits Boucaux. 7 Porce
Grande Caiffe. Slaine.
a
Novemb.1695 . Q
186 MERCURE
LE SETMOR
Interloppe
48. Balots ou Caiffes de Cravates
unies & brodées à
fleurs blanches & rayées ,
de plufieurs fortes.
158. B. d'étoffes de foye & coton
de plufieurs couleurs ,
unies , rayées , groffes &
fines.
8. B. d'étoffes rayées &unies ,
de plufieurs couleurs .
26. B. de Satin de couleur ,
rayée & uni.
25. B. de Taffetas , id.
89. B. de Soye écruë , blanche
GALANTM 187
& jaune , de plufieurs fortes
de qualitez.
63. B. de Mouchoirs de foye
& coton , de couleur &
blancs, fins & communs.
5. B. d'Echarpes , Ceintures
& Jaretieres de Soye de
couleurs.
2. B. de Couvertures piquées
fines .
85. B. de groffe Toille de coronà
faire paquets , chemi-
$
fes , & c .
10. B. de Toille épaiffe & Futaine
pour camifolles.
40. B. d'autres Toilles de coton
, peintes , rayées & pi-
Q ij ·
188 MERCURE
quées à fleurs de plufieurs
couleurs , claires , épaifles,
fines & communes
.
4.
B. d'autre Toille de coton
large , pour draps de lit &
rideaux de feneftres .
22. B. de Toille à chemiſes fines
& communes.
3. B. de Chemiſes
faites.
187. B. de Mouffelines
à fleurs
rayées & unies , épaifſes &
claires , fines & communes
, de toutes fortes.
2. B. de Bougies ou chandelles
de cire blanche.
3. B. de Tutie rouge , pour
peindre , & à Medecine .
GALANT. 189
AutresBalots & Caiſſes de dif
ferentes efpeces de Marchan
difes meflées enfemble
2. Caiffes de Mouffelines, cravates
, couvertures , & toi
les fines.
48
1. C. de Satin & Mouffeline.
1. C. de Mouffeline & Crava-
Bates.
J. C. de Mouffeline rayée &
mouchoirs .
bt. C defdites Toiles blanches
, unies & peintes à
Aeurs.
2. C. de Toiles pour chemi190
MERCURE
fes draps de lit , & mouchoirs.
1. C.de Toilles blanches pour
échantillons .
1. C. de plufieurs fortes de
mouchoirs, couvertures &
cravates .
1. C. de plufieurs fortes de
Marchandifes
de Soye .
1. C. de toutes fortes de pieces
de Soye pour échantillons.
1. Petite Caille de plufieurs
marchandifes de Soye.
2. C. defdites de Soye & Taf
fetas à fleurs , barres & fi
gures.
GALANT. 191
1. C. fur laquelle eft écrit ce
mot , Tapis.
-
1. C. de cent pieces de Mouf
feline rayée & blanchée.
1. Balot de plufieurs petites
étoffes de Soye à mouchoirs
, & autres.
1. Caiffe de Porcelaines.
r Caiffe de Thé.
800 .
Plus 61. Caiffes & Balots in.
connus.
Plus 7 autres petits Balots
ou Caiffes , auffi incon- Qu
nus.
Tout 868.
192 MERCURE
La Solitude a ſes charmes,
& c'eft un grand avantage
que d'y pouvoir jouir de foy-.
mefme , fans aucun des embartas
de la vie tumultueufe
que l'on mene dans les Villes .
La tranquillité que l'on y
goufte eft tres agreablement
décrite dans les Reflexions
que je vous envoye . Elles
font de M' de Fourcroy.
•
REFLEXIONS
fur la Vie Champeftre.
où ily L n'eft point de vie ,
ait plus de liberté moins
de
{
GALANT. 193
de vice , ny qui foit plus conforme
la maniere des premiers
Heros , que celle qui méprife les
Villes , & qui fe retire dans les
forefts. Un homme qui a confacré
la fleur & l'innocence defa
jeuneſſe aux fommets des montagnes
, eft au deffus des vents po
pulaires qui agitent l'ambition.
Ces feux cuifans & furieux que
l'avarice allume dans tous les
coeurs , n'échauffent pas le fien ,
l'envie, qui est un air empefté
quiinfecte tout , ne portepointfa
corruptionjufques à luy. Il n'any
complaifance pour les Grands , ny
defir de l'eftre; la faveur qui fur .
Novembre 1695.
R
194 MERCURE
prend les autres par Jon éclat ,
eft trop fragile pour le toucher,
les richeffes , qui occupent tout
le monde , paſſent trop vifte pour
I arrefter. Comme il eftfans espe
rance, il eft fans erainte ; comme
il n'envie perfonne , il n'eft point
envié; & n'ayant point de paffions,
il n'eft point fujet à celler
d'autruy. Il ne fait pas mefme
les lieux où logent les crimes , &
les Villes les plus proches , auffiles
plus reculées , font
également éloignées de fa connoif
fance. Il n'eft point de bruit qui
étonne fa confcience , il ne la tra
hit jamais par fes paroles , ja
bien
que
GALANT. 195
langue eft autant d'intelligence
avec fon coeur , que fon coeur dans
le repos dont il jouit , eft d'accord
avec luy mefme. On ne voit
chez luy ny des piliers de marbre,
ny des lambris d'or ; fa richeſſe ne
confifte pas dans un metal , ny fa
pieté dans un certain nombre de
beftes, mais à voir comme il jouit
de la campagne , on diroit qu'elle
est toute à luy , & l'air qu'ily
reſpire eſt auſſi pur que fa vie.
Tous fes artifices font pour la
Chaffe ; c'est fon divertiffement
ordinaire , quand cet exercice ,
auffi laborieux qu'il eft noble , l'a
fatigué , il fe délaffe à l'ombre
•
Rij
196 MERCURE
d'un vieux chefne , e il fedefal
tere au premier ruiffeau. Ilprend
tantost un lieu , tantost un
autre pour s'y promener. Là le
ramage des Oifeaux & le bruit
des feuilles , que le zephire agite
fans violence , charment fon
oreille d'un concert auffi agréable
qu'il eft naturel. La un lit de
gazon & de mouffe verte l'invite
de s'y repofer , & il n'y fera pas
long temps qu'il ne s'endorme au
doux murmure d'un ruiſſeau qui
gronde, cefemble , & quife plaint,
non pas tant de ce qu'il s'éloigne
de fa fource que parce qu'il eſt
contraint de quitter les belles prai·
$
GALANT.
197
ries qui l'environnent . Afon ré.
veilil s'y larve les mains,& avec
ce verre naturel , plus feur que
toutes les couppes d'or , il puife
dequoy étancher fa foif. Ilappaife
La faim avec autant defacilité,
il n'a qu'à fecouer un arbre ,
ainfifans autre miniftere que celuy
de fes mains & de fes bras ,
qui luy obeiffent quand il veut ,
il vit plus content que tous les
Ros , quifont plus embaraſſez
de leurs gens , qu'ils n'en font
feruis. Il ne cherche pas l'obscu
tité pour faire des larcins , il ne
fecache pas dans des labyrintes de
Cabinets pour y commettre des
R iij
198 MERCURE
-
adulteres , le Ciel est témoin de
toutes fesactions. Ainfi vivoient
les Heros du premier âge, & l'on
appelloit leur Siecle un Siecle d'or,
parce que ces grands Hommes
n'en avoient alors ny l'uſage , ny
le defir . On ne s'eftoit point encore
avifé defaire d'une pierre un arbitre
muet pour regler des diffeferens
nydedivifer fes champs,
de diftinguer les proprietez par
des bornes On n'avoit point encore
bafti de Vaiffeau pour troubler
la Mer , cet Element paifible
n'avoit pas encore efté obligé
de fe mutiner , pour fecoüer te
joug que l'avarice des hommes a
GALANT. 199
voulu depuis luy impofer. Cen'e
froient, ny les murailles ny les foffez,
ny
les rempars qui faifoient
lesVilles , c'eftoit feulement l'affemblée
de plufieurs Familles qui
n'avoient befoin , ny de pierres ,
ny d'Architectes pour le bastir
des maifons , mais qui estoient
la nature
contentes de celles que
elle mesme leur avoit données , en
leur donnant des grotes & des cavernes.
Ces noms triftes & få
cheux , de guerre , d'armes & de
Soldats eftoient inconnus ; il n'y
avoit qu'un mefme Peuple dans
tout le monde , tout ce peuple
vivoit dans une fi belle intelli-
R
iiij
200 MERCURE
gence , qu'il fembloit n'eftre qu'un
feul homme, La terre eftoit vierge,
neftoit pas moins feconde ;
elle produifoit fans femence, &
ce qu'elle donnoit aux hommes
eftoit un effet de fa liberalité, &
non pas unfruit de leur travail.
Mais maintenant , à voir ce qui
Se paffe parmy les hommes , certainement
la meilleure condition
eft de s'en retirer. La terrela
mer portent par tout des marques
fanglantes de leur rage , de leur
ambition de leur tyrannie. La
force eft au deffus des Loix ; les
plus vertueux gemiffent fous le
joug du plus puiffant . On voit le
GALANT . 201
Encore autrefois
crime , la guerre , & le carnage
de tous cofte
quand ils commençoleat à dégenerer
de la vertu de leurs Peres ,
c'eftoitfeulement contre ceux qui
eftoient d'un autre fang & d'un
autre pays qu'ils fe battoient,
ils n'avoient point d'autres armes
que leurs mains , des pierres
des branches d'arbre Leur colere
fans art fe faififfoit pour attaquer,
ou pour se défendre , de la premiere
chofe qu'elle rencontroit , mais
depuis ils ont trouvé avec lefer
mille moyens nouveaux de fe
nuire de s'entretuer ; ils en ont
fair plufieurs arts , & ils enfont
202 MERCURE
leur étude. Le Frere eft armé
contre fon Frere , le Fils contrefon
Pere , la Femme contrefon Ma.
ry. On voit les Meres égorger
leurs propres Enfans . Que feroit
cefi j'ajoûrois à tout cela les cri
mes ordinaires des Maraftres?
Qu'on ne reproche donc plus aux
gensde bien la vie qu'ils menent
les beftes dans les forests ,
parmy
loin du commerce des hommes
parce qu'en un mot, il femble que
les hommes & les bestes ayent
échangé leur naturel , & il n'eſt
rien aujourd'huy ny de plus inhumain
que les hommes , ny de plus
humain que les beſtes.
GALANT. 203
Durant le fejour que la
Cour a fait à Fontainebleau ,
deux intimes Amis , l'un Abbé,
& l'autre Officier dans les
Armées de Sa Majesté , firent
parti d'aller enſemble vifiter
I'Hermire de Franchard , à
une lieuë du Chafteau , le Cavalier
dans l'efprit de curiofité
, & l'Abbé pour divertir
fon Ami d'une forte paffion
qu'il avoit pour une belle
perfonne dont il avoit l'eſprit
occupé à tous momens . Ces
deux Amis partirent pour cet
effet un jour que le Roy alla
de bonne heure à la Chaffe ,
204 MERCURE
& s'entretinrent fi agréable .
ment des belles qualitez du
Prince,qu'ils arriverent infenfiblement
à la porte de l'Her
mitage,fans que l'Abbé cuft
encore penfé à reprendre fon
Amy de les amours , ny que le
Cavalier eût reflechi un moment
ſur l'objet de ſes plus
cheres pensées . Ils entrerent
ainfi dans la cellule , déja fatisfaits
de leur voyage ; mais
aprés avoir falué celuy qui
l'habitoit , homme fans Lettres
. & fans éducation , doué
d'ailleurs d'une grande pro
bité & d'une finguliere devo
GALANT. 205
tion ,ils furent ravis tous deux
de trouver avec luy un Gen.
tilhomme étranger, converti
depuis douze ans à la Foy Catholique,
qui fans affecter de
parler felon les maximes
Chrétiennes qu'il avoit veritablement
médirées , fit voir
à l'un & à l'autre pendant
plus d'une heure de conver
fation qu'ils eurent enfemble ,
les excellentes qualitez de
fon efprit , par le raiſonnement
Apoftolique dont il fe
fervit dans le difcours . J'ef
pere vous donner une idée
plus jufte de ce digne perfon .
2
206 MERCURE
nage dans la Relation que je
vous feray du Dialogue qui fe
fit ce jour là dans la cellule
touchant la veritable retraite,
Je me contenteray aujour
d'huy de vous dire que le Ca
valier parla de cette matiere
aufli pertinemment qu'on
puiffe fe l'imaginer ; ce qui
furprit fort fon Amy, qui ne
s'attendoit à rien moins qu'à
trouver en luy tant d'habile
té.
La converfation finie , les
deux Amis prirent congé de
l'Hermite & du Gentilhom .
me pour s'en retourner à la
GALANT. 207
1
Cour ; mais avant que de for
tir de ce fejour angelique ,
ils s'apperceurent de quel
ques ceracteres peints fut les
Rochers d'alentour avec des
reprefentations de noftre
derniere fin. Ils s'y arreftes
rent , & virent une infinité de
Sentences tirées des Saintes
Ecritures, que le Gentilhomme
dont je viens de vous par
ler, avoit appropriées avec eſ.
prit aux repreſentations de ce
licu. L'Abbé fe fervit de
cette heurenfe occaſion pour
parler à fon Amy coeur à
coeur, & luy faire voir la vani.
208 MERCURE
1
té de fes inclinations,& la vûë
des Rochers animez des veritez
de l'Evangile qui luy reprochoient
fa conduite. Le
Cavalier avoit déja perdu
l'enjoûment ordinaire de fes
belles manieres dans ces
lieux, lors que l'Abbé s'aper
ceut qu'il le faifoit un changement
fur fon vilage à mefure
qu'il s'arreftoit à chaque
paffage de l'Ecriture . Il l'en
avertit, mais foit que le Cayalier
fast furpris de voir que
fon Amy s'apercevoit de ce
qui fe paffoit dans fon ame , ou
qu'il vouluft bien luy en faire
GALANT. 209
1
confidence comme de toutes
fes autres affaires; Je ne fçay,
dit-il , fi c'eft la beauté de ce
Defert qui charme mon efprit
, ou fi je me fuis tantoft
épuifé fur une matiere dont
je n'avois jamais tant parlé ,
mais je me trouve dans une
efpece d'afloupiffement qui
ne m'eft pas ordinaire. Quoy
qu'il en foir , je vous diray ,
mon cher Abbé , que ces
beaux lieux, cette fainte converfation
, & ces grandes veritez
écrites de routes parts
fur. ces rochers , font une
telle impreffion fur mon
Nov. 1695. S
210 MERCURE
coeur , que je ne penfe plus
à rien moins qu'à la perfonne
à qui je me fuis fi fortement
attaché. L'Abbé qui vit bien
que fon Ami changeoit de
fentimens , & qu'il eftoit fur
le point de faire des voeux &
des proteftations de quitter
le monde , pour demeurer
toujours dans une fi belle
tetraite , tâcha de le divertir
d'une devotion qui faiſoit un
peu trop de progrés en un
feul jour. Il le mena pour ce.
la fur une hauteur dans une
maniere de Pavillon , que le
Roy fit faire il y a quelques
GALANT. 211
années
pour repaiftre
fa
Cour de la manne du defert.
On découvre de cet endroit
la plus belle plaine & le plus
beau paysage qu'on puiffe
voir au milieu des rochers &
des forefts. C'est là que l'Ab
bé voyant fon Ami qui contemploit
ces lieux avec admiration
, fit ces Vers qu'il
anima en mefme temps par
des accens de Mufique qu'il
crayonna fur la muraille du
Pavillon. Ils en chanterent
enfemble les notes , que je
vous envoye gravées-
Sij
212 MERCURE
AIR NOUVEAU,
A
Imables Bois , Rochers &
Plaine,
Vons enchantez mes fens , vous comblez
tous mes voeux.
Ves atrraits innocens font bien
moins dangereux
Que le brillant éclat de la belle
Climene.
Vous pouvez adoucir laplus cruelle
peine
D'un coeur foumis aux loix de l'empire
amoureux.
Aimables Bois
Plaine
Rochers &
Vous enchantez mes fens , vous
comblez tous mes voeux.
21 2149.12TAT.
Septembre
3991124)
page 157. Ilcontoit qu'étudiant au212
Vous
Vas
Que !
Vous
D'un
Air
Vous
GALANT. 213
On fait toujours de nouvelles
découvertes , & comme
j'ay remarqué qu'elles
font plaifir dans voftre Province
, je vous envoye la copie
d'une Lettre qui m'a efté
écrite par une perfonne qui
fe qualifie le Chevalier des
Ambars.
Derez,que je vous faffle
E grace , Monfieur , agréez
part de ce que jouis dire ces jours
paffez à M de V. Pl. au ſujet
de la Lettre inferée dans vostre
Mercure de Septembre dernier
page 157. Ilcontoit qu'étudiant au214
MERCURE
à
trefois aux Mathematiques
Toarnon , petite Ville celebre par/
Jon College ,fur le bord du Rhône
, à trois lieues de Valence
fous un Jefuite Alleman , qui
avoit efte des Difciples dufameux
Athanafe Kirker, ce bon Pere luy
dit unjour qu'il luy vouloit montrer
l'heure qu'i eftoit à l'horloge de
Valence ,fansfortir de Tournon ,
l'ayant mené dans le plus haut
étage du College , il le fit regar
der par une petite Lunette d'approche
qu'il auoit apportée defon
pays , qui eftoit pofee fur un
piedestal ; ce qui luy caufa dans .
un moment le plaifir de rencontrer
GALANT: 215
d'appercevoir diftinctement
cette horloge , fa montre , fa figure
, fes chiffres , & fen aiguille
avec l'heure qu'elle marquoit.
L'adroite fabrique & la grande
portée de cette petite Lunette luy
ayant fait donner aux Ouvriers
d'Allemagne , les louanges qu'ils
meritent à bon droit fur tous les
Ouvriers de l'Europe , il luy vint
dans l'efprit que fi au lieu de chif
fres , ily avoit des lettres fur la
montre, que cette montre tournaft
au lieu de l'aiguille , ce feroit
un moyen ingenieux & facile à
celuy qui conduifoit l'horloge
d'exprimer à fes Obfervateurs ,
216 MERCURE
tout ce qu'il leur voudroit faire
entendre , & il penja encore que
les chiffres mefmes pourroient fignifier
les lettres , fi au lieu de
douze ily en avoit vingt quarre
marquezfur la montre , avec une
nulle , pour la diftinction des mots
que formeroient les lettres ou les
chiffres Toutefois ces penfées n'al.
Lérent pas alors plus loin. Il veur
pourtant croire que la derniere fe
réveilla , quand il conçut le deffein
de l'Ecriture de la Langue
Univerfelle ; ce qui luy arriva
dans lafuite , à la lecture de la
Science Universelle de Sorel , comme
il eft rapporté dans le quator-
Ziéme
GALANT. 217
r
Ziéme Tome de vos Extraordinaires
, page 335. mais M¹ Damontons
a produit & perfectionné
l'autre idée , & Son Amy l'a
mife dans un fi beau jour , par la
Lettre qu'il en a écrite , qu'on n'y
peut rien ajoûter pour la rendre
propre à plaire , & pour en perfuader
l'utilité & l'usage ; car
enfin elle n'eft pas feulement commode
pour donner des avis , elle
l'eft encore pour en recevoir , &
l'on peut par fa pratique , s'en
communiquer reciproquement de
toutes fortes , fans jamais avoir
lieu de craindre qu'ils foient in.
terceptez en chemin , à quoyfont
Nov. 1695.
Τ
218 MERCURE
fujets ceux qui font envoyez par
toute autre voye. On dira que ces
operations fe font lentement ,fi ce
n'est que fucceffivement de lettre
en lettre ; mais on répondra qu'il
en eft de mefme de l'écriture , où
les lettres ne fe marquent que l'une
aprés l'autre , & qu'un coup d'oeil
Suffifant pour chaque lettre”, il eft
bien toft donné , & le mot ainfi
bien tost affemble & entendu.
M de V. parla enfuite d'un autre
moyen de communication qui
a quelque rapport avec celuy là ;
mais qui n'eft pas d'une d'une fi vaste
my
fidétaché de la matiere.
Ilne laiffe pas d'estre agreable,
GALANT.
219
&peut eftre utile , puiſqu'il peut
fervir au commerce de deux Amis
, dont l'un feroit prifonnier
dans une Chambre au deffus ou
au deffous de celle de l'autre ,fans'
qu'ilsfepuffent ny voir ny parler.
Il confifte en deux especes de mon
tres d'égale grandeur , faites de
quelques bouts de planche, cos
pez en rond, un peu creufez fur
leur épaiffeur , percez par le milieu
, & marquez vers leur circonference
, des lettres de l'Alpha
bet & de quelque nulle , ou bien
de chiffres pour fignifier les lettres ,
fi l'on veut affecter plus de miftere
plus de déguifement ; en deux
Tij
220 MERCURE
broches de fer plantées l'une au
deffus de l'autre , dans les murail
les des deux chambres , autour
defquelles les montres ayent le
mouvement libre ; en deux aiguil
les , ou fléches attachées à ces bro..
ches, quifoient fixes , comme elles ,
pour empefcher la chute des mon
tres , & pour en marquer les caracteres
, & en une petite corde
de boyau qui tournera prefque entierement
autour de ces montres
quife eroifera dans l'entre deux ;
qui fera clouée au deffus de l'u
ne & au deffous de l'autre , par
unpetit trou percé dans leur planou
dans leur voute ; car les
GALANT. 221
chofes eftant difpofées de la forte ,
on ne pourra remuer l'une des
montres que le mefme mouvement
ne foit imprimé à fa compagne ,
ny faire trouver un caractérefous
la pointe de l'aiguille de l'une , que
le femblable ne fe rencontre fous
la pointe de l'autre d'où il arri
vera qu'en écrivant ces caractéres
mesure qu'ils cbangeront de
place on en formera des mots , qui
eftant feparez par la nulle , com.
poferont un difcours , qui ne donnera
aucune peine a live ny à concevoir.
Mais je ne dois pas oublier
qu'il est neceffaire que les
Alphabets des deux montres foient
Tiij
222 MERCURE 1
A
rangez diverſement , enforte que
l'unfoit marqué à l'ordinaire , en tirant
de la gauche a la droite , &
l'autre en allant de la droite à la
gauche ; parce que c'eft une circonfance
effentielle , pour la rencontre
des mefmes caractéres fous les flé
ches dans les mouvemens des deux
montres. Je n'ay rien à dire de
la longueur de la corde's elle fe
doit regler par
la portée de la
main , & par celle de la vûë des
perfonnes qui veulent mettre en
pratique ce moyen de communication
. On pourroit fe fervir de
ces montres dans des lieux plus diftans
les uns des autres , par
l'en
GALANT
223
tremife des tuyaux
voir
des aque
ducs , & d'autres paffages peufufpects
; mais quelque ufage qu'on
en faffe il n'a rien d'égal à celuy
de M Damontons , puifquefans
recourir à l'affemblage des Lettres
, on peut par lefien appercediftinctement
des fyllabes.
& mefme des mots entiers , fur
tout fi onles prefente à la lunette ,
en grands & en gros caracteres
noirs , dans un fond bien blanc ; ce
qui rend encore ce moyen moins
embaraſſant plus prompt pour
venir à la connoiſſance des avis
que l'on reçoit , que celuy que je
viens de détailler. L'afſurance
T iiij
224 MERCURE
que j'ay que ce jugement ne fera
pas defaprouvé par M' de V. me
le fait porter hardiment . Il eſt
équitable , & mon Amy ; c'eft
tour dire . Je fuis , Monfieur ,
voftreires , &c.
Voicy une autre Lettre
dont la matiere eft trop curieufe
pour ne vous en pas
faire part. lle eft de M' Cipiere
, & fert de réponse à
celle que vous avez lûë touchant
les Tournois & nos
Lis , dans la mienne du mois
d'Octobre dernier.
GALANT. 225
A MONSIEUR
L'ABBE HARCOUET.
JE
E vous fuis obligé , Monfieur
, de l'honneur que
vous m'avez fait de répondre
à ma Lettre fur les Fleurs de
lis. On ne peut rien voir de
mieux imaginé que ce que
vous dites ; & ce que vous
m'écrivez m'a donné tant
d'eftime pour vous , que je
fuis fâché de ne vous connoiftre
pas , & de ne m'eſtre pas
trompé dans mon opinion ,
afin d'eftre de la voftre ; mais
226 MERCURE
par
peut- eftre que je me fuis
trompé. Je voudrois , Monfieur
, que vous me le fiffiez
voir , je me ferois un fingu
lier plaifir d'eftre éclairé
un homme de voſtre merite .
Pour cela , il faut , s'il vous
plait que vous faffiez une
analyfe de ma Lettre , en faifant
voir premierement
que
Ce que j'ay dit des Tournois
où l'on commença
à porter
des Ecus avec certaines couleurs
, & certaines figures
n'eft pas vray femblable . Secondement
, que l'inftitution
des Jeux Equeftres eft plus
GALANT. 227
ancienne en France , que
l'Epoque que j'ay marquée.
Troifiémement , que les Lis
ont paru , foit dans les Enfei
gnes , foit dans les Boucliers
de nos Princes avant Charlemagne.
Quatrièmement
que ce n'eft pas par allufion
à la Loy Salique , qu'on a pris
la figure des Lis dont il eft
parlé dans l'Evangile de S.
Mathieu . Après cela , Monfieur,
vous établirez, s'il vous
plaift , ce que vous n'avez
avancé que comme une conjecture
; car je vous avouë
que je ne puis pas croire ai228
MERCURE
fément ce que Sigebert &
Tritheme nous difent de
Francus , & ce que d'autres
difent de Francion , venu du
Siege de Troye . L'Hiftoire
de chaque Nation a fon
temps fabuleux , & fon temps
ancien & certain . Ce qui paffe
les Olympiades chez les
Grecs , & le regne de Romulus
chez les Latins , eft le
temps fabuleux . On doute
mefme fi Romulus eft né à
Rome ; & en effet , ſon nòm
eft plutoft Syrien que Latin .
Ce qu'on nous dit avant Pharamond
, ce brave Chef des
GALANT 229
Saxons , qui ne fit d'abord
que paffer le Rhin & s'établir
dans l'Auftrafie , eft confon,
du avec les obfcuritez prefque
impenetrables de l'Hiftoire
des Barbares , & nous
ferons fort feurement de le
mettre au temps fabuleux,
Je ne fçay fi ce bon Abbé
Tritheme , fçavant au refte
dans l'art de deviner les chif
fres & les hierogliphes , n'au
roit point confondu les François
, & les Gaulois . Je voudrois
bien fçavoir où il a trouvé
que Francus fuft Roy des
Gaulois. S'il s'eftoit fouvenu
230 MERCURE
des Commentaires de Ceſar ,
il auroit trouvé quels étoient
les Rois de cette ancienne &
vaillante Nation ; qui occupa
plus long- temps les armes
de Rome , que tout le refte
de ce grand Empire qu'elle
conquit. Mais laiffons là cet
Abbé, il fuffit que les François
venus de de- là le Rhin ,
n'ont fubjugué les Gaules ,
que plus de quatre cens ans
aprés l'Ere Chreftienne .
Pour ce que vous conjec .
turez , Monfieur , des Lis que
ces premiers François por
toient dans leurs Enſeignes ,
GALANT.
231
& que nos Rois ont mis dans
leurs Ecus , je vous prie de
vous fouvenir que les Enfeignes
n'ont pas efté des draps
de foye , où de laine , avec
des peintures & des broderies
, telles que font celles qui
font pendues à la Nef de Nôtre-
Dame de Paris ; ce n'a efté
chez les Romains qu'une bot
te de foin au bout d'une pique.
On l'appelloit Manipulus
, auffi bien que la Troupe
qui marchoit fous cette Enſeigne.
On a mis au bout d'u
ne autre pique , une main
étendue , & on a appellé cetre
232 MERCURE
Enſeigne du nom de Manus.
On a portéencore des Aigles
qui ont donné le nom de Ala
à la Troupe qui les fuivoit .
Enfin , les quatre lettres S.
P. Q. R. les Couronnes de
Laurier , les Portraits des Em .
pereurs , le Ki & le Ro , qui
font les deux premieres lettres
du nom de Chriftos , la
Croix , le Labarum , ont fervi
aprés cela d'Enfeignes . Les
Barbares portoient une tefte
de cheval ou la queue , comme
font encore les Turcs .
Nous ne trouvons guere la
figure de leurs Enfeignes , &
GALANT. 233
il y a apparence qu'elles étoient
auffi fimples que les
premieres des Romains. Si
les figures des anciens Dra .
peaux avoient paflé fur les
Ecus des Princes & des Cavaliers
, qui font entrez dans
les Tournois , nous trouve
rions fans doute dans les anciennes
Armoiries , la figure
des anciennes Enfeignes
comme nous la trouvons fur
les Medailles des Empereurs
Romains ; mais il y a bien
plus d'apparence que nos
Drapeaux ont fuccede aux
anciennes Enſeignes , & que
ONE
" Nov. 1695 . V
274 MERCURE
nos Ecus d'armoiries ont pris
place des Boucliers que les
Soldats portoient au combat.
Ces Boucliers ne furent d'a.
bord que des clayes d'ozier
des pieces de cuir , ou des
plaques de cuivre. Quelque
temps aprés on les orna de
diverfes figures , fuivant la
fantaisie &l'intention de ceux
qui les portoient. Je pourrois
parler icy du Bouclier magni.
fique d'Hercule que Hefiode
nous a dépeint , & de celuy
d'Achille décrit par Homere,
mais il n'eft pas queftion de
la Fable , & il eft certain que
GALANT. 235
९
ces Boucliers qui fe changeoient
quand on vouloit
n'étoient pas les Armoiries
que nous portons aujourd'huy.
I n'eft question que
des couleurs & des figures
myfterieuſes qu'on porte fur
les Ecuffons , & qu'on a re
çues des Maures & des Sarrafins
qui inonderent l'Europe
quelque temps avant Charle
magne Pay dit dans ma Lettre
de quelle maniere ces cou
leurs & ces figures fe multiplierent.
Nous en devons une
partic aux Tournois , qui ſe
font celebrez en France , &
A
Vij
236 MERCURE
l'autre partie à ceux qui fe
font faits en Allemagne . Les
oifeaux , ou les monftres ma.
ritimes , les ancres de Vaif
feaux
1 & autres chofes de
cette nature , ne font venus
qu'aprés les voyages d'outremer
; les teftes de More , marquent
les combats avec les
Sarrafins. Peu à peu les figu
res fe font augmentées , & il
n'y a point de doute que les
Ecus où il n'y a que les feules
couleurs , ou tres- peu de pieces
, ne foient ceux qu'on por .
toit dans les premiers Tournois.
J'ay mefmeune opinion
GALANT. 737
là deffus qui peut eftre plus
veritable qu'on ne penfe. Je
croy qu'il y a quantité de figures
& de pieces dans l'Ecu
des Armoiries qui n'ont eſté
prifes que parce que leur nom
faifoit allufion à celuy du Cavalier
, ou à quelqu'une de fes
belles actions , ou à fes intentions
, ou à ſa naiſſance , ou à
fon employ dans l'Armée &
dans l'Etat , ou aux fervices
de
rendus à fon Prince
forte que ces Armoiries ont
efté parlantes , comme on les
appelle. En voila affez pour
vous faire comprendre tout
238 MERCURE
ce que je veux vous dire. Je
fuis , Monfieur , voftre , & c .
A Bordeaux ce 19 %
Novembre 1695.
Monfeigneur le Dauphin
ayant échangé fà Terre de
Choifi contre celle de Meudon
, a voulu que les premieres
marques de la magnifi
cence en ce lieu , ayent efté
d'y témoigner fa pieté envers
Saint Martin , qui eft le Patron
de la Paroiffe. Ainfi le
jour de la Fefte de ce Saint ,
ayant efté choisi pour cela,
ce Prince ordonna que l'EGALANT.
239
glife , qui eft confiderablement
grande , fuft tenduë
haut & bas des Tapifferies
de la Couronne . On tendit
en haut la Tapiflerie des Actes
des Apoftres , du deffein
de Rapheël , & cette Tenture
eft eftimée l'une des plus précieuſes
& des belles . Le bas de
l'Eglife & les piliers furent
ornez d'une autre Tenture ,
du travail des Gobelins , &
du deffein du Pouffin , laquelle
contient l'Hiftoire de
Moyfe . Sur les neuf heures
du matin , jour de la Fefte ,
plufieurs des cent Suiffes du
240 MERCURE
Roy apporterent
du Château
à l'Eglife fix grands Pains benits
. Ces Suiffes avoient leurs
Toques de velours, leurs Fraifes,
& des banderolles
à la
main .Les tambours
, les trompettes
& les Hautbois
précedoient
leur marche , & M
Langlois
, Maitre d'Hoſtel
chez le Roy , avec M¹l'Abbé
Turgot de Saint - Clair , Aumônier
de quartier de Monfeigneur
,fuivis de M le Tre
forier des Offrandes
, & de
plufieurs
autres Officiers
de
Sa Majesté , marchoient
à la
teſte , & preſenterent
à l'Offerte
GALANT 240
ferte de la grand' Meffe les
fix Pains benits , tout cou
verts de Banderolles. Il y eut
une affluence extraordinaire
de monde. M'T'AbbéGallyor,
Docteur de la Maiſon & So,
cieté de Sorbonne , & Sous-
Penitencier de l'Eglife de Paris
, lequel a une maison à
Fleury , dans l'étenduë de la
Paroiffe de Meudon , y prêcha
incontinent aprés lOfferte
, quoy qu'il n'euft eflé
averty que la veille fur les
huit à neuf heures du foir
qu'on vint avertir › M. de
Rond Curé de Meudon ,
Nov. 1695.
X
243 MERCORE
que la perfonne chargée de
puis prés d'un an de faire ce
Sermon , venoit d'eſtre atta.
quée d'une fiévrettes - violente
, qui ne luy permettoit
pas
de parler en public le lende
main. M' Gallyot fappléa fur
lechamp , fans autre prépara
sion que de tres peu d'heures.
1 prit pour texte ces paroles
l'Ecclefiaftique
, chap. zs.
au fujet de Moyfe ; Dilectus
Deobominibus
, cujus memoria
in benedictione
eft , glorificavit
illum inconfpectu Regum Lune
des chofes , dit it, qui faffe un
plus veritable plaifir , eft d'estre
de
&
GALANT 24$
aimé , parce que l'amour eſtant la
principale affection du coeur , fes
plus grandes delices font comme
par ſimpathie de trouver le reciproque.
L'amour quifistsfait
remplo mieux cette attente , eff
celuy du premier Eftre , parce
qu'il nefçauroit estre qu'un amour
infinimentſage , affectif
4
plein
d'attrais ; mais ce qui refroidie
fur cela l'inclination naturelle de
la plupart des hommes , eft la
difficulté d'y pouvoir joindre l'a.
mour des hommes. Tel plaift à
Dieu , dont les hommes par leur
bizarrerie font quelquefois tres
mécontens'; & ceux quid ailleurs
X ij
244 MERCURE
paroiſſent le plus au gré des hommes
, font d'ordinaire en horreur
à Dieu. Rare eft un merite dont
Dieu & les hommes fallent également
cas . C'eft auffi ce que le
Saint Elprit nous propofe comme
Le grand fujet d'éloge de Moyfe,
Dilectus Deo & hominibus
Moyfes , cujus memoria, &c.
La Providence ayant permis que
les inimitables peintures qui repre
fentent l'histoire deMoyfe,fervent
aujourd buydans ceTemple abonorer
la Fefte de noftre Saint Patron,
il me femble que l'incomparable
Tableau que le Saint Efprit nous
atracéluy meſmedans l'Ecriture.
GALANT. 248
de ce grand Patriarche, peur auffi
entrer dans cette pompe , & nous
donner une forte idée des vertus
de Saint Martin, Dilectus Deo
& hominibus , & c. S. Mar
tin chery de Dieu . L'éloge que
Jesus Chrift fit luy mesme de fa
vertu naiffante , n'estant encore
que Cathecumene & Soldat , les
apparitions & les extafes prefque
continuelles , les rayons de gloire
les tourbillons de feu fur fa
teste , les miracles fans nombre
en font une autentique preuve
dilectus Deo. Saint Martin
cheri & eftimé des hommes . Les
peuples defou temps l'apelloiens
Xiij
246 MERCURE
communement un Saint . Les Em
perzursmême ont tenu à bonneur
de lerecevoir en leurs Palais , Dés
fon vivant les plus grands Saints
de ce Siecle , Saint Fortunar ,
Saint Paulin , Saint Somere Sulpice
, Sami Gregoire de Tours , fi
rent gloire d'écrire sa vie er de
louer fes vertus , & il n'eft pas
poffible , dit l'un d'entre eux , d'e
fire dans une veneration er une
estime plus univerfelle , plus awe.
rée er plus conftante , dilectus
hominibus . A fa mork , le Cler, 4f4
go qui y affiftaefgit compofé
Mue de
de last mine perfonnés
.
On eft venu auffi tot de rous les
2
GALANT : 247
I
endroits du monde pour honorer
fes Reliques, & reclamex ſa pratection
, mais entre tous ceux qui
3 ont montré une particuliere dewotion
l'on fait combien nos Rois,
toujours fuperieurs aux autres en
tout ce qui regarde le uray bien ,
fefont longtemps diftinguez Op
les a vis aller chaque année rendre
hommage au corps de Saint
Martin , que l'Eglife de Tours
avoit alors le bonheur de confer
ver encore. Il y a eu mesme plufieurs
ficcles depuis Clovis , qu'ils
ne vouloient point : qu'on marquaßt
les dares to le calcul de nos
années , que dujour de la mors de
X iiij
£48 MERCURE
Saint Martin, Falloit il entre
prendre quelque deffein ou
quelque guerre , ce n'eftoit
jamais fans venir auparavant
confulter eux - meſmes cette
Arche celeste , de même que
les Conducteurs du Peuple
de Dieu confultoient à toute
occafion celle d'Ifraël , fans!
invoquer avec humilité 12
protection de ce Saint
porter avec eux ſon manteau ,
comme la plus affurée défenfe
de leur Perfonne facrée ,
& de leur Royaume . En en
mor , cette devotion a telle
ment poffedéle coeur de tous
GALANT 249
nos Rois , que le grand Prince
qu'on a le bonheur d'avoir en
cette Paroiffe pour Seigneur,
digne heritier des vertus roya
les de fes Auguftes Ancestres,
autant que de leur gloire &
de leur grandeur, a voulu que
fa magnificence la plus pom
pepfe ne commençaft à écla
ter dans ce lieu , que pour y
faire revivre , par fon exem
ple , la devotion de S. Martin,
& apprendre à tout l'Uni
vers , que fi l'impieté des He
retiques a pû par un incendies
barbare enlever à la France .
le corps & les précieuses Reli
250 MERCURE
ques de ce Saint tutelaire , la
veneracion
pour la vertu , &
la confiance en fes intercel,
Lions , ne s'ofteront jamais de
la Famille & de la Cour de
nos Rois. Moyfe a t il donc
efté , ny plus en benediction
aux yeux de Dieu , cujus memo
ria in benedictione
eft , ny plus
éclatant de gloire auprés des
plus grands Monarques
, Glo.
rificavit illum in confpectu Regum
? Voila ce qui a fait le
bonheur de Saint Martin .
Autre chofe cft far fainteré,
qui en eft comme la fource ,
& qui merite auffi beaucoup
GALANT. 251
plus noftre attention . Si l'amour
fe paye & le reconnoift
par l'amour, celuy que Dieu
& tous les hommes ont fingu.
lierement marqué pour ce S.
Archevêque , eſt une preuve
que luy-même n'a eu de coeur
que pour aimer parfaitement
& Dieu , & les hommes. Jamais
en effer y eut il
eut il pour
Dieu un amour plus refpe-
Queux , plus actif , plus dominants
jamais pour les hommes
un amour plus tendre
plus
Condefcendant
, plus fe
courable? Jamais enfin a ton
mieux fceu joindre & ac254
MERCURE
corder ces deux amours ? Le
monde fe les figure incom
patibles , & trop fouvent les
relations d'amitié pour les
hommes, font oublier ce qu'4
on doit à Dieu , ou au com
traire l'attachement préten
du à Dieu & à fa confcience,
rend un efprit facheux & in
acceffible aux hommes Ceft
un merite autant éminenty
qu'il eft peu commun d'eftro
religieux à rendre en même
temps , comme l'ordonne
Jefus Chrift , à Cefar ce qui
eft à Cefar, & à Dieu ce qui
eft à Dieu. Admirez à quel
GALANT. 233
point Saint Martin l'a tou¬
jours accompli, i shobupai
mi
25 Son extraordinaire pieté
pour Dieu ne l'a point empêché
d'avoir pour les hommes
tous les égards, routes les
complailances, & tous les ac
commodemens d'une vraye
charité, & fa condefcendand
ce pour les hommes n'a fceu
jamais affoiblir ny alterer le
parfait attachement qu'il a
yait pour Dieu. Les juftes
déferences aux Grands de la
terre, la rendreffe pour les
Parens , l'application au falut
des autres , ne font guere du
}
254 MERCURE
gouft de plufieursde ceux qui
fe piquent de devotion, mais
S. Martin a envifagé toutes
ceschofes comme desdevoirs
neceffairement liezà la vraye
pieté. Quelque dangereufe
que paroiffe la profeffion des
armes , fur tour pour la pieté
encore foible d'un Catheeds
mene & d'un Soldat , tel que
fur d'abord Saint Martin , il
comprit que la loy du Prince
obligeant les Fils de Veteran ,
(fon Pere eftoit Mettre de
Camp)defervirau moins quela
que temps dans l'épée . Ilétoit
de la Religion de le foumer-
443
GALANT. 255
fre à la neceffité
commune
perfuadé qu'à quiconque agit
par l'efprit de Dieu , les plus
funeftes dangers fe
changent
en fources de benediction &
de falut. Il avoit fujet d'apr
prehender
le commerce
de
fa Famille , qui aveuglée
par Idolatrie , l'avoit tou
jours traverſé dans le deffein
qu'il avoit de fe faire Chreftien
; mais l'infpiration
divine
luy fit connoiftre , que fi
la crainte de leur feduction
l'avoit forcé de quitter leur
focieté dans le premier mo
ment d'une converfion
non
246 MERCURE
encore affermie , il n'avoit
pas dû quitter le bon coeur
pour eux. Tout plein qu'il en
eft il retourne en leur maifon,
s'y renouvelle dans les fontis
mens de refpectqd'un Fils
tres-devoüé, leur rend , come
me Marie à Elizabeth , tpus
les offices imaginables de pie
té & de foumiffion , habile
& judicieux à démêlerinà
travers les tenebres de l'infidelité
, & du Paganilme
où ils eſtoient envelopez , ces
traits toujours venerables de
Fautorité paternelle . Quoy
qu'il femblaft avoir intereſt
GALANT 257
dofe débaraffer de l'affiftance
fpirituelle des autres , il fe li
vra de bon coeur à tous les
ta .
foins de cette charité . Son
temps defervice dans l'épée
aftano expiré l'ardeur de fa
propre fantification pult vou
hsqu'il eufembraffé une vie
plus retirée & plus tranquil
hey mais l'efperance de rame.
ner fon Tribun , l'engagea à
demeurer encore deux ans
dans les armes avec luy , & à
softer ainfi à foy mefme lea
plus folides confolations
pour en procurer aux autres
Digne imitareur de Moile
Novemb
. 1695. Y
218 MERCURE
qui defcend volontiers de la
montagne , & quitte l'entretien
de Dieu , pour accou
rir aux befoins du peuple ,
dont la mifere demandoit un
prompt fecours . - Quelque
ardeur qu'il fente , comme S.
Paul ,d'aller à Jefus - Chrift par
une heureuſe mort les lar
mes de fon peuple le portent
à confentir de fufpendre pour
quelques années les chaftes
delices de la vue de Dieu ,
comme le meſme Apoftre
pour eftre plus en eftat de
loutenir & d'affermir les au
tres dans la pieté. Cecy doit
1
GALANT
259
apprendre à ceux que leur devoir
appelle ailleurs, combien
des prieres a
contretempsfont
peu agréées du Seigneur . Une
mere de famille eft des temps
infinis à l'Eglife , pendantque
l'inapplication à fon domesti
que y donne lieu à mille dereglemens.
· Penſe - t - on à rendre aus
hommes ce qu'ils peuvent
atrendre de noftre affection ,
on porteront à l'excés . Delamour
on vientjufqu'à l'efcla
vage& l'idolatrie, & au lieu de
n'ufer de tout de tout le commerce
de la vie civile & des creatu
Yij
#60 MERCURE
les , que comme de degrer
qui nous élevent & nous faffent
remonter
à Dicu , on y
aſſervit ſon coeur , on s'y dépoüille
de l'homme chte
ftien , & on y étouffe tous les
fentimens de Religion . Les
déferences aux Grands de la
terre degenerent
en puses
flatteries & en baffeffes indis
gnes , les tendreffes
pour
une famille cherie , en je ne
fçay quoy qui eft purement
charnel , l'application
au fa ,
lut des autres en diffipation ,
orgueil & trouble , mais no-
Are S. Archevefque
a fçeu
G
GALANT 261
regter ces deferences , cet
rendreffes , & cette applica
tion au bien fpirituel des an
tres. On l'a vu dans l'épée,
à la Cour des Empereurs &
dans l'Affemblée des Evef
ques , & là ménager & fanti
fier les deferences legitime
ment dues à l'autorité. Il den
voit à fes Commandans dans
l'épée , un dévouement àtou
te execution militaire , un air
martial , guerrier intimidant,
qualitez qu'il n'eſt pas
facile de concilier avec la dou
ceur , Fhumilité & la miferi
corde Chreftienne: Il les
262 MBRCURE
Concilie , menant fous l'habit
de Soldat , dit fon Hiſtorien ,
la vie d'un parfait Religieux.
Loin de piller le riche , il dif
tribue à l'indigent fon plus
neceffaire. Le manteau patragé
avec le pauvre ( action
qu'il fit dans les commencemens
mefme de fa conver
Lion ) en fera à jamais un pré
tieux monument. Il devoit à
l'Empereur , & fur tout à fa
Cour , un tres -profond ref
pect , mais refpect qui dans
mille occafions efface fouvent
celuy qu'on doit à Jefus
Chrift , & à tout ce qui eft de
GALANT 263
fa Religion. L'étoile qui mé
ne les Mages à la crêche & à
l'adoration du Sauveury dif
paroift à la Cour de Jerufalem.
S. Martin foutient la dignité
duy Sacerdoce , fans man
quer à la veneration due à
Empereur. Il honore is
miniftere de l'autorité tem
porelle de Dieu , & il fçais
conferver le rangau Minifte
re de l'autorité fpirituelle .
Cette coupe prefentée à fon
Preftre avant que de l'offrir
à l'Empereur , parle fur cela
affez . Il devoit àl' Affemblée des
Evêques une obeiſſance fincere,
264 MERCURE
il ta rend avec humilité en tout
*
ce que l'Esprit de Drew luy afil
gnifié par leurs déciſions , maista
voix de l'esprit du monde , des
qu'eux mêmes s'y laiffent aller
ne fe transfigurera jamais pour
luy en la voix de Dieu, ný FAn
ge de Satan , quelque adrois qu'il
fout àfe cacher , en Ange de lur
miere, Ces Evêques n'écoutant
que leur paffion , infpiroient à
l'Empereur le meurtré éo le fou
pour exterminer l'herefte , Sami
Martin remontre au contraire que
Fefus Chrift luy mefme remon
troit aux Enfans de Zebedee ,
que l'Esprit qui préfide àl'Eglife
3
n'est
GALANT
265
n'est rien moins quefanguinaire.
Le faſte & la mondanité poffedant
leurcoeur , ils s'écrient contre
la negligence & la pauvreté de
l'habit de noftre faint Archevêque.
Un Prelas , difent - ils , ne
peut eftre bonoré regardé avec
affer d'eftime, fi la pompe &
l'éclat de fes
ornemens ne le rendent
venerable Saint Martin
méprife de tels avis , & refour,
tour
Archeveſque qu'il eft ,
de
demeurer dans la meſme
fimplicité. Le nom & la livrée
de pauvre , dit Saint Bernard,
luy parurent ce qui devoit luy
eſtre tres - pretieux , Martinu
The
Nov. 1695 .
Ꮓ
*
266 MERCURE
bie pauper & modicus , perfuade
qu'un Eevefque ne doit elfre
pare que de que la
vercus &
pauvreté exterieure eft une
marque non équivoque d'u
he aine toute d'or. L'attache
For
ment aux parens ethale un
air contagieux , la chair & le
ſang reſpirentje në fçay quoy
d'animal & de charnel Lai
cendant mefme de l'autorité
paternelle va a captiver le
fprit , à l'aveugler , à l'enforceler
, & à le prevenir
201
prevenir
contre
les plus évidentes
veritez .
Les préjugez
de l'éducation
arrellent
, dit Saint Auguftin
,
Dand
GALANT
267
une infinité de bons efprits
Saint Martin n'en fera pas
felciné nnyyeébloui. On doit
beaucoup , il le fait aux
perfonnes de qui on tient la
vie , mais il fçait encore mieux
qu'on doittout par preference
au premier Auteur de l'Eſtre.
Il l'écoute , & malgré les prieres
& la violence de les pa
rens , il ſe fait Chrellion. Une
Foy encore dans l'enfance a
befoin d'abry & de foûtien
ilSenurcgheerocnhe ailleurs qu'en
, mais
quelques
leur maison ,
années aprés , lors que la fe
duction luy paroift moins
"Z
11
268 MERCURE
craindre , il retourne auprés
d'eux , & loin que le commerce
qu'il eur avec des Infideles
donnaft atteinte à fa foy , ja
mais il n'en montra une plus
éclairée , jufqu'à s'attirer par
la reputation extraordinaire
d'uné faine doctrine , la perfecution
des heretiques ; une
plus viue & plus agiffante ,
jufqu'à convertir la propre
Mere à la vraye Religion. Le
foin du falut des autres paroift
comme infeparable de
beaucoup de diffipation , ce
qui étouffe l'eſprit d'oraiſon ;
de je ne fçayquelle vanité par
2
GALANT, 269
le fuccez du travail , ce qui excite
àl'humilité
destentations
tres delicates , de chagrins &
de trouble, par la
groffiereté ,
le travers , l'ingratitude
des
efprits à qui on a affaire , ce
qui met en rifque la paix &
la tranquillité
cant de fois recommandée
en toute l'Eertture
. Saint Martin fceut joindre
à la vie la plus
agiffante ,
la plus remplie de benedicction
, & en mefme temps
toute
contrariée en toutes fes
entreprifes, l'efprit de prieres,
P
d'humilité & de paix . Pour
peu qu'on liſe de ſon hiſtoire
Z iij
270 MERCURE
ces trois vertus y paroiffent
dominantes l'amour de l'oraifon
, le mépris de luy- meme
, la ferenité & égalité d'a
me en tout eftat. Nunquam
in ore Martini nifi Chriftus
ore
nunquam in ejus corde , niſi pietas
pax Cespointes d'éloges
furent traitez dans leurjufte
étendue , & foutenus d'une
Morale convenable au lieu
& au fujer.
Mª Gallyot n'ofa entreprenare
de faire l'Eloge du Roy
ny de Monfeigneur le Dau .
phia , des fujets de cette con-
Tequence ne fe pouvant trai
GALANT 271
ter ga avec plus de temps
qu'il n'en avois eu à ſe prepa-
Ter. Amfi ille contenta de
finir par cette Invocation du
Saint.
» Grand& Saint Archevefque,
-vous qui avez toujours fi parfai
tement chery les interests de nostre
France, qui vous estes montre
toute occafion , l'un des Anges tu
telaires de nos Monarques , qui
dans les conjonctures les plus de
feliperées , nous avez toujoursfer
vi d'azile , y avez daigné vous
charger auprès de Dieu de nos
veux , pourrez vous oublier anjourd'huy
un Prince qui par le
Z iijj
272 MERCURE
miniftere d'un autre luy mesme
fon chore digne Fils , s'efforce
de vous donner des marques fi
éclatantes de fa Religion pour
vous. L'esprit de foy qui a conjours
regne en cette Cour vous a
fingulierement attaché à la pro.
teger de voſtre interceffion. Le
Grand Monarquefous legal nous
avons le bonheur de vivre n'a
jamais eu rien plus à coeur que de
deffendre cette Foy , que de la ren
dre pure & triomphante en tous
fes Etats , que de confacrer à fan
affermiffement fes foins ,fon autotorité
,fes armes ,fa gloire . Vous
donc , incomparable Protecteur ,
GALANT
273
vec
une nouvelle
qui depuis une infinité de fiècles
avez du haus de voſtre gloire ,
comme un autre Moyfe , du baur
de la montagne , étendu tant de
fois des mains favorables fur les
Row fes ancestres , & furles com
Batans d'Ifraël , étendez les aujourd'huy
bonté,
&une grace plus abondante fur
la Perfonne fac é de cet Invinci
ble Roy fur fon Augufte Fils ,
Princeinfiniment cher à tout l'E.
tat , mais cher doublement à tous
tant que nousfommes d'Habitans
de cette Paroiffe , fur toutefapretieufe
Famille fur fon Royaume,
furfes Armes , &furfes Sujets ,
274 MERCURE
mais étendez les pour y actirty
du Ciel tous les trefors de benedi
tion & Spirituelle temporelle,
&pour cette vie pour la fu
ture.
Le Samedy iz de ce mois,
l'ouverture du Parlement fe
fit avec les ceremonies accoutumées,
M l'Evêque de
Chartres , Prelat d'un merite
fingulier , celebra la Meffe en
habits Pontificaux , dans ta
grande Salle du Palais , & il
fur conduit enfuite à la
Grand Chambre , ou M de
Harlay , Premier Prefident
le remercia pour la CompaGALANT.
275
gnic , & fit un éloge de fa
pieté , & du bon exemple
qu'il donnoit à ceux dont
Dieu lay a remis la con .
duite. Ml'Evêque de Chartres
luy répondit d'une maniere
qui fatisfit fort tous fes
Auditeurs.
90 Le même jour on entra à
la Cour des Aides , & Mr le
Camus , qui en eft premier
Prefident , parla avec la di.
gnité d'un homme de fon
caractere , & avec l'affabilité
que tous ceux de cette Famille
ont pour partage . Son
Difcours roula fur ce qu'on
"
276 MERCURE
།
ne devoit point s'écarter de
laa Loy , & fur l'union que doivent
avoir les Magiftrats M
Deshaguais , premier Avocat
General , qui parla enfuite ,
fit voir combien la perfeve
rance dans le travail eftoit
neceſſaire , & que c'eftoit avec
beaucoup de juftice que l'on
fe plaignoit des Magiſtrats ,
qui croyant avoir aſſez d'âcquis
, s'autorifoient à fe relâ
cher . Ce Difcours fut trouvé
quent
, & l'un des plus
beaux, que M Deshaguais
ait en core prononcez. C'eſt
beaucoup dire, puis qu'il n'en
97051.
GALANT. 277
a fait aucun qui n'ait receu de
grands applaudiffemens .
乳
oderation
Le Lundy fuivant 14. dece
mois , M' d'Agueffeau , Avo
cat General , fit l'ouverture
des Audiences , & parla d'abord
fur les qualitez neceffaires
à un Avocat parfait. Il fe
reftraignit à la
qu'il devoit faire paroiftte en
toutes chofes demeurant
dans ce jufte milieu qui fait
reconnoiftre le caractere
d'honnefte homme , & cette
noble droiture , qui eft attaché
à la profeffion d'Avocar.
Il fit voir enfuite que le
278 MERCURE
Roy avoir donné des mars
ques d'une fi grande moder
ration dans toutes lesactions,
que dans les conqueftes les
plus éclatantes, il s'eftoit tou
jours trouvé égal à luy- même
, ayant confervé fans ceffe
cette conftanceheroïque qui
me l'ajamais plûtoft fait pann
cher d'un cofté que d'un aug
dans les occafions où
tre ,
adu
il voyoir jour à pouffer , s'il
cuft voolu , des deffeins que ] ;
tout autre Prince nìoins moderé
, auroit portez jufqu'où
la fortune auroit pû les faire
aller , ce qui faifoit voir
fagrandeur n'étoit pas moins
que
GALANT 279
deuch ce beau caractere de deučà
moderation , qu'à toutes les
autres vertus. M❜d'Aguefléau
S'étendit enfuite fur la perte
que la Cour avoir faite de r
rrois Avocats celebres ; de
M Billard, dont la feule al
liance marquoit affez la dif
tinction , puis qu'il ?
qu'il eftoit
Beaupere de M Bignon , Neveu
de M' de Pontchartrain .
Il n'oublia pasM Huffon dont
il parla en des termes fi avanrageux
, que l'on ne pouvoit
rien dire de plus en faveur
d'un des plus habiles Ora
teurs qu'ait jamaiseus le Barreau
. M' le Gaigneurs , S' de
280 MERCURE
Teffe cut auffi un grand
Eloge. Il fit connoiftre qu'il
avoit exercé la profeffion
d'Avocat avec probité , avec
honneur , & avec beaucoup
d'éloquence . M ' de Tefle
eftoit d'une des meilleures
Familles d'Anjou , quoy qu'il
fuft originaire de Navarre,
Ses Ayeux ont poffedé les
Charges les plus honorables
dans la Robe , fous le regne
deHenry IV.L'un d'euxeftoit
Procureur General de laReine
Jeanne , fa Mere, qui les ame
na à la fuite quand elle vint
en Anjou. M' d'Agueffeau
GALANT 281
I
ayant fini , Mile Premier Prefident
prit la parole , & fit un
Difcours dignede luy , & qui
roula auffi fur les qualitez neceffaires
à un parfait Avocat .
Il dir quelque chofe de fes
maladies , qui ne luy avoient
pas permis de s'attacher tout
entier à entendre on employ & H
entendre que tant qu'il auroit
de la fante , il n'oublieroit
rien de ce qu'il pourroit pour
le Public , & pour maintenir
la Difcipline
.
2198
Le Mecredy 16. jour de la
Mercuriale , M' de la Briffe ,
Procureur General , fic le Por-
A a
Nov.
1695.
282 MERCURE
trait interieur du vray Magif.
trat , & marqua les defauts de
ceux qui n'avoient pas foin de
s'appliquer , comme ils devoient,
aux fonctions de leurs
Charges. Ce difcours fur trou
vé tres-digne des applaudiffemens
qu'il reçût
Les Vers qui fuivent viennent
de bon licu , & vous les
lirez avec
P
avec plaifir .
glaseniam quoq sa pildus pl
berooM s
Bing 56 MelchostoM
9 : 15B , Lansas 9 : 02014
cancel
GALANT 283
EPISTRE A TIRSIS ,
eftant encore à la mailon
de campagne , aprés la
Tou flaint.
Voy , sonjours Campegnard ?
< toujours dans un Village !§
A paſlir fur un livre occupé de vos
Loix f
Poftre Nogent , Tirfis , vous plaifi
Apdone davantage vin
Que le plus beaufejour des Rois ?
Voulez-vous devenir fauvage?
Voulez vous imiter cè Conſeil d'autrefois
Vous- mefme attelez le harnois,
Et mettre comme luy la main à l'hepusis
vylinge
On n'eutendplus dans notrebois
A a ij
284 MERCURE
Des petits oifeaux le ramage,
LesBergers ne vont plus danferfur
po le rivage , an
Vous ne les trouvez plus de flates
Ardan& de hautbois un b
Alfaifonnant leur badinages & G
L'Echo qui fe plaifoit à redoubler
leur voix , wa SMACC
A prefque perdu fon langage,"
Et les arbres depuis un mois à
Et les
plus
de
fruit
& quittent
leur feuillage.
Vous n'avezplus de petits pois
Et vous n'ufez plus de laitage.
Qui peut donc retarder , Tirfis ,
voftre voyage?
Ce n'eft plus la faifon des
fears A
Learodeur agreable & leurs vives
conleurs
GALANT. 285
Ne charment plus les feas près de
wegte bevofire bermitage .
Le Soleil n'y paraift qu'au travers
• d'un nuage ,
Et pour augmenter vos douleurs
D'un brouillard fori épais vous ha-
Amez le breuvage, and a
Deja Dame Chicane & fes avantcoureurs,
Les Avocats, les Procureurs
¿ Chacunrevient de fon Bailliage,
Et fait revenir les Plaideurs.
Déja ceste vertu qui reforme les
bbmoeurse.
A qui Harlay fait rendre hom
botasno mage» esintho S
Qui deffend l'Orphelin , l'affifte , &
Le foulage,
Themis mande fes Orateurs,
Pour declamer icy contre mille voleurs
286 MERCURE
Qui font menacez de l'orage. -
Déja les Magiftrats que l'honnear
encourage,
Prefidens , Conferlers , Maifres &
Correcteurs , " "
Font revenir leur équipage.
Déja les Regens, les Docteurs,
Ont fait de leurs Placards Pordinatre
étalage. I
Pour attirer les Auditeurs,
Et le bardy Damon , fi connu des
Auteurs ,
Qui d'écrire eut toujours une immortelle
rage ,
Pouffé par le vent des flatteurs,
Vient d'enfanter un gros ouvrage
Qui n'aura gueres d'acheteurs
Car voicy comment les leclears
-En ont déja fait le partage
GALANT 287
Un some fervira d'allumette anx
Traiteurs
Où Damon va fouvent fe rougir le
DANSK vifage.
Le fecondpeut fervir d'envelope an
fromage ,
L'autre eft bon à brasserpour chaßer
wistles vapeurs ,
Da dernier devinez l'uſage. £ 25
Enfin , tous vos amis , Tirfis ,font
280 devetour
Ils font revenir leur ménage.
Ce n'est donc pointle voisinage,
Ny la faifon qui vous engage
A venir fi longtemps à Nogeni vbtre
Cour.
Qnoy !ferait- ceun dépit d'amour?
Non Tirfis , vous etes trop fage
Pour donner faulement à ces Aven
gle
le un Jouy-
Pliez donc ăn pluftofi bagage ,
288 MERCURE
Sinon , je vous feray le tour,
D'empefcher qu'on vous nomme
noftrt Echevinage.
Mr de Santeul , Chanoine
Regulier de Saint Victor , fi
connu de tout le monde par
la beauté de fes Vers latins
en a fait , qu'il intitule , Le
Tombeau de l'Illuftre M Felibien.
Voicy l'Imitation qui
en a efté faite en noftre langue.
De doctes Artifans n'ont point fait
le Tombeau
Dafameux Felibienque regretie la
France.
M
Les Arts meſmes , les Arst, d'un
chefd' anvr's fi bears
On
GALANT 289
Ontforme la noble ordonnance ,
D'un coeur reconnoiſſant , dans ce
hardy deffein ,
La Peinture empreffée autant que
redevable ,
Acheva (on Portrait d'une fçavante
main ,
Mais fur la toile periffable.
Ils'eleva contr'elle un bruit tamultueux
.
D'un mouvement jaloux la Troupe
fut troublée ,
Et d'un effort commun , les Arts
impetuenx
Travaillèrent au Mauſolèe :
Le mefme Mr de Santeul
a fait d'autres Vers pour mettre
fous le Portrait de M Fe->
libien , & ils ont encore efté
Bb
Nov. 1695.
290 MERCURE
imitez de cette forte , en noftre
langue.
ON
Person
visage
N peut connoifre à l'air de
Quel il eftoit , combien i! eftoit
grand ;
Mais fes Ecrits , par qui mieux on
L'apprend ,
Sur ce Portrait ont beaucoup d'avantage.
C'est ce Sçavant , dont les nobles
travaux
Ont de Louis éternifé la gloire ,
En confignant aux fidelles métaux
De fes hauts fait la furprename
biftoire.
Foignant les moeurs au fçavoir , Felibien
Charma la Cour , édifia la Ville,
GAL ANT. 291
Parles talens qui forment l'homme
babile ,
Par les vertus qui font l'homme
Chreftien.
fait
Je vous ay parlé de la Lotterie
de Pendules & de Mon.
tres de Mrs Baltazar Martinot
& Gribelin. Je vous ay
voir que toutes les apparences
eftoient qu'elle feroit fort
fidelle , & je vous en ay mar
qué les raifons . Elle a efté
tirée par Monfeigneur
, d'une
maniere
que vous ferez peuteftre
bien aife d'apprendre
.
Ce Prince ayant examiné l'é
tat des Lots , leur prix , & le
›
1
Bb ij
292 MERCURE
Registre , & fit mettre au ha
zard & fans ordre les Billets
numerotez , diviſez par centaines
en petits paquets , dans
une espece de lanterne à fix
pans , couchée horizontalement
, & tournant fur deux
pivots. Cette forte de machine
avoit efté imaginée par
M' l'Abbé de Hautefeuille ,
pour mieux mêler les Billets.
Monfeigneur le donna luyméme
la peine de luy faire
faire plufieurs tours • par le
moyen d'une petite manivelle
, & l'on y vir tourner ces
billets , fe confondre & fe
GALANT. 293
mefler les uns avec les autres.
Voicy les noms de ceux qui
ont eu les Lots , qui estoient
au nombre de quarante- cinq.
1. Lot, numero 2351. Mlle Langlois,
2. Lot , numero 1710. Mr Batigne.
3. Lot , numéro 1479. Miner.
4. Lot , numero 1
Lari.
11 ;
Catherine de
5. Lot , numero 1897. la Blonde de
Senlis .
6. Lór , numero 2303. Mª de l'Iflé ,
Chevalier Motoh .
Lot , numero 764. Mademoiselle
Henriette,
8. Lot , numero 3568. Il faut rifquer
pour avoit .
9. Lot , numero 3583. Jacques de
Mons.
Bb iii
294 MERCURE
10. Lot , numero 2629. Mª du Vi.
vier
1. Lot , numero 3828. Catherine le
Blanc.
12. Lot , numero 130r. Mr de Pracontal
.
13. Lot , numero 410. Le Major de
Briffac.
Lot , numero 838. Mr de Saint
· Leger.
1
16. Lot , nume.01952 . M Minet .
Lot , numero 4739. Madame la
Comteffe de Vaubecour.
17.
18. Lot , numero 3098. Monfeigneur
, je vous offre la Pendule,
acceptez-là , je vous prie.
19. Lot , numero 2648 Mademoifelle
Vivien . ཁ་ ས ༔
20. Lot , numero 1657. M. de Villequer
Olimpe.
21. Lot , numero 109. Mr Gaſchet
"
GALANT. 295
de chez Mr le Marefchal de
Duras.
22. Lot , numero 1662 Mc Com
te de Bugny.
23. Lot , numéro 16. M le Duc de
Lauzun .
24. Lot , numero 3603. Mª de Maupeou.
25. Lot , numero 2306. Marin Melchior.
26. Lot , numero 2604. Mr de Marivat
.
27. Lot , numero 3945. Mr de la
Hutte.
28. Lor, numero 4051. MaiftreJean.
29. Lot , numero 108. Mr de Lon-
Bogueville
.
30. Lot , numero 76. Mrl'Abbé de
Camp.
31. Lot , numero 2058. Mademoifel
le Agathe Loüife .
Bb iiij
296 MERCURE
32. Lot , numero 3298. Mr de Boisbrun
.
33. Lot , numero 4187. P. Vincent.
34. Lot , numero 265. Mele Maref.
chal de Bouflers.
35 Lot ,, numero 437. Madame la
Ducheffe de Chartres
36. Lot , numero 1844. Pour Au
dran .
37. Lot , numero 2656. Mademoi-
-felle Anne Gilbert.'
38. Lot , numero 3781. Mr Juilliot,
30, Lot, numero 2493. Marie Gran ·
40.
doin .
-Lot
Bouls.
numero 2542. Mr le
41 Lot, numero 3867. Mr de la Si
sb
biliere .
ཁག
42. Lot , numero 1091. Mr FyFy. 43.
Lot
, numero 2472. M le
Comte de Tavane.
inda
GALANT: 297
44. Lot, numsro 1677. Mademoi
felle Janneton.
45, Lot , numero 4532. M² Claude
François.
Le 21. de ce mois , Meffire
Louis Marie Armand de Simiane
de Gordes , Evefque
Duc de Langres , mourut icy
âgé de foixante-dix ans. Il a
voit efté premier Aumônier
de la feuë Reine , & eftoit Fre
re de M' de Gordes , mort
Chevalier d'honneur de cette
melme Princeffe . Ce Prelat
avoit grand foin que fon Dio .
cefe fuft bien reglé , & il rempliffoit
pas là la plus étroite
P
298 MERCURE
obligation de l'Epifcopat. La
Mailon de Simiane eft confi
derable & fi connuë , qu'il me
feroit inutile de vous en rien
dire .
Voicy les noms de quelques
autres perfonnes diftinguées
par leur naiffance ou par leur
fçavoir , mortes environ dans
le mefme temps
.
Maiftre Lucien Soefve
Doyen des Avocats du Parlement
de Paris. Il avoit esté
receu dans ce Corps le 13. Juillet
1636. & dés ce moment il
eut une grande affiduité à frequenter
le Barreau , dont il
GALANT. 299
donna des fruits au Public ,
par un recueil qu'il fit impri
mer en 1682. Huit cens Arreſts
compoſent les deux Tomes
de ce Recueil , & contiennent
la décifion de plufieurs queftions
notables , tant de Droit
que de Coutumes , jugées par
Arrefts d'Audiences du Parlelement
de Paris , depuis 1640.
jufqu'à la fin de 1681.L'Auteur
a efté prefent à la prononciation
de ces Arrefts , qu'il a re
cueillis , aprés avoir entendu
les Avocats des Parties dont
il rapporte le nom , le fait
dont il s'agit , & le Prononcé ,
ce qui rend fon Ouvrage d'u300
MERCURE
ne grande utilité pour tous les
Juges , Avocats , & autres perfonnes
qui s'occupent dans
les affaires .
M' de Launay , Hiftorio
graphe du Roy. Il a fait du .
rant plufieurs années des Dif
cours publics de Philofophie,
qu'il expliquoit en François ,
& dont il nous a donné quel
ques Ouvrages imprimez.
Mailtre Martin Huffon ,
ancien Baftonnier des Avocats
du Parlement. Je vous ay
déja marqué que M Daguel
feau avoit fait fon éloge le
jour de l'ouverture des Au-
5
GALANT. 301
diences. Il eftoit natif de
Montmirel , Chef du Confeil
de Madame la Ducheffe de
Nemours, & auparavant Chef
du Confeil de Madame la Du.
cheffe d'Aiguillon , défunte . Il
a fait voir une pieté exemplaire,
ne voulant jamaistravailler
les Dimanches aux affaires du
Palais , fi ce n'eftoit pour des
cauſes charitables , ou pour ce
qui ne pouvoit estre retardé.
Ha efte longtemps Conful en
Barbarie , d'où il a apporté
plufieurs livres de Langue Qrientale.
Il a compoféun Traité
latin de Advocato . imprimé
302 MERCURE
in quarto , il y a plus de vingt
ans.
Mr Petis de la Croix , Se-,
cretaire Interprete du Roy
dans les Langues Arabefque
& Turquefque , mort à foixan
te- treize ans. Il eft d'une fa.
mille originaire d'Angleterre,
& laiffe plufieurs enfans , entr'autres
François Petis de la
Croix , Interprete du Roy , de
l'Amirauté & du College.
Royal pour les Langues Orientales,
qu'il poff de en perfection
. Il connoift non feulement
les differens dialectes
des Nations de Levant , mais
GALANT
3°1
encore leurs maximes , leurs
ufages , & leurs Coutumes les
plus particulieres , ayant eflé
élevé dans le Pays , & s'eftant
appliqué à le connoiftre parfaitement
, durant plufieurs
années qu'il y a demeuré.
Marc Antoine de Genicourt
d'Autry , Comte de Rône ,
Capitaine de Dragons au Regiment
de Wartigny. Il eft
mort àvingt- quatre ans aprés.
une longue maladie , durant
laquelle il a montré une con
ftance &une refignation mer
veilleufe à la volonté de Dieu.
Il eftoit fils de Charles de
304 MERCURE
Genicourt, Comte d'Autry &
de Marie Louiſe d'Anglurre
de Savigny
.
Pierre Fremin , Seigneur de
Chafteaufort , Auditeur des
Comptes. Il est mort ſubitement
& fans alliance .
3 Meffire Pierre Nicole , Bachelier
en Theologie , l'un des
plus pieux & des plus fçavans
hommes du fiecle. Il nous a
donné un grand nombre
d'ouvrages de devotion , fçavoir
: Les Effais de Morale ,
contenus en divers Traitez ,
fur plufieurs devoirs imporrans
, divifez en quatre tomes."
›
GALANT. 305
I
Le Traité de la Priere , divifé
en fept livres , en deux volu
mesy Une continuation des .
Effais de Morale , contenant'
des Reflexions Morales fur
les Epiftres & les Evangiles de
l'année , en quatre volumes .
Les Pretendus Reformez convaincus
de Sehifme. De l'Uni
té de l'Eglife , ou Refutation
du nouveau Syfteme de M
Juricu. LeDirecteur des Anies
Chreftiennes , & la Refuta-"
tion du Quiétifme, quieft fon
dernier Ouvrage . Il acu part
ala Perpèruité de la Foy , qur
eft en trois volumes ou
Nov.
1695.
Cc
306 MERCURE
Un fi grand homme merite
un Eloge particulier . C'eft ce
qui m'oblige à vous envoyer,
celuy qu'en a fait depuis la
morc Mr l'Abbé de Fourroy.¡
La feience profonde , la
pieté folide , & la modeftic
veritablement Chreftienne
de feu M' Nicole , font connuës
de tout le monde. Ses
fçavans Ouvrages l'ont rendu
recommandable; le Publiclesa
reçus fi favorablement, qu'on
les a imprimez plufieurs
fais. Son nom ne s'effacera
jamais de lamemoire des gens
GALANT
307
des
de bien , & les Sçavans auront
toujours pour luy l'efti
me & le refpect qu'il merite..
En effet , peut on ne pas loüer
une perfonne qui au milieu
applaudiffemens & des
éloges qu'on luy tendoit avec
tant de juftice rentroid ene
fon neant pour en rendre
l'honneur à Dieu feulon luy a
ouy dire plufieurs fois à ceux :
qui vouloient luy donner des
louanges Ce n'est pas ànous à
qui appartient la gloire , mais au :
Seigneurs je ne fuis qu'un foible'n
instrument , duquel Dieu bien
voulufe fervir pour faire con
t
Ccij
30% MERCURE
noistre la Religion de Noftre Sei
gneur Jefus Christ. Ces pieux
feurimens n'eftoient pas fur
la furface de fon ame , mais
ils eftoient profondement
gravez dans fon coeur. Qu'il
eft rare de trouver dans le
Siecle où nous vivons , des
perfonnes auffi humbles , &
& en même temps auffi éclai
rées .Il n'eftoit pas du nombre
de ceux qui veulent tout fçavoir
, & qui ne pratiquent
rien. Onvoyoit dans fa conduite
ce qu'il enfeignoit dans
les Ecrits, & fon feul exterieur
eftoit une école de vertus , On
a
GALANT. 209
y remarquoit une affabilité
& une fimplicité charmante,
qui eftoit bien éloignée de
Forgueil & de Foftentation .
On ne pouvoit jetter les yeux
fur luy fans connoiftre les
obligations
d'un parfait
Chreftien . Que ne m'eſt - it
permis de rapporter icy toas
Les les vertus ? Je vous ferois
voir que la retraite , le filen.
le recueillement
, l'Orai
fon , & la lecture de l'Ecriture
Sainte & des Peres de l'E
glife , ont fait toutes fes delices
& toute fon occupation
;
qu'il a efté veritablement
ce ,
310 MERCURE
humble ; qu'il n'a jamais
eu
d'attachement que pour
Dieu ; qu'il a aimé les Pauvres
& la pauvreté ; qu'il a eu en
averfion l'orgueil & l'oftenta
tion : en un mot , qu'il a
regardé toutes les chofes de
ce monde comme une pure
vanité , eftant convaincu que
tout le devoir de l'homme ,
fon objet & fa nature , c'eft
de craindre Dieu ; mais puis
qu'il s'eft appliqué avec tant
de foin à mener une vie cachée
, admirons - le dans le
filence . La terre ne peut avoir
affez de louanges pour une
GALANT 311
vertu qui n'a voulu de recompense
que dans le Ciel .
Madame la Princeffe del
Conty accoucha heureuſe .
ment d'un fecond Prince, le
de ce mois. C'eft un Sang
illuftre dont son n'en peut
trop avoir..
7,
Madame la Ducheffe du
Maines eft auffi : accouchée
d'un fils . Le fang de Bourbon ,
& de Bourbon Condé qui
coulent dans fesveines , le rendra
un des plus grands Prin .
ces dumonde , s'il marche fur
les traces de fes Ayeux , Sa va
212 MERCURE
leur ne brillera pas moins que
l'éclat de fon Sang. On igno
roit encore que Monfieur le
Duc du Maine fon Pere , fuft
en âge de paroistre dans le
monde , qu'il s'eftoit déja di
ftingué dans les perils , & les
Prifonniers que nous filmes
à la Bataille de Fleurus , l'ayant
revû icy , dirent que pendant
le combat ils avoient ren
contré par tout des jeune
Prince.
Jamais la Faculté de Me
decine de Paris n'a efté fiflo--
riffante , & le fçavoir de ceux
qui
GALANT.
313
qui la compofent , n'a jamais
efté mieux connu , que depuis
que M' Fagon à l'honneur
d'eftre premier Medecin
du Roy. Tout eftoit en
confufion avant ce tempslà.
Le nombre des faux Medecins
excedoit celuy des ve
ritables , chacun fe difoit Medecin.
Il fuffiloit qu'un homme
cuft quelques fecrets ,
pour le croire en droit de
profeffer la Medecine. Ceux.
mefme qui feignoient d'en
avoir , ne l'exerçoient pas avec
moins d'infolence . D'autres
fe difoient d'une Faculté
- Dd
Nov.
1695.
314 MERCURE
dont ils n'eftoient point
d'autres avoient efté reçûs
par grace dans une autre ; &
d'autres par furpriſe , & par
adrefle , comme il a efté prouvé
par les écrits qui ont elté
faits fur ce fujet. Enfin , tous
enſemble , ne trouvant point
de meilleur moyen , pour le
faire valoir que de décrier la
Faculté de Paris , avoient por
té les choſes au dernier excés .
La calomnie triomphoit ,
le merite eftoit enfevely ,
les plus habiles eftoient
étouffez , & l'on peut dire
que l'impofture & l'igno.
GALANT:
315
rance unies , avoient une
Chambre à laquelle elles avoient
donné de beaux noms .
M' Fagon , jufte , ſage , &
éclairé, a cru devoir faire ceffer
tous ces abus . Il les a fait
connoiftre au Roy , & Sa Majelté
eftant entrée dans cette
affaire
pour
le bien
de fes Sujets
, en a Elle
mefme
efté
le
Juge
, aprés
l'avoir
examinée
par
fes
propres
lumieres
, &
Eles
chofes
fe font
faites
d'une
maniere
que
perfonne
n'a pû
fe plaindre
avec
juftice
. Parmy
le grand
nombre
de ceux
qui
profeffoient
la Medeci-
D d ij
316 MERCURE
ne , il y avoir des Perfonnes
d'une veritable érudition &
d'une experience confommée
, on n'a point voulu que
le Public en fuft privé. On a
ouvert le Champ de Bataille ,
où il a efté permis à chacun
d'entrer, la Faculté a tendu les
bras aux Sçavans , & a marqué
qu'elle eftoit prefte de mettre
au nombre de fes Confreres
ceux qui voudroient bien
donner des marques de leur
fcavoir en paffant par les mêmes
degrez par où ils avoient
paffé , pour faire connoiftre
avec combien de juftice ils
GALANT. 317
9
profeffent la Medecine . Ainfr
perfonne n'a dû fe plaindre ,
les veritable Sçavans fe font .
fait recevoir Docteurs , les
Charlatans n'ont olé s'expofer.
Ils fe font retirez en hur
lant , & en vomiffunt leurvenin
contre le vray merite .
Mr Fagon ayant procuré de
fi grands avantages à la Faculté
de Medecine de Paris ,
& à tout ce que cette grande
Ville renferme d'Habitans
cette Faculté a voulu luy donner
des marques de fa reconnoiffance
, & pour cet effet
elle a fait la dépense d'une
Dd iij
228 MERCURE
Thefe foutenue par M¹ Tournefort
, & dediée à M'Fagon,
au nom de tout le Corps de
Medecine. L'uſage n'eft pas
dans la Faculté de mettre des
Portraits aux Thefes, & depuis
plufieurs fiecles , à peine, en
trouve-t- on deux exemples ,
& c'estpour cela que voulant
faire plus d'honneur à M' le
premier Medecin , elle a fait
graver ce Portrait & marqué
fa gratitude par un compli
ment qui eft au - deffous , &
dans lequel toute la Faculté
parle. Cette Thefe fut foûrenuë
le 29. de ce mois , devant
1
GALANT. 219
une tres- nombreuſe Affem .
blée , dont eftoient quelques
Evelques , le Recteur de l'U
niverfité , le Doyen de la Faculté
de Sorbonne , & plufieurs
Magiftrats. Les difputes
commencerent dés huit
heures du matin , mais M ' Fagon
n'eftant party de Verfailles
qu'aprés le lever du Roy ,
n'y arriva que fur les dix heures
, avec une robe de Confeiller
d'Etat , que les premiers
Medecins ont droit de porter.
Il avoirle Bonnet de Docteur
de la niefme Faculté. Il fut
Favy d'eſtre arrivé tard , parce
Dd iiij
320 MERCURE
l'on avoit déja parlé de luy
avec éloge , & que la mode .
ftie a peine à fouffrir les loüanges
. Il fut contraint d'en
effuyer encore beaucoup , la
plufpart de ceux qui difputérent
en ayant fait de tresbeaux
éloges , & fur tout M
Puylon le jeune , dont l'eloquence
eft connuë , & qui
parle parfaitement bien la
tin. Il parla du Roy , & fit
voir que ce Monarque aprés
avoir triomphé des Heretiques
, avoit triomphé des Ennemis
de la Verité , qui font
les faux Medecins dont je
GALANT. 321
vous ay déja parlé , & dont il
fit une tres belle peinture. Il
s'étendit fur les louanges de
M'Fagon , d'une maniere quit
fit plaifir à toute l'Affemblée.
Enfin aprés cent éloges differens
de ce premier Medecin
, qui avoient tous quelque
chofe de nouveau , l'Affemblée
s'eftant levée , toute
la Faculté fe rendit au Jardin
Royal , où M' Fagon l'avoit
invitée à difner. Il y avoit dans
le premier Appartement trois
tables de vingt à vingt - cinq
couverts chacune , & dans le
ſecond , deux tables de pareil
322 MERCURE
nombre. Le Frere & les En
fans de M Fagon tenoient
ces tables , M le premier Medecin
eftant parti aprés l'Acte
finy , pour fe rendre à Verfailles
, parce qu'il ne vouloit pas
eftre longtemps éloigné de
Sa Majefté . Elles furent fervies:
à trois fervices , par les gens du
Jardin Royal , & par les domeftiques
de la Famille de M
Fagon.
Le Roy a fait Colonels
ceux qui commandoient les
Bataillons cy-deffous nommez.
Ces Regimens avoient
GALANT. 323
toujours efté en garniſon , &
doivent fervir dans la Cam
pagne prochaine .
COLONELS.
Mrs d'Helly , du Royal .
Des Rivieres , de Navarre.
S. Montant , de Champagne.
S. Montant , du Roy.
D'Agouft , de Picardie .
Bonnefond , de Champagne.
Courvalni , de Picardie.
Le Comte , d'Anjou .
La Roque , de Piedmont.
Albert , de Champagne .
Boirarque , de Picardie.
Teftu , du Dauphin.
Second , de Poitiers .
324 MERCURE
Second , de Solre .
Galice , de Piedmont.
Segnant , de Guiche .
Bailly, de la Marine .
De la Buffiere , de Piedmont.
Grofvonure , de Normandie-
Ceux qui fuivent eftoient
Capitaines au Regiment du
Roy, & ont efté nommez Colonels
, fçavoir,
Mrs de Berville .
Gournay.
Vaffenville
.
Gallarde.
Valouze.
Loumagne.
Defnonville.
GALANT. 325
Outre ces Bataillons, dont
le Roy a fait des Regimens ,
Sa Majesté en a fait de nouveaux
, dont voicy les noms
des Colonels , & ceux des
Corps dont ils font tirez .
Regimens nouveaux d'Infanterie.
Mrs du Gas Colonel de Milice.
Villefort, Major de Ste Hermine .
Du Gaft , de Maulevrier.
Marcilly , du Royal Artillerie ,
Talandre , du Roy , Dragons.
Chevalier du Pont , Capitaine dans
la Reine .
Reynel, Capitaine dansGrammont.
Baudin de Hautefort , Capitaine
dans Toulouze .
Dubié , Capitaine de Cavalerie dans
la Valiere .
326 MERCURE
Le Camus ,Capitaine dans Picardie.
D'Erouville , Capitaine dans le Regiment
Dauphin .
Dumas , Capitaine dans Grammont.
Bellifle, Capitaine du Dauphin.
Chev. de Pefeu , dans Grammont.
Monchy , Capitaine de Grenadiers
dans Solre.
Loftange , Capitaine de Grenadiers
dans Viliers .
Treffon , Cap. du Royal Artillerie.
La Motte , dans Bourbon .
Sanzé . Cap dans le Roy Dragons.
Vidame du Mans , dans le Roy .
Durechault , Capitaine de Canonniers
Regiment Royal d'Ars .
Du Beuil, Capitaine au Regiment
Royal.
Briçonner Regiment du Roy.
Il peut y avoir quelques noms oubliez
, & d'autres mal mis dans cette
GALANT.
327
lifte , mais le temps ne m'a pas permis
d'eftre plus exact .
Le mot de l'Enigme du mois palfé
, eftoit Rien , & il a efté trouvé
par Mrs Henry le Jeune , du Bureau
au papier de la Douane : de Cohon
d'Alençon : Berfand de Bordeaux :
l'Auteur du traité des couleurs de la
Ville de Chartres : l'Admirateur de
Dom Quichot de la Manche : le
Royal Boniface : le Sedentaire de
la Rochelle : Tamirifte de la rue de,
la Cerifaye : le petit Coq réveillematin
l'heureux Indifferent : le
Frere Claude de la rue de la Harpe :
le Mangeur de Sellery du Cloiftre
Saint Honoré : Petigas le jeune , 1
Merle de la rue Quinquempoix se
Poule de la rue de la Poterie : le
Triumvirat , & l'Affranchi de l'Hoftel
d'Argenfon . Vieille rue du
28 MERCURE
Temple : l'Arcange de la rue de
Grenelle Et par Mefdemoiselles
Gabrielle de l'Hoftel de la Force :
l'incomparable Lochon de la rue de
la Cerifaye : la petite Mignonne de
la rue Bourtibour : la belle Javotte
du coin de la rue de Richelieu : l'Ecoliere
du Phenix pour le Claveffin :
la Godinette de Bonneftable : la belle
Polonoife : la belle Nanon de Bourdon
, & la charmante Veuve de
Nevers.
Vos Amies prendront fans doute
plaifir à chercher le mot de l'Enigme
queje vous envoye .
ENIGM E.
Ort & vivant , mon fort en
M⁰" un point est égal,
Que de coups de baftons ,fi, vivant,
on
m'outrage
,
GALANT. 329
Fen reçois auffi mort , mais pour un
noble ufage ,
Et mefme avec éclat , &fans fouffrir
de mal.
Pourmefairefervir, vivant, on me
maltraite,
Aprés ma mort ,je commande à Ba--
guette';
Et mon moindre commandement
S'execute tres-promptement ,
Ilfaut bien que
beaucoup
d
moy l'on puiffe
Car fouvent on reproche aux gens
de trop de Foy,
( Serienfement ou pour rire )
Qu'ilsfont bien des contes de moy.
Voftre furprife , quand vous avez
fçeu qu'on avoit choisi pour le fujet
d'une Tragedie , ce que l'Ariofte nous
a rapporté de Bradamante , eſtun
-Ee
Νου .
1645 .
330 MERCURE
fentiment qui a frappé d'abord tout
le monde. On avoit peine à s'imaginer
que ce fujet , auffi extraordinaire
qu'il eft , fuft propre au Theatre.
Cependant le fuccez a fait connoiftre
qu'il n'y a point de matiere qui
ne foit fufceptible de grandes beautez
, quand on la ſçait manier avec
affez d'art , pour faire écouter avec
plaifir ce qui eft entierement éloigné
de nos manieres. Bradamante a fes
raifons pour ne vouloir fe donner
qu'à celuy qui la vaincra dans un
combat fingulier. Roger qui en eft
aimé , & qui l'aime avec la plus forte
paffion , fe trouve obligé de la
combattre fous le nom & les armes
de Leon , Prince de Grece, qui ne le
connoiffant point pour Roger , met
entre les mains l'intereft, de fon amour.
Marphife , Soeur de Roger ,
GALANT. 331
7
qui a fes vûës particulieres , fait un
défi à Leon , pour empefcher qu'il
n'époule Bradamante , qu'elle croit
luy avoir exprés cedé la victoire
& avoir rrahi Roger , pour s'affurer
d'une Couronne. Voila bien du
Merveilleux, qui auroit pû dégouter
les Auditeurs , s'il n'eftoit à bien
conduit , & misdans un fi beau jour,
que leur curiofité eft excitée depuis
le commencement jufqu'à la fin.
Tout cela prodait des incidens nou→
veaux dans chaque Acte , avec des
fituations tres agréables , qui tien
nent toujours l'efprit en fufpens ,
& ce que tout Paris a dit de la netteté
des Vers & de la jufteffe des pensées ,
ayant efté confirmé par toute la
Cour, lors que cette Piece a esté reprefentée
à Versailles , j'aurois dequoy
vo suen faire un lang article ,
Ee ij
332 MERCURE
fi la liaiſon d'amitié que j'ay avec fon
Auteur , ne m'obligeoit pas de m'en
remettre à ce que la voix publique
vous en apprendra .
•
Tout le monde a le mefme fentiment
que vous , fur le Journal de
Namur que vous me mandez avoir
lû plus d'une fois . On l'appelle la
Relation fincere , & chacun a reconnu
dans ce Livre , unlair de verité ,
& d'exactitude à dire fans déguiſement
, comment les chofes fe font
paffées , qui fait plaifir à ceux qui le
lifent, & qui ne laiffe douter d'aucun
des faits qu'on y trouve rapportez.
Je vous feray part le mois prochain ,
d'un voyage fait en Canada l'année
derniere , & vous envoyeray le
Plan d'un Fort dont les François fe
font rendus maiftres . Je fuis , Madame
, voftre tres , & c .
AParis, ce 30. Novembre 1695%
GALANT. 333
On me donne tout prefentement
les noms de quelques autres Colonels
, nommez par Sa Majesté .
Mrs de Beaurepaire , Capitaine dans
Grancey .
Tainville,Capitaine des Grenadiers
de la Chaitre .
Le Marquis de la Force , Capitaine
du Regiment de Bourgogne , Cavalerie..
Paynormand.
Sioujac .
Le Ch. de Sourches,
}
Enfeignes
aux
Gardes.
Permangle, Capitaine au Regiment
Dauphin , Infanterie ,
Cabanac , Capitaine de Carabiniers .
Serville , Capitaine au Regiment de
Dragons de Grammont,
Le Marquis de l'Aigle, Cap . au Reg.
de Cavalerie de
Mongommery.
Guifcar , Capitaine dans le Regi
ment du Roy , Infanterie.
25222255 25 ESSSSES
P
TABLE.
Relude.
Priere pour le Roy. 9
Difcours prononce fur le rétabliſſementdes
Ieux Floraux.
Lettre de M de la Broße.
Sonnet.
Madrigal.
II
14
71
73
75
Infcription.
89
Versfaits à l'occafion de la difpute
des Auciens & des Modernes . 76
Addition aux nouvelles découvertes
faites par M* Lucas.
Réponse d'un Cartefien à la replique
d'un Peripateticien.
Bufte élevé à la gloire du Roy . 158
L Amy parfait .
-93
178
TABLE .
Etat de la cargaison des deux Vaiffeaux
pris par M² le Marquis de
Nefmond .
Reflexions fur la vie champestre.
Avanture.
Nouvelle découverte.
182
191
203
213
Réponse à la Lettre touchant les
Tournois & nos Lis .
Fefte celebrée à Meudon.
224
238
Ce qui s'eft paẞé à l'ouverture du
Parlement & de la Cour des
Aides.
Epiftre en Vers.
Tombeau de Mr Felibien .
274
283
288
Noms de ceux qui ont gagné les lots
de la Lotterie des Pendules. 291
Merts,
Accouchement de
297
Madame la
Princeffe de Conty , & de Madame
la Ducheffe du Maine . 311
TABLE.
Thefe dediée à M Fagon , & fou
tenue à l'Ecole de Medecine. 312
Noms des nouveaux Colonels. 322
Articles des Enigmes .
Bradamante , Tragedie .
Fournal nouveau.
Voyage de Canada.
324
3.29*
332
332
La Figure doit regarder la page 90.
L'Air doit regarder la page 282 .
CATALOGUE DES LIVRES
nouveaux qui se vendent chez
MICHEL BRUN E T, grande Salle
du Palais , au Mercure Galant 1695.
Iftoire des Revolutions de Suede , 12 .
2. vol. Hiftoire T
Arliquiniana , ou les bons Mots , les Hiftoires
plaifantes & agreables , recueillies des
converfations d'Arlequin , 11. feconde édi
tion augmentée.
Tome 2. fous le titre de Livre fans
Nom , 12 .
Pratique curieufe , ou les Oracles des Sibylles
, pour fe divertir en compagnie , 12 .
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Les paroles remarquables , les bons mots ,
les maximes des Orientaux , 12 .
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mie Françoiſe.
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La Duppe de foy- même , ou les Dames vangées
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Le Parfait Geographie , enrichie de figures , 12. 2 vol.
Hiftoire de Hollande , 12. 4. vol .
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tout ce qui s'eft paffé de plus memorable
fous les Regnes de quatre Rois ,
François II . Charles IX. Henry III . &
Henry IV. furnommé le Grand , juſqu'à
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Les Satyres de Juvenal & de Perſe , du même
, 12.
La Turquie Chreftienne , fous la puiſſante
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fol. 2. vol . grand papier.
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Tragedie .
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mots , cette morale , ces penfées judicieufes
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La maniere de bien penfer dans les Ouvrages
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Entretien d'Arifte & d'Eugene , 12. par le
même.
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Lettres fur toutes fortes de fujets , avec des
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M. de Vaumoriere , 12. 2. vol .
Oeuvres de François de la Mothe le Vayer ,
nouvelle édition , augmentée de plufieurs
nouveaux Traitez , 12. 15. vol .
Abregé Chronologique , ou Extrait de l'Hiftoite
de France , par Mezeray , Hiftoriographe
de France , 4. 3. vol . 1670 .
Le nouveau Etat de la France , augmenté
dans cette nouvelle Edition de tous les
Chevaliers du nouvel Ordre de S. Louis ,
12. 2. vol.
L'Etat prefent du Royaume de Perfe , 12 .
enrichi de figures .
L'Etat prefent du Royaume de Maroc , par
M. de S. Olon , Ambaffadeur à Maroc ,
12. enrichi de figures .
Hiftoire de la Medecine , 4 .
Arlequin Comedien aux Champs Elifées , 12 ..
feconde édition enrichie de figures .
Les Satyres de Perfe en Vers François , avec.
le Latin à cofté , & des Remarques , pas
M. de Silvecane , 12 .
Satyres de Juvenal , 12. 2. vol . par le même.
Scaligeriana , ou les Penfées de Scaliger , 12.
Peroniana & Thuana , ou les pensées de M.
le Cardinal du Perron & de M. de Thou ,
A ij
Harangues fur toutes fortes de fujets , aves
l'art de les compofer,par feu M. deVaumoriere
, feconde édition , augmentéé d'un
grand nombre de Preceptes & de Harangues
, dediées à M. le Chancelier , 4.
1693 .
Methode pour apprendre le Blazon , par le
P. Meneftrier , 12. rempli de figures .
Metamorphofe d'Ovide , nouvelle édition ,
enrichie de figures , 12. 3. vol .
Journal du Voyage de Siamde M. l'Abbé de
Choify , 12 .
Du Royaume de Siam , par M. de la Loubere
, 12. 2. vol.
Les Nouvelles de Miguel Cervantes , 12. 2;
vol .
La Maiſon reglée , 12.
Recherches curieufes d'antiquitez , conte
nuës en plufieurs Differtations fur les Medailles
, bas reliefs , ftatuës mofaïques , &
infcriptions antiques , enrichies d'un grand
nombre de figures , par M. Spon , 4.
La Découverte des myfteres du Palais , où il
eft traité des Parties en general , des Intendans
des grandes Mailons , des Procureurs,
Avocats , Notaires , & Huiffiers , 12 .
Lettres familieres & autres fur differentes
matieres , par le fieur Millerant ,`12 .
L'Ariófle Moderne , 12. 4. vol .
Hiftoire de la feue Reine d'Angleterre , dans
Jaquelle , outre fes actions particulieres .
de pieté , on trouve ce qui s'eft paffé de
plus remarquable pendant les Rois Charles
I. & Charles II. in 8 .
Oeuvres de Voiture , 12. 2. vol.
Theatre Philofophique , fur lequel on 1-
5
prefente par des Dialogues dans les
Champs Elifées , les Philofophes anciens
& modernes , augmenté en cette derniero
édition des femmes Philofophes , par M.
Bordelon , 12 .
Defcription de l'Aiman , qui s'eft trouvé à la
pointe du Clocher neuf de Noftre- Dame
de Chartres , par M. de Vallemont , 12.
Memoire de la Reine Marguerite , 12 .
L'Homme de Cour , 12. de M. de la Houſ
Laye .
Les Annales de Tacite avec des Reflexions
& Notes Politiques & Hiftoriques , in 4-
& in 12.
Toutes les Hiftoires de M. Maimbourg en
14. vol . 4.
Les mêmes en 26. vol . 12.
Entretiens fur les Vies & les Ouvrages des
plus excellens Peintres , Anciens & Modernes
par M. Felibien , in 4. 3. vol .
Recueil Hiftorique de la Vie & des Ouvrages
des plus celebres Architectes , par M.
Felibien des Avaux , 4.
Recueil des defcriptions de Peintures , &
d'autres Ouvrages faits pour le Roy , 12 .
La Science Heroïque du Blazon , par la Colombiere
, fol .
Ordonnance du Roy pour les Eaux & Forefts
avec les Edits , 12. 24.
Les Fables d'Elope avec les figures , 12 .
L'Hiftoire du Monde , par Chevreau
f. vol .
, 12.
Hiftoire de l'Affrique , ancienne & moderne ,
curichie de so. figures , 12. 4. vol.
Hiftoire de la Réunion de Portugal , 12. 2
vol.
A i
Hiftoire des troubles de Hongrie , 12. 6. vol.
Les Confeils de la Sageffe , ou le Recueil des
maximes de Salomon , les plus neceffaires
à l'homme , derniere édition , 12. 2 .
vol.
Ouvrages de Profe & de Poëfies des fieurs
Maucroy & la Fontaine , 12. 2. vol.
Oeuvres de M. Corneille , 12. 10. vol.,
Vie des Saints , fol . 2. vol.
•Idem , 1. vol .
-Idem , 8. 4 . vol.
La Sainte Bible , contenant le Vieil & Note
veau Teftament , 12. § . vol.
Idem , in fol.
Abregé de l'Hiftoire de France depuis Fara
mond jufqu'au Regne de Louis le Grand ,
par M. de Riencourt , 12. 7. vol. 1695.
L'Hiftoire de Louis XIII. dit le Jufte , fe
vend feparément.
L'Hiftoire de Louis XIV . 12. 3. vol.
Voyage des Ambaffadeurs de Siam en France
, remply d'une infinité de chofes curicules
, 12. 4. vol.
Hiftoire Sainte du Pere Gaultruche , 12. 44
vol .
Ducheffe d'Eftramene , 12. 2. vol .
Eleonor d'Yvrée , ou les malheurs de l'amour
, 12.
Le Napolitain , 12,
Le Mary jaloux , 12.
Le Secretaire Turc , 12 .
Le Seraskier Bacha , 12 .
Etat prefent de la Puiffance Otomane , 1ży
L'Illuftre Genoiſe , 12 .
Le Grand Vifir Cara Muftapha , 12.
Amballades de M. le Comte de Guilleragues
& de M. Girardin auprés du Grand Seigneur
, 12.
Caracteres de l'Amour , 12.
Les nouvelles Converfations de Morales , dedié
au Roy , par Mademoiſelle de Scudery
, 12. 2. vol.
Dictionnaire Royal , 4.
Bibliotheque , Choify de Colomiez , 8 .
Memoires de Sully , fol. 3. vol.
-In 12. 8. vol.
L'Hiftoire generale de France , par Dupleix ,
fol. s. vol .
-De Polybe , par Durier , 12. 3. vol.
Les differens Caracteres des Femmes du
Siecle , r2.
Réponse à la Differtation fur la Goute , 12 .
Traité des Fortifications , contenant la démonſtration
& l'examen de tout ce qui regarde
l'art de fortifier les Places , tant regulieres
qu'irregulieres , fuivant ce qui fe
pratique aujourd'huy , 12. par M. Gaul
tier , rempli de figures .
Traité de l'Artillerie , expliquant la difference
, les proportions , les portées , les
affuts , & tout ce qui concerne les Canons
dont on fe fert en France , tant fur
Terre quefur Mer , avec plufieurs Planches
, par le même .
Pratique de la Guerre , par Malthus , 8.
enrichie de figures .
Reflexions fur l'Acide & fur l'Alkali , 12 .
Difcours Satyriques & Moraux , en Vers, 12
Dialogues Satyriques & Moraux , 1-2 . 2. vol.
Epiftres en Vers de M. Sabatier , de l'Academie
Royale d'Arles , 12.
Les Oeuvres d'Horace en François , avec le
Latin à côté , 12. 2. vol.
Le Chemin Royal de la Croix , rèmply de
figures 8.
Nouvelles Reflexions , ou Sentences & Maximes
Morales & Politiques , dediées à
Madame de Maintenon , 12.
La Cour Sainte , fol . 2. vol . grand papier .
Faramond , 8. 12. vol .
Almahide , 8. 8. vol.
Aftrée de Meffire Honoré d'Urfé , 8. là
vol.
Caſſandre , 8. 8. vol .
Cyrus , 8. 10. vol.
Polexandre , 8. 5. vol.
Voyage de Chardin , 12. 2. vol. remply de
figures.
Les Oeuvres de M. Capiſtron , 12 .
-Idem , de M. Baron , 12 .
Idem , de M. Bourfault , 12.
Hiftoire d'Augufte. 12. 2. vol..
Comedies.
Le Chevalier à la mode , 12,
La Devinereffe , 12 .
Artaxerxe , Tragedie , 12 .
La defolation des Joüeufes.
La Comete.
OUVRAGES DE M. L'ABBE' GOUSSAULT
Confeiller au Parlement.
Les Confeils d'un Pere à fes Enfans , 12.
Le Portrait de l'Honnefte Homme , 12 .
Le Portrait de l'Honnefte Femme , 12 .
Reflexions fur les deffauts ordinaires des
5
hommes , & fur leurs bonnes qualitez , 12.
OEUVRES D'ETT MULLER.
Pratique generale de Medecine de tout le
corps humain , 8. 2. vol.
Pratique fpeciale du même Auteur , fur les
maladies propres des hommes , des fem
mes , & des petits 'enfans , avec des Dif
fertations du même Auteur fur l'Epilepfie ,
'Yvreffe , le mal hypocondriaque , la
douleur hypocondriaque , la corpulence ,
& la morlure de la Vipere , 8 .
La nouvelle Chirurgie Medecinale & raifonnée
de Michel Ettmuller , avec une Differtation
fur l'infufion des liqueurs dans
les Vaiſſeaux , 12 .
Nouvelle Chimie raiſonnée du même Au
teur , 12.
Les Inftituts de Medecine , 8.
OEVRES DE M. DE FONTENELL
de l'Academie Françoife.
Dialogue des Morts , 12. 2. vol.
Jugement de Pluton , 12 .
Entretiens fur la pluralité des Mondes ,
Hiftoire des Oracles , 12 .
121
Poëfies Paftorales , avec un Traité de la nature
de l'Eglogue , & une Digreffion fur
les Anciens & les Modernes , 12 .
Lettres galantes de M. le Chevalier d'Hers
12. 2. vol.
Traduction d'Ablancourt.
Commentaire de Cefar , 12 , 2. vol
Lucien , 12. 3. vol.
Tucidide , 12. 3. vol .
Tacite , 12. 3. vol .
L'Affrique de Marmol , 4. 3. vol .
La Retraite des dix mille de Xenophon , 12
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