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LE NOUVEAU
MERCURE
GALANT,
Contenant
Les Nouvelles du mois de
JUIN 1677, & pluſieurs
autres.
TOME I V.
Suivant la Copie imprimée
A PARIS,
Chez CLAUDE BARBIN , au Palais,
fur le fecond Perron de la
S. Chapelle. 1677.
BIBLIOTHICA
REGIA
MONAGENSIS
A MADAME
LA
MARQUISE
DE THIANGE.
ADAME ,
Ce n'eft point dans l'esperance de
vous faire un prefent digne de Vous ,
que je prens la liberté de vous ofrir cet
Ouvrage. C'eft à quoy lesplus délicates
Plumes auroient peine à réußir ; &
je fuis trop perfuadé de ma foibleffe ,
pour me foufrir unfentiment fi préfomptueux
. Mais enfin , MADAME, le
A 2 MerMercure
Galant va par tout , vous ef
tes comme par tout, & je ne puis plus
refifter a l'impatience que j'ay defaire
Sçavoir à tout le monde qu'il n'y aperfonne
qui vous regarde avec plus d'eftime
& plus de respect queje fais . Le
coeur eft quelquefois plus à confiderer
que l'ofrande & fi vous me daignez
rendre quelque juftice de ce cofté- là ;
peut-eftre ne de faprouverez-vous pas
Tout-a -fait la temerité de mon entreprife
. le fçay , MADAME , que
n'eftaut pas moins diftinguée du refte
du monde par ce merveilleux Esprit
qui vousfaitjuger de toutes chofes avec
le plus jufte difcernement , que vous
l'eftes par une naiſſance qui ne vous
laiße voir que nos Maiftres au deffus de
Vous , on ne vous devroit rien ofrir que
d'achevé ; mais je n'ignore pas außi
que vous n'avez pas moins de bonté ,
que de ces belles lumières que ceux qui
ont l'honneur de vous approcher trouvent
tous les jours fujet d'admirer èn
Vous & c'eft de cette bonté , MADAME
, & non pas du merite de
mon
mon Ouvrage, que j'ofe attendre la
protection que je vous demande pour
luy. Elle eft digne de cette Ame genereufe
qui vous éleve ft fort au deffus de
celles de voftre sexe , dont les plus folides
avantages ne confiftent ordinairement
que dans la Beauté, Je n'ofe vous
parler de l'heureux partage que la Nature
vous en afait. C'est un endroit que
les Peintres du Siecle fe feront un honneur
de conferver à la Pofterité. Plût
au Ciel , MADAME , que j'euffe
autant de bonheur qu'eux, & qu'en faifant
vivre voftre Nom apres Vous , il
me fuft poßible d'empefcher le miende
mourir ! C'est une gloire dont j'aurois
fans doute à me flater , fi cette Pofterité
connoiffant mes fentimens , pouvoit
apprendre que mes Ouvrages ne vous
euffent pas déplû. Du moins elle demeurera
d'accord d'une chofe , qui eft que
jay eu l'avantage de vous connoiftre
parfaitement , quoy que je ne vous aye
prefque veuë que de loin . On louera
quelque jour mon gouft , comme on fe
raporte aujourd'huy au vostre fur ce qui
A 3
eft
est estimé de plus parfait ; & je ne puis
m'empefcher de croire que nos Neveux
auront quelque confideration pour moy,
quand ils fçauront qu'une de mes plus
ardentes paßions a efté d'obtenir de
Vous lapermißion de me dire,
MADAME ,
Voftre tres -humble & tresobeïffant
Serviteur , D.
NOUNOUVEAU
7
MERCURE
GALAN T.
TOME I V.
>
AY beau faire , Madame
, c'eſt plâtoft un
Recueil de Nouvelles
par mois , que les Nouvelles
du Mois , que je vous envoye.
Pour n'en referver jamais aucune
, il faudroit vous écrire tous les
huit jours : la matiere me feroit plus
facile à trouver que le temps. S. Omer
me l'auroit fournie pour une
Semaine , la Victoire de Monfieur le
Comte d'Eftrées pour une autre , &
je n'aurois pas efté en peine de chercher
par où fupléer au refte. Ce que
je vous dis , Madaine , eft affez glorieux
pour la France ; il s'y paffe tous
les jours de fi grandes Actions , &
tant de Perfonnes d'un haut merite
don-
A 4
g LE MERCVRE
donnent tout à la fois occafion de les
diftinguer , qu'il eft prefque impof
fible d'embraffer tout. C'eft comme
un Champ fertile dont on a beau
amaffer les abondantes moiffons , on
y trouve toujours quelque chofe à
recueillir ; & je fatisferois mal fans
doute à l'engagement où je me fuis
mis avec vous de vous mander tout
ce que je croirois digne de voftre curiofité
, fi m'arreftant préciſement à
ce qui arrive dans le mois oùje vous
écris , je ne rapelois pas quelquefois
plufieurs chofes dont je n'ay pu vous
parler dans les précedens. Ce n'eft
point dans celuy- cy que l'Academie
Françoiſe a fait complimenter
Monfieur le Cardinal d'Eftrées , qui
comme vous fçavez eſt l'un des quarante
qui compoſent cette Illuftre
Compagnie ; mais vous ne laifferez
pas d'eftre bien- aife d'apprendre que
ces Meffieurs qui ne l'avoient point
veu depuis fa Promotion au Cardinalat
, ne furent pas plutoft avertis
de
GALAN T. 9
!
de fon retour à Paris , qu'ils nommerent
fix Perfonnes de leur Corps
pour l'en aller feliciter. Ces fix furent
Mrs Charpentier , Tallemant Premier
Aumofnier de Madaine , Teftu
Abbé de Belval, Tallemant Prieur de
S. Albin, l'Abbé Regnier des Marais,
& de Benferade . Monfieur le Duc de
S. Aignan voulut les accompagner ,
& Monfieur le Cardinal d'Eltrées
qui les reçeut dans fon Anti - chambre
les ayaps conduits dans fa
Chambre , M. Charpentier que la
Compagnie avoit chargé de la parole
, s'acquita de fa commiffion en
ces termes,
ONSEIGNEUR ,
M° En nous approchant de V. E
nous fentons une douce émotion qui
n'eft pas tuutesfois fans quelque mélange
d'amertume. Nous vous revoyons
avecles marques de la plus haute Dignité
de l'Eglife ; Quel plus agreable
Spectacle à nos yeux ! Quelle plusfen-
A S fible
ΙΟ LE MERCURE
fible joye à noftre coeur ! Mais quand
nous nous reprefentons que cette élevation
vous fepare de nous , & vous arrache
de nos Exercices , qui ont autrefois
partagé les heures de voftre loifir , nous
ne sçaurions penfer qu'avec douleur à
une abfence qui nous paroift irréparable.
A voftre départ , Monseigneur , tous
nos voeux vous accompagnerent ; Nous
ne fouhaitâmes rien avec plus d'ardeur
que de vous voir bientoft revestu de l'éclat
dû à voftre merite , à voftre naiffance
, & à lagrandeur de vos Alliances
Royales. A voftre retour nous vo-
Jons en V. E. l'accompliſſement de nos
voeux , mais nous ne vous trouvons plus
àl'Academie. Hé bien , Monseigneur,
n'en murmurons point ; Nous vous perdons
d'une maniere trop noble pour
nous en facher. Nous souhaitons mefme
de vous perdre encore davantage , &
que la Pourpre Romaine qui vous affocie
la premiere Compagnie de l'Univers ,
vous place quelque jour , du confentement
de toutes les Nations , dans ce
Trône
GALAN T. IF
Trône fondé fur la Pierre que toutes
les Puiffances de l'Enfer ne sçauroient
ébranler. Mais pourquoy vous conter
perdu pour nous , Monfeigneur , dans
l'augmentation de votre gloire , puis
que le plus Grand Roy du monde
LOUIS le Vainqueur , mais le
Vainqueur rapide , le Terrible , le Foudroyant
, a bien trouvé des momens
pourfonger à nous parmy la pompe &
le tumulte de fes Triomphes . Que disje
pour fonger à nous ? Ah c'est tropfoiblement
s'expliquer pour tant degraces.
extraordinaires. Difons plutoft pour
nous appeller à luy par une adoption
glorieufe ; Difons pour nous établir un
repos inébranlable à l'ombre de fes Palmes.
V. E. Monfeigneur , n'a-t - elle
admiré cet évenement , & quoy que
pas
vous fuffiez au Pais des grands Exemples
, quoy que vous refpirasiez le mesme
air que Scipion & que Pompée , pu
tes- vous apprendre fans furprise qu'un f
graand Monarque fe declarat le Chef de
l'Academie , & vouluft mettre fon
A.6 Nom
12 LE MERCURE
Nom Auguste à la tefte d'une Lifte de
Gens de Lettres ? Voftre Rome n'en
fut-elle pas étonnée , & ne jugea- t- elle
pas alors que le Ciel preparoit à la
France la mefmeprofperité dont l'Empire
Romain avoit jouy fous les Auguftes
, fous les Adriens & fous les Antonius
? Vous nous avez quittez , Monfeigneur
, dans l'Hoftel Seguier , dans
l'Hoftel d'un Chancelier de France ,
Illuftre veritablement par fa fuprême
Magiftrature , plus illuftre encore par
fes grandes actions. V.E. nous retrouve
dans le Louvre , dans la Maiſon Sacrée
de nos Rois , & nos Mufes n'ont
plus d'autre fejour que celuy de la Ma
jefté. Il faut ne vous rien celer encore
de tout ce qui peut tenir rang parmy
nos heureufes avantures, puis que V. E.
Jprend quelque part. Un Archevefque
de Paris qui honore fa Dignité par fa
Vertu , par fon Eloquence , &par la
nobleffe de la conduite ; Un Evefque
d'une érudition consommée, & que milte
autres rares qualitez.
ont fait choifir.
pour
GALAN T. 13
pour cultiver les esperances d'un jeune
Héros , de qui tout l'Univers attend
de fi grandes chofes ; Un Duc & Pair
également recommandable par fon Efprit
& par fa Valeur , & avec qui
toutes les Graces ont fait une alliance
eternelle ; des Gouverneurs de Province
; un Prefident du Parlement ;
plufieurs Perfonnages celebres en toutes
fortes de Sciences , font les nouveaux
Confreres que nous vous avons donnez,
(ans parler de ce Grand Homme , que
l'intime confiance du Prince , un zele
infatigable pour le bien de l'Etat , &
une paßion ardente pour l'avancement
des belles Lettres , diftinguent affez
pour n'avoir pas besoin d'eftre nommé
plus ouvertement. L'Academie a fait
la plupart de ces précieuses acquifitions,
tandis que V. E. defendoit nos droits
à Rome , s'oppofoit aux brigues de
nos Ennemis. C'eft fur vosfoins & fur
ceux de M. le Duc voftre Frere , que la
France s'eft repofée avec feureté de fes
intereſts, en un Païs où déja depuis long-
ن م
temps
14
LE MERCURE
temps le courage , l'intrépidité , &
l'amour de la Patrie , ont rendu fameux
les Noms de Coeuvres & d'Eftrées.
C'est avec la mesme fermeté
que V. E a foûtenu l'honneur de la
Couronne contre les injuftes défiances
quela profperité des Armes du Royfaifoit
naiftre dans des Ames trop timides.
Quels Eloges , quels applaudiffemens
n'a-t- elle point meritez encore au
dernier Conclave , cettefermeté courageufe
& falutaire , qui dans une occafi
on fi importante n'a pas moins en vifagé
les avantages de la Republique
Chreftienne , que fuivy le plan des
pieufes intentions de Sa Majesté ? Toute
la Terre fçait combien ces grandes
veuës ont donné de part à V. E. dans
L'Exaltation de ce Pontife incomparable
, à qui la pureté des moeurs , le mépris
des richeffes , la tendreffe cordiale
envers les Pauvres , l'humilité magnanime
des anciens Evefques , & le parfait
degagement des chofes du monde ,
avoient acquis la reputation de Saintetê,
" 15
GALANT
tetê , avant que d'en obtenir le Titre
attaché à la Chaire Apoftolique. Il eft
mal- aifé apres cela , Monseigneur
que nous ne nousflations de quelque ſecrete
complaifance , en voyant qu'il
fort de l'Academie , des Princes du
Sacré Senat , & que vostre fuffrage
que nous avons conté quelquefois parmy
les noftres, concourt maintenant
avec le S. Efprit au gouvernement de
fon Eglife. Avancez donc toûjours ,
Monfeigneur , dans une fi belle route
, & permettez- nous de croire que
V. E. confervera quelques fentimens
d'affection pour une Compagnie fur qui
LOUIS LE GRAND jette de fi
favorables regards : Pour une Compagnie
, qui aprez la veneration toutefinguliere
qu'elle doit avoir pour fon Royal
Protecteur , n'aura point de mouvement
plus fort que celuy du zele
qui l'attache à V. E. & qui trouvera
toûjours une des principales occafions
de fa joye dans l'accomplissement
de toutes vos glorieufes entrepriſes.
Il
16 LE MERCURE
Il ne faut pas s'étonner file Public
à donné tant d'approbation à ce
Compliment , puis qu'il a merité
cellè du Roy , qui fe l'eft fait lire
à l'Armée par Mr. de Breteuil , Lecteur
de Sa Majefté. Auffi Monfieur
le Cardinal d'Eftrées le reçeutil
d'une maniere tres- obligeante. Il
dit à M. Charpentier qu'il n'entreprenoit
point de répondre fur le
champ à un Difcours fi plein d'éloquence
, mais qu'il le prioit d'affurer
la Compagnie qu'il ne perdroit
jamais le fouvenir des marques
qu'elle luy donnoit du fien ; Qu'il
s'en tenoit tellement obligé , qu'il
ne luy fuffifoit pas de l'en remercier
comme il faifoit , & qu'il viendroit
à l'Academie pour luy en témoigner
plus fortement fa reconnoiffance,
Il s'étendit en fuite fur les Louanges
des Illuftres qui la compofent , &
fur le travail du Dictionnaire dont il
demanda particulierement des nou
velles. Il adjoûta qu'il efperoit beaucoup
GALAN T. 17
coup de la grandeur & de l'exacti
tude de cette entrepriſe, dont il avoit
fouvent entretenu des Gens d'efprit
d'Italie qui en avoient admiré le
Plan ; & apres quelque converſation
il reconduifit les Députez jufqu'à la
porte de la Salle proche le Degré.
Il leur tint parole quelques jours
apres , & fe trouva au Louvre à une
de leurs Seances. Il eft Protecteur
de l'Academie de Soiffons , où
Ms. Hebert Treforier de France luy
avoit déja fait le Compliment qui
fuit au nom de cette Compagnie.
Je trouveray l'occafion , Madame
de vous en faire connoiſtre une autre
fois le merite & l'établiſſement.
ONSEIGNEUR ,

Quelle joye ne doit pas répandre
dans ces lieux l'honneur de votre
prefence apres une abfencefi longue & fi
ennuyeufe ! Quelle joye pour une Compagnie
qui vous doit tant , & qui vous‹
honore à proportion de ce qu'elle vous
doita
18 LE MERCURE
doit , de vous y voir dans cet éclat qui
frape aujourd'huy fi agreablement nos !
yeux, & dont l'idée avoit remply fi
long-temps noftre imagination ! Nous
fçavons bien , Monseigneur , que toutes
Les Grandeurs humaines eftant au def
fous de cette élevation d'efprit & de
cette grandeur d'ame , qui diftinguefi
excellemment Voftre Eminence des autres
Hommes ; c'est vous rabaisser en
quelquefaçon , que de vous louer d'une
Dignité , quelque grande , quelque élevée
qu'elle foit. Mais vous nous per...
mettrez de vous dire , que regardant
celle- cy comme un pur effet de voftre
merite ?
vous ne devez pas trouver
mauvais que nous nous réjouißions de
vous en voir revestu , & que nous vous
faßions reffouvenir qu'en augmentant
voftre Gloire , elle acheve & con-
Somme celle de voftre Maifon . Cette
grande , cette illuftre Maiſon ,
Monfeigneur ; fubfiftoit depuis plufieurs
Siecles dans une fplendeur peu commune.
Tout ce que la valeur unie à la
conGALANT
19
conduite peut acquerir de Titres eclatans
, tout ce que la fidelité jointe
aux lumieres peut procurer d'importans
Emplois , tout cela , Monseigneur,
Sy voyoit enfoule; & de tout les honneurs
de la Terre , on peut dire que
la feule Pourpre luy manquoit ; mais
Le Ciel qui travailloit depuis fi longtemps
à fon agrandiffement , qui par
la production continuelle de tant de
Héros qu'il en faifoit fortir fucceßivement
, la difpofoit pour ainfi dire à
recevoir cet honneur , fit naiftre enfin
V. E. avec toutes les qualitez qui en
pouvoient eftre dignes . Vous le reçeutes
donc , Monfeigneur , non pas comme
la plupart des Etrangers , fur le
feul raport de la Renommée , &fur
la fimple Nomination d'un Prince qui
le demande pour fon Sujet. Rome
vit bien deux Royaumes fe difputer
l'avantage de vous le procurer ;
mais avant qu'elle vous l'accordât ,
Rome vit außi briller à l'envy ces ›
belles ces éclatantes qualitez.
>
Elle
20 LE MERCURE
Elle connut voftre merite , & ce fut
fans doute ce qui la détermina dans cette
grande conjoncture. Quel honneur
pour vous , Monfeigneur , d'avoir acquis
par une voye fi belle une Dignitéfi
fublime! Quel honneur d'avoir mis le
comble à la gloire d'une Maifon des
premieres & des plus fameufes de l'Univers
! Mais quel honneur pour l'Acade
mie de Soiffons , defe pouvoir glorifier
d'un tel Protecteur ! Quel honneur
pournous, que V. E. ait bien voulu fe
charger de ce Titre, & n'ait Ras dé
daigné de le joindre à tant d'autres fi
glorieux ! Quelle joye encore un coup
de voir ce Protecteur & de luy parler !
Mais quelle peine de le voir pour fi pen,
de temps , & de luy parler fans pouvoir
parler dignement de luy ! Quel emba
ras , quelle confufion de devoir tant &
de pouvoirfi peu rendre , de fentir une
reconnoiffance qu'on ne peut exprimer !
C'est pourtant principalement cette re-.
connoiffance , Monfeigneur , que nous
voudrions pouvoir bien dépeindre à V. E.
Plût
GALAN T. Στ
Plût à Dieu que vous puẞiez voir quels
¨mouvemens elle excite dans nos coeurs ,
quels Voeux , quels Souhaits elle yforme.
Nous les continuerons , Monfeigneur
, ces Voeux & ces Souhaits ; &
puis que nous ne pouvons autre chofe ,
nous les ferons du moins avec tout le
zele & toute l'ardeur dont nous fommes
capables . Nous ne dirons pas icy à
V. E. quel eft prefentement leur objet ;
puis qu'il n'y a plus qu'un degré entre le
Ciel & Vous , il n'eft pas mal- aifé de le
comprendre. Nous vous direns feulement
, Monfeigneur , qu'il faut quelque
chofe de Supreme pour récompenfer
une fupreme Vertu , qu'ainfi il n'y
a rien defi grand , ny defi haut dans le
Monde , où V. E. ne puiffe pretendre
avec juftice , & où elle ne ne foit déja
placée par les ardens & juftes defirs de
cette Compagnie.
5
7
Pour paffer de la Profe aux Vers,
en voicy qui furent faits pour le Roy
incontinent apres fes trois nouvelles
22 LE MERCURE
les Conqueftes . Ils font de Monfr .
de la Citardie. C'eſt un Gentilhomme
qui n'a pas befoin de parler longtemps
pour faire connoiftre qu'il a
infiniment de l'efprit ; mais comme
je ne tiens pas ces Vers de luy- mefme
, & qu'il m'en eft tombe entre
les mains plufieurs copies differentes
l'une de l'autre , je ne fçay fi j'auray
choifi la veritable.
EPISTRE AU ROY.
IRE , je l'avoueray , la Gloire a
bien des charmes : SIR
Il est beau de vous voir au milieu des
allarmes,
Voler àfes coftez ; & triomphant toûjours
,
Conter pas vos Exploits le nombre de
vos jours.
Il est beau de vous voir facrifier pour
elle
Tout ce qu'on peutjamais attendre d'un
grand zele ;
Mais
GIA LÀ NÉT .
23
Maispardonnez- moy , SIRE , & ne
murmurez pas
Sije crains pour mon Royfes dangereux
appas,
Quandje fonge auxperils , oùpour luy
rendre hommage
Voftre -intrépide coeur à toute heure
s'engage,
Car fi j'ofe aujourd'huy m'expliquer
avec vous ,
Le Sceptre ny les Lys n'exemptent
point des coups.
Ce rang de Souverain qui vous met fur
nos teftes ,
Ne met point vos beaux jours à l'abry
des tempeftes.
Le Canon fifatal auxplus braves Guerriers
,
N'a jamais des Héros respecté les Lau-
"
riers ,
Et ceux dont voftrefront s'eft fait une
Couronne ,
N'en garantiffent point voftre Augufte
Perfonne.
Il
$24
LE MERCURY
Il ne faut qu'un malheur... Dieux ! je
n'ofe y penfer,
Te fens à ce difcours tout mon fang fe
glacer.
ah , SIRE , c'en est trop , venez revoir
la Seine ,
Voulez vous à Madrid aller tout d'une
baleine ,
Et toujours oublier ce qu'éloigné d'icy,
A Therefe , à l'Etat , vous caufez de
foucy?
Vous avez en un mois mis trois Villes en
poudre,
Voftre coeur au repos nepeut -ilfe réfoudre
;
Et ces fruits que la Gloire a refervez
- pour vous ,
Les goutant dans le calme enferont
ils moins doux ?
Vous fçavez qu'autrefois un Héros dont
Hiftoire
Confervera toujours La pompeuſe memoires
Apres avoir finy de moins nobles tra-
Vaux
Fit
GALAN T.
25
1
Fit voir qu'on peut donner des bornes aux
Héros.
Que fi la noble ardeur de vostre ame
guerriere ,
Nepeut fe retenir qu'au bout de la car-
Si
riere ;
pour vous arrefter , vouz voulez voir
foumis
Tout ce quipeut encor vous refter d'Ennemis
,
Contentez- vous au moins de ces foins
politiques ,
Quifont plus que le fer fleurir les Republiques
,
Inftruiſez vos Guerriers à marcher fux
vos pas ,
Marquez l'heure, le temps , difpofez des
Combats ,
Et fongez qu'un Grand Roy quifut nommé
le Sage ,
Fit de fonCabinet tremblerfon voisinage,
Tandis qu'en feureté , paifible dans fa
Cour ,
Il donnoit quelquefois des heures à l'A
mour.
Tome IV . B
Mon26
LE MERCURE
Monfieur le Comte de Bregy dont
je vous ay parlé dans ma Lettre precedente
a fait le Sonnet qui fuit pour
Son Alteffe Royale. Je croy que vous
n'aurez pas de peine à luy donner la
mefme approbation quil a reçeuë icy
de tout le monde.
POUR MONSIEUR ,
SONNET .
U ferviras d'exemple un jour à
nos Neveux ,
Digne Frere d'un Roy le plus grand Roy
du monde ;
S'ilpaffe les Cefars,ta Valeur le feconde,
Et foûtientfes Lauriers par des Exploits .
fameux.
A tes traits delicats , à ton airgracieux
Tu fembles eftre né pour une Paix profonde
;
Et dans le Champ
de Mars dés que
Canon gronde ,
le
Ton coeur anime tout , ton bras frape en
tous lieux.
A
GALAN T.
27
A prefent qu'apres- toy tu fais marcher
la Gloire ,
Que tu ne combats point fans avoir la
Victoire ,
Louis n'eftplus le feul qui triomphe
de tous ;
Mais luy feul toute-fois des Princes de la
Terre ,
De ceux qui font en paix , ou qui nous
font la guerre,
Peut voir tes grands Exploits fans en eftre
jaloux.
Rien ne fçauroit mieux fuivre les
Vers de Monfieur de Bregy , que la
Profe de Madame la Comtefie de
Bregy fa Femme. Juges- en par cette
Lettre . Elle eft écrite à M. l'Abbé
Bourdelot , fi connu par ce grand
merite qui ayant fait bruit jufqu'en
Suede , obligea la Reyne Chriftine
de l'y appeller aupres d'elle , non feulement
comme un tres habile Medecin
, mais comme un Homme con-
B 2 fommé
28 LE MERCURE
fommé en toute forte de Sciences . Il
ny a perfonne qui ne fçache l'eftime
particuliere dont Monfieur le Prince
l'honore , & la confiance qu'il prend
en fes confeils fur le regime de vie
qui luy eft neceffaire pour fa fanté.
Il fait des Vers fort agreables quand
fes grandes occupations luy en peuvent
laiffer le temps , & nous en
avons veu de luy fur differentes matieres
, qui ont éfté leus par tout avec
plaifir,
LETTRE DE MADAME
La Comteffe de Bregy ,
A Monfieur l'Abbé Bourdelot.
Sc
I´vous me regardez du cofté de ta
capacité , je demeure d'accord que
que mon droit n'eft pas bien fondé a me
plaindre de vous de ne m'avoir point
montré vos Ouvrages. Mais s'il vousavoitplû
, Monfieur , de confiderer ceux
qui vous aiment le mieux , par cette
regle là j'aurois reçeu de vous les Vers
que
\
29
GALAN T.
à ceux
que vous avez faits pour Monfieur Colbert
, dont le feul hazard me fit hier
prefent. Cela eft beau que ce ne foit pas
de vous que je les aye reçeus. Ne fçavez-
vous pas bien que tout ce qui fert à
voftre gloire , fert aufi à ma joye , &
que d'ailleurs bien des chofes ne m'en
donnent pas tant qu'il foit neceffaire de
m'en retrancher ? Ce n'eft pas là ce que
les Amis doivent faire , au contraire il
faut qu'ils fongent à procurer
qu'ils aiment tous les petits biens ,
n'eftans pas en estat de leur en faire
avoir degrands ; mais vous eftes dans un
embarras d'amour propre qui vous tient
de trop pres pour vous laiffer le temps
de penser à ceux de qui vous eftes aimé ,
& il vous fait fans ceffe courir apres
ceux que l'Envie empefche de convenir
de voftre merite. Ne cherchez plus
à les en convaincre . Eftes- vous à fçavoir
que la Verité s'établit par ellemesme
, & que c'eft fon privilege depercer
tous les nuages pour fe découvrir ?
C'est une preuve du parfait merite , de
B 3 vivre
30
LE MERCURY
vivre avec nonchalance fans briguer
l'approbation , il faut qu'elle vienne à
la fin payer tributfans que l'on enprenne
foin . Regardez le Héros aupres de qui..
vous eftes attaché. Voyez comme ilfemble
eftre de loifir , il ne fait plus rien
parce qu'il a tout fait , car il n'eft point
d'efprit qu'il n'ait parfaitement aſſujetty
à croire qu'il eft un des plus grands Hommes
du monde , & pour peu qu'il commençât
à s'ennuyer dans fa folitude , il
fe trouve un remede tout preft. Il n'a
qu'à tourner les yeux du cofté de fa
gloire , pour voir le plus beau spectacle
que jamais Mortel ait pû donner à l'Univers.
Avec une telle fauvegarde il n'eft
point de chagrin qui le puiffe attaquer.
La mort mefme qui ofe tout ne pourra
rien contre luy , car lors qu'elle croira
s'eftre enrichie d'une fi noble proye , elle
n'aura fait que le débaraffer de ce qu'’ıl
avoit de commun avec le refte des
Dieux. Mais s'il trouvoit fon compte à
cela , nous n'y trouverions pas le noftre
en le perdant ; c'est pourquoy , Monfieur
GALAN T. 31
fieur l'Abbé , ne fongez pas tant à écrire
en beau langage , que vous ne refviez
profondement à ce que l'Art de la Medecinepeut
fournir de Secrets pour prolonger
fur la terre unefi belle vie , & par
là voftre Siecle vous fera beaucoup plus
redevable que de toutes les chofes que
vous pourriez d'ailleurs faire pour fon
ornement. En mon particulier je ne vous
quitte point à moins de me promettre
pour ce Grand Homme encore une centaine
d'années ; & pour vous en récompenfer
, je fouhaite que tout le monde
convienne avec moy que Monfieur l'Abbé
Bourdelot eft tout compté & rabattu , un
des Hommes du monde de la plus agreable
conversation .
Je devrois eftre déja devant S. Omer
; mais je ne puis me defendre de
m'arrefter encor un moinent icy pour
vous faire rire d'une Avanture dont
un Cavallier que vous connoiffez a
toutes les peines du monde à fe confoler
: c'eſt celuy qui au dernier
B 4
Voyage
32. LE MERCURE
Voyage que vous fiftes icy , vous
dit tant d'agreables Bagatelles aux
Thuilleries . Vous fçavez , Madame,
combien fa converfation eft enjoüée.
C'eft un talent merveilleux pour fe
faire fouhaiter par tout . Il dit les chofes
finement , fait un Conte de bonne
grace , & il feroit prefque fans defaut
s'il n'avoit pas celuy de fe mettre
quelquefois de trop bonne humeur
quand il reçoit un Defy dans la Débauche.
Il s'oublie pourtant affez rarement
là deffus ; & s'il ne s'en corrige
pas tout à fait , c'eft parce qu'il n'aque
ce qui s'appelle un Vin gay , &
que fe donnant feulement tout à la
joye , il ne s'en eft jamais fait d'affaires
, que celle que je vous vais conter.
On l'avoit mis d'un fort grand
Repas chés Bergerat . Un Comte &
un Marquis de fes plus particuliers
Amis s'y trouverent : ils eftoient tous
deux de fa confidence , & ils avoient
habitude l'un & l'autre chez une
Dame qui ne montroit pas d'indifference
GALAN T.
33
rence pour luy. La Dame eftoit dignè
de fes foins , jeune , aimable , mais
d'une fierté à gronder long temps
pour peu de chofe.Toutes ces circon-
Itances font à fçavoir pour l'intelli-,
gence de l'Hiſtoire. On fe met à Table
, on rit , on chante, on dit des folies
, & le Cavalier porte fi loin la
joye, qu'il la fait aller jufqu'à l'excés. Il
boit la fanté des Belles , exagere leur
merite, & laiffe égarer fa raifon à force
de vouloir raifonner. Apres quelques
rafades un peu trop largement réïterées
, il fe jette fur un Lit de repos ,
l'affoupiffement l'y prend, & il eft tel
que l'heure de fe feparer arrive avant
qu'il ait ceffé de dormir. Ses Amis
fe croyent obligés d'en prendre foin.
On le porte dans le Carroffe du Comte
qui fe fait mener chez luy.Ses Laquais
le deshabillent , & on le couche fans
qu'il faffe autre chofe qu'ouvrir un peu
les yeux & fe rendormir. Ce long oubly
de luy mefme met le Comte en
humeur de luy faire piece. Il oblige
B S une
34 LE MERCURE
une de fes Amies d'aller chez la
Dame dont je vous ay fait la peinture.
Elle la met fur le chapitre du
Cavalier, & luy demande fi elle eftoit
brouillée avec luy , parce qu'il s'eftoit
trouvé en lieu où il n'avoit pas
parlé d'elle comme il devoit. La
Dame eftoit fiere , elle prend feu , &
luy prepare une froideur plus propre
à le chagriner que ne pourroient
faire fes plaintes . C'eftoit là ce que
le Comte vouloit . Il va trouver le
Marquis leur Amy commun , & concerte
avec luy le perfonnage qu'il
doit jouer. La nuit fe paffe , le Cavalier
s'éveille , & eft fort furpris de
fe trouver chez le Comte , qui entre
un moment apres dans fa Chambre.
Il s'informe de l'enchantement qu'il
a mis où il fe voit. Le Comte foûrit
, & luy demande s'il ne fe fouvient
plus de toutes les folies qu'il a
faites depuis le Repas de Bergerat.
11 luy fait croire qu'il l'avoit trouvé
chez une Ducheffe d'où il l'avoit ramené
GALAN T.
35

mené chez luy , parce qu'il n'efloit
pas dans fon bon fens. 11 adjoûte
qu'il venoit de fçavoir qu'il avoit
rendu vifite à fon Amie , à qui il
avoit dit force impertinences ; qu'on
ne luy avoit pû dire précisément ce
que c'eftoit , mais qu'elle en eftoit
fort indignée , & d'autant plus que
c'eftoit en prefence du Marquis qu'il
luy avoit dit toutes les chofes defobligeantes
dont elle fe plaignoit. Le
Chevalier ne fçait où il en eft . Il ſe
fouvient du Repas de Bergerat , mais
il ne fe fouvient de rien autre chofe.
Il ne laiffe pas d'eftre perfuadé que
comme il eft venu coucher chez le
Comte fans s'en eftre apperçeu , il
peut bien avoir fait toutes les extravagances
dont on l'accufe. Il court
chez le Marquis . Le Marquis qui
eftoit inftruit débute avec luy par une
grande Mercuriale. Il luy dit qu'il
ne comprend point comment il a
pû s'oublier au point qu'il a fait ,
qu'on ne traite point une Femme
B 6 qu'on
136
LE
MERCURE
qu'on eftime , comme il a traité fon
Amie, & qu'il meriteroit bien qu'elle
ne renouât jamais avec luy. Le Cavalier
veut fçavoir fon crime. Ce
crime eft qu'il a reproché à la Dame
devant luy qu'elle avoit de fauffes
Dents , qu'il ne s'eft pas contenté de
le dire une fois , qu'il l'a repeté , &
qu'elle en eft dans une fi grande colere
, qu'il fera bien d'aller l'appaifer
fur l'heure , afin qu'elle ne s'affermiffe
pas dans la refolution de ne luy pardonner
jamais. Je ne vous puis dire ,
Madame , fi le Marquis crut fuppofer
ce defaut à la Belle , ou s'il fçavoit
qu'il fuft effectif ; mais la verité eft
que toutes fes Dents n'eftoient point
à elle. Le malheur de les perdre eft
inévitable à bien des Gens , & on
n'eft point blamable d'y remédier ;
mais les Dames qui le cachent avec
foin , ne font pas pas bien aifes qu'on s'en
apperçoive , & il faut toûjours avoir
la difcretion de n'en rien voir.' Le
Cavalier aimoit la Dame , il donne
dans
GALAN T.
37
peu
dans le panneau , va chez elle apres
avoir quitté le Marquis ; & ne jugeant
pas qu'une injure de fauffes
Dents reprochées foit difficile à oublier
, parce qu'il ne croit pas qu'elle
en ait de fauffes , il commence par des
excufes generales d'avoir laiffé échaper
quelque chofe qui luy ait déplû.
La Dame qu'on eftoit venue avertir
du peu de confideration' qu'il
avoit montré pour elle , repond
fierement qu'elle fe mettoit fort
en peine de ce qu'il avoit pû dire
fur fon chapitre , que c'eftoit tant pis
pour luy , & qu'elle fe croyoit à cou
vert de toute forte de cenfures fi on
ne difoit que des veritez . C'eſt par
là que le Cavalier pretend qu'on luy
doit aifément pardonner puis , queftant
dans un eftat à ne fçavoir pas
trop bien ce qu'il difoit , il l'avoit
accufée d'avoir de fauffes Dents ,
elle qui les avoit fi belles & fi bien
rangées par la Nature . La Dame
qui fe fent attaquée par fon foible ne
peut
38 LE MERCURE
Le
peut plus fe retenir ; elle croit qu'apres
avoir mal parlé d'elle , il a encor
Ï'infolence de la venir infulter. Elle
éclate ; & plus elle marque de colere,
plus il demande ce qu'il y a de
criminel dans l'article fupofé des
fauffes Dents. Elle le chaffe , il s'obftine
à demeurer , revient encor à
fes Dents , & la met dans une telle
impatience qu'elle le quite , & va
s'enfermer dans fon Cabinet.
Cavalier demeure dans une furpriſe
inconcevable. Il s'adreffe à fa Suivante
, & veut l'employer à faire fa
paix . La Suivante l'entreprend , luy
demande dequoy il s'eft avifé de parler
des Dents de fa Maiftreffe , & luy
ayant dit qu'elle ne doit compte à
perfonne fi elle en a d'appliquées ou
non , elle luy fait enfin foupçonner
qu'il pourroit avoir dit vray en n'y
penfant pas. Cependant il eft obligé
de fortir fans avoir pû faire fatisfa-
&tion à la Dame . Il eft retourné dix
fois chez elle depuis ce temps - là , &
ell
e
GALAN T.
39
elle ne l'a point encore voulu recevoir.
Voila , Madame , en quel eſtat
font les choſes. Le Cavalier à découvert
depuis deux jours la piece que
fes Amis luy avoient jouée , il en eft
fort piqué , & il y aura peut- eftre de
la fuite que je ne manqueray pas à
vous apprendre.
Cependant comme j'ay déja commencé
à vous parler des Pages du
Roy dans ma derniere Lettre, j'acheve
icy ce que j'ay encore à vous dire.
Ceux qui ont toutes les qualitez neceffaires
pour eftre du nombre , font
fouvent obligez d'attendre longtemps
, cet avantage eftant recherché
à l'envy par tous ceux qui defcendent
des plus grandes Maifons du Royaume.
Comme ils fervent dans les Armées
dés leur plus grande jeuneſſe
& qu'ils meritent dans un âge peu
avancé les Charges qui leur font données
, il ne faut pas s'étonner fi la
plufpart deviennent bien- toft capables
de commander; & fi nous voyons
fou40
LE MERCURE
fouvent les premiers Emplois entre
les mains de plufieurs qui ont eu
l'honneur d'eftre élevez Pages du
Roy. Sa Majefté s'eftant renduë far
la Frontiere avec précipitation , ne
mena avec elle qu'une partie de fes
Pages. Voicy les Noms de ceux qui
la fuivirent.
Pages de la Chambre.
M. des Chapelles .
M. de Guebriant .
M. de Neuville .
Pages de la Grande Ecurie.
M. de Braque.
M. du Mets Tiercelin .
M. de Chevigny,
M. de Ganges.
M. de Serignan , aîné & cadet.
M. de Pelot .
M. de Monfrein.
Pages de la Petite Ecurie.
M, de Boifdennemets.
M. de Nadaillac.
M. de S. Gilles Lenfant.
M. de la Grange, cadet.
M. de
GALAN T. 41
M. de Renanfart .
M. de Bonnefonds, aîné & cadet .
M. de Laval.
M. de Marmagne.
M. de Boufy.
M. de Moiffet .
M. de Melun.
Je ne parleray point icy de leur
Nobleffe, perfonne n'en peut douter ,
puis que tous les Pages du Roy font
obligez d'en faire preuve avant que
d'eftre reçeus . Sa Majesté voulant
donner moyen à tous ceux dont je
viens de parler , d'apprendre le meftier
de la Guerre , les a fait fervir
tour à tour d'Aydes de Camp à fes
Aydes de Camp pendant les Sieges de
Valenciennes & de Cambray , ce qui
leur a donné lieu d'accompagner
fouvent les Officiers Generaux, & de
fe trouver dans les endroits les plus
perilleux. Je croy qu'ils ont tous
fait paroiftre un courage digne de
leur naiffance , cependant je ne puis
rien dire de particulier que de ceux
dont
42
LE MERCURE
dont le hazard ou leurs Amis m'ont
inftruit. Je fçay feulement que la
plufpart fe font fouvent échapez pour
aller comme Volontaires aux Attacques
qui fe font faites les jours qu'ils
n'eftoient point de Garde.
Mr. de Braque , d'une des plus anciennes
Maifons du Royaume , &
Mrs. de Boisdennemets & le Feron ,
fefignalerent à la tefte du Regiment
des Gardes le jour que la Ville de
Valenciennes fut emportée ; ils prirent
plufieurs Officiers des Ennemis ,
aufquels ils donnerent la vie . Ils les
mirent entre les mains des Moufquetaires
Noirs , & allerent en fuite au
Guichet de la Ville où ils arriverent
des premiers. Meffieurs de Luxembourg
& de Danjeau ayant trouvé une
grande confufion entre les Soldats
qui s'efforçoient d'entrer , peut-eſtre
dans l'efperance du pillage, ordonna
aux Pages que je viens de nommer ,
de les faire retirer fur une hauteur ,
d'empefcher qu'ils n'approchaffent .
Apres
&
GALAN T.
43
Apres avoir executé cet ordre , ils
entrerent dans la Ville , où avec plus
de prudence qu'on n'en devoit attendre
des Perfonnes de leur âge , ils
empeſcherent le lefordre , & arrefterent
quantité de Soldats qui fe prepa.
roient à piller.
Mrs. de Braque, du Mets , Tiercelin
& de la Grange , fe trouverent à
l'Attaque de la Demy-lune qui fut
priſe la veille que la Ville de Canıbray
compofa.
Les deux premiers avec Mrs. de
Ganges & de Pelot furent à l'Attaque
de la Contrefcarpe de la Citadelle
de Cambray , où ils fe fignalerent
à la tefte des Gardes . Ce dernier
eft Fils de Monfieur de Pelot
Premier Prefident au Parlement de
Rouen. Le merite de ce grand Homme
eſt affez connu , & chacun fçait
que fa haute capacité , & l'exacte ju.
ftice qu'il a toûjours renduë , & dans
cette grande Charge & dans fon Intendance
de Guyenne , luy ont acquis
aupres
44 LE MERCURE
aupres du Roy une eftime qui luy
permet l'efperance des plus importans
Emplois.
Mrs. de Serignan , aîné & cadet ,
fe diftinguerent auffi à l'attaque de la
Demy- lune qui fut repriſe.
Mr. le Chevalier de la Grange reçeut
à la Tranchée de Valanciennes
un coup de Moufquet dans le bras
qui ne luy fit qu'une contufion : Il
en eut encor une devant Cambray
qui luy fut caufée par un éclat de Grenade.
M* , du Mets-Tiercelin y eut
fes cheveux brulez en foûtenant les
Travailleurs avec M. le Chevalier
des Gaux, & Mr. de Braque .
Le Roy ayant ordonné comme je
vous ay déja marqué , que fes Pages
ferviroient d'Aydes de Camp à fes
Aydes de Camp , Monfieur le Prince
d'Elbeuf qui l'eftoit de Sa Majeſté ,
retint Mr. de S. Gilles Lenfant pour
le fien . Il eut lieu d'en eftre fatisfait
, puis que ce Page s'eſt trouvé
dans toutes les occafions perilleuses ;
il
GALAN T.
45
on
il entra dans Valenciennes avec les
Moufquetaires Gris ; il alla avec
Monfieur le Prince d'Elbeuf à la
Demy-lune qu'on prit la veille que
la Ville de Cambray fe rendit , &
il donna avec les Volontaires à l'attaque
de la Contrefcarpe de la Citadelle
, où il entra des premiers , avec
Mr. le Marquis de Malofe , & M³, le
Comte de la Vauguyon. Quand on
fut rentré dans la Tranchée
leur ordonna de prendre des Faſcines
& de les porter au Logement ,
pour donner exemple aux Travailleurs.
Mt. le Chevalier de Tilladet
qui commandoit en qualité de Brigadier
, donna quatre ou cinq Commiffions
à M. de S. Gilles , qu'il
reconnut eftre de bonne volonté , &
dont il s'acquita heureuſement. Il le
nomma le lendemain à Monfieur de
Louvois ; & Monfieur le Prince d'Elbeuf
qui rendit compte au Roy de ce
qui s'eftoit paffé pendant la nuit ,
dit auffi du bien de luy à Sa Majesté.
Le
46 LE MERCURE
Y
Le mefme fe trouva encore avec
Mrs. de Serignan à l'attaque de la
Demy -lune qui fut emportée d'abord
, & que les Ennemis reprirent ;
& lors que Mr. le Marquis d'Uxelles
vint pour encourager nos Gens , ce
Page fit une action de vigueur qui fut
remarquée . Des raifons particulieres
m'empefchent de vous en faire le
détail ; mais je ne dois pas oublier à
vous dire qu'il n'a pas moins d'efprit
que de coeur . Il a fait ce Carnaval
une vingtaine de Rondeaux fur des
Fables d'Efope , & les a prefentés à
Monfieur le Duc du Mayne d'une
manieré toute finguliere . Ils ont efté
fort bien reçeus , je vous en envoye
trois , & vous feray part des autres ,
s'ils plaifent autant dans voftre Province
qu'ils ont plû aux premieres
Perfonnes de la Cour,
A MONGALAN
T. 47
A MONSEIGNEUR
LE DUC DU MAYNE.
Q
RONDE A U.
U'un tour de Page euft affez
d'agrément
Pour vous fervir de divertiffement ,
Prince où l'efprit avec lagrace abonde ,
N'eft un bonheur où mon espoir fe fonde ,
Grandtortj'aurois d'y penfer feulement.
Mespetits Vers n'ontpoint affeurement
Du tour poly l'agreable ornement
Et l'on n'y voit, fi l'on yfait la ronde ,
Qu'un tour de Page.
Ce n'eft prifer l'ouvrage aucunement
Mais tel qu'il eft , foy d'homme qui ne
ment >
A vous l'offrir majoye eft fans feconde ,
Il eft remply de Moraleprofonde ,
Quoy qu'il nefoit, à parlerfranchement ,
Qu'un tour de Page .
DE
48. LE MERCURE
DE LA CIGALE ,
ET DE LA FOURNY.
L
FABLE
RONDEAU.
E temps n'eft plus de la belle faifon,
L'Hyver approche, & Neige àgros
flocon
Tombe du Ciel, Cigale verdelette
Ne chante plus, autrefoin l'inquiete
C'eft de difner dont il eft question.
Mais où difner ? car de provifion
Il n'en eft point, point de précaution ,
D'aller auxChamps fuccer la tendre herbette
,
Le temps n'eftplus.
Elle va droit à l'Habitation
De la Fourmy, belle reception ,
Mais rien de plus, il faut faire diette ;
Quand on eft vieux, c'est trop tard qu'on
regrette
Lesjours perdus , & de faire moiffon
Le temps n'eft plus.
A U
GALAN T.
49
AUROY ,
RONDEAU
ACROSTICHE.
Vous , Grand Roy , feroit grande
bonté
< ouloir fouffrir qu'avecque liberté ,
Où l'on gardât refpect & reverence ,
n Page vinft dire tout ce qu'il penfe
sur voftregloire ayant bien medité.
>
rande en feroit certes la nouveauté,
ieurs voudrois avoir de mon cofté,
vant qu'ofer parler avec licence
A Vous, Grand Roy.
Zon, ceferoit à moy temerité,
' autres bien mieux voftre los ont
chanté.
aifon, respect , tout m'impofe filence ,
On nepourroit malgré mafuffifance ,
trouver rien égal en majesté,
A Vous, Grand Roy.
Tome IV .. C A50
LE MERCURE
Avouez , Madame , que l'affujettiffement
à tant de Rimes ne caufe
pas peu de peine dans ces fortes
d'Ouvrages , & que lors que celuy
qui les fait en vient agreablement à
bout , il en merite plus de louanges .
A propos d'Ouvrages d'Efprit , je
me trouvay dernierement chez une
Dame qui en juge admirablement
bien , auffi voit- elle ce qu'il y a de
plus beaux Efprits en France. Elle
entend les Langues , fait des Vers
qu'il feroit difficile de mieux tourner ;
& la plufpart de nos Illuftres de l'Academie
Françoife , ne dédaignent
pas de la confulter fur leurs Ouvrages
avant que de les donner au Public .
On mit fur le tapis les trois Traitez
que Mr. le Chevalier de Meré a fait
imprimer depuis peu , & je fus ravy ,
Madame , de voir que tout le bien
qu'on en dit fe rapportât à l'eſtime
particuliere que vous en faites. L'un
fut pour le Traité de l'Eſprit , l'autre
Dame
GALAN T. 51
pour celuy de l'Eloquence , & la
Dame fe declara pour les Agrémens;
mais il n'y eut perfonne qui ne convinft
que tous les trois eftoient écrits
avec une facilité & une pureté de
langage qui ne fatisfaifoit pas moins
les oreilles , que leurs folides raifonnemens
rempliffoient l'efprit . On
parla en fuite de l'Heroine Moufquetaire
qu'on loüa en bien des chofes,
mais qu'on prit pour une Hiftoire
faite à plaifir , quoy qu'on nous la
donne pour veritable. Quelqu'un
pretendit que Chriftine qui tue fon
Frere croyant tirer fur un Sanglier ,
n'eftoit autre chofe que la Fable de
Procris & de Cephale ; & fur ce
qu'une partie de lAffembleé fut du
mefme fentiment , ut autre prit la
parole , & dit qu'il arrivoit quelquefois
des chofes extraordinaires qui
pour n'avoir rien de vray- femblable ,
ne laiffoient pas d'eftre vrayes , &
qu'on luy en avoit mandé une de
Hollande dont il ne doutoit point
C 2 que
52 LE MERCURE
que toute la Compagnie ne fuft furprife.
Il tira en mefme temps une
Lettre de fa poche étrite à Amfterdam
, & datée du 15. de Juin ; &
en ayant paffé les trente premieres
lignes, il leut l'Article qui fuit .
Il y a prefentement icy un Prophete
veftu d'une Robe de toute forte de couleurs
, laquelle n'a point de couture ,
quoy qu'elle foit de plufieurs pieces.
Elle n'eft ny de fil , ny de coton , ny de
foye , ny de laine , ny de poil , ou de
peau d'aucun Animal , & elle n'eft point
faite de main d'Homme. Je ne fçay ce
que ce pretendu Prophete peut avoir
de commun avec les Sectaterus de la
ridicule Opinion des Pré- Adamites ,
mais on fait courir le bruit que ceux
dont il tirefon origine ont précedé Adam.
Il porte une Couronne furfa tefte , &
il n'eft point marié, quoy qu'il ait plufieurs
Femmes. Elles vivent toutes avec
Luyfans jalousie , tant il établit un bon
ordre entr'elles. Il est tres-fobre , ne
vivant
GALAN T. 53
vivant pour l'ordinaire que du rubut
des Chiens. Il mépriſe l'or & l'argent ,
& n'en a jamais fait aucun cas . Il va
toujours pieds nads anßi - bien l'Hyver
que l'Efté , & il marche fort gravement.
On ne m'a pû dire de quelle
croyance il eftoit ; mais il est certain
qu'il commence à rendre fes louanges à
Dieu dés la nuit , & avant le lever du
Soleil. Il les continue prefque à toutes
les heures du jour ; & malgré ce foin il
ne pratique point l'humilité , au contraire
il eft courageux & fier. Ceux
qui fe connoiffent en phifionomie , pretendent
qu'il court rifque de ne mourir
point de fa mort naturelle , mais d'une
morte violente.
Chacun raifonna fur cette Nou
velle. Les uns dirent qu'il n'eftoit
pas furprenant qu'on vift de temps en
temps de ces faux Prophetes ou Se-
&taires en Hollande , parce qu'on y
fouffroit toute forte de Religions ,
& ils adjoûterent qu'il n'y avoit
C 3 pas
54 LE MERCURE
pas encor longtemps qu'il s'y en
eftoit rencontré un qui catechifoit &
prefchoit publiquement , & qui avoit
efté enfin confiné par le Magiftrat
dans une étroite Prifon à Embden ,
où il devoit finir fes jours ; Qu'on
n'ignoroit pas le bruit qu'avoit fait
en Angleterre pendant l'Interregne
un Quaker , ou Chefde Trembleurs,
à qui le Parlement avoit fait couper
la langue ; & que vers l'Arabie on en
avoit veu un autre depuis douze ans
qui fe difoit le Meffie ; qu'il eftoit
fuivy quelquefois de plus de cinquante
mille Hommes , & que le
Grand Seigneur avoit efté obligé
d'envoyer contre luy une Armée confiderable
pour le détruire avec fon
party.On revint à celuy de Hollande,
& il n'y eut perfonne qui ne dift qu'il
meritoit le feu , & que le Phifionomifte
avoit eu raifon de juger que fa
mort feroit violente. Il prit là -deffus
un fort grand éclat de rire à celuy qui
avoit montré la Lettre. Il ne voulut
plus
"
55
GALAN T.
plus cacher qu'il l'avoit fait écrire
pour fe divertir , qu'elle ne conténoit
qu'un Enigme , & que le Prophete
eftoit le Coq qui annonçoit la
venue du jour. On n'eut pas de peine
a faire l'application du refte , & cette
folie fut un agreable divertiffement
a ceux qui n'avoient point de part
aux férieuſes reflexions qu'on y avoit
faites .
Enfin , Madame , me voila devant
S. Omer , où l'abondance de toutes
les chofes que j'ay euës a vous dire
m'a empeſché d'arriver plutoft. Avant
que de paffer au recit de tout ce
qui s'eft fait pendant le Siege de cette
Place , je croy vous en devoir entretenir
un moment. Elle tire fon nom
de celuy de Saint Omer qui eftoit
Evefque de Teroüanne , & elle eſt ſi
forte a caufe de fa fituation , & d'un
nombre infiny de Canaux qui l'environnent
, que perfonne avant Lou's
le Grand n'avoit encore eu l'avantage
de s'en pouvoir dire le Vainqueur.
C4 Cette
56 LE MERCURE
'
Cette gloire eftoit reſervée à ſes Armes
qui luy ont fait perdre le titre de
Pucelle qu'elle avoit confervé juſ
ques là. Ses Edifices font tresbeaux ,
& elle fe peut vanter d'avoir dans
l'enclos de fes murailles une des plus
belles Abbayes de l'Europe , foit
pour ce qui regarde ſes Baſtimens ,
foit pour ce qui regarde fon Revenu.
Cette Ville eft la feconde du Comté
d'Artois. Elle eſt tres- ancienne , &
la Mer qul l'a autrefois cotoyée , n'en
eft qu'à huit lieuës. Si l'on en croit
Ortelius , le Port d'Iccius où Cefar
s'embarqua pour paffer en Angleterre
y eftoit autrefois . On voit aupres de
la Ville un Lac couvert de plufieurs
Ifles qui flotent fur l'eau . Elles vont
où le vent les pouffe , & elles font
quelquefois agitées comme des Vaiffeaux
, le vent qui donne dans les
Arbres produifant prefque le mefme
effet des voiles . Quand le calme
eft grand on attache des corde à
ces Arbres , & on tire ces Ifles où
l'on
GALAN T.
57
l'on veut. Elles font fouvent remplies
de toutes fortes d'Animaux
qu'on y mene paiftre. Les Poiffons
du Lac fe retirent deffous pour fe
mettre à couvert du froid , & pour
éviter les grandes ardeurs du Soleil ;
de maniere qu'on y en trouve toûjours
beaucoup. On voit fur ce mefme
Lac la grande & belle Abbaye de
Clairmarets.
Revenous à la Ville. Lors qu'on
fit deffein de l'affieger , elle eftoit
munie de toutes les chofes neceffaires
pour une vigoureufe refiftance.
Monfieur le Prince de Robec , de la
Maiſon de Montmorency , eftoit dedans
en qualité de Gouverneur de
la Province d'Artois , & M. le Comte
de S. Venant comme Gouverneur
de la Ville . Il eft temps de voir de
quelle maniere ils fe font defendus ,
& comment ils ont efté attaquez ;
mais il faut que je vous dife auparavant
les Noms des Officiers Generaux
qui ont fervy pendant ce Siege.
C
Mon58
LE
MERCURE
Monfieur de Humieres, Marefchal
de France.
Lieutenans Generaux.
M. le Comte du Pleffis .
M. le Prince de Soubife .
M. le Marquis de la Trouffe .
Marefchaux de Camp.
M. le Marquis d'Albret .
M. de Sourdy.
M. de la Motte , Commandant
d'Aire.
M. Stoupp.
Brigadiers.
M. d'Aubarede.
M. de Maulmont, Major General.
Plufieurs autres qui avoient mené
des Troupes a Monfieur pour la Bataille
de Caffel , ont fervy en fuite
pendant le Siege. Mr. de Tracy a efté
de ce nombre.
Aydes de Camp de Monfieur.
M. le Chevalier de Tauriac.
M. de Grave, fils .
M. de Vertot.
M. le
GALANT. 59
M. le Chevalier de Silly.
M. le Chevalier de Courtenay.
Son Alteffe Royale fit encore fervir
plufieurs autres . Je les nommeray
en vous marquant les Commiffions
qu'Elle leur donna .
M. le Marquis de la Fréfeliere a
commandé l'Artillerie.
M. de Choify a fervy de premier
Ingenieur.
Dés que Monfieur fut arrivé devant
S. Omer, il vifita tous les Quartiers ,
& choifit celuy de Blandek , parce
qu'il eftoit le plus proche & qu'il le
trouva le plus commode pour avoir
fouvent des nouvelles de ce qui fe
pafferoit. Il ne fit pendant plufieurs
jours que reconnoiftre la Place , examiner
par où elle pouvoit eſtre fecourue
, & obferver les Poftes qui
nous pouvoient nuire. Les Ennemis
occupoient deux Redoutes dans lefquelles
il y avoit du Canon . Elles
furent emportées par des Détachemens
de Navarre , des Vaiffeaux &
C 6 de
бо LE MERCURE
de Conty. Pendant ce temps ceux de
de la Place qui eftoient maiftres du
Fort de S. Michel , fitué fur un Tertre
naturel , également élevé de tous
coftez , travailloient à faire achever
l'embelliffement de ce Fort , comme
s'ils euffent eu deffein de faire admirer
ce Bijou apres la réduction de
la Ville , puis qu'il leur a toûjours
efté inutile , quoy qu'il fuft le plus
parfait de leurs Ouvrages. Quelques
jours apres que la Place eut efté
bloquée , un Cornete qui n'avoit pas
encor quatorze ans , combatit feul à
feul contre un Colonel ennemy qui
avoit la mine d'un Mars , & le fit prifonnier.
Monfieur ne put ouvrir la Tranchée
fi-toft qu'il auroit voulu . Il avoit fi
peu de Troupes que les Quartiers
n'auroient pû fe donner du fecours les
uns aux autres. La circonvalation
eftoit grande , & il eftoit impoffible
qu'elle fuft autrement à caufe des
Marais ; de maniere qu'il faloit plus
de
GALAN T. 61
de cent mille Hommes pour attaquer
cette Place dans les formes ,
où qu'elle fuft affiegée par des François
que le nombre n'a jamais épouvantez.
Les Ennemis firent une Sortie
avant que la Tranchée fuft ouverte.
Ils eftoient cent Hommes commandez
par le Major de la Place : ils
attaquerent d'abord avec vigueur une
Baterie & un Logement que Son Alteffe
Royale avoit ordonné pour la
foûtenir . Cette Baterie devoit fervir
contre le Fort des Vaches qu'Elle
avoit réfolu de faire attaquer.
Mr. d'Albret foûtint quelque temps
les Ennemis , puis il les pouffa l'épée
à la main . Il eut un Cheval tué fous
luy. Mr. le Chevalier de Souvray fit
merveilles en cette occafion, M. le
Marquis de la Vieuville s'y trouva ,
& fon Ecuyer fut tué à fes coftez . Le
Major de la Place qui commandoit la
Sortie fut pris avec fon Ayde- Major ,
à vingt pas de la Gontrefcarpe.
Mon-
.
62% LE MERCURE
Monfieur ayant reçeu le 2. Avril
quelques Troupes , & des ordres du
Roy pour l'ouverture de la Tranchée
, donna les fiens dans tout fon
Camp , & fit preparer toutes chofes
pour l'execution de ceux de Sa Ma--
jeſté.
La Nuit du 4 au 5 .
On ouvrit la Tranchée. Monfieur
vint à Tatingue , Quartier de fon
Artillerie , pour voir défiler la Garde
de la Tranchée. Il s'avança en fuite
à l'endroit où eftoit poftée la Garde
de la Cavalerie , afin de voir porter
toutes les fafcines , & d'encourager
par fa prefence les Soldats à faire
beaucoup de travail. Son Alteffe
Royale ne quitta qu'apres minuit ,
quoy que fon Quartier fuft éloigné de
plus d'une grande lieuë , & que pour
y retourner il faluft paffer dans des
lieux marécageux , dont des gens
moins ardens pour la gloire que des
François n'auroient pù fortir. Les
Soldats ne laifferent pas d'avancer
malGALANT.
63
malgré le mauvais terrain ; & l'on
peut juger de la peine qu'ils eurent
par l'avanture qui arriva à un Gentilhomme
de Monfieur le Chevalier de
Lorraine. Il enfonça fi avant dans les
boues , que ne pouvant fe retirer , il
demanda le fecours de deux Soldats :
il en fut quite pour les bottes qui y
refterent , & pour quelque argent
qu'il donna à ceux qui luy prefterent
la main. On monta la mefme nuit la
Tranchée du cofté du Fort des Vaches
, & l'on fit quelques Logemens
für la Digue du cofté de la grande
Attaque.
Le 5 au matin.
Les Ennemis qui n'avoient pas fait
grand feu pendant la nuit , tirerent le
matin cinq cens coups de Canon ,
dont un boulet emporta Mr. de Vins
Brigadier de Cavalerie.
Lanuit du 5 au 6.
Les Travaux fejoignirent. On fit
des communications , & l'on avança
jufques à fix-vingt pas de la Contrefcarpe.
Le 6.
64
LE MERCURE
1 Le 6.
Monfieur de Soubiſe qui avoit fait
conduire le Canon pendant la nuit ,
le fit tirer de fort bonne heure , &
il fut tres- bien fervy. Monfieur de
Sourdy fit auffi travailler à une Baterie.
Nos Détachemens poufferent
leur Travail du cofté du Fort des
Vaches , & chafferent pendant le
jour les Ennemis de leurs Logemens.
On acheva un Batardeau pour détourner
le cours de la Riviere , &
l'on prit un Soldat chargé d'une Lettre
du Duc de Villa-Hermofa , qui
mandoit aux Affiegez qu'ils feroient
fecourus.
La nuit du 6 au 7.
On pouffa des Ramaux. L'eau fut
détournée , & donna lieu de faire
quelques Logemens. Une nouvelle
Batterie commença à tirer.
La nuit du 7 au 8.
Monfieur ayant choifi le Regiment
des Dragons Dauphins pour attaquer
le Fort des Vaches , ordonna à Monfieur
GALAN T. 65
fieur le Comte de Longueval qui le
commende , de fe trouver à l'entrée
de la nuit avec les fix Compagnies
de fon Quartier à l'Abbaye d'Arque,
où Mr. de Chevilly , Lieutenant Colonel
le devoit joindre avec les fix
autres qu'il commandoit , La Compagnie
des Grenadiers du Regiment
de Humieres eftoit au Rendezvous
pour faire ce qu'on ordonneroit.
Avant toutes chofes Mr. de
Longueval fit deux Détachemens de
foixante Hommes commandez chacun
par les deux premiers Capitaines
de fon Regiment , pour foûtenir
les Grenadiers & commencer l'Attaque.
Les fix premieres Compagnies
marchoient apres eux , & les
fix autres fuivoient à quelque diftance
. Il eftoit demeuré beaucoup de
Dragons pour garder les deux Quartiers
, & il ne reftoit que quatre cens
Hommes pour l'Attaque. Les chofes
eftant ainfi difpofées , on marcha
le long de la Digue droit à
la
66 LE MERCURE
la Baterie , où ayant pris les ordres
de Mr. le Comte du Pleffis d'ataquer
aux trois premiers coups de Canon
qu'on tireroit , on avança environ
cent pas derriere un petit Logement
que les Ennemis avoient abandonné ,
& que les Noftres occupoient pour
lors. Le terrain pour aller jufqu'au
Fort eft tres-difficile . Sur la gauche,
la Riviere eft le long de la Digue.
Elle paſſe au pied du Fort , & luy fervant
d'avantfoffé va entrer dans Saint
Omer. Au delà de la Riviere il y a
une Campagne inondée jufques à la
Ville. Sur la droite eft un autre bras
de Riviere, qui tombant pareillement
à l'autre cofté du Fort , va paffer aupres
de la Contrefcarpe de la Place
fans y entrer, Le terrain qui eft au
de la de cette Riviere n'eft pas fi inondé
que celuy de la gauche , mais il
eft tellement plein de Canaux & de
Foffez , qu'il eft preſque impoffible
de le traverfer ; fi-bien que pour aller
au Fort , il faut de neceffité marcher
entre
GALANT. 67
entre deux Rivieres dont le terrain de
l'une à l'autre n'a pas vingt pas de
front aux endroits les plus larges .
L'heure de l'Attaque approchant , on
fit rafer une partie du Logement
dont on a parlé cydeffus , pour pouvoir
paffer plus ailément , & Mr. de Chevilly
ayant eu ordre de M¹ . de Longueval
de marcher , pendant que
de
fon cofté , pour ne point perdre de
temps , il eftoit occupé à faire porter
des Échelles & des clayes , il s'avança
à deux cens pas du Fort. Il fit mettre
alors tout fon monde fur le ventre ,
& alla reconnoiftre à quelle diſtance
on en eftoit , & fi fans eftre découvert
on pouvoit encor s'en appro¬
cher. Il trouva que cela fe pouvoit ,
les Ennemis n'ayant point de Sentinelle
avancée; fi- bien qu'on fe trouva
infenfiblement à cinquante pas du
Fort . Le foin qu'avoient eu les Grenadiers
de cacher leurs méches , &
le filence qu'on obferva dans tous les
mouvemens qu'on fit › contribua
beau68
LE MERCURE
beaucoup à faire furprendre l'Ennemy
qui ne fe réveilla qu'aux trois
coups de Canon qu'on tira environ
deux heures avant le jour. Alors nos
Gens commencerent par un grand
feu , mais celuy des Ennemis eftant
fupérieur & plus feur , parce qu'ils
ne tiroient qu'à couvert , nos Grenadiers
, & noftre premiere troupe
de Dragons fe trouverent bientoft
hors de combat , la plufpart des Officiers
furent tuez ou bleffez . Lafeconde
Troupe eftant rebutée par ce
méchant fuccés , avoit de la peine
à fe réfoudre de donner ; fi-bien que
Mr. de Chevilly fut obligé de faire
marcher les fix premieres Compagnies
, à la tefte defquelles eftoient
tous les Officiers. Il les mena à la
Paliffade , & pour payer d'exemple ,
il fauta par deffus , n'ayaut trouvé
aucune ouverture , parce que le Canon
ne l'avoit aucunement endommagée.
On en arracha quelquesunes
; mais , foit par la difficulté
d'enGALAN
T. 69
d'entrer , foit par la trop grande defence
des Ennemis , M. de Chevilly .
ne fut fuivy que des Officiers , &
d'un fort petit nombre de Dragons ,
mais il les trouva d'une fi bonne volonté
, qu'apaes avoir paffé deux Foffez
pleins d'eau , ils les chafferent
l'épée à la main d'un ouvrage à l'autre
, jufques au chemin couvert de la
Redoute. Ce fut là où ils firent plus
de refiftance , & leur Commandant
ayant raffemblé les Officiers que les
Noftres trouverent tefte pour tefte ,
on difputa long-temps le terrain , &
il y eut de fort grands coups de main
donnez. Mr. de Chevilly fut bleffé
dans ce moment . Le Commandant
luy ayant porté un coup de Pertuifanne
dans la cuiffe , qui ne l'ateignit
que legerement , il fauta à luy pour
la luy arracher ; mais s'eftant trop
avancé , il fe trouva envelopé de fept
ou huit Officiers des Ennemis , &
fut en mefme temps bleffé à l'épaule
d'un coup dont il tomba , & les
En70
LE MERCURE
Ennemis ne fe trouvant plus preffez
des Noftres , eurent le loifir de fe
retirer dans leur Redoute , aparemment
pour y faire leur compofition ,
mais cela ne leur fervit de rien , car
Mr. de Longueval qui attaquoit le
long de la Digue avec les fix autres
Compagnies , & qui avoit toûjours
chaffé les Ennemis devant luy avec
beaucoup de vigueur , & tué tout ce
qui luy avoit fait reſiſtance , ſe trouva
à mefme hauteur fur la Redoute. Les
Ennemis qui fe virent pris des deux
coftez , perdirent toute efperance , &
mettant les armes bas , ils demanderent
quartier. Il n'y eut que le Colonel
Forfaits leur Commandant qui
n'en voulut point recevoir , & qui
aima mieux fe faire tuer , que fe rendre.
On prit douze Officiers , & environ
cent Soldats ; le refte fut tué ,
le grand feu des gouldrons éclairant
fi bien , qu'on put aifément n'en laiffer
échaper aucun. Ainfi finit cette
affaire , & l'on peut dire que dans
cette
GALAN T. 71
cette Action il s'eft fait des chofes
d'une intrépidité & d'une bravoure
qu'il feroit difficile d'exprimer. Les
Officiers & les Soldats ennemis
avoient efté choifis fur toute la Garnifon
pour defendre ce Pofte qui leur
eftoit de la derniere confequeuce ,
comme il a paru dans la fuite par la
prife de la Ville , & il faloit autant
d'opiniâtreté & de fermeté qu'on en
eut pour le forcer. Tous nos Officiers
y firent éclater beaucoup de valeur
; mais ceux qui s'y font le plus
diftinguez , aprez Mr. le Comte de
Longueval fur qui roule tout l'honneur
de l'Action , font Mrs. de Cazemont
, le Chevalier de Montmas , &
l'Angellerie , tous trois Capitaines ,
& tous trois bleffez : le premier en
eft mort. Mrs, le Roux Major y a
auffi tres-bien fait.
La priſe de ce Fort a efté une des
plus vigoureufes Actions dont on ait
ouy parler depuis long - temps. II
avoit elté attaqué depuis quatre ou
cinq
72
LE MERCURE
cinq jours par Tranchée ouverte , &
il avoit efté batu inutilement par
vingt- quatre Pieces de Canon . On
força dans la mefme nuit trois Retranchemens
, & l'on paffa un nombre
infiny de Canaux qui defendoient
l'approche du Fort . Il eft de figure
ronde , conftruit de gazon & de terre
à l'épreuve du Canon. Il y a une Redoute
au milieu , encor de figure
ronde , toute de brique , fur laquelle
il y avoit plufieurs Pieces d'artillerie.
Elle eft plus élevée que le Fort. Le
tout eft environné d'un grand Foffé
plein d'eau de dix-huit à vingt pieds
de large , fur lequel il n'y avoit qu'un
petit Pont de deux planches pour
entrer dans le Fort. On l'attaqua ,
partie à la nage , & partie fur les deux
planches. Mr. le Comte de Longueval
entra dedans des premiers a la
tefte de quelques Dragons , & força
les Ennemis qui s'eftoient retirez
dans la Tour. Monfieur le Marefchal
de Humieres , & Monfieur le
CheGALAN
T. 73
Chevalier de Lorraine, vinrent quelque
temps apres voir ce Fort : ils furent
furpris , & ne croyoient pas qu'il
fuft fi confiderable. Ils feliciterent
Mr. le Comte de Longueval de l'action
qu'il venoit de faire. Cependant
il arriva des Nouvelles à Monfieur
de la marche du Prince d'Orange
, & il envoya Mr. le Chevalier de
Tillecourt dire à Monfieur le Marefchal
de Humieres , à Monfieur le
Chevalier de Loraine , & à M², le
Conte du Pleffis , qu'il avoit quelque
choſe à leur communiquer. Ces Meffieurs
le vinrent trouver , & on fe
prepara
pour la Bataille . Je n'ay plus rien
à vous en dire ma feconde & ma
troifiéme Lettre vous en ont affez
parlé. Laiffons - les donc aller au
Combat, & jufques à leur retour parlons
d'autre chofe que de la Guerre.
Pendant qu'on preffoit en mefme
temps les Sieges de Cambray & de
S. Omer , voicy des Vers qui furent
faits à la gloire du Roy , & que je
Tome IV .
'
D ne
74
LE MERCURE
ne doute pas que vous ne lifiez avéc
plaifir. Je fuis fâché de n'en connoitre
pas l'Autheur pour vous le nomner.
Il luyfera toûjours avantageux
d'avoüer un Ouvrage de la force de
celuy-cy. Il feint que Pallas prefente
Monſeigneur le Dauphin aux Mufes ,
& qu'elle leur parle ainfi fur le Par.
naffe.
STANCES.
Ous les deux Noms que l'on me
donne ,
SO
Je joins aux dons de Mars vos aimables
prefens ;
Je préfide aux Héros, je préfide aux
Sçavans ,
Et ma main tour à tour de Lauriers les
couronne ;
Fay fait du Grand Louis le plus
grand des Guerriers ,
Fay remplypour vos Arts ce Prince de
Lumiere;
Mais
GALANT.
75
Mais il faut que le Fils cherche icy des
Lauriers ,
Fay cüeilly tous les miens pour couronner
le Pere.
Des Actions fi furprenantes ,
Obligent la Victoire à me les arracher;
A peine pour ce Roy j'ay le temps d'en
chercher ;
Qu'ils me font enlevez par ses mains
triomphantes ;
Son bras fait des Exploits qu'on n'euft
ofé penfer,
Quand mefme ils font publics, à peine ils
font croyables ;
Et ces Murs qu'en huit jours nous l'avons
veuforcer ,
Avant que d'eftre pris eftoient crus imprenables.
Mais c'eft encor peu pour fa gloire ,
Ce Cambray fi fameux qu'il réduit aux
abois ,
Auroit en moins de temps déja reçeu fes
Loix ,
D 2 S'il
76 LE MERCURE
S'il vouloit à demy remporter la victoire.
Saint Omer le va fuivre , & mon plus
grand employ,
C'eft de tenir toujours plufieurs Couronnespreftes
;
Ayez donc foin du Prince , & j'auray
foin du Roy,
Travaillez pour l'Etude , & moy pour
Les Conqueftes.
Mais quoy ! vous marquez de la
crainte
Depuis qu'un fi beau Prince eft dans voftreséjour;
Mufes , vous le prenez peut- eftre pour
l'Amour ,
Et voftre liberté redoute quelque atteinte
? (peur:
Non, non , défaites- vous de cette injufte
Quoy qu'il ait de l'Amour les traits &le
vifage ,
L'Illuftre Montaufier eftant fon Gouverneur
,
Quand il feroit l'Amour ,
l'Amour fage.
auroit fait
Mais
GALAN T. 77
Mais voftre erreur eft fans égale ,
Si de ce Dieu volage il a les agrémens
,
Son ame a des attraits mille fois plus
charmans
Que ceux que vous voyez quefon visage
étale.
Elle eft grande, elle est belle, & dans fon
jeune coeur
Naiffent des fentimens d'un fi beau caractere
,
Qu'en y reconnoiffant l'esprit du Gouverneur,
Ony remarque außi la majefté du Pere.
Tous vos Emploisfont fes delices ,
Son efpritypenetre avecfacilité,
Et dans fa Cour fçavante on voit à ſon
cofté
Ceux qui font les premiers dans tous vos
Exercices
s;
Il vous rend bien l'éclat qu'il reçoit de
vos Arts ,
Donnez-luy donc au moins fon rang fur
le Parnaffe :
D 3
Vous
78 LE MERCURE
Vous avez élevé les plus grands des
Cefars ,
Ce Prince avec raifon doit occuper leur
place.
J'adjoûteray à ces Stances une
Lettre écrite à Madame la Marquife
de Louvois par Monfieur Galand ,
Secretaire du Cabinet . Vous la trouverez
d'une nouveauté finguliere.
Elle eſt toute en differeus Couplets
de Chanfon fur les Airs les plus connus
. Madame de Louvois eftoit allée
paffer quelques jours à la Campagne ,
& Mr. Galand qui ne le cede à perfonne
en délicateffe d'efprit , euft eu
peine a luy marquer plus agreablement
le chagrin qu'il avoit de fon abfence.
La Lettre eft en partie fur les
grandes Actions du Roy , & c'eft
pour cela que j'ay crû la devoir placer
icy.
LE TGALANT.
79
LETTRE
EN CHANSONS ,
-Sur le Chant de Lancelot
Turpin.
F
Lore dans nos Champs
Eft enfin defcenduë ,
Les Oyfeauxpar leurs chants
Annoncent (a venuë ;
Mais quefert le Printemps
Quand on vous a perduë ?
>
Sur le Chant de Réveillez- vous:
Belle endormie.
Du Zephir la douce influence
Change en vain nos Bois &nos Prez ,
Nous ne fentirons fa prefence ,
Que dujour que vous reviendrez.
Sur l'Air du Traquenart.
Madame , quefaites - vous
De vous éloigner de nous ?
D 4
De
80 LE MERCURE
De mapropre main ,
Si je croyois mon courage ,
De ma propre main
Je meperceroisle fein.
Sur l'Air de la Bordeaux.
A qui connoift voftre beauté charmante ,
Comme nous faifons tous ,
Toutefaifon eft aimable & riante
Quifepaffe avec vous.
Nul temps n'eft doux
Quand vous eftes abfente ,
Et c'est par le mefme efprit
Que l'heureux Coulange rit ,
Et Galand lamente.
Sur le Chant de l'Echelle du Temple.
Je ne haypoint les Espagnols ,
Tant que Coulange & que Bagnols.
Ils ont eux-feuls tout l'avantage ,
Tous les plaifirs, & tout l'honneur ,
Et ne nous laiffent enpartage ,
Que d'enrager de leur bonheur.
Sur
GALAN T. 81
Sur le Chant de Landeirette.
Mais à quoy bon tant de douleurs ?
Nos cris, nos foupirs & nospleurs ,
Landeriette,
Ne vous ramenent pas icy,
Landeriette.
Surf'Air de Fichue eft toute prefte.
A tous lesgens de bongouſt ,
Fay toûjours ouy dire
Que quand l'adreffe eft à bout ,
Ilfaut benir Dieu de tout ,
Et rire, & rire, & rire.
Sur le Chant de l'Année eft bonne.
Mais venons à noftre Grand Roy ,
A luy voir tout remplir d'effroy ,
Il n'eft bon François qui n'entonne ,
L'Année eft bonne.
Sur le Chant de Puiſſant Ray.
Il n'eft pas permis de s'affliger
Sous fes Loix Lou I s va tout ranger .
Celebrons les Miracles étranges ,
D'S
Qu'ont
82 LE MERCURE
Qu'ont fait pour nous fon efprit & fon
coeur ,
A l'envy prodiguons nos louanges ,
C'eſt lefeul bien quiflate le Vainqueur .
Sur l'Air Beuvons à nous quatre.
Mais quoy qu'on l'adore ,
On a du dépit.
De voir qu'au bout du Recit
Il en refte encore
Plus qu'on n'en a dit.
Sur l'Air de Frere Frapart,
Nous cefferons enfin d'entendre
Comparer au plus grand des Roys ,
Achille, Cefar, Alexandre ,
Et tous les Héros d'autrefois :
Quel que foit l'éclat qu'on leur donne ,
Ce qu'eft Louis nul n'ajamais efté ,
Il n'imitajamais perfonne ,
Et ne fera point imité.
Sur le Chant du Poulailler de
Pontoife.
Quelque éloge qu'il nous coûte ,
Ayons- en toujourspour luy ,
A
GALANT
A cent ans comme aujourd'huy
Puiffe.t-il eftre fans goute ;
Qu'à fes pieds il ait cent Rois ,
Qu'à la Chine on le redoute ;
Et pour tout dire à lafois ,
Qu'il ait encorfon Louvois.
Sur l'Air des Sauts de Bordeaux.
Dans le mefme Sacrifice
Où Loüis eft adoré,
Son Miniftre avecjuftice
Se voit außi réveré :
Toutemédifance créve ,
L'envieux tombe en defaut
Lors quela vertu s'éleve
Jufqu'au degréle plus haut.
Sur le Chant de Vous avez
trois Filles.
Cette grande Brune &
Dont il est Mary,
N'est pas la moindre fortune
De ce fage Favory.
D 6 Sur
84
LE MERCURE
Sur le Chant des Feuillantines.
Finiffons, car du Meftier
De lower ,
Il nefautpas fe jouer
De tout ce que l'on révere
Ilfait bon
Il fait bon ne parler guere.
Sur l'Air de ✶✶✶✶
Croyez donc que l'Autheur
Tres fatigué d'écrire ;
Croyez donc que l'Autheur
Est voftre Serviteur.
Je fuisfans ceremonie
Le tres- fidele valet
De la noble Compagnie
Qui n'aura que ce Coupler::
pas
Retournons à S. Omer , nous n '
demeurerons gueres : ce n'eft
l'ordinaire des François d'eftre longtemps
devant une Place. La nuit que
Monfieur partitde Blandec , on abandonna
l'attaque de Tatingue , &
Kon
GALAN T. 85
l'on en tira tout le Canon , que l'on
conduifit à Arques. On fe contenta
de garnir la Tranchée des Vaches
fous le commandement de Mr. de
la Trouffe & de Mr. Stoupp. Mr. de
Tracy les y vint joindre apres avoir
mené neuf Bataillons à Monfieur,
Le Gouverneur de S. Omer n'eut
pas plutoft appris que l'on eftoit aux
mains , qu'il fit tirer tout fon Canon
, & voulut perfuader au peuple
que le Prince d'Orange avoit
gagné la Bataille . On en fit autant
dans noftre Camp , pour la Victoire
que Son Alteffe Royale avoit remportée.
Après la défaite des Ennemis
Monfieur demeura huit jours
dans fon mefme pofte , pour empefcher
que le Prince d'Orange ne jettât
quelques Troupes dans S. Omer
du débris de fon Armée , & pour
faire fubfifter fa Cavalerie qui trouvoit
du fourage au delà du Canal.
Pendant ce temps , Son Alteffe Royale
envoyoit tous les jours quatre
Batail
86 LE MERCURE
Bataillons monter la Garde de la
Tranchée à l'attaque du Fort des Vaches
, & fit faire une Baterie de vingt
pieces qui ne tira que fix jours apres, à
caufe du mauvais temps & de la difficulté
qu'il y avoit à mener le canon .
Il falut que la Cavalerie portât des
fafcines pendant deux jours , & l'on
fut obligé de fe fervir des Suiffes pour
mettre les vingt Pieces en Baterie..
Reprenons l'ordre que nous avons
interrompu. Si l'on n'a pas pouffé le
Travail pendant quelques nuits , on
a gagné une Bataille , & preparé toutes
les chofes que je vous viens de
marquer.
La nuit du 15 du 16.
·
On pouffa la Tranchée à la gauche,
on approcha de l'avant- foffé, à la
Contrefcarpe , on fit un Logemeut
fur la Digue , & une communication
à un autre , on mit encor quatorze
Pieces de canon en Baterie L
La nuit du 16 au 17.
On étendit les Logemens .
Le 17.
GALANT. ! 87
Le 17 A
On travailla à une Baterie de vingt
Mortiers . Mr. de la Motte Marefchal
de Camp, reçeut an coup de
Moufquet à la tefte.
La nuit du 17 au 18
Quelques Ingenieurs ayant affuré
que nous n'eftions pas à cinquante
pas de la Contrefcarpe , & qu'il eftoit
tres-facile de paffer l'avant-foffé,
on refolut de l'ataquer : on leur donna
pour cela autant de Travailleurs.
& de Grenadiers qu'ils en demanderent.
Mr. de la Cardonniere Lieutenant
General commandoit la gauche
, Mr. Stoupp la droite , & Mr. de
Villechauve Brigadier le corps du
milieu. L'impatience où Monfieur
eftoit de fçavoir ce qui fe paffoit ,
luy fit envoyer Mrs, d'Afpremont ,
d'Obfon , de Tellecourt & de la
Cauviniere , pour en avoir des nouvelles
de moment en moment. Le
Signal donné , les Grenadiers de
la gauche , commandez par Mr. le
.
Mar38
LE MERCURE
Marquis de la Frefeliere , s'avancerent
à découvert ; ils marcherent
bien deux cens pas , effuyant tout le
feu de la Contreſcarpe , da Chemin
couvert de la Demy- lune & du Rempart
; ils ne laifferent pas d'approcher
des paliffades . Quelques-uns
mefme montrerent tant d'intrépidité
,
qu'ils s'abandonnerent dans la
Contrefcarpe ; mais il fallut fe contenter
de faire un Logement à quinze
pas du bord de l'avanr-foffé . M³ , le
Marquis de la Freſeliere y reçeut un
coup de Moufquet dans le ventre ;
dont il mourut le lendemain . Mr. de
la Frefeliere fon Pere prit la place ,
& fe mit à la tefte de fon Regiment
pour foûtenir les Travailleurs. Cette
Action fut d'autant plus admirée ,
que l'eftat où eftoit fon Fils , & ſa
Charge de Lieutenant General de
l'Artillerie , pouvoient l'empefcher
de s'expofer de la forte. Mr. de Villechauve
fut bleffé au genouil en faifapt
auffi faire fon Logement, Monfieur
GALAN T. 89
fieur aprenant ce qui s'eftoit fait dit
Qu'il ne s'eftoit paint trompé , & qu'
avoit bien cru que c'eftoit tout ce qu'on
pourroit faire.
La nuit du 18 au 19
On s'étendit par des fapes fur l'avant-
foffé , on fit un établiffement
d'environ cinquante pas , & l'on commença
à jetter des fafcines pour combler
l'avant -foffé. Les Ennemis abandonnerent
le Fauxbourg du Haut-
Pont , M. Phifer Brigadier fe jetta
dedans .
La nuit du 19 au 20
On continua le mefme Travail
pour embraffer l'avant -foffé.
Le 20
Les Ennemis voyant que Monfieur
eftoit revenu depuis quelque temps
à fon Quartier de Blandec , & que
fes Troupes eftoient toutes fur la
hauteur d'Arques , battirent la cha
made fur les fix heures du foir. On
donna des Oftages de part & d'au
tre , & Monfieur envoya les Articles
au
90
LE MERCURE
au Roy par Mr. le Chevalier de Nantouillet
fon Chambellan ordinaire.
Sa Majefté ne les voulut point voir ,
& dit , Que Son Alteffe Royale avoit
trop bien commencé, pour ne pas achever
de mefme. Monfieur accorda aux
Affiegez de fortir avec armes & bagage
, & deux Pieces de canon .
Ils fortirent deux mille Hommes de
pied , & plus de cinq cens Chevaux .
Son A. Royale entra dans la Ville ,
& fit chanter le Te Deum. Elle fit
en fuite le tour des Remparts , &
alla voir toute l'Innondation , & les
Marais qui font du coſté du Haut-
Pont.
Toute la Maifon de Monfieur n'a
pas fervy avec moins d'ardeur , tant
qu'a duré ce Siege , qu'elle a fait le
jour de la Bataille. Ceux mefmes
dont l'employ n'eftoit point de tirer
l'épée , firent voir qu'ils fçavoient
s'en fervir dans les occafions. Mr. de
Mannevilette Secretaite des Commandemens
de Son Alteffe Royale
dont .
GALAN T. 91
dura le
dont j'ay oublié à vous parler , fut de
ce nombre. Il prit la place de Mr. le
Chevalier de Silly , Ayde de Camp
de Monfieur , qui fut tué dés le commencement
de la Bataille , & s'acquita
de cet employ tant que
Combat , de mefme que s'il n'euft
fait autre choſe toute fa vie. Je dois
vous dire encore que celuy dont je
vous ay parlé fous le nom du Chevalier
Tillet , dont le Cheval fut
bleffé aupres de Son Alteffe Royale ,
eft Mr. le Chevalier de Tillecourt.
Quoy que je vous aye déja entretenu
des Ifles flotantes , je ne puis
m'empefcher de vous dire encore
une choſe tres -particuliere & trescurieuſe
touchant ces lles là. Ilya
environ une centaine d'Habitans qui
les font mouvoir , & qui avec la permiffion
des Souverains de S. Omer ,
compoſent entr'eux une espece de
petite Republique, Ils ont leurs
Loix , & pour perpetuer leur race
fans fortir de leurs Ifles , tous les
Cou92
LE MERCURE
Coufins peuvent époufer leurs Coufines.
Le Roy confirma leurs Privileges
, & leur donna une fomme confiderable,
Mais , Madame , il eft temps que
je vous ramene de Saint Omer a Paris
, où je croy que vous ne ferez pas
fâchée d'accompagner la Ducheffe
au College de Clermont. Leurs Alteffes
Sereniffimes Monfieur le Prince
& Monfieur le Duc, qui ont bien
voulu confier le jeune Duc de Bonrbon
aux Peres de ce College pour
y faire les Etudes , l'y avoient a mené
depuis fix mois , & Madame la
Ducheffe fut bien aife il y a quelque
temps de leur venir témoigner elle
mefme ,
• qu'elle fe tenoit obligée
de leurs foins. Plufieurs Damnes
de la premiere Qualté eftoient
avec elle ; & les Jefuites quifçavent
toûjours bien faire les chofes , répondirent
à l'honneur qu'elle leur faifoit
par tous ceux qui font deus à une
Perfonne de fon rang. Ils ne fe contenGALAN
T.
93
tenterent pas de luy marquer euxmefines
combien ils eftimoient la
grace qu'il luy plaifoit de leur faire.
Ils choifirent deux de leurs plus confiderables
Penfionnaires , qui fuivis
de quantité d'autres des plus Illuftres
Maifons de France , luy vinrent faire
compliment , & fe fervirent pour
cela des Vers que je vons envoye.
Mr. le Prince de Tingry commença
par ceux- cy , & vous ne sçauriez
croire , Madame , avec combien de
grace il les prononça. C'eft le Fils.
aîné de Mr. le Duc de Luxembourg ,
& fon nom fuffit pour vous faire
concevoir à quels importans Emplois
il eft un jour deſtiné par fa naiffance.
Il a tout à fait de l'efprit auffibien
que Mr. le Marquis de la Chaftre
qui fut choifi comme luy pour
eet Employ, & ils marquent l'un &
l'autre , je ne fçay quoy de grand qui
répond parfaitement à ce qu'ils font
nez.
$
Deux
94 LE MERCURE
DE
Eux Princes , deux Héros fameux
également ,
Nous ont depuis fix mois fait un honneur
Semblable
A celuy que de vous , Princeffe incomparable
,
Nous recevons prefententement.
C'est un honneurpour nous trop remarquable
Pour ne pas en fçavoir le temps précifement:
Mais il n'eft pas de fort grande importance
De vous dire les Noms de ces Hérosfa-
4
meux ,
Iln'eftpoint de Héros en France
Plus grands & plus illuftres qu'eux.
En mille autres Pais on les connoit tous
deux ,
On les connoit en Flandre , en Allema-
1
gne ;
Et mefme dans toute l'Espagne
On trouve peu de Noms plusfameux que
le leur.
En
GALAN T.
95
On doit l'avoir appris en plus d'une Campagne
,
1
Car on fçait toujours bien le Nom de fon
Vainqueur.
Il n'enfaut point de marques plus certaines
,
Je dis affez leur Nom ne difant que cela,
Et des Héros comme ceux-là
Nefe trouvent paspar douzaines.
I'accourus pour les voir , & j'y ferois
venu
De la plus lointaine Province .
Ils avoient avec eux un jolypetit Prince,
Qui vous eft außi fort connu.
Déjadans toute fa maniere
Il fait d'un vray Héros paroistre l'ame
fiere:
Il a lesyeux brillans, pleins de feu, pleins
d'esprit ,
Et c'eft le Portrait en petit.
De fon Ayeul & de fon Pere.
Ce n'eftpas tout que la fierté;
Je reconnus d'abord en voyant fa beauté,
Qu'il pouvoit bien außi reſſembler à ſa
Mere.
Außi
96
LE MERCURE
Außi toft pour tout Compliment
On reçita des Vers de chaque efpece ,
Vous meriteż , grande Princeffe ,
Qu'on en faffe pour vous autant .
Mais nous fommes des Gens étranges ,
Nous voyons peu de Princeffes chez
nous ,
Et le College enfin n'apprend point de
loüanges
Pour dire aux Dames comme vous.
Il nous feroit moins difficile
De louer de Condé la force & les Exploits
,
>
Nousfommes icy plus de mille
Prefts à dire pour luy tous les Vers que
(fois. Virgile
Pour de moindres Héros compofoit autre-
Mais je nepense pas que Virgile ou quelque
autre
Des mieux difans dans l'Empire Latin,
Ait jamaisfait un Eloge affezfin
Pour en pourvoir tirer le modele du voftre.
Ainfi fçachant commeje fais ,
Que le mieux quelquefois pour ſe tirer
d'affaire ,
C'est
GALAN T.
97
i
C'eft d'admirer & de fe taire ,
Princeffe , j'admire & me tais.
Apres que M. le Prince de Tingry
eut fait ce Compliment à Madame
la Ducheffe , Mr. le Marquis de
la Chaſtre luy fit le fien par les Vers
qui fuivent , & reçeut beaucoup de
louanges de la maniere dont il les recita.
Il eft l'Aîne de la Maiſon de
la Chaftre , & petit- fils de M. le
Comte de la Chaftre , Colonel General
des Suiffes .
a
Uand le merite eft veritable ,
On ne peut le defavoüer ,
Et l'on fçait toujours bien loüer
Ce qu'on trouve toujours loüable.
Ainfi moins nous fommes verfez
Dans l'Art que la Cour autorife ,
Dans cet Art flateur qui déguife
Tous les defauts qu'on a pensez,
Plus , Princeffe , pour vous nous avons
d'éloquence ;
Quand on peut dire ce qu'on penfe ,
Tome 1 V. E On
98 LE MERCURE
Onpeut toujours en dire affez.
Ce n'eft donc point en ces lieux que les
Dames
Doivent attendre les douceurs ,
Et tous les Eloges flateurs
Qui plaifent tant à la plupart des Femmes.
Nous aimons trop la verité
Pour bienfçavoir l'art desfleurettes ,
Nous ne traitons point de parfaites
Celles de qui la vanité
Met leur merite en leur feule beauté.
Nous cherchons la vertu , l'efprit & le
courage ;
Et pour avoir des loüanges de nous ,
Princeffe , il faut avoir le folide avantage
Des grandes qualitez que l'on admire en
vous.
C'est en vain que par modeftie
Vous en cachez une partie ,
La Renommée en parle , & malgré le :
Emplois
Que de vos deux Héros elie reçoit fans
ceffe , Quand
GALANT.
99
Quand l'infatigable Déeffe
Et du Prince & du Duc a conté les Ex
ploits ,
Elle trouve encor de la voix
Pour nous parler de la Ducheffe.
Ilne faut donc point employer
Les longs Préceptes de Sciences ,
Pour foûtenir les efperances
Que vous donne aujourd' huy voftre Illuftre
Ecolier.
Prince , luy dira- t- on , imitez votre
Pere ,
Et voftre Ayeul , & voftre Mere ,
Toujours de leurs vertus regardez le
Portrait.
Voila , Prince , comme ilfautfaire ,
Pour fe rendre un Prince parfait.
On m'a dit que le Pere de Villiers
eftoit l'Autheur de ces Vers ; je n'ay
pas de peine à le croire , car ils font
tres-agreablement tournez , & nous
avons veu quelques Pieces de luy qui
font affez du caractere de celle- cy .
E 2 Deux
100 LE MERCURE
Deux mots , s'il vous plaift", fur
une Avanture de l'Opéra : car comine
vous fçavez , Madame , l'Opera
eft fort propre à faire naiftre des Avantures
, & depuis que les troifiéines
Loges qu'on a retranchées à la
livrée s'occupent fans honte par
des Perfonnes de Qualité , la rencontre
des Brancards de Scaron eſt
moins divertiffante que celles qu'on
fait tous les jours.
Y
Une Marquife du plus haut rang
(il en eft de toutes les fortes ) mariée
depuis fix ans à un des principaux
Officiers d'un fort grand Prince ,
auroit d'affez méchantes heures à
paffer par les frequens fujets qu'il
luy donne de jaloufie , fi elle n'avoit
la prudence d'accommoder fon coeur
à la neceffité de fa fortune . Ce n'eft
pas qu'il n'ait de la tendreffe , & une
confideration toute particuliere pour
elle , mais il fe laiffe entraîner à
un panchant coquet qu'il ne fçauroit
vaincre , & quoy qu'il ne foit.
pas
GALAN T. ΙΟΙ
pas fort jeune , il eft tellement né
avec la Galanterie , qu'il n'a pû s'en
défaire par le Sacrement. Il faut
qu'il voye les Belles . Il les régale ,
les mene à la Comédie & à l'Opéra,
leur donne des Feftes ; & la fage
Marquife qui fçait combien l'éclat
eft dangereux avec un Mary fur ces
fortes de commerces n'a point
trouvé de meilleur party à prendre
que celuy d'en plaifanter , &
de fe divertir de fes Rivales quand
elle en peut découvrir l'Intrigue.
Le Marquis qui commence déja
à grifonner , a fait habitude depuis
peu avec une aimable Bretonne qui
eft venue icy poursuivre un Procés
avec fon Mary. La belle eft
une de ces Femmes qui ne veulent
point eftre aimées à petit bruit ,
qui trouvent de la gloire dans le fracas
, & qui aiment mieux entendre
dire un peu de mal d'elles , que de
n'en point faire parler. Elle n'eft pas
la feule de ce caractere , & nous en
E 3 voyons
102 LE MERCURE
voyons tous les jours qui fe mettent
peu en peine du Qu'en dira-t- on
pourveu qu'elles fe puiffent juftifier
à elles-mefmes du cofté de leur vertu.
Les apparences font contre elles
tant qu'il vous plaira , l'innocence
de leurs intrigues eft un témoigna
ge qui les fatisfait , & n'ayant rien
de honteux a fe reprocher , elles pretendent
que c'eft une folie de s'affujettir
a vivre felon le caprice des
Sots , qui fans vouloir penetrer les
chofes , ne confultent que leur malignité
dans le jugement qu'ils en
font. Voila l'humeur de la belle Bretonne.
Le fafte luy plaift , & elle
ne haït pas les connoiffances d'éclat.
On a beau en médire , il fuffit qu'elle
foit contente d'elle- mefine , pour
ne pas renoncer aux plaifirs qu'elle
s'en fait. Une Vifite du grand air
la réjouit ; & comme le Marquis
fait affez bonne figure a la Cour ,
elle s'accommoderoit fort des fiennes
, fi en les faifant trop longues ,
il
GALAN T. 103
il ne rompoit pas les mesures qu'elle
prend pour ménager trois ou quatre
Proteftans dont elle aime a fe divertir.
Elle en a un Confeiller , un autre
de profeffion de Bel Eſprit ( car
il luy faut de tout) & elle trouve
moyen de rendre leurs pretentions
compatibles avec les foins d'un Etranger
, dont la finance & l'équipage
luy font quelquefois d'un fort
grand fecours. Le Mary n'y trouve
rien a dire. Il a un Procés qui luy
tient plus au coeur que fa Femme.
Les fortes Sollicitations font des abondances
de Droit qui ne fe doivent
jamais negliger ; & de quelque maniere
que ce puiffe eftre , quand on
a des Juges a faire voir , il eſt bon
de fe faire des Amis. Le Marquis
n'eut pas veu trois fois la belle Bretonne
, que la Marquife fa Femme
en fut avertie . Elle voulut voir fi elle
eftoit digne des affiduitez de fon
Mary, fe la fit montrer a l'Eglife ,
luy trouva de la beauté , & jugeant
E 4 par
104 LE MERCURE
par les agrémens de fa perfonné
que l'attachement du Marquis pourroit
avoir de la fuite , elle ne fongea
plus qu'a s'informer a fond de
l'efprit & de la conduite de fa nouvelle
Rivale. Elle n'eut pas de peine
a découvrir fes habitudes. On luy
nomma fur tout l'Etranger , qui luy
eftoit déja connu par la grande dépenfe
qu'on luy voyoit faire. Cet
éclairciffement ne luy fuffit pas. Elle
pratiqua des Efpions qui la fervirent
fi fidellement , qu'il ne fe paffoit
plus rien chez la belle Bretonne
, dont elle n'euft auffi- toft avis .
Elle fçavoit toutes les Vifites que luy
rendoit fon Mary , les heures qu'elle
ménageoit pour le Confeiller , &
les tefte- a- tefte que l'Etranger en obtenoit.
Sur ces lumieres elle mouroit
d'envie de trouver cette Rivale en
lieu où feignant de ne la point connoiftre
, elle puft luy rendre une partie
du chagrin qu'elle luy caufoit. L'occafion
s'en off rit par une rencont re
fort
GALAN T. 105
fort inopinée. La Marquife fçavoit
que fon Mary avoit retenu la Loge du
Roy à l'Opéra , quand fes Efpions
luy viennent dire que la belle Bretonne
y alloit anffi , fans qu'ils euffent pû
découvrir avec qui. La Loge louée
par le Marquis ne luy permet point
de douter que ce ne foit elle qu'il y
mene. Elle veut eſtre témoin de fes
manieres avec elle pendant ce Divertiffement.
La.chofe ne luy eft pas
difficile. Elle prend un habit negligé;
& avec une feule Suivante , elle
fe fait ouvrir les troifiémes Loges
oppofées a celle où devoit eftre fon
Mary. Elle y trouve un Laquais qui
gardoit des Places , reconnoift la li–
vrée ; & s'imaginant qu'il y avoit de
l'avanture , parce que la précaution
de les faire retenir au troifiéme rang ,
eftoit une marque de Rendezvous ,
elle prend les fiennes fur le meſme
Banc , & obferve avec gtand foin
ceux qui viennent un moment apres
occuper les autres . C'eftoit l'Etran-
ES
ger
106 LE MERCURE
ger avec une Dame , qui ayant ofté
deux ou trois fois fon Loup , tant
a cauſe de l'obſcurité du lieu , que
dans la penſée qu'elle eut que rien
ne luy devoit eftre fufpect aux troifiémes
Loges , fit connoiftre a la
Marquife qu'elle avoit aupres d'elle
cette mefine Bretonne pour qui elle
croyoit que fon Mary euft fait garder
la Loge du Roy. L'occaſion eftoit
trop favorable pour n'en pas profiter.
La Marquife demeure mafquée
, les laiffe jouir quelques mo
mens du tefte-a- tefte , & fe met enfin
adroitement de la converfation
fur des matieres indiferentes. On
commence d'allumer les chandelles ,
ou ouvre la Loge du Roy , le Marquis
y entre avec des Dames qu'il
fait placer , & l'Etranger l'ayant
nommé d'abord , & adjoûté qu'il
falloit qu'il fuft toûjours avec les Belles
, la Marquife prend la parole , &
dit qu'il y auroit dequoy faire un Volume
de fes diferentes intrigues d'amour
GALAN T. 107
mour , fi on les fçavoit auffi particulierement
qu'elle. En mefme
temps elle commence l'Hiftoire de
deux ou trois Femmes que la belle
Bretonne n'eftoit pas fâchée d'écouter
, s'imaginant qu'elle ne viendroit
pas jufqu'à elle , ou que du moins
elle ne parleroit que de quelques Vifites
qui ne devoient pas avoir fajt
grand bruit dans le monde. Cepen
dant la Marquife qui avoit fon but ,
voyant rire de quelque Avanture de
fon Mary : ce qu'il y a de plaifant ,
pourfuit- elle , c'eft que le bon Mar
quis qui donne à tout , a quité la
Cour pour la Province ; c'eft à dire
qu'il fait prefentement
fon quartier
chez Madame de *** C'eſt une
Bretonne qui a des Amans de toute
efpece , qui les ménage tous a la
fois , & qui entr'autres fait fa Dupe
d'un Etranger qu'on tient d'ailleurs
honnefte Homme , & qui meriteroit
bien de ne pas mettre comme il
fait fa tendreffe à fond perdu avec
E 6 .
une
108 LE MERCURE
une Belle , qui en aimant d'autres
que luy , ne le confidere que pour la
dépenſe qu'il fait aupres d'elle. La
Bretonne defefperée de ce commencement
, interrompt la Marquife &
tâche a tourner le difcours fur l'Opéra.
Mais elle a beau faire , l'Etranger
qui eft bien- aife de s'éclaircir de
e qui le regarde , la prie de continuer
, & malgré les interruptions
de fa Rivale , la Marquife informêe
de toute fa conduite par fes Efpions ,
n'oublie rien de ce qui luy eft arrivé.
L'Etranger connoift par la que quand
elle a quelquefois refufé de paffer
l'aprefdînée avec luy , c'eft parce
qu'elle l'avoit déja promiſe a un autre
, & qu'elle ne luy eft venue parler
depuis huit jours dans fon Anti-chambre
, d'où elle avoit grand' hafte de
le congedier , que pour l'empefcher
de voir qu'elle difnoit tefte-a-teſte
avec le Marquis en l'abſence de fon
Mary. Toutes ces particularitez mettent
la Bretonne dans la derniere furpriſe
,
GALAN T. 109
prife , elle croit que le lieu où ils font
donne l'efprit de Prophetie ou de
Revelation ; & l'Opéra commengant
, elle feint de l'écouter , mais
apparemment elle n'eftoit pas fort en
eftat de juger de la bonté de la Mufique.
La Marquife fort contente du
rôle qu'elle avoit joué , s'échapa
avant la fin du cinquiéme Acte . Il
eft à croire que l'Etranger qui eftoit
demeuré fort refveur depuis l'inftru-
Ation qu'il avoit reçeu , dit de bonces
chofes à la Bretoune apres le
départ de la Marquife . On a fçeu depuis
, qu'ils avoient rompu enfemble
, & voila comme quelquefois
un Rendezvous de tefte a- tefte produit
des effets tous contraires a ce
qu'on s'en promet ,
Le Roy en partant de Cambray pour
Dunkerque , nonma Monfieur le
Duc de Crequy Ambaffadeur Extraordinaire
aupres de Sa Majefté
Britannique , laquelle en mefine
temps fit choix de M. le Comte de
SunderIIO
LE MERCURE
Sunderland , pour venir en France
avec la mefme qualité . De femblables
Ceremonies fe pratiquent ordinairemenr
entre les Roys lors qu'ils
vifitent leurs Frontieres & qu'ils approchent
de celles de leurs Voifins.
Vous fçavez , Madame , de quelle
maniere Mr. le Duc de Crequy foûtient
de pareils Emplois il a de
l'efprit , de la prudence & un air de
grandeur qui n'eft mellé que de la
fierté neceffaire aux Perfonnes de fa
naiffance . Mr. le Comte de Sunderland
eft jeune encor , mais il entend
tres-bien les Affaires ; & ceux qui
connoiffent fon merite l'eftiment infiniment.
Monfieur le Duc d'York
envoya auffi le Milord Duras pour
faire Compliment à Sa Majeſté . Il
eft de la Maifon de Duras , Frere du
Duc de ce Nom , & de Monfieur le
Marefchal de Lorge. Son merite &
fa valeur l'ont fait eftimer du Roy
d'Angleterre , qui luy a donné des
Emplois dignes de fa naiffance pour
le retenir dans fa Cour,
Le
GALAN T. fi
Le Roy apres avoir vifité les Places
maritimes , revint à S. Omer. Il
rencontra en Bataille aupres de la
Ville le Regiment des Dragons Dauphins
, à la tefte duquel il fut falüé
par Monfieur le Duc d'Elbeuf , comme
Gouverneur de la Province , &
par Mr. le Comte de Longueval , qui
eftoit accompagné de deux Regimens
de Cavalerie. Sa Majefté demanda
à voir la Tranchée qui eftoit du cofté
de la Porte- Neuve , & apres l'avoir
vifitée depuis la tefte juſqu'à la
queue. Elle alla en fuite au Fort de
S. Michel qui eft à la portée du Canon
de la Ville. Elle le trouva admirable
, tant pour fa beauté , que pour .
fes Fortifications. Ce Pofte contient
cinq cens Hommes de Garnifon. Le
Roy en retournant à la Porte de la
Ville , vifita tous les Dehors & la
Contrefcarpe tres-bien paliffadée , &
accompagnée de belles & fortes Redoutes
qui auroient rendu l'abord du
Foffé imprenable , fi la Place avoit
efté
112 LE MERCURE
efté attaquée par des Commandans
moins hardis , & par des Soldats
moins accouftumez a vaincre. Le
Roy en continuant fa Vifite , raiſonnoit
fur les endroits les mieux fortifiez
d'une maniere qui le faifoit admirer
de tous ceux qui l'écoutoient. Sa
Majefté fut haranguée à la Porte de
la Ville par l'Abbé de Clairmarets ,
& en fuite par tous les Magiftrats
qui furent charmez de l'obligeante
reception que ce Prince leur fit . Quoy
que la pluye qui n'avoit point ceffé
depuis long - temps continuât toûjours
, il monta fur le Rempart , accompagné
de Monfieur le Marefchal
de la Feuillade , de Monfieur
de Louvois , de Monfieur de S. Geniés
, & de tres- peu de fuite , ayant
donné ordre à tous fesGardes de l'attendre
à l'entrée de la Porte. Sa
Majefté le vifita d'un bout a l'autre
jufqu'aux moindres endroits . Elle en
admira non feulement la beauté, mais
la régularité des Fortifications qui
font
GALAN T. 113
font au deffus des Demy- lunes doubles
& frequentes. Les Foffez luy
parurent d'une prodigieufe grandeur.
ils font environnez de Canaux & de
Marais d'une tres - grande étendue ,
qui rendent les environs de la Place
inacceffibles. Le Roy qui eftoit monté
par la droite , vint defcendre par
la gauche , au mefime endroit du
Rempart, qui a du moins une lieuë de
circonference. Sa Majefté entra dans
la Ville toujours à cheval , accompagnée
de Monfieur & de toute la
Cour , & fuivie de fes Gardes , les
Ruës eftant bordées des Troupes de
la Garnifon. Les Dames eftoient aux
feneftres tres -parées , & marquoient
beaucoup de joye de voir Sa Majeſté
qui les falia toutes malgré la pluye
continuelle. Le peuple rempliffoit les
Remparts, & eftoit en confufion dans
les Places publiques , & à l'entrée des
Ruës de traverfe, Les uns crioient
Vive le Roy , les autres Vive le Roy de
France , & d'autres le Roy Louis &
noftre
114 LE MERCURE
noftre bon Roy. Le lendemain ce Prince
s'occupa tout le jour a vifiter les
beaux endroits & les Forts qui font
hors de S. Omer. Il alla voir les Illes
flotantes , & le Fort des Vaches ,
dont la priſe a ' fort contribué à la
réduction de la Ville. Je vous ay fait
le détail de cette merveilleuſe action ,
dont Sa Majesté loua la vigueur. Elle
dit beaucoup de chofes obligantes à
Mr. le Comte de Longueval , & il
fut loué de toute la Cour , qui parla
auffi fort avantageuſement de tout le
Corps des Dragons Dauphins. Le
Roy n'ayant plus rien a voir dans
Saint Omer , en partit pour viſiter
les autres Places , & continua a prendre
beaucoup de fatigues pendant que
les Troupes qu'il avoit fait mettre en
Quartier de rafraifchiffement fe repoloient.
J'ay oublié a vous dire en
vous parlant du Siege de S. Omer ,
qu'on ne peut mieux fervir le Roy
qu'a fait Mr. le Duc d'Aumont, Ily
mena , malgré les mauvais chemins ,
touGALANT
115
toutes les Milices du Boulonnois
avec une diligence inconcevable :
Elles furent utiles a beaucoup de chofes
, & il feroit difficile d'en trouver
de meilleures dans le Royaume.
Je croy devoir vous avertir ( &
vous ferez fans doute bien- aiſe de
l'apprendre ) que quand le Courier
de Flandre qui portoit a Dom Jüan
la Nouvelle de nos dernieres Conqueftes
arriva a Madrid , la plupart
des grands Seigneurs de la Cour fe
rendirent chez ce Prince pour fçavoir
le fuccés de nos Siéges . Il ne tarda
gueres a fatisfaire leur curiofité ; &
s'imaginant bien que des Exploits fi
furprenans ne pourroient eftre longtemps
cachez , quelque précaution
que l'on prift pour en dérober la connoiffance
aux Peuples , il fortit de
fon Cabinet , & dit à tous ceux qui
eftoient dans fon. Anti - chambre ,
Que le mal eftoit trop grand pour le diffimuler
; Que trois de leurs meilleures
Places venoient d'eftre prifes , & que
le
116 LE MERCURE
le Prince d'Orange avoit perdu une
Bataille. Un Grand d'Espagne repartit
auffi-toft , Que l'Etoile du Roy de
France alloit bien vifte. Dites fes forces
& fa valeur , répondit Dom Jüan,
& avouez avec moy, continua ce Prince,
Que la Fortune eft inséparable de
fon grand merite. Avouez à voftre
tour, Madame, que Dom Juan a rendu
juſtice au Roy , & que lors que la verité
force un Ennemy à faire l'Eloge
de fon Vainqueur , on y doit adjoûter
plus de foy qu'a toutes les loüanges
qui peuvent eftre foupçonnées de
Aateries .
Le Roy ayant fait raffembler fon
Armée de Flandre , en fit la reveuë
pendant trois jours ; & quoy qu'elle
euft pris trois des plus fortes Places
de l'Europe , & donné une Bataille ,
elle fe trouva encor de quatre- vingt
feize Eſcadrons , & de trente- huit
Bataillons compofez de tres - belles
Troupes. Sa Majeſté qui n'ignore
le merite d'aucun de fes Officiers , a
donné
GALAN t. 117
donné la Charge de Cornete des
Moufquetaires de la premiere Compagnie
, qui vaquoit par la mort de
Mr. de Moiffac , à M. de Monpapou
Lieutenant aux Gardes ; c'eft un
fort honnefte Homme , & qui s'eſt
toûjours fait aimer par tout où il a
fervy.
Elle a auffi fait connoiftre la fatisfaction
qu'Elle avoit reçeuë des fervices
de Mr. le Chevalier de Tauriac,
en le faiſant Enſeigne des Gens - d'armes
Ecoffois.
Mr. Courtin , Confeiller d'Eftat ,
& Ambaffadeur pour Sa Majeſté en
Angleterre , a eu congé de venir icy
a caufe de fon indifpofition. Il a
rendu des fervices importans en plufieurs
grandes Ambaffades. Il a efté
en Suede , & on l'avoît déja envoyé
en Angleterre avec Monfieur de Verneüil
. 11 a efté auffi employé en
Allemagne & en Flandre , pour travailler
au Reglement des Limites ,
avant fon Ambaffade d'Angleterre

118
LE MERCURE
où il eft encor. Il s'eftoit trouvé aux
Conferences de la Paix à Cologne
avec Monfieur le Duc de Chaunes ,
& Mr. de Barillon qui vient d'eftre
choifi pour aller occuper fa place aupres
de Sa Majesté Britannique. Leur
efprit a confirmé ce qu'on a veu de
tout temps , en faifant connoiftre que
les Gens de Robe ne font pas moins
capables des grandes Ambaſſades ,
que ceux d'Epée .
Avant que le Roy euft quité la
Frontiere , il avoit nommé Mr. l'Abbé
de Maupeou , Fils du Preſident de
ce Nom , & Parent de Mr. de Pompone
, au Doyenné de S. Quintin , &
ayant fçeu que cette Nomination appartenoit
au Chapitre , il voulut laiffer
aux Chanoines l'entiere liberté de
leurs Droits . Ils s'affemblerent , &
ne trouvant pas un plus digne Sujet
pour en faire leur Doyen , que la perfonne
de Mr. l'Abbé de Maupeou
toutes leurs voix fe réünirent à celle
de Sa Majefté.
MefGALAN
T. 119
Meffieurs les Premiers Prefidens
des Compagnies Souveraines ont fait
Compliment au Roy à fon retour fur
fes nouvelles Conqueftes. Ils ont efte
conduits avec les Ceremonies accou→
ftumées. Mr. de Lamoignon a parlé
pour le Parlement , Mr. Nicolaï
pour la Chambre des Comptes , Mr.le
Camus pour la Cour des Aydes , &
Mr. de Chauvry pour celle des Monnoyes.
Mr. de Pomereuil a fait fon
Compliment au nom de la Ville , &
Mr. le Prefident Barentin pour le
Grand Confeil. Vous me difpenferez
, Madame , d'entrer dans un plus
grand détail fur cet Article. Vous
pouvez croire qu'il s'eft dit de belles
chofes fur une matiere qui en fournit
tant. Le Nonce de Sa Sainteté , &
Meffieurs les Ambaffadeurs de Venife
& de Savoye ont auffi fait leurs Complimens
à Sa Majeſté ſur le meſme
fujet avec la délicateffe qui eft fi naturelle
à ceux de cette Nation. Vous
pouvez croire , Madame , que l'Académie
120 LE MERCURE
démie Françoiſe n'a pas manqué de
s'acquiter auffi de ce devoir. Mr. Quinault
Directeur de la Compagnie
porta la parole parole , accompagné des
Perfonnes du plus haut rang qu'il y ait
dans cet Illuftre Corps . Mr. le Marquis
de Dangeau , qui en eft , les
traita en fuite avec une magnificence
qui ne furprit point , parce qu'elle
luy eft ordinaire. Je ne vous dis rien
du fuccés qu'eut cette Harangue ,
j'efpere vous en entretenir ampleinent
une autre fois.
Monfieur le Duc du Mayne partir
ces jours paffez pour aller prendre
les Eaux de Barrege , par l'Avis de
Mr. Fagon, qui paffe pour un des plus
habiles Medecins que nous ayons , &
qui connoift le mieux les Simples.
Ces Eaux avoient commencé à foulager
ce jeune Prince dés l'année derniere.
On ne peut avoir plus d'efprit
pour fon âge. Il a du Jugement , de
la vivacité, du feu & des reparties admirables
. Voicy des Vers qui ont efté
faits
GALAN T. 121
faits fur fon départ , par M. le Prefident
Nicole , à qui les agreables Traductions
qu'il a données au Public de
nos Poëtes les plus Galans ont acquis
tant d'eftime & de reputation. Il
fait parler Clagny , Maiſon de plaifance
où Monfieur le Duc du Mayne
va fe divertir quelquefois.
CL A G N Y ,
A MONSEIGNEUR
LE DUC DU MAYNE ,
Q
Sur fon Voyage de Barrege .
Uoy vous m'abandonnez , & fans
flater mapeine
Vous meditez , mon Prince , une abfence
inbumaine ?
Vous partez, de Clagny quand la faifon
des fleurs 4.
ī
Vient émailler ces lieux de leurs vives›
couleurs:
Vous partez de Clagny , lors qu'avec le·
Zephire ,
Tome I V. F Flore
122 LE MERCURE
Flore y vient établir fon agreable Empire,
Qui vous trouvant abfent de ce charmant
Séjour,
va faire luire ailleurs les pompes de fa
Cour.
Déja mes Orangers retirez de leur ferre,
Qui d'un vert d'émeraude enrichiſſoient
la terre ,
Triftes de ce départ qu'ils n'ont pû présfentir,
De leurs fombres Palais ont regret de
fortir:
Leur couleur fe dément , & leur feuille
moins verte ,
Marque aſſez la douleur de leur fenfible
perte;
Leur odeur est fansforce , & leursfruits
paliffans
Demeurent fans éclat›fur» leurs troncs
languiffans.
Que Barrege eft heureux ! que je luy
porte envie!
Il me vole des jours de voftre illuftre vie ;
Et quoy que ce larcin me donne de l'enney,
Je
GALANT. 123
Je n'ofefoûpirer, ny meplaindre de luy ,
Le fujet qui le cauſe , & qui fait cette
abfence,
Pour n'ypas confentir m'eft de trop d'im
5 portance ,
Et le dernier fuccés que fes eaux ont
produit ,
Avec trop de bonheur m'en ont fait voir
le fruit.
Et bien réfolvons - nous , donnons noftre
Suffrage ,
Confentons fans chagrin à cet heureux
voyage ;
Mais , mon Prince , du moins haftez
voftre retour ,
Rendez - moy promptement l'objet de
mon amour ,
Rendez-moy mon Héros , & calmez ma
tristesse ;
Ramenez à Clagny toute noftre allegreffe
,
Revenez pour me plaire & pour plaire
aux beaux yeux
De la Divinité qui préfide en ces lieux.
F 2 Je
124
LE MERCURE
Je vous envoye le Sonnet par Echo
dont on vous a parlé , & qu'on appelle
le Sonnet des quatorze Autheurs.
Il eft adreffé à quelque Abfent
qui doit eftre de Gascogne , &
apparemment la clef ne s'en peut
trouver que dans le quartier de
Clery.
Ul n'a depuis trois mois au quar- Num
tier
de Clery
Ry ,
Chacun às'exempter defrais & de defpenfe
,
Penfe ,
Iris à ton ennuy prend depuis t'on départ
,
Part ,
Peut- on voir un deftin à qui pour toy
foûpire,
Pire?
Je fçay bien qu'ilfaudroit un femblable
Taire ,
miftere
Mais pour fe retenir on feroit un effort
Fort ;
Et de plus un Gafcon qui ne tient de vul.
gaire
Guere ,
Aime
GALAN T. 125
Aime ces bruits flateurs , & n'en prend
de chagrin
Grain ,
Amour fous d'autres Loix le Pfalmifte
Dorange Range,
Phebus hors du Quartier va prendrefort
fouvent
Vent ,
La Femme d'Alcidon eftoit pour l'Hymenée
Née ,
Le Treforier Tirfis droit à l'argent com-
Tend ,
• ptant ,
On prend l'air à Viry pendant que la
vendure ,
Dure ;
Pour t'en apprendre plus , il faudroit te
pouvoir
Voir
Je paffe à l'Article que vous m'avez
demandé de Monfieur le Marefchal
Duc de Vivonne ; & puis que vous
yous intereffez fi fort dans ce qui
le regarde , je vous écriray ce qui en
eft venu à ma connoiffance. Les
Secours que le Roy luy a envoyez de
François & de Suiffes , font , dit- on ,
F3 arri
126 LE MERCURE
arrivez & fe mettront bientoft en
eftat d'executer les Projets qu'il a
faits pour affermir l'authorité du Roy
dans la Sicile, & étendre fes Conqueftes
. Vous fçavez Madame , que ce
Sage Vice- Roy a efté obligé de mettre
en Garnifon dans les Places qu'il
conquit l'année derniere , une partie
des Troupes qui luy reftoient , &
qu'il en faut toûjours un nombre confiderable
dans Meffine, où les Efpagpols
confervent des intelligences &
font continuellement des entrepri
fes pour taſcher à ébranler la conftance
des Meffinois . Vous ne fçau
riez croire l'affection que ces Peuples
ont pour M. le Marefchal de
Vivonne. Elle eft telle qu'on peut
dire qu'elle ne contribuë pas peu
la confervation de l'authorité du Roy
en ces Pays - là. On confidere en
luy une bonté extraordinaire , une
affabilité où les Eſpagnols n'avoient
jamais accouftumé les Siciliens , une
juſtice que rien ne fçauroit corrom
GALAN T. 127
rompre , & un des- intereffement
dont il ne peut eltre affez loüé. Ces
nouveaux sujets de la France ont ad.
miré comme nous fa Valeur , quand
ils l'ont veu arriver chez eux dans
P'extrémité où ils eftoient réduits , en
leur portant l'abondance , apres avoir
défait les Ennemis dans un Combat
inégal. Ils ont efté entretenus dans.
cette opinion par la refolution qu'il
avoit faite d'entreprendre für l'Armée
Navale des Efpagnols dans le
Port de Naples. Elle ne trouva d'obftacle
que par l'impoffibilité qui s'y
rencontra quand on fut fur le point
de l'executer. Il eftoit difficile que
Monfieur de Vivne n'acquift pas
leur amitié , par les foins continuels
qu'il avoit de leur faire venir des vi
vres, & de faire des prifes confiderables
fur leurs Ennemis , pour ramener
chez eux l'abondance dans un
temps où ils eftoient privez de tous
les Secours de leur Païs. La con
fiance qu'ils avoient en luy , parut
F 4
par128
LE MERCURE
particulierement lors qu'il voulut aller
à cette grande Expedition où M³.
du Quefne défit l'Armée ennemie ,
commandée par le fameux Admiral
Ruyter. 11 modera l'envie qu'il avoit
d'acquérir de la gloire , dans un Combat
où il devoit avoir le premierComimandement
pour fe rendre à l'amour
de ces Peuples qui defefperoient de
leur confervation , s'ils laiffoient éloigner
celuy qu'ils regardoient comme
leur Pere. Apres le gain de la Bataille ,
où Monfieur du Quefne fit de fi belles
chofes , & où tous les Commandans
fe fignalerent , noftre Armée
Navale fut obligée de fe retirer en
Provence, tant pour faire radouber les
Vaiffeaux , que pour prendre des Vivres
qui pouvoient manquer. Alors
Monfieur le Marefchal de Vivonne
confiderant qu'il en reftoit fort peu
dans Meffine , & qu'il n'y avoit pas
de feureté pour le paffage de M. de
Chafteaurenaud , qui venoit de France
avec un Convoy , parce que les Ennemis
GIA LAN T 129
-
nemis qui n'avoient pas tant de chemin
à faire , feroient toûjours en
eftat de luy empefcher l'entrée du
Phare , il conclut la fameufe Expedition
de Palerme dont vous fçavez le
détail , malgré les oppofitions de
quelques - uns qui voyoient le danger
plus grand que luy , ou qui n'avoient
pas tant d'ardeur pour la gloise.
Les chofes luy réuffirent comme
il l'avoit efperé , le Convoy arriva
heureuſement , les Ennemis firent
une perte dont ils n'avoient point
encore veu d'exemple , & noftre
Marefchal retourna triomphant dans
Meffiae. L'amour des Peuples redou
bla pour luy comme il redoubla fes
foins pour les conferver ; il décou
vrit beaucoup de Conjurations , &
mefme contre la vie , & il ne prit
cependant de précaution que pour
empefcher les entrepriſes des Ennemis
fur les nouveaux Sujets d'un Roy
que ceux qui le conno.ffent fçavent
qu'il aime uniquement , & pour qui
F 5
il
LE MERCURE
iffacrifiëroit de bon coeur toutes cho
fes. Ainfi quelque paffion qu'il ait
pour la gloire , elle n'approche point
de l'amour qu'il a spour le Roy fon
Mailtre . Vous croyez bien, Madame,
quepour faire tout ce qu'on en public,
Il ne faut pas qu'il dorme toûjours
comme veulent faire croire les En
nemis dans leurs Gazettes ; mais il
fe donne fi peu de peine pour avoir
des Gens qui faffent courir de luy
des bruits avantageux , qu'il ne faut
pas s'étonner s'il s'en répand quelquefois
d'autres qui trouvent de la
créance parmy les gens qui ne connoiffent
pas cet Illuftre General , mais
cela eft bien - toft détruit par la
force de la verité ; & tout l'artifice
de fes envieux , dont les Perfonnes
comme luy ne manquent jamais , ne
peut rien contre la reputation que
fes belles actions luy ont acquife. La
prife d'Augonfte & de tant de Places
qui fortifient le party des Meffinois
renverſe tout ce qu'on peut in-
1
venGALAN
T.
131
venter pour obſcurcir l'éclat de fa
gloire. Il ne la veut devoir qu'aux
fervices qu'il rend à fon Prince , &
il en laiffe le foin à ceux qui écrivent
les evenemens de ce Siecle , fans fe
mettre en peine d'avoir des Prôneurs
à la Cour. Je ne vous dis rien de la
grande Action de Palerme, Vous la
fçavez , mais vous ne fçavez peuteftre
pas que le bruit qu'elle fit chez
les Turcs y porta tant de terreur
qu'ils redoublerent les Garniſons de
toutes les Places maritimes qu'ils ont
de ce cofté la. 1
Les belles chofes eftant belles en
tout temps , je ne veux pas differer a
vous faire part d'une Elegie qui vient
de m'eftre remife entre les mains ,
quoy qu'il y ait déja trois ou quatre
ans qu'elle foit faite . Je fçay que
l'Academie l'a fort eftimée. Elle eft
de Monfieur le Duc de S. Aignan , &
je ne doute pas que fes Vers ne vous
plaiſent autant qu'a fait fa Profe dans
les Lettres qu'il a écrites au Roy
F 6 fur
132
LE MERCURE
fur fes Conqueftes . Il fit ceux- cy
dans une Maifon de Campagne proche
du Havre , fur une affaire particuliere
qui luy arriva. On a eu peine
à les recouvrer , parce qu'ayant brûlé
prefque tous fes Ouvrages , on n'a
pû conferver que ceux qu'on à trouvé
moyen de luy dérober en les copiant.
.
ELEGI E
D"
Ugrand monde & du bruit l'ame
peu fatisfaite,
Pour trouver du repos je cherche une
retraite,
Et fortant de la Ville apres cent maux
foufferts,
}
Je viens chercher du Bec les aimables
Deferts .
Ceféjour agreable encor qu'ilfoit champestre,
Ne fert que rarement à fon illuftre Maifire,
Et l'obligeant Emire en tous lieux révere
, A ma
GALANT.
133
AmaBarque agitée offre un Port affuré.
Trompeufe ambition ! Grandeur imaginaire
!
Qu'en vous le bien eft rare & le mal
ordinaire !
Que le plus infenfible & le mieux preparé,
Boit chez vous de Poifon dans un Vafe
dore!
Qu'une foule importune au feul gain attachée
,
Sous un fafte apparent tient de fraude
cachée !
Que lesfermes Amis fe trouvent peu fouvent
!
Qu'on bâtit de projets fur un fable mouvant
!
Et qu'heureux eft celuy dont l'adroite
Science
Sçait joindre le fecret avec la défiance ,
A peu de vrais Amis qui fçait fe retran-
*
cher ,
Qui garde bien le nombre & n'en va
point chercher ,
Et quifur l'aparence enfinjamais nefonde
La
334
LE MERCURE
La folle opinion deplaire à tout le monde!
Onferoit unprodige en vertus achevé.
Qu'on feroit vicieuxpour ungouft dépravé,
L'on a veu comparer l'honneur à l'arti-
A fice ,
Les liberalitez à l'infame avarice ,
La douceur à l'aigreur , l'orgueil à la
bonté,
Aux lafches actionsla generofité,
Le modefte à celuy quifait le neceffare ,
Et l'ame la plusfourbe , au coeur le plus
fincere.
Cependant du menfonge infames Artifans
,
Un Monftre vous devore , & fait des
Partiſans ,
Voit dans fes interefts ceux qu'il rend
miferables ,
Et des plus opreßez fait les plusfavorables.
On vantefa conduite, on vantefon efprit,
Onn'ofe contredire à tout ce qu'il écrit ,
L'amour de l'intereft fait par tout des
Esclaves,
Et
GALANT. 235
Et regne quelquefois dans les cours les
plus braves.
Al'éclat de lagloira on préfere’'le bien,
Et pour en acquerir les Crimes ne font
- rien. Viab
Quels divers embarras ne m'a- t- on point
fait waiftrebalo VIOWA C
Combien où je commande ay-je veuplus
d'un Maistrer
D'un Roy victorieux la jufte authorité ,
Apeine apâfléchir un Sujet irrité;
Ceux que j'aimois le mieux , emportez
par la brigue ,
Ont-ils à ce torrent oposé quelque digue ?
La Gloire qui m'a fait un grand Corps
aßembler
Contre les Ennemis qui voudroient noustroubler
,
M'aprefte des Lauriers dans une vafte
Plaine ,
Et je vois dans la Ville une palme incertaine
.
Un indigne Ennemyquifort defon devoir,
Songe à me faire tefte & nefefaitpas
voir , De136
LE MERCURE
Devient l'injufte Chef d'une infame Ca
bale ,
Trouve des Courtisans fans partir de fa
300) Salle , saf von ipa u want !
Et dans fes noirs deffeins doit eftrefatisqui
fait
D'avoir ofé combatre encor qu'il foit détallqufait.
Il me force à rougir lors que je lefurmonte,
Au plus fort de ma gloire il me couvre
de honte ,
Et donne par caprice en cette occafion ,
A Vainqueur & Vaincu même confufion.
Ah ! que de mon dépit la jufte violence
Mais le Roy nous l'ordonne , impofonsnous
filence,
Mon coeur , il faut donner en ces facheux
momens ,
-Au plus grand des Mortels tous nos reffentimens.
O paisible retraite , aimable folitude ,
O des plus Fortunez, charmez l'inquietude
,
M'arGALAN
T. 137
M'arrachant aux plaifirs que vous pou
vez donner ,
Ah ! quej'ay de regret de vous abandon
ner ,
(tres ,
De preferer au mien l'avantage des au-
Et ne voir de longtemps des lieux comme
les voftres !
Mais deux jours fans agir me font à regretter
,
Et ce temps , à mon gré nefe peut racheter.
Pourons - nous bien changer dans ma
plainte inutile ,
L'innocence des Champs aux fracas de
La Ville ?
De cent Beautez en vain on vante les
appas,
Món coeur ne peut aimer ce qu'il n'eftime
pas ;
Comme il nefut jamais capable de foibleffe
,
Un effort genereux rompt le trait quile
bleffe ,
Et panchant vers la Gloire , & n'eftant
plus qu'à luy ,
1
#38 LE MERCURE
Il peut bair demain ce qu'il aime aujourd'huy;
Maispour vos beaux deferts , il n'en eft
pas de mesme,
Vaftre repos flateur donne unplaifir extréme,
Sans. Iris , fans mon Maistre , Séjour
fortuné,
Vous auriez tout le coeur queje leur ay
donné.
Je quite donc l'émail de vos vertes Prairies
,
Et tout ce qui flatoit mes douces refvevies.
Allons tendre les bras à nos illuftres fers ,
Allons nous redonner au Grand Roy que
jefers ,
Obferver les projets d'unefoule importune
,
Et trouver des plaifirs dans ma noble infortune
;
Mais ilfaut bienpenferà ce que nous ferons
,
Regler nos fentimens par ce que nous
sçaurons ,
Et
GALANT, 139
Et fuivant les confeils que la raison in-
Spire,
(dire.
Voir , écouter beaucoup , agir & ne rien
L'Illuftre Duc qui a fait ces Vers ,
eft retourné depuis peu dans ſon gouvernement
, pour appliquer les foins
à ce qui regarde le fervice du Roy
avec le mefme zele qu'il a fait les années
dernieres. Ce n'eft pas qu'il ne
donne de bons ordres en fon abfence
qu'il ne foit difficile que les Ennemis
tirent avantage de fon éloigne
ment , & vous l'allez voir , Madame,
par l'Article qui fuit.
Il n'y apas long-temps qu'un Capre.
Oftendois attaqua pres des Coftes
du Havre de Grace , & dans ce
Gouvernement , deux Barques Marchandes
de Dieppe qu'il auroit prifes
indubitablement , fi M. de Benouville
Capitaine de la Cofte ne s'y fuft
promptement & vigoureufement oppofé
avec les Habitans qui font fous
fa charge. Le Capre apres avoir
aban
140 LE MERCURE
abandonné les deux Barques , les
attaqua une feconde fois plus pres du
Havre , fous la Capitainerie de Mr.
de Cauville qui fit la mefme choſe
en repouffant ledit Capre qui fe retira
fans rien tenter davantage , après avoir
tiré plus de trente coups de Canon , &
force coups
de Moufquet . Ceux qui
-font fous la charge de Mr. le Duc de
S. Aignan imitent avec tant de bon-
-heur & d'empreffement fon zele & fa
vigilance pour le fervice du Roy,qu'il
n'a pas efté poffible aux Ennemis
depuis la Declaration de la Guerre ,
jufques à prefent , de réüffir dans
aucune de toutes les entreprifes qu'ils
-ont faites fur les Coftes de fon Gou
uvernement .
J'allois fermer ma Lettre , lors
que j'ay reçeu la voftre. J'avouë
-qu'elle m'embaraffe , & il vous fera
aifé de le connoiftre , puis que j'avois
-paffé legerement fur l'Article que
zvous me demandez plus étendu. Je
ne fuis point furpris que les Harangues
GALANT. 141
gues qui ont efté faites au Roy à fon
retour par Meffieurs les Premiers
Prefidens , ayent fait affez de bruit
pour vous infpirer la curiofité d'en
fçavoir les principales penfées ; mais
quand vous m'ordonnez de la fatisfaire
, je ne vous déguiſe point que
je ne fçay par où m'y prendre : car
que vous puis-je dire là - deffus qui
approche de la beauté de ce que vous
me demandez ? Vous fçavez , Madame
, que les plus beaux endroits
d'un Ouvrage paroiffent toûjours
moins en fragmens , que lors qu'ils
font placez où ils doivent eftre ; ce
qui les devance ou ce qui les fuit
leur donne fouvent des graces qu'ils
n'auroient pas fans cela , & tout ce
que l'on en dit lors qu'on ne les fait
pas voir de fuite eft toûjours infiniment
au deffous de ce qu'il fe
roit dans le corps entier de l'Ouvrage.
Je défere pourtant trop à
vos fentimens , pour ne pas faire dés
aujourd'huy une partie de ce que
yous
14.2 LE MERCURE
Svou fouhaitez. Je vay donc vous
dire ce que je fçay de deux Harangues
feulement
feulement , en attendant que
je puiffe m'informer plus particulie
rement par des autres . Je commence
celle de Monfieur le Prefident Nicolai
; & ce que je prétens vous en dire,
n'eft ny fa Harangue , ny un Extrait
, ny meſme un fragment , c'eft
moins que tout cela , & il ne doit fervir
qu'à vous faire cóncevoir une legere
idée de quelques- unes de fes
penfées. Il a dit au Roy , en parlant
de Valenciennes , qu'on ne pouvoit
affez admirer qu'il euft pris en fi peu
de jours une des plus grandes Villes
qui pût marquer la puiffance de fes
Ennemis ; une Ville vaſte par fon
étendue, fiere de fes Privileges , org
gueilleufe par fes Boulevarts , forte
par la valeur & le nombre de fes Citoyens
, fameufe par fon Commerce,
& redoutable par nos pertes . Il a adjoûté
à tout cela qu'on fçavoit affez
de quelle forte le Roy s'eſtoit rendu
maiGALAN
TÍ 143
maiftré de cette puiffante Place , &
que de la maniere que les chofes s'eftoient
paffées , on ne pouvoit trop
louer la prudence de Sa Majefté , qui
par un feul mot de fa bouche avoit
defendu cette Ville du plus grand
malheur qu'elle puft craindre , &
dont elle n'avoit pû eftre garantie
par un million de bras , & par tant de
Princes intereffez à fa defence. If a
fait voir encor qu'on avoit admiré fur
tout , que dans un temps où l'onne
pouvoit faire un pas dans l'Europe
fans trouver quelque Ennemy de là
France , le Roy avoit conquis trois
Places dont la force n'eftoit que trop
connue, & que s'il avoit trouvé des
Ennemis , il fembloit que ce n'euft
efté que pour fervir de matiere à fon
triomphe ; Qu'on luy avoit veu fecourir
par fa prudence & par une prévoyance
merveilleufe , les lieux où
il ne pouvoit fe trouver en Perfonne ,
en y envoyant le puiffant Secours
qu'il leur fit recevoir , quand il fçeut
que
144
LE MERCURE
que les Ennemis amaffez en fi grand
nombre , venoient pour jetter de
nouvelles forces dans S. Omer ; Que
fes Armes avoient efté victorieuſes
fous la conduite d'un Prince qui ne
voit rien dans le monde au deffus de
luy, foit par fa naiffance , foit par fon
merite & fes grandes vertus , que
fon feul Souverain. Il a dit encor
d'une maniere qui a charmé tous ceux
qui l'ont entendu , que pendant que
toute l'Europe eftoit enfevelie dans
un profond fommeil , Sa Majefté feule
veilloit , la gloire & le bien de fon
Royaume luy tenant les yeux ouverts,
& que les Ennemis n'eftoient revenus
de ce profond affoupiffement
que pour voir en mefme temps leurs
pertes , & fervir à fon triomphe.
Je croy , Madame , qu'au lieu de
fatisfaire voftre curiofité , ce que je
vous envoye ne fervira qu'à l'accroiftre,
& qu'apres avoir la tant de beaux
endroits de la Harangue de Monfieur
Nicolaï , vous fouhaiterez plus
forGALAN
T. 145
fortement que vous n'avez fait de l'avoir
entiere. Je ne vous dis rien de
ce Preſident , je vous ay parlé de la
grandeur de fa Maifon & de fon merite,
lors que je vous écrivis dernierement
la mort de M. le Marquis de
Coufainville fon Fils.
Je paffe au fujet de la Harangue
de Mr. le Prefident Barentin . Il a dit
que quoy qu'il euft efté bien difficile
de pouvoir prévoir de plus grandes
chofes que celles que le Roy avoit
faites dans les précedentes Campa→
gnes , les entrepriſes de celle-cy ne
laiffoient pas d'eftre infiniment plus
grandes , puis qu'il avoit attaqué une
Place comme Valenciennes qu'on
croyoit imprenable par fa fituation
& par fes forces , & dans un temps
qui rendoit cette entrepriſe preſque
impoffible , & la Place inacceffible ;
Que cependant par fa grande valeur
& par fon extréme prudence , en
s'élevant au deffus de la Nature &
de l'Art , il avoit furmonté tous les
Tome IV. G ob146
LE MERCURE
obftacles ; & au lieu de fe donner du
repos apres une fi grande action &
tant de fatigues , il avoit affiegé deux.
Places des plus fortes des Païs - Bas
qui fe defendoient par leur feule repu
tation , & principalement Cambray ,
dont le feul nom infpiroit de la crainte
& de la terreur , laquelle prife eftoit
fi importante à l'Eftat , qu'elle
difpofoit toutes chofes à la ruine de
ceux du Roy d'Espagne, autant qu'elle
contribuoit à mettre la France en
feureté ; Que Saint Omer eftoit tombé
fous la puiffanee du Roy par la valeur
de Son Alteffe Royale , apres
un Combat glorieux ; Que les Actions
du Roy & de Monfieur avoient
trop de raport pour les pouvoir ſeparer
, Monfieur ayant trouvé l'art de
s'élever au deffus des plus grands
Héros , enimitant le plus parfait des
Rois ; Qu'il ne falloit pas s'étonner
de tant de grandes Actions , Sa Majefté
eftant foûtenuë de la protection
vifible de Dieu contre fes Ennemis
qui
GALAN T. 147
qui refufoient la Paix qu'il leur offroit
contre l'intereft de fa propre gloire.
Voila à peu pres , Madame , ce
qui fut prononcé avec une grace merveilleufe
par M. le Prefident Barentin
. Il eftoit Confeiller au Parlement
quand les Mouvemens de Paris arriverent.
On le fit Colonel de fon
Quartier , & ce fut luy qui par fa
prudence fauva M², le Mareſchal de
Lhoſpital qui en eftoit alors Gonverneur.
Il alla le prendre chez Mr.
Croifet , & paffa cinquante Barricades
avant que de le pouvoir remettre
dans fon Hoftel. Vous pouvez
croire qu'il luy fallut de l'adreffe pour
en venir à bout , & qu'il ne le fit
pas fans efluyer tous les perils où la
revolte d'un Peuple expoſe ceux qui
tâchent à le remettre dans le devoir.
Le Roy fut fi fatisfait des fervices
qu'il luy rendit dans ces temps-là ,
qui eftoient des temps fort difficiles
, qu'il le fit Confeiller d'Eftat.
Il a efté en fuite Maiftre des Reque
G 2
7
ftes,
148 LE MERCURE
ftes , & Prefident du Grand Confeil
; & apres fes Intendances , il s'eft
trouvé à la tefte de cette Compa-
,

gnie , qui a pour luy toutes les confiderations
qu'on peut avoir pour un
Chef d'un fort grand merite. Il eſt
doux & honnefte , a beaucoup de
facilité à s'énoncer & à parler en public
& donne tous les jours tant
de marques d'intégrité , qu'il ne faut
pas demander par où il peut s'eftre
acquis une eftime fi generale. Il eſt
tres- bien fait de fa perfonne , auffi
n'eftoit- il autrefois connu dans Paris
, que fous le nom du Beau Colonel.
Son élevation luy eft d'autant
plus glorieufe , que la faveur n'y
ayant jamais eu aucune part , on peut
dire qu'elle eft l'ouvrage feul de fon
merite & de fa conduite . Vous fçavez
qu'il eft Oncle de Madame la
Marquife de Louvois , Heritiere de
la Maifon de Souvray - Bois - Dauphin.
Cette Maifon eft fi illuftre & fi connuë
, qu'il fuffit de vous la nommer.
ComGALANT.
149
Comme je vous manday la derniere
fois la joye qu'on avoit fait
paroiftre à Bordeaux à l'arrivée de
Monfieur le Duc de Roquelaure ,
je croy vous devoir apprendre aujourd'huy
les honneurs qu'on luy a
rendus à Auch , ou il a efté harangue
par Meffieurs du Prefidial & par les
Confuls de la Ville . Il le fut en fuite
par les Deputez de M. le Senefchal
de Tarbe , & ce fut Mr. Caftelviel ,
Juge- Mage de Tarbe , qui porta la
parole avec tout le fucces qu'il pouvoit
attendre d'un difcours digne de
celuy à qui il eftoit adreffé. Apres
ces premieres Ceremonies. Mónfieur
le Duc de Roquelaure fe prefenta
au Chapitre , & fut reçeu par-
Mr. le Doyen de Noftre- Dame',
en l'abfence de M. l'Abbé Soupets
, Prevoſt de cette Eglife. Il
prefta le Serment comme Baron &
Chanoine Honoraire , & vint prendre
fa place dans le Choeur , où on
luy donna part aux Diftributions
G 3 Je:
150
LE MERCURE
Je ne fçay , Madame , fi vous eftes
inftruite de ce que c'eft qu'eftre Chanoine
Honoraire de cette Eglife. Il
yen a cinq , dont le Roy eft le premier
comme Comte d'Armagnac.
Les quatre autres font appellez Barons
d'Armagnac , & ce font ceux
qui poffedent les Baronnies de Montaut
, de Montefquiou , de Pardaillan
& de l'lfle . Monfieur de Roquelaure
en eft l'un , à caufe de la Terre
de Montefquiou qui luy apartient .
Au fortir de l'Eglife , il fut mené à
l'Archevefché & traité magnifiquement
par les Officiers de Monfieur
l'Archevefque d'Auch , qui eftoit abfent.
Je croy avoir oublié à vous dire
que le Roy a donné à Monfieur le
Marquis de Morvair , Lieutenant de
Roy de Breffe , la Charge de Commiffaire
General de la Cavalerie
qu'avoit M. de la Cardonniere. ll
s'eftfignalé en beaucoup d'endroits ,
& fur tout au Pafſagé du Rhin .
Sa
GALAN T. 15T
Sa Majefté a eu auffi la bonté d'ac+
cepter la Démiffion de l'Abbaye de
Trouars , prés de Caën , faite par
Mr. l'Abbé de Sourches , en faveur
d'un Fils de Monfieur le Marquis de
Sourches Grand Prevoft de France
fon Neveu. Cette grace eft d'autant
plus particuliere , que le Roy ne l'accorde
jamais à perfonne , & que les
raifons qui l'ont porté à vouloir bien
diftinguer en cela Mr. de Sourches ,
l'ont fait admirer de tous ceux à qui
elles font connues. Toute la Cour
en a témoigné de la joye , & l'on ne
peut recevoir plus de Complimens
qu'il en a reçeu des Perfonnes du plus
haut rang.
J'ay a vous dire que la Princeffe Ma→
rie-Anne dont vous me demandez
des nouvelles , n'eft point du tout
changée de fa petite verole. Elle accompagna
Madame la Ducheffe de
Wirtemberg fa Mere a Verfailles , un
peu apres l'arrivée du Roy , & elle y
parut avec autant d'éclat & de beauté
qu'elle
G
4
152
LE MERCURE
qu'elle en avoit avant cette Maladie .
Je croy, Madame, que vous n'ignorez
pas que cette Ducheffe eft Veuve du
Prince Ulric de Wirtemberg, fameux
par tant de grandes Actions qu'il a
faites dans les Guerres d'Allemagne
& des Païs-Bas , & qu'elle eft prefentement
en deuil par la mort de
Madame la Princeffe de Barbançon
fa Mere , qui mourut en fa Maiſon
proche de Liege , il y a environ deux
mois . Elle eftoit Heritiere de la Maifon
de Barbançon , & avoit épousé
le Prince de Barbançon , de l'Illuftre
Maifon d'Aremberg , Originaire
d'Allemagne .
Mr. de Thorigny , & Mr. Goëlard
ont efté reçeus depuis quelques jours
Confeillers
au Parlement, apres avoir
donné toutes les marques du capacité
& de fuffifance qu'on peut attendre
de ceux qui ſe deſtinent aux Emplois
de la Robe . Le premier eft Fils de
Mr. Lambert, Prefident de la Chambre
des Comptes. Madaine fa Mere
eft.
GALAN T. 153
eft une perfonne d'un fort grand me
rite ; Elle eft de la Maifon de Laubefpine
, Soeur de M. le Marquis de
Verderone , Gendre de Monfieur le
Chancelier.
Je n'adjoûteray rien à cela
que le
Mariage d'un de nos Illuftres , que je
fçay que vous estimez beaucoup . C'eſt
celuy de M. Racine , qui a époufé
Mademoiſelle Romanet. Elle a du
bien, de l'efprit & de la naiffance ; &
Mr. Racine meritoit bien de trouver
tous ces avantages dans une aimable
Perfonne.
?
Je croyois finir par un grand Article
des Modes , & vous parler des riches
Etofes qui fe. preparoient ; mais
la Defence de l'Or & de l'Argent qui
a efté publiée icy, a rompu toutes mes
mefures. On a fait courir le bruit
qu'il eftoit arrivé du defordre en arreftant
quelques Particuliers qui avoient
ofé contrevenir à cette Defence; mais
j'ay de la peine à croire qu'on s'y foit
voulu expofer , dans la connoiffance
qu'on
154 LE MERCURE
qu'on a de l'exactitude avec laquelle
Monfieur de la Reynie maintient les
Ordonnances du Roy. Sa Majefté a
bien lieu de fe repofer fur les foins de
ce grand Homme pour l'execution de
fes volontez . Jamais la Police n'a eſté
nyfi bien , ny fi avantageufement obfervée
que depuis qu'elle luy a eſté
commife , & on peut dire que Paris
luy eft redevable de quantité de chofes
commodes ou utiles , qu'une
moindre vigilance que la fienne ne
feroit pas venu à bout d'établir.
Je ne vous dis rien de noftre Armee
d'Allemagne . Ces fortes de
Nouvelles appartiennent à la Gazette.
Elle a foin d'en informer le Public
chaque Semaine à mesure que les
choſes arrivent , & je vous y laiſſe
prendre part comme les autres. S'il
m'arrive de vous entretenir de quelque
grande Action de Guerre , ce
n'eft jamais qu'apres qu'elle eft enticrement
confommée. Il ne m'importe
en quel temps j'en ramaffe les circonſtances
,
GALAN T. 155
ftances , & ce que je vous en envoye
fe doit pluſtoft appeller un morceau
d'Hiftoire qu'une Nouvelle que vous
ignoriez. Ainfi , Madame , vous ne
devez point eftre furpriſe fi j'ay mellé
le Siege de S. Omer aux Nouvelles
de ce Mois , quoy qu'il y en ait déja
trois que cette place s'eft rendue. Je
remets à vous parler dans ma premiere
Lettre du merite de ceux à qui
le Roy a donné des Evefchés & des
Abbayes , ou qui ont efté faits Premiers
Prefidens. J'ay des Vers du
Grand Corneille fur les Victoires de
Sa Majefté ; j'en ay de Mr. de Fontenelle
fon Neveu , qui vous plairont ·
encor davantage que l'Amour Noyé
que vous approuvez tant , & je ne
manque pas d'Avantures pour faire
d'agreables Hiftoriettes. Je fuis toujours
, & c .
AParis le 1. de Juillet, 1677 .
FIN.
On donnera un Tome du
Mercure Galant , le premier
jour de chaque Mois fans aucun
retardement.
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Remarque

Contrefaçon dite « à la sphère » du Mercure de Paris.

Soumis par lechott le